L’épaule rhumatoïde : stratégie diagnostique et thérapeutique

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L’épaule rhumatoïde : stratégie diagnostique et thérapeutique a Thierry Thomas 1 *, Éric Noël 2 , Philippe Goupille 3 , Bernard Duquesnoy 4 , Bernard Combe 5 1 Service de rhumatologie, CHU de St-Etienne, boulevard Pasteur, 42055 Saint-Étienne cedex, France ; 2 service de rhumatologie, hôpital E.-Herriot, hospices civils de Lyon, 5, place Arsonval, 69003 Lyon, France ; 3 service de rhumatologie, CHU de Tours, 2, boulevard Tonnellé, 37000 Tours, France ; 4 service de rhumatologie, CHU de Lille, 2, rue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France ; 5 service de rhumatologie, CHU de Montpellier, 191, avenue Doyen Gaston-Giraud, 34000 Montpellier, France polyarthrite rhumatoïde / épaule / imagerie / traitement rheumatoid arthritis / shoulder / imaging / treatment SYNOVITE DE L’ÉPAULE RHUMATOÏDE La localisation à l’épaule de la synovite rhumatoïde ne lui confère pas de particularité histologique. On retrouve bien évidemment l’hyperplasie des villosités synoviales en franges et des cellules synoviales en cou- ches successives, associée aux dépôts de fibrine et à une hypervascularisation. Aucune de ces lésions n’est spéci- fique mais leur association est très évocatrice du dia- gnostic avec une sensibilité de 42 % et une spécificité de 95 % [1]. Ces critères histologiques, difficiles à obtenir, ne sont plus retenus dans les critères de classification de la maladie mais les progrès des techniques histochimi- ques pourraient donner une valeur pronostique à l’ana- lyse de cette synovite. Il a ainsi été montré que l’expression intratissulaire de TNF-α et d’interleukine 6 était positivement corrélée à la sévérité de la maladie, alors que celle-ci était négativement corrélée à la pré- sence de lymphocytes T CD4 [2]. L’atteinte prédominante initiale est glénohumérale, souvent accompagnée d’érosion trochitérienne. Une atteinte acromioclaviculaire et surtout une bursite sous- acromiale peuvent également être présentes. Cette der- nière prenant « en sandwich » la coiffe des rotateurs avec le panus présent à la face profonde articulaire, conduit à la grande fréquence de coiffes très amincies et non fonctionnelles bien que le plus souvent continentes observées dans les épaules rhumatoïdes. DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES Soixante-cinq à 90 % des patients porteurs d’une PR rapportent des signes cliniques à l’épaule, au sein des- quels domine la douleur [3,4]. Cette atteinte semble d’autant plus fréquente que la PR a débuté tardivement (après 60 ans), cette notion restant controversée, et qu’elle est agressive avec des destructions articulaires notamment aux mains et aux poignets [5,6]. Les autres facteurs prédictifs incluent la positivité de la sérologie rhumatoïde et la présence de prothèses aux membres inférieurs, peut-être majorée par le biais de l’agression liée au béquillage [7]. Après cinq ans d’évolution, la prévalence des lésions radiologiques de l’articulation glénohumérale est de 45 % lorsqu’elles sont bilatérales alors que les radiogra- phies sont encore normales dans 28 % des cas [8]. a Ce texte fait la synthèse des connaissances sur l’épaule rhumatoïde présentées à travers les différentes communications de cette 2 e Jour- née nationale du GREP qui ont fait l’objet d’un consensus profes- sionnel fort au cours de la réunion. *Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (T. Thomas). Rev Rhum [E ´ d Fr] 2002 ; 69 : 149-55 © 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés S1169833002004209/FLA

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L’épaule rhumatoïde : stratégie diagnostiqueet thérapeutiquea

Thierry Thomas1*, Éric Noël2, Philippe Goupille3, Bernard Duquesnoy4, Bernard Combe51Service de rhumatologie, CHU de St-Etienne, boulevard Pasteur, 42055 Saint-Étienne cedex, France ; 2service derhumatologie, hôpital E.-Herriot, hospices civils de Lyon, 5, place Arsonval, 69003 Lyon, France ; 3service derhumatologie, CHU de Tours, 2, boulevard Tonnellé, 37000 Tours, France ; 4service de rhumatologie, CHU de Lille, 2,rue Oscar-Lambret, 59037 Lille cedex, France ; 5service de rhumatologie, CHU de Montpellier, 191, avenue DoyenGaston-Giraud, 34000 Montpellier, France

polyarthrite rhumatoïde / épaule / imagerie / traitement

rheumatoid arthritis / shoulder / imaging / treatment

SYNOVITE DE L’ÉPAULE RHUMATOÏDE

La localisation à l’épaule de la synovite rhumatoïde nelui confère pas de particularité histologique. Onretrouve bien évidemment l’hyperplasie des villositéssynoviales en franges et des cellules synoviales en cou-ches successives, associée aux dépôts de fibrine et à unehypervascularisation. Aucune de ces lésions n’est spéci-fique mais leur association est très évocatrice du dia-gnostic avec une sensibilité de 42 % et une spécificité de95 % [1]. Ces critères histologiques, difficiles à obtenir,ne sont plus retenus dans les critères de classification dela maladie mais les progrès des techniques histochimi-ques pourraient donner une valeur pronostique à l’ana-lyse de cette synovite. Il a ainsi été montré quel’expression intratissulaire de TNF-α et d’interleukine 6était positivement corrélée à la sévérité de la maladie,alors que celle-ci était négativement corrélée à la pré-sence de lymphocytes T CD4 [2].

L’atteinte prédominante initiale est glénohumérale,souvent accompagnée d’érosion trochitérienne. Uneatteinte acromioclaviculaire et surtout une bursite sous-acromiale peuvent également être présentes. Cette der-nière prenant « en sandwich » la coiffe des rotateursavec le panus présent à la face profonde articulaire,conduit à la grande fréquence de coiffes très amincies etnon fonctionnelles bien que le plus souvent continentesobservées dans les épaules rhumatoïdes.

DONNÉES ÉPIDÉMIOLOGIQUES

Soixante-cinq à 90 % des patients porteurs d’une PRrapportent des signes cliniques à l’épaule, au sein des-quels domine la douleur [3,4]. Cette atteinte sembled’autant plus fréquente que la PR a débuté tardivement(après 60 ans), cette notion restant controversée, etqu’elle est agressive avec des destructions articulairesnotamment aux mains et aux poignets [5,6]. Les autresfacteurs prédictifs incluent la positivité de la sérologierhumatoïde et la présence de prothèses aux membresinférieurs, peut-être majorée par le biais de l’agressionliée au béquillage [7].

Après cinq ans d’évolution, la prévalence des lésionsradiologiques de l’articulation glénohumérale est de45 % lorsqu’elles sont bilatérales alors que les radiogra-phies sont encore normales dans 28 % des cas [8].

a Ce texte fait la synthèse des connaissances sur l’épaule rhumatoïdeprésentées à travers les différentes communications de cette 2e Jour-née nationale du GREP qui ont fait l’objet d’un consensus profes-sionnel fort au cours de la réunion.

*Auteur correspondant.Adresse e-mail : [email protected] (T. Thomas).

Rev Rhum [Ed Fr] 2002 ; 69 : 149-55

© 2002 Éditions scientifiques et médicales Elsevier SAS. Tous droits réservésS1169833002004209/FLA

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Seules 10 % des épaules resteront radiologiquementnormales au cours de l’évolution de la maladie. De plus,jusqu’à 75 % des patients présentent une souffrance dela coiffe des rotateurs, avec ou sans rupture transfixiante.

L’atteinte de l’articulation acromioclaviculaire estradiologiquement présente dans 60 % des cas après15 ans d’évolution de la maladie, mais seuls 30 à 40 %des patients rapportent des signes cliniques relatifs àcette atteinte [9]. Les lésions de bursites enfin, sont peuspécifiques et leur prévalence réelle est difficile à appré-cier. Elles peuvent être (très exceptionnellement) isoléessans rupture de coiffe associée.

LES DIFFÉRENTES PRÉSENTATIONS CLINIQUES

La particularité de l’épaule rhumatoïde réside dans ladifficulté à affirmer cliniquement son caractère rhuma-toïde inflammatoire [10,11]. Les douleurs d’épaule sou-vent mal systématisées peuvent être à caractère nocturnelors d’une atteinte purement dégénérative. À l’inverse,le gonflement articulaire est rarement visible à l’examenen dehors d’une arthrite importante éventuellementaccompagnée d’une bursite lors d’une rupture associéede la coiffe des rotateurs ou d’une bursite isolée sièged’une métaplasie synoviale. De plus, les malades nerapportent pas toujours spontanément les plaintes liéesà une atteinte de l’épaule. L’incapacité fonctionnelleliée à l’épaule rhumatoïde est la résultante complexe dela douleur, de la faiblesse musculaire et de la réductionde la mobilité articulaire. Cette dernière dépend elle-même à la fois des deux premiers paramètres et deslésions ostéocartilagineuses dues à la maladie.

On peut distinguer schématiquement deux formesselon l’âge :– l’épaule rhumatoïde survenant chez un sujet jeune,rarement inaugurale du rhumatisme inflammatoire,dont le contexte et parfois les signes cliniques patents degonflement articulaire, de chaleur locale, permettent defaire le diagnostic [11] ;– l’épaule rhumatoïde chez le sujet âgé, survenant beau-coup plus fréquemment dès les premières manifesta-tions cliniques, de manière bruyante [12-14]. Elle faitdiscuter une polyarthrite à début tardif, une pseudopo-lyarthrite rhizomélique ou un syndrome RS3PE lors-que des synovites périphériques lui sont associées. Leslésions préalables de la coiffe des rotateurs, fréquentes àcet âge, majorent considérablement les conséquencesfonctionnelles de cette atteinte.

IMAGERIE DE L’ÉPAULE RHUMATOÏDE

Classifications et évolutions radiographiques

Le suivi radiologique de l’épaule rhumatoïde est fonda-mental car c’est sur lui que repose la stratégie thérapeu-tique. Il sera réalisé en fonction de la symptomatologieclinique et il sera plus systématique si des lésions ana-tomoradiologiques ont été objectivées. L’examen radio-graphique standard comprend des clichés de face enrotation neutre, externe et interne. En fonction de laclinique ou lors d’un bilan initial des lésions, il peut êtrecomplété d’un cliché centré sur l’articulation acromio-claviculaire.

Les lésions radiographiques sont très variables dansleur présentation comme dans leur évolution [15] etc’est ce qui a conduit à de nombreuses classifications. Laplus connue est celle de Larsen [16] décrivant six stades(0 à 5) définis par l’importance des destructions ostéo-articulaires et du pincement glénohuméral. Cependant,elle n’est pas spécifiquement adaptée aux lésions del’épaule rhumatoïde et il est souvent difficile de diffé-rencier les stades 3, 4 et 5. De plus elle implique uneévolution inéluctable d’un stade à l’autre, ce qui necorrespond pas nécessairement à la réalité.

Prenant en compte cette notion, Neer [17] a proposéen 1990 une classification décrivant quatre formes dif-férentes : une forme sèche avec des géodes sous-chondrales, un pincement articulaire avec parfois desostéophytes, une forme humide avec érosion articu-laire, une forme résorptive avec usure sévère et média-lisation de la tête humérale, et une forme ultimecaractérisée par une destruction majeure avec contactentre la métaphyse humérale et le pôle inférieur de laglène.

Il manquait cependant une classification décrivantdes stades précoces de l’atteinte rhumatoïde et permet-tant une approche pronostique de son évolution. Ainsi,Walch et al. [7] ont proposé une classification en quatretypes (Fig. 1) avec le type A défini par la présence degéode(s) d’un diamètre inférieur à 0,5 cm, le type B parla présence de géode(s) d’un diamètre supérieur à0,5 cm, le type C par l’apparition d’un pincement glé-nohuméral avec un interligne inférieur ou égal à 2 mmsur un cliché de face en rotation neutre et le type D parla destruction de la tête humérale et/ou de la glène.Dans cette classification, le type C constitue le véritabletournant évolutif de l’atteinte rhumatoïde de l’épaule,passage obligatoire vers une destruction systématique et

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rapide de l’articulation glénohumérale (type D), enquelques mois à deux ans.

Définie par la sphéricité de la tête humérale et sonascension par rapport à la glène, Levigne et Franceschi[18] ont proposé plus récemment une classificationvenant compléter celle de Walch et al. une fois lepincement glénohuméral installé. Elle décrit trois for-mes, centrée, ascendante et destructrice, différentes surleur aspect radiologique mais aussi sur leurs caractéris-tiques épidémiologiques et évolutives [18] (Fig. 2).Ainsi, les formes centrées, caractérisées par une usureglénoïdienne centrée, s’accompagnent rarement de rup-ture de coiffe et leur évolution est lente. Les formesascendantes, les plus fréquentes, caractérisées par uneascension de la tête humérale et une usure polairesupérieure de la seule glène, se rencontrent chez dessujets un peu plus âgés avec une coiffe en mauvais état.Leur évolution est plus rapide. Enfin, les formes des-tructrices, caractérisées par une destruction anarchiquedes surfaces articulaires, encochées par de larges zonesd’érosion, se rencontrent plutôt avant 50 ans, avec unesymptomatologie bruyante associant douleurs et impo-tence fonctionnelle sévère. Les résultats de l’arthroplas-tie totale d’épaule sont paradoxalement meilleurs danscette dernière forme, probablement du fait d’indica-tions plus précoces justifiées par la plainte du patient. Àl’inverse, les formes centrées s’accompagnent d’un enrai-

dissement important qui n’est pas complètement régres-sif après la chirurgie, alors que le pronosticpostopératoire des formes ascendantes est grevé par lafréquence des lésions de coiffe associées.

Apport et place respective de l’arthroscanner,de l’IRM et de l’échographie

L’arthroscanner longtemps considéré en France commel’examen de référence présente certains avantages dansl’exploration de l’épaule rhumatoïde. Le temps arthro-graphique peut permettre la ponction d’un épanche-ment liquidien de nature inflammatoire et la réalisationd’une injection strictement intra-articulaire de corticoï-des. Le temps scannographique objective de manièreindirecte les lésions synoviales et cartilagineuses débu-tantes. Il permet une analyse facile de l’intégrité de lacoiffe, et apprécie à la fois l’état musculaire et le capitalosseux notamment glénoïdien, informations très impor-tantes dans un bilan pré-opératoire.

L’IRM est actuellement l’examen de référence. Elleévalue à la fois la prolifération synoviale, les lésionsostéocartilagineuses, et l’état de la coiffe des rotateurs[19,20]. Les images sont parfois impressionnantes et ilne faut pas les surestimer. Les séquences avec suppres-sion de graisse et injection de gadolinium améliorentencore l’analyse des lésions inflammatoires (Fig. 3). La

Fig. 1. Les quatre stades radiologiques de l’épaule rhumatoïde selon la classification de Walch et al. Type A, microgéodes ; type B,macrogéodes ; type C, pincement glénohuméral ; type D, destruction articulaire.

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coiffe des rotateurs apparaît souvent fine même enl’absence de rupture. Les machines actuelles permettentégalement une bonne évaluation de la glène, montrantnon seulement le capital osseux cortical mais aussil’aspect qualitatif de l’os sous-chondral avec la présencefréquente d’œdème.

L’échographie est une méthode d’imagerie atrauma-tique, non irradiante et peu chère. Cependant, sonutilisation dans l’analyse de l’appareil locomoteur engénéral et dans l’épaule rhumatoïde en particulierimpose l’utilisation de sondes haute fréquence (10 à15 MgHz) par des opérateurs entraînés. L’échographiepeut mettre en évidence un épanchement intra-articulaire, notamment dans le recessus postérieur et lagouttière bicipitale, l’existence d’une bursite sous-acromiodeltoïdienne, la synovite, les lésions tendineu-ses associées [21,22]. Elle pourrait ainsi apporter uneaide au diagnostic différentiel entre polyarthrite rhuma-toïde du sujet âgé et pseudopolyarthrite rhizomélique,cette dernière présentant une séméiologie radiologiquecaractéristique avec une bursite bilatérale prédominante.

TRAITEMENT DE L’ÉPAULE RHUMATOÏDE

Infiltrations et synoviorthèses

La prise en charge de l’épaule rhumatoïde s’inscrit dansun programme global de prise en charge de la PR. Lecontrôle de la maladie inflammatoire doit être obtenupar les traitements généraux (antalgiques, anti-inflammatoires stéroïdiens ou non, traitements de fond)avant d’envisager un geste local complémentaire.

Les injections locales de dérivés corticoïdes, au mieuxsous contrôle scopique, sont utilisées en première inten-

Fig. 2. La classification de Lévigne et Francesci.

Fig. 3. L’IRM.

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tion face à une épaule symptomatique sans pincementglénohuméral sur les radiographies standards. Elles sontréalisées dans la bourse sous-acromiale en cas de bursiteisolée, dans l’articulation glénohumérale en présenced’une synovite ou en combinaison.

En cas d’échec, l’étape suivante est la synoviorthèse,de préférence radioactive (yttrium 90 ou rhénium 186)compte-tenu du risque potentiel de diffusion de l’acideosmique [23-27]. Dans la littérature, de bons résultatssont rapportés dans 50 à 60 % des cas, notammentlorsque le geste est réalisé précocement [28], avec dansces cas la possibilité d’une stabilisation radiologique.Les résultats semblent cependant inférieurs à ceux obte-nus aux coudes ou aux genoux. L’importance de cetteprise en charge précoce, suggère l’indication plus rapided’imagerie complémentaire pour utiliser au mieux cesgestes locaux dans la stratégie thérapeutique.

Il faut noter enfin le possible recours à des blocs dunerf sus-scapulaire par bupivicaïne et adrénaline [29]lorsque les lésions glénohumérales sont très évoluées.

Les synoviorthèses ne sont jamais réalisées dans l’arti-culation acromioclaviculaire, cette articulation répondhabituellement bien à deux ou trois injections intra-articulaires de corticoïdes. En cas de persistance de lasymptomatologie, la résection du centimètre externe dela clavicule peut être indiquée.

Rééducation et économie articulaire

Elle est primordiale et complémentaire des autres thé-rapeutiques [30,31]. Les principes de rééducation sontceux appliqués à tout patient atteint de PR : des séancescourtes, une rééducation essentiellement manuelle, pré-coce et douce. La mécanothérapie doit être utilisée avecune prudence extrême, essentiellement en suspension.Le travail statique doit être privilégié alors que lesexercices contre résistance sont à proscrire.

Les techniques de rééducation comportent des cor-rectifs posturaux cervicoscapulaires, des massagesdécontracturants, une gymnastique respiratoire avecouverture thoracique, une récupération très progressivedes amplitudes glénohumérales essentiellement passi-ves. Si l’enraidissement est ancien ou rend compte delésions glénohumérales évoluées, on se contentera defaciliter les compensations omothoraciques.

Les conseils d’économie articulaire et les aides tech-niques dans les gestes de la vie quotidienne sont unappoint utile pour obtenir un résultat fonctionnel accep-table.

Chirurgie endoscopique

La synovectomie arthroscopique, semble être intéres-sante dans le traitement de l’épaule rhumatoïde. Cepen-dant, la littérature est très pauvre sur le sujet. Elle insistesur la nécessité d’intervenir tôt dans l’évolution de lamaladie [32-34], avec une amélioration clinique impor-tante, mesurée à plus de 60 % en particulier sur lesdouleurs, et durable, six ans en moyenne [32].

Chirurgie arthroplastique

L’apparition d’un pincement glénohuméral sur lesradiographies standards doit faire envisager la mise enplace d’une prothèse d’épaule. L’indication dépend éga-lement de l’état de la coiffe des rotateurs à l’IRM, de lamotivation du patient et du plan d’intervention pro-grammé selon l’atteinte des autres articulations [35].Les résultats sont satisfaisants, en particulier sur ladouleur alors que la récupération de la mobilité articu-laire en élévation antérieure et de la force est inférieureaux résultats obtenus dans l’omarthrose centrée [36].L’évolution à long terme semble également moins favo-rable avec une diminution de l’ordre de 20 % desamplitudes articulaires entre la 2e et la 10e année desuivi [37].

À un stade avancé de l’atteinte rhumatoïde, les solu-tions thérapeutiques sont limitées et l’objectif en estessentiellement antalgique. Ainsi, le stock osseux glé-noïdien constitue souvent un facteur limitant pour lamise en place d’un implant sur ce versant articulaire.Lorsque la coiffe est rompue et non réparable, l’attitudela plus courante est la mise en place d’une prothèseintermédiaire dont le diamètre de la tête est adapté auxsurfaces articulaires correspondantes intégrant la cavitéglénoïdienne remaniée et la voûte sous-acromiale. L’uti-lisation de prothèses totales inversées de Grammontdans les épaules rhumatoïdes sévères avec rupture decoiffe irréparable demande encore à être évaluée du faitdu risque de descellement glénoïdien [38].

Enfin, la place de la chirurgie prothétique d’épauledans la stratégie thérapeutique est importante. Compte-tenu du béquillage postopératoire, les gestes chirurgi-caux aux membres inférieurs sont habituellementpréalables à la chirurgie de l’épaule. En revanche, cettedernière doit habituellement précéder la mise en placed’une arthroplastie de coude car la limitation des ampli-tudes articulaires en rotation de l’épaule sollicitent énor-mément l’implant sous-jacent.

Données pratiques 153

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CONCLUSION

L’épaule rhumatoïde n’est pas au premier plan, et il fautla rechercher à un stade précoce de sa progression.L’apparition d’un pincement glénohuméral à la radio-graphie constitue le tournant évolutif vers une destruc-tion articulaire rapide et la chirurgie prothétiqueproposée à ce stade, permet d’obtenir un résultat fonc-tionnel satisfaisant.

POINTS CLÉS

Clinique

– L’épaule rhumatoïde n’est pas au premier plan, ilfaut la rechercher au stade précoce.– La présentation clinique n’est pas spécifique.– L’évaluation des amplitudes articulaires doit être sys-tématique.

Imagerie

– Une radiographie normale n’exclut pas le diagnostic.– La réalisation de radiographies standard est un élé-ment fondamental du suivi.– L’apparition d’un pincement glénohuméral consti-tue le tournant évolutif.– L’IRM ou l’échographie précisent les lésions et gui-dent la stratégie thérapeutique.

Traitement

– Proposer des gestes locaux de manière graduelle, enfonction de l’imagerie.– Éviter les indications tardives de chirurgie prothéti-que.– Intégrer la chirurgie de l’épaule avec les autres pro-blèmes articulaires.

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Données pratiques 155