Le Congo colonial et postcolonial dans la mémoire populaire

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larevuenouvelle, n° 1-2 / janvier-février 2005 50 Le Congo colonial et postcolonial dans la mémoire populaire Donatien Dibwe dia Mwembu dossier Les relations entre le Congo et la Belgique racontent une histoire, qui fluctue selon que les intérêts de l’un ou de l’autre sont lésés ou non par l’une ou l’autre. À Lubumbashi, un projet « Mémoires », créé au sein de l’université, s’offre comme un espace entre la population et les chercheurs, où peuvent émerger les clichés, témoins des rapports quotidiens de la population avec ses anciens et ses nouveaux dirigeants. Donatien Dibwe dia Mwembu est docteur en histoire (université Laval, Québec, Canada). Il est professeur d’histoire au département des sciences historiques à l’université de Lubumbashi. Le musée national de Lubumbashi a été choisi comme le lieu idéal de reconstruc- tion de la mémoire urbaine locale. Depuis bientôt quatre ans, le projet Mémoires de Lubumbashi a organisé cinq expositions touchant à divers domaines du quotidien. Celles-ci s’offrent comme un espace de dialogue entre la population, détentrice de sa mémoire, et les chercheurs universi- taires, détenteurs de l’analyse critique. Les débats qui en résultent permettent aux intellectuels populaires (c’est-à-dire les conteurs, les peintres, etc.) et aux in- tellectuels chercheurs d’exhumer des mé- moires enfouies, oubliées ou réprimées. Lors de ces discussions apparaissent plu- sieurs clichés ancrés dans la mémoire po- pulaire. Ils sont les témoins des rapports quotidiens de la population avec les diri- geants du Congo colonial et postcolonial. Ils se résument en deux tendances. La pre- mière, nostalgique, est favorable à la colo- nisation, tandis que la seconde, critique, est sceptique, à tendance pessimiste. LA NOSTALGIE DE LA COLONISATION Le vécu quotidien de la population, mesure par excellence du niveau des conditions de vie, permet d’évaluer le degré social atteint par le pays. Lorsqu’on interroge la mémoire populaire, le déla- brement de l’économie congolaise a eu des répercussions négatives sur le salaire

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Le Congo colonialet postcolonialdans la mémoire populaire

Donatien Dibwe dia Mwembu

dossier

Les relations entre le Congo et la Belgique racontent une histoire, qui fluctue selon que lesintérêts de l’un ou de l’autre sont lésés ou non par l’une ou l’autre. À Lubumbashi, unprojet « Mémoires », créé au sein de l’université, s’offre comme un espace entre lapopulation et les chercheurs, où peuvent émerger les clichés, témoins des rapports quotidiensde la population avec ses anciens et ses nouveaux dirigeants.

Donatien Dibwe dia Mwembu est docteur en histoire (université Laval, Québec, Canada). Il est professeur d’histoire au département des scienceshistoriques à l’université de Lubumbashi.

Le musée national de Lubumbashi a étéchoisi comme le lieu idéal de reconstruc-tion de la mémoire urbaine locale. Depuisbientôt quatre ans, le projet Mémoires deLubumbashi a organisé cinq expositionstouchant à divers domaines du quotidien.Celles-ci s’offrent comme un espace dedialogue entre la population, détentricede sa mémoire, et les chercheurs universi-taires, détenteurs de l’analyse critique.Les débats qui en résultent permettentaux intellectuels populaires (c’est-à-direles conteurs, les peintres, etc.) et aux in-tellectuels chercheurs d’exhumer des mé-moires enfouies, oubliées ou réprimées.

Lors de ces discussions apparaissent plu-sieurs clichés ancrés dans la mémoire po-

pulaire. Ils sont les témoins des rapportsquotidiens de la population avec les diri-geants du Congo colonial et postcolonial.Ils se résument en deux tendances. La pre-mière, nostalgique, est favorable à la colo-nisation, tandis que la seconde, critique,est sceptique, à tendance pessimiste.

LA NOSTALGIEDE LA COLONISATION

Le vécu quotidien de la population,mesure par excellence du niveau desconditions de vie, permet d’évaluer ledegré social atteint par le pays. Lorsqu’oninterroge la mémoire populaire, le déla-brement de l’économie congolaise a eudes répercussions négatives sur le salaire

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des travailleurs et sur les conditions devie, et donc inauguré les voies de ladébrouillardise pour la survie.

« Le travail salarié, nous confie LaurentKalume, un retraité, nous permettait debien vivre, de faire trois repas par jour.Avec le temps, nous avons fini par nouscontenter d’un seul repas consommé leplus souvent à la tombée du jour. Jadis, lesalaire seul suffisait à nous nourrir dupremier au dernier jour du mois.Actuellement, nous devons faire beau-coup d’acrobaties pour avoir cet uniquerepas : la mendicité, la vente de petitsarticles devant la maison ou au marché, laculture des champs au village, etc. »

Au-delà la satisfaction des besoins pri-maires que le musicien Jean BoscoMwenda wa Bayeke avait énumérés danssa chanson Furaha ya Katanga iko nini wabwana? Kula, kuva na kunywa (« La joie auKatanga c’est quoi, messieurs? Manger,s’habiller et boire »), certains Congolaisvoient un autre apport de la colonisation,celui du passage des Congolais de l’état« sauvage » à l’état de « civilisé ».

« Tu sais, nous dit un retraité de laGécamines (ex-Union minière du Haut-Katanga, U.M.H.K.), Mputu Kasongo,lorsque le colonisateur est arrivé au pays,il nous avait trouvés à l’état sauvage.Nous n’avions pas grand-chose. C’est lecolonisateur qui a contribué à l’améliora-tion des conditions de vie des Congolais.Il a construit des maisons spacieuses enmatériaux durables, des écoles, des hôpi-taux. Il est allé plus loin: il a créé beau-coup d’emplois, il a construit des routeset facilité les déplacements et les commu-

nications. Il a lutté contre beaucoup demaladies. La colonisation a apporté beau-coup de bienfaits, et ne pas le reconnaitreest une ingratitude. »

L’amélioration des conditions de vie desCongolais est évidente. La lutte menéecontre les maladies et la mortalité à traversl’assainissement de l’environnement et laconstruction d’infrastructures médicales,la création des écoles, etc., ont abouti à desrésultats satisfaisants. Le roi Baudouins’était longuement appesanti sur ces réali-sations. « Nous sommes heureux, décla-rait-il dans son discours du 30 juin 1960,d’avoir ainsi donné au Congo, malgré lesplus grandes difficultés, les éléments in-dispensables à l’armature d’un pays enmarche sur la voie de développement. »Certes, ces réalisations sociales étaient da-vantage dictées par des intérêts économi-ques que par des buts humanitaires. Lesdocteurs Mouchet et Van Nitsen l’avaientsouligné d’ailleurs en ces termes: « Toutephilanthropie mise à part, chaque décèsest une perte financière, chaque journéede maladie, une perte de production. »Jean Stengers note dans son ouvrage inti-tulé Congo. Mythes et réalités. Cent ans d’histoi-re que les Belges ne s’étaient pas trouvésdevant une civilisation digne de ce nom.C’est pourquoi ils étaient contraints d’ap-porter leur civilisation.

« Le pouvoir colonial nous avait rendu lavie belle. Chaque jour qui passait appor-tait un changement, une amélioration auxconditions de vie. Beaucoup de projetsavaient été réalisés. Lorsqu’on avait unemploi, on pouvait se procurer tout cedont on avait besoin: nourriture, habits,

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appareils électroménagers, meubles,vélo, etc. Cela revient à dire que lesCongolais menaient une vie semblable àcelle des Blancs. Nos enfants étudiaientcomme des Blancs. Nos épouses étaientdevenues des civilisées, des blanches à lapeau noire grâce à la création des foyerssociaux. C’était beau en tout cas », se sou-vient Jean Bidwaya, un autre des retraitésde la Gécamines influencés par le dis-cours colonial.

SOUS LE JOUG BELGE

La colonisation apparait également sousun jour sombre. Patrice Lumumba ladécrit en quelques mots : frustrations, hu-miliations, intimidations, injustice socia-le, manque de liberté, etc., ont caractériséles quatre-vingts ans passés sous le jougcolonial belge et semblent de ce fait avoireffacé ou, mieux, supplanté, dans lamémoire populaire, les bienfaits de lacolonisation.

La période coloniale semble une étape dedéstructuration et de restructuration dessociétés africaines, un moment de déper-sonnalisation de l’Africain, de la perte deson identité, de sa liberté et de sa dignité,bref de sa domination politique, écono-mique, sociale et culturelle. C’est pour-quoi, pour la plupart des gens, l’indépen-dance signifiait non seulement la libéra-tion de l’esclavage colonial, mais aussil’amélioration des conditions de vie, lasuppression des discriminations socialeset raciales entre les Blancs et les Noirs.Tout l’édifice colonial bâti sur l’inégalitéraciale, allait s’écrouler.

Une multitude de faits sont ainsi repro-chés à la colonisation. Il existait deuxvilles au Congo belge. La première,blanche, n’était habitée que par les Blancset la seconde, noire, exclusivement habi-tée par les Noirs. Au début, cette poli-tique ségrégationniste a été appliquéedans tous les domaines de la vie sociale.Les Noirs n’avaient pas accès aux cultes,aux magasins, aux restaurants, auxécoles, aux hôpitaux et aux cinémas fré-quentés par les Blancs. Sur le plan pro-fessionnel, les Noirs ne pouvaient pasoccuper les mêmes postes de responsabi-lité que les Blancs. Il ne fallait pas leuroffrir une occasion de réclamer le mêmetraitement et de se sentir les égaux desBlancs. On comprend pourquoi l’indé-pendance, dans l’esprit des Congolais,allait non seulement déstructurer etrestructurer cet ordre de choses ancien,mais aussi leur permettre d’accéder auxhauts postes de responsabilité.

Si pendant la période coloniale, l’hommeblanc avait tenté d’améliorer les condi-tions de vie des Congolais, qu’en serait-ilalors lorsque les Congolais eux-mêmesprendraient les rênes de leur pays? Tousles rêves étaient permis. L’âge d’or allaitdésormais commencer.

La peine du fouet a marqué la mémoirecollective en ce sens qu’elle rappelle unedes sanctions humiliantes infligées auxNoirs pour lutter contre ce que le coloni-sateur appelait l’indiscipline au travail.L’une des personnes rencontrées déclare :« Les indisciplinés, c’est-à-dire les déser-teurs, les absents, les paresseux, etc.,subissaient des coups de fouet chaque

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matin pour autant de jours d’absence autravail. La discipline était de rigueur. Lesprisonniers étaient fouettés deux fois lematin aux fesses. » La peine du fouet futun symbole d’aliénation, de domination,de soumission. Être battu, frappé, passeencore. Mais faire glisser son pantalon ousa culotte et subir des coups de fouet surdes fesses nues est dégradant. En Afriquenoire, voir la nudité d’une personne adul-te, gratuitement et publiquement, déper-sonnalise l’intéressé. La peine du fouetest donc un des souvenirs coloniaux lesplus tenaces de la mémoire populaire.Des peintures populaires dans certainssalons de Lubumbashi rappellent encorecette triste situation.

Curieusement, cette peine, qui a pris fin àla veille de l’indépendance du Congo, futréappliquée pendant le régime de Mobu-tu, sous forme de torture dans les cachotsde la police secrète ou de la police poli-tique. Un délégué syndical, arrêté etincarcéré, explique: « Nous fûmes battuset fouettés sérieusement. On nous fouettaencore avant de nous libérer. Je suis restédeux jours à la maison. Les coups de fouetque j’avais subis m’avaient rendu mala-de. » Sous le régime de Mzee Kabila, lapeine du fouet redevint publique.L’objectif était de « purifier » le peuple del’indiscipline et de toutes les autres taresqui rappelaient le mobutisme. Cette sanc-tion fut appliquée au ventre par les mili-taires tutsis, les Kadogo. « Les Congolais,qui ont toujours vécu au pays, noteMichel Lwamba, ont été désagréablementsurpris par la manière forte d’agir destroupes de libération qui ont amené aveceux le fouet au nombril, administré

même aux femmes, chose que même lescolonisateurs belges n’avaient jamaisfaite. » Certains accueillent avec joie larésurgence de la peine du fouet. « Ellepermet, déclarent-ils, de discipliner lapopulation. » Un tel discours ne peutprovenir que de grands consommateursdes discours idéologiques aliénants descolonisateurs.

Le salaire a constitué un autre aspect dediscussion. Il a été un élément de discri-mination et a marqué la mémoire popu-laire. Durant toute la période coloniale, letravailleur africain recevait un salaire demisère parce que, disait-on, le Noirn’avait pas autant de besoins que leBlanc. Un retraité déclare : « Un jour, jem’étais rendu aux usines pour voirquelques amis pendant les heures derepos. Je les trouvai avec leur patron, unBlanc. Comme ils causaient, l’un des tra-vailleurs posa le problème de salaire.Voici ce que lui répondit le Blanc: "UnNoir a-t-il besoin d’argent? Que peut-ilen faire? Nous vous donnons la rationalimentaire et vous mangez toujours àvotre faim. Lorsque vous tombez malade,il y a des dispensaires et des hôpitauxpour vous soigner. Pourquoi alorsdemander l’augmentation des salaires?”Voilà la réponse du Blanc » (Dibwe diaMwembu, 2001).

À Lubumbashi, en 1910, le cout de la viepeut être résumé en ces termes : un boycoute 12 francs par mois et un Blanc peutvivre ici avec 12 francs par jour, tout com-pris sauf la boisson. Autrement dit, le tra-vailleur africain avait un salaire mensuelmoyen de 12 francs contre 312 francs

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payés à son collègue européen. Le rap-port était de 1 à 26 en 1910, de 1 à 65 en1950, de 1 à 40 en 1954 et de 1 à 33 en1958. La réaction des populationsouvrières se manifesta en décembre 1941à Lubumbashi lors de la grève des tra-vailleurs de l’Union minière du Haut-Katanga, qui couta la vie à une centained’Africains, et, également en 1952, lors-qu’ils réclamèrent l’amélioration de laquantité et de la qualité des rations ali-mentaires ou le réajustement de la contre-valeur en espèces, étant donné le coutélevé des denrées alimentaires. En 1964,l’Union minière revint d’ailleurs, sousune forme plus voilée, au système desrations alimentaires en créant des can-tines pour ses travailleurs.

À partir des années cinquante, la rémuné-ration des travailleurs connut une amélio-ration sensible. Jean Stengers, note quede 1950 à 1957, la « consommation indi-gène » avait augmenté de 76 %. L’élé-vation du niveau de vie des Africains étaitcertaine dans les centres urbains. Celaexplique pourquoi les anciens tra-vailleurs donnent l’impression de porterle deuil de l’époque coloniale. Il est vraiqu’ils se souviennent des salaires des der-nières années de la colonisation, quiavaient connu une forte augmentation.C’est vers cette époque que le kazi, c’est-à-dire le travail, a commencé à procurer lapromotion sociale et une certaine identitédans le monde industriel. C’était la joiedu Katanga. Le travail s’était substitué aupère et à la mère du travailleur. D’où leslogan Kazi ndjo baba, ndjo mama (« Le tra-vail, c’est mon père, c’est ma mère »).

LA ZIZANIE POLITIQUE

Certains problèmes politiques, que laRépublique démocratique du Congocontinue de gérer aujourd’hui, s’enraci-nent dans le passé colonial. La mémoirepopulaire retient que le colonisateur étaitconscient d’avoir semé la graine de divi-sion entre les Congolais qui, le momentvenu, allait provoquer des dissensions etamener le chaos politique avec toutes sesconséquences économiques et sociales.Le colonisateur a provoqué la zizanieentre les Lulua et les Baluba du Kasai en1959 à Luluabourg, et entre les Katangaiset les Kasaïens au Katanga à la veille del’indépendance.

Le témoignage de Louis Mutwale, origi-naire du Kasai et ancien de l’Unionminière, en est une illustration. « La viedans la cité de l’Union minière était unevie harmonieuse. Les différentes associa-tions tribales vivaient en harmonie mal-gré quelques frictions mineures. S’il seposait des problèmes, c’est le colonisa-teur, l’homme blanc, qui en était l’instiga-teur principal. En effet, c’est lui quis’adressait aux Katangais en ces termes:“Je vous lance un avertissement, peuplekatangais, car ce peuple du Kasai va s’ap-proprier toutes vos richesses si vous n’ou-vrez pas l’œil. Voyez comme ils sont nom-breux à l’Union minière. Ils occupent déjàcertains postes de commandement et vousdonnent des ordres. Vous devez vraimentouvrir l’œil, sinon vous resterez misé-rables. Ils vont vous dominer grâce à leurnombre nettement supérieur au vôtre. Sivous ne voulez pas les renvoyer un à un,vous me donnerez raison un jour et il sera

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trop tard.” Voyez-vous comment le pro-blème a commencé? C’est lui, le Blanc,qui avait fait le voyage jusqu’au Kasaipour le recrutement de la main-d’œuvre.Il nous a recrutés en grand nombre etnous a amenés ici où il nous faisait exé-cuter de durs travaux. »

En fait, face à l’émergence du nationalis-me vers 1955-1957, l’Union des colonsvoulait sauvegarder ses intérêts auKatanga. De peur que la Belgique ne soitévincée et remplacée par une autre puis-sance occidentale après l’accession duCongo à l’indépendance, l’U.M.H.K.encouragea le colonat blanc dans sa luttepour le fédéralisme.

L’Union minière adopta une nouvellestratégie qui visait à créer au Katanga uneforce politique suffisamment solide pourfaire échec au retrait de la Belgique. Elleconsista à former une couche dirigeanteblanche ou noire, capable de garder auKatanga ce statut particulier de colonieprivée. C’est ce à quoi s’emploiera le colo-nat blanc au cours des dernières annéesavant l’indépendance.

C’est dans ce cadre que la Confédérationnationale des associations katangaises(Conaka) — une plate forme qui a réunitoutes les tribus originaires du Katangaen vue de faire face à l’hégémonie desCongolais originaires de la province duKasai — bénéficiait de subventions desdirigeants de l’U.M.H.K. Les relationsharmonieuses entre les travailleurskatangais et kasaïens furent rompues. Lasécession katangaise fragilisa et détruisitla grande famille ouvrière que l’Unionminière avait formée dans le Haut-Ka-

tanga industriel. Selon Kapalo Mukumbi,les colons blancs avaient fait croire auxKatangais de la Conakat qu’il fallait, dansle cadre du fédéralisme, refouler l’immi-gration kasaïenne et luba pour mieuxjouir des richesses de leur province.Depuis lors, dans l’esprit de bon nombrede leaders katangais, le fédéralisme sup-pose l’exclusion de l’étranger de la ges-tion des affaires publiques. Cet espritcontinue malheureusement à hanter cer-tains leaders katangais « fédéralistes ».

Pour tout peuple longtemps courbé sousle joug colonial, l’indépendance marqueune ère nouvelle qui s’annonce, pleined’espoir, une ère de liberté, d’équité, dejustice sociale. C’est à cela que pensaitPatrice Lumumba dans son discours du30 juin 1960 : « Nous allons rétablirensemble la justice sociale et assurer quechacun reçoive la juste rémunération deson travail. Nous allons montrer aumonde ce que peut faire l’homme noirquand il travaille dans la liberté, et nousallons faire du Congo le centre de rayon-nement de l’Afrique tout entière. […]Nous allons mettre fin à l’oppression dela pensée libre et faire en sorte que lescitoyens jouissent pleinement des libertésfondamentales prévues par la Déclarationdes droits de l’homme. Nous allons sup-primer efficacement toute discrimination,quelle qu’elle soit et donner à chacun lajuste place que lui vaudra sa dignitéhumaine, son travail et son dévouementau pays. Nous allons faire régner non pasla paix des fusils et des baïonnettes, maisla paix des cœurs et des bonnes volon-tés » (cité par Thsimanga wa Tsibangu).

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Mais la clé de voute de cette réussite rési-dait dans l’harmonisation des rapportsentre les différences. Dans ce contexte,Patrice Lumumba exhortait le peuplecongolais à oublier les querelles tribales,à respecter la vie et les biens des autrescitoyens et des étrangers établis dans lepays. De son côté, le roi Baudouin insis-tait sur la vigilance que devait exercer lepeuple congolais tant à l’intérieur qu’àl’extérieur du pays. Il demandait auxCongolais de songer aux intérêts géné-raux du pays, de se pénétrer de l’esprit detravail, de respect de la liberté de l’autre,de tolérance, d’éviter les luttes tribalessusceptibles de donner l’occasion auxpuissances extérieures avides des riches-ses du pays d’amener le pays à la balka-nisation. Quarante ans après l’indépen-dance, quels en sont les résultats?

REGARDS SUR PÉRIODE POSTCOLONIALE

À la veille de l’indépendance, le Congoprésentait un visage relativement prospè-re tant sur le plan économique, social queculturel. La première République connaitune période chaotique. À ce propos,P. Joye et R. Lewin notent : « Pour fairesentir combien l’appui financier de laBelgique était indispensable, les sociétésbelges avaient, en effet, eu soin de procé-der à des retraits massifs de capitaux enmême temps qu’elles poussèrent aumaximum les exportations de produitscongolais en limitant par contre à l’extrê-me leurs importations. » Mobutu, aprèsson coup d’État militaire en 1965, prometde reconstruire le pays tombé en failliteau cours de la première République. « Les

politiciens, déclarait-il le 12 décembre1965, ont détruit le pays en cinq ans;alors, avec votre aide, nous allons lereconstruire tous ensemble pendant lescinq prochaines années. » Trente-deuxans plus tard, Laurent Désiré Kabila trou-ve un pays délabré à tout point de vue etpromet à son tour de le reconstruire. Cesdéclarations d’hommes d’État montrentclairement que la faillite de l’État congo-lais a le même âge que la Républiquedémocratique du Congo elle-même.

LA POLITIQUE

La population congolaise, qualifiée demûre politiquement, a une appréciationpeu élogieuse de la politique. Elle nourritune certaine méfiance vis-à-vis deshommes politiques et des intellectuelsqu’elle considère comme les premiers res-ponsables de la crise.

Le témoignage de Benoît Kasatuka Ngoieest illustratif : « Les politiciens ont sacrifiél’indépendance du Congo lorsque, encomplicité avec les Blancs, ils ont assassi-né Lumumba. Le pays ne nous appartientplus. Il appartient aux Blancs. Ces der-niers mettent au pouvoir, à la tête dupays, leurs hommes, ceux qui leur sontdévoués, comme les chefs coutumiers à lapériode coloniale, et défendent leurs inté-rêts. Les vrais nationalistes, au lieu d’êtrerelégués comme les chefs coutumiers àl’époque coloniale, sont au contraireassassinés. L’assassinat des nationalistes aremplacé la relégation des chefs coutu-miers pendant la période coloniale.Lorsque les Blancs ne sont pas d’accordentre eux sur le dirigeant du Congo, ilsfomentent des conflits à partir de l’exté-

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rieur, financent et équipent militairementleurs candidats respectifs, assistent à desaffrontements et à des tueries, pourvu queleur candidat l’emporte. Ainsi les politi-ciens ne peuvent pas s’entendre et nousne pouvons pas vivre en paix. Commentpouvons-nous vivre, travailler en paix etdévelopper ce pays tant que les Blancs netrouvent pas leurs intérêts? Chaque poli-ticien préfère diriger seul le pays avec sesamis ou frères de tribu. Et c’est cela lasituation que nous vivons depuis 1960.Nous allons de conflit en conflit, nousconnaissons des tueries. Et ces politi-ciens, c’est vous les intellectuels, vous quiavez beaucoup étudié ! Vous êtes deségoïstes. Vous avez réussi à dresser lespopulations les unes contre les autrespour satisfaire vos propres intérêts. Vousdétournez les deniers publics et vousallez construire ou acheter des villas enEurope ou en Afrique du Sud parce quevous êtes conscients du mauvais serviceque vous rendez au peuple congolais etque le moment venu, vous serezcontraints de fuir et de quitter le pays.Vos enfants étudient d’ailleurs en Europe.Monsieur, croyez-vous que les politiciensaiment vraiment ce pays? Non. Voilàpourquoi la plupart des gens de ma géné-ration pensent que les politiciens sont desmenteurs et que faire de la politique estconsidéré comme apprendre à mentir, àtromper, à escroquer les autres. Nousavons perdu toute confiance en vous, lesintellectuels. Il y a longtemps que nousvous entendons faire de beaux discours,mais vous n’êtes pas de bons acteurs. »

L’indépendance apparait aux yeux de laplupart des gens comme une affaire de

dupes. Elle profite plus aux politiques età leurs parrains extérieurs qu’au peuplecongolais. D’aucuns la traitent de décolo-nisation manquée, eu égard aux résultatsmédiocres observés longtemps après l’ac-cession du pays à la souveraineté natio-nale et internationale. Les politiques nese sentent vraiment « légitimes », et doncà l’aise dans l’exercice de leur pouvoir,que lorsque l’Occident les accepte et les« aide ». C’est pourquoi, ils s’érigent ende véritables sentinelles des intérêts despuissances étrangères. C’est, entre autres,de là que les violences tirent leur origine.La mémoire populaire retient que laBelgique est impliquée dans nombre deviolences.

À titre d’exemple, la formule provocatricedu général Janssens (« Avant l’indépen-dance égale après l’indépendance ») a étéà l’origine des mutineries orchestrées le5 juillet 1960 au sein de la Force publiquequi ont donné lieu à l’occupation d’unepartie du territoire congolais souverain(Matadi et Katanga) par des troupesbelges non invitées par le gouvernementde Lumumba.

De plus, le gouvernement belge a prépa-ré, avec la complicité des États-Unis, l’éli-mination de Lumumba. Il a soutenu lessécessions du Katanga et du Sud-Kasai,envahi et occupé une partie du territoirecongolais sous prétexte de secourir lesressortissants belges en danger, etc.« Parler de sécession, note Kabuya-Lumuna Sando, fait penser au Katanga.Non pas aux 496 000 kilomètres carrésd’un territoire aux dimensions de laFrance, mais aux plateaux du Sud où

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règne l’Union minière… » Le mêmeauteur note également: « La Société géné-rale de Belgique dont les intérêts étaientconnus dans l’U.M.H.K. était tout autantderrière la Minière de Bakawanga (Mi-ba). De plus, la même société détenait17,4 % des parts de la Diamond Co quiexploitait le diamant dans la provinceangolaise de Lunda, voisine du Sud-Kasaiet peuplée des Lunda, frères de Tshombe:la version des alliances était parfaite […]au regard des intérêts européens. »

Au regard de ce qui précède, la Belgiqueapparait ainsi comme la première puis-sance étrangère à profiter de la moindredéfaillance du gouvernement congolais,pour tenter de balkaniser le Congo et depoursuivre l’exploitation des richesses duKatanga et du Kasai.

D’un autre côté, les relations entre laBelgique et la République démocratiquedu Congo sont émaillées de quelquesélans de solidarité. La Belgique est ainsivenue au secours de la République duCongo pour anéantir les rébellions deMulele et Gbenye de 1964-1965. Elle aaussi contribué à l’affermissement dupouvoir de Mobutu en lui fournissant desexperts militaires. Mais, à partir de 1966,la promulgation de la loi Bakajika, lanationalisation de l’Union minière duHaut-Katanga (1967) et la politique dezaïrianisation (1973) ont entamé sérieu-sement les relations belgo-congolaisesdans la mesure où les intérêts écono-miques belges étaient lésés.

La période de transition politique et dedébut du processus de démocratisations’est aussi illustrée par le « massacre des

étudiants » du campus de Lubumbashi enmai 1990, les pillages de 1991-1992, lesconflits interethniques provoqués et atti-sés entre 1992 et 1994 par des opérateurspolitiques dans les provinces du Nord-Kivu, du Sud-Kivu, du Kasai Oriental etdu Katanga. La situation politique mal-saine, avec comme corollaire la dégrada-tion de l’économie du pays et des condi-tions de vie des populations, a amené bonnombre des personnes, ayant connu lapériode coloniale, à souhaiter la recoloni-sation de la République démocratique duCongo par les anciens maitres belges. Laconfidence que fit à son employé unpatron belge à la veille de l’indépendan-ce s’avère prophétique: « Vous n’ireznulle part. Une braise ne peut en aucuncas blanchir une autre braise. Vous allezvous entre-tuer, vous souffrirez et vousferez toujours appel à nous. »

Il était conscient de l’impréparation del’élite congolaise appelée à gérer la respublica. « On peut vivement regretter, noteJef Van Bilsen, que la Belgique n’ait paseu la lucidité de prévoir à temps que leCongo allait, à son tour, être entrainédans le mouvement de libération et dedécolonisation des pays de couleur et querien n’ait été entrepris pour préparer lescadres africains, ni pour reconvertir l’éco-nomie du Congo en vue de cette évolu-tion nécessaire. »

Cependant, la plus grande responsabilitéde l’instabilité politique du pays incombeaux Congolais eux-mêmes. Les intriguesexternes et internes ont toujours empêchéles Congolais de se réconcilier. LaConférence nationale souveraine, la plus

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longue de l’histoire de l’Afrique, semble,aux yeux des politiciens hostiles à sesrésolutions, avoir accouché d’une souris.Le dialogue intercongolais tant attendupar toute la population congolaise a long-temps pataugé. Il s’est finalement avéréque, seuls, les Congolais étaient inca-pables de comprendre que le destin de cepays est entre leurs propres mains et derègler les différends qui les opposent. Lesvisites des uns et des autres à l’étrangerpour recevoir des instructions ont ouvertla voie à plusieurs spéculations, notam-ment celle de croire que la « réconcilia-tion » a été dictée de l’extérieur.

L’ÉCONOMIE

La première République a connu despériodes de turbulences politiques précé-dées par le rapatriement des capitaux versl’étranger. Cette situation mina sérieuse-ment l’économie du Congo jusqu’au coupd’État militaire opéré par Mobutu en1965. Lors de son premier discours le12 décembre 1965 au stade du 20 mai, leprésident fit allusion à la situation écono-mique catastrophique du pays. Dans lebut de sentir la température de la popula-tion et de se la rallier, Mobutu commençapar montrer comment les dirigeants de lapremière République avaient détruit lepays. « On ne travaille plus au Zaïre, dit-il. Avant l’indépendance, on produisait120 000 tonnes de maïs, aujourd’hui,50000 tonnes ; 100000 tonnes de riz,aujourd’hui 20 000 tonnes ; 1 500 000tonnes de coton-graine, aujourd’hui15000 tonnes. » C’est à partir de 1967 quel’on peut parler de reprise économique,rendue possible à la fois par la réforme

monétaire de 1967 et la promulgation ducode des investissements de 1969 trèsfavorable aux investisseurs étrangers.Mais cette période de prospérité a vitecédé la place à une longue période dedéclin.

En 1973, Mobutu crut le moment oppor-tun d’expérimenter la zaïrianisation,c’est-à-dire « l’ensemble des mesuresarrêtées par l’État zaïrois par lesquelles,en vertu de sa souveraineté, il décida leretrait des mains des étrangers des biens,activités économiques et unités de pro-duction au Zaïre dont ceux-ci étaient pro-priétaires, et que l’État céda ensuite auxseuls Zaïrois, personnes physiques oupersonnes morales. » Même les mesuresde rétrocession prises ne purent fairerevenir les investisseurs découragés. Lasituation économique empira au débutdes années nonante avec toutes les consé-quences sociales. Les enseignants et lesfonctionnaires devinrent la risée de lapopulation. La période de transition poli-tique consacra la faillite de nombreusesentreprises, notamment la Gécamines.

« La Gécamines est tombée en faillite et,avec elle, toute l’économie congolaise.Nous ne bénéficions plus de nos avan-tages sociaux comme les soins médicaux,l’achat des denrées alimentaires à desprix réduits dans nos cantines, etc. En cequi concerne la distribution de la farinede maïs, la Gécamines ne tient pluscompte des familles nombreuses. Nossalaires, devenus dérisoires, ne nous per-mettent plus de nouer les deux bouts. Enoutre, ces salaires ne nous sont plus payésà des dates fixes (le 15 de chaque mois)

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larevuenouvelle, n° 1-2 / janvier-février 2005

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comme autrefois. Nous connaissons desretards de paiement. Nous ne sommesplus enviés par les autres comme jadis.Nous sommes devenus, au contraire, larisée de tout le monde », affirme KabeyYav, une travailleuse de la Gécamines.

La Gécamines était considérée comme lethermomètre de l’économie congolaise.Sa contribution au produit national brutétait de 12 % en 1958 et de 28 % en 1970.Elle a été nationalisée en 1967. Au coursdes années septante, le cours du cuivres’écroule, conséquence logique de larécession économique mondiale. Enoutre, cette situation sera amplifiée en1973 et en 1979 par le double choc pétro-lier qui a fait chanceler et chuter considé-rablement les métaux non ferreux. LaGécamines connait aussi des difficultésd’approvisionnement à la suite de lapénurie de devises, à la détérioration dela structure économique du Congo, à lafermeture de la voie de Lobito, etc. Enseptembre 1990, la Gécamines futsecouée par l’effondrement de la minesouterraine de Kamoto qui, à elle seule,fournissait le tiers de la production ducuivre. Le laxisme, la période de transi-tion politique conflictuelle et son cortègede violences (notamment le pillage del’outil de production et les conflits inter-ethniques) sont responsables de la chutevertigineuse de la production des princi-paux métaux non ferreux. Actuellement,la Gécamines produit plus ou moins lequinzième de sa production de cuivred’avant les années nonante. Depuis lesannées nonante, la République démocra-tique du Congo continuait à vivre sous unembargo imposé depuis les « massacres »

des étudiants de l’université de Lubum-bashi. Les grosses entreprises minières nepouvaient donc rien espérer des bailleursdes fonds internationaux. Ces facteurs ontacculé la Gécamines à une situation tellequ’elle ne pouvait plus prétendre demeu-rer fidèle à sa propre politique sociale àl’égard de sa population ouvrière. SelonGaston Mutamba Lukusa, les entreprisestelles que la Gécamines, la Miba et lesPétroliers distributeurs n’ont connu aucu-ne rentrée au cours de l’année 1998. Lebudget de l’État a, par conséquent, connuune détérioration.

À la baisse de la production minière,s’ajoute aussi celle des produits agricoles.C’est dire si, malgré le slogan « l’agricul-ture priorité des priorités » récité après lavisite de Mobutu en Chine, le pays n’avaitpas adopté une politique adéquate.

L’enquête que nous avons menée auprèsdes travailleurs sur les facteurs de la qua-si-faillite de la Gécamines pointe essen-tiellement la mauvaise gestion de l’entre-prise et propose d’y remédier en confiantla gestion de l’entreprise à des expatriésou au moins à une direction mixte com-posée de nationaux et d’expatriés.

LA SOCIÉTÉ

La débrouille domine donc la mémoirepopulaire urbaine. Les « unisaidiye »(« aide-moi »), la présence dans les po-ches des hommes de sachets en plastiquesoigneusement pliés, communémentappelés « on ne sait jamais », la création desréseaux sociaux en vue de résoudre desproblèmes familiaux liés à la nourriture,aux soins médicaux, aux frais funéraires,

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dossier Le Congo colonial et postcolonial dans la mémoire populaire Donatien Dibwe Dia Mwembu

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l’intensification des activités informel-les, etc., attestent de la précarité desconditions de vie de la population congo-laise. Pour survivre, tout le monde s’esttransformé en petit vendeur. Dans cer-taines familles, les femmes ont supplantéleurs maris et sont devenues le centre degravité. La persistance des effets de lacrise a provoqué l’éclatement de certainesfamilles par l’exclusion de membres de lafamille (surtout les enfants) considéréscomme le porte-malheur du groupe(Dibwe dia Mwembu, 2001 et 2002).

LES MORTS NE SONT PAS MORTS

La colonisation apparait comme unancêtre mort, l’ancêtre de la Républiquedémocratique du Congo avec ses fron-tières et ses subdivisions administratives,avec ses identités collectives d’apparte-nance aux entités actuelles, avec ses villescoloniales ou celles issues des anciensvillages transformés, enfin, l’ancêtre de laville de Lubumbashi. La colonisationnous a légué ses souvenirs, bons ou mau-vais, dans les domaines politique, écono-mique, social, culturel, moral, spirituel.Elle vit avec nous. Elle est tout à la foismorte et non morte. « Les morts ne sontpas morts, ils sont dans l’arbre qui gémit,dans le vent qui souffle… » ■

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