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1 Neurophysiologie de Neurophysiologie de l l audition audition Sébastien TANGUY [email protected] L'audition fait partie de notre vie et, à tout instant, on peut constater son utilité. Si un objet n'est pas vu, on peut toutefois en détecter la présence par le son qu'il produit. En entendant un son, il est souvent possible d'en identifier la source et la direction, ce qui représente une information importante s'il faut se déplacer rapidement dans cette direction. Non seulement les sons sont détectables et localisables, mais ils présentent aussi des nuances que l'on peut distinguer. L'aboiement d'un chien, la voix d'un ami, le bruit d'une vague qui se brise sont immédiatement reconnus. L'homme ayant la faculté de produire et d'entendre une grande variété de sons, le langage parlé et sa perception à travers le système auditif sont aussi devenus un moyen de communication très important entre les individus. Chez l'homme, l'audition s'est développée bien au-delà des simples fonctions utilitaires de communication et de survie: par exemple, à la façon des artistes qui ont recours aux média visuels, les musiciens étudient les sensations et les émotions provoquées par les sons. Ce cours décrit les mécanismes qui, dans l'oreille et dans le cerveau, transforment les sons de notre environnement en messages nerveux signifiants pour l'individu. Cette transformation s'effectue en plusieurs étapes. À l'intérieur de l'oreille, des récepteurs auditifs convertissent l'énergie mécanique du son en réponse neuronale. Aux autres niveaux, dans le tronc cérébral et le thalamus, les signaux provenant des récepteurs sont intégrés avant d'atteindre le cortex auditif. Les caractéristiques de la réponse des neurones aux différents niveaux reflètent les relations existant entre l'activité du système auditif et la perception du son.

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Neurophysiologie de Neurophysiologie de ll’’auditionaudition

Sébastien TANGUY [email protected]

L'audition fait partie de notre vie et, à tout instant, on peut constater son utilité. Si un objet n'est pas vu, on peut toutefois en détecter la présence par le son qu'il produit. En entendant un son, il est souvent possible d'en identifier la source et la direction, ce qui représente une information importante s'il faut se déplacer rapidement dans cette direction. Non seulement les sons sont détectables et localisables, mais ils présentent aussi des nuances que l'on peut distinguer. L'aboiement d'un chien, la voix d'un ami, le bruit d'une vague qui se brise sont immédiatement reconnus. L'homme ayant la faculté de produire et d'entendre une grande variété de sons, le langage parlé et sa perception à travers le système auditif sont aussi devenus un moyen de communication très important entre les individus. Chez l'homme, l'audition s'est développée bien au-delà des simples fonctions utilitaires de communication et de survie: par exemple, à la façon des artistes qui ont recours aux média visuels, les musiciens étudient les sensations et les émotions provoquées par les sons. Ce cours décrit les mécanismes qui, dans l'oreille et dans le cerveau, transforment les sons de notre environnement en messages nerveux signifiants pour l'individu. Cette transformation s'effectue en plusieurs étapes. À l'intérieur de l'oreille, des récepteurs auditifs convertissent l'énergie mécanique du son en réponse neuronale. Aux autres niveaux, dans le tronc cérébral et le thalamus, les signaux provenant des récepteurs sont intégrés avant d'atteindre le cortex auditif. Les caractéristiques de la réponse des neurones aux différents niveaux reflètent les relations existant entre l'activité du système auditif et la perception du son.

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NATURE DU SON

Le son est produit par les variations perceptibles de la pression du milieu résultant du déplacement des molécules, en général de l'air, sous l'effet de différents processus : le murmure d'une voix, la vibration de la corde d'une guitare ou le crépitement du feu. Production des sons par les vibrations de la pression de l'air ambiant.Quand la membrane d'un haut-parleur d'une chaîne stéréophonique est repoussée, elle comprime l'air; - quand elle est tirée en avant, celui-ci se détend. Si les mouvements de compression et de détente de l'air sont périodiques, ils induisent une variation concomitante de la pression de l'air, telle qu'elle est illustrée sur le diagramme. La distance entre deux phases de compression (ou de relâchement) détermine un cycle du son (indiqué par les lignes verticales). Les ondes sonores se propagent à partir du haut parleur, à la vitesse du son 343 m/s dans l'air, à température ambiante.

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De nombreuses sources sonores, telles que les vibrations du haut-parleur retransmettant le son d'un instrument à cordes, produisent des variations périodiques de la pression de l'air. La fréquence du son est le nombre de compressions et de phases de détente de l'air qui atteignent l'oreille en une seconde. Un cycle sonore correspond à la distance entre deux plages successives ; la fréquence du son, exprimée en hertz (Hz), est le nombre de cycles par seconde. Les ondes sonores se propageant toutes à la même vitesse, avec les ondes à haute fréquence les plages de compression et de détente de l'air sont plus nombreuses pour un même espace qu'avec les ondes à basse fréquence (Fig. a). Le système auditif est assez performant pour percevoir les sons d'une fréquence de 20 à 20000 Hz et même au-delà (bien que cet ordre de fréquences perceptibles diminue significativement avec l'âge et l'exposition au bruit, spécialement dans le cas des plus hautes fréquences). Pour rapprocher la notion de fréquence d'exemples familiers, rappelons que la fréquence de la vibration d'une note basse d'un orgue est d'environ 20 Hz, et que la fréquence de celle d'une note aiguë d'un piccolo est d'environ 10000 Hz. Une autre propriété du son est à prendre en compte : son intensité, c'est-à dire l'amplitude de la variation de pression mesurée entre le maximum de compression et celui de la phase de détente de l'air (Fig. b). L'intensité du son détermine le niveau du son perceptible, les sons plus forts ayant une intensité plus élevée. La sensibilité de l'oreille à l'intensité est étonnante, le son le plus fort que l'homme peut percevoir sans risque pour l'oreille est un milliard de milliards de fois plus élevéque le son perceptible le plus faible. Si l'oreille était encore plus sensible, on entendrait le ronronnement constant du mouvement erratique des molécules d'air. Dans la réalité, les sons présentent rarement une seule fréquence et une seule intensité. C'est la combinaison simultanée d'ondes sonores de fréquences et d'intensités différentes qui confère aux instruments de musique et à la voix humaine leurs tonalités uniques.

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STRUCTURE DU SYSTÈME AUDITIF

La figure illustre la structure de l'oreille.La partie visible est formée essentiellement de cartilage recouvert de peau, formant une sorte d'entonnoir appelé pavillon qui canalise le son à l'intérieur de la tête. Les replis du pavillon jouent un rôle dans la localisation des sons. Chez l'homme, le pavillon est plus ou moins fixe, mais les animaux, par exemple le chat ou le cheval, ont la faculté d'exercer un contrôle de la position du pavillon et de pouvoir l'orienter dans la direction du son. Le passage vers l'oreille moyenne se fait par le conduit auditif, qui se prolonge à l'intérieur du crâne sur 2,5 cm, jusqu'à la membrane représentant le tympan de l'oreille. Une série de petits os, les osselets est rattachée à la surface interne du tympan. Placés dans une cavité remplie d'air, les osselets transmettent les vibrations du tympan à une autre membrane recouvrant un trou dans l'os du crâne appelé la fenêtre ovale. Derrière la fenêtre ovale se trouve la cochlée remplie d'un fluide, qui constitue le système générant une réponse nerveuse aux vibrations de la membrane placée sur la fenêtre. Les premiers stades de la voie auditive se déroulent donc de la façon suivante :

Les ondes sonores font vibrer la membrane du tympan —> Le tympan fait vibrer les osselets —> Les osselets transmettent les vibrations à la membrane de la fenêtre ovale —> Ces vibrations se transmettent au fluide de la cochlée —> La vibration du fluide contenu dans la cochlée génère la réponse des neurones sensoriels.

Toutes ces structures, du pavillon à l'oreille interne, forment les différents éléments de l'oreille, laquelle se compose de trois parties : les structures comprises entre le pavillon et le tympan forment l'oreille externe; le tympan et les osselets forment l'oreille moyenne; et l'appareil auditif interne par rapport à la fenêtre ovale, forme l'oreille interne.

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Comparaison des voies auditives et visuelles.

La réponse générée par l'appareil auditif de l'oreille interne est transmise et analysée dans une série de noyaux du tronc cérébral. Cette analyse est transmise, au niveau du thalamus, au corps genouillé médian, ou CGM, qui sert de relais. Enfin, le CGM se projette sur le cortex auditif primaire, ou A1, situé dans le lobe temporal. Le système sensoriel auditif est un peu plus complexe que le système sensoriel visuel car il y a plus d'étapes intermédiaires entre les récepteurs et le cortex. Cependant, ces systèmes présentent des constituants analogues, y compris les récepteurs sensoriels, des phases d'intégration précoces (situées dans la rétine pour le système visuel), un relais dans le thalamus et une aire corticale sensorielle.

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OREILLE MOYENNEConstituants de l'oreille moyenne

OREILLE MOYENNEL'oreille externe conduit le son dans l'oreille moyenne, une cavité remplie d'air qui contient les premiers éléments sensibles au son. Dans l'oreille moyenne, les variations de pression font vibrer les osselets, ce qui correspond à la première étape de la transformation de l'énergie sonore.Constituants de l'oreille moyenneL'oreille moyenne est composée du tympan, des osselets et de deux fines membranes qui sont rattachées aux osselets. Le tympan est une membrane de forme presque conique, pénétrant dans la cavité de l'oreille moyenne. Les osselets, au nombre de trois, portent chacun le nom d'un objet auquel ils ressemblent (Fig.). L'osselet articulé sur la membrane du tympan est le marteau qui forme un lien rigide avec l'enclume (l’incus). Il existe une articulation souple entre l'enclume et l'étrier. La partie plate de l'étrier, le repose-pied, s'articule à la façon d'un piston sur la fenêtre ovale, transmettant ainsi les vibrations sonores aux fluides contenus dans la cochlée de l'oreille interne. L'oreille moyenne communique avec la bouche par la trompe d'Eustache, bien que cette trompe soit généralement fermée par une valve. Quand un avion prend de l'altitude ou que l'on roule en voiture en montagne, la pression de l'air diminue. Cependant, tant que la valve est fermée, la pression de l'air dans l'oreille moyenne ne change pas. La pression étant plus élevée dans l'oreille moyenne qu'à l'extérieur, le tympan se déforme vers l'extérieur, ce qui produit une douleur désagréable dans les oreilles. Pour apaiser la douleur, il suffit de bailler ou de déglutir, afin d'ouvrir la trompe d'Eustache pour équilibrer la pression de l'air entre l'oreille moyenne et celle du milieu ambiant.

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OREILLE MOYENNERôle des osselets dans l'amplification du son

Pression développée au niveau de la fenêtre ovale supérieure à celle exercée au niveau du tympan

Rôle des osselets dans l'amplification du sonLes ondes sonores font vibrer le tympan, et les osselets font vibrer une autre membrane au niveau de la fenêtre ovale. On peut se demander pourquoi les ondes sonores ne font pas vibrer directement la membrane de la fenêtre ovale. Cela peut s'expliquer par le fait que la cochlée contient un fluide, et non de l'air. Si les ondes sonores heurtaient directement la fenêtre ovale, celle-ci bougerait à peine, et la quasi-totalité du son serait réfléchie à cause de la pression que le fluide cochléaire exerce à l'arrière de la fenêtre ovale. Le silence du monde sous-marin montre combien l'eau réfléchit les bruits qui viennent de la surface. Comme le fluide de l'oreille interne est moins sensible que l'air aux vibrations (le fluide a une plus grande inertie), il faut une plus grande pression pour le faire vibrer. Ce sont les osselets qui permettent d'amplifier le signal sonore. Pour bien comprendre le processus, il faut savoir ce qu'est la pression. La pression est la force exercée sur une membrane, par unité de surface de la membrane. Sur la fenêtre ovale, la pression peut être plus forte que sur le tympan si la force qui s'exerce sur la membrane de la fenêtre ovale est plus forte, ou inversement si la surface de la fenêtre ovale est plus petite que celle de la membrane du tympan. L'oreille moyenne accentue la pression sur la membrane de la fenêtre ovale en modifiant à la fois la force et la surface. La force est plus grande au niveau de la fenêtre ovale car les osselets agissent comme des leviers ; une vibration importante de la membrane du tympan est convertie en une vibration moins ample mais plus forte au niveau de la fenêtre ovale. De plus, la surface de la fenêtre ovale est plus petite que celle de la membrane du tympan. Ces facteurs se combinent pour donner une pression environ 20 fois plus élevée sur la fenêtre ovale que sur le tympan, suffisante pour faire vibrer le fluide dans l'oreille interne. Il est intéressant de noter à cet égard que certains poissons n'ont pas d'osselets, probablement parce qu'ils vivent dans l'eau, et que, dans ce cas, les ondes sonores parviennent directement à l'oreille interne.

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OREILLE MOYENNERéflexe d'atténuation

Osselets Fenêtre ovale

Réflexe d'atténuationDeux muscles rattachés aux osselets ont un effet marqué sur la transmission du son à l'oreille interne: le muscle tenseur du tympan ancré sur l'os de la cavité de l'oreille moyenne à l'une de ses extrémités, et fixé au marteau à l'autre extrémité (Fig.); le muscle stapedius ancré à une extrémitésur l'os, et de l'autre côté sur l'étrier. Quand ces muscles se contractent, la chaîne des osselets devient beaucoup plus rigide, et la transmission du son vers l'oreille interne est fortement réduite. En présence d'un fort stimulus sonore, ces muscles se contractent, ce qui représente un réflexe d'atténuation. L'atténuation du son est plus marquée avec les basses fréquences qu'avec les hautes fréquences. Ce réflexe pourrait avoir plusieurs fonctions. L'une d'entre elles est peut-être l'adaptation de l'oreille à de hautes fréquences sonores continues. Ces tonalités trop élevées, susceptibles de saturer la réponse des récepteurs dans l'oreille interne, seraient ramenées à un niveau inférieur à la saturation par le réflexe d'atténuation, augmentant ainsi l'étendue des fréquences perceptibles. Le réflexe d'atténuation assure aussi la protection de l'oreille interne contre des sons trop violents qui risqueraient de provoquer des lésions. Malheureusement, ce réflexe intervient dans un délai de 50 à 100 ms après l'arrivée du son dans l'oreille : il n'offre donc pas une grande protection contre les sons violents intempestifs, une lésion peut intervenir avant que les muscles ne se contractent. C'est pourquoi, malgré la protection du réflexe d'atténuation, une explosion violente (ou la musique d'un baladeur) peut entraîner des lésions de la cochlée. Autre utilitée, comme le réflexe d'atténuation supprime les basses fréquences plutôt que les hautes fréquences, il est plus facile de discerner les hautes fréquences dans un environnement sonore de basses fréquences. Cette faculté nous permet de suivre plus facilement une conversation dans un environnement bruyant, que nous ne pourrions pas suivre sans le réflexe d'atténuation. Il semble que ce réflexe soit aussi activé lorsque nous parlons, de sorte que nous n'entendons pas le son de notre voix aussi fortement que si ce réflexe n'existait pas.

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OREILLE INTERNEAnatomie de la cochlée

Osselets Fenêtre ovale

Cochlée de cobaye

Cochlée humaine

Anatomie de la cochléeLa cochlée (ou limaçon) est enroulée en spirale comme une coquille d'escargot. Sa structure peut être évoquée en enroulant une paille (comme celles dont on se sert pour boire), deux fois et demi autour de la pointe effilée d'un crayon (Fig.). Dans la cochlée, les parois du tube creux (représenté par la paille) sont formées d'os. Le pilier central de la cochlée (représenté par le crayon) est une structure osseuse conique. Les dimensions réelles sont plus petites que celles du modèle représenté avec la paille et le crayon, le tube creux de la cochlée mesurant environ 32 mm de long pour un diamètre de 2 mm. À la base de la cochlée se trouvent deux trous recouverts d'une membrane: la fenêtre ovale, qui se trouve sous la partie plate de l'étrier, et la fenêtre ronde.

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Coupe transversale de la cochlCoupe transversale de la cochlééee

Sur une coupe transversale de la cochlée, on voit que le tube est divisé en trois compartiments ou rampes : la rampe vestibulaire, la rampe tympanique et le canal cochléaire (Fig.). Les trois rampes s'enroulent à l'intérieur de la cochlée comme un escalier en spirale. La rampe vestibulaire et le canal cochléaire sont séparés par la membrane de Reissner; la rampe tympanique et le canal cochléaire, par la membrane basilaire qui supporte l'organe de Corti où siègent les neurones récepteurs auditifs. La membrane tectoriale est tendue au-dessus de l'organe de Corti.

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Membrane basilaire représentée dans une cochlée déroulée.

À l'apex de la cochlée, le canal cochléaire se referme, alors que la rampe vestibulaire et la rampe tympanique communiquent par un orifice à travers les membranes, l'hélicotrème (Fig.). Le fluide de la rampe vestibulaire est donc en continuité avec celui de la rampe tympanique. À la base de la cochlée, la rampe vestibulaire bute sur la fenêtre ovale, et celui de la rampe tympanique, sur la fenêtre ronde.

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Composition ionique duComposition ionique duppéérilymphe et endolympherilymphe et endolymphe

Périlymphe

Endolymphe

striavascularis

La composition ionique du liquide présent dans la rampe vestibulaire et dans la rampe tympanique, appelé périlymphe, est semblable à celle du liquide céphalorachidien : faible concentration de K+ (7 mM) et forte concentration de Na+ (140 mM). Le canal cochléaire est rempli d' endolymphe, dont les concentrations ioniques sont étonnamment semblables à celles du milieu intracellulaire, avec une forte concentration de K+ (150 mM) et une faible concentration de Na+ (1 mM), alors qu'il est extracellulaire. Cette différence peut s'expliquer par l'activation d'un mécanisme de la stria vascularis (l'endothélium qui tapisse une des parois du canal cochléaire), qui réabsorbe le sodium et secrète du potassium contre leurs gradients de concentration. En raison des différences de concentration ionique et de la perméabilité de la membrane de Reissner, l'endolymphe présente un potentiel électrique d'environ 80 mV plus positif que celui de la périlymphe ; c'est ce qu'on appelle le potentiel endocochléaire, représentant un facteur important qui favorise la transduction auditive.

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Physiologie de la cochléeSensibilité de la membrane basilaire au son

- Déplacements de l'étrier vers l'intérieur et l'extérieur entraînent des.- Mouvements de l'endolymphe.- Génération d’une onde se déplaçant le long de la membrane basilaire.- À 3 000 Hz, les mouvements de l'endolymphe et de la membrane s'arrêtent brutalement à peu près à mi-distance entre la base et l'apex.

Taille de cette onde est environ 1 million de fois moins importante

Sensibilité de la membrane basilaire au son.La sensibilité de la membrane basilaire est déterminée par deux propriétés structurales. D'abord, la membrane est plus large à l'apex qu'à la base, d'un facteur 5, environ. Deuxièmement, la rigidité de la membrane diminue de la base à l'apex, la base étant à peu près 100 fois plus rigide. Cette membrane peut être comparée à la palme d'un nageur dont la base est étroite et ferme, et l'extrémitélarge et souple. En repoussant la partie plate de l'étrier sur la fenêtre ovale, le son entraîne un déplacement de la périlymphe dans la rampe vestibulaire, mais aussi de l'endolymphe dans le canal cochléaire puisque la membrane de Reissner est très flexible. Les sons peuvent aussi tirer sur la base de l'étrier, réversant le gradient de pression. Les sons produisent ainsi un incessantmouvement dans les deux sens de la base de l'étrier. Le mouvement de l'endolymphe fait ployer la membrane basilaire à sa base, en initiant une onde qui se propage vers l'apex. L'onde qui parcourt la membrane basilaire est semblable à celle qui court le long d'une corde tendue, tenue par la main, et que l'on secoue d'un coup sec (Fig.).

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Réponse de la membrane basilaire aux stimulations sonores

La distance que l'onde parcourt le long de la membrane basilaire dépend de la fréquence du son. Avec les hautes fréquences, la base plus rigide de la membrane vibre considérablement, en dépensant beaucoup d'énergie, et l'onde ne se propage pas très loin (Fig. a). De la même manière, les ondes sonores àbasse fréquence se propagent jusqu'à l'apex flexible de la membrane, avant que toute l'énergie ne soit épuisée (Fig. b). La réponse de la membrane basilaire établit un codage de site répertoriant les endroits où la membrane est la plus distendue en fonction de fréquences différentes du son (Fig. c). La différence de distance parcourue en fonction des fréquences sonores détermine le codage.

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Organe de Corti et Organe de Corti et structures associstructures associéées.es.

Cellules ciliées observées au microscope à balayage.

Environ 5 μm

Les cellules ciliées et leurs stéréocils.

Organe de Corti et structures associées. Après les transformations mécaniques de l'énergie sonore dans l'oreille moyenne et interne, il est nécessaire d'évoquer le rôle des neurones. Les récepteurs auditifs, qui convertissent l'énergie mécanique en modifiant la polarisation de la membrane, se trouvent localisés dans l'organe de Corti (d'après le nom de l'anatomiste italien qui l'identifia le premier). L'organe de Corti se compose des cellules ciliées, des piliers de Corti et d'autres cellules de soutien variées qui en forment la trame. Les récepteurs auditifs portent le nom de cellules ciliées, car chacune de ces cellules porte environ 100 stéréocils redressés au-dessus de la cellule. La figure représente les cellules ciliées telles qu'elles apparaissent au microscope électronique à balayage. L'événement critique dans la conversion du son en message nerveux est l'inclinaison des cils. L'étude détaillée de l'organe de Corti permet de comprendre pourquoi les cils s'inclinent lorsque la membrane basilaire se déforme.

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Organe de Corti.

Les cellules ciliées sont enserrées entre la membrane basilaire et une mince couche de tissu appelée la lame réticulaire (Fig.). Les piliers de Corti se dressent d'une membrane à l'autre et forment un support. Les cellules ciliées situées entre l'axe de la cochlée et les piliers de Corti sont les cellules ciliées internes (elles sont au nombre de 3 500, environ), et les cellules situées au-delàdes piliers sont les cellules ciliées externes (environ 15 000 à 20 000 cellules, disposées en 3 à 5 rangées). Les stéréocils dressés sur les cellules ciliées se prolongent au-delà de la lame réticulaire dans l'endolymphe, pour finir dans la substance gélatineuse de la membrane tectoriale. Pour se rappeler les membranes de l'organe de Corti, on peut se souvenir que la membrane basilaire se situe à la base de l'organe de Corti, que la membrane tectoriale forme un toit sur l'ensemble de la structure, et que la lame réticulaire se trouve au milieu, reposant sur les cellules ciliées. Les cellules ciliées forment des synapses sur des neurones dont les corps cellulaires sont localisés dans le ganglion spiral. Les cellules du ganglion spiral sont bipolaires, et leurs neurites se projettent à la base et sur les côtés des cellules ciliées, où elles reçoivent l'influx synaptique. Les axones des cellules du ganglion spiral pénètrent dans le nerf auditif (la VIIIepaire de nerfs crâniens) qui se projette sur les noyaux cochléaires, au niveau bulbaire.

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Transduction assurTransduction assuréée e par les cellules cilipar les cellules ciliééeses

Mouvements des stéréocilsproduits par le déplacement de la membrane basilaire.

Transduction assurée par les cellules ciliées. Quand le mouvement de l'étrier fait vibrer la membrane basilaire, toutes les structures supportant les cellules ciliées vibrent, car les piliers de Corti, la lame réticulaire et les cellules ciliées sont reliés de façon rigide. Ces structures pivotent à l'unisson, en remontant vers la membrane tectoriale, ou en s'en éloignant. Quand la membrane basilaire est déplacée vers le haut, la lame réticulaire remonte vers l'axe de la cochlée. Inversement, si la membrane basilaire redescend, la lame réticulaire s'en éloigne. En se rapprochant ou en s'éloignant de l'axe de la cochlée, la lame réticulaire se déplace vers l'intérieur ou vers l'extérieur, par rapport à la membrane tectoriale. Comme la membrane tectorialeretient les extrémités des stéréocils, le mouvement latéral de la lame réticulaire par rapport à la membrane tectoriale infléchit les stéréocils sur les cellules ciliées, dans un sens ou dans l'autre (Fig.). Les extrémités des stéréocils des cellules ciliées internes sont orientées de façon similaire, probablement à cause du mouvement de l'endolymphe. Les stéréocils sont formés par des filaments d'actine rigides, et ils s'inclinent comme des bâtonnets. Des filaments croisés relient les stéréocils de chaque cellule ciliée, de sorte que tous les cils d'une cellule se déplacent ensemble, en un seul mouvement. Ainsi, vous pouvez imaginer comment une onde sonore va provoquer des mouvements de la membrane basilaire oscillant entre deux positions, comme celles schématisées àla figure a et b et, par conséquent, les mouvements des cils des cellules ciliées qui s'inclinent par rapport à la membrane tectoriale.

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Potentiel de récepteur des cellules ciliées.

Les cellules ciliées sont dépolarisées ou hyperpolarisées en fonction de la direction du déplacement des stéréocils.

Le potentiel de récepteur est étroitement associé aux variations de la pression de l'air induites par un son de basse fréquence.

Le rôle des cellules ciliées dans la conversion de la déformation mécanique des stéréocils en messages nerveuxLa cochlée étant enchâssée dans l'os, il est très difficile d'effectuer des enregistrements des cellules ciliées. Néanmoins, Les enregistrements des cellules ciliées montrent que lorsque les cils sont déplacés dans une direction, la cellule ciliée est dépolarisée, et lorsqu'ils sont déplacés dans l'autre direction, la cellule est hyperpolarisée (Fig. a). La dépolarisation et l'hyperpolarisation produites par le déplacement des cils correspond au potentiel de récepteur, qui se situe au-dessus ou au-dessous du potentiel de repos, de l'ordre de – 70 mV (Fig. b).Pour apprécier l'efficacité de l'oreille, regardez attentivement l'axe des X de la figure a. Les unités sont en nanomètres (1 nm = 10-9 m). Le diagramme illustre le fait que le potentiel de récepteur des cellules ciliées est saturé dès lors que les stéréocils se sont déplacés de 20 nm sur le côté, ce qui intervient quand un son très intense est délivré. A contrario, les sons les plus faibles que nous puissions percevoir déplacent les cils de seulement 0,3 nm de chaque côté. Cela est une distance incroyablement courte, représentant environ le diamètre d'un gros atome ! Comme chaque stéréocil a lui-même un diamètre d'environ 500 nm, ce son très doux déplace donc les stéréocils de seulement un millième de leur propre diamètre et cela suffit pour le percevoir. Mais comment les cellules ciliées interviennent-elles pour transformer ces phénomènes de si faible énergie en quelque chose d'audible?

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Dépolarisation des cellules ciliées.

Les canaux potassiques sont activés quand les filaments qui associent les stéréocils sont étirés.

Les variations du potentiel de membrane de la cellule sont dues à l'ouverture de canaux potassiques situés aux extrémités des stéréocils. La figure explique le fonctionnement probable de ces canaux. Chaque canal est relié par un filament élastique à la paroi du cil adjacent. Quand les cils sont redressés, la tension exercée sur ce filament ouvre partiellement le canal, ce qui permet un flux continu d'ions K+ de l'endolymphe vers la cellule ciliée. L'inclinaison des cils dans une des directions accroît la tension sur le filament qui les relie, et cela augmente le courant potassique entrant. Le déplacement des cils dans l'autre direction réduit la tension sur le filament, et le canal se referme complètement, supprimant ainsi l'entrée des ions K+.

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Dépolarisation des cellules ciliées

Le potassium dépolarise les cellules ciliées, entraînant l'ouverture des canaux calciques dépendants du potentiel , contribuant à accentuer la dépolarisation de la cellule.

Libération de neurotransmetteur à partir de vésicules synaptiques, activant les neurites des cellules du ganglion spiral, au niveau postsynaptique.

L'entrée des ions K+ dans la cellule provoque une dépolarisation qui, à son tour, active des canaux calciques dépendants du potentiel (Fig. b). Les ions Ca2+

déclenchent la libération d'un neurotransmetteur, le glutamate, qui active les fibres du ganglion spiral, postsynaptiques par rapport à la cellule ciliée. Il faut noter que l'ouverture des canaux potassiques conduit à une dépolarisation de la cellule ciliée, alors que l'ouverture des canaux potassiques provoque en général une hyperpolarisation, dans la plupart des neurones. La différence de sensibilitéentre les cellules ciliées et les neurones pourrait s'expliquer par la concentration exceptionnellement élevée de K+ dans l'endolymphe, ce qui donne un potentiel d'équilibre de 0 mV, comparé au potentiel d'équilibre, de l'ordre de – 70 mV, des neurones typiques. Une autre raison pour laquelle le K+ entre dans les cellules ciliées est la valeur du potentiel endocochléaire, de + 80 mV, qui favorise la création d'un gradient de 125 mV au travers de la membrane des stéréocils.

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Innervation des cellules ciliées

Innervation des cellules ciliées. Le nerf auditif est formé par les axones des neurones dont le corps cellulaire est localisé dans le ganglion spiral. Ces neurones, les premiers sur la voie auditive à émettre des potentiels d'action, fournissent toute l'information auditive transmise au cerveau. Il est donc important de noter qu'il y a une différence significative entre l'innervation des cellules ciliées internes et celle des cellules ciliées externes, à partir du ganglion spiral. Le nombre de neurones dans le ganglion spiral est d'environ 35000 à 50000. Bien que le nombre de cellules ciliées externes soit environ trois fois supérieur à celui des cellules ciliées internes, plus de 95 % des neurones du ganglion spiral communiquent avec le petit nombre relatif des cellules ciliées internes, et moins de 5 % reçoivent des informations par voie synaptique des cellules ciliées externes qui sont beaucoup plus nombreuses (Fig.). Il en résulte qu'une fibre du ganglion spiral reçoit des informations d'une seule cellule ciliée interne; chaque cellule ciliée interne communique ainsi avec environ dix neurites du ganglion spiral. C'est l'inverse qui se produit avec les cellules ciliées externes. Comme leur nombre est supérieur à celui des cellules du ganglion spiral, une fibre unique du ganglion spiral forme des synapses avec plusieurs cellules ciliées externes. D'après ces chiffres, il est possible de conclure que la majeure partie de l'information provenant de la cochlée vient des cellules ciliées internes. Mais alors, quel est le rôle potentiel des cellules ciliées externes ?Amplification assurée par les cellules ciliées externes. Sachant que le nombre des cellules ciliées externes est largement supérieur à celui des cellules ciliées internes, il semble paradoxal que la majeure partie de l'information cochléaire provienne des cellules ciliées internes. Cependant, les recherches en cours suggèrent que les cellules ciliées externes jouent un rôle très important dans la transduction du son. L'une des idées sur le rôle des cellules ciliées externes est liée à la découverte que l'oreille ne fait pas que transformer les sons pour les percevoir, mais qu'elle en produit elle-même.

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Amplification du signal àpartir des cellules ciliées

externes.

Amplification du signal à partir des cellules ciliées externes.Les cellules ciliées externes paraissent se comporter comme de petits moteurs qui agissent pour amplifier le mouvement de la membrane basilaire lors de stimulus sonores de faible intensité. La clé de cette fonction est l'existence de protéines motrices situées dans les membranes des cellules ciliées externes (Fig. a). Les protéines motrices peuvent modifier la longueur des cellules ciliées externes, et il a été démontré que la réponse des cellules ciliées externes est associée, à la fois, aux variations du potentiel de membrane du récepteur et à un changement de sa longueur (Fig. b). La nature de ces protéines motrices est encore inconnue. Elles ne ressemblent pas aux autres types de protéines connues, impliquées dans les mouvements cellulaires. Ce que nous savons, c'est que le fonctionnement de ce «moteur» est dépendant du potentiel de récepteur et qu'il utilise l'ATP comme énergie. Il est aussi extrêmement rapide, puisqu'il doit être à même de suivre les mouvements induits par les sons de haute fréquence. Comme les cellules ciliées externes sont fixées sur la membrane basilaire et la lame réticulaire, quand les protéines motrices modifient la longueur de la cellule ciliée, la membrane basilaire se rapproche ou s'éloigne de la lame réticulaire et de la membrane tectoriale. C'est pourquoi le terme d'effet moteur est utilisé: les cellules ciliées externes modifient activement les relations entre les différentes membranes cochléaires.L'effet moteur des cellules ciliées externes apporte une importante contribution à la propagation de l'onde sonore le long de la membrane basilaire. Ce fait a été démontré en 1991 par Mario Ruggero et Nola Rich, de University of Minnesota, àpartir d'expériences dans lesquelles ils administraient un produit chimique, le furosémide, à des animaux. Le furosémide réduit transitoirement la transduction qui résulte de la courbure des stéréocils sur les cellules ciliées, et il réduit aussi significativement la sensibilité de la membrane basilaire au son (Fig. c, d). La réduction de la vibration de la membrane basilaire produite par le furosémide proviendrait essentiellement de l'inactivation des protéines motrices des cellules ciliées externes et libèrent de l' acétylcholine. Pour cette raison, il est parfois suggéré que les cellules ciliées externes forment un amplificateur cochléaire. Quand les cellules ciliées externes amplifient la réponse de la membrane basilaire, les stéréocils des cellules ciliées internes s'inclinent davantage, et l' augmentation concomitante du processus de transduction dans les cellules ciliées internes accroît la sensibilité du nerf auditif. En conséquence, par ce système de rétroaction, les cellules ciliées externes contribuent significativement au signal cochléaire. Sans cet amplificateur cochléaire, les mouvements les plus amples de la membrane basilaire seraient environ 100 fois plus faibles. L'action des cellules ciliées externes sur la réponse des cellules ciliées internes subit aussi l'influence de neurones qui n'appartiennent pas à la cochlée.À côté des afférences du ganglion spiral qui se projettent de la cochlée sur le tronc cérébral, il existe environ un millier de fibres efférentes qui se projettent du tronc cérébral vers la cochlée. Ces fibres efférentes divergent assez pour former des synapses sur les cellules ciliées externes et libèrent de l'acétylcholine. La stimulation de ces fibres efférentes modifie la forme des cellules ciliées externes, comme nous l'avons vu, ce qui affecte la réponse des cellules ciliées internes. C'est ainsi que l'information transmise du cerveau à la cochlée pourrait réguler la sensibilité auditive.Considérant le rôle que jouent les cellules ciliées externes dans l'amplification des signaux sonores, on s'explique mieux que certains antibiotiques (par exemple, la kanamycine), en créant des lésions des cellules ciliées, entraînent la surdité. L'utilisation excessive d'antibiotiques diminue la sensibilité auditive de nombreuses cellules ciliées internes. Pourtant, les antibiotiques sont surtout dangereux pour les cellules ciliées externes, et non pour les cellules ciliées internes !La surdité due aux antibiotiques serait la conséquence d'une atteinte de l'amplificateur cochléaire (les cellules ciliées externes), ce qui montre l'importance de cet amplificateur.

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MÉCANISMES CENTRAUX DE L'AUDITION

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Anatomie des voies auditives

Anatomie des voies auditivesLes fibres issues du ganglion spiral pénètrent dans le tronc cérébral par le nerf auditif. Au niveau du tronc cérébral, les axones innervent le noyau cochléaire dorsal et le noyau cochléaire ventral, du côté ipsilatéral par rapport à la cochlée. Chaque axone se ramifie et forme des synapses sur les neurones des deux noyaux cochléaires à la fois. Le système se complique ensuite, et les connexions sont moins bien décrites car les voies sont très dispersées. Nous allons suivre le trajet d'une voie allant des noyaux cochléaires au cortex auditif (Fig.). Les cellules du noyau cochléaire ventral projettent des axones sur l'olive supérieure (appelée aussi noyau olivaire supérieur), de chaque côté du tronc cérébral. Les axones des neurones olivaires empruntent le lemnisque latéral (un lemnisque est un faisceau d'axones) et innervent le colliculus inférieur, au niveau du mésencéphale. De nombreuses efférences du noyau cochléaire dorsal suivent un trajet semblable, mais la voie dorsale contourne l'olive supérieure. Bien qu'il y ait d'autres voies entre les noyaux cochléaires et le colliculus inférieur, avec d'autres relais intermédiaires, toutes les voies auditives ascendantes convergent vers le colliculus inférieur. Les neurones du colliculus projettent vers le corps genouillémédian (CGM) du thalamus, qui se projette à son tour sur le cortex auditif.Avant d'évoquer les propriétés des neurones du système auditif, il est nécessaire de préciser certains points. (1) Au niveau du tronc cérébral, il existe des projections et des noyaux qui ne sont pas mentionnés sur la figure, mais qui contribuent à la transmission auditive. Ainsi, le colliculusinférieur envoie des axones non seulement vers le CGM, mais aussi vers le colliculus supérieur (qui représente ainsi un lieu d'intégration de l'information visuelle et auditive) et dans le cervelet. (2) Les voies auditives se caractérisent par l'existence de nombreux mécanismes de rétrocontrôle. Ainsi, les neurones du tronc cérébral envoient des axones qui sont connectés avec les cellules ciliées externes, et le cortex auditif innerve le CGM et le colliculus inférieur. (3) Il faut noter enfin que des noyaux différents des noyaux cochléaires, les noyaux auditifs du tronc cérébral, recueillent l'information issue des deux oreilles.

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Propriétés des neurones de la voie auditive

A

B

Propriétés des neurones de la voie auditiveLes transformations des signaux auditifs intervenant dans le tronc cérébral sont en relation avec la nature des informations provenant des neurones du ganglion spiral de la cochlée. Étant donnéque la plupart des cellules du ganglion spiral ne reçoivent l'information que d'une seule cellule ciliée interne, à partir d'un site particulier de la membrane basilaire, elles ne génèrent des potentiels d'action qu'avec certaines fréquences sonores. Les cellules ciliées sont excitées par les déformations de la membrane basilaire et, comme cela a déjà été mentionné, chaque partie de la membrane est plus particulièrement sensible à certaines fréquences. La figure A illustre un enregistrement des potentiels d'action dans une seule fibre du nerf auditif (c'est-à-dire l'axone d'une cellule du ganglion spiral). La courbe représente la fréquence de décharge en fonction de stimulus sonores de différentes fréquences. Le neurone est particulièrement sensible à une fréquence donnée, ce que l'on appelle la fréquence caractéristique, et il est moins sensible aux fréquences proches. Cette spécificité de fréquence est une caractéristique des neurones de chaque relais, de la cochlée au cortex. Le long de la voie auditive, au niveau du tronc cérébral les réponses deviennent plus variées et plus complexes, comme dans la voie visuelle. Ainsi, certaines cellules des noyaux cochléaires sont particulièrement sensibles aux sons dont la fréquence varie avec le temps. Dans le CGM, quelques cellules répondent à des sons assez complexes comme les vocalises, et d'autres cellules ont une spécificité de fréquence unique, comme celles du nerf auditif. Dans l'olive supérieure, il se passe un phénomène important: les cellules sont activées par les noyaux cochléaires, à partir des deux côtés du tronc cérébral. Ces neurones qui répondent à la stimulation des deux oreilles jouent probablement un rôle important pour la localisation du son.

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CODAGE DE L'INTENSITCODAGE DE L'INTENSITÉÉSONORESSONORES

A

B

CODAGE DE L'INTENSITÉ ET DE LA FRÉQUENCE SONORESLorsque cesse toute préoccupation, l'individu peut concentrer son attention sur les sons de l'environnement. Il est alors possible d'entendre des sons ignorés jusque-là, et certains peuvent être sélectionnés parmi plusieurs survenant au même moment. Les sons, par nature, sont très variés, que ce soit le bavardage des gens, le bruit des voitures, la radio, ou encore ceux des multiples appareils électriques. La perception de chacun de ces sons ne peut évidemment pas être associée à certains neurones particuliers du cerveau. Cependant, les sons ont des traits communs comme l'intensité, la fréquence ou la source d'origine. Chacune de ces caractéristiques est alors représentée de façon différente dans la voie auditive.Intensité du stimulusLes informations concernant l'intensité sont codées par deux événements en étroite relation : la fréquence de décharge des neurones, et le nombre de neurones activés. Quand l'intensité d'un stimulus sonore augmente, la membrane basilaire vibre avec une amplitude plus grande, provoquant une dépolarisation ou une hyperpolarisation plus forte du potentiel de membrane des cellules ciliées activées. Cela déclenche des décharges plus fortes dans les fibres nerveuses qui forment une synapse avec les cellules ciliées. Sur le schéma de la figure A, la fibre du nerf auditif décharge plus fortement pour les mêmes fréquences sonores, quand l'intensité du son augmente. De plus, avec des stimulus plus intenses, les vibrations s'étendent sur une plus grande surface de la membrane basilaire (Fig. B), ce qui provoque l'activation d'un plus grand nombre de cellules ciliées. Dans une seule fibre du nerf auditif, l'augmentation du nombre de cellules ciliées activées se traduit par une plus grande échelle des fréquences auxquelles la fibre est sensible. Le nombre de neurones activés dans le nerf auditif (et tout le long de la voie auditive) et leurs fréquences de décharge sont ainsi supposés représenter les corrélats nerveux de la perception auditive.

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Fréquence du stimulus, tonotopieet corrélation de phase

Fréquence du stimulus, tonotopie et corrélation de phaseDes cellules ciliées de la cochlée au cortex auditif, en passant par les relais de noyaux variés, la plupart des neurones sont sensibles à la fréquence du stimulus et se trouvent particulièrement sensibles à la fréquence caractéristique. Mais comment la fréquence est-elle représentée au niveau du système nerveux ?Tonotopie.La sensibilité à la fréquence est largement associée aux propriétés mécaniques de la membrane basilaire, car les différentes fréquences sonores provoquent une déformation maximale de différentes parties de la membrane. Depuis la base jusqu'à l'apex de la cochlée, il existe une diminution progressive de la fréquence qui produit une déformation maximale de la membrane basilaire. Il existe une représentation de fréquence correspondante dans le nerf auditif; les fibres du nerf auditif connectées avec les cellules ciliées situées près de la membrane basilaire apicale sont sensibles à de basses fréquences sonores caractéristiques, et celles qui sont connectées avec les cellules ciliées près de la base de la membrane basilaire sont sensibles à de plus hautes fréquences caractéristiques (Fig.). Il en est de même pour les neurones du nerf auditif reliés au noyau cochléaire, en fonction de la fréquence caractéristique. Des neurones proches ont des fréquences caractéristiques semblables, et il y a une relation systématique entre la localisation des neurones dans le noyau cochléaire et la fréquence caractéristique. En d'autres termes, il existe une cartographie de la membrane basilaire au niveau des noyaux cochléaires. L'organisation systématique d'une structure du système auditif fondée sur la fréquence caractéristique est la tonotopie; elle correspond à la rétinotopie dans le système visuel. Ainsi peut-on analyser les cartes tonotopiques dans chacun des noyaux-relais du nerf auditif, le CGM, et le cortex auditif.En raison de la tonotopie de tout le système auditif, la localisation des neurones activés dans les noyaux auditifs est une indication de la fréquence sonore. Cependant, pour deux raisons, il est nécessaire que la fréquence soit codée différemment qu'en terme simple de site de l'activation maximale sur les cartes tonotopiques. L'une de ces raisons est que, sur ces cartes, il n'y a pas de neurone avec de très basses fréquences caractéristiques, inférieures à environ 200 Hz. De ce fait, il en résulte que le site d'activation maximale pourrait être le même avec des sonorités de 50 Hz ou de 200 Hz, et il faut qu'une distinction soit possible. La deuxième raison de penser qu'il existe un phénomène autre que la tonotopie, est que, la déformation maximale d'une partie de la membrane basilaire dépend de l'intensité, en plus de la fréquence sonore. À une fréquence donnée, un son plus intense provoquera une déformation maximale en un point plus éloigné de la base de la membrane, qu'un son moins intense.

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Corrélation de phase.La principale source d'information concernant la fréquence du son, qui vient en complément de l'information donnée par les cartes tonotopiques, concerne la relation qui existe entre la durée du son et celle de la décharge neuronale. Les enregistrements de neurones du nerf auditif révèlent une corrélation étroite de cette décharge avec différentes phases de l'onde sonore, c'est-à-dire que la décharge d'une cellule se trouve toujours ajustée à la même phase de l'onde sonore (Fig.). Si une onde sonore est par exemple représentée comme une variation sinusoïdale de la pression de l'air, un neurone présentant une telle corrélation de phase déchargerait soit au pic, soit au creux, ou à tout autre point constant de l'onde. Aux basses fréquences, certains neurones génèrent effectivement des potentiels d'action chaque fois que l'onde sonore atteint une phase particulière du cycle de l'onde sonore (Fig. a). Il est ainsi apparemment facile de déterminer la fréquence du son: elle est semblable à la fréquence de décharge des neurones. Il est cependant important de savoir que ce type de corrélation peut survenir même si des potentiels d'action ne sont pas générés à chaque cycle (Fig. b). Par exemple, la réponse d'un neurone à un stimulus de 1000 Hz peut être corrélée avec le son, de sorte qu'un potentiel d'action survient dans environ 25% des cycles ; en prenant un groupe de ce type de neurone, chacun répondant à des cycles différents du son, il est possible d'obtenir une réponse pour chaque cycle (chaque neurone de la population répondant à son tour), et donc une mesure de la fréquence du son. L'idée selon laquelle les fréquences intermédiaires sont représentées par l'activité d'une population de neurones, chacun de ces derniers avec un processus de corrélation avec une phase du cycle, est le principe de la volée afférente.La corrélation de phase survient avec des ondes sonores allant jusqu'à 4 kHz. Au-delà, les potentiels d'action sont générés au hasard et ne sont plus corrélés avec les phases de l'onde sonore (Fig. c) car la variabilité de la coordination des potentiels d'action devient comparable à la variabilité de l'intervalle de temps existant entre les cycles successifs de l'onde sonore. En d'autres termes, les ondes sonores sont trop rapides pour qu'elles puissent être directement codées au niveau de la fréquence de décharge d'un seul neurone. Au-delà de 4 Hz, les fréquences sont ainsi représentées seulement par la tonotopie. En résumé, la représentation de différentes fréquences se fait de la façon suivante : les fréquences très basses correspondent à des corrélations de phase ; les fréquences intermédiaires sont associées à la tonotopie et à des corrélations de phase impliquant des populations de neurones ; et pour les très hautes fréquences, seule la tonotopie peut traduire la fréquence sonore.

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MÉCANISMES DE LA LOCALISATION DU SON

Localisation du son dans le plan horizontalL'indication la plus évidente d'une source sonore est sans doute le temps que met le son àparvenir à chaque oreille. L'homme a deux oreilles, et si la source ne se situe pas directement face à lui, le son mettra plus de temps à parvenir à l'une des deux oreilles par rapport à l'autre. Par exemple, si un bruit soudain vient de droite, l'oreille droite l'entendra en premier (Fig. a); il parviendra à l'oreille gauche plus tard, après ce que l'on appelle un délai interaural. Si la distance entre les deux oreilles est de 20 cm, le son venant de la droite, perpendiculairement à la tête, atteindra l'oreille gauche 0,6 ms après avoir atteint l'oreille droite. Si le son vient de face, le délai interaural est supprimé; et avec des angles situés entre la position de face et la position perpendiculaire, le délai varie entre 0 et 0,6 ms (Fig. b). Il existe donc une relation simple entre la localisation du son et le délai interaural. Ce délai est détecté par des neurones particuliers du tronc cérébral, et permet de localiser la source sonore. Dans le cas où on ne perçoit pas le moment où débute un son parce qu'il s'agit d'une sonorité continue plutôt que d'un bruit soudain, il n'est pas possible de connaître le moment précis où le son parvient aux oreilles. Les sonorités continues posent un problème dans la localisation du son car elles sont constamment présentes au niveau des deux oreilles. Il est cependant possible d'utiliser le temps d'arrivée à l'oreille pour localiser le son, mais différemment que dans le cas d'un bruit soudain. La seule comparaisonpossible entre les sonorités continues est le temps auquel la même phase de l'onde sonore parvient à l'oreille. Imaginons un son de 200 Hz venant de la droite. À cette fréquence, un cycle de l'onde sonore couvre 172 cm, c'est-à-dire une distance très largement supérieure à celle qui sépare les deux oreilles. Après l'occurrence d'un pic de l'onde sonore dans l'oreille droite, il faut environ 0,6 ms — le temps nécessaire au son pour parcourir 20 cm — avant de détecter un pic au niveau de l'oreille gauche. Comme l'onde sonore est beaucoup plus longue que la distance entre les oreilles, le délai interaural représente dans ce cas une information fiable pour déterminer la position de la source sonore.

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Dans le cerveau, la localisation des hautes fréquences sonores se fait aussi par un autre processus : la différence d'intensité interaurale. Il existe une différence d'intensité interaurale entre les deux oreilles, parce que la tête représente une sorte d'écran pour la propagation du son (Fig.). Il existe une relation directe entre la direction de l'origine du son et l'étendue de l'ombre portée sur l'onde sonore par la tête. Si le son vient directement de droite, l'intensité sera significativement plus faible au niveau de l'oreille gauche (Fig. 1a); si le son vient de face, il parvient aux deux oreilles avec la même intensité (Fig. b); et si les sons présentent des orientations intermédiaires, ils parviennent aux oreilles avec des différences d'intensité intermédiaires (Fig. c). C'est ce qui permet aux neurones sensibles à l'intensité de localiser le son. Cependant, l'analyse de l'intensité ne peut pas servir à localiser les sons de très faibles fréquences, car les ondes sonores, à ces fréquences, sont diffractées tout autour de la tête, et l'intensité est pratiquement la même au niveau des deux oreilles. Le phénomène d'ombre portée n'existe pas avec les basses fréquences. En résumé, il y a deux processus de localisation du son dans le plan horizontal: àdes intensités de 20 à 2000 Hz, le processus repose d'abord sur le délai interaural, et de 2000 à 20000 Hz, c'est la différence d'intensité interaurale qui est prise en compte. Ces deux processus réunis forment la théorie double de la localisation du son.

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CORTEX AUDITIFCORTEX AUDITIFCaractCaractééristiques des rristiques des rééponses neuronalesponses neuronales

CORTEX AUDITIFLes axones quittant le CGM se projettent sur le cortex auditif par le relais de la capsule interne, en un faisceau qui constitue la radiation acoustique. Le cortex auditif primaire (A1) correspond à l'aire 41 de Brodmann, située dans le lobe temporal (Fig. a). La structure de A1 et des aires auditives secondaires est très comparable aux aires correspondantes du cortex visuel. La couche I contient peu de corps cellulaires, et les couches II et III contiennent essentiellement de petites cellules pyramidales. La couche IV, qui reçoit les terminaisons des axones du CGM, est composée d'amas denses de cellules granulaires. Les couches V et VI contiennent essentiellement des cellules pyramidales généralement de taille plus importante que celles des couches superficielles.Caractéristiques des réponses neuronalesChez le singe (et probablement chez l'homme), les neurones de A1 déchargent en rapport avec la fréquence du son, et ils présentent des fréquences caractéristiques couvrant le spectre des fréquences audibles. Une électrode pénétrant perpendiculairement à la surface du cortex, chez le singe, rencontre des cellules présentant des fréquences caractéristiques plutôt semblables, suggérant la présence d'une organisation en colonnes associée à la fréquence. Dans A1, la représentation tonotopique des basses fréquences est latérale et rostrale, alors que la représentation des hautes fréquences est médiane et caudale (Fig. b). Globalement, on rencontre au niveau de A1 des bandes de même fréquence (bandes d'isofréquence) disposées selon un plan médiolatéral. En d'autres termes, il y a dans A1 des rangées de neurones transversales, dans lesquelles tous les neurones ont à peu près les mêmes fréquences caractéristiques. Comme dans les premières étapes de la voie auditive, les neurones corticaux auditifs répondent de façon différente, en fonction de la durée de la stimulation sonore; quelques-uns présentent une réponse transitoire à un son bref, et d'autres une réponse soutenue pour la même stimulation. À côté de la relation qui existe entre la fréquence du son et la fréquence de décharge des neurones, qui intervient dans la plupart des cellules, quelques neurones déchargent en rapport avec l'intensité du son, avec un pic de réponse à une valeur donnée de l'intensité sonore. Dans une colonne verticale, perpendiculaire à la surface corticale, il est ainsi possible de trouver une diversité considérable d'ajustements à la fréquence sonore. Certains neurones déchargent en fonction de la fréquence sonore, et d'autres très peu ; le degréd'ajustement à la fréquence du son ne semble pas en rapport avec les différentes couches corticales considérées. D'autres sons, comme les cliquetis, les explosions, des sons avec modulation de fréquence et les vocalisations animales, génèrent également des réponses dans les neurones corticaux, mais l'approche du rôle de ces neurones répondant à des stimulus aussi complexes constitue encore un défi pour les chercheurs.

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CORTEX AUDITIFCORTEX AUDITIFCaractCaractééristiques des rristiques des rééponses neuronalesponses neuronales

Modèle hypothétique de l'organisation du cortex auditif.Dans ce modèle, les fréquences caractéristiques augmentent, des régions rostrales aux zones les plus caudales. Les régions contenant les cellules de type EE et de type El, respectivement, sont disposées schématiquement en bandes alternées, à peu près perpendiculairement par rapport à l'organisation rostrocaudale.

Modèle hypothétique de l'organisation du cortex auditifMalgré la grande variété des réponses que les neurophysiologistes rencontrent dans l'étude du cortex auditif, on commence à entrevoir une sorte d'organisation ou de principe unificateur. La représentation tonotopique, mentionnée plus haut, est un des principes d'organisation présent dans de nombreuses aires auditives. Un second principe est l'existence, dans le cortex, de colonnes de cellules présentant les mêmes propriétés binaurales. Comme aux niveaux inférieurs du système auditif, il existe des neurones EE et des neurones EI. Les neurones de type EE sont modérément excités par la stimulation sonore de l'une ou l'autre des deux oreilles, et leur réponse la plus marquée correspond à la stimulation des deux oreilles àla fois. Les neurones de type EI sont excités par le son quand il parvient à une des deux oreilles, et inhibés quand il parvient à l'autre. Les neurones de type EI sont dès lors très sensibles aux différences d'intensité au niveau des deux oreilles, car l'effet d'excitation d'une oreille se combine à l'effet d'inhibition de l'autre oreille. Ce mécanisme est donc utile pour la localisation horizontale du son aux hautes fréquences d'intensité, grâce aux différences d'intensité interaurale.Si on fait pénétrer une électrode perpendiculairement à la surface du cortex, les cellules rencontrées sont soit de type EE, soit de type El. Dans le cortex du chat, il y a une alternance de cellules EE et de cellules El dans une bande de même fréquence, et on peut penser que les colonnes d'interactions binaurales (appelées parfois colonnes d'addition et de soustraction) forment pratiquement un angle droit avec les bandes d'isofréquence (Fig.). Comme nous l'avons vu pour l'olive supérieure, les neurones sensibles aux différences de délai interaural et d'intensitéinteraurale jouent sans doute un rôle dans la localisation du son.À côté de A1, d'autres aires corticales situées à la surface supérieure du lobe temporal sont sensibles aux stimulus auditifs. Certaines de ces aires supérieures présentent une organisation tonotopique, et d'autres probablement pas. Comme dans le cortex visuel, il existe une tendance pour que les stimulus qui induisent une réponse importante des neurones soient plus complexes qu'aux niveaux inférieurs du système. L'aire de Wernicke, est un exemple de spécialisation. La destruction de cette aire n'a rien à voir avec la perception du son, mais elle affecte gravement la capacité d'interpréter le langage parlé.

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Conséquences des lésions des aires corticales auditives et de leur ablationSi une surdité peut résulter de l'ablation bilatérale du cortex auditif, elle est cependant le plus souvent associée à une lésion de l'oreille. Avec des lésions unilatérales du cortex auditif, la fonction auditive demeure presque normale. C'est une grande différence avec le système visuel, dans lequel une lésion unilatérale du cortex strié conduit à la cécité de tout un hémichamp visuel. C'est parce que chacune des deux oreilles envoie des informations au cortex à la fois dans les deux hémisphères, que la fonction auditive est mieux préservée lors de lésions corticales. Chez l'homme, le déficit primaire résultant d'une perte unilatérale de A1 se traduit par l'impossibilité de localiser l'origine d'un son. Il est possible de savoir de quel côté de la tête vient le son, mais il est presque impossible de le localiser plus précisément. Dans ce cas, cependant, la discrimination de la fréquence et de l'intensité reste pratiquement normale. Les études réalisées sur les animaux de laboratoire révèlent que des lésions plus petites peuvent provoquer des troubles de la localisation assez spécifiques. Compte tenu de l'organisation tonotopique de A1, il est possible de réaliser des lésions corticales restreintes, détruisant des neurones qui présentent des fréquences caractéristiques dans un ordre de grandeur limité. Dans ce cas alors, il est intéressant de constater que le déficit de localisation ne concerne que les sons correspondant pratiquement aux fréquences caractéristiques des cellules manquantes. Ce fait conforte l'idée que l'information issue des différentes bandes de fréquence est sans doute traitée parallèlement au niveau des structures organisées de façon tonotopique.