Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

22
Commission des Citoyens pour les Droits de l'Homme BP 10076, 75561 Paris Cedex 12 - Tél. : 01 40 01 09 70 © 2006. CCDH. Tous droits réservés. CCDH est une marque déposée appartenant à la Citizen Commission for Human Rights international. Imprimé électroniquement par nos soins.

description

Actes du colloque de juin 2006 à ParisMaison des polytechniciensCommission des Citoyens pour les Droits de l'Homme BP 10076, 75561 Paris Cedex 12 - Tél. : 01 40 01 09 70© 2006. CCDH. Tous droits réservés. CCDH est une marque déposée appartenant à la Citizen Commission for Human Rights international. Imprimé électroniquement par nos soins.

Transcript of Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

Page 1: Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

Commission des Citoyens pour les Droits de l'HommeBP 10076, 75561 Paris Cedex 12 - Tél. : 01 40 01 09 70

© 2006. CCDH. Tous droits réservés. CCDH est une marque déposée appartenant à la Citizen Commission for Human Rights international. Imprimé électroniquement par nos soins.

Page 2: Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

Le retour de

la psychiatrie répressive.Les jeunes en danger.

COMPTE RENDU

Colloque européen pour une mise en garde contre la psychiatrie utilisée en tantqu'outil de normalisation et de répression et dont les enfants sont la cible prioritaire

Paris, mardi 27 juin 2006à la Maison des Polytechniciens.

Commission des Citoyens pour les Droits de l'HommeB P 10076, 75561 Paris Cedex 12 - Tél. : 01 40 01 09 70

Page 3: Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

2 COMMISSION DES CITOYENS POUR LES DROITS DE L’HOMME

Précisions :

Il est bon de préciser que ce colloque s'est déroulé dans un contexte quelque peu différent ducontexte actuel. En effet, au 27 juin 2006 existait une menace très précise de retour de la psy-chiatrie répressive. Il s'agissait bien-entendu du projet de loi sur la prévention de la délinquancequi prévoyait d'instaurer un dépistage systématique des troubles de comportement chez lesenfants dès l’âge de trois ans. Le 28 juin, Monsieur le Ministre de l'Intérieur a annoncé qu'il avaitretiré ces mesures de son projet de loi et ce fut un immense soulagement. La Commission descitoyens pour les droits de l'homme s'en est publiquement réjoui. Néanmoins, il a été dit à cetteoccasion que ces mesures pourraient « revenir » au sein du projet de loi sur la protection de l'enfance, ce qui est très inquiétant. La vigilance la plus extrême est donc toujours de mise, sansoublier que le danger ne vient pas exclusivement du pouvoir politique mais que l'infiltration dumilieu scolaire par les thèses de la psychiatrie biologique justifie à elle seule la mise en garde que constitue ce colloque.

Page 4: Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

COMMISSION DES CITOYENS POUR LES DROITS DE L’HOMME 3

Frédéric Grossmann : Président de la Commission des citoyens pour les droits de l'homme (CCDH France)Introduction du colloque : la réalité du retour de la psychiatrie répressive, la situation exacte et lanécessité de réagir face au danger que représente cette psychiatrie pour les libertés individuelles etpour les enfants.

Docteur Jean-Philippe Labrèze : Président du Collectif des médecins et citoyens contre lestraitements dégradants en psychiatrieCritique de la nature non-scientifique du rapport de l'INSERM sur « les troubles des conduites chezl'enfant et l'adolescent » , servant de caution aux projets de dépistage systématique des troubles men-taux chez les enfants dès 3 ans.

Pierre Vican : Écrivain, journaliste, auteur de « Nos enfants, cobayes de la psychiatrie ? »,éditions AnagrammePrésentation de l'enquête sur la médicalisation des problèmes de l'enfance et sur le contrôle chimiquedes comportements

Georges-Alexandre Imbert, Président de l'AAAVAM, Association d'aide aux victimesd'accidents de médicamentsEst-il possible de dire la vérité sur les psychotropes en France aujourd'hui ? Comment sont étoufféesles critiques et cachés les effets secondaires des « médicaments psychiatriques ».

Docteur Roberto Cestari, Médecin, écrivain, auteur de « Pour que cela ne se produise pasaussi en Italie »Comment en est-on venu à accepter l'idée que les problèmes de l'enfance sont des maladies mentales ;les intérêts en jeu et la stratégie utilisée.

Docteur Nicolas Franceschetti, MédecinLes relations incestueuses entre la médecine et l'industrie pharmaceutique

Gérard Ducrey, Avocat Les dérives en matière d'internements psychiatriques en France : la limite parfois franchie entre priseen charge et répression, à partir de cas concrets.

Michel Steiner, Docteur en Psychologie, psychanalyste, romancierL'histoire de la psychiatrie et de ses abus est-elle vouée à constamment se répéter ?

Les Intervenants

Page 5: Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

4 COMMISSION DES CITOYENS POUR LES DROITS DE L’HOMME

Introduction : Pourquoi une conférence ayant pourtitre « le retour de la psychiatrie répressive ? »

Je dirais d'abord que nous n'avons pas vu le coupvenir et je m'explique.

L'année dernière, en juin 2005, la Commission desCitoyens pour les Droits de l'Homme organisait uneconférence ayant pour titre « Les enfants européens, unnouveau marché pour la psychiatrie ».

L'association était alors très consciente que la psy-chiatrie, à partir du champ médical, essayait de s'im-planter sur le marché des enfants. On sentait alors quel'enfance était menacée par la médicalisation de tousses problèmes. Il s'agissait de dénoncer l'extension duchamp médical, et particulièrement psychiatrique,aux difficultés de l'enfance.

Depuis, l'INSERM a publié un rapport sur lestroubles des conduites, préconisant le dépistage dessupposés troubles mentaux des enfants dès 3 ans pouréviter qu'ils ne deviennent des délinquants dix ansplus tard. Et voilà donc que la menace de psychiatri-sation de l'enfance a pris un nouveau visage, qu'elles'insinue sur de nouvelles lignes au sein de la société.Cette ligne, c'est la prévention de la délinquance.

Qu'est-ce que la prévention en psychiatrie ? La pré-vention psychiatrique n'est qu'une forme avancée der é p ression. Prévenir de futurs troubles mentauxrevient à réprimer à l'avance de futurs comportementsdéviants sur la base de comportements du présent, ense basant sur l'hypothèse d'un déterminisme total.« Tout est joué d'avance, tu seras ce que tu dois être et tun'as aucun contrôle sur toi-même et encore moins sur tavie ». On « prévient la délinquance » en punissant lesjeunes enfants et cette punition psychiatrique prendsouvent la forme de drogues, comme par exemple laritaline. Il s'agit de répression et en aucun cas de pré-vention réelle. Le fait de donner un psychotrope estune pure répression de l'être qui est enserré dans sacamisole chimique. C'est de la répression pure, auplus près de la personne. La psychiatrie «prévient » la

violence également en procédant à l'internement d'unindividu. Qu'est-ce qu'interner quelqu'un si ce n'est lepunir, le priver de sa liberté ?

C'est en fait toute la psychiatrie qui est basée sur larépression. Pinel, un des pères fondateurs de la psy-chiatrie à la fin du 18 e siècle, et supposé libérateur desaliénés, n'a-t-il pas prétendu avoir soigné une jeunefemme perturbée parce qu'elle s'était soudainementcalmée quand il l'avait menacée de la brûler avec untison ? Ainsi l'annonce aujourd'hui de l'utilisation dela prévention psychiatrique en vue d'éviter lestroubles sociaux futurs signifie que nous allons assis-ter à l'amplification du pouvoir répressif de la psy-chiatrie sur les citoyens, et cela dès leur plus jeune âge.

Toute la psychiatrie est en fait basée sur la punition,qu'elle soit physique ou qu'elle se fasse par le biais dela mise à l'écart ou de la stigmatisation. Et le champ dela psychiatrie ne fait que s'étendre. Sans doute natu-rellement, au cours de son extension, le champ psy-chiatrique a rencontré le champ policier et le champde la justice. Et ce champ psychiatrique en a profitépour prospérer et grossir, sous couvert d'aider l'Étatdans ses tâches les plus essentielles et reconnues.

Nous en sommes là aujourd'hui. La psychiatrieapparaît au grand jour comme un moyen de répres-sion. C'est d'ailleurs le point positif du contexte actuel.Les choses sont plus visibles. Notre association qui sebat depuis 1974 contre les abus psychiatriques et quidénonce depuis des années cette psychiatrisation ram-pante de notre société, ne peut accepter cette évolutionà marche forcée vers le dépistage des troubles men-taux et le suivi psychiatrique dès le plus jeune âge.

C'est une fraude scientifique, une atteinte grave à laliberté des individus, c'est une intrusion inacceptabledans la vie privée et c'est totalement inefficace. 35%des personnes en prison étaient suivies avant la prisonen psychiatrie. Si la psychiatrie disposait d'une quel-conque compétence pour prévenir la violence, nousn'aurions pas de tels chiffres.

« N o t re association qui se bat depuis 1974 contre lesabus psychiatriques et qui dénonce depuis des annéescette psychiatrisation rampante de notre société, ne peut accepter cette évolution à marche forcée versle dépistage des troubles mentaux et le suivi psychia-trique dès le plus jeune âge. C'est une fraude scienti-fique, une atteinte grave à la liberté des individus,c'est une intrusion inacceptable dans la vie privée et c'est totalement ineff i c a c e . »

Frédéric GrossmannPrésident de la Commission des citoyens

pour les droits de l'homme (CCDH France)

Frédéric GROSSMANN, Président CCDH

Page 6: Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

COMMISSION DES CITOYENS POUR LES DROITS DE L’HOMME 5

Et puis n'oublions pas les milliers d'enfants sousd rogues psychiatriques dont l'avenir est souventcompromis, les 70 000 personnes internées de forcechaque année, les électrochocs en nette recrudescenceet même les opérations du cerveau qui amorcent unretour.

Il y a là une souffrance indicible qu'il faut regarderen face.

C'est ce que font les intervenants d'aujourd'hui, quidénoncent avec brio et pertinence ce retour - mais est-elle partie un jour ? - de la psychiatrie répressive.

Page 7: Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

Docteur Jean-Philippe LABRÈZE

« Le caractère éminemment subjectif et arbitraire deces critères (trouble des conduites), qui souligne unefois de plus l’absence totale de rigueur scientifiquede la part de cette discipline (la psychiatrie), ouvrela porte à toutes les dérives. Le champ du normalpouvant être rétréci à volonté, des dizaines de mil-liers d’enfants seront, n’en doutons pas, happés parun système qui leur portera préjudice bien plus sûre-ment que je ne sais quel pseudo-trouble mental. »

Docteur Jean-Philippe LabrèzePrésident du Collectif des médecins et citoyens

c o n t re les traitements dégradants en psychiatrie

6 COMMISSION DES CITOYENS POUR LES DROITS DE L’HOMME

Il y a un an de cela, à l’invitation de la CCDH, j’avaiseu l’opportunité de critiquer le rapport de l’INSERM(Dépistage et prévention des troubles mentaux chezl’enfant et l’adolescent, 2002) en montrant que ce rap-port s’inscrivait très précisément dans ce courant depsychiatrie biologique que le Collectif récuse. Je n’ai eude cesse, depuis lors, au nom du Collectif, de dénoncerle danger majeur que cette vision biologisante, détermi-niste et normative faisait peser sur nos enfants.

Dans un rapport récent (Trouble des conduites chezl’enfant et l’adolescent, 2005), l’INSERM enfonce le clouet souligne à nouveau l’urgence d’une action coord o n-née de la part de tous ceux qui refusent l’avènement du« meilleur des mondes » dans lequel la psychiatriedéterminera le normal et le déviant et où l’industriepharmaceutique fournira l’arsenal thérapeutique visantà normaliser les comportements.

Sur la base de ce rapport, M. SARKOZY s’apprête àm e t t re en place, dans le cadre de son programme deprévention de la délinquance, une détection précoce du« t rouble des conduites » chez l’enfant, trouble censéannoncer une évolution vers la délinquance.

Ainsi que le précise l’INSERM, le trouble desconduites (TDC) s’exprime chez l’enfant et l’adolescentpar une palette de comportements très divers qui vontdes crises de colère et de désobéissance répétées de l’en-fant difficile aux agressions graves comme le viol, lescoups et blessures et le vol du délinquant. Sa caracté-ristique majeure est une atteinte aux droits d’autrui etaux normes sociales.

Soulignons immédiatement ici le caractère choquantd’une telle définition. La définition d’un trouble oud’une maladie implique un écart par rapport à la règlebiologique ou au fonctionnement normal de l’êtrehumain en dehors de toute connotation culturelle. Let rouble des conduites ainsi défini laisse le champ libre àl’intervention d’une psychiatrie répressive, outil poli-tique au service d’un régime engagé dans un pro -gramme d’hygiène sociale, sous prétexte, mensonge et

hypocrisie suprêmes, d’une intervention d’ord re médi-cal. Souvenons-nous du sort réservé par la psychiatrieaux milliers de « schizophrènes oppositionnels » dansl’ex Union Soviétique...

Dans le cadre de la mise en oeuvre de ce plan, lesp rofessionnels seront ainsi invités à re p é rer des facteursde risque prénataux et périnataux (génétiques, enviro n-nementaux et liés au tempérament ou à la personna-lité). Sont ainsi évoqués, pour des jeunes enfants, « d e straits de caractère tels que la froideur affective, latendance à la manipulation, le cynisme ».

Devant ces symptômes, les enfants dépistés sero n tensuite soumis à une batterie de tests élaborés sur labase des théories de neuropsychologie comportementa-liste qui permettront de re p é rer tout écart par rapport àune norme établie selon les critères de la littératureanglo-saxonne, totalement inféodée à l’industrie phar-m a c e u t i q u e .

Le caractère éminemment subjectif et arbitraire deces critères, qui souligne une fois de plus l’absencetotale de rigueur scientifique de la part de cette disci-pline (la psychiatrie), ouvre la porte à toutes les dérives.Le champ du normal pouvant être rétréci à volonté, des dizaines de milliers d’enfants seront, n’en doutonspas, happés par un système qui leur portera préjudicebien plus sûrement que je ne sais quel pseudo-tro u b l emental.

En effet, selon un implacable principe de linéarité,chaque comportement s’écartant de cette norme serasusceptible de traduire l’existence d’une personnalitépathologique qu’il conviendra de neutraliser au plustôt par une série de mesures associant rééducation etpsychothérapie. Dès l’âge de 6 ans, comme préconisédans le rapport, l’administration de drogues anti-agre s-sivité (neuroleptiques, psychostimulants ou thymoré-gulateurs) devrait permettre de normaliser le compor-tement des plus récalcitrants !

Par ailleurs, on ne peut manquer de souligner que cerapport participe d'un raisonnement de toute évidence

Page 8: Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

e r roné. Que certains comportements soient source ded i fficulté pour l'enfant et éventuellement son entourageet traduisent un réel mal-être, j'en conviens tout-à-fait.

Mais ces comportements problématiques ne re p r é-sentent aucunement un trouble en soi. Les pre n d repour cible d'une intervention thérapeutique d'ord repsychothérapeutique ou pharmacologique est aussic o h é rent médicalement que de s'eff o rcer de faire baisserla température d'un patient fébrile sans se soucier del'infection sous-jacente susceptible de le tuer.

Ce qui devrait intéresser le médecin, c'est lare c h e rche et l'isolement de tous les facteurs susceptiblesd ' a ffecter l'équilibre psychique et le comportement desenfants tels que, par exemple, des carences affectives ouéducatives, des difficultés scolaires, des problèmes desanté tels que des allergies ou des carences nutrition-nelles.

Je note d'ailleurs qu'exceptée une supposée prédis-position génétique, posée de principe et aucunementdémontrée par des experts tenants de ce courant depensée que le Collectif récuse, la responsabilité de fac-teurs sociaux-familiaux est évoquée.

Pour résumer la position des experts je dirais qu'unenfant, entouré de parents aimants, équilibrés, deniveau social élevé, recevant une éducation de qualité abeaucoup moins de chances de présenter un « t ro u b l edes conduites » qu'un enfant maîtrisant mal la languefrançaise, évoluant dans un milieu familial peu stru c-turé, de faible niveau socio-culturel et dont les pare n t sc o n f rontés à leurs pro p res difficultés quotidiennesn'ont que peu d'attention à lui donner.

Mais il n'était pas nécessaire d'être grand clerc pour arriver à de telles conclusions, le simple bon sens étantamplement suff i s a n t .

Enfin, comment ne pas être profondément choquépar ailleurs, d'un point de vue éthique, par le fait quecertains enfants ou adolescents, sur la base de diagnos-tics psychiatriques contestés par de nombre u xm e m b res de la communauté médicale, pourraient sevoir considérés comme atteints de trouble mental, iden-tifiés comme délinquants potentiels et, en conséquence,contraints de pre n d re, dès l'âge de 6 ans, des dro g u e sp s y c h o t ropes, susceptibles de leur infliger un préjudicem a j e u r. Cette logique de repérage, de stigmatisation, desuivi et de traitements forcés ou difficilement évitablessonne comme une condamnation, en l'absence mêmede toute décision de justice.

La vérité est que nous ne serions plus ici dans unelogique d'aide mais bien dans une logique répre s s i v equi ne dirait pas son nom.

De toute évidence, nous ne sommes plus ici dans lec a d re d’un sain et nécessaire débat d’idées au sein

d’une communauté scientifique et d’un groupe social.

Ce sont des vies qui sont en jeu et ces vies risquentd ’ ê t re sacrifiées parce qu’une discipline médicaleincapable de se re m e t t re en cause, continue de fondersa pratique quotidienne sur une vision matérialiste del’homme, une conception erronée de la nature et del’origine des « t roubles mentaux » et s’évertue à pro-mouvoir ses pseudo-traitements psychotropes avecl’aide de son alliée, l’industrie pharmaceutique et cellede certains experts œuvrant, au sein d’instances sani-t a i res françaises et européennes, comme de simplesagents au service de cette même industrie.

Ce sont en fait deux conceptions de l’homme quis ’ a ff rontent ici, deux projets de société radicalementd i ff é rents. Seule la détermination avec laquelle lesconsciences capables de pre n d re toute la mesure del’imminence du danger se mobiliseront, permettrad’éviter une nouvelle tragédie sanitaire, avec la misesous camisole chimique d’un grand nombre de nose n f a n t s .

COMMISSION DES CITOYENS POUR LES DROITS DE L’HOMME 7

Page 9: Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

Pierre VICAN, écrivain

Question du Président Grossmann : Peut-on direque les enfants sont cobayes de la psychiatrie ?

P i e r re Vi c a n : Pour répondre à cette question, j’aime-rais dire en préambule que je me suis natur e l l e m e n ti n t e r rogé dès l’instant où j’ai pris l’initiative d’écriremon livre. J’ai pensé qu’il pouvait être un peu osé d’af-firmer une telle chose, surtout de poser cette questiond i rectement dans le titre du livre, ce qui peut paraîtrep ro v o c a t e u r. Malheureusement, le fil de mes re c h e rc h e sd o c u m e n t a i res m’a montré que tel était le cas. Voici lesprincipaux éléments en question.

D ’ a b o rd, lors d’une conversation par téléphone quej’ai eue avec une grande journaliste d’un des journauxnationaux les plus connus en France, spécialisée dans ledomaine de la santé mentale ; cette personne m’expli-quait brièvement la stratégie qu’étaient en train d’adop-ter les laboratoires pharmaceutiques. Ces laboratoires set rouvent confrontés actuellement à divers problèmes derentabilité économique en ce qui concerne la commer-cialisation des substances psychiatriques. Telle catégoriede substance re n c o n t re une certaine désaffection dupublic, des consommateurs, à cause de leur mauvaiseimage de marq u e ; telle autre catégorie de substance sevend moins bien du fait de ses effets secondaires bient rop connus, etc.

Que m’a dit textuellement cette journaliste ? Je vaisvous le dire et je prendrai ses pro p res termes, employésau téléphone. Ces laboratoires « é l a rgissent le spectre despathologies mentales pour y inclure de nouvelles pathologiesi n f a n t i l e s . » Comment cela fonctionne ? Très simple, ona besoin de développer de nouveaux marchés pourécouler les produits et rester rentable. D’un côté, si vousme suivez bien, les spécialistes définissent de nouveauxt roubles en les officialisant, on les « i n v e n t e » si je puisd i re, en trouvant les arguments appropriés, on convaincles pouvoirs publics de la véracité quant à la nature deces troubles, de l’autre côté, on trouve des remèdes adé-quates censés résoudre ces troubles. Les enfants et lesadolescents constituent désormais de nouveaux mar-

chés pour leur développement économique.

Donc, oui, je pose la question : les enfants sont-ilscobayes de la psychiatrie ?

Deuxième élément : là, je vais simplement pre n d reun extrait de mon livre pour être très clair. Au cours demes re c h e rches, je suis tombé sur un site internet qui esttout à fait officiel puisqu’il s’agit, ni plus ni moins, d’unsite animé par la psychiatrie belge. Il s’agit d’un site quifait de la promotion, une sorte de vitrine de re l a t i o n spubliques en faveur de l’utilisation des psychostimu-lants comme la Ritaline pour « r é s o u d re » le pro b l è m edu TDAH. Que trouve-t-on sur ce site qui, soit dit enpassant, est écrit noir sur blanc, si vous allez plus loin àl’intérieur du site...Qu’il est financé avec le soutien sansréserve d’Eli Lilly, le fabricant international du Pro z a c !Alors voici ma citation telle qu’elle est publiée sur ce siteet que j’ai reprise dans mon livre : « Si un TDAH –TDAH est un sigle qui veut dire « Trouble Déficitaire del’Attention avec ou sans Hyperactivité » – « Si unTDAH est suspecté chez l’enfant, la réaction de l’enfant à laRitaline permettra de vérifier s’il souffre du TDAH. » Vo u svous rendez compte ? Eh bien, là aussi, les enfants sont-ils cobayes de la psychiatrie? La question reste posée.

Troisième élément : tous les psychiatres l’affirment, lesavent et n’hésitent même pas à le dire : « On ne connaîtpas la cause de l’hyperactivité » et « On ne connaît pas leseffets à long terme d’une cure de Ritaline ou à base d’autre sd rogues similaire s . » C’est-à-dire que, dans un pre m i e rtemps, on reconnaît que l’enfant est en souffrance surdes critères – il faut le dire – plutôt nébuleux et qui sou-lèvent des controverses entre les professionnels de lasanté mentale, et dans un deuxième temps, on préconi-se leur médicalisation avec des produits dangereux donton ne contrôle pas la portée et les effets. Là encore, lesenfants sont-ils cobayes de la psychiatrie ? La questionreste posée.

Président Grossmann : L’emploi des amphétaminesdans la société nous renvoie à une époque que l'on

« Tous les psychiatres l’affirment, le savent et n’hésitent même pas à le dire : « On ne connaît pasla cause de l’hyperactivité » et « On ne connaît pasles effets à long terme d’une cure de Ritaline... »Donc, oui, je pose la question : les enfants sont-ils cobayes de la psychiatrie? »

Pierre Vican, Écrivain, journaliste, auteur de

« Nos enfants, cobayes de la psychiatrie? »,éditions Anagramme

8 COMMISSION DES CITOYENS POUR LES DROITS DE L’HOMME

Page 10: Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

c royait révolue où ces drogues étaient courantes,n'est-ce pas paradoxal ?

P i e r re Vi c a n : C’est le moins qu’on puisse dire. Ce queles gens ne sont pas nombreux à savoir ou ce que cer-tains ont oublié, c’est que les amphétamines, qui exis-tent depuis longtemps, ont en fait été très vite utiliséespendant le dernier conflit mondial, la guerre 39-45, parp resque tous les belligérants. Je dois dire que la Ritalinecontient une molécule active dont le nom est méthyl-phénidate qui est une amphétamine. Les armées, les sol-dats des champs de bataille étaient régulière m e n ta p p rovisionnés en doses personnelles d’amphétamines.Cela faisait partie de leur paquetage. Les Alliés appe-laient même cela la « d rogue d’Hitler » ce qui n’empêchepas qu’ils en faisaient le même usage sur leurs tro u p e s .P o u rq u o i ? C’est bien simple : les amphétamines agis-sent comme une drogue, c’est un psychostimulant quipermet de faire face au stress, de soulager la fatigue, degommer les effets émotionnels et la dépression et quiredonne un coup de fouet, la « p ê c h e », un regain d’ac-tivité et d’enthousiasme, voyez ? Cela permet de teniréveillé pendant plusieurs nuits d’affilée. Ce qui fait quelorsque les soldats furent démobilisés au lendemain dela Vi c t o i re en mai 1945, ils étaient accoutumés à cetted rogue militaire et rentraient dans leurs foyers avec unenouvelle accoutumance dont il était difficile de sel i b é re r.

Cette situation a favorisé la diffusion dans les couchesde la société du monde entier de nouvelles drogues àbase d’amphétamines qui ont été vendues plus oumoins clandestinement pendant les années d’après-g u e r re. Naturellement, il y a eu de nombreux accidentsphysiologiques. A u t re point, les substances à base deméthylphénidate étaient régulièrement employées chezles sportifs de haut niveau, par exemple dans le Tour deFrance. Même la Ritaline. Et comme les pouvoirspublics se sont inquiétés des conséquences néfastes deces substances pour le cœur, le cerveau et l’équilibremental des sportifs, elles sont devenues interdites etsont entrées dans le catalogue des produits dopantsi n t e rdits. Par exemple, le nom de code pour s’appro v i-sionner clandestinement en Ritaline était « R i r i ». C’estbien connu.

Il y a quelques années, la grande majorité des coupe-faim ont été également interdits dans le commerce. Ons’était rendu compte du trop grand nombre d’accidentsdont avaient souffert les victimes de ces produits. C’esttrès simple, la plupart de ces produits étaient fabriquésavec des amphétamines, qui sont connues pour favori-ser l’anorexie, ce qui est d’ailleurs un des effets secon-d a i res des psychostimulants à base de méthylphény-date. Et l’on va donner cela aux enfants dès l’âge de sixans ou même moins, sous prétexte de résoudre leurst roubles psychiques ?

Président Grossmann : La Ritaline est-elle uned ro g u e ?

P i e r re Vi c a n : Voici une question centrale.N a t u rellement, les psychiatres qui préconisent ce genrede produit annoncent allègrement que ce n’en est pasune. Ils affirment même que ce psychostimulant aura,certes, les effets d’une drogue sur ceux qui en pre n n e n talors qu’ils ne souff rent pas d’hyperactivité ou deTDAH mais que ceux qui en souff rent véritablement nerisquent rien. Ils se fondent en disant cela sur une théo-rie qui leur est chère — mais qui n’est pas prouvée scien-tifiquement – du déséquilibre chimique du cerveau.

O r, toute la littérature scientifique internationalereconnaît que la Ritaline, la molécule du méthylphéni-date est une drogue. Expliquez-moi pourquoi, parexemple, cette substance psychiatrique est classée dansle Tableau II des stupéfiants ? Pourquoi elle est interd i-te par l’organisme mondial et le Code antidopage ?P o u rquoi son utilisation médicale est soumise à la règledes vingt-huit jours ? Ce qui ne veut pas dire grandchose étant donné que la Ritaline, comme les autres sub-stances similaires, ne guérit pas mais traite seulementles symptômes ; ce qui conduit à re c o n d u i re leur préco-nisation pendant des mois et des années. Ces substancesentraînent des phénomènes d’accoutumance bienconnus. Le drogué qui est en manque et n’a pas d’arg e n tpour s’acheter sa dose sait quoi faire : il va voir uncopain pour se fournir en Ritaline, en général à l’école.D ’ a u t re part, le méthylphénidate est une molécule appa-rentée à la cocaïne, ce que les parents ne savent pas et ceque les psychiatres ne disent pas. Méthylphénidate etcocaïne sont deux voisins du même palier psychédé-lique. On drogue, sous couvert de thérapie mentale, lesenfants prétendument hyperactifs, à la cocaïne. Si vousre g a rdez ce qui se passe dans nos écoles, que voyons-nous parfois ? Des comportements étranges, violents,irraisonnés qui vont jusqu’à des phénomènes de tuerieinexplicables.

Que trouve-t-on dans l’analyse sanguine du jeuneélève qui vient de tuer quelques-uns de ses camarades :P rozac, Ritaline ou que sais-je ? Des drogues psychia-triques qui entraînent ce genre de comportement auxe ffets extrêmement dangere u x .

Ce qui est re g rettable, c’est qu’il existe des moyensanodins et bien plus efficaces pour soulager les tro u b l e spsychiques de la jeune population. Les médecinesdouces, la phytothérapie, la naturopathie par exemplesont capables d’apporter une réponse tangible à ceg e n re de problème de santé publique. Et ces moyens nep rovoquent aucune accoutumance physiologique oup s y c h o l o g i q u e .

COMMISSION DES CITOYENS POUR LES DROITS DE L’HOMME 9

Page 11: Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

Georges-Alexandre IMBERT, Président AAAVAM

Je voudrais re m e rcier Frédéric Grossmann, lePrésident de la Commission des citoyens pour les dro i t sde l'homme, de m'avoir invité pour parler de ce sujet dela psychiatrie et plus particulièrement, en ce qui meconcerne, des « m é d i c a m e n t s » ou poisons psychia-t r i q u e s .

Lorsque je suis cité à comparaître par-devant unecour d'Assises dans des aff a i res d'homicides, quand jedois faire une intervention médiatique ou dans des col-loques médicaux, la question rituelle de mes interlocu-teurs concerne le fait que je ne suis pas médecin ! Certes,le fait d'être le fils d'un médecin professeur de chiru rg i e ,n'implique pas que ce dernier m'ait enseigné son savoir,mais il suffit d'observer, et le sens moral d'un médecinn'a rien à voir avec les diplômes acquis. Je suis devenuun spécialiste grâce à mon obstination.

La plupart des médecins ne connaissent que les bien-faits des médicaments psychotropes, en ignorent lese ffets délétères et ne se sentent pas concernées par lesmaladies iatrogènes (liées aux traitements).

Mais qu'est-ce qu'un psychotro p e ? Depuis toujoursles hommes se servent de produits pour atténuer leurm a l - ê t re ou leurs difficultés à vivre. Les plus fragilesp e rdent l'estime de soi. C'est cette fragilité qui va inten-sifier l'usage de médicaments qui endorment certesl'anxiété, mais qui rendent passifs et soumis. Chez despatients soumis à des traitements psychotropes delongue durée, il se produit un changement de person-nalité : dépendance au médicament, apathie, amnésieémotionnelle ainsi qu'une inaptitude à lutter.

« De plus les anxiolythiques, qui lèvent la barrièren a t u relle de défense du sujet, sont parmi les plus grandspourvoyeurs de suicide, permettant de ce fait de passerà l'acte en toute sérénité », et je cite là un ouvrage médical.

En France les chiff res sont révélateurs : 25% de lapopulation consomme un psychotrope dans l'année, unre c o rd en Europe d'après le CREDES. 11,2% sont des uti-

lisateurs réguliers avec plus de 4 remboursements paran. Les psychotropes les plus utilisés sont : 17,4%d'anxiolythiques, 9,7% d'antidépresseurs et 2,7% den e u roleptiques. Pourtant, les vrais malades sont rares. Sion ne soignait que les vrais malades, ce serait la faillitedes laboratoires et des cabinets médicaux.

En quoi ces médicaments apportent-ils plus deméfaits que de bienfaits ? Par exemple, la liste des eff e t ss e c o n d a i res des neuroleptiques et des nouveaux anti-psychotiques est si longue que nous ne re p re n d rons queles plus connus : syndrome parkinsonien, paralysie tar-dive et persistante, troubles cardiaques. Commentaccepter que d'aussi grands risques soient pris par lap rescription de tels médicaments? Les médecins condi-tionnés par les laboratoires ne remettent rien en cause.Le professeur Zarifian avait déjà souligné cette disposi-tion d'esprit : « Il faut aussi souligner l'impossibilité psycho-logique de nombreux médecins à modifier leur re p r é s e n t a t i o nsociale : les benzodiazépines (catégorie de psychotropes) sontdes médicaments, donc elles ne peuvent être une drogue. Jep rescris un médicament à un malade, donc je ne peux pas êtreun dealer qui fournit un toxicomane. C'est légal, donc ce n'estpas dangere u x ». L'État et la sécurité sociale veillent à ceque ces médicaments soient toujours prescrits poura s s u rer la paix sociale. La santé financière des action-n a i res des multinationales de la pharmacie l'emportesur la santé des patients.

Mais peut-on guérir ? Les psychotropes ne guérissentpas, ils ne font que contenir les maladies de l'âme. Lesgens croient qu'ils peuvent guérir de leur mal-être parc equ'une certaine presse sous influence des lobbies le leurfait cro i re. Mais les psychotropes ne guérissent pas etceux qui en prennent s'exposent au double risque de ladépendance et du changement de comportement. Je nele répéterai jamais assez, ces drogues légales diminuentrapidement l'anxiété en libérant la violence pro p re àchacun. Et le risque d'un violent passage à l'acte estfavorisé. Justement parlons du passage à l'acte : on nepeut pas empêcher les gens de se suicider, mais si on les

« En France, 25% de la population consomme unp s y c h o t rope dans l'année, un record en Euro p ed'après le CREDES. 11,2% sont des utilisateurs réguliers avec plus de 4 remboursements par an...Pourtant, les vrais malades sont rares. Si on ne soignait que les vrais malades, ce serait la faillitedes laboratoires et des cabinets médicaux. »

Georges-Alexandre Imbert, Président de l'AAAVAM, Association d'aide aux victimesd'accidents de médicaments, auteur de « Tr a n q u i l l i s a n t s ,

S o m n i f è res, Neuroleptiques, ces faux amis...A n t i d o u l e u r s ; l'affaire du Vi o x x . », éditions Dauphin

10 COMMISSION DES CITOYENS POUR LES DROITS DE L’HOMME

Page 12: Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

oblige médicalement à pre n d re un produit qui « f a v o -rise le passage à l'acte », c'est une incitation au suicide,réprimée par les articles 223-13 et suivants du nouveaucode pénal.

Un petit mot sur la ritaline. Il s'agit d'un marché trèslucratif. Les laboratoires font des découvertes et sedemandent ensuite à quoi elles peuvent servir ! Devantla dangerosité des anxiolythiques et l'inefficacité desa n t i d é p resseurs chez les adolescents, les médecins« p é d o p s y c h i a t re s » prescrivent de la Ritaline. Lesenfants hyperactifs gênent la tranquillité des parents etla société en général. Les placer sous « camisole chi-m i q u e » est une solution eff royable, qui les re n damorphes et insensibles. Mais au moins ils ne dérangentplus personne !

Comme j'en ai parlé un peu avant, le mal-être est unphénomène de société, la population française, c'est «La société de la peur ». La population française cherc h edésespérément à se pro t é g e r. Certains essaient dev e n d re cette protection et d'en tirer profit. Pourtant, onne peut pas vivre éternellement à l'abri de toutes less o u ffrances et en se faisant assister à la moindredéfaillance. Et ce n'est pas vivre que de vivre sans souf-france. Le mal-être et l'immaturité ne datent pas d'au-j o u rd'hui. « L'homme serait né pour vivre dans les convul -sions de l'inquiétude ou la léthargie del'ennui » disait Vo l t a i re dans Candide.

Pourtant, nous sommes les champions d'Europe de laconsommation des tranquillisants et des somnifères, etpar voie de conséquence également premier pays aupalmarès du nombre de suicides ! En modifiant les pre s-criptions et en les diminuant fortement, on arrive àr é d u i re le taux de suicide de 60% d'après une étudepubliée dans les annales de la psychiatrie, en 1999. Maison apprend au médecin à soigner la maladie sans sesoucier de la personne malade. Les études de médecine,t rop théoriques, en font plus un technicien qu'un prati-cien à l'écoute du vivant.

Pour les suicides (tentatives et suicides aboutis), onsait que les protagonistes ont consulté un médecin dansle mois précédent, dans un fort pourcentage. Les méde-cins-conseils des caisses savent parfaitement ce queleurs confrères prescrivent.

Il me paraît important de parler des classes les plusfragilisées par l'utilisation systématique des médica-ments.

Les séniors : dans les maisons de retraite, certains éta-blissements distribuent peu de médicaments psycho-t ropes et dans d'autres, le service médical interne n'hési-te pas sur la quantité de tranquillisants et de somnifère sà donner aux personnes âgées. Résultat : certains se sui-cident parfois avec des moyens violents, en mettant lefeu à l'établissement.

Un monsieur de 75 ans soigné pour une dépression setue de 17 coups de couteau, la famille dépose une plain-te au pénal. L'expert toxicologue désigné par le juged ' i n s t ruction estime dans son rapport que le somnifère a« f a v o r i s é » le passage à l'acte suicidaire, dans toute saviolence. Les médecins ne changent pas d'attitude pourautant et continuent à pre s c r i re.

Les adolescents : l'adolescence est la période de toutesles tentations, du goût du risque exacerbé par lare c h e rche d'une identité encore floue. Certes, de toustemps, les adolescents se sont suicidés ou ont commisdes crimes, des actes de violence. Mais quand on favori-se le passage à l'acte par la prise de substances dange-reuses délivrées avec la plus grande facilité par lesmédecins qui veulent d'abord soigner des crises d'an-goisse ou existentielles, sans se préoccuper d'eff e t ss e c o n d a i res éventuels, les actes de violence prennent untout autre sens. C'est cet autre sens que je veux dénon-c e r, recevant à l'association des lettres de parents eff o n-drés par le suicide de leur enfant.

Je conclurai en citant le docteur Véronique Va s s e u r,ancien médecin de la prison de la santé, qui a bien voulupréfacer mon livre :

« Si certains médicaments ont révolutionné la méde-cine et le taux de mortalité, les dérives certaines d'unesociété gavée et gâtée font maintenant des ravages aunom du profit de quelques-uns. Il est inadmissible depenser qu'une très faible proportion de ce que nousconsommons pourrait sauver des tas de gens dans lespays du tiers monde. Mais c'est un autre débat. Être re s-ponsable c'est savoir dire non. Être libre c'est aussi s'op-poser et dénoncer. »

M e rc i .

COMMISSION DES CITOYENS POUR LES DROITS DE L’HOMME 11

Page 13: Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

12 COMMISSION DES CITOYENS POUR LES DROITS DE L’HOMME

Docteur Roberto CESTARI

ADHD signifie en anglais « Attention DeficitHyperactivity Disord e r » – en français on parle duTHADA, Trouble d’Hyperactivité avec Déficit del’Attention.

Dans notre culture traditionnelle, lorsqu’on parlaitd’un enfant vivace on disait:«Il a du vif argent sur lui»et son entourage en était heure u x ; c’était en fait unsigne de bonne santé. Mais aujourd’hui, certaines per-sonnes affirment que ces comportements sont unemaladie ou un trouble.

Le débat est désormais ouvert et pas uniquementdans le domaine scientifique. Nous devons cependantnous référer à la science, tout particulièrement aux prin-cipes fondamentaux décrits pour la pre m i è re fois parGalilée : la subjectivité et les opinons personnelles sontexclues et le fardeau de la preuve incombe à ceux quiamènent une théorie nouvelle ou diff é rente.

Et voici la nouvelle théorie : hyperactivité / inatten-tion = maladie. C’est suite aux travaux du biologisteRudolf Vi rchow que la notion de maladie se rattache auconcept de lésion ou d’altération organique. Il est parconséquent logique, et c’est en fait une nécessité, ded é m o n t rer l'existence de lésions ou d'altérations org a-niques pour prouver qu'il y a réellement maladie. Maisen l’absence de lésions anatomo-pathologiques spéci-fiques, de signes pathologiques et de preuveso rganiques, comme c’est le cas en psychiatrie, la défini-tion de normalité / pathologie est clairement influencéepar les jugements subjectifs, par le contexte social et c u l t u rel et par bien d’autres facteurs.

L’outil essentiel pour poser « le diagnostic » THADAest le test. En observant l’enfant, on répond aux questionsen mettant une croix sous la rubrique OUI ou NON.

A t i t re d’exemple, afin que chaque lecteur puisse sef a i re une opinion personnelle, voici une série des ques-tions posées (extraites du DSM):

• «Bouge souvent les mains et les pieds ou s’agite surla chaise ?»

• « Est facilement distrait des stimulus externes ?»

• «Ades difficultés à jouer calmement ?»

• « Parle souvent trop ?»

Concernant le THADA (mais pas uniquement lethada), nous sommes face à une absence de preuves bio-logiques ou organiques directes : si ces preuves exis-taient, le THADA deviendrait une maladie neuro l o-gique ; de plus nous aurions des tests biologiques ouphysiques pour confirmer le diagnostic.

Ce n'est pas le cas et pour ceux qui ont encore desdoutes, en voici la preuve : s’il existe des tests or g a-niques montrant de manière sensible et spécifique lesaltérations liées à la lésion organique, alors qu’on les uti-lise pour poser un diagnostic et pour distinguer la per-sonne saine de la personne malade!

La thèse selon laquelle le THADAserait une maladieo rganique se fonde sur un raisonnement déductif :« puisque le médicament bloque les symptômes.... etpuisqu’il agit sur certains neurotransmetteurs, celasignifie qu’il existe un déséquilibre dans ces neuro t r a n s-m e t t e u r s »!

Il existe de nombreuses versions, de nombre u s e svariantes de l’utilisation de ce concept. Celle qui suit estutilisée par certains neuro p s y c h i a t res pour enfants et jec i t e : « La maladie (THADA) est génétique, c’est undysfonctionnement biochimique, et le médicament enest la preuve vu qu’il modifie le mécanisme des neuro-transmetteurs et par conséquent soigne le symptôme » .

En suivant de tels principes, nous pourrions « c r é e r »le « t rouble de la carence en coups de matraque » (unedose suffisante crée un effet...), ou bien l’on pourraitdécréter qu’un sparadrap peut guérir nombre de mala-dies, particulièrement celles où le patient se plaint : ils u ffit de l’appliquer sur la bouche !

Ceci, en outre, confirmera que le problème pour tousces troubles réside dans la bouche !

Je ne nie pas qu’il existe des enfants avec des pro-

« De nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pourp rotester contre l’utilisation de psychotropes chez lesenfants, en oubliant que la prescription vient après led i a g n o s t i c : l’erreur de base n’est pas le médicament,mais plutôt la création des catégories diagnostiquesa r t i f i c i e l l e s . . . »

Docteur Roberto Cestari, Médecin, écrivain, auteur de

« Pour que cela ne se produise pas aussi en Italie»

Page 14: Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

COMMISSION DES CITOYENS POUR LES DROITS DE L’HOMME 13

blèmes de diff é rentes natures. Je ne nie pas qu’il existedes enfants qui manifestent une activité frénétique, unmanque d’attention et des difficultés d’appre n t i s s a g e .Mais tout mettre dans une seule catégorie et dire que lacause de ces manifestations est une maladie spécifique,est simplement un raisonnement scientifique simpliste.

L’identification «comportement altéré ou symptoma-tologie = maladie », nous fait faire fausse route et faitdériver dangereusement la science. Les causes sont mul-tiples, de nature diff é rente et dans certains cas, il peuts’agir d’enfants hyperdoués mais il ne s’agit pas d’han-dicapés. Il pourrait s’agir d’un problème cardiaque oup u l m o n a i re. La personne n’a peut-être pas assez dormiou elle n’a pas mangé comme il le fallait. Elle peut avoireu un échec dans sa vie. Il existe des milliers de causespossibles.

Le médecin, face à un patient qui se plaint d’être fati-gué et d’être accablé, ne pose pas un diagnostic de« f a t i g u e », en prétendant ainsi avoir résolu le pro b l è m e .Il cherchera plutôt à compre n d re quelle est la raisonpour laquelle le patient se sent fatigué. La fatigue est unsymptôme, pas une maladie.

De nombreuses voix s’élèvent aujourd’hui pour pro-tester contre l’utilisation de psychotropes chez lesenfants, en oubliant que la prescription vient après led i a g n o s t i c : l’erreur de base n’est pas le médicament,mais plutôt la création des catégories diagnostiques arti-ficielles, qui mettent ensemble des problèmes de natured i ff é rente.

En ce qui concerne la proposition de faire un dépista-ge psychopathologique en masse sur des enfants et desadolescents : un état démocratique et libéral devrait être« au service du citoyen » et activer ses pro p res servicessur la requête du citoyen, et non procéder à un «é t i q u e-t a g e » des citoyens.

P o u rquoi ne pas re n d re obligatoires certaines ana-lyses de sang et ainsi isoler tous les porteurs d’une cer-taine maladie ? Pour répondre à cette question, il estn é c e s s a i re de répondre à une autre question : est-cel’État qui est souverain ou est-ce que ce sont les citoyensqui le sont ?

Le risque encouru avec toute cette aff a i re est dep e rd re deux des bases fondamentales de notre société,des bases qui nous ont permis de bénéficier de nom-b reux avantages dont nous jouissons actuellement : ils'agit de la science et de la démocratie.

Et c’est la raison pour laquelle est née en Italie la cam-pagne culturelle : « POUR QUE CELA NE SE PRO-DUISE PA S ». La pre m i è re action a été d’imprimer en 1million d’exemplaires le fascicule informatif sur ce sujet.

Les textes sont accompagnés par des illustrations réa-lisées par Bruno Bozzetto, Silver, Confatti, Cavandoli et

a u t res professionnels. Ce fascicule a déjà été envoyé àtous les enseignants, aux politiciens et aux médiasitaliens.

(Suit une présentation de ce fascicule).

Page 15: Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

14 COMMISSION DES CITOYENS POUR LES DROITS DE L’HOMME

Maître Gérard DUCREY

Pour commencer, rappelons qu’en vérité, chaquecitoyen, chaque personne bien portante est un maladequi s’ignore, nous le savons tous depuis « K n o c k », deJules Romain !

Mais abordons maintenant le thème juridique.Quiconque dans ce pays, comme dans d’autres, peutê t re confronté au poids psychiatrique, au poids judi-c i a i re et être brutalement privé de liberté. La psychiatriea souvent été associée à des questions de répression. Sije faisais de l’archéologie, je dirais qu’eff e c t i v e m e n ta u t refois, on infligeait une épreuve à celui qui devaitp rouver la vérité de son discours. Vous aviez l’épre u v ede l’eau par exemple ; il était connu que les sorciers flot-taient, donc quelqu’un accusé de sorcellerie était plongédans l’eau. S’il ne flottait pas, il se noyait, s’il flottaitc’était bien un sorcier et il fallait donc bien le faire sen o y e r.

De la même manière, je crois que dans l’arc h é o l o g i ede la psychiatrie l’eau avait son rôle, on prenait le fou eton disait que finalement le fait d’être brutalement plon-gé dans l’eau froide, le bain de surprise, était de natureà calmer son attitude. A u j o u rd’hui, c’est par lasuccession des molécules qui sont moins voyantes àl ’ e x t é r i e u r, que l’on essaie effectivement d’enserrer quel-qu’un dans une perte de liberté et dans une soumission.Le docteur Cestari rappelait tout à l’heure ce tryptiquer é v o l u t i o n n a i re : Liberté, Égalité, Fraternité. Mais dansun état où une certaine forme de bonheur et de penséeunique devient obligatoires, je dirais qu’il y a un nou-veau tryptique qui s’impose : Interné, Soumis,D i s c r i m i n é .

C’est bien là le sort qu’on réserve aux soi-disant fous.Et dans ce nouveau paysage digne d’Orwell, on vientd i re «le médecin a forcément raison». Voilà par exempleune personne qui va se re n d re dans un commissariatpour déposer plainte, mais son voisin avait été plus rapi-de que lui. La personne s’énerve un petit peu, considé-rant n’être pas crue par les policiers et voilà qu’elledevient un paranoïaque, c’est à dire un revendicatif.

A u t re exemple dans une aff a i re qui avait été forte-ment médiatisée : un militaire, les militaires ont la règled’obéissance, donc une soumission par nature, et voilàce militaire qui pour diff é rentes raisons subit des répri-mandes, est mal noté. Tout cela parce qu’à un momentdonné il a été rigoureux sur la pro c é d u re. Il avait enc h a rge des matériaux sensibles, à savoir des détonna-teurs. Et puis à force de le pousser à bout, on se dit quep e u t - ê t re il va devenir dépressif, que peut-être il vam e t t re fin à ses jours, c’était une manière de mettre unterme au contentieux administratif qu’il avait initié etvoilà cet homme qui disparaît et qui s’enferme dans unsilo d’armes. Ce qui va le re n d re vulnérable, c’est qu’ilpouvait être dangereux, c’est qu’effectivement cethomme avait des capacités techniques en matièred’armes mais aucune menace. Et à ce moment là, c’esttoute la société militaire qui devient atteinte d’unt rouble mental et qui vient dire, puisqu’il y a un hommequi est un artificier, enfermé dans un silo d’armes, alorsévacuons trois villages ! Voilà qui est étrange, cela signi-fie que s’il y avait eu un accident dans ce silo, ce qui mal-gré tout peut arriver, les villages n’auraient pas été éva-cués. Est-ce que cette population encourt un risque encas d’accident et d’explosion de silo d’armes, voilàquelque chose qui n’a rien à voir avec l’homme ?

Et puis au-delà de cela, effectivement après une dis-cussion que j’ai avec lui, il sort spontanément de l’en-d roit où il était enfermé. A ce moment-là, on le conduitdevant les services de police judiciaire ; à ce moment-làquelques heures plus tard il voit un médecin qui dit :« Non, son état est compatible avec la garde à vue » et on vale conduire devant un juge, puis finalement j’obtiensune mise en liberté pro v i s o i re et du jour où il re d e v i e n tcitoyen libre, mis en examen dans une pro c é d u re judi-c i a i re, le préfet de région qui avait assisté à toute la scèned’origine deux jours durant, lui fait notifier un arrêtéd’hospitalisation d’office.

Après presque trois mois de détention pro v i s o i re, onvient l’interner, c’est à dire que la punition psychiatrique

« La France a un petit record en matière de droit de l’homme, 11 condamnations devant la Cour e u ropéenne de justice rien qu’en avril 2003. C’était un mois un peu noir pour le pays des libertés.En général, ce sont des pro c é d u res anormalementlongues qui nous valent ces condamnations et c’est souvent en matière psychiatrique que cela arrive. »

Maître Gérard Ducrey,Avocat, spécialiste de la question des internements psychiatriques

Page 16: Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

COMMISSION DES CITOYENS POUR LES DROITS DE L’HOMME 15

vient comme complément et comme substitut à la puni-tion judiciaire. Nous sommes dans le département de laMarne mais le préfet de région demande à son collèguede Moselle, là où il y a une unité pour malade diff i c i l e ,une des quatre de France, eh bien, de pre n d re un arrêtépour accueillir chez les fous les plus dangereux ce mili-t a i re. Et qu’est-ce que l’on vient dire évidemment, qu’ilest paranoïaque. Mais cela ne collait pas avec les faits,cela ne collait pas avec la réalité. Et après plusieurs mois,p a rce que malheureusement les pro c é d u res sont anor-malement longues dans ce pays, il y a une décision dujuge des libertés et de la détention qui vient mettre fin àl’emprisonnement de ce militaire, mais cela va pre n d ree n c o re un certain temps avant que la personne ne soitplus internée. La France a un petit re c o rd en matière ded roits de l’homme, 11 condamnations devant la Coure u ropéenne de justice rien qu’en avril 2003. C’était unmois un peu noir pour le pays des libertés. En général,ce sont des pro c é d u res anormalement longues qui nousvalent ces condamnations et c’est souvent en matièrepsychiatrique que cela arrive. Acela s’ajoute le fait quel’administration aime déplacer des personnes internées,ce qui rend les lieux de compétence diff é rents. En eff e tsi une personne est internée à Nantes, cela va être la juri-diction de Nantes qui sera concernée mais si ensuite, onvient à la déplacer dans un autre département, parexemple un transfert médical pour un patient difficile, ilva y avoir cette juridiction locale qui va devoir être saisie.

Et de manière générale, suit une série d’injures quipeuvent être une atteinte à la dignité ; comme le fait dedevoir rester en pyjama, le fait d’être “mis à nu”, commele fait d’être à l’isolement et contre toutes ces mesures, iln’y a malheureusement que bien peu de recours. Forc eest de constater aussi que sur certains dossiers on peutavoir des doutes quant au respect de la pro c é d u re, maisil existe un certain nombre d’intervenants qui considè-rent qu’en agissant en isolant des personnes réputéesd a n g e reuses, ils font le bien, donc si un dossier le néces-site, à partir du moment où « on fait le bien », eh bien,certains n’hésitent pas éventuellement à faire un nou-veau certificat post-daté, anti-daté, de manière à couvrirla pro c é d u re .

On devrait respecter le droit de chaque individu etmême les droits de l’individu malade, qui doit pouvoirs ’ e x p r i m e r, qui doit pouvoir être pris en compte.

C’est vrai aussi que les abus ne sont pas l’apanageexclusif de la France, la Cour européenne a l’occasion desanctionner d’autres pays et elle rappelle de manièregénérale que la privation des libertés d’une personneconsidérée comme aliénée ne peut en aucun cas être jugéeconforme à la convention de protection des droits del’homme, si elle a été ordonnée sans l’expertise d’unmédecin. De même il convient, dit-elle, que cet examenpar un psychiatre soit un examen préalable. De la même

m a n i è re, la cour européenne a eu à rappeler dans unea ff a i re qui concernait directement la France qu’un indivi-du ne peut passer pour aliéné et subir une privation deliberté que si les trois conditions suivantes au moins set rouvent réunies : pre m i è rement son aliénation doit avoirété établie de manière probante, deuxièmement le tro u b l edoit revêtir un caractère ou une ampleur légitimant l’in-ternement, troisièmement, l’internement ne peut se pro-longer valablement sans la persistance de pare i l st ro u b l e s .

Ce qui implique de nouveaux examens réguliers et lefait aussi qu’une personne qui se voit à un momentdonné retenue dans un hôpital doit effectivement pou-voir en sortir, et ne doit pas subir à l’intérieur de cethôpital des traumatismes qui, bien loin de la réinsére r,vont être de nature à continuer à l’isoler. Vous avez aussiune autre aff a i re, que la Cour européenne a récemmentexaminée, une aff a i re encore française, des violencesp o l i c i è res, une privation de liberté et un internementabusif suite à une vraie querelle de voisinage entre deuxcommerçants. Cela prouve que la justice malgré toutfonctionne, mais à quel prix et avec quelles difficultés !

Et puis il y a d’autres problèmes en psychiatrie. Parexemple si vous voulez attaquer une décision d’interne-ment mais ce n’est pas la bonne décision qui est atta-quée, comme dans le cas où une personne se trouve re t e-nue plus longtemps de manière abusive parce qu’il yavait eu une décision d’un maire pour l’interner etqu’ensuite l’établissement psychiatrique la re t e n a i tenfermée. Ce patient a attaqué la décision du dire c t e u rde l’établissement et le juge administratif lui a dit :« Mais non il n’y a pas eu de décision du directeur de l’éta-b l i s s e m e n t », ce qu’il fallait attaquer c’était la décision ini-tiale. Ce sont des choses comme cela qui décrédibilisentun petit peu la justice et qui font que, selon moi, il fau-drait une réforme pour unifier la pro c é d u re et sansdoute la confier au juge des libertés et de la détention.P a rce que l’internement est une véritable détention. Et ilne faut pas oublier des aff a i res qui paraissent moins dra-matiques mais qui pourtant le sont ; c’est lorsque vousavez un fonctionnaire, j’ai cité le cas d’un militaire, onpourrait pre n d re d’autres cas de membres de la fonctionpublique, qui ne sont plus désirés par l’administrationet qu’on vient psychiatriser, car on sait combien la pro-c é d u re pour révoquer un fonctionnaire est lourde, alorsqu’au fond quand on est psychiatrisé, on tombe enmaladie puis en longue maladie puis on est socialementéliminé. Cela est aussi une grave atteinte aux libertés.

Je dirais en conclusion : « P o u rquoi refusez-vous leb o n h e u r ? Seriez-vous malade? »

Eh bien oui, dans cette salle, nous sommes tousmalades mais d’une maladie qui finalement nous faitv i v re, c’est la maladie de l’humain et le désir de liberté !

M e rci à tous.

Page 17: Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

16 COMMISSION DES CITOYENS POUR LES DROITS DE L’HOMME

Docteur Nicolas FRANCESCHETTI

Les relations incestueuses entre la médecine et l'in-dustrie pharmaceutique (pharma).

Au printemps 2005, lors d'un meeting devant 7députés concernant la Ritaline, j'ai commencé à parlerde la philosophie des entreprises pharmaceutiques, etune députée m'a arrêté net : « Pas besoin de nous expli-quer, nous savons à quoi nous en tenir sur l'éthique descompagnies pharmaceutiques ». C'était une satisfactionde découvrir que pour les députés, il était clair que lapharma se préoccupait plus de la santé de leursactionnaires que de la santé des patients. Pour ceuxqui ont encore des doutes, ils peuvent me contacteraprès, je me ferai un plaisir de vous donner quelquesfaits.

Sachez simplement que peu de journaux médicauxse plaignent de l'influence indue de la pharma; car ilspaient grassement (souvent de manière indirecte) desarticles préparés par leurs soins. Il est même arrivéqu'un article ait dû être retiré car le soi-disant auteurs'est plaint de n'avoir jamais écrit l'article en question.Sans entrer dans les détails, en tant que médecin, noussommes la proie de représentants qui nous offrentplein d'avantages, nous invitent à dîner, nous finan-cent des études cliniques, sponsorisent des congrès,paient les frais d'hôtel et les meilleurs restaurantspour leurs meilleurs promoteurs. N'allez pas croireque j'insinue que tous les médecins sont malhonnêtes,mais si l'on considère qu'1% des médecins se laissentséduire par les avantages prodigués par la pharma, larépercussion est énorme. Si l'on réalise que plus de50% du chiffre d'affaires est absorbé pour le marke-ting, qui englobe les avantages pour les médecins, lescongrès et le lobbying auprès des politiques, celareprésente des sommes colossales pour convaincreque le produit est le produit à utiliser. Et en plus decela, il reste quelques milliards de bénéfices.

Mais c'est dans le domaine de la psychiatrie que lesrelations sont les plus incestueuses. Pourquoi la psy-chiatrie ? Un de mes maîtres disait que la psychiatrie

était une science qui se disait exacte, mais qui n'avaitrien pour y prétendre. C'est le règne de l'interpréta-tion ; en effet, pas de signes, pas de symptômes, quedes descriptions subjectives. Mais lorsque l'appât dugain s'introduit dans cet univers subjectif, les consé-quences sont plus délétères.

On nous fait croire que la séquence habituelle est :on recherche une nouvelle substance pour une mala-die, on la trouve après des années de dur labeur, et lespatients sont vraiment heureux avec le nouveau trai-tement. En fait, c'est plutôt le contraire qui se passe :

- Un laboratoire pharmaceutique découvre unesubstance du type psychotrope,

- On s'active pour trouver un nouveau débouchépour cette substance. C'est là que les psychiatresentrent en jeu. On fait des études cliniques, et on nepublie que celles qui sont favorables (ce qui est totale-ment légal),

- On crée un trouble psychiatrique à main levée, parconsensus. A partir de là, le trouble existe dans lesmanuels et son traitement sera reconnu par les assu-rances, et sera traité par un médicament tout prêt quidevient le médicament à donner impérativement auxpatients.

Comment peut-on en arriver là ? Une étude récentea montré que 50% des personnes qui prenaient cesdécisions importantes étaient liées à l'industrie phar-maceutique.

Édifiant !

Pour en revenir à la psychiatrie, on se met d'accordpar consensus sur un trouble et sur un traitement etensuite on érige ce traitement en une norme obliga-toire. Ceux qui ne respectent pas les nouvelles règles,sont coupables d'erreurs médicales, reçoivent desblâmes ou sont exclus de l'ordre des médecins ; pourles parents, le risque peut être de se voir retirer lagarde des enfants.

« C'est dans le domaine de la psychiatrie que les relations (entre la médecine et l'industrie pharmaceutique)sont les plus incestueuses. Un de mes maîtres disait que la psychiatrie était une science qui se disait exacte, mais qui n'avait rien pour y prétendre. C'est le règne de l'interprétation... Mais lorsque l'appât du gain s'introduit dans cet univers subjectif, les conséquences sont plus délétère s . »

Docteur Nicolas Franceschetti, M é d e c i n

Page 18: Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

Où est le droit de choisir son médecin, l'obligationdu consentement du patient pour tout traitement, oùest l'appréciation laissée au médecin ?

De plus en plus, dans un domaine aussi subjectif,des normes autoritaires créées par des personnes donton connaît les liens avec la pharma, vont obliger lesgénéralistes à agir selon des schémas pré-établisrigides. Ils agiront ainsi par peur des représailles.

C'est une médecine biochimique, à coup de psycho-tropes et d'injections de neuroleptiques ; c'est unemédecine à coup d'électrochocs, d'internements tropvite décidés. Mais à coup sûr, il ne s'agit pas d'unemédecine humaine.

COMMISSION DES CITOYENS POUR LES DROITS DE L’HOMME 17

Page 19: Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

18 COMMISSION DES CITOYENS POUR LES DROITS DE L’HOMME

Michel STEINER, écrivain

J'étais censé vous parler de l'anti-psychiatrie maisfinalement l'intitulé de mon discours sera : « H i s t o i re etdevenir d'une imposture !»

Je voudrais d'abord parler des premiers traitementsde la psychiatrie : les douches froides étaient le plus« g e n t i l l e t » des traitements ; il y avait les machinesro t a t o i res, il y avait les sangsues sur le col de l'utéru sdes hystériques, il y avait les trépanations. Évidem-ment, c'était un véritable musée des horreurs jusquedans les années 56. Après cette date, les choses chan-gent, et je vais vous expliquer ce qui a changé.Finalement au début du 20ème siècle, la thérapeutiquese fait toujours aussi violente, ce qu'on attend des soinsporte le nom de dolorisme, c’est-à-dire qu'on comptebeaucoup sur les effets soi-disant thérapeutiques de lapeur et de la douleur. Effectivement il y a tellement dequoi avoir peur qu'on peut se demander où se tro u v ela folie. Est-ce que la folie est du côté de ceux qui sontenfermés ou du côté des soignants ? Arrive dans lesannées 20 un traitement moderne, c'est l'électro c h o c ,qui comme vous le savez, est toujours d'actualité.L ' é l e c t rochoc, c'est un psychiatre qui un jour va se bala-der dans un abattoir, ça se passe en Italie, et dans cesabattoirs il voit qu'avant d'égorger les cochons, pour nepas perd re le sang, on leur balance un choc et çadéclenche une espèce d'épilepsie et puis paf, le corps sefige et ça permet de saigner la bête sans finalementp e rd re trop de sang, donc sans perd re d'argent sur leboudin qu'on fabrique.

Dans le même style de traitement, on trouve tou-jours les chocs, comme les chocs en intraveineuse quip rovoquent des troubles très violents du rythme car-diaque, il y a une angoisse de mort absolument terriblequi est déclenchée chez celui auquel on fait cette injec-tion et on compte sur les effets bénéfiques de cettep e u r. Il y aura aussi les chocs insuliniques : là c'est uneinjection d'insuline qui va faire en sorte que la per-sonne se re t rouve dans le coma, et on espère alorscomme ça qu'il y aura une sorte de renaissance qui feraqu'après qu'on ait foutu un grand coup de pied dans la

f o u r m i l i è re, elle se re s t ru c t u rera de manière à ce que lapersonne se re t rouve d'emblée bien pensante. En 1956 arrive le premier médicament, c'est pas mal ! N'est-cepas ce qu'on attend de la médecine ? On n'imagine pasqu'un médecin sorte sans médicaments. C'est eff e c t i v e-ment ce qui soigne, les médicaments. Et le Lar g a c t i l ,bon il faut en parler, c'est un médicament qui était uti-lisé en marine, que les médecins de marine utilisaientbeaucoup chez les marins qui avaient le mal de mer.

Et un jour, un jeune médecin se trompe et au lieu dep re s c r i re la dose habituelle il doit filer 50 fois ou 100fois la dose, ce qui produit des effets secondaires abso-lument terribles. Il parle de ça plus tard à un de sesamis qui est psychiatre et il lui raconte ces effets secon-d a i res et il trouve que c'est intéressant comme eff e t ss e c o n d a i re s : « Je vais essayer ça » . Voilà de quelle façonarrive dans les institutions psychiatriques le pre m i e rn e u roleptique, donc ça ne manque pas de toupet. Ilsera présenté comme étant un médicament anti-psychotique et anti-schizophrénique. Pourquoi ? Onne sait pas. Ce qu'on sait, ce sont les troubles et lese ffets secondaires qu'il induit, et c'est uniquement cequi est re c h e rché, ces effets secondaires qui d'une cer-taine façon feront passer au second plan les symp-tômes psychiatriques, psychotiques ou schizophré-niques. Il n'y a pas d'autres preuves que ça.

Évidemment il n'a rien de curatif mais il devient, il est catalogué comme anti-psychotique, anti-schizophrénique. A ce moment là, on est dans lesannées 1956, et dans les années qui vont suivre, un cer-tain nombre de médicaments vont arriver sur le mar-ché, des médicaments souvent aux effets secondaire sde plus en plus violents. Ils ont beaucoup d'avantagesces médicaments, d'abord parce que concernant lafolie, dont on ne savait pas trop quoi penser, ils vontp e r m e t t re de révèler, c’est-à-dire que les pre m i e r smédicaments qualifiés d'anti-psychotiques après leL a rgactil et donnant des effets secondaires absolumentterribles comme le moditen re t a rd, et le piportil vontf a i re d'abord qu'en l'espace de quelques heures, celui

« Alors qu'est-ce qui se passe en psychiatrie ?Il se passe que son discours est un discours médical...et là où je veux en venir, c'est que dans cette histoirede discours médical, ce qui passe à la trappe, c'est évidemment le sujet, la personne... le pro b l è m eavec la psychiatrie, c'est qu'ils n'ont pas à faire à des hommes mais à des symptômes. »

Michel Steiner, Psychanalyste, docteur en psychologie, écrivain,

auteur notamment de « Petites morts dans un hôpital psychiatrique de campagne».

Page 20: Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

COMMISSION DES CITOYENS POUR LES DROITS DE L’HOMME 19

qu'on pourrait cataloguer d'individu normal d'appa-rence, vous et moi, cet individu là va développer dese ffets secondaires considérables qui vont vraimentrévèler la folie, c’est-à-dire des dyskinésies, les yeuxqui papillonnent, des syalorrhées, une salive absolu-ment considérable. Et d'un coup tout le monde se tro u-ve rassuré, d'abord les hospitaliers eux-mêmes. Ils set rouvent rassurés parce que la folie se révèle enfin ; lefou on le voit et tout le monde est logé à la mêmeenseigne : après quelques heures d'une injection de cesmédicaments, vous pouvez être sûr que la personne vapasser pour quelqu'un de dérangé. Donc c'est unechose extrêmement perverse et qui fait que si la per-sonne n'est pas folle, elle va quand même révèlerquelque chose de la folie, ce qui va rassurer tout lemonde. Mais les choses ne sont pas aussi simples queça. C’est-à-dire que les laboratoires pharmaceutiquesont bien dû admettre que les produits comme leL a rgactil, le moditen re t a rd, le modica n'étaient pas desanti-psychotiques, n'étaient pas des anti-schizophré-niques. C'est un jeu sémantique fabriqué par les labo-r a t o i res pharmaceutiques qui est vraiment au servicedu mensonge et de leur petit commerce. Alors on pour-rait dire que s'agissant de médicaments, j'aimais bienune formule comme ça que j'ai chipée aux anti-psy-c h i a t res de l'époque qui disaient : « Les médicaments, lesn e u roleptiques, les psychotropes ne soignent pas les fous ilssoignent les institutions, c'est l'institution qui est folle ». Etfinalement il n'était pas rare de lire dans les rapportsdes psychiatres « Tout va bien, entendez "c'est calme" » .Évidemment qu'avec ces trucs là le calme a gagné.

Alors qu'est-ce qui se passe en psychiatrie? Il sepasse que son discours est un discours médical c’est-à-d i re que c'est un discours qui fonctionne dans unmonde de signes. Mais là où il y a ambiguïté, c'est qu'ily a le signe médical, il y a le signe linguistique et puisil y a, j'ai envie de dire, le signe psychanalytique et làoù je veux en venir c'est que dans cette histoire de dis-cours médical, ce qui passe à la trappe, c'est évidem-ment le sujet, la personne. Pour être plus clair je vaisvous donner des exemples : j'ai eu une patiente il y alongtemps, une dame âgée dont la fille voit un psy-c h i a t re qui s'est fait une spécialité de la migraine et il set rouve que cette petite est migraineuse. Elle est tout àfait charmée par cet homme et elle y va. Elle repart avecun traitement anti-migraineux et puis un petit psycho-t rope parce que du point de vue de l'humeur, ça ne vapas trop. Six mois après elle continue d'être suivie parce psychiatre et là, elle n'a pas moins de 15 psycho-t ropes prescrits. J'ai les ordonnances, 15.

Alors qu'est-ce qui se passe ? Il se passe que cettejeune fille prend ces médicaments plus ou moins etpuis un jour ça ne va pas elle les avale par poignéespuis elle meurt. Quand je dis que la psychiatrie n'a pasde sujet, eh bien, voilà l'exemple qui vient : cette mère

téléphone au psychiatre et ce dernier lui dit « Mais votrefille, je ne la connaissais pas », alors qu'il la suivait depuisdes mois. C'est sidérant tout de même. Cet homme, cep s y c h i a t re qui répond à cette femme , « Je ne la connais-sais pas », dit la vérité, aussi monstrueux que celaparaisse. J'ai encore un autre exemple, c'est l'exempled'une petite fille anore x i q u e ; qu'est-ce qui s'est passéavec cette petite fille ? Il s'est passé qu'un jour elle sep romenait avec sa maman, que sa maman tenait sapetite soeur dans les bras et que cette petite fille voulaitê t re dans les bras de sa mère et sa mère lui a répondu« Ah non, tu es trop lourde » et dans la tête de l'enfantpour qui les mots sont quelques fois pris au pied de lal e t t re, « Si je suis trop lourde pour que ma mère me pre n n edans les bras, y a qu'à maigrir, je vais arrêter de manger ».

Vous voyez ce qui peut se passer entre une appro c h equi est psychanalytique, une approche sociologique,une approche où finalement les mots et la pensée fonc-tionnent et une approche complètement sans sujet oùe ffectivement on attrape un certain nombre de signesdont on fait les symptômes. On n'a pas af f a i re à unsujet. Signes, symptômes, médicaments, c'est ça leDSM 4. Alors, en ce qui concerne ce qu'on considèrecomme «la modernité», le DSM 4, ce n'est rien d'autreque la fragmentation de toutes les catégories de jadis.C ’ e s t - à - d i re, on isole un trouble du comportement etpuis on appelle ça « nouvelle pathologie » comme parexemple le trouble bipolaire, l'anorexie, le trouble ducomportement alimentaire, la phobie scolaire, la pho-bie de l'ascenseur, la phobie du travail, la phobie dun o i r. Il y en a autant que l'on peut désigner de lieux.

Le DSM 4 se présente comme athéorique et objectif,évidemment sous le parrainage de l'industrie pharma-ceutique. Avec une déclinaison de chaque trouble asso-cié et puis le traitement ad hoc. La névrose obsession-nelle c'est fini, c'est en passe de passer à la trappe parc eque pour la psychiatrie moderne qu'est-ce que c'est quecette histoire de désir impossible, de rituel énigmatique? Cela devient un toc et d'ailleurs si vous re n t rez névro-se obsessionnelle dans le DSM 4 avec un petit ord i n a-t e u r, il n'en sortira rien. Il faut que vous entriez TO Cpour qu'il en sorte quelque chose et ce qui va en sortir,c'est très court : thérapie comportementale plus antidé-p resseurs. Là on est dans une logique de consomma-teurs, c’est-à-dire qu'on n’est plus du tout dans la pen-sée. Quelqu'un me disait il n'y pas longtemps que,s'agissant de ces enfants hyperactifs, il y avait despublicités aux États-Unis, à New York, où on pouvaitl i re « si tel ou tel médicament était donné à votre enfanthyperactif et que vous n'êtes pas content du résultat, vouspouvez gagner beaucoup d'argent en contactant tel et tele n d roit parce qu'on fait des procès aux laboratoire s »... Là onest vraiment dans une logique de consommateurs.

Alors quel est l'avenir de cette imposture qu'est lap s y c h i a t r i e ? Elle se porte bien, même très bien. Il n'y a

Page 21: Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

pas que les médecins qui sont responsables dans cetteh i s t o i re là, les consommateurs en quelque sorte sontresponsables aussi. Parce qu'un psychiatre aujourd ' h u iou un médecin, qu'est-ce qu'il voit débarquer ? Il voitd é b a rquer quelqu'un qui lui tient son pro p re discoursde manière inversée : « Docteur je suis dépre s s i f », çaappelle antidépresseurs, « Docteur, je suis anxieux», çaappelle anxiolytique. Les gens ne comprendraient pas,formulant leur demande de cette manière là, qu'on neleur donne pas de médicaments ad hoc. Avant lad é p ression, il y a de la tristesse. Mais c'est fini, il n'y aplus de gens tristes, il y a des gens déprimés. Je penseque si Dostoïevski était de notre époque aujourd'hui, ilserait sous anxiolytiques ou sous antidépresseurs, maisil n'aurait jamais écrit une ligne. L'angoisse, ça n'estplus un signal. Les psychanalystes, on leur parle.Quand quelqu'un est angoissé, c'est quoi l'angoisse ?C'est une peur sans objet, c'est quelqu'un qui a peurmais qui a oublié de quoi il a peur. Et c'est pas mal dere t rouver la raison pour laquelle d'un coup on se sentangoissé. C'est faire en sorte que le symptôme dispa-raisse, j'ai envie de dire « comme il est venu », c’est-à-d i re qu'il est dénoué. Balancez un coup d'abrasif là-dessus avec un anxiolytique, ça gomme le symptômemais ça ne touche pas évidemment la cause du symp-tôme. Dans le temps je me rappelle, j'avais vu interve-nir quelqu'un qui était contre les médicaments dansune réunion de psychiatres et tout le monde s'était tuquand il était monté à la tribune et il a dit « J'ai pre s c r i tdu moditen retard à 100 malades et j'ai obtenu 100 bonsrésultats, ...hélas». Et le bon résultat pour la plupart desaliénistes, c'est le silence. Dans l'institution tout vabien. Alors, ce qui est terrible aussi c'est cette espèced'illusion que l'on a d'une espèce d'avancée de la scien-tificité de la psychiatrie faisant qu'aujourd'hui les hôpi-taux, les murs des hôpitaux en quelque sorte, symboli-quement, sont tombés. Mais, s'ils sont tombés, ce n'estpas parce que les malades sont sortis, c'est parce queles psychiatres eux-mêmes ont quitté l'hôpital pouroccuper toute la ville.

Alors je suis très sensible à ce qu'a dit maître GérardD u c rey et puis à ce que soutient avec beaucoup depugnacité Mr Frédéric Grossmann, c’est-à-dire lesd roits de l'homme. Et le problème avec la psychiatrie,c'est qu'ils n'ont pas à faire à des hommes mais à dessymptômes ; le DSM 4, il ne s'adresse pas à des sujets,on se fout de savoir ce qu'ils pensent, on se fout dec o n n a î t re leurs histoires, de savoir comment leur org a-nisation psychique a pu être désorganisée, et ce qui apu arriver dans leur vie. Le problème n'est pas là, lep roblème c'est les signes, les symptômes, le traitement.Le drame de la psychiatrie, c'est qu'elle s'avancecomme une science médicale qu'elle n'est pas. Il auraitpu se faire que la maladie mentale ne soit pas du re s-

sort de la médecine. Elle ne l'est pas et si c'était dure g i s t re médical, ça serait du re g i s t re de la neuro l o g i e .La psychiatrie en soi, c'est un petit peu tout ce que lesuns et les autres ont dit aujourd'hui, c'est une purei m p o s t u re. Les médicaments sont des drogues ; qu'est-ce qui distingue la drogue des médicaments ? C'est lediscours médical.

M e rci beaucoup.

20 COMMISSION DES CITOYENS POUR LES DROITS DE L’HOMME

Page 22: Le retour de la psychiatrie répressive - les jeunes en danger

COMMISSION DES CITOYENS POUR LES DROITS DE L’HOMME 21

Propositions

Le 28 juin 2006, Monsieur le Ministre de l’Intérieur annonçait qu’il retirait les mesures concernantun dépistage systématique des troubles de comportements chez les enfants dès l‘âge de trois ans, duprojet de loi sur la prévention de la délinquance.

À cette occasion, il a été dit que ces mesures pourraient être «é t u d i é e s » dans le cadre du projet deloi sur la protection de l’enfance.

Aussi, les remarques faites par les différents intervenants de ce colloque restent tout à fait d’actua-lité et la plus grande vigilance s’impose.

La Commission des Citoyens pour les droits de l’homme et l'ensemble des intervenants ducolloque dénoncent les diagnostics psychiatriques erronés qui ouvrent la porte à des remèdes nonseulement inefficaces mais aussi très dangereux pour l’équilibre et la santé de la génération future.Ils encouragent les autorités à réfléchir sur les points suivants :

• Renoncer à tout dépistage systématique des pseudos troubles mentaux chezles enfants,

• Demander une enquête sur la validité scientifique des expertises collectivesde l'INSERM,

• Reconnaître publiquement que l'hyperactivité, les troubles des conduites etautres diagnostics psychiatriques ne sont que des étiquettes et ne reposent suraucune preuve scientifique,

• Lancer une campagne d'information auprès des enseignants, éducateurs etautres professionnels de l'enfance sur la nature non scientifique des diagnosticsp s y c h i a t r i q u e s ,

• Exiger une stricte application de la loi du 27 Juin 1990 sur la protection des patients hospitalisés en psychiatrie et introduire la judiciarisation desprocédures d'internement.