Le Monde 13 Aout 2015

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Jeudi 13 août 2015 - 71 e année - N o 21950 - 2,20 € - France métropolitaine - www.lemonde.fr Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directeur : Jérôme Fenoglio Algérie 180 DA, Allemagne 2,50 €, Andorre 2,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 2,20 €, Cameroun 1 900 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d'Ivoire 1 900 F CFA, Danemark 30 KRD, Espagne 2,50 €, Finlande 4 €, Gabon 1 900 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,80 €, Guadeloupe-Martinique 2,40 €, Guyane 2,80 €, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,50 €, Italie 2,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,20 €, Malte 2,50 €, Maroc 13 DH, Pays-Bas 2,50 €, Portugal cont. 2,50 €, La Réunion 2,40 €, Sénégal 1 900 F CFA, Slovénie 2,50 €, Saint-Martin 2,80 €, Suisse 3,50 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,50 DT, Turquie 9 TL, Afrique CFA autres 1 900 F CFA NUCLÉAIRE : LE RETOUR EN ARRIÈRE DU JAPON Q uatre ans après la catas- trophe de Fukushima, puis la mise à l’arrêt pré- ventive des 48 réacteurs alors en activité, le Japon s’éclaire de nouveau au nucléaire. Le redé- marrage, le 11 août, du réacteur numéro 1 de la centrale Sendai en préfigure d’autres et constitue une victoire pour le gouverne- ment conservateur du premier ministre, Shinzo Abe. Depuis son retour au pouvoir, en décembre 2012, en effet, M. Abe plaidait pour la relance de l’atome au Japon. Nécessité fait loi, estimait-il : l’électricité nu- cléaire coûte moins cher et limite la dépendance du Japon aux four- nisseurs de pétrole, de gaz et de charbon. En outre, des réacteurs en activité servent son ambition d’exporter le « savoir-faire » nu- cléaire nippon. LIRE LA SUITE PAGE 15 Malgré la torpeur estivale, les agents des services de l’Etat en ré- gion sont en émoi. Beaucoup re- doutent de devoir subir, avec le re- groupement des régions, qui de- viendra effectif le 1 er janvier 2016, une mutation géographique ou fonctionnelle. Les inquiétudes sont particulièrement vives dans les actuels chefs-lieux de région qui vont perdre leur statut. « Nous sommes dans un mo- ment-clé, met en garde Christo- phe Delecourt, responsable de l’Union générale des fédérations de fonctionnaires (UGFF-CGT). En l’état actuel, il est bien difficile de se faire une opinion sur le nombre de postes qui vont être concer- nés. » Il compte sur la réunion prévue début septembre entre le gouvernement et les organisa- tions syndicales pour disposer de plus amples informations. patrick roger LIRE LA SUITE PAGE 7 Nouvelles régions : la valse des fonctionnaires FRANCE N° 9 ORANGE MÉCANIQUE DE STANLEY KUBRICK OFFRE RÉSERVÉE À LA FRANCE MÉTROPOLITAINE LE CINÉMA DU MONDE LA MUSIQUE À L’ÉCRAN 5 ,90 FILIÈRE PORCINE FORTES TENSIONS ENTRE ÉLEVEURS ET PRODUCTEURS LIRE PAGE 14 ART BRUT FANTAISIES CRÉATIVES EN HOMMAGE AU FACTEUR CHEVAL LIRE PAGE 17 TURQUIE LES JEUNES KURDES, D’UNE GUERRE À L’AUTRE LIRE PAGES 4-5 H aines inexpiables et rivalités assassines sont un ressort puissant des passions et des créations humaines. C’est vrai dans tous les domaines, artistique ou scientifique, culturel ou sportif. Après l’af- frontement entre les deux « vipères d’Hollywood » (Bette Davis et Joan Craw- ford), puis celui qui opposa les deux « génies du gé- nome » (Craig Venter et Fran- cis Collins), nous poursui- vons notre série sur les « en- nemis intimes », avec le duel impitoyable entre les deux « rois de l’arène », les mata- dors Luis Miguel Dominguin et Antonio Ordóñez. p LIRE PAGE 21 Antonio Ordóñez dans les arènes de Las Ventas, à Madrid, le 31 mai 1965. EM/AP L’ÉTÉ EN SÉRIES DOMINGUIN-ORDÓÑEZ, HAINE DE MATADORS Jeremy Corbyn, la surprise « rouge » du Labour Jeremy Corbyn, à Londres, le 7 août. JACK TAYLOR /REX/SYPA Le député britanni- que, antimonarchiste, socialiste et écologiste, domine largement la primaire du Parti travailliste Son succès inquiète l’aile modérée du Labour, qui attribue les échecs du parti à un positionnement trop à gauche LIRE PAGE 2 Yuan : les risques du revirement chinois Pour le deuxième jour d’affilée, la Chine a abaissé, mercredi 12 août, le taux de référence du yuan face au dollar Cette dévaluation de facto de la devise chinoise constitue un changement majeur de la politique monétaire de Pékin En mettant en place son nouveau mécanisme, le régime chinois prend le risque de raviver une guerre des monnaies Il espère ainsi relancer son économie et ses ex- portations, qui donnent de très nets signes de ralentissement Ce tournant accentue encore la forte chute du cours des matières premières LIRE PAGE 11 SÉCURITÉ LA POLICE UTILISE DES DRONES EN TOUTE ILLÉGALITÉ LIRE PAGE 8 DEVENEZ LES BUSINESS DÉVELOPPEURS DE DEMAIN Téléchargez votre dossier de candidature sur www.icd-ecoles.com business development, human adventure INSTITUT INTERNATIONAL DU COMMERCE ET DU DÉVELOPPEMENT - CRÉÉ EN 1980 ETABLISSEMENT D’ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR TECHNIQUE PRIVÉ RECONNU PAR L’ÉTAT Sabine CHOLLET 01 80 97 66 11 - 12 rue Alexandre Parodi - 75010 Paris Dernières dates de concours de bac à bac+4 tous les du mois de septembre mercredis

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Le journal francais Le Monde du 12 aout 2015

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Jeudi 13 août 2015 ­ 71e année ­ No 21950 ­ 2,20 € ­ France métropolitaine ­ www.lemonde.fr ― Fondateur : Hubert Beuve­Méry ­ Directeur : Jérôme Fenoglio

Algérie 180 DA, Allemagne 2,50 €, Andorre 2,40 €, Autriche 2,80 €, Belgique 2,20 €, Cameroun 1 900 F CFA, Canada 4,50 $, Côte d'Ivoire 1 900 F CFA, Danemark 30 KRD, Espagne 2,50 €, Finlande 4 €, Gabon 1 900 F CFA, Grande-Bretagne 1,90 £, Grèce 2,80 €, Guadeloupe-Martinique 2,40 €, Guyane 2,80 €, Hongrie 950 HUF, Irlande 2,50 €, Italie 2,50 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,20 €, Malte 2,50 €, Maroc 13 DH, Pays-Bas 2,50 €, Portugal cont. 2,50 €, La Réunion 2,40 €, Sénégal 1 900 F CFA, Slovénie 2,50 €, Saint-Martin 2,80 €, Suisse 3,50 CHF, TOM Avion 450 XPF, Tunisie 2,50 DT, Turquie 9 TL, Afrique CFA autres 1 900 F CFA

NUCLÉAIRE : LE RETOUR EN ARRIÈRE DU JAPON

Q uatre ans après la catas­trophe de Fukushima,puis la mise à l’arrêt pré­ventive des 48 réacteurs

alors en activité, le Japon s’éclaire de nouveau au nucléaire. Le redé­marrage, le 11 août, du réacteur numéro 1 de la centrale Sendai enpréfigure d’autres et constitue une victoire pour le gouverne­ment conservateur du premier ministre, Shinzo Abe.

Depuis son retour au pouvoir,en décembre 2012, en effet, M. Abe plaidait pour la relance de l’atome au Japon. Nécessité faitloi, estimait­il : l’électricité nu­cléaire coûte moins cher et limite la dépendance du Japon aux four­nisseurs de pétrole, de gaz et de charbon. En outre, des réacteurs en activité servent son ambition d’exporter le « savoir­faire » nu­cléaire nippon.

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Malgré la torpeur estivale, les agents des services de l’Etat en ré­gion sont en émoi. Beaucoup re­doutent de devoir subir, avec le re­groupement des régions, qui de­viendra effectif le 1er janvier 2016, une mutation géographique ou fonctionnelle. Les inquiétudes sont particulièrement vives dans les actuels chefs­lieux de région qui vont perdre leur statut.

« Nous sommes dans un mo-ment-clé, met en garde Christo­

phe Delecourt, responsable de l’Union générale des fédérations de fonctionnaires (UGFF­CGT). En l’état actuel, il est bien difficile de se faire une opinion sur le nombre de postes qui vont être concer-nés. » Il compte sur la réunion prévue début septembre entre le gouvernement et les organisa­tions syndicales pour disposer deplus amples informations.

patrick roger

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Nouvelles régions :

la valse des fonctionnaires

FRANCE

N° 9 ORANGE MÉCANIQUE

DE STANLEY KUBRICKO F F R E R É S E R V É E À L A F R A N C E M É T R O P O L I T A I N E

LE CINÉMA DU MONDELA MUSIQUE À L’ÉCRAN

5,90€

FILIÈRE PORCINE FORTES TENSIONS ENTRE ÉLEVEURS ET PRODUCTEURS → LIRE PAGE 14

ART BRUT FANTAISIES CRÉATIVES EN HOMMAGE AU FACTEUR CHEVAL→ LIRE PAGE 17

TURQUIELES JEUNES KURDES, D’UNE GUERRE À L’AUTRE → LIRE PAGES 4-5

H aines inexpiables etrivalités assassinessont un ressort

puissant des passions et des créations humaines. C’est vrai dans tous les domaines, artistique ou scientifique, culturel ou sportif. Après l’af­frontement entre les deux « vipères d’Hollywood » (Bette Davis et Joan Craw­

ford), puis celui qui opposa les deux « génies du gé­nome » (Craig Venter et Fran­cis Collins), nous poursui­vons notre série sur les « en­nemis intimes », avec le duel impitoyable entre les deux « rois de l’arène », les mata­dors Luis Miguel Dominguin et Antonio Ordóñez. p

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Antonio Ordóñez dans les arènes de Las Ventas,à Madrid, le 31 mai 1965. EM/AP

L’ÉTÉ EN SÉRIES

DOMINGUIN-ORDÓÑEZ,HAINE DE MATADORS

Jeremy Corbyn, la surprise « rouge » du Labour

Jeremy Corbyn,à Londres, le 7 août.

JACK TAYLOR /REX/SYPA

▶ Le député britanni­que, antimonarchiste, socialiste et écologiste, domine largement la primairedu Parti travailliste

▶ Son succès inquiète l’aile modérée du Labour, qui attribue les échecs du parti à un positionnement trop à gauche

→ LIRE PAGE 2

Yuan : les risques du revirement chinois▶ Pour le deuxième jour d’affilée, la Chine a abaissé, mercredi 12 août, le taux de référencedu yuan face au dollar

▶ Cette dévaluation de facto de la devise chinoiseconstitue un changement majeur de la politiquemonétaire de Pékin

▶ En mettant en placeson nouveau mécanisme, le régime chinois prendle risque de raviverune guerre des monnaies

▶ Il espère ainsi relancer son économie et ses ex­portations, qui donnent de très nets signesde ralentissement

▶ Ce tournant accentueencore la forte chute du cours des matières premières→ LIRE PAGE 11

SÉCURITÉ LA POLICE UTILISE DES DRONES EN TOUTE ILLÉGALITÉ → LIRE PAGE 8

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2 | international JEUDI 13 AOÛT 2015

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Corbyn bouscule le Labour sur sa gaucheAntimonarchiste, favorable à l’intervention de l’Etat, le député britannique domine la primaire travailliste

londres - correspondant

Personne n’aurait miséun penny sur JeremyCorbyn, lorsque s’estouverte, à la mi-juin, la

primaire du Parti travailliste qui doit désigner le successeur d’Ed Miliband, démissionnaire au len-demain de son échec aux élec-tions législatives du 7 mai. Les trois candidats considéréscomme sérieux ne l’avaient aidé àobtenir in extremis les parraina-ges nécessaires que pour affaiblir leurs adversaires.

Presque deux mois plus tard,alors que le vote s’ouvre vendredi 14 août – il sera clos le 10 septem-

bre –, M. Corbyn, 66 ans, députédu quartier londonien d’Islingtondepuis plus de trente ans, consi-déré comme un dinosaure gau-chiste par l’establishment du La-bour, fait la course en tête. Mardi, un sondage YouGov lui attribuait 53 % des voix, 32 points de plus qu’Andy Burnham, un proche d’Ed Miliband, et 35 points de plusque la candidate modérée YvetteCooper. Quant à Liz Kendall, qui se réclame de l’héritage centristede Tony Blair, elle plafonne à 8 %. Nombre de militants travaillistes se sont sentis humiliés par la pi-que de l’ancien premier ministre, désormais très décrié : « Ceux dont le cœur penche pour Corbyn

ont besoin d’une transplanta-tion », avait ironisé M. Blair.

Alors que l’échec du Labour auxlégislatives est généralement at-tribué à un positionnement trop àgauche, l’émergence de l’un des rares députés à s’affirmer « socia-liste », dans un pays où ce mot équivaut à un chiffon rouge, estconsidérée comme suicidaire. La presse de gauche a d’ailleurs long-temps traité M. Corbyn avec condescendance, attribuant sa popularité à la mode du vintage etau profond désarroi consécutif àl’échec électoral.

Mais l’affluence à ses meetings,le large soutien des instances loca-les du parti dont il bénéficie, et

surtout, son adoubement par lescentrales syndicales Unison et Unite, qui financent la campagne du Labour, obligent désormais les médias à le prendre au sérieux.

« Antidote au virus Blair »

Corbyn est « l’antidote au virusBlair au sein du Labour », a déclaréDave Ward, jeudi 30 juillet, en ap-portant le soutien du syndicat dessalariés de la communication, fortde 200 000 adhérents. « Nous reje-tons l’idée que le Labour doit se po-sitionner au centre », a-t-il ajouté en réclamant un programme en faveur d’« une plus juste redistribu-tion des richesses, des emplois et des salaires décents ». Le refus

d’Harriet Harman, leader par inté-rim du parti, de condamner les coupes drastiques dans les presta-tions sociales décidées par le gou-vernement Cameron a exacerbé les tensions internes.

Pour l’appareil du Labour, acquisau libéralisme économique dé-bridé et au retrait de l’Etat, le profilde Jeremy Corbyn relève du non-sens. Assidu des piquets de grève, antimonarchiste, partisan de la renationalisation des chemins de fer, militant du désarmement nu-cléaire, de la solidarité avec la Pa-lestine et du refus de la guerre en Irak, l’élu d’Islington passe son temps au Parlement à s’opposer à la ligne de son propre parti.

Ascétique, végétarien, refusantde boire de l’alcool et de posséder une voiture, il est perçu comme la caricature des intellectuels de gau-che du nord de Londres. De Karl Marx, il y a « beaucoup de choses àapprendre », a-t-il affirmé, faisant frissonner l’auditoire de la BBC. Certes, il est partisan du maintien dans l’Union européenne, mais « une meilleure Europe défendant la justice sociale et pas la finance ».

Revendications claires

Dénué de charisme mais fort desa simplicité et de revendications claires qui font totalement défaut à ses concurrents, M. Corbyn mo-bilise la jeunesse éreintée par la politique d’austérité du gouver-nement Cameron, qui voit en lui le leader d’un Podemos ou d’une Syriza à la britannique. A ceux quiaffirment qu’aucune victoireélectorale n’est possible avec son programme, il répond que les Ecossais ont plébiscité le SNP(Parti national écossais), résolu-ment positionné à gauche, et qu’en Angleterre même, 36 % de l’électorat n’a pas voté. Il se fait fort de mobiliser les abstention-nistes avec un programme d’in-terventions étatiques destiné à « supprimer les pires vestiges de la pauvreté en Grande-Bretagne ».

La réforme du mode d’électiondu dirigeant, qui donne aux sym-

Jeremy Corbyn en campagne, le 20 juin,à Stevenage, dans l’est de l’Angleterre. DARREN STAPLES/REUTERS

pathisants le même pouvoir qu’aux adhérents ou aux syndica-listes, est favorable à l’outsider. Outre les 79 000 adhésions enre-gistrées depuis les élections, 145 000 personnes ont payé les 3 livres sterling nécessaires pourparticiper au vote dont le résultat sera annoncé le 12 septembre. Cela équivaut à un doublement des effectifs, les nouveaux venussoutenant massivement M. Cor-byn.

Secouée, la direction du partidénonce à la fois l’« entrisme » de groupes d’extrême gauche et les manœuvres d’électeurs de droite qui « votent Corbyn » pour tuer le Labour, comme le quotidienconservateur le Daily Telegraph les y encourage.

Avec M. Corbyn, « le danger estque le grand parti de gouverne-ment qu’est le Labour soit réduit à un simple groupe de pression », es-time Tristram Hunt, ministre de l’éducation du cabinet fantômedu Labour. Les adversaires du dé-puté rebelle évoquent avec fureurle précédent de Michael Foot, dont le programme très à gauche, ayant débouché sur le triomphede Margaret Thatcher en 1983, est resté dans les annales comme « laplus longue lettre de suicide jamaisécrite ». Complexe, à plusieurs tours, le système électoral interneau Labour n’assure nullement la victoire finale de Jeremy Corbyn. Mais, quel qu’il soit, le prochain leader travailliste ne pourra pas ignorer son message radical. p

philippe bernard

Le dilemme des sociaux-démocrates, selon D’Alemabruxelles - bureau européen

L a gauche sociale-démo-crate est déchirée entre sonsoutien à une politique

européenne en grande partie do-minée par la droite allemande et la vogue des partis de la gauche radicale comme Podemos ou Sy-riza. « Les sociaux-démocrates de-vraient être ceux qui veulent chan-ger l’Europe. S’ils se présentent seu-lement comme l’une des parties d’une coalition qui veut, au contraire, préserver le statu quo, ilsauront perdu », diagnostiqueMassimo d’Alema, lors d’une ren-contre avec Le Monde. L’ancien premier ministre et ministre ita-lien des affaires étrangères pré-side aujourd’hui la Foundation for European Progressive Studies (FEPS), un centre de réflexion éta-bli à Bruxelles, « boîte à idées » pour les socialistes européens.

« Notre coopération avec lesconservateurs du PPE est obliga-toire, mais nous devons préserver notre identité, parler clairement,dire jusqu’où on peut aller », affirme l’ex-dirigeant italien. LaCommission et l’Union euro-

péennes sont, de fait, dirigées par une coalition entre les conserva-teurs du Parti populaire européenet les sociaux-démocrates. Avec une gauche soumise à l’hégémo-nie de la droite et en panne de lea-dership. François Hollande est in-tervenu dans le dossier grec pour éviter ce que des socialistes pré-sentaient comme un désastremais ni lui ni le président du conseil italien, Matteo Renzi, ne parviennent à remettre en cause le dogme de l’austérité et du pactede stabilité, cette « stupide norme arithmétique » selon RomaniProdi, ancien président de laCommission de Bruxelles. Un so-cial-démocrate néerlandais, Je-roen Dijsselbloem, dirige l’Euro-

groupe, mais il ne songe pas une seconde à dévier de la ligne de la rigueur fixée par Berlin.

« L’épisode grec a pourtant été unsignal d’alarme, analyse M. d’Alema. Il a montré que les vraisproblèmes de ce pays étaient le sou-tien à la croissance, l’investisse-ment et la compétitivité. Réformer son système de retraites ou assurer la transparence de ses statistiques était nécessaire, mais ajouter la flexibilité du marché du travail et lesprivatisations à l’austérité ne peut tout simplement pas marcher ! »

L’ancien premier ministre souli-gne la nécessité urgente de relan-cer, au niveau européen, l’inves-tissement, au-delà du plan Junc-ker, qui compte sur des capitaux privés : « Il faudra aussi de l’argentpublic pour des programmes d’in-frastructures et de recherche. Sans cela, on n’y arrivera pas. »

La gauche a quand même ob-tenu, à Bruxelles, une certaine « flexibilité » dans le respect des critères budgétaires par les diffé-rents Etats. « Bien, mais insuffi-sant », diagnostique le présidentde la FEPS. L’Allemagne, cette « belle-mère sévère », devrait plu-

tôt être « à la hauteur de son rôle de leader en se montrant géné-reuse et consensuelle ».

Autres priorités, selonM. d’Alema : la lutte contre les iné-galités et une politique euro-péenne de la dette. Car s’il faudradégager des marges pour la Grèce en restructurant sa dette, il faudraaussi y songer pour d’autres Etats,selon lui. Et peut-être même pour tous ceux où la dette dépasse 60 % du produit intérieur – comme l’avait suggéré naguèreune structure consultative du gouvernement… allemand.

Pour cet ancien membre deL’Olivier italien, la gauche sociale-démocrate doit coopérer avec la gauche radicale. L’exemple à sui-vre est celui du PSOE espagnol, quisoutient les maires Podemos de Madrid et Barcelone. « Un choix courageux. » Quant à la Grèce, il faut considérer le fait qu’Alexis Tsipras n’est pas antieuropéen, souligne M. d’Alema. « Différents populismes sont à l’œuvre, maisn’oublions pas que certains consis-tent aussi en une révolte citoyenne contre des élites défaillantes. » p

jean-pierre stroobants

Pour l’appareil

du Labour, acquis

au libéralisme

économique et au

retrait de l’Etat, le

profil de Jeremy

Corbyn relève

du non-sens

« Les sociaux-

démocrates

devraient être

ceux qui veulent

changer l’Europe »

MASSIMO D’ALEMA

ex-premier ministre italien

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0123JEUDI 13 AOÛT 2015 international | 3

De Gaza, « il est plus difficile d’aller en Israël qu’en Norvège »Dix ans après l’euphorie provoquée par le retrait des colons, les habitants subissent les conséquences du blocus

REPORTAGE

gaza - envoyé spécial

Le vieux lion a mauvaisemine. Il dépérit dans sacage trop étroite. Ses voi­sins ne vont guère mieux.

Quelques singes, deux autruches, des chevaux, un cerf et des coqs sont laissés sans surveillance dans ce zoo misérable d’Asda City, dans le sud de la bande de Gaza. Les familles s’offrent une respira-tion dans ce complexe, plutôt re-nommé pour ses attractions nau-tiques. On y pique-nique, on rit, on se change les idées. Difficiled’imaginer qu’il y a dix ans, les Pa-lestiniens ne pouvaient même pas s’aventurer dans cette partiedu territoire, où se trouvaient plu-sieurs colonies israéliennes.

Leur démantèlement a com-mencé le 15 août 2005 sur déci-sion unilatérale du premier mi-nistre de l’époque, Ariel Sharon. Jusque-là, 21 communautés trans-formaient la bande de Gaza engruyère. Il s’agissait de zones ul-tra-sécurisées, bordées de barriè-res, de tourelles et de points de contrôle de l’armée. Environ 8 000 Israéliens vivaient ainsi re-clus. Leur retrait, à l’époque, futun immense espoir pour les Pa-lestiniens. Celui d’une normalité qui ne leur sera jamais accordéepar la suite, au gré de trois guerreset d’un blocus économique.

Ali Wadi avait 16 ans, en cet été2005. Il attendait le départ des Is-raéliens avec une excitation qu’onréserve aux grands jours de sa vie.« On était postés le long de la bar-rière, avec des copains. Quand ilssont tous partis, on a foncé vers la mer. Dans la zone de la colonie, on

a traversé les ruines des maisonsque les Israéliens venaient de dé-truire. » Ali est comptable dans leparc d’attractions. Le bâtimentadministratif où il nous reçoitétait une crèche, avant 2005. Il est situé à côté de l’ancien tribunal ci-vil, transformé en salle de prière.

Liberté de circulation intérieure

Au moment du retrait, il fut dé-cidé, côté israélien, de ne laisserintacts que les bâtiments publicset une partie des serres agricoles. Les Palestiniens, eux, détruisirentles synagogues ou les reconverti-rent, pillèrent les matériaux et les équipements réutilisables. A Neve Dekalim, la plus grande co-lonie du Gush Katif, les locaux de l’administration ont accueilli une branche de l’université Al-Aqsa.Près de 17 000 étudiants se pres-sent sur le campus, dont beau-coup de jeunes filles entièrement voilées. « Ça montre que noussommes des gens de sciences et de paix, assure le professeur Neamat Shaban Alwan, vice-président chargé des affaires culturelles. Achaque rentrée, nous expliquons aux étudiants que les colons vi-vaient ici, avant. »

Le professeur se réjouit du retraitisraélien de Gaza, qui a rendu aux Palestiniens une liberté de circula-tion intérieure. Mais il reconnaît que l’absence d’interaction éloi-gne les deux peuples. « On ne voit plus les Israéliens que dans leurs chars et leurs avions. Au début des années 1990, quand fut créée l’Autorité palestinienne, il y avait des voyages communs entre étu-diants juifs et palestiniens, des Pa-lestiniens travaillaient dans les co-lonies. Tout ça, c’est fini. Pour nos

étudiants, il est devenu plus difficiled’aller en Israël qu’en Norvège. »

Le premier souvenir des habi-tants est le sentiment de liberté de mouvement. A l’époque où les Israéliens vivaient dans les colo-nies de Gaza, leurs parcours quo-tidiens étaient un enfer. Certains tronçons de la route Salaheddine, la grande artère Nord-Sud, étaientinterdits. L’axe Est-Ouest, qui re-liait le bloc du Gush Katif à Israël, offrait une voie réservée aux co-lons. En 2005, avec leur départ, lesGazaouis ont pu enfin se déplacerlibrement, à pied ou en voiture, pour rendre visite à leurs proches en quelques minutes ou se bai-gner dans la mer sans faire de dé-tour extravagant.

Le projet le plus ambitieux surles anciennes terres des colons estl’hôpital de l’Amitié turco-palesti-nienne. Les bâtiments se dressentfièrement sur les lieux où se trou-vait autrefois la colonie de Netza-rim. L’hôpital doit à la fois fournirdes services sans précédent aux habitants de la bande de Gaza etaccueillir des étudiants en méde-cine. « Il a fallu quatre ans pour construire l’édifice au lieu de deux, à cause du blocus israélien, sou-pire Saïd Salah, docteur palesti-nien très renommé, âgé de 62 ans.Si vous revenez dans un an, l’hôpi-tal fonctionnera. » En attendant, ilfaut surmonter un obstacle. Com-ment acheminer les équipementsen provenance d’Allemagne et desEtats-Unis ? Il faut miser sur la bonne volonté actuelle des Israé-

liens, qui laissent davantage dechargements entrer dans la bande de Gaza.

Les freins et les déceptions, de-puis dix ans, n’ont pas été exclusi-vement le fait des Israéliens. La transmission des colonies à l’Autorité palestinienne, en 2005,a été mal gérée, se souviennentles acteurs de l’époque. Le secteur agricole a dépéri, faute de compé-tences et de débouchés.

« Corruption »

« Il y a eu beaucoup de rivalités, de conflits et de corruption pour sa-voir qui contrôlerait le business », souligne Omar Shaban, directeur du centre d’analyse Pal Think. Après 2007 et sa prise de pouvoirdans la bande de Gaza, le Hamas s’est emparé de nombreux actifs,

La transmission,

en 2005, a été

mal gérée. Le

secteur agricole

a dépéri, faute

de compétences

et de débouchés

Le complexe de loisirs d’Asda City, sur un terrain occupé jusqu’en 2005 par la colonie israélienne de Ganei Tal, le 11 août. SAID KHATIB/AFP

directement ou par l’intermé-diaire d’entrepreneurs amis.

« L’objectif est d’utiliser l’argentpour les orphelins et les familles desmartyrs », assure un cadre admi-nistratif dans le grand centre de loisirs de Netzarim. « Les colonies représentaient près de 30 % de labande de Gaza, explique l’écono-miste Mohsen Abou Ramadan, duCentre arabe pour le développe-ment agricole, une ONG. Après sa prise de pouvoir, le Hamas a essayéde réhabiliter une partie des terres et de développer des projets renta-bles. Officiellement, ils disent utili-ser ces sols pour l’intérêt public. Mais il n’y a aucune transparence. Personne ne sait qui gagne de l’ar-gent, le Hamas, le gouvernement ou des entreprises privées. » p

piotr smolar

L’HISTOIRE DU JOUR

Et, soudain, Bachar Al-Assad écouta son peuple

beyrouth - correspondant

Q uand Bachar Al-Assad veut écouter larue, il sait le faire. Le président syrien,qui a toujours refusé de sacrifier seshommes à la pression populaire, mê-

mes les plus corrompus et les plus brutaux, a accepté pour une fois d’y céder. Selon l’agencede presse nationale syrienne, Sana, le lointain cousin du président qui avait abattu un offi-cier supérieur à Lattaquié, la semaine der-nière, provoquant la colère des habitants de cefief loyaliste, a été incarcéré lundi 10 août. Sonaccès de folie, tout autant que son arrestation,exceptionnellement rapide, témoignent de la fébrilité du régime syrien, qui ploie de plus enplus sous les coups de la rébellion.

Jeudi 6 août, Souleiman Al-Assad, âgé d’unevingtaine d’années, a tué d’une rafale de kala-chnikov le colonel Hassan Al-Cheikh, qui avait refusé de le laisser passer dans un embou-teillage. Fils de Hilal Al-Assad, le chef d’une mi-lice loyaliste mort au combat en mars 2014, il était jusque-là l’un des voyous les plus honnis de Lattaquié, ville à majorité alaouite, la con-fession du clan Assad. Après s’être emparés de la majeure partie de la province d’Idlib au prin-temps, les insurgés ne sont plus qu’à quelques dizaines de kilomètres de Lattaquié.

Samedi, pour exiger que justice soit faite,plus d’un millier de personnes ont défilé dansles rues de la ville côtière, tout en brandissantdes pancartes favorables au président. L’am-

pleur de la mobilisation, dans une localitéquadrillée par les indics du régime, n’expri-mait pas seulement un ras-le-bol à l’égard de l’impunité accordée au jeune « vaurien ». Elle trahissait aussi l’écœurement de la popula-tion alaouite, principal réservoir de combat-tants loyalistes, qui enterre chaque semaine plusieurs dizaines de ses fils, sans voir la moindre issue au conflit.

Conscient qu’il ne peutpas se permettre de perdre le soutien de cette commu-nauté, l’épine dorsale deson régime, Bachar Al-As-sad a ordonné à ses servi-ces de sécurité de sévir. Non pas contre les mani-festants, comme ils en ont l’habitude, mais contrel’objet de leur courroux. Souleiman Al-Assad a donc été arrêté nonloin de Kardaha, le village natal de la dynastie Assad. Une décision qui doit laisser songeurs les habitants de Deraa, à la frontière avec laJordanie. En mars 2011, la police avait ouvert lefeu, alors qu’ils protestaient contre les tortu-res infligées à plusieurs de leurs enfants enraison d’un graffiti anti-Assad anodin. Le res-ponsable de ces violences, étincelle fonda-trice de la révolution, était le gouverneur de Deraa, Atef Najib. Un autre cousin de BacharAl-Assad, qui n’a jamais été arrêté. p

benjamin barthe

LE RÉGIMESYRIEN, FÉBRILE, PLOIE DE PLUSEN PLUS SOUSLES COUPS DELA RÉBELLION

- CESSATIONS DE GARANTIE

LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRETD’APPLICATION N° 72-678 DU 20

JUILLET 1972 - ARTICLES 44QBE FRANCE, sis Cœur Défense –Tour A – 110 esplanade du Général deGaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX(RCS NANTERRE 414 108 708), succur-sale de QBE Insurance (Europe) Limited,Plantation Place dont le siège social est à30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD,fait savoir que, la garantie inancière dontbénéiciait la:

SARL IMMOBILIERE DALAYRAC120 Avenue du Maréchal Joffre94120 FONTENAY SOUS BOIS

RCS: 394 919 799depuis le 1er janvier 2004 pour ses activitésde :TRANSACTIONS SUR IMMEUBLESET FONDS DE COMMERCE cesserade porter effet trois jours francs aprèspublication du présent avis. Les créanceséventuelles se rapportant à ces opérationsdevront être produites dans les trois moisde cette insertion à l’adresse de l’Établis-sement garant sis Cœur Défense – TourA – 110 esplanade du Général de Gaulle– 92931 LA DEFENSE CEDEX. Il est pré-cisé qu’il s’agit de créances éventuelles etque le présent avis ne préjuge en rien dupaiement ou du non-paiement des sommesdues et ne peut en aucune façon mettre encause la solvabilité ou l’honorabilité de laSARL IMMOBILIERE DALAYRAC.

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JUILLET 1972 - ARTICLES 44QBE FRANCE, sis Cœur Défense –Tour A – 110 esplanade du Général deGaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX(RCS NANTERRE 414 108 708), succur-sale de QBE Insurance (Europe) Limited,Plantation Place dont le siège social est à30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD,fait savoir que, la garantie inancière dontbénéiciait la:

SARL COMPAGNIE EUROPÉENNEDE FINANCE

38 Avenue Georges Mandel75116 PARIS

RCS: 478 587 447depuis le 21 octobre 2004 pour ses activitésde : TRANSACTIONS SUR IMMEUBLESET FONDS DE COMMERCE cessera deporter effet trois jours francs après publica-tion du présent avis. Les créances éventuellesse rapportant à ces opérations devront êtreproduites dans les trois mois de cette inser-tion à l’adresse de l’Établissement garant sisCœur Défense – Tour A – 110 esplanade duGénéral de Gaulle – 92931 LA DEFENSECEDEX. Il est précisé qu’il s’agit decréances éventuelles et que le présent avisne préjuge en rien du paiement ou du non-paiement des sommes dues et ne peut enaucune façon mettre en cause la solvabilitéou l’honorabilité de la SARL COMPAGNIEEUROPÉENNE DE FINANCE.

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JUILLET 1972 - ARTICLES 44QBE FRANCE, sis Cœur Défense –Tour A – 110 esplanade du Général deGaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX(RCS NANTERRE 414 108 708), succur-sale de QBE Insurance (Europe) Limited,Plantation Place dont le siège social est à30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD,fait savoir que, la garantie inancière dontbénéiciait la:SARL IMMOBILIER VICTOR HUGO

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JUILLET 1972 - ARTICLES 44QBE FRANCE, sis Cœur Défense –Tour A – 110 esplanade du Général deGaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX(RCS NANTERRE 414 108 708), succur-sale de QBE Insurance (Europe) Limited,Plantation Place dont le siège social est à30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD,fait savoir que, la garantie inancière dontbénéiciait la:

SARL AGENCE DE LA BIEVRE36 rue du Fer à Moulin

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depuis le 31/05/2013 pour ses activités de :TRANSACTIONS SUR IMMEUBLES ETFONDS DE COMMERCE cessera de por-ter effet trois jours francs après publicationdu présent avis. Les créances éventuellesse rapportant à ces opérations devrontêtre produites dans les trois mois de cetteinsertion à l’adresse de l’Établissementgarant sis Cœur Défense – Tour A – 110esplanade du Général de Gaulle – 92931LA DEFENSE CEDEX. Il est précisé qu’ils’agit de créances éventuelles et que le pré-sent avis ne préjuge en rien du paiementou du non-paiement des sommes dues etne peut en aucune façon mettre en causela solvabilité ou l’honorabilité de la SARLAGENCE DE LA BIEVRE.

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JUILLET 1972 - ARTICLES 44QBE FRANCE, sis Cœur Défense –Tour A – 110 esplanade du Général deGaulle – 92931 LA DEFENSE CEDEX(RCS NANTERRE 414 108 708), succur-sale de QBE Insurance (Europe) Limited,Plantation Place dont le siège social est à30 Fenchurch Street, London EC3M 3BD,fait savoir que, la garantie inancière dontbénéiciait la:SARL L’AGENCE SOUS LE JARDIN

2 allée des Primevères91370 VERRIERES LE BUISSON

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LOI DU 2 JANVIER 1970 - DECRETD’APPLICATION N° 72-678 DU 20

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SARL COPRA MÉDITERRANÉE975 Rue André Ampère

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Page 4: Le Monde 13 Aout 2015

4 | international JEUDI 13 AOÛT 2015

0123

Les jeunes Kurdes de Turquie, d’une guerre à l’autreLes miliciens kurdes qui affrontent les forces de sécurité revivent la guerre de leurs pères contre l’Etat turc

REPORTAGE

nusaybin (turquie) -

envoyé spécial

De longues rafalesd’arme automatiqueviennent de retentirdans la nuit, tirées de­

puis un blindé léger de la police po­sitionné au bout de la rue obscure.Une dizaine d’adolescents et de jeunes adultes masqués, armés de bombes incendiaires fabriquées à partir de bouteilles de bière vides, courent se mettre à couvert dans le désordre et la panique.

Ces apprentis miliciens, dont leplus vieux n’a pas 20 ans, vêtus d’uniformes dépareillés, de maillots où ils ont cousu l’effigiedu « président » Abdullah Ocalan – le chef emprisonné du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK),auquel le Mouvement de la jeu-nesse patriote révolutionnaire(YDG-H) est affilié – ont couvertleurs visages, qui du foulard noiret blanc de la guérilla kurde, quid’une cagoule militaire, qui d’un simple châle aux motifs fleuris. Ce soir, la consigne est de boucler leur quartier pauvre et périphéri-que, d’en interdire l’accès aux vé-hicules de police, d’en éloignerl’Etat. Quelques heures plus tôt,ils creusaient des fossés, amas-saient des sacs de terre, sous les regards résignés de leurs aînés.

« La police du peuple »

Depuis le 20 juillet et l’attentat de Suruç attribué à l’Etat islamique (EI) par Ankara et où 32 militants prokurdes ont trouvé la mort, s’estouverte en Turquie une nouvelle phase de violences, qui met fin à deux années de cessez-le-feu. L’Etat bombarde massivement la guérilla kurde. Dans les campa-gnes, les combattants du PKK mul-tiplient les attaques contre les for-ces de sécurité, tandis que dans les quartiers les plus défavorisés des villes kurdes, les YDG-H se heur-tent quotidiennement à la police.

Du haut de leurs 15 ou 20 ans, ilsarrêtent les voitures, ordonnent à certains chauffeurs d’abandon-ner leurs véhicules en travers des rues pour créer de nouveaux obs-tacles, contrôlent les identités. « Nous sommes la police du peu-ple », clamera l’un d’entre eux. Ils

transportent des caisses de bom-bes incendiaires, se lancent desordres puis traversent à la hâte, del’ombre d’une rue à l’autre, les li-gnes de mire policières.

Il ne s’agit pourtant pas d’un jeu.Le 26 juillet, un commandant de cette milice de jeunesse, détaché de la guérilla du PKK pour enca-drer clandestinement ces mili-tants, a été abattu lors d’échanges de tirs avec la police. Les jeunes ont décidé de renommer leur quartier en son honneur : « Mar-tyr Gelhat Gever », un nom de code inscrit à la bombe sur les murs. Son visage juvénile im-primé sur des affiches rouges ap-paraît au détour des rues, un« martyr » de plus dans des rues hantées par les fantômes de trente années de guerres livrées

par le PKK à l’Etat turc et traver-sées par l’écho des combats ac-tuels contre l’Etat islamique, en Syrie. Cette guerre syrienne a at-tiré nombre de jeunes du quartierdans les rangs du parti. Elle se dé-roule tout près de Nusaybin : del’autre côté de la frontière, à tra-vers 500 mètres de champs de mi-nes bordés de clôtures barbelées et de miradors, s’ouvrent les péri-phéries de Kamechliyé, la capitaledes régions kurdes de Syrie où le PKK s’est imposé et où il livre ba-taille aux djihadistes avec le sou-tien de l’aviation américaine.

Quelques blocs de ciment mar-quent la silhouette du cadavre de Gelhat à un carrefour où les mem-bres des YDG-H montent la garde.Un blindé de la police équipé d’une mitrailleuse est positionné

à proximité, quelque part dans lanuit. Des rafales retentissent à in-tervalles irréguliers quand des militants ou de simples passantstraversent sa ligne de tir, tandis que se font entendre depuis une salle de mariage voisine les ryth-mes saccadés d’une musique de fête. « Baissez-vous, mettez-vous àcouvert, l’ennemi est proche ! », crient les militants à ceux qui ap-prochent.

« Torturés à l’électricité »

Nés Kurdes et pauvres dans les an-nées 1990, ces jeunes hommesmasqués ont passé les premières années de leur vie aux heures lesplus sombres de l’insurrection du PKK. Comme bien d’autres à tra-vers les villes kurdes, ce quartierde Nusaybin, Abdul Kadir Pasha,

est habité par des familles qui ontété expulsées, à l’époque, de leurs villages situés dans des régionsd’action de la guérilla kurde. « Nous vivions dans une zone de guerre. Mon père a refusé de tra-vailler avec l’Etat, alors l’armée tur-que a détruit notre village en nous accusant d’aider le PKK, et ma fa-mille est venue s’installer à Nusaybin, raconte le responsablede la position, qui souhaite garderl’anonymat. En ville, on n’avait plus rien, mais l’Etat était toujours après nous. Un jour, les gendarmessont entrés chez nous, ils ont battumon père et mon oncle et ils les ontemmenés. Ils ne sont rentrés que plusieurs jours plus tard à la mai-son. Ils nous ont dit qu’on les avait torturés à l’électricité. »

Le récit de ce petit commandant

fait écho à tous ceux que nous avons recueillis le long des barri-cades du quartier, des souvenirs d’enfance emplis de bruits de bot-tes, de cris, d’arrestations et de tor-tures. Chacun connaît ici l’histoiredu « pont des martyrs » de Nusaybin où, en 1996, des dizai-nes de personnes sont mortes sous les chenilles de chars de l’ar-mée turque lors d’un rassemble-ment. « Quand je vois une voiture de police, je me souviens du jour oùles gendarmes ont frappé la tête de mon père contre la carrosserie de leurs véhicules devant notre mai-son avant de l’emmener », nous confiera l’un des jeunes militants qui se fait appeler Mazlum, avant d’asséner : « Pour nous, l’Etat, c’est l’ennemi. Avant, nous étions fai-bles, maintenant, nous pouvons nous venger. » Dans la nuit de Nusaybin, les guerres du passé se mêlent à celle que l’on prépare et àcelles que l’on mène déjà ailleurs.

Une mère accompagnée de sapetite fille se glisse dans la nuit pour s’adresser au commandant. Elle veut des nouvelles de son gar-çon de 17 ans, parti sans laisser de trace en septembre 2014 pour s’engager dans la guérilla. « Je nesais même pas s’il est ici ou en Sy-rie, s’il est vivant ou mort. » Elle veut savoir. Elle reste. Le jeunechef, d’abord déférent, prendra son numéro de téléphone et le nom du garçon, mais, embarrassédevant cette mère qui ne veut pas partir, lui apprendra d’un ton dur ce qu’elle sait déjà : « C’est la guerre, mère, ton fils est sûrement en Syrie, il ne reviendra pas. » Sapetite fille silencieuse au bout du bras, elle disparaît bientôt sans unbruit dans l’obscurité de la rue. p

allan kaval

M. Erdogan met le processus de paix avec le PKK « au frigo »L’armée a bombardé des positions de la rébellion kurde dans la province turque de Hakkari, frontalière de l’Irak et de l’Iran

istanbul - correspondante

E ngagée dans un « combatsynchronisé contre le terro-risme », selon les termes

du premier ministre Ahmet Da-vutoglu, l’armée turque a bom-bardé sans relâche, lundi 10 etmardi 11 août, des positions de larébellion kurde dans la provincede Hakkari, frontalière de l’Irak etde l’Iran, en représailles aux atta-ques organisées quotidienne-ment par les insurgés du Partides travailleurs du Kurdistan (PKK, pro-kurde, interdit en Tur-quie) contre les forces régulièresd’Ankara.

« Terroristes »

Après des années d’accalmie, laguerre avec le PKK couve, et cen’est qu’un début. Mardi, le prési-dent turc, Recep Tayyip Erdogan,a assuré que la campagne sepoursuivrait « jusqu’à ce qu’il nereste plus un seul terroriste à l’in-térieur de nos frontières ». Dansun discours retransmis à la télé-vision, le numéro un a vanté l’ef-ficacité des opérations aériennesmenées depuis le 24 juillet contreles positions du PKK en Irak et enTurquie et contre celles de l’Etat

islamique (EI) en Syrie, réputéespour être de moindre intensité.

Les hommes du « califat » et lesrebelles kurdes sont mis sur un même plan : « Nous ne faisons pas de différence entre les organi-sations terroristes », a marteléM. Erdogan, soulignant que leprocessus de paix engagé ces der-nières années avec la rébellionkurde était désormais « aufrigo ». « Malheureusement, ilsn’ont pas compris ce qui avait été fait pour eux », a-t-il regretté,dans une allusion aux conces-sions faites aux Kurdes dans lecadre du processus de paix.

Il n’y a pas si longtemps, le28 février, la solution du pro-

blème kurde semblait à portée demain. A l’origine d’une guerre quidura trente ans au sud-est del’Anatolie, causant la mort de40 000 personnes, le statut desKurdes, soit 20 % de la popula-tion, est, pour le pays, une vérita-ble épine dans le pied. RecepTayyip Erdogan semblait l’avoircompris, lâchant du lest aux ré-gions kurdes et s’engageant à ré-soudre le problème, dès son arri-vée au pouvoir en 2003.

La réconciliation fut actée ce28 février au palais de Dolmaba-hçe, sur les bords du Bosphore àIstanbul, où des représentants dugouvernement islamo-conserva-teur s’entendirent avec des dépu-

tés du Parti démocratique despeuples (HDP, prokurde de gau-che), alors investis dans le rôle demessagers entre Ankara et lePKK, pour jeter les bases d’un ac-cord.

La campagne électorale pourles législatives du 7 juin mit un bémol à cette avancée. On enten-dit alors le président turc clamerhaut et fort qu’il ne reconnaissaitpas la réunion de Dolmabahçe, etque, pour finir, il n’y avait « pas de problème kurde ». Les observa-teurs n’y virent rien de plusqu‘une tactique pour attirer lesvotes nationalistes.

Le 20 juillet, l’attentat de Suruç(32 morts), petit bourg qui croulesous les réfugiés du conflit syrienà quelques kilomètres de la fron-tière, allait porter le coup degrâce à la réconciliation turco-kurde. Attribué à un kamikazed’origine kurde natif d’Adyaman(sud-est de la Turquie) et formé en Syrie, l’attaque fut perçue par le Kurde de la rue, adepte desthéories du complot, comme uneopération des services turcs.

Deux jours plus tard, le PKK dé-terrait la hache de guerre en re-vendiquant l’assassinat de deuxpoliciers turcs à Ceylanpinar, sur

la frontière turco-syrienne. Em-barquée dans la coalition contre l’Etat islamique après des moisd’atermoiements, la Turquie ob-tint alors, semble-t-il, à l’arraché,l’aval de Washington pour frap-per les bases du PKK dans le nordde l’Irak. Selon la chaîne améri-caine Fox News, le commande-ment allié fut mis au courant parun officier de liaison turc « dixminutes » avant le début desraids aériens.

La nouvelle entente entre laTurquie et son allié américain estcousue de malentendus. Les in-terprétations diffèrent sur la« zone de sécurité », une bande de territoire au nord de la Syrie(entre Djarabulus à l’est et Azaz àl’ouest), réservée, selon les Turcs,

Pour Erdogan,

les djihadistes

de l’Etat

islamique et les

rebelles kurdes

doivent être mis

sur le même plan

« Pour nous, l’Etat,

c’est l’ennemi.

Avant, nous

étions faibles,

maintenant,

nous pouvons

nous venger »

MAZLUM

jeune militant kurde

aux combattants de l’Armée sy-rienne libre formés en Turquie,en tout 60 personnes.

L’option guerrière privilégiéepar M. Erdogan a été renforcée par la nomination, le 5 août, d’unnouveau chef d’état-major, Hu-lusi Akar, 63 ans, considéré comme adepte d’une ligne dure,contrairement à son prédéces-seur Necdet Özel. Mais le pari turcest hasardeux. En bombardant lenord de l’Irak et la Syrie, la Tur-quie ajoute au chaos au Moyen-Orient et rouvre la boîte de Pan-dore de son problème kurde.

Pas de solution militaire

Bien qu’affaiblie par les purgesengagées contre elle par les isla-mo-conservateurs, l’armée n’estpas sans savoir qu’il n’y a pas desolution militaire au problèmekurde. Ce que les soldats et lesservices turcs n’ont pas pu faire en trente années de guerre avec le PKK, n’a guère de chance de produire des résultats aujourd’hui, au moment où lesKurdes ont considérablement ga-gné en assurance et en prospé-rité, gérant leurs régions commebon leur semble. p

marie jégo

A Nusaybin, dans le quartier rebaptisé « Martyr Gelhat Gever », milicien tué par la police le 26 juillet. EMILIEN URBANO/MYOP POUR « LE MONDE »

Malentendu sur la « zone de sécurité »

Washington a démenti avoir conclu un accord avec Ankara sur la création d’une « zone de sécurité » dans le nord de la Syrie (entre Djarabulus à l’est et Azaz à l’ouest), réservée aux combat-tants de l’Armée syrienne libre. Le vice-ministre des affaires étrangères, Feridun Sinirlioglu, l’a décrite, mardi 11 août, comme une zone d’exclusion aérienne où les forces turques et américaines frapperont les djihadistes de l’Etat islamique mais aussi les combattants kurdes syriens (affiliés au Parti des tra-vailleurs du Kurdistan) qui pourraient s’y trouver. Mark Toner, le porte-parole du département d’Etat, a démenti : « Il n’y a aucun

accord sur quelque zone que ce soit. »

Page 5: Le Monde 13 Aout 2015

0123JEUDI 13 AOÛT 2015 géopolitique | 5

BATAILLEDE TAL ABYAD

BATAILLEDE RABIA

BATAILLEDE SINJAR

BATAILLEDE JALAWLA

BATAILLEDE KOBANÉ

Erbil

Souleimaniyé

Dohouk Mont Kandil

RakkaMossoul

Kirkouk

Tikrit

Deir ez-Zor

Homs

Sanliurfa

SuruçAttentat commis

par l’EI le 20 juillet,32 morts

Comme à Istanbul,présence du PKKà travers des milicesde jeunesse urbaine

Gaziantep

Alep

Damas

Ankara

Bagdad

Incirlik

Diyarbakir

Ceylanpinar

Lice

Dogubayazit

Mer Méditerranée

SYRIE

LIBAN

ARMÉNIE

GÉORGIE

AZERBAÏDJAN

AZERB.

TURQUIE

IRAK

IRAN

KURDISTAN

IRAKIEN

100 km

Le rêve d’un grand Kurdistan indépendant...

UNE IDENTITÉ COMMUNE

Zone de peuplement kurde

Zone montagneuse

UN DESSEIN POLITIQUE

Limite du Kurdistan d’aprèsle Mémorandum sur les revendications du peuple kurde (1919)

Limite définie par le traité de Sèvres en 1920

… laisse place à des aspirations autonomistes dans un chaos régional...

AVEC LE MORCELLEMENT DU TERRITOIRE IRAKIEN, UNE RECONNAISSANCE POLITIQUE

Limite du Kurdistan irakien autonome depuis 2005

Capitale du Kurdistan irakien

Territoire revendiqué par les Kurdes

Ressources en hydrocarbures

AVEC LA GUERRE EN SYRIE, UNE AUTONOMIE DE FAIT

Zone contrôlée par les Kurdes, en juin

Postes-frontières tenus par les forces kurdes

FACE À L’EI, UN FRONT COMMUN

Zone contrôlée par l’EI

Zone d’influence

Front entre les forces kurdes et l’EI

Batailles stratégiques entre Kurdes et djihadistes

Mobilisation des peshmergas dans la bataille de Kobané

... mais inquiète toujours la Turquie

L’ACTIVISME KURDE

Zone d’action du PKK

Récentes violences attribuées au PKK

Base arrière irakienne du PKK

Succès électoral du parti kurde HDPaux élections législatives de juin

DEPUIS 2013, L’ATTENTISME TURC FACEÀ L’EI POUR AFFAIBLIR LES KURDES

Forte présence des djihadistesen Turquie

Frontière poreuse pour les aspirants djihadistes et les trafics d’armes et

de pétrole

Crainte d’Ankara de voir les Kurdes du PKK rejoindre à sa frontière ceux du PYD

JUILLET 2015, UNE OFFENSIVE TURQUE SUR DEUX FRONTS : L’EI ET LE PKK

Principales bases aériennes turques mises à disposition des Américains pour frapper l’EI

Frappes turques contre le PKKdepuis le 24 juillet

SOURCES : THE GULF 2000 PROJECT ; INSTITUTE FOR THE STUDY OF WAR ; INSTITUT KURDE DE PARIS ; INTERNATIONAL CRISIS GROUP ; EIA ; AFP ; REUTERS ; LE MONDE

TURQUIE

De 12 à 15 millions

20 %

Non reconnus comme minorité,

les Kurdes ne bénéficient

d’aucune autonomie, mais

le Parti démocratique des

peuples (HDP), issu de

l’indépendantisme kurde, a

obtenu 80 députés au

Parlement turc en juin 2015.

HDP

PKK - Parti des travailleurs du Kurdistan - listé comme organisation terroriste parles Etats-Unis et l’Union européenne.

SYRIE

2,5 millions

9 %

Sous le régime du parti Baas,

les Kurdes ont subi une intense

politique d’arabisation. Depuis

le début de la contestation,

ils ont entamé un processus

d’autonomie des régions kurdes

où ils collaborent partiellement

avec Damas. Ils ont mis en place

des conseils populaires, des

comités, une armée et une force

de police.

PYD - Parti de l’union démocratique - a�ilié au PKK.

YPG - Unités de protection du peuple. Se sont imposées comme l’unique défenseur des Kurdes de Syrie face aux islamistes.

IRAK

5 millions

De 15 à 20 %

Les provinces de Dohouk, Erbil

et Souleimaniyé constituent la

région autonome du Kurdistan

irakien, qui dispose d’un

président, Massoud Barzani

(PDK), élu depuis 2005, d’un

gouvernement régional et d’un

Parlement.

PDK – Parti démocratique du Kurdistan – et UPK – Union patriotique du Kurdistan – qui contrôle l’extrême sud du Kurdistan autonome.

Peshmergas- Force arméedu Kurdistan irakien

IRAN

5 millions

Moins de 10 %

Non reconnus comme minorité.

Aucune autonomie politique.

PJAK - Parti pour une vie libre au Kurdistan - a�ilié au PKK.

PAYS

Estimation de la populationkurde

X %

Part de la population kurde dans la population totaledu pays

Statut et degré d’autonomie

Principales organisations

politiques

Milice de défense

Comment lire les encadrés ?

La recomposition à chaud du KurdistanLe cessez-le-feu en vigueur au Kurdistan turc a volé en éclats, le nord de la Syrie et le Kurdistan irakien sont menacés par l’Etat islamique

D epuis le 20 juillet, les frontières duKurdistan, région divisée entre qua-tre pays, se recomposent. L’attentat

qui a tué 32 militants prokurdes à Suruç, at-tribué par la Turquie à l’organisation Etat is-lamique (EI), a ouvert un nouveau cycle de violences. Aux premiers assassinats de poli-ciers turcs revendiqués par le Parti des tra-vailleurs du Kurdistan (PKK), qui considère l’Etat turc comme le véritable responsable de ces attaques, ce dernier a répliqué par unevague de bombardements aériens. Il a frappé les bases arrière du PKK dans le nord de l’Irak puis sur le sol turc, causant près de 400 morts, selon Ankara. Le PKK, lui, a fait plusieurs dizaines de morts parmi les forces de sécurité, et semble contenir sa violence.

Cette ex-guérilla d’inspiration marxiste-lé-niniste a mué à travers la guerre civile qui a fait plus de 40 000 morts depuis 1984, puis un processus de paix engagé en 2012. Elle estdevenue une organisation de contrôle des masses rendue incontournable par la crise actuelle. Le mouvement milite pour une re-connaissance des droits de la minorité kurdede Turquie et des modes de gestion partici-pative locaux. En juin, le principal organe po-litique national kurde, le Parti démocratiquedes peuples (HDP), avait réussi à rassembler une partie des voix de la gauche turque, con-tribuant à la perte de la majorité absolue du Parti de la justice et du développement (AKP,islamo-conservateur), une première en treize ans de règne de Recep Tayyip Erdogan.

En Syrie, le PKK et ses émanations localesont assis leur pouvoir à la faveur de la guerrecivile, en collaboration avec le régime du président Bachar Al-Assad. Les autres forma-tions kurdes ont été écrasées. Un embryon d’Etat émerge tant bien que mal, ce qu’An-kara refuse.

La Turquie a annoncé sa volonté de créer,sur un pan de la frontière, une « zone sécuri-sée » destinée à des rebelles arabes syriens al-

liés. Elle a brièvement bombardé des posi-tions de l’EI. Cette politique, fruit d’un accord avec les Etats-Unis, confond le PKK et l’EI sousle même vocable « terroriste », en donnant priorité à la lutte contre le premier. Elle met Washington en porte-à-faux, qui considère bien le PKK comme une organisation terro-riste. Mais ce dernier s’est imposé comme le plus efficace de ses alliés au sol contre l’EI.

Dans le même temps, les autorités de la ré-gion autonome du Kurdistan irakien, qui s’accommodent de la présence des bases ar-rière du PKK dans ses montagnes, ont fait part de leurs craintes de voir les violences s’étendre en Irak. Depuis la fin des années 2000, le gouvernement de Massoud Barzanis’est rapproché d’Ankara. Il écoule sa produc-tion pétrolière en Turquie. Ses combattants, également alliés de Washington contre l’EI, ont à plusieurs reprises manqué d’entrer en confrontation avec les forces du PKK.

La région a fait figure d’îlot de stabilité enIrak depuis l’invasion américaine de 2003, malgré ses divisions entre nord et sud, qui avaient dégénéré en guerre civile entre 1994 et 1998. Elle a pris ses distances avec l’auto-rité de Bagdad, en déliquescence. M. Barzani cherche à être reconduit au pouvoir par une nouvelle extension de son mandat, arrivé à son terme il y a deux ans. L’instabilité politi-que est grande, alors que l’EI est à une cin-quantaine de kilomètres d’Erbil, la capitale de la région.

Le Kurdistan iranien, où une émanationdu PKK est active, paraît le plus stable de la zone. Le pouvoir centralisateur de Téhéran est critiqué, la région est pauvre et surveilléede près par l’appareil de sécurité iranien, mais les violences se sont faites rares. Une partie de la population bénéficie du com-merce transfrontalier avec l’Irak. p

louis imbert

cartographie : flavie holzinger

et véronique malécot

Page 6: Le Monde 13 Aout 2015

6 | planète JEUDI 13 AOÛT 2015

0123

Le Gabon, partagé entre protéger et exploiter sa forêtLe pays, qui vit de ses ressources pétrolières, a créé 13 parcs pour lutter contre le changement climatique

PARIS CLIMAT 2015

libreville - envoyée spéciale

La machette glissée àsa ceinture, « c’estpour couper les pha-langes des bracon-

niers », assure Anne-Marie Ndong Obiang. Dans son uniforme vertcamouflage impeccable, cette éco-garde, ingénieure des eaux et fo-rêts à l’autorité incontestée, n’a pas l’air de plaisanter. Elle a connula rudesse des grands parcs du nord-est du Gabon : des zones quasi impénétrables où des trafi-quants souvent venus du Came-roun se livrent à l’orpaillage clan-destin, laissant derrière eux des cratères de 40 mètres de profon-deur jusqu’au cœur de ces im-menses forêts.

Anne-Marie Ndong Obiang di-rige à présent la réserve naturelle de l’Arboretum Raponda Walker, tout près de la capitale Libreville. Elle a mis cette fois ses forces au service de la lutte contre le mitageurbain. « Mes écogardes et moi, onne peut pas s’absenter une minute, sinon un chantier s’ouvre au bord de la piste ! », lance-t-elle. De fait, des maisons de belle dimensionpoussent sans autorisation et me-nacent cet écosystème forestierexceptionnel, bordé par quelquescriques de sable miraculeuse-ment préservées, mais limité aussi au sud par la capitale qui s’étale sans retenue.

« Ici, on compte une quarantained’espèces végétales endémiques et on en découvre encore alors qu’on se trouve à quinze minutes de l’aé-roport », assure l’écogarde. Son fa-vori est un alep de 67 mètres de haut qu’elle aime faire découvrir aux enfants des écoles.

La forêt équatoriale s’inscrit dansl’identité même du Gabon : elle couvre 87 % du territoire. Jusqu’à présent, le taux de déforestation n’y atteint guère que 0,02 % par an.Le pays ne compte que 1,8 million d’habitants, la plupart en ville, et vit essentiellement de ses ressour-ces pétrolières. « Sur 23 millions d’hectares boisés, nous en exploi-tons moins de 2 millions, annonce

Tanguy Gahouma Bekale, le secré-taire général du Conseil national climat. Mais nous n’avons pas l’in-tention de mettre notre forêt sous cloche. Nous avons besoin de l’ex-ploiter, de façon raisonnée, car nous voulons être rapidement clas-sés comme un pays émergent. »

Gage de bonne volonté

En 2009, le Gabon a interdit l’ex-portation des grumes entières, peu rentable et qui génère beau-coup de déchets, pour développer à la place l’activité de transforma-tion du bois. L’okoumé, dont on fait le contreplaqué, reste une im-portante source de devises. Nette-ment insuffisante pour le mo-ment, l’agriculture vivrière de-vrait également être développée. En outre, de grandes plantations d’hévéas s’installent dans le Nord :le gouvernement annonce vouloirdevenir l’un des premiers produc-teurs africains d’huile de palme.

En même temps, il affiche sa dé-termination à prendre part à la lutte contre le changement clima-tique. Le Gabon a été le premier Etat africain, le 31 mars, à livrer ses engagements en vue de la confé-rence mondiale sur le climat qui setiendra en décembre à Paris (COP21). En gage de bonne volonté,il a également créé en 2002 des aires naturelles protégées : treize

d’un coup – essentiellement arbo-rées, évidemment – qui s’étendentsur près de 13 % du pays. Trois d’en-tre elles, dont l’Arboretum, enla-cent Libreville.

Cet effort de conservation doitbeaucoup à l’influence de Lee White. « Préserver les arbres, qui absorbent le dioxyde de carbone, est le moyen le moins coûteux de lutter contre le changement clima-tique », répète à l’envi ce scientifi-que baroudeur venu en Afrique il y a vingt-cinq ans étudier les grands singes, et qui dirige à pré-sent l’Agence nationale des parcsnationaux (ANPN).

« Le Gabon est une arche de Noéde la biodiversité, il a des forêts vieilles de trois millions d’années, s’enthousiasme-t-il. Ici, la princi-pale menace liée au réchauffe-ment, ce sont les afflux de réfugiés de la frange subsaharienne qui ne manqueront pas de descendre vers le sud, poussés par l’aggravation des sécheresses chez eux. »

L’homme est convaincu que lapopulation a besoin d’objectifs plus immédiats pour accepter les règles contraignantes qu’impose la bonne santé d’une forêt proté-gée. Il faut parvenir à créer des em-

plois grâce au tourisme. Et donc faire de l’ANPN une institution pé-renne et respectée comme peu-vent l’être ses homologues du Ke-nya ou du Costa Rica, qui ont su va-loriser leurs patrimoines naturels.

L’agence a besoin d’argent pourfinancer la surveillance des forêts, offrir quelques aménagements aux visiteurs. Elle tient dans ses cartons des croquis de chemins suspendus, d’aires de jeux, de sitesd’observation de la faune et aussi de « lodges » pour amateurs de nature fortunés. « Il suffirait d’un rien pour que tout retombe commeun soufflé. La situation est fragile »,prévient Eric Arnhem, qui travaillesur place pour l’ONG Wildlife Con-servation Society.

Erosion littorale

Car l’Etat freine ses dépenses, alorsque le cours du pétrole est en baisse, grevant le budget de l’ANPN. La France, par l’intermé-diaire de l’Agence française de dé-veloppement, doit apporter 11 millions d’euros pour les trois parcs autour de Libreville, issus d’un fonds consacré à la gestion durable des forêts de 58 millions d’ici à 2020, grâce à un système de

conversion de dettes du Gabon en-vers Paris.

« Les gens ne comprennent paspourquoi on les empêche de chas-ser et de défricher pour cultiver leurs terres ancestrales. Nous de-vons répéter que cet environne-ment nous protège des inondationset de l’érosion littorale », confie Er-nest Ogandaga, maire d’Akanda. Sacommune s’étend aux abords du parc du même nom. Là, la rivière qui serpente au cœur d’une pro-fonde forêt tropicale est bordée d’une mangrove large de 5 kilo-mètres. Au loin, des cimes de troncs fantômes, comme carboni-sés, indiquent d’anciennes conces-sions mal exploitées.

« Avant, il y avait un tas de trafics,témoigne Clotaire Moukagni Sika, conservateur de la réserve

d’Akanda. Maintenant, on surveille les flux migratoires en même tempsque les braconniers. » Son grand défi a été de faire « déguerpir », comme il dit, les pêcheurs immi-grés du Bénin et du Nigeria, qui avaient installé des campements depuis une cinquantaine d’annéesà l’embouchure de la rivière. Ils coupaient la mangrove pour fu-mer leurs prises et chassaient va-rans et crocodiles nains, une es-pèce protégée. Surtout, leurs filets barraient tout l’estuaire, empê-chant les poissons juvéniles de re-joindre l’océan.

A présent, pélicans, hérons cen-drés et cigognes épiscopales sont revenus sur les vasières. Les pê-cheurs, eux, sont contraints d’allertravailler en mer. Ils s’en plaignent,dénoncent les dangers du large, le racket de chalutiers pirates, et re-prochent au parc de les avoir ex-pulsés. Leurs réticences ne sont pas les seuls problèmes. A l’appro-che de Libreville, la mangrove change de physionomie : les raci-nes imbriquées des palétuviers re-tiennent quantité de bouteilles en plastique et de déchets divers. Triste retour à la réalité urbaine. p

martine valo

Les modestes ambitions de l’Australie pour le climatL’un des premiers pollueurs par habitant, dépendant du charbon, veut réduire ses émissions de gaz à effet de serre de 26 % d’ici à 2030

sydney - correspondance

L’ Australie a beau ne comp-ter « que » 23 millionsd’habitants, ses engage-

ments pour le climat étaient trèsattendus. Elle est l’un des pre-miers pollueurs par habitant au monde, à cause notamment de sa dépendance au charbon, et sonpremier ministre libéral conser-vateur, Tony Abbott, est connu pour son soutien tous azimuts au secteur minier, poids lourd de l’économie.

Le chef du gouvernement a pro-mis, mardi 11 août, que l’Australieréduirait ses émissions de gaz à effet de serre de 26 % d’ici à 2030, par rapport au niveau de 2005. Des engagements qu’il juge « am-bitieux », mais considérés commelargement insuffisants par les dé-fenseurs de l’environnement.

Une cinquantaine de pays (dontles 28 de l’Union européenne) ont désormais rendu leur contribu-tion à l’ONU, en préparation de la conférence mondiale sur le climat qui se tiendra à Paris en décembre (COP21). Lors d’une conférence de presse, Tony Abbott a insisté : l’Australie fait mieux que le Japon (− 26 % d’ici à 2030 par rapport à 2013, année où les émissions ont atteint un record) et presque comme son voisin néo-zélandais. « Nous ne sommes pas en tête, mais nous ne sommes certaine-ment pas à la traîne », a déclaré fiè-rement le premier ministre. La promesse de l’Australie est cepen-dant en deçà de celle de nombreuxpays. Les Etats-Unis, deuxièmeplus gros émetteur de gaz à effet de serre après la Chine, se sont en-gagés à réduire leurs émissions de 26 à 28 % d’ici à 2025 (soit cinq ans

plus tôt que l’Australie) par rapportà 2005. L’Union européenne pré-voit, elle, de limiter ses rejets de 40 % en 2030 par rapport à 1990.

« Nous devons être responsablesd’un point de vue environnemen-tal, mais aussi au niveau économi-que », a martelé Tony Abbott. Le premier ministre fait régulière-ment parler de lui pour ses décla-rations à l’emporte-pièce, et l’envi-

ronnement a souvent été dans sa ligne de mire. Avant d’être élu, il avait qualifié le changement cli-matique de « connerie absolue ».Sa position a depuis évolué, puis-qu’il le juge désormais « impor-tant » et qu’il promet que l’Austra-lie sera « un participant très cons-tructif » à la COP21.

« En queue du peloton »

Mais Tony Abbott a aussi sup-primé une taxe sur les émissionsde carbone imposée aux indus-tries polluantes par le précédent gouvernement. Il ne rate jamaisl’occasion d’exprimer son scepti-cisme sur les énergies renouvela-bles. Et en 2014 encore, il vantait les bienfaits du charbon, « bon pour l’humanité », alors qu’il s’agit de la source d’énergie la pluspolluante. Le chef du gouverne-ment a même invité le minerai

dans sa conférence de presse de mardi, pour vanter la « grande qualité » du charbon australien.

Les critiques ne se sont pas faitattendre. Les engagements de l’Australie sont « parmi les plus fai-bles des pays développés », a dé-ploré Mark Butler, en charge de l’environnement dans l’opposi-tion. L’île-continent est « en queue du peloton », ont réagi plu-sieurs ONG. Pour le groupe de re-cherche Climate Council, « ces ob-jectifs sont inadaptés et ne proté-geront pas les Australiens des con-séquences du changement climatique ». L’Autorité austra-lienne sur le changement climati-que, composée d’experts indé-pendants, avait appelé en juillet à réduire les émissions de CO2 de 40 % à 60 % d’ici à 2030 par rap-port à 2000, afin que l’Australie respecte la limite de 2 °C d’aug-

mentation de la température moyenne mondiale par rapport à l’ère préindustrielle.

Pour le WWF, « si tous les paysfournissaient le même niveau d’ef-fort que l’Australie, le monde pour-rait se préparer à un réchauffementde 3 à 4 degrés ». Pourtant, note l’organisation, « les Australiens su-bissent déjà les effets du réchauffe-ment climatique » avec une météo de plus en plus extrême, marquée notamment par des périodes de sécheresse à répétition et des cy-clones plus fréquents et violents.« Si le reste du monde suivait l’exemple australien, la GrandeBarrière de corail disparaîtrait, a tweeté le ministre des affaires étrangères des îles Marshall, Tony de Brum. Tout comme mon pays etles autres atolls vulnérables voisinsde l’Australie. » p

caroline taïx

« Ces objectifs ne

protégeront pas

l’Australie des

conséquences

du changement

climatique »

GROUPE CLIMATE COUNCIL

« On surveille

autant les flux

migratoires que

les braconniers »

CLOTAIRE MOUKAGNI SIKA

réserve d’Akanda

La réserve naturelle de l’Arboretum Raponda Walker, près de Libreville. PIERRE TERDJMAN/AFD

Golfe

de Guinée

Estu

a ire du Gabon

Libreville

GABON

Réserved’Akanda

ArboretumRaponda Walker

Réserve de Pongara10 km

87 %Proportion du territoire gabonais couvert de forêts

Grâce à son couvert forestier, le Gabon absorbe quatre fois plus de dioxyde de carbone qu’il n’en émet. C’est le premier Etat d’Afrique à avoir rendu, dès le 31 mars, sa contribution à la lutte contre le changement climatique, dans la perspective de la COP21 de Paris. Espérant rejoindre les pays émergents, il ne s’engage pas à réduire ses rejets, mais à les contenir fortement d’ici à 2025.

Page 7: Le Monde 13 Aout 2015

0123JEUDI 13 AOÛT 2015 france | 7

Fonctionnaires : la valse des affectations10 700 agents de l’administration territoriale de l’Etat sont concernés par les mutations à venir dans les régions

suite de la première page

Christophe Delecourt (UGFF-CGT) regrette que jusqu’à pré-sent, la réforme engagée n’ait« pas fait l’objet d’un dialogue so-cial de qualité ».

Lors du dernier conseil des mi-nistres avant la trêve estivale, le 31 juillet, Manuel Valls a présenté une communication circonstan-ciée sur la réforme à venir de l’ad-ministration territoriale de l’Etat consécutive à la nouvelle délimi-tation des régions. Outre l’an-nonce des chefs-lieux des futures régions regroupées, le premier ministre a également détaillé la localisation des rectorats de ré-gion académique, des agences ré-gionales de santé et des chambresrégionales des comptes.

Il a poussé encore plus loin le dé-tail en révélant les projets d’orga-nisation régionale et les proposi-tions d’implantation géographi-que de chaque direction régio-nale. « Le tiers des sièges des directions régionales sera im-planté hors chefs-lieux afin de prendre en compte les spécificités de chaque territoire », a indiqué M. Valls. Le premier ministre as-sure que « la nouvelle organisa-tion, en préservant la répartition actuelle de l’emploi public, permet ainsi de limiter les mobilités géo-graphiques, de l’ordre de 1 000 agents sur les trois années demise en œuvre de la réforme ».

Rassurer les agents

La volonté du gouvernement est claire : rassurer les agents de l’ad-ministration régionale de l’Etatqui craignent de voir leurs servi-ces supprimés ou déplacés et d’être contraints de changer de lo-calité pour conserver leur emploi.Depuis trois mois, le ministre del’intérieur, Bernard Cazeneuve,sillonne les préfectures qui vontperdre leur statut de capitale ré-gionale, rencontre les élus et lesagents pour tenter d’apaiser les craintes. Avec un leitmotiv : « Nous souhaitons éviter la mobi-lité géographique obligatoire. Toutsera mis en place pour cela », assu-re-t-il à ses interlocuteurs.

Pour y parvenir, outre le redé-ploiement des directions et desservices dans les régions, c’est àl’échelle départementale que la réforme doit prendre de l’am-pleur. C’est ce que préfigure la charte de la déconcentration pu-bliée le 7 mai, qui conforte l’éche-lon départemental dans la mise en œuvre des politiques publi-

ques et renforce les pouvoirs des préfets. Ceux-ci pourront en con-séquence adapter leurs modes de fonctionnement, mutualiser lesfonctions supports de leurs servi-ces, s’organiser différemment se-lon les territoires : une adminis-tration territoriale « à la carte » enquelque sorte.

Tout cela va entraîner un grandchamboulement dans l’adminis-tration territoriale de l’Etat et, en

premier lieu, dans les services ré-gionaux de l’Etat, qui vont sup-porter, dans les trois ans à venir, les deux tiers des réductions d’ef-fectifs. Ce qui entraînera de nom-breux reclassements ou reconver-sions dans les services implantés au niveau départemental.

Il est dès lors aisé de compren-dre les inquiétudes des agents compte tenu du flou qui entoure cette réforme d’ampleur, proba-

blement la plus importante qu’aiteue à connaître l’administration territoriale de l’Etat depuis des dé-cennies. D’autant que le rapportsur l’évolution de l’organisation régionale de l’Etat établi en avrilpar les inspections générales de l’administration (IGA), des finan-ces (IGF) et des affaires sociales (IGAS) avait de quoi alarmer.

Au total, les services de l’Etat auniveau régional (hors éducationnationale) représentent37 000 agents. Pour les régions faisant l’objet d’un regroupe-ment, ces effectifs se montent à23 000. « Dans ce cadre, un maxi-mum de 10 700 agents exerçantdes fonctions régionales seraient susceptibles d’être concernés parune mobilité fonctionnelle ou géo-graphique, estimaient les inspec-tions. Il s’agit donc d’un chantier significatif en termes de conduitedu changement. »

Pression des lobbies locaux

Pour les villes perdant leur statut de chef-lieu, les effectifs exerçantune fonction régionale vont de 910 agents à Limoges (Limousin) à1 563 à Montpellier (Languedoc-Roussillon). Leur part dans les ef-fectifs de la fonction publique de la zone d’emploi varie entre 4,6 % à Amiens (Picardie) et 10,1 % à Châ-lons-en-Champagne (Champa-gne-Ardenne). « Plus ce pourcen-tage est faible, plus une possibilité de mobilités fonctionnelles ou géo-graphiques de proximité sembleouverte, au fil du temps, à l’inté-rieur de certaines administrations ou entre administrations de l’Etat », souligne le rapport.

Autrement dit, les plus « petits »risquent d’être les plus malmenés. C’est précisément ce que redou-tent les syndicats. « Cette volonté de rationaliser en regroupant ris-

Strasbourg

Lille

Orléans

Paris

Nantes

Rennes

CaenRouen

Marseille

Ajaccio

Toulouse Montpellier

Bordeaux

Dijon

Lyon

Nancy

Nancy-Metz

Metz

BesançonTours

Orléans-Tours

Nice

Grenoble

Aix-Marseille

Clermont-Ferrand

Amiens

Versailles

Créteil

Poitiers

Limoges

Châlons-en-Champagne

Reims

Nouvelle région

Ancienne limite de région

Région inchangée

Nombre d’agents de l’Etat en fonctionsdans les régions, hors éducation nationale

Chef-lieu de région

Rectorat de régionacadémique

Rectorat d’académie

Agence régionalede santé

Alimentation, agriculture, forêt

Environnement, aménagement, logement

Insee

Entreprises, concurrence,consommation, travail, emploi

A�aires culturelles

Jeunesse, sports, cohésion sociale

Directions régionales

attribuées, hors capitales régionales,dans les nouvelles régions

SOURCE : GOUVERNEMENT - INFOGRAPHIE LE MONDE

AQUITAINELIMOUSIN

POITOU-CHARENTES

LANGUEDOC-ROUSSILLONMIDI-PYRÉNÉES

CORSE

AUVERGNERHÔNE-ALPES

BOURGOGNEFRANCHE-COMTÉ

ALSACECHAMPAGNE-ARDENNE

LORRAINE

CENTREVAL-DE-LOIRE

ÎLE-DE-FRANCENORMANDIE

NORD - PAS-DE-CALAIS PICARDIE

PAYS DE LA LOIRE

BRETAGNE

PROVENCE - ALPES - CÔTE D’AZUR

1 223

1 8331 904

2 568

2 739

910

592

1 099

1 170

1 272

2 145

1 660

1 196

1 921

1 513

1 563

1 113

1 1601 366

5755

1 251

1 067

La répartition des directions dans les nouvelles régions

TOTAL : 37 020 agents

« Le tiers des

sièges des

directions

régionales seraimplanté hors chefs-lieux »

MANUEL VALLS

premier ministre

LE CONTEXTE

PRIME D’ACCOMPAGNEMENTLe décret n’est pas encore paru – il devrait être publié vers la mi-septembre –, mais le principeen est d’ores et déjà acquis.Tous les agents de l’Etat amenés à changer de fonction ou de lieu d’affectation bénéficieront d’une prime. Cette prime d’accompa-gnement de la réorganisationrégionale de l’Etat (Parre),dont le barème sera uniqueet interministériel, sera perçueen cas de mobilité géographique ou fonctionnelle.Elle sera cumulableavec les primes et indemnités spécifiques activées lors de la réforme de l’administration territoriale de 2010, avecun plafond de 30 000 euros.Le dispositif d’accompagnement indemnitaire courrajusqu’en 2020.

jeudi 30 juillet, à la veille de délivrer en conseil des ministres une communication sur la réforme de l’administration territo-riale de l’Etat, Manuel Valls effectuait un déplacement à Amiens, en Picardie, pour lasignature du contrat de plan Etat-région2015-2010. Accueilli au conseil régional, lepremier ministre tenait d’abord à délivrer un message : « Il n’y aura pas de diminutiondu nombre de fonctionnaires de l’Etat dansvotre ville », assurait-il. Ce n’est pas l’avisdes syndicats, qui redoutent la disparition de près de 400 emplois publics dans la ca-pitale picarde.

Comme dans les autres régions, seul lerectorat est à ce jour certain de conserverl’essentiel de ses prérogatives et les person-nels qui vont avec. Le gouvernement, qui avait un temps envisagé la fusion des aca-démies, a fait marche arrière, préférant unesolution « mixte » en maintenant les aca-démies dans leurs limites géographiques actuelles mais regroupant celles-ci en treize régions académiques. Amiens sauve donc son rectorat – « un rectorat dedeuxième division », selon l’expression de Brigitte Fouré, maire (UDI) de la ville –,même si c’est à Lille que reviendra le recto-rat de région académique.

Toutes les inquiétudes sont-elles levéesen ce qui concerne les quelque 3 300 agentstravaillant dans les services régionaux de l’Etat (hors éducation nationale) ? Rien

n’est moins sûr. Certes, le premier minis-tre, lors de sa visite à Amiens, n’est pasvenu les mains vides puisque, pour rassu-rer à la fois les élus et les fonctionnaires de l’Etat, il a annoncé l’implantation à Amiensd’une plate-forme nationale de validationdes titres qui devrait employer une cen-taine d’agents. Claude Gewerc, le président (PS), affiche sa satisfaction : « Il n’y aura pasun seul emploi perdu mais des créations en plus », se félicite-t-il.

Multiples inconnuesSi tel est le cas, il va falloir résoudre une équation à de multiples inconnues. « La nouvelle répartition théorique des services ré-gionaux de l’Etat et de leurs agents, du fait dela réorganisation des services, semble contre-dire cette affirmation », note Denis Thomas, responsable de la Fédération syndicale uni-taire (FSU) des services publics en Picardie. Al’heure actuelle, Lille, préfecture de la régionNord-Pas-de-Calais, regroupe 2 145 agents dans les services régionaux de l’Etat, selon les données d’avril 2015 rassemblées par les inspections générales de l’administration(IGA), des finances (IGF) et des affaires socia-les (IGAS). Amiens, préfecture de la région Picardie, en accueille 1 160.

Dans le schéma d’organisation rendu pu-blic le 31 juillet en conseil des ministres, la capitale picarde récupérerait, dans le cadre de la nouvelle région, les sièges de la direc-

tion régionale de l’alimentation, de l’agri-culture et de la forêt et de la direction régio-nale de la jeunesse, des sports et de la cohé-sion sociale, qui emploient respectivement80 et 164 agents dans la capitale des Flan-dres, soit un gain de 244 fonctionnaires.

En sens inverse, Amiens va voir partir lesservices de l’actuelle direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (239 agents), de la direction régio-nale des entreprises, de la concurrence, de laconsommation, du travail et de l’emploi (105 agents) de la direction régionale des af-faires culturelles (61 agents), de la direction régionale des finances publiques (54 agents), de l’Insee (81 agents), de l’Agencerégionale de santé (133 agents) et de la pré-fecture (59 agents), qui vont être regroupés àLille.

Sur le papier, ce sont donc, théorique-ment, 732 agents des services de l’Etat qui devraient se déplacer d’Amiens à Lille et 244 en sens inverse. Surtout, même en comp-tant la centaine d’emplois créés sur la futureplate-forme de validation des titres, la pré-fecture de la région Picardie voit disparaître près de 400 emplois publics. « Il est clair quele compte n’y est pas », déplore Mme Fouré. Il va falloir que le gouvernement se montre très convaincant pour rassurer les agentsconcernés et expliquer comment il entend préserver l’emploi public dans la ville. p

p. rr

732 agents picards verront leur service déménager à Lille

que de marquer un vrai recul des administrations, notamment dans les plus petits services, avec une perte de spécialisation. On a déjà vécu cela au moment de la réforme de l’administration territoriale [en-trée en vigueur en 2010] », note Michel Angot, responsable du Snuclias-FSU, le syndicat unitaire des collectivités locales.

« Le gouvernement veut tablersur le minimum de personnes à dé-placer, mais on n’en sait rien », poursuit le syndicaliste, qui cons-tate d’ores et déjà que la réparti-tion des implantations s’est faite,pour une bonne part, « en fonc-tion des lobbies locaux ». Si, entre Rouen et Caen (Normandie), Tou-louse et Montpellier (Languedoc-Roussillon-Midi-Pyrénées), Dijonet Besançon (Bourgogne-Fran-che-Comté), les compensations aux villes perdant leur statut dechef-lieu sont significatives, c’estnettement moins évident là où la fusion se fait autour d’une région forte. Ainsi, l’Auvergne face à Rhô-ne-Alpes, la Picardie face au Nord-Pas-de-Calais, le Limousin face àl’Aquitaine et à Poitou-Charentes,la Champagne-Ardenne face à l’Al-sace-Lorraine risquent d’y laisser des plumes.

« Nouvelle conception »« Toutes les conditions sont réu-nies pour une organisation à la carte des politiques publiques dans les territoires », constate M. Delecourt. La réorganisationdes directions régionales va, de plus, entraîner la mise en place denouvelles méthodes de travail, comme le télétravail. Autant demotifs d’inquiétudes pour les agents. « Ce qui devient extrême-ment prégnant, c’est l’idée qu’ilfaudrait adapter les administra-tions et les services aux exigences de compétitivité européenne, note le responsable cégétiste. La Chartede la déconcentration pose de grosproblèmes sur le plan des grands principes de la fonction publique.C’est symptomatique d’une nou-velle conception de la mise enœuvre des politiques publiquesdans les territoires. »

Reste, enfin, une autre incon-nue de taille : le coût, social et fi-nancier, de cette opération. « Nous ne sommes pas dans unelogique comptable, assure le mi-nistère de l’intérieur. Nous vou-lons une réforme qui génère à terme des économies mais il est clair que, à court terme, les disposi-tifs d’accompagnement, le renfor-cement de l’accompagnement in-dividualisé vont entraîner un coût supplémentaire. » Le ministère serefuse cependant à le chiffrer. p

patrick roger

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8 | france JEUDI 13 AOÛT 2015

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La police utilise des drones hors de tout cadre légalOfficiellement cantonnés à des expérimentations, ces appareils servent lors d’interventions dans Paris

Cela fait longtemps que lapolice parisiennecompte des drones dansson arsenal. Officielle-

ment, ces appareils, capables de vi-sualiser un lieu inaccessible grâce à une caméra, ne prennent les airs qu’à des fins d’expérimentation. Pourtant, la Brigade de recherche et d’intervention (BRI), l’unité d’élite de la préfecture de police, utilise régulièrement, depuis plu-sieurs mois, des appareils volantssans pilote lors de véritables inter-ventions. Et ce, alors que le cadre légal de l’utilisation de drones par les autorités en zone urbaine estlargement inexistant.

La phase d’essai la plus récentedate de 2014. Le journal interne de la préfecture s’en faisait l’écho, en septembre 2014 : on pouvait y lire qu’à ce stade, il s’agissait unique-ment de « démontrer la plus-va-lue » ou de « comparer les perfor-mances ». Plus loin, le journal pré-cisait : « Aucun survol des person-nes ou des espaces privés ne sera possible. Les services de police, tout comme les particuliers qui utilisent ce type d’appareils, doivent respec-ter la réglementation existante. »

La police sait pourtant s’affran-chir de ce cadre. Le 13 mars, la BRI est appelée au croisement des ruesdu Lieuvin et des Morillons, dans le 15e arrondissement de Paris. Au quatrième étage, un homme s’est retranché avec ses deux filles. La police place un drone en vol sta-tionnaire devant les fenêtres, puis donne l’assaut. L’homme est in-terpellé sans dommage.

Le 2 juin, un homme est repéréen train de cambrioler une cham-bre de bonne, rue du Faubourg-Saint-Denis, dans le 10e arrondisse-ment de Paris. Un témoin aperçoit un drone à proximité immédiate de l’opération policière. Selon nos informations, il a été mobilisé par la BRI, dépêchée sur les lieux. L’homme, cerné, parvient tout de même à se volatiliser sur les toits

de Paris. Il n’a pas été retrouvé.La BRI ne fait pas mystère de son

utilisation des drones, qui est mentionnée sur son site Internet. Disposant d’un seul drone léger, la brigade fait aussi appel, selon nos informations, à une entre-prise spécialisée pour piloter des modèles plus lourds. Cette entre-prise forme également les fonc-tionnaires de la BRI à l’utilisation de ces modèles. En tout, l’unité emploie au moins trois drones,dont un en propre.

Cadre juridique famélique

Pour les drones civils, notam-ment ceux que l’on peut trouverdans le commerce, ce sont deux décrets de 2012 qui interdisent le survol des zones habitées. Ce ca-dre légal général ne s’applique pasaux forces de police, « lorsque les circonstances de la mission et les exigences de l’ordre et de la sécuritépublics le justifient ». De fait, l’uti-lisation des drones par la policeest soumise à un cadre juridique famélique, souligne l’avocat spé-cialisé Didier Gazagne, du cabinet Alain Bensoussan, selon qui « les expérimentations réalisées par les différents services de police ou degendarmerie pour des missions ne sont aujourd’hui, à ma connais-sance, pas encadrées sur le plan ju-ridique ».

Seule possibilité pour faire en-trer les drones dans le cadre de la loi : les faire immatriculer en tant qu’« aéronefs militaires », ce qui

permet de leur appliquer un arrêtéde 2013 qui prévoit un régime d’autorisation stricte.

Les expérimentations ont-ellesofficiellement pris fin ? La BRI a-t-elle bénéficié d’autorisations spé-cifiques ? Peut-on s’attendre à la multiplication des drones dans le ciel parisien ? La BRI a-t-elle fait immatriculer ses drones pour les faire entrer dans le cadre de la loi ? Ces essais ont-ils abouti à l’adop-tion, prévue de longue date, d’une doctrine d’utilisation ? Sollicités à plusieurs reprises, les services de

la préfecture de police n’ont pas donné suite à nos questions.

« Travail prospectif »

Jusqu’à présent, les essais menés par la police concernant les dronesétaient très limités. Le drone Elsa avait fait beaucoup parler de lui en octobre 2007, lorsque la ministre de l’intérieur Michèle Alliot-Marie en avait évoqué l’acquisition. Ces drones très légers ont fait l’objet detests pendant plusieurs années, et ont été utilisés de façon officielle lors du sommet de l’OTAN, à Stras-

bourg, en avril 2009. Pour ce vol précis, le ministère de l’intérieur avait affirmé, en 2010, avoir « reçu l’accord des autorités compéten-tes », et expliqué que les expéri-mentations « se poursuivaient ».

« Le survol de populations reste àce jour très réglementé pour des raisons de sécurité évidentes, ex-pliquait le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve en novem-bre 2014, en réponse à un dé-puté. Un travail prospectif est ac-tuellement mené au sein de la gen-darmerie, de la police nationale et

de la sécurité civile, en vue de déter-miner les missions qui pourraient être confiées à ce type d’appareils. (…) Aucun calendrier de déploie-ment n’a été arrêté. »

Les forces de police et de gendar-merie militent de longue date pour une clarification du cadre lé-gal applicable à leur utilisation d’engins volants sans pilote. Les bénéfices, en matière de maintien de l’ordre, pourraient en être tirés dès l’Euro 2016, qui se déroule en France dans moins d’un an. p

martin untersinger

Anne Hidalgo souhaite que Paris récupère une part des taxes perçues sur les jeuxDans un courrier à M. Cazeneuve, la maire de Paris pose ses conditions à la création de clubs

A nne Hidalgo veut récupé-rer sa mise fiscale sur lesjeux d’argent à Paris.

Dans un courrier adressé le 23 juinà Bernard Cazeneuve, que Le Monde s’est procuré, la maire deParis pose ses « conditions » à la création de « clubs » voulus par le ministre de l’intérieur pour mora-liser la pratique des jeux de tabledans la capitale.

L’Etat peine à enrayer la recru-descence des tripots et des partiesde poker clandestines qui se sontmultipliés ces dernières annéesdu fait de la fermeture des cercles de jeu mis en cause dans plu-sieurs affaires judiciaires. « Je ne peux accepter que les jeux clandes-tins se développent à Paris car on aura des trafics en tous genres et du blanchiment d’argent », expli-que au Monde le ministre.

Pour recréer une offre légale dejeux d’argent, M. Cazeneuve avait

imaginé l’ouverture de casinos au sein desquels le contrôle de l’ori-gine des fonds – et des joueurs – se-rait encadré. Mais cette solution nécessite un vote du Conseil de Pa-ris autorisant la capitale à être clas-sée « station touristique ».

Il s’avère que « la création de ca-sinos ne recueille pas à ce stade une majorité d’avis favorables », constate dans sa lettre Mme Hi-dalgo. Les écologistes et le Front de gauche y sont opposés, ainsique la droite depuis que Nathalie Kosciusko-Morizet, la chef de file parisienne des Républicains, s’est prononcée contre.

Vote non requis

M. Cazeneuve s’est donc résolu à créer, à partir de 2016, des clubs dotés d’un statut de société com-merciale, plus faciles à contrôler que les anciens cercles sous ré-gime associatif.

L’idée lui en a été soufflée parl’ancien préfet Jean-Pierre Duport, qui lui a remis en juin un rapport sur « une nouvelle offre légale de jeux à Paris ». Ces clubs ne disposeraient pas de ma-chines à sous. Ils ne seraient pasassimilés à des casinos. Un vote du Conseil de Paris ne serait donc pas requis.

Une dizaine de sites envisagés

Reste à sortir le dossier de l’or-nière fiscale. L’imposition ac-tuelle des établissements de jeu est calculée sur le produit des ma-chines à sous. L’appliquer auxnouveaux clubs qui n’en dispo-sent pas serait risquer de compro-mettre leur rentabilité.

Dans son courrier, Mme Hidalgoprend les devants : « Il serait op-portun, écrit-elle, de s’inspirer dece qu’était la fiscalité applicable aux établissements de jeu avant 1987 », date à laquelle les machi-nes à sous ont été autorisées. Dans ce cas, « l’Etat prélèverait des

impôts sur les clubs et en reverse-rait une partie à la ville », précise une source proche du dossier.

Mme Hidalgo souhaite aussi quele nombre de « clubs » ne soit pas « trop élevé ». En clair, la villecompte sur une dizaine de sites, soit autant qu’il y a quelques an-nées alors qu’il n’en subsiste que deux aujourd’hui. Ce qui lui assu-rerait des recettes fiscales équiva-lentes à celles qu’elle engrangeait par le passé : environ 10 millions d’euros par an contre seulement quelque 900 000 euros prélevés sur les deux derniers cercles exis-tants.

L’ouverture des clubs pourraitn’être qu’une étape. Dans son rap-port, l’ancien préfet Duport pro-pose l’abrogation de la loi de 1920, qui interdit l’ouverture de casinos dans un rayon inférieur à 100 kilo-mètres autour de Paris. Il défend lapossibilité de « combiner (…) l’im-plantation limitée de casinos avec l’autorisation des clubs ». « Nous n’écartons pas de proposer l’abro-gation de la loi de 1920 », indique lecabinet de M. Cazeneuve. Le minis-tre de l’intérieur devrait préciser ses intentions en octobre.

Si ce verrou législatif sautait,rien n’empêcherait Mme Hidalgo de soumettre, à terme, le dossier aux élus parisiens. Même si, dit-elle, les casinos ne sont pas « satasse de thé ». p

béatrice jérôme

L’imposition

actuelle est

calculée sur les

machines à sous,

mais les clubs

n’en auront pas

Intervention de la police à l’aide d’un drone, à Paris, le 13 mars. THOMAS SAMSON/AFP

Pour entrer dans

le cadre de la loi,

les drones

doivent être

immatriculés en

tant qu’« aéronefs

militaires »

2Cercles de jeux ouverts actuellement

Sur les 15 cercles de jeux que comptait la capitale, seulement deux sont encore ouverts. Treize ont été fermées depuis 2008, à la suite de l’action de la justice qui suspectent certains d’entre eux – comme le Concorde, le Wagram ou l’Aviation Club – d’être en relation avec le banditisme corse. Depuis 1947, ces cercles sont régis en associa-tion sous le régime de la loi de 1901. En juin, le ministère de l’inté-rieur a décidé d’autoriser l’ouverture de « clubs » qui seront placés sous un statut de sociétés commerciales.

Saisies en sériepour le couple BalkanyLe moulin de Giverny et le fruit de la vente de la villa aux Antilles ont été saisis par la justice

P lus d’immunité parlemen-taire, plus de passeport etdésormais plus de villa

pour Patrick Balkany. Visé par une enquête pour fraude fiscale, le dé-puté et maire (Les Républicains) deLevallois-Perret et son épouse ont vu leur résidence de Giverny (Eure)saisie par la justice, mardi 11 août, d’après une information de Char-lie Hebdo, confirmée par l’AFP.

Le moulin de Cossy, dont le cou-ple Balkany n’est plus propriétaire depuis qu’ils en ont fait donation àleurs enfants dans les années 1990, est évalué à plus de 4 mil-lions d’euros. Sa saisie par les jugesparisiens Renaud van Ruymbeke et Patricia Simon, en charge d’un dossier comprenant propriétés de luxe non déclarées au fisc, comp-tes offshore dans des paradis fis-caux et faits présumés de corrup-tion, est « éminemment contesta-ble », a réagi Grégoire Lafarge, l’avocat du couple, pour qui « le juge d’instruction n’a pas qualité à révoquer une donation ». Patrick etIsabelle Balkany ont fait appel de-vant la chambre de l’instruction.

Ces derniers viennent égale-ment de vendre leur résidence sur l’île de Saint-Martin aux Antilles – la villa Pamplemousse –, saisie par la justice il y a quelques mois etestimée à « environ 3 millions d’euros », d’après une source pro-che du dossier. Une vente faite avec l’accord des juges et dont le

fruit a été saisi de façon conserva-toire. Les époux Balkany ont long-temps nié être les propriétaires de cette villa jusqu’à ce que, placée en garde à vue en mai 2014, Isabelle Balkany reconnaisse posséder cette demeure, dont l’achat aurait été financé par un héritage.

Sociétés écrans

La cellule de renseignement anti-blanchiment de Bercy, Tracfin, avait démontré que cette demeureappartenait à une série de sociétés écrans en Suisse, au Panama et au Liechtenstein. La justice s’inter-roge en outre sur l’origine des fonds. D’après l’avocat du couple, la maison aurait été payée avec des« fonds parfaitement licites » mais n’aurait « pas été régulièrement dé-clarée » et l’impôt de solidarité sur la fortune n’a « pas été réglé ».

Les enquêteurs s’intéressentaussi à une autre villa, à Marra-kech : ils soupçonnent le couple del’avoir acquise en se dissimulant derrière des sociétés off-shore et d’avoir utilisé comme prête-nom l’un de leurs proches, Jean-Pierre Aubry, ancien directeur général de la société d’économie mixte d’aménagement de Levallois, la Se-marelp. Face à ces informations, Patrick et Isabelle Balkany ont sim-plement évoqué « un acharne-ment » de la justice et des médias àleur encontre. p

hélène bekmezian

Page 9: Le Monde 13 Aout 2015

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Page 10: Le Monde 13 Aout 2015

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A Vintimille, guerre d’usure entre police et migrantsLa frontière franco-italienne est fermée depuis juin pour tenter d’empêcher les clandestins de rallier Paris et Calais

vintimille (italie) -

envoyée spéciale

Léo, Alexis et Coralie, troisjeunes français du mou-vement No Border, sontaccueillis en héros, lundi

10 août, par la cinquantaine de mi-grants qui, depuis début juin, cam-pent à Vintimille, en Italie, à vingt mètres de la frontière française. Ces militants viennent de passer quinze heures en garde à vue et ont été relâchés sans suite. Leur tort : avoir manifesté leur solida-rité avec les migrants qui, cette nuit-là, tentaient de passer la fron-tière. Une centaine de Soudanais et d’Erythréens étaient montésdans le dernier train express régio-nal venant d’Italie, espérant rallier Nice et la France, et ont refusé d’endescendre lorsque, à la petite garede Menton-Garavan, les policiers leur en ont intimé l’ordre. La policefrançaise a finalement, comme c’est devenu un rituel, reconduit 106 des 108 personnes appréhen-dées jusqu’au centre de la Croix-Rouge italienne de Vintimille.

« Nous appliquons le droit avechumanité : ces procédures de réad-mission dans le pays d’arrivée, ici l’Italie, sont prévues par les accords

sur l’espace de Schengen et les trai-tés de Dublin et de Chambéry de 1997 », argumente François-Xa-vier Lauch, sous-préfet et direc-teur de cabinet du préfet des Al-pes-Maritimes.

Reste que la tension monte à lafrontière franco-italienne, où mi-grants, militants associatifs et for-ces de l’ordre se livrent une guerred’usure. Depuis début juin, lafrontière est bouclée. Pas ques-tion de laisser des flux de mi-grants alimenter à nouveau les campements parisiens et la « jun-gle » de Calais, où les tentatives depassage en Angleterre mettent déjà les autorités françaises et bri-tanniques sous pression.

Toutes les voitures et tous lestrains sont désormais contrôlés, les identités des personnes à peau noire vérifiées… « C’est un contrôle au faciès », dénoncent les associa-tions présentes, par la voix de Mar-tine Landry et Cathie Lipszyc, d’Amnesty International. Quatre associations, dont le Groupe d’in-formation et de soutien des immi-grés (Gisti), avaient contesté la lé-galité de ces contrôles devant le Conseil d’Etat, en vain puisque sonordonnance du 29 juin les valide.

« Nous ne nous en irons pas »

Les migrants ainsi bloqués se sont d’abord installés sur les rochers, entre route et mer, puis sur un par-king en retrait, plus accueillant, à l’ombre d’un viaduc et de pins pa-rasol. La vie y est très organisée, avec sanitaires, machine à laver,cuisine de plein air, four à pizzas, espace de prière et un bureau de campagne où l’on peut trouver, outre des prises électriques pour recharger les nombreux portables et ordinateurs, des plans de la ré-gion et de Paris, les horaires de bus

canciers, venus à la plage avec bouée et épuisette.

Malgré les renforts de compa-gnies de CRS, la frontière reste po-reuse et tous les moyens sont bons pour essayer et réessayer de passer : à pied, par la montagne,en bus, voire en voiture avec des passeurs. « On en trouve chaque jour en gare de Nice », confirme Hubert Jourdan, militant d’Habi-tat et Citoyenneté, qui n’hésite

pas à leur ouvrir sa maison. « Les migrants ne souhaitent pas du tout rester dans les Alpes-Mariti-mes, où seuls dix d’entre eux ont déposé une demande d’asile, af-firme Yann Lapeyre, de Forum Ré-fugiés, et l’on voit bien que les rè-gles internationales sont inappli-cables, absurdes. »

Hubert Jourdan liste les strata-gèmes qu’utilisent les pouvoirs publics pour dissuader les mi-grants de venir en France : les em-pêcher d’acheter des tickets de train, condamner les toilettes dela gare de Nice, limiter, comme le fait la municipalité de Nice, à quel-ques nuits l’accueil dans les rarescentres d’hébergement qui ont pourtant des places disponibles… « Et quand la dissuasion ne fonc-tionne pas, c’est la répression », souligne-t-il, en référence à une militante de Réseau éducation sans frontière (RESF), arrêtée et

menottée le 13 juillet, et qui attendson jugement, prévu en décem-bre. Des membres de l’associationd’obédience musulmane Au Cœurde l’espoir, qui fournissaient des repas, se sont vu, le 10 août, inter-dire de le faire par les autorités ita-liennes sous peine de contraven-tions de 200 euros chacun.

Les migrants ne comprennentpas le rejet dont ils font l’objet : « Nous ne sommes pas des crimi-nels et nous cherchons la sécurité, confie Moussa Sidon, comptable de 33 ans, arrivé du Soudan qui, dans une terrible traversée de la Méditerranée, a perdu sa mère et sa fiancée. On nous donne de la nourriture, des vêtements, des soins, mais pas d’explication sur pourquoi le gouvernement refuse de nous laisser passer. Nous avions rêvé de l’Europe. Maintenant je ne sais plus où aller. » p

isabelle rey-lefebvre

Des migrants dans un campement de réfugiés, devant l’office du tourisme italien, à Vintimille, le 9 août. SINAWI MEDINE

« Air Cocaïne » : les Français bientôt fixés sur leur sortLe procès des quatre pilotes et passagers du Falcon chargé de 700 kilos de drogue s’achève, jeudi, à Saint-Domingue

saint-domingue - correspondant

L es quatre Français accusésde narcotrafic internatio-nal par la justice domini-

caine dans l’affaire dite « Air Co-caïne » devraient être bientôt fixés sur leur sort. Cinq jours après le virulent réquisitoire du procureur Milciades Guzman, quia réclamé vingt ans de prison – la peine maximale – pour les deux pilotes Pascal Fauret et Bruno Odos, le membre d’équipageAlain Castany et le passager Nico-las Pisapia, les défenseurs devai-ent tenter de convaincre la Cour de l’innocence de leurs clients, mercredi 12 et jeudi 13 août, der-nier jour du procès.

Les quatre Français avaient étéarrêtés dans la nuit du 19 au20 mars 2013 à bord d’un Fal-con 50 chargé de 700 kg de co-caïne qui s’apprêtait à décoller vers la France depuis l’aéroport dePunta Cana, la principale stationtouristique dominicaine, dans l’est de l’île. Après quinze mois de détention provisoire, ils ont étéremis en liberté le 21 juin 2014 avec interdiction de quitter le ter-ritoire dominicain. Après de mul-tiples rebondissements, reportset incidents de procédure, leur

procès s’est ouvert le 29 mai. DixDominicains, neuf militaires etun civil, anciens membres de l’agence antidrogue (DNCD),douaniers et agents de sécurité del’aéroport de Punta Cana, étaient jugés avec les Français. Le procu-reur a abandonné les poursuites contre six d’entre eux.

Coup de massue

« Je commence à flipper sérieuse-ment », lâchait Alain Castany peu après le réquisitoire du procureur. Le dernier coup de théâtre, à l’audience du 30 juillet, a pris l’al-lure d’un coup de massue pour les Français, alors qu’ils étaient plutôtrassurés après le long défilé des té-moins. L’un des principaux accu-sés dominicains, le capitaine An-thony Nuñez, un agent de la DNCDprésenté par l’accusation comme l’un des chefs de la « structure ma-fieuse » opérant à Punta Cana, a déclaré avoir chargé les vingt-six valises contenant la cocaïne àbord du Falcon avec les Français. « Le vieux est resté à la porte pour compter les valises et s’assurer qu’elles étaient toutes là », a-t-il dit en désignant Alain Castany. « Une valise s’est ouverte, plusieurs kilossont tombés et les pilotes les ont ra-massés », a-t-il ajouté sous l’œil sa-

tisfait du procureur.« La manœuvre est grossière, le

procureur n’avait rien, il a passé undeal avec le diable, celui qui était présenté comme le principal res-ponsable du réseau, pour charger les Français », s’indigne Me Andyde Léon, l’un des avocats de Nico-las Pisapia. Les avocats de la dé-fense croient voir dans la faiblepeine requise contre Anthony Nuñez – cinq ans de prison avec sursis – la preuve qu’un accord a été négocié.

Les témoins présentés par l’ac-cusation n’ont pas été convain-cants. Le général Rolando Rosado Mateo, à la tête de la DNCDen 2013, a longuement détaillé l’opération de style hollywoodien qui a abouti à l’arrestation des

Français. Des informations ve-nant de la DEA, le département antidrogue des Etats-Unis, et des services européens faisant état d’une augmentation des envois de cocaïne depuis Punta Cana vers la Belgique, la France, l’Espa-gne et l’Allemagne, l’ont conduit à infiltrer six agents au sein du per-sonnel de l’aéroport fin 2012. Mais les enregistrements et les té-moignages des agents infiltrés ont été confus, parfois contradic-toires et sans élément à chargecontre les Français. Plusieurs ont évoqué la crainte de représailles.

Responsabilité des pilotes

Le procès n’a pas permis de leverle voile sur les commanditaires. Le général Rosado Mateo a évo-qué à deux reprises un mysté-rieux Maurice qui aurait livré la drogue avant de disparaître.

Tout au long des audiences,Me Fabian Melo, l’un des défen-seurs de MM. Fauret et Odos, a ré-pété qu’il s’agissait d’un vol com-mercial pour lequel les pilotessont exonérés de responsabilité concernant le contenu des baga-ges, selon les conventions de Chi-cago et de Montréal. Pour le pro-cureur, à l’inverse, le Falcon effec-tuait un vol privé et les Français

« Le procureur

n’avait rien, il a

passé un deal

avec le diable

pour charger

les Français »

ANDY DE LEON

avocat de Nicolas Pisapia

et de trains et de quoi organiser unvoyage en France.

Chaque soir, vers 17 heures, unpetit groupe de migrants mani-feste près du panneau « France » et de la pancarte « Bienvenue à Menton, perle de la Côte d’Azur », en tapant sur des casseroles et en déployant des banderoles « We are not going back » (« Nous nenous en irons pas »), sous le re-gard éberlué des touristes et va-

Tous les moyens

sont bons

pour essayer

de passer : à pied,

en bus ou

en voiture avec

des passeurs

savaient ce que contenaient lesvalises. Le triréacteur, avec les mê-mes pilotes et le même passager, avait fait un premier voyage endécembre 2012 pour embarquer de la cocaïne à Puerto Plata, dansle nord de la République domini-caine, a-t-il rappelé.

Deux témoins français ont étécités par la défense des pilotes.Criminologue et spécialiste de lasécurité aérienne, Christophe Naudin a été constamment inter-rompu par le procureur qui con-testait sa qualité de témoin. « Ce monsieur n’était pas en Républi-que dominicaine au moment des faits et intervient comme expert, non comme témoin », a répétéM. Guzman, tandis que M. Nau-din s’efforçait de démontrer la na-ture commerciale du vol.

Au nom du Syndicat national despilotes de ligne, qui avait menacé la République dominicaine de boycott, Philippe Eneman a lui vanté « la moralité et le profession-nalisme » de Pascal Fauret et de Bruno Odos qu’il a dit avoir con-nus « comme pilotes de chasse transportant l’arme nucléaire surles porte-avions français ». Il afondé et préside l’Association pourle retour de Pascal et Bruno. p

jean-michel caroit

ÉCOTA XEMatignon ne veut pas d’une écotaxe régionaleLe « gouvernement n’envisage pas du tout d’ouvrir la possibi-lité » d’une écotaxe au niveau régional, a affirmé Matignon à l’AFP mardi 11 août. Frédéric Cuvillier, député du Pas-de-Calais, avait relancé l’idée d’une écotaxe sur les poids lourds à un niveau régional dans un entretien paru lundi 10 août dans Les Echos. « J’ai plaidé dès l’an dernier pour que le principe de l’écotaxe, qui a dû être abandonné au niveau national, puisse renaî-tre dans les régions », a expli-qué l’ancien ministre des transports. – (AFP.)

MIGRANTSUn réseau de passeurs démantelé à CalaisSept personnes, dont deux femmes, ont été interpellées en l’espace de 48 heures dans la région de Calais (Pas-de-Ca-lais). La dernière, un directeur d’une grande surface du Ca-laisis, a été cueillie mardi 11 août par les hommes de la police des frontières. Quatre Albanais font partie de ce ré-seau soupçonné de trafic d’êtres humains. Ces person-nes étaient toujours en garde à vue mercredi. Elles permet-taient à des migrants, contre rémunération, de se rendre en Angleterre en se cachant dans des camions. – (AFP.)

LES CHIFFRES

835migrants

Selon la préfecture des Alpes-Ma-ritimes, 835 migrants ont été con-trôlés à la frontière de Vintimille entre le 3 et le 9 août. Après un pic de 1 548 migrants la première semaine de juin, le nombre de contrôles oscille entre 450 et 720 personnes par semaine. Deux tiers de ces migrants font l’objet d’une réadmission en Italie.

95 408arrivées par la mer en Italie

L’Italie a recensé 95 408 person-nes arrivées par la mer entrele 1er janvier et le 4 août, soit 4 % de plus que pendant la même période en 2014.

Un marché du passage clandestin

Le verrouillage de la frontière franco-italienne ouvre un marché du passage clandestin. Entre 20 et 100 euros par personne. « Nous avons arrêté 112 passeurs depuis le début de l’année 2015,

contre 84 en 2014 », indique Philippe Duporge, coordinateur de la police aux frontières. Lundi 10 août, un de ces passeurs, peintre en bâtiment de nationalité française, s’est vu condamné en com-parution immédiate, au tribunal de Nice, à 18 mois de prison ferme pour avoir tenté de faire passer la frontière à dix migrants, moyennant 50 à 100 euros chacun, à bord de son véhicule.

Page 11: Le Monde 13 Aout 2015

0123JEUDI 13 AOÛT 2015 économie & entreprise | 11

Pékin relance la guerre des monnaiesLa dévaluation surprise du yuan, mardi 11 août, est présentée comme un geste d’ouverture économique

shanghaï - correspondance

Il n’y a que les imbéciles quine changent pas d’avis. Dansune rare interview à lapresse étrangère, le premier

ministre chinois, Li Keqiang, as-surait le 31 mars au Financial Ti-mes ne pas vouloir d’une dévalua-tion du yuan pour appuyer les ex-portations du pays ni « d’un scé-nario dans lequel les grandes économies butent les unes sur les autres pour déprécier leur devise. Cela conduirait à une guerre desmonnaies ». Il soulignait alors les efforts réalisés par la Chine en fa-veur d’un régime de change da-vantage fondé sur le marché.

Paradoxalement, c’est au mo-ment où le pays fait ce geste de « libéralisation », qu’il prend lerisque de plonger la planète dansun nouvel épisode de guerre des monnaies. Du fait du net ralentis-sement chinois, le marché tirait systématiquement le yuan vers le bas ces derniers mois mais la Ban-que populaire de Chine résistait à cette pesanteur. Elle a cédé, mardi 11 août, en décidant de fixerdésormais le cours de la monnaie en fonction du niveau atteint par le marché la veille. Conséquence, 1,86 % de baisse mardi, avant une nouvelle chute, mercredi, de 1,6 %.« Dans le contexte actuel, laisser au marché davantage son mot à dire dans la détermination du tauxde change signifie inévitablement permettre une dépréciation », ex-plique Julian Evans-Pritchard, qui suit la Chine chez Capital Econo-mics depuis Singapour.

Le Fonds monétaire internatio-nal (FMI) y a d’ailleurs vu « une étape bienvenue », un de ses por-te-parole jugeant que la Chine de-vrait basculer à un réel régime de change flottant d’ici à deux à troisans. En revanche, les autres pays notamment de la région Asie-Pa-cifique, ont reçu fraîchement la nouvelle. Le dollar australien, le ringgit malaisien, le won sud-co-réen, le dollar australien ont subide fortes chutes depuis l’annonce chinoise. Aux Etats-Unis, des poli-ticiens tels que le sénateur démo-crate Bob Casey (Pennsylvanie)ont sauté sur le sujet, jugeant qu’ilest « temps pour l’administration Obama de se focaliser plus intensé-ment sur la tricherie chinoise ».

Les économistes s’écharpent surla nature du geste de Pékin. S’agit-il d’une importante ré-

forme, la Chine ouvrant de fait son régime de change, ou la déva-luation vise-t-elle à doper artifi-ciellement la compétitivité dupays ? L’objectif d’une croissancede 6 % du commerce extérieur en 2015 semble s’éloigner, tandis quecelui d’une progression de 7 % du produit intérieur brut (PIB) sera dur à tenir. La Chine estime être dans son bon droit car victime despolitiques monétaires améri-caine et japonaise de ces derniè-res années qui ont fait chuter leurs devises face au yuan.

Rejetant toute accusation de re-lance de la guerre des monnaies, Ma Jun, chef de la recherche de la banque centrale chinoise, a prissoin de préciser, mardi, que la dé-préciation revenait uniquement à

un ajustement entre la parité ad-ministrative et l’évolution du yuan sur le marché interbancaire.« Permettre à cette devise de s’af-faiblir sensiblement face au dollar ne signifie pas le commencementd’une tendance à la baisse », a jus-tifié M. Ma auprès de l’agence offi-cielle, Chine Nouvelle.

Vents contraires

Malgré ces efforts de communica-tion, les autres banquiers cen-traux pourraient ne pas l’enten-dre de cette oreille. Le rival sud-co-réen, dont les exportations ont chuté de 3,3 % sur un an en juillet, aura tout loisir d’arguer que la dé-valuation chinoise a porté préju-dice à sa propre compétitivité.Sous pression, les Etats-Unis se

gardent de tout commentaire of-ficiel, notamment sur l’influence de cette annonce sur sa propre po-litique monétaire.

Le timing « chinois » ne laisserien au hasard. Longtemps admi-rée pour la résilience de sa crois-sance et la capacité de ses diri-geants à maintenir le rythme mal-gré les vents contraires, la Chine suscite le doute. La production in-dustrielle du pays n’a progresséque de 6 % sur un an au mois dejuillet, contre 6,8 % en juin.

Et ce alors que Pékin a déjà dé-ployé cette année des mesures de relance par l’investissement dans les infrastructures, notamment ferroviaires, et que la banque cen-trale a abaissé à quatre reprises ses taux directeurs depuis no-

vembre 2014. La Chine a aussi dûs’assurer ces dernières semainesd’avoir à disposition un matelas de 3 000 milliards de yuans (422 milliards d’euros), pour inter-venir si la Bourse de Shanghaï ve-nait une nouvelle fois à dévisser, dont 900 milliards de yuans

Le geste chinois accentue la chute des matières premièresDéjà pris dans un cycle de baisse très marqué, les cours du cuivre, du nickel, du soja et même du porc suivent le pétrole dans la dégringolade

A u tapis ! Déjà très faibles,les cours des grandes ma-tières premières ont en-

core reculé après les deux déva-luations de la monnaie chinoise opérées par Pékin, mardi 11 etmercredi 12 août. Mercredi matin,le baril de pétrole américain esttombé à 42,80 dollars, son plus bas niveau depuis près de six anset demi. L’aluminium et le cuivre ont touché un point jamais at-teint depuis 2009, le nickel reve-nant à son étiage de 2008.

« Cette dévaluation doit redyna-miser l’économie de la Chine, enaméliorant sa compétitivité à l’ex-portation, explique Bernard Da-hdah, analyste chez Natixis. Maisen même temps, importer des ma-tières premières va lui coûter plus cher. » Les investisseurs s’atten-dent donc à ce que le pays réduiseencore ses achats, ce qui ne peutque déprimer les cours, compte tenu de son poids sur le marché. Aelle seule, la Chine achète 50 % duzinc échangé dans le monde et 40 % du cuivre et du plomb.

La dévaluation du yuan a cons-titué une sorte de coup de grâce pour les matières premières. L’in-dice Standard & Poor’s qui per-met d’avoir une vue globale du secteur est retombé à un niveau jamais vu depuis 13 ans, en chu-tant de 44 % depuis 2014. Enmoyenne, les matières premièrescoûtent encore moins cher qu’en 2008-2009, au pire mo-ment de la crise qui a suivi la faillite de la banque Lehman Bro-thers.

Le plongeon a été spectaculairepour le pétrole. La matière pre-mière la plus utilisée dans le monde a perdu plus de la moitiéde sa valeur en un an. Toutes les autres matières ont égalementsouffert : le sucre (- 35 %), le palla-dium (-32 %), le café (-27 %), le nic-kel (-42 %) ou encore l’or (-15 %). Ala Bourse de Chicago, le soja et leporc ont aussi été touchés. Seul rescapé du massacre : le maïs,dont le prix a progressé d’un mo-deste 5 % en un an.

Le « super-cycle » des matières

premières entamé au début des années 2000 est fini, ou du moins suspendu. A l’époque, certains avaient pensé qu’après une rela-tive abondance au XXe siècle, l’énergie, les métaux et l’agricul-ture étaient entrés pour des an-nées, voire des décennies, dans

une phase plus critique. Faute de pouvoir répondre à l’insatiable de-mande des pays émergents, Chine en tête, le marché risquait de resterdurablement tendu, et les prix de continuer à grimper.

La prédiction ne s’est pas con-crétisée. Après leur plongeon de 2008-2009, les cours sont repar-tis à la hausse. Mais dès 2011, ilsont amorcé une nouvelle des-cente, qui s’amplifie actuellementet fait le malheur des pays expor-tateurs. Un recul d’autant plus marquant que la politique moné-taire très souple des banques cen-trales a plutôt fait monter les prix d’autres actifs, notamment les ac-tions.

Que s’est-il passé ? Un doublemouvement. Côté offre, la hausse des prix a incité toutes les compa-gnies à investir et produire davan-tage, quitte à exploiter des ressour-ces plus coûteuses, comme les sa-bles bitumineux du Canada. La ré-volution du gaz et du pétrole de schiste aux Etats-Unis a aussi con-tribué à l’augmentation de l’offre

énergétique mondiale. Or au même moment, côté demande, l’appétit de la Chine s’est nette-ment calmé.

« Ce n’est pas seulement conjonc-turel, juge Thierry Bros, spécialiste de l’énergie à la Société Générale. Que ce soit en Europe ou en Chine, tous les pays deviennent moins gourmands en énergie : les voituresconsomment moins de carburant, les ampoules à incandescence sont remplacées par des LED. »

Résultat : au lieu des tensionsannoncées, le monde des matiè-res premières est revenu dans unephase inattendue d’abondance,de surcapacités et de prix bas. Lephénomène est saisissant dans l’énergie, où l’essor du gaz de schiste a provoqué un plongeongénéralisé des cours. Il en va demême pour la plupart des autresmatières premières. Elles aussiont été touchées par la hausse descapacités, alors que les importa-tions chinoises se mettaient à baisser. En outre, l’énergie repré-sente une part importante des

coûts de production des métaux et des céréales. Si bien que la baisse des prix d’un secteur sepropage rapidement aux autres.

Ce n’est sans doute pas terminé.« Dans l’énergie, les prix ne vont pasremonter de sitôt », assure M. Bros. Goldman Sachs vient d’abaisser de20 % ses prévisions de cours pour l’aluminium : le marché devrait rester engorgé jusqu’en 2019. La Banque mondiale s’attend aussi à une poursuite de la baisse des ma-tières premières cette année, avec une « remontée modeste » en 2016.Le cours du minerai de fer devrait spécialement souffrir.

Toute la question est de savoir àquel moment le marché va serééquilibrer. Les producteurs ontdéjà abandonné de grands pro-jets, et fermé des capacités. Lachute des prix pourrait aussi sus-citer un regain de consomma-tion, comme après le contre-chocpétrolier des années 1980. Maisun redressement de ce type peutprendre des années. p

denis cosnard

Au premier puis au deuxième trimestre, la croissance de l’économie chinoise s’est établie à + 7 %, son plus bas niveau depuis six ans. MARK SCHIEFELBEIN/AP

Longtemps

admirée pour

la résilience

de sa croissance,

la Chine suscite

aujourd’hui

le doute

auraient déjà été dépensés. Lesusines des régions dont l’écono-mie repose sur les exportationssont également en demande alorsque les livraisons de la Chine àl’étranger ont chuté de 8,3 % au mois de juillet sur un an.

Le puissant secrétaire du Particommuniste, Xi Jinping, expli-quait en juillet 2014 aux écono-mistes gouvernementaux qu’un peu de ralentissement « n’était pas une grosse affaire ». Les tempsont changé. Ces dernières semai-nes au contraire, il explique à ses visiteurs que la priorité doit être donnée à la stabilisation. Or enChine comme ailleurs, l’éventaild’outils n’est pas illimité et la dé-valuation en est un. p

harold thibault

SOURCE : BLOOMBERG

1ER FÉV. 2001 12 AOÛT 2015

ÉVOLUTION DE

L’INDICE STANDARD & POOR’S

DES MATIÈRES PREMIÈRES

2 682,15

4 022,43

10 898,10

(3 JUILLET 2008)

Page 12: Le Monde 13 Aout 2015

12 | économie & entreprise JEUDI 13 AOÛT 2015

0123

L’accord avec Athènes à l’épreuve du politiqueLes réactions européennes sont prudentes à la veille de l’Eurogroupe et du vote des Parlements nationaux

athènes, berlin, bruxelles -

correspondants

Un grand pas a été fait,mais la route est en-core longue. Si Athè-nes et les représen-

tants des créanciers sont parve-nus, mardi 11 août, à un accord technique sur le troisième plan d’aide au pays, les discussions vont désormais entrer dans uneséquence plus politique.

Après les experts, ce sont désor-mais le Parlement grec, certains parlements nationaux et surtout les ministres des finances de la zone euro (l’Eurogroupe) qui de-vront valider le nouveau pro-gramme d’aide, de 86 milliards d’euros sur trois ans. Cette phase s’annonce délicate, même si Athè-nes se comporte comme si tout était réglé. De fait, mardi 11 août, les réactions des partenaires du pays étaient aussi prudentes que mesurées. Certains se sont même gardés de trop se prononcer.

C’est le cas de l’Allemagne, quin’a jamais caché ses réticencesface à la signature d’un accord ra-pide. « Le ministère des finances va prendre le temps d’examinerl’accord en profondeur », déclaraitainsi mardi matin Jens Spahn, lesecrétaire parlementaire au mi-nistère des finances. Tout enlouant la détermination d’Athè-nes dans les négociations, il a pré-cisé que l’important, pour Berlin,est que « le programme soit enmesure de remettre la Grèce sur lechemin de la croissance ».

« Affiner les détails »

Selon une source proche du gou-vernement allemand, une pre-mière réaction de celui-ci sur ledétail du plan pourrait n’interve-nir que jeudi. Il faut dire que le ca-lendrier est délicat. La chance-lière Angela Merkel, qui devrait apporter son soutien au texte, doit en effet faire revenir les par-lementaires de vacances pour qu’ils puissent voter la semaine

prochaine, alors qu’une partie d’entre eux a voté contre l’accorddu 13 juillet qui scellait les gran-des lignes du programme.

Si le processus prenait du retard,Athènes pourrait toucher un prêt relais, comme en juillet, pourrembourser les 3,5 milliardsd’euros qu’elle devait à la Banque centrale européenne (BCE) le 20 juillet. Une option que Berlinfavorise depuis le début, souli-gnant qu’un accord « exhaustif » est plus souhaitable qu’un propos « rapide ». Une option que défen-dait encore Mme Merkel auprès du premier ministre grec Alexis Tsi-pras lundi soir, au téléphone.

A Paris, où il n’y a pas encore eude réaction officielle, on salue un programme plus orienté vers les réformes que vers les économies budgétaires. « Les Grecs ont ré-pondu dans les délais et avec le ni-veau de précision décidé en juillet »,indique-t-on du côté de l’Elysée. Paris rappelle que si le calendrier est respecté, un nouvel allégement

de la dette publique grecque pourra être discuté à l’automne.

Les institutions partenairesd’Athènes – la BCE, le Fonds moné-taire international (FMI), le Méca-nisme européen de stabilité (MES)et la Commission européenne – sesont quant à elles montrées trèsdiscrètes. Seule la Commission s’est prononcée officiellement. « Ce que nous avons à ce stade, c’estun accord technique. Nous n’avonspas pour l’instant d’accord au ni-veau politique et c’est ce dont nousavons besoin », a ainsi déclaré une porte-parole, Annika Breidthardt. Plusieurs sources bruxelloises eteuropéennes confirment avec in-

sistance que sans feu vert politi-que, le compromis technique ne vaut rien.

De son côté, M. Tsipras a déposél’accord, sous la forme d’un texte de loi de près de 400 pages, à la Vouli, le Parlement grec, dans la nuit du mardi 11 au mercredi 12 août. Son examen en commis-sion devrait intervenir mercredi ou jeudi, avec un vote en plénière dans la nuit. « Comme lors des deuxderniers rounds de mesures d’aus-térité, le projet devrait être adopté grâce au soutien de l’opposition », explique Blanka Kolenikova, ana-lyste au cabinet IHS. L’aile gauche de Syriza est en effet très réticente à l’adoption du nouveau plan. Se-lon les observateurs, Alexis Tsiprassera probablement contraint d’ap-peler à des législatives anticipées après le résultat du vote, s’il veut rassembler ses troupes.

Dans tous les cas, les ministresdes finances de la zone euro tien-dront une téléconférence ven-dredi 14 août pour évoquer l’ac-

cord, a annoncé mardi 11 août Ma-riano Rajoy, le président du gou-vernement espagnol, en précisant que son Parlementpourrait se prononcer sur le plan la semaine prochaine.

L’Eurogroupe peut-il rejeter letexte ? Certains pays, notamment les Pays-Bas, l’Espagne et la Fin-lande, sont réticents. « Parler d’un accord est un bien grand mot, il reste du travail à accomplir pour af-finer les détails », assénait ainsi mardi 11 août le ministre finlan-dais des finances Alexander Stubb.

Mais tout porte à croirequ’après les négociations apai-sées de ces derniers jours, l’Euro-groupe donnera son feu vert.Cela permettra à certains parle-ments nationaux – comme en Al-lemagne, aux Pays-Bas ou en Fin-lande –, de se prononcer à leur tour, la semaine prochaine. p

marie charrel,

cécile boutelet,

christophe garach

et alain salles (à paris)

Pour Paris,

un allégement

de la dette

pourra

être discuté

L’étonnant calmedes négociationsLa situation économique catastrophique explique le brusque revirement d’Athènes

athènes - envoyée spéciale

E n six ans de crise, on n’avaitjamais vu ça », s’étonne en-core une source euro-

péenne. Depuis le samedi 8 août, lorsque les négociations entre Athènes et ses créanciers ont ac-céléré pour aboutir à un accord technique mardi 11 août, les deux parties donnent le même son decloche. « Les discussions se sont faites en bonne entente », dit-on côté grec. « Nous avons travaillédans une ambiance apaisée pour conclure un compromis au plus vite », déclare-t-on du côté des« institutions », à savoir la Com-mission européenne, le Fonds monétaire international (FMI), laBanque centrale européenne (BCE) et le Mécanisme européen de stabilité (MES).

Depuis le 20 juillet, les représen-tants des créanciers, le ministre grec des finances Euclide Tsakalo-tos et celui de l’économie, George Stathakis, se sont régulièrement rencontrés dans l’Hôtel Hilton, aucentre d’Athènes, où logeaient les premiers. Ensemble, ils ont négo-cié des dizaines de mesures que laGrèce devra appliquer en contre-partie de l’aide. « Des discussions aussi techniques auraient pu s’éta-ler pendant des mois », s’étonne Nick Kounis, économiste chez ABN Amro.

En échange d’une nouvelle aidede 86 milliards d’euros surtrois ans, la Grèce s’est ainsi enga-gée à déréguler le marché du gaz naturel, à créer un fonds de priva-tisation, à supprimer les exemp-tions fiscales des agriculteurs,lancer une série de réformes structurelles ambitieuses, etc.

« Virage à 180 degrés »

« C’est à peine croyable : il y a tout juste trois mois, Tsipras n’aurait ja-mais accepté un tel programme », souligne un proche des négocia-teurs. Et pour cause : le premierministre, leader de la gauche radi-cale de Syriza, a construit sa vic-toire sur le rejet de la rigueur et des deux premiers plans d’aide.Pendant six mois, il a fait traîner les discussions. Les psychodra-mes et coups d’éclat étaient alors la règle. Les maladresses de l’ex-ministre des finances, le trublionYannis Varoufakis, dont les che-mises à fleurs laissaient pantois à Bruxelles, faisaient craindre le

pire. Les tensions ont culminé le5 juillet, lorsque M. Tsipras a orga-nisé un référendum pour ou con-tre l’austérité, en appelant les Grecs a voter contre…

Que s’est-il passé depuis ? « Tsi-pras a opéré un virage à 180 de-grés », explique Yannis Koutsomi-tis, analyste indépendant. « Tout achangé après l’accord européen du13 juillet, lorsque les dirigeants de la zone euro se sont entendus pournégocier un troisième plan d’aide », confirme M. Kounis.

D’un coup, Alexis Tsipras s’estrésolu à accepter l’essentiel des demandes de ses partenaires, àl’exception de quelques lignes rouges. Varoufakis a été remplacé par le discret Euclide Tsakalotos. Celui-ci a mené les négociations en compagnie de George Choulia-rakis, bon connaisseur des insti-tutions européennes. Tous lesdeux étaient sur la même ligneque le premier ministre : conclureun accord au plus vite, quitte à cé-der sur plus de points que prévu.Et ce, pour au moins deux raisons.

La première est que la conjonc-ture économique grecque s’estdégradée bien plus vite que le gouvernement ne l’imaginait. Lesbanques, sous contrôle des capi-taux depuis le 29 juin, sont au bord de l’effondrement. L’écono-mie a replongé en récession. Le leader grec a compris qu’il n’avait plus une minute à perdre pouréviter un nouveau naufrage fi-nancier à son pays.

Sa seconde motivation est poli-tique. En concluant les négocia-tions au plus vite, Tsipras espère couper l’herbe sous le pied à l’aile gauche de Syriza, vigoureuse-ment opposée au troisième pland’aide. Et qui pourrait fait scis-sion. Selon les observateurs, c’est d’ailleurs pour empêcher ses dé-tracteurs de monter un parti pa-rallèle qu’il aurait annoncé, le 29 juillet, envisager des élections législatives anticipées. p

m. c.

Tsipras espère

couper l’herbe

sous le pied

à l’aile gauche

dissidente

de Syriza

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Page 13: Le Monde 13 Aout 2015

0123JEUDI 13 AOÛT 2015 économie & entreprise | 13

La descente aux enfers de Marcelo OdebrechtAccusé de corruption, le patron du plus grand groupe brésilien de construction est en prison depuis deux mois

rio de janeiro - correspondant

Marcelo Odebrecht atoujours évité lefeu des médias. A45 ans, l’héritier et

patron de l’entreprise qui porte le nom de sa famille est décrit par ses proches comme un « worka-holic » (bourreau de travail) de sontemps, un jeune quadra à l’allurelisse et sage qui a su cultiver de-puis son arrivée en 2009 à la tête du plus grand groupe de cons-truction du Brésil une discrétion en toutes circonstances. Pendant longtemps, au siège d’Odebrecht, on s’est même refusé à communi-quer son âge exact. C’est dire si son arrestation par la police fédé-rale, le 19 juin sous l’œil des camé-ras, est venue brouiller l’image de celui qui avait refusé, à de très ra-res exceptions près, de figurer à la« une » des journaux.

« Reality show judiciaire »

Jusqu’à ce jour, Marcelo Ode-brecht est resté derrière les bar-reaux. Les multiples tentatives de ses avocats pour le faire sortir de sa cellule n’ont pas abouti. Le pe-tit-fils du fondateur d’Odebrecht est accusé d’être directement im-pliqué dans l’affaire dite du « La-va-Jato » (« lavage auto »), ce vasteréseau de versements de pots-de-vin ayant coûté plus de 2 milliardsde dollars (soit plus de 1,8 milliard d’euros) à la plus grosse entreprisedu pays, le pétrolier Petrobras. Les enquêteurs soupçonnent MarceloOdebrecht d’avoir organisé desdessous-de-table, voulu détruire des preuves et cherché à obtenir des soutiens politiques dans lebut de favoriser son groupe.

Le 24 juillet, il a été formellementmis en examen pour corruption etblanchiment d’argent. Une procé-dure jugée recevable par la justice fédérale quatre jours plus tard. Se-lon le parquet, lui et une poignée

d’autres dirigeants des plus gran-des entreprises de construction du pays ont formé un cartel pour se répartir les marchés attribués par Petrobras et versé des pots-de-vin à plusieurs directeurs de l’en-treprise pétrolière entre 2004 et 2014. Ce système aurait permis non seulement l’enrichissement illicite de nombreuses personnes de la compagnie mais aurait égale-ment fourni des financements à plusieurs partis politiques, dont leParti des travailleurs (PT, socia-liste) de la présidente Dilma Rous-seff et d’autres membres de sa coa-lition. Accusations rejetées en blocpar les défenseurs de M. Ode-brecht, dénonçant « un reality show judiciaire ».

Vingt-deux ex-dirigeants ethauts responsables sont dans le box des accusés. D’autres sui-vront. Mais l’incarcération de Marcelo Odebrecht est très certai-nement le symbole de la puis-sance de l’onde de choc provo-quée par l’opération Lava-Jato.Après avoir pris pendant des moispour cibles des dirigeants d’entre-prises de taille plus petites, la po-lice a frappé l’élite brésilienne ré-putée intouchable. Ce haut du pa-nier entrepreneurial brésilien en-gagé dans les réalisations phares comme la construction des instal-lations des prochains Jeux olym-piques 2016 de Rio.

Le premier contrat signé entreOdebrecht et le géant Petrobras

remonte en 1953 lorsque l’entre-prise de construction fut dési-gnée pour ériger une enceintepour les ouvriers travaillant sur un pipeline à Bahia, à l’est du pays.De nombreux contrats ont été né-gociés par la suite dont la cons-truction du siège même de Petro-bras au cœur de Rio de Janeiro.

L’arrestation de Marcelo Ode-brecht a brutalement interrompu la trajectoire de celui qui avait tri-plé en cinq ans les recettes du groupe (107 milliards de reais en 2014, soit 27,5 milliards d’euros). La direction du groupe seretrouve décapitée. L’hommeavait la réputation d’étudier tous les dossiers et de prendre person-

nellement toutes les décisions fi-nales de l’entreprise. Cette sou-daine vacance du pouvoir est d’autant plus problématique pourle premier employeur du pays quela période actuelle nécessite desprises de décisions cruciales. La récession qui frappe le pays a d’ores et déjà poussé de nombreu-ses entreprises à opérer de nou-veaux choix stratégiques. Petro-bras, pour ne citer qu’un exemple,vient de baisser d’un tiers ses pro-jets d’investissements.

Si d’un point de vue personnel,cet épisode est particulièrement humiliant pour Marcelo Ode-brecht, habitué aux suites luxueu-ses et palais présidentiels, ces mé-

saventures comportent égale-ment un volet politique. M. Ode-brecht et sa famille ont tissé desliens de grande proximité avec les politiciens les plus puissants du pays, tous bords confondus. En début d’année, Marcelo Ode-brecht a pris part à un dîner auquel participaient les dirigeantsdu Parti de la sociale démocratie brésilienne (PSDB, centre droit), leprincipal parti d’opposition.

M. Odebrecht entretient aussides relations étroites avec le PT, qui a aidé l’entreprise à prendre part dans les consortiums chargésde la construction des nouveaux stades de la Coupe du monde de football 2014. Et comme le rap-

pelle le Wall Street Journal, le fait de remporter depuis des décen-nies de gigantesques contrats de travaux publics indique que ses di-rigeants ont eu de tout temps des contacts réguliers avec les plus hauts dirigeants du pays.

A la mi-juillet, le parquet fédérala ouvert une enquête sur l’ex-pré-sident Lula pour trafic d’in-fluence. L’ancien président de la République (2003-2010) est accuséd’avoir intercédé auprès de diri-geants étrangers en faveur d’Ode-brecht. D’après des documents d’Itamaraty (le Quai d’Orsay brési-lien), il avait été reçu en juin 2011 àCuba par Marcelo Odebrecht. p

nicolas bourcier

Avec

l’incarcération

de M. Odebrecht,

la police a frappé

l’élite brésilienne

réputée

intouchable

L’HISTOIRE DU JOUR

La Co-op Bank, victimedu pasteur cocaïnomane

londres - correspondance

U ne nouvelle fois sous les projecteurs, la banque Co-opl’a échappé belle. Mardi 11 août, le régulateur financierbritannique (Financial Conduct Authority, FCA) a an-

noncé qu’il aurait dû infliger une amende de 120 millions de li-vres sterling (170 millions d’euros) à cet établissement mais que, en raison de sa fragilité, il y renonçait.

Depuis deux ans, la Co-op tente de se reconstruire et de renoueravec son image de « banque éthique ». En 2013, ses clients sont tombés de haut. L’établissement se targuait d’être une « coopé-rative » qui prenait soin des communautés et était prudente avecl’argent qui lui était confié. Mais, en juin de cette année-là, la ban-que a dû reconnaître qu’il lui manquait 2 milliards d’euros de fonds propres. Au bord de la faillite, l’établissement n’a dû son sa-

lut qu’à l’intervention de hedge funds.

Des erreurs « sérieuses »

Le président non exécutif de Co-op,Paul Flowers, a dû démissionner etl’affaire aurait pu s’arrêter là. Mais,cinq mois plus tard, voilà que ce der-nier faisait soudain la « une » des ta-bloïds. M. Flowers, pasteur métho-diste, s’était fait prendre le nez dansun billet de banque en train de sniffer

des lignes de cocaïne. Outre la poudre blanche, l’homme obèse,qui manquait de toute expérience bancaire, ne détestait pasnon plus les méthamphétamines et la kétamine, un anesthé-siant. Plaidant coupable lors de son procès, il a reconnu qu’ilprenait de la cocaïne alors qu’il était à la tête de la Co-op Bank.

Le vrai scandale était cependant financier. Sous sa direction,l’établissement, qui compte 1,4 million de comptes courants, a fait n’importe quoi. Mardi 11 août, la FCA et la Banque d’Angle-terre ont révélé l’ampleur des erreurs commises. « La culture [dela Co-op] donnait la priorité aux intérêts financiers de court termeplutôt que d’entreprendre des actions prudentes et durables. » Leserreurs ont été « sérieuses et courantes » à partir de 2009, quandla banque a acheté sa concurrente Britannia Building Society. Les finances de cette dernière étaient catastrophiques, mais la direction de la Co-op a préféré fermer les yeux. La gestion des risques, notamment pour les prêts aux promoteurs immobi-liers, était particulièrement laxiste. L’effet cocaïne peut-être. p

eric albert

PAUL FLOWERS NE DÉTESTAIT PASNON PLUS LESMÉTHAMPHÉTAMINES ET LA KÉTAMINE

Marcelo Odebrecht,lors de son arrestation,le 19 juin, àCuritiba,au Brésil.HEDESON ALVES/

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Page 14: Le Monde 13 Aout 2015

14 | économie & entreprise JEUDI 13 AOÛT 2015

0123

Crise du porc :la fièvre ne retombe pasLa FNSEA réclame des mesuresde trésorerie pour les entreprises

Zéro. C’est le chiffre affi-ché sur le tableau de co-tation du marché duporc breton de Plérin. Du

jamais vu depuis la création de cette place de vente aux enchères des Côtes-d’Armor. Lundi 10 août, deux gros transformateurs deviande, la coopérative Cooperl etla société Bigard-Socopa ont dé-cidé de boycotter les transactions.Et le prix qui se négociait à1,404 euro le kilo jeudi 6 août, lorsde la précédente vente, est tombé sur les écrans à zéro.

Cette décision surprise fait re-monter la tension au sein de la fi-lière porcine. Un nouveau bras de fer s’engage entre industriels et éleveurs. Au moment, où le cours du cochon tutoyait « le prix d’équilibre », estimé à 1,40 euro, selon Paul Auffray, président de laFédération Nationale Porcine(FNP), branche spécialisée de la FNSEA premier syndicat agricole français.

« Trop cher » ont dit en subs-tance les deux industriels qui de-mandent une baisse mettant dans la balance le prix du cochon allemand vendu 25 centimes de moins. Les deux abatteurs « dé-noncent une cotation politique to-talement décalée du prix de mar-ché européen », selon les termesdu communiqué diffusé par leSniv, le syndicat des entreprises françaises des viandes.

« C’est un ultimatum scandaleuxvis-à-vis des éleveurs. Ils veulent nous porter l’estocade », rétorqueM. Auffray, qui élève 4 000 co-

chons chaque année. La FNP avait fait monter la pression début juin excédée par la stagnation descours du porc à 1,20 euro le kilodepuis septembre 2014. Soucieux d’une revalorisation des prixpour arrêter l’hémorragie de leur trésorerie, des producteurs avaient mené des actions coup de poing dans des supermarchés pour dénoncer la présence dansles rayons de viande ne portant pas la cocarde « le porc français ».

Manque de compétitivité

Afin de calmer le jeu, Intermarchéavait annoncé le 8 juin être prêt à augmenter son prix d’achat aux éleveurs de 5 centimes par se-maine jusqu’à atteindre 1,40 euro par kilo. Leclerc, qui possède comme Intermarché ses propresabattoirs, lui avait emboîté le pas. Des engagements qui avaient été officialisés par la filière lors d’une table-ronde organisée le 17 juin sous l’égide du ministère de l’agri-culture, rassemblant distribu-teurs, industriels et éleveurs pour revaloriser le prix de la viande payé aux producteurs bovins mais aussi porcins.

Le seuil de 1,40 euro a finale-ment été franchi au marché au ca-dran de Plérin le 23 juillet. « Les abatteurs tiennent leurs engage-ments », déclarait alors le SNIV. Mais le syndicat ne manquait pas de souligner que si les distribu-teurs jouaient le jeu pour la viandefraîche, ce n’était pas le cas pour la charcuterie. Or elle représenteprès des trois-quart des débou-

Intermarché et Leclerc ont con-firmé, mardi, le maintien de leursacheteurs au cadran breton. Mi-chel-Edouard Leclerc a toutefois souligné que sa position était conditionnée à la présence des autres grands acteurs de la filière. La balle est donc dans le camp de Bigard-Socopa et de Cooperl. « Lesdeux grands abatteurs ne seront pas présents jeudi. Il y aura une co-tation mais avec 35 % des volumesen moins, elle ne sera pas repré-

sentative », affirme Paul Rouche, directeur délégué du SNIV. Etpour le président de la FNSEA, Xa-vier Beulin interrogé mercredi 12 août sur RTL, un nouveau boy-cott jeudi de la part des deux in-dustriels serait « catastrophi-que ». Le syndicat agricole ré-clame du gouvernement et de la Commission européenne des mesures d’urgence.

M. Le Foll a promis une nouvelletable-ronde sur la situation de la filière porcine fin août et a rap-pelé que le sujet brûlant de la crise de l’élevage sera au menu duprochain sommet des ministres européens de l’agriculture pro-grammé le 7 septembre. L’occa-sion d’évoquer les raisons pro-fondes de la crise porcine. L’em-bargo sanitaire russe sur laviande de porc européenne dé-crétée en février 2014, la baisse dela consommation, l’augmenta-

tion de la production euro-péenne portée par l’Espagne et l’Allemagne, ont fait plonger les cours. A cela s’ajoutent les diffé-rences de compétitivité desoutils d’abattage entre les payseuropéens. Mais aussi la duretédes négociations commercialesentre les acteurs de la filière qui conduisent à s’interroger sur larépartition de la valeur ajoutée.

Cette date du 7 septembre estfixée sur l’agenda de la FNSEA. Le syndicat souhaite en faire un ren-dez-vous clé de manifestation deséleveurs européens touchés par labaisse des cours, qu’ils soient pro-ducteurs de lait, de viande bovine ou porcine. La mobilisation de-vrait débuter en France dès le 1er septembre. Après un mois de juillet très chaud, la rentrée agri-cole s’annonce tout aussi tenduepour le gouvernement. p

laurence girard

Dans une entreprise de salaison de la viande à Brennilis (Finistère). DAMIEN MEYER/AFP

Au Royaume-Uni, les producteurs de lait expriment leur détresse sur les réseaux sociauxLes prix du lait ont chuté de 23 % en un an en raison des surcapacités de production

londres - correspondance

J eudi 30 juillet, Nick Thomp-son et quelques-uns de sesconfrères ont décidé de pas-ser à l’action. Le petit groupe

de producteurs de lait du Glouces-tershire, dans l’ouest de l’Angle-terre, s’est rendu à son supermar-ché local et a commencé à vider tous les étalages de bouteilles de lait. Ils ont ensuite recommencé lamême opération dans les deux enseignes voisines, ont filmé la scène et ont posté le tout sur les réseaux sociaux, se taillant unfranc succès. La vidéo a même été repris par les médias britanniques

L’opération « Milk Trolley Chal-lenge » (littéralement, « le défi du lait dans le chariot ») était lancée. « On cherchait une façon d’attirerl’attention du grand public, en le mettant de notre côté », explique M. Thompson. Objectif : sensibili-ser les Britanniques à l’effondre-ment brutal du prix du lait, moins23 % en un an.

Fin de la distribution à domicile

Pour tenter de réagir à la crise, les quatre principaux syndicats agri-coles du Royaume-Uni ont tenu un sommet d’urgence lundi 10 août. « L’industrie est en dé-tresse. Cela fait quarante-cinq ansque je suis agriculteur et c’est la pire situation que j’ai jamais con-nue », estime Meurig Raymond, leprésident du National Farmers

Union (Syndicat national des agri-culteurs).

Aujourd’hui, beaucoup de pro-ducteurs sont forcés de vendre à perte. Les centrales d’achat bri-tanniques imposent des prix qui peuvent descendre à 22 pence (31 centimes d’euros) par litre,alors que le coût de productiontourne autour de 28 pence. La crise est profonde et durable : de-puis 2002, le nombre de produc-teurs de lait au Royaume-Uni a étédivisé par deux, à environdix mille, et les exploitations souffrent d’un défaut de rentabi-lité.

Au Royaume-Uni, le petit pro-ducteur de lait occupe encore uneplace essentielle dans l’imagi-naire collectif. Beaucoup de Bri-tanniques gardent en mémoire la distribution à domicile de lait frais en bouteilles de verre consi-gnées. Pourtant, voilà bien long-temps que cette image d’Epinal n’est plus une réalité. Le lait est dé-sormais distribué par les super-marchés, qui en font un produit d’appel, souvent vendu à perte. « La concurrence entre les ensei-gnes est féroce », témoigne une porte-parole de l’Agriculture andHorticulture Development Board (AHDB), un organisme officiel centralisant les informationsagricoles.

Cette guerre des prix est trèsbrutale, les producteurs étant souvent à la merci des centrales

d’achat. Début août, First Milk,l’une des plus importantes d’en-tre elles, a annoncé une baissed’un demi-peny du prix au litre,en informant les producteurs uni-latéralement une demi-journée àl’avance seulement.

En 2012, un code de bonne con-duite volontaire avait pourtant été mis en place pour tenter de li-miter ce genre de comportement. Désormais, environ le tiers des contrats d’achat de lait assure auxproducteurs de ne jamais vendre à perte, le prix oscillant en fonc-tion des coûts. Mais c’est nette-ment insuffisant. Le développe-ment des magasins de hard dis-count ces dernières années a ag-gravé la situation. Mardi 11 août,les syndicats ont rencontré l’en-seigne Morrisons, l’une des plusimportantes du pays, lui repro-chant sont attitude très dure con-tre les producteurs.

Ralentissement chinois

Cette bataille ne concerne cepen-dant que le lait frais, un marchéqui représente la moitié de la pro-duction britannique. L’autre moitié – vendue en poudre oudans les produits laitiers – accuse les effets de la conjoncture àl’œuvre sur le marché mondial.Ces produits, facilement trans-portables, sont indexés sur leprix de référence international,Global Dairy Trade (GDT), qui s’est effondré de 65 % depuis son

pic de 2014, et est à son plus basniveau depuis 2002.

Une chute dont l’explication està chercher essentiellement enChine. Il y a deux ans, les classes moyennes chinoises consom-maient de plus en plus de pro-duits laitiers. Prévoyant une en-volée de la demande, de nom-breux producteurs ont augmenté leur capacité de production. La Nouvelle-Zélande, en particulier, inonde le marché. Mais la Chine, dont l’économie s’enraye, a ra-lenti très sensiblement ses impor-tations depuis le début de l’année.

La suppression des quotas euro-péens à cette date a encore accen-tué le phénomène. Enfin, la Rus-sie, l’un des plus gros marchés, acessé ses importations en 2014 enréaction aux sanctions économi-ques prises à son encontre. Autant d’éléments qui font dire à l’AHDB que « le monde se trouve ensurcapacité de production ».

Selon Sven Weier, analyste àUBS, la crise internationale de-vrait durer encore longtemps. Se-lon lui, l’industrie laitière est « en déni » face au ralentissement chi-nois et continue à investir beau-coup trop et les capacités de pro-ductions vont devoir être ajus-tées. En clair, il faudra fermer desexploitations agricoles. M. Thompson et ses confrères du Gloucestershire n’ont sans doute pas mené leur dernière action. p

eric albert

1 MILLIARDTel est le montant, en euros, de l’excédent des comptes courants en juin après + 0,2 milliard en mai et + 0,1 milliard en avril, d’après les données de la Banque de France publiées mercredi 12 août. Cet excédent résulte « principalement de la réduction du déficit des échanges de biens(– 1 milliard après – 1,7 milliard) », indique un communiqué. La banque note qu’un surplus trimestriel des transactions courantes, de 1,3 mil-liard au deuxième trimestre, n’était arrivé que deux autres fois depuis la mi-2007. En revanche, l’excédent enregistré cette année « reste modeste comparé à ceux enregistrés de manière récurrente avant 2005 ».

MÉDIASPearson vend ses 50 % dans The Economist GroupL’éditeur britannique Pearson a annoncé, mercredi 12 août, la cession de ses 50 % dans The Economist Group – qui publie The Economist – pour 469 millions de livres sterling (663 millions d’euros). Cette part a été rachetée par Exor, holding de la famille italienne Agnelli, et par The Economist Group lui-même. Pearson poursuit son recentrage dans l’édition éducative. Le groupe a récemment vendu le FT Group (Financial Times) au ja-ponais Nikkei. – (AFP.)

DISTRIBUTIONLagardère se renforce en Amérique du NordLe groupe Lagardère a indi-qué, mardi 11 août, racheter l’entreprise américaine Para-dies, spécialisée dans la distri-bution dans les aéroports, pour un montant de 485 mil-lions d’euros. « La combinai-son des activités de Lagardère Travel Retail en Amérique du Nord avec celles de Paradies permettrait de créer le

deuxième acteur du secteur [dans cette région] », précise un communiqué.

CYBERSÉCURITÉSymantec cède Veritas au fonds CarlyleLe groupe américain de sécu-rité informatique Symantec a annoncé, mardi 11 août, la vente de sa division de stoc-kage de données Veritas au fonds d’investissement Car-lyle Group pour 8 milliards de dollars (7 milliards d’euros). Symantec veut se re-centrer sur la sécurité infor-matique et les logiciels anti-piratage, un secteur dont il est le leader grâce, notam-ment, à son programme anti-virus Norton. – (AFP.)

SANTÉGeneral Electric cède des actifs de prêtsLe conglomérat américain General Electric, en plein re-centrage sur ses activités in-dustrielles, a indiqué, mardi 11 août, céder pour environ 9 milliards de dollars (8 mil-liards d’euros) des actifs de prêts dans la santé à la ban-que Capital One. – (AFP.)

chés des carcasses de porc. D’où la difficulté de faire passer les haus-ses auprès des industriels salai-sonniers prêts à acheter du co-chon espagnol, allemand ou belge. Ils mettaient aussi en exer-gue leur manque de compétitivitéà l’export face à leurs concurrents européens. De son côté, la FNP ne criait pas victoire, estimant que leséleveurs étaient loin d’être sauvés.« C’était une montée des prix en trompe l’œil. Bigard ne l'a jamais acceptée », affirme M. Auffray.

Dans ce contexte à nouveautendu, le ministre de l’agriculture Stéphane Le Foll a promis, mardi 11 août, de tout mettre en œuvre pour rétablir les cotations jeudi 13 août à Plérin. Le marché au ca-dran breton, même s’il ne traite que 10 à 15 % des volumes de porc commercialisés en France, donne deux fois par semaine un prix quisert de référence nationale.

« Les industriels

veulent

nous porter

l’estocade »

PAUL AUFFRAY

président de la Fédérationnationale porcine

Page 15: Le Monde 13 Aout 2015

0123JEUDI 13 AOÛT 2015 débats | 15

ANALYSE

benjamin barthebeyrouth - correspondant

U n an après la controverse suscitée par l’interdiction decertaines manifestations de solidarité avec la bande deGaza, la société française se crispe une nouvelle fois sur

la question israélo-palestinienne. L’objet de la polémique est la journée « Tel-Aviv sur Seine » organisée jeudi 13 août par la Mai-rie de Paris, qui consiste à récréer sur les berges de la capitale l’ambiance hédoniste de la cité balnéaire israélienne.

Les défenseurs de cette opération vantent une simple fête, per-mettant de bâtir des ponts avec une ville progressiste, opposée àla politique du gouvernement de Benyamin Nétanyahou. Ses op-posants dénoncent une manœuvre de communication, suscep-tible de redorer l’image de l’Etat juif et de l’aider à perpétuer l’oc-cupation des territoires palestiniens.

Au cœur de cet affrontement, il y a ce que l’on pourrait appelerla culture d’Oslo. Les initiateurs de « Tel-Aviv sur Seine », n’en dé-plaise à certains propalestiniens ultra, ne sont pas des sous-ma-rins de la droite israélienne. Les membres du PS raisonnent sim-plement, comme la plupart de leurs collègues de droite et de gau-che, avec la grille d’analyse du processus d’Oslo, ce mécanisme derèglement du conflit forgé au début des années 1990 par Yasser Arafat, Itzhak Rabin et l’administration de Bill Clinton.

Un paradigme qui présuppose que les torts sont égalementpartagés, que les deux parties sont animées de bonne volonté, etqu’en les réunissant donc autour d’une même table, la paix finirapar émerger sous la forme de deux Etats pour deux peuples. A cetitre, tout projet visant à créer du lien, notamment par la culture,

est bon à prendre. Toute main tendue est bonne à promouvoir, voire à survaloriser. Un travers auquel cède Anne Hidalgo, la maire de Paris, lorsqu’elle vante dans sa tribune publiée mardi 11 août dans Le Monde « les manifestations de solidarité impres-sionnantes » avec la famille du petit Palestinien brûlé vif par des extrémistes juifs, qui se seraient déroulées à Tel-Aviv. Ceux qui y étaient, comme l’écrivain israélien Etgar Keret, ont été effarés de voir la place Ithzak-Rabin « à moitié vide ».

Rupture générationnelle

En face, les pourfendeurs de « Tel-Aviv sur Seine », n’en déplaise àcertains pro-israéliens aveugles, ne sont pas des antisémitesmasqués. Si la mouvance propalestinienne rejette de plus en plus le discours des élites politiques et médiatiques sur ce dos-sier, c’est parce que contrairement à celles-ci, elle n’est plus im-prégnée de la culture d’Oslo, de son langage et de ses tics. Mani-festants d’un jour ou militants de longue date, les propalesti-niens des années 2010 ne voient plus dans les violences qui en-sanglantent la région l’affrontement de deux nationalismes qu’ilfaut réconcilier, mais un système de discriminations et d’apar-theid, qu’il faut mettre à bas. Le maître mot dans les années 1990était « négociations ». Son homologue aujourd’hui est BDS,l’acronyme du mouvement boycott-désinvestissement-sanc-tions, qui réclame des sanctions contre Israël. Son ambition :rompre le sentiment de normalité – dont Tel-Aviv est le symbole– qui permet aux Israéliens de garder la tête dans le sable.

La première cause de cette rupture est générationnelle. Pour lesjeunes qui ont protesté contre l’offensive israélienne dans labande de Gaza en été 2014, la poignée de main Arafat-Rabin, en 1993, sur le perron de la Maison Blanche, est une date dans unlivre d’histoire. Et les attentats-suicides du Hamas, une note en

bas de page. Les événements fondateurs de leur engagement sont l’attaque de la flottille de Gaza, la construction du « mur de l’apartheid », le bouclage de la bande de Gaza, ou l’offensive « Plomb durci » contre ce même territoire. Une litanie de crimesde guerre et de violations du droit international, où ils peinent à trouver une trace de bonne volonté israélienne.

La deuxième raison est politique. En vingt ans, l’opinion israé-lienne a dérapé à droite. A force de participer aux gouverne-ments dirigés par le Likoud, sous la tutelle d’Ariel Sharon ou Benyamin Nétanyahou, la gauche travailliste a scié la branche surlaquelle elle était assise. Quand en novembre 2009, Bernard Kou-chner, alors chef de la diplomatie française, déplore « la dispari-tion du camp de la paix israélien », il énonce une évidence, que seuls ceux qui ne viennent jamais dans la région peuvent contes-ter. Les militants propalestiniens, s’ils ont des défauts, n’ont pas celui-là. Depuis le début de la deuxième Intifada en 2000, des milliers d’entre eux se sont rendus en Cisjordanie et en Israël, dans le cadre de missions de solidarité.

La troisième raison, enfin, est culturelle. La nébuleuse « pro-pal » s’est enrichie ces dernières années de nombreux citoyens de culture arabo-musulmane, dont le rapport à la Palestine est beaucoup plus sentimental que celui de leurs devanciers des an-nées 1990.

On sait ce qu’il est advenu d’Oslo. Tué à petit feu par le terro-risme, la colonisation, et le refus des dirigeants israéliens de lais-ser se créer, en Cisjordanie et à Gaza, un Etat digne de ce nom. Le courant propalestinien français a tiré de cet échec ses propres le-çons. Judicieuses ? Trop radicales ? Avant de se prononcer, laclasse politique, PS en tête, devrait commencer son autocritique.La grille d’analyse qu’elle applique au conflit israélo-palestinien est définitivement périmée. p

AVANT DE SE PRONONCER,

LA CLASSE POLITIQUE, PS EN TÊTE,

DEVRAIT COMMENCER

SON AUTOCRITIQUE

« Tel-Aviv sur Seine » : une grille de lecture périmée

A qui profitent les Mistral ? | par adrià fruitos

Le renouveaudu « Black Power »En 1965, des émeutes raciales éclataientà Los Angeles. Cinquante ans plus tard,la violence policière persiste et une nouvelle radicalité prend forme pour s’y opposer

par charlotte recoquillon

L e 10 août, au lendemain d’un rassemblement tenu un anaprès la mort de Michael Brown qui a tourné à l’affronte-ment, l’état d’urgence a été déclaré à Ferguson, dans le Mis-

souri. C’est dans ce climat que nous célébrons le cinquantième anniversaire des émeutes raciales de Watts. Dans ce quartier de Los Angeles, tout débute le 11 août 1965, lorsque Marquette Frye, un jeune homme noir, est contrôlé pour conduite en étatd’ivresse. Son frère, qui était à bord de la voiture, part prévenir leur mère. Après l’arrivée de cette dernière sur la scène, la tensionmonte rapidement. Des voisins et badauds assistent à l’alterca-tion. Lorsque les trois membres de la famille sont finalement ar-rêtés, le quartier s’embrase. Mais la brutalité policière n’est que l’étincelle. Les causes profondes sont à chercher dans la violence de la misère, de la ségrégation, du racisme et dans la médiocrité du système éducatif ou du logement…

Cette année aussi, les Etats-Unis ont connu des violences urbai-nes, notamment à Ferguson, puis à Baltimore, où des émeutesont divisé la ville pendant deux semaines en avril, après la mort de Freddie Gray. Fort heureusement, le bilan n’est pas compara-ble. En 1965, il y avait eu 34 morts, plus d’un millier de blessés, en-viron 4 000 arrestations et près de 40 millions de dollars de dé-gâts en seulement six jours, tandis qu’en 2015 on compte 250 per-sonnes arrêtées, une vingtaine de policiers blessés et quelquesmillions de dollars de dégâts de nouveau. Mais la similarité des causes est troublante. Cinquante ans plus tard, les violences poli-cières sont toujours quotidiennes, la ségrégation, les discrimina-tions et la stigmatisation des Noirs américains toujours systémi-ques. Et les appels au calme les mêmes, en direction des manifes-tants qui veulent faire respecter l’égalité de leurs droits, affirmer leur dignité et réclament la fin des brutalités policières : 708 morts en 2015.

UNE MULTITUDE DE LEADERS LOCAUX

Mais, grâce à la mobilisation d’une nouvelle génération très ac-tive dans les médias et sur les réseaux sociaux, les choses évo-luent aussi et le militantisme noir connaît une renaissance. In-novation majeure depuis la mort de Michael Brown il y a un an, l’émergence d’un discours plus radical, une redéfinition de la violence elle-même. Ils ont réussi à toucher l’opinion publique américaine, même blanche, en démontrant que la véritable vio-lence n’est pas celle d’un magasin brûlé, mais celle de l’Etat qui suréquipe ses forces de l’ordre pour contrôler certains quartiers –ceux où des politiques publiques confinent les pauvres et les mi-norités –, violence qui amène les Noirs américains à se reconnaî-tre dans les traits de Michael Brown, Freddie Gray ou SandraBland. C’est un accomplissement remarquable.

Si les émeutes de Watts ont marqué la radicalisation du mouve-ment de libération des Noirs et la fin de la non-violence, la mobi-lisation en 2015 contre la brutalité policière et le racisme institu-tionnel constitue aussi un moment historique, qui s’appuie sur une multitude de leaders locaux, plutôt que de compter sur des figures charismatiques. Ce mouvement populaire national porte un discours complexe sur les identités et réaffirme la va-leur de la vie des Noirs. Le « Black Power » est réincarné. p

¶Charlotte Recoquillon est chercheuse à l’Institut français de géopolitique

suite de la première page

Son succès a pourtant des limites. L’admi-nistration Abe a échoué à convaincre la population du bien-fondé de cette re-lance. Les sondages montrent qu’une ma-jorité des Japonais, profondément mar-qués par Fukushima et plus que jamais in-quiets du risque sismique, reste hostile aunucléaire. Leur conviction est renforcée par le fait que l’Archipel n’a pas rencontré de problèmes d’approvisionnement mal-gré l’arrêt total de son parc nucléaire.

Les critiques considèrent par ailleursque les leçons de Fukushima n’ont pas été pleinement tirées. La filière nucléaire,malgré des réformes notamment en ma-tière de sûreté, suscite toujours des inter-rogations. Outre le démantèlement de Fukushima, qui devrait prendre plu-sieurs décennies, l’Archipel n’a toujours pas activé l’onéreux site de retraitementdes déchets de Rokkasho (département d’Aomori, nord), construit il y a vingt ans,et le surgénérateur de Monju (départe-ment de Fukui, centre). Le devenir des dé-chets hautement radioactifs reste donc sans solution.

De même, le processus qui a conduit à larelance de Sendai reste opaque. Soumis aux pressions du Keidanren, la puissante fédération patronale nippone, et des ser-vices du ministère de l’économie chargés de la promotion du nucléaire, le gouver-nement a évité de faire trop de publicité à ce projet. Il a aussi tout fait pour éviterd’assumer la pleine responsabilité de la re-lance, préférant la reporter sur les compa-gnies d’électricité et les autorités locales.

Tout cela traduit un fonctionnement àl’ancienne, sans vision d’avenir et décon-necté de la volonté populaire. Car, sur le

plan industriel, ces choix apparaissent également discutables. Les entreprisesnippones maîtrisent les meilleures tech-nologies de production d’électricité d’ori-gine renouvelable, solaire notamment.Après Fukushima, le gouvernement de centre gauche alors au pouvoir avait mis en place une ambitieuse politique de soutien à ces énergies tout en prônant une sortie progressive du nucléaire. Le gouvernement Abe a vidé de son sens cette politique, freinant le développe-ment d’activités par ailleurs en pleine ex-pansion dans le monde.

Ces orientations sont à rapprocher desengagements du Japon pour l’environne-ment. Dans la perspective de la COP21 de Paris, Tokyo a annoncé, début juin, un objectif de réduction des émissions degaz à effet de serre de seulement 26 % d’ici à 2030 par rapport à 2013. Dans lebouquet énergétique final, l’atome de-vrait fournir 20 % à 22 % de l’électricité nippone, contre 28 % avant Fukushima. Jugé modeste, l’engagement nippon il-lustre le manque d’audace d’un gouver-nement finalement toujours prisonnierdes cadres passés, loin de l’image réfor-miste qu’il souhaite se donner. p

NUCLÉAIRE : LE RETOUR EN ARRIÈRE DU JAPON

Page 16: Le Monde 13 Aout 2015

16 | culture JEUDI 13 AOÛT 2015

0123

9|11 ARTISTESET MÉDECINSL’écrivaine, gynécologue au Bangladesh avant de quitter son pays, poursuiviepar une fatwa,dénonceles atteintes aux droits des femmes

C’est en 1994 que lemonde découvre l’écri-vaine Taslima Nasreen.Elle est alors âgée de

32 ans, et une fatwa a été lancée contre elle par des intégristes mu-sulmans, suscitant une émotion internationale. A l’époque, en de-hors du Bangladesh, son pays d’origine, et de l’Inde, bien peu de gens ont lu les écrits de celle que les médias s’empressent de sur-nommer « la Salman Rushdie ban-gladaise ». Des romans, recueils depoésie et éditoraux dans lesquels elle dénonce l’isolement et l’alié-nation des femmes en Asie, main-tenues dans un état de quasi-escla-vagisme au nom des religions, et notamment de l’islam. « Notre Constitution reconnaît l’égalité en-tre les sexes. Dans la réalité de nos campagnes, on en est loin : il faut que ça change », martelait-elle en février 1994 aux journalistes ve-nus l’interroger dans son apparte-ment de Dacca, gardé par des poli-ciers, avant qu’elle soit contrainte de quitter son pays pour une lon-gue période d’errance.

Cette « réalité », qu’elle continueaujourd’hui de combattre en exil, c’est au Dhaka Medical College andHospital que Taslima Nasreen l’a approchée au plus près. Cette jeune femme au visage rond et au regard doux est alors non seule-ment une auteure populaire mais aussi une gynécologue. Elle tra-vaille depuis huit ans dans cet éta-blissement public réputé où elle est médecin chef quand des grou-pes musulmans fondamentalistes commencent à la persécuter, l’ac-cusant de « blasphème ». Elle dé-cide de démissionner en fé-vrier 1993, peu avant que soit lan-cée contre elle la première fatwa, afin de protester contre la confis-cation de son passeport par le gou-vernement bangladais sous pré-texte qu’elle écrit « contre la reli-gion », et qu’à la rubrique profes-sion, elle a indiqué « journaliste » plutôt que « médecin ».

Elevée dans une famille musul-mane de la petite bourgeoisie pro-vinciale, Taslima Nasreen, qui se rêvait artiste, a été poussée à pour-suivre ses études par son père, mé-

decin. « Il m’a encouragée à étudier,à devenir médecin, à être indépen-dante et à vivre dans la dignité et dans l’honneur », raconte-t-elle dans le livre d’entretiens réalisés avec Caroline Fourest, Libres de le dire (Flammarion, 2010). La jour-naliste et réalisatrice, qui continue de voir Taslima Nasreen régulière-ment, lors de ses passages en France ou à l’étranger, estime que « pratiquer la médecine a joué un rôle certain dans sa révolte, mais qu’elle était déjà engagée dans les mouvements progressistes bien avant ».

Néanmoins, l’essayiste pointe unévénement qui, selon elle, « a mar-qué chez elle un tournant » et qu’elle situe en 1992, « au moment où les intégristes bengalis se sont mis à persécuter la minorité hin-doue et que, en tant que médecin, elle s’est retrouvée confrontée aux estropiés et aux blessés graves qui lui arrivaient. C’est là qu’elle a plei-nement pris conscience de l’horreurde la situation ».

Tout le temps où elle a exercé,Taslima Nasreen, qui vit actuelle-

ANNE-GAËLLE AMIOT

Paul Kalkbrenner veut convertir les Américains à la technoPour son nouvel album, « 7 », le musicien et DJ allemand a cherché l’inspiration dans les archives de Columbia

ELECTRO

L e Berlinois Paul Kalkbren-ner, que les intimes appel-lent aussi Paul K, parle vite,

en anglais, avec un accent germa-nique à couper au couteau. Ce rat de studio, pionnier de la techno al-lemande au milieu des années 1990, se presse de terminer ses en-tretiens pour la promotion de son nouvel album, 7, opportunément sorti un 7 août.

Trentenaire, au crâne chauve, hé-ros du film Berlin Calling, de Han-nes Stöhr, il accorde peu d’inter-views. Il préfère rester enfermé dans son studio, qu’il a établi en 2011 au fin fond de Berlin-Est à

Rummelsburg, pas loin de là où il agrandi à Lichtenberg.

Mais pour ce disque, publié par lamajor Sony Music, il est prêt à des compromis : « J’ai accepté de faire un album de douze morceaux, seu-lement, explique-t-il, dont trois avec des vocaux pour passer en ra-dio, mais pour le reste, j’ai gardé le contrôle artistique. Plus de conces-sions et cela m’aurait coupé dans mon processus de création. »

La raison de cet assouplisse-ment : sa nouvelle compagnie phonographique, Columbia, l’un des fleurons, avec RCA, de Sony, lui a permis d’aller fouiller dans ses archives pour nourrir son album. « Toutes les bandes de leurs artistes

ont été numérisées à New York, ra-conte-t-il. Je me suis régalé dans leur bibliothèque, je suis même tombé sur un enregistrement inéditde Bob Dylan et de Johnny Cash jouant de la guitare ensemble, ap-paremment éméchés, mais je n’ai pas voulu y toucher. S’ils ne l’ont pas sorti, c’est qu’il y a une raison. »

« Eduquer » l’oreille

En revanche, le compositeur berli-nois a retravaillé White Rabbit, de Jefferson Airplane (1967), « qu’adorent » ses parents, d’an-ciens journalistes de la télé est-al-lemande, pour un hypnotique Feed Your Head. Il a aussi trans-formé le disco synthétique de D-

Train, You’re the One for me, de 1981, en un titre beaucoup plus soul et plus intense, l’inspiré Cloud Rider. Mais la rencontre du troisième type, c’est vraiment écouter Paul Kalkbrenner s’empa-rer de la voix du prince du R’n’B, Luther Vandross, mort en 2005, et de son tubesque Never too Much pour le planant A Million Years :« Plus personne ne chante comme lui en une seule prise, dit le DJ, ad-miratif. Ces ayants droit ont telle-ment aimé mon remix du morceauqu’ils voulaient m’envoyer ses mu-siciens pour en refaire d’autres. Mais, vraiment, je suis un solitaire. Je n’aime pas avoir des gens avec moi en studio. »

Ce qui a aussi motivé Kalkbren-ner, c’est son désir de conquérir le public américain, l’une des raisonspour lesquelles il a aussi signé chezune major plutôt que de rester chez son label indépendant. Il n’a pour l’instant joué qu’au CoachellaFestival, en Californie, et rêve d’en découdre lors des gros événe-ments de l’Electronic Dance Music.Lui qui a joué devant 500 000 per-sonnes devant la porte de Brande-bourg pour le vingt-cinquième an-niversaire de la chute du mur de Berlin, veut « éduquer » l’oreille outre-Atlantique à la techno.

« Ce qui a tout changéaujourd’hui, précise-t-il, c’est que la musique électronique est écou-

tée par les Américains. Ce n’était pas le cas il y a encore dix ans. Si après avoir entendu mon album vous pensez que c’est la même mu-sique que celle de David Guetta, je ne peux rien faire pour vous. »

Ce passionné d’histoire des em-pires européens mènera certaine-ment sa bataille à la victoire, puis il retournera en studio, seul mais heureux. p

stéphanie binet

7, de Paul Kalkbrenner, 1 CD Columbia/Sony Music.En concert le 20 août au Cabaret vert à Charleville-Mézière (Ardennes), le 21 août aux Docks des Suds, à Marseille.

que médecin, je ne vois rien de mal à cela ! », leur répond-elle, non sans ironie.

Dans la conclusion de son dis-cours prononcé le 29 septembre 1994 devant le Parlement interna-tional des écrivains, celle qui est devenue le symbole de la révolte féministe en terre d’Asie, expli-quait : « Il y a un mot de notre lan-gue qui sert à qualifier les femmes bengalies : il signifie “muettes”. C’est pourquoi je me suis sentie obli-gée de prendre la plume. (…) Les femmes muettes de mon pays sa-vent que j’ai écrit pour elles. Pour el-les, les muettes, les sans-voix, dont les cœurs se brisent mais dont les lè-vres ne forment aucun mot. »

Ses livres sont une manière desecouer leur conscience, comme après une longue anesthésie, dit celle qui n’oublie pas son passé médical : « J’aimais beaucoup le moment où je réveillais les patien-tes après une intervention. J’avais l’impression de leur donner une nouvelle vie. Ce réveil ressemble au travail de l’écrivain tel que je le con-çois. Mes textes sont pour elles comme une prescription médicale. Je veux qu’elles se mettent en co-lère. » Aujourd’hui, au Bangladesh, le prénom Taslima est devenu un nom commun qui signifie « ré-voltée ». p

sylvie kerviel

Prochain article : Thierry Serfaty, né en 1967, médecin généraliste et écrivain.

Les piqûres de révoltede Taslima Nasreen

ment cachée aux Etats-Unis, a pu aussi mesurer l’état « d’immense détresse » dans lequel était mainte-nue la majorité des femmes de sonpays, et cela dans tous les milieux.

A l’hôpital ou lors de consulta-tions à domicile et au planning fa-milial, elle est amenée à soigner des femmes au corps maltraité, voire brûlé par un époux jaloux ouivre ; des femmes qui pleurent à l’accouchement en apprenant qu’elles ont mis au monde une pe-tite fille parce que les filles ne sont pas désirées et que le mari peut alors demander le divorce. Des

mères « souvent épuisées par six ousept grossesses rapprochées, qui veulent se faire stériliser mais n’y sont pas autorisées par leur mari. Lesquels pensent que les enfants sont un don de Dieu, que ce serait une faute d’aller contre Sa vo-lonté », rapporte-t-elle dans Ru-meurs de haine (Philippe Rey, 2005). Des femmes que l’on ne conduit à l’hôpital « qu’en dernier recours, au stade terminal », témoi-gnait-elle en octobre 2005, lors d’une intervention à Deauville, où elle était venue, sous protection policière, participer au colloque annuel du Women’s Forum for the Economy and Society. « Elles ne sont pas censées tomber malades : qui s’occuperait des tâches ména-gères, de l’éducation des enfants, dufoyer et de ses membres mascu-lins ? »

« Dès l’âge de 6 ans, j’avais com-pris la cruauté de ce monde, ce monde dans lequel il n’est guère deplus grande misère que de vivre au féminin », écrit Taslima Nasreen, elle-même plusieurs fois divorcée, dans son autobiographie, Enfance,

au féminin (Stock, 1998). Adoles-cente, elle est, comme les autres jeunes filles de son âge, interdite de bicyclette, le mouvement des cuisses étant considéré comme trop évocateur ; elle doit renoncer à sortir pour échapper au harcèle-ment des hommes et aux attou-chements. La plupart des femmes qui l’entourent sont privées de li-berté économique, dépendantes du père, du mari, des fils, parce que, souvent, elles n’ont pas eu ac-cès à l’éducation.

« Pornographe »

Essentiellement des femmes, les lecteurs de ses premiers textes trouvent dans ses chroniques un écho à une situation d’aliénation subie en silence. Des écrits lus en cachette de leurs maris et qui jouent un rôle d’émancipation auprès des jeunes, du moins celles qui ont appris à lire. Intolérable aux yeux des islamistes, qui la qua-lifient de « pornographe », de « li-bératrice du vagin » parce qu’elle n’hésite pas, dans ses livres, à dé-crire les organes sexuels. « En tant

« Dès mes 6 ans,

j’avais compris

la cruauté de ce monde dans

lequel il n’estde plus grandemisère que de

vivre au féminin »

Page 17: Le Monde 13 Aout 2015

0123JEUDI 13 AOÛT 2015 culture | 17

Excentricités en hommage au facteur ChevalEn écho au « Palais idéal », le château d’Hauterives expose des réalisations fantaisistes d’art brut

ART

hauterives (drôme)

Parmi les nombreuses ins-criptions que Joseph Fer-dinand Cheval, dit le Fac-teur Cheval, a tracées en

divers points de son Palais idéal, à Hauterives, figure celle-ci, en forme de défi : « Au champ du la-beur, j’attends mon vainqueur ». Bruno Decharme et Antoine de Galbert pourraient la faire leur. Le premier, cinéaste, a fondé en 1999 la collection Abcd, qui est l’une desprincipales dans son domaine, ce-lui que Jean Dubuffet désignait du terme impropre – mais passé à la postérité – d’art brut. Abcd signifiedu reste « art brut connaissance & diffusion ». Enquêtant, visitant, accumulant, interviewant et fil-mant, il ne cesse de nourrir cet en-semble, dont une partie a été mon-trée l’hiver 2014-2015 à la Maison rouge. Laquelle est la création, en 2004, d’Antoine de Galbert, autre collectionneur obsessionnel et boulimique. L’art actuel, celui des marginaux et des autodidac-tes, celui aussi des cultures tenues jadis pour « primitives » le capti-vent également.

Association d’acharnés

Que ces deux acharnés – au meilleur du terme – s’associent pour rendre hommage à l’acharné Facteur en prenant dans leurs col-lections paraît ainsi logique. Res-tait une difficulté : Cheval a cons-truit en trente-trois ans son palais et en huit ans son tombeau. Mais, bien qu’il y ait très tôt accueilli des visiteurs et pris soin d’en faire tirerdes cartes postales – réflexe profes-sionnel, il n’a pas songé à bâtir un musée. Or, il fallait un lieu assez vaste pour recevoir les œuvres choisies par Decharme et Galbert. C’est là que d’autres acharnés in-terviennent. Pour aménager l’étage du château d’Hauterives, des volontaires se sont mis à l’ouvrage. Retraités du village, pour la plupart, ils ont nettoyé, re-peint, vérifié boiseries et char-pente, installé électricité et sys-tème de surveillance, le tout en deux mois. Résultat : des salles ar-rangées avec simplicité et justesse. Les œuvres de grande taille d’artis-tes d’aujourd’hui tels Elsa Sahal, Stéphane Thidet et Elmar Tren-kwalder s’y trouvent autant à leur aise que celles, de dimensions plusréduites, d’Adolf Wölfli, Scottie Wilson ou Fleury Joseph Crépin, fi-gures majeures de cet art dit autre-fois « des fous ».

Pour faire écho au Palais idéal,ont été réunis des travaux qui ré-

pondent à un désir d’élévation symbolique ou mystique, à celui d’une construction qui mette en ordre le monde, ou aux deux à la fois. Diagrammes, plans, projets et visions d’architectures monu-mentales y tiennent donc la pre-mière place : Maison de Mozart surJupiter, de Victorien Sardou, façadedémesurée de Marcel Storr, fabu-leux Panorama de Moscou de Willem van Genk. Le mineur spi-rite et médium Augustin Lesage est honoré d’une salle, où se mani-festent ensemble la complexité de son système ésotérique et allégori-que et l’extrême soin qu’il met à peindre point par point des dispo-sitifs géométriques symétriques etdivisés en registres comme des tympans. L’alliance de l’hermé-tisme le moins accessible et de l’exécution la plus méthodique ap-paraît comme l’un des caractères les plus constants de ses créations :ce qui est vrai de lui se vérifie des« mandalas » de Wölfli, des sché-mas anthropomorphes de Janco

Domsic et des cartographies tra-cées avec une finesse admirable par Zbynek Semerak. Et se vérifie dans le Palais idéal. Rien de moins « brut » que ces élaborations mi-nutieusement matérialisées.

Ces termes s’appliquent aussibien à ces autodidactes qu’à ceux qui sont passés par des écoles. Trenkwalder a étudié aux Beaux-Arts de Vienne, ce qui n’empêche que sa terre cuite blanche de 3 mè-tres de haut exalte érotisme et fé-condité avec une intensité que la lenteur du processus créatif n’a pas amoindrie. Elle dialogue avec un dessin à l’encre et aquarelle d’Emmanuel Deriennic, alcooli-

que, interné cinq ans dans un hô-pital psychiatrique pour « halluci-nations ». A ce dernier, sa maîtrise graphique a valu d’être surnommé« le Calligraphe » – surnom qui conviendrait à Thibault de Gial-luly, passé par les Beaux-Arts de Pa-ris et auteur d’une tour de Babel non moins extravagante. Johan Creten a étudié à Gand, Paris et Amsterdam. Son relief Odore di fe-mina ne s’en harmonise pas moinsaux apologies idolâtres de la femme peintes par Crépin – quin-cailler, guérisseur et télépathe. Ainsi, d’une œuvre à l’autre, fran-chit-on dans les deux sens la fron-tière supposée séparer deux mon-des, les artistes « professionnels » et les « autres ». A moins qu’elle ne soit qu’une convention. p

philippe dagen

Elévations, Château d’Hauterives (Drôme). Tél. : 04-75-68-81-19. Tous les jours, de 11 heures à 18 h 30. Entrée : 3 €. Jusqu’au 30 août.

Une sépulture frangée comme un rideau d’opéra pour Noureev9|11 TOMBES D’ARTISTES Le danseur et chorégraphe repose au cimetière russe de Sainte-Geneviève-des-Bois

I l faut prendre l’autoroute dusoleil pour aller se recueillirsur le tombeau de Rudolf

Noureev (1938-1993) dans le ci-metière russe de Sainte-Geneviè-ve-des-Bois (Essonne). Un îlot devégétation atmosphérique, avec fouillis de bouleaux, ifs, sapins, mélèzes, entre lesquels les sépul-tures semblent se lover. Une vi-sion incroyablement exotique surplombée par le dôme bleu d’une église orthodoxe.

Située en bordure de l’avenuecentrale des épicéas, la sépulturedu danseur et chorégraphe, di-recteur du Ballet de l’Opéra natio-nal de Paris de 1983 à 1989, mort du sida, se repère de loin. Ellepossède l’allure d’un sarcophageentièrement recouvert d’un tapisde mosaïques façon kilim.Rouge, bleu et doré, cette mer-veille insolite a été conçue après la mort de Noureev par Enzo Fri-

gerio, décorateur, longtemps complice du danseur. « Il s’est ins-piré des tapis orientaux dont Nou-reev raffolait, avec franges en bronze doré rappelant le rideau del’Opéra, précise René Sirvin, jour-naliste au Figaro, premier à avoirinterviewé le danseur lors de sonpassage à l’Ouest en 1961.L’ouvrage est fragile, en particu-lier lorsqu’il gèle. Certains mor-ceaux de mosaïque ont déjà étéremplacés. »

Le cimetière russe abrite nom-bre d’artistes et de danseurscomme Nina Vyroubova, maisaussi des princesses impérialesémigrées à la révolution, des réa-lisateurs et des vedettes de ci-néma. « Ce serait André Larquié, alors président de l’Opéra de Paris,qui aurait suggéré à Noureev, quelques mois avant sa mort,d’envisager un lieu de sépulture quand le moment en serait venu,

poursuit René Sirvin. Larquié lui a proposé Sainte-Geneviève-des-Bois, et Noureev aurait finale-ment approuvé, précisant : “Pas trop près de Lifar, si possible !” »

Le dossier Serge Lifar (1905-1986) pèse lourd dans la vie deNoureev, dont la tombe n’est fi-nalement qu’à 60 mètres de cellede son compatriote russe, égale-ment danseur et chorégraphe. « Il le vomissait, le détestait, ajoute Ariane Dollfus, auteur de la biographie Noureev l’insoumis(Flammarion, 2007). Selon lui, il dévoyait le style russe. » Elle évo-que l’interview haineuse donnéeen 1963 par Lifar pour Paris Jouret reprise dans un quotidien so-viétique. « Il le décrivait comme un instable, un chorégraphe nul. Ildisait que son acte de désertionétait injustifiable… » L’affaire estencore plus sournoise. « Lifar futd’abord plein d’admiration pour

Noureev, précise René Sirvin. Ce qui déplut aux Soviétiques. Lifar reçut donc une invitation officiellede Moscou, pour une visite à Kiev,sa ville natale, où il n’était jamais retourné depuis sa fuite à Parisen 1925. Donnant, donnant : auretour, en 1963, il écrivit un articleincendiaire contre Noureev, mau-vais danseur, traître à sa patrie… »Ce qui valut évidemment à Nou-reev de disparaître illico des ta-blettes soviétiques.

Mise en scène grandiose

Le danseur ne répondra pas aux injures. Sauf à la fin et non sansironie. Alors que le corbillard deLifar, qui fut également directeurdu Ballet de l’Opéra national deParis, eut juste l’honneur de pas-ser devant le Palais Garnier, le cercueil de Noureev fut le pre-mier et pour le moment le seul àavoir eu droit à une cérémonie

funèbre à l’intérieur. Autant direune exception.

Une mise en scène grandiosemais sobre. Porté par six inter-prètes de la maison, il fut ac-cueilli par tous les danseurs et sesamis artistes. Sur des musiquesde Bach, quatre textes furent lus,dont Les Illuminations, de Rim-baud, par Patrice Chéreau. Il sor-tit par la grande porte. « Il pleu-vait et pourtant les gens étaient restés sur la place de l’Opéra pourapplaudir », se souvient ArianeDollfus.

Au cimetière, deux emplace-ments côte à côte ont été achetés,« pour éviter tout voisinage dé-plaisant », dixit René Sirvin. Un petit banc en marbre noir y est posé devant une haie. Chaque an-née, le 6 janvier, date de sa mort,le Cercle des amis de Noureevvient y déposer des bouquetsavant de déjeuner dans un res-

« Sanstitre »,

de l’artisteA.C.M.(2005).

COLLECTION

ANTOINE DE

GALBERT

taurant de Sainte-Geneviève-des-Bois. « Mais il y a des fans anony-mes, redoutables au début, qui ve-naient encombrer la tombe devieilles photos, de chaussons de danse et autres horreurs qui pour-rissaient sur son nom, poursuitRené Sirvin. Il y avait notammentune étrangère, inconnue, mais re-connaissable à son imperméable,qui venait très souvent et s’obsti-nait à déposer des photos de Nou-reev sur son tombeau. »

Jeudi 23 juillet, la sépulture étaitimpeccable, avec un simple bou-quet d’orchidées orange. A Sain-te-Geneviève-des-Bois, le conser-vatoire de danse porte le nom deCentre Rudolf-Noureev et pos-sède de nombreuses archives surle danseur. p

rosita boisseau

Prochain article : Tupac Shakur (1971-1996) à Atlanta.

Des travaux qui

répondent à un

désir d’élévation

symbolique

ont été réunis

« Ensemble d’avions en carton collé »,d’Hans-Jörg Georgi (vers 2010). COLLECTION DE L’ARTISTE

Page 18: Le Monde 13 Aout 2015

18 | télévisions JEUDI 13 AOÛT 2015

0123

HORIZONTALEMENT

I. Spécialiste du cru. II. Grand réser-

voir d’images et de sons. De Coblence

et de Münster. III. Divinité mythique.

Donnas un accord. IV. Paquet de plu-

mes sur le plume. Ouverture de

gamme. V. Restées dans le monde des

petites illes. Voit les jardins releurir.

VI. Accord au Sud. Avantages sociaux

toujours discutés. Pied grec. VII. A été

mise en place. A éviter, même si elle

est humaine. VIII. Le père du Monde.

Oncle d’Amérique. Possessif.

IX. Maître des forges. Transgressé.

X. Découpés en portions.

VERTICALEMENT

1. Evite de laisser tout traîner en ren-

trant. 2. Qu’il sera impossible d’éle-

ver. 3. Passer sous silence. A long-

temps brouillé les ciels d’Angleterre.

4. Supporte tout et tout le monde. Un

peu d’importance. 5. Alimentes le

compte. 6. Tête de uhlan. Coule en

Roumanie. Porteur d’identité. 7. A

mis des spaghettis dans ses westerns.

Fait circuler. 8. L’œuvre de Firmin Gé-

mier. Titre chez Elizabeth. Structure

d’entreprise. 9. Opération militaire.

Toujours grand pour un bel équipage.

10. Restera anonyme. Le brome.

11. Travaille et développe notre nu-

cléaire. Bien roulée. 12. Nettoierais en

surface.

SOLUTION DE LA GRILLE N° 15 - 189

HORIZONTALEMENT I. Triomphateur. II. Hanse. Anisée. III. Ecossaises.

IV. Oc. Plénums. V. Loren. Syra. VI. Omission. VII. GMT. Obnubilé.

VIII. Ioules. Baser. IX. Edéa. Erin. Ga. X. Nelson. Echos.

VERTICALEMENT 1. Théologien. 2. Raccommode. 3. Ino. Rituel. 4. Os-

sues. Las. 5. Mes. NSOE. 6. Ap. Ibsen. 7. Haillon. 8. Anse. Nubie. 9. Tiens.

Banc. 10. Essuyais 11. Ue. Mr. Lego. 12. Ressaieras.

1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12

I

II

III

IV

V

VI

VII

VIII

IX

X

GRILLE N° 15 - 190

PAR PHILIPPE DUPUIS

0123 est édité par la Société éditricedu « Monde » SADurée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70 ¤.Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS).

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France 2

20.56 Les Carnets de voyage

d’Envoyé spécial

Magazine présenté par Guilaine Chenu et Françoise Joly.22.25 Complément d’enquête :

les hors-séries de Complément

Magazine présentépar Nicolas Poincaré.Ségolène Royal, l’obstinée.

France 3

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Western de Richard Donner. Avec Mel Gibson, Jodie Foster, James Garner (EU, 1995, 130 min).23.25 Presidio, base militaire,

San Francisco

Policier de Peter Hyams.Avec Sean Connery, Mark Harmon (EU, 1988, 95 min).

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Série créée par Lena Dunham.Avec Lena Dunham, Allison Williams (EU, S3, ép. 7 à 9/12).

France 5

20.40 Des trains

pas comme les autres

Australie. Documentaire de William Japhet (Fr., 2015, 105 min).23.35 C dans l’air

Magazine présenté par Caroline Roux.

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Téléfilm d’Olivier Ducastel et Jacques Martineau. Avec Yannick Renier, Laetitia Casta (Fr., 2008, 205 min).23.50 Real Humans

Série créée par Lars Lundström.Avec Marie Robertson, Lisette Pagler, Anki Larsson (Su. S2, ép. 5 à 7/10)

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20.55 Bones

Série créée par Hart Hanson (EU, S9, ép. 3 et 5/24 ; S8 ép. 17 et 18/24).

« Downton Abbey » avant l’heureServi par le scénario de Julian Fellowes, Robert Altman porte un regard sans pitié sur la gentry britannique

OCS MAXJEUDI 13 – 20 H 40

FILM

Un gentleman n’est ja-mais servi au petit dé-jeuner », apprend-on àl’hôte américain

d’une partie de chasse au manoir de Gosford Park, qui attend en vain qu’on lui apporte ses œufs aubacon. « Oh, vous voulez direcomme dans une cafétéria ? », ré-pond l’invité. La force comique de Gosford Park naît de cet abîme d’incompréhension, de tout ce qui remplit l’Atlantique : le dédain des Américains pour la décadenceanglaise ; le mépris des Britanni-ques pour l’arrivisme de leurs ex-colons. Sans le scénariste britan-nique Julian Fellowes, Robert Alt-man ne pourrait exercer sa formi-dable misanthropie à si bon escient.

Car Gosford Park serait un objetbien moins séduisant sans l’agen-cement minutieux d’une multi-tude de détails d’une précision ethnologique. Le prélude du film est consacré à l’arrivée des convi-ves dans le manoir de Gosford Park où les attendent Sir William

McCordle (Michael Gambon) et Lady Sylvia (Kristin Scott Thomas).Au manoir, les domestiques des invités doivent abandonner leurs patronymes pour ceux de leurs maîtres, afin que les hiérarques dupersonnel de Gosford Park, la gou-vernante Mrs Wilson (Helen Mir-ren), le majordome Jennings (AlanBates) et la cuisinière Mrs Croft (Ei-leen Atkins), soient mieux en me-sure de diriger les opérations.

Foisonnement d’émotions

Après avoir capté l’attention grâceà son don d’observation, après avoir imposé au spectateur la tâ-che difficile mais distrayante dereconstituer, à partir d’informa-tions dispensées avec parcimo-nie, les arbres généalogiques des snobs et l’organigramme des dif-férentes domesticités, Altman s’aventure dans les recoins. Bien avant que minuit ne sonne, Gos-ford Park met à jour la circulation des sentiments à l’intérieur dechacun des deux camps, mais aussi entre maîtres et serviteurs.

Ces haines et ces amours pren-nent une vie propre par la grâcede cette corporation si britanni-que, les acteurs. Il fallait Maggie

Smith pour que Constance, com-tesse de Trentham, devienne un peu plus qu’une mégère emper-lée, en l’occurrence une femmeterrifiée par la mort et le dénue-ment, qui se sert de sa femme de chambre comme du réceptacle deses angoisses.

A ce surplus d’âme répond l’ab-négation de Kristin Scott Thomas,qui dépouille son personnage d’aristocrate mal mariée de toute séduction pour n’en laisser que la silhouette brutale d’une cavalière experte douée d’à peine plus d’in-telligence que ses montures. A

THE KOBAL COLLECTION

« True Detective » fait fausse routeUne deuxième saison en forme de policier très peu convaincant

OCS SÉRIESÀ LA DEMANDE

S’ il était besoin d’unepreuve de la primauté despersonnages sur celle de

l’intrigue, il suffirait de recourir aux deux saisons que compte aujourd’hui la collection « True Detective » (ce que les Américains nomment une « anthologie » : une histoire et des personnages différents chaque saison, mais un même auteur, ici Nic Pizzolatto).

La première saison, à l’intriguefloue et pour tout dire sans inté-

rêt, mettait en scène un duo appa-remment classique et même éculé : les deux policiers que tout oppose. Rien de novateur à l’affi-che, tout allait tenir à l’écriture, à la force et à la crédibilité du passé des personnages, à la qualité desacteurs, Matthew McConaughey et Woody Harrelson en tête, sans oublier la grande maîtrise du réa-lisateur Cary Fukunaga. Deux ma-gnifiques portraits d’hommes.

Inutile d’attendre plusieurs épi-sodes, avec cette saison 2, pour couper toute attente dans le vif : un malaise s’installe dès les pre-

mières images (lié tant à la réalisa-tion qu’au jeu des acteurs), pour ne plus nous quitter.

Trop peu crédible, voire ridicule

L’intrigue, pourtant, fondée sur uncomplot politico-financier, avait de quoi séduire : un petit proprié-taire de casino, Frank Semyon (Vince Vaughn) hypothèque tout ce qu’il a pour investir dans des ter-rains que doit traverser une voie ferrée transcalifornienne ; la pi-rouette financière est garantie, puisque des infrastructures serontprévues plus tard, sur les terrains

longeant le chemin de fer. Or Frank vient de remettre tous ses fonds à l’administrateur de la ville pour cet achat lorsque celui-ci dis-paraît, avant d’être retrouvé tor-turé à mort. D’où l’enquête qui va se développer au fil des huit épiso-des, réunissant trois policiers in-terprétés par Colin Farrell, Rachel McAdams et Taylor Kitsch.

L’ensemble s’avère le plus sou-vent inégalement écrit, trop peucrédible, voire ridicule, pour quecette saison soit autre chose, aumieux, qu’une série policière deplus. Tel un gaveur d’oies occa-

sionnel, Nic Pizzolatto tente biend’insérer des réflexions « profon-des » dans son scénario, mais im-possible d’y croire, dans la bou-che des personnages concernés !Et que dire de la caméra s’attar-dant régulièrement sur le regard douloureux des personnages,des plans en réalité lourds devide, dignes des soap-operasd’après-midi. p

martine delahaye

True Detective, sur OCS : les huit épisodes de cette saison sont disponibles jusqu’au 6 septembre.

V O T R ES O I R É E

T É L É

l’étage inférieur, Alan Bates, ma-jordome alcoolique, donne une représentation vive du résultatd’une vie de servitude. Chaque ac-teur apporte une réponse extra-ordinaire de pertinence aux ques-tions que posent les personnages.

Ce foisonnement d’émotions, desentiments, de sensations envahit le film et finit par infléchir le re-gard satirique d’Altman, que l’on dirait presque forcé de reconnaîtrela part d’humanité du plus abject de ses personnages, et de réfléchir à leur destin, individuel et collectif.

Arrive l’inévitable meurtre. Avec

son détective incompétent (Ste-phen Fry), flanqué d’un bobbyfuté, l’enquête transforme le film en partie de Cluedo, et Altman re-noue avec son penchant pour la satire. Mais, en chemin, il s’est perdu avec délices dans un mondedisparu dont la représentation garde, à travers le temps, toute sa puissance de fascination. p

thomas sotinel

Gosford Park, de Robert Altman. Avec Maggie Smith, Alan Bates, Ryan Phillippe (Grande-Bretagne, 2001, 135 min).

Page 19: Le Monde 13 Aout 2015

0123JEUDI 13 AOÛT 2015 disparitions | 19

20 JUIN 1979 Naissance à Goma (RDC)2013 Réalise l’affiche du 67e Festival d’Avignon2014 Lance Yango, la biennale d’art contemporain de Kinshasa6 AOÛT 2015 Mort à Kinshasa

20 MAI 1942 Naissance à Pompey (Meurthe-et-Moselle)1970 Sort major de l’Ecole nationale de la magistrature1986 Elu sénateur RPR du Haut-Rhin2010 Nommé membre du Conseil constitutionnel10 AOÛT 2015 Mort à Paris

Hubert HaenelMembre du Conseil constitutionnel, ancien sénateur

Sanglier fonceur » : c’étaitson totem chez les scouts.Hubert Haenel, membredu Conseil constitution-

nel depuis mars 2010, est mort lundi 10 août, à Paris, à l’âge de 73 ans, après plusieurs mois delutte contre la maladie qui l’avait considérablement affaibli. Le pré-sident du Conseil constitution-nel, Jean-Louis Debré, salue la mé-moire d’un homme « à la foi pro-fonde qui n’a jamais engendré l’in-tolérance ni le sectarisme, d’un républicain modéré mais surtoutpas modérément républicain, sin-cèrement européen et profondé-ment alsacien ».

Hubert Haenel, c’était tout saufun « techno », c’était un homme du peuple. Cet Alsacien « enfant dela guerre » est né en exode, le 20 mai 1942, à Pompey (Meurthe-et-Moselle), dans une famille d’ori-gine très modeste. Il quitte l’école après le certificat d’études, exerce un temps le métier d’ouvrier fores-tier puis devient postier dans un centre de tri de nuit. C’est une pharmacienne qui le couvait de son affection qui le recommande aux jésuites. Il entre à 18 ans au ly-cée des Bons-Pères de Saint-Clé-ment, à Metz, comme élève sur-veillant pour payer ses études, et passe son baccalauréat à 20 ans.

Un parcours exceptionnel

Imprégné des ouvrages de Lyau-tey, officier pendant les guerres coloniales, il aurait voulu faire Saint-Cyr, pour servir sous les dra-peaux en Afrique. Les jésuites,eux, voient en lui un futur profes-seur de droit canon. Il se conten-tera de faire des études de droit à la faculté de Nancy et, en 1970, sort major de l’Ecole nationale de la magistrature, après y avoir fondé la première section du Syn-dicat de la magistrature, « pourfaire bouger ce corps complète-ment sclérosé ».

Il devient, en 1971, magistrat àl’administration centrale du mi-nistère de la justice comme chef de cabinet du directeur des servi-ces judiciaires, exerce plusieurs fonctions dans les cabinets minis-tériels avant d’entrer, en 1975, au cabinet de Valéry Giscard d’Es-taing, élu président de la Républi-

que un an plus tôt, comme con-seiller pour les affaires de justice.Il est ensuite nommé secrétaire du Conseil supérieur de la magis-trature puis devient maître des re-quêtes au Conseil d’Etat. Un par-cours exceptionnel… qui est loin de s’arrêter là.

Une autre vie commence alorspour lui, qui l’éloigne des dorures du Palais-Royal et le replonge dans ses racines alsaciennes. En 1977, il est élu maire de Lapou-troie, une petite commune de 2 000 habitants du Haut-Rhin, surles contreforts des Vosges, où ilsera réélu trois fois, jusqu’en 2001,avec des scores proches de 90 %des voix ! Neuf ans plus tard, après avoir occupé le poste de pro-fesseur associé à l’université d’Aix-Marseille et étudié à l’Insti-tut des hautes études de la dé-

fense nationale (IHEDN), il est élu sénateur du Haut-Rhin, en 1986,sous l’étiquette du RPR. Il y seraréélu sans discontinuer jusqu’à cequ’en 2010 le président du Sénat,Gérard Larcher, le nomme mem-bre du Conseil constitutionnel, enmême temps que Jacques Barrot,nommé par le président de l’As-semblée nationale et décédé endécembre 2014.

Profondément pro-européen

Hubert Haenel était une person-nalité joviale, au physique rond etau caractère fort. Tout au long de sa carrière, il a eu quatre domai-nes de prédilection : le judiciaire, la gendarmerie, le ferroviaire etl’Europe. En 1991, il est rapporteurdu projet de loi portant statut de la magistrature puis en 1993 duprojet sur le Conseil supérieur de

la magistrature. Il plaide forte-ment pour une justice indépen-dante et de proximité, se posi-tionne en faveur du rattachementde la police judiciaire au ministèrede la justice. Il présidera troiscommissions d’enquête sur lefonctionnement de la justice et déplorera, en 2000, que le projetde réforme constitutionnelle du Conseil supérieur de la magistra-ture élaboré par Elisabeth Guigou sous la cohabitation avec JacquesChirac dût être abandonné, faute de majorité au Congrès.

Chargé d’une commission par-lementaire sur la SNCF, il se fait l’apôtre, dans un rapport publié en 1993, d’une décentralisation d’une partie des responsabilités de la société ferroviaire vers les ré-gions et, à ce titre, est considéré comme le « père » de la régionali-

Kiripi Katembo Photographe et vidéaste congolais

C’est une image qui in-terloque avant qu’onne la comprenne :une femme à contre-

jour avance entre des voitures, lelong de la façade d’un immeuble.Mais deux grosses pierres sem-blent suspendues dans le ciel au-dessus d’elle. Au second regard, il apparaît que l’auteur, l’artiste congolais Kiripi Katembo Siku, aphotographié un reflet dans unevaste flaque d’eau d’où les deux pierres émergent. Intitulée Subir, cette œuvre de 2011 appartient à sa série « Un regard », commen-cée en 2009. Elle est accrochée ac-tuellement à la Fondation Cartier dans l’exposition Beauté Congo(1925-2015), avec une autre, Tenir, perspective urbaine basculée. Ka-tembo est mort le 6 août à Kins-hasa d’une attaque de malaria, àl’âge de 36 ans.

Né à Goma, en République dé-mocratique du Congo (RDC), le 20 juin 1979, Kiripi Katembo Siku se destine d’abord à la peinture quand il est élève à l’Académie desbeaux-arts de Kinshasa, avant de lui préférer photographie et vidéo

à 27 ans. S’il réalise documentai-res, courts-métrages et films ex-périmentaux, c’est à ses images de Kinshasa qu’il doit d’être re-connu. Plutôt que d’en photogra-phier habitants et paysages sur le mode du reportage ou du por-trait, comme l’ont fait tant de ses prédécesseurs, il observe lemonde à l’envers, dans l’eau des pluies et des fondrières.

Ce principe a deux effets. D’unepart, il invite l’artiste à construire ses compositions librement, en ti-rant parti des hasards de l’instant mais aussi en aménageant desschémas géométriques comple-xes. D’autre part, en suscitant la surprise, il exige du spectateur at-tention et temps afin d’entrer dans les jeux optiques et les sug-gestions oniriques que le renver-sement du monde sens dessus dessous ne peut que susciter.

Conception surréaliste

Aussi a-t-on suggéré que Ka-tembo s’inscrit, de façon singu-lière et lointaine, dans la concep-tion surréaliste de la photogra-phie, d’autant plus efficace qu’elle

se délivre de la vraisemblance. « Sil’on prend l’image dans le sens nor-mal, c’est le chaos. Dès qu’on la re-tourne, tout devient plus positif, plus beau », remarquait-il. Ce qui n’est pas incompatible avec une relation plus critique à l’état de la société : dans une interview don-née récemment aux Dépêches deBrazzaville, Katembo définit « Un regard » comme « une construc-tion photographique qui met enévidence la poésie et la brutalité denotre environnement ». Les fla-ques sont les miroirs de la ruine etde la misère.

S’il tient à la présenter dans lesquartiers de la métropole kinoise où il travaille, la série est vite ex-posée et distinguée dans nombre de manifestations internationa-les. Les premières sont africaines :Biennale de Lubumbashi (RDC) en 2010, Rencontres de la photo-graphie de Bamako en 2011, où il reçoit l’un des prix décernés par laFondation Blachère. L’une de ses images, Survivre, est choisie pour affiche par le Festival d’Avignonen 2013, avant que la Fondation Cartier, à l’initiative d’André Ma-

gnin, l’accueille à son tour cetteannée. On l’a vu plusieurs fois à Bruxelles dans des expositions collectives en 2012 et 2013. Parallè-lement, il réalise plusieurs filmsou participe à leur production, dont Voiture en carton, projeté dès2008 au Centre Pompidou. Il a participé à de nombreux festivals,de la Côte d’Ivoire au Nigeria et,naturellement, au Congo.

Fort de ce début de notoriété in-ternationale, Katembo la met au service de la formation et de la dif-fusion de la création actuelle enAfrique. Après avoir créé le collec-tif photo et vidéo Yebela, il parti-cipe en 2012, en qualité de forma-teur, à la Biennale du Bénin. Sur-tout, il s’engage dans l’organisa-tion de la première édition de la biennale d’art contemporain Yango, qui se tient à Kinshasa du 21 novembre au 19 décembre 2014,rassemblant des artistes de toutesnationalités. « C’est une sorte d’ar-bre à palabres d’où les arts convo-qués dialoguent entre eux », di-sait-il dans l’entretien déjà cité.Yango signifie « avancer » en lan-gue lingala. Pour lui, c’était avan-

cer désormais vers de nouveaux sujets : « Actuellement, je travaillesur les scarifications, tatouages, piercings… comme l’un des axes de notre mémoire ou de sa transmis-sion », annonçait-il il y a moinsd’un mois. p

philippe dagen

sation ferroviaire. Ses recomman-dations ont largement inspiré la réforme de 1995.

Depuis 1999, c’est à l’Europequ’il a consacré l’essentiel de ses activités. Président de la déléga-tion du Sénat pour l’Union euro-péenne, il est un des membres les plus actifs de la Convention char-gée d’élaborer la charte des droits fondamentaux de l’UE et de la Convention pour l’avenir de l’Eu-rope. Il a rédigé de nombreux ouvrages visant à approfondir le lien entre la France et l’Europe.

Féru d’histoire, cet « hommerhénan », comme il se définissait, était un RPR puis UMP atypique,profondément pro-européen etdécentralisateur. Après les séna-toriales de 2008, il s’était vu pro-poser le poste de vice-présidentdu Sénat mais avait préféré garderla présidence de la délégation pour l’UE, qui avait acquis le statutde commission. « L’Europe, c’est lagrande cause, estimait-il. Elle mé-rite tous nos investissements. » Le président du Sénat, Gérard Lar-cher, rend hommage à « un Euro-péen de cœur et de conviction (…)qui incarnait un gaullisme mo-derne et européen ».

Cet homme au parler franc et di-rect cultivait aussi une volonté de concilier les contraires, de rappro-cher les points de vue, sans secta-risme. Ainsi avait-il, en 1989, avec sept autres sénateurs apparte-nant à quatre formations diffé-rentes allant du PS au RPR, donné naissance au Groupe Luxem-bourg, un club transpartis ras-semblant des « quadras » dési-reux de secouer les branches de l’institution sénatoriale. Il n’avait pas hésité, non plus, à faire préfa-cer son rapport sénatorial sur lefonctionnement de la justice, en 1991, par Jean-Denis Bredin, cé-lèbre avocat de gauche, ce quiavait fait grincer les apparatchiks de son parti, précisément ce que lui refusait d’être.

Celui qui aurait pu faire carrièredans la magistrature mais avaitchoisi l’« inconfort » de la politi-que devait finalement, en 2010,rejoindre le Conseil constitution-nel. Fidèle en amitié et bon vivant,il était toujours membre de l’asso-ciation des Amis des bistrots. p

patrick roger

En 2010. NICOLAS REITZAUM/SIPA

En juillet 2015. THOMAS SALVA/

LUMENTO POUR LA FONDATION CARTIER

Page 20: Le Monde 13 Aout 2015

20 | carnet JEUDI 13 AOÛT 2015

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AU CARNET DU «MONDE»

Décès

Geneviève Amand et Brigitte Pineau,Valérie Amand,Francis Amand,Hélène Amand,Sylvie Amand et Olivier Berteche,

ses enfants,

Pierre Amand et Stéphanie,Louis Amand et Clara,Alice Berteche, Cécile Berteche,

Basile Berteche,ses petits-enfants,

Roland Amand et Leone Cardona,ses frère et belle-sœur,

Claudine Labuena,sa nièce,

ont la tristesse de faire part du décès de

M. Daniel AMAND,ingénieur civil des Mines de Paris,ancien directeur général adjoint

de la Société française des pétroles BP,ancien juge consulaire

au Tribunal de commerce de Versailles,membre du Rotary Club

de Saint-Germain-en-Laye,

survenu le vendredi 7 août 2015,dans sa quatre-vingt-sixième année,muni des sacrements de l’Eglise.

Il rejoint son épouse,

Jeannine RABIER,

décédée le 25 mai 2012.

La levée de corps aura lieu le mardi18 août, à 9 heures, au funérariumde Ménilmontant, 7, boulevard deMénilmontant, Paris 11e.

La cérémonie religieuse aura lieule mardi 18 août, à 10 h 30, en l’égliseNotre-Dame, 4, place Sainte-Marie,à Chatou (Yvelines).

Famille Amand,7 bis, rue Lalo,75116 Paris.

Les Ciné-Rencontres de Prades (P.O)

apprennent avec une grande tristesse,le décès de

Solveig ANSPACH,scénariste,

réalisatrice et membredu comité de parrainagedes Ciné-Rencontres.

Solveig soutenait avec une belle passionnotre festival de cinéma.

Nous tenons à saluer la réalisatriceengagée et la femme de cœur qu’elle était.

L’équipe des Ciné-Rencontres.(Le Monde du 11 août.)

Emmanuèle Bernheimet Serge Toubiana,

Pascale Bernheim,ses enfants,

Raphaël et Noémie,ses petits-enfants,

Philippe Huart,qui l’a accompagnée jusqu’à la in,

ont la tristesse de faire part de la disparitionde

Claude BERNHEIM,née DE SORIA,

sculpteur,

survenue le 7 août 2015,dans sa quatre-vingt-neuvième année.

Les obsèques se sont dérouléesle samedi 8 août, au cimetière duMontparnasse, Paris 14e, dans la plusstricte intimité.

Cet avis tient lieu de faire-part.

58, rue de Vaugirard,75006 Paris.

Geneviève Laur (†),Marc et Véronique Bruneau,France et Jean-Luc Gerbal,

ses enfants,Christian et Maria Laur,Ses petits-enfants,Ses arrière-petits-enfantsAinsi que toute la famille,

ont la tristesse de faire part du décès de

M. Jean-Luc BRUNEAU,X38,

inspecteur général honoraire du CEA,oficier de la Légion d’honneur,croix de guerre 1939-1945,croix de guerre des TOE,

survenu à Paris 16e, le 4 août 2015,dans sa quatre-vingt-dix-septième année.

L’inhumation a eu lieu dans l’intimitéfamiliale, le vendredi 7 août, au cimetièrede Sèvres (Hauts-de-Seine).

11, rue Ernest-Renan,92310 Sèvres.

La présidente,Le conseil d’administrationEt les membres

de l’Association des anciens élèves, élèveset amis de l’Ecole Normale Supérieure(A-Ulm),

ont la grande tristesse de faire partde la disparition, survenue le 4 août 2015,de leur président d’honneur,

Gilbert DAGRON,promotion 1953L,

membre de l’Institut,professeur honoraireau Collège de France.

Ils s’associent à la douleur de la famillee t l u i p r é s e n t e n t t o u t e s l e u r scondoléances.

A-Ulm,45, rue d’Ulm,75005 Paris.

Lissac-et-Mouret (Lot).

M. Jean-Claude DORCHIES,professeur de philosophie,

écrivain, poète,artiste peintre,

est décédé le lundi 10 août 2015.

Pélégri,46100 Lissac-et-Mouret.

Créteil. Paris.

Jean-Paul et Bernard Elghozi,ses ils,

Anne, Marion, Sonia, Simon,ses petits-enfants,leurs enfants et petits-enfants,

Lydia Bentolila,sa sœur,

ont la tristesse et le regret de faire partdu décès de

Mme Solange ELGHOZI,née SMADJA,

survenu le 10 août 2015, à Saint-Maur,à l’âge de quatre-vingt-dix-neuf ans.

Les obsèques auront lieu le jeudi13 août, à 11 heures, au cimetièrede Valenton.

Aspasie,sa femme,

Alain, Lucien et Daniel,ses ils

Ainsi que leurs familleset leurs enfants,

ont le grand chagrin de faire part du décèsde

Claude FROIDEVAUX,survenu à l’hôpital de Vaugirard, Paris 15e,le 11 août 2015,à l’âge de quatre-vingt-cinq ans.

Une cérémonire d’hommage aura lieuau crématorium du cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e, le vendredi 14 août,à 14 h 30.

Ni leurs ni couronnes.

Jean-Pierre Lafaurie,son époux,

Xavier Lafaurie (†),Béatrice et Simon Formery,

ses enfants,Emile et Victor,

ses petits-ils,

ont la tristesse de faire part du décès de

Carmen LAFAURIE,ancien professeur agrégé

d’espagnol au lycée Molière de Paris,pendant trente ans,

survenu le 7 août 2015, à son domicile,à l’âge de quatre-vingts ans.

La cérémonie religieuse sera célébréele vendredi 14 août, à 14 h 30, en l’égliseSainte-Jeanne-de-Chantal, place dela Porte de Saint-Cloud, Paris 16e.

74, rue Michel-Ange,75016 Paris.

Evelyne Lerner,son épouse,

Michaël Nabet, Coralie Jeannetet Stéphanie Lerner,ses enfantset ses petits-enfants,

ont la tristesse de faire part du décès de

Daniel LERNER,survenu le 6 août 2015.

Un moment de recueillement seraobservé au funérarium de Clamart(Hauts-de-Seine), à 14 h 15, suivi de lacérémonie civi le au crématoriumdu cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e,à 15 h 45.

Ni leurs ni couronnes.

Cet avis tient lieu de faire-part.

Paris. Locquemeau.Port-Blanc (Côtes-d’Armor).

Iris et Zoé Vezyroglou,ses illes,

David Horvat,son mari,

Maryvonne Le Moal-Menget,sa mère,

Patrick Menget,son père,

Lucas, Laurence, Pauline, Patrick,ses frères et sœurset leurs conjoints,

Dimitri Vezyroglou,le père de ses illes,

Alba et Saskia Horvat,ses belles-illes,

Clea, Aurélien et Justine,ses neveu et nièces,

ont l’immense douleur de faire partdu décès de

Judith MENGET,survenu le 7 août 2015, à Locquemeau,à l’âge de quarante-cinq ans.

Les obsèques ont eu lieu le lundi10 août, à 16 heures, au cimetière dePort-Blanc (Côtes-d’Armor).

Royat (Puy-de-Dôme).Menton (Alpes-Maritimes).

MmeYvette Perrin,son épouse,

Anne Perrin-Segard et Vincent Segard,Hélène et Emmanuel Escalon,Laure et Bruno Salaün,

ses enfantset leurs conjoints,

Anaëlle, Chloé et Lucas,ses petits-enfants,

ont la douleur de faire part du décès de

M. Michel PERRIN,ethnologue,

directeur de recherche au CNRS,

survenu à l’âge de soixante-treize ans.

Les obsèques seront célébrées le jeudi13 août 2015, à 10 h 30, en l’église Saint-Léger de Royat.

L’inhumation aura lieu au cimetièredu Trabuquet, à Menton, le vendredi14 août, à 16 heures.

Ses enfantsSes petits-enfants,Ses parentsEt ses amis,

ont la douleur de faire part du décès de

Jean PRADINAS,réalisateur,écrivain,

survenu à l’âge de quatre-vingt-cinq ans.

L’incinération aura lieu le jeudi13 août 2015, à 10 heures, à Allassac(Corrèze).

Françoise Scotte, née Martin,son épouse,

Le docteur Florian Scotte,son ilset Me Claire Bertheux-Scotte,

Laure et Anna,ses petites-illes,

Les familles Martin, Corviole, Diseur,Gentry, Scotte-Seynaeve,

font part du décès du

docteur Jean-Louis SCOTTE,

survenu le 26 juin 2015.

Les obsèques ont été célébrées dansl’intimité familiale.

Remerc iements aux nombreuxconfrères, amis et patients pour leurschaleureux témoignages.

86, rue de Chartes,78610 Le Perray-en-Yvelines.

Ses amies

nous prie d’annoncer le décès,dans sa quatre-vingt-quinzième année,à Clamart, de

Mme Gilbert SIMON,née Simonne BAILLET.

Les obsèques ont eu lieu dans la plusstricte intimité.

Le président,

Le secrétaire général

Et les membresde l’Académie de l’air et de l’espace,

ont l’immense tristesse de faire partdu décès de leur confrère,

Pierre SPARACO,président

de la section Histoire,Lettres et Arts de l’Air

et de l’Espace,

survenu le 3 août 2015.

La crémation a eu lieu le samedi8 août, à 11 h 30, au crématorium et parcmémorial de Provence (Bouches-du-Rhône).

Saint-Ismier. Charavines. Heidelberg.Marie-France Spitz,

son épouse,François Spitz,Anne-Spitz-Reboul,

ses enfantset leurs conjoints,

Thomas, Emma, Lucien, Anoucket Paul,ses petits-enfants,ont la tristesse de faire part du décès de

Jean SPITZ,directeur au CEA,

directeur de l’agence Rhône-Alpesdes Matériaux,

survenu le 10 août 2015,à l’âge de soixante-dix-huit ans.

Les obsèques auront lieu le jeudi13 août, à 14 h 45, en la salle de cérémoniedu centre funéraire, à La Tronche(Isère).

Remerciements

Profondément touchés de la sympathiedont vous avez fait preuve à la suitedu décès de

Jean PARIZET,s e s p r o c h e s v o u s r em e r c i e n tchaleureusement et vous présententl’expression de leur reconnaissance.

Robert et Laurence Schlumberger,Denis Schlumberger

et Hortense Garand,Claire Schlumberger

et Michael Jonker,Aline et Bertrand Senot,

ses enfants,Marie et Romain, Edith et Vincent, Léo,

Pierre, Clovis, Oscar, Noémie, Antonin,Etienne,ses petits-enfants,

Rose,son arrière-petite-ille,très touchés par les marques de sympathieque vous leur avez témoignées, lors dudécès de

Agnès B. SCHLUMBERGER,tiennent à vous remercier et à vous fairepart de leur sincère reconnaissance.

Ils remercient l’équipe de l’EHPAD« La Maison des Parents », Paris 13e, poursa gentillesse et sa disponibilité.

Souvenirs

Dix ans que le piano s’est tu.Lucas DAYNAC,

23 janvier 1985 - 13 août 2005.Il pleut des silences.

A l’occasion du trentième anniversairede sa mort accidentelle, à l’âge de soixanteans, survenue le 13 août 1985,l’Institut d’études slaves,rappelle le souvenir de

Jacques VEYRENC,professeur à l’université de Paris-Sorbonne, agrégé de grammaire, puisde russe, il a apporté, notamment dansLa Revue des études slaves, unecontribution majeure à la linguistique russeet slave en France. Il a également été parmiles premiers à écrire l’histoire des Etudesslaves dans ce pays.

Page 21: Le Monde 13 Aout 2015

0123JEUDI 13 AOÛT 2015 | 21

« LES TAUREAUX AVAIENT DES CORNES, EUX

NE VOYAIENT QUE LES YEUX D’HEMINGWAY,

DE WELLESOU DE PICASSO »

SIMON CASAS

torero et directeur d’arènes

francis marmande

Le 17 juin 1959 s’ouvre à Saragosseune tournée historique, le manoa mano le plus tapageur de toutel’histoire de la tauromachie : LuisMiguel Dominguín et AntonioOrdóñez. Restons calmes : la

« corrida historique », surtout annoncée àgrands roulements de tambour, c’est un genre. Un peu comme ces « voyages de rêve »et autres « soirées inoubliables » que vendentles agences.

Figures de proue des arènes en 1959, Do-minguín et Ordóñez, deux styles de beauté, deux styles tout court, le hiératique et l’Anda-lou, deux interprétations du toreo, deux his-toires, deux légendes, vont de plaza en place, les plus grandes, suivis de deux clans plus en-nemis que communistes et franquistes, es-cortés de princesses et de stars d’Hollywood, de bruit et de fureur.

Au début de l’été tout semble passablementmanigancé. Les premiers livres imprimés parGutenberg datent de 1451 et 1453 (une gram-maire et la Bible). On peut dater de 1959 l’in-vention du carnaval people sur fond de farce et de tragique.

A ma gauche, Luis Miguel Dominguín(1926-1996), né à Madrid, arborant ses 33 ans et sa minceur avec une indicible beauté, sé-ducteur planétaire, le premier torero à dé-frayer la chronique des mondes habités, le premier aussi à afficher une aisance décon-certante, fondée en science et en logique, de-vant tous les taureaux. Le seul torero à n’avoir jamais brindé un taureau à Picasso. Pis encore, le seul à avoir refusé de poser pour lui : « Pablo, essaie de me comprendre. Jeveux que tu me peignes lorsque tu me connaî-tras bien. Pas avant. » Ils s’aimaient profon-dément.

A ma droite, Antonio Ordóñez (1932-1998),27 ans, né à Ronda (province de Malaga), lacité historique où se légiféra la tauromachie moderne, à la toute fin du XVIIIe siècle, très vite encensée par Rainer Maria Rilke qui a donné son nom à l’avenue principale. Do-minguín domine avec une apparente désin-volture. Ordóñez incarne l’art des fonde-ments, la profondeur, la grâce ; et même plusque l’art, l’arte, ce supplément d’art que cer-tains élus peuvent mettre à toutes les sau-ces : toréer, servir un café con arte à Séville,

conduire une voiture comme Chet Baker. D’Ordóñez, les taurins disent qu’il a « le con-cept ». Sa mère est gitane.

Dominguín dit de lui-même qu’il est le« numero uno ». Il a pris, non sans arrogance,le pas sur la figure historique de l’époque, Manolete. Au matin du 28 août 1947, Mano-lete lui annonce ceci : « Je suis à bout. Je vais arrêter. Tu verras, le public qui me siffle se re-tournera contre toi. Je te le laisse. » Le soir, un cortège qui semble mis en scène par Buñuel, flambeaux et brancard sommaire où agoniseManolete, fend la foule en liesse de Linares.

Au centre du mano a mano version 1959,un arbitre très partial, il a ses têtes, Don Er-nesto, Hemingway, fou d’Ordóñez comme il l’a été de son père Cayetano, « El Niño de la Palma », dont il a fait le héros de son romanLe soleil se lève aussi. Pilar, la grand-mère des quatre frères Dominguín, elle eut treize en-fants pour en conserver trois vivants, vivaitde grappillage et de maraudage, ramassant des pois chiches et quelques jours de cachot. Hemingway a vendu un reportage à Life, dont il tirera un livre, L’Eté dangereux.

De toutes les rivalités qui scandent l’his-toire de la tauromachie – Cuchares et Fras-cuelo, au milieu du XIXe siècle, à Belmonte/Joselito dans les années 1910 –, celle qui anime le duo Dominguín-Ordóñez, médiati-sation oblige, est tricotée d’amitié, de mépris,de passion, de fureur, de rage des partisans,Hemingway déroule la pelote. Un détail en passant : Antonio Ordóñez a rejoint la Casa Dominguín en 1951. Les deux hommes ont donc, dans un premier temps, le même apo-derado : Domingo Dominguín.

Domingo est membre important du Particommuniste clandestin. Poète autant qu’his-torien, Jacques Durand précise : « Il organi-sait des corridas qui finançaient le PC clandes-tin, intriguait avec Jorge Semprun, jouait auxcartes avec Luis Buñuel qu’il aidera à produireViridiana, avait jusqu’au matin des conversa-

Le détail, on le trouvera dans le livre d’He-mingway, plus hanté par la mort vraie qu’il n’y paraît. Les aficionados n’ont pas bien vécucette tournée que Dominguín raconte froide-ment à François Zumbiehl (Des taureaux dans la tête, éditions Autrement, 2004) : « La rivalité entre Ordóñez et moi-même décrite par Hemingway dans L’Eté sanglant, est de mon invention. Avant de me retirer de l’arène,je voulais susciter un peu de passion et repor-ter l’attention du public sur Ordóñez. Nous étions étroitement liés. » Après une interrup-tion, il toréera jusqu’en 1972.

« AMOUR » ET « SÉDUCTION »

Le 15 août 1959, stars, ambassadeurs, minis-tres, un comte renommé et sa cour de jeunesgens bien faits, Lauren Bacall au balcon et, àcôté de la figure historique qu’il n’a pourtant pas ménagée, Domingo Ortega, Hemingwaydans la contre-piste, prêt à faire face à son taureau personnel, la soif, il ne manque per-sonne. J’ai 14 ans et me trouve au dernier rang du soleil, rapport au prix, d’où je vois tout sans rien comprendre. Temps de plage,ambiance de « J’y-étais », « “le mano a manodu siècle”, rapporte le chroniqueur deBayonne, Claude Pelletier, est arbitré par laplus honteuse collection de veaux afeités [cor-nes arrangées par le « coiffeur »] qui ait ja-mais déshonoré les arènes de Lachepaillet. Do-minguín touche les taureaux les moins propi-ces à la mascarade et se laisse distancer parl’Antoine qui coupe tout ce qu’il veut ou pres-que, six oreilles et une queue ».

Un été de rivalité montée en épingle ?Voire. Un été de trucages, de petits taureauxsoigneusement rasés ? Oui, mais cela ne change rien. Un été sanglant ? Il le fut : à Va-lencia, le taureau ouvre le ventre de Domin-guín de haut en bas sur vingt et un centimè-tres. Vingt et un jours plus tard, à Bilbao – Do-minguín a perdu 9 kilos, on ne lui a pas en-core enlevé les points –, un autre taureau lecoince contre un cheval de picador et l’en-corne à l’endroit même de la cicatrice, mal re-fermée : « L’insistance est une figure de la rhé-torique du taureau », note sobrement Jac-ques Durand dans sa préface au texte adressépar Dominguín à Picasso, Pour Pablo (Ver-dier, 1994).

Dominguín, bien plus tard, à François Zum-biehl : « Quelqu’un a dit, je crois, que dans le toreo Ordóñez représentait l’amour et moi laséduction. C’est peut-être vrai, mais l’amour est facile à ressentir, et la séduction, difficile àréaliser. Pour atteindre l’amour véritable, ilfaut accomplir l’œuvre de séduction. » Confir-mation par Simon Casas, torero, directeur d’arènes : « Séduire, pour eux, justifiait le ris-que. Luis Miguel voulait être le plus beau, An-tonio, le maestro. Les taureaux avaient des cornes, eux ne voyaient que les yeux d’Hemin-gway, de Welles ou de Picasso. » Parfois, ceux d’Ava Gardner.

Roberto Pilès, torero, installé Casa Domin-guín dès 1966, à l’âge de 14 ans, a vécu avecDon Marceliano, les quatre frères, et se re-trouve un jour dans la finca familiale, LaCompanza, à Quismondo (Tolède), avec la tribu au grand complet. Les frères boivent duchinchón, une eau de vie assez désaltérantepar grosse chaleur. Le chinchón peut titrer dans les 80°. A la cinquième bouteille, Do-mingo, taquin, lance : « Miguelito, celui qui torée vraiment bien, c’est Antonio, non ? Il a le concept, tu vois ? »

Luis Miguel encaisse, riposte, tient debout,mais bon, ça va comme ça. Les autres en ra-joutent. Vers la onzième bouteille, Pepe, le ca-det, fait observer, très neutre : « Tu sais quenotre défunt père préférait Ordóñez… » Do-minguín explose : « Vale ! Ça va comme ça. Peut-être Antonio torée mieux que moi. On s’en fiche, ça n’a aucune importance. Ce qui estinsupportable, vous le savez bien, c’est qu’ilcouche avec notre sœur. » p

Prochain article : « Blaise Pascal contre le père Noël »

Changer le monde : tel est le thème de l’édition 2015 du Monde Festival qui se tiendra les 25, 26 et 27 septembre à Paris avec Anne Hidalgo, Emmanuel Macron, Thomas Piketty, Matthieu Ricard, Chantal Jouanno, Jordi Savall… Comment réguler Internet ? Va-t-on vers la fin de la croissance ? Quels contre-pouvoirs à la civilisation numérique ? La musique peut-elle changer le monde ? Retrouvez le programme sur Le Monde Festival.

tions littéraires avec Marceliano Cano. » Don Marceliano, un lilliputien toujours vêtu de culottes courtes et gros fumeur de cigares, docteur en droit, ancien directeur de la biblio-thèque de Madrid, pièce centrale de la Casa Dominguín, au même titre qu’un psychiatre qui venait se ressourcer chez eux, paradant nu comme un ver par les couloirs et les bal-cons de la maison.

On dit Luis Miguel, que ses frères appellentMiguel ou Miguelito, fasciste. En sous-main, il finance le Parti. Dans ses écrits, ses repar-ties, il se montre d’une lucidité, d’une intelli-gence rares, sans rapport avec la morgue qu’on lui prête. Lors d’une partie de chasse, Franco lui lance : « Il paraît que ton frère estcommuniste ? » Dominguín répond : « Dans la famille, nous sommes tous communistes. »

Ah oui ! Antonio Ordóñez a épousé une dessœurs de la tribu Dominguín. Carminita. Se-lon l’usage en Espagne, elle s’appelle donc Carmina Ordóñez-Dominguín. Ambiance. Quand Antonio triomphait et l’emportait surson beau-frère, elle le consolait ainsi, seulefemme au monde à pouvoir le faire : « Tu n’espas un vrai Dominguín, Miguelito, tu te fais marcher sur les pieds par mon mari ! » Même,elle lui disait des trucs plus olé-olé. Au lieu de jouer au nudiste, le psychiatre eût pu se pen-cher sur la question.

Un soir, à Malaga, avant de fouler le sable dela place, le mari de Carmina (Ordóñez) hèlegaillardement son beau-frère : « Celui quicoupe le plus d’oreilles invite l’autre au petit dé-jeuner demain ! » D’accord. Au terme de la corrida, dixit Vincent Bourg (alias Zocato), ir-résistible conteur, les deux toreros sortent entriomphe sur les épaules de ces costauds quise proposent pour quelques pesetas, et qu’on appelle les « capitalistas ». Tandis que la fouleapplaudit à tout rompre, Ordóñez l’a em-porté, il hurle à son beau-frère : « Pour le petitdéjeuner, demain, je t’attends à Prague ! »

Eh bien, croyez-le si vous voulez, chacun sedébrouilla de son côté pour rallier Prague, où pendant trois jours, cependant qu’on lescherchait, alarmé, dans toutes les Espagne, ilsfirent une java monstre : « Tout homme célè-bre – Dominguín le sait ou alors il l’aura lu –doit veiller à ne pas détruire sa propre légende,celle qui l’accompagne toute la vie. Et, sans lé-gende, il est impossible d’entrer dans l’His-toire. » L’épopée, c’est l’Histoire écoutée auxportes de la légende ? (Hugo.) L’été 1959 sera leur épopée.

Les rois de l’arène1959. Luis Miguel Dominguín et Antonio Ordóñez, matadors et beaux-frères, passent l’été à se toiser. L’une des plus grandes rivalités de l’histoire de la tauromachie

STÉPHANE BLANQUET

3|11 ENNEMIS INTIMESLUIS MIGUEL DOMINGUÍN, ANTONIO ORDÓÑEZ

l’été en séries

Page 22: Le Monde 13 Aout 2015

22 | JEUDI 13 AOÛT 2015

0123

« DANS LES ANNÉES 1980, TOUT LE

MONDE FAISAIT DES PALMIERS, MÊME

CEUX QUI AVAIENTUN AUTRE EMPLOI, PERSONNE NE LES

SOIGNAIT ET TOUTE LA COMMUNAUTÉA ÉTÉ INFECTÉE »

JUAN ANTON

habitant d’Elche (Espagne)

rémi barroux

elche (espagne) - envoyé spécial

AElche, à 60 kilomètres d’Ali-cante, dans la province espa-gnole de Valence, le palmierest partout. C’est la plusgrande palmeraie d’Europe,remontant aux temps de l’oc-

cupation romaine. Elle a été classée, en 2000,au Patrimoine mondial par l’Unesco. Autant dire que le palmier fait la fierté de cette ville de près de 230 000 habitants. Le long des rues, devant les établissements publics, chezles particuliers et sur de vastes terrains où ils sont cultivés, les palmiers dattiers – 90 % des genres présents dans la localité – dressent leurs hautes silhouettes cernées d’une cou-ronne de palmes. Leur nombre sur la com-mune est estimé à 1 million.

Mais ici, comme sur l’ensemble du pour-tour méditerranéen, le palmier est malade.Attaquée par un insecte, le charançon rougedes palmiers, Rhynchophorus ferrugineus, la plante s’assèche, puis s’effondre. En Espagne,des milliers de palmiers sont morts – et con-tinuent de mourir –, de même qu’en Franceet en Italie. L’Europe a décrété, en mai 2007, l’obligation de lutter contre le ravageur de-venu « organisme de quarantaine », mais plusieurs traitements existent : pulvérisa-tion, injection, biocontrôle, aux efficacités etaux prix bien différents.

Contre toute apparence, le palmier n’estpas un arbre, mais une plante géante de la fa-mille des monocotylédones, comme les or-chidées, les céréales ou l’herbe à pelouse. Iln’a pas de branches, mais des palmes, et sa « sève », sa moelle, est appelée stipe. C’estelle, la cible du charançon, le « picudo rojo » en espagnol, un insecte coléoptère dont l’adulte mesure de 2 à 4 cm, orange avec des taches noires. « Rhynchophorus ferrugineus vit de deux à quatre mois, c’est un bon voilierpouvant franchir jusqu’à sept kilomètres en vol actif », écrit Didier Rochat, spécialiste, de-puis 1992, du charançon au Laboratoire de l’Institut national de la recherche agronomi-que (INRA), dans un ouvrage collectif Interac-tions insectes-plantes (Editions Quae, 2013).

Retour à Elche, où 600 producteurs culti-vent le palmier dattier, Phoenix dactylifera. Il est produit pour deux raisons principales : l’exportation vers les pays européens, friandsde cette plante d’ornement, et la production de palmes blanches, la « palma blanca », qui est utilisée comme élément décoratif durant les processions et fêtes de Pâques.

« LE BOOM DE L’IMMOBILIER »

Dans leur grande plantation, Planteas Medi-terraneas, à quelques kilomètres du centre d’Elche, Juan Anton et sa fille Isabel sont fiers. Sur 63 hectares, dont 40 consacrés aux pal-miers, ils proposent près d’une trentaine d’es-pèces différentes : agrumes, argousiers, fi-guiers, oliviers… Au volant de son 4 × 4, Juan veille soigneusement sur la santé de ses pal-miers, depuis les plus jeunes qu’il faut rempo-ter à ceux présentant déjà une taille honora-ble. « Pour l’ornement, il doit faire plusieurs mètres de haut, surtout dans des villes où les fa-çades sont majestueuses », explique-t-il. Juan a installé un système d’irrigation qui permet d’injecter à la racine un traitement.

En ce début juin, assure-t-il, sa plantation estépargnée. Ce qui n’est pas le cas chez ses con-frères. « Dans les années 1980, le palmier était devenu l’économie de l’avenir, tout le monde enfaisait un peu, même ceux qui avaient un autreemploi, témoigne Juan Anton. Personne nesoignait vraiment ses plantes et toute la com-munauté a été infectée. »

Comme beaucoup de plantes malades, lespalmiers ont été victimes du commerce inter-national. Le charançon rouge est arrivé avecles importations de palmiers d’ornement. « L’insecte serait parti d’Inde pour aller infecter l’Arabie saoudite et l’Egypte dans les années 1980-1990 », raconte Didier Rochat. En 1992, l’Egypte, à la pointe de l’exportation de pal-miers, est touchée.

L’arrivée du charançon en Espagne, en An-dalousie d’abord, pourrait coïncider avec l’Ex-position universelle de Séville, la même an-née, et une importation massive de palmiers. « Le boom de l’immobilier qui voyait les cons-

tructions se multiplier avec, toutes, leurs pal-miers a permis sa diffusion rapide, explique le chercheur. C’est une plante idéale pour verdir une rue, une ville, une marina. »

Pour Isabel Anton, la maladie vient biend’Egypte. « Les pépiniéristes, les décorateurs, les architectes pouvaient trouver des palmiers deux fois moins chers à Alexandrie et ils fai-saient déjà six mètres de haut », explique la jeune femme. Le mal s’est répandu comme une traînée de poudre.

CONTRÔLER L’INSECTE« Importer des palmiers des zones infestéesvers les zones d’Europe encore exemptes, no-tamment les Rivieras française et italienne,c’est mettre le loup dans la bergerie, avertis-sait pourtant Michel Ferry, référent INRA, dans la revue Phytoma, dès l’été 2006. Sans interdiction des importations de palmiers,l’arrivée du charançon en France et au Ma-ghreb était inévitable. Or, le coût d’une lutte contre le charançon sur de vastes zones est co-lossal pour des résultats médiocres. »

Installée dans les locaux de la municipalitéd’Elche, la responsable des parcs et jardinsconfirme l’importance des sommes englou-ties. « Le problème principal, c’est le coût. Nous traitons actuellement 180 000 pal-miers, à raison de 120 euros le traitement de

gent, le Phoenix canariensis est le plus ré-pandu. Originaire des Canaries, il possède untronc plus large, a plus de stipe et, pour cette raison, est particulièrement prisé des charan-çons. On trouve aussi le Washingtonia filifera,originaire de Californie, encore plus résistantau froid, que l’on rencontre jusqu’en Breta-gne où le charançon rouge a été signalé.

Les larges avenues bordées de palmiers dela ville d’Hyères coûtent cher aux contribua-bles. Ici, l’insecte a fait des ravages. « Entre2007 et 2014, 1 443 palmiers ont été diagnosti-qués infectés et 1 030 ont dû être abattus, à500 euros par plante, raconte le maire de la ville, Jean-Pierre Giran. C’est une obligation si nous voulons éviter la contamination. »

DES EFFORTS PÉDAGOGIQUESLa folie du « tout palmier » qui a gagné, de-puis la fin du XIXe siècle, le sud de l’Europe, a son prix. « Il y a eu une mode où chaque villedu pourtour méditerranéen voulait ses pal-miers, c’était un élément identitaire fort, ana-lyse Anne-Laure Fondeur, chargée de la sécu-rité sanitaire au ministère de l’agriculture. Et il était compliqué de dire au maire de Nice, parexemple, qu’il lui fallait abattre les plantes de la Promenade des Anglais. » Jusqu’au milieudes années 2000, les autorités ont bataillépour convaincre les municipalités d’investir dans la lutte contre le charançon rouge. A leur tour, ces dernières ont dû faire de grandsefforts pédagogiques pour que les particu-liers traitent ou abattent leurs palmiers. Un casse-tête. D’autant qu’il est difficile de devi-ner la présence de l’insecte à l’intérieur de laplante. « L’observation est très délicate, elle se fait parfois à quinze, vingt mètres du sol, pré-cise Didier Rochat. Et pour l’abattre, il faut unenacelle, une grue, un broyeur. Pour un palmierde quinze mètres de haut, il faut compter six à huit tonnes de matières. »

Autre casse-tête, les traitements sont nom-breux. Le Confidor, utilisé largement en Es-pagne, est interdit au particulier en France.« Celui-ci est obligé de confier le traitement à un professionnel qui a l’autorisation pour l’utiliser, explique Hervé Pietra, président de l’association Sauvons nos palmiers, créée en 2011 et située à Toulon. Le traitement peut lui coûter jusqu’à 600 euros, voire 700 par plante, alors il préfère ne pas déclarer la mala-die, prenant le risque de contaminer les pal-miers voisins. » Son association préconisel’injection d’un produit à base de benzoated’émamectine, proposé par Syngenta.

Au ministère de l’agriculture, malgré l’éten-due de la maladie – 127 communes en zone infectée et 402 en « zone tampon » avec des obligations de surveillance –, on se veut con-fiant. « Les communes sont obligées de traiter,rappelle Anne-Laure Fondeur. Si elles ne le font pas, elles prennent le risque qu’un palmiers’effondre, fasse des dégâts, et d’être alors con-damnées par la justice. »

Plusieurs protocoles ont été définis, parmilesquels l’injection, qui serait plus efficace, le traitement externe (pulvérisation), nécessi-tant des précautions particulières, ou une ap-proche bio, avec l’utilisation de vers némato-des. Dans le bourg catalan d’Alenya (Pyré-nées-Orientales), déclaré commune « zérophyto » en 2010, l’abandon des pesticides n’est pas allé de soi, certains habitants dé-nonçant la présence d’herbe dans les allées du cimetière ou sur le terrain de boules. « No-tre seule exception au zéro produit phytosani-taire a été le traitement de nos palmiers, obli-gatoire. Sur les six palmiers attaqués, on a dûen abattre quatre. Depuis, on ne plante plus depalmier, espèce exogène, on préfère des essen-ces locales, argousiers, oliviers… », raconte lemaire communiste, Jean-André Magdalou.

En attendant que les stratégies se précisent,que leur financement soit acquis, le charan-çon rouge prospère. p

rémi barroux

Prochaine article : la mangrove

Changer le monde : tel est le thèmede l’édition 2015 du Monde Festivalqui se tiendra les 25, 26 et 27 septembreà Paris. Retrouvez le programmesur Lemonde. fr/festival

Confidor [un produit de la firme Bayer] parpalmier, détaille Maïté Ruiz. Ici, la loi indiqueque tout palmier détruit doit être remplacé, ce qui coûte 500 euros pour la destruction et 500de plus pour son remplacement. » Beaucoup de petits producteurs ont préféré ne pas trai-ter, laissant la voie libre à l’insecte. « On a ap-pris à vivre avec le charançon, notre problème étant de le contrôler », résume Mme Ruiz.

L’installation du charançon ne fait pas les af-faires de la famille Anton : l’exportation repré-sente, pour le palmier, 50 % de sa production. « Avec la réglementation, nous ne pouvons plusvendre en France, se plaint Isabel. Aujourd’hui, notre chiffre d’affaires pour les palmiers doit at-teindre 500 000 euros par an, alors qu’il était de 2 millions dans les années 2000. »

Les communes du sud de la France devront-elles se passer des palmiers ? Dans l’Hexa-gone, le charançon rouge serait arrivé en 2006, en Corse d’abord, puis dans le Var, à Hyères-les-Palmiers la bien nommée. « On avait alerté les autorités dès 2005 et l’interdic-tion d’importation est venue en 2007 : le mal était déjà fait », rappelle Didier Rochat.

En France, températures plus froides obli-

La gloire flétrie

du palmier 3|5 ARBRES MALADES DE LA MONDIALISATIONAttaquées par un insecte, le charançon rouge, les plantes meurent.Les traiter ou les abattre coûtedes milliers d’euros. Un casse-tête pour les municipalités et les particuliers

A Elche, en Espagne.OLIVIER METZGER POUR « LE MONDE »

l’été en séries

Page 23: Le Monde 13 Aout 2015

0123JEUDI 13 AOÛT 2015 | 23

« RENDEZ-VOUS COMPTE, RAYMOND

MAUFRAIS ESTEN TRAIN DE MOURIR DE FAIM, ET IL ARRIVE À ÉCRIRE DE MANIÈRE

TRÈS RICHE ! »GEOFFROY CRUNELLE

auteur de la biographie du jeune aventurier

charlie buffet

Aquoi pense cet homme à l’airperdu qui déambule sous lespalmiers, filmé en Guyanepour « Cinq colonnes à laune » en 1960 ? « Ce vieilhomme fatigué et amaigri,

dit la voix off, c’est Edgar Maufrais. Il cherche toujours son fils avec une obstination qui afini par lasser les gens qui se disent raisonna-bles. » Raymond Maufrais, le fils recherché :un jeune aventurier comme en fabriquaient les scouts et la Résistance. Vu pour la der-nière fois en décembre 1949 sur le fleuve Ma-roni, alors qu’il partait pour tenter la traver-sée des monts Tumuc-Humac. Au printemps1951, la gendarmerie a classé l’affaire. Dispa-rition, « mort naturelle ».

Edgar n’a jamais cru à la mort de son filsunique. Il a obtenu un congé sans solde del’arsenal de Toulon, où il travaillait comme comptable. Jours de France a affrété deux ra-diesthésistes, des « hommes-radars », comme les appelle un journaliste. Ils ont « vu » le jeune Blanc prisonnier d’une tribuindienne nomade. Depuis, le père s’est fait explorateur. Il cherche. Toujours plus mai-gre, perché à l’avant des pirogues, appelant son fils à chaque coude de rivière. Il a tou-jours un sifflet et une corne de brume pourl’appeler, des jumelles pour le repérer, un harmonica pour jouer ses airs scouts. A cha-que village, il sort de son portefeuille unephoto de Raymond.

Au bout de dix ans, les journalistes quil’avaient surnommé « le père courageux »sont passés de l’admiration à la pitié. L’inter-vieweur de l’ORTF, en maillot de bain, l’aborde avec ménagement, comme s’il avait peur de réveiller un somnambule. Raymond vivant, vous y croyez, dix ans après ? EdgarMaufrais répond comme quelqu’un à qui on a posé cent fois la question : « Je conserve toujours espoir. Il y en a qui me prennent pourun fou pour ça, mais c’est bien possible aprèstout. » Le double « possible » reste en sus-pens : possible que le fils soit vivant, possibleque le père soit fou. Nouvelle télévision quel-ques mois plus tard, à Toulon. Edgar cherche des fonds pour repartir : « Je ne veux pas croire que le petit soit mort. »

« OTARIE TÉMÉRAIRE »

La courte vie de Raymond Maufrais, disparu à 23 ans, a été racontée à la lumière de sa findramatique. Cancre, il rêvait sur les cartes des colonies et brillait en rédaction ; son profde français le voyait Albert Londres. Ray-mond est envoyé chez les scouts, où il est« Otarie téméraire ». En pension, il fuguetrois jours et raconte aux gendarmes qu’il pensait arriver à pied aux colonies. En 1942, son père revient de captivité en Silésie lespoumons abîmés et entre en contact avec le réseau Combat. Raymond aussi aurait ap-proché la Résistance, tenté de gagner Lon-dres et rejoint le maquis dans le Lot, où il était lycéen au printemps 1944.

En août, les Maufrais père et fils participentaux combats de la libération de Toulon. Ray-mond est décoré à 17 ans, s’engage dans lesparachutistes et, aussitôt démobilisé, part à l’aventure au Brésil, d’où il revient avec des carnets de voyage qu’il tente de publier. Jul-liard les refuse. Ce jeune homme ardent dé-cide en 1949 de partir pour la Guyane, rêvantd’être le premier Blanc à traverser seul les monts Tumuc-Humac pour relier le Maroni à l’Amazone – et pourquoi pas, rencontrer aupassage les mythiques Indiens blancs, si sau-vages que personne ne les a jamais vus. Ilmanque cruellement d’argent et totalement d’expérience ; ceux qu’il rencontre tententtous de le dissuader (« Ils me prennent pourun fou »).

Raymond s’obstine, passant de l’exaltationau cafard et retour. Dans une interview à la revue Elites françaises, il explique qu’il a hor-reur de la vie civilisée et veut « respirer l’air pur du risque ». « Sans porteur, sac au dos, lahachette à la main, en pleine jungle, j’aurai vraiment le sentiment d’exister pleinement. » Un ami reçoit une dernière lettre : « Je pré-fère la mort à l’échec. » Raymond part avecson chien, Boby, dans une pirogue hors d’usage. Remonte un affluent du Maroni avec une famille de Noirs marrons à qui il confie une dernière lettre pour ses parents(et peut-être des notes). Le 13 décembre 1949,il s’engage seul sur le sentier des Emerillons, chargé d’un sac de 30 kg. Plus personne ne l’arevu vivant.

Ce qui s’est passé ensuite, on l’a appris parles carnets retrouvés dans son dernier camp,qui ont été publiés sous le titre Aventures en Guyane (Julliard, 1952). La marche dans la

jungle l’a épuisé. Les pieds couverts de plaiespurulentes, l’estomac vide, il atteint le 1er janvier un campement abandonné aubord de la rivière Tamouri. Il y passe deux se-maines, tentant de construire un radeau. Il mange son chien, Boby. Le 13 janvier 1950, ilabandonne ses affaires et ses carnets pour partir à la nage, espérant que le courant le ra-mènerait la civilisation.

Geoffroy Crunelle se souvient d’avoir dé-couvert l’histoire extraordinaire d’« Otarie téméraire » à l’âge de 5 ans dans Spirou, oùelle était racontée en bande dessinée,en 1956. Elle nourrit sa vie « depuis cinquan-te-neuf ans » : il a vécu en Guyane, pris la têtede l’Association des amis de Raymond Mau-frais et écrit sa biographie. Il vient de con-seiller le réalisateur Jérémy Banster, dont le long-métrage La Vie pure, basé sur cette true story, sortira en salles en novembre. Geof-froy Crunelle a également préparé la réédi-tion d’Aventures en Guyane. Il trouve que cescarnets révèlent un talent littéraire excep-tionnel qui ne demandait qu’à éclore : « Ren-dez-vous compte, Raymond Maufrais vient detuer son chien, il est en train de mourir defaim. Il n’a même plus la force de tenir un fusilet il arrive à écrire de manière très riche ! » Il remarque que McCandless, le héros d’Into the Wild, le livre de Jon Krakauer adapté aucinéma par Sean Penn, ne laisse plus quequelques mots épars quand il s’éteint, dansson bus, en Alaska. « Chez Maufrais, tout re-pose sur ces carnets. Sans eux, il n’y a pas d’histoire. »

Mais où sont-ils, ces carnets ? Et que racon-tent-ils ? Dans les premiers jours de son aventure, Raymond Maufrais écrivait de ma-nière télégraphique, sans verbes. Quatre li-gnes pour son premier galop d’essai dans la jungle qui lui avait demandé trois jours. A partir du moment où il s’enfonce seul dansla jungle, le journal devient presque lyrique. Le jeune homme se regarde survivre, cons-truisant ses phrases, philosophant sur l’exis-tence : « Je pense à ceux-là qui eurent faim du-rant quatre ans derrière les barbelés. Je suis li-bre et, pensant à cela, j’ai honte de ma faim. »

Geoffroy Crunelle est émerveillé par cette

aurait compilé ce qu’on peut trouver sur laflore et la faune d’Amazonie, et ajouté ses ré-flexions. Quand on lui a soumis l’hypothèse, Geoffroy Crunelle s’est raidi : « J’ai été éditeur,je ne me serais jamais permis ça ! » Il envoie il-lico une copie du texte dactylographié por-tant la référence des pages des carnets. Lui-même ne les a jamais vus. Ils étaient très dé-gradés, avec des pages entières illisibles. Le texte aurait été recopié à la main puis dictépar Edgar Maufrais. Il pense que les origi-naux ont été conservés par les parents, et quela mère du disparu a pu les détruire : « A la finde sa vie, elle avait perdu la raison. » (Et les orangers, il en a planté lui-même en Guyane.)

L’histoire des Maufrais, Raymond le dis-paru et Edgar parti à sa recherche, est une tra-gédie d’Amazonie. Une belle histoire d’explo-ration qui tourne mal, de deuil impossible et d’obsession qui dure. Elle repose sur un so-lide socle de réalité et je m’en voudrais de la faire passer pour une pure supercherie. Un jeune scout courageux est mort, victime de son inexpérience en tentant l’aventure dansla jungle. Son père n’a jamais accepté sa dis-parition et l’a cherché pendant douze ans. Sile récit de Raymond Maufrais a été complété après sa mort, il n’y pouvait rien. La quête dupère était un fantasme. C’est une histoireavec mensonge, mais sans menteurs. p

Prochain article : « Crowhurst, ou la course à la folie »

Changer le monde : tel est le thèmede l’édition 2015 du Monde Festival quise tiendra les 25, 26 et 27 septembre à Paris. Retrouvez le programmesur Lemonde.fr/festival

faconde : voilà un aventurier épuisé, affamé, subissant au début de son aventure les as-sauts du cafard. L’humidité imprègne tout, il écrit dans son hamac, une calebasse-bou-geoir coincée entre les jambes… Le décalageentre la réalité de la situation et ce qui estécrit est extraordinaire. Dans son journal, Maufrais a faim. Après avoir tué, dépecé et mangé son chien, il est obsédé par sa quêtede nourriture : « A nous deux, maîtresse jun-gle, écrit-il. Je t’exploiterai à fond comme ja-mais un souteneur ne l’a fait de sa maîtresse. »

Et en dix jours, il capture un bébé toucan,une tortue, six douzaines d’escargots, trois crabes, un autre toucan qu’il rattrape à lacourse et assomme en lançant sa machette. La cueillette n’est pas moins fructueuse : des cœurs de palmier, un régime de dattes, des graines « qui donnent une sorte de chocolatsans sucre », un peu de miel qu’il arrive à ex-traire après avoir enfumé une ruche, sept oranges, un gros avocat… bref, un tableau à peu près complet de tout ce que la jungle peut offrir. Sollicité pour commenter cetteliste, un ami familier des raids en Guyanen’en revenait pas : « Un chien boucané, ça faitbien trois jours. Et on tient à trois pendantdeux jours sur une tortue ! » Il n’a jamais vu une seule orange dans la forêt…

UN « ÉCRIVAIN FANTÔME »On peut trouver extraordinaire cette littéra-ture revenue de la faim et de l’épuisement…ou rester sceptique. « Y’a quelque chose quicloche là-dedans », comme dirait Boris Vian.Comment ne pas se demander si l’histoiren’a pas été « arrangée » par un nègre ? Un« écrivain fantôme » qui, pour compléter le journal de plus en plus laconique du disparu,

GLEN BAXTER

Maufrais et son livrede la jungle 3|5 LA VIE APRÈS LE MENSONGE En 1949, le jeune

Raymond Maufrais veut « respirer l’air pur du risque » en explorant la forêt amazonienne de Guyane. Son corps ne sera jamais retrouvé, contrairement aux carnets dans lesquels il consigne son aventure. Mais qui en est l’auteur ?

Page 24: Le Monde 13 Aout 2015

24 | JEUDI 13 AOÛT 2015

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Yvonne Hégoburu, pour l’amour de la terre3|5 FEMMES DE VIGNE Les jurançons de l’audacieuse octogénaire arrivent en tête dans les dégustations

Pourquoi avoir planté desvignes à 60 ans, au lende-main de la disparition devotre mari ?

– Pour éviter le désespoir et fairece qu’il ne voulait pas que je fasse. »

Yvonne Hégoburu, 88 prin-temps, a répondu du tac au tac, ins-tallée sur la pelouse de sa maison, sous les frondaisons d’un chêne immense qui nous protège de la canicule. Au fond, le pic du Midi d’Ossau s’estompe dans la brume de chaleur. A nos pieds, tel un théâ-tre antique, le domaine de Souch offre ses 6,5 hectares de vignes en gradins à quelques kilomètres de Pau, dans l’appellation jurançon. René était l’homme de sa vie, ren-contré à 15 ans sur les bancs du col-lège, Béarnais de sang, rugbyman de talent, journaliste de convictionet longtemps rédacteur en chef de La République des Pyrénées.

Quand la mère d’Yvonne, ayantappris qu’elle avait un amoureux, lui a dit après le brevet élémen-taire : « Je ne vais pas te payer des études pour courir les garçons. Ce sera les études ou le garçon », sans hésiter, l’adolescente a choisi Renéet la liberté. Elle est partie tra-vailler, pour gagner sa vie et son

indépendance. On l’appelait Hégo, personnage flamboyant dans un monde de notables de province, qui ramenait à la maison Antoine Blondin ou Haroun Tazieff, pou-vait disparaître des jours en mon-tagne, et aux côtés duquel Yvonne vivra jusqu’à sa fin, dans cette authentique demeure béarnaise du XIXe achetée en ruine, restau-rée, détruite par un incendie puis reconstruite à l’identique.

Hégo définitivement absent dece petit coin de paradis, il fallait choisir : partir ou faire vivre ce do-maine de 22 ha de prairies et de fo-rêts. L’idée d’un élevage de visons fut évoquée, mais la vigne s’impo-sait naturellement sur ce coteau magnifiquement exposé. « Ç’en était une avant, mais lui vivant il n’yaurait pas de vigne », m’avait tou-jours dit René, fils de gendarme, élevé dans l’esprit fonctionnaire pour lequel investir était péché.

Travaux titanesques

Avec son fils Jean-René, avocat à Paris, et l’aide d’Abel Pires, maçonportugais devenu chef de culture, Yvonne entreprend des travaux ti-tanesques, aménageant les terras-ses au bulldozer et coupant les ar-bres pour en tirer 20 000 piquets qui soutiendront les cépages lo-caux du jurançon : dès son pre-mier millésime (1990), elle obtientla médaille d’or au concours géné-ral à Paris (1992) pour un jurançon blanc moelleux. A ne pas confon-dre avec un liquoreux tel le sauter-nes, issu de raisins atteints de botrytis, un champignon micros-copique qui attaque les baies et dé-grade l’acidité, alors que les moel-leux type jurançon proviennent de raisins passerillés sur pieds

(c’est-à-dire séchés jusqu’à flétrir) qui conservent cette acidité, sup-port de la fraîcheur.

Toujours est-il que ça jase dansl’appellation sur ces nouveaux ve-nus, certes du pays, mais novices dans le métier et si vite récompen-sés. Sous la conduite d’une femme de surcroît, aidée de deux jeunes œnologues, Maxime et Emma-nuel qui, à cinq ans d’intervalle, ont posé leurs valises au domaine. « Je leur ai dit que je n’avais pas les moyens de me payer des œnolo-gues, mais ils ont insisté et sont res-

tés comme ouvriers agricoles. » Yvonne se fait à nouveau remar-quer en 1994 lorsqu’elle se conver-tit au bio, certifié Ecocert. « Un jour, ça sentait mauvais dans les vi-gnes. Sans doute à cause des en-grais et des produits répandus chez nous ou ailleurs. Ce fut le déclic. Faire du vin dans de telles condi-tions ne correspondait pas à notre idéal de santé, à notre façon de vi-vre et de voir les choses. Le bio était ce qu’il nous fallait. » Auprès de Paul et Maryse Barre, vignerons à Fronsac, Yvonne s’initie aux théo-

ries de Rudolf Steiner et à la biody-namie désormais appliquée sur l’ensemble de ses parcelles. Avec des préparations achetées chez desprofessionnels et des décoctions réalisées au domaine et aspergées dans les vignes à la pompe à dos.

Cet amour de la terre, sur laquelleparfois elle s’allongeait à plat ven-tre pour mieux la sentir, se ressentdans ses vins, reflets de celle-ci, ja-mais identiques d’une année à l’autre, et produit de faibles rende-ments (20 hectos/ha), alors que sur l’appellation ils peuvent mon-ter à 80 hectos/ha. Jurançon sec,jurançon moelleux ou jurançon moelleux Marie-Kattalyn – 100 % petit manseng et portant le nom de sa petite-fille –, ils arrivent régu-lièrement en tête dans les dégusta-tions. Avec Yvonne, ils avaient em-ballé Jonathan Nossiter, l’auteur de Mondovino, le film iconoclaste qui avait agité la planète vin en 2004 et aggravé un peu plus la réputation du domaine de Souch dans le voisinage. Elle n’en a cure, fidèle à ses deux amours, René et son vin. Marguerite, Noémie et Lune, ses trois « patous » des Pyré-nées veillent sur elle. p

jp géné

Domaine de Souch, 805, chemin de Souch, Laroin (Pyrénées-Atlantiques).

Prochain article : Catherine Bernard

Changer le monde : tel estle thème de l’édition 2015du Monde Festival qui se tiendra les 25, 26 et 27 septembre à Paris. Retrouvez le programme sur Lemonde. fr/festival

Imaginer le monde demain | par louis jammes

l’été en séries

DÈS SON PREMIER MILLÉSIME (1990),

ELLE OBTIENTLA MÉDAILLE D’OR

AU CONCOURS GÉNÉRAL

SAMUEL KIRSZENBAUM

POUR « LE MONDE »

Tirage du Monde daté mercredi 12 août : 266 600 exemplaires

3|11 UN PHOTOGRAPHESON IMAGE ET SES MOTS

M. Shiga : « J’ai travaillé vingt-trois ans à la centrale de Fukushima. On nous di-sait : “S’il y a un tremble-ment de terre, l’endroit le plus sûr, c’est la centrale.” »Hanzai : « C’était si violent que j’ai cru que la Corée du Nord nous avait balancé une bombe atomique. Les grosses tuiles noires du toit s’envolaient comme des corbeaux. Trois énormes secousses en sept minutes. Ça bougeait sans arrêt. »Yazaki : « Mon frère tra-vaillait dans la centrale pendant l’alerte au tsu-nami. Les portes ont été bloquées par le système de sécurité. Certains savaient comment les rouvrir et ont fui sur la colline. M. Yoshida, le boss, a dit à ceux qui avaient des en-fants de s’enfuir. Lui est resté à son poste, et tous ceux qui sont restés sont morts. Les autorités con-naissaient le danger, ainsi elles ont construit la cen-trale dans cette région peu peuplée. Depuis toujours on cache les accidents, les blessés et les morts… Seulsles gens de la région sa-vent. On achète leur si-lence, besoin de travailler, besoin d’argent. »Chun Kawara : « Merci d’enregistrer notre histoire même si, comme toujours, la vérité sortira quand on ne sera plus là. »

LOUIS JAMMES, NÉ EN 1958, À CARCASSONNEMatsumoto Was Singing at the Night… (extrait du travail « Le monde de demain contenu dans celui d’aujourd’hui ou d’hier »), Minami-soma (préfecture de Fukushima, au Japon, le 18 mai).