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LE BEQQY

D'AUTREFOIS

JEAN-LOUIS BONCOEUR

L E 5 E Q Q Y

D'AUTREFOIS

Collection : Vie quotidienne autrefois

HORVATH

Couverture : Conception Alain BOULDOUYRE

Copyright Editions du Parc - Editions Horvath 104, rue Tronchet

69006 LYON ISBN : 2.7171.0864.5

AVANT-PROPOS

C E Berry d'autrefois c'est le mien...

C'est celui de mon premier regard d'enfant en « âge de raison» décou- vrant, voici plus d'un demi-siècle son environnement naturel avec ses paysa- ges rustiques, ses cités, ses gens, ses usages, différents - 0 combien ! - de ceux d'aujourd'hui.

Ce Berry, je l'ai connu en même temps par our-dire ; de la bouche de mes parents et des anciens...

Et je me demande parfois, aux veilles de la septantaine, si l'image que je me fais de mon pays à la « Belle Epoque » est vraiment constituée de mes seuls souvenirs, ou si elle s'est enrichie, à mon insu, par les dires de mes ascendants.

« Le grand-père qui a fait la guerre... » C'était le hussard à dolman orné de brandebourgs racontant sa guerre

de 70 !

« La Bonne Dame »... C'était George Sand, la châtelaine de Nohant où ma grand-mère allait faire des travaux d'aiguille et mon arrière grand-oncle donner, sur sa vielle, de joyeuses « sonneries »...

Ça, c'était le très vieux temps : celui de la pauvreté acceptée, du travail sans répit, d'une vie sans ambition ni révolte, dans une accalmie entre deux conflits sanglants...

Et puis il y a eu les « années terribles » : celles de la Grande Guerre ; les cités et les campagnes vidées de leurs hommes... Les femmes à l'usine ou à la charrue, les soldats bleus et rouges quittant, la fleur au fusil, leurs casernes de Bourges et de Châteauroux.

Ces deux cités majeures de ma province, je devais avoir six ou sept ans lorsque je les ai découvertes, ainsi que Vierzon et Argenton, après avoir tra- versé du Sud au Nord et d'Ouest en Est, la province, emporté - quelle aven- ture ! - par un chemin de fer cahotant, crachant fumée et escarbilles sur les haies du Boischaut, les blés de la Champagne, les bois de la Sologne et les étangs de la Brenne...

Plus tard, j'appris à l'école à chanter par coeur : Cher, chef-lieu Bourges... Sous-préfectures Saint-Amand, Sancerre... Indre, chef-lieu Châteauroux... Sous-préfectures Issoudun, Le Blanc, La Châtre...

Mon Berry s'éclairait ; il y en avait deux: voisins un peu jaloux l'un de l'autre... Celui d'En-Haut, et celui d'En-Bas...

Le second m'était plus familier, avec ses collines déjà presque marchoi- ses, sa Vallée Noire et La Châtre, ma petite ville natale au clocher en forme de plume Sergent-Major.

L'autre me fut seulement révélé un peu plus tard. C'était déjà pour moi un lointain département : presque un pays « d'étrange »...

C'est de ce Berry de naguère que vont parler mieux que moi-même les cartes postales vieillies de ce livre-album. Il est presque pour moi un album de famille où les dames en robes « à tournure » largement chapeautées, posent appuyées sur leurs ombrelles près des messieurs moustachus portant canotier, devant le Café de la Gare... Où des paysans en blouse, des villageoi- ses en coiffe font face à l'objectif sur le champ de foire ou la place du Mar- ché...

Ce recueil d'instantanés, faisant revivre en 150 images le Berry du début du siècle est-il l'évocation attendrissante d'un «bon vieux temps» qu'on regrette ?...

Ou la rétrospective d'une époque heureusement transformée par le pro- grès scientifique et social ?...

Il vous appartiendra, ami lecteur, de choisir entre ces deux options... Mais je serais étonné de vous voir rester insensible à ces documents d'un âge révolu dus à l'obligeance de collectionneurs passionnés.

La sélection essentielle de cartes postales anciennes cons- tituant l'illustration de cet ouvrage provient de la collec- tion particulière de

M o n s i e u r F R A N Ç O I S R I C H A R D cartophile et bibliophile de Châteauroux

Nous lui présentons, avec nos remerciements pour sa précieuse collaboration, tous nos compliments pour son attachement au Berry d'autrefois... Nous exprimons aussi notre reconnaissance à M. Louis Auxenfants, maître-imprimeur et éditeur à Bourges, ain- si qu'à Mme Madeleine Morisset de Rezay, qui ont aima- blement complété notre documentation.

Mon Berry... Mon Berry ! Je voudrais pouvoir rendre Tout ce qui sourd en moi d'un amour grand et fort...

HUGUES LAPAI RE - 1911

IMAGINONS qu'un homme - aujourd'hui centenaire - ait pu découvrir, par temps clair, de très haut, au début du siècle, à bord de ces fragiles «aéroplanes libellules» de l'époque, l'ensemble du paysage aérien du Berry dans sa belle diversité...

Et que, de nos jours, par le hublot de quelque « Jet » moder- ne, ce même homme embrasse d'un même coup d'œil les quel- ques 1 400 000 hectares de notre province...

Croyez-vous qu'à cette échelle-là, l'aspect général de la carte physique du Cher et de l'Indre ait tellement changé en cent ans ?...

Bien sûr, les taches claires des grandes cités se sont agrandies de zones industrielles et urbaines ; des voies rectilignes coupent les terres ; le remembrement a dépouillé quelques espaces de ses boqueteaux et de ses « bouchures » ; des cultures nouvelles de colza, de lin, de moutarde et de tournesol diversifient çà et là les tons du paysage.

Mais c'est bien peu, en vérité, que ces « retouches » dérisoi- res ! Il y a toujours comme autrefois, au milieu du tableau-plan découvert de là-haut, la très grande mosaïque blonde en camaïeu des pays céréaliers de la Champagne, et, comme l'a écrit Jacques des Gachons, « autour de ce grenier d'abondance, une large ceinture verdoyante » : au Nord, les côtes boisées du Pays Fort et de Valençay en Gâtine, les forêts de Châteauroux, de Chœur près d'Issoudun, de Meillant, de Vierzon, d'Allogny près de Bourges, d'Henrichemont... Au Nord-Est, les vignobles du Sancerrois ; au Nord-Ouest, les sapinières giboyeuses de Solo- gne ; à l'Ouest, les mille étangs de la Brenne ; à l'Est, les vallons du Saint-Amandois et la belle vallée de Germigny ; au Sud enfin, proches des rocailles marchoises, les « tailles » sombres du Boischaut et de la Vallée Noire...

Dans tout ce vert sinuent les tracés bleus des grands cours d'eau : une rive de fleuve, des rivières majeures et leurs affluents aux jolis noms chantants ; des eaux vives de ruisseaux...

Les chemins d'eau, tout droits, des canaux. Çà et là, fleuris- sent en groupe les toits gris-rose des villages, vers lesquels gravi- tent, en filets clairs, des réseaux de petites routes tortueuses et empierrées...

Non... Vu du ciel, rien n'a changé... ou presque ! C'est au ras du sol que se révèle la métamorphose... Dans la

vie des gens, dans leurs travaux, leur habitat, leur environne- ment, leurs contraintes, leur mentalité...

Et même là, est-ce une mutation si profonde qu'on le croit ? Ces paysans qu'on a « promu » ouvriers d'usine pour en éviter l'exode, n'ont-ils pas gardé une certaine nostalgie des champs ?

Car, n'en déplaise aux édiles qui veulent industrialiser à outrance et à tout prix cette terre, le Berry garde foncièrement une vocation agricole et sa survie n'est pas obligatoirement conditionnée par l'extension des Z.I.

Retrouvons ensemble, ami lecteur, cette vie d'un hier à la fois si lointain et si proche, où l'existence active d'un pays, hor- mis les « fabriques» de Vierzon, d'Issoudun, de Bourges et de Châteauroux, était encore rurale et artisanale... Où les gens, assis le soir sur le pas des portes, gardaient ce regard serein des gens laborieux mais heureux de vivre ; de vivre cette vie sim- ple proche de la nature dont rêvent certains jeunes d'aujour- d'hui...

A travers ce Berry d'antan, pays du « cœur de France », ce ne sera pas une promenade historique, ni un pélerinage littéraire que nous ferons ensemble... Ni un périple touristique suivant un « itinéraire recommandé ».

Nous n'irons pas de site en haut-lieu... De château en poterne, de cathédrale en basilique... Ce sont-là des témoins prestigieux d'un autre passé... Par-

fois, seulement, ils constituent le décor situant les « actes humains » découverts - ou retrouvés - le temps d'un livre...

Sur des tons divers où le didactique se mêle au familier vécu, aux échos des voix anciennes, aux « dits » émaillés de « parlures » rustiques, parfois rehaussés d'une pointe d 'humour attendri, je vous propose une série « bon enfant » : des « croquis à la plume » .

Scènes de travaux des champs, des vignes, des bois... Occu- pations quotidiennes à la ferme, à la boutique, à l'atelier.

Images de marchés, de foires et de fêtes. De coins de rues, de sorties d'écoles ou d'usines, de quais de

gares... D'assemblées corporatives, de cortège de noces, de défilés de

maîtres-sonneurs...

De pélerinages et « frairies » populaires... Et puis : des personnages, des visages... Des témoignages vivants, en somme, de tout un monde de

braves gens discrets et modestes, enracinés dans un pays aux aspects variés qui n'est ni pauvre ni prétentieux...

C'est du moins le portrait qu'en traçait en 1908 Gabriel Nigond,le bon poète de notre terroir dans ses « Contes de la Limousine » :

« Not' pays fait pas d'embarras Ya ni grands fleuv's ni grand's montagnes Ali' est douce et fraîch ' not' campagne Et /' Bon Dieu la prend sous son bras... »

Notre Berry n'est pas, loin s'en faut, un pays sec ! Le vent d'ouest venant de l'Atlantique y souffle souvent et y apporte ses pluies. C'est aussi un pays de vapeurs et de brumes...

En dehors des grands cours d'eau qui le côtoient ou le tra- versent, que de canaux, que d'étangs et de marais à gibier d'eau, que de rivières à truites, de ruisseaux à écrevisses et de « fonts » issues des sources vives !... Tout ce réseau maintient la fraîcheur des « boischauts » et la fertilité des terres en culture...

Entre Neuvy, proche de la Nièvre, et Cuffy, aux confins du Bourbonnais où elle reçoit au « Bec », l'hommage royal de l'Allier, la belle Loire nous accorde un baiser fugitif... Deux petits affluents berrichons, l'Aubois et la Vauvise, descendent jusqu'à elle depuis les plateaux de Champagne.

De la Porte César, sur la colline de Sancerre, on la découvre, tantôt immense, coulant à pleine eau entre ses rives à Saint- Thibault, tantôt ralentie par les sécheresses de la canicule, dis- persée en bras menus ruisselant parmi les bancs de sable blond...

Le Cher, de Mery-ès-Bois à Epineuil-Ie-Fleuriel est bien la rivière majeure de la province, arrosant sa capitale. Née en Com- braille, elle coule vers la Touraine où elle rejoindra Dame Loy- re... après avoir reflété les tours de cent châteaux. Il relie dans une belle courbe tendue de l'ouest au sud, les deux « boischauts » ; la traversée des plaines rend son cours, issu des montagnes, plus lent, plus régulier, plus ample. Il accueille en route la Marmande, l'Yèvre grossie de l'Auron, l'Arnon grossi de la Théols et de la Sinaize, le Fouzon grossi du Nahon et du Renon...

On peut malgré tout dégager des caractères communs, et même s'il n'a pas toutes les vertus que lui prêtait George Sand, il reste un homme de bon sens, prudent et avisé : un sage.

Sa lenteur n'est pas paresse, mais souci de bien faire. Son esprit d'économie n'est pas avarice. Son entêtement n'est que persévérance. Son apparente froideur n'est que timidité... Et avec cela, pas plus bête qu'un autre ; et susceptible d'un

durable attachement. Mme Aurore Sand vient d'écrire de lui :

« Le Berrichon est lent à comprendre, il est aussi sans enthousiasme, mais quand il a compris et quand il aime, c'est sérieux, et c'est jusqu'au fond de lui-même ».

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