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Histoire du Maghreb colonial (1830-1950) – Cours de C. Verdeil – Notes de M. Erpelding 1 Histoire du Maghreb colonial (1830-1950) La colonisation du Maghreb 1 re séance (jeudi 8 octobre) : Le Maghreb au début du XIXe siècle (1) : aspects politiques Introduction générale - Questions posées par l’historiographie (étude de l’écriture de l’histoire) Comment les historiens écrivent-ils l’histoire ? Quels documents utilisent-ils ? À quels outils ont-ils recours ? Comment ont-ils interprété un sujet donné ? Sous l’emprise de quelle(s) idéologie(s) ont-ils écrit l’histoire ? - Historiographie de l’histoire coloniale Marquée pendant longtemps du point de vue du colonisateur : histoire de conquêtes, de rivalités entre grandes puissances, relégation des « indigènes » à l’arrière-plan Changement avec l’histoire postcoloniale (Post-Colonial Studies : US, UK, Inde) o 1 er sens : histoire écrite « après la fin du colonialisme » Insistance sur la persistance des conséquences de la colonisation après la fin officielle de celle-ci o 2 e sens : renversement de perspective Valorisation du point de vue des colonisés, vus comme des acteurs à part entière de l’histoire Accent mis sur les relations entre les colonisés et le colonisateur Question de l’implication des colonisés/de leurs élites dans le processus colonial Valorisation de la langue des colonisés et des documents écrits dans cette langue But : « essayer de mettre l’Europe à la périphérie » Prise en compte des relations entre les colonisés et d’autres acteurs que le colonisateur Dépassement du cadre de l’État-nation Valorisation des migrations, pèlerinages et autres flux humains Intérêt pour les conséquences de la colonisation sur le colonisateur (p. ex. arrivée de matières premières, connaissance du monde, etc.) Connected History Échanges, circulation humaine Négociations

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Histoire du Maghreb colonial (1830-1950) – Cours de C. Verdeil – Notes de M. Erpelding

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Histoire du Maghreb colonial (1830-1950)

La colonisation du Maghreb

1re

séance (jeudi 8 octobre) : Le Maghreb au début du XIXe siècle (1) : aspects politiques

Introduction générale

- Questions posées par l’historiographie (étude de l’écriture de l’histoire)

� Comment les historiens écrivent-ils l’histoire ?

� Quels documents utilisent-ils ?

� À quels outils ont-ils recours ?

� Comment ont-ils interprété un sujet donné ?

� Sous l’emprise de quelle(s) idéologie(s) ont-ils écrit l’histoire ?

- Historiographie de l’histoire coloniale

� Marquée pendant longtemps du point de vue du colonisateur : histoire de

conquêtes, de rivalités entre grandes puissances, relégation des « indigènes » à

l’arrière-plan

� Changement avec l’histoire postcoloniale (Post-Colonial Studies : US, UK, Inde)

o 1er sens : histoire écrite « après la fin du colonialisme »

� Insistance sur la persistance des conséquences de la colonisation après

la fin officielle de celle-ci

o 2e sens : renversement de perspective

� Valorisation du point de vue des colonisés, vus comme des acteurs à

part entière de l’histoire

� Accent mis sur les relations entre les colonisés et le colonisateur

� Question de l’implication des colonisés/de leurs élites dans le

processus colonial

� Valorisation de la langue des colonisés et des documents écrits dans

cette langue

� But : « essayer de mettre l’Europe à la périphérie »

� Prise en compte des relations entre les colonisés et d’autres acteurs

que le colonisateur

� Dépassement du cadre de l’État-nation

� Valorisation des migrations, pèlerinages et autres flux humains

� Intérêt pour les conséquences de la colonisation sur le colonisateur (p.

ex. arrivée de matières premières, connaissance du monde, etc.)

� Connected History

• Échanges, circulation humaine

• Négociations

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o De manière générale, l’on notera que l’historiographie française est encore

très peu postcoloniale

I. Entre suzeraineté ottomane et souveraineté

1) Les régences : des liens lâches avec l’empire ottoman

- Pays concernés : Algérie, Tunisie, Tripolitaine1

- 1515-1517 : conquête ottomane du Proche-Orient

- XVIe siècle : conquête ottomane du Maghreb

- Lexique

� Bey : collecteur d’impôts pour le compte du sultan

� Diwân : assemblée de notables qui gouverne avec le bey

a) Algérie

- 1518 : prise de pouvoir à Alger par le corsaire Khayr-ed-din (Barberousse), originaire

de Mytilène (donc non-arabe)

� Le sultan de Constantinople le reconnaît comme bey et lui envoie une milice

ottomane

� Khayr-ed-din étend ses conquêtes sur toute la côte algérienne, sauf à Oran, qui

reste sous domination espagnole

� Ce régime dure un siècle

- XVIIe siècle : la milice refuse le bey nommé par le sultan, et élit son propre régent, le

dey

� L’empire ottoman, désireux de ne pas perdre tout contrôle sur le pays, confirme

le dey et lui donne le titre honorifique de pacha (ce titre est également porté par

d’autres dignitaires, comme le wâli, etc.)

� En retour, le dey verse un tribut au sultan afin de payer la milice ottomane

� Après une période de troubles, ce régime se stabilise au XVIIIe siècle

o Le dey est élu par la milice (absence de dynastie)

o Grande période de guerre de course

- Fin de cette période au début du XIXe siècle

� Contexte

1 L’on évitera de confondre « Tripoli de Barbarie » (ancienne appellation occidentale de la capitale actuelle de

la Libye) avec « Tripoli de Syrie » (la ville de Tripoli au Liban).

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o Lutte européenne accrue contre la course, vue comme entrave au commerce

maritime (lequel joue un rôle-clef dans le contexte du libéralisme

économique)

o Déclin relatif de l’empire ottoman

� A partir de 1816, le dey s’émancipe de la milice

o Il se réfugie dans la kasbah d’Alter, et emploie une milice formée de Kabyles

et de descendants d’unions mixtes entre Turcs et Arabes (les Kouloughlis) en

lieu et place de la milice turque, qu’il supprime

o Le tribut n’est plus payé au sultan

o Virage dynastique

� Toutefois, cette émancipation contribue également à affaiblir le pouvoir du dey

o Celui-ci ne peut plus compter sur la milice turque

o Le renouveau de l’islam confrérique en Afrique du Nord, à la suite duquel

certaines tribus refusent de se soumettre au pouvoir fiscal du dey, constitue

un autre facteur d’affaiblissement du dey

b) Tunisie

- 1574 : la Tunisie passe sous domination ottomane

- Mouvement inverse de celui constaté en Algérie

� Le bey supplante le dey au XVIIe siècle

� Le bey de Tunis réussit à fonder une dynastie

- Dynasties

� Mouradites (le premier représentant de cette dynastie était un renégat2 corse)

� Husseinites (à partir de 1705, jusqu’à la création de la République moderne)

- Allégeance au sultan

� Monnaie frappée à l’effigie du sultan

� Prêche du vendredi fait au nom du sultan

� Différence avec l’Algérie : absence de tribut

c) Tripolitaine

- XVIe siècle : les Ottomans y envoient un pacha

2 Terme désignant les Non-Arabes convertis (de force) à l’islam, souvent d’anciens captifs, victimes de la guerre

de course.

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- 1711 : la Tripolitaine tombe entre les mains des Karamanli, dont le premier avait

assassiné le pacha, dynastie qui reste au pouvoir jusqu’en 1835, lorsque les Ottomans

reprennent le pouvoir

2) Un État souverain : le Maroc

- Dirigé par un sultan, dont la généalogie remonte jusqu’au Prophète

� Il est donc charif et exerce un pouvoir religieux

� Désignation

o Soit, le sultan désigne son successeur avant de mourir

o Soit, sa famille le fait après sa mort

� Le sultan doit cependant également se faire reconnaître par les élites locales

o Cela se fait au cours d’une cérémonie connue sous le nom de ba’ya

(prestation de serment)

� Problème récurrent : désignation de plusieurs sultans concurrents

o 3 sultans entre 1793 et 1796

o Le vainqueur, Moulay Slimane, gouvernera jusqu’en 1822

- Fermeture économique

� Interdiction aux sujets du sultan de voyager en Europe

� Difficulté d’installation pour les Européens (presque pas de consulats)

� Très peu de commerce

3) Bilan

- Un État : le Maroc (sultanat ne dépendant pas de l’empire ottoman)

- Tunisie : entité également très affirmée

- Algérie : « ventre mou » du Maghreb (Daniel Rivet3)

- Tripolitaine : reprise en 1835 par les Ottomans)

II. États et tribus

- Un État faible au Maroc et en Algérie

� Pas d’administration centrale

� Pas de fonctionnaires

- Attributs de l’État

� Police

� Impôts

3 Toutes les citations de cet auteur sont extraites de son ouvrage : Le Maghreb à l’épreuve de la colonisation,

Paris, Hachette Littératures, 2002, 459 p.

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1) Un pouvoir collecteur d’impôt

a) Algérie (voir carte p. 11)

- Subdivisions territoriales

� Un district administré par le dey : dar-es-soltan (Alger et ses environs)

� Quatre districts (beyliks) administrés par des beys nommés par le dey

� Beyliks divisés en watan dirigés par des caïds

- Système d’affermage de l’impôt

� Beys nommés par le dey, doivent lui faire allégeance en se rendant régulièrement

à Alger

- Pouvoir limité des beys

� Aucune famille de beys (charge non héréditaire)

� Souvent déplacés, destitués, voire exécutés

- Administration du dey

� Diplomates

� Khnaznadji : chargé du trésor, et donc aussi du paiement de la milice

b) Maroc (cf. carte p. 11)

- « Le sultan règne partout, mais ne gouverne que par endroits. » (Daniel Rivet)

� Bled makhzen : territoire contrôlé par le sultan (impôts et police)

� Bled as-siba : zone qui échappe à son contrôle (le sultan y est reconnu comme roi,

mais non obéi)

� Les contours de ces territoires sont fluctuants, dépendant des allégeances des

différentes tribus

- Toutefois, le pouvoir symbolique et le prestige du sultan restent important, y compris

dans d’autres pays (p. ex. l’Algérie)

2) Le rôle des tribus, alliées ou adversaires de l’État

- Qu’est-ce qu’une tribu ?

� Définition simplifiée : groupe de personnes se référant à un même ancêtre

� Entre plusieurs centaines et plusieurs milliers de personnes (en moyenne 10 000 à

15 000)

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� Divisées en fractions, lesquelles sont contrôlées par des cheikhs, qui collectent

l’impôt et assurent la police

� Une partie des tribus sont soumises à l’autorité du dey/sultan (makhzen [Algérie],

guich [Maroc])

- Le bey/sultan essaie en permanence de soumettre des tribus ou d’en faire ses alliées

- Il se pouvait que des tribus capturent le sultan

3) La Tunisie : un État plus puissant

- Pourquoi le pouvoir est-il plus fort en Tunisie ?

� Dynastie locale : pas de problèmes de succession

� Pouvoir s’appuie sur les populations locales : postes tenus pas des Arabes (et non

par des Turcs, comme en Algérie)

- L’emprise de l’État dépasse la collecte de l’impôt et la police

� Construction d’écoles publiques dès le XVIIIe siècle

� Hamouda bey modernise le port de Tunis et construit des palais dans le quartier

de la Manouba

III. Une plus grande dépendance à l’égard de l’Europe

1) Le commerce avec l’Afrique (cf. carte p. 24)

- Marchandises diverses : or, esclaves, ivoire, plumes d’autruche, sel

� Achetées pour satisfaire la demande intérieure ou en vue d’une revente vers

l’Europe

- Ce commerce décline au fur et à mesure où le siècle avance

� Développement de comptoirs européens en Afrique de l’Ouest à partir du début

du XIXe siècle : le Maghreb ne sert plus de lieu de transit

2) Le maintien du commerce avec le Levant

- Tunisie

� Exportations : huiles, textiles

� Importations : esclaves (souvent du Caucase), autres textiles (soie, tapis), coton,

riz

- Pèlerinage

� Part de Taza au Maroc

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� Se fait via des caravanes

� Donne souvent lieu à un voyage plus prolongé au Moyen-Orient (Le Caire,

Baghdad), qui permet notamment de commercer

3) Avec l’Europe : la mise en place d’une économie de traite

- Avant l’économie de traite, l’économie des pays du Maghreb était en partie fondée

sur la course, relativement égalitaire dans ses retombées

- Économie de traite : petit nombre de produits sont drainés d’un pays pour l’export

� Profite aux acheteurs et à un petit nombre d’intermédiaires, ne contribue pas

vraiment au développement

- Les régences cherchent d’autres sources de revenu

� Blé (Algérie), huile d’olive (Tunisie)

- Problème : l’Algérie et la Tunisie deviennent dépendantes d’un seul produit, ce qui

est d’autant plus risqué que les récoltes sont aléatoires

� Le bey de Tunis vend l’huile d’olive sur pied (c’est-à-dire avant la récolte)

o Endettement croissant vis-à-vis de commerçants européens

o Situation financière souvent difficile : impossibilité d’augmenter les impôts,

car risques de révoltes tribales

� Le dey d’Alger s’enrichit par le commerce, mais ne s’en charge pas directement

o Commerce mené pour le compte du dey par quelques grandes familles (dont

p. ex. les Bacri-Bunach, une famille de marchands juifs)

o Ce commerce se fait notamment avec Marseille (blé)

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Séance 2 : Le Maghreb au début du XIXe siècle (2) : aspects économiques et sociaux

I. Une population peu nombreuse et montagnarde (cf. tableau sur le plan du cours)

1) Une population peu nombreuse et une croissance faible

- Taux de mortalité élevé

� Épidémies : peste, choléra (diffusés en partie par le pèlerinage à la Mecque)

� Populations fragilisées par la malnutrition (disette)

o Mauvaises récoltes : pluies irrégulières, sauterelles

o Sur 6 ans, 1 bonne année, 2 années médiocres, 1 très mauvaise année

� Peu d’enfants survivent au-delà de 5 ans

- Taux de natalité faible

� femmes mariées très jeunes (donc encore peu fécondes), meurent souvent en

couches

� la syphilis stérilise beaucoup d’hommes et, par ricochet, leurs femmes

2) Densité des montagnes, vide des plaines

- Illustration de la densité dans les montagnes (recensement de 1896)

� Rif oriental : 50 habitants par km2

� Kabylie : 80-100 habitants par km2

� À comparer avec la population des plaines et des régions côtières :

o Oranais : 10-20 habitants par km2

o Plaine du Sebou (Maroc), Nord-Constantinois : 20 habitants par km2

- Raisons de la densité dans les montagnes

� Présence d’eau

� Paludisme sur les plaines marécageuses le long des côtes (asséchées par le

colonisateur)

- Populations nomades, sédentaires et semi-nomades

� Ces différences ne sont toutefois pas fortement marquées

II. Une population majoritairement rurale

1) Le poids du monde rural

- 85-90 % de la population (France début XIXe : 75 %)

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- Dégagent peu de surplus

- Régime foncier des terres

� Très peu de propriétés privées : beaucoup de terres « individuelles »

appartiennent en fait au dey

� La plupart des terres appartiennent collectivement à la tribu

- Agriculture extensive

� = agriculture pratiquée sur de grandes étendues, par opposition à l’agriculture

intensive

� Cultures faites avec des techniques rudimentaires

o pas de faux, mais des faucilles

o peu d’irrigation

o araires de bois plutôt que des charrues

o roue a disparu au profit de l’âne et du chameau (pas de brouettes, de

chariots, etc.)

o pas de taille des arbres, de greffage

� toutefois, existence de tout un réseau de solidarité permettant de faire face aux

aléas climatiques de manière collective

o réseau de greniers fortifiés

o règles très strictes d’attribution de l’eau

- nomades

� produits : dattes, laine

2) Le destin différencié des villes

- 10-15 % de la population

- Aspect

� Maisons souvent aveugles

� Rues privées

� Souk : quartier commerçant autour de la mosquée

- Populations (début XIXe siècle)

� Tunis 120 000

� Alger 50 000-100 000

� Fès, Marrakech, Meknès 50 000

� Le Caire 260 000

� Paris 714 000

- Tunis

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� Seule grande ville en expansion de la région

� Construction de nouveaux quartiers : p. ex. la Manouba

� Due à une situation économique meilleure qu’en Algérie ou au Maroc

- Alger

� XVIIe siècle : 100 000 hommes, dont 20 000 captifs (guerre de course)

� 1830 : 30 000 hommes, quelques dizaines de captifs

III. Majorité arabo-berbère et minorités

1) Une société musulmane et arabo-berbère (95 % de la population)

- Les Arabes et les Berbères se mélangent beaucoup

- Islam relativement homogène

� Sunnites malékites très majoritaires

� Minorité kharijite dans certaines régions

- Importance des wâli (ou marabouts)

� Saints liés à la vie du village (p. ex. pour avoir provoqué la pluie, évité un

paiement d’impôts, etc.)

� Ils détiennent la baraka (c’est-à-dire ils ont la bénédiction divine)

� Ils jouent un rôle important durant leur vie

� Après leur mort : pèlerinages organisés à leurs tombeaux

� Leur prestige ne s’étend souvent qu’à un village ou une petite région

- Confréries

� Lient les musulmans du Maghreb à un islam beaucoup plus large que celui des

marabouts

- Berbères

� 60 % au Maroc

� 50 % en Algérie

� Moins en Tunisie

2) Du haut en bas de l’échelle sociale : les Turcs et les noirs

- Turcs

� Peu nombreux : moins de 10 000 en Algérie

� Détiennent les postes de l’administration

- Kouloughlis (descendants de couples turco-arabes)

� Pas de chiffres

� Peuvent détenir certains postes

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- Noirs (esclaves et descendants d’esclaves)

� Forment l’armée du sultan du Maroc

� Domestiques, femmes dans les harems

� Situés au bas de l’échelle sociale

� Peuvent toutefois gravir les échelons au sein de l’armée, tout en restant esclaves

� Beaucoup d’affranchis, car beaucoup de maîtres musulmans affranchissent leurs

esclaves avant de mourir

3) La minorité juive : une communauté diverse

- Très peu de chrétiens au Maghreb

� Maroc : État assez fermé

� Algérie et Tunisie : quelques chrétiens dans les villes et les comptoirs, tous

étrangers

- Contrairement aux chrétiens, les juifs sont des sujets du sultan

- Présence juive au Maghreb (environ 3 % de la population totale en moyenne)

� Tunisie : 30 000

� Algérie : 50 000

� Maroc : 100 000

- Où vivent ces juifs ?

� Population surtout urbaine

� Quartiers séparés, clairement identifiables et souvent fermés par une porte le

soir : mellah (Maroc), hâra (Algérie et Tunisie)

� Il existe toutefois aussi un judaïsme rural, en particulier au Maroc et en Algérie

- Statut des juifs : dhimmi

� Droit de pratiquer leur religion

� Soumis au droit de leur religion en matière civile en échange d’un impôt (jizia)

� Existence d’un certain nombre de restrictions infériorisantes : p. ex. interdiction

de monter à cheval et de porter des armes, obligation de se revêtir de couleurs

sombres, etc.

- Différences socioculturelles entre juifs : plusieurs facteurs d’hétérogénéité

� origines

o juifs indigènes (tobashim au Maroc, twansa en Tunisie)

� Berbères et Arabes judaïsés à l’époque de l’empire romain

� parlent souvent le judéo-arabe

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o juifs séfarades

� megorashim (surtout au Maroc)

• réfugiés en Afrique du Nord après la chute de Grenade en

1492

• parlent castillan

� grâna (surtout en Tunisie)

• juifs de Livourne (Livorno), ville qui entretenait

d’importantes relations commerciales avec le Maghreb

• grands commerçants proches du pouvoir, italophones

� lieux d’installation

o juifs des grands ports

o juifs ruraux, vivant en petites communautés dispersées

- « une minorité stratifiée par des écarts de fortune et de condition » (D. Rivet)

� Quelques commerçants et traducteurs proches du pouvoir

� Une grande majorité d’artisans et de petits commerçants

- relations avec les autres communautés

� pas de mélange

� pas de cloisonnement total

o relations de voisinage

o prédilection commune avec les musulmans pour la musique andalouse,

« dont musiciens et danseuses juives ont le quasi-monopole de

l’interprétation » (D. Rivet)

o les musulmans prisent l’alimentation des juifs, même si la réciproque n’est

pas vraie du fait de la rigueur des prescriptions de la cashura : « Mange la

nourriture du juif et dors dans le lit de l’Européen. » (proverbe tunisien)

� hostilité périodique : révoltes se terminant par le pillage du quartier juif

Conclusion de la 2e séance

- bien que le Maghreb ne soit pas figé au XIXe siècle, il vit effectivement au ralenti par

rapport à l’Europe

� tandis que l’Europe connaît une croissance démographique importante, la

population maghrébine stagne

� pas de croissance économique forte

� monde très rural

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3e séance (jeudi 22 octobre) : La conquête de l’Algérie (1830-1870)

- titre trompeur : en 1830, le terme d’Algérie n’est pas utilisé (il n’apparaîtra qu’à

partir de 1845)4

- conquête très longue (même en 1870, le processus n’est pas véritablement achevé)

� forte résistance de la population indigène

o violence grandissante des combats

o conquête nourrie par la violence

o diminution de la population locale au cours de la période de conquête

� hésitations de la politique française

o la France n’est pas partie en Algérie avec le projet de la conquête

o instabilité politique en France

� conquête d’Alger sous la Restauration

� Monarchie de Juillet (1830-1848)

� IIe République (1848-1851)

� Second Empire (1851-1870)

� IIIe République (1870-1940)

- l’Algérie, une conquête coloniale antérieure à la période des grandes conquêtes

coloniales

� explique sans doute en partie les hésitations des élites françaises

I. De la prise d’Alger à la conquête de l’Algérie

1) La prise d’Alger

- 1827 : le dey d’Alger donne un soufflet au consul de France (« coup d’éventail

d’Alger »)

� Depuis 30 ans, la France achetait du blé au dey d’Alger sans acquitter ses dettes

� Le gouvernement demande des excuses

� devant l’intransigeance du dey, les Français organisent le blocus d’Alger

� un navire français envoyé pour parlementer est accueilli par des coups de canon

� d’où décision en faveur d’une expédition punitive

- autres raisons à l’origine de cette expédition

� asseoir l’influence française en Méditerranée 4 Le terme est officiellement introduit dans une lettre du 14 octobre 1839, envoyée par le maréchal Soult,

ministre de la Guerre, au gouverneur général, le maréchal Vallée. Jusqu’alors, on parlait de « possession française dans le nord de l’Afrique » ou encore d’« établissement français sur la côte septentrionale d’Afrique ». (Rivet, op. cit., p. 112).

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� offrir une victoire facile à une France affaiblie et humiliée après l’échec de

l’aventure napoléonienne

� faire diversion face à l’impopularité du gouvernement et de la monarchie de la

Restauration

� de manière générale, Alger est considérée par les puissances européennes

comme un nid de pirates

� la reconnaissance française de la Belgique incite également les Anglais à fermer

les yeux sur l’expédition française en Algérie

- les forces en présence

� corps expéditionnaire français de plus de 500 navires et 37 000 hommes

� le dey d’Alger dispose de 50 000 hommes

- reddition d’Alger le 5 juillet 1830

� fuite de 10 000 habitants de la ville

� le dey quitte le pays pour Naples

- progression française sur le littoral, tandis que la disparition du dey entraîne une

période d’anarchie

� certains beys continuent la résistance

2) Les résistances

- Origines d’Abd el-Kader (1808-1883)

� Fils d’un émir de la puissante confrérie de la Qadiriya, né dans la région de

Mascara, sur la route d’Oran

� Famille de descendants du prophète

� Élevé comme un chef : chasse, équitation, armes, ‘ilm (savoir intellectuel :

théologie et littérature)

� Pèlerinage à la Mecque, voyages à Damas et à Bagdad (1826-1829)

- 1832 : Abd el-Kader se fait nommer « commandant des croyants » et reconnaître

comme chef de la région de Mascara

- Pendant quelques années, la France essaie de traiter avec Abd el-Kader pour en faire

son vassal

� Traité de la Macta entre Desmichels et l’émir (1834)

o Abd el-Kader reconnaît la suzeraineté de la France

o Il est reconnu par la France comme bey

o Le commerce est sous son contrôle

o Ce traité permet à Abd el-Kader de s’approvisionner en armes

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Histoire du Maghreb colonial (1830-1950) – Cours de C. Verdeil – Notes de M. Erpelding

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o Le traité est rompu en 1835, suite à la mort de 500 soldats français

attaqués dans un défilé par des troupes de l’émir

� Traité de la Tafna entre Bugeaud et l’émir (1837)

o France reconnaît la souveraineté de l’émir sur la région d’Oran et lui

fournit des armes

o L’émir verse un tribut à la France

- Abd el-Kader s’organise

� Mise en place d’un État musulman dans la région d’Oran

� Création d’une armée régulière : 8000 fantassins, 2000 cavaliers

� Mise en place d’une administration territoriale

- Fin des traités

� A la fin des années 1830, l’idée d’une conquête totale de l’Algérie fait son chemin

� Bugeaud est chargé de cette mission en 1842

3) La « guerre totale »

- Augmentation des troupes après 1840

� 60 000 hommes en 1840

� 90 000 hommes en 1844

� 107 000 hommes en 1847

- Nouvelle technique de guerre

� Utilisation de colonnes mobiles, d’après une idée de Bugeaud

o Groupes de 6000 à 7000 hommes

o Matériel allégé

o Objectif : être aussi mobile que l’émir, le traquer partout, le détruire

� Punition des populations soupçonnées de soutenir l’émir : razzias

� Politique de la terre brûlée

� « enfumades » : tribus asphyxiées dans des grottes

- 1843 : prise de la smala d’Abd el-Kader (c’est-à-dire du campement mobile de l’émir,

lequel comptait environ 20 000 âmes)

� Abd el-Kader se réfugie au Maroc

� Toutefois, le sultan du Maroc ne soutient pas vraiment Abd el-Kader, en qui il voit

un concurrent et une source de problèmes avec la France

- 1847 : reddition définitive d’Abd el-Kader au général La Moricière

� Volonté d’éviter d’autres massacres au cours d’une résistance qu’il considère

comme vaine

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- 1848-1852 : captivité d’Abd el-Kader aux châteaux de Pau et d’Amboise

- 1852 : libération, émigration à Damas, où l’émir intervint en 1860 pour arrêter le

massacre des chrétiens et des Européens lors de troubles confessionnels

- Image positive d’Abd el-Kader en France (cf. le jugement du général Bugeaud p. 12

dans le fascicule)

II. L’achèvement de la conquête et le nouveau statut de l’Algérie

1) L’Algérie conquise mais non pacifiée

- l’Algérie reste dominée par l’armée jusqu’en 1870

- révoltes ponctuelles et d’importance variable jusqu’en 1870

� menées souvent par des tribus rejointes par d’anciens compagnons d’Abd el-

Kader

- conquête de la Kabylie par le général Randon dans les années 1850

- entre 1830 et 1857, la France perd 100 000 hommes

� le nombre exact de morts algériens n’est pas connu

� cependant, il est indéniable que la population de l’Algérie a diminué pendant

cette période

- Opposition entre militaires et civils

� Militaires plus favorables à la population locale que les civils, en particulier les

colons

o Militaires en contact avec la population locale, parlent souvent l’arabe,

moins méprisants

o Colons ont peu de contact avec la population locale

2) Le statut de l’Algérie : l’Algérie française de la IIe République

- Le 2 mars 1848, la Constitution de la IIe République proclame « l’Algérie territoire

français »

� suffrage universel masculin ne s’applique qu’aux Français

� Colons d’Algérie envoient 4 députés à l’Assemblée nationale

� Toutefois, l’Algérie reste un territoire militaire : elle dépend du ministère de la

guerre

- Division de l’Algérie en deux parties en 1848

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� Territoire civil

o grandes villes, région côtière

o reprise des subdivisions ottomanes : Alger, Oran, Constantine

� Territoire militaire : majorité du pays

- Loi de cantonnement de 1851

� Permet le transfert de propriété foncière de la population locale à l’État français,

et par conséquent aux colons, dans la mesure où l’État distribue ou vend à bas

prix des terres aux colons

� Terres des tribus récupérées par l’État

o Ces terres étaient auparavant indivises

o L’État français considère qu’elles sont trop larges pour les tribus en

question

o Il cantonne donc ces terres en limitant les possessions des tribus aux

terres dont il estime qu’elles ont véritablement besoin

� Accompagnée d’une politique de sédentarisation des tribus

3) Le Royaume arabe de Napoléon III

- Profonds changements en matière de politique algérienne par rapport à la IIe

République

- Territoire revient aux militaires

� Exception : régime civil entre 1858 et 1860

o Fondation d’un ministère de l’Algérie

o Confié au prince Jérôme, cousin de Napoléon III

o Échec : prince Jérôme peu compétent, révoltes

� En 1860, retour au régime militaire, avec un territoire civil très limité

� Toutefois, le régime militaire est plus favorable aux populations locales que le

régime civil, qui favorise les colons

- Intérêt personnel de Napoléon III pour l’Algérie

� S’y rend à deux reprises, à chaque fois pendant plusieurs semaines : 1860 et 1865

- Idée d’un royaume arabe

� Associerait les populations locales à la population française

� Coopération avec les Arabes en vue de la création d’une entité nouvelle

� Importance d’apaiser les conflits et d’œuvrer à la « réconciliation des races »

- Sénatus-consulte de 1863

� Met fin à la politique de cantonnement

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� Mauvaise réception chez les colons

- Sénatus-consulte de 1865

� Proclame que les indigènes musulmans sont français, de même que les juifs

� Cependant, pour être français, ils doivent renoncer à leur statut personnel

o Cela impliquait entre autres la renonciation au divorce, à la polygamie, aux

règles d’héritage, etc.

o Par conséquent, très peu de musulmans et de juifs décident de devenir

français

� Le débat sur la citoyenneté des habitants de l’Algérie se posera de manière plus

accrue dès l’avènement de la IIIe République

- Disparition du projet de royaume arabe avec la défaite de Sedan le 2 septembre 1870

et la proclamation de la République le 4 septembre 1870

- Pourquoi les années 1870-1871 constituent-t-elles un tournant ?

� Changement de régime en France

� Révolte des Moqrânî (mars 1871 à janvier 1872) : dernière grande révolte avant la

Guerre d’Algérie

III. Militaires contre colons

- Jusqu’en 1870, administration militaire

- À partir de 1870, régime civil dominé par les colons

1) L’administration militaire : les bureaux arabes

- Bureaux arabes : structure militaire française qui gouverne l’Algérie

� Premier bureau arabe créé en 1830

� Bureaux généralisés en 1844 par Bugeaud

- Structure des bureaux arabes

� 200 officiers

� une quarantaine de bureaux (donc en moyenne 5 officiers par bureau)

� bureaux répartis sur l’ensemble du territoire militaire algérien

- missions officielles

� maintien de l’ordre

o assistance à l’armée d’Afrique

o opérations de renseignement

� surveillance des tribunaux, des écoles, des travaux publics

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� police des marchés

� lien entre gouvernement central français et les chefs locaux

- dépassement de cette mission par ses titulaires

� pourquoi ?

o les officiers qui font partie de ces bureaux sont en général très

compétents et connaissent bien la langue et la culture arabes

o favorables à une colonisation militaire apportant réellement les « bienfaits

de la civilisation » aux populations locales, en particulier dans les

domaines de l’agriculture et de la santé publique

o cette orientation résulte notamment du fait que ces officiers se

considèrent les dépositaires de l’idée napoléonienne d’un royaume arabe

� développement de l’agriculture

� développement de la médecine

� présence moindre dans le domaine de l’éducation

o méfiance envers le système d’enseignement algérien, perçu comme un

ferment de révolte

o toutefois, création d’écoles franco-arabes

- bilan mitigé de ces tentatives

� effectifs et moyens souvent réduits

� méfiance de la population : p. ex. les gens répugnent à se faire vacciner (peur de

conversions forcées, de la conscription)

- déclin des bureaux arabes à partir des années 1860

� de moins en moins de moyens (on préfère investir dans l’administration civile)

� opposition croissante en France à l’encontre du Second Empire, incarné par

l’armée

� aliénation des colons, qui veulent créer en Algérie une nouvelle France, dans

laquelle les Algériens n’auraient pas vraiment de place (les colons appellent

d’ailleurs les bureaux arabes les « bourreaux arabes »)

2) Les colons et l’administration civile

- Nombre croissant

� 28 000 en 1840

� 109 000 en 1847

� 218 000 en 1866 dont 112 000 étrangers

- Qui sont-ils et d’où viennent-ils ? (majorité non-française jusqu’à la fin du XIXe)

� 1830 : légitimistes (refus de reconnaître Louis-Philippe comme monarque légitime

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� 1848 : installation d’ouvriers et de chômeurs, notamment parisiens d’origine

(installation en milieu rural)

� 1852 : « réfractaires à l’Empire » (opposants de Napoléon III)

o Installés dans des villages isolés, séparés des villages des indigènes (d’où

peu de rapports avec ceux-ci)

- Toutefois, la majorité des colons sont installés sur le littoral

- Nombreux cas d’échec parmi l’émigration coloniale

� Maladies, découragement, etc.

� P. ex. : 20 000 colons installés en 1848

o 3000 morts

o 7000 retournés en France

3) La résistance à la colonisation

- Maintien de révoltes importantes

- Révolte de Ouled Sidi en avril 1864

� Dure jusqu’en mai 1865

� Réprimée par Mac-Mahon, futur président sous la IIIe République

� Malgré leur victoire, les militaires français estiment que la population locale reste

hostile à la colonisation française

- Résistance à la spoliation des terres

� 1863 : indigènes profitent du sénatus-consulte pour racheter des terres qu’on

leur avait prises

- Années 1860 mauvaises pour l’Algérie

� Mauvaises récoltes, disette

� Situation en partie due à la disparition des anciens systèmes de prévoyances

communautaires (greniers fortifiés, etc.)

o Destructions dues à la guerre et aux révoltes

o Commerce avec les Européens : surplus ne sont plus entreposés, mais

vendus

� France incapable d’assurer l’approvisionnement des marchés

� Population algérienne décroît

o 300 000 morts entre 1867 et 1868 (faim, typhus, choléra)

o Correspond à presque 10 % de la population

� Porte le coup de grâce aux bureaux arabes

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- La colonisation de l’Algérie était-elle déjà prévue avant 1870 ? deux tendances parmi

les historiens

� Issue non inévitable : voir la politique plus favorable des militaires par exemple

(cf. notamment les écrits de Daniel Rivet)

� Choix déjà engagés à cette époque

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4e séance (jeudi 29 octobre) : Idéologies coloniales et anticoloniales en France

- Terminologie

� « colonialisme »

o apparaîtrait pour la première fois vers 1895-1896

o le socialiste P. Louis l’emploie dans le titre d’un livre en 1905

o toutefois, il n’est pas dans le dictionnaire avant 1910

� « anticolonialisme »

o Ce terme daterait de 1903

o Le premier à l’utiliser aurait été Charles Péguy

� Ces termes sont tous deux dérivés de l’anglais colonialism, lui-même dérivé du

terme colonial system

- Colonialisme : Idéologie favorable à l’expansion coloniale

� Suscite des débats passionnés jusqu’au début du XXe siècle

o La France a-t-elle besoin de colonies ?

o La France a-t-elle le droit de coloniser ?

- Clivage entre colonialistes et anticolonialistes changent au cours des XIXe et XXe

siècles

� Ne recouvre pas le clivage droite-gauche

I. L’émergence du débat

1) Le temps de l’indifférence (jusqu’aux années 1870-1880)

- Concerne notamment le Second Empire

- La France avait déjà possédé un empire colonial

� Elle a toutefois perdu la plupart de ces colonies à l’issue des guerres

napoléoniennes

- Absence d’une véritable politique coloniale

� Politique d’établissement de comptoirs

� Politique d’exploration

� Politique de protectorat (contrôle limité)

- Conquête de l’Algérie fait exception

� Suscite des débats

� Arguments des « colonistes »

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o pensent que l’Algérie pourrait permettre de régler les problèmes de

surpopulation existant encore à cette époque en France (transition

démographique non encore achevée)

o estiment que l’Algérie compensera la perte des colonies napoléoniennes

� « anticolonistes » (surtout des libéraux : favorables aux libertés politiques et au

libéralisme économique)

o Hostiles au pouvoir militaire

o Colonisation vue comme menace à la liberté du commerce

� Spectre des colonies d’Ancien Régime qui, en vertu du système dit

de l’exclusif, ne pouvaient commercer qu’avec leurs métropoles

respectives

2) Les libéraux contre la colonisation

- Arguments

� Frein au libre échange (cf. les écrits de Jean-Baptiste Say)

� Coûte cher à l’État, alors que peu de personnes en profitent

� Entraînera une hausse des impôts en métropole, ce qui freinera le

développement économique

3) Des milieux favorables à l’expansion coloniale

- Négociants

� Chambres de commerce de Bordeaux, de Marseille

� Volonté de remplacer le commerce des esclaves, interdit en France en 1848, par

d’autres échanges, impliquant notamment l’huile de palme (importante dans le

cadre de l’industrialisation)

- Militaires

� Volonté de redorer le blason de l’armée française

� Possibilités de carrière et de missions plus intéressantes

- Explorateurs, voyageurs, géographes

� Attirés par l’idée qu’il faut mieux connaître le monde

� Curiosité géographique fait des émules dans des sociétés de géographie dès les

années 1820

� Influence des romans de Jules Verne (publiés à partir de 1860)

- Missionnaires

� Favorables à la colonisation seulement dans la mesure où le pouvoir colonial les

protège

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� De plus en plus nombreux à partir des années 1820

� En 1914, la majorité des missionnaires sont français

- Une publication majeure : Prévost-Paradol, Une France nouvelle, Paris, 1868

� l’auteur est un essayiste libéral

� thèse : « Que la France reste ce qu’elle est et elle cessera d’être. »

o deux pays émergents : États-Unis, Prusse

o menacent directement la puissance de la France

o si la France ne s’étend pas dans le monde entier, elle perdra son rôle de

grande puissance

o pour Prévost-Paradol, coloniser implique aussi peupler

II. La constitution d’une doctrine cohérente de l’impérialisme français (années 1870-

1880)

- 1870-1880 : années de recueillement pour la politique étrangère de la IIIe République

� Conséquence de la défaite cuisante de 1871

� Pas d’expansion pendant cette période

- Années 1880 : affirmation des politiques coloniales

� Novembre 1884 à février 1885 : partage de l’Afrique lors du Congrès de Berlin

1) Les arguments en faveur de la colonisation

- Développés notamment par Jules Ferry, qui cite 3 types d’arguments (cf. pp. 13-14)

� Économiques (contexte de crise économique entre 1873 et 1881)

o Les colonies fournissent des matières premières

o Elles procurent des débouchés à l’industrie française

� Humanitaires

o Existence de races supérieures et inférieures

o Devoir de civilisation des races supérieures envers les races inférieures (cf.

Rudyard Kipling, The White Man’s Burden, 1899)

� Politiques

o Colonisation permet d’accroître la puissance d’un peuple (cf. Prévost-

Paradol)

o Reprise aussi des idées de Paul Leroy-Beaulieu (De la colonisation chez les

peuples modernes, 1874)

� Pour être une grande puissance, il faut coloniser

o Ces arguments politiques sont bien accueillis parmi les nationalistes

2) Le « parti » colonial

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- Qu’est-ce que le parti colonial ?

� Groupes de personnes s’organisant autour de journaux, d’associations, etc., mais

non pas autour d’une structure comme dans les partis modernes

� Rôle de groupe de pression

- Qui trouve-t-on dans ce parti ?

� Sociétés de géographie

� Missionnaires, grands commerçants, explorateurs

- Création de nouvelles organisations au poids plus important

� Fondation du groupe colonial à la chambre des députés par Eugène Étienne en

1892

o créé entre autres par Eugène Étienne (1844-1921)

� colon d’Algérie né à Oran

� député de l’Alliance démocratique, formation de centre-droit

� rôle-clef : « Jupiter dans le ciel colonial disposant de la foudre »

o importance croissante (2e groupe de pression le plus important après le

groupe agricole)

� 42 membres en 1892

� 113 un an plus tard

� 200 en 1902

o recrute parmi toutes les sensibilités politiques

� Fondation d’un group similaire au sénat en 1898

� Comité de l’Afrique française (1890)

o Divisé en plusieurs sous-groupes au fur et à mesure que la colonisation

française progresse

o Diffusion de l’idée coloniale dans la population

� Exaltation de la France civilisatrice, au service de l’humanité tout

entière

� Colonisation décrite comme un mouvement d’émancipation des

peuples en vue de leur participation au progrès

� Idée d’éduquer les peuples colonisés comme l’on éduque les

paysans des campagnes françaises

3) Contre la colonisation : préserver l’or et le sang de la France

- Georges Clemenceau (cf. discours pp. 14-15)

� Coût élevé de la colonisation en argent et en hommes

� entraîne une aggravation de la fiscalité, fiscalité

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� profits difficiles à mesurer

� la priorité de la France devrait se situer dans la reprise de l’Alsace-Lorraine

- Paul Déroulède (extrême-droite)

� « J’ai perdu deux sœurs et vous m’offrez vingt domestiques. » (les colonies n’ont

pas la valeur de l’Alsace-Lorraine)

- Poids relativement important de cet anticolonialisme

� Chute du gouvernement Ferry sur la question du Tonkin en 18

III. L’enracinement de l’idée coloniale

1) Les ralliements

- Radicaux

� mènent eux-mêmes une politique coloniale à partir de 1902 : conquête du Maroc

� beaucoup d’administrateurs coloniaux sont des radicaux

- extrême-droite

� se rallie à l’idée que le colonialisme est un facteur de puissance : ports, points

d’appui en cas de guerre, ressources

� ralliement également motivé en partie par la crainte du déclin démographique de

la France par rapport à l’Allemagne

� Maurice Barrès : « J’aime le Maroc parce qu’il nous donne des hommes […]

Trente à quarante mille bons soldats, des Kabyles, la vieille race berbère… »

(1911)

2) L’idée coloniale composante du nationalisme

- Cf. 1)

3) Une opposition de plus en plus marginale

- Majorité des socialistes ne critiquent pas le colonialisme en soi

� Concentrent leurs critiquent sur les abus du colonialisme

o Ce genre de critique est notamment formulé par Jean Jaurès

� Minorité socialiste continue à critiquer les fondements du colonialisme

- Lénine, L’impérialisme, stade suprême du capitalisme, 1917

� La colonisation accentue les rivalités entre pays capitalistes

� Devrait à terme favoriser la fin des pays capitalistes

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� Les populations dominées sont des alliés des prolétaires dans les pays

industrialisés

� Il faut lutter contre le colonialisme dans la mesure où il s’agit d’une politique

capitaliste

Conclusion de la 4e séance

- Le colonialisme n’a pas toujours suscité l’adhésion

- Importance de la nature changeante des arguments en faveur du colonialisme et

contre celui-ci

- Ce sont surtout les modalités de la colonisation, et non pas son principe même, qui

sont contestées

- Si les élites sont acquises à la colonisation avant 1914, tel n’est pas nécessairement le

cas des populations

- Place du colonialisme au sein de la IIIe République

� Pour certains auteurs, la colonisation fait partie de l’essence même de la IIIe

République

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5e séance : La mise en place de l’Algérie française

- Tournant de 1870

� Politique d’assimilation administrative et politique : l’Algérie en tant que

prolongement de la France

� Politique menée de manière ferme et soutenue

I. La politique d’assimilation

- Largement soutenue par les colons européens

� Estiment que la politique du gouvernement français doit essentiellement leurs

intérêts

� Toutefois, cette vision n’est pas toujours celle de l’État

� D’où pressions des colons sur le gouvernement

- La politique française en Algérie est-elle essentiellement le résultat des pressions

exercées par les colons sur l’État ?

� Vision défendue par une partie de l’historiographie

- Accroissement du pouvoir des colons

� Aux dépens de l’État central

� Aux dépens des populations indigènes

1) La chute du Second Empire et la fin du « régime arabe »

- Fin du « régime du sabre »

� Pouvoir de l’armée en Algérie diminue

- Éclatement de troubles en Algérie après la défaite de 1870

� « commune d’Alger »

o Civils prennent le pouvoir : mise en place d’un commissaire civil non

reconnu par le gouvernement français

o L’État nomme un autre commissaire civil, en la personne de l’amiral de

Gueydon, qui met fin à la « commune d’Alger »

- En novembre 1870, les territoires auparavant militaires sont placés sous l’autorité du

préfet

- Décret Crémieux (24 octobre 1870) : pp. 16-17 du fascicule

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� Naturalise tous les juifs d’Algérie

� Décision unilatérale, pas de concertation avec les populations visées (avant cette

date, très peu de juifs algériens avaient demandé la nationalité française)

� Décision prise sur l’impulsion de la communauté juive française

o Crémieux membre de l’Alliance Israélite Universelle (association juive

républicaine non sioniste)

o La communauté juive française, très assimilée, considère que les juifs

d’Algérie vivent dans un état de décadence : d’où la nécessité de les

civiliser et de les relever en leur conférant la nationalité française

� Juifs ne sont donc plus régis par la loi mosaïque pour leur statut personnel

� Réaction généralement mitigée des intéressés

2) L’extension du régime civil

- Accroissement des territoires civils

� 1871 : 31 520 km2

� Fin 1881 : 104 830 km2

- 3 départements : Alger, Constantine, Oran

� Chacun envoie des députés à Paris : députés français, élus par les seuls Français

- Deux types de communes

� communes de plein exercice

o Ressemblent aux communes de France sur le plan juridique

o Correspondent aux endroits où les Européens sont majoritaires

o Recouvrent des territoires beaucoup plus vastes que les communes en

métropole

o Application de la loi de 1884 qui organise le pouvoir municipal (élection de

conseillers municipaux)

� Texte modifié pour l’Algérie pour limiter le pouvoir des populations

locales

• augmentation du nombre de conseillers municipaux

européens : ¾ des conseillers sont des Européens

• réduction du corps électoral indigène : exclusion de

certaines professions (commerçants patentés)

� communes mixtes

o dirigés par des fonctionnaires civils (en faux uniformes militaires)

o l’administrateur en chef cumule les pouvoirs : la même personne est

maire, commissaire de police, juge

o assemblée d’indigènes (composées notamment de caïds)

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Histoire du Maghreb colonial (1830-1950) – Cours de C. Verdeil – Notes de M. Erpelding

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o communes très vastes

- communes indigènes

� en territoire militaire

� dirigées par des militaires

� dès que des Européens s’y installent, transformation en communes mixtes

3) La révolte des Moqrânî (1871)

- Élément déclencheur : décret Crémieux

� Les musulmans craignent de se voir imposer la nationalité française, et de perdre

leur statut personnel, comme les juifs

- Un mouvement de masse

� Environ 800 000 habitants se soulèvent

� On compte environ 100 000 combattants

- Répression féroce

� Plus de 20 000 hommes envoyés pour mater la révolte

� Gravité des exactions reconnues par certains militaires

o Exécutions sommaires

o Prise d’otages

� Disparition d’une partie des élites locales (dont les Moqrânî faisaient partie) :

« Du riche, ils ont fait un indigent. » (chanson kabyle de l’époque)

- Volet foncier de la répression (conséquences très importantes à long terme)

� Séquestre

o Confiscation de nombreuses terres : plus de 446 000 ha

o Rattachées au domaine de l’État

o Distribution de ces terres aux colons

� Amendes considérables infligées aux tribus insurgées

o 65 millions de francs-or

o Certaines tribus mettront plus de 20 ans à payer leur amende

o Beaucoup d’entre elles doivent vendre leurs terres et ne s’en remettront

jamais

II. Une exploitation sans entrave ?

1) Les instruments : code de l’indigénat et fiscalité

- Code de l’indigénat (1881)

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Histoire du Maghreb colonial (1830-1950) – Cours de C. Verdeil – Notes de M. Erpelding

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� Ne s’applique qu’aux indigènes

� Voté pour 7 ans, reconduit périodiquement

� Liste d’infractions qui s’accompagnent de peines spéciales

� Exemples

o Plus de déplacement libre (système de permis)

o Paiement d’impôts particuliers

o Réquisitions

- Fiscalité spéciale : les « impôts arabes »

� Extrêmement variés et nombreux

� Payés exclusivement par la population paysanne locale, c’est-à-dire musulmane

� En 1843, 50% des rentrées fiscales

� De manière générale, les impôts sont beaucoup plus lourds pour les indigènes

que pour les colons

� Or les impôts profitent essentiellement aux colons : 70 à 90% des dépenses de

l’État en matière de subvention au culte, d’instruction publique, de justice ou

d’assistance publique

2) Un État corrompu ?

- Beaucoup de fonctionnaires et de maires sont corrompus

- Manifestations de cette corruption

� Surtaxe des Arabes

� Détournement de subventions, notamment au profit de colons individuels

- La situation coloniale favorise tous les abus

� Corruption beaucoup plus élevée qu’en France

� 300 affaires pour corruption ou violence pour la période 1880-1914, dont ¾ dans

la période 1888-1903 (vigilance accrue des autorités françaises pendant cette

période)

- Un phénomène peu réprimé

� Très peu de condamnations par les tribunaux

� Sanctions alternatives : suspension et révocation de fonctionnaires, annulation

d’élections municipales

3) Les inquiétudes du gouvernement français

- Commission d’enquête envoyée par le Sénat en 1891

� Participation de Jules Ferry

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� Ne met pas en question la colonisation, mais en conteste les formes

� Dans son rapport, Jules Ferry dénonce les abus de la politique coloniale

- Prise de conscience aboutit à la nomination du gouverneur Jules Cambon

� Issu d’une grande famille politique française, Jules Cambon pense que le

gouvernement français doit prendre en compte les deux populations d’Algérie : la

population indigène et les colons

� Lutte contre l’usure, la corruption des fonctionnaires

� Attaqué par de très violentes campagnes de presse

III. La crise de la fin du siècle et de timides réformes

- Années 1893-1896 difficiles pour l’Algérie sur le plan économique

� Colons européens revendiquent une plus grande autonomie

� Revendications doublées d’une révolte anti-juive

- 1896 : fin de la politique de rattachement

1) La crise antijuive de 1898-1902 : une tentative d’émancipation

- Antijudaïsme très présent en Algérie

� Renforcé par les décrets Crémieux

� Repose sur l’antijudaïsme religieux (catholique) : vision des juifs comme « peuple

déicide »

- Antisémitisme également de plus en plus présent

� Plus politique et plus moderne

- Sentiments antijuifs renforcés par les pratiques politiques propres à l’Algérie de

l’époque

� Les juifs sont souvent accusés (à raison parfois) de vendre leurs voix en bloc au

plus offrant

- Création de ligues antijuives

� Apparues après le décret Crémieux

� Ravivées dans les années 1890, notamment à Constantine et à Oran

� L’antijudaïsme algérien est par ailleurs souvent radical ou socialiste

- Insurrections organisées par les ligues antijuives contre l’État français

� Demande d’abrogation du décret Crémieux

� Demande de plus d’autonomie

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� Idée de la création d’une race nouvelle formée, non pas comme le Royaume

arabe de Napoléon III, de Français et d’Arabes, mais de blancs non juifs de

différentes origines

� Apogée : émeutes des 20-25 1898 janvier à Alger (menées notamment par Régis

Milano, président de la ligue antijuive d’Alger, auteur de L’Antijuif publié en 1898)

- Gouvernement française reste inflexible quant aux décrets Crémieux, mais fait un

certain nombre de concessions

� Autonomie financière accrue de l’Algérie : loi du 19 décembre 1900 sur les

délégations financières

- Révolte de Margueritte

� pillage d’une petite ville par une tribu, répression par l’armée française

� montre que les colons continuent d’avoir besoin du soutien de l’État

2) Une plus grande autonomie : les délégations financières

- Loi du 19 décembre 1900 sur les délégations financières

� Autonomie financière de l’Algérie

- Dépenses continuant à relever du budget de l’État

� Armée

� Pensions et retraites des fonctionnaires

� Intérêts des chemins de faire

- Gouverneur désormais assisté par deux assemblées

� Délégations financières

� Conseil supérieur de l’Algérie

- Assemblée des délégations financières

� Organisée en trois collèges

o Français

o Autres colons

o Indigènes

� Comporte 69 membres (48 Européens, 21 indigènes)

- Conseil supérieur de l’Algérie

� Comporte 60 membres, dont 7 indigènes

- Colons satisfaits par leur nouvelle autonomie

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3) De timides réformes

- Juste avant la Première Guerre mondiale, un certain nombre de réformes sont

adoptées

� Liées en partie à l’extension de la conscription aux indigènes en 1912

- 1912 : les anciens conscrits ne sont plus soumis au code de l’indigénat

- 1914 : élargissement du corps électoral indigène pour les municipalités et les conseils

généraux

� Leur nombre est porté du quart au tiers de l’effectif total

- Loi du 15 juillet 1914 : restrictions au code de l’indigénat

� Les juges de paix interviennent plus largement

� Les prescriptions et la pénalisation sont allégées

� Le permis de voyage est supprimé (explique en partie les débuts de l’émigration

d’Algériens vers la France)

� L’indigénat épargne les « évolués » des villes et des villages (c’est-à-dire les

personnes qui ont reçu une éducation française), ainsi que tous les commerçants

Conclusion de la 5e séance

- Débats sur le traitement des indigènes ne témoignent pas seulement de sentiments

humanistes

� La volonté de ne pas complètement s’aliéner la population indigène fait aussi

partie de la realpolitik de l’occupant

- À partir de 1870, le régime civil prône l’assimilation de l’Algérie à la France

� Politique s’infléchit par la suite, car remise en cause de deux côtés

o Gouvernement français

o Colons

� La politique de l’État français en Algérie n’est donc pas la même entre 1830 et la

fin de la colonisation

- L’assimilation ne vaut jamais pour la population indigène, mais uniquement pour les

colons

� En réalité, la France mène une politique de ségrégation aux dépens des indigènes

(terme utilisé depuis peu par les historiens français)

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6e séance : La population colonisée

I. La colonisation : dépossession, relégation, exploitation

1) La dépossession foncière

- Loi Warnier de 1873

� Organise la dépossession foncière en revenant au cantonnement

� Assimile toutes les terres d’Algérie aux terres françaises : soumission de ces terres

au droit français pour toute transaction (favorise les achats par les colons)

� Forêts ne peuvent plus être utilisées par les agro-pasteurs comme ils le faisaient

auparavant (récolte de charbon, pacage, introduction de nouvelles cultures)

o Explique en partie la diminution des cheptels à partir de cette époque

- Au total, on estime que les musulmans ont perdu plus de 4 millions d’hectares entre

1880 et 1920

- Un exemple : Adelia (village indigène à côté de Margueritte)

� 1868 : 2194 habitants et 9286 ha de terres

� 1900 : 3206 habitants et 4048 ha de terres

2) Relégation et exploitation

- Code de l’indigénat (1881)

� Confère un statut dérogatoire aux indigènes

� Liste d’infractions et de peines applicables spécifiquement aux indigènes

o Circulation sans permis

o Participation à pèlerinage ou à repas public sans autorisation préalable

o Pas de coup de feu à blanc pendant les fêtes sans autorisation

� Suppose que dans les communes mixtes, où vivent la majorité des indigènes, les

administrateurs peuvent condamner sans preuves et sans procès-verbal (et donc

sans laisser de traces), sans interprète, sans audience publique

� Peines

o Amendes

o Travaux forcés, corvées

- La politique scolaire ne corrige pas cette relégation

� Réseau scolaire très important en Algérie avant la conquête

� Au temps des bureaux arabes sous Napoléon III, l’administration française crée

des écoles arabes-françaises, qui sont progressivement supprimées après 1870

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� Les lois Ferry de 1881-1882 (école gratuite, laïque, obligatoire) ne seront jamais

appliquées en Algérie

o Scolarisation de moins de 5% des enfants indigènes

o Colons s’opposent fermement à l’éducation des indigènes

o Peur que les indigènes ne retournent l’arme de l’éducation contre les

colons

� Sous-investissements

o 52 francs par écolier français

o 2 francs par écolier indigène

� Chiffres

o En 1882, 3172 élèves indigènes dans les écoles primaires françaises

o En 1900, 24 000 élèves

o En 1914, 48 000 élèves

3) Une politique kabyle ?

- Mythe berbère

� Fait de croire que les berbérophones ne font pas partie de la même « race » que

les arabophones

� on considérait que ces berbères sont les descendants directs des Romains

occupant le Maghreb avant les conquêtes musulmanes

� du fait d’habiter dans les montagnes, ils auraient été « préservés » de nombre

d’influences extérieures (cf. aussi les écrits de la même époque sur le Mont-Liban)

� l’islam pratiqué par les berbères était jugé comme superficiel ; l’on estimait qu’on

pourrait les faire « revenir » à la religion chrétienne

� le colonisateur se plaît à dénigrer les Arabes et à exalter les qualités des berbères

- administration séparée de la Kabylie jusqu’en 1871

- application du Code berbère, rédigé par Hanoteau

� compilation de toutes les coutumes berbères

- aux délégations financières, les Kabyles (700 000) disposent de 6 délégués, les Arabes

(3,3 millions) ont 15 délégués

- autres avantages donnés aux Kabyles

� permis de voyage octroyés plus facilement

� impôts un peu moins lourds

� effort scolaire, à la fois du gouvernement français et de missionnaires, désireux

de faire « rentrer » les Kabyles dans le giron de l’Église

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� ce dernier point explique aussi pourquoi les Kabyles ont été les premiers

Algériens à émigrer en France

II. La paupérisation de la population musulmane

1) Une population de plus en plus nombreuse

- Au début de la colonisation, la population musulmane déclinait

� Les colons pouvaient croire qu’ils finiraient par dépasser la population indigène

en nombre

- Augmentation de la population musulmane à partir de 1870

� 2 millions en 1860

� 3,5 millions en 1891

� 4,5 millions en 1914

� Croissance encore beaucoup plus forte après 1918

- Population essentiellement rurale (70% de ruraux au début du XXe siècle)

- La population s’appauvrit

� Cet appauvrissement est relatif, car la population augmente tout de même

2) Pression fiscale et diminution des productions agricoles

- Ces facteurs sont à l’origine de l’appauvrissement de la population

- Pression fiscale essentiellement supportée par musulmans

� En 1912, on estime que les musulmans détiennent 38% de la fortune mobilière de

l’Algérie et acquittent 71% des impôts directs locaux

- Diminution des productions agricoles

� Quantité de céréales produite par tête diminue

o 6,1 quintaux de céréales en 1876

o 3,85 quintaux en 1901

� Cheptel par tête diminue

� Facteurs

o Manque de terres : 3 fellahs sur 5 ont moins de 10 ha

o Interdiction du pacage dans les forêts domaniales

3) Paupérisation et bouleversements sociaux

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- Facteurs qui permettent de constater la paupérisation

� Nombreuses crises de subsistance entre 1870 et 1914

o Années de disette, voire de famine

� Augmentation du nombre de gourbis

o Gourbi = habitation de pierre sèche et de branches

� Rendement de l’impôt diminue

� Augmentation du salariat agricole

� Diminution du nombre de propriétaires

o 54,7% des musulmans au début du XXe siècle

o 48,6% en 1914, alors que la population a augmenté

- Situation reconnue par certains colons de l’époque, par ailleurs peu susceptibles de

sympathiser avec les indigènes

� Ex. Gobert, maire d’Oran en 1900 : « Il y a des tribus entières de pauvres diables

qui n’ont rien ; tant que durent les figues de barbarie, ils peuvent vivre, après, ils

en sont réduits à voler. »

- Déchéance de certaines grandes familles

� Les Moqrânî deviennent boutiquiers

� Les grandes familles religieuses (confréries) déclinent

- Les nouveaux notables musulmans

� Certains se sont enrichis lors de la spoliation et de la redistribution des terres

� Indigènes travaillant pour l’administration, notamment pour prélever les impôts

o Les Sayah ben Henni

� Grand-père : caïd

� père : juge (qâdî) et délégué financier

� fils : adjoint au maire d’Orléansville

o toutefois, ces familles sont peu nombreuses et par ailleurs discréditées

III. Les différentes voies de la résistance à la présence française

1) La question du nationalisme revisitée

- Dans l’historiographie traditionnelle, le nationalisme est vu en termes de renaissance

et de renouveau

� Nationalisme opprimé par colonisateur, renaît

- L’historiographie algérienne traditionnelle distingue entre 4 phases du nationalisme

algérien

� 1830-1870 : résistance

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� 1870-1919 : latence

� 1919-1945 : réveil

� 1945-1962 : affirmation, indépendance par l’action militaire et politique

- Remise en cause (cf. notamment James Mac Dougall)

� Il ne s’agit pas d’un mouvement à croissance constante

o Hésitations, échecs, changements

� Il ne s’agit pas d’un mouvement homogène

o Vision traditionnelle (élément déterminant : positionnement par rapport

au colonisateur)

� « Évolués »

� Réformateurs musulmans

� Mouvements populaires

o Vision postcoloniale

� Volonté de rompre avec la vision d’un face-à-face entre l’Algérie et

le colonisateur

� Inscription de l’Algérie dans le reste du monde arabe : influence

des rapports entre l’Algérie et d’autres pays arabes

� Il n’y a pas de projet national dès les origines

o But des premiers insurgés : refouler les Français, mais non pas créer un

État algérien (même Abd-el-Kader veut avant tout fonder un État

musulman)

o Il y avait sans doute un sentiment de différence par rapport au Maroc ou à

la Tunisie, mais pas de nationalisme au sens moderne du terme (c’est-à-

dire au sens des nationalismes nés au cours du XIXe siècle en Europe, ou

dès la Révolution en France)

o Même si le terme d’Algérie était utilisé en Algérie avant 1830, il désignait

avant tout la région d’Alger

o Le sentiment d’appartenance des Algériens en 1830 se décline

doublement

� Un sentiment d’appartenance local

� Un sentiment d’appartenance à la communauté des croyants

musulmans

� Résister à la France, ce n’est par forcément prendre les armes

2) Les migrations, expression du refus de la présence française

- Migrations existaient avant la colonisation, mais rendues plus difficiles par celle-ci

� Passeports distribués au compte-gouttes

- Migrations vers les autres pays du Maghreb

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� En 1876-1878, il y a 6 000 Algériens dans la Régence de Tunis, dont les parents

d’Ahmad Tawfiq al-Madanî (1899-1983), grand nationaliste algérien, qui avaient

participé à la révolte des Moqrânî

� Ces personnes sont souvent d’anciens combattants contre les Français

- Migrations vers l’Orient

� Ex. En 1910, 536 personnes quittent la région de Tlemcen pour l’Orient

o Contexte : introduction de la conscription en 1908

o Il s’agit souvent de notables refusant de servir la France par les armes

o Cette migration a beaucoup inquiété les autorités françaises

o D’où lutte contre ces mouvements

3) « Vieux turbans » et « Jeunes Algériens »

- Les « Vieux turbans »

� Désignation péjorative, donnée par les « Jeunes Algériens »

� Condamnent la présence française par des arguments moraux et politiques

o Dénonciation de la civilisation française comme matérialiste et athée

o Dénonciation du culte de la force et de l’argent

o Dénonciation de la consommation d’alcool et de la débauche des femmes

� Lutte ferme contre le service militaire

- Les « Jeunes Algériens »

� Se recrutent parmi les « évolués », c’est-à-dire les indigènes ayant reçu une

éducation européenne, ce qu’ils ont souvent vécu comme un moyen de libération

� Ne luttent pas contre la présence française, mais contre la politique française en

Algérie

� Exigent que la France soit cohérente avec ses idéaux

o Élargissement du corps électoral aux indigènes

o Abolition du code de l’indigénat

o Égalité devant l’impôt

o Acquisition de la nationalité française dans le maintien du statut

personnel musulman (affirmation de la différence entre statut civil et

droits politiques)

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7e séance : La population européenne en Algérie

- Seule colonie de peuplement française (avec la Nouvelle-Calédonie)

- Une population non seulement française, mais européenne (espagnole, italienne,

maltaise)

- Une évolution peu conforme au rêve colonial originel

� Idée initiale : créer une colonisation rurale

� Les colons préféreront les villes

I. Français, « Néos », Algériens : qui sont les Européens d’Algérie ?

1) Le relatif échec de la colonisation française

- Un échec relatif

� Absence de colonie de peuplement rural

� Mise en place d’une colonisation officielle encouragée par l’État

- Différentes phases de la colonisation officielle au XIXe siècle

� 1841-1850 : 126 villages fondés

� 1851-1860 : 85 villages (le Second Empire constitue donc une période de repli)

� 1870-1880 : 264 villages (reprise de la colonisation avec la IIIe République)

- Installation des Alsaciens-Lorrains après 1871

� Offre faite par le gouvernement français aux Alsaciens-Lorrains qui ne veulent pas

devenir Allemands

� Redistribution de terres de bonne qualité prises aux indigènes à la suite de la

révolte des Moqrâni (100 000 ha)

o Terres données soit en propriété pleine, soit en concession

o Location de charrues et de matériel agricole

� Relatif échec de cette politique

o Sur 125 000 Alsaciens-Lorrains concernés, seuls 4 000 à 5 000

s’installeront en Algérie

o Raisons

� À l’époque, on explique le succès modeste de cette politique par le

fait que les terres données aux colons ne seraient pas assez vastes

pour les faire vivre

� En réalité, l’échec de cette politique est dû, d’une part, à la chute

des naissances en France et, d’autre part, aux difficultés des colons

à cultiver dans le climat méditerranéen aride de l’Algérie

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o L’installation des Alsaciens-Lorrains sera la dernière installation massive de colons mise en place par l’État français

� Globalement, ces installations déclineront à la fin du XIXe siècle � Elles reprendront légèrement au début du XXe siècle

- Accroissement de la population européenne sur place � A partir de 1856, les naissances au sein de la population européenne

l’emportent sur le nombre de décès : début d’une population européenne en Algérie

� Nombre important de colons non-français, notamment des Espagnols et des Italiens

� Chiffres (population de la colonie civile) o 1866 : 218 000 Européens, dont 112 000 étrangers o 1886 : 430 000 Européens o 1896 : 530 000 Européens

� Mais si cette population augmente grâce à ces Européens non-français, le gouvernement français se montre inquiet de cette évolution, craignant que les colons étrangers ne deviennent majoritaires parmi les Européens : d’où la décision de les naturaliser

2) Naturaliser les Européens

- Différentes nationalités (par ordre de leur nombre)

� Espagnols (majoritaires dans la région d’Oran)

� Italiens (moins visibles, car plus urbains)

� Maltais

- Cas des juifs d’Algérie : ne seront pas pris en compte dans les statistiques françaises

jusqu’en 1911

- Loi de 1889 sur la nationalité (applicable en France, mais aussi en Algérie)

� Organise le droit du sol en France jusqu’à son abolition partielle par les lois

Pasqua des années 1990

� dispositions

o Deviennent pleinement Français, sans aucune formalité, les enfants d’un

père étranger lui-même né sur le sol français

o Deviennent également Français les enfants d’un père étranger résidant en

France

� Conséquence : la courbe des Européens non-français commence à décliner à

partir de 1889

o 4 000 à 5 000 personnes deviennent Français chaque année

o Ces nouveaux Français seront appelés les « néos »

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o Ils forment une population particulière et se considèrent comme telle

o Existence de cas d’hostilité entre les « néo » et les Français d’origine

- A partir de 1895-1896, l’accroissement naturel des colons est plus fort que l’excédent migratoire � 1881-1890 : 157 000 nouveaux arrivants � 1900-1911 : 34 000 nouveaux arrivants

3) Une population originale

- Naissance d’un « peuple algérien » ayant le sentiment d’appartenir à une « race

latine »

� Au tournant du XXe siècle, on parlera de « peuple algérien » pour désigner des

Européens nés en Algérie

� Sentiment d’appartenir à une « race latine », censée former une race supérieure

qui doit régénérer la « race française »

o Modèle de la Rome antique

o Exaltation de cette « race » en dépit d’une certaine méfiance à l’égard des

« néos »

o Non prise en compte de la population colonisée, pourtant majoritaire en

Algérie

o L’émergence du mythe de la « race latine », vers 1900, est concomitante

du déclin du « mythe kabyle »

- En 1901, les Franco-européens nés en Algérie descendants de Français ou d’étrangers

(355 000) et les juifs (65 000) forment 55% de la population européenne

� Ils sont donc plus nombreux que les colons nés en France ou à l’étranger

II. La colonisation rurale : créer un peuple de petits propriétaires

- Entre 1871 et 1919, 870 000 ha ont été livrés aux colons

1) De la céréaliculture

- Développement de la céréaliculture (et d’autres cultures qui n’ont pas vraiment

réussi)

- Culture du blé relativement rentable jusqu’aux années 1870

� Permet aux Européens de vivre, même si les rendements sont faibles : 6 à 7

quintaux/ha, alors qu’on est à 15 quintaux/ha en France

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Histoire du Maghreb colonial (1830-1950) – Cours de C. Verdeil – Notes de M. Erpelding

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� Baisse du prix du blé entre 1870 et 1890 (notamment à cause de l’arrivée sur le

marché mondial du blé américain) : céréaliculture progressivement abandonnée

par les colons au profit de la viticulture

2) À la vigne

- Augmentation des surfaces consacrées à la viticulture

� 1878 : 18 000 ha

� 1888 : 103 000 ha

� 1905 : 179 500 ha

- Importante consommation de vin

� L’eau n’est pas toujours potable

� On boit du vin coupé avec de l’eau à tous les repas (on en donne même aux

enfants)

� Le vin algérien n’est certes pas de bonne qualité, mais il suffit aux métropolitains

dans la mesure où ils le coupent avec de l’eau

- La viticulture permet d’employer une main-d’œuvre importante

� Il est en effet difficile de mécaniser les vendanges

� Cette main-d’œuvre est d’abord européenne, puis locale

- La culture de la vigne permet aussi à des colons un peu aventuriers de faire fortune

rapidement

� Toutefois, ces fortunes se défont également très rapidement

� L’Algérie devient ainsi un terrain d’aventure pour nombre d’Européens qui y

tenteront leur chance pour devenir riches

- Concentration des exploitations viticoles

� Exploitations de plus en plus souvent concentrées entre les mains d’une poignée

de grands propriétaires

� En 1908, 86% des propriétaires possèdent moins de 10 ha, tandis que 2 %

possèdent des propriétés de plus de 50 ha

- L’introduction de la vigne marque la fin de la crise économique en Algérie

� la période entre 1986 et 1914 est considérée par certains comme la « Belle

Époque » de l’Algérie (en tout cas du point de vue des grands colons)

3) La vie des colons dans le monde rural

- Au XIXe siècle, les colons sont surtout ruraux

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� Vivent dans des fermes ou des villages isolés

� Craignent souvent pour leur sécurité (notamment après la révolte des Moqrânî)

o villages européens souvent fortifiés

o importance des sociétés de tir dans ces villages

� apprentissage du tir et entraînement

� acquisition plus facile et moins onéreuse d’armes et de munitions

� toutefois, il y a des relations de voisinage entre colons et indigènes (cf. l’extrait

des mémoires de Messali Hadj, pp. 18-20)

o certains colons parlent un peu l’arabe

o certains colons emploient des ouvriers arabes, notamment les vignerons

(culture de la vigne très consommatrice de main-d’œuvre)

o ces relations s’estomperont avec la concentration des colons dans les

villes

- exemple de Boufarik

� développement à partir des années 1840

� 1849 : 358 colons, 2 600 arbres, 315 maisons

� Petite ville à la française : église, mairie, école de garçons, théâtre, chai, etc.

� Relations importantes avec le monde rural : économie fondée sur culture de la

vigne

- Commentaire de l’Almanach du Petit Colon de 1893 (image de propagande figurant

sur la couverture du fascicule)

� Au premier plan : colon assis à côté d’une gerbe de blé et d’un tonneau de vin,

habite dans un petit village à la française

� Plus loin et tout petit : un fellah algérien avec son troupeau (seuls les colons

français mettent en valeur la terre)

� Au fond : la ville (en réalité, en 1893, le colon rural est déjà en train d’être

dépassé par le colon urbain)

� Au milieu : le train, qui permet aux colons de rendre en ville de temps en temps

III. Un monde surtout urbain

1) Les Européens préfèrent la ville

- Tournant : années 1900-1905

� La population urbaine égalise la population rurale, pour la dépasser par la suite

- En 1911, les Européens sont majoritaires dans certaines villes

� 85% de la population d’Oran

� 77% de la population d’Alger et de Philippeville (aujourd’hui Skikda)

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� 70% de la population de Bône

- Ils peuvent donc avoir la perception d’être majoritaires dans tout le pays, dans la

mesure où ils ne voient plus physiquement la population indigène

� Différence avec l’époque de la colonisation rurale, pendant laquelle les colons,

isolés dans leurs villages et entourés d’une grande majorité d’indigènes, ne

pouvaient ignorer qu’ils constituaient une minorité

� Ce désintérêt pour la population indigène est renforcé par l’idéologie de la « race

latine » par laquelle beaucoup de colons sont marqués

2) Le développement des villes

- Développement d’une ville européenne à Alger

� Augmentation de la population européenne

o 1872 : 42 000 habitants (31 500 Européens, 10 500 indigènes)

o 1891 : 82 000 habitants (60 500 Européens, 21 5000 indigènes)

o 1906 : 130 000 habitants (dont 100 000 Européens)

� Politique d’aménagements urbains sous le Second Empire

o Création de boulevards de places,

o Bâtiments représentatifs : Banque d’Algérie, Lycée, Opéra, Poste

� Politique urbaine sous la IIIe République

o Destruction des fortifications

o Achèvement du boulevard de front de mer

o Agrandissement du port d’Alger (commerce)

o Gares

o Tramway (dès 1876)

3) La vie en ville

- Activités économiques en ville

� Construction

� Industries de transformation de produits agricoles : p. ex. usines Bastos (tabac),

conserveries, etc.

o Créée comme atelier familial en 1838, l’entreprise Bastos compte 50

employés en 1839, et 800 ouvriers (surtout des femmes) en 1912

� Chargement et déchargement de navires

- Développement d’une main-d’œuvre ouvrière

� Existence d’un syndicalisme ouvrier européen, avec des grèves relativement

importantes à partir des années 1905-1910

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� Pas de développement d’un syndicalisme indigène ou mixte : le clivage ethnique

reste plus important que les clivages économiques

- Dynamiques de la ville

� Création de quartiers différents (socialement, ethniquement)

� Toutefois, on circule généralement dans tous les quartiers, même si l’on se

fréquente seulement entre soi

Conclusion de la 7e séance

- Éviter les idées fausses

� Les colons ne sont pas tous français

� Les colons ne sont pas tous riches

� À partir du XXe siècle, les colons vivent majoritairement en ville : l’image de

l’Almanach du Petit Colon participe donc de l’entretien d’un mythe plutôt qu’elle

ne reflète la réalité

- Relations entre la population européenne et la population colonisée

� Changent au fil des ans (et changeront par la suite)

o contacts beaucoup plus nombreux avant 1870

o diminuent à la suite de deux facteurs

� Code de l’indigénat (1881)

� Concentration des colons dans les villes (début XXe siècle)

� Indicateur de ce changement : diminution des mariages mixtes

o Ces mariages mixtes (généralement entre un homme européen et une

femme arabe) disparaîtront presqu’entièrement après 1870

o Phénomène assez visible pour qu’il apparaisse dans la littérature : cf.

Thérèse Raquin de Zola, dans lequel le personnage principale est issu d’un

couple mixte

- Nature trompeuse du terme « assimilation » appliqué à l’Algérie

� En fait, les indigènes ont toujours été traités à part

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8e séance : La Tunisie et le Maroc avant la conquête

- Protectorat de Tunisie : 1881

- Protectorat du Maroc : 1911-1912

- Histoire des deux pays se ressemble beaucoup

� Tentatives de réformes

� Echouent en partie pour des raisons financières (endettement, origine de la mise

sous tutelle)

I. La Tunisie des réformes

- Un État qui s’appuie sur la population locale

� Fonctionnaires locaux

- Se modernise depuis la fin du XVIIIe siècle

� Influence des tanzimât des l’Empire ottoman (certains en ont conclu que la

Tunisie était « le plus ottoman des pays du Maghreb », ce qui, de ce point de vue,

n’est pas faux)

- Un État ouvert à l’étranger

� Augmentation du nombre d’étrangers à Tunis, en particulier des Italiens

� Commerce florissant avec l’Europe

� Devient une étape quasi-obligatoire du « Grand Tour » des jeunes bourgeois du

XIXe siècle (ruines de Carthage)

1) Les réformes de l’État beylical

- Réformes d’abord d’inspiration ottomane, puis imposées par les Européens

- Années 1830 : reprise en main des Régences par l’Empire ottoman (contexte de la

perte de l’Algérie)

� 1835 : les Ottomans reprennent le contrôle de la Libye, occupée auparavant par

la famille des Karamanli

- Réformes inspirées des tanzimât et voulues de l’État beylikal

� Organisation d’une armée de conscription

� Développement d’une administration

� Développement des institutions scolaires pour former les nouvelles élites

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o 1837 : fondation de l’école du Bardo à Tunis (recrute surtout parmi les

Mamlouks, anciens esclaves au service du sultan et faisant carrière)

� Industrie textile (uniformes)

- Réformes appuyées par les Européens

� 1857 : Adl el-Aman ou Pacte de sécurité ou Pacte fondamental

o Egalité de tous les sujets au plan juridique et fiscal

o Bénéficie surtout aux juifs

� 1861 : Constitution

o Très impopulaire, car apparaît comme texte fait par et pour les consuls

européens et leurs protégés au palais beylikal

o Va faire apparaître l’État tunisien comme entité dévolue aux intérêts

étrangers

- Réformes augmentent les dépenses et, par conséquent, la pression fiscale

� 1819 : on substitue à l’impôt sur le pied de l’olivier (dont la production est sous-

évaluée) un impôt sur l’huile

� 1840 : un nouveau règlement triple le rendement de cet impôt et l’applique aux

palmiers-dattiers

� 1863 : doublement de l’impôt personnel, la mejba

2) La révolte de 1864

- Déclenchée par le doublement de la mejba

- Portée par la quasi-totalité de la population tunisienne

� Urbains et ruraux, agriculteurs sédentaires et bédouins

- Le bey, objet de toutes les critiques

� Perçu comme la marionnette des Occidentaux

� Révolte au nom de l’islam et du sultan (« À bas le bey, vive le sultan ! »)

- Répression féroce

- Conséquences

� Suspension de la Constitution en 1864

� Diminution de la charge fiscale, d’où endettement croissant (nouvel emprunt

souscrit en 1869)

- 1867 : choléra qui sévit en Algérie touche aussi la Tunisie

� D’où rendements agricoles plus faibles

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� Augmentation des difficultés financières

� Bey fragilisé

- 1869 : mise sous tutelle financière internationale

� Commission financière internationale

o comprend la France, l’Italie et la Grande-Bretagne

o présidée par le fonctionnaire tunisien mamlouk Khary ed-Din

� le bey doit verser la moitié de ses rentrées fiscales à la Commission

3) La politique de Khayr ed-Din (1873-1877)

- a fait carrière comme mamlouk dans le palais beylikal

� originaire d’Istanbul, vendu au bey de Tunis

- un homme des tanzimât

� réfléchit beaucoup à la question des réformes

� veut emprunter le concept de l’État et certaines techniques de gouvernement

modernes à l’Europe, tout en les adaptant à la civilisation orientale

- Politique de réformes

� 1875 : création du collège Sadiki pour former les cadres tunisiens (enseignement

religieux et scientifique)

� Réforme de la Zaytuna, l’université de Tunis, notamment par l’introduction de

nouvelles matières (géographie, histoire, mathématiques, astronomie)

� Production agricole encouragée (en particulier la production d’olives)

� Limitation des dépenses de la Cour : d’où le mécontentement de nombreux

courtisans

- Khayr ed-Din écarté du pouvoir en 1877

� Pression des consulats européens et de certains courtisans dont les bénéfices

commerciaux personnels avaient diminué

� Repart à Istanbul

II. Le Maroc au XIXe siècle

- Situation proche de la Tunisie : oscille entre volonté de réformes, résistance à celles-

ci et pénétration européenne

- Absence de capitale fixe

� Le sultan circule entre les grandes villes

� Son pouvoir s’exerce surtout à l’intérieur du triangle Fes-Rabat-Marrakech

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- Importance des berbérophones

� Or : bilinguisme se répand au fur et à mesure qu’on s’élève dans la hiérarchie

sociale

- Possessions espagnoles : Ceuta et Melilla

1) Une plus grande dépendance économique et financière

- A partir de 1830-1840, les échanges avec les pays européens augmentent

� Passent par les ports atlantiques du Maroc

� Exportations du Maroc : peaux (cuir), amandes, céréales

� Importations du Maroc : thé (Indes britanniques), coton (tissé en UK)

� Commerce effectué à travers des intermédiaires juifs

- En 1850, le sultan essaie de prendre le monopole du commerce du sucre et du thé

� Inquiète les Britanniques : prix augmentent, importations diminuent

� En 1856, les Britanniques imposent un traité commercial

o le sultan renonce à tous ses monopoles, sauf celui sur les céréales

o Britanniques ont le droit de faire du commerce dans l’ensemble du Maroc

et d’y acquérir des propriétés

o Renonciation à exercer autorité judiciaire sur sujets britanniques au Maroc

(et aux Marocains qui servent d’intermédiaires)

o Limitation des droits de douane

� Conséquences du traité

o Abandon de souveraineté perçu comme tel

o Mise sous tutelle financière après la guerre hispano-marocaine en 1860

� Guerre partie de Ceuta et Melilla

• Espagnols cherchent à agrandir leurs possessions

• Tribus harcelaient régulièrement Espagnols

• Espagne a utilisé ce prétexte pour déclarer la guerre au

Maroc

� Espagnols progressent, prennent Tétouan, arrêtés suite aux

pressions des Britanniques

� Peu de pertes territoriales pour le Maroc, mais très importantes

indemnités de guerre (estimées aujourd’hui à 20 fois le budget du

pays)

� D’où accélération de la spirale de l’endettement et de la pression

fiscale

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2) Les réformes de Hassan Ier