Le Prix de l'oubli

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© Mario Travaini DES MILLIONS DE PERSONNES EN AFRIQUE OCCIDENTALE ET CENTRALE RESTENT EN MARGE DE LA LUTTE MONDIALE CONTRE LE VIH LE PRIX DE L’OUBLI Avril 2016

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Des millions de personnes en Afrique occidentale et centrale restent en marge de la lutte mondiale contre le VIH

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    DES MILLIONS DE PERSONNES EN AFRIQUE OCCIDENTALE ET CENTRALE RESTENT EN MARGE DE LA LUTTE MONDIALE CONTRE LE VIH

    LE PRIX DE LOUBLI

    Avril 2016

  • ACRONYMS USED IN TEXT

    AOA Afrique orientale et australe

    AOC Afrique occidentale et centrale

    ARV Antirtroviral

    CDF Combinaison dose fixe

    CPI Comit permanent interorganisations

    HSH Hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes

    HCR Haut Commissariat des Nations-Unies pour les rfugis

    IO Infection opportuniste

    IST Infection sexuellement transmissible

    OCDE Organisation de Coopration et de Dveloppement Economiques

    OMS Organisation mondiale de la sant

    ONG Organisation non gouvernementale

    ONUSIDA Programme commun des Nations-Unies sur le VIH/SIDA

    PCR Raction en chane par polymrase (polymerase chain reaction)

    PEPFAR US Presidents Emergency Plan for AIDS Relief

    PTME prvention de la transmission mre-enfant

    PVVIH personnes vivant avec le VIH

    RCA Rpublique centrafricaine

    RDC Rpublique dmocratique du Congo

    RSC Renforcement des Systmes Communautaires

    RSS Renforcement des Systmes de Sant

    SDV Services de dpistage du VIH

    SIDA Syndrome dimmunodficience acquise

    SMS Short message service (texto)

    TAR Thrapie antirtrovirale

    USD United States dollar

    VIH Virus de limmunodficience humaine

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  • 1. INTRODUCTION 4

    2. LAMPLEUR DU PROBLME EN AFRIQUE OCCIDENTALE ET CENTRALE 6

    2.1 Faible prvalence du VIH, mais grand nombre de personnes vivant avec le virus 6

    2.2 Le manque de services de dpistage du VIH 8

    2.3 Faible couverture de la thrapie antirtrovirale (TAR) 10

    2.4 Forte mortalit lie au VIH et patients gravement malades 12

    2.5 Les femmes et les enfants sont confronts des carts de couverture TAR 13

    3 RAISONS DERRIRE LES DLAIS DANS LAUGMENTATION DE LA COUVERTURE TAR EN AOC 18

    3.1 Peu de visibilit, beaucoup de stigmatisation et de discrimination 19

    3.2 Faibles systmes de sant et modles de prestation de services inadquats 21

    3.3 Rle de soutien limit de la part de la socit civile 24

    3.4 Faible priorit donne au VIH et manque de leadership politique 25

    3.5 Lente rponse aux besoins des PVVIH lors de crises humanitaires 25

    4 AFFECTATION ET MOBILISATION DES RESSOURCES 27

    4.1 Ressources nationales en AOC 29

    4.2 Aide internationale 30

    4.3 Le soutien aux organisations de la socit civile mis rude preuve 31

    4.4 Systmes fragiles et faiblesse de gestion 31

    4.5 Riposte au VIH lors de crises humanitaires 31

    5 QUELLES DMARCHES PEUVENT ET DOIVENT TRE ENTAMES ? 33

    5.1 Mettre en place des politiques et des modles de soins efficaces 33

    5.2 Accrotre les opportunits pour les services de dpistage du VIH 36

    5.3 Amliorer laccs au TAR 37

    5.4 Amliorer la rtention des personnes sous traitement et atteindre une charge virale indtectable 38

    5.5 Intensifier les efforts pour les PVVIH qui ont t laisses pour compte 39

    5.6 Rpondre aux besoins des PVVIH en situations de crise 40

    6 APPEL URGENT POUR UN PLAN DACTION DE RATTRAPAGE VISANT COMBLER LCART DE COUVERTURE THRAPEUTIQUE ANTIRTROVIRALE DANS LA RGION DE LAOC 42

    7 CONCLUSION 44

    8 TUDES DE CAS 45

    8.1 Rpublique centrafricaine 46

    8.2 Rpublique dmocratique du Congo 58

    8.3 Guine 70

    TABLE DES MATIRES

    3|

  • lchelle mondiale, les annes 2000 2015 ont t marques par lintensification de laccs au traitement antirtroviral (TAR) et une diminution de 35 % des dcs lis au SIDA depuis 2005.1 Un nombre record de prs de 16 millions de personnes vivant avec le VIH (PVVIH) ont t mises sous TAR2 ; trois sur quatre dentre eux vivent en Afrique sub-saharienne, o les besoins sont les plus criants. La socit civile et les services de sant publics ont uni leurs forces pour offrir aux PVVIH de nouveaux traitements fonds sur les preuves scientifiques et les meilleures pratiques.

    Fort de ce succs, le Programme commun des Nations Unies sur le VIH/SIDA (ONUSIDA) a fix en 2015 dambitieux objectifs mondiaux atteindre dici 2020.3 Connues sous le nom de cibles 90-90-90 , elles visent ce que 90 % des PVVIH connaissent leur statut VIH, 90 % de toutes les personnes sropositives au VIH reoivent un TAR continu, et que 90 % de toutes les personnes sous traitement atteignent une suppression virale.

    Cette acclration de la riposte au VIH devrait prvenir 75 % des nouvelles infections dici 2020, mais lONUSIDA met en garde contre les consquences ngatives en cas dchec avant la date butoir : Lpidmie sera repartie la hausse dici 2030, reprsentera une menace encore plus srieuse pour la sant et le bien-tre mondial, et exigera des ressources importantes pour ce qui sera devenu une pidmie incontrle .4

    Alors que le financement international dirig vers le VIH/SIDA et le TAR et les politiques associes ont tendance se concentrer sur les pays les plus durement touchs par lpidmie et sur les points nvralgiques du VIH en Afrique sub-saharienne, la plupart des pays appartenant la rgion de lAfrique occidentale et centrale (AOC) ont t ngligs.

    1 ONUSIDA, Le Gap Report, 2014, disponible from: http://www.unaids.org/sites/default/files/en/media/unaids/contentassets/documents/unaidspublication/2014/UNAIDS_Gap_report_en.pdf

    2 ONUSIDA, Fiche dinformation 2015, Statistiques mondiales, Journe mondiale de lutte contre le SIDA 2015. Disponible ladresse : http://www.unaids.org/en/resources/campaigns/HowAIDSchangedeverything/factsheet

    3 Cette initiative de lONUSIDA vise mettre fin lpidmie de SIDA dici 2030 en se concentrant dans la priode cl de 2015 2020 sur les 30 pays qui reprsentent plus de 80 % des nouvelles infections VIH dans le monde - notamment plusieurs pays de lAfrique occidentale et centrale. Pour en savoir plus, consultez : ONUSIDA, Acclrer : mettre fin lpidmie de sida dici 2030, ONUSIDA, 2014, disponible ladresse : http://www.unaids.org/fr/resources/documents/2014/fast_track ainsi que: Stratgie de lONUSIDA pour 20162021. Acclrer la riposte pour mettre fin au Sida Octobre 2015, disponible ladresse : http://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/20151027_UNAIDS_PCB37_15-18_FR_rev1.pdf

    4 ONUSIDA, Acclrer : mettre fin lpidmie de sida dici 2030, 2014. Disponible ladresse : http://www.unaids.org/fr/resources/documents/2014/fast_track

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  • Mdecins Sans Frontires (MSF) travaille dans le monde entier et fournit des services VIH aux PVVIH, et opre des projets notamment dans la rgion de lAOC. En 2014, les quipes de MSF ont fourni des soins 229.900 PVVIH, et soutenu le TAR pour 226.500 personnes dans 19 pays.7 Les quipes de MSF sont aux premires loges pour constater les consquences graves chez les personnes qui nont pas eu la chance dtre dans des pays ayant bnfici de la rvolution globale des antirtroviraux (ARV).

    Le prsent rapport a pour objectif de mettre en vidence les lacunes dans les politiques et les pratiques touchant les PVVIH dans les pays de lAOC qui font face dimportants carts de couverture thrapeutique. Il souligne les principaux obstacles un largissement de la couverture TAR en AOC, en mettant laccent sur les contextes o MSF participe la riposte au VIH. Il rassemble lexprience des quipes MSF en prsentant les donnes de projets pilotes locaux, dtudes petite chelle, denqutes auprs des patients et dautres informations recueillies au sein des programmes.

    Les leons tires des expriences dexpansion du traitement ARV dans les pays dAfrique australe et ailleurs pourraient tre dterminantes pour les PVVIH en AOC. Cependant, certaines des politiques et approches actuelles devront tre modifies, en raison de la porte et de la propagation de lpidmie, de la stigmatisation laquelle font face les PVVIH et des faiblesses spcifiques des systmes de sant existants qui affectent la qualit et laccs au TAR. Le rapport prsente des projets pilotes fonds sur des approches alternatives, tant en AOC quailleurs, et leur potentiel de briser le statu quo. Trois tudes de cas ralises dans la rgion - en Rpublique dmocratique du Congo (RDC), en Rpublique centrafricaine (RCA) et en Guine - soulvent les principaux obstacles et opportunits un largissement et une acclration des mises sous TAR et la rtention en traitement des patients.

    Nos observations mettent en lumire le besoin urgent de surmonter le statu quo et de dvelopper un plan daction acclr qui soit adapt aux pays de lAOC. Le prsent rapport inclut des propositions concrtes pour un plan de rattrapage visant combler lcart dans la couverture thrapeutique antirtrovirale en AOC, notamment un appel tripler les mises sous TAR dici 2020 dans les pays o la couverture ARV est infrieure 50 %, et un transfert des connaissances et expriences acquises dans des rgions o la provision des TAR a t efficacement instaure.

    7 Pour plus dinformations sur les activits de MSF en 2014, voir le rapport international dactivits, disponible sur : http://www.msf.org/sites/msf.org/files/msf_international_activity_report_2014_en.pdf

    La rgion englobe 25 pays, dont la plupart compte une population relativement faible. Leurs taux moyens de prvalence sont relativement faibles par rapport lAfrique australe. Cependant, la plupart de ces pays peinent offrir un TAR ceux qui en ont besoin - un chec qui se traduit par un taux excessif de mortalit et de morbidit, et qui limite leur capacit freiner la propagation de la maladie. Dans la rgion de lAOC, 76 % des personnes qui requirent une thrapie antirtrovirale - cinq millions de personnes au total - sont encore en attente de traitement.5 Les besoins non satisfaits dans la plupart de ces pays restent en marge de la rponse globale au VIH.

    En AOC, les taux de couverture de TAR sont infrieurs ceux de lAfrique australe. Les pays confronts un lourd fardeau ont relev le dfi en apportant des changements majeurs leurs services de sant, mais les pays de lAOC ont reu moins dincitatifs pour adapter leurs modles de prestation de services, et moins de soutien pour le faire. Beaucoup de ces pays doivent composer avec de faibles systmes de sant et de multiples priorits sanitaires, problmes exacerbs dans les rgions en proie des crises rcurrentes. De nombreux pays de lAOC nont pas russi mettre en place certaines des mthodes novatrices utilises ailleurs pour le dploiement du TAR, en raison dune rsistance ou dun manque de conscientisation, ce qui les a mens recourir des approches mal adaptes. Il faut de toute urgence apporter des solutions alternatives afin de rpondre aux besoins dans ces contextes spcifiques.

    Les 6,6 millions de PVVIH dans la rgion de lAOC reprsentent 17,9 % de toutes les PVVIH dans le monde entier, 21 % des nouvelles infections globales et 45 % des nouvelles infections chez les enfants.6 Plus dun dcs sur quatre dans le monde li au SIDA survient en AOC, alors que quatre enfants sur dix qui succombent la maladie meurent dans la rgion. Si lchec actuel des politiques et du financement international de la sant lutter contre lpidmie croissante dans cette rgion nest pas abord, les chances datteindre les nouveaux et ambitieux objectifs 90-90-90 sont trs minces.

    Alors que le monde entier tente de changer le cours de la pandmie du VIH dici cinq ans, cette tape pourrait constituer la seule chance pour les sropositifs de la rgion daccder au traitement capable de leur sauver la vie. Linitiative dacclration (Fast-Track) pour atteindre les objectifs 90-90-90 devrait galement bnficier la population de lAOC.

    5 ONUSIDA, Consultation TDR sur 90-90-90 rgionale Avec les implmenteurs en Afrique de lOuest et du Centre, Dakar, novembre 2015.

    6 Ibid

    1. INTRODUCTION

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  • Le manque de visibilit publique et la faible priorit politique accorde au VIH/SIDA ont donn lieu une mauvaise connaissance de la maladie parmi la population gnrale, les dirigeants politiques et les travailleurs de la sant. Cela a conduit, notamment, la faible disponibilit des services de dpistage, du traitement et des soins, dans un contexte o les services de sant sont mal adapts aux besoins spcifiques, et o les PVVIH se heurtent de nombreux obstacles pour accder aux soins. La stigmatisation, la dsinformation et la discrimination sont autant de facteurs qui limitent la demande de services lis au VIH.

    2. LAMPLEUR DU PROBLME EN AFRIQUE OCCIDENTALE ET CENTRALE

    2.1 FAIBLE PRVALENCE DU VIH, MAIS GRAND NOMBRE DE PERSONNES VIVANT AVEC LE VIRUS

    La rgion de lAOC dans son ensemble est consquente en termes de taille de la population, dtendue gographique et dampleur des besoins lis au VIH. Puisquelle se situe en dehors de la zone de forte prvalence du VIH en Afrique australe, la rgion a du mal renforcer et accrotre ses services de traitement du VIH, comme cest souvent le cas dans les pays plus faible prvalence du VIH (cest--dire en de de 5 %). Selon une analyse rcente, la couverture de TAR chez les adultes, les femmes enceintes et les enfants est nettement plus faible dans les pays faible prvalence, comme on peut le voir dans le tableau1, bas sur les donnes en provenance de 52 pays.8 Pourtant, la moiti de toutes les PVVIH vivent dans des pays o la prvalence du VIH est moindre, et tous les pays de la rgion de lAOC ont une prvalence estime moins de 5 %.

    8 Andrew Hill et al., Countries with lower HIV prevalence have lower ARV coverage: UNAIDS 2014 database. Affiche prsente la confrence CROI, Boston, tats-Unis, fvrier 2016.

    9 ENFANTS SUR 10 N'ONT PAS ACCSAU TRAITEMENT ARV

    Remarque : Bien que la collecte de donnes fiables au niveau national reprsente un dfi de manire gnrale, il convient de faire preuve de prudence quant la validit, lexactitude et lexhaustivit des donnes disponibles sur lpidmiologie et les programmes VIH dans la rgion de lAOC. Les mthodes de collecte dinformation et de donnes varient considrablement selon la source; les dossiers des patients et le rapportage par les tablissements de sant ne sont pas faits systmatiquement et sont souvent incomplets. Cela limite considrablement lextrapolation lchelle du pays et linterprtation des donnes disponibles.

    3 PERSONNES SUR 4 N'ONT PAS ACCS AUX ARV (ANTIRTROVIRAUX)

    Source UNAIDS 2014

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  • Tableau 1: Taux de couverture TAR dans les pays prvalence moindre et plus leve.

    Prvalence moindre (>5% VIH+ parmi

    les adultes)

    Prvalence plus leve (>= 5% VIH parmi

    les adultes)

    Pays 40 12

    Taille de lpidmie VIH 16.0 million 16.1 million

    Prvalence VIH adulte 1.6% 14.6%

    % dadultes sur TAR 31.7% 48.3%

    % denfants sur TAR 22.4% 42.6%

    % de femmes enceintes sur TAR 46.7% 89.1%

    % de femmes enceintes avec 4 CPN ou plus

    55.3% 68.1%

    % de nourrissons ayant subi un teste de diagnostique prcoce

    20.1% 72.3%

    Mortalit annuelle due au VIH 4.5% 2.5%

    Transmission annuelle du VIH 6.2% 5.4%

    DES NOUVELLES INFECTIONS VIH

    21%

    DES DCS DUSAU VIH/SIDA

    27%

    DES ENFANTSNS AVEC LE VIH

    45%

    AFRIQUE DE LOUEST ET CENTRALE

    Source UNAIDS 2014

    Source: Andrew Hill et al., Op.Cit.

    Source UNAIDS 2014

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    LE VIH EN AOC: UN TAT DES LIEUX

    La rgion de lAOC englobe 25 pays et compte quelque 425 millions dhabitants, avec une forte proportion de jeunes (25 % de la population a entre 10 et 19 ans).9

    La prvalence du VIH est en moyenne relativement faible - 2,3 % en 201410, ce qui reprsente environ 6,6 millions de PVVIH et 17,9 % du fardeau mondial du VIH pour la mme anne. La rgion compte 21% des nouvelles infections VIH dans le monde et 45 % des nouvelles infections chez les enfants.11,12

    Alors que les dcs lis au SIDA sont en dclin dans le monde, la contribution des pays de lAOC la mortalit annuelle lie la maladie en Afrique sub-saharienne a atteint 36 % en 2013.13

    Globalement, derrire la faible prvalence nationale se cache un lourd fardeau et une forte incidence du VIH au sein de groupes ou de zones gographiques spcifiques. Les groupes particulirement vulnrables sont les travailleurs du sexe, les hommes qui ont des rapports sexuels avec des hommes (HSH), les personnes qui consomment des drogues injectables, les migrants et les populations dplaces.

    Fin 2014, 76 % des habitants de la rgion qui auraient d tre sous ARV ne recevaient pas le traitement, dont 9 enfants sropositifs sur 10.14

    LAOC englobe trois des six pays dans le monde qui font face une triple menace : un fardeau VIH lev, une faible couverture de traitement et peu ou pas de diminution des infections VIH. Ces pays sont la Rpublique centrafricaine, la Rpublique dmocratique du Congo et le Nigria.15

    Six des 25 pays de lAOC comptent 83 % des PVVIH dans la rgion : 52 % de ceux-ci se trouvent au Nigria, 10 % au Cameroun, 7% en Cte-dIvoire, 7% en RDC, 4 % au Ghana et 3 % au Tchad.16

    9 UNICEF, Young people in West and Central Africa: Trends, Priorities, Investments and Partners, juillet 2009. Disponible ladresse : http://www.unicef.org/wcaro/english/YoungPeopleinWestandCentralAfrica-finaldraft_20-7-09.pdf.pdf

    10 ONUSIDA, Op.Cit.11 Ce nombre reprsente quatre fois la prvalence dans le monde

    entier (0,8 %). Source: ONUSIDA, How AIDS changed everything, 2015

    12 Donnes de lONUSIDA de 2014, disponible sur le site : http://aidsinfo.unaids.org/

    13 Document de travail rgional pour les consultations sur la Stratgie 2016-2021 de lONUSIDA sur le dveloppement en Afrique occidentale et centrale, fvrier 2015, Dakar.

    14 Note de concept de lONUSIDA pour la consultation rgionale sur les soins pdiatriques en Afrique occidentale et centrale: Recherche active pour les enfants vivant avec le VIH, novembre 2015, Dakar.

    15 ONUSIDA, Consultation rgionale sur les soins et le traitement pour les personnes vivant avec le VIH en Afrique occidentale et centrale, Dcembre 2012, Dakar.

    16 Analyse fonde sur les donnes de lONUSIDA obtenues la demande de MSF, octobre 2015.

    2.2 LE MANQUE DE SERVICES DE DPISTAGE DU VIH

    Bien que les services de dpistage du VIH (SDV)17 dans la rgion ont augment, lexprience de MSF en AOC confirme quils restent largement insuffisants. Mme au sein des groupes de population qui sont habituellement prioriss - comme les femmes enceintes, les enfants exposs au VIH et les patients atteints de tuberculose (TB) - les services de dpistage du VIH restent trs limits.18

    De plus, avec lpidmie dEbola qui a secou lAfrique de lOuest, les services de dpistage du VIH ont d tre suspendus ou fortement rduits au Libria, en Sierra Leone et en Guine pendant la majeure partie de 2014 et 2015.

    Le dpistage linitiative du prestataire est souvent prfr au dpistage et conseil volontaire dans la communaut, compte tenu de certaines proccupations entourant lefficacit dans les milieux faible prvalence. Cependant, notre exprience montre que les services de dpistage du VIH sont rarement offerts de faon systmatique, et que le recours ceux-ci est aussi entrav par les divers obstacles en ce qui concerne laccs aux services publics. Avec les ruptures de stock de tests de dpistage, les frais mdicaux imputs aux patients, le manque de connaissances ou la rticence de la part du personnel clinique proposer le test, ainsi que le manque de conseil, les services de dpistage du VIH ne reoivent pas la priorit quils mritent. Qui plus est, les cliniciens ont tendance rserver les tests de dpistage du VIH aux patients qui sont dj malades, rduisant ainsi la proportion de tests disponibles pour la population gnrale et retardant la mise sous TAR de ceux qui sont sropositifs mais pas encore malades.

    17 Selon lOMS, les services de dpistage du VIH (SDV) comprennent la gamme complte de services qui devraient tre fournis en mme temps que le dpistage du VIH. Ceux-ci comprennent les informations pralables au dpistage, laccompagnement aprs le dpistage, la liaison avec les services appropris de prvention du VIH, les services de soins et de traitement, etc. Pour en savoir plus, se reporter au site suivant : http://www.who.int/hiv/topics/vct/about/fr/

    18 WHO, Consolidated guidelines on HIV prevention, diagnosis, treatment and care for key populations. WHO; Genve, juillet 2014. Disponible ladresse : http://www.who.int/hiv/pub/guidelines/keypopulations/en/

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  • Lexprience de MSF en AOC montre que de nombreux patients ayant des antcdents mdicaux et qui prsentent des signes cliniques vidents nont jamais t tests pour le VIH, mme sils sont dj passs par des services de sant. En RDC, par exemple, une tude ralise par MSF Kinshasa en 2012 a rvl que mme dans les hpitaux, le dpistage du VIH est loin dtre systmatique; lorsque MSF offrit des services de conseil et dpistage du VIH aux patients hospitaliss dans les services de mdecine interne de trois hpitaux de Kinshasa , 90 % ont affirm ne jamais avoir reu une telle offre de dpistage auparavant.19

    LOrganisation mondiale de la sant (OMS) recommande le dpistage du VIH au sein de la communaut pour sa grande efficacit, mais cette approche nest ni bien dveloppe ni proprement soutenue financirement en AOC. En RCA, par exemple, les activits de dpistage volontaire et communautaire ont t rduites aprs que le Fonds mondial20 ait suspendu son financement en 2009, et que le pays ait connu des tensions civiles en 2012. En RDC, une dcision politique en 2008-09 a donn priorit aux services de dpistage du VIH dans les tablissements de sant par rapport au dpistage du VIH dans la communaut. (Se reporter aux tudes de cas sur la RCA et la RDC.)

    La priorit aujourdhui tant didentifier les personnes sropositives le plus tt possible, le besoin pour les services de dpistage du VIH est encore plus pressant. Toutefois, devant le manque de dpistage systmatique linitiative du prestataire et labsence de campagnes de dpistage proactives, notamment dans les communauts, il est probable que les PVVIH ne soient pas diagnostiqus avant davoir atteints un stade avanc de la maladie. Ceci, en retour, augmente les cots mdicaux et sociaux de la morbidit et de la mortalit associs aux infections secondaires, aux complications et lhospitalisation.

    19 Mdecins Sans Frontires, et Conseil Initis Dpistage par le prestataire Dans les services de mdecine interne et de pdiatrie Dans 3 structures de sant Kinshasa. JMS 2012.

    20 Le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme (souvent appel le Fonds mondial ou GFATM) est un mcanisme de financement international qui vise attirer et verser des ressources supplmentaires pour prvenir et traiter le VIH et le SIDA, la tuberculose et le paludisme. Pour en savoir plus, consultez : www.theglobalfund.org

    En 2003, jai vu une affiche qui invitait les gens se faire tester pour le VIH, alors je suis alle lhpital Ignace Deen pour faire le test en mme temps que mon bilan de sant gnral. Le personnel a essay de me dissuader, en me disant que javais lair en bonne sant, mais aprs un bon moment, ils mont fait la prise de sang. Quand les rsultats taient disponibles, le personnel ma dit que tout tait normal. Jai demand si on mavait galement teste pour le VIH, mais cela navait pas t fait. On ma donc fait une autre prise de sang et on ma dit dattendre. Je nai reu aucun counseling avant le test de dpistage.

    Jai attendu de 9 h 13 h, mais les rsultats ntaient toujours pas l, donc jai d partir. Aprs quelques jours dattente, jy suis retourne. Mon sang a t prlev nouveau, puis le rsultat est arriv. Linfirmire a dit quelle ne pouvait pas me donner le rsultat parce quil ny avait pas de mdecin, que je devais aller me trouver un mdecin moi-mme. Comme je ne savais pas qui demander, jai insist pour quon me donne mon rsultat. En ouvrant le dossier, jai vu que le rsultat tait positif, mais je ne comprenais pas ce que cela voulait dire.

    On ma dit de me prsenter la banque de sang; l, on ma explique que, pour tre teste, je devais accepter de donner du sang si le rsultat tait ngatif, et que je pourrais partir sil tait positif. On a prlev mon sang, et aprs avoir attendu tout laprs-midi, je suis finalement entre de force dans une pice marque conseiller en exigeant quon me donne mon rsultat. On ma alors dit quil y avait une anomalie dans mon sang et que je devais revenir le lendemain. Ce soir-l, je nai pas ferm lil de la nuit, je tremblais de peur.

    Je suis revenue le lendemain et jai attendu de 7 h 11 h, jusqu ce que quelquun me dise de revenir dans une semaine. Cest ce que jai fait, puis on ma fait un autre prlvement et jai attendu trois semaines, revenant tous les jours sans jamais obtenir mon rsultat. Puis un jour, je me suis dit a suffit, je dois savoir . Un mdecin ma lanc le morceau de papier sur lequel tait inscrits les rsultats, et ma dit : Madame, vous avez le SIDA, vous navez plus que sept ans vivre. Rendez-vous Donka, il y a un mdecin l-bas qui peut vous soigner .

    Jai pris la feuille en tremblant. Jtais si dsespre que quand je suis arrive chez moi, je me suis dshabille, jai pris un couteau et je lai appuy sur mon ventre. Je voulais me suicider.

    Heureusement, jai t prise en charge lhpital Donka et aujourdhui, je vis positivement et jai un petit garon de 3 ans et demi qui est srongatif.

    Patiente, 32 ans, Conakry

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  • actuellement pas accs au TAR. La couverture de PTME diffre largement aussi : 88 % en AOA contre 42 % en AOC. Prs de 460.000 personnes sont mortes du SIDA en 2014 en AOA, qui compte plus de PVVIH et prsente une plus grande prvalence du VIH. Mais entretemps, quelque 330.000 personnes dcdaient en AOC. La figure 2 permet de comparer la couverture en TAR chez les adultes entre les pays de ces deux rgions.

    En AOC, le nombre de nouvelles infections est encore suprieur au nombre de personnes mises sous traitement, ce qui signifie que la rgion est loin datteindre le point de basculement . En 2014, prs de 300.000 personnes ont t mises sous TAR dans la rgion, tandis que quelque 420.000 nouvelles infections sont dplorer.23,24 Seuls quatre pays en AOC (Sngal, Bnin, Burundi et Gabon) rapportent un nombre de mises sous TAR galant ou dpassant le nombre estim de nouvelles infections au VIH.25

    23 Donnes de lONUSIDA obtenues la demande de MSF, octobre 201524 ONUSIDA, Donnes de 2014, Op.Cit.25 One, The AIDS report 2015, Unfinished business: Tracking Global

    Commitments on AIDS, Vol. 4, Disponible ladresse: http://www.one.org/us/aids-report/

    2.3 FAIBLE COUVERTURE DE LA THRAPIE ANTIRTROVIRALE (TAR)

    La couverture TAR en AOC tait de 24 % en 2015.21 Cela signifie que selon les estimations, cinq millions de PVVIH en AOC ayant besoin dun traitement ne le reoivent pas. Parmi ceux-ci, 2,5 millions vivent au Nigria et 0,5 million au Cameroun.22

    Bien que le pourcentage de couverture de TAR ait augment au cours de la dernire anne, la couverture rgionale est loin dtre homogne, et les derniers chiffres rvlent une grande variation entre les pays. Certains pays, comme le Gabon et le Burkina Faso, rapportent des besoins couverts allant jusqu 40 %, tandis que dautres pays restent sous le seuil de 25 %, entre autres la RCA, la Rpublique du Congo, la Guine-Bissau et la Mauritanie (se reporter la figure 1. La couverture TAR en AOC reste bien en-de de la moyenne pour lAfrique sub-saharienne (42 %) et pour la rgion dAfrique orientale et australe ou AOA (47%). Alors que 10 des 19 millions de personnes vivant avec le VIH en AOA sont toujours en attente de traitement, 5 des 6,6 millions de PVVIH dans la rgion de lAOC nont

    21 ONUSIDA, Dones de 2014, disponibles ladresse : http://aidsinfo.unaids.org/

    22 Ibid

    Couverture TAR PVVIH ntant pas sous TAR

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    Figure 1: Couverture TAR des PVVIH dans la rgion dAOC.

    Source: West and Central Africa Region: Overview of the HIV epidemic and response, prsentation par le directeur adjoint dONUSIDA RST-AOC lors de latelier rgional Enda Sant/ONUSIDA sur les cibles 90-90-90, les 5 et 6 novembre 2015 Dakar.

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  • WCA regionESA region

    Figure 2:Comparaison de la couverture TAR chez les adultes

    entre la rgion de lAfrique occidentale et centrale

    et la rgion dAfrique de lest et australe.

    En AOC, les donnes sur la rtention en traitement sont rares et ne peuvent tre extrapoles pour obtenir des estimations rgionales ou nationales. Dans les tablissements de sant soutenus par MSF, la rtention varie considrablement selon le modle de prestation de services. Elle se situe 75 % en Guine (2013), 78 % en RDC (2014) et 63 % en RCA (2014).26 Mais lexprience a montr que les patients qui interrompent leur traitement ARV ne le mentionnent pas ncessairement quand ils y reviennent. Selon une tude mene Kinshasa en 2014, 70 % des patients gravement malades avaient dj t sous TAR; 52 % dentre eux avaient interrompu leur traitement pendant des priodes de plus de trois mois.27

    Les donnes insuffisantes sur la rtention, combines aux faibles niveaux de connaissances et lexprience souvent limites du personnel mdical devant lchec thrapeutique, signifient que la ncessit de recourir au traitement de deuxime ligne nest pas identifie sa juste mesure. La situation saggrave lorsque les ARV de deuxime ou de troisime ligne sont rares ou indisponibles.

    Je tenais une petite boutique entre Brazzaville et Kinshasa et cette poque, je payais pour obtenir mes ARV. Malheureusement, lorsque les Congolais ont t chasss de Brazzaville, jai d arrter mon traitement parce que je navais plus dargent. Alors maintenant, je prends dautres mdicaments que mes amis me donnent parfois, mais ce ne sont pas des ARV. Du fait que je ne reois plus de traitement, je suis maintenant trs malade. Jai des problmes avec mes yeux, ma peau, ma tte et mes jambes. La tristesse me consume. Quand je regarde ma vie, je dprime. Il y a une lourdeur dans mon cur. Je suis triste.

    Jai vu beaucoup de personnes mourir parce quelles navaient pas dargent pour acheter leurs ARV. Cela me brise le cur de voir les autres souffrir, tomber malade et mourir. Je voudrais que le gouvernement nous soutienne. Je voudrais avoir un endroit o nous pourrions nous procurer le traitement

    Patiente, Kinshasa, RDC.

    26 Ces donnes ne peuvent pas tre extrapoles lensemble du pays, car elles sont bases sur quelques sites de traitement du VIH. De plus, dans les modles de soins communautaires et diffrencis, les taux de rtention sont beaucoup mieux.

    27 Mashako Maria, Forte mortalit intra-hospitalire de PVVIH Kinshasa: Quelles stratgies pour y remdier?, Mmoire prsent en vue de lobtention du diplme de Master en Sciences de la Sant Publique Contrle des Maladies, Anvers, IMT, juin 2015.

    Source: Dutta A. et al. The HIV Treatment Gap: Estimates of the Financial Resources Needed versus Available for Scale-Up of Antiretroviral Therapy in 97 Countries from 2015 to 2020, PLOS Medicine | DOI:10.1371/journal.pmed.1001907, novembre 2015.

    11|

  • 2.4 FORTE MORTALIT LIE AU VIH ET PATIENTS GRAVEMENT MALADES

    Comme il a t mentionn prcdemment, les pays de lAOC comptaient, en 2013, 36 % des dcs lis au SIDA en Afrique sub-saharienne. Sept pays le Nigria, le Cameroun, la RDC, la Cte dIvoire, le Tchad, la RCA et le Ghana comptabilisaient ensemble 87 % des dcs lis la maladie dans la rgion la mme anne.28

    Une enqute de mortalit ralise en 20102 dans la ville de Carnot en RCA a rvl quun dcs sur trois parmi les per-sonnes ges de 15 ans et plus tait imput au VIH/SIDA.29

    Un dlai dans la mise sous TAR, ou le manque de rtention en traitement, augmentent considrablement la morbidit et la mortalit.30, 31 Les patients arrivent souvent dj grave-ment malades, svrement immunodprims et souffrant dinfections opportunistes (IO). Ces facteurs contribuent une souffrance humaine vitable, surchargent les systmes de sant (en particulier les hpitaux), et saccompagnent dun important cot conomique et social. Dans les hpi-taux soutenus par MSF en RCA, nos quipes rapportent que 25 29 % des patients hospitaliss souffrent dune mala-die lie au VIH, tandis quenviron 84 % de tous les dcs intra-hospitaliers sont dus au SIDA. A lhpital Kabinda de Kinshasa, au dpartement VIH soutenu par MSF, un patient sropositif hospitalis sur quatre ne survit pas, du fait de leur tat avanc lors de leur arrive.

    Ce que nous voyons aujourdhui dans nos projets dAfrique occidentale et centrale me rappelle parfois nos dbuts en Afrique du Sud en 1999, quand nous avons instaur le premier programme de TAR dans le pays. Dans nos projets en RDC, en Guine ou en RCA, trop de patients dont nous nous occupons ont atteint les stades avancs du SIDA, ce qui est devenu relativement rare en Afrique du Sud depuis le milieu des annes 2000. Lincidence de manifestations au stade avanc IV comme la mningite cryptocoques, la tuberculose dissmine et le sarcome de Kaposi reste alarmante

    Eric Goemaere, rfrent VIH/TB pour MSF.

    28 ONUSIDA, Document de travail rgional pour les consultations sur la Stratgie 2016-2021 de lONUSIDA sur le dveloppement en Afrique occidentale et centrale, fvrier 2015, Dakar.

    29 Epicentre, Enqute de mortalit rtrospective dans la ville de Carnot, Prfecture de Mambr-Kad, Rpublique Centrafricaine, Janvier - Juillet 2012.

    30 National Institutes of Health, Starting antiretroviral treatment early improves outcomes for HIV-infected individuals, mai 2015. Disponible ladresse : http://www.nih.gov/news/health/may2015/niaid-27.htm

    31 MSF (2010) The Ten Consequences of AIDS Treatment Delayed, Deferred, or Denied.juillet 2010 Disponible ladrresse : http://www.msf.or.jp/library/pressreport/pdf/Report_10consequences_highres.pdf

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  • 2.5 LES FEMMES ET LES ENFANTS SONT CONFRONTS DES CARTS DE COUVERTURE TAR

    En AOC, neuf enfants sur dix vivant avec le VIH ne reoivent pas de traitement. En 2014, la rgion comptait 720.000 enfants de moins de 15 ans infects par le VIH, mais la couverture des ARV pdiatriques se situe seulement 11 %.32,33 De tous les pays de lAOC, seul le Cap-Vert a une couverture dARV pdiatriques suprieure 20 %, tandis que dans 12 pays sur 21 de la rgion, moins dun enfant sur dix a accs un TAR (se reporter la figure 3). La figure 4 illustre le dlai relatif dans la mise sous TAR dans les pays de lAOC par rapport ceux de lAOA.

    Tandis que le TAR34 chez les adultes a augment de 4 % en AOC de 2013 2014, il na augment que de 1% chez les enfants. Sans une augmentation significative du rythme des mises sous TAR, lcart de traitement chez les enfants ne fera que se creuser davantage. Le faible nombre denfants sous TAR est troitement li au manque de dpistage. Le personnel mdical est form de manire inadquate pour pouvoir dpister et prendre en charge le VIH chez les enfants, et les laboratoires capables deffectuer le diagnostic prcoce du nourrisson sont rares. La provision de TAR aux enfants sropositifs devient difficile quand les ARV pdiatriques sont indisponibles et que le soutien ncessaire pour les enfants et leurs familles fait dfaut. De plus, la stigmatisation et les proccupations juridiques lies lautorisation parentale et la divulgation aux enfants contribuent au faible nombre denfants mis sous TAR.

    32 Donnes de lONUSIDA obtenues la demande de MSF, octobre 201533 ONUSIDA, Note de concept pour la consultation rgionale sur les soins

    pdiatriques en Afrique occidentale et centrale tenue Dakar, novembre 2015.

    34 Ibid.

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    13|

  • Les TAR pdiatriques vitent des pertes de vie inutiles:

    La mise sous TAR avant la 12e semaine de vie rduit la mortalit lie au VIH de 75 % chez les enfants vivant avec le VIH

    Sans traitement, environ un tiers des enfants vivant avec le VIH natteindront pas lge dun an; la moiti dentre eux natteindra pas lge de deux ans, et seulement un enfant sur cinq atteindra lge de cinq ans.

    Source : ONUSIDA35

    35 ONUSIDA, Rapport mondial davancement sur la lutte contre le sida, 2014.

    Figure 3 : Couverture du TAR pdiatrique dans les pays de lAOC.

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    En outre, seulement 10 % des enfants ns de mres sropositives en AOC subissent un dpistage du VIH dans les deux mois suivant leur naissance. En Afrique orientale et australe, ce taux est de 50 %.36 Dimportants progrs ont t raliss dans la prvention de la transmission de la mre lenfant (PTME) grce laccs aux mdicaments antirtroviraux pour les femmes enceintes vivant avec le VIH, mais en AOC, seulement 39 % des 360.000 femmes enceintes sropositives estimes ont reu des ARV comparativement 79 % dans les rgions de lAfrique orientale et australe en 2013.37 La figure 5 illustre les grands carts entre les pays, avec une couverture rapport de PTME allant de plus de 81 % au Ghana seulement 47% en RDC.38

    36 UNICEF, Progrs pour les enfants : Au-del des moyennes, Tirer les leons des OMD, New York, juin 2015. Disponible ladresse : http://www.unicef.org/french/publications/files/Progress_for_Children_No._11_French_1607.pdf

    37 Ibid38 ONUSIDA, Donnes de 2014, disponibles ladresse http://aidsinfo.

    unaids.org/

    Source : Note de concept de lONUSIDA pour la consultation rgionale sur les soins pdiatriques en Afrique occidentale et centrale tenue Dakar, en novembre 2015. Il est noter que les donnes de quatre pays de lAOC sont manquantes.

    |14

  • Figure 4: Comparaison de la couverture TAR pdiatrique entre la rgion de lAfrique occidentale et centrale et la rgion

    dAfrique de lest et australe.

    Quand je suis arrive ici il y a quatre jours pour accoucher, un mdecin a propos de me tester pour le VIH. Je navais jamais t teste auparavant, et jai reu un rsultat positif. Pour linstant, je suis sous traitement et mon bb aussi.

    Je navais aucune ide que jtais en danger. Mes deux parents sont dcds du VIH/SIDA, mais je ne savais pas quils taient infects; cest seulement aprs leur dcs que jai compris pourquoi. Jai perdu un enfant il y a quelque temps, mais je ne sais pas pourquoi. Je sais que ma fille de sept ans aura besoin dun test, et jusqu prsent, mon mari a refus dtre test .

    Patiente la clinique de MSF Carnot, Rpublique centrafricaine.

    Des statistiques spcifiques pour lAOC ne sont pas disponibles, mais lchelle mondiale, on estime que 2,1millions dadolescents vivaient avec le VIH en 2012.39 Les adolescents (gs de 10-19 ans) constituent le seul groupe dge o les dcs attribuables au SIDA ont augment entre 2001 et 2012. Le VIH est la principale cause de dcs de ce groupe dge dans le monde.40 De plus, parmi les jeunes gs de 15 19 ans, les filles reprsentaient les deux tiers de toutes les nouvelles infections au VIH en 2013.41 Ce fait dmontre un chec majeur de la priorit accorde aux adolescents dans la planification stratgique, et un grave manque daccs adapt et adquat au dpistage, conseil et au TAR.

    Mes deux parents sont dcds quand jtais enfant, je ne sais pas sais pas de quoi ils sont morts, je ne sais pas si cest cause du SIDA. Depuis lcole primaire, je tombais toujours malade. Cest devenu si grave que quand javais 15 ans, je suis tomb dans le coma. Pendant mon hospitalisation, on ma diagnostiqu avec le VIH - quelle nouvelle dvastatrice. Ma grand-mre ne peut pas me regarder sans seffondrer en larmes... Heureusement quand jai eu 16 ans, jai joint un groupe de soutien pour les adolescents. Nous tions une quinzaine, et nous pouvions nous confier les uns aux autres. Quel changement dans ma vie

    Patient adolescent, Conakry, Guine.

    39 Ibid40 OMS. La sant pour les adolescents du monde. Une deuxime chance

    pour la deuxime dcennie. Genve : Organisation mondiale de la sant, 2014.

    41 UNICEF, Progrs pour les enfants : Au-del des moyennes, Tirer les leons des OMD, New York, juin 2015. Disponible ladresse : http://www.unicef.org/french/publications/files/Progress_for_Children_No._11_French_1607.pdf

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    Source: Dutta A. et al. The HIV Treatment Gap: Estimates of the Financial Resources Needed versus Available for Scale-Up of Antiretroviral Therapy in 97 Countries from 2015 to 2020, PLOS Medicine | DOI:10.1371/journal.pmed.1001907, novembre 2015.

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  • Couverture PTME

    Non sous TAR

    Figure 5 : Couverture PTME dans les pays de lAOC en 2014.

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    Prsentation par le directeur adjoint dONUSIDA RST-AOC lors de latelier rgional Enda Sant/ONUSIDA sur les cibles 90-90-90, les 5 et 6 novembre 2015 Dakar.

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  • LE TAR SAUVE DES VIES. Aujourdhui, lesprance de vie dune personne vivant avec le VIH sous traitement est la mme que celle dune personne non infecte.42 Pour chaque 1.000 personnes traites par anne, 228 dcs sont vits ainsi que 61 nouvelles infections par transmission sexuelle , et linfection de 26 nourrissons.43

    LA MISE SOUS TAR PRCOCE PRSENTE DE MUL-TIPLES AVANTAGES. Une tude rtrospective de MSF portant sur 48 programmes VIH a rvl que la mise sous TAR prcoce amliore les rsultats du traitement et rduit la transmission du VIH. Notamment, les dcs pr-traitement ou pr-ARV taient plus levs chez les patients un stade avanc de la maladie, ce qui confirme limportance damorcer prcocement la mise sous TAR pour rduire le taux de mortalit.44

    LE TAR RDUIT LE NOMBRE DE NOUVELLES INFEC-TIONS. Le TAR dcrot le risque de transmission du VIH jusqu 96 %, en rduisant la charge virale globale au sein des populations.45 Le lien de causalit est plus claire chez les enfants et les jeunes, o la prvalence du VIH a chut de 11,2 % en 2002 3 % en 2008.46

    LE TAR PRVIENT LA MALADIE. Le TAR rduit le risque dinfection la tuberculose chez les PVVIH de 65 %.47 En AOC, beaucoup de gens ignorent quils sont sropositifs jusquau moment o ils tombent malades. Leur systme immunitaire est alors endommag de faon permanente et ils sont vulnrables des infec-tions mortelles.48

    42 ONUSIDA, How AIDS changed everything. ONUSIDA; Genve 2015 (rapport de OMD6). Disponible ladresse : http://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/MDG6Report_en.pdf

    43 Blandford J. Estimating health impact and costs of treatment in PEPFAR-supported programs. Washington, DC, Conseil consultatif scientifique de PEPFAR, 2011.

    44 Mathieu Bastard, Daniel P OBrien et al., Risk factors for mortality and loss to follow-up before antiretroviral therapy: a multi-centric, retrospective cohort study of 48 HIV programmes, 2014.

    45 Cohen MS et al. Prevention of HIV-1 infection with Early Antiretroviral Therapy. NEMJ 365: 493-505, 2011 Disponible ladresse : http://www.nejm.org/doi/full/10.1056/NEJMoa1105243

    46 Kavanagh M, Cohn J, Mabote L, et al. Evolving human rights and the science of antiretroviral medicine. Health and Human Rights Journal, 17/1, juin 2015. Disponible ladresse : http://www.hhrjournal.org/2015/06/evolving-human-rights-and-the-science-of-antiretroviral-medicine/.

    47 Suthar AB et al. Antiretroviral Therapy for Prevention of Tuberculosis in adults with HIV: a systematic review and meta-analysis. PLoS Med, 2012, 9: e1001270. Disponible ladresse : http://journals.plos.org/plosmedicine/article?id=10.1371/journal.pmed.1001270

    48 Shisana O, Rehle T, Simbayi LC, et al. South African national HIV prevalence, incidence, behavior and communication survey 2008: a turning tide among teenagers? Juin 2009 Disponible ladresse : http://www.health-e.org.za/wp-content/uploads/2013/05/2966e129fc39e07486250fd47fcc266e.pdf

    LE TAR GARDE LES GENS PRODUCTIFS. Investir dans le traitement du VIH gnre des retombes cono-miques jusqu trois fois la mise de dpart, en aug-mentant la productivit, en empchant les enfants de devenir orphelins et en reportant les cots de sant lis au traitement de maladies qui surviennent aux stades avancs.49

    LE TAR RDUIT LE FARDEAU SUR LES TABLISSE-MENTS DE SANT. La disponibilit accrue des mdi-caments ARV a permis de rduire le fardeau sur les ta-blissements de sant, en particulier, en ce qui concerne la demande en soins hospitaliers et palliatifs. A Busia, au Kenya, la proportion de patients alits est passe de 10 % en 2004 moins de 2 % en 2009 en raison de la couverture accrue des ARV. 50

    LE TAR AMLIORE LE RECOURS DAUTRES SER-VICES DE SANT. Loffre de soins du VIH conduit sou-vent un meilleur recours dautres services, tels que les soins prnataux, les accouchements assists, les vaccinations, le traitement des infections sexuellement transmissibles et le diagnostic de la tuberculose.51,52 Par exemple, dans le projet de MSF Thyolo, au Malawi, la proportion de femmes (sans gard leur statut VIH) donnant naissance dans les centres de sant a presque doubl grce aux initiatives de PTME dans les services de sant maternelle, passant de 22 % en 2006 41 % en 2008.53 Les communauts font davantage confiance aux tablissements de sant, et le recours aux soins augmente de manire globale aprs le dbut dune provision efficace de soins VIH.

    LE TAR RENFORCE LENSEMBLE DES SERVICES DE SANT. Les programmes de TAR entranent souvent de grandes amliorations dans les services de sant, en termes de ressources humaines, de contrle en laboratoire, de capacit et de gestion de la pharmacie et de gestion plus efficace des systmes dinformation et dapprovisionnement.54

    49 ONUSIDA, Access to antiretroviral therapy in Africa. Status report on progress towards 2015 targets. ONUSIDA, Genve 2013. Disponible ladresse : http://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/20131219_AccessARTAfricaStatusReportProgresstowards2015Targets_en_0.pdf

    50 MSF, A Model of HIV/AIDS Care and Treatment in a Rural Setting. The experiences of MSF in the Greater Busia District, Western Kenya (2000 2010).avril 2010 Disponible ladresse : https://www.msf.es/sites/default/files/publicacion/KE_Busia%20Report_04%202010_25-05-2010.pdf

    51 Walton DA, Farmer PE, Lambert W, et al. Integrated HIV prevention and care strengthens primary health care: lessons from rural Haiti. J of Pub Health Policy, 2005. Voir aussi : MSF. Increasing access to antiretroviral care in rural Malawi. 2009. Disponible ladresse: http://fieldresearch.msf.org/msf/bitstream/10144/116359/1/Bemelmans%20et%20al%20Universal%20access%20Thyolo%20TMIH.pdf

    52 Case A, Paxson C. The impact of the AIDS pandemic on health services in Africa: evidence from the demographic and health surveys. Working Paper: Princeton University 2008. Disponible ladresse : http://www.nber.org/papers/w15000

    53 MSF, Increasing access to antiretroviral care in rural Malawi. 2009. Disponible ladresse : https://www.msf.org.za/msf-publications/increasing-access-to-antiretroviral-care-rural-malawi

    54 Op.Cit.

    LES AVANTAGES DU TRAITEMENT ANTIRTROVIRAL (TAR)

    17|

  • 3. RAISONS DERRIRE LES DLAIS DANS LAUGMENTATION DE LA COUVERTURE TAR EN AOC

    manque dinformationssur les soins vih

    VIVRE

    TARsous

    conflitsCRIses

    rupturesde stocks

    des

    PEU D'EFFORTSDDIS AUXSOINS VIH|18

  • 3. RAISONS DERRIRE LES DLAIS DANS LAUGMENTATION DE LA COUVERTURE TAR EN AOC 3.1 PEU DE VISIBILIT,

    BEAUCOUP DE STIGMATISATION ET DE DISCRIMINATION

    De la faible visibilit du VIH en AOC dcoulent un dni et de la ngligence, entravant ainsi lefficacit de la mobilisation et de laction. Comme lont rapport de nombreux patients dans les pays o MSF travaille, les PVVIH ont affronter un niveau lev de stigmatisation et de discrimination. Cela peut tre attribu un manque dattention mdiatique, la dsinformation et un moins grand engagement communautaire, mais des facteurs culturels et religieux sont galement en cause. Quoique la plupart des pays de lAOC disposent de lois protgeant les PVVIH, beaucoup dentre elles nont pas encore t mises en uvre.

    Le personnel mdical et les tablissements mdicaux ne sont pas exempts de problmes de stigmatisation et de discrimination. La confidentialit dans les tablissements de sant ntant pas fiable, les patients sont souvent rticents entamer une prise en charge du VIH prs de chez eux. A Conakry, 20 % des patients recevant un TAR dans la clinique de Matam proviennent de zones rurales en dehors de la capitale. Les raisons invoques par les patients incluent entre autres le manque de services, le manque de confiance envers les services existants et, surtout, lanonymat.

    La stigmatisation limite galement le pouvoir de la socit civile : les groupes de patients restent petits, avec un pouvoir limit pour exiger de meilleurs soins de la part des autorits et des bailleurs de fonds. Les patients finissent par se sentir isols et manquent de soutien de la part de leurs pairs. Certains groupes de population - y compris les travailleurs du sexe, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les personnes transgenres56, les prisonniers et les consommateurs de drogues injectables - sont disproportionnellement affects par le VIH et ont beaucoup de difficult accder des soins adquats. Pourtant, la mobilisation de ces groupes marginaliss est possible : dans la ville minire de Kimbi en RDC, plus de 700 travailleurs et travailleuses du sexe se sont engags dans la riposte au VIH et ont mme aid MSF pouvoir atteindre davantage de leurs pairs au sein de ce groupe haut risque.

    56 Selon un rapport rcent, les gays, lesbiennes, bisexuels, transsexuels et transgenres (GLBTT) dans toute lAfrique de lOuest vivent de plus en plus dans un environnement hostile. Pour en savoir plus, consultez : Arminsen M., We Exist : Mapping LGBTQ Organizing in West Africa, mars 2016 Disponible ladresse : http://www.astraeafoundation.org/news/360/60/We-Exist-Mapping-LGBTQ-Organizing-in-West-Africa/d,home-news

    Alors que le conflit et linstabilit politique entravent la continuit et lintensification des programmes de rponse au VIH, ces crises viennent aggraver certaines difficults importantes prexistantes pour les PVVIH en ce qui a trait laccs des soins adquats. Beaucoup des contraintes existantes drivent, directement ou indirectement, dune volont politique limite, de la faiblesse des systmes de sant et du peu de moyens pour amliorer laccs un traitement de qualit.

    La logique voudrait que les pays faible prvalence, donc qui comptent un moins grand nombre de PVVIH, soient da-vantage en mesure de faire face la situation. Mais cette logique ne tient pas dans la majorit des pays de lAOC. Tout comme dans dautres pays plus faible prvalence, la couverture de TAR y est restreinte55. Dans la majorit des pays de lAOC, le manque de priorit donne par les dcideurs politiques et des bailleurs de fonds a conduit des dfis programmatiques, oprationnels et structurels qui empchent de nombreux pays de fournir les services VIH ncessaires. La mobilisation des ressources pour fournir des ARV et des soins complets aux PVVIH entre en concurrence avec dautres priorits du domaine de la sant. De mme, les groupes de la socit civile, qui sont si efficaces pour mobiliser le soutien au sein de pays forte prvalence du VIH, ont moins de voix et de pouvoir car ils reprsentent un groupe plus marginalis. En outre, la rponse humanitaire la crise naccorde pas suffisam-ment dattention au VIH et ne met en place des mesures visant attnuer le statut vulnrable des PVVIH.

    55 Andrew Hill et al., Op. Cit.

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  • Les PVVIH dans les contextes faible prvalence ne se classent pas dans le haut de la liste des priorits des bailleurs de fonds internationaux, qui ont tendance se concentrer sur les pays forte charge de morbidit et sur les foyers dpidmie trs concentrs lintrieur des pays, ce qui a pour consquence la ngligence ou le dsintrt envers des pays o la population de PVVIH est faible ou disperse. La convergence actuelle des politiques du Presidents Emergency Plan for AIDS Relief (PEPFAR), du Fonds mondial et de lONUSIDA pourrait contribuer cette situation, en accordant la priorit aux mmes zones gographiques ou aux mmes groupes de population transmission leve. La majorit des moyens disponibles tendent tre concentrs pour y acclrer la gamme complte des activits prventives et curatives. Cependant, le type de soutien qui sera garanti en dehors de ces points nvralgiques afin de fournir aux PVVIH laccs continu aux soins et lacclration ncessaires dans la riposte au VIH demeure un point dinterrogation.

    A un certain moment, javais perdu tout espoir. Ma famille, mes quatre frres, ils mont tous abandonne. Un jour, mon mari a pris les enfants et les a envoys vivre au village. Quand jai commenc perdre du poids, il ma jete la rue et a pous une autre femme. Quand je suis tombe malade, les gens sont alls chez moi et ont tout pris mes biens, croyant que jallais mourir. Ce fut une exprience si traumatisante que jai eu une rechute. Alors, quand ma sant reviendra, je vais me prendre en mains et personne ne saura que je suis sropositive. Jai dpens tout mon argent dans les centres de sant et les hpitaux. Une fois que javais puis toutes mes conomies, le centre de sant ma vinc en me disant : Rentre chez toi, tu vas mourir . Un mdecin ma alors dit quils ne pouvaient pas juste me laisser mourir comme a, donc il ma amen lhpital Kabinda de MSF. Si je ntais pas venue, je serais morte .

    Patiente, 37 ans, Kinshasa, RDC

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  • donnant le temps de consultation prioritairement aux autres patients qui paient la totalit des frais. Cela peut crer des goulots dtranglement et limiter le nombre de PVVIH capables de commencer le TAR.

    Les barrires financires aux soins viennent aggraver les autres obstacles sociaux, conomiques et lis la stigmatisation. Par consquent, les tests de dpistage du VIH et les mises sous TAR sont retards, lobservance au traitement est mine, et la qualit des soins est compromise.

    Les approches et modles de soins qui se sont avrs efficaces dans dautres contextes nont pas encore t adopts ou adapts par de nombreux pays de lAOC o la couverture TAR est faible.

    Bien que des approches thrapeutiques et des protocoles simplifis soient disponibles, leur mise en uvre nest pas suffisamment rapide pour rpondre aux besoins. Alors que de nombreux pays en AOC sont encore en train dimplmenter les directives 2013 de lOMS sur les approches thrapeutiques et les protocoles simplifis, de nouvelles directives englobant la recommandation Test & Treat 60 - ce qui implique le traitement pour tous - ont t mises en 2015.

    La faible mise en uvre des politiques de dlgation de tches entrave la dcentralisation et loffre de TAR dans les tablissements de sant plus proche des patients, en dpit du fait quelles soient considres comme les approches les plus pertinentes. Face une pnurie de travailleurs de la sant qualifis en Afrique australe, la dlgation de tches des mdecins vers les infirmires et le personnel non-mdical sest fait de faon efficace, et a abouti dans lensemble de meilleurs rsultats pour les patients et les programmes. Cette dlgation des tches pourrait permettre une expansion plus rapide des services VIH, en diminuant le nombre de patients perdus de vue et en amliorant lobservance au traitement. 61

    La prestation de services au sein de la communaut est encore sous-utilise dans la rgion, malgr le rle crucial quelle a jou dans lamlioration de lobservance chez les patients sous TAR dans dautres rgions.62,63 En AOC, lintgration des services VIH et TB reste lexception plutt que la rgle, et les patients doivent franchir de nombreuses tapes avant dobtenir les combinaisons de traitements, alors que les avantages

    60 En septembre 2015, lOMS a publi une directive qui faisait deux recommandations : la premire, que chaque personne vivant avec le VIH soit mise sous traitement antirtroviral (TAR), peu importe la numration des CD4. Deuximement, lutilisation de la prophylaxie pr-exposition (PrEP) est recommande comme choix de prvention pour les personnes risque lev dinfection VIH dans le cadre dapproches de prvention combine. Pour en savoir plus, consultez : http://www.who.int/hiv/pub/guidelines/earlyrelease-arv/en/

    61 MSF, HIV/TB counselling: Who is doing the job? Time for recognition of lay counsellors, aot 2015. Disponible ladresse : http://www.msf.org/sites/msf.org/files/final_web_counsellor_report._one_page.pdf

    62 Bemelmans M, Baert S, Goemaere E, et al. Community-supported models of care for people on HIV treatment in Sub-Saharan Africa, TMIH, aot 2014. Disponible ladresse : http://onlinelibrary.wiley.com/doi/10.1111/tmi.12332/abstract

    63 Ford N., Effect of frequency of clinic visits and medication pick-up antiretroviral therapy outcomes: a systematic review and meta-analysis. Prsentation de lOMS ICASA , Harare, november 2015.

    3.2 FAIBLES SYSTMES DE SANT ET MODLES DE PRESTATION DE SERVICES INADQUATS

    Alors que les dpenses en matire de sant ont augment dans les pays de lAOC, de nombreux systmes de sant restent faibles et la prestation des services mdicaux demeure inquitable, souvent dtache des besoins de la population et inefficace. Cette situation est particulirement vraie pour les pays qui sont exposs des crises rptition, telles des pidmies ou des conflits, comme par exemple en RCA, en RDC ou au Nigria. En RCA, mme avant la rsurgence de la guerre civile en 2012, le systme de sant tait qualifi d inexistant57 et dans un tat d urgence mdicale chronique.58 Vingt des 25 pays de la rgion sont classs comme des tats fragiles par lOrganisation de coopration et de dveloppement conomiques (OCDE), tandis que huit sont qualifis d environnements oprationnels difficiles par le Fonds mondial.59

    Les services de sant faibles et sous-financs font passer le fardeau financier des soins de sant aux patients et aux familles. Les frais directement imputs aux patients pour les services de sant conduisent la pauvret, privent les populations de soins de sant et amenuisent la qualit des soins prodigus par des travailleurs de la sant sous-pays.

    Mme si les ARV sont la plupart du temps fournis gratuitement, des frais supplmentaires sont facturs pour les consultations, les tests de dpistage du VIH, les analyses de laboratoire et la prescription de mdicaments autres que les ARV, notamment les mdicaments pour les infections opportunistes (IO). La numration des CD4 peut coter jusqu 30 USD par patient. Impayables pour beaucoup de personnes, ces cots peuvent se traduire par des soins retards, incomplets ou de qualit infrieure. Si lhospitalisation est ncessaire, les cots saccroissent.

    Les cots imputs aux patients peuvent entraner des actes mdicaux inutiles ou la prestation inefficace de services. Quand ces payements contribuent aux revenus du personnel de sant, ce dernier pourraient tre rticent adopter des pratiques visant rduire les consultations inutiles et la frquence des renouvellements dARV, et faciliter les renouvellements et le suivi en dehors des tablissements mdicaux (par exemple, dans la communaut ou par les groupes de pairs).

    Les centres de sant qui dpendent de ces sources de revenus peuvent ainsi se retrouver rticents mettre en uvre des rgimes de TAR gratuits et commencer introduire des quota de patients VIH,

    57 Mark Beesley, Health provision in the Central African Republic, 2012.58 MSF, Rpublique centrafricaine: Une crise silencieuse, novembre 2011.

    Disponible ladresse : http://www.msf.fr/sites/www.msf.fr/files/a_state_of_silent_crisis_fr.pdf

    59 En date du mois de mars 2016, ces huit environnements oprationnels difficile de la rgion de lAOC sont les suivants : Burundi, RCA, Tchad, RDC, Guine-Bissau, Mali, Niger et Nigria. Source : The Global Fund in Challenging Operating environments: the challenging operating environments policy. Draft Policy Paper, fvrier 2016.

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  • les structures de sant vient exacerber ces situations. La dernire tape de la chane dapprovisionnement jusquau centre de sant est souvent nglige, et les faibles ni-veaux de stock ne sont pas signals ou nincitent pas une raction. La logistique des chanes dapprovisionne-ment est souvent gre par un personnel mdical dj surcharg et limit dans sa capacit pouvoir le faire. Tous ces facteurs contribuent une moindre qualit des services et finissent par avoir un impact ngatif sur la sant des PVVIH.

    Lexistence dimportants risques de rupture de stock68 et leurs rpercussions sur les patients sont souvent sous-estims. Mme si des fournitures mdicales sont disponibles en quantits suffisantes au niveau cen-tral, les pnuries et les ruptures de stock au niveau de ltablissement de sant entravent les nouvelles mises sous traitement et la rtention des patients, et peuvent se solder par une rsistance virale et avoir un impact ngatif sur le taux de survie69. Dans une enqute mene en 2014 Kinshasa, en RDC, jusqu 77 % des tablis-sements de sant visits ont rapport une ou plusieurs ruptures de stock dau moins un ARV au cours des trois mois prcdents. La plupart des produits de base taient disponibles au niveau de la centrale, mais en raison de la rupture de stock, 68 % des PVVIH ont d rentrer chez eux sans les mdicaments ncessaires.70,71 De plus, en raison de ruptures de stock de tests de dpistage pendant une priode de trois mois, environ 4.000 patients nont pas pu tre tests aprs en avoir fait la demande.

    La faiblesse dans lapprovisionnement vient compro-mettre la capacit des pays mettre en uvre les direc-tives de traitement de lOMS pour les PVVIH et acclrer les mises sous TAR prcoces. La continuit du traite-ment, ncessaire pour que les patients parviennent une suppression virale, est compromise. Les modifications thrapeutiques suite aux nouvelles directives risquent galement de compliquer la continuit de lapprovision-nement. Les efforts visant rduire la priode entre les rapprovisionnements dARV au niveau du patient sont contrecarrs en cas de proccupations sur la disponibi-lit suffisante des ARV au niveau national.

    Dans la plupart des contextes, MSF fournit des mdi-caments complmentaires pour traiter les IO, des kits de dpistage du VIH et dautres produits mdicaux pour pallier les pnuries. Au Mali, MSF fournit des ARV pdia-triques en cas de besoin. Dans certains cas, comme en RDC et en RCA, MSF doit galement combler les pnuries dARV. Dans dautres cas, MSF est lun des principaux fournisseurs dARV au niveau national. En Guine, par exemple, MSF a fourni prs de 25 % de tous les ARV dans le pays en 2014.

    68 Gallien J. et al. National Drug Stockout Risks in Africa: Analysis of the Global Fund Disbursement Process for Procurement, March 2015

    69 Pasquet A, Messou E, Gabillard D, Minga A, Depoulosky A, et al. (2010). Impact of Drug Stock-Outs on Death and Retention to Care among HIV Infected Patients on Combination Antiretroviral Therapy in Abidjan, Cte dIvoire. PLoS ONE 5(10).

    70 MSF, Empty Shelves, Come Back Tomorrow. ARV stock outs undermine efforts to fight HIV, novembre 2015. Disponible ladresse : https://www.msf.org/sites/msf.org/files/msf_out_of_stocks_.pdf

    71 Ibid

    dun point de service guichet unique qui permettait damliorer la qualit des soins et lobservance nest plus dmontrer.64,65

    La plupart des pays de lAOC nont pas de mesure systmatique de la charge virale, mme si cette mthode est devenue la norme en matire de suivi du TAR, permettant ainsi didentifier les patients qui ont besoin dun soutien cibl afin damliorer lobservance et prvenir un chec thrapeutique.

    La qualit des soins risque de ptir si tous les lments dune prise en charge globale et continue ne sont pas assure. Cela peut galement augmenter le nombre de patients perdus de vue, ce qui pourrait se solder par un chec. MSF a document ces consquences Bukavu, en RDC, o plus dun tiers des patients ont t perdus de vue aprs le transfert des activits de MSF un autre organisme; certains soins offerts aux patients ntaient plus gratuits comme le traitement des infections opportunistes, les analyses de laboratoire, les soins domicile, les renouvellements prolongs dARV et le soutien nutritionnel.66 Des problmes similaires ont t dcrits aprs une interruption des traitements Lubumbashi, en RDC quand une ONG nationale a d cesser doffrir des services VIH et que les patients ont d obtenir leurs soins auprs dautres tablissements de sant.67

    Les directives pour le TAR pdiatrique recommandent de traiter tous les enfants sropositifs gs de moins de 5ans, mais ces directives ne sont pas appliques, ce qui engendre un faible taux de de traitement. Certains des facteurs qui mnent une faible couverture ARV chez les adultes sont semblables, mais dautres problmes sy ajoutent : un manque de diagnostic prcoce pour dtecter linfection chez les nourrissons exposs au VIH, la perte de vue des couples mre-enfant pendant la phase de PTME, un manque de formulations dARV pdiatriques, ainsi quune faible capacit et de nombreuses occasions manques didentifier les enfants infects par le VIH.

    Les frquentes pnuries et ruptures de stock dans les fournitures mdicales entravent la dlivrance efficace et efficiente des soins lis au VIH. La faiblesse des systmes dapprovisionnement se traduit par des stocks en surnombre et en sous nombre, ainsi que des ruptures de stock de mdicaments, de matriel et autres produits (ARV et mdicaments pour traiter les IO, tests de dpistage du VIH, ractifs de laboratoire).

    Lapprovisionnement peut tre perturb par une planifi-cation inadquate des demandes de financement et de planification des besoins, la lenteur du dcaissement des fonds internationaux et les retards dans les com-mandes internationales. Une mauvaise gestion dans le pays conduisant une faible ractivit aux commandes et des retards dans le transport des fournitures vers

    64 Jochims F et al.,Closing the gap: Decentralized, patient-centred and integrated TB/HIV care in a rural region in Swaziland. IAC Vienne, 2010.

    65 Bygrave H, et al. TB/HIV Integration: Lessons Learned from implementation of a TB/HIV One stop shop at Primary Health Care Clinics in Rural Lesotho. IAC Vienne, 2010.

    66 MSF Briefing Paper: Bukavu HIV Case Study: Ongoing access to HIV care in Bukavu, MSF 2010.

    67 Freeman, R. et al. Patient Outcomes in Lubumbashi, Democratic Republic of Congo After a Disruption in HIV Care Due to Decreased Global Fund Appropriations. AIDS Behav (2014) 18:21352143

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  • Quand il y a eu une rupture de stock de mes ARV, je ne pouvais prendre que du cotrimoxazole pour viter les infections opportunistes. Durant cette priode, jai eu des fivres et des douleurs, et jai perdu cinq kilos. Jai d prendre un cong de maladie mon travail parce que les symptmes taient devenus insupportables .

    Patient sous TAR, Kinshasa.

    La pnurie des services de laboratoire engendre des consquences ngatives sur laccs aux soins et leur qualit. A lavenir, du fait de la recommandation Test & Treat de lOMS, le TAR sera amorc quelle que soit la numration des CD4 du patient. Mais lheure actuelle, le non-accs la numration des CD4 vient retarder les mises sous TAR, cre de longues priodes dattente et contribue la perte de vue des patients. Le manque de test de raction en chane par polymrase (PCR) conduit au diagnostic tardif de linfection chez les nourrissons exposs au VIH.72 De nombreux programmes de MSF en AOC doivent envoyer leurs chantillons hors du pays (par exemple, vers lAfrique du Sud) afin dobtenir des rsultats fiables et plus rapides dans le diagnostic prcoce du nourrisson.

    Le suivi des donnes lies aux soins de prise en charge du VIH est faible, en particulier au niveau des usagers . En consquence, les donnes sont incompltes, des questions sur leur validit et un manque de qualit dans les donnes disponibles viennent entraver une bonne planification, le suivi efficace des progrs et lidentification dadaptations programmatiques ncessaires le cas chant.

    72 Le test de dpistage du VIH dtecte la prsence danticorps au virus. Chez les nourrissons, les anticorps restants de la mre peuvent donner des rsultats faussement positifs. Par consquent, un test PCR spcifique qui dtecte la prsence du virus lui-mme est ncessaire.

    Nous manquons parfois de tests de dpistage du VIH lhpital, et quand a arrive, nous devons renvoyer les gens chez eux, mme quand nous les souponnons dtre sropositifs. Considrant lampleur de la stigmatisation en RDC, un grand nombre de personnes auront trop peur de la perspective dun rsultat positif et ne reviendront jamais. Ainsi, on perd de vue ces personnes avant mme quelles puissent connatre leur statut.

    Pierre Bilabi Butabambe, directeur des soins infirmiers, hpital Mbankana, Kinshasa.

    Les ruptures de stock sont extrmement frustrantes. En raison de la stigmatisation, il est trs difficile de convaincre les gens de commencer prendre des ARV, et une fois quils adhrent au traitement, nous devons leur dire quil ny a pas de mdicaments disponibles. Que vont-ils penser de tout cela? Cela me met en colre.

    Bijou Luboya Mudimba, infirmire responsable de la pharmacie, centre de sant Bomoto, Kinshasa.

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  • Pourtant, la mobilisation est possible, comme illustr ci-dessous :

    Albert, 55 ans, est le prsident dun groupe de soutien par les patients pairs de MSF Bukavu, dans la province du Sud-Kivu, en RDC. Il est tomb malade en 2008, avec une toux et une lsion sur sa lvre pour laquelle il fut trait. Une semaine plus tard, il tomba dans le coma et fut hospitalis aux soins intensifs lhpital soutenu par MSF Baraka. Il est rest inconscient pendant trois jours. Durant ce temps, alors que les mdecins tentaient de diagnostiquer sa condition, il fut soumis un test de dpistage du VIH. Albert est dsormais presque tous les jours lhpital et se rend rgulirement chez les patients qui abandonnent les consultations et ce, afin de les encourager rintgrer les soins. Il explique : Les gens ne comprennent pas le VIH. Ils ont peur de se soumettre au test de dpistage parce quils pensent que si le rsultat est positif, ils vont mourir tout de suite . Dans le but damliorer la comprhension du public envers le VIH, il a rcemment racont son histoire dans un march local trs frquent. Un groupe de thtre et de danse avait attir un grand nombre de personnes, et pendant une pause, Albert sest firement adress la foule et a expliqu sa situation.

    3.3. RLE DE SOUTIEN LIMIT DE LA PART DE LA SOCIT CIVILE

    Le leadership et lengagement communautaires sont essentiels pour stimuler la demande et fournir des services qui rpondent aux besoins locaux. A lchelle mondiale, les PVVIH et groupes de la socit civile ont largement contribu, grce leur plaidoyer et leur activisme, rendre la prvention et le traitement du VIH abordables et disponibles. Ces groupes soutiennent galement la participation et lobservance au traitement du VIH, et protgent les droits des groupes de population les plus touchs par lpidmie.73 Dans de nombreux pays faible prvalence, ce mouvement en est encore ses premiers balbutiements.

    Par ailleurs, les groupes de la socit civile sont disproportionnellement touchs mesure que les donateurs internationaux identifient de nouvelles priorits ou cessent leur soutien aux pays atteignant le statut de pays revenu intermdiaire. Beaucoup dorganisations non gouvernementales (ONG) qui se consacrent la protection des droits des PVVIH ont vu leur financement diminuer, ce qui limite davantage leur capacit de support aux PVVIH et dexercer une influence positive sur les politiques. Certaines ont d rduire ou mme cesser leurs activits. Par exemple, depuis que la Banque mondiale a arrt de soutenir les projets de lutte contre le VIH en RCA en 2012, les associations de PVVIH de la socit civile luttent pour leur survie.

    Dans les pays faible prvalence, il peut tre plus difficile pour les PVVIH de se regrouper pour faire valoir leurs droits, car souvent, elles sont trs disperses ou concentres dans des sous-groupes marginaliss de la population. Cela vient limiter le pouvoir et la pression que les groupes de patients peuvent exercer sur les autorits, et peut entraver lorganisation des services de soutien tels que les groupes de pairs, le conseil pour les mises sous TAR et le suivi de lobservance des patients.

    La fragmentation des organisations de la socit civile en groupes de langues distinctes (principalement anglais et franais) vient galement restreindre lchange dexpriences et le soutien mutuel entre pays.

    73 ONUSIDA, Sustaining the human rights response to HIV: An analysis of the funding landscape and voice from community service providers, 2015. Disponible ladresse : http://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/JC2769_humanrights_en.pdf

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  • 3.5. LENTE RPONSE AUX BESOINS DES PVVIH LORS DE CRISES HUMANITAIRES

    Les conflits et les crises humanitaires affectent les services VIH en retardant ou en interrompant la mise en uvre des soins VIH complets et en affaiblissant davantage des systmes de sant dj fragiles. Le suivi de patients sous TAR est entrav, les soins pour les personnes gravement malades sont perturbs, et lobservance du traitement plus difficile, menant une interruption partielle ou complte de services dj limits. Lorsquelles sont confrontes des flambes aigus de tensions civiles, de violences, de dplacements, dpidmies ou dautres crises, les chanes dapprovisionnement des centres de sant sont interrompues et les mdicaments et autres produits mdicaux ncessaires deviennent rapidement indisponibles. Le personnel de sant ne parvient pas se rendre sur son lieu de travail, et les patients sabstiennent de voyager en raison des risques encourus ou des difficults lies au transport. Lors de la rcente pidmie dEbola en Afrique de lOuest, les gens ont eu peur de frquenter les centres de sant, et les services VIH ont t trs perturbs dans les trois pays forte transmission.

    Daprs une analyse conduite par la socit civile en Sierra Leone, lpidmie dEbola a affaibli les systmes dapprovisionnement dj inadquats, rduisant gravement laccs des PVVIH aux services de TAR.74 En Guine, lorganisation Solthis a document une diminution significative de lutilisation des soins de sant chez les patients VIH inscrits lhpital Donka de Conakry durant lpidmie dEbola en 2014.75 Quelque 42 % des patients sous TAR ont t perdus de vue. Cependant, dans les sites de traitement du VIH soutenus par MSF dans la capitale, un groupe de patients ayant reu un rapprovisionnement dARV suffisant pour trois six mois a montr une meilleure observance du traitement au cours de lpidmie dEbola.76 (Se reporter ltude de cas portant sur la Guine.)

    Les donnes montrent que les services VIH peuvent et doivent tre maintenus pendant les situations de crise:

    Selon les directives du Comit permanent interorganisations (CPI), rvises en 2010, la poursuite du TAR pour les personnes dj sous traitement

    74 ITPC, Ebola is a major factor interrupting antiretroviral treatment to people living with HIV in Sierra Leone, mai 2015: http://itpcglobal.org/itpc-west-africa-press-release-ebola-is-major-factor-interrupting-antiretroviral-treatment-to-people-living-with-hiv-in-sierra-leone/

    75 Ndawinz J., Ciss M. et al., Prevention of HIV spread during the Ebola outbreak in Guinea, The Lancet, Vol. 385, Issue 9976, 1393, avril 2015. Disponible ladresse : http://www.thelancet.com/journals/lancet/article/PIIS0140-6736(15)60713-9/abstract

    76 Ortuna R. et al. (2015). ARV Provision for Longer Periods in Guinea Improves Retention in Care, Including during the Ebola Crisis. Abstract: 1958. Prsentation orale la confrence ICASA, Harare, novembre 2015.

    3.4 FAIBLE PRIORIT DONNE AU VIH ET MANQUE DE LEADERSHIP POLITIQUE

    En AOC, le leadership politique en ce qui concerne la prise en charge complte du VIH est limit. Du fait de sa faible visibilit et de sa faible prvalence dans ces pays, le VIH perd facilement son statut politique prioritaire et devient un problme de sant parmi les autres. Une telle vision ne tient pas compte des risques spcifiques que le VIH reprsente pour les populations locales et les mesures ncessaires afin denrayer lpidmie dans la rgion. Dans certains cas, dambitieux objectifs de prvention et de traitement ont t fixs, mais pour linstant ceux-ci nexistent que sur papier. Linvestissement financier dans les programmes nationaux du VIH reste faible au mieux, alors que les politiques pour la mise en uvre des approches efficaces sont la trane par rapport aux pays o la prvalence du VIH est leve.

    En outre, avec la stagnation de laide au dveloppement pour la sant en gnral et la tendance la baisse des financements de la lutte contre le VIH mme dans les pays forte prvalence- , il y a peu de soutien international pour inciter les dirigeants politiques en AOC fournir les soins VIH ncessaires destins atteindre les objectifs 90-90-90. Les PVVIH dans les contextes faible prvalence - notamment o leurs populations sont plus restreintes ou disperses - ne tiennent pas le haut du pav de la liste des priorits internationales. La priorit est donne aux pays o les taux dincidence ou les chiffres absolus sont considrs comme tant plus contributifs au fardeau du VIH lchelle mondiale.

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  • avant une crise est recommande.77 Cela devrait tre considr comme une intervention prioritaire et une partie de la riposte initiale minimale au VIH, mme pendant la phase aigu dune situation durgence.

    De mme, le HCR a mis au point des outils pour guider la provision de TAR aux migrants et aux PVVIH touchs par des crises en Afrique sub-saharienne.78

    Lors dune runion du conseil dadministration de lONUSIDA en 2015, on a ritr la ncessit de se prparer des interventions VIH appropries tous les stades dune situation durgence humanitaire, ainsi que dintgrer systmatiquement un plan de prparation aux catastrophes/situations durgence dans tous les programmes VIH fut ritre.79

    La prparation et les mesures de contingence peuvent attnuer considrablement les consquences dune interruption des services, comme le montre lexprience. Toutefois, cela ne sest pas traduit dans les politiques ou les actions l o elles sont les plus ncessaires :

    HLes organismes daide et les quipes durgence peroivent encore, tort, que les services VIH sont complexes et moins importants que dautres interventions plus urgentes. Souvent, les ARV ne sont pas inclus dans la premire livraison de fournitures mdicales.

    Les populations dplaces sont particulirement touches. Avec un nombre record de personnes

    77 IASC Taskforce on HIV in Emergencies. Guidelines for addressing HIV in humanitarian settings, septembre 2010, disponible ladresse : http://interagencystandingcommittee.org/node/2870

    78 HCR, Directives pour la fourniture du traitement antirtroviral aux migrants et aux personnes affectes par les crises en Afrique subsaharienne, septembre 2014, disponible ladresse : http://www.unhcr.org/541fe8a19.pdf

    79 ONUSIDA. Promoting greater focus on HIV in humanitarian emergencies. juillet 2015 Disponible ladresse : http://www.unaids.org/en/resources/presscentre/featurestories/2015/july/20150702_PCB36_thematic

    dplaces par les conflits et la violence (59,5 millions en 2014, selon le HCR), il est essentiel dassurer la continuit des soins et la fourniture des ARV, ainsi que dautres fournitures mdicales ncessaires dans les situations de crise, comme celles qui ont rcemment secou la Cte-dIvoire, la RDC et la RCA. Une analyse ralise en 2013 par le HCR en RCA a permis de conclure que de nombreuses personnes sous TARavaient t contraintes de fuir en raison du conflit, menant larrt du traitement pour beaucoup dentre elles vu labsence de services de sant fonctionnels dans les endroits loigns vers lesquels ils avaient fui.80 Pourtant, certaines organisations rsistent encore au plan de contingence qui, entre autres, assure aux patients la dlivrance dARV pour trois mois dans le cas dune autre urgence ou durgences rptes.81

    Linitiation au traitement pendant les crises rencontre encore de la rsistance, en dpit de preuves claires en faveur dune amorce de traitement prcoce. Les personnes dplaces prsentent un risque plus lev dinfection au VIH, cause notamment de la violence sexuelle et dune vulnrabilit accrue, la mise sous TAR prcoce devrait tre encourage et soutenue en tant qulment essentiel dune intervention humanitaire largie.

    80 HCR, VIH/SIDA : Le conflit en Rpublique centrafricaine interrompt le traitement, septembre 2014: http://www.unhcr.fr/54072ad3c.html

    81 Les plans de contingence prvoient galement des stocks de rserve au niveau de la clinique, la participation communautaire pour la distribution des ARV, des brochures dinformation jour pour les patients - y compris des conseils sur les autres services VIH disponibles, la coordination entre les parties prenantes du VIH pour les possibilits de rfrence des patients, etc.

    LES PATIENTS SONT REQUIS DE PAYER LEURS SOINS Les services sont inabordables pour la plupart dentre eux. Ils sont exclus ou peu encourags consulter en temps

    opportun Faible qualit des soins reus

    SERVICES PEU ADAPTS AUX PATIENTS Stratgies non orientes vers les patients, ni centres sur

    les rsultats Traitement du VIH intgrs dans des systmes de sant

    faibles ou inquitables, ce qui se traduit par de mauvais rsultats

    MODLES DOFFRE DE SERVICES Stratgies efficaces non appliques Utilisation sous-optimale de lensemble des services qui

    offrent des soins lis au VIH - y compris ceux fournis par les rseaux religieux et les ONG

    FAIBLE ACCESSIBILIT DES SERVICES Financire Gographique De longs dlais dattente Stigmatisation et manque de confidentialit Aide spcifique limite en termes daccs aux services

    pour les populations cls

    OBJECTIFS NATIONAUX Manque de volont politique et dchelonnage de priorit

    aux niveaux national et international

    CHANE DAPPROVISIONNEMENT Approvisionnement insuffisant et discontinu des produits

    essentiels Ruptures de stock frquentes et prolonges de tests de

    laboratoire, dARV et de mdicaments pour traiter les infections opportunistes, ce qui met en pril la continuit des soins et interrompt les mises sous TAR

    Manque de soutien financier et logistique de la chane dapprovisionnement dans le pays et en particulier de la dernire tape de la chane jusqu la livraison aux tablissements de sant

    SITUATIONS DE CRISE En cas durgence, le VIH nest pas mis en priorit par les

    ONG ou les agences de lONU Les plans de contingence ne sont pas en place

    FINANCEMENT Les stratgies de financement et de soutien sont mal

    adaptes aux contextes dits fragiles Les fonds disponibles ne sattellent pas soutenir les

    stratgies de dlivrance de TAR les plus efficaces ni les approches innovantes

    Un financement global contre le VIH insuffisant, en particulier pour les groupes issus de la socit civile et pour les activits de prvention

    PROBLMES ET OBSTACLES COMMUNS DANS LE DPISTAGE, LE TRAITEMENT ET LES SOINS DU VIH EN AOC

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  • FINANCEMENT INTERNATIONAL DES SERVICES VIH

    En 2014, les dpenses mondiales lies au VIH slevaient 20,2 milliards USD, ce qui reprsente une lgre baisse par rapport 2013, aprs plus dune dcennie daugmentation du financement pour la riposte mondiale au VIH.82 Ce montant est toutefois encore en-de du celui prconis dans la Dclaration politique de 2011 sur le SIDA, qui appelait un financement hauteur de 22 24 milliards USD par anne dici 2015.83 Les ressources nationales reprsentent plus de la moiti des ressources disponibles dans les pays revenus faibles et intermdiaires, principalement d aux pays tels que le Botswana, la Namibie et lAfrique du Sud.84 Cependant, dans 44 pays revenu faible et intermdiaire, plus de 75 % du financement li au VIH provient de bailleurs de fonds internationaux.85 En 2020, lONUSIDA estime que 31,1 milliards USD seront ncessaires chaque anne dans le monde, dont au moins 40 % devraient provenir de sources internationales.86 La mise en uvre complte de la plus rcente directive de lOMS appelant au traitement de toutes les PVVIH et des cibles 90-90-90 va dpendre de la mobilisation de ressources supplmentaires.87 Les ressources devront par ailleurs tre diriges de plus en plus vers les soins et les traitements - et en particulier vers les TAR.88

    Pour maintenir le soutien actuel aux efforts VIH entre 2014 et 2030, lONUSIDA estime les besoins jusqu 2 % du PIB et au moins un tiers du total des dpenses en sant gouvernementales dans les pays africains

    82 ONE, Unfinished Business: tracking global commitments on AIDS, vol. 4, dcembre 2015 http://one.org.s3.amazonaws.com/images/AIDS%20Report%202015%20-%20English.pdf

    83 ONUSIDA Fiche dinformation 2015. Disponible ladresse : http://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/20150901_FactSheet_2015_fr.pdf

    84 ONUSIDA, How AIDS changed everything. ONUSIDA; Genve 2015 (rapport de OMD6). Disponible ladresse : http://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/MDG6Report_en.pdf

    85 ONUSIDA, Fiche dinformation 2015, Op.Cit. 86 ONUSIDA, Stratgie pour 20162021. Acclrer la riposte pour mettre

    fin au Sida octobre 2015, disponible ladresse : http://www.unaids.org/sites/default/files/media_asset/20151027_UNAIDS_PCB37_15-18_FR_rev1.pdf

    87 Ibid88 Granich R. et al (2016). Pattern, Determinants, and Impact of HIV

    Spending on Care and Treatment in 38 High-Burden Low- and Middle-Income Countries. J Int Assoc Provid AIDS Care. 2016;15(1). Disponible ladresse suivante : http://www.iapac.org/uploads/JIAPAC-Granich-et-al-HIV-Spending-Analyses-Pre-Print-120115.pdf

    4. AFFECTATION ET MOBILISATION DES RESSOURCES

    les plus touchs89 sont ncessaires. Mais la ralit dans de nombreux pays en est bien loin. La capacit mobiliser des ressources supplmentaires au niveau national dpend fortement de la volont politique et des restrictions sur les dpenses publiques. Elle est galement susceptible de subir les rpercussions de la volatilit conomique en Afrique sub-saharienne, notamment due aux prix mondiaux du ptrole et dautres minraux, la scheresse ou le ralentissement de lconomie mondiale.90

    Depuis 2010, les augmentations du financement de la part des bailleurs de fonds internationaux se sont stabilises, et en 2014 les dcaissements des bailleurs de fonds gouvernementaux pour le VIH ont connu une augmentation modeste de 2% pour atteindre 8,64 milliards USD. Bien que la contribution du gouvernement amricain ait stagn 5,6 milliards USD