Les Affaires Worldcom Et Enron

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    Yas Bens

    Audit des fonctions et des processus

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    Les affaires Worldcom et Enron

    LAFFAIRE WORLDCOM

    En quinze ans, Worldcom, petite compagnie de discount tlphonique, fonde en 1985 parBernard Ebbers, un htelier canadien migr Clinton (Mississippi), s'est mue en rivale desgants AT&T et British Telecom. La drglementation tlphonique, le boom de l'Internetexpliquent l'ascension irrsistible de WorldCom. L'entreprise a conclu quelque 70 acquisitionsen quatre ans, s'est arrog un rseau de 150 000 kilomtres de lignes tlphoniques, arachet CompuServe, pionnier du courrier lectronique, UUNet, solution de communicationsInternet pour les clients d'affaires, ou le puissant MCI, le grand concurrent d'AT&T, en 1999.

    Ainsi, avec l'arrive de ces technologies radicalement nouvelles, et comme beaucoupd'autres oprateurs alternatifs de par le monde, Worldcom a anticip ses besoins en visant leniveau technologique suprieur. Il y a eu donc un surinvestissement dans les rseaux decommunication entretenu par les performances techniques et l'attirance pour des"rendements croissants" rsultant d'infrastructures cots fixes levs. Mais, comme lastructure de l'offre est devenue plthorique, les prix ont t tirs vers le bas. Au milieu del'anne 2002, on estime seulement 30% la part des capacits disponibles effectivementexploites.

    Cependant, cette stratgie a t fragilise par la concurrence de la tlphonie mobile etdu courrier lectronique qui dominaient la progression des communications longue distance.

    En juillet 2000, la volont de racheter Sprint pour s'implanter dans ce double secteur a tinterdite par les autorits antitrusts aussi bien amricaines qu'europennes.

    Ajout cette surcapacit des rseaux, la guerre des prix entre les rescaps de la bulleInternet ont rapidement menac Worldcom avant de couler son titre en Bourse. Ladcouverte d'une fraude comptable va provoquer un enchanement fatal. Le 21 juillet 2002,l'entreprise s'est mise sous la protection du chapitre 11 de la loi sur les faillites : cela signifieque l'entreprise peut continuer son activit l'abri de ses cranciers. Elle peut ainsi viter laliquidation condition de trouver une solution au problme de sa dette.

    La fraude a port sur des manipulations consistant comptabiliser des dpenses d'entretienen dpenses d'investissement pour un montant de 7,18 milliards de dollars (aot 2002). Ladette de 41 milliards de dollars est appuye sur des actifs d'abord valus 107 milliards.Nanmoins, la possibilit d'utiliser ces actifs dans une stratgie de dsendettement est limitecar 50,6 milliards d'actifs seraient survaloriss ou intangibles.

    "La faillite de WorldCom montre bien que la crise des tlcoms n'est pas termine, mme sil'on est probablement au sommet d'un mouvement initi la fin des annes 1980 avec lalibralisation, la drglementation et la privatisation du secteur. Ce mouvement a permisl'mergence d'un nombre considrable de nouveaux acteurs et une dmultiplication del'offre de produits et services. Je ne citerai qu'un chiffre: moins de 5% de la capacit

    mondiale des rseaux en fibre optique est actuellement utilise. Il s'agit donc bien d'une crisemassive de l'offre. Et les faillites et le surdendettement de ces entreprises produisentdsormais des effets en cascade sur le systme bancaire, les assurances et le monde de la

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    finance dans son ensemble" souligne Elie Cohen, Directeur de recherche au CNRS, dans uneinterview Libration date du 22 juillet 2002.

    LAFFAIRE ENRONENRON est la septime entreprise amricaine, et numro un mondial du ngoce delnergieavec 100 milliards de dollars de chiffre daffaires (112 milliards deuros). Sa faillite endcembre 2001 est la plus importante de lhistoire de lconomie amricaine. Un modledsign six annes de suite comme la socit la plus innovante par le magazine Fortune.Son chiffre daffaires avait t multipli par trois entre 1998 et 2000 et son cours de Bourse pardix en dix ans. Leffondrement en quelques semaines de 67 milliards de dollars decapitalisation boursire entrane la plus grave crise de confiance endure par le capitalismepopulaire, avec des consquences systmiques dans le monde conomique et la sphrepolitique. C'est tout un mode de fonctionnement du libralisme financier qui est remis encause aprs de longues annes de laisser-faire, d'injonctions adresses aux firmes de ne sesoucier que de leur compte d'exploitation et du dividende vers aux actionnaires.

    Cette banqueroute rejaillit sur le prsident BUSH et son administration, puisque ENRON fut undes principaux donateurs des rpublicains lors des dernires lections et que les dirigeants dugroupe texan ont toujours entretenu des relations daffaires troites avec lquipe aupouvoir.

    Vingt-neuf dirigeants et administrateurs sont accuss davoir profit de leur connaissance dela situation relle de lentreprise et davoir vendu massivement leurs actions ENRON av antquelles ne seffondrent. Au total, ils ont cd pour 1,1 milliard de dollars de titres ENRON

    entre octobre 1998 et novembre 2001, alors quils exhortaient jusqu la fin les salaris dugroupe conserver leurs actions.

    Les dirigeants ont cr des entits particulires (les special purpose entities) ; une nbuleusede prs de 4000 filiales et joint-venture, une pour cinq salaris ! Elles entretenaient avecENRON des relations de partenariat destines rejeter hors du primtre comptable lespertes de la socit, dissimuler des centaines de millions de dollars de dettes, chapper limpt sur les socits que ENRON na pas eu payer lors de quatre des cinq derniresannes. Pour cela, ENRON a cre 881 filiales dans des paradis fiscaux dont 693 aux lesCAMAN (LE MONDE 8/02/2002).

    Laissant plus de 40 milliards de dollars de dettes impayes, 4 500 salaris ont t licencis sans

    pravis et plus de 11 000 qui avaient souscrit un plan dpargne-retraite en actions de leurentreprise, ont perdu leurs conomies et tout espoir dune juste retraite. Lambigutdu statut dactionnaire-salari est ainsi mise au grand jour.

    LA FIN DU CABINET ANDERSENLe cabinet ANDERSEN (85 000 employs dans 84 pays), et plus prcisment Arthur ANDERSENLLP, l'entit amricaine du rseau, est charge depuis 17 ans dexaminer et de certifier lescomptes de la firme ENRON, moyennant une rmunration de 50 millions de dollars annuelspour ses activits de conseil et de contrle des comptes. Cet auditeur na jamais rien signalaux marchs (lExpress 7/03/2002). Il est accus de ngligence, voire de connivence,

    puisquil a dtruit doctobre 2001 janvier 2002 des tonnes de documents comptabl escompromettants lis cette affaire. Outre le cas dENRON, ce cabinet est galement

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    impliqu dans les difficults de GLOBAL CROSSING, un amricain de tlcommunications parfibre optique, dans celles de la Fondation baptiste d'Arizona, dans la faillite de la socitSUNBEAM et celle de WASTE MANAGEMENT. Il ne se remettra vraisemblablement pas de la

    faillite scandaleuse de son client ENRON, d'autant qu'aucune entreprise financireamricaine n'a jamais survcu une inculpation pnale par le dpartement de la Justice.

    ANDERSEN est lun des cinq grands cabinets d'audit financier du monde (les Big Five), avecPRICEWATERHOUSE-COOPERS, KPMG, DELOITTE TOUCHE TOHMATSU et ERNST & YOUNG.Longtemps numro 1 mondial, il tait synonyme d'excellence et de rigueur quasi militaire. Laligne de conduite du fondateur Arthur ANDRESEN, conseiller d'Henri FORD dans les annes1910, 1920, tait " Think straight, talk straight". Dbut 2002, ce cabinet audite plus de 2 300socits cotes aux tats-Unis et plus du tiers des entreprises qui composent le SBF 250,lindice boursier qui rassemble 250 des plus grandes socits franaises.

    Les effets des scandales sont considrables : aux tats-Unis, plus de quarante gros clients

    historiques du cabinet ANDERSEN, dont Merk, FedEx, Delta Airlines ou Ford, ont dj dcidde changer d'auditeur. Les concurrents DELOITTE et ERNST &YOUNG ont renonc unereprise globale du cabinet qui semble condamn court-terme.Une consquence de ces vnements est le climat dltre qui pse aujourdhui sur lesmarchs financiers et lenvironnement conomique.

    Dautres entreprises font lobjet dune enqute du FBI et de la Securities and ExchangeCommission (SEC) : il sagit dentreprises de nouvelles technologies, aux structures complexeset endettes comme WILLIAMS COMMUNICATIONS, IBM, lirlandais ELAN ou langlais SAGE ;en France, FRANCE TLCOM ou VIVENDI UNIVERSAL soulvent des inquitudes sur leur

    vritable sant financire.Plus que jamais, les rformes s'imposent pour clarifier les rglescomptables et viter les conflits d'intrt.

    LES CONSQUENCES

    Bien que certains conomistes comme Jean-Paul FITOUSSI restent nuancs sur ce point, pourdautres, la crise actuelle a desrpercussions mondiales qui vont bien au-del dunebanqueroute spectaculaire. Le courtier ENRON, rig en modle par la communautfinancire, branle le corps de doctrine du capitalisme des annes 90. Transparencefinancire, gouvernement dentreprise, indpendance des administrateurs, cration devaleur, aucun des mcanismes censs crer les conditions dune dmocratisation delactionnariat, voire dinstaurer un capitalisme plus partageux par les fonds de pension, naconvenablement fonctionn.

    Nous dgagerons essentiellement trois sujets de proccupation qui portent sur :

    les procdures de contrle des groupes,la dimension psychologique de la confiance dans les affairesla pertinence relle du modle conomique jusque-l propos.

    Les procdures de contrle et les garde-fous censs rendre les marchs efficientssavrent inefficaces et les autorits de tutelle ainsi que les professionnels chargs dtablirou dappliquer ces procduressont dcrdibiliss : le conseil dadministration de ENRON, lecabinet Arthur ANDERSEN, les banques daffaires, la SEC, les analystes, les agences de rating(dont le rle est de noter les entreprises selon le degr de risque quelles prsentent).

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    Certaines firmes, comme DELTA AIRLINES ou le groupe pharmaceutique MERCK ragissent endclarant leur intention de se passer dsormais des services du cabinet ANDERSEN. leurtour, ANDERSEN et les quatre autres grands cabinets daudit, souhaitant supprimer les conflits

    dintrt internes et limiter la fuite de leur clientle, annoncent la sparation prochaine deleurs activits de conseil et daudit.

    Ren RICOL, Commissaire aux comptes et prsident de la Fdration internationale desexperts comptables, sinterroge sur la possibilit dunesparation franche des missionsdaudit comptable et de la certification lgale des comptes.

    Les banques daffaires, secoues par des scandales en srie (faillite de la BCCI en 1991,affaire BARINGS en 1995, LTCM en 1998) dclarent vouloir dresser une frontire tanche entreleurs analystes, leurs traders et leurs banquiers daffaires pour prouver aux investisseurslindpendance et lintgrit des acteurs du monde financier.

    La confiance qui est la base des affaires est remise en cause, ainsi que la ralit etlauthenticit des comptes publis. Or, sans une information financire honnte et fiable, unmarch ne peut tout simplement pas fonctionner rappelait rcemment Alan BLINDER,ancien vice-prsident de la Rserve fdrale.

    Enfin, on est en droit aujourdhui, et en particulier les chefs dentreprise et les investisseurs, desinterroger sur la pertinence dun modle conomique dvoy. Les impratifs de la crationde valeur, de la hausse des cours boursiers, du financement de lexpansion et de larmunration des dirigeants ont conduit ceux-ci optimiser la rentabilit des fonds propresde leur socit et rduire leur dette, parfois au prix dunemanipulation des comptes pourne pas dsesprer les marchs.

    Ports par leuphorie boursire qui a profit aux tats-Unis et lEurope au milieu des annes1990 et au dbut de lanne 2000, les analystes et investisseurs financiers ont impos auxentreprises une norme, rapidement dirige en dogme : obtenir un rendement annuel surfonds propres dau moins 15%. Ce taux permet lentreprise (si les bnfices sont conservset rinvestis dans lentreprise) de doubler sa valeur tous les cinq ans, et de voir son coursboursier suivre la mme volution. Ce dogme explique lacclration rcente du rythme desrestructurations : cessions de divisions et de mtiers jugs peu rentables, rejet doptionsstratgiques sduisantes, mais ne satisfaisant pas limprative rgle. Cest ainsi que labiscuiterie LU et MARKS & SPENCER en France, ont ferm leurs portes au nom des intrts desactionnaires.