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LAUTREAMONT-REECRITURES ET PARODIE
-I-RHAPSODIES
Définition du CNRL : Péj., vieilli. Ouvrage en vers ou en prose fait de morceaux divers, mal liés entre
eux. Prenant alors un ouvrage qui traitait de nos dernières campagnes, il l'a parcouru quelque temps,
puis l'a jeté, disant: « C'est une véritable rapsodie, un tissu de contresens et d'absurdités » (LAS CASES,
Mémor. Ste-Hélène, t. 2, 1823, p. 9).
-A-LES SOURCES
L’œuvre de Lautréamont, des Poésies aux Chants de Maldoror est faite d’emprunts et de citations.
Ces emprunts, réécritures et allusions sont explicites et constants :
Poésies :
Référence à Pascal qui décrit son projet dans ses Pensées : « J'écrirai ici mes pensées sans ordre,
et non pas peut-être dans une confusion sans dessein. C'est le véritable ordre, et qui marquera
toujours mon objet par le désordre même. Je ferais trop d'honneur à mon sujet, si je le traitais avec
ordre, puisque je veux montrer qu'il en est incapable".
Lautréamont quant à lui écrit : « J'écrirai mes pensées avec ordre, par un dessein sans confusion. Si
elles sont justes, la première venue sera la conséquence des autres. C'est le véritable ordre. Il
marque mon objet par le désordre calligraphique. Je ferais trop de déshonneur à mon sujet, si je ne le
traitais pas avec ordre. Je veux montrer qu'il en est capable".
Les Chants de Maldoror
-le titre oxymorique ( mal+aurore) :Les fleurs du Mal
-Le nom de l’auteur ( pseudonyme d’Isidore Ducasse) : « Lautréamont »référence au héros
d’Eugène Sue, Latréaumont.
-La référence aux « romans feuilletons » mis à la mode par la presse populaire au 19ème
siècle :
-Au début du Chant VI, compare son héros Maldoror à un « poétique Rocambole », héros de
Ponçon du Terrail
-achève certains de ses chants sur l’annonce d’un suspens, ou annonce une « suite » :fin VI «
un petit roman de trente pages »
-Référence au « chemin tortueux » (Chant I), chemin initiatique décrit par Dante dans la Divine
Comédie.
-Dans le même chant, référence au « livre qui brûle » évoqué dans L’Apocalypse par Saint Jean.
-« Je te salue, vieil Océan » « L’Homme et la Mer » de Baudelaire
-Ovide : Métamorphoses ( voir autoportrait du narrateur changé en bûche, en poulpe etc
-le topos, voir le poncif : la pieuvre, figure du Mal ( ou le poulpe) : apparaît dans Les Travailleurs de
la Mer de Hugo et Vingt mille lieues sous les mers de J.Verne , œuvres contemporaines de celle de
Lautréamont.
-B-LES GENRES ET LES REGISTRES
Emprunts ( parfois passagers) à différentes formes littéraires :
-Le chant , à caractère oral, à la façon d’Homère : dans l’Odyssée l’aède –le poète- se met en scène
chantant son poème de la même façon, l’aède se propose « sans être ému » ( ce qui prend le
contrepied du topos homérique) de déclamer son chant.
-Le roman gothique ( voir définition) : Maldoror est un vampire, un monstre, un héros en Mal et du
Mal…
-Le lyrisme : ode consacrée à l’océan
-l’autoportrait
-parfois, reprend le style du manuel médical ou scientifique dans la description précise de telle partie
du corps humain ou de tel animal ( la dindon…)
On soulignera l’accumulation, ainsi que le caractère hétéroclite de ces accumulations. Comme si
l’œuvre de Lautréamont était sans homogénéité, sans identité.
-II-UNE REMISE EN QUESTION DE LA LITTERATURE ET DE LA CREATION
-A-REVOLTE ET SUBVERSION
I. Ducasse met en scène un personnage subversif, criminel, hors normes.
L’œuvre est à l’image du héros.
Ducasse dédie ses Poésies à son ancien professeur de rhétoriques ainsi qu’à tous les professeurs qui
ont « du sang intellectuel » sur la conscience. Le projet de Lautréamont est donc bien celui d’un
révolté, mais surtout, s’inscrit dans le rapport maître à élève, qui sera interrogé et contesté dans la
parodie.
Contestation de ce qui le précède et dialogisme : il s’agit de s’inscrire dans une tradition et de prendre
position. Ainsi dans ses Poésies, Ducasse déclare vouloir « en finir » avec les poètes du « Moi » et de
l’intériorité.
La reprise déformante et parodique des « maîtres » accompagne une contestation des contenus :
détruit dans son ode à l’Océan l’idée d’une quelconque grandeur humaine, qui serait comparable à
l’infini de la mer, telle que la décrit Baudelaire.
Inverse systématiquement le sens des contenus : dans la parodie du « Roseau pensant », réécrit le
texte de Pascal en remplaçant chaque terme par son contraire conclut sur la « grandeur de
l’homme » : « L’Homme est un chêne »
Inverse une maxime de Vauvenargues (18ème
siècle, Réflexions et Maximes ) : «Ne comptez sur
aucun ami dans le malheur ». Chez Ducasse : « Dans le malheur, les amis augmentent ».(Poésies)
-B-UNE REMISE EN QUESTION DE LA LITTERATURE
-La multiplicité des emprunts chez Lautréamont souligne que tout a été dit et que le prétendu créateur
est sans originalité destruction de l’image du génie créateur, mis en place au siècle des
Romantiques. Lautréamont, dans toute son œuvre, apparaît comme un élève, un disciple, certes
contestataire mais incapable d’originalité.
-Défie toute possibilité d’écrire du « sens » :
-dit une chose et son contraire : l’homme est un surhomme ( Maldoror, héros sans limite morale),
l’homme est faible ( ode à l’Océan). Dans « L’Homme est un chêne », dit à la fois, en même temps ,
que l’homme est « fort » et faible…
-antilogie ( incohérence logique » : « J'écrirai mes pensées avec ordre, par un dessein sans
confusion. Si elles sont justes, la première venue sera la conséquence des autres. ». Comment
la première pensée peut-elle être la conséquence des autres ??? Peut-être, parce que tout ce que l’on dit
ayant été déjà dit ou étant le fruit du « préjugé », la première idée n’est-elle qu’imitation, ou résultat de
tout ce qui la précède, donc illusion de création et d’originalité.
-dit que dire le contraire d’un énoncé revient à dire la même chose !! Reportez-vous à la parodie de
Pascal, citée plus haut :
Pascal, Pensées : « J'écrirai ici mes pensées sans ordre, et non pas peut-être dans une
confusion sans dessein. C'est le véritable ordre, et qui marquera toujours mon objet par
le désordre même. Je ferais trop d'honneur à mon sujet, si je le traitais avec ordre, puisque je
veux montrer qu'il en est incapable".
Lautréamont : « J'écrirai mes pensées avec ordre, par un dessein sans confusion. Si elles
sont justes, la première venue sera la conséquence des autres. C'est le véritable ordre. Il
marque mon objet par le désordre calligraphique. Je ferais trop de déshonneur à mon
sujet, si je ne le traitais pas avec ordre. Je veux montrer qu'il en est capable".
En gras, phrase de sens équivalent, insérées dans un ensemble qui dit le contraire.
-Voir autoportrait : l’accumulation des métaphores, l’excès dans le processus de métamorphose aboutit
à la destruction de l’objet décrit, à son abolition.
-Dans la pratique outrancière et insensée de la digression, déclare perdre le fil Dernier Chant : «
Par cela même, me dépouillant des allures légères et sceptiques de l’ordinaire conversation, et, assez
prudent pour ne pas poser… je ne sais plus ce que j’avais l’intention de dire, car, je ne me rappelle
pas le commencement de la phrase ».
L’objet de l’énoncé est évanescent, sans intérêt puisqu’on l’oublie, comme dans une vulgaire
conversation.