Le Monde 2 en 1 Du Mardi 12 Avril 2016

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  • 8/17/2019 Le Monde 2 en 1 Du Mardi 12 Avril 2016

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    MARDI 12 AVRIL 201672E  ANNÉE – NO 22158

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    A Londres, le 9 avril. SIPANY/SIPA

    La mue de l’économie collaborative

    Le musée expose 150œuvres de l’artiste quien fut aussi l’un desconservateurs. Ce vision-naire a témoigné demanière onirique, dansses toiles, des destructionset mutations de Paris,avant et pendant laRévolution française.CULTURE -LI RE PA G E 1 4

    ArtsHubert Robert :le Louvre célèbrel’un de sesfondateurs

    Panama papers David Cameron affaiblien pleine campagne contre le Brexit▶ Le premier ministrebritannique a rendupublique sa feuilled’impôt; l’oppositionne s’en satisfait pas

    ▶ Un cinglant reverspour David Cameron,

    en pleine campagnecontre la sortie del’Union européenne

    ▶ Révélations des« Panama papers ».La Floride, centre del’argent sale : enquêtesur du fric à Miami

    LI RE PA G ES 4 ET 7

    Politique

    Semaine décisivepour FrançoisHollandeLI RE PA G E 1 0

    InternationalHaut-Karabakh :reportage sur uneguerre sans finLI RE PA G E 2

    PérouLes Fujimorien passe de revenir

    aux affairesLI RE PA G E 6

    EnvironnementUne candidaturefrançaise à la têtede l’instance del’ONU sur le climatLI RE PA G E 8

    EducationLe « livret desparents »,argumentaire

    contre la fesséeLI RE PA G E 1 2

    Attentats La France est toujours l’objectif

    C’ est la France et non laBelgique que visait lecommando des atten-tats qui ont fait 32 morts et270 blessés à Bruxelles le 22 mars.C’est ce qu’a permis d’établir l’in-terpellation, vendredi 8 mars, deMohamed Abrini, l’un des hom-mes les plus recherchés d’Europe,soupçonné d’avoir pris part auxattentats du 13 novembre à Pariset à ceux de Bruxelles. Le doutedemeure toutefois sur les objec-

    tifs précis du commando.D’après « plusieurs éléments (…),il ressort que l’objectif du groupeterroriste était de frapper de nou-veau la France et que c’est, pris decourt par l’enquête, qui avançait à grands pas, qu’ils ont finalementdécidé dans l’urgence de frapper

     Bruxelles », a confirmé le parquetbelge, dans un communiqué, di-manche 10 avril. Selon les infor-mations du  Monde  et de plu-sieurs médias, le centre d’affairesde la Défense, à Paris, et l’associa-tion catholique intégriste Civitasauraient pu être visés.

    Ces éléments, qui doivent en-core être confirmés, proviennentd’un rapprochement entre desdéclarations en garde à vue deMohamed Abrini et des experti-

    ses techniques sur du matérielinformatique appartenant à l’undes kamikazes de Bruxelles. Desquestions persistent sur l’actua-lité de ces cibles, qui pourraientavoir été listées avant les atten-tats du 13 novembre, et sur l’iden-tité du donneur d’ordre, possible-

    ment basé en Syrie. Ces révéla-tions amènent toutefois à desparallèles. La Défense était unobjectif d’Abdelhamid Abaaoud,le cerveau présumé des attentatsde Paris, tué dans un raid des for-ces de l’ordre à Saint-Denis le18 novembre. L’enquête a permisd’établir que l’homme s’apprê-tait à se faire exploser dans lequartier d’affaires avec son com-plice mort à ses côtés, ChakibAkrouh.

    Le siège de Civitas, lui, est situéà Argenteuil (Val-d’Oise), unecommune où a été découvert,dans un appartement occupé parReda Kriket, tout un arsenal d’ex-plosifs et d’armement.

    élise vincent

    →LI RE LA SU I TE PA G E 9

    1 ÉDITORIAL

    LA BONNE RÉACTIONDE L’EUROPE

    →LI RE PA G E 2 2

    ▶ Airbnb, Uber, Blabla-car, Drivy : lesplates-formes numé-riques promettaientd’être un nouveaumodèle économique

    ▶ Mais pour atteindrela taille nécessaireà sa survie, l’Internetcollaboratif se profes-sionnalise, s’éloignantde l’idéal des débuts

    ▶ Le monde de l’entre-prise est en train derécupérer un modèleen principe créé pourles particuliersLIRE LE CAHIER ÉCO PAGES 6-7

    S’occupant de patientsturcs le jour, l’établisse-ment accueille la nuitvenue des Syriens. Cesdernier sont soignésgratuitement par desmédecins qui ont eux-mêmes fui leur pays.ENQUÊTE - LI RE PA G E 1 3

    Réfugiés

    La double vied’une cliniqued’Istanbul

    En vogue il y a dix ans,les voitures décapotablesse vendent de moinsen moins, détrônées parla mode des SUV. Seul lehaut de gamme résiste.STYLES  - LI RE PA G E 1 8

    AutomobileLes cabrioletsn’ont plus la cote

     MUSÉE DE L’ERMITAGE /PAVEL DEMIDOV

    Une histoire vraie enfin révélée

    13 avril

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    REPORTAGEtalich (haut-karabakh)

    envoyé spécial

    Lorsque le bombardementazéri a débuté, samedi2 avril à 3 heures du matin,Valere Babayan a pris ses

    nièces sous le bras et dévalé encourant les pentes du village de Ta-lich, à la pointe nord du Haut-Kara-bakh. La voiture avait été souffléepar un obus ; deux minutes après,c’était au tour de la maison. Pen-dant la fuite, Anahit, 12 ans, a ététouchée au bras par un éclat.

    Trois jours plus tard, après que laposition a été reprise aux forces

    armées de l’Azerbaïdjan, M. Ba-bayan est revenu à Talich. Cettefois, l’ancien directeur de l’écoleétait en uniforme et portait unekalachnikov. Une trentained’autres « volontaires » ont suivi,en majorité des hommes du vil-lage, souvent âgés, d’autres venusde l’Arménie voisine. Leur rôles’est limité à entasser les carcassesdes vaches et des chèvres et à creu-ser de modestes tranchées. Selonles volontaires, trois civils quin’avaient pas fui ont été exécutésle samedi matin. La photo de leurscadavres, oreilles tranchées, a ré-veillé le souvenir des atrocités dela guerre de 1988-1991. Un journa-liste arménien a confirmé au Monde avoir vu la scène.

    Accrochages réguliers

    Pour le reste, la défense de la loca-

    lité est assurée par les troupes ré-gulières de la république autopro-clamée, qui ont positionné blindéset artillerie sur les hauteurs alen-tour. Une unité des forces spécia-les arméniennes est discrètementcantonnée à l’entrée du village.Aucune trace de civils. Les destruc-tions sont trop importantes et lecessez-le-feu, conclu à Moscou le5 avril, trop précaire. Jeudi 7 avril,on y entendait régulièrement destirs d’armes automatiques.

    Talich a toujours été une lignede front. Haut lieu de la guerred’indépendance livrée à l’Azer-baïdjan par le Karabakh et son

    grand frère arménien, le village etses environs sont restés, depuis

    l’armistice de 1994, le théâtre d’ac-crochages réguliers. C’est mêmeune histoire plus ancienne quiémerge, plus vieille encore quecette année 1923 quand Staline aattribué ce territoire très majori-tairement arménien à l’Azerbaïd-jan. Ici, pour désigner l’ennemiazéri, on parle du « Turc ». Depuisle traumatisme du génocide de1915, la résistance karabakhtsie etsa victoire militaire de 1994 con-tre une armée plus nombreuse etmieux équipée ont fait de cette ré-gion montagneuse un symbolede la renaissance nationale armé-nienne, une cause sacrée.

    Depuis, le revanchisme azéri seheurte à l’intransigeance armé-nienne. Le Groupe de Minsk, di-rigé, dans le cadre de l’Organisa-tion pour la sécurité et la coopéra-tion en Europe, par la Russie, les

    Etats-Unis et la France, n’a jamaispu esquisser de solution diploma-tique. L’offensive azérie, dont lesbuts restent flous – tester les dé-fenses karabakhtsies, rappeler aumonde ce conflit oublié, ou bous-culer, avec le soutien de la Turquie,les équilibres régionaux ? –, a agicomme un cruel rappel.

    Les bombardements azéris ontatteint jusqu’à la ville de Marta-kert, 5 000 habitants, épargnée de-puis 1994. Là, comme une dizained’autres, la maison de la familleGrigoryan a été à moitié détruite.En 1992, Vasguen, le père, avaitparticipé à la libération de Marta-

    kert, tankiste dans une unité oùcombattaient également son pèreet ses cinq frères. Son fils aîné asuivi la même voie. Impassible à lavue de son salon jonché de débris,Mania, la mère, reconnaît toutjuste être « un peu inquiète »  àl’idée de voir son cadet, 18 ans dansdeux mois, partir à son tour pourle service d’une durée de deux ans.

    Suspendu à ses montagnes, leKarabakh semble irrigué de cettedétermination farouche. Les hai-nes ancestrales s’y nourrissent desrécits des combats de la guerred’indépendance, donnant à la ré-publique autoproclamée des airsde Sparte du Caucase. Au moment

    de l’offensive azérie, les volontai-res ont afflué par centaines, Kara-bakhtsis ou Arméniens. Père et filsensemble, fils invoquant la mé-moire d’un père tué, anciens com-battants disant simplement vou-loir « rassurer les petits à l’avant »…

    Formation militaire dès 14 ans

    Le recours à ces forces n’a pas éténécessaire : l’essentiel de l’attaqueazérie a duré deux jours, au termedesquels Bakou a pu revendiquerla prise de trois « hauteurs » dansle nord et le sud-est du territoire.Selon les bilans donnés par lesdeux camps, 31 soldats azéris sontmorts, 44 Karabakhtsis, et une di-zaine de civils.

    Les effectifs de l’armée du Haut-Karabakh sont un « secret mili-taire ». La plaisanterie veut quecelle-ci compte 150 000 soldats…

    soit la totalité de la population. Enréalité, le chiffre est plus proche de25 000, y compris des citoyens ar-méniens qui peuvent choisir d’ef-fectuer leur service dans les forceskarabakhtsies. Les hommes sontmobilisables jusqu’à 45 ans. Al’école, héritage soviétique, les en-fants commencent une formationmilitaire à l’âge de 14 ans.

    « Nous ne sommes pas des machi-nes de guerre ou des cyborgs, tem-père le ministre des affaires étran-gères du Haut-Karabakh, KarenMirzoyan. Nous sommes en guerredepuis notre indépendance, notrecapitale est située à 25 kilomètres

    du front, et nous en sommes à nossixièmes élections parlementaires. Nous sommes un pays normal ! »

    C’est à la fois vrai et faux. Devantl’impossibilité d’obtenir un ratta-

    chement à l’Arménie, le Karabakha entrepris de construire un sem-blant d’Etat, avec institutions, dra-peau, représentations diplomati-ques à l’étranger et même un aé-roport – inutilisé à cause de la me-nace azérie d’abattre tout avionqui oserait s’y aventurer.

    Stepanakert, ladite « capitale »,ressemble à une proprette préfec-ture ; les routes sont souventmeilleures qu’en Arménie. Maiscela n’est dû qu’à la générosité desArméniens de la diaspora et ausoutien d’Erevan, qui finance lamoitié des besoins du Karabakhet la totalité de son budget mili-taire. Pour le reste, l’économie re-lève de la survie.

    « Nous sommes ramollis ! »

    Dans sa quête de reconnaissance,le Karabakh cherche aussi l’exem-

    plarité. En 2003, il a ainsi suppriméla peine de mort. Il serait aussimoins corrompu que le voisin ar-ménien. Là encore, c’est à moitiévrai. Les héros de la guerre sont de-venus politiques, et les politiquesse sont rapidement mués en hom-mes d’affaires. La faible popula-tion limite simplement les abus.

    Le débat public reste dominé parle consensus sur les questions sé-curitaires, et aucune force d’oppo-sition politique véritable n’aémergé, explique Albert Voska-nyan, directeur de l’une des raresONG du Karabakh. « On ne peut toutefois pas parler d’Etat milita-

    risé, note-t-il. Depuis peu, il est de-venu possible de faire une carrière politique sans passé militaire. »

    Depuis la récente offensive azé-rie, des critiques se sont fait enten-dre. Elles sont d’abord techniques :face au réarmement massif del’Azerbaïdjan, Arménie et Haut-Karabakh ont du mal à suivre. Ellesconcernent aussi la solidité de l’al-liance entre Erevan et Moscou, quifournit également Bakou en ar-mes et entend ménager ce parte-naire riche de ses hydrocarbures.

    Elles touchent enfin aux tré-fonds de la société karabakhtsie.« Nous avons gagné la guerre de 1994 en perdant 5 000 hommes,

    quand les Azéris en avaient perdu 25 000 »,  tonne Saro Saryan, an-cien combattant, figure de la vielocale et directeur du musée his-torique de Chouchi, le centre his-torique du Karabakh. « Nousavons voulu croire que la situationresterait éternellement ainsi et nous nous sommes ramollis ! »

    Avec ses vestiges d’églises re-montant au Vesiècle ou ses piècesd’artisanat, le musée de Chouchise veut un témoignage de la pré-sence historique arménienne surles terres du Karabakh. Il retracesurtout la prise de la ville, en 1992,« à 1 500 contre 5 000 », rappelle ledirecteur. Rien, en revanche, surl’expulsion des habitants azérisqui a suivi ou la conquête de cer-tains territoires avoisinants, si-tués hors du territoire kara-bakhtsi mais qui offraient à la

    nouvelle république une conti-nuité territoriale avec l’Arménie.

    M. Saryan est à lui seul un con-centré de l’histoire de la région. Néà Bakou, « ville cosmopolite deve-nue invivable avec le réveil du na-tionalisme azéri », il est parti pourle Karabakh en 1988, après le po-grom contre les Arméniens deSoumgaït. Il y a quelques jours, il aappris que son fils, militaire, avaitété blessé à la jambe à Martakert,là même où il avait reçu sa pre-mière blessure, vingt-quatre ansplus tôt. Il n’a pas su s’il devait seréjouir ou pleurer. p

    benoît vitkine

    Des volontaireskarabakhtsiscreusentune tranchéedans le villagede Talich (nord),le 7 avril.RAFAEL YAGHOBZADEH/

    HANS LUCAS

    POUR « LE MONDE »

    Les haines

    se nourrissent de

    récits de la guerre

    d’indépendance,

    donnant à la

    région des airs

    de Sparte

    LES DATES

    1988Le 20 f évrier, le Parlement de larégion autonome du Haut-Kara-bakh déclare sa sécession vis-à-vis de l’Azerbaïdjan, auquel cel-le-ci a été rattachée par l’Unionsoviétique en 1923. Un pogromcontre les Arméniens éclate dansla ville de Soumgaït, provoquantun exode des Arméniensd’Azerbaïdjan.

    1991Arménie et Azerbaïdjan accèdentà l’indépendance à la chute del’URSS. Les nouvelles autoritésde Bakou suppriment son statutd’autonomie au Haut-Karabakh,qui, en réponse, se proclameindépendant. La guerre éclate.

    1992Le Groupe de Minsk pour leHaut-Karabakh est créé au seinde l’Organisation pour la sécu-rité et la coopération en Europe(OSCE). Il comprend dans unpremier temps la Russie, lesEtats-Unis et la France.

    1994L’Arménie l’emporte militaire-ment et occupe 13 % du terri-

    toire azéri. Le 16 mai, un armis-tice est signé à Moscou. De30 000 à 40 000 personnes sontmortes pendant le conflit.Aucun accord de paix n’a été si-gné à ce jour.

    Dans la guerre sans fin du Haut-KarabakhLa reprise des combats dans cette région sécessionniste d’Azerbaïdjan ravive les blessures du passé

    GÉORGIE  RUSSIE

     ARMÉNIE  AZERBAÏDJAN

     AZ.

    IRAN  Haut-

    Karabakh

    Erevan

    Stepanakert

    Talich

    Chouchi

    Martakert

    Territoire contrôlépar les forces arméniennes

    50 km

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    L’anniversaire très politique du crash de SmolenskLes conservateurs polonais utilisent la catastrophe pour discréditer le gouvernement alors dirigé par Donald Tusk

    varsovie - correspondance

    Six ans après le crash del’avion du président polo-nais Lech Kaczynski àSmolensk, en Russie, la

    Pologne dirigée par le parti con-servateur Droit et justice (PiS) avoulu rendre un hommage plussolennel que par le passé aux 96victimes de la catastrophe. Le10 avril 2010, la délégation prési-dentielle se rendait aux cérémo-nies des 70 ans du massacre desofficiers polonais par l’Arméerouge à Katyn, près de la frontièrebiélorusse, lorsque l’avion s’estécrasé. Les commémorations ontréuni dimanche 10 avril plusieursdizaines de milliers de personnesdans les rues de Varsovie. De6 heures à minuit, des messes, desprières et des rassemblementsont été organisés à travers toute la

    Pologne.Un hommage imposant, maisqui, loin de faire l’objet d’uneunion nationale, s’est transforméen une démonstration de forcedes partisans du parti au pouvoir.Car la catastrophe de Smolensk, sielle est considérée comme le plusgrand drame de la Pologned’après-guerre, dans lequel ontpéri des dizaines de hauts res-ponsables politiques et militairespolonais, a aussi contribué à creu-ser le clivage politique le plusprofond depuis la chute ducommunisme.

    Epais brouillard

    Le PiS et son président JaroslawKaczynski, frère jumeau du dé-funt chef de l’Etat, ont toujoursrejeté les conclusions officiellesde l’enquête menée sous le précé-

    dent gouvernement libéral. Lesexperts ont notamment reconnucomme causes de l’accident lesmauvaises conditions météo (unépais brouillard), le mauvais étatde l’aéroport, ainsi que des er-reurs conjointes des pilotes polo-nais et des contrôleurs aériensrusses. En avril 2015, de nou-veaux fragments des boîtes noi-res ont dévoilé que les pilotesauraient fait l’objet de pressions

    pour atterrir. Des faits que le nou-veau pouvoir semble bien décidé

    à remettre en cause.« Nous avons été les témoins du-

    rant six ans de tentatives de men-songes autour de la mémoire desvictimes, et sur ce qui s’est vrai-ment passé »,  a déclaré pendantles commémorations le ministrede la défense, Antoni Macie-rewicz. Celui-ci, qui a fait de la pro-motion de la théorie de l’attentatson principal credo politique, amis en place une nouvelle com-mission d’enquête sur la catastro-phe. Son chef, Waclaw Berczynski,a déclaré, l’avant-veille des céré-monies, qu’« avec une tr ès grande probabilité, pratiquement avecquasi-certitude, on peut dire quel’appareil s’est désintégré en vol » ,sans apporter aucune preuve àces allégations.

    « La responsabilité morale de la

    tragédie, quelles qu’en soient lescauses, est à mettre sur le comptedu gouvernement de DonaldTusk »,  a déclaré pour sa part,sous les ovations, Jaroslaw Kac-zynski. Le PiS dénonce depuistoujours des manquements dansl’organisation par la chancelleriede la visite de l’ancien premierministre. Dans les milieux con-servateurs, de plus en plus devoix appellent à faire comparaî-tre l’actuel président du Conseileuropéen devant le Tribunald’Etat. Dans ce contexte, et de-vant une foule dont l’immensemajorité est acquise aux thèsesdu PiS, l’appel du président Andr-zej Duda au« pardon mutuel » et à« l’unité de la nation » a résonnédans le vide. Symbole supplé-mentaire du caractère partisande l’événement, aucun parti d’op-

    position n’a été invité aux céré-monies officielles à la présidencede la République.

    Depuis l’estrade dressée devantle palais présidentiel, les organisa-teurs des commémorations, liésau quotidien nationaliste Gazeta Polska, ont lancé des appels à « ex- pliquer les mensonges de la tragé-die », dénonçant la « propagandemédiatique » et celle « des com-missions d’enquête officielles ». Un

    film à la gloire de Lech Kaczynskia été projeté.

    Au sein du PiS, l’ancien présidenta été porté au rang de héros natio-nal – une narration qui, depuis sixans, cimente l’électorat du parti.« Nous sommes là pour nous souve-nir des morts, et parce que noussommes contents d’avoir enfin un gouvernement qui mettra enœuvre le testament politique de

     Lech Kaczynski,  s’enthousiasmeBernadetta, 60 ans, venue deGdansk (nord de la Pologne) pourl’occasion. Nous espérons, mainte-nant que les conditions politiquessont réunies, que la vérité va enfinémerger. »

    Un Polonais sur deux considèreque toutes les causes du dramen’ont pas été élucidées. Et un surquatre semble souscrire à la théo-rie de l’attentat. Le fait que les

    autorités russes soient toujours enpossession de la carcasse del’avion et des originaux des boîtesnoires, six ans après les faits, lesconforte dans cet avis. Mais seuls18 % des Polonais font part de leurvolonté de commémorer cette tra-gédie, comme si l’hystérie politi-que autour de la catastrophe deSmolensk commençait à les lasser.

    « Pour beaucoup de Polonais,c’est un jour important. Indépen-damment de nos orientations po-litiques, il fallait être là, comme onétait là il y a six ans,   soutientBartek, 23 ans.  Je pense que lesthéories du complot sont la consé-quence de certains manquementsde l’Etat polonais et de l’Etat russe juste après la catastrophe. » Selonlui, « tous les partis sont responsa-

    bles » du cliva ge existant : « Le gouvernement de l’époque ne s’est pas montré efficace et n’a pas prisles bonnes décisions. L’appareild’Etat a montré certaines dé- faillances. Il a manqué des gestesdiplomatiques forts pour mettrela pression sur les Russes. Le PiS,lui, s’est approprié ce drame natio-nal pour en faire le drame de son propre camp. »p

    jakub iwaniuk

    Le chef duparti Droitet justice,JaroslawKaczynski,rendhommageà son frèrejumeauet défunt chefde l’Etat, LechKaczynski,le 10 avrilà Varsovie.KACPEL PEMPER/

    REUTERS

    L’appel du

    président Duda

    au « pardon

    mutuel » et

    à « l’unité de la

    nation » a résonné

    dans le vide

    LES DATES

    10 AVRIL 2010Le président Lech Kaczynski et95 autres personnes périssentdans un crash près de Smolensk,en Russie.

    29 JUILLET 2011La commission d’enquête polo-naise estime que les responsabili-tés de l’accident sont partagéesentre la Pologne et la Russie.

    4 FÉVRIER 2016Le parti conservateur au pouvoirDroit et justice crée une nouvellecommission d’enquête.

    Maria Elena Boschi, atout ou talon d’Achille de Renzi ?L’opposition italienne accable la ministre des réformes, citée dans une affaire de favoritisme

    rome - correspondant

    S ouriante, elle est sortie,lundi 4 avril, d’une heure deface-à-face avec les magis-trats de Potenza (Basilicate), quil’ont entendue comme témoindans une affaire de trafic d’in-fluence. Souriante, elle est entréepeu après au siège du Parti démo-crate (PD) pour entendre MatteoRenzi la défendre devant le con-seil national de la formation decentre gauche. Il est rare que levisage de Maria Elena Boschi,35 ans, ministre des réformes etdes relations avec le Parlement,trahisse ses tourments. Plusjeune, sa beauté « acqua e sa - pone »  (« eau et savon ») commedisent les Italiens, lui ont systé-matiquement valu d’endosser le

    rôle de la Vierge Marie dans lesreconstitutions de crèche vivanteà Laterina, la petite commune deToscane où elle a grandi.

    C’est pourtant sur elle ques’acharne l’opposition depuis« l’affaire Guidi », du nom de laministre du développement éco-nomique, contrainte à la démis-sion, fin mars, pour avoir favorisé,par un amendement sur la loi definances 2015, les activités de soncompagnon en autorisant le dé-veloppement d’un forage pétro-lier au large de la Basilicate.« Maria Elena est d’accord », avaitconfié imprudemment la démis-

    sionnaire. Depuis, le poison dusoupçon de conflit d’intérêtsronge le gouvernement. Selon unsondage publié dimanche, 45 %des Italiens souhaitent la démis-sion de Mme  Boschi en bloc etdeux motions de censure dépo-sées par l’opposition l’attendentau Parlement. La cote de popula-rité de M. Renzi est en baisse.

    Maria Elena Boschi a-t-elle subi,

    elle aussi, des pressions deslobbys pétroliers, comme le sup-posent les juges du parquet dePotenza chargés de l’affaire qui,dévidant la pelote de l’enquête,retrouvent son nom dansd’autres volets de l’affaire ?« Je n’ai pas subi de pression, je voulais queça aille vite, leur a-t-elle répliqué.  Je n’ai fait que mon devoir de mi-nistre en faisant voter un amende-ment du gouvernement. »  Pourl’instant, elle résiste crânementaux assauts.

    De la même manière, elle s’estsortie indemne d’une autre af-faire, concernant son père Pier-

    luigi, soupçonné de banqueroutefrauduleuse dans la faillite deBanca Etruria dont il était le vice-président. Le gouvernement aadopté in extremis un décretpour sauver les établissementsbancaires malmenés par la criseet leurs dirigeants. PierluigiBoschi était parmi eux. Conflitd’intérêts encore une fois ?

    Maria Elena Boschi représente lasynthèse du renzisme : jeune,bosseuse, cultivant des liens àdroite comme à gauche, c’est ellequi coache l’équipe de Florentinsqui entoure le chef du gouverne-ment. L’atteindre, c’est blesser lepremier ministre qui en a fait la« clé de voûte » de son pouvoir aupoint de susciter des rumeursmalveillantes qu’elle feint de nepas entendre. « Renzi connaît le

     poids symbolique de Boschi, expli-que un proche. En la défendant, ilse défend lui-même. »

    C’est lui, Matteo Renzi, qui a en-dossé, dimanche 3 avril, la pater-nité de l’amendement sur les fo-rages. « Si les juges veulent m’en-tendre, je suis disponible » , a-t-ilfanfaronné. Deux mois plus tôt,c’est également lui qui avait as-sumé la loi sur les unions civiles,qui ne comportait plus, lors deson vote final, le droit pour undes membres d’un coupled’adopter l’enfant de son con-joint. Une mesure, sacrifiée surl’autel des équilibres politiques, à

    laquelle tenait pourtant MariaElena Boschi.

    Ils ne sont pourtant pas partisdu même pied. Après ses débutsd’avocate dans l’un des plus groscabinets de Florence, elle soutientun des concurrents de gauche deMatteo Renzi aux primaires pourles municipales de 2009. Magna-nime, le vainqueur pardonne etl’enrôle dans son équipe de candi-dat aux élections pour la prési-dence du Parti démocrate en 2012.Ils sont tous deux l’expressiond’un catholicisme réformiste,provincial et franciscain. Il a étéscout, elle a été enfant de chœur.Ça rapproche.

    Présentée comme « l’ama- zone », « la pasionaria », « lalionne » de Matteo Renzi, elle seveut un exemple de la « mérito-

    cratie ».  Maîtresse d’elle-mêmeau point de paraître lointaine,elle semble recevoir les coupsavec détachement : « Je ne suis pasde celles qui s’enferment pour ta- per du poing sur les murs quandça ne va pas, dit-elle. Mes poings, je les garde dans mes poches. »Jusqu’à présent, son calme n’apas été pris en défaut. « Vous êtestrop belle pour être communiste »,lui a déclaré Silvio Berlusconi lapremière fois qu’il l’a vue.« Il n’y a plus de communistes. Et je préfèreles compliments de ma mère »,avait rétorqué la ministre.p

    philippe ridet

    Selon un sondage

    publié dimanche,

    45 % des Italiens

    souhaitent

    la démission

    de la ministre

          (      )      %      $      %      +      "      $

          '      &

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    Alain Paré

    Philanthrope

    mélomane

    Mieux qu’adoucir les mœurs, la musique imprègne l’âme deceux qui la révèrent. Voyez Alain Paré, batteur de jazz deformation : très tôt, il a abandonné ses baguettes pour gagnersavie. Doué pour le conseil,il a prospéré à latête de sessociétés,réservant une place privilégiée dans son cœur à la musique.

     Jusqu’au jour où il a tout arrêté : « J’ai fait un peu de bénévo-lat dans le conseil, puis j’ai eu envie de donner autrement… et de faire donner les autres » retrace Alain Paré, à propos de saFondation Inter Fréquence qu’il a créée en 2012, sous l’égidede la Fondation de France.

    Inter Fréquence agit pourla culture,aidantà l’éclosion de projetsoù la musique est au centre. Son but : donner vie aux spectacles,pour que des talents en herbe puissent apporter un moment degrâce aux spectateurs venus les découvrir. «  Notre ambitionest de soutenir chaque année toujours plus d’artistes émergents,

     pour le bonheur d’un maximum de spectateurs » résume AlainParé. En 2015, grâce à un budget d’environ 300 000   !,Inter Fréquence a soutenu par le biais d’associationsculturelles près de 300 artistes, qui ont conquis plus de

    50 000 personnes. Inter Fréquence a par exemple cofinancé leMégaphone Tour, un radio-crochet organisé chaque annéepour dénicher de nouveaux artistes et les faire ensuite“tourner” en France. A l’international, la fondation a notam-ment cofinancé l’Only French Festival, qui met en scène desartistes francophones en Afrique et en France.

    Très investi dans sa nouvelle vie, Alain a su convaincre25 donateurs de soutenir sa fondation. «  S’engager pour laculture, c’est comme l’humanitaire : plus tu plonges dansl’action, plus tu te rends compte du besoin !  » Une nouvellepartition jouée avec talent par l’ancien jazzman, à l’heure oùl’argent est plus que jamais nécessaire pour organiser desconcerts, nouvelles scènes d’une culture pour tous.

    Fondation de FranceLa Fondation de toutes les causeswww.fondationdefrance.org

  • 8/17/2019 Le Monde 2 en 1 Du Mardi 12 Avril 2016

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    4 | international MARDI 12 AVRIL 20160123

    David Cameron pris au piège de la transparenceLa publication des déclarations fiscales du premier ministre britannique soulève de nouvelles questions

    londres - correspondant

    Chacun de ses « aveux »partiels suscite de nou-velles questions. DavidCameron n’a pas réussi,

    ce week-end, à stopper la défer-lante des « Panama papers » qui,sans le menacer en tant que pre-mier ministre, continue de l’affai-blir comme chef de la campagnepour le maintien du Royaume-Uni dans l’Union européenne auréférendum du 23 juin, alors queles partisans du « Brexit » ne ces-sent de marquer des points.

    Même sa décision sans précé-dent de rendre publique safeuille d’impôts, samedi 9 avril,ne semble avoir ni étanché la soif de révélation de la presse ni al-légé la pression de l’opposition,qui réclame une intervention desa part au Parlement. Il devait y

    annoncer, lundi, une loi pourrendre pénalement responsa-bles les sociétés qui favorisentl’évasion fiscale.

    En quelques jours, DowningStreet est passée du no comment  

    absolu au grand déballage fiscal.Le 4 avril, le premier ministreavait allégué du respect de sa vieprivée pour refuser de répondreaux premières révélations sur lerôle de son père dans la gestiond’un fonds fiduciaire (trust fund)enregistré au Panama.

    Samedi, il a soudain tenu lapromesse qu’il avait faite en 2012 :rendre public le montant de sesrevenus et de ses impôts. Les Bri-tanniques ont ainsi appris queM. Cameron avait perçu plus de200 000 livres (247 000 euros)en 2015 et payé 76 000 livres(94 000 euros) d’impôts sur lerevenu.

    Entre-temps, le premier minis-tre avait fini par admettre, jeudi7 avril, que son épouse Samanthaet lui-même avaient bénéficié en-

    tre 1997 et 2010 de Blairmore, lefonds offshore que son père, Ian,décédé en 2010, avait géré pen-dant près de trente ans par l’inter-

    médiaire du cabinet d’avocats pa-naméen Mossack Fonseca sans

    payer le moindre impôt. Il a af-firmé avoir cédé en 2010, avantd’entrer à Downing Street, lesparts qu’il détenait dans Blair-more et réalisé à cette occasionune plus-value de 19 000 livresdéclarée au fisc, mais exonérée.

    Mais cet assaut tardif de trans-parence n’a pas permis àM. Cameron de reprendre lamain. Dès dimanche, la presse asoulevé un nouveau lièvre : le donde 200 000 livres effectué par samère en 2011 après la mort de sonépoux. D’après la loi fiscale, ce

    don bénéficierait d’une exonéra-tion de 80 000 livres de droits de

    succession si Mary Cameron, lamère du premier ministre, resteen vie jusqu’en 2018. « La feuilled’impôts de Cameron esquive lecadeau de 200 000 livres de samère », s’est indigné le populaire Mail on Sunday, alors que de telsarrangements sont communsdans les familles aisées.

    Confettis de l’empire

    Outre l’accent mis sur cette dispo-sition fiscale avantageuse, lapresse s’interroge sur la prove-nance de cet argent : sans doute lefonds Blairmore, mais aussi undeuxième fonds que M. Cameronpère gérait dans un autre paradisfiscal, Jersey. Les médias insistentaussi sur le fait que l’absence detransparence sur les revenus anté-rieurs à 2009 ne permet pas d’éva-

    luer le bénéfice que le premier mi-nistre a pu tirer des fonds offshore.Classé à la gauche du Labour,

    son chef, Jeremy Corbyn, s’est

    bien gardé, dimanche, de crier« Cameron démission ! »  comme

    quelques centaines de manifes-tants l’avaient fait la veille devantDowning Street. Se défendant dereprocher une quelconque fauteau premier ministre, M. Corbyn aexigé de lui une déclaration for-melle devant le Parlement, car « ildoit encore répondre à de grandesquestions ». M. Cameron  « atrompé l’opinion » et il a « perdu laconfiance des Britanniques », a dé-claré le chef de l’opposition, qui« veut voir »  les feuilles d’impôtsantérieures à 2009.

    M. Corbyn, qui a promis de pu-blier lui aussi le montant de ses re-venus et de ses impôts, réclame« la transparence » non seulementsur les actionnaires des sociétés etdes fonds de placement, maisaussi sur les acteurs du systèmepolitique, journalistes compris. A

    la BBC, il s’est aussi interrogé surla façon dont Londres encoura-geait ses territoires d’outre-mer,confettis de son empire, à prospé-rer comme des paradis fiscaux.

    Contagieuse, la revendicationde la « transparence » vise désor-mais l’ensemble du gouverne-ment, au premier chef le ministredes finances, George Osborne, nu-méro deux du gouvernement. Lapression sur les deux têtes del’exécutif, qui sont aussi les deuxprincipaux propagandistes duoui à l’Europe au référendum,pourrait affaiblir leur camp. « Çan’a pas été une grande semaine », areconnu M. Cameron samedi,ajoutant qu’il aurait « dû mieux gérer cette histoire » et qu’il avait« appris la leçon ».

    Selon Jeremy

    Corbyn, le chefdu Labour,

    David Cameron

    « a trompé

    l’opinion »

    Ce revers cinglant survientaprès d’autres polémiques poten-tiellement préjudiciables à lacampagne contre le « Brexit » : ladémission fracassante, à la mi-mars, de Iain Duncan Smith,ministre du travail eurosceptique,et les accusations selon lesquellesM. Cameron, pour se ménager lesfaveurs de Pékin, aurait sacrifié15 000 emplois dans la sidérurgieen refusant les droits de douanessouhaitées par l’Union euro-

    péenne contre l’acier chinois.Seule consolation pourM. Cameron, les eurosceptiquesconservateurs n’utilisent pasdans la bataille du référendum,pour le moment, les « Panama pa-pers », qui é pinglent é galementl’un des principaux financiers duParti pour l’indépendance duRoyaume-Uni (UKIP). Peut-êtreestiment-ils aussi que le scandalesape de lui-même l’autorité dupremier ministre sans qu’ils aientbesoin d’en rajouter. Selon unsondage publié vendredi, un anaprès sa reconduction, la cote desatisfaction de David Cameron(58 % d’opinions défavorables,34 % favorables) est au plus basdepuis 2013.p

    philippe bernard

    Ukraine : M. Iatsenioukse résout à la démissionUn proche du président Petro Porochenkodevrait devenir premier ministre

    A près des semaines de ré-sistance acharnée, ArseniIatseniouk a fini par cé-der. Dimanche 10 avril, dans unedéclaration solennelle à la télévi-sion, le premier ministre ukrai-nien a annoncé sa démission à lanation, au nom de la « stabilité »

    nécessaire à la tête du pays.M. Iatseniouk, qui était arrivé aupouvoir en février 2014 dans lafoulée de la révolution de Maïdan,n’a toutefois pas caché son amer-tume, évoquant une crise politi-que « créée artificiellement ».

    Le départ du premier ministreétait en fait devenu inévitable etdevrait permettre d’esquisser unesortie de la crise politique dans la-quelle les dirigeants ukrainienssont empêtrés depuis près dedeux mois. Proche du néant dansles sondages d’opinion, accusé dechapeauter un système de corrup-tion généralisée et de bloquerl’adoption de réformes structurel-les, M. Iatseniouk semblait mêmeavoir été lâché par les capitales oc-cidentales, dont il fut longtempsle favori.

    Transition bien baliséeLe 16 février, il n’avait échappéque de très peu à un vote de dé-fiance du Parlement. Immédiate-ment après, deux partis minori-taires avaient quitté la coalition,ouvrant la voie à de périlleusesélections anticipées.

    Même si la politique ukrai-nienne n’est jamais avare de sur-prises, la validation par le Parle-ment de la démission, prévuemardi, devrait être une formalité.La transition semble avoir été bienbalisée. Dans son discours, ArseniIatseniouk a même livré le nom deson successeur : Volodymyr

    Hroïsman, président du Parle-ment et fidèle du président PetroPorochenko. Dans un entretiendiffusé dimanche mais qui avaitété enregistré auparavant,M. Porochenko a lui aussi évoquéune candidature de M. Hroïsman.

    Ce renouvellement au sommet

    – qui devrait s’accompagner d’unremaniement, avec notamment ledépart de la ministre des finances,Natalia Jaresko – devrait donner unnouveau souffle à M. Porochenko,lui aussi sévèrement critiqué pourson manque de combativité face àla corruption et son implicationdans les révélations des « Panamapapers ». Il risque aussi, dans lemême temps, de priver le prési-dent d’un paravent confortable.

    Reste aussi à connaître l’ampli-tude de la nouvelle coalition et sacapacité à aller à l’encontre des in-térêts oligarchiques. A Kiev, lesobservateurs n’excluent pas unealliance limitée aux partis deMM. Porochenko et Iatseniouk, àlaquelle quelques ralliementsdonneraient une majorité.

    Qu’a obtenu Arseni Iatseniouken échange de sa coopération ? Ces

    dernières semaines, les médiasukrainiens ont assuré qu’il convoi-tait la direction de la Banque cen-trale ou celle de la Cour suprême,des postes stratégiques. Le futurex-premier ministre, dont le bilanest loin d’être négatif – il peut no-tamment se targuer d’avoir res-tructuré l’armée, réduit la dépen-dance énergétique vis-à-vis de laRussie ou assaini les finances pu-bliques – ne devrait en tout cas pasdisparaître du paysage politique.Dimanche, il a indiqué voir sa mis-sion future comme« plus large quecelle de chef du gouvernement ». p

    benoît vitkine

    Ce revers survient

    après d’autres

    polémiques

    préjudiciablesà la campagne

    contre le « Brexit »

    “OUI JE SAIS,JE SUIS

    SUR BFMTV”

           D     e       B     o     n     n     e     v       i       l       l     e   -       O     r       l     a     n       d       i     n       i

  • 8/17/2019 Le Monde 2 en 1 Du Mardi 12 Avril 2016

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    LAVILLEAUSSI PEUTRECHARGERSESBATTERIESAvec lesbâtimentsàénergiepositive, lesvillessont désormaisactricesde leurpropreénergie.Grâceauxservicesénergétiquesd’EDFetdesesfiliales, lesbâtimentspeuvent consommermoinsd’énergieetmême laproduiresurplace.

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  • 8/17/2019 Le Monde 2 en 1 Du Mardi 12 Avril 2016

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    6 | international MARDI 12 AVRIL 20160123

    Au Pérou, KeikoFujimori gagne le

    premier tour dela présidentielleLa fille de l’ex-président affronterale candidat de la droite libérale

    lima - envoyé spécial

    Le premier tour de l’élec-tion présidentielle au Pé-rou, dimanche 10 avril, aété remporté largement

    par la populiste Keiko Fujimori,40 ans, avec 39 % des voix. Sa for-mation, Force populaire, frôle la

    majorité parlementaire, avec unesoixantaine d’élus (sur 130), selondes estimations. Lors du secondtour du scrutin, le 5 juin, elle af-frontera Pedro Pablo Kuczynski,77 ans, dit « PPK » (centre droit),qui a obtenu 21 % des suffrages.

    Keiko Fujimori vit son « mo-ment Marine Le Pen », estime Mi-rko Lauer, 69 ans, chroniqueur auquotidien de gauche La Republica.Comment prendre ses distancesavec le père, l’autocrate AlbertoFujimori, 77 ans, président du Pé-rou entre 1990 et 2000, sans pourautant renoncer à son héritage, àson capital symbolique ?

    Une semaine avant le premiertour, lors du seul débat téléviséentre les candidats à la prési-dence, Mme Fujimori a surpris avecune déclaration solennelle : « Plus jamais un 5 avril », date du coup de

    force par lequel son père a dissousle Congrès et s’est arrogé les pleinspouvoirs, en 1992. Elle a signé uneprofession de foi où elle s’enga-geait à respecter les libertés etl’Etat de droit, répondant ainsiaux principales objections contresa candidature. Alberto Fujimoripurge une peine de vingt-cinq ansde prison pour violations desdroits de l’homme et corruption.

    « Je n’en crois pas un mot » , s’estempressé de déclarer l’ancien pré-sident Alejandro Toledo (2001-2006), qui briguait un nouveaumandat, sans succès.  « Commeelle entretient une relation dynas-tique avec son père, beaucoup ontmis du temps à comprendre que Keiko avait sa propre force, expli-

    que M. Lauer. Elle se doit de main-tenir un équilibre entre la tradition politique représentée par Fujimoriet son effort de renouvellement etde modération. »

    Une société fracturée

    La filiation et le respect de la fa-mille, si importants dans la tradi-tion japonaise dans laquelle elle aété élevée, suscitent des interroga-tions. A 19 ans, elle avait remplacésa mère comme première damed’un régime autoritaire. Aussibien les vieux opposants qu’unepartie de la jeunesse universitairepensent qu’Alberto Fujimori con-tinue à tirer les ficelles du fond desa prison dorée, où il reçoit troiscents visiteurs par mois.

    Le 5 avril, cinq jours avant lescrutin de dimanche, ils étaientdes dizaines de milliers à mani-

    fester à Lima et en province, avecle mot d’ordre « Keiko ne passera pas ». Gabriel Zapata, 31 ans, di-plômé en philosophie, était l’undes organisateurs de la manifesta-tion de Lima. « Keiko et son entou-rage représentent la continuité del’autoritarisme et de la corruption,affirme-t-il.  Cela dit, le fujimo-risme est une véritable mystique, àcontre-courant de la crise de la re-

     présentation politique qui frappeles partis traditionnels. »

    Lors de son dernier meetingavant le premier tour la candidatea déclaré : « J’ai la fierté de savoir que Force populaire est devenu le parti le mieux organisé, un partiqui va perdurer au-delà d’un patro-nyme. »  Adriana Urrutia, 28 ans,politologue formée à Sciences PoParis, confirme : « Keiko a sillonnéinlassablement le pays pendant cinq ans, à l’écoute de tous les sec-teurs sociaux. Elle a jeté les basesd’un parti centralisé, entouré d’or- ganisations satellites pour mieuxencadrer ses sympathisants, no-tamment parmi la jeunesse. »

    La mutation du fujimorisme en

    parti a compté sur les conseilsavisés d’un homme d’affaires àsuccès, José Chlimper Ackerman,60 ans, candidat à la vice-prési-dence de la République. « PepeChlimper est le maître à penser de Keiko, assure M. Lauer. Il l’a pous-sée à se moderniser et à tourner la page Fujimori. » Adriana Urrutiarenchérit : « Chlimper l’a amenéeà se séparer des élus fujimoristes

    qui donnaient le la au Congrès et àles remplacer par des candidats plus jeunes, à l’image de Keikoelle-même. »

    L’évolution de Keiko Fujimori aété favorisée par un politologue de

    l’université d’Harvard (Etats-Unis),Steve Levitsky, 45 ans, qui l’a invi-tée à s’expliquer sur le prestigieuxcampus. C’est là-bas qu’elle a es-quissé son tournant. Ce spécialistede l’Amérique latine estimait quele fujimorisme pouvait devenir unparti de droite moderne, démocra-tique, capable de remporter desélections qui se jouent au centredu spectre politique.

    Le Pérou est une société fractu-rée par des clivages sociaux, ra-ciaux et territoriaux. « Le vote des Péruviens reste très marqué par les perceptions raciales, souligneMme Urrutia.On choisit le candidat métis, plutôt que le Blanc de lahaute société de Lima. Or, Keiko,comme son père, avec leurs traitsasiatiques, surmonte ce clivage,tout comme la polarisation entredroite et gauche, ou encore la diffé-rence entre la côte, les Andes etl’Amazonie. Elle parvient à s’adres-ser au peuple dans sa diversité. »

    Sur le podium de ses meetings,lors de ses rencontres avec ses par-tisans, Keiko Fujimori danse surles rythmes des diverses musi-

    ques régionales, transpire, revêtles parures colorées des Indiens etles vêtements traditionnels du ri-che folklore péruvien. Aux Etats-Unis, elle a fait ses études supé-rieures à Boston, trouvé un mari etobservé la vie politique améri-caine. Elle a appris qu’elle devaitnon seulement tenir un discours,mais incarner un rêve.« S’il lui faut  faire des concessions pour convain-

    Keiko Fujimori

    vit son « moment

    Marine Le Pen »,

    estime

    Mirko Lauer,

    du quotidien

    « La Republica »

    Keiko Fujimori devantses partisans à Lima,

    dimanche 10 avril au soir. LUKA GONZALES/AFP

    cre les dubitatifs et les méfiants àl’égard de sa métamorphose, elleles fera », note la jeune politologue.

    A l’échelle locale, Force populairefonctionne comme une franchise.Et c’est là que le bât blesse. « Force populaire est le parti qui comptaitle plus de candidats au Congrès financés par les narcos, quand ils nesont pas eux-mêmes des trafi-quants », dénonce Jaime Antezana,50 ans, chercheur indépendant,spécialiste du trafic de stupéfiants.

    Au Pérou, comme en Colombie,on peut parler de « narco-politi-que ». Le clan italien, le clan juif, leclan de la région de Chimbote, lesdeux clans liés à des universitésprivées, investissent dans les élec-

    tions pour protéger leurs affaires.Premier producteur de cocaïne aumonde, le Pérou exporte sa dro-gue vers l’Europe via le Brésil. « Si Keiko est élue, le Pérou redeviendraun narco-Etat, comme du temps deson père », avertit M. Antezana. Lalutte contre la drogue et les trafi-quants est totalement absente dudébat électoral.p

    paulo a. paranagua

    L’initiative diplomatique française sur le Proche-Orient à la peineA la veille d’une tournée européenne de M. Abbas, l’Autorité palestinienne lance un nouveau projet de résolution destiné au Conseil de sécurité

    jérusalem - correspondant

    A peine lancée, déjàcontrariée. La nouvelleinitiative française dansle conflit israélo-palestinien, quivise à réunir un large groupe desoutien international afin de re-lancer les négociations, paraît malengagée. Selon plusieurs sourcesdiplomatiques, le calendrier prévuà l’origine – une réunion ministé-rielle courant avril, puis une con-férence d’ici à l’été – est compro-mis. La première ne se tiendraitque fin mai-début juin, avant le ra-madan. La rencontre au niveaudes chefs d’Etat et de gouverne-ment, elle, aurait lieu à l’automne.

    Washington a fait savoir que lessemaines précédant l’élection

    américaine du 8 novembre se-raient très défavorables. En revan-che, la période entre le scrutin etl’entrée en fonction du nouveauprésident, fin janvier 2017, pour-rait permettre à Barack Obama des’engager. Le flou sur la stratégieaméricaine est une source d’in-quiétude pour les Israéliens.

    L’initiative française est portéepar le diplomate Pierre Vimont,qui a déjà effectué un large tourdes acteurs concernés. Le groupede contact est censé réunir lesmembres du Quartet (ONU, Rus-sie, Etats-Unis, UE), les principauxpays européens et ceux de la Liguearabe, soit une quinzaine d’Etats.L’une des raisons invoquées, côtéfrançais, pour justifier le glisse-ment de calendrier est le rapport

    que le Quartet doit publier dansles prochaines semaines. Il de-vrait tracer des pistes pour une re-prise des négociations et pourraitdonc nourrir l’initiative française.

    Pour l’heure, M. Vimont a sur-tout adopté une position d’écoute,sans trop s’avancer sur l’ordre dujour des deux conférences. Ducôté israélien, on ne jure que parles négociations bilatérales. Maison fait preuve d’une habile rete-nue dans la critique contre Paris.D’autant que Jean-Marc Ayrault, leministre français des affairesétrangères, a précisé qu’il n’yaurait pas d’automaticité dans lareconnaissance de la Palestine parParis, en cas d’échec. C’était, pour-tant, ce que semblait indiquer sonprédécesseur, Laurent Fabius. « Si

    on avait maintenu ce lien, dit undiplomate français, on aurait perdu le soutien de certains payseuropéens comme l’Allemagne. »

    « Confiance à la France »

    Dans ce contexte, Mahmoud Ab-bas, le président de l’Autorité pa-lestinienne, a commencé unetournée internationale. Il sera àParis vendredi 15 avril pour s’en-tretenir avec François Hollande,puis à Moscou le 18, à Berlin le 19,avant de s’envoler vers New York.Conseiller diplomatique de M.Abbas, Majdi Al-Khaldi assure au Monde  que l’Autorité  « fait con- fiance à la France et à son sérieux»,tout en espérant des progrès réels.Il souhaite que le futur groupe desoutien international rappelle par

    écrit « les paramètres déjà connusà toute résolution du conflit ».

    Sans attendre les résultats de ladémarche française, l’Autorité pa-lestinienne a lancé un nouveauprojet de résolution destiné auConseil de sécurité des Nationsunies, dont l’objet est de condam-ner la colonisation israélienne enCisjordanie. Il fait l’objet deconcertations avec les pays de laLigue arabe. Ceux-ci doivent déci-der rapidement de la meilleuredate pour le soumettre au vote, se-lon M. Khaldi. Le texte appelle augel de toutes les constructions is-raéliennes et au démantèlementdes avant-postes, qui sont illé-gaux, y compris aux yeux de l’Etathébreu. Il fait aussi référence aucommuniqué du Quartet, daté du

    21 se ptembre 2010, qui évoquaitune durée d’un an pour conduiretoutes les négociations de paix.

    Cette résolution serait la voieunique ouverte devant M. Abbas,si l’initiative française échouait. Leprésident palestinien n’aurait riend’autre à présenter à son opinionpublique, qui s’est détournée delui. M. Abbas guette aussi l’issueprochaine des discussions avec lesservices de sécurité israéliens, ausujet des incursions militaires enzone A, placée en principe sous leplein contrôle de l’Autorité. Enl’absence de geste de bonne vo-lonté de Benyamin Nétanyahou,le président palestinien se trou-vera conforté dans sa logique d’in-ternationalisation du conflit.p

    piotr smolar

    19:20 le téléphone sonne

    18:15 un jour dans le monde

    nicolas demorand

    le 18 /20venant

    de choc

    avec les chroniques

    d’Arnaud Leparmentieret d’Alain Frachon

    dans un jour dans le mondede 18:15 à 19:00

  • 8/17/2019 Le Monde 2 en 1 Du Mardi 12 Avril 2016

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    0123MARDI 12 AVRIL 2016   | 7

    Miami, l’autre reine de l’offshoreEn plein boom immobilier, la ville de Floride est l’un des centres mondiaux de l’argent sale

    Elle recevait chez elle, dansson deux-pièces de Bric-kwell Avenue, face à lamer, avec le même sou-

    rire avenant que celuiétalé sur sacarte de visite online. Représen-tante du cabinet panaméen Mos-sack Fonseca à Miami, Olga San-tini a du goût – son immeuble, lePalace Condominium, avait été lecadre d’un des épisodes de la série« Deux flics à Miami » – et un senscertain des affaires.

    D’après un mail de janvier 2013que Le Monde a pu consulter dans

    les 11,5 millions de documents dece cabinet de montages offshore,Olga Santini a aidé à constituerplus de 200 sociétés entre août etdécembre 2012 dans trois paradisfiscaux, les îles Vierges britanni-ques, les Samoa et les Seychelles.Une activité soutenue et juteuse,destinée à fournir des sociétés-écrans aux investisseurs étran-gers désireux de placer discrète-ment leur argent dans le marchéimmobilier en plein boom deMiami.

    En cinq mois, les revenus d’OlgaSantini se sont élevés à 81 683 dol-lars, correspondant aux 30 % decommissions versées par Mos-sack Fonseca à ses intermédiairespour la création de ce type de so-ciétés, facturées aux clients entre750 dollars et 1 400 dollars l’unité.Olga Santini a viré la quasi-inté-

    gralité du montant à la Bank ofAmerica, dans l’agence Coral Ga-bles, située à quinze minutes dechez elle. Interrogée par le Miami Herald,  partenaire des « Panamapapers », la dame assure n’avoirrien fait d’illégal. « Indépendante, je travaille pour de nombreusesautres sociétés… Je ne représente pas le siège du cabinet Mossack Fonseca et ne suis pas une em- ployée de cette organisation ».

    Une goutte d’eau

    Bien qu’elle prenne ses distances

    avec Mossack Fonseca, Olga San-tini a utilisé l’adresse mail du ca-binet panaméen avec ses clients.En 2009, elle est intervenue dansune conférence « antiblanchi-ment d’argent »  à Miami en tantque « représentante de Mossack Fonseca ». Cinq ans plus tard, unsignet sur le site du cabinet la pré-sente comme « Mme Santini du bu-reau de Mossack Fonseca à Miami ». Et sa page LinkedIn,aujourd’hui inaccessible, indi-quait qu’elle était « MF Consult » depuis 2004.

    Le cabinet panaméen détient eneffet plus d’une quarantaine debureaux dans le monde. Miamiapparaît comme l’une de ses im-portantes zones d’activités, et lenom de la ville renvoie à près de150 000 occurrences dans les « Pa-nama papers », celui d’Olga San-

    tini à 27 000. Une goutte d’eau

    rapportée à la masse des fichiers,mais qui en dit long sur l’emprisede ces montages financiers off-shore sur Miami.

    La ville partage une longue his-toire avec les circuits obscurs dublanchiment.  Avec sa fièvre im-mobilière, elle est devenue un descentres mondiaux de l’argentsale. Etre propriétaire d’une so-ciété offshore y est légal, tant quel’on paie ses impôts et déclare sesactifs aux autorités – une règleaisément contournée grâce ausecret bancaire des paradis fis-caux. Contrairement aux ban-ques, qui doivent se renseignersur le détenteur des fonds, les in-termédiaires et cabinets d’avocatstels que Mossack Fonseca ne sontpas soumis à suivre cette normestricte du « know-your-custo-mer ». Une souplesse qui explique

    en grande partie pourquoi 53 %des ventes de biens immobiliers àMiami, en 2015, ont été faites« cash », c’est-à-dire payées en unefois, sans crédit, généralementpar virement. C’est le double de lamoyenne nationale observée surle territoire des Etats-Unis. Cechiffre atteint même 90 % sur lemarché de l’immobilier récent.

    « Les gens qui veulent laver leur argent sale essaieront toujours de pénétrer le système par sesmaillons les plus faibles, expliqueJoe Kilmer, ancien agent chargé

    de la lutte anti-drogue, au MiamiHerald. Il y a tellement d’immobi-lier vendu et acheté dans le sud dela Floride qu’il est facile de s’y ca-cher en pleine lumière. »

    Manque évident de vérifications

    A regarder de près, la correspon-dance interne de Mossack Fon-seca et d’Olga Santini révèle unmanque évident de vérificationsdes ayants droit des sociétés. Lecabinet panaméen a ainsi ouvertune société-écran pour MarcoLustgarten, homme d’affairesvénézuélano-autrichien, basé àMiami et accusé d’avoir organiséun vaste trafic de blanchimentd’argent de la drogue. Il en a crééau moins treize pour MauricioCohen Assor, 82 ans, et Leon Co-hen-Levy, 51 ans, père et fils origi-naires de Miami, bâtisseurs d’hô-

    tels de luxe condamnés à dix ansde prison en 2011 pour avoir caché150 millions de dollars au fisc.

    Olga Santini a aussi travailléavec une importante proportionde clients Brésiliens, confirmantl’adage « Au premier million dedollars, tu files à Miami. » La filialebrésilienne de Mossack Fonseca ad’ailleurs été citée, début mars,dans le cadre du scandale de cor-ruption du géant Petrobras, cetteentreprise pétrolière publique,qui déstabilise jusqu’à la prési-dente du pays, Dilma Rousseff.

    Dans les documents d’Olga San-tini figure Marcos Pereira Lom-bardi, patron de presse et proprié-taire d’une chaîne de stations es-sence, accusé d’entente illicite surles prix à la pompe. Il a achetédeux condominiums pour2,7 millions de dollars dans laTrump Tower de Sunny IslesBeach. Miguel Jurno Neto y estaussi surnommé le « doleiro », il aété accusé d’avoir financé un sys-tème de pots-de-vin destinés auxélus du Congrès. Il a revendu sonappartement de Miami en 2012,deux ans après l’avoir acheté.

    On trouve aussi Paulo OctavioAlves Pereira, propriétaire de 13 %du parc hôtelier de Brasilia et ma-rié à la nièce de l’ancien présidentbrésilien Juscelino Kubitschek. Il adû quitter son poste de gouver-neur de la capitale après avoir été

    accusé de détournement defonds. Un an plus tard, en 2011, ilachetait pour 2,95 millions de dol-lars un appartement au nord deMiami Beach.

    En 2015, les étrangers ont achetéà Miami et à Palm Beach, pour6,1 milliards de dollars (5,35 mil-liards d’euros) de biens immobi-liers, soit plus d’un tiers des ven-tes. Les agents, avocats et « indé-pendants » spécialisés dans lemontage offshore, telle Olga San-tini, se comptent par centainesdans la ville. Ironie du calendrier,le fisc américain a décidé en mars,soit quelques jours à peine avantles révélations des « Panama pa-pers », d’accroître sa surveillancesur les transactions les plus vul-nérables aux manipulations : lessociétés-écrans achetant des ap-

    partements de plus de 1 millionde dollars en liquide. C’était un dé-but. p

    nicolas bourcier

    Près de 150 000

    occurrences font

    référence au nom

    de la ville

    dans la base

    des documents

    confidentiels des

    « Panama papers »

    Les affaires sans complexe de Richard AttiasLe businessman et son épouse, Cécilia, ont des sociétés dans plusieurs paradis fiscaux, « en toute légalité », dit-il

    N e soyez pas surpris si dansle futur nous créons une fi-liale en Amérique latine. »Richard Attias préfère prévenir.L’homme d’affaires franco-maro-cain, spécialisé dans la communi-cation d’influence, a l’offshoreheureux. Et même l’offshore encouple, avec son épouse, Cécilia,ex-Sarkozy.

    Citoyen marocain, il dirige àNew York Richard Attias & Asso-ciates, un groupe dont le siège està Dubaï. M. Attias s’est fait unespécialité d’organiser des forumsoù s’entremêlent conférences etréseautage, business et politique,et cela dans des pays émergents,souvent africains : Gabon, Con-go-Brazzaville, Rwanda, Egypte.Son New York Forum Africa se dé-roule chaque année depuis 2012 àLibreville, au Gabon, sous le pa-tronage du président Ali Bongo. Ily essuie régulièrement les criti-ques de l’opposition ou de lasociété civile.

    Son groupe compte des filialesen France, aux Etats-Unis, au Ma-roc ou aux Emirats arabes unis. Etdonc bientôt peut-être dans les Ca-raïbes. Richard Attias est de ceshommes d’affaires qui reconnais-sent recourir à des sociétés aux îlesVierges britanniques et au De-laware, cet Etat américain au ré-gime fiscal opaque auquel l’admi-

    nistration Obama veut mettre fin.S’il a choisi l’offshore c’est, ditM. Attias, pour des raisons prati-

    ques et pour développer ses activi-tés« en toute légalité ».

    L’une de ses anciennes sociétés,The Experience by Richard AttiasLtd, a été enregistrée aux îles Vier-ges britanniques le 20 janvier 2010par la firme panaméenne MossackFonseca, à la demande d’un cabi-net de consultants de Dubaï. Selonles « Panama papers », Richard At-

    tias est l’un des cinq actionnairesde cette société. Son épouse, Céci-lia Attias, a été associée dans la hol-ding du groupe, dont 30 % desparts ont été acquises en 2014 parle géant de la communication et dela publicité WPP. Le reste de l’ac-tionnariat est composé de hol-dings domiciliées au Royaume-Uni, en Arabie saoudite, aux îlesCaïmans et aux îles Vierges britan-niques. Un « patchwork » à l’imagede la planète Attias, un monde glo-bal et désinhibé.

    The Experience by Richard AttiasLtd. a été mise en liquidation ennovembre 2014. « N’ayant pas eu

    d’activités dans cette région aveccette société, elle a été dissoute. Aussi simple que cela », expliqueRichard Attias en réponse auxquestions du Monde. Des activitésaux Caraïbes qui semblent avoirsimplement tardé à se matériali-ser. « Je vais annoncer prochaine-ment un très grand forum que l’Etat des Bahamas m’a demandé d’orga-

    niser », affirme l’homme d’affairesen soulignant la qualité des infra-structures locales.

    Position tranchée

    Il est également question d’unautre forum, au Panama. « J’ai ren-contré[Juan Carlos Varela], le prési-dent du Panama, il y a deux mois. Ilm’a tellement séduit que je vais or- ganiser un forum au Panamaen 2017. C’est un type formidable,très business-business ! Il faut se pencher sur ce pays. »

    L’apôtre francophone du « na-tion branding », le marketing d’unpays, assume sa position, tran-

    chée, sur les questions fiscales. « Pourquoi tous ces Européens, et il y a des cadors parmi eux, sont-ilstentés d’aller [mettre leur argent]au Panama ? Il ne faut pas les dia-boliser. La fiscalité est étouffante. Ils ne peuvent plus entreprendre,ils ne peuvent plus investir. Je suismarocain, je ne paie pas d’impôts,c’est un privilège et c’est très bien

    comme ça ! – Vous n’en payez pasau Maroc ? – Non, parce que je suisrésident à Dubaï. »

    L’homme d’affaires affirme queses sociétés payent leurs impôtsdans chacun des pays où il a uneactivité. Il a créé, en 2009, unenouvelle société, dormante pourl’instant, pour investir dans lanouvelle économie. Newco, c’estson nom, est établie dans l’Etataméricain du Delaware. « C’est làoù les procédures administrativessont les plus simples, et les sociétésse créent en vingt-quatre heures »,précise-t-il. p

    anne michel et joan tilouine

    ancien président de la Cour suprême duBrésil, Joaquim Barbosa a été le magistratqui a porté l’accusation dans le « Mensa-lao », l’affaire de corruption et de pots-de-vin au Congrès qui a failli coûter la place auprésident Luis Inacio Lula da Silva. Il figureaujourd’hui dans les « Panama papers »pour avoir créé une société offshore dansl’achat d’un appartement de 335 000 dol-lars, à Miami, en 2012.

    Pourquoi votre nom s’est-il retrouvédans une telle affaire ?

    Il ne faut pas confondre « planning fiscal »avec « évasion ou fraude fiscale ». J’avais desressources issues du fruit de mon travail etde mes investissements. J’ai trouvé que

    c’était une bonne idée de faire un placementà l’étranger et il y avait de bonnes offresd’achat d’appartements à Miami début 2012.

    Je suis allé en toute transparence dans mabanque au Brésil et ai autorisé le virementvers le compte de l’entreprise de Floridechargée de l’opération, une« title company » qui est le type de d’entreprise qui joue auxEtats-Unis un rôle similaire à celui de no-taire. C’est à elle ou à un avocat que l’ache-teur paye le prix de la transaction. Qu’est-cequ’il y a d’illégal dans tout cela ? La valeur del’appartement a été déclarée depuis 2012aux impôts brésiliens comme l’exige la loi.Le fisc de mon pays est au courant de tout.

    Mais pourquoi avoir créé une s ociétéoffshore ?

    Aux Etats-Unis, la fiscalité est plus légèrepour les entreprises. C’est pour cela que le

    pays attire autant d’investisseurs dumonde entier. C’est pour cela aussi que lespersonnes les plus avisées sont conseillées

    pour créer une société afin d’acheter desbiens localement. J’ai tout fait en transpa-rence, comme le prouve le nom de ma so-ciété : Assas JB Corp, Assas pour le nom dema fac à Paris, JB pour mes initiales et monsurnom dans le monde juridique. Je suis unhomme de loi, je ne viole pas la loi. A l’ins-tar de milliers de mes concitoyens, je n’y aivu qu’un bon investissement. C’est tout.

    Avez-vous un quelconque regret, votresociété est tout de même domiciliéedans les îles Vierges britanniques, con-nues pour leur opacité ?

    Pas du tout ! Pour moi, si c’est licite, c’estbon. D’ailleurs, je ne savais même pas où lasociété avait son siège juridique, c’est vous

    qui me l’apprenez. J’ai fait entièrementconfiance à mon avocate.ppropos recueillis par n. bo.

    « Je suis un homme de lois, je ne viole pas la loi »

    « Il ne faut

    pas diaboliser

    ces Européens

    tentés d’aller

    au Panama.

    La fiscalité

    est étouffante »

    RICHARD ATTIAS

    Coordonnées parle Consortium internationaldes journalistes d’investiga-tion (ICIJ), la rédactiondu Monde et 108 autresdans 76 pays ont eu accèsà une masse d’informationsinédites qui mettent enlumière le monde opaquede la finance offshore et

    des paradis fiscaux.

    Les 11,5 millions de fichiersproviennent des archives ducabinet panaméen MossackFonseca, spécialiste de la do-miciliation de sociétés off-shore, entre 1977 et 2015.Il s’agit de la plus grosse fuited’informations jamais ex-ploitée par des médias.

    Les « Panama papers »révèlent que, outre des mil-liers d’anonymes, de nom-breux chefs d’Etat, des mil-liardaires, des grands nomsdu sport, des célébrités ou despersonnalités sous le coup desanctions internationales ontrecouru à des montagesoffshore pour dissimulerleurs actifs.

    Ce qu’il fautsavoir

    ENQUÊT EPerquisitionà la Société généraleUne discrète perquisitiona eu lieu mardi 5 avril à laSociété générale, l’une desbanques épinglées dansle scandale des « Panamapapers » pour avoir ouvertquelque 979 sociétés off-shore, par l’intermédiaire ducabinet d’avocats panaméenMossack Fonseca.Le siège du groupe à La Dé-fense (Hauts-de-Seine) a étéperquisitionné par les enquê-teurs de l’Office central delutte contre les infractions fi-

    nancières et fiscales, commel’a indiqué Le Journal du di-manche, dans le cadre de l’en-quête préliminaire ouverte le4 avril par le parquet nationalfinancier pour « blanchimentde fraudes fiscales aggra-vées ».

     !

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    Chefs d’entrepriseCadres dirigeants

    Services juridiquesExperts comptables

    2 jours sur

    lenouveau

    DROITdesCONTRATS

    Ord.-231 du 10 /02/16 applicabledès le 1er octobre 2016

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  • 8/17/2019 Le Monde 2 en 1 Du Mardi 12 Avril 2016

    8/32

    8 | planète MARDI 12 AVRIL 20160123

    Négociations climat : Tubiana revient dans le jeuParis soutient finalement l’architecte de la COP21 pour présider l’instance des Nations unies sur le climat

    Le dossier semblait clos. Endépit de la crédibilité ac-

    quise par la France lors dela conférence sur le cli-

    mat, la COP21, Paris ne présente-rait pas de candidature à la tête dela Convention-cadre des Nationsunies sur les changements clima-tiques (CCNUCC), l’instance oùsont rendus les grands arbitragesdans la lutte contre le réchauffe-ment. Lâchée par FrançoisHollande et sa ministre de l’envi-ronnement, Ségolène Royal, l’am-bassadrice chargée du climat,Laurence Tubiana, avait renoncé àajouter son nom sur la liste dessuccesseurs potentiels à la Costa-ricaine Christiana Figueres – quiquittera ses fonctions le 6 juillet –,transmise début avril ausecrétariat général de l’ONU.

    C’était sans compter l’art du revi-rement dans lequel excelle l’exé-

    cutif. La négociatrice Laurence Tu-biana pourra finalement défendreses chances à la CCNUCC. C’estdonc dans une ambiance particu-lière que s’ouvre une semainechargée pour la présidence fran-çaise de la COP21, avec plusieursréunions de travail dès lundi11 avril au matin, une rencontre,mercredi 13, entre Ségolène Royalet Xie Zhenhua, le négociateur enchef de la Chine, puis une série derendez-vous de la ministre de l’en-vironnement à Washington, du 14au 16 avril, dans le cadre de l’as-semblée de printemps de laBanque mondiale.

    Pendant ce temps-là, la négocia-trice en chef coprésidera à Paris,avec le Maroc (pays hôte de la pro-

    chaine COP, en novembre), unesession informelle des chefs de

    délégation d’une cinquantaine depays pour réfléchir à la mise enœuvre de l’accord de Paris. Car lebinôme Royal-Tubiana ne fonc-tionne bien que lorsqu’il estséparé ! Laurence Tubiana ne par-ticipe plus aux comités de pilo-tage, ces bilans mensuels exigéspar Laurent Fabius pendant lapréparation de la COP21 en 2015 etréunissant une cinquantaine depersonnes (conseillers ministé-riels, scientifiques, personnalitésde la société civile), depuis que laministre de l’environnement enassure le pilotage.

    Tour de passe-passe

    Ségolène Royal cache mal son ini-mitié pour la chef négociatrice,même si elle feint de voler à son se-cours. « C’est vrai qu’elle [Tubiana] 

    est tr ès très déçue, a réagi la minis-tre de l’environnement lors d’uneconférence de presse, le 6 avril. Jelui ai donné mon accord pour re- garder si on pouvait rouvrir le délaide candidature. » « Si c’est le cas, jela soutiendrai sans problème », a-t-elle ajouté, elle qui expliquait,quelques jours plus tôt, que la né-gociatrice avait mieux à faire quebriguer ce poste à la CCNUCC, parailleurs réservé à un candidat quiaurait les faveurs du secrétaire gé-néral, Ban Ki-moon.

    Par quel tour de passe-passeSégolène Royal, hostile à cettecandidature début avril, s’est diteprête à la soutenir une semaineplus tard ? Entre ces deux dates, letéléphone de François Hollande

    a sonné à plusieurs reprises. An-cien envoyé spécial du présidentde la République pour la protec-tion de la planète, Nicolas Hulotest l’un des premiers à lui avoir si-gnalé qu’il serait dommage que laFrance se passe de la candidatureet de l’expertise de Laurence Tu-biana, alors que tout restait à fairepour traduire dans les faits lesengagements de Paris.

    Laurent Fabius serait intervenu

    lui aussi pour sauver le soldatTubiana. « Fabius et Tubiana sontlargement associés au succès de laCOP21,  rappelle le climatologueJean Jouzel, soucieux de la conti-nuité du processus enclenché endécembre 2015, à Paris. Le poste le plus important dans les cinq pro-chaines années, c’est celui deChristiana Figueres, et LaurenceTubiana s’y prépare depuis long-temps. » A l’Elysée, on a pris peu àpeu conscience que la chef négo-ciatrice était sur le point de claquerla porte de l’organisation françaisede la COP21. « Elle n’acceptera de jouer le jeu que si elle obtient gainde cause pour la CCNUCC », confieune source diplomatique. Un dé-part en douceur déstabiliseraitmoins l’équipe de la COP21, réduiteen nombre depuis janvier, et qui

    devrait perdre encore une partiede ses troupes cet été.

    Le Quai d’Orsay, favorable depuisle début à cette candidature, a con-fié à l’ambassadeur François Delat-tre le soin de demander à Ban Ki-moon de rouvrir la liste officielle-ment close le 28 mars. Mardi5 avril, le chef de la mission perma-nente de la France auprès des Na-tions unies a été entendu.« La can-didature a bien été retenue », con-

    firme l’entourage du secrétaire gé-néral de l’ONU.

    Ce dernier a accepté d’autantplus facilement que l’affaire s’estconclue en coulisses, la listen’ayant pas vocation à être rendupublique. Mais surtout, il connaîtmieux que quiconque les critèresrequis pour ce poste de haut ni-veau, des critères que la candidatefrançaise remplit clairement. Dansle profil de poste adressé confiden-tiellement par les Nations unies àses Etats membres, dont Le Mondes’est procuré une copie, il est de-mandé d’abord au candidat une« connaissance approfondie de laConvention  [climat] , du protocolede Kyoto, de l’accord de Paris et del’ensemble de ses décisions » dont lachef négociatrice a été l’une desprincipales architectes.

    Le descriptif du poste insiste surla capacité du candidat à travailleravec les entités onusiennes et àson aptitude à construire des coali-tions. Le courrier mentionne quedes candidatures féminines « se-raient particulièrement appré-ciées ». Or, peu de favorites figure-raient sur la liste soumise à Ban Ki-moon, si ce n’est l’ambassadricemexicaine, Patricia Espinosa, quiavait présidé la COP de Cancun

    en 2010, et Laurence Tubiana.Pour un postulant déclaré, l’an-

    cien coprésident des assembléespréparatoires à la COP21, AhmedDjoghlaf, un autre principe doitprévaloir, celui de la rotation géo-graphique.  « Depuis la création dusecrétariat de la CCNUCC en 1991,l’Europe a occupé le poste pendant près de vingt ans, Figueres et doncl’Amérique latine, pendant six ans. L’Afrique et l’Asie n’ont jamais eucette opportunité. Le temps estvenu pour l’Afrique de diriger cetteinstitution, car ce continent est par-ticulièrement affecté par les chan- gements climatiques », explique lediplomate algérien. Si la route s’estrouverte pour la négociatricefrançaise, elle n’est pas complète-ment dégagée pour autant.p

    simon roger

    Ségolène Royal

    cache mal

    son inimitié

    pour la chef

    négociatrice

    s’il est une date que la ministre de l’environ-nement, chargée des relations internationalessur le climat, ne manque jamais de rappeler,c’est celle du vendredi 22 avril. Ce jour-là sera of-ficiellement ouvert au siège des Nations unies,à New York, le registre des signatures de l’accordde Paris (l’accord universel conclu le 12 décem-bre 2015 pour espérer conte nir le ré chauffe-ment climatique sous le seuil des 2 °C).

    Au moment de célébrer l’anniversaire de sesdeux ans à la tête du ministère, mercredi 6 avril,Ségolène Royal n’a pas dérogé à cette règle. « La journée du 22 avril va être un grand succès,  aavancé la ministre. La crainte d’une retombée dela mobilisation après la COP21 [la conférence deParis sur le climat]n’a pas lieu d’être. »

    Vers un record de participants ?

    Pour justifier son optimisme, la présidente de laCOP21 assure que plus de 130 pays, sur les 195que compte la Convention-cadre des Nationsunies sur les changements climatiques(CCNUCC), se sont engagés à faire le déplace-ment à New York. Le chiffre, s’il est atteint, cons-tituerait un nouveau record : 119 pays étaientprésents en 1982 en Jamaïque pour le premierjour de signature de la convention des Nationsunies sur le droit de la mer.

    Près d’une soixantaine de chefs d’Etat ou degouvernement, dont François Hollande, ontprévu de participer à la cérémonie du 22 avril,d’autres pays préférant dépêcher un représen-tant. Les acteurs majeurs du climat ont promisde s’y illustrer. Dans une déclaration présiden-tielle conjointe diffusée fin mars, la Chine et les

    Etats-Unis, les deux plus gros émetteurs mon-diaux de gaz à effet de serre, ont confirmé leurintention de signer l’accord dès le 22 avril. LesBasic (Brésil, Afrique du Sud, Inde, Chine) ontpris le même engagement.

    « On ne se soucie pas tant du record que de la dy-namique à entretenir , relativise-t-on dans l’en-tourage de la présidence française de la COP21.Cequi compte surtout, c’est la manière dont les paysvont mettre en place leur scénari o climat. »  Le2 mai devrait être publiée par le secrétariat de laCCNUCC une nouvelle synthèse de ces « contri-butions nationales ». Deux semaines plus tarddébutera la session traditionnelle de Bonn, enAllemagne, où les délégations vont tenter deconstituer un comité ad hoc pour la mise enœuvre de l’accord de Paris.

    D’ici à novembre, et le passage de relais au

    Maroc, pays organisateur de la COP22 à Marra-kech, la présidence française espère faire pro-gresser deux autres chantiers. Elle doit veiller àl’implication des acteurs non étatiques (collecti-vités territoriales et entreprises) et veut convain-cre un maximum d’Etats de ratifier sans tarderl’accord du 12 décembre 2015, qui ne pourra en-trer en vigueur qu’une fois ratifié par au moins55 pays représentants au moins 55 % des émis-sions des gaz à effet de serre. Une perspective « possible en 2017, probable en 2018 », prédit unnégociateur français, conscient de la complexitéeuropéenne. L’accord de Paris doit être approuvéà la fois par l’UE et par chacun de ses 28 membres,dont plusieurs ne semblent pas prêts à suivre lavoie d’une économie décarbonée.p

    s. r.

    22 avril, point d’orgue de la présidence française

    Laurence Tubiana, le dernier j ourde la COP21, le 12 décembre 2015,au Bourget (Seine-Saint-Denis).JEAN-CLAUDE COUTAUSSE/FRENCH POLITICS

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  • 8/17/2019 Le Monde 2 en 1 Du Mardi 12 Avril 2016

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    0123MARDI 12 AVRIL 2016 FRANCE   | 9

    suite de la première page

    Le 24 mars, ce Français de 34 ansavait été interpellé et un projetd’attentat « imminent » déjoué,selon le parquet de Paris. Long-temps domicilié en Belgique, lejeune homme avait été con-damné par contumace enjuillet 2015 pour avoir eu un rôleactif auprès d’un des plus gros re-cruteurs de djihadistes belges,Khalid Zerkani. Un réseau dontfaisait partie AbdelhamidAbaaoud. Alors qu’il avait disparuen Syrie, les enquêteurs avaientdécouvert qu’il était discrète-ment revenu en France.

    Les deux équipes participaient-elles au même projet d’attentat ?La France était-elle visée par deuxgroupes terroristes sans rapport

    entre eux ? Pour l’instant, aucunlien n’est établi entre le com-mando de Mohamed Abrini et leprojet d’attaque de Reda Kriket.

    A l’annonce des avancées del’enquête, le premier ministreManuel Valls s’est exprimé de-puis Alger. « C’est une preuve sup- plémentaire des menaces très éle-vées qui pèsent sur toute l’Europeet, bien sûr, sur la France en parti-culier », a-t-il notamment déclaré.« C’est un travail de longue haleineet nous devons dire aux Françaisque ce travail se poursuivra long-temps et que ce n’est pas parce quedes réseaux sont démantelés que

    d’autres réseaux ne pourront pas frapper », a indiqué, de son côté,le ministre de l’intérieur, BernardCazeneuve.

    Mohamed Abrini a en tout casété formellement identifiécomme étant « l’homme au cha-peau », a confirmé durant le week-end le parquet belge. Soit le troi-

    sième homme visible sur les ima-ges de vidéosurveillance de l’aéro-port de Zaventem, à Bruxelles, auxcôtés des deux kamikazes. Lors desa garde à vue, le jeune homme de31 ans a reconnu sa présence lorsdes attentats dans la capitalebelge. Mohamed Abrini a expliquéavoir jeté sa veste dans une pou-belle puis revendu son chapeauaprès avoir quitté l’aéroport et re-joint le centre de Bruxelles à pied,le matin du 22 mars.

    Son ADN avait été auparavantidentifié dans deux planques si-tuées sur la commune de Schaer-beek, à Bruxelles. C’est depuis l’une

    d’elle, rue Max-Roos, que sont par-tis les terroristes, le 22 mars, etdans la seconde, rue Henri-Bergé,qu’ont été confectionnées les cein-tures explosives pour les attentatsdu 13 novembre à Paris. C’est làaussi que Salah Abdeslam, ledixième homme du commandoparisien, a en partie séjourné du-rant sa cavale. Ce qui laisse penserque ce dernier a sans doute mentilors de sa garde à vue, le 19 mars,lorsqu’il a indiqué qu’il n’avait « ja-mais vu » Mohamed Abrini « dans[ses] différentes planques ».

    Trois individus ont été interpel-lés et placés en détention enmême temps que MohamedAbrini, vendredi 8 avril, et plu-sieurs perquisitions ont eu lieu àleur domicile. Deux d’entre euxont des profils relativement nou-

    veaux dans la galaxie franco-belge sur laquelle travaillaientjusqu’à présent les enquêteurs. Ilsdonnent un aperçu de l’ampleur

    de la toile djihadiste prête à passerà l’action en Europe.

    Le premier, Osama K., est un res-sortissant suédois. Il a été identifiécomme étant l’individu aux côtésdu kamikaze qui a commis l’atten-tat de la station de métro Mael-beek. Il était également présentdans un centre commercial, City 2,lors de l’achat des sacs de voyagequi ont servi à dissimuler les bom-

    bes des attaques de l’aéroport. Jus-qu’ici, Osama K. était recherchésous l’identité d’emprunt figurantsur son faux passeport syrien– Naïm Al-Hamed. Le deuxièmehomme arrêté, Hervé B. M., âgé de20 ans, est rwandais.

    Le troisième homme, lui, estun ancien du groupe Sharia-4Belgium. Ce groupuscule actifentre 2010 et 2012, en Belgique,

    Salah Abdeslama sans doute

    menti lors

    de sa garde à vue

    en niant avoir

    vu Abrini dans

    ses planques

    prônait ouvertement l’instaura-tion de la charia, y compris par laviolence. Bilal E. M., 27 ans, aliasAbu Imran, était un sympathisantdu mouvement. Sa participationactive n’a pas été prouvée à l’épo-que, mais il est établi qu’il a effec-tué un séjour en Syrie – comme laquasi-totalité du noyau dur deSharia4belgium – dont il est re-venu gravement blessé.

    Dans le jugement rendu en fé-vrier 2015 à l’issue du procès de46 membres du groupe, la justicebelge s’était inquiétée de la per-sistance des réseaux deSharia4Belgium malgré les con-damnations prononcées – douzeans de prison notamment pour leleader du groupe, Fouad Belkacem.Bilal E. M., lui, avait été laissé libresous bracelet électronique. Il est

    aujourd’hui soupçonné d’avoir di-rectement aidé Mohamed Abriniet Ossama K. dans leurs projets. p

    élise vincent

    l’homme soupçonné  d’êtrele deuxième terroriste du mé-tro bruxellois est un Suédoisde 23 ans, Osama K., né de pa-rents syriens. Interpellé ven-dredi 8 avril au matin à Laeken,dans la banlieue de Bruxelles,Osama K. a été aperçu le22 mars à la station de métroPétillon en compagnie de Kha-lid El Bakraoui, le kamikaze dumétro de Maelbeek.

    Osama K. a été repéré grâce àun message envoyé via Face-book à son frère cadet, permet-tant à Säpo, les services de sé-curité suédois, de prévenirleurs homologues belges. Lejeune homme habitait Malmö,la troisième ville du pays, etplus précisément Rosengård,

    un quartier assez centralconnu pour être la porte d’en-trée de nombreux immigrantsen Suède, ce même secteur oùa grandi Zlatan Ibrahimovic.

    Selon des renseignementspubliés dans la presse suédoise,Osama K. a connu le parcoursclassique de nombreux candi-dats au djihad – défiance vis-à-vis de la société, exclusion, dif-ficultés à obtenir un emploi. Unparcours qui, comme ses com-plices de Molenbeek, l’a menéde la délinquance au terro-risme. Le jeune homme auraitété lié depuis des années avecun réseau criminel de Malmö,impliqué dans des affaires deviolences et de trafic de drogue.

    Son endoctrinement fonda-mentaliste a eu lieu à Malmö,selon un proche de la famille

    cité dans un quotidien suédois.Osama K. a cessé de consom-mer alcool et drogue en s’ins-crivant dans un projet d’aide àl’emploi au sein des services deloisirs de la commune deMalmö où il aurait passé un an.Sa transformation serait deve-nue très visible dans les deux àtrois derniers mois avant sondépart pour la Syrie. Il s’étaitécarté de ses anciens amis,s’était laissé pousser la barbe etécoutait des prêches d’imamssur son téléphone mobile.

    Début 2015, il part pour la Sy-rie. Dès janvier 2015, un blog