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Ann. Kinésithér., 1984, t. 11, nO 9, pp. 381-388 © Masson, Paris, 1984 MISE AU POINT Électrophysiothérapie antalgique G. DE BISSCHOP (1), Y. BENCE (2), Fr. COMMANDRÉ (3) (1) Service d'Explorations Fonctionnelles du Système Nerveux, Hôpital de Sainte-Marguerite, 270, boulevard de Sainte-Marguerite, F13009 Marseille, Service de Neurophysiologie Clinique et de Rééducation Fonctionnelle, Centre Hôpitalier de Martigues, F13500 Martigues,. (2) Service d'Explorations Fonctionnelles, Hôpital Lenval, avenue de la Californie, F06200 Nice; (3) Consultations Externes de Médecine, Hôpital Saint-Roch, 5, rue Pierre-Devoluy, F06000 Nice. Définir la douleur s'avère un problème complexe, qui paraît entrer dans le cadre de l'émotion. Phénomène de l'intégration nerveuse supérieure pour Soulairac, émotion complexe pour Syasz, un des types d'émotions causées par les effets désagréables intenses pour Chauchard, sensation qui a un caractère d'alarme mettant en cause la totalité des structures nerveuses, l'individu tout entier d'après Mamo, problème nous amenant aux limites de la psychopathologie émotionnelle suivant l'opinion de Garcin, la douleur s'avère un état hautement subjectif qui ne s'extériorise qu'au niveau des structures centrales du système nerveux. Son interprétation et sa finalité varient suivant des conceptions physiologiques, métaphysiques, 'religieuses, sociales. Elle peut être redoutée, sublimée, source d'expiation de fautes, signal d'alarme, facteur de jouissance même. La thérapeutique cherche à éliminer cette douleur, ou du moins à en atténuer sa perception et ses corollaires émotionnels. Elle fait appel à un arsenal chimique et chirurgical dont les applications ne coïncident pas toujours avec les données de la physiologie. Parmi les moyens à notre disposition, l'électrophysiothérapie consti- tue une modalité bien souvent bénéfique. Il s'avère nécessaire de faire une brève considération sur l'informatique algogène, en ne gardant qu'une vision simpliste uniquement destinée à faire comprendre les moyens et les niveaux d'action. Il importe avant tout de ne pas considérer les neurones comme un système de transmission on line transmettant l'influx nerveux d'une manière Tirés à part: G. DE BISSCHOP, à l'adresse ci-dessus, prédéterminée. On doit faire l'analogie avec une ligne de transmission de télécommunications susceptible de porter sur un câble unique plusieurs messages différents dont le décodage à l'arrivée permettra l'acheminement dans des directions diverses. Pour se réaliser, la douleur emprunte le système de captation, de transmission et d'inté- gration de la nociception. Elle n'existe que par son caractère subjectif, lorsque le décodage des voies nociceptives autorise l'arrivé de patterns séquentielles vers les structures thalamo- corticales. La nociception Les récepteurs nociceptifs sont présents à presque tous les niveaux de l'organisme. Ils sont particulièrement nombreux au niveau de la peau et des tissus sous-cutané, des capsules synoviales, des ligaments, du périoste, de la dure-mère, des parois artérielles et veineuses. Leur excitation est permanente par suite des sollicitations constantes inhérentes à la vie active. Les nocicepteurs provoquent la dépolarisation de fibres nerveuses de petit diamètre (groupe III de la classification de Lloyd), myéliniques (A delta) et amyéliniques (C). Ces fibres ont entre elles les propriétés d'une conduction lente, d'une sensibilité importante au blocage par les agents anesthésiques. Les messages envoyés sont carac- térisés par un codage temporo-spatial. Le premier traitement informatique s'effectue au niveau médullaire ces signaux seront dirigés vers la voie. spino-réticulo-thalamique, à

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Ann. Kinésithér., 1984, t. 11, nO 9, pp. 381-388© Masson, Paris, 1984

MISE AU POINT

Électrophysiothérapie antalgique

G. DE BISSCHOP (1), Y. BENCE (2), Fr. COMMANDRÉ (3)(1) Service d'Explorations Fonctionnelles du Système Nerveux, Hôpital de Sainte-Marguerite, 270, boulevard de Sainte-Marguerite,F13009 Marseille, Service de Neurophysiologie Clinique et de Rééducation Fonctionnelle, Centre Hôpitalier de Martigues,F13500 Martigues,. (2) Service d'Explorations Fonctionnelles, Hôpital Lenval, avenue de la Californie, F06200 Nice; (3) ConsultationsExternes de Médecine, Hôpital Saint-Roch, 5, rue Pierre-Devoluy, F06000 Nice.

Définir la douleur s'avère un problèmecomplexe, qui paraît entrer dans le cadre del'émotion. Phénomène de l'intégration nerveusesupérieure pour Soulairac, émotion complexepour Syasz, un des types d'émotions causées parles effets désagréables intenses pour Chauchard,sensation qui a un caractère d'alarme mettanten cause la totalité des structures nerveuses,l'individu tout entier d'après Mamo, problèmenous amenant aux limites de la psychopathologieémotionnelle suivant l'opinion de Garcin, ladouleur s'avère un état hautement subjectif quine s'extériorise qu'au niveau des structurescentrales du système nerveux.

Son interprétation et sa finalité varient suivantdes conceptions physiologiques, métaphysiques,'religieuses, sociales. Elle peut être redoutée,sublimée, source d'expiation de fautes, signald'alarme, facteur de jouissance même.

La thérapeutique cherche à éliminer cettedouleur, ou du moins à en atténuer sa perceptionet ses corollaires émotionnels. Elle fait appel àun arsenal chimique et chirurgical dont lesapplications ne coïncident pas toujours avec lesdonnées de la physiologie. Parmi les moyens ànotre disposition, l'électrophysiothérapie consti­tue une modalité bien souvent bénéfique.

Il s'avère nécessaire de faire une brève

considération sur l'informatique algogène, en negardant qu'une vision simpliste uniquementdestinée à faire comprendre les moyens et lesniveaux d'action.

Il importe avant tout de ne pas considérer lesneurones comme un système de transmission online transmettant l'influx nerveux d'une manière

Tirés à part: G. DE BISSCHOP, à l'adresse ci-dessus,

prédéterminée. On doit faire l'analogie avec uneligne de transmission de télécommunicationssusceptible de porter sur un câble uniqueplusieurs messages différents dont le décodageà l'arrivée permettra l'acheminement dans desdirections diverses.

Pour se réaliser, la douleur emprunte lesystème de captation, de transmission et d'inté­gration de la nociception. Elle n'existe que parson caractère subjectif, lorsque le décodage desvoies nociceptives autorise l'arrivé de patternsséquentielles vers les structures thalamo­corticales.

La nociception

Les récepteurs nociceptifs sont présents àpresque tous les niveaux de l'organisme. Ils sontparticulièrement nombreux au niveau de la peauet des tissus sous-cutané, des capsules synoviales,des ligaments, du périoste, de la dure-mère, desparois artérielles et veineuses. Leur excitationest permanente par suite des sollicitationsconstantes inhérentes à la vie active.

Les nocicepteurs provoquent la dépolarisationde fibres nerveuses de petit diamètre (groupe IIIde la classification de Lloyd), myéliniques (Adelta) et amyéliniques (C). Ces fibres ont entreelles les propriétés d'une conduction lente, d'unesensibilité importante au blocage par les agentsanesthésiques. Les messages envoyés sont carac­térisés par un codage temporo-spatial.

Le premier traitement informatique s'effectueau niveau médullaire où ces signaux serontdirigés vers la voie. spino-réticulo-thalamique, à

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r!

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la partie ventrale du faisceau en croissant deDéjerine, vers la corne antérieure de la moelleoù ils pourront provoquer des réponses mus­culaires polysynaptiques (réflexes de défense),vers la corne latérale avec possibilité de réactionssympathiques.

Cet immense bruit de fond parvient ainsi àla zone réticulée qu'il contribue à maintenir dansun état de vigilance.

Mais afin que la fréquence des signauxnociceptifs et leur modulation ne dépasse pasun seuil critique, des filtres limitateurs defréquence entrent en action au niveau de la cornepostérieure, particulièrement dans la lame V deRexed. Ceux-ci sont activés par des fibresnerveuses de gros calibre, de conduction rapide,en provenance des mécanorécepteurs (A béta).Ainsi, les informations des nocicepteurs restentdans certaines limites d'activité temporo-spa­tiale, grâce principalement à l'action desmécanorécepteurs.

Le schéma fonctionnel médullaire de latransmission de la sensibilité peut donc êtreconsidéré comme une voie principale bloquantune voie secondaire et alimentant une voie

latérale qui joue un rôle régulateur de latrophicité périphérique.

On peut ainsi comprendre qu'une diminutiondu contingent sensitif cutané détermine desréactions végétatives et trophiques importantes,pouvant d'ailleurs dépasser le stade segmentaire.Il en'" est ainsi des troubles consécutifs àl'application d'un plâtre ou de la carence cutanéedue à une épidermectomie de surface suffisante.

Lorsqu'il existe un trauma profond, apparaîtune réaction inflammatoire. Parallèlement aux

influx nociceptifs de la région lésée, la voielatérale est mise en activité et une vasodilatation

neurogène se superpose à celle consécutive auxphénomènes inflammatoires locaux. L'exsuda­tion plasmatique, l'œdème interstitiel, viennentcomprimer les fibres profondes de la nocicep~tion, réalisant ainsi un cercle vicieux, foyerpermanent d'influx nociceptifs. Cybernétique­ment parlant, on se trouve devant un cas de voiesecondaire mise en priorité dont l'activité estauto-entretenue par des variations oscillantesmaintenant le court-circuit.

Ainsi considéré le concept de la nociceptions'occupe plus de la distribution des messages que

de la qualité du matériel téléphonique.Le système médullaire de filtrage de la

fréquence et de la modulation des signauxnociceptifs peut toutefois être mis en défaut par:

- soit un déficit de la voie des mécanorécep­teurs (dénervation des fibres de gros calibre,myélinopathies périphériques désynchronisantl'arrivée des impulsions au niveau médullaire) ;

- soit des décharges intenses en provenancedes nocicepteurs dont les caractéristiques dépas­sent les capacités limitantes· de la voie rapide(trauma).

Un second système entre alors en activité. Lasubstance réticulée mésencéphalique ainsi miseen alarme va, par l'intermédiaire de fibresréticulofuges descendantes, essayer de compen­ser la difficulté des voies de la mécanoréceptionà endiguer ce flot nociceptif, par un pointd'impact médullaire présynaptique.

La douleur

Si ces deux barrières de sécurité sont fran­chies, le transcodage des signaux transmis authalamus va se traduire par une évocation dela douleur. Cette évocation dépend d'un degréd'activité critique dans différents systèmes nu­cléaires thalamiques, en réponse aux déchargesdirectes et indirectes qui leur sont administrées,à partir du tractus ascendant aniéro-Iatéral. Cemécanisme est sous la dépendance de l'intensitéet de la durée de la stimulation des récepteursnociceptifs ainsi que de la manière avec laquellele flux transynaptique centripète est modulé,dans la moelle et le thalamus, par des entréessimultanées d'influx en provenance des mécano­récepteurs et des systèmes de projection centrale(fig. 1).

Une fois qu'un certain seuil d'activité a étéacquis au niveau du thalamus, le message estdistribué dans quatre directions :a) les aires SI et S2 du cortex cérébral.

Elles sont responsables d'une composanteperceptuelle, localisant le stimulus douloureux,renseignant sur sa nature mais ne révélant pasla douleur en elle-même.b) le lobe frontal.

Ici apparaît la composante affective : ladouleur « fait mal ».

, - - ..

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sement des filtres médullaires pour les influxnociceptifs.

UNE HYPERACTIVITÉ DE LA VOIE NOCICEPTIVE

2

FIG 1. - 1. Cortex paracentral. Composante perceptive.2. Lobe Frontal. Composante affective.3. Lobe Temporal. Composante nésique.4. Hypothalamus. Réactivité viscéro-hormonale.

c) le lobe temporal.Il est responsable de la composante mnésique.

d) l'hypothalamus.Ce dernier est aussi en relation avec la zone

réticulée et le système limbique.Les influx algogènes influenceront les sys­

tèmes sympathique et parasympathique et agi­ront sur les libérations hypophysaires provo­quant les réactions pupillaires, cardio­vasculaires et gastro-intestinales.

Ainsi, la sensibilité paraît correspondre à unensemble de signaux passant par un aiguillagequi peut, sous certaines conditions, les achemi­ner vers" les centres intégrateurs supérieurscérébraux. Au niveau de cet aiguillage estraccordée une voie latérale, très nettementsecondarisée. Les messages de cette dernière sontenglobés dans les signaux principaux dont elleaugmente la valeur statistique sans en modifierla signification.

C'est seulement après avoir forcé les barrièresde sécurité, filtres complexes de fréquence et demodulation, que les influx nociceptifs attein­dront les sphères supérieures et pourront pren­dre une tonalité douloureuse.

Électrophysiothérapie antalgique

Les considérations que nous venons d'énoncerpermettent d'envisager deux formes de franchis-

Une excitation importante des récepteursnociceptifs provoque un recrutement spatialimportant et une augmentation de la fréquencedes influx. La capacité des filtres médullaires estdépassée et la décharge devient suffisammentimportante, en fréquence et en recrutement,

4 pour atteindre le thalamus et être interprétéecomme douleur.

On cherchera alors à diminuer la quantité etla qualité des influx nociceptifs à la périphérie.Les infiltrations anesthésiques préconisées parLeriche sont démonstratives.

Nous intitulons « blocage antidromique de ladouleur », l'utilisation d'impulsions électriquesde fréquences déterminées sur le nerf, en amontde la zone douloureuse, afin de réaliser unecollision bloquante avec les influx afférentsalgogènes.

UN DÉFICIT DE LA VOIE RAPIDE ENPROVENANCE DES MÉCANO RÉCEPTEURS

La diminution du filtrage médullaire qui enrésulte permet aux influx nociceptifs de passeren toute liberté. , .

Normalement, nous sommes soumis à destraumas minimes, constituant les microtraumasde la vie quotidienne. Ceux-ci ne donnent pasnaissance à une douleur, 'car les stimuli de naturetraumatique, mécanique, sollicitent en mêmetemps les mécanorécepteurs.

Par contre, des affections détruisant une partiedes voies afférentes de gros calibre, en prove­nance des mécanorécepteurs, telles que le zonaou les multineuropathies éthyliques provoquentl'apparition de douleurs., On peut expliquer de même les douleurslombaires dues à la destruction des mécanoré­cepteurs articulaires par un processus dégénéra­tif. Chez le sujet âgé, la dégénérescence progres­sive, sélective, des fibres de gros diamètrediminue la tolérance à la douleur.

Nous avons démontré par l'électromyo­graphie que presque toutes les lombo-sciatiquesavaient une composante motrice, infra-clinique.

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On constate sur les sciatiques anCIennes unediminution du contingent des fibres de grosdiamètre. La sciatalgie repose alors sur unedéafférentation partielle dont il faut tenir comptelors du choix de la thérapeutique.

Il est donc logique de penser que pour romprece circuit intempestif il suffit de stimuler la peauou des structures riches en mécanorécepteursavec un stimulus intense aux caractéristiquesnon douloureuses pour injecter une forte stimu­lation qui va bloquer la voie secondaire.

Dans cet ordre d'idées, il faut avoir présentà l'esprit que les afférences n'intéressent pas lamoelle d'une manière segmentaire précise, maisdiffusent à différents niveaux par des neuronesassociatifs et des collatérales. Ce qui expliqueque les zones de stimulation électriques doiventêtre larges et intéresser plusieurs dermatomeset myotomes.

On peut aussi chercher à augmenter l'effetinhibiteur (feed back négatif) de la substanceréticulée sur les structures médullaires.

Cet effet réticulofuge, inhibiteur, est augmentépar:

- le détournement de l'attention du site dela douleur (contre-irritation);

- concentration de l'attention sur une tâcheparticulière;

- induction du sommeil;- augmentation des catécholamines (tension

émotionnelle du soldat au combat qui ne ressentpas la blessure);

- certaines substances thérapeutiques : chlor­promazine, diazepam, morphine.

Par contre, les agents qui dépriment l'activitéréticulo-spinale augmentent la douleur. Il en estainsi des barbituriques qui ne devraient jamaisêtre prescrits à un sujet algique.

Le tableau l, simplifié et sans aucune préten­tion neuro-physiologique, a pour but d'illustrerles points d'impact de l'électrothérapie.

Le cheminement des influx nociceptifs et leurréalisation algique éventuelle peut être synthétisésous forme d'un algorythme :

On cherchera à agir à différents niveaux :1) En ce qui concerne la source agressive,l'électrophysiothérapie devra diminuer ou élimi­ner le facteur déclenchant.

a) Les adhérences et les zones cicatriciellesseront traitées par les ultrasons, l'ionophorèse

TABLEAU 1. - Algorythme de la douleur

MEDULLAI lU:

RE'l'lCULAIRI~ ET TllAL1\MIOLIE

REACTIVITE PHYSIOLOGIQUE

( Neuro-Végétdtive,Musculaire)

1 EVALUA'I'ION 1

~

1 PROGRAMME DE TEAITEMEN'l'

d'alphamucase et le rayonnement ultravioletlocalisé.

b) En ce qui concerne les contractures mus­culaires et les spasmes réflexes, ceux-ci peuventprovoquer une douleur fonctionndle qui risquede devenir lésionnelle; On peut faire appel àl'ionophorèse de curarisarits de synthèse (flaxe­dil) et aux ondes courtes ou centimétriques.

La douleur musculaire se fait en général jourlorsqu'on associe la contraction musculaire àl'ischémie.

L'ischémie abaisse le seuil d'excitabilité desterminaisons nociceptives afférentes. Une stimu­lation trop faible pour être algogène le devientlorsqu'elle se combine à une hypoxie musculaire.De plus des facteurs chimiques interviennent telsque l'augmentation de potatium ou une diminu­tion du pH. La stagnation des métabolites dedéchet joue un rôle non négligeable.

Nous provoquons dans ce cas des contractionsmusculaires par une électrothérapie strio-mo­trice au niveau des muscles adjacents au musclealgique afin de déterminer une élimination dessubstances de déchet et d'augmenter la circula­tion musculaire.

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Rappelons que nous avons montré, avec P .M.Bernard et P. Strouzer que les ultra-sonsaugmentent la capacité fonctionnelle du muscleet atténuent sa fatigabilité.

L'utilisation du froid réduit l'activité des

fuseaux neuromusculaires et agit ainsi contre ladouleur et le spasme musculaires. Ce résultatparaît plus durable que celui engendré par lesagents provoquant une augmentation de chaleurmusculaire.

c) Il importe de lutter contre l'organisationéventuelle d'un hématome. On fait appel à laglace, aux ultrasons dans un but fibrolytique,à l'ionophorèse d'alphamucase.

d) Les phénomènes inflammatoires localisésnécessitent l'utilisation d'ionophorèses de kéto­prophène. Les ondes courtes ou centimétriquespeuvent être bénéfiques car elles causent uneélimination des exsudats et des substancesinhérentes à la réaction inflammatoire. Mais

elles doivent être maniées avec prudence etprécaution.

2) Au niveau des nocicepteurs.On cherche à éliminer les métabolites libérés

lors de la réaction inflammatoire et à augmenterla perméabilité cellulaire, tout en diminuant lacapacité réactionnelle des nocicepteurs.

Le froid, par la cryothérapie, réduit la vitessede conduction nerveuse, particulièrement auniveau des arborisations distales des terminai­

sons libres. Il provoque un asynchronisme desimpulsions.

L'ionophorèse de thiomucase (enzymes dediffusion) lutte contre les processus œdémateux,alors que les ionophorèses d'anesthésiques lo­caux diminuent la fréquence de pulsion desnocicepteurs.

Les ondes courtes ont des propriétés anti­œdémateuses.

3) Au niveau de la voie afférente nociceptivepériphérique(fig. 1,(a)).

Le but est de diminuer le contingent designaux migrant sur les fibres A delta et C.

Il suffit de dépolariser ces fibres pour engen­drer une volée d'influx qui vont d'une part sediriger vers la corne postérieure par uneconduction orthodromique, et d'autre part ga­gner la région distale. Au cours de ce dernier

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trajet, l'influx électriquement provoqué va entreren collision avec les décharges nociceptives etles bloquer si certaines conditions sont réalisées.Pour cette raison, nous avons intitulé cetteméthode : «Blocage antidromique de ladouleur. »

Une telle modalité est à adopter lorsque ladouleur aiguë est engendrée par un foyerlésionnel, comme une entorse ou une contusionligamentaire par exemple.

a) Il faut dépolariser des fibres nerveuses deconduction lente, de grandes chronaxies. Ondevra adopter l'utilisation d'impulsion de longuedurée (10 ms par exemple), avec si possible unepente d'établissement, légère toutefois.

Un courant hémisinusoïdal de 50 ou 100 Hz,correspond à ces conditions.

b) La fréquence doit être supérieure à celle del'influx algogène. Nous préconisons des fré­quences situées entre 100 et 200 Hz.

c) Les applications sont faites loco dolenti,en atteignant le seuil de la douleur (douleurrecréée).

d) Les applications doivent être de courtedurée (1 minute environ).4) Au niveau de l'intégration médullaire:

Priorisation de la voie rapide, de gros diamètre(fig. 1, (b».

Le but est de limiter le passage des influx enprovenance des nocicepteurs en rétablissant lapriorité des messages orig!naires des mécano­récepteurs ...

a) Nous préconisons des impulsions à frontraide, rectangulaires, d'une durée très brève (0,5à 1 ms), afin de ne pas exciter les fibres nerveusesde la nociception.

b) L'intensité utilisée doit être maintenueau-dessous du seuil de la douleur.

c) Le blocage des fibres C demande desfréquences plus lentes que celles préconiséespour les fibres A delta. une plage de 100 à 50 Hznous paraît souhaitable.

Nous avons réalisé, avec CI. Aaron, undispositif de variation automatique de fréquencedans les limite's de cette plage, durant des cyclesprédéterminés.

De plus cette modulation de fréquence (wobu­lation) a pour conséquence d'éviter les phéno­mènes d'accoutumance. En effet, un stimulus

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répété sans cesse suivant les mêmes paramètresaboutit rapidement à une fatigue synaptique quilimite son action physiologique.

d) Les fibres constituant le contingent desmécanorécepteurs présentent des caractéristi­ques d'excitabilité différentes, entre certaineslimites, c'est-à-dire que leurs courbes réaliséesen fonction de la durée du stimulus et l'intensitéseuil s'inscrivent entre deux courbes limites. Onpeut alors balayer l'ensemble de ces fibres enaugmentant l'intensité de stimulation, mais aurisque d'atteindre le seuil de la douleur, ou bienfaire varier automatiquement la durée du sti­mulus, entre 0,5 et 1 ms par exemple.

e) L'arrivée des voies afférentes au niveau dela moelle s'effectue d'une manière plurisegmen­taire. Il nous paraît donc nécessaire de stimulerde très larges zones, débordant la distributionsegmentaire incriminée. Un appareillage multi­canalaire s'avère donc souhaitable.

Rappelons que nous avons mis au point undispositif d'électrodes mobiles, sous forme degants revêtus par le thérapeute, qui permet desapplications étendues, mobiles et de discrimina­tion topographique aisée (électrocinésie).

f) Une place particulière doit être réservéeaux douleurs sclératogènes, apparaissant à desniveaux ligamentaires, tendineux ou mus­culaires.

Nous avons vu plus haut qu'elles pouvaientbénéficier du « block antidromique ». Mais ellespeuvent. aussi s'inscrive dans le cadre des«trigger zones» (Travell). La stimulationprovoque une réaction violente, souvent hyper­pathique, et une irradiation de la douleur à unezone-cible (target area).

Bien souvent ces zones correspondent à destendomyoses. Le bombardement nociceptif àl'échelon médulaire se répercute vers la corneantérieure et la corne latérale, engendrant uncercle vicieux, en boucles fermées, avec partici­pation de l'innervation sympathique.

Des zones spastiques musculaires, fasci­culaires, trop limitées pour s'extérioriser, sonttoutefois suffisantes pour posséder un caractèrealgique à la pression. Nous avons d'ailleursenregistré par l'électromyographie l'activité detelles régions musculaires (travail en cours).

Lors du traitement, les électrodes doivent êtrelocalisées sur la trigger zone.

Ces modalités de traitements intéressent lessyndromes algiques par déafférentation ou hypo­afférentation, qu'ils soient provoqués par unedénervation partielle (éthylisme, zona, sciatiquesanciennes) ou par une désynchronisation desvitesses de conduction comme dans les myélino­pathies (diabète).

Les trigger points seront traités dans lesdouleurs sclératogènes.

Signalons, à titre indicatif, que la découverted'un trigger· zone dans la névralgie du V peutavoir parfois un effet spectaculaire lors de lastimulation électrique de celle-ci.

g) Une application particulière, issue de lathéorie du gate control, concerne l'utilisation deneurostimulateurs de dimensions réduites, grâceaux progrès de la transistorisation.

- L'utilisation transcutanée a permis à beau­coup de médecins, qui niaient l'intérêt del'électrothérapie antalgique, de la découvrir carelle nous revenait d'ailleurs avec l'auréole d'unethéorie. Or nos services français d'électrologieont traité depuis de nombreuses années desdouleurs, bien souvent là où tout avait échoué.J'ai encore présent à ma mémoire les servicesd'électrologie de la Salpêtrière, de l'Hôtel-Dieude Paris ou de Saint-Maurice au sein desquelsle traitement de la douleur était quotidien.Actuellement, l'Hôpital Cochin dispose d'un telservice, sous l'impulsion de mon ami le Profes­seur CI. Aaron.

Les stimulateurs permettent un traitementambulatoire, aisé. -

Mais:- Il ne faut pas tomber dans le défaut de laisserle patient se traiter lui-même, en pleine anarchie.- La forme du courant est limitée, souventsimpliste.- On ne peut pas traiter plusieurs zonessimultanément, de grande surface.- Si les impulsions sont de forme rectangulaire,elles présentent la plupart du temps un overs­hooting lors de l'établissement de l'impulsion,par suite du caractère limité du dispositifélectronique. Si elles ont une forme de pointeavec décroissance exponentielle, ce qui est laplupart 'du temps réalisé, par souci de facilitédu constructeur, le signal est complètementdéformé dans les tissus et ne correspond plusà l'original.

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- Tous ces systèmes sont à fréquence fixe, etsont limités dans leur utilisation par l'accoutu­mance qu'ils provoquent.- Les substances de contact appliquées entre lesélectrodes et la peau provoquent parfois desréactions allergiques.

En conséquence, la neurostimulation trans­cutanée par dispositifs ambulatoires miniaturisésnous paraît à l'heure actuelle ne devoir êtreconsidérée que comme un adjuvant de l'élec­trothérapie antalgique administrée par des géné­rateurs aux choix multiples de la forme descourants, de leur fréquence et de leurs possibi­lités topographiques.- La théorie du gate control a permis aUSSIl'application de neurostimulateurs avec élec­trodes implantées '.au niveau médullaire.

Les résultats paraissent discutables en fonc­tion des écoles et des cas traités. Il sembletoutefois qu'au bout d'un certain temps les voiesde la douleur se réorganisent et qu'un nouveaufrayage mette en échec l'action bénéfique. Il estpossible que ces échecs soient dus à une absencede dispositifs évitant l'accoutumance sur lesdispositifs de stimulation (1).

5) Au niveau de l'intégration réticulaire etthalamique.

Hippocrate constatait qu'il était impossible deressentir deux douleurs en même temps avec lamême intensité, ouvrant la voie aux techniquesde contre-irritation.

Ce fait paraît reposer sur la mise en évidencede contrôles inhibiteurs diffus par des stimula­tions nociceptives (CIDN), bien étudiés par LeBars et Dickenson. Chez l'animal d'expérienceles neurones nociceptifs non spécifiques peuventêtre inhibés par des stimulations nociceptivespériphériques appliquées sur une partie quel­conque du corps si elle est distincte du champpériphérique excitateur de ce neurone.

L'électrothérapie de contre-irritation fait ap­pel à des courants de basse-fréquence provo­quant une sensation révulsive, aux ultrasons, àl'ionophorèse d'histamine.

(1) Depuis la rédaction de cet article, nous avons expérimentéun nouveau neuro-stimulateur qui permet une variation auto­matique de la durée des impulsions, et qui comble ainsi certainesde nos critiques (3M).

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6) Au niveau de la perception-interprétation.En dehors des méthodes d'inspiration psycho­

physiologique, nous sommes fidèles à deuxméthodes ,:- La diélectrolyse transcérébro-médullaire, cal­cique, qui provoque une diminution de latonalité de la souffrance et a un effet sédatif surles répercussions neurovégétatives générales.- Les ondes dynadiathermiques qui consistenten balayage cyclique du corps humain au moyende faisceaux puissants de rayonnement infra­rouge suivant une programmation déterminée.Conclusion

L'utilisation de l'électrophysiothérapie dansla lutte contre la douleur a une originerelativement ancienne. Si on fait l'historique del'électrologie française, on relève des noms etdes écoles qui se sont imposés dans le monde.

Ces techniques constituent une importantecontribution à la stratégie antalgique; ellesdoivent s'affiner en les plongeant dans le creusetde la recherche physiologique. Les progrès nepourront être réalisés que par la coopérationétroite des physiologistes et des électrologistes.La place complémentaire dans le cadre de lapharmacodynamie doit être envisagée d'unemanière èonstante.

Lutter contre la douleur consiste grossière­ment à canaliser un dispositif d'alarme afin qu'ildonne une alerte juste suffisante et ne'diffuse pasà l'ensemble des parties "quine sont pasintéressées par une viciatiàn de son mécanisme.

L'électrologie cherche à agir à la plupart desniveaux de traitement informatique de la noci­ception, limitant les caractéristiques de ceux-ciafin qu'ils ne parviennent pas à un niveaud'intégration émotionnel dont la sémantiquepeut devenir catastrophique.

Dans cet ordre d'idées, la constitution hu­maine présente ce magnifique spectacle dedisposer d'un dispositif d'alerte qui ne fonc­tionne que lorsqu'un certain nombre de portesa pu être franchi, et cherche à maintenir chacuned'elle fermée lorsqu'elle a été forcée. L'énergiede ce dispositif étant fournie par les agressionssomatiques. L'électrothérapeute cherche à aiderles organes d'intégration déficients ou forcés. Sacontribution à la programmation antalgique doits'affirmer au sein d'équipes multidisciplinaires.

Page 8: Électrophysiothérapie antalgique · 2013. 4. 4. · F13009 Marseille, Service de Neurophysiologie Clinique et de Rééducation Fonctionnelle, Centre Hôpitalier de Martigues, F13500

388 Ann. Kinésithér., 1984, t. 11, n° 9

Bibliographie

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MASSON iDEntre les points A et B, l'équilibration dans leplan frontal est normalement assurée par lacontraction dynamique excentrique desabducteurs de hanche.

infirmité motrice cérébra~e et déambulation.

Conduite thérapeutique.M. HYON-JOMIER, G. BLANC et B. LACHENAL

Cet ouvrage a pour but de compléter ou d'étudier certains aspectsjusqu'à présent méconnus, comme aussi d'être une aide pratique dansla conduite thérapeutique. Il vise également à faire sortir l'infirmitémotrice cérébrale de l'isolement et de la méconnaissance dans lesquelselle se trouve confinée.

La première partie étudie la définition et les troubles neuro-moteursresponsables de l'infirmité motrice cérébrale.

La seconde partie analyse essentiellement la déambulation, en parti­culier celle de l'insuffisant spastique.

La troisième partie tire les conclusions thérapeutiques des faits exposés.

De nombreux schémas et photos illustrent ces données.

"Monographies de Bois-Larris" - /1/0 181984, broché, 128 pages, 135 figures150 F. Prix Public TTC au 15:06.84ISBN: 2-225-80229-7

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