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www.droit-tic.com Université de Montpellier 1 Faculté de Droit L’authenticité notariale électronique Mémoire présenté par Laurent Granier En vue de l’obtention du Diplôme Supérieur du Notariat Sous la direction de Monsieur Rémy Cabrillac, Professeur à l’Université de Montpellier I Membres du Jury : Monsieur Arnaud Raynouard : Professeur à l’Université des Sciences Sociales de Toulouse 1 Maître Année universitaire 2003-2004

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Université de Montpellier 1 Faculté de Droit

L’authenticité notariale électronique

Mémoire présenté par Laurent Granier En vue de l’obtention du Diplôme Supérieur du Notariat

Sous la direction de Monsieur Rémy Cabrillac, Professeur à

l’Université de Montpellier I

Membres du Jury : Monsieur Arnaud Raynouard : Professeur à l’Université des Sciences Sociales de Toulouse 1 Maître

Année universitaire 2003-2004

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Résumé : A l’heure du développement croissant du commerce électronique et des contrats à distance, la confrontation inéluctable de l’instrument probatoire traditionnel et exorbitant de droit commun que constitue l’acte authentique, aux enjeux et incertitudes des nouvelles technologies de l’information, participe d’une réflexion plus vaste sur la valeur et l’avenir de l’authenticité.

A cet égard, la profession notariale ne peut faire l’économie d’une analyse globale sur les assurances techniques et juridiques susceptibles de concilier la sécurité des parties, le respect des prescriptions légales et la nécessaire adaptation de la profession aux impératifs de la modernité. Mots-clefs : contrats - preuve - acte authentique - signature électronique – notaire

contracts – proof – authenticity – electronic signature – public notary

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Présentation générale Introduction Première partie : Evolution et perspectives de l’acte authentique dans le milieu notarial

A. L’acte authentique à travers son évolution dans le milieu notarial

1. Approche historique notariale: du Tabellion au cyber-notaire

2. Notion d’acte authentique notarié

B. L’acte authentique à l’épreuve du formalisme

électronique

1. Le formalisme électronique: l’adaptation du droit de la preuve aux nouvelles technologies

2. L’acte authentique dématérialisé

Deuxième Partie : La mise en œuvre pratique de la forme électronique pour les actes notariés

A. Le notaire, tiers de confiance des échanges

électroniques

1 Introduction à la cryptologie asymétrique

2 Tiers de confiance et « notarisation » des échanges

B. La pratique notariale face aux nouveaux outils informatiques

1. Les conséquences pratiques de l’adoption du support électronique

pour les actes authentiques

2. Une évolution inscrite dans un processus global d’informatisation

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Université de Montpellier 1 Faculté de Droit

L’authenticité notariale électronique

Mémoire présenté par Laurent Granier En vue de l’obtention du Diplôme Supérieur du Notariat

Sous la direction de Monsieur Rémy Cabrillac, Professeur à

l’Université de Montpellier I

Membres du Jury : Monsieur Arnaud Raynouard : Professeur à l’Université des Sciences Sociales de Toulouse 1

Maître

Année universitaire 2003-2004

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A mes parents,

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Plan détaillé Introduction Première partie : Evolution et perspectives de l’acte authentique dans le milieu notarial

A. L’acte authentique à travers son évolution dans le milieu notarial

1. Approche historique notariale: du Tabellion au cyber-

notaire

1.2 Le scribe antique, témoin privilégié de l’accord des volontés 1.3 Du notaire féodal à la loi de Ventôse

1.4 L’authenticité notariale moderne

2. Notion d’acte authentique notarié

2.1 Fondements de l’authenticité

2.2 Définition de l’authenticité

2.2.1 Conditions de l’authenticité 2.2.1.1 Titre établi par un officier public

2.2.1.1.1 Présence d’un titre

2.2.1.1.2 Diversité des officiers publics 2.2.1.1.3 Délégation de pouvoirs

2.2.1.2 Compétence de l’officier public 2.2.1.2.1 Compétence ratione materiae

2.2.1.2.2 Compétence ratione loci 2.2.1.3 Solennités requises 2.2.1.3.1 Formalités de rédaction

2.2.1.3.2 Formalités de réception 2.2.1.3.3 Point de vue critique sur le formalisme

2.2.2 Effets de l’authenticité

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2.2.2.1 Justifications de la forme authentique

2.2.2.2 Force probante 2.2.2.3 Force exécutoire

2.3 Critère de l’authenticité

B. L’acte authentique à l’épreuve du formalisme

électronique

1. Le formalisme électronique: l’adaptation du droit de la preuve aux nouvelles technologies

1.1 Le contexte international : la réglementation du commerce

électronique

1.1.1 L’impulsion supranationale : le projet CNUDCI

1.1.2 L’harmonisation communautaire: la Directive du 13 Décembre 1999

1.1.2.1 Le formalisme et l’authenticité mis à l’index de la

Directive 1.1.2.2 La reconnaissance de la valeur légale des

signatures électroniques 1.1.2.3 Les attributions légales concernant les

Prestataires de Service de Certification

1.2 Le contexte français : la loi sur la signature électronique du 13 mars 2000

1.2.1 L’inadaptation du droit français de la preuve 1.2.2 L’apport de la réforme législative française

1.2.2.1 La loi du 13 mars 2000 1.2.2.2 Le Décret d’application du 30 mars 2001 1.2.2.3 Le projet de Loi sur la Société de l’Information (LSI) et la question des écrits ad validitatem

2. L’acte authentique dématérialisé

2.1 L’art 1317 civ. et le décret sur l’acte authentique 2.2 La limite des actes authentiques solennels 2.3 Le débat doctrinal sur le critère de l’authenticité relancé 2.4 Une proposition : la réception intellectuelle de l’acte 2.4.1 Intérêt de la réflexion

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2.4.2 La réception intellectuelle : une réception imparfaite ?

2.4.3 De la signature à la marque du conseil responsable Deuxième Partie : La mise en œuvre pratique de la forme électronique pour les actes notariés

A. Le notaire, tiers de confiance des échanges

électroniques

1 Introduction à la cryptologie asymétrique

1.1 Notion de cryptologie

1.2 Cryptologies symétrique et asymétrique

1.2.1 Cryptologie symétrique (ou à clef unique)

1.2.2 Cryptologie asymétrique (ou à clef publique)

1.3 Principes de fonctionnement de la cryptologie

asymétrique

1.3.1 Le cryptage du message électronique par la bi-clef

1.3.2 Le cryptage de la signature électronique par la bi-clef

1.4 Réglementation de la cryptologie

1.4.1 Les initiatives internationales 1.4.2 La réglementation française

2 Tiers de confiance et « notarisation » des échanges

2.1 Notion de tiers de confiance

2.2 Conditions de la certification

2.2.1 Les conditions de la certification au regard de la signature électronique

2.2.2 Les conditions de la certification au regard de la réglementation de la cryptologie

2.3 Fonctionnement de la certification

2.3.1 Création du certificat électronique 2.3.2 Signature et transmission du message

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2.3.3 Déchiffrement du message à partir du certificat

2.4 Responsabilité liée à la certification

2.5 Certification et « notarisation »

2.5.1 L’horodatage 2.5.2 La resignature 2.5.3 L’exemple québécois : le notaire

agent-certificateur des signatures électroniques 2.5.3.1 Un cadre législatif précurseur 2.5.3.2 La mise en œuvre de l’Inforoute notariale québécoise

2.6 Les réseaux notariaux français, supports de la

communication électronique

2.6.1 Le réseau national mis en place par le Conseil Supérieur du Notariat : l’Intranet REAL 2.6.2 Le réseau de la Chambre des Notaires de Paris : De l’Intranot à l’Extranot…

2.7 L’authentification numérique des actes

2.7.1 Le certificat authentique : une garantie

accrue pour les actes sous-seings privés

2.7.2 L’authentification numérique des actes : La garantie de l’application du devoir de conseil

B. La pratique notariale face aux nouveaux outils

informatiques

1 Les conséquences pratiques de l’adoption du support électronique pour les actes authentiques

1.1 En présence de toutes les parties

1.2 En l’absence d’une ou plusieurs parties

1.2.1 La procuration

annexée à l’acte 1.2.2 La technique de

l’offre-acceptation ou

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pollicitation électronique

1.2.3 Exemple d’un acte à distance

2 Une évolution inscrite dans un processus global

d’informatisation

2.1 La normalisation de l’activité notariale

2.1.1 La normalisation de l’acte notarié par l’électronique

2.1.2 La normalisation du service notarial

2.2 L’informatisation des services administratifs

2.2.1 L’informatisation des Conservations des Hypothèques

2.2.2 L’informatisation des services du cadastre

2.2.3 L’informatisation des greffes des Tribunaux de commerce

2.3 L’archivage numérique des actes

Annexes :

Directive 1999/93/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 1999, sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques

Loi n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la

preuve aux technologies de l'information et relative à la signature électronique

Décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 pris pour l'application de l'article

1316-4 du code civil et relatif à la signature électronique

Décret n° 2002-535 du 18 avril 2002 relatif à l'évaluation et à la certification de la sécurité offerte par les produits et les systèmes des technologies de l'information

Projet de Loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique (extrait),

déposé à l’Assemblée Nationale le 15 janvier 2003,

Formulaire type - Chambre des notaires du Québec : Demande d’émission de la signature numérique d’un membre de l’Ordre

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BBIIBBLLIIOOGGRRAAPPHHIIEE Références générales :

Congrès des Notaires de Lyon, Liberté contractuelle et sécurité juridique, 17-20 mai 1998. Congrès du Mouvement du Jeune Notariat, Cancun 2003, L’acte authentique, une minute dans l’air du temps, 3-11 octobre 2003. Juris-Classeur Notarial, Formulaire, Edition CD-Rom 2001.

La Semaine Juridique, édition Notariale et Immobilière, recueil CD-Rom 1995-1999.

Recueil Dalloz, 2000, édition CD-Rom. Répertoire du Notariat Defrénois, recueil CD-Rom, 1990-2000. Revue Communication-Commerce Electronique. Revue Droit et Patrimoine.

Travaux réalisés dans le cadre de l’association Rencontres Notariat-Université (ARNU):

Modernité de l’authenticité, 2èmes rencontres Notariat-Université,

Universités Panthéon-Sorbonne (Paris I) et Panthéon-Assas (Paris II), 26 octobre 1992, compte-rendu publié aux Petites Affiches n° 77 du 28 juin 1993

Vers l’authenticité électronique, 10èmes rencontres Notariat-

Université, Chambre interdépartementale des notaires de Paris, 11 décembre 2000, compte-rendu publié aux Petites Affiches n°65 du 2 avril 2001.

Ouvrages généraux : AUBRY, RAU, Cours de droit civil français, Litec, t. XII, 6e éd. par P. ESMEIN, t. VI, 7e éd. par A. PONSARD et N. DEJEAN DE LA BATIE BEUDANT, LEREBOURS-PIGEONNIÈRE, Cours de droit civil français, t. IX, 2e éd. par LAGARDE et PERROT

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J. CARBONNIER, Droit civil : Thémis, t. 4, Les obligations, 12e éd COLIN, CAPITANT, Cours élémentaire de droit civil français, t. 2, 11e éd. par M. JULLIOT DE LA MORANDIÈRE J. FLOUR, J.L. AUBERT, Droit civil, Les obligations : vol. 1, L'acte juridique,

1986 GENY, Sciences et techniques en droit privé positif français, t. 3 GHESTIN, GOUBEAUX, Traité de droit civil : Introduction générale, 2e éd., L.G.D.J D.GRILLET-PONTON, L’acte notarié : un nouveau souffle consumériste et technologique, JCPN 2001, n°30-35 M. MARTY, P. RAYNAUD, Droit civil : t. 1, 2e éd H., L. et J. MAZEAUD, Leçons de droit civil, éd. Montchrestien, t. 1, vol. 1, 6e éd. par CHABAS, t. 2, vol. 1, 7e éd. par CHABAS, t. III, vol. 2, 5e éd. par DE JUGLART PLANIOL, RIPERT, Traité pratique de droit civil français, t. VII, 2e éd. par G. GABOLDE RIPERT, BOULANGER, Traité de droit civil : t. II, Les obligations, 1957 RIPERT, ROBLOT, Traité de droit commercial : t. 1, 11e éd., L.G.D.J B. STARCK, Droit civil, Introduction : Litec WEILL, TERRÉ, Droit civil : Les obligations, 4e éd., 1986

Etudes particulières et articles de doctrine réalisés autour de l’authenticité notariale et de son adaptation aux nouvelles technologies de l’information :

A. ABOUKORIN, L'obligation de renseignement et le conseil dans l'exécution

des contrats : thèse Dijon, 1989 J. ALISSE, L'obligation de renseignement dans les contrats : thèse Paris, 1975 N. ARAUD, Le rescision pour lésion et le contrat aléatoire : thèse Toulouse, 1941 J.-L. AUBERT, Le droit pour le créancier d'agir en nullité des actes passés par son débiteur : RTD civ. 1969, p. 692 s ; le formalisme, Defrénois 2000, art. 37213.

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BONJEAN, Le droit à l'information du consommateur in L'information en droit privé: LGDJ 1978, p. 347 H. BOSVIEUX, Plaidoyer pour la rénovation de l’acte authentique, JCP N 1981, Doctrine, I, p 391.

E. CAPRIOLI, La loi française sur la preuve et la signature électroniques dans la perspective européenne, JCP G 2000, n°18, p 787. P. CATALA, Le formalisme et les nouvelles technologies, Defrénois 2000, art. 37210. L. CHAINE, L'authenticité et le notariat : J.C.P. 85NI, 125 s F. CHAMOUX, La loi du 12 juillet 1980 : une ouverture vers de nouveaux moyens de preuve : J.C.P. 81NI, 266 s C.CHARBONNEAU et F-J PANSIER, Commentaire du décret du 31 mars 2001 sur la signature électronique, Petites affiches, 6 avril 2001, n°69 COUTURIER, La confirmation des actes nuls, thèse Paris, 1969; DECOTTIGNIES, L'erreur de droit : RTD civ. 1951, p. 309 s. DE JUGLART, L'obligation de renseignement dans les contrats : RTD civ. 1945, p. 60 s. DEMENTHON, Des contrats en la forme administrative : D. 1946, chr. 18 M. FABRE-MAGNA, De l'obligation d'information dans les contrats, Essai d'une théorie : LGDJ 1992

J. FLOUR, Sur une notion nouvelle de l'authenticité (commentaires de la loi du 26 novembre 1971) : Defrénois 1972, art. 30159, p. 977 s. P.Y GAUTIER et X. LINANT DE BELLEFONDS, De l’écrit électronique et des signatures qui s’y attachent, JCP G, 14 juin 2000, p. 1116. J. GHESTIN, La réticence, le dol et l'erreur sur les qualités substantielles : D. 1971, chron. p. 247 M. GRIMALDI et B. REYNIS, L’acte authentique électronique, Defrénois 2003, n°17, art. 37798. L. GRYNBAUM, La consécration de l’écrit et de la preuve électronique au prix de la chute de l’acte authentique, revue Communication Commerce Electronique, avril 2000, p 14 ; La preuve littérale et la signature à l’heure de la communication électronique, Revue Communication-Commerce Electronique, Nov. 1999, p 10

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HAUSER, Objectivisme et subjectivisme dans l'acte juridique : LGDJ 1971 J. HUET, Vers une consécration de la preuve et de la signature électroniques, Recueil Dalloz 2000, Chron.p95 Th. IVAINER, La lettre et l'esprit de la loi des parties : J.C.P. 81, éd. G, I, 3023; Le magnétophone, source ou preuve de rapports juridiques en droit privé : Gaz. Pal. 1966, 2, doctr. 91 JOURDAIN, Le devoir de se renseigner, contribution à l'obligation de renseignement : D. 1983, chron. p. 139 KLEIN, Aléa et équilibre contractuel dans la formation du contrat de vente : RTD civ. 1979, p. 13 s. I. De LAMBERTERIE, Les actes authentiques électroniques, Réflexion juridique prospective, Mission de recherche « Droit et Justice », La Documentation française, 2002.

LAPEYRE, L'authenticité : J.C.P. 70GI, 2365 R. LEGEAIS, Les règles de preuve en droit civil : thèse Poitiers 1955 Ph. LE TOURNEAU, De l'allègement de l'obligation de renseignement ou de conseil : D. 1987, chron. p. 101 X. LINANT de BELLEFONDS, L’acte authentique électronique, entre exégèse des textes et expérimentation, Communication - Commerce Electronique, Octobre 2002, p 9. LOHEAC, La reconstitution des registres de l'état civil par le procédé photographique : J.C.P. 53, I, 1071 Ph. MALINVAUD, L'impossibilité de la preuve écrite : J.C.P. 73NI, 2463, De l'erreur sur la substance : D. 1981, chron. p. 49; La protection des consommateurs : D. 1981, chron. p. 49 D. MATHY, rapport « Technologies émergentes, notariat et mondialisation », in La sécurité juridique à l’épreuve de la mondialisation, Mouvement du Jeune Notariat, 31ème Congrès, Pompadour 2000, 3ème partie ; S. MERCOLI, Incertitude sur la date des actes sous seing privé, JCP N 12 janvier 2001, n°2, p 44. G. MORIN, Les nouvelles règles de forme des actes notariés : Defrénois 1972, art. 30035, p. 65 s. P.E NORMAND, « la loi, le contrat et l’acte authentique », JCPN 1990, p 359.

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Th. PAGNON, Les missions du notaire et l’informatique, mémoire DEA Informatique et Droit, Montpellier, 1994-1995 Y. PICOD, L'obligation de coopération dans l'exécution du contrat : JCP 1988GI, 3318 Th. PIETTE-COUDOL, Echanges électroniques certification et sécurité, Editions Litec, collection Maîtriser. J-F PILLEBOUT et J. YAIGRE, Droit professionnel notarial, collection pratique notariale, cinquième édition, 2000, Litec. PIZZIO, L'introduction à la notion de consommateur en droit français : D. 1982, chron. p. 91 J-P POISSON, Notaires et société, Travaux d’Histoire et de sociologie notariales, 1985, ed. Economica ; Etudes Notariales, 1996, ed. Economica. A. RAYNOUARD, Adaptation du Droit de la preuve aux technologies de l’information et à la signature électronique, Defrénois, 30 mai 2000, art. 37174. A. RAYNOUARD, Sur une notion ancienne de l’authenticité : l’apport de l’électronique, Défrénois 2003, n° 18, p 1117, art. 37806. B.REYNIS, Signature électronique et acte authentique : le devoir d’inventer…, JCPN 2001, n°41, p 1494. G. ROUZET, Précis de déontologie notariale, Collection Pratique notariale, éd. 1999 J. SAVATIER, note sous Cass. civ. I, 20 juill. 1953 : J.C.P. 53, II, 7813 R. SAVATIER, Les métamorphoses économiques et sociales du droit civil d'aujourd'hui : 3e éd. tome I, Dalloz TOURNAFOND, Les prétendus concours d'actions et le contrat de vente (erreur sur la substance, défaut de conformité, vice caché) : D. 1989, chron. p. 217 J. B. VEAUX, Sélection des actions de l'acheteur : Contrats, conc., consom.

1993, chron. p. 91 VIATTE, La preuve des actes juridiques : Gaz. Pal. 1980, 2, doctr. 581 M. VION, Les modifications apportées au droit de la preuve par la loi du 12 juillet 1980 : Defrénois 1980, art. 32470, p. 1329 s. G. VIVIEN, De l'erreur déterminante et substantielle : RTD civ. 1992, p. 305 s.

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Liens Internet: Sites juridiques généralistes : http://www.legifrance.gouv.fr L’essentiel de la législation française

http://www.lex-electronica.org http://www.juriscom.net http://www.droit-ntic.com http://www.actoba.com http://www.laportedudroit.com http://www.internet.gouv.fr/ et http://www.justice.gouv.fr/

http://www.assembleenationale.fr et http://www.senat.fr

http://www.lafirmadigital.org

Sites relatifs au Notariat et aux nouvelles technologies :

http://www.notaires.fr Le site officiel du Conseil Supérieur du Notariat

http://www.congres-notaires.com Le site des Congrès des Notaires http://www.france-notaire.com Portail des notaires de France http://www.jeune-notariat.com Mouvement du Jeune Notariat http://www.premier-ministre.gouv.fr Dossier technique et juridique concernant les dispositifs de signatures électroniques http://www.scssi.gouv.fr Services du Premier Ministre rattachés à la gestion des procédés de signature électronique http://www.intranot.fr Le site d’information notariale développé par le CRIDON de Lyon http://www.onb-france.com site de la SCP Grasset-De Benoist de la Prunarède, Baillargues (Hérault), 1ère étude notariale certifiée à la norme ISO 9002, dont le site Internet est très fourni.

http://www.univ-tlse1.fr/recherche/colloques/2000/ContratElectronique/Reynis.html

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Intervention de Me Reynis, Président de la Chambre des Notaires de Paris dans le cadre du colloque « LE CONTRAT ELECTRONIQUE » organisée le vendredi 26 mai 2000 par la faculté des Sciences sociales de Toulouse 1

http://www.gip-recherche-justice.fr/dossiers/loipreuve.htm Rapport du groupe de travail GIP sur la signature électronique http://signelec.ifrance.com/signelec/ Site de Sofian Azzabi consacré à la signature électronique http://www.internet-juridique.net/cryptographie.html Dossier sommaire expliquant les procédés de cryptographie et leurs réglementations spécifiques.

http://www.finances.gouv.fr/commerce_electronique/lorentz/forum.htm Rapport du Ministère des Finances sur le commerce électronique et la certification des échanges. http://www.notaire.be/ Le site de la fédération royale des notaires de Belgique http://www.cdnq.org et http://www.notarius.net Sites de la Chambre des notaires du Québec et de l’Inforoute notariale québécoise. http://www.cyberdoc.at Le site du minutier central mis en œuvre par le notariat autrichien.

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Introduction

Lex est quod notamus1…

La pertinence contemporaine de cette maxime multiséculaire semble

aujourd’hui cristalliser toute l’effectivité sociale et juridique de l’institution notariale, telle que développée dans les pays de tradition juridique romano-germanique : En effet, à l’heure où les échanges économiques mondiaux sont profondément bouleversés par l’utilisation des réseaux de télécommunication (Internet, Intranets, contrats à distance…) et où la fiabilité technologique et organisationnelle2 vise à remplacer peu à peu l’assistance éclairée du professionnel-spécialiste, il apparaît que l’authenticité notariale originelle voie de fait une partie de ses prérogatives traditionnelles remises en cause.

Ce rôle de témoin privilégié des parties, d’éclaireur avisé et responsable de leurs engagements, en un mot de juge de la conciliation et d’authentificateur du contrat accordé à l’officier public notarial, semble ainsi devoir recevoir une nouvelle concurrence face à l’émergence récente des nouveaux modes de contractualisation dématérialisés.

Ces derniers, le plus souvent d’inspiration anglo-saxonne, reposent essentiellement sur une intégrité et une fiabilité formelles (garanties par les procédés techniques les plus divers : cryptologie, signatures électroniques, usage de réseaux fermés…), ou sur le recours à de nouveaux intermédiaires, « agents de confiance » du contrat à distance plus que véritables arbitres, les tiers-certificateurs, improprement qualifiés de « notaires électroniques ».

Faut-il pour autant « sacrifier l'authenticité à l'électronique » comme le

redoutait le Professeur P.Catala3 ? La question ne nous paraît pas absolument d’actualité aujourd’hui tant les garanties de l’authenticité, que nous analyserons plus avant dans cette étude, sont essentielles à plus d’un titre :

D’abord, au point de vue de la stabilité juridique et sociologique apportée,

l’acte authentique notarié se révèle comme un formidable vecteur de sécurité, puisque moins d’un acte sur 2000 (soit 0,05 %) donne naissance à un contentieux.

La présence physique du notaire, manifestation de l’application de son devoir de conseil, demeure donc toujours à l’heure actuelle un facteur essentiel de stabilité juridique et de garantie du processus contractuel. Ce résultat tout à fait exceptionnel

1 « Ce que nous écrivons a force de loi » Devise du Notariat Latin. 2 On pensera aux procédures de normalisation, de certification. 3 P.Catala, Le formalisme et les nouvelles technologies, Defrénois 2000, art. 37210, n° 18.

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se justifie à nos yeux tout autant par la force probante et la force exécutoire attachée au titre authentique par la loi, que par les qualités intrinsèques du service notarial. Me Jean-Marc Poisson4 a ainsi précisé les composantes d’un tel « label de qualité », qui résident essentiellement en « une écoute attentive des intentions de parties, un conseil éclairé veillant à l’équilibre et à la légalité de la convention, une rédaction précise et rigoureuse alliant les clauses spécialement adaptées et les formules éprouvées, et enfin la signature par le notaire qui donne au contrat son caractère définitif et lui confère l’authenticité immédiate ».

Ensuite, il apparaît que l’authenticité diffuse ses effets tant au plan de la paix

sociale (le notaire, officier public, veille à la légalité des actes qu’il identifie, en garantit la légalité en engageant sa responsabilité et constitue un collecteur d’impôt dont le rôle n’est pas négligeable), que sur les plans économiques, sociologiques voire psychologiques (le rôle de médiation au sein de la structure familiale lors des successions ou des partages n’est pas mesurable, mais il constitue souvent un facteur d’apaisement déterminant dans la résolution des conflits).

Néanmoins, il nous semble indispensable de préciser que le Notariat latin

dans son ensemble ne peut dès à présent faire l’économie d’une réflexion approfondie sur l’avenir de cette prérogative dont il est l’un des dépositaires au même titre que les autres officiers publics (huissiers de justice, commissaires priseurs, etc..), de ses modalités et de son efficacité à l’échelon international, et qu’il se doit sans doute d’adapter aux exigences de la modernité.

C’est dans cette perspective que nous proposerons modestement une

contribution à la réflexion sur l’authenticité du XXIème siècle, déjà évoquée par d’éminents auteurs, en s’interrogeant sur la pertinence d’une réception plus intellectuelle de l’acte authentique, préfigurant sa dématérialisation. Car si ces questions peuvent apparaître encore abstraites au praticien, ne doutons pas de leur importance cruciale dans le futur, tant il paraîtra très certainement difficile d’imaginer signer et conserver une minute sur papier d’ici quelques dizaines d’années, lorsque l’écrit électronique sera totalement assimilé au papier, ou mieux au seul écrit en tant que tel.

A cet égard, il conviendra de conserver à l’esprit tout au long de notre exposé ces quatre questions formulées par le Professeur Catala dans sa perception de l’authenticité notariale électronique : « Qu’est ce qui est indispensable à l’authenticité ? Qu’est-ce qui est incompatible avec le traitement électronique ? Peut-on admettre des équivalents fonctionnels aux manuscrits ?

4 Me J-M Poisson, Modernité de l’authenticité : prospective, in ARNU 1992, préc., p 24.

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Peut-on renoncer à certaines solennités ou les transformer sans altérer l’authenticité et amoindrir la foi de l’acte authentique ? »

C’est autour de ces enjeux majeurs pour la profession notariale, et plus

généralement, pour l’équilibre hiérarchique probatoire mis en œuvre par le Code civil (au sommet duquel trône l’acte authentique), qu’il conviendra de s’interroger successivement sur l’évolution et les perspectives de l’acte authentique dans le milieu notarial (1ère partie), avant d’envisager ensuite la mise en œuvre pratique de la forme électronique pour les actes notariés au sein de l’informatisation de la profession (2ème partie) :

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Première partie : Evolution et perspectives de l’acte authentique dans le milieu

notarial

« A côté des fonctionnaires qui concilient et qui jugent les différends, la tranquillité appelle d’autres fonctionnaires,

qui, conseils désintéressés des parties, aussi bien que rédacteurs impartiaux de leurs volontés, leur faisant

connaître toute l’étendue des obligations qu’elles contractent, rédigeant ces engagements avec clarté, leur

donnant le caractère d’un acte authentique et la force d’un jugement en dernier ressort, perpétuant leur souvenir et

conservant leur dépôt avec fidélité, empêchent les différends de naître entre les hommes de bonne foi, et

enlèvent aux hommes cupides, avec l’espoir du succès, l’envie d’élever une injuste contestation.

Ces conseils désintéressés, ces rédacteurs impartiaux,

cette espèce de juges volontaires qui obligent irrévocablement les parties contractantes,

sont les notaires:

cette institution est le notariat. »

Conseiller d’Etat Réal, prélude à l’exposé des motifs de la loi de Ventôse5

5 Sirey, Lois annotées, Vol. 1789-1830, p.623, note 2.

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nstrument juridique indissociable de l’officier ministériel, l’acte authentique s’est révélé au fil des siècles comme un élément majeur de sécurité juridique sous l’effet conjugué des solennités qui le caractérisent et de la qualité de son auteur (A).

En ce sens, la récente réforme du droit de la preuve visant à adapter les différents modes probatoires à l’émergence des nouvelles technologies de l’information s’attache à préserver pour l’essentiel les dispositions civiles jusqu’alors en vigueur dans le droit positif, non sans laisser entrevoir de nombreuses incertitudes sur l’authenticité du nouveau millénaire (B) :

I

A. L’acte authentique à travers son évolution dans le milieu notarial :

1. Approche historique notariale : du Tabellion au cyber-notaire L’Histoire est, comme pour la plupart des sciences humaines, une source

intarissable d’éclaircissements sur la nature propre, mais aussi sur l’évolution des phénomènes et structures juridiques. C’est à cet égard à l’ombre de son déroulement qu’il conviendra d’appréhender la naissance et l’essor de l’authenticité notariale.

Dans cette perspective, il s’agira de relever, au fil des siècles, l’émergence des différents critères constitutifs de l’acte authentique, en tant que dispositif de preuve préconstituée, pérenne, irréfragable et exécutoire selon l’analyse judicieuse d’un auteur6.

1.2 Le scribe antique, témoin privilégié de l’accord des volontés :

Il faut rechercher l’origine de l’authenticité notariale au plus profond de l’Histoire humaine, dans la mesure où, très tôt, les peuples antiques se sont efforcés de recourir à un arbitrage solennel, incarné par un témoin prenant un caractère plus ou moins officiel, au mieux une qualité d’arbitre. Pour autant, les premiers récits bibliques ne témoignent que timidement du souci d’un recours efficace à un juge de la conciliation : seules demeurent en place, tout au long de ces périodes, des coutumes précaires, éparses et hétéroclites telles

6 Alain Moreau, L’histoire de l’authenticité, Deuxièmes rencontres Notariat-Université, Petites Affiches du 28 juin 1993, n°77.

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que l’échange de vêtements opéré en public7 ou la conservation des documents par la mise en jarre.

Au delà de cette diversité, le développement des civilisations s’accompagne toutefois de nouvelles exigences : ainsi, l’apparition des premiers systèmes d’écritures cunéiformes, symbolisée par le code d’Hammourabi en Mésopotamie (dont on situe l’origine à environ 1730 avant J-C.) aura t-elle largement contribué dans le bassin Méditerranéen à l’émergence sociale des scribes, témoins privilégiés officiant dans les temples.

Ces lointains ancêtres des notaires sont nécessairement des érudits car ils

doivent choisir et trier parmi les milliers de possibilités de sens offertes par les quelques 500 signes à valeurs pluri-syllabiques de l’écriture babylonienne ou assyrienne. Par ailleurs, ils disposent déjà de prérogatives nettement développées pour l’époque telles que l’apposition d’un cachet sur leurs actes, qui seront gravés dans l’argile de leurs tablettes encore humides. Ces dernières seront ensuite séchées au soleil et cuites au four avec, dès cette époque et selon les lieux, la possibilité d’un affichage public pour en informer les tiers.

La brillante civilisation égyptienne devait poursuivre ce cheminement en

faisant profiter les scribes en place des évolutions techniques parmi lesquelles l’apparition du papyrus et du calame marquent un tournant majeur. La qualité de témoin privilégié reconnue au scribe demeure pourtant aux vues des actes de droit privé de l’époque, de valeurs et de contenus assez inégaux8. La nécessité de conférer un nouveau rôle de « juge du contrat » au scribe ne se manifestera donc qu’à travers la pérennité de la civilisation grecque antique, au sein de laquelle les philosophes bâtirent les premières fondations de l’Etat de droit démocratique et moderne, dans un contexte juridique profondément bouleversé par l’apparition de l’alphabet (dès le 11ème siècle avant J-C.): C’est en effet au cours de cette période que la véritable préoccupation de sécurité juridique des transactions privées s’est matérialisée, sous la plume notamment d’Aristote : «Une autre magistrature procède obligatoirement à l’enregistrement des contrats privés.»9

De plus, c’est dans la force donnée aux actes dressés par ce nouveau juge du contrat qu’il faut rechercher l’évolution capitale : en effet, il est alors préconisé que l’acte fasse foi par lui-même à l’égard des parties comme des tiers, et nonobstant tout témoignage contraire de nature à en contester la véracité.

Il s’agit là, à nos yeux, d’un pas décisif dans la reconnaissance de l’authenticité véritable puisque les notions de force probante et de force exécutoire y sont nécessairement contenues en germes : c’est le document en tant que tel, c’est-à-dire, fiable par nature et par la qualité de son rédacteur qui se voit conférer une 7 Genèse, Ruth, Jérémie. 8 Voir en ce sens la Galerie du Musée du Caire ainsi que la collection égyptienne du Louvre. 9 Politique, livre VI, Chapitre 7.

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valeur probatoire supérieure ; cette même qualité de juge du contrat assurant en outre les parties de la force de chose jugée.

Pour autant, l’effectivité de telles aspirations requerrait inévitablement la mise en place de dispositifs fiables de conservation des documents. L’instauration de registres officiels tenus par des professionnels relatant notamment les différents transferts immobiliers en est un exemple majeur: la publicité foncière, si essentielle encore aujourd’hui à l’information et à la sécurité des tiers, était née… La Rome Antique devait, en cette matière comme pour beaucoup d’autres structures et modèles d’organisations sociales, s’inspirer largement du modèle Grec pour le moderniser… sur le tard :

Les écrits de droit privé étaient tout d’abord rédigés par des notarii, esclaves ou affranchis, dont la qualité première était de retranscrire au plus vite les désirs des parties, en s’aidant notamment d’une sorte de sténographie dénommé « notes tironiennes » du nom de son inventeur Tiron, notaire et grammairien. L’intervention des véritables juristes dans la rédaction ne se faisait alors que ponctuellement, au gré des difficultés rencontrées.10 Il fallut ainsi attendre l’Empire et le développement économique et technique qui l’accompagna pour retrouver la primauté de l’écrit sur le témoignage, évoquée plus haut.

Sur le plan du droit public, l’héritage politique Grec devait ensuite constituer le terreau de l’ émergence du Tabellion11 romain (du nom des tablettes de cire ou tabellae utilisées à l’origine pour noter), rédacteur d’actes publics sur le forum. Si, à l’origine, il établit des testaments, contrats et requêtes à l’Empereur, ce personnage représente en réalité la vox populi ou plutôt l’audio populo au sens le plus brut du terme dans la mesure où son témoignage n’atteste de la vérité des faits qu’après reconnaissance préalable de son écriture (on pense ici aux prémices de la procédure de dépôt d’un acte sous-seings privés au rang des minutes d’un notaire avec reconnaissance d’écriture et de signature). Pour autant, il demeure un officier public12 au sens strict du terme sans se voir reconnaître la qualité de fonctionnaire de l’Empire, ce qui le rapproche encore un peu plus du notaire actuel. Il ne s’agit toutefois nullement en la matière de conférer une quelconque force directe aux actes signés par les tabellions dans ces circonstances, car le seul caractère public de l’acte suffisait à obtenir sa publication auprès des archives publiques où, après la procédure judiciaire de l’ « insinuato »13 le caractère authentique leur était reconnu (on parle alors de la « fides publica », reprise en droit espagnol sous l’appellation « fe publica »). A l’issue de la procédure, il était enfin procédé à la délivrance d’expéditions par le greffier (procédure d’ « editio »). Peu à peu néanmoins, sous l’influence successive des Empereurs Constantin et Léon, la notion d’ « instrumentum publice confectum » apparaît comme devant être réservée aux seuls officiers publics, et se voit reconnaître outre la pleine fides

10 Cicéron, De Oratore.. 11 J. Michot, Origines du notariat, Paris 1878, t. I, p. 57, 132, 278 s. 12 La Constitution de Constantin de 316 parle d’ « officia tabellionum ». 13 Sur la procédure d’ insinuato, cf. Alain Moreau, L’histoire de l’authenticité, préc. , p 6

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publica évoquée plus haut, une prédominance sur les actes privés notamment en matière hypothécaire14. Signalons enfin l’influence de l’Empereur Justinien qui, dans les années 530, prit le parti de réglementer plus précisément la fonction de tabellion dans l’Empire romain d’Orient : ainsi, dans une novelle n°44 intitulée « Au sujet des tabellions », exige t-il la présence physique effective de ce dernier lors de la passation des actes (condition centrale de l’authenticité actuelle comme nous l’étudierons plus loin15), et permet-il la délégation de son autorité à un substitut (prélude à l’habilitation des clercs actuellement en vigueur).

A défaut de celui d’authentificateur le rôle originaire de témoin privilégié du notaire est consacré…

1.3 Du notaire féodal à la loi de Ventôse : La chute de Rome devait laisser place, quelques siècles plus tard, au monde carolingien au sein duquel les notaires se voient confortés dans leur rôle de juges des contrats (« judices cartulari »16), même si l’effectivité de leurs actes demeure ténue et leurs statuts extrêmement hétérogènes : notaires royaux, seigneuriaux, ecclésiastiques et municipaux cohabitent, non sans mal.

Leurs compétences respectives apparaissent à cet égard fluctuantes : selon un auteur, on peut véritablement parler d’authenticité à deux vitesses17, puisque les actes des notaires seigneuriaux ne sont exécutables que dans le ressort où l’authenticité de leur sceau est reconnue, alors que les notaires royaux , munis du sceau royal, voient leur compétence territoriale élargie à l’ensemble du Royaume. Pourtant, à la faveur de la renaissance italienne et de la création des premières universités de droit romain, l’ars notariae18 émerge d’abord peu à peu et fait l’objet de débats passionnés entre universitaires. La procédure de « confessio in jure » directement héritée du droit romain laisse d’ailleurs une place plus conséquente au seul notaire, qu’il détienne la double-qualité de juge ou qu’il ait été investi à cet effet par le souverain. Le monde ecclésiastique devait ensuite également jouer un rôle primordial dans la persistance, certes contrariée, de l’authenticité notariale à cette époque : soucieuse de se dégager de procédures judiciaires sommaires, l’Eglise favorise dès le 13ème siècle le recours à la preuve écrite lors du concile de Latran (1215) en droit canon. Signalons encore l’apport décisif du Pape Alexandre III (pontificat de 1159 à 1181), ancien éminent juriste de la faculté de droit romain de Bologne, dans cette résurgence des principes de Rome au sein de siècles tourmentés par les conflits les plus divers et la mise en place de la féodalité : ce dernier promulgue en effet une décrétale « scripta autentica » en 1167, qui précise

14 Constitution de Léon, 414. 15 Cf. infra. I, 2.3 16 Formule de « juge cartulaire » reprise plus tard par Loiseau, Cinq livres du droit des offices (1613). 17 Alain Moreau citant Ferrière, précité, p 6. 18 Ars notariae, du nom notamment de l’ouvrage de Rainier de Perouge qui sera très influent en Europe.

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que doit être considéré comme authentique le titre établi par la « manus publica », c’est-à-dire par le notaire. Dans le prolongement de ce double mouvement, les différents souverains européens de l’époque, à l’exception de l’Angleterre19, entreprennent de s’accompagner de véritables « authentificateurs », mais dont les fonctions ne seront que très tardivement unifiées : Dans le Sud de la France, les notaires publics, favorisés par l’implantation des premières universités de droit romain de Montpellier, Toulouse, Orléans et Aix-en-Provence, sont régis par une ordonnance de Philippe IV Le Bel datant de 1304 et assurent le rôle véritable d’authentification. Au Nord au contraire, c’est la confusion qui règnera dans l’organisation notariale, jusqu’à l’émergence d’un statut unitaire symbolisé par l’autonomie acquise par les notaires du Châtelet en 1270 sous l’impulsion de Saint-Louis20. Cette avancée significative ne se fait pas sans concession : les notaires du Châtelet ne pouvaient instrumenter en dehors de ce lieu21 et devaient nécessairement faire apposer le sceau du Châtelet par un magistrat pour conférer à leurs actes un caractère authentique (on pense à un retour à la procédure d’insinuato romaine évoquée plus haut).

L’étape décisive ne sera finalement franchie qu’au 16ème siècle sous l’impulsion de deux monarques restés célèbres dans l’Histoire de France : François Ier et Henri IV ; le premier instituant d’une part le tabellionnage au siège des juridictions, « pouvant seul grossoyer, garde scels et autres », et le second achevant d’unifier le notariat en une institution royale (édit de 1597). Parallèlement, la réalisation et la conservation des minutes est progressivement réglementée par des ordonnances royales successives (on pense à celle de Charles VII en 1437 jusqu’à celle célèbre de Villers-Cotterêts de 1539 qui impose l’usage du français dans les écrits), et deux édits de Louis XIV achèveront au siècle suivant de conférer un monopole aux notaires royaux, en abrogeant l’activité des gardes scels.

L’authenticité accordée aux actes de ces nouveaux juges du consensuel est

alors pleinement couronnée : « L’instrument public est un acte ou contrat reçu par personnes publiques comme sont les notaires, tabellions, greffiers et autres. De tels actes font foy pourvu qu’ils soient signés par celuiz qui les expédie et par les parties en leurs originaux suivant les ordonnances »22

La période révolutionnaire, à l’origine de laquelle les notaires devaient être les incontournables rédacteurs des cahiers de doléances23, allait appeler une profonde réforme d’une profession victime de multiples dérives à la fin de l’Ancien Régime,

19 Un concile de l’Eglise d’Angleterre réuni en 1237 pose le prince selon lequel les notaires n’existent pas (« publici notarii non existunt ») 20 V. de Boüard, Étude diplomatique sur les actes des notaires de Paris 21 Un arrêt du Parlement de Paris pris en 1303 ordonne la destruction d’un acte passé hors du Châtelet. 22 Ferrière, Introduction à la pratique, édition 1709. 23 J.-L. Magnan, Le notaire et la révolution française, Montauban 1952.

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telles que le nombre excessif de notaires nommés, l’incompétence notoire de certains d’entre eux, ou encore l’absence de conservation satisfaisante des actes.

Les autorités de l’époque en effet prirent soin de doter d’un statut fortement inspiré des aspirations civilistes de l’époque (Pothier avait dès 177724, dessiné les contours des futurs articles du Code civil). La loi des 1er, 20 et 29 septembre et 6 octobre 1791 marqua d’abord une première étape décisive en reprenant d’une part la nécessité du caractère authentique des actes établis par des « certificateurs de contrats, attestant la vérité et consacrant la date », et en instituant d’autre part de façon novatrice le devoir de conseil pesant sur ces notaires publics (art. 1er et 2, section 2, loi 1791).

Cette dernière catégorie unifiée de notaires rassemble tous les statuts hétéroclites de l’ancien droit, et est soumise à une dévolution non héréditaire de la charge, qui ne dépend plus des Tribunaux mais du Ministère de la Justice (Loi du 19 brumaire an IV, 10 nov. 1795). Pour autant, les difficultés politiques de la période ne facilitèrent pas l’effectivité réelle de cette réforme, qui devait attendre un retour à la stabilité pour être relancée et constituer le socle du notariat moderne.

1.4 L’authenticité notariale moderne: l’émergence du conseiller responsable

La loi du 25 Ventôse an XI (16 mars 1803) est encore aujourd’hui le texte

fondateur véritable du notariat moderne, même si seulement 6 des 69 articles sont encore littéralement en vigueur. Présentée sous forme de statuts, cette loi régit dans son Titre 1er les fonctions du notaire et les actes notariés, dans son Titre 2ème le régime du notariat (accès aux fonctions, conservation et transmission des minutes, nombre de notaires et réglementation disciplinaire interne de la profession…), et enfin dans un dernier Titre 3ème les dispositions transitoires. L’authenticité est pleinement reconnue dans l’article 1er, qui dispose que l’acte notarié comporte « le caractère de l’authenticité attaché aux actes de l’autorité publique », mais cette consécration suppose alors la réception de l’acte par deux notaires ou d’un notaire assisté de deux témoins (art.9). Il convient de relever toutefois que deux éléments majeurs de l’authenticité notariale moderne manquaient à cette charte fondatrice, et l’émergence ultérieure devait véritablement bouleverser les pratiques de la profession et la portée du caractère authentique conféré aux actes : il s’agit du devoir de conseil d’une part, et de la responsabilité professionnelle notariale d’autre part. En ce qui concerne le devoir de conseil25 d’abord envisagé, la jurisprudence postérieure à la loi s’est attachée à reprendre les propos originaires du conseiller Réal26 pour attribuer au notaire une mission nouvelle « d’éclairage des parties sur la teneur et la portée de leurs engagements ». Il faut cependant attendre plus d’un siècle pour que la solution devienne définitive et que la Haute Juridiction retienne

24 Traité des obligations, 1777. 25 Voir sur ce point : G.Rouzet, le devoir de conseil du notaire, préc. 26 Conseiller d’Etat Réal, prélude à l’exposé des motifs de la loi de Ventôse, préc.

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que « les notaires ont également pour mission de renseigner leurs clients sur les conséquences des engagements qu'ils contractent »27.

De témoin privilégié, le notaire devient le conseiller à part entière des parties, le guide de leur cheminement contractuel. Le principe d’une responsabilité professionnelle fut lui aussi peu abordé par le texte de Ventôse28 : malgré les sanctions disciplinaires qu’il prévoyait, l’attribution de dommages et intérêts n’était prévue qu’à titre exceptionnel, en cas de faute lourde ou dolosive29 du rédacteur de l’acte. Cette conception très tranchée avec l’importance capitale qu’a prise ce principe à l’époque contemporaine s’explique par le fait que, pour la doctrine du 19ème siècle, ce sont les parties qui devaient pâtir « d’avoir choisi un notaire ignorant ou inattentif… »30. Néanmoins, certains Tribunaux ont progressivement admis que la responsabilité du notaire pour défaut de conseil donné puisse être engagée sur des fondements d’abord implicites (comme la reconnaissance d’un mandat tacite donné par le client : Cass. 27 janv. 1812 : S. 12-14, 1, 14), puis légaux (Cass., 3 août 1858 : S. 1858, 1, 817). Le rôle du notaire prit encore dans cette découverte une nouvelle dimension dans la mesure où l’officier public se voyait contraint à assumer, autant que les parties en présence, les conséquences des actes dont il était lui aussi signataire. Les retouches apportées par le législateur à ce socle post-révolutionnaire revisité par la jurisprudence ne furent dès lors que formelles au regard de la notion d’authenticité qui nous intéresse. Cependant, elles contribuèrent à la résurgence d’un certain formalisme (entrevu dès le Moyen-Age) ainsi qu’à l’acquisition d’une importance économique et sociale conséquente jusqu’à aujourd’hui: Etablis par un notaire nouvellement qualifié d’« officier public » par l’art.1er de l’ordonnance du 2 Novembre 1945 (la loi de Ventôse faisant jusqu’alors maladroitement référence à un « fonctionnaire public »), les actes authentiques notariés se voient en particulier conférer un monopole essentiel par la réforme de la publicité foncière de 1955, qui impose la forme authentique pour tout acte soumis à publication au bureau des hypothèques (art.4 du Décret du 4 janvier 1955). Ensuite, le décret n° 71-942 du 26 novembre 1971 devait surtout réglementer les différentes modalités et mentions applicables aux actes notariés (qualité et format du papier31, réglementation des blancs32 et renvois33, etc…), ainsi que leur forme (l’art. 13 distingue les minutes des actes publiables sous forme de brevets). Ce mouvement formaliste amorcé après-guerre se poursuit encore aujourd’hui largement dans le domaine notarial : la réforme du contenu des copies exécutoires dans le cadre de la transmission des créances34, ou la très récente loi SRU qui impose un délai de réflexion à l’acquéreur d’un bien immobilier lors de la signature du 27 Sur ce point, voir Cass. civ., 21 juill. 1921 : DP 1925, 1, p. 29 28 malgré les vœux formulés par son initiateur, cf. Conseiller d’Etat Réal, préc. 29 Art.68, Loi de Ventôse, préc. 30 A.-J. Masse, Le parfait notaire ou la science des notaires, Paris 1827, cité par J.M Pillebout, Historique du Notariat, Jurisclasseur notarial, ed. 2000, fasc. 10, n° 18. 31 Art.7, al.1er du Décret du 26 Novembre 1971, préc. 32 Art.7, al.3 du Décret, préc. 33 Art. 9, al.1er du Décret, préc. 34 Loi du 15 juin 1976, JO du 16 juin 1976, qui fait référence aux formalités du célèbre art. 1690 civ.

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titre authentique sont autant d’exemples du souci de parfaire la sécurité juridique des actes conclus devant notaire35. Mais du scribe antique au conseil éclairé et responsable des parties, le notaire a t-il véritablement achevé sa mutation à l’heure où le support numérique fait son apparition dans le droit de la preuve ? Pour s’en convaincre, il convient au préalable d’analyser plus avant la notion d’acte authentique en droit positif pour comprendre ses atouts et ses limites face au nouveau formalisme électronique.

2. Notion d’acte authentique notarié :

2.1 Fondements de l’authenticité : le rôle du Notaire Le contexte historique à l’origine du besoin d’authenticité, dont il vient d’être fait brièvement état, trouve des échos dans l’organisation de la société contemporaine : Dans une étude approfondie36, Lapeyre relève que c’est le contrat en tant qu’expression de « l’initiative privée » qui, par sa souplesse, doit suppléer le processus étatique de création du droit dans de nombreux domaines. Le simple accord des volontés n’est ainsi pas suffisant à ses yeux pour garantir la sécurité des parties : face à la complexité accrue des réglementations et à l’inflation chronique des textes, il apparaît que le recours à un conseiller au sens le plus noble du terme37, spécialiste de la matière de surcroît, soit indispensable. La qualité de témoin38 attribué à ce recours est un premier élément salvateur : « Le témoin par sa seule présence, a un rôle moralisateur, il freine l’agressivité des intérêts, il empêche la violence ». Pour autant, les impératifs de transcription dans la langue juridique tout comme ceux d’éclairage sur la valeur et la portée desdits engagements contractés ne peuvent occulter d’autres qualités nécessaires à ce tiers : Il se pose d’abord également en arbitre, « gardien de la cause des contrats, c’est-à-dire de la contrepartie, autrement dit de l’équilibre et par conséquent de l’équité » Et en cela, il reçoit l’autorité nécessaire de la puissance publique39 sous la forme du serment prêté devant le Tribunal, mais conserve sa liberté40 dans le choix des moyens pour accomplir cette mission de service public (le statut de profession 35 Loi Solidarité et Renouvellement Urbain du 13 décembre 2000, art. 72 (appelé à entrer en vigueur au 1er juin 2001). 36 Lapeyre, L’authenticité, JCP 1970, I, 2365. 37 L’auteur parle « de guide, de passeur », préc. 38 Sur l’apparition du rôle de témoin privilégié au travers du scribe, Cf. supra. I, 1.1 39 Lapeyre, préc., n°13 40 Lapeyre, préc., n°12

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libérale préféré au fonctionnariat en est l’exemple le plus éloquent malgré des tentatives de réformes successives).

Cette analyse pertinente et mesurée du notaire en droit positif nous semble devoir retenir l’adhésion, dans la mesure où elle préfigure du rayon d’action de l’acte authentique notarié. Pour autant elle appelle deux mises en garde que l’auteur ne manque pas de soulever : En premier lieu, la dérive d’un officier public rendu tout puissant par un désengagement excessif de la puissance publique, et dans un souci d’effectivité accrue de l’authenticité, est dénoncée. Ce retour à une autonomie du droit contractuel, d’ailleurs réfuté par de nombreux auteurs41, présente le risque majeur de conduire à un arbitraire peu sécurisant pour les parties, et menace le nécessaire équilibre sus-évoqué. Prolongeant son propos dans un autre article, Lapeyre y voyait ainsi un excès du « libéralisme, qui enlève les prérogatives de la mission de l’arbitre et la discrédite comme trop contraignante »42. Une autre attitude fâcheuse serait ensuite de sacrifier, au prix du « culte du monopole de l’authenticité »43, l’évolution nécessaire de la notion d’acte authentique et son adaptation aux enjeux de la société contemporaine, tels que l’apparition des nouvelles technologies de l’information. Car s’il apparaît essentiel que ce conseiller qu’incarne l’officier public dispose d’une assise conséquente et incontestable quant à la valeur qu’il donne à ses actes, cela n’est nullement exclusif de son obligation d’adapter leurs portées aux vœux et intérêts des parties, tels qu’exprimés dans un contexte social et économique précis. Ce processus suppose dès lors, outre une écoute attentive et éclairée, une mise à jour régulière des connaissances et un travail d’analyse approfondi de chaque situation, pouvant conduire à des remises en question sur la pratique notariale quotidienne. Tel est d’ailleurs l’objet du devoir de conseil qui transparaît en filigrane tout au long du travail et qui suppose, selon une définition classiquement retenue par les Tribunaux que le professionnel s’informe des besoins réels de son client pour lui proposer les meilleures options possibles tant sur les plans juridiques que patrimoniaux, fiscaux, économiques ou sociaux. Le caractère authentique s’exprime donc dans un contexte complexe et fluctuant où il doit se muer en juste équilibre entre l’ordre légal et l’intérêt des parties en présence.

2.2 Définition de l’authenticité :

Etymologiquement, l’adjectif authentique désigne sans le langage courant « ce qui est vrai, dont on ne peut contester la véracité », par opposition à ce qui est faux44. Mais la racine grecque du mot (authentikos) ajoute un

41 Jean-Michel Olivier, L’authenticité en droit positif français, in Modernité de l’authenticité, Rencontres Notariat-Université 1992, préc., p 13. 42 Lapeyre, « De l’authenticité », ouvrage publié par le syndicat national des notaires, avril 1982, p 13. 43 Formule de Jean-Louis Magnan, in « Le notariat et le monde moderne », LGDJ 1979, p 161 et s. 44 Définition extraite du Petit Larousse.

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élément supplémentaire à la notion : le titre authentique est celui qui agit par lui-même, de sa propre autorité et par sa seule nature intrinsèque45.

Sur le plan juridique, le Code Civil donne une définition claire de l’acte authentique dans son art. 1317 :

« L'acte authentique est celui qui a été reçu par officiers publics ayant le droit d'instrumenter dans le lieu où l'acte a été rédigé, et avec les solennités requises. Il peut être dressé sur support électronique s'il est établi et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »

L’acte considéré correspond alors à un procédé de preuve préconstituée (instrumentum, support matériel de l’accord de volonté (negotium).

2.2.1 Conditions de l’authenticité: La lecture de l’art. 1317 civ. précité oblige à considérer trois conditions majeures pour qu’un acte juridique puisse se voir attribuer le caractère authentique. Ledit acte doit correspondre à un titre dressé par un officier public (2.2.1.1), qui doit disposer de la compétence nécessaire (2.2.1.2), et respecter les solennités requises (2.2.1.3). Il conviendra de détailler successivement ces trois éléments constitutifs : 2.2.1.1 Titre établi par un officier public :

Cette première condition apparaît comme essentielle dans la définition précitée en vertu du crédit qui est conféré par la puissance publique à ces personnes, du fait des conditions préalables à leur nomination d’une part (« les arbitres ont été sélectionnés »)46 et de l’absence d’intérêt personnel aux actes reçus d’autre part (l’interdiction d’instrumenter pour son propre compte ou celui des membres de sa famille, lourdement sanctionnée civilement et pénalement, en est l’exemple le plus frappant47).

2.2.1.1.1 Présence d’un titre :

L’apposition du caractère authentique requiert au préalable l’élaboration d’un titre pouvant prendre trois formes différentes :

Les formes du titre authentique 45 L’adjectif authentique est un composé de « auto » et « hentès », qui réalise, achève. Sur ce point, voir Jean Yaigre et JF Pillebout, Droit professionnel notarial, cinquième édition, pratique notariale, ed. Litec, N° 174. 46 Lapeyre, l’authenticité, préc. 47 Cf. Danielle Montoux, Jurisclasseur notarial, fasc. A-5, n°6

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L’acte peut d’abord avoir un caractère administratif s’il émane d’une autorité de droit public qui agit dans les ressorts de compétence d’attribution et de compétence territoriale qui lui sont alloués. A cet effet, il est curieux de relever qu’en cas de titre dressé au delà de ces attributions, la doctrine ne retient la dénaturation de l’acte authentique en sous seing privé prévue aux termes de l’art. 1318 civ. que pour la seule incompétence d’attribution48, alors que la lettre de l’article ne fait aucune distinction. En second lieu, le titre authentique peut prendre la forme d’un acte judiciaire ou extra-judiciaire. Il s’agit d’abord de tous les actes dressés par le juge dans l’exercice de ses fonctions, au premier rang desquels les jugements émanant de tous types de juridictions49. Mais différents actes de procédure acquièrent également le caractère authentique tels que les rapports d’expertise établis en vertu d’une délégation de justice, les actes établis par les greffiers dans les limites de leurs compétences, ainsi que les exploits d’huissiers50 (sauf dans le cas où ils constatent l’existence d’une convention51). Enfin, il est une dernière catégorie d’actes dressés par un officier public à l’initiative des parties, dans le but de faire constater un acte ou un fait juridique, et qui sont dénommés actes de juridiction volontaire. C’est dans ce domaine que s’exerce le monopole notarial, même s’il peut rencontrer une concurrence ponctuelle du fait des actes dressés par les agents diplomatiques et consulaires d’une part (mais qui exercent en réalité des compétences purement notariales), ou d’autre part des actes de constatation dressés soit par huissier52, soit par le juge de la mise en état dans le cadre d’un procès-verbal53.

Les formes du titre notarié : Dans le cadre des actes notariés, il faut ensuite distinguer plus spécifiquement deux formes de titres authentiques :

La rédaction en minute demeure d’abord le principe général applicable à

l ‘ensemble des contrats synallagmatiques54 et actes solennels55. Ce terme désigne l’original de l’acte signé par les parties et le notaire, qui sera conservé par ce dernier à charge pour lui d’en délivrer des copies, extraits, expéditions ou copies exécutoires56.

Pour autant, il existe une seconde forme de rédaction de l’acte authentique

notarié, dite en brevet : dans cette hypothèse, le titre original est remis aux parties à titre exceptionnel. Il s’agit d’hypothèses particulières expressément énumérées par la loi, pour lesquelles la déclaration de volonté a souvent une valeur unilatérale ou 48 Aubry et Rau, Cours de droit civil français, Litec, § 755, texte p. 149 et note 99 49 Cf. art 457 NCPC sur la force exécutoire authentique des jugements. 50 Cass. soc. 25 juill. 1932 : S. 1933, 1, 8 51 Pour le cas d’une promesse de vente : cf. Civ. 1ère, 19 février 1991, Bull.civ.I, n°65. 52 Cass. soc. 23 janv. 1953 : D. 1953, 402. 53 Art. 768 NCPC cité par D. Montoux, Jurisclasseur notarial, fasc. A-5, n°17 54 Art.13 du décret du 26 novembre 1971, préc. 55 Art. 9-1° et 2° de la Loi du 25 ventôse an XI, préc. 56 Sur la copie exécutoire, cf. infra 2.2.2.3.

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relative (en tant qu’annexée à une minute par exemple). Ainsi, les « actes simples 57» tels que « actes de suscription des testaments mystiques, certificats de vie, procurations, actes de notoriété, quittances de fermages, de loyers, d'arrérages de pensions et de rentes » sont concernés.

Notons pour le surplus qu’il est loisible au dépositaire d’un acte en brevet d’en

assurer la conservation efficace par la procédure de dépôt au rang des minutes d’un notaire. Un acte de dépôt spécifique sera alors dressé (art. 854 du Code Général des Impôts). 2.2.1.1.2 Diversité des officiers publics Si la présente étude se focalise sur l’acte dressé par le seul notaire, il ne faut toutefois pas oublier que le législateur a conféré la qualité d’officier public à différents autres agents de droit public comme de droit privé : Dans la sphère publique, les préfets, sous-préfets, maires et adjoints, dans l'exercice de leurs fonctions, ont la possibilité de dresser des actes administratifs prenant le caractère authentique dans les limites de leurs attributions et de leurs ressorts : ainsi, l’art L. 76 du Code du domaine de l'État dispose que « les préfets reçoivent les actes intéressant le domaine privé immobilier de l'Etat, confèrent à ces actes l'authenticité et en assurent la conservation » 58 et l'article 98 de la loi du 2 mars 1982 (n° 82-213) établit une disposition analogue au profit du maire dans sa commune, en lui laissant néanmoins la possibilité de faire appel subsidiairement aux services d’un notaire59. Dans le cadre du droit privé ensuite, il convient de citer, outre les actes établis par les juges et experts judiciaires sus-évoqués, ceux élaborés par les officiers de l'état civil, les notaires, les agents diplomatiques et consulaires exerçant les attributions notariales, les greffiers et secrétaires-greffiers, les huissiers de justice et les commissaires-priseurs. 2.2.1.1.3 Délégation de pouvoirs : Le législateur a prévu différentes procédures destinées à soulager la tâche des officiers publics en leur permettant de déléguer une partie de leur autorité à des subordonnés tout en préservant l’apposition du caractère authentique aux actes. Le strict respect des mécanismes d’habilitation et des conditions légales de son exercice s’impose encore ici sous peine d’un affaiblissement probatoire. En vertu des dispositions de l’art.1318 civ., c’est le retour du titre à la valeur sous seing privé qui constitue la sanction. Selon cet article en effet :

« L'acte qui n'est point authentique par l'incompétence ou l'incapacité de l'officier, ou par un défaut de forme, vaut comme écriture privée, s'il a été signé des parties. »

57 Art.13 du décret du 26 novembre 1971, préc. 58 V. Dementhon, Des contrats en la forme administrative, D. 1946, chr. 18 59 aux termes d’une réponse ministérielle claire: JOAN Q, 15 juill. 1991, p. 2798

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Ainsi, le document reçu par un clerc, hors la présence du notaire qui l'aurait signé postérieurement60, a t-il fait l’objet de disqualification au même titre que l’acte dressé par un notaire mais non signé par lui61.

Pour autant, il convient de distinguer deux formes majeures de délégation de

l’autorité publique, qui témoignent de deux types de fonctionnement de la délégation de puissance publique : Dans le domaine public, la procédure d’habilitation des officiers de l’état civil par le maire régie par l’article 6, 1er, 2e et 3e alinéas, du décret n. 62-921 du 9 août 1962, autorise le premier magistrat de la commune à conférer la faculté d’authentifier les actes dressés par son subordonné sans pour autant que l’apposition de la propre signature du délégant sur lesdits actes soit nécessaire.

Cette délégation initiale prend la forme d’un arrêté municipal qui n’engage que le seul maire délégant, et est soumise à un double contrôle, à savoir : auprès de la préfecture (contrôle classique de légalité) et auprès du Procureur de la République près le tribunal de grande instance dans le ressort duquel se trouve la commune intéressée. L’habilitation des clercs dans la profession notariale témoigne quant à elle d’une autre forme d’habilitation, décidée très tôt62 : réformée par l’art. 18 de la loi du 25 juin 1973, cette procédure ne permet au notaire que de déléguer au clerc « les fonctions de lecture des actes et des lois, et de lui permettre de recueillir les signatures des parties »63.

La signature de l’officier public demeure donc indispensable dans ces

circonstances à l’authentification de l’acte, et ne peut parler de délégation de signature comme il a été évoqué plus haut pour l’officier d’état civil, mais plutôt d’une délégation partielle de compétence. Cette pratique est d’ailleurs parfaitement compréhensible au regard de l’étendue de la responsabilité notariale qui doit associer de façon indiscutable le notaire à l’acte qu’il produit et dont il assure la sécurité juridique.

A cette relativité des pouvoirs qu’il est possible de conférer au clerc s’ajoute

une double subsidiarité qui accentue la précarité de l’écran de fumée qui dissimule l’officier public : ce dernier est d’abord en effet parfaitement libre d’habiliter ou pas un ou plusieurs de ses clercs (contrairement au maire qui ne peut pratiquement se passer des services d’un fonctionnaire subordonné à l’état civil, du moins pour les communes conséquentes).

Ensuite, les parties peuvent elles-mêmes renoncer à ce qu’il y ait habilitation pour l’acte considéré64. Mais, et c’est le point essentiel du problème pour un éminent auteur65, pour être librement exercé, ce choix suppose alors nécessairement une information préalable du client, qui s’exerce dans le cadre du devoir de conseil.

60 Sur cette espèce : Req. 16 avril 1845 : D.P. 45, 1, 293. 61 Pau, 14 juin 1977, JCP 1978, II, 18920, note Dagot. 62 La loi de Ventôse précitée, dans son art. 10 prévoyait déjà un mécanisme d’habilitation. 63 Art. 48 et 49 du décret du 28 décembre 1973, incorporés dans les articles 11 et 12 nouveaux du décret du 26 novembre 1971. 64 Art 11 al.2 nouveau du Décret du 26 novembre 1971, préc. 65 J. Flour, Sur une notion nouvelle de l'authenticité : Defrénois 1972, art. 30159, p. 977 s., n. 19 s.

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2.2.1.2 Compétence de l’officier public La forme authentique qui s’analyse comme une délégation d’autorité publique

suppose à ce titre que l’officier public-délégataire ait reçu compétence pour exercer son œuvre tant sur le plan de ses attributions que sur leur étendue géographique.

2.2.1.2.1 Compétence ratione materiae La compétence d’attribution (ou ratione materiae) est un premier élément

variable selon l’officier public concerné : Contrairement à la plupart des autres délégataires de l’autorité publique qui se

voient attribuer un domaine restreint de compétences correspondant à leurs secteurs d’activités (l’officier de l’état civil n’est ainsi compétent que pour les actes de l’état civil, le commissaire-priseur que pour les ventes publiques aux enchères des meubles et effets mobiliers corporels selon les conditions légales66…), le notaire se voit doté du monopole des actes de juridiction volontaire, qui lui confère une grande liberté dans la plénitude des conventions qu’il se propose d’authentifier.

Cette position, parfois jugée hégémonique du notariat, dont nous analyserons les perspectives au regard de l’intégration du formalisme électronique, est proclamée dans l’art.1er de l’ordonnance du 2 novembre 1945 relative au statut du notariat67 :

« Les notaires sont les officiers publics, établis pour recevoir tous les actes et contrats auxquels les parties doivent ou veulent faire donner le caractère d'authenticité attaché aux actes de l'autorité publique, et pour en assurer la date, en conserver le dépôt, en délivrer des grosses et expéditions. » Selon P.E Normand68, la seule rédaction de cet article qui ne mentionne pas

des officiers publics, mais « les » officiers publics, témoigne à elle-seule de la volonté du législateur de confier une compétence exclusive au notaire.

La jurisprudence s’est en ce sens montrée protectrice de ce privilège en refusant notamment la valeur authentique au procès-verbal d’huissier constatant une promesse unilatérale de vente69.

Pour autant, il faut préciser que cette exclusivité notariale n’est pas absolue :

outre les attributions notariales conférées aux agents diplomatiques et les rares hypothèses d’actes authentiques déclaratifs dressés par le juge ou l’huissier que nous avons mentionnées plus haut70, certaines réglementations offrent la possibilité aux collectivités locales de se passer des services d’un notaire.

66 Ne revêt pas un caractère authentique le procès-verbal dressé par un commissaire priseur qui constaterait la remise de fonds : Civ.1ère, 28 octobre 1980, Bull.civ. I, n° 216. 67 Ordonnance n° 45-2590 relative au statut du notariat, JO 3 nov. 1945. 68 P.E Normand, « la loi, le contrat et l’acte authentique », JCPN 1990, p 359, n°6 et 7, cité par Jean-Michel Olivier, «L’authenticité en droit positif français », 2èmes Rencontres Notariat Université, 1992, préc. 69 Civ. 1ère, 19 février 1991, Rep. Def. 1991, art 35-077, p 815, obs. G. Vermelle : En l’espèce, le titre ramené à une valeur sous seing privé est dès lors entaché de nullité pour ne pas avoir été enregistré dans les 10 jours conformément à l’art. 1840-A du Code Général des Impôts. 70 Cf. supra, paragraphe 2.2.1.1.1

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Cette faculté, reconnue depuis longtemps71, a été reprise par le processus de décentralisation (Loi du 2 mars 1982, art. 98-III, et pour rédaction Loi du 22 juill. 1982, art. 13) et continue de susciter de vives polémiques dans la profession notariale72. Pour autant, il semble qu’elle ne constitue plus une menace sérieuse à l’heure actuelle du fait du coût des actes administratifs73, et de la complexité de certaines opérations qui conduisent de plus en plus les collectivités publiques à s’attacher les services d’un notaire.

Ce dernier est en effet devenu un partenaire privilégié des autorités publiques locales comme en témoigne le thème du récent Congrès organisé par la profession74. 2.2.1.2.2 Compétence ratione loci Si le principe général attribue un ressort territorial de compétence à l’officier public, en dehors duquel le caractère authentique des actes ne peut être apposé, il faut relever qu’ici encore le législateur a attribué au notaire un sort tout privilégié dans l’exercice de ses attributions :

En effet, contrairement à l’officier d’état civil qui ne peut instrumenter que dans sa commune ou à l’huissier de justice dont la compétence a été fortement réduite75, le notaire s’est vu attribuer une compétence nationale, à l’exclusion des territoires d'outre-mer et des collectivités territoriales de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon (article 8 du décret du 26 novembre 1971 modifié par un décret du 29 avril 1986, art. 14).

Signalons toutefois que le clerc habilité à recueillir les signatures ne peut exercer ses fonctions que dans le ressort de la Cour d’Appel où est établi l’office et dans le ressort des tribunaux de grande instance limitrophes de celui-ci (résurgence de l’ancienne compétence territoriale du notaire).

Par ailleurs, certains actes qualifiés de « répétitifs » relèvent eux aussi de cette ancienne compétence territoriale alors qu’ils sont directement établis par le notaire : il s’agit des actes constatant la première mutation à titre onéreux de biens immobiliers ou la première cession de parts ou actions à titre onéreux d'une société d'attribution, après un état descriptif de division ou un arrêté de lotissement (art. 10 du Décret du 26 Novembre 1971). Cette limitation est double pour les auteurs, puisqu’elle interdit au notaire compétent dans ce ressort de faire signer l’acte dans un lieu situé hors dudit ressort76.

2.2.1.3 Les solennités requises

71 Civ. 9 janvier 1882, D.P 1883, 1, 136. 72 J-L Magnan, « le notariat et la concurrence des actes administratifs », Revue Ventôse 1980, n° 6, p 42 73 P.E Normand, art. préc., p 365, n° 67 (cité par J-M Olivier, préc.) évoque le rapport demandé à ce sujet par un ministre des finances à la fin des années 1960. 74 Congrès des Notaires 2001, « Le notaire et les collectivités territoriales », Montpellier, avril-mai 2001. 75 Art. 5 et suivant du décret du 29 février 1956. 76 Jean Yaigre et J.F Pillebout, Droit professionnel notarial, n° 41, préc.

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« Bien souvent et trop, nous voyons des contracts remplis de clauses et de mots inutiles qui gastent et corrompent la vraye forme des contracts… » Cette « dérive » formaliste très tôt dénoncée par Cl. Berguere dans l’ouvrage « le parfait notaire » (1644), témoigne toutefois d’une ancienne et permanente préoccupation du législateur de lutter contre toute fraude lors de la passation de l’acte comme en ce qui concerne ses conséquences ultérieures77. Ces « rites extérieurs et contingents », selon la formule de J. Flour78, qui accompagnent la passation des actes authentiques et plus spécialement des actes notariés, ont acquis une valeur pratique essentielle, même si leur non-respect ne prive pas nécessairement l’acte de son caractère authentique (l’art. 23 du Décret du 26 novembre 1971 distinguant de manière sélective les dispositions pouvant entacher l’acte de nullité). A ce propos, il convient de plus spécifiquement distinguer les formalités inhérentes à la rédaction de l’acte notarié de celles relevant de sa réception, qui constituent le cœur de l’authenticité pour une grande partie de la doctrine : 2.2.1.3.1 Les formalités de rédaction La rédaction de l’acte notarié est précisément réglementée par les dispositions du Décret du 26 Novembre 1971. Nous ne citerons ici pour mémoire que quelques-unes de ces prescriptions :

• Support et apparence de l’acte:

« Les actes des notaires sont établis de façon lisible et indélébile sur un papier d'une qualité offrant toute garantie de conservation » (art. 7 al 1er)

Si le support papier reste le seul préconisé à l’heure actuelle, il semble que les

exigences légales demeurent larges en la matière et soient tournées vers un souci d’efficacité et de sécurité juridiques. Ainsi la suppression du recours systématique au papier timbré79 a t-elle établi une certaine liberté dans le choix de ce support qui n’a d’ailleurs pas à être spécialement formaté, si ce n’est à des fins fiscales.

Le procédé d’écriture préconisé témoigne d’une préoccupation analogue : le

texte ne vise que ses finalités et ne ferme pas la porte à la reconnaissance de nouveaux modes d’écriture, notamment l’écriture informatique régissant l’Echange Informatisé de Données (EDI). Pourvu qu’il soit inaltérable, compréhensible et ineffaçable, l’instrumentum notarial pourra donc être manuscrit, dactylographié, imprimé, lithographié ou typographié.

77 H., L. et J. Mazeaud, Leçons de droit civil, éd. Montchrestien, 6e éd. par Chabas, t. 1, vol. 1, n. 412 78 J. Flour, Sur une notion nouvelle de l'authenticité, préc., n° 5. 79 L’article 43-IV de la loi de finances pour 1972 du 29 décembre 1971 abrogeant l’art. 882 Code général des Impôts.

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Ces conditions larges d’apposition dans un but de conservation se retrouvent ensuite reprises à l’alinéa 2 du même article pour les signatures80 : la reconnaissance de la signature électronique par la loi du 13 mars 200081 en constituant une illustration majeure.

Pour autant, nous estimons qu’une révision ponctuelle de ce Décret, sans

réelle difficulté quant à ses manifestations matérielles, devrait permettre d’ajuster de façon plus explicite la forme authentique de l’acte notarié au support numérique.

• Enonciations et intégrité de l’acte :

Outre les mentions obligatoires prévues telles que « les noms, prénoms et domiciles des parties et de tous les signataires de l’acte » (art 7 al.3), ceux du notaire, ainsi que le lieu et la date82 d’apposition de chaque signature (art. 6), l’acte notarié doit encore mentionner le nombre de pages, de blancs barrés, ainsi que celui des mots et des nombres rayés (art. 7 al 3, 5 et 6).

Les abréviations83 et les renvois84 sont également précisément réglementés.

Par ailleurs, toujours pour un souci de clarté dans l’explication de

l’engagement souscrit, l’acte doit faire mention dans son corps des signatures qui sont apposées à son terme (ce qui constitue en réalité une attestation de ces signatures).

Il lui revient encore parfois de préciser ad validitatem certaines règles spécifiques à l’opération considérée parmi lesquelles :

- les sanctions relatives à la répression des dissimulations du prix de vente dans le cadre des ventes d’immeubles et de fonds de commerce (art. 850 et 1837 du Code général des impôts, art. 366 du Code pénal)

- l’indication de la surface d’un lot de copropriété85, les déclarations relatives à l’amiante, au saturnisme (plomb) et aux termites,

- les mentions concernant la publicité à inscrire dans le corps du contrat de mariage lorsque l’un des époux est commerçant (art. 16 de la loi du 11 février 1994, nouvel art. 1394 civ.)

2.2.1.3.2 Les formalités de réception L’acte authentique est normalement reçu devant un seul notaire (Loi du 28 décembre 1966), qui en fait la lecture86 aux parties. 80 L’alinéa 2 du même article élargit la condition indélébile de l’écriture aux signatures de parties. 81 Cf. infra. 82 La date de signature de l’acte par le notaire sera quant à elle énoncée en lettre conformément à l’art. 7 al.5 du Décret du 26 Novembre 1971, préc. 83 L’art 7 al 4 n’autorise les abréviations que « dans la mesure où leur signification est précisée au moins une fois dans l’acte » 84 Art. 9 du Décret, préc. 85 Loi Carrez du 18 décembre 1996, nouvel art 46 de loi sur la copropriété. 86 Mention de cette lecture devant être faite dans le corps de l’acte : art. 7 al. 7 du décret, préc.

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Pourtant, mis à part l’hypothèse du clerc habilité évoquée plus haut qui se chargerait d’assurer cette lecture et de recueillir les signatures, la loi impose parfois la présence de deux notaires à la réception de l’acte, ou celle d’un notaire assisté de deux témoins, dans trois séries de cas particuliers :

- le testament authentique (art. 971 civ.) et les actes de suscription des testaments mystiques (art. 976 civ.) : ces actes doivent être lus et établis en présence simultanée des deux officiers publics

- les actes contenant révocation de testament et les procurations données à cet effet (art. 9-2° de la loi de Ventôse, préc.)

- les actes dans lesquels l’une des parties ne sait ou ne peut pas signer (art. 9-3° de la loi de Ventôse, préc.)

Pour ces deux derniers cas, la présence du second notaire ou des témoins n’est au contraire requise qu’au moment de la réception de l’acte87, dans le seul souci de solennité du moment de l’apposition des signatures, au regard des intérêts en cause et de la faiblesse supposée de l’une des parties.

2.2.1.3.3 Point de vue critique sur le formalisme

Ce formalisme triomphateur et croissant qui entoure la passation de l’acte authentique a pu récemment faire l’objet de critiques variées88, notamment fondées sur la lourdeur du style choisi (cas des clauses de style, qui correspondent à ces mentions automatiquement répétées dans les actes89) ou encore sur la reprise systématique des mentions légales dans le corps de l’acte90.

Pour autant, il convient à nos yeux de ne pas perdre sa finalité initiale. Ainsi

que pouvait le faire remarquer P.E Normand:

« Obliger les parties à respecter un certain formalisme, c’est leur donner les moyens de faciliter la constatation de leurs droits»91

Cette « sclérose » du notariat selon la formule de J-L Magnan92 appelle certes une refonte constante de la formule, tiraillée entre le pointillisme rigoureux des exigences consuméristes d’une part et la rationalisation que tente d’imposer l’informatique d’autre part.

A ce propos, cette dernière évolution majeure correspondant à un système de traitement de l’information supposant de ne retenir que des éléments clairs et dépouillés d’exhaustivité, peut à notre sens constituer un contre-poids non

87 Cf. Danielle Montoux, Jurisclasseur notarial, fasc. B-1, n° 22 et 24. 88 Sur ce point, voir l’étude approfondie de Me Henri Bosvieux, « Plaidoyer pour la rénovation de l’acte authentique », JCP N 1981, Doctrine, I, p 391. 89 D.Denis, « La clause de style, études offertes à Jacques Flour », 1979, p 117. 90 Me Bosvieux cite l’exemple de la reprise quasi incontournable de la définition de la réception de l’art R 261-1 CCH dans les ventes d’immeubles à construire qu’il juge superfétatoire, art. préc., p 394, n° 14. 91 P.E Normand, préc., p 363, n° 38. 92 J-L Magnan, « Le notariat et le monde moderne », préc.

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négligeable dans la perspective d’un acte notarié plus accessible mais non moins efficace93.

Tout est donc question d’équilibre en la matière entre la nécessaire compréhension par les parties de la portée de leurs engagements et la « gravité » de l’engagement, habilitant le notaire à conférer le caractère authentique à l’acte.

2.2.2 Effets de l’authenticité Si ses justifications peuvent varier (2.2.2.1), la forme authentique n’en conserve pas moins ses deux effets majeurs que sont la force probante (2.2.2.2) et la force exécutoire (2.2.2.3).

2.2.2.1 Justifications de la forme authentique Par delà les actes de juridiction volontaire sus-évoqués où les parties décident spontanément de doter de la forme authentique un acte pour lequel la valeur sous seing privé eût été suffisante, il est des situations où le droit impose le recours à l’acte notarié, mais avec deux types de motivations très différentes:

• L’authenticité ad validitatem et les actes authentiques solennels

Un certain type d’acte dont l’importance sociale a été jugée suffisamment conséquente pour assurer le respect de l’ordre public ou la protection des parties, requiert d’abord la forme authentique à peine de nullité.

Ainsi, outre les hypothèses précitées qui nécessitent l’intervention d’un second

notaire ou de deux témoins, il faut citer à titre d’exemples les actes de mainlevée (pour l’hypothèque, art. 2158 civ.) ou les contrats de vente d’immeuble à construire (art. L 261-10 CCH).

De plus, l’art. 10 al.3 de la loi de Ventôse ajoute une seconde condition de solennité : aux termes de cette disposition en effet, certains actes parmi lesquels le contrat de mariage (art. 1394 civ.) ou les actes de donation (entre vifs, entre époux ou en cas de donation-partage : art. 931, 932 et 1075 civ.) ne peuvent faire l’objet d’une habilitation de clerc telle qu’évoquée plus haut94 et devront être reçus par le notaire en personne.

• L’authenticité dans un but d’efficacité

Une seconde catégorie d’acte authentique se voit imposer cette forme dans le seul souci d’assurer toute l’effectivité des dispositions qu’elle contient, indépendamment de la validité intrinsèque de l’acte.

Les exigences de la publicité foncière sont un premier élément majeur de l’authenticité, puisque cette forme n’est le plus souvent pas prescrite pour garantir la validité même du titre entre les parties, mais pour en assurer son opposabilité aux

93 Cf. les développement sur la normalisation d l’acte notarié : infra, II, B, 2.1 94 Cf. supra 2.2.1.1.3.

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tiers (art. 4 du Décret du 4 janvier 1955). Citons à titre d’illustrations les ventes d’immeubles, l’attestation de propriété notariée consécutive au décès (art. 28 du Décret) ou les baux d’immeuble supérieurs à 12 ans.

Mais d’autres prescriptions légales peuvent également imposer la forme authentique à des fins d’effectivité du titre établi, comme dans les cas de cession de créance (art. 1690 civ.) ou de subrogation conventionnelle (art. 1250-2° civ.)

2.2.2.2 Force probante

« L’acte authentique fait pleine foi de la convention qu’il renferme entre les parties contractantes et les héritiers ou ayants cause » Cette présomption de principe énoncée à l’art. 1319 al 1er civ. constitue l’un des attraits principaux du titre authentique puisque ce dernier offre à son titulaire un moyen de preuve autonome (scripta publica probant se ipsa95) et difficilement réfragable, puisque qu’il suppose alors la mise en œuvre de la procédure contraignante d’inscription de faux (art. 303 NCPC)96.

Pour autant, cette force probante n’est pas absolue. D’abord, il faut distinguer en la matière les faits accomplis par l’officier public

ou s’étant passés en sa présence. Ces derniers, tels que la date de l’acte97 ou la présence réelle des parties à l’acte98, demeurent pleinement soumis à la présomption jusqu’à inscription de faux. Certains auteurs y ont vu le couronnement de la compétence technique99 du notaire, qui joue à ce titre le rôle de certificateur100. Au contraire, les énonciations relevant des seules déclarations des parties à l’acte, pour lesquelles l’officier public n’avait aucun moyen de vérification, ainsi que les constatations opérées en dehors de sa mission (comme l’appréciation de la capacité intellectuelle d’une des parties101) doivent être écartées : la jurisprudence opère en effet un retour au droit commun probatoire, et autorise la contestation desdites dispositions du titre authentique par la seule preuve contraire102. C’est le cas de la mention du paiement du prix de vente moyennant quittance et payé hors la vue du notaire103.

2.2.2.3 Force exécutoire Cette seconde facette de l’authenticité s’exprime dans le domaine notarial à travers la délivrance des copies exécutoires (le notaire conservant l’original ou minute de l’acte).

95 Adage rappelé par B. Starck, Droit civil, Introduction, Litec, n° 1469 96 Bien que simplifiée, cette procédure demeure lourde et onéreuse pour le demandeur en faux qui succombe à l’instance et qui doit supporter les frais, ainsi qu’une éventuelle amende et des dommages-intérêts. 97 Civ. 2ème, 9 mai 1974, Bull. civ. II, n° 160. 98 Soc., 16 juin 1966, Bull. civ. IV, n° 602. 99 Jean Yaigre et JF Pillebout, Droit professionnel notarial, préc., n°177. 100 Cf. infra, 2ème partie sur cette notion appliquée dans le contexte informatique. 101 CA Besançon, 1er juill. 1986, Juris-Data n° 46135. 102 Civ. 1ère, 13 mai 1986, RTD civ. 1988145, obs. Mestre. 103 Civ. 3ème, 7 mars 1973, JCP N, Prat., N° 5966.

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Revêtus de la formule exécutoire104, ces titres font foi du même contenu que l’original (art. 1334 civ.) et offrent aux créanciers la possibilité de poursuivre directement l’exécution de leurs droits sans passer par l’intermédiaire des Tribunaux (citons en particulier les possibilités de saisie-attribution de créance ou les prises de sûreté conservatoire : art. 41 et 68 de la loi du 9 juillet 1991).

Limitée à l’origine au territoire français, cette faculté d’exécution du titre a été étendue au delà de nos frontières où elle peut être applicable directement (dans le cadre communautaire, en vertu de la Convention de Bruxelles du 27 septembre 1968105) ou indirectement (procédure d’exequatur soumise à la légalisation du Ministère des Affaires étrangères en vertu de la circulaire interministérielle du 4 mai 1981106).

2.3 Critère de l’authenticité Par delà les éléments sus-évoqués qui caractérisent l’authenticité, une grande partie de la doctrine, incarnée par un éminent auteur, s’est attelée à dégager un critère central à cette notion dans la sphère notariale, dont il semble opportun de discuter la pertinence à l’aube de l’apparition de l’acte notarié électronique.

• La « doctrine Flour » : la consécration du critère de la réception

Dans un article107 devenu une référence pour les praticiens comme les chercheurs, le Professeur Jacques Flour retient sans aucune hésitation le mot « reçu » de l’art. 1317 civ.108comme l’élément constitutif central du caractère authentique.

A l’appui de sa démonstration, l’auteur invoque deux séries d’arguments : D’abord il rappelle les hypothèses sus-évoquées de réception des actes par

deux notaires ou avec l’assistance de deux témoins, pour lesquelles la présence de ces derniers n’est requise que « lors de la lecture des actes et de leur signature par les parties» 109. Par une double déduction a fortiori, il dégage alors la nécessaire présence physique du notaire « en premier » et par là-même du notaire instrumentant seul110.

Mais surtout, c’est un argument purement doctrinal qui lui permet ensuite d’affiner encore son raisonnement : jugeant que « l’arbre se juge à ses fruits », le Professeur J.Flour en cueille d’abord le plus précieux à son goût, à savoir la force probante exorbitante conférée par la loi111, qu’il rend responsable de la nécessaire

104 En vertu de l’art. 18 du Décret du 26 novembre 1971, préc. renvoyant à la formule de l’art. 1er du Décret du 12 juin 1947. 105 Dont les dispositions ont été récemment couronnées par le célèbre arrêt Unibank, C.J.C.E., 17 juin 1999, affaire C-260/97, Unibank A/S c/ Flemming G. Christensen, Rec., I-3715 : cf. infra I.B.2.3 et note 205. 106 Cf. M. Revillard, Juris-Classeur Notarial, Légalisation, n° 16 et suivants. 107 J. Flour, Sur une notion nouvelle de l'authenticité : Defrénois 1972, art. 30159. 108 Art. préc. 109 Sur ces hypothèses, cf. supra 2.2.1.3.2 110 Les formules usuelles comportent en formule introductive la locution « Pardevant … » 111 Cet aspect du caractère authentique a été brillamment repris dans une intervention orale du Professeur P. Catala au cours des 10èmes Rencontres Notariat-Université du 11 décembre 2000, préc. « quelle est

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confiance que doit inspirer le notaire, témoin privilégié. En cela, reprenant le postulat d’équivalence déjà retenu en doctrine112 entre la réception de l’acte et la comparution physique du notaire, l’auteur en conclut que

« S’il n’assiste pas à l’apposition des signatures dont il est témoin, l’acte ne

saurait être authentique […] Cette présence réelle est incluse dans la notion même d’authenticité. Elle en constitue un élément substantiel. Elle en est, à la lettre, indissociable. »

La vérification de cette thèse, associant l’authenticité au témoignage, peut être établie à notre sens au travers des limites de l’inscription de faux le protégeant, indubitablement superposables « aux seuls faits que l’officier public y a énoncés comme les ayant accomplis lui-même ou comme s’étant passés en sa présence dans l’exercice de ses fonctions »113. La réception est donc à ce stade entendue dans son sens le plus large comme la juxtaposition cumulative des conditions légales de l’art. 1317 civ., que seule la présence physique du notaire est en mesure d’assurer.

• Regard moderne porté sur cette doctrine :

Il ne s’agit nullement ici, bien entendu, de contester la valeur de l’analyse de l’éminent chercheur précité, mais tout au plus de confronter modestement ses conclusions à l’épreuve de l’évolution juridique et sociale d’une part, et à la pratique notariale d’autre part. Un premier argument inhérent à la chronologie peut être d’abord invoqué :

Pour dater de près d’une trentaine d’années et être intervenue dans des circonstances très particulières, à savoir la réforme de la procédure d’habilitation des clercs de notaire114, cette doctrine ne témoigne plus complètement des nouvelles exigences sociales de passation des contrats dans un contexte juridique profondément bouleversé par les phénomènes de mondialisation115, largement favorisés par le développement des nouvelles technologies de l’information. Ainsi, l’internationalisation des échanges et des transactions met directement la spécificité notariale des pays de droit latin en concurrence avec les systèmes de Common Law, qui ne reconnaissent pas le caractère authentique et ont largement développé les dispositifs de contractualisation à distance par tous types de médias116 (téléphonie, télématique, etc. ).

pratiquement la différence entre l’écrit authentique et l’écrit sous seing privé si ce n’est la contestation en justice ? » 112 Laurent, Principes de droit civil français, t. XIX, n°102 cité par J. Flour, préc. 113 Civ. 1ère, 26 mai 1964, D. 1964, 627 ; JCP éd. G1964, II, 13758, note R.L. 114 Sur cette procédure, cf. supra 2.2.1.1.3 115 Sur ce sujet, cf. F. Béranger, Le notariat dans la mondialisation, Chapitre 2 in la sécurité juridique à l’épreuve de la mondialisation, 31ème Congrès du Mouvement du Jeune Notariat, Pompadour 2000. 116 L’avance du droit américain pouvait notamment se mesurer dès 1981 sur les contrats à distance: Restatement of the law, Second, Contracts 2d, The American Law Institute, vol l, St. Paul (Minn.), 1981, Article 64: "Acceptance given by telephone or other medium of substantially, instantaneous two-way communication is governed by the principles applicable to acceptance where the parties are in presence of each other"

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Se réfugier derrière le postulat selon lequel la comparution physique des

parties devant l’officier public confère un cœur sacramentaire au contrat, l’authenticité, n’est-il pas nier cette nouvelle aspiration sociale d’un acte conclu à distance, à l’heure où le commerce électronique représente un chiffre d’affaires d’environ 350 milliards de dollars pour les Etats-Unis et de 600 milliards de dollars pour le monde, dont plus de 80% pour les échanges d’entreprises à entreprises117 ? Ne s’agirait-il pas d’une profonde carence de la profession notariale que de refuser de prendre en compte ces nouveaux enjeux et d’assurer son service sur ces nouveaux marchés, lorsque l’on connaît sa mission de service public ?

La question est alors, on l’aura compris, autant économique et politique que technique et juridique. Ceci dit, elle ne présente aujourd’hui plus guère d’intérêt, du fait de l’évolution du critère de la réception vers la consécration plus précise de celui la signature de l’officier public d’une part118, et des réponses pratiques apportées par la pratique à l’occasion de l’introduction du formalisme électronique d’autre part, qui permettent de combiner l’impératif de réception et l’élaboration d’un acte à distance119.

Il convient dans un second temps de relever l’apport de la pratique notariale

dans l’infléchissement de cette théorie de la réception entendue lato sensu : Un premier mouvement jurisprudentiel s’était ainsi manifesté pour accorder

plus de souplesse au traditionnel triptyque que recouvrait cette notion (réception des parties, recueil de leurs signatures, signature de l’officier public). En effet, la Haute Juridiction avait dès les années cinquante ôté la condition de simultanéité lors de l’apposition des signatures, en concluant que l’acte signé par les parties puis par le notaire, même après le décès de l’une d’elles, ne perdait pas son caractère authentique120. Ces décisions, qui ont pu être qualifiées d’opportunes121, ne peuvent être cependant étendues à toutes les hypothèses (cas du contrat de mariage, spécialement décrit comme un contrat simultané par l’art. 1394 al. 1er civ.).

• De la réception à la signature :

La réforme de la procédure d’habilitation des clercs de notaire devait dans la même perspective contraindre J. Flour à préciser plus avant la notion de réception qu’il venait de couronner122.

En se fondant sur la nature même de ce procédé, qui comme nous l’avons vu ne correspond nullement à une délégation de pouvoirs puisqu’elle suppose

(Traduction: l’accord donné par téléphone ou tout moyen de communication à double-sens, instantanée et substantielle est régi par les principes applicables à ceux où les parties sont en présence l’une de l’autre) 117 Source : Rapport de synthèse de la mission commerce électronique pour le Ministère des Finances, F. Lorentz, consultable à l’adresse Internet http://www.finances.gouv.fr/118 Cf. infra 119 120 Civ., 22 avril 1950, JCP 1950, II, 5620, note Le Clec’h. confirmé par Civ. 3ème, 27 nov. 1990, JCP G 1991, IV, 35. 121 N. Dutour, F.Vignal, Le moment de la signature de l'acte authentique : date unique ou pluralité de dates, JCP N 1998, n° 7, p. 222. 122 J. Flour, Sur une notion nouvelle de l'authenticité, préc., n° 15.

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nécessairement la signature postérieure du notaire123, l’auteur retient une nouvelle définition plus restrictive de l’authenticité :

« L’acte authentique devient celui qui est reçu, c’est-à-dire signé par l’officier

public après que les parties ont été reçues et leurs signatures recueillies par un collaborateur habilité » Les conditions traditionnelles de l’art. 1317 civ., à savoir la présence physique du notaire et les solennités requises apparaissent dès lors superflues au regard d’une telle consécration de la signature de l’officier public comme le nouvel élément central de la réception, et a fortiori de l’authenticité. Le Professeur P. Catala relèvera plus tard dans cette perspective le rôle tout à fait secondaire de la signature des parties : par la seule présence du témoignage privilégié fournie par le notaire, les manifestations individuelles de volonté s’en trouvent naturellement parfaites124. C’est de cette réflexion circonstancielle que nous apparaissent devoir émerger les bases du futur acte authentique dématérialisé125 que nous étudierons plus précisément dans le contexte de l’émergence du nouveau formalisme électronique (B) en droit positif.

B. L’acte authentique à l’épreuve du formalisme électronique :

La récente réforme du droit de la preuve qui s’est imposée en droit positif avec l’apparition du support électronique (A), oblige dans une seconde approche à poursuivre la réflexion et à repenser la possibilité d’une dématérialisation de l’acte authentique (B) :

1. Le formalisme électronique: l’adaptation du droit de la preuve aux nouvelles technologies

L’irruption des nouvelles technologies de l’information dans les échanges

internationaux avec le développement spectaculaire du commerce électronique et l’apparition des réseaux mondiaux (comme le World Wide Web), allait être à l’origine d’une volonté de régulation juridique exprimée au plus haut niveau international puis retranscrite en droit positif interne, pour constituer le nouveau formalisme électronique.

1.1 Le contexte international : la réglementation du commerce électronique

123 Sur la notion d’habilitation, cf. supra 2.2.1.1.3 124 P.Catala, Le formalisme et les nouvelles technologies, Defrénois 2000, art. 37210, n° 22. 125 Cf. infra, I, B, 2.

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2.7.3 L’impulsion supranationale : le projet

CNUDCI Malgré une finalité initiale résolument tournée vers les rapports et échanges

commerciaux entre entreprises, les contrats électroniques ont rapidement acquis une dimension sociale incontournable et universelle par la démocratisation des procédés informatiques (micro-informatique personnelle) et des réseaux (notamment Internet).

C’est à partir de là une toute autre réalité que le droit se voit contraint

d’appréhender ; réalité qui déborde d’ailleurs largement des frontières du droit commercial des affaires. Ainsi, comme le faisait remarquer le Professeur Pierre Catala126 :

« Avec la banalisation d’Internet, le télé-contrat échappe au droit des affaires

pour envahir la vie quotidienne ; en devenant un phénomène de masse, il se civilise au sens juridique. »

Saisie au niveau mondial de ce phénomène, la Commission des Nations Unies pour le Droit Commercial International (CNUDCI) a entrepris de rationaliser le développement des échanges électroniques en droit commercial international par le biais d’une loi-type adoptée en 1996127. D’une portée très large en tant qu’il vise divers aspects du commerce électronique, tels que l’Echange de Données Informatisés (EDI)128,ou la reconnaissance des messages, signatures et contrats électroniques, ce texte n’en demeure pas moins « minimaliste » et relativement neutre dans ses prescriptions pour permettre une adaptation réelle au progrès technologique.

Pour autant, il faut relever dans cette initiative quelques apports juridiques

majeurs, au premier rang desquels la consécration du postulat de « l’équivalence fonctionnelle » :

Soucieuse d’élargir le champ d’application du formalisme juridique aux

nouveaux documents électroniques, la loi-type propose en effet une redéfinition des termes « écrit », « signature », et « original »129 fondée sur la neutralité du support considéré et donc la reconnaissance implicite de la validité des nouveaux actes dématérialisés.

Il semble d’ailleurs à ce stade que les nouveaux procédés techniques aient

plus suscité un besoin de redéfinition précise de notions juridiques traditionnelles que de réelles interrogations sur leur pertinence. 126 P.Catala, Ecriture électronique et actes juridiques, in Mélanges Michel Cabrillac, Litec, 1999. 127 Sur l’origine du projet CNUDCI, Cf. Guide pour l'incorporation de la Loi type de la CNUDCI sur certains aspects juridiques de l'échange de données informatisées (EDI) et des moyens connexes de communication, http://www.uncitral.org/french/sessions/unc/unc-29/acn9-426-f.htm 128 L'échange de données informatisées (EDI) est le transfert électronique, d'un ordinateur à un autre, de données commerciales et administratives sous la forme d'un message EDI structuré conformément à une norme agréée. 129 Art. 5, 6 et 7 de la loi-type CNUDCI, consultable à l’adresse : http://www.uncitral.org/french/texts/electcom/ m l-ec.htm

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En particulier, ce sont des critères de définition traditionnels qui sont retenus pour apprécier la validité de la signature, fût-elle électronique, lorsque sa présence est imposée par la loi : cette dernière doit ainsi permettre d’identifier la personne et d’indiquer qu'elle approuve l'information contenue dans le message tout en garantissant que la méthode utilisée soit suffisamment fiable, au regard de l'objet pour lequel le message a été créé ou communiqué (art.6). Ces deux conditions cumulatives constituent les fondements de l’ensemble des législations nationales et supranationales, même si elles ont pu être ponctuellement édulcorées130.

Notons enfin qu’au regard du titre authentique qui nous préoccupe, les

grandes lignes directrices sont posées sous les réserves que nous développerons plus loin131 : Ainsi, en ce qui concerne l’original, le texte impose encore deux conditions essentielles, à savoir une garantie fiable et durable d’intégrité d’une part, et la possibilité d’en faire la présentation à l’ayant droit d’autre part (art.7). Les conditions de conservation et la force probante du document électronique, qui sont quant à elles régies aux art.10 et 11, achèvent a priori de préparer l’authenticité à son nouveau support. Loin de laisser aux Etats le soin d’adapter dans leurs législations internes les principes sus-évoqués, la CNUDCI continue d’élaborer depuis quelques années un ensemble de règles uniformes sur les signatures électroniques par l’intermédiaire de son groupe de travail. Des précisions majeures telles que la distinction entre signatures électroniques « simple » et « renforcée », ou la pondération de la présomption de fiabilité des signatures132 sont autant d’exemples de cette activité normative soutenue d’inspiration supranationale.

2.7.4 L’harmonisation communautaire : la Directive du 13 Décembre 1999

Face aux premières initiatives législatives des Etats membres en matière de

signature électronique133, la Commission européenne s’est efforcée d’instaurer les principes d’une véritable harmonisation au niveau européen dans le double souci de protéger le marché intérieur contre les divergences ponctuelles des Etats d’une part, et de promouvoir la confiance des utilisateurs en ces nouveaux procédés technologiques d’autre part.

Les premières initiatives furent d’abord ponctuelles et tentèrent une première

adaptation du droit de la preuve dans le cadre de l’EDI (art. 4 de la recommandation concernant les aspects juridiques de l'échange de données informatisées du 19 octobre 1994), ou dans celui du commerce électronique (Directive adoptée le 7 décembre 1999, prescrivant dans son art. 9 l’adaptation des droits nationaux à la passation de contrats par voie électronique). Mais l’intérêt principal de notre étude

130 Sur la souplesse de la loi française du 13 mars 2000 au regard de l’art.6 de la loi-type, Cf. supra et JCP N, N°11, Actualités, 15 mars 2000, p. 451, 1. 131 Cf. infra. B. 132 Art. 11 du projet CNUDCI publié le 9 décembre 1999 133 On citera notamment la loi italienne du 13 mars 1998, commentée par Massimo Riccio et Massimiliano Russo, Gaz. Pal., 1999.2, doctr. p. 1542.

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doit être concentré sur la reconnaissance de la valeur juridique des signatures électroniques.

Sur ce sujet, le texte définitif de la Directive adopté le 13 Décembre 1999134

tend à relayer les initiatives de la CNUDCI en développant deux axes majeurs : la reconnaissance de la valeur juridique de la signature électronique (1.1.2.2) et les attributions légales concernant les prestataires de service de certification (1.1.2.3). Il s’inscrit dans le cadre du principe de libre circulation des marchandises et des services dans le marché intérieur.

Mais il convient au préalable de relever que la portée de ce texte n’est pas

absolue. En effet, le formalisme de certains actes, et en particulier celui de l’authenticité, est volontairement écarté du champ d’application de la Directive (1.1.2.1).

2.7.4.1 Le formalisme et

l’authenticité mis à l’index de la Directive

Soucieuse de ne pas outrepasser son champ de compétence, la Commission

a entendu dès l’art. 1er al 2 de la Directive, limiter son application au seul cadre contractuel « général » (celui des actes sous seing privés) :

« Elle ne couvre pas les aspects liés à la conclusion et à la validité des contrats ou d'autres obligations légales lorsque des exigences d'ordre formel sont prescrites par la législation nationale ou communautaire; elle ne porte pas non plus atteinte aux règles et limites régissant l'utilisation de documents qui figurent dans la législation nationale ou communautaire. »

Il semble donc qu’au regard de ces dispositions, le formalisme inhérent aux actes authentiques et aux actes solennels fasse obstacle à l’application des dispositions communautaires. Il en est de même pour les déclarations administratives, même si un auteur135 a pu relever une certaine contradiction de l’article précité avec le Considérant 19 prévoyant l’utilisation des signatures électroniques dans le secteur public, au sein des administrations nationales et communautaires et dans le cadre de leurs communications avec les justiciables (cas du réseau des cartes Vitale en France en particulier, dans le domaine de la santé).

Les justifications de cette limitation volontaire résident essentiellement dans la difficulté du droit communautaire à concilier les deux systèmes juridiques majeurs coexistants dans l’Union, à savoir les systèmes de droit romano-germanique et de Common Law. Face à l’influence nord-américaine136 qui se préparait, l’enjeu était semble t-il plus d’établir les principes fondateurs du commerce électronique que de 134 Directive 1999/93/CE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 1999 sur un cadre communautaire pour les signatures électroniques, JOCE, L, du 19 janvier 2000, p 12 à 20. (Cf. ANNEXE III) 135 E. Caprioli, La loi française sur la preuve et la signature électroniques dans la perspective européenne,JCP G 2000, n°18, p 787, n° 8. 136 On citera notamment la reconnaissance précoce des procédés de preuve informatisés dans la réforme du Code Civil du Québec du 1er janvier 1994, puis la réglementation américaine postérieure matérialisée par la loi fédérale S.761 (Electronic signatures in Global and National Commerce Act) du 30 juin 2000, qui autorise les citoyens américains à utiliser une carte à puce pour attester de leur identité sur Internet.

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s’immiscer de façon hasardeuse dans des législations complexes et hétéroclites sur des actes trop spécifiques. Pour autant, il ne s’agissait nullement d’une condamnation définitive et la liberté conférée aux Etats dans la transposition de ce texte (art.9 de la Directive) devait d’ailleurs permettre de combler cette lacune.

L’étude de l’apport intrinsèque du texte communautaire n’en demeure pas

moins essentielle toutefois pour mieux comprendre les mécanismes juridiques de base applicables aux procédés de signature électronique, et que la loi française devait étendre aux actes authentiques137.

2.7.4.2 La reconnaissance

de la valeur légale des signatures électroniques

A l’heure de la rédaction du texte communautaire, il est essentiel de relever

qu’un grand nombre d’Etats membres (dont la France138), ne donnaient encore une valeur juridique qu’aux seules signatures manuscrites.

Dans cette perspective, la Commission entreprend d’abord d’établir le principe

de validité de la signature électronique par une double définition volontairement neutre pour, à l’instar du projet CNUDCI, se prémunir de l’évolution technologique. Constitue ainsi une « signature électronique » (simple) au sens de l’art. 2.1 :

« une donnée sous forme électronique, qui est jointe ou liée logiquement à d'autres données électroniques et qui sert de méthode d'authentification; » Toutefois, ladite signature pourra en outre prendre la qualification de

« signature électronique avancée » si elle respecte les quatre conditions cumulatives suivantes:

« a) être liée uniquement au signataire; b) permettre d'identifier le signataire; c) être créée par des moyens que le signataire puisse garder sous son contrôle exclusif ; d) être liée aux données auxquelles elle se rapporte de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable; »

Les raisons de l’établissement de ces deux niveaux de signatures tiennent en grande partie en la sécurité essentielle que la Directive compte conférer à cette forme de manifestation du consentement : au regard de ces quatre éléments

137 Cf. . infra sur les nouveaux art. 1317 et 1316-4 civ. 138 Pour l’invalidation d’une signature informatique antérieurement à la loi française du 13 mars 2000, cf. TI Sète, 9 mai 1984, D. 1985, 359, note Bénabent.

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constitutifs, ce sont les fonctions d’identification (b), et d’intégrité (d) de la signature qui sont mises en lumière139. Sous ces conditions restrictives supplémentaires, l’assimilation de ladite signature avancée à celle manuscrite est ainsi proclamée, établissant ainsi le principe fondamental d’une présomption de fiabilité en justice :

« Art. 5.1. Les États membres veillent à ce que les signatures électroniques avancées basées sur un certificat qualifié et créées par un dispositif sécurisé de création de signature:

a) répondent aux exigences légales d'une signature à l'égard de données électroniques de la même manière qu'une signature manuscrite répond à ces exigences à l'égard de données manuscrites ou imprimées sur papier et

b) soient recevables comme preuves en justice. »

Pour autant, le législateur européen nuance ensuite son propos et rappelle le principe de non-discrimination des différents niveaux de signatures :

« Art 5.2. Les États membres veillent à ce que l'efficacité juridique et la recevabilité comme preuve en justice ne soient pas refusées à une signature électronique au seul motif que:

- la signature se présente sous forme électronique ou - qu'elle ne repose pas sur un certificat qualifié ou - qu'elle ne repose pas sur un certificat qualifié délivré par un prestataire accrédité de service de certification ou - qu'elle n'est pas créée par un dispositif sécurisé de création de signature. »

Outre la valorisation du caractère général de la Directive, cet apport majeur

constitue, à notre sens, une volonté de ne pas fermer la porte à l’ensemble des procédés de preuves imparfaits qui pourraient subvenir140, et permet la démonstration en justice de la fiabilité d’un procédé de signature simple dont la valeur probatoire n’aurait pas été présumée. Pour autant, sur un plan strictement économique, ces deux niveaux de signatures ne doivent pas masquer « une signature électronique à deux vitesses » : celle simple de l’utilisateur lambda qui outre ses prétentions, devra défendre la fiabilité des preuves électroniques qu’il énonce, et celle avancée d’une entreprise, plus fortunée141, pour laquelle la présomption de fiabilité (apportée et sécurisée par l’intervention du Prestataire de Services de Certification), permettra une défense plus aisée. Ce risque, en germes dans le texte européen, se développera, comme nous le verrons, en droit interne.

139 Cf. sur ce point l’étude très complète de M. Antoine et D. Gobert, La Directive européenne sur la signature électronique. Vers la sécurisation des transactions sur l’Internet ?, JTDE, avril 2000, n°68, p 73 à 78. 140 A quand un commencement de preuve par écrit électronique ? La question reste en suspend… 141 Notons que la possibilité de signer électroniquement semble aussi dévolue aux personnes morales en vertu de l’absence de précision de l’art.2, 3° qui définit de façon générale le signataire.

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2.7.4.3 Les attributions légales concernant les Prestataires de Service de Certification

Le texte communautaire donne une définition large des Prestataires de

Service de Certification (PSC)142, organismes chargés d’assurer le fonctionnement des principes de signature électronique « par la délivrance de certificats ou la fourniture d’autres services liés aux signatures électroniques » (art. 2.11). Les différentes opérations d’horodatage (signature datée d’un condensé du message), d’annuarisation ou d’archivage sont ainsi concernées par la réglementation.

Par ailleurs, même si c’est le principe de liberté qui est proclamé quant à la

fourniture de ces services, les Etats peuvent instituer une procédure d’accréditation volontaire de ces organismes afin d’améliorer la qualité de leur travail de certification (art. 2.13). Ces derniers délivreront dès lors des « certificats qualifiés » (art. 2.10) répondant aux critères de fiabilité de l’Annexe I du texte et permettant d’engager les effets de l’art 5 précité.

La reconnaissance de la qualité de Prestataire de Service de Certification

emporte dès lors deux séries de conséquences : Le PSC est en premier lieu responsable de l’exactitude des informations qu’il

inscrit dans les certificats au jour de leur délivrance, du lien unissant le signataire à sa clef publique143, du caractère asymétrique des clefs générées et de la révocation éventuelle à des dates et heures précises desdits certificats (art.6). Pour autant, il apparaît que cette obligation soit limitée à la seule vérification de l’apparence de conformité avec les pièces envoyées ou présentées lors de l’enregistrement du client144. On est donc loin du certificat authentique notarié dont nous envisagerons l’éventualité plus avant dans cette étude145.

Le Prestataire est ensuite confronté au nécessaire respect de la législation

concernant la protection des données à caractère personnel, notamment institué par la Directive européenne du 24 octobre 1995146. En effet, la collecte des données par cet organisme doit s’établir de façon directe avec la personne concernée, après obtention de son consentement explicite, et uniquement dans la nécessité de l’établissement et de la conservation du certificat (art. 8.2). Le recours à un pseudonyme est également un nouveau moyen de protection offert au signataire (art. 8.3). 142 Sur le fonctionnement de ces organismes, et la fonction technique de tiers-certificateur, cf. infra. 2ème partie. 143 Sur cette notion, cf. supra 2ème partie sur les procédés de cryptologie asymétrique. 144 E. Caprioli, La loi française sur la preuve et la signature électroniques dans la perspective européenne, préc., n° 26 145 Cf. infra. 146 Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.

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2.8 Le contexte français : la loi sur la signature

électronique du 13 mars 2000

Avant d’envisager les modalités de transposition de la réforme du droit de la preuve dans le Code civil par la loi du 13 mars 2000147 et notamment la reconnaissance de l’acte authentique électronique, il est nécessaire au préalable de comprendre la préparation du droit positif français à cette évolution :

2.8.1 L’inadaptation du droit français de la

preuve

Jusqu’alors indubitablement assimilée à l’écriture manuscrite, la preuve littérale codifiée de façon durable par le Code Napoléon s’est trouvée profondément bouleversée en pratique par le développement croissant des nouvelles technologies de l’information. Avec l’apparition de la photocopie148, de la télécopie, d’Internet ou encore des réseaux fermés entre entreprises (Intranet), ce sont donc de nouveaux problèmes de validité de ces messages électroniques et de leur transmission qui se sont posés à un législateur relativement réticent149 et à une jurisprudence longtemps partagée :

Ainsi, si le juge a longtemps hésité à relever la force probante du courrier

électronique150, il a pu par ailleurs faire preuve d’audace en reconnaissant l’acceptation de la cession d’un Bordereau Dailly par télécopie en tant qu’écrit : « [l'écrit] peut être établi et conservé sur tout support, y compris par télécopie, dès lors que son intégrité et l'imputabilité de son contenu à l'auteur désigné, ont été vérifiées ou ne sont pas contestées »151

Quelques années auparavant, la Haute Juridiction avait déjà posé les

principes de validité des conventions sur la preuve électronique dans le cadre d’une affaire devenue célèbre en droit commercial, en présumant la fiabilité du procédé de signature par carte bancaire, composé d’un code secret et de la présentation physique de ce mode de paiement152. Cette étape essentielle, jugée dangereuse par certains commentateurs153, eut au moins le mérite de positionner les enjeux les plus cruciaux sur le plan technique, tout en laissant présager d’une remarquable adaptabilité du droit civil de la preuve.

147 Cf. ANNEXE I. 148 Indubitablement qualifiée de commencement de preuve par écrit désormais, dans la mesure où elle constitue « une copie sincère et fidèle à l’original » (Cf. Civ. 1ère, 30 mai 2000, JCP G, n°14, p 709, note Nizard). 149 A titre de réforme législative timide, on peut toutefois citer la dématérialisation des factures prévue à l'article 47 de la loi de finances pour 1990 (" Les factures transmises par voie télématique constituent des documents tenant lieu de factures d'origine ") ou de la transmission par voie électronique d'une déclaration administrative (article 4 de la loi du 11 février 1994). 150 Limoges, 18 mars 1999, Gaz. Pal. 14-15 janv. 2000, Somm. Obs. Cousin. 151 Com., 2 déc. 1997, SA Descamps c/ SA Banque Scalbert Dupont: D.1998, p.192, note D.-R.Martin JCP E1998, p.178, note R.Bonneau; JCP G1998, n°25, II, 10097, note L.Grynbaum 152 Arrêt CREDICAS, Civ. 8 Nov. 1989, D. 25, 28 juin 1990 reprenant un arrêt de la CA de Montpellier, 1ère Ch., 9 avril 1987, JCP G 1988, II, 20984. 153 H. Croze (in Informatique, preuve et sécurité, D. 1987, 24ème cahier, chron. 31.) retient notamment la nature « probabiliste » de la présomption de fiabilité.

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Pour autant, selon le professeur P. Catala, si la notion d’écrit est incontestable en ces espèces du fait de l’indifférence du support au regard de « la formalisation et la conservation des volontés » qu’ils renferment, elle demeure insuffisante à garantir l’identité de l’émetteur du message que seul le recours à la signature permet d’établir154.

En marge de ces frémissements jurisprudentiels, les initiatives européennes

devaient être relayées au plan national: outre un discours novateur de Madame le Garde des Sceaux au Congrès des Notaires de Lyon155 de mai 1998, un rapport du Conseil d’Etat intitulé « Internet et les réseaux numériques » fut adopté par son Assemblée générale en juillet 1998156. Le Ministère de la Justice avait parallèlement nommé un groupe de travail composé de chercheurs157 et constitué sous la forme d’un groupement d’intérêt public dont le rapport fut déposé en septembre 1997.

Tous ces projets devaient militer pour une véritable redéfinition de la preuve

littérale, indépendante du support utilisé et des moyens de son transfert, tout en étant garantie par une identification précise de l’émetteur et une fiabilité technique irréprochable des procédés utilisés.

L’héritage de la Directive était en cela assuré.

2.8.2 L’apport de la réforme législative française :

2.8.2.1 La loi du 13 mars

2000

La loi de transposition de la Directive communautaire précitée s’articule autour de quatre thèmes majeurs qui ont fait l’objet de larges développements en doctrine, et dont nous nous contenterons de rappeler brièvement les apports essentiels au regard de la reconnaissance de l’authenticité électronique :

• La reconnaissance de la preuve littérale : l’écrit et son support.

Le nouvel art. 1316 civ. dispose que : « La preuve littérale, ou preuve par écrit, résulte d’une suite de lettres, de caractères, de chiffres, ou de tous autres signes ou symboles dotés d’une signification intelligible, quels que soient leur support et leur modalité de transmission »

Visant à clarifier le droit de la preuve et à corroborer les orientations jurisprudentielles sus-évoquées, cette définition de l’écrit, par sa portée très large, s’inscrit dans la reconnaissance des nouveaux modes de preuves dématérialisées.

154 P. Catala et Y. Gautier, L'audace technologique à la Cour de Cassation : vers la libéralisation de la preuve contractuelle, JCP 1998, n°21-22, Actualité. 155 Un extrait des discours du Président de la République et du Garde des Sceaux prononcés en ouverture du Congrès peut être consulté à l’adresse suivante : http://www.congres-notaires.com 156 Source : Documentation française 1998 157 Ont fait partie du groupe de travail GIP nommé par le Ministère de la Justice: P. Catala, P.-Y. Gautier, J. Huet, I. de Lamberterie, X. Linant de Bellefonds, A. Lucas, C. Lucas de Leyssac et M. Vivant.

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Pour autant, la pertinence de cette définition a pu être discutée : le Professeur

A. Raynouard158 démontre de façon convaincante à cet effet que le Code civil n’a jamais exigé qu’un acte juridique soit prouvé « par papier » (comme cet article le laisse entendre), et que la force probante des actes juridiques régie par l’art. 1341 civ. ne suppose au surplus qu’un « support » (authentique ou sous-seing privé). Reconnaître l’incontestable universalité de l’écrit n’est-il pas éluder le problème de son support ?

L’art. 1316-1 civ. tente de répondre à cette interrogation en stipulant que : « L’écrit sous forme électronique est admis en mode de preuve au même titre que l’écrit sous support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu’il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l’équité » Au-delà de la reprise du principe de l’équivalence fonctionnelle159 déjà prescrit

par les instances internationales160, c’est donc une distinction dans la mise en œuvre judiciaire du document qui est opérée. Selon qu’il prendra la forme corporelle et autonome du papier ou celle électronique, c’est-à-dire immatérielle et fragile ou incertaine sans autre précaution, les conséquences probatoires en seront profondément modifiées.

En effet, les exigences de fiabilité apparaissent infiniment plus élaborées dans le contrat électronique, puisqu’elles supposeront la démonstration de l’identification de l’auteur de l’acte (assurée par la signature électronique) et l’assurance de l’intégrité de son support lors de sa conclusion et tout au long de sa conservation.

Si l’écrit est universel, le support est indubitablement d’une fiabilité relative

selon la forme qu’il revêt. L’équivalence probatoire entre l’ensemble des preuves écrites (art. 1316-2 civ.) appelait donc des conditions nivelant les contraintes du support matériel pour ne retenir que la substance littérale161.

La valeur de ces conditions légales est ici encore mal établie : par l’identification de la personne dont il émane faut-il entendre les seules parties qui s’engagent ou également le témoin de cet accord (le notaire, le tiers-certificateur) ? La question n’est pas tranchée même si nous privilégierons encore une portée extensive, dans la mesure où elle constitue le pendant naturel de la responsabilité allouée à ces « intermédiaires ».

Au surplus, un autre éminent auteur s’interroge sur l’intégrité du document

établie par la loi : selon lui, l’information apposée sur le support électronique n’est « pas imprimée de manière irréversible et donc elle demeure, quelles que soient les précautions prises ou les techniques utilisées, manipulable d'une manière ou d'une autre par celui qui sait comment procéder162 ». La perfectibilité du support 158 A.Raynouard, Adaptation du Droit de la preuve aux technologies de l’information et à la signature électronique, Defrénois, 30 mai 2000, art. 37174., n° 8 et suivants. 159 Principe qui vaut aussi pour les effets de la signature, tel que la force probante en vertu de l’art. 1316-3 civ. 160 Cf. supra 1.2.2. 161 Pour le Professeur L. Grynbaum, il s’agit d’une réponse opportune à la multiplication des nouveaux moyens de preuve tels que microfilm, photocopie, télécopie ou écrit électronique ( in La preuve littérale et la signature à l’heure de la communication électronique, Revue Communication-Commerce Electronique, Nov. 1999, p 10) 162 J. Huet, Vers une consécration de la preuve et de la signature électroniques, Recueil Dalloz 2000, Chron.p95

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électronique serait-elle irréversible ? La réponse semble en réalité plus technique que juridique.

• La reconnaissance de la signature électronique

Dans le prolongement de la Directive du 13 décembre 1999, l’art. 1316-4 civ. propose une définition de la signature, ainsi que des précisions supplémentaires lorsqu’elle revêt la forme électronique :

« La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie celui qui l'appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte. Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »

La première remarque tient en la dualité que contient cet article : contrairement à l’unicité de l’écrit décrite ci-dessus, la distinction entre la signature « au sens large » et celle qui serait apposée par la voie électronique témoigne de la volonté du législateur de cerner l’étendue du pouvoir que confère l’apposition de cette marque, trop souvent fluctuante eu égard au contexte juridique dans lequel elle était apposée. « La signature est toujours absorbée dans le domaine duquel elle surgit.»163

Pour autant, l’intérêt essentiel de la définition générale de la signature de cet

alinéa premier consiste en la reprise des fonctions essentielles d’identification du signataire et de manifestation de son consentement, déjà posées par la Directive européenne164 et clairement accueillies par le droit français.

Le second alinéa au contraire s’apparente à une œuvre créatrice

nouvelle en tant qu’elle présente une définition spécifique de la signature électronique reposant sur le lien qui l’unit à l’acte principal. Cette condition supplémentaire fait écho à celle relative à la notion de signature électronique avancée proposée par la Directive européenne et marque une volonté de disposer d’un instrument juridique efficace, intègre et fiable. Le rapporteur de la loi parlait ainsi de :

« signature élaborée, perfectionnée, indissolublement liée au texte auquel elle se rapporte, […] revenant à signer chacun des mots du texte et leur enchaînement ; pas une virgule du texte signé ne pouvant être modifiée sans que cela ne soit immédiatement visible pour le destinataire du message » Pour faciliter la reconnaissance judiciaire de cette relation, le texte établit une

présomption simple de fiabilité des procédés techniques utilisés, tout en s’inscrivant 163 I. Dauriac, La signature, thèse Paris II, 1997 citée par A.Raynouard, préc., n° 22. 164 Cf. supra. 1.2.3.2.

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dans l’indispensable neutralité technologique évoquée plus haut, seule garantie de la pertinence du texte face à l’évolution des procédés techniques.

A cet égard, on peut certes noter que le renvoi au pouvoir réglementaire a pu

être critiqué dans la reconnaissance concrète des procédés fiables d’élaboration165. Mais il nous semble au contraire judicieux de lui reconnaître la faculté de pouvoir mieux appréhender que ne l’aurait fait une appréciation d’espèce d’un juge du fond166 en la matière, la pertinence globale des procédés techniques, la rapidité de leur évolution et l’influence des instances communautaires.

2.8.2.2 Le Décret d’application du 30 mars 2001

Dans cette perspective sus-évoquée, la parution tardive du premier Décret167

d’application de la loi de mars 2000, consécutive à la consultation publique organisée à ce sujet, s’est révélée d’une importance capitale dans la mise en place du dispositif français de formalisme électronique :

Visant à préciser la nature des procédés retenus comme fiables au regard des

articles du Code civil sus-évoqués, ce texte récent s’articule autour de trois axes majeurs qui sont la certification des dispositifs de création des signatures électroniques (art. 3), la possibilité d’un contrôle des procédés de vérification de signature (art. 5) et enfin les conditions relatives aux certificats qualifiés et aux Prestataires de Services de Certification (PSC) (art. 6,7 et 8)168.

Le processus de création des signatures électroniques obéit d’abord à une

procédure dont la conformité est appréciée par les services du Premier Ministre169 (ou un autre organisme désigné à cet effet par un Etat membre de la Communauté européenne), et qui suppose l’assurance de toute confidentialité (art. 3-a), comme l’impossibilité de toute falsification (art. 3-b), détournement par un tiers (art. 3-c), ou altération avant et après la signature (art. 3-2).

Les logiciels ou matériels de vérification doivent ensuite répondre aux exigences de l’art. 5 qui imposent, au profit du vérificateur (art. 5-a), la garantie de non-altération (art. 5-b), de détermination du contenu (art. 5-c), de lien avec l’acte (art 5-d), d’identification (art. 5-e) et de possible vérification d’une éventuelle falsification (art. 5-g) de la signature.

Les objections majeures à ce texte d’application ont pu être récemment mises

en lumière et doivent retenir notre attention :

165 Le Professeur A. Raynouard dénonce en particulier un tel abandon du pouvoir par le législateur qu’il juge lourd de conséquences (art. préc., n° 26), mais on peut objecter qu’il en est de même en bien des matières. 166 Cf. en ce sens S. Azzabi, Le nouveau régime probatoire français après l'adoption de la loi portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relatif à la signature électronique du 13 mars 2000, article consultable à l’adresse : http://rechtsinformatik.jura.uni-sb.de/cbl/comments/cbl-comment_20000013.html 167 Décret n°2000-272 du 30 mars 2000, J.O. Numéro 77 du 31 Mars 2001 page 5070, Cf. ANNEXE II. 168 Cf. infra, II, A sur la notion de PSC 169 dont la procédure a été définie aux termes du Décret n°2002-535 du 18 avril 2002 relatif à l'évaluation et à la certification de la sécurité offerte par les produits et les systèmes des technologies de l’information ; Voir le site : http://www.scssi.gouv.fr

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En premier lieu, il est étonnant que le Décret en cause n’ait retenu que le seul recours à un tiers-certificateur pour reconnaître pratiquement la valeur légale d’une signature électronique. En effet, il existe d’autres procédés tout aussi fiables en théorie pour valider les dispositions de l’art. 1316-4 civ. et on peut penser notamment à l’élimination des signatures biométriques utilisant l’empreinte naturelle d’une personne (iris, empreinte digitale ou vocale), ou des systèmes directs de carte à puce170. Pour autant, il faut voir en cette reconnaissance restreinte la volonté de rationaliser l’usage des signatures électronique vers la seule voie qui techniquement aujourd’hui est unanimement reconnue comme fiable, à savoir celle de la cryptologie asymétrique171. Des ajustements ultérieurs et dépendant des progrès techniques sur les autres types de signatures ne sont donc pas à exclure.

Par ailleurs, on peut s’étonner des conséquences de la reconnaissance

explicite de la signature électronique « sécurisée » comme condition essentielle à la présomption de fiabilité reprise à l’art. 2 du Décret : en voulant s’aligner sur le modèle européen (celui de la signature électronique qualifiée déjà détaillé), le texte se veut résolument plus restrictif à l’égard de la prise en compte des procédés retenus, ce qui tranche singulièrement avec les intentions généreuses initiales du législateur à l’égard de l’ensemble du formalisme électronique.

Une partie de la doctrine a d’ailleurs pu parler d’une « signature électronique à deux vitesses » au regard des différences de traitement que le marché de la certification allait nécessairement générer dans ce contexte : entre la « signature sécurisée » des grandes entreprises et la « signature simple » des clients moins fortunés, l’incertitude est permise sur la fiabilité future globale des échanges électroniques.

2.8.2.3 Le projet de Loi pour

la Confiance dans l’Economie Numérique et la question des écrits ad validitatem

Initié lors de la précédente législature172, le projet de loi « pour la Confiance

dans l’Economie Numérique » déposé par le gouvernement envisage dans son article 14, la dématérialisation sous forme électronique des contrats pour lesquels l’écrit est exigé à peine de nullité (contrats écrits ad validitatem)173.

Cette adjonction ponctuelle, dans un texte d’une portée par ailleurs très générale, fait écho à un débat doctrinal soutenu sur la valeur de l’écrit électronique ad validitatem, que les textes avaient jusqu’alors laissée dans l’ombre. Il faut y voir en réalité les situations où la loi exige une transcription matérielle dans le double 170 Cf. le commentaire de C.Charbonneau et F-J Pansier, Petites affiches, 6 avril 2001, n°69 qui dénoncent le paradoxe selon lequel la carte à puce, spécialité française, a été dénigrée par ses initiateurs et reprise aux Etats-Unis, notamment par la récente carte « Blue » mise sur le marché par American Express pour garantir les transactions électroniques via Internet. 171 Cf. infra sur cette notion, II, A, 1.2.2 172 Projet de loi sur la Société de l’Information consultable à l’adresse suivante : http://www.lesechos.fr/evenement/LSI/projet-LSI.pdf et pour une dernière rédaction en date du 14 juin 2001, date de dépôt du texte à l’Assemblée Nationale, cf. ANNEXE IV et http://www.legifrance.gouv.fr/html/actualite/actualite_legislative/prepa/pl_pli3.htm 173 Cf. Annexe V.

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souci d’ « attirer l'attention des parties sur l'importance de l'acte » et de permettre « à chacun de mûrir sa décision et de mieux préciser sa pensée »174. Le « rite d’écriture »175 prend alors tout son sens par l’impact psychologique intrinsèque qu’il induit.

La question de l’extension du formalisme électronique à ce type d’acte,

soigneusement mise de côté par le législateur de 2000, avait été ardemment défendue par le rapporteur Jolibois lors de son rapport de synthèse de la loi initiatrice sur « la Société de l’Information » 176. Faisant suite aux vœux des parlementaires, ce dernier s’était en effet attiré les foudres d’une partie de la doctrine qui concluait que « la signature requise ad validitatem devait être nécessairement autographe », en tant qu’elle faisait référence non pas à la valeur probatoire de l’acte mais à son existence-même177.

De plus, la majorité des auteurs, se montrait assez méfiante sur les garanties apportées par ce nouveau support pour des actes méticuleusement réglementés178. La jurisprudence s’était d’ailleurs déjà manifesté en ce sens179.

Qu’il nous soit permis toutefois de contester cette opinion en prenant pour

preuve l’universalité de l’écrit dématérialisé de son support que nous avons extraite des définitions légales180. Car si la condition de validité du titre réside dans la production d’un écrit et que cet écrit peut-être établi sous forme électronique aux termes de l’art. 1316-1 civ., il apparaît logiquement que l’écrit électronique puisse par induction constater la passation d’un acte ad validitatem au même titre qu’un écrit sur support papier.

L’impossibilité de constituer un écrit électronique pour ces types d’actes ne peut donc résulter que d’autres circonstances indépendantes à la forme électronique en tant que telle. Pour illustrer cette démonstration qu’il soutient, le Professeur Raynouard cite à titre d’exemple le cas du bail d’habitation181, nécessairement établi par écrit (art. 32 de la loi du 6 juillet 1989), et donc a fortiori valable aussi sous support électronique, mais au titre duquel le congé devra en revanche être « notifié par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou signifié par acte d’huissier » (art. 15, loi préc.). Ce sont ici les circonstances de la notification qui interdisent l’écrit électronique, puisqu’on imagine mal, pour l’heure, un cachet postal sur un acte dématérialisé.

174 F. Gonthier, Réflexion sur la notion d’écrit, JCP N 1999, n°49, citant J.Carbonnier, préc., n°90 et F.Terré, Ph.Simler et Y.Lequette, préc., n°126. 175 J.Carbonnier, préc., n°90 176 Ch. Jolibois, RAPPORT 203 (1999-2000) - commission des lois, consultable sur le site de l’Assemblée Nationale http://www.assembleenationale.fr 177 Conclusion du Professeur J. Huet, Vers une consécration de la preuve et de la signature électroniques, préc. 178 Le Professeur J. Huet (in Vers une consécration de la preuve et de la signature électroniques, Recueil Dalloz 2000, préc.) cite l’exemple du crédit à la consommation, très encadré « en raison des dangers qu'il présente pour les consommateurs et des problèmes soulevés pour la société dans son ensemble par l'endettement des ménages » 179 Sur l’insuffisance de l’utilisation d’une clef informatique pour l’envoi d’un télex comme valant signature d’un aval porté sur une traite, Cf. Com. 26 Novembre 1996, JCP E 1997, p. 906, note Th. Bonneau 180 Cf. supra 1.3.2.1, 1er point. 181 A. Raynouard, Adaptation du Droit de la preuve aux technologies de l’information et à la signature électronique, Defrénois, préc., n° 37

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A cet égard, la nouvelle loi s’inscrit dans cette reconnaissance explicite des actes électroniques et mentions manuscrites prescrits à peine de nullité. Le projet actuel en pose les principes de base dans le futur art 1108-1 civ. qu’il propose :

« Art. 1108-1.- Lorsqu'un écrit est exigé pour la validité d'un acte juridique, celui-ci peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1316-1 et 1316-4 et, lorsqu'un acte authentique est requis, au second alinéa de l'article 1317.

Lorsque est exigée une mention écrite de la main même de celui qui s'oblige, ce dernier peut l'apposer sous forme électronique si les conditions de cette apposition sont de nature à garantir que la mention ne peut émaner que de lui-même. »

Cette codification nouvelle au sein des conditions de validité traditionnelles des conventions a pu être, à juste titre, saluée dans sa logique182, vis-à-vis de l’ancienne intégration prônée par le projet de loi sur la Société de l’information : ce dernier qui prévoyait d’intégrer ces dispositions au sein de celles relatives à la preuve en matière civile183, méconnaissait à notre sens cette nouvelle dimension donnée au formalisme électronique, qui pénètre de fait les conditions essentielles de l’élaboration du consentement.

Toutefois, le texte réserve dans l’article 1108-2 civ. proposé, plusieurs exceptions notables pour les actes relatifs au droit des personnes et de la famille (donc relevant directement de la compétence notariale), les actes soumis à autorisation ou homologation de l'autorité judiciaire et enfin les sûretés passées pour les besoins professionnels184 ainsi que concernant le sort des actes solennels qu’il nous appartiendra d’envisager plus avant.

L’apport de la loi LSI sera par ailleurs détaillé au regard des dispositions

relatives à la cryptologie185.

2. L’acte authentique dématérialisé:

« L'esprit a tendance à se délivrer du palpable pour arriver à ses fins. » Antonin Artaud

182 L. Grynbaum, « Projet de loi pour la Confiance dans l’Economie Numérique : Encore un petit effort de rigueur juridique pour un contrat électronique fiable », Dalloz 2003, n°11, p 748. 183 La loi LSI proposait une section spécifique sur les contrats par voie électronique et l’adjonction d’un nouveau Chapitre VII au Titre III du Livre troisième du Code civil intitulé : " Des contrats ou obligations sous forme électronique ", comprenant les nouveaux articles 1369-1 à 1369-5 civ. 184 Sur ce point, cf. le futur art. 1369-2 civ. proposé en Annexe IV. 185 Cf. sur ce point note n° 226, infra.

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Le nouveau contexte du formalisme électronique mis en place en droit positif oblige à s’interroger sur la valeur et l’avenir de l’acte authentique, instrument de sécurité juridique incontournable, que le passage au support numérique ne doit pas être en mesure de remettre en cause.

2.1 L’art. 1317 civ. et le décret sur l’acte authentique L’extension du support électronique à la passation des actes authentiques s’inscrit, en premier lieu, en rupture avec les mesures européennes qui excluaient formellement de leur champ d’application les actes relevant de l’activité notariale, « dans la mesure où elles comportent une participation directe et spécifique à l’exercice de l’autorité publique »186.

Pourtant, issue d’un amendement sénatorial, l’actuelle législation s’est montrée résolument audacieuse187 en reconnaissant expressément l’authenticité électronique avec l’adjonction de l’alinéa 2 à l’art. 1317 civ. :

« [L’acte authentique] peut être dressé sur support électronique s’il est établi et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d’Etat » Cette rédaction ne modifie pas spontanément les conditions de

l’authenticité188, telles qu’elles ont été envisagées au regard de l’évolution des conditions de l’art. 1317 al 1er civ. demeuré inchangé189, et laisse au pouvoir réglementaire le soin de définir ses modalités pratiques.

Pour autant, les enjeux sont essentiels, dans la mesure où cette authenticité

dématérialisée doit permettre de garantir les mêmes effets juridiques (essentiellement force probante et force exécutoire) que ceux conférés aux actes authentiques élaborés sur support papier.

Dans cette perspective, l’hétérogénéité des actes authentiques au regard de la

qualité de leurs rédacteurs et des buts poursuivis a conduit le législateur à confier la préparation du décret d’application à un second groupe d’experts190 (groupe GIP remodelé), dont la composition originelle, en particulier de juristes, a été en ce sens élargie à des experts en matière de certification, d’horodatage et d’archivage des documents191. Sont également associés à ce projet des membres des professions judiciaires (notaire, huissier, avocat), des magistrats et un responsable d’un service de l’Etat-civil.

186 Art. 1-5° de la Directive européenne sur le « commerce électronique » de mai 2000. 187 Le rapport de préparation précise : « Il ne s'agit pas là d'encadrer une pratique, mais plutôt d'ouvrir un cadre légal pour l'avenir » 188 La position à cet égard est unanime, et rappelée récemment par Me Decorps, Président du Conseil Supérieur du Notariat, Petites affiches, 11 avril 2000, n°72, p 3 et 4. 189 Cf. supra. A, 2.3 et B, 2.1 190 Ce groupe fait suite à celui chargé d’élaborer les bases du premier décret relatif à la signature électronique paru le 30 mars 2001, cf. supra. 191 Cf. infra sur ces notions.

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Les objectifs fixés par la Chancellerie sont de deux sortes : outre l’adaptation pratique au support électronique de la forme authentique, ce sont aussi les conditions essentielles d’archivage et de conservation de l’acte qui sont visées. 2.2 La limite des actes authentiques solennels Ainsi que nous l’avons vu plus haut192, un certain type d’actes authentiques, qualifiés d’actes solennels, requiert ladite forme à peine de nullité en vertu des intérêts d’ordre public ou de protection essentiels qu’ils mettent en jeu. Le respect des solennités authentiques ne s’analyse donc dès lors comme un argument probatoire, mais plutôt comme un élément constitutif majeur de l’instrumentum considéré, seul à même d’en garantir la validité juridique. Par delà la probable admission des actes électroniques ad validitatem dans le cadre de la prochaine loi sur l’Economie Numérique que nous avons envisagée (actes authentiques ou sous-seings privés à établir sous forme écrite à peine de nullité), la question d’éventuels actes authentiques solennels électroniques se veut résolument plus complexe puisqu’elle suppose, outre la dématérialisation de la forme authentique traditionnelle193, celle des autres solennités inhérentes à l’acte telle que la présence physique et simultanée des futurs époux lors du contrat de mariage194 :

En effet, comme le faisait justement observer un auteur à propos d’un

éventuel contrat de mariage en ligne, d’une donation-partage ou des actes translatifs ou constitutifs de droits réels sur un immeuble :

« Quelle solennité virtuelle équivalente à l’acte notarié physique peut-on imaginer ? Pour l’instant, on ne voit pas. »195

Si comme nous le verrons, la question d’une réception dématérialisée peut être évoquée prospectivement, il nous apparaît encore hasardeux de sacrifier au « tout électronique », pour reprendre une formule du Professeur Catala, les modalités sacramentaires essentielles de certains types d’actes pour lesquels l’engagement personnel prend une dimension institutionnelle forte, ou à l’issue desquels les conséquences patrimoniales ou familiales peuvent se révéler conséquentes. Imaginer la dématérialisation pour ce type d’acte revient à porter atteinte à la relation privilégiée forte qu’entretien le notaire public avec le client dans les circonstances qui commandent ces solennités. L’exemple le plus frappant est celui du testament authentique, où le notaire, tel un confesseur, retranscrit une part profondément intime des intentions de la personne confrontée aux conséquences de sa propre disparition : « Trempe dans l’encre bleue du Golfe du Lion,

192 Cf. supra. A, 2.2.2.1. 193 Cf. infra. sur la proposition d’une réception intellectuelle de l’acte. 194 Art. 1394 al 1er civ. 195 P.Y Gautier et X. Linant de Bellefonds, De l’écrit électronique et des signatures qui s’y attachent, JCP G, 14 juin 2000, p. 1116.

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Trempe, trempe ta plume, ô mon vieux Tabellion, Et de ta plus belle écriture, Note ce qu’il faudrait qu’il advint de mon corps, Lorsque mon âme et lui ne seront plus d’accord, Que sur un seul point : la rupture. »196

Telle nous semble être, à l’heure actuelle la limite majeure et essentielle de

l’imprégnation du formalisme électronique sur le droit notarial. Car ce ne sont plus ici seulement les dimensions probatoires qui sont en cause mais, au delà, une notion de protection institutionnelle que l’acte notarié électronique ne semble pas encore pouvoir appréhender et garantir.

2.3 Le débat doctrinal sur le critère de l’authenticité relancé

Reprenant avec déférence les propos de J. Flour évoqués plus haut sur le critère majeur de la réception et de la signature dans l’authenticité197, le Professeur Arnaud Raynouard198 écrivait récemment que cette thèse n’en contenait pas moins certaines incertitudes : La premier motif d’interrogation consiste selon lui en la contradiction de texte qu’a suscitée la récente codification de la loi du 13 mars 2000 dans le Code Civil : en effet, comment combiner les dispositions de l’art. 1316-4 civ. qui lient l’authenticité à la signature de l’officier public d’une part, aux anciennes mais durables conditions cumulatives de l’art. 1317 civ. ? Autrement dit, si la signature du notaire suffit à conférer le caractère authentique, qu’en est-il de sa compétence et des solennités requises ? Il semblerait à cet égard que la dérive du critère de la réception vers celui, plus restrictif, de la signature déjà dénoncée par Flour199, trouve un nouvel écho à l’occasion de cette réforme récente. A l’appui de cette thèse, certains auteurs ont pu distinguer une « authenticité » de l’écrit garantie par la seule signature de l’officier public (art. 1316-4 civ.), d’une « authenticité » du support200 soumise aux conditions plus restrictives de l’art. 1317 civ., mais il ne nous semble pas que cette thèse doive emporter l’adhésion, tant les qualités du titre, de la personne dont il émane, de ses énonciations, de ses qualités probatoires, exécutoires et de conservation, sont à nos yeux indissociables. Plus qu’une distinction ou une contradiction de texte, il nous semble que le caractère cumulatif de ces conditions doit être retenu. Reste à savoir dans quelles proportions ces divers éléments influent sur l’apposition de l’authenticité, ce qui préserve tout l’intérêt du débat sur l’évolution de son critère central201.

196 Georges Brassens, Supplique pour être enterré sur la plage de Sète. 197 Cf. supra, A, 2.3. 198 A.Raynouard, Adaptation du Droit de la preuve aux technologies de l’information et à la signature électronique, Defrénois, préc., n° 30 199 Sur ce point, cf. supra. A, 2.3, 3ème point. 200 X. LINANT de BELLEFONDS, L’acte authentique électronique, entre exégèse des textes et expérimentation, Communication - Commerce Electronique, Octobre 2002, p 9. 201 Cf. infra I.B.2.4

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Dans le prolongement, le Professeur Luc Grynbaum202 défend plus radicalement que le nouvel art. 1317 civ. signe « la déchéance de l’acte authentique », puisque la réception « physique » par le notaire a définitivement succombé à l’occasion de cette réforme et qu’« il n’y aura, techniquement pas de différence entre un acte authentique établi à distance et un acte sous seing privé dont les auteurs seront identifiés par un tiers »203. Selon l’auteur, en consacrant « la fonction authentifiante de la signature » de l’officier public, l’acte authentique devient un « acte de foi » reposant sur la présomption que le notaire peut garantir la sécurité et l’intégrité juridiques quand bien même il n’aurait pas été présent à l’acte. Pour autant, on peut immédiatement répondre à cette analyse, pour le moins pessimiste sur l’avenir de l’authenticité, par deux séries d’arguments : D’abord, il faut rappeler l’élément de confiance à l’égard des parties, mais également de l’Etat que constitue l’intervention d’un notaire à l’acte, indépendamment de sa présence physique lors de la réception : par les compétences inhérentes à sa formation et la délégation de puissance publique dont il est investi, le notaire doit parfaire cet acte de foi sans qu’une contestation autre que celles limitativement prévues par la loi, ne puisse être engagée. Pour paraphraser Lapeyre,

«la confiance systématique de l’Etat est le dynamisme du système, le moteur de l’activité de l’arbitre »204

Aussi, tant que la plénitude des attributions notariales n’aura pas été modifiée,

il ne nous apparaît pas opportun de contester l’efficacité de l’acte authentique en droit positif.

Dans le prolongement de ce raisonnement, un élément plus convaincant encore doit être signalé : contester la fonction authentifiante de la signature n’est-ce pas méconnaître le devoir fondamental de conseil205 qui, comme le rappelle le Professeur Raynouard, pèse sur l’officier public ?

Car, toujours selon ses propres termes, « l’intervention du notaire n’est pas uniquement une garantie matérielle du contenu de l’acte et du consentement manifesté par les parties », mais elle « entraîne un surplus de réflexion et assure une prise de conscience de l’acte conclu ». Si les solennités tendent à disparaître, il semble au contraire que leurs effets ne soient pas contestables à partir du moment où ils accentuent le sérieux et la gravité des engagements contractés, dans un souci de sécurité juridique206.

202 L. Grynbaum, La consécration de l’écrit et de la preuve électronique au prix de la chute de l’acte authentique, préc., p 14. 203 le Pr Grimaldi cite pour exemple la reconnaissance de l’acte professionnel réclamée vainement par les avocats : L’acte authentique électronique, Defrénois 2003, n°17, p 1023, art. 37798. 204 Lapeyre, L’authenticité, JCP 1970, I, 2365, préc. 205 Pour une étude approfondie du devoir de conseil, Cf. G. Rouzet, Le conseil notarié, JCP N 1995, n°46, p 1547. 206 Jurisclasseur Notarial : Le devoir de conseil ne fait peser sur le notaire qu'une obligation de prudence et de diligence dont le manquement doit être prouvé (Obs. J.L. Aubert : Defrénois 1982, I, p. 361. – J.-P. Kuhn, Quelques réflexions sur les nécessaires limites du devoir de conseil du notaire suivies de plusieurs décisions de jurisprudence récentes : Gaz. Pal. 1983, 2, doctr. p. 103). En respectant cette obligation, même ramenée à de justes proportions, le notaire répond au besoin de sécurité des usagers du droit.

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C’est en ce sens que le notaire ne peut a priori, comme le souligne fort

justement Me Reynis207, être assimilé à un simple rôle de tiers-certificateur, ce qui le distingue indubitablement du « notary public » anglo-saxon (nouvellement et maladroitement qualifié au regard du droit français de « cyber-notary »). Son rôle ne se borne pas en effet à identifier les parties et à assurer le lien de leurs signatures respectives avec l’acte qu’elles auront signé, il est étendu à la conservation du document, ainsi qu’à la préservation du contenu et de la portée juridique de l’acte208.

La consécration de ce dernier argument peut être recherchée sur le plan européen avec l’arrêt Unibank209 récemment rendu par la Cour de Justice de Communautés Européennes : dans le cadre du litige en cause, la Cour s’est ainsi notamment fondée sur le rapport Jenard-Möller concernant les conditions d’application de la Convention de Lugano du 16 septembre 1988210, qui retient fondamentalement que :

«l'authenticité de l'acte doit avoir été établie par une autorité publique.

cette authenticité doit porter sur son contenu et non pas seulement, par exemple, sur la signature »

Une telle déclaration, corroborée par de nombreux éléments de fait au premier desquels l’extension de la responsabilité professionnelle à la teneur des obligations convenues dans les actes, fait à notre sens basculer l’officier public d’un statut de témoin privilégié à celui de partie pleine et entière au contrat, au terme duquel il prend des obligations (vérifier les identités, la capacité juridique ou mentale, mais aussi conseiller et garantir par sa responsabilité).

2.4 Vers une réception intellectuelle de l’acte authentique ? La réflexion sur une redéfinition de la notion d’authenticité, orientée vers un

acte dématérialisé permettant de répondre aux impératifs socio-économiques de l’acte à distance, s’accompagne du souci permanent de sauvegarder l’ensemble des prérogatives juridiques de l’acte authentique.

2.4.1 Intérêt de la réflexion

207 B. Reynis, Cliquer c’est signer…, JCP N, 8 décembre 2000, n°49, p. 1749. 208 ce que sanctionne d’ailleurs une lourde responsabilité professionnelle. 209 C.J.C.E., 17 juin 1999, affaire C-260/97, Unibank A/S c/ Flemming G. Christensen, Rec., I-3715: “Un titre de créance exécutoire en vertu du droit de l'État d'origine dont l'authenticité n'a pas été établie par une autorité publique ou toute autre autorité habilitée à ce faire par cet État ne constitue pas un acte authentique au sens de l'article 50 de la convention du 27 septembre 1968 concernant la compétence judiciaire et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale. » 210 Ladite convention reconnaît principalement, dans son article 50, la force exécutoire des actes authentiques dans l’espace européen,à l’exception du Royaume-Uni, moyennant la procédure de requête de l’article 31, qui ne peut être rejetée qu’en cas d’atteinte à l’ordre public. Mais l’acte en cause doit alors réunir les conditions nécessaires à son authenticité dans l’Etat d’origine.

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Si, pour reprendre l’expression précitée de Me Decorps, « le support électronique ne modifie en rien les conditions de l’authenticité », il nous apparaît toutefois que la profession notariale, au même titre que les autres professions titulaires du pouvoir d’authentification, ne peut faire l’économie d’engager une réflexion approfondie sur l’évolution prévisible de cette prérogative exorbitante de droit commun, à l’heure des commerce électronique et autre e-business.

En effet, est-il toujours concevable que le Notariat latin se retranche derrière le

monopole authentique qui lui est conféré pour les actes de juridiction volontaire, alors que la concurrence des autres professions judiciaires (conseillers juridiques et avocats spécialisés) se montre active, et que le contexte communautaire et international plaide pour une uniformisation des échanges via les nouvelles techniques de communication ? Plus précisément, le notariat peut-il encore exiger la présence physique du notaire devant les parties lorsque l’on connaît les facilités qu’offrent Internet et les réseaux pour échanger à distance les accords de volonté, facilités pleinement mises en œuvre dans les pays anglo-saxons ?

On l’aura compris, cette question de la réception physique de l’acte par

l’officier public, battue en brèche plus haut et bien que défendue toujours ardemment par la profession211, ne pourra encore longtemps continuer d’alimenter, en l’état et sans adaptation possible, le cœur de l’authenticité. Car au-delà de l’habilitation des clercs et des procurations sous-seings privés, les exigences de la pratique notariale commandent nécessairement d’autres aménagements :

« N’y a-t-il pas, dès lors un paradoxe à admettre l’authenticité d’un contrat de vente immobilière pour lequel les deux parties contractantes auraient donné procuration par acte sous-seing privé et qui serait lu par un clerc habilité, tout en refusant de conférer l’authenticité au même contrat signé à distance par chacune des parties, puis reçu par le notaire lui-même ? »212

Reste alors à anticiper l’évolution des techniques pour imaginer une évolution

de l’acte authentique, qui sauvegarde à la fois ses prérogatives essentielles et face preuve simultanément d’une modernité de nature à la préserver des effets de la mondialisation.

2.4.2 La réception intellectuelle : une réception

imparfaite ?

La notion historique et originelle du caractère authentique, qui reposait sur l’intervention d’un témoin privilégié et éclairé en la personne de l’officier public, incarnée par la réception physique de l’acte puis plus précisément par l’apposition de sa signature, devra t-elle franchir un nouveau palier à l’avenir vers une réception intellectuelle de l’acte ?

Cette question, qui peut apparaître encore très prospective aux yeux du

praticien, encore familiarisé avec le « rapport tactile » qu’il entretient avec ses 211 Si l’on s’en réfère à la note d’information envoyée par le Conseil Supérieur du Notariat et envoyée aux Présidents de Chambres les 11 et 12 juillet 2000, p.1 212 L. Jacques, L’authenticité de l’acte authentique électronique, Communication-Commerce Electronique, janvier 2003, p 11.

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minutes, présente à nos yeux l’intérêt majeur de bousculer les idées reçues et d’ouvrir le débat sur une possible redéfinition de l’authenticité plus recentrée sur le negotium, solennel et guidé, que sur son support. Car plus encore qu’une présidence physique des débats lors de l’élaboration de l’instrumentum, ce qui importe à nos yeux est avant tout est la capacité d’écoute, de conseil et de transcription fidèle des volontés213 initiée par l’officier public tant dans les aspects contractuels que précontractuels, et tant sur le plan juridique que sociologiques, patrimoniaux voire psychologiques.

Le Notaire redevient de fait « le Gardien du Temple » du contrat, plus que le secrétaire dévoué et fidèle.

Néanmoins, la seule évocation d’une dématérialisation de l’acte authentique

oblige à reconnaître un grand nombre de contraintes qui rendent de fait ce processus encore hors de portée :

L’argument principal a pu être développé sur le fondement de l’obligation

pesant sur le notaire de vérifier l’identité, la capacité des parties et leur pleine compréhension des engagements contractés. Plus encore que le contenu des dispositions contractuelles vérifiables pour l’essentiel à la seule lecture de l’acte électronique signé et envoyé par courrier numérique à l’officier public qui en est responsable214, la vérification de ces éléments dépend beaucoup plus de la perception physique et « humaine » que peut ressentir le notaire à l’occasion du rendez-vous215, à travers la vérification opérée sur l’apposition même de la signature des parties (ou leur défaut de signature à l’acte, qui peut avoir une signification propre).

L’absence de ce moment de contrôle matériel a pu être qualifié à juste titre par le Pr A. Raynouard de consécration d’une « authenticité imparfaite »216, et peut faire craindre, de fait, une dérive vers cet « acte de foi »217 dénoncé par le Pr L. Grynbaum plus fondé sur le statut et la confiance prodigués par l’Etat envers l’officier public, que sur les véritables engagements responsables et validés des parties. Loin des vœux du Conseiller Réal sur le témoin éclairé, le Notaire en apposant sa signature sur un acte qu’il n’aurait pas reçu, répondrait alors davantage au « service public de l’authenticité »218 dans le sens administratif du terme.

Or, si ces deux facettes sont indissociables de la fonction notariale, la fonction sociale de l’officier public soucieux de prévenir le contentieux ne doit aucunement prendre le pas sur les obligations préalables pesant sur lui et destinées à remplir les

213 J-L Aubert, Le formalisme, Rapport de Synthèse des Journées J. Flour, Defrénois 2000, art. 37213. 214 Depuis l’arrêt Unibank, 214 C.J.C.E., 17 juin 1999, affaire C-260/97, Unibank A/S c/ Flemming G. Christensen, Rec., I-3715, cf. note 214. 215 Le Pr Grimaldi et Me Reynis parlent « des expressions du visage, des intonations de la voix qui ne trompent pas sur l’intelligence qu’a son interlocuteur de ce dont on lui parle… », in L’acte authentique électronique, Defrénois 2003, n°17, art. 37798, note 68-2° et, par analogie sur la force probante : Req., 8 janvier 1907, D.1907, 1, 95 : « Les faits mentionnés dans un acte authentique ne font foi, jusqu’à inscription de faux, que si l’officier qui en est le rédacteur les a constatés d’après le témoignage de ses sens… » 216 A. Raynouard, Sur une notion ancienne de l’authenticité : l’apport de l’électronique, Défrénois 2003, n° 18, p 1117, art. 37806, n°23. 217 L. Grynbaum, La consécration de l’écrit et de la preuve électronique au prix de la chute de l’acte authentique, préc., p 14, cf supra note 207. 218 Lapeyre, L’authenticité, préc., n° 3.

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conditions légales de l’authenticité. Car de cette dernière qualité découle nécessairement la première.

Un autre élément décisif est celui de la force probante relative qui

sanctionnerait la signature d’une partie recueillie à distance par le notaire : une telle apposition, en cette qualité, ne serait pas, en droit positif, sanctionnée de la procédure d’inscription de faux pour n’avoir pas été constatée personnellement et de visu par l’officier public219. D’où une effectivité toute relative de l’acte et un appauvrissement probatoire certain.

La réception de l’acte authentique à distance, c’est-à-dire sans la présence

physique de l’officier public, nous apparaît donc, en l’état actuel du droit positif, encore inopportune au regard des intérêts en jeu.

Pour autant, deux séries d’arguments peuvent, à notre sens, laisser encore la

porte ouverte à un débat prospectif sur cette question : Le premier nous est fourni par le droit positif, qui offre la possibilité pour l’une

des exceptions que nous avons entrevues au principe de la réception physique, de « parfaire l’authenticité »220 d’un acte reçu au moyen d’un mandat sous-seing privé : la force probante peut être ainsi restaurée par le mandant seul par le procédé de reconnaissance d’écriture et de signature (art. 1322 civ.), alors qu’un acte de dépôt au rang des minutes assurera le plus souvent de rétablir les autres prérogatives (date certaine, force exécutoire, possibilité de publication au Bureau des Hypothèques, etc…)221.

La perfectibilité juridique de l’acte non reçu par l’officier public en dehors des tempéraments légaux que sont l’habilitation des clercs et les mandats, n’est donc pas irrémédiable. Nul doute dès lors que le formalisme électronique ne puisse appréhender ces dispositions pour inventer une reconnaissance électronique de la signature (d’ailleurs facilitée si le Notariat français devient l’institution de délivrance et de contrôle des signatures électroniques dans le domaine qui le concerne, à l’instar de son homologue québécois), et un acte de dépôt au rang des minutes… électroniques.

Sur le plan matériel ensuite, si les arguments développés par certains auteurs

sur la vérification nécessairement matérielle de l’identité et de la capacité des parties semblent convaincants222, ils n’en demeurent pas moins essentiellement limités aux procédés techniques actuels, encore largement éloignés de l’œil du professionnel averti :

Mais précisément quelles limites, autres que techniques, nous interdisent d’imaginer par le biais d’entretiens à distance ou de vérifications diverses et novatrices, que le Notaire ne sera pas à même de vérifier tout autant, sinon plus précisément encore, ces éléments dans les décennies à venir ?

219 A. Raynouard, Sur une notion ancienne de l’authenticité : l’apport de l’électronique, préc., n° 39. 220 A. Raynouard, Sur une notion ancienne de l’authenticité : l’apport de l’électronique, précité. 221 L’authenticité reconnue à une convention sous-seing privé déposée au rang des minutes, si elle est validée par les textes (art. 17 du Décret du 26 novembre 1971) et la jurisprudence (Civ., 25 janvier 1927, S. 1927, I, p 237), fait encore l’objet de nombreuses réticences en pratique : P. Calle, Réflexions sur la nature juridique d’un acte sous-seing privé déposé au rang des minutes d’un notaire, JCPN 2003, n°7-8, p 302. 222 On rappellera les exemples cités par le Pr Grimaldi et Me Reynis plus haut, cf. note 220.

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L’illustre auteur à l’origine du débat avait d’ailleurs dès 1972, pour ce qui est de la qualité de rédaction de l’acte223, laissé la porte ouverte à une liberté des moyens plus qu’à une finalité dans la qualité de rédaction incertaine :

« Il est d’évidence […] qu’une présence physique n’ajoute rien, non plus qu’une absence ne retranche rien. Tout est fonction de la direction de l’étude. En ce sens, mieux vaut que le notaire, après avoir étudié sérieusement le dossier et contrôlé la rédaction de l’acte, n’assiste pas à la signature, plutôt que l’inverse. »224

La signature électronique, éminemment liée à l’identité du signataire de sa

création à sa révocation, la multiplication des fichiers informatisés (Intergreffes, en attendant l’accessibilité aux registres d’état-civil et des incapables en lignes), et plus largement le développement des procédés de communication (e-mail, visio-conférence…) sont autant de pistes incitatrices en ce domaine.

Le progrès fait son œuvre, le débat ne fait que commencer…

2.4.3 La réception intellectuelle : de la signature à la marque du

conseil responsable ? La perfectibilité actuelle de l’acte authentique dématérialisé, fondé uniquement

sur la signature de l’officier public et non plus sur la réception physique des parties (fût-elle déléguée à un clerc), oblige également encore à poursuivre la réflexion sur l’évolution du critère de l’authenticité entrevue plus haut.

En réalité, plutôt que de rechercher un nouveau point d’ancrage parmi ceux de

l’art. 1317 civ., ou un équilibre parmi leurs influences respectives, il convient de cerner plus avant selon nous les contours de la valeur intrinsèque de la signature de l’officier public.

Car si la signature du notaire est, en droit positif, actuellement couronnée

comme le critère majeur de l’authenticité du fait de la sanction exorbitante qui en frappe le défaut225, il apparaît bien qu’elle soit insuffisante dans ses seules fonctions identificatrice et authentificatrice traditionnelles226 à justifier la force sans équivalence qu’elle donne aux actes.

Y aurait-il donc, par delà, la définition de l’art. 1316-4 civ. et les composantes traditionnelles de la signature, un élément supplémentaire, exhorbitant de droit commun, qui expliquerait par son ajout, le statut et l’effectivité toute particulière de l’acte authentique ?

Plus que dans la qualité du rédacteur, il nous semble devoir puiser dans le

devoir de conseil de l’officier public un premier élément de réponse :

223 Cf. infra pour le débat sur cette notion : I, B, 2.4.3, 1er point. 224 J. Flour, Sur une notion nouvelle de l'authenticité (commentaires de la loi du 26 novembre 1971) : Defrénois 1972, art. 30159, p. 977 s, préc., n°28-a. 225 Le défaut de signature du notaire est une cause de nullité absolue de l’acte authentique : Civ. 1ère, 29 novembre 1989, Bull. civ. I, n°368. 226 Sur les fonctions et la définition légale de la signature dans le cadre du formalisme électronique, Cf. supra I.B.1.

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Garant, comme nous l’avons vu, du contenu des énonciations de l’acte227, le notaire entoure la réalité d’un acte authentique d’une prestation intellectuelle indispensable à l’égard des parties, sanctionnée d’ailleurs par une lourde responsabilité professionnelle.

« L’authenticité a besoin du conseil pour se nourrir, et le conseil a besoin de l’authenticité pour se couvrir »228 Ce rôle de conseil, de recherche de l’intérêt des parties, d’analyse, de

proposition de solutions juridiques ou autres, et d’implication de l’officier public déjà évoqué plus haut est devenu aujourd’hui quasi-absolu : Il s’applique en effet y compris à l’égard des professionnels229, et sa permanence (de la phase précontractuelle à la signature et au suivi des engagements) constitue à nos yeux la véritable valeur ajoutée de l’authenticité.

En outre, il permet de préserver la liberté contractuelle des parties, en aucun cas tenues de suivre les incitations de l’officier public230.

Mais ne nous y trompons pas : l’intérêt est ailleurs, puisque la seule existence du conseil de l’officier public, principalement incarnée par l’apposition de sa signature sur l’acte, nous semble devoir retenir l’attention.

• Une première distinction : la doctrine Flour

Dans son article fondateur, J. Flour nuançait plus avant son propos sur ce

point, en relevant qu’il y a avait lieu de distinguer :

les garanties juridiques offertes par le notaire, garantissant l’information préalable et la validité des consentements des parties d’une part (qualité du consentement, inhérente à la valeur du juriste-spécialiste qui le transcrit),

des effets produits par l’acte d’autre part (notamment la

force probante, inhérente à la réalité du consentement, soumis à une présomption de véracité en vertu de du statut de l’officier public qui le reçoit).

« la loi a promis [au notaire] qu’on le croirait sur parole »231

L’instrument probatoire majeur que constitue l’acte authentique procèderait

selon lui de la deuxième partie de cette distinction: c’est-à-dire d’un postulat de foi publique, nécessaire à la recevabilité des énonciations des parties. Mais pour être fondé, ce postulat suppose alors nécessairement le témoignage réel et physique de 227 Cf. Arrêt Unibank, C.J.C.E., 17 juin 1999, affaire C-260/97, Unibank A/S c/ Flemming G. Christensen, Rec., I-3715, note 214, et les développements sur le devoir de conseil, supra, I, B, 2.3 228 P.E Normand, « la loi, le contrat et l’acte authentique », JCPN 1990, p 359, préc., n°46. Voir également sur ce point B.Reynis, Signature électronique et acte authentique : le devoir d’inventer…, JCPN 2001, n°41, p 1494, n°31 : « Il n’y a pas d’authenticité sans conseil préalable ». 229 Civ. 1ère, 28 novembre 1995, Jurisdata n°003593 et 19 mai 1999 Defrénois 1999, n°23, p 1339, note J-L Aubert. 230 CA Toulouse, 17 décembre 1990, Jurisdata n°049302. 231 J. Flour, préc., n°28-b

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l’officier public, ce qui met fin, de fait, à la discussion sur une possible dématérialisation.

« La force probante est confiance faite à un témoignage privilégié […] Pour être témoin privilégié, il faut, d’abord, être témoin. » On quitte ainsi le domaine juridique, pour celui, plus prosaïque, du fait

présumé véridique… et la réflexion sur l’authenticité s’éloigne d’autant.

• La qualification du devoir de conseil : la doctrine Grimaldi-Reynis

Récemment reprise sous la plume du Pr Grimaldi et de Maître Reynis232, cette

distinction a été remise au goût du jour, et recentrée plus particulièrement sur la qualification du devoir de conseil :

Dans cette perspective, ces auteurs retiennent en effet que le conseil notarié relève plus de la qualité du juriste-professionnel, de ses compétences propres, que de son statut d’officier public à travers notamment l’exemple des mentions manuscrites de l’art.1326 civ., dont l’apposition n’est pas nécessaire sur les actes notariés233.

Or, comme nous l’avons vu, puisque les effets exceptionnels de l’acte notarié découlent du statut d’officier public, délégataire de la foi et de la puissance publique, un imparable syllogisme oblige à considérer que le rôle de conseil du notaire ne peut valablement expliquer la force toute particulière conférée aux actes et donc à leur authenticité.

Avec le devoir de conseil, c’est bien de l’existence du consentement dont il

s’agit, plus que de la véracité des faits énoncés.

• Réserves critiques porté sur cette thèse

Qu’il nous soit permis d’émettre modestement quelques réserves sur cette démonstration pourtant très réfléchie, dans le but de soutenir au contraire les développements énoncés plus haut sur l’orientation de la signature de l’officier public vers son devoir de conseil :

Une première remarque oblige d’abord à soulever une certaine contradiction : Celle-ci découle du constat susvisé selon lequel le devoir de conseil, inhérent

à la qualité de l’acte et de son rédacteur, apparaît insuffisant à justifier les effets exorbitants de l’authenticité. L’acte authentique retomberait par là-même, comme évoqué par ces auteurs, dans la plus grande catégorie des actes professionnels au regard de sa confection juridique, dont il ne serait qu’une curiosité sur le plan des effets juridiques et probatoires.

Dans ce contexte, quel autre fondement que la foi publique inhérente à la qualité d’officier public peut dès lors expliquer ses effets probatoires juridiques de

232 J. Flour, Sur une notion nouvelle de l'authenticité (commentaires de la loi du 26 novembre 1971) : Defrénois 1972, art. 30159, p. 977 s, préc., n°28-a et Pr Grimaldi et Me Reynis, L’acte authentique électronique, Defrénois 2003, n°17, art. 37798, n°12. 233 Pr Grimaldi et Me Reynis, L’acte authentique électronique, préc., n°12.

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droit commun ? Le Pr Grimaldi, lors d’un entretien qu’il nous accordait234 le reconnaissait à demi mot.

On en revient, semble t-il, à « l’impasse » dénoncée par Flour235... Mais dans ce cadre, il est utile de relever que le statut du Notariat, reconnu

pourtant comme élément « [explicatif] de la foi prêtée aux énonciations de l’officier public »236 tout en faisant l’objet de vives critiques sur son insuffisance237, ne permet pas de faire progresser la discussion de façon satisfaisante. Défendre le postulat de la foi conférée en l’officier public sans attester de la solidité de ses fondations offre encore matière à discussion à nos yeux…

Dans un second temps, on peut objecter que la négation relative de l’influence

du devoir de conseil dans la signature du notaire, au profit des effets exceptionnels produits et de la véracité du consentement, méconnaît dans une certaine mesure la composition « chronologique » de l’acte sur le plan du droit des obligations:

Car avant d’être un instrument de preuve et d’exécution, l’acte authentique est avant tout, un contrat ou un acte juridique pour lequel la manifestation d’un consentement non vicié s’impose préalablement à la production de tout effet juridique obligataire,.

On pourra certes objecter le principe d’instantanéité, appliqué la plupart du temps, aux effets produits :

Ainsi la remise des clefs à la signature de l’acte de vente emporte t-elle, sauf clause contraire, le transfert immédiat de propriété. La force probante (en ce qui concerne en particulier la date certaine qu’elle induit) et la force exécutoire conférées à l’acte authentique se confondent pareillement à sa perfection juridique contractuelle.

Mais il ne s’agit que d’une coïncidence de circonstances, imposée par la pratique et les intérêts en cause, qui ne doit en aucune façon occulter, sur le plan juridique, le nécessaire lien de dépendance, sanctionné par la nullité, qui unit les conditions de perfection de l’acte créateur d’obligations à l’effectivité de ces dernières.

Enfin, si l’on abandonne le cadre du droit des obligations pour revenir au

débat, plus spécifique, sur l’authenticité, il nous apparaît qu’il faille proclamer une véritable indissociabilité de ses conditions d’une part (triptyque : réception par l’officier public - ayant compétence - avec les solennités requises, pour la signature de l’officier public constitue le point d’orgue), de ses effets exorbitants de droit commun d’autre part.

Car, plus que dans tout autre instrument probatoire ou contractuel, c’est la perfection de l’acte qui à nos yeux confère l’authenticité238 : parce qu’il ne peut y avoir d’authenticité à demi-mesure, il n’y pas lieu de distinguer à notre avis la qualité des dispositions juridiques constitutives, de la véracité effective des énonciations des parties (fussent-elles erronées ou tronquées). L’authenticité est, ou n’est pas… 234 Entretien recueilli à la suite d’un dîner-débat organisé par l’Association Rencontres Notariat-Université de Nice, Septembre 2003. 235 J. Flour, Ibid. 236 Pr Grimaldi et Me Reynis Ibid. 237 Notamment celles fondées sur les allégations selon lesquelles le numerus clausus, la discipline, les sanctions professionnelles permettraient d’expliquer la force exorbitante des actes : Pr Grimaldi et Me Reynis Ibid, n°11. 238 Il ne peut y avoir d’authenticité de demi-mesure, puisque l’acte est alors considéré comme un acte sous-seing privé (art. 1318 civ.). Mais l’authenticité peut se parfaire… cf supra I.B.2.4.2

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Si l’on en revient, dans une certaine mesure, sur la condamnation de « l’authenticité imparfaite » susévoquée239, son cadre apparaît ici élargi à l’ensemble des dispositions tant constitutives qu’effectives

A titre d’illustration, on rappellera que la différence de traitement, sur le plan probatoire, entre les dispositions protégées par l’inscription de faux et les autres240, ne doit pas faire perdre la valeur intrinsèquement authentique de ces dernières, qui demeurent par ailleurs pleinement exécutables et soumises à la même date certaine que la globalité de l’acte. Ubi lex non distinguit…

Le conseil notarié nous apparaît donc comme très spécifique, non dans sa

qualité (« personne ne peut prétendre que du notaire ou de l’avocat, l’un fût plus important que l’autre »241), mais par son rôle impartial, apaisant et incontournable tout au long du processus d’élaboration de l’instrumentum notarial. Peut-être y a-t-il donc matière à rechercher encore dans cette voie la substantifique moelle de l’authenticité ?

Si ces considérations se veulent encore ambitieuses et prospectives au regard

de la récente réforme du droit de la preuve, il est souhaitable qu’elles participent tout du moins à la naissance d’un débat sur l’authenticité du siècle à venir. La parution du décret sur l’acte authentique devrait à cet égard fournir des nouvelles pistes d’introspection.

Pour autant, et sans préjuger de cette anticipation, il est important d’envisager

dans un second volet de notre analyse, les modalités pratiques de la mise en place de l’authenticité notariale électronique telles qu’elles apparaissent à l’issue de la longue évolution de cette notion (2ème partie) :

239 Cf. supra et note 221. 240 Cf. Civ. 1ère, 13 mai 1986, RTD civ. 1988145, obs. Mestre et supra. I.A.2.2.2.2. 241 Pr Grimaldi et Me Reynis, L’acte authentique électronique, préc., note 68, 2°.

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Deuxième Partie : La mise en œuvre pratique de la forme électronique pour les

actes notariés

« La théorie, c’est quand on sait tout et que rien ne fonctionne. La pratique, c’est quand tout fonctionne

et que personne ne sait pourquoi »

Albert Einstein.

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a mise en œuvre pratique de l’acte authentique électronique dans le milieu notarial oblige à envisager dans un premier temps la position du notaire comme tiers de confiance de l’engagement des parties (A), afin

de mieux percevoir ses attributions au regard des nouvelles pratiques informatiques (B) :

L

A. Le notaire, tiers de confiance des échanges

électroniques

Dans le dispositif retenu par le législateur français à l’occasion du premier Décret sur la signature électronique, il apparaît que ce soit l’unique système technique de la cryptologie asymétrique qui ait été retenu (1).

Dans ce dispositif, le notaire occupe une place de choix puisqu’il tend à

représenter ce tiers de confiance essentiel dans la constatation de l’accord passé entre les parties (2). En cela, et dans l’attente du futur Décret sur l’acte authentique, il conviendra de préciser l’apport du réseau REAL mis en place depuis 1992 dans la profession (3) et dont les possibilités apparaissent renouvelées par l’authenticité électronique.

1 Introduction à la cryptologie asymétrique

1.1 Notion de cryptologie

L’élaboration des messages électroniques que laisse apparaître la récente réforme introduisant le formalisme juridique en droit français ne doit pas faire oublier le délicat problème de la circulation de ces messages de façon directe ou par l’intermédiaire de réseaux de communication fermés (Intranets) ou ouverts tels qu’Internet.

En effet, le cheminement technique de ces messages sur les réseaux précités rend possible de multiples interceptions à différents endroits de la chaîne informationnelle et ne permet pas de garantir une fiabilité suffisante de l’échange sans autre précaution: le réseau mondial Internet repose en particulier sur un relais de l’information de serveur en serveur, ce qui permet de multiplier les risques d’attaques mal intentionnées. En outre, la copie successive de ces messages sur ces serveurs se heurte au droit de regard absolu détenu par l’administrateur du système sur les documents déposés sur la machine dont il est responsable242.

C’est donc dans un souci de confidentialité permettant d’assurer l’équivalence

fonctionnelle avec le support papier qu’est intervenu l’impératif de recourir à un système de codification des messages. Cette exigence n’est pas nouvelle et a

242 H. Bitant, La signature électronique : comment la technique répond t-elle aux exigences de la loi ?, Gaz. Pal. 20 juillet 2000, p 10.

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longtemps été utilisée, notamment à des fins militaires, depuis des temps fort anciens243.

A cet égard, la cryptologie (ou cryptographie) peut être définie comme : « L’ensemble des moyens, tant logiciels que matériels, pour rendre une information inintelligible et pour la restituer dans son état premier »244 A cet égard, et dans le souci de répondre aux exigences posées à l’origine par

la Directive communautaire précitée, la technique de cryptologie permet de garantir :

• l’identité de l’auteur à l’origine du message telle qu’établie lors du processus de création de la signature électronique (fonction identifiante)

• la volonté de s’engager manifestée par l’auteur du message

(fonction d’authentification/non répudiation)

• le contenu du message et de l’acte transmis tel qu’établi par son auteur (fonction d’intégrité)

Pratiquement, les dispositifs de cryptologie reposent sur des algorithmes

mathématiques245 permettant de « chiffrer » un message originaire au moyen d’un code (ou cryptogramme). Ces algorithmes sont apposés sur le document à protéger par l’intermédiaire de clefs (« sorte de donnée numérique nécessaire au lancement des algorithmes arithmétiques »246), dont la complexité est proportionnelle au niveau de sécurité atteint.

1.2 Cryptologies symétrique et asymétrique Il convient de distinguer deux niveaux progressifs majeurs de protection dans

l’évolution de la cryptologie actuelle :

1.2.1 Cryptologie symétrique (ou à clef unique) La cryptologie symétrique tout d’abord met en jeu une clef unique, échangée

et conservée par chacun des correspondants pour le chiffrement et le déchiffrement du message envoyé (schéma n°1247).

243 Cf. Jules César, La guerre des Gaules : l’Empereur romain avait pris l’habitude de décaler les lettres de l’alphabet dans les messages qu’il adressait à ses légats. 244 Thierry Piette-Coudol, Echanges électroniques certification et sécurité, Litec, collection Maîtriser, n° 25. 245 Sur les aspects mathématiques de la cryptologie, voir l’étude très complète de Ghislaine Labouret, Introduction à la cryptologie, consultable à l’adresse : http://www.multimania.com/labouret/realisations/cryptologie/#242 246 Thierry Piette-Coudol, Echanges électroniques certification et sécurité, préc., n° 26. 247 Cf. Schéma n°1, page suivante.

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Schéma n°1 : cryptologie symétrique Emetteur

Clef unique pK

Transfert de la clef

Transfert du message crypté

DECHIFFREMENTCHIFFREMENT

Clef unique pK

Récepteur Si ce système présente l’avantage d’une certaine rapidité dans la

communication de l’information, il demeure peu adapté à la pratique des échanges en réseau : en effet, chaque clef étant propre à chaque opération, leur gestion globale se révèle extrêmement complexe sur des réseaux mondiaux tels qu’Internet. De plus, l’envoi de la clef de déchiffrage simultanément au document codé248 ne permet plus à l’heure actuelle d’atteindre un degré de fiabilité et de confidentialité suffisant au regard des législations en vigueur et des critères sus-évoqués qu’elles imposent.

Pour autant, de tels modes de chiffrement sont à l’heure actuelle toujours

utilisés par les secteurs bancaires ou administratifs249.

1.2.2 Cryptologie asymétrique (ou à clef publique)

Devant les nouveaux impératifs imposés à la cryptologie par le développement de l’EDI (Echange de Données Informatisées), différentes méthodes ont été développées afin de pallier à la principale faille des système de clef symétrique : le nécessaire transfert de la clef.

Ainsi une nouvelle méthode de codification mise au point en 1980, baptisée

RSA250, reposait sur un algorithme novateur faisant intervenir un bi-clef (sorte de scission de la clef unique considérée plus haut) composé :

• D’une clef privée, servant à chiffrer le message et qui est secrètement gardée par son titulaire ;

248 Même si on peut penser que cet envoi se fera de façon distincte de celui du message, selon des canaux fortement sécurisés : téléphone, courrier recommandé, échange direct… 249 On peut penser notamment au système DES (Data Encryption Standard) utilisé depuis 1977 par l’administration américaine. Cet algorithme est exécuté trois fois en série pour augmenter la sécurité. Il est réactualisé tous les 5 ans. Source : http://securinet.free.fr/crypto-cles-secretes.html 250 RSA du nom de ses trois concepteurs : Rivest , Shamir et Adleman. Il sert encore aujourd’hui à protéger les codes nucléaires de l'armée américaine.

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• Et d’une clef publique, servant à déchiffrer le message reçu, qui est librement communiquée aux utilisateurs du système.

Clef privée Clef publique

Génération logicielle

Secrète Librement

communicable

Cette méthode est actuellement unanimement reconnue pour sa fiabilité et présente à ce titre l’avantage d’être expressément couronnée par le récent décret français d’application de la loi française sur la signature électronique251. Mais c’est surtout sa démocratisation récente via le réseau Internet qui lui a permis d’atteindre une situation quasi-monopolistique dans les échanges sécurisés actuels : ainsi, la reprise de l’algorithme RSA dans le logiciel PGP252 (Pretty Good Privacy) développé par Philip Zimmermann, et sa libre diffusion sur le réseau ont largement contribué à l’émergence du courrier électronique sécurisé, en particulier aux Etats-Unis.

Pour autant, l’architecture de ce logiciel présente le risque potentiel de ne pas

faire intervenir de tiers-certificateur pour contrôler la fiabilité du système et les correspondances des clefs (la machine gérant seule les clefs privées librement choisies par l’utilisateur à partir d’un « trousseau de clefs publiques » préétablies)253.

Le fonctionnement du dispositif de cryptologie asymétrique se révèle plus

complexe que celui déjà évoqué de la cryptologie symétrique :

1.3 Principes de fonctionnement de la cryptologie asymétrique

Après avoir obtenu préalablement la création d’un bi-clef auprès d’un

organisme habilité, l’utilisateur est en mesure d’utiliser le procédé de cryptographie asymétrique pour sécuriser l’envoi de son message par voie électronique. En cela, il convient de distinguer le processus même de cryptage du message électronique, de celui de sa seule signature : 251 Cf. infra. 252 http://www.pgpi.com : pour plus d'informations sur la version "internationale" de PGP 253 253 H. Bitant, La signature électronique : comment la technique répond t-elle aux exigences de la loi ?, préc., p 11.

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1.3.1 Le cryptage du message électronique par la bi-clef

Schéma n°2 : cryptologie asymétrique pour

le message électronique Dans le cadre de la cryptologie du seul message électronique, sans

intervention de la signature de la partie qui s’engage, ce sont les clefs publiques et privées du récepteur du message qui entrent en jeu :

• L’émetteur A utilise la clef publique « puB » du récepteur B, librement

communicable, pour chiffrer le message ; • Le récepteur B utilise sa propre clef privée B « prB », dont il détient un

usage exclusif, pour déchiffrer le message reçu.

En pratique notariale, ce système peut être utilisé pour l’envoi de pièces et de documents confidentiels pour lesquels l’identification de l’auteur n’est pas essentielle (communication du registre de disposition de dernières volontés, communication d’extrait de matrices cadastrales…).

1.3.2 Le cryptage de la signature électronique par la bi-

clef

CHIFFREMENT par Clef publique puB

DECHIFFREMENT par Clef privée prB

Emetteur A Récepteur B

Transfert du message crypté

Schéma n°3 : cryptologie asymétrique pour la signature électronique

Transfert du message crypté

Emetteur A

DECHIFFREMENT par Clef publique puA

CHIFFREMENT par Clef privée prA

Récepteur B

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Afin de garantir l’identification de la partie qui s’engage, la cryptologie de la

signature électronique fait naturellement intervenir les clefs publiques et privées de l’émetteur A :

• L’émetteur A utilise sa clef privée « prA », dont il détient l’usage

exclusif, pour signer le message ; • Le récepteur B utilise la clef publique « puA » de A, librement

communicable, pour vérifier la validité de la signature électronique. Pour autant, ce système gagne à être parfait par l’intervention d’un tiers de

confiance susceptible de vérifier au mieux l’exactitude de la validité de la signature254.

1.4 Réglementation de la cryptologie

Nous nous conterons ici d’évoquer les lignes directrices qui encadrent le statut juridique dévolu à la cryptologie.

1.4.1 Les initiatives internationales

De nombreux organismes internationaux se sont récemment souciés des

problèmes de cryptologie. En effet, cette réglementation qui a pu être qualifiée de « réponse aux exigences de la sécurité des Etats »255, témoigne de leur volonté de maîtriser les incidences de l’utilisation et de l’exportation de ces procédés techniques en constante évolution.

Diverses initiatives internationales ont d’abord tenté une rationalisation de ces

techniques par l’intermédiaire de l’énoncé de grands principes : l’OCDE a d’abord défini « les lignes directrices régissant la politique de cryptographie » dans un document daté du 27 mars 1997 qui tente d’influencer les législations nationales.

Différents postulats y sont proclamés : confiance en ces procédés, libre choix des méthodes au regard du marché, respect des réglementations nationales spécifiques respectueuses du droit à la vie privée et de la protection des données à caractère personnel, et reconnaissance explicite des tiers-certificateurs256.

Notons que le Conseil de l’Europe avait déjà adopté une recommandation le 11 septembre 1995 reconnaissant la plupart de ces concepts et entendant en outre s'opposer à la criminalité induite par la cryptographie.

254 Cf. infra, II, A, 2 et Schéma n°4

255 Cl. Guerrier, Le droit actuel de la cryptologie est-il adapté aux utilisateurs d'Internet ?, article consultable sur le site http://www.lex-electronica.org

256 Cf. infra sur cette notion.

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Mais il serait inexact d’envisager une vision globale de la réglementation de la cryptologie sans préciser l’enjeu stratégique qu’elle représente, notamment quant à son exportation.

Diverses organisations internationales ont en ce sens tenté de restreindre

pendant de nombreuses années l’exportation des divers moyens de cryptologie, considérés comme des procédés technologiques à finalité stratégique, à destination de certains pays présentés comme potentiellement « à risques » (notamment terroristes) : Le COCOM (Coordination Committe for Multilateral Export Controls) fut à ce titre remplacé par l’arrangement de Wassenaar (établi en 1995 et publié le 15 janvier 1998 sur le territoire américain) lui-même destiné à contrôler l’exportation de biens de nature civile et militaire, dont la cryptologie fait naturellement partie.

Révisé en décembre 1998, cet accord s’est considérablement assoupli en libéralisant l’exportation des produits cryptographiques au dessous de 56 bits ou celui des produits utilisant le chiffrement pour protéger la propriété intellectuelle.

Pour autant, ce dispositif n’est pas directement applicable dans les législations internes, chaque Etat se devant de l’y intégrer.

1.4.2 La réglementation française

La France fut pendant longtemps l’un des Etats les plus réticents à

reconnaître la fiabilité des techniques de cryptologie puisque le Décret du 18 avril 1939 soumettait la cryptologie au régime du matériel de guerre de deuxième catégorie257.

Malgré quelques assouplissements majeurs258, la véritable libéralisation n’est

intervenue que dans le cadre de la loi sur la réglementation des télécommunications de la loi du 29 décembre 1990259, qui proclame notamment une première définition de la cryptologie en droit français dans son art. 28 :

« On entend par prestations de cryptologie toutes prestations visant à transformer à l'aide de conventions secrètes des informations ou signaux clairs en information ou signaux inintelligibles pour des tiers, ou à réaliser l'opération inverse, grâce à des moyens, matériels ou logiciels conçus à cet effet » Le texte met en place de plus une procédure d’habilitation à deux niveaux

auprès des services du Premier Ministre (SCSSI): celui d’une déclaration préalable "lorsque ce moyen ou cette prestation ne peut avoir d'autre objet que d'authentifier une communication ou d'assurer l'intégrité du message transmis" ou celui d’une demande d'autorisation préalable dans les autres cas.

257 Assemblée nationale, Rapport de M. Claude Gaillard, ndeg.2750 du 30 avril 1996, v. p.215 cité par E. Caprioli, Sécurité technique et cryptologie dans le commerce électronique en droit français, article consultable sur le site http://www.lex-electronica.org

258 Voir notamment le Décret n°86-250 du 18 février 1986. 259 loi ndeg.90-1170 du 29 décembre 1990, J.O. du 30 décembre 1990 ; J.C.P. 1991, éd. G, III, 64426

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Face au nouveau contexte informatique, une nouvelle loi du 26 juillet 1996260 s’est par la suite efforcée de re-préciser et d’assouplir encore les conditions de cette libéralisation, parfois relative au regard de la lourdeur des procédures administratives sus-évoquées261. Le législateur retient ainsi, dans son art. 17, que l’utilisation d’un moyen ou d’une prestation de cryptologie est libre262, sous conditions alternatives:

Si « elle ne permet pas d'assurer des fonctions de confidentialité, notamment lorsqu'il ne peut avoir comme objet que d'authentifier une communication ou d'assurer l'intégrité du message transmis »

Il s’agit ici de la reconnaissance explicite de la liberté de gestion des procédés

de signature électronique et de cartes bancaires (si tant est que le dispositif de cryptologie utilise une clef de chiffrement de longueur inférieure à 128 bits). Cette libéralisation du procédé technique fut d’ailleurs, à notre sens, un préalable indispensable à la reconnaissance du formalisme électronique sus-évoqué. Elle s’inscrit aussi dans la nécessaire libéralisation qu’appelle le commerce électronique.

Ou si elle « assure des fonctions de confidentialité et n'utilise que des

conventions secrètes gérées selon les procédures et par un organisme agréés »

Ce deuxième volet proclame la confiance et la sécurité conférées par les

organismes de tiers-certificateur dans la gestion des dispositifs de cryptologie via la signature électronique, et couronne le système de cryptologie asymétrique avec tiers de confiance que nous allons détailler. En effet, la procédure légale d’habilitation de ces tiers est jugée suffisamment stricte pour dispenser postérieurement les requérants de ce système de toute formalité superflue.

Pour les autres dispositifs de cryptologie, notamment ceux qui ne font pas

intervenir de tiers de confiance pour des opérations de confidentialité, c’est l’ancienne procédure d’autorisation préalable qui prévaut (la déclaration préalable perdurant pour les seules fonctions d'authentification et d'intégrité).

Il faut signaler, enfin, que les sanctions pénales prévues par ce dernier texte ont été à leur tour réaménagées :

défaut d'autorisation préalable lors de la fourniture, l'importation de pays non membres de l'Union européenne ou l'exportation de moyens ou prestations de cryptologie : six mois d'emprisonnement et 200.000 francs d'amende ;

défaut d'agrément du tiers : deux ans d'emprisonnement et 300.000 francs d'amende ;

260 .JO. du 27 juillet 1996, p.11384 s. V. égal. : Frédérique Olivier et Eric Barbry, Aperçu rapide sur la loi du 26 juillet 1996 de réglementation des télécommunications, J.C.P. 1996, éd. G, Actualité du 18 septembre 1996 261 E. Caprioli, Sécurité technique et cryptologie dans le commerce électronique en droit français, préc.262 L’ensemble de ces conditions semble repris dans le projet de loi LSI préc., aux art. 41 et suivants.

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fourniture ou utilisation de moyens ou prestations de cryptographie ayant permis un crime ou délit : cinq ans d'emprisonnement et 500.000 francs d'amende.

A la suite d’un rapport critique du Conseil d’Etat et d’un Décret du 19 mars 1999, diverses modalités techniques ont été ponctuellement révisées avec notamment un rehaussement du seuil de libre chiffrement des dispositifs de cryptographie, qui passe de 48 à 128 bits (adéquation nécessaire à l’évolution technologique pour garantir la sécurité du dispositif)263.

2 Tiers de confiance et « notarisation » des échanges

La notion de recours à un tiers de confiance que nous avons déjà esquissée au travers de l’authentification des actes par l’officier public prend une nouvelle vigueur avec l’apparition des nouveaux dispositifs de signature électronique fondée sur la cryptographie asymétrique.

D’éminents juristes ont ainsi très tôt préconisé le « passage par un organisme

intermédiaire, indépendant des interlocuteurs et jouant le rôle de tiers-certificateur [assurant en outre] une fonction d’archivage des messages passant par lui, permettant de ménager une preuve. »264

Le rôle « prospectif » du notaire doit être en ce sens analysé au regard des

diverses conceptions que peut revêtir ce tiers de confiance dans le processus contractuel électronique.

2.1 Notion de tiers de confiance

Les tiers-certificateurs, ou autorités de certification, ou Prestataires de

Services de Certification (PSC) sont des autorités désignées comme telles par la puissance publique pour :

• recueillir les clefs publiques des utilisateurs des dispositifs de signatures électroniques,

• et émettre des certificats (sorte de passeport informatique de tout signataire).

Ce dernier document établit de façon certaine le lien unissant l’identité du

signataire à sa clef publique et constitue un gage de sécurité supplémentaire à l’égard du cocontractant, notamment au sein du dispositif de cryptologie asymétrique sus-évoqué : en effet, ce dernier n’aura la plupart du temps aucune connaissance de l’identité de la partie avec laquelle il contracte et il convient de lui assurer toute l’effectivité de l’engagement conclu.

263 Thierry Piette-Coudol Echanges électroniques certification et sécurité, Editions Litec, collection Maîtriser, n°47 et suivants, p 29. 264 J. Huet, Formalisme et preuve en informatique et télématique, JCP 90, I, p 103.

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La confiance sur laquelle repose l’ensemble de ce système résulte des strictes conditions d’agrément auxquelles sont soumis les PSC, notamment au travers de la Directive communautaire du 13 Décembre 1999265et du récent Décret d’application du 31 mars 2001266 en ce qui concerne les signatures électroniques d’une part, mais aussi conformément aux dispositions réglementant la cryptologie d’autre part (art. 28 II, al 1er de la loi du 29 décembre 1990 précitée telle que modifiée par la loi du 26 juillet 1996 et le décret du 24 février 1998).

Si ces attributions ont vocation à être remplies par les mêmes organismes en pratique, il convient néanmoins de distinguer les deux types de certification imposées par ces régimes :

2.2 Conditions de la certification

2.2.1 Les conditions de la certification au regard

de la signature électronique

Le décret du 31 mars 2001 portant application de la loi du 13 mars 2000 définit dans ses articles 6 et 7 la notion de certificat électronique qualifié, ce qui participe du niveau de sécurité volontairement accru que souhaite mettre en place le législateur267, et pose les conditions légales susceptibles de se voir reconnaître la qualité de PSC.

Le certificat qualifié doit d’abord respecter trois séries d’exigences (art. 6) :

• en tant que tel, il doit mentionner sa qualité propre (a), indiquer sa durée de validité (f), et le nombre de transactions autorisées (i)

• l’identité du prestataire doit être précisée : nom, pays d’établissement

(b), signature sécurisée (h)

• l’identité du signataire est enfin essentielle : nom ou pseudo (c), qualité (d), correspondance de données entre création et vérification (e)

Le Prestataire de Service de Certification (PSC) est quant à lui régi par les

dispositions du II du même article, essentiellement articulées autour des exigences de fiabilité (a), de fourniture d’un annuaire des certificats (b), d’horodatage (c), de confidentialité (i), d’archivage et d’intégrité (k et l) et d’information préalable (o). S’il respecte ces conditions, il peut obtenir la qualité de tiers certifié aux termes d’une procédure diligentée auprès des services du Premier Ministre (art. 7).

Il est fort probable qu’en pratique cette dernière voie soit incontournable

puisqu’elle est la seule à pouvoir garantir la présomption de fiabilité conférée au système telle que nous l’avons décrite plus haut268.

Notons enfin que le décret semble laisser à la prochaine Loi sur la Société de l’Information le soin de traiter le délicat problème de la responsabilité des PSC269.

265 Cf. supra, I, B, 1.1.2.3 266 Cf. supra. et art. 6,7 et 8 du Décret. 267 Le certificat qualifié est à rapprocher de la signature électronique avancée, cf. supra I, B, 1.2.2.1 268 Cf. supra, I, B, 1.2.2.1

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Dans le projet de loi servant de fondement à ce futur texte, un art. 45 établit une véritable présomption de responsabilité à leur encontre, d’ailleurs probablement encadrée par une garantie financière ou un système d’assurance :

« Les personnes physiques ou morales exerçant l'activité consistant à fournir des certificats électroniques ou à fournir d'autres services liés aux signatures électroniques sont responsables de plein droit du préjudice causé aux personnes qui se sont fiées raisonnablement aux certificats qu'elles délivrent, résultant notamment de l'utilisation d'un certificat dont elles ont omis de faire enregistrer la révocation. »

2.2.2 Les conditions de la certification au regard de la réglementation de la cryptologie

Les articles 28 II, al 1er de la loi du 29 décembre 1990 précitée telle que

modifiée par la loi du 26 juillet 1996 et le décret du 24 février 1998 témoignent de l’agrément nécessairement conféré aux PSC selon une procédure réglementée et diligentée auprès du Service Central de Sécurité des Systèmes d’Information270 (SCSSI).

Après avoir rempli les conditions légales, ces organismes se voient confier

une mission générale de gestion des conventions pour le compte d’autrui271. En vertu d’un contrat passé par écrit (art. 10 du décret du 24 février 1998) qui reprend pour l’essentiel les caractéristiques posées par le décret précité du 31 mars 2001 relatif à la signature, sont ainsi rappelées comme essentielles les obligations de secret professionnel et de confidentialité (art. 28 II, al 2. précité et al 4), d’intégrité (art. 12 et 13 du décret du 24 février 1998), alors que l’exigence majeure de fiabilité est implicitement contenue dans le cahier des charges imposé dans le cadre de la procédure d’agrément (art. 8 du décret précité).

Ici encore c’est à la future loi sur l’Economie Numérique précitée que le

législateur français semble confier le soin de régir le sort de la future responsabilité des prestataires de service de cryptologie, sensiblement calquée sur celle des PSC (art. 17 et suivants du projet de loi).

269 Cette lacune du décret avait été unanimement dénoncée, notamment par Me C. Rojinsky, Le décret et la loi devront être complétés, entretien paru dans Les Echos, 11 avril 2001, p. 47 270 Pour de plus amples informations sur cette procédure, consulter le site suivant : http://www.scssi.gouv.fr 271 Cf. Lamy informatique et réseaux, 2001, n°3030.

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2.3 Fonctionnement de la certification

Schéma n°4 : cryptologie asymétrique pour la signature électronique avec recours à un

Prestataire de Service de Certification

CHIFFREMENT par Clef privée prA

DECHIFFREMENT du CERTIFICAT par Clef publique du PSC (puPSC) et

extraction de la clef publique de (puA) A

Transfert du certificat crypté par la clef privée du PSC

(prPSC)

Prestataire de Service de Certification

Délivrance du certificat crypté

par clef privée du PSC (prPSC)

Demande de la clef publique du

PSC (puPSC) DECHIFFREMENT du MESSAGE par Clef publique de A extraite du certificat (puA)

Transfert du message crypté

Demande de certificat à partir

de la clef publique puA.

Récepteur B Emetteur A

Contrairement aux dispositifs sus-évoqués de cryptologie asymétrique classique272, l’adjonction d’un Prestataire de Service de Certification dans le processus contractuel permet une fiabilité accrue du dispositif de signature électronique par l’intermédiaire du certificat délivré.

Il se déroule dès lors en trois étapes :

2.3.1 Création du certificat électronique

A l’origine de la procédure contractuelle, le signataire qui aura généré un bi-

clef par l’intermédiaire d’un générateur logiciel, demande au PSC la création d’un certificat sur la base du dépôt de sa clef publique et de la garantie de son identité.

Le PSC élabore alors ledit certificat mentionnant toutes les informations utiles

au processus contractuel et intégrant notamment la clef publique qui lui a été confiée.

Ce certificat peut-être lui-même chiffré au moyen de la clef privée du PSC.

2.3.2 Signature et transmission du message

272 Cf. supra, Schéma n°3

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Le message électronique étant élaboré, il fait l’objet d’une signature au moyen de la clef privée de la partie qui s’engage, puis est transmis au co-contractant en même temps que le certificat émis par le PSC.

En pratique, la transmission du certificat s’établit de façon automatique par les

logiciels dédiés à cet usage.

2.3.3 Déchiffrement du message à partir du certificat

Le destinataire du message est soumis à une double opération lui permettant

d’obtenir le déchiffrement du message : Il doit au préalable procéder à la vérification du certificat transmis au moyen

de l’obtention de la clef publique du PSC qu’il sollicite (ou obtient automatiquement par procédé logiciel) et qui lui permettra en outre d’extraire dudit certificat la clef publique de l’émetteur du message crypté.

Ensuite, il procèdera au déchiffrement du message crypté grâce à la clef

publique obtenue dans les mêmes conditions que celles évoquées plus haut pour la cryptologie asymétrique classique.

2.4 Responsabilité liée à la certification

Le PSC agréé tel que défini précédemment est soumis à une responsabilité tant dans le domaine civil (droit commun de l’art. 1382 civ.) que pénal273.

Le projet de loi sur l’Economie Numérique entend à ce sujet remédier

explicitement à un défaut de qualification précise du dommage causé en détaillant dans son art. 21 que:

« Sauf à démontrer qu'ils n'ont commis aucune faute intentionnelle ou négligence, les prestataires de services de certification électronique sont présumés responsables du préjudice causé aux personnes qui se sont fiées raisonnablement aux certificats présentés par eux comme qualifiés, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat lorsque :

1° Les informations contenues dans le certificat qualifié, à la date de sa délivrance, étaient inexactes ou lorsque les données prescrites pour que le certificat puisse être regardé comme qualifié étaient incomplètes ;

2° Les prestataires n'ont pas procédé à la vérification de :

a) La détention par le signataire, au moment de la délivrance du certificat qualifié, des données relatives à la création de signature correspondant aux

273 Sur un exemple de sanctions pénales, notamment le défaut d’agrément, cf. supra. 1.4.2 et art. 28 III a al. 2 de la loi du 29 décembre 1990 modifiée.

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données fournies ou identifiées dans le certificat et permettant la vérification de la signature ;

b) La possibilité d'utiliser de façon complémentaire les données relatives à la création et à la vérification de signature, dans le cas où le prestataire de services de certification électronique peut être à l'origine de ces deux types de données ;

3° Les prestataires n'ont pas, le cas échéant, fait procéder à l'enregistrement de la révocation du certificat qualifié et tenu cette information à la disposition des tiers.

Les prestataires ne sont pas responsables du préjudice causé par un usage du certificat dépassant les limites fixées à son utilisation ou à la valeur des transactions pour lesquelles il peut être utilisé, à condition que ces limites aient été clairement portées à la connaissance des utilisateurs dans le certificat.

Ils doivent justifier d'une garantie financière suffisante, spécialement affectée au paiement des sommes qu'ils pourraient devoir aux personnes s'étant fiées raisonnablement aux certificats qualifiés qu'ils délivrent, ou d'une assurance garantissant les conséquences pécuniaires de leur responsabilité civile professionnelle. »

Il est par ailleurs tenu à un devoir essentiel d’information de l’autorité judiciaire

(art. 28 II al. 4 précité), qualifié « d’une des principales obligations imposées aux tiers agréés »274 et établi dans le cadre de la loi du 10 juillet 1991 relative au secret des correspondances dans le domaine des télécommunications. Ce devoir est matérialisé notamment par la tenue régulière d’une liste des clients et d’un registre réglementé.

2.5 Certification et « notarisation » Il convient au préalable de procéder à une précision terminologique utile quant

à la suite de cet exposé : en effet, de nombreuses études traitent de la notion de « notaire électronique » ou de « notarisation » des échanges en l’apparentant fort improprement à celle traditionnelle de l’officier public que nous avons détaillée.

Or, il est indispensable de préciser que l’expression « notaire électronique »

ne concerne que le droit spécifique de la cryptologie au sein duquel elle ne vise qu’une catégorie particulière de tiers-certificateur. Ce dernier, pour être consultable en ligne et présenter la particularité d’être soumis notamment à l’horodatage et à un archivage275, semble avoir été à ce titre injustement qualifié par une simple analogie 274 B. Warusfel, Les conditions juridiques de la sécurité sur Internet et le régime juridique de la cryptologie en France, in Internet saisi par le Droit, ed. des Parques, 1997, p 199 et suivantes, spéc. P 213 cité in Lamy Informatique et Réseaux, 2001, n° 3033. 275 Selon la définition donnée par le Livre Blanc de l’IALTA (version du 29 Novembre 1998) consultable sur http://www.ialta-france.org , l’Autorité de Notaire Electronique (Digital Notary Authority) est soumise à une procédure aux termes de laquelle un document est déposé chez le notaire électronique pour faire preuve

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trompeuse avec certaines attributions du notaire-officier public, et une traduction sans doute trop hâtive de l’expression anglaise « notary autority ».

Car la différence reste fondamentale, comme a pu la mettre justement en

évidence un auteur276 :

« L'acte solennel a la particularité d'être garanti par le Tiers Certificateur Public du monde du papier (le notaire). Les actes sous seing privé ne seront garantis par le Tiers Certificateur "électronique" que sur le seul aspect cryptographique ; les émetteur et destinataire restent maîtres de la signature elle-même.

Il faut en effet marteler cette réalité : le tiers certificateur ne garantit pas la signature, il garantit la clé publique (en réalité, il garantit la correspondance entre la clé publique et l'identité déclarée du détenteur de la clé) »

Ce rôle passif du « notaire électronique », qui agit comme un « révélateur »277 du contrat plus que comme un éclaireur (notaire-officier public) a été fort injustement ignoré par le législateur à l’occasion de l’introduction récente du formalisme électronique en droit français, puisque ses caractéristiques essentielles (horodatage et autorité de resignature) n’ont pas été retenues dans les textes définitifs.

Cette dualité de fonctions, pourtant clairement établie, devrait suffire en elle-

même à mettre un terme à toute polémique sur ce point278, d’autant que la fonction notariale, reposant sur le témoignage éclairé du contenu des dispositions de l’acte, remplit mieux qu’aucune autre ce premier degré de simple certification279 . Mais aux yeux du grand public il n’est pas certaine que la confusion perdure…280

Pour autant, il est essentiel de rappeler l’opportunité, pour le notariat traditionnel, à se rapprocher de cette fonction de tiers-certificateur des accords sous-seing privé281, ne serait-ce qu’à titre d’activité annexe à l’authentification. Et c’est d’ailleurs à ce titre qu’il convient d’analyser les composantes de la notarisation électronique :

2.5.1 L’horodatage

L’expression horodatage désigne « l’envoi d’un message signé à un serveur de temps, possédant une référence temporelle de confiance dont l’exactitude est

d’existence. On peut déposer des données électroniques comme des transactions horodatées, des sources, des textes de brevet ou exécutables de référence, etc.… Ce service pourrait aussi être appelé Autorité d’Archivage Electronique. 276 Th. Piette-Coudol, Avis sur le projet de Loi relatif a la preuve, 19 septembre 1999, article consultable sur le site du Ministère de l’Economie et des Finances à l’adresse : http://www.finances.gouv.fr/societe_information/contributions/Piette-Coudol.htm 277 . Congrès des Notaires de France, « Le contrat, Liberté contractuelle et sécurité juridique », Lyon, 17/20 Mai 1998, Petites Affiches N° 54, 6 mai 1998, p.5. 278 E.A Caprioli, Traçabilité et droit de la preuve électronique : Droit et Patrimoine 2001, n°93, p 68. 279 A. Raynouard, Adaptation du Droit de la preuve aux technologies de l’informatique et à la signature électronique, préc., n° 29. 280 D.Grillet-Ponton, L’acte notarié : un nouveau souffle consumériste et technologique, JCPN 2001, n°30-35, p 1262. 281 Voir à ce titre les propositions du 94ème Congrès des Notaires de France, Lyon, 1994, JCP N, 1998, n°31

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assurée avec différentes sources de temps »282. Il s’agit en réalité d’assurer la date de l’élaboration du document ou de sa transmission, en vue de sa non-répudiation ou falsification postérieure.

Notons que, sauf texte spécial, la date d’un acte n’est pas une condition de

validité, mais elle peut avoir une valeur essentielle quant à ses effets : point de départ d’un délai, d’une tacite reconduction d’un contrat à durée déterminée283.

Il est regrettable à ce titre que ni la loi française du 13 mars 2000 sur la

signature électronique, ni son premier décret d’application ne soient venus prendre en compte l’insertion des conditions temporelles de l’acte dans les modalités de sa signature.

Un auteur a notamment mis en évidence cette lacune qui, selon lui, contraindra rapidement la Cour de Cassation à garantir l’effectivité des actes sous seing privé à l’égard des tiers malgré les conditions restrictives de l’art. 1328 civ. Au delà des conditions limitatives énumérées (enregistrement, décès d’une des parties ou mention dans un acte authentique), il apparaît en effet que l’écrit électronique ait besoin d’un « état fixe » spécifique permettant d’évacuer tout risque de manipulation284.

La réponse la plus adaptée réside donc par la certification accessoire de la

date opérée par un PSC : dès lors, outre la vérification de la date intrinsèque de l’acte, celle de la validité de la signature peut aussi être opérée dans une dimension temporelle (« cette dernière ne sera [reconnue en tant que telle] que si elle a été produite à l’aide d’une clé privée dont le certificat était valide à l’instant de la signature »285).

2.5.2 La resignature

Le procédé de resignature consiste en la prise en compte de l’évolution

technique dans le processus de signature électronique par une mise à jour technique de la signature apposée afin d’assurer sa validité et sa vérification futures.

Ainsi, diverses contributions au projet de décret ont-elles mis en avant la

nécessité d’adaptation face à l’obsolescence inexorable des moyens techniques286 sur la totalité de la durée de vie du contrat. Ces préoccupations se retrouvent d’ailleurs par analogie dans l’évolution de la réglementation des procédés cryptographiques (le seuil de 48 bits concernant le libre usage de ces procédés ayant notamment été porté récemment à 128 bits287).

282 P-A Fouque, Les technologies de l’écrit électronique, in Association Rencontres Notariat Université, Vers l’authenticité électronique, 2000, préc.

283V. Sédallian, Preuve et signature électronique, 9 mai 2000, article consultable sur http://www.juriscom.net

284 S. Mercoli, Incertitude sur la date des actes sous seing privé, JCP N 12 janvier 2001, n° 20 et suivants. 285 Synthèse des réponses à la consultation publique sur l'avant projet de décret "signature électronique", consultable sur le site http://www.internet.gouv.fr 286 Synthèse des réponses à la consultation publique sur l'avant projet de décret "signature électronique", préc. 287 Cf. supra.

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Pour autant, il nous semble fort dangereux de retenir de tels procédés dans le contexte contractuel défini par le droit positif : en effet, l’atteinte modificative à la signature présente en elle-même un risque potentiel de fraude ou de négation de l’engagement contracté très prononcé au regard de la sécurité juridique légitimement attendue par les parties. Les conséquences en terme de confiance en ces nouveaux procédés pourraient en conséquence s’avérer très péremptoires.

Certes, on peut penser que le recours à un tiers éclairé dans le cadre de cette procédure devrait permettre de restreindre ces dérives potentielles : le contrôle du tiers certificateur selon des procédés techniques réglementés, ou plus sûrement encore, l’intervention de l’officier public dans le contexte particulier de l’acte authentique288, constituant d’indiscutables facteurs de sécurité.

Mais l’enjeu est trop important à notre sens, d’autant que d’autres parades

que la resignature ont été avancées pour pallier au nécessaire besoin d’évolution de la signature : si certains prévoyaient d’utiliser les procédés technologiques les plus avancés pour atténuer ce problème (on a ainsi parlé de clef de 20.000 bits289permettant d’assurer une fiabilité sur 50 ans), il semble largement préférable de reconsidérer le problème dans sa dimension juridique originelle.

Car, comme le précise un commentaire du décret précité du 30 mars 2001, la signature doit être appréciée non pas lors de la phase « post-transactionnelle » du contrat, où son efficacité importe peu, mais dans sa phase originelle de conclusion où elle est successivement créée, liée au document auquel elle se rattache et vérifiée par le cocontractant290. Ses effets juridiques ont donc tout lieu d’être appréciés à ce moment là.

Qu’il nous soit permis, tout en relevant la pertinence de cette analyse qui

consacre les rôles majeurs d’identification et de consentement originels de la signature sus-évoqués, d’émettre une réserve pour le cas des contrats à effets différés (cas d’une vente avec retard du transfert de propriété) ou à exécution successives (baux notamment). En effet, il peut apparaître opportun aux contractants de pouvoir vérifier la validité de l’engagement électronique très postérieurement à la conclusion du contrat, alors que de nouvelles obligations deviennent exigibles (modification dans le paiement du loyer, travaux à effectuer, etc..).

Par ailleurs, la pérennité de la signature peut aussi se justifier au regard des possibles avenants au contrat, susceptibles de changer la nature des obligations contractées sans forcément en créer de nouvelles.

2.5.3 L’exemple québécois : le notaire agent-certificateur des signatures électroniques

Soumis à un régime hybride entre prédominance du notariat latin d’une part et influence fédérale anglo-américaine d’autre part, le droit québécois s’est néanmoins

288 Contexte où, comme nous l’avons vu, sa signature tend à constituer le cœur du caractère sacramentaire du contrat. 289 P-A Fouque, Les technologies de l’écrit électronique, in Association Rencontres Notariat Université, Vers l’authenticité électronique, 2000, préc. 290 Consultation sur le projet de décret, contribution de l’association Ialta France, disponible sur le site : http://www.ialta-france.org

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posé en précurseur quant à l’intégration des nouvelles technologies et à l’évolution du rôle dévolu à l’officier public, en particulier dans le domaine notarial291.

2.5.3.1 Un cadre législatif précurseur

L’évolution du droit positif fut un premier facteur d’inspiration majeure de cette prise en compte de besoins nouveaux292 :

Ainsi, le Code Civil du Québec devait consacrer dès 1994 le formalisme électronique, notamment au travers de l’équivalence fonctionnelle de l’écrit électronique (art. 2837 et 2837 c. civ. québ.), ou de la reconnaissance de la signature électronique par la définition large de l’art. 2827 c. civ. québ.

Parallèlement, le principe de l’acte authentique notarié électronique adopté par le Code devait trouver un prolongement efficace dans la nouvelle loi 139 sur le notariat datée du 23 novembre 2000293.

Aux termes de ce texte extrêmement précis et qui peut présenter une source d’inspiration non négligeable pour le futur décret d’application de l’art. 1317 civ. français, le notaire se voit en effet attribuer une signature électronique officielle et personnelle par le secrétaire de l’Ordre (organe de la profession), « susceptible d’être apposée par un procédé approprié si le support d'un acte notarié ou d'un autre document fait appel aux technologies de l'information. » (art. 21).

Par ailleurs, le texte étend expressément la forme électronique pour les actes

en minute ou brevet et leurs annexes (art 34, 38 et 56), ainsi que pour la délivrance des copies et extraits d’actes (art. 84). Ces précisions laissent présager une refonte semblable de la loi de Ventôse française.

Mais c’est dans le rôle novateur reconnu au notaire en tant que certificateur

d’identité qu’il faut relever la véritable audace du système québécois : aux termes de l’art. 16 en effet, le notaire peut expressément attester l’identité, la qualité ou la capacité d’une personne pour accomplir ou passer un acte juridique autre qu’un acte notarié et à ce titre établir un certificat par acte notarié (certificat authentique294). Il faut noter toutefois que cette extension d’activité accompagnée par le législateur avait été à l’origine initiée par la profession notariale :

2.5.3.2 La mise en œuvre de l’Inforoute notariale québécoise

291 Cf. rapport de Me Pépin, L'acte notarié et le défi informatique, nov. 1991, incorporé au Congrès de l'Union Internationale du Notariat Latin à Carthagène en mai 1992. 292 L’avance en la matière semble générale puisque de nombreux Etats canadiens se sont montrés actifs à légiférer en ce domaine : Cf. notamment la loi de l’Ontario du 16 octobre 1999. 293 Projet de loi 139, loi sur le notariat, Assemblée Nationale du Québec, 1ère session, 36ème législature, 2000. (http://www.bibl.ulaval.ca/info/ajour141.html) 294 Sur la notion de certificat authentique, Cf. infra.

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En partenariat avec sa division technologique Notarius295, la Chambre des Notaires du Québec296 a mis pratiquement à disposition des notaires en 1998 un dispositif de signature électronique leur permettant d’accomplir dans un premier temps297 différentes opérations basiques par voie électronique (échange de documents ou projets d’actes par courrier électronique, transmission aux Registres des testaments et mandats d’aptitude298, mais aussi consultation de bases de données juridiques)299. Mais l’intérêt de ce processus s’est trouvé relancé par le règlement du 23 juin 1999 modifiant le Registre des Droits Personnels et Réel Mobiliers (RDPRM)300 : en effet, le notaire s’est alors vu conférer le rôle tout à fait novateur d’Agent Vérificateur d’Identité (AVI) des personnes désireuses d’obtenir une signature électronique dans le but de procéder à la publication électronique de leurs droits réels et personnels.

Pratiquement, l’officier public établit un certificat authentique pour le compte de son client (par acte notarié électronique) qu’il communique au RDPRM en le chiffrant par sa propre signature. En retour, cet organisme, assuré sur l’identité du client par ce procédé, lui fournira un bi-clef permettant de transiger électroniquement avec le registre informatisé selon les mécanismes étudiés plus haut301.

Cette reconnaissance essentielle du notaire comme tiers-certificateur des échanges semble devoir être étendue aux conditions de publication sur de nouveaux registres, tels que le registre foncier québécois302.

2.6 Les réseaux notariaux français, supports de la

communication électronique

2.6.1 Le réseau national mis en place par le Conseil Supérieur du Notariat : l’Intranet REAL

Après avoir subi un certain nombre de révolutions techniques majeures (dont

la télécopie et la photocopie n’ont pas été les moindres), la profession notariale s’est efforcé de mettre en place un réseau électronique fermé baptisé REAL (pour Réseau Electronique notariAL, en hommage au brillant rapporteur de la loi de Ventôse303), directement inspiré du projet initial européen OSCAR.

Promu en 1999 par le Conseil Supérieur du Notariat, la mise en place de ce

réseau fermé s’effectue de façon progressive, même si plus de 3.800 notaires sont

295 http://www.notarius.com 296 http://www.cdnq.org 297 Dans l’attente de l’entrée en vigueur postérieure des dispositions précitées de la loi 139. 298 Equivalent du Registre français des dispositions de dernières volontés 299 Cf. Annexe V, Formulaire d’émission d’une signature électronique d’un membre du Conseil de l’Ordre. 300 Equivalent du fichier immobilier français tenu auprès des Conservations des Hypothèques. 301 Cf. supra. Schéma n°4 sur le fonctionnement de la cryptologie asymétrique avec intervention d’un tiers et pour le fonctionnement technique du réseau notarial québécois : http://icp.notarius.com/ 302 Sur ces perspectives et l’ensemble du système québécois, cf. B. Lefebvre, L’échange de documents informatisés : l’expérience du notariat québécois, in Association Rencontres Notariat-Universités, 2000, préc. 303 Cf. supra, épitaphe à la première partie.

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abonnés à cet Intranet à l’heure du Congrès de Lille304 de 2000, plus de 4.469 en septembre 2003, tandis que 5.168 cartes REAL ont été livrées ou sont en commande.

Dans son élaboration initiale, cet outil technique repose sur un système de

cartes à puce permettant la mise à disposition de clefs selon les procédés de cryptologie asymétrique sus-étudiés et la garantie d’une signature électronique sécurisée au sens du décret du 30 mars 2001305. Mais c’est au delà de cet aspect encore prospectif de tierce-certification, une véritable informatisation et mise en réseau globale qu’a appelée de ses vœux une profession soucieuse de s’inscrire dans le processus européen de libéralisation des échanges.

Le système de sécurisation des échanges immatériels a été spécialement adapté aux exigences du notariat : ainsi sont séparés le serveur générant les certificats sur les cartes à puce (installé sur un site sécurisé), des demandes préalables de certificats (le personnel interne au CSN accède alors à un serveur d`enregistrement local). La procédure reste manuelle pour les notaires306.

Le dispositif permet au notaire de bénéficier de nombreux outils307 parmi

lesquels :

un accès au réseau mondial Internet (connexion Numéris et ADSL) ; une messagerie sécurisée destinée à la transmission d'informations

entre les offices notariaux et permettant aux notaires de communiquer avec leurs clients et partenaires ;

la consultation à distance automatisée de différents services

professionnels à accès restreint dont :

o le Fichier central des dispositions de dernières volontés (FCDDV),

o Le Réseau Européen des Registres des Testaments (RERT),

o La Base Documentaire Européenne Notariale (BADEN)308,

o Le cadastre ou la conservation des Hypothèques ;

la consultation à distance en libre accès (sans carte nécessaire) de certains services :

du fichier de référence immobilière PERVAL (facilitant l’expertise) ;

du service du cadastre (SPDC : possibilité de demande des extraits cadastraux en ligne) ;

304 Discours de Me J-P Decorps, Président du Conseil Supérieur du Notariat, Congrès des Notaires de Lille 2000, disponible sur http://www.congres-notaire.com 305 Sur ce point, Cf. supra I.B.1.2.2.2 306 Thierry Lévy-Abégnoli, La standardisation des infrastructures à clés publiques jugée insuffisante, 01 Informatique, 13 octobre 2000, consultable sur : http://www.01net.fr 307 Pour une étude détaillée, on se reportera au numéro hors-série de la revue professionnelle Notaires-Vie Pratique de septembre 2003. 308 Base de données des différents CRIDON de France comprenant quelques 18.000 documents.

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des contrats de Sécurité Nouvelle (assurance), des accès bancaires (CDCNet/REAL),

Enfin à terme, la publication auprès des Conservations des

Hypothèques ainsi que la généralisation de l’ensemble des téléprocédures (déclarations de TVA…)

Malgré ces objectifs initiaux ambitieux, il apparaît que la frilosité d’un grand nombre de praticiens à l’égard de ces nouvelles techniques soit vivace, aux vues des incertitudes pesant toujours sur l’effectivité technique d’un tel système (coût encore élevé des connexions et des matériels), face à une administration lentement informatisée309 et à une pratique notariale trop rigide dans son fonctionnement quotidien :

« Aujourd'hui on peut estimer, sans certitude aucune, mais en toute objectivité, que 10 % de la profession utilise occasionnellement internet ou l'intranet, la connexion en masse sur l'intranet devrait évidemment faire augmenter ce nombre, mais les fonctionnalités de ce réseau, réduites à leur plus simple expression pour un coût majoré, risquent de dissuader les notaires plutôt que de les inciter »310

Aussi une subvention globale a t-elle été décidée au niveau du Conseil

Supérieur du Notariat pour faciliter l’installation et le développement de ces installations au sein de chaque office311.

2.6.2 Le réseau de la Chambre des Notaires de Paris : De l’Intranot à l’Extranot…

Parallèlement à l’initiative nationale du Conseil Supérieur du Notariat, la Chambre des notaires de Paris a mis en place en septembre 1997, un réseau fermé de type Intranet liant quelques 250 études fin 2000, dans le souci majeur de « favoriser l’accès à une documentation mise à jour quotidiennement sur le réseau et de favoriser les échanges sécurisés ainsi que le partage de documents confidentiels entre les études »312. Parmi les informations313 mises à la disposition des utilisateurs professionnels, on peut citer : flashs d'informations, arrêtés de périls (avis des immeubles présentant des risques, à ne pas acheter), circulaires en vigueur, annuaire des études et des notaires de Paris et de la Petite-Couronne, règlements de la profession, bibliographie

309 Cf. infra. sur l’informatisation des Conservations des Hypothèques. 310 D. Mathy, in Questions à un notaire... dont les réponses s'appliquent aux autres professions pour une bonne part !, article disponible sur http://www.village-justice.com/journal/articles/webjuriste3.html 311 Plan de soutien aux abonnements à REAL de 1999, repris par une circulaire n°1533 du 17 mars 1999. 312 J. Binard, Directeur des Systèmes d'Information de la Chambre des notaires de Paris, Propos recueillis le 16 juillet 1999 par Christophe Dupont, disponibles sur le site http://www.flexum.net 313 Le site utilise le logiciel DIANE, produit de documentation, de calcul et outil de communication utilisé par plus de 2000 notaires constamment remis à jour, amélioré, complété, en collaboration avec des notaires et les chercheurs.

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juridique, revue de presse juridique et législative, dossiers juridiques et présentation des grands arrêts de la Cour de Cassation314. L’interaction du réseau est notamment assurée par un lien vers la Caisse des Dépôts et Consignations. Enfin, avec la reconnaissance de la valeur juridique des signatures électroniques, il apparaît essentiel de relever qu’un service de délivrance de certificats s’est trouvé adjoint aux fonctionnalités de ce réseau ; chaque notaire-utilisateur disposant de la possibilité de délivrer des certificats électroniques à son client pour, dans un premier temps, les seuls échanges que ce dernier pourrait avoir avec sa seule étude.

Ce mouvement devrait se prolonger par la mise en place d’un réseau ouvert

baptisé Extranot, visant à permettre un accès direct, gratuit et sécurisé des clients aux différents services offerts par chaque office par une délivrance immédiate (en ligne) du certificat.

2.7 L’authentification numérique des actes 2.7.1 Le certificat authentique : une garantie accrue pour les actes sous-seings privés

Dans le cadre des travaux réalisés par le Congrès des Notaires de Lyon de 1994, une proposition novatrice s’est fait jour dans le but de faire naître une nouvelle catégorie de contrat à côté de la traditionnelle opposition des actes authentiques et sous-seing privé : Ainsi a t-il été proposé que le notaire, dans son rôle de tiers de confiance d’une part et de spécialiste des contrats d’autre part, puisse fournir un certificat authentique315 pour renforcer la valeur juridique des contrats sous seing privé sans pour autant que ces derniers ne soient apparentés à un contrat authentique. Ces vœux s’inscrivent dans le prolongement des dispositifs de « notarisation » que nous avons évoqué et marquent la volonté de constituer une autorité de certification privilégiée.

Au delà de l’identité des parties et de l’intégrité du contrat déjà garanties par la simple qualité de tiers-certificateur, la fonction notariale, par ses attributions spécifiques est en effet la plus à même de certifier la date (par un procédé d’horodatage tel qu’évoqué plus haut), la capacité des parties ou encore la légalité apparente des conventions contractées. L’acte ainsi contrôlé et validé occupe dès lors une fonction novatrice dans la hiérarchie des preuves préconstituées puisque sa date certaine semble pouvoir être assurée a priori au regard de l’art. 1328 civ. (qui

314 Selon le responsable cité à la note précédente, la base de données renfermerait quelques 5000 documents interrogeables par un moteur de recherche. 315 Congrès des Notaires de Lyon, 1994, consultable sur http://www.congres-notaire.com et Petites Affiches, 6 mai 1998, n°54, p 37 et s.

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cite notamment le cas de la transcription du sous seing privé dans les actes dressés par les officiers publics316). Pour autant, ce « contrat du troisième type »317, composé de l’adjonction du certificat authentique à l’écrit sous seing privé originaire, ne pourra en aucun cas valoir authentification de la convention dans la mesure où l’officier public y conserve un rôle résolument passif (et non actif comme éclaireur des parties au titre du devoir de conseil), et où il ne reçoit pas l’acte, au sens concret (physique) ou abstrait (réception intellectuelle) que nous avons évoqué. Sa force probante demeurera donc celle de l’art. 1322 civ. (limitée aux effets entre les parties), et il y aura lieu d’obtenir un titre exécutoire pour en assurer l’effectivité pratique318

Cette prise en compte d’un acte à valeur probatoire intermédiaire, si elle devait être reconnue par les décrets d’application de la loi de mars 2000, serait susceptible de consacrer par ailleurs la prédominance économique essentielle du Notariat face aux autres prestataires de service de certification. Ces derniers, du fait du manque de spécialisation juridique et de l’absence de prérogatives d’authentification, se trouveraient contraint à mettre en avant leurs avantages techniques dans la fourniture de leurs services sans pouvoir véritablement combler le déficit de sécurité juridique constaté.

A l’inverse, il est de l’intérêt du Notariat de mettre en œuvre tous les moyens techniques319 susceptibles de répondre aux exigences de la certification authentique pour préserver si ce n’est un monopole, tout au moins une place de choix dans la certification des échanges.

2.7.2 L’authentification numérique des actes : la garantie de l’application du devoir de conseil par la signature électronique du notaire.

Face à la simple certification authentique électronique des actes sous seing

privé, assimilable à la « notarisation » des échanges sus-évoquée, l’authentification électronique s’articulera autour des deux piliers inhérents l’authenticité apposée dès rédaction de l’acte, à savoir l’application du devoir de conseil, garanti par l’apposition de la signature électronique du notaire320.

Il nous semble d’ailleurs que c’est dans ces deux différences majeures que le

Notariat doit rechercher les sources de sa spécificité moderne dans un contexte profondément concurrentiel321 : la signature de l’officier public demeurant la marque

316 Voir en ce sens S. Mercoli, Incertitude sur la date des actes sous seing privé, préc., n° 22. 317 Congrès des Notaires de Lyon, préc. : il est fait référence, non sans risque de confusion, à un ersatz de l’acte authentique. Nous préfèrerons parler d’acte sous seing privé renforcé. 318 Art. 502 NCPC. 319 Systèmes de cryptologie, délivrance de clef et certificat, horodatage, archivage et transmission électronique. 320 Notons que la preuve du devoir de conseil peut toutefois être rapporté par un acte distinct de l’acte authentique, tel qu’une dispense de conseil donné : Civ. 1ère, 10 juin 1997, Roquebrun c/ de Poulpiquet de Brescanvel, JCP N 1997, n° 47 321 Les avocats testeront en septembre prochain la « Chaîne civile électronique », qui devrait être opérationnelle dans le courant 2002.

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du conseil donné et le déclenchement volontaire de la responsabilité professionnelle de ce dernier. Car l’avantage pour les contractants apparaît essentiel :

« Avec l’acte notarié informatisé, il ne sera plus nécessaire de recourir à des notaires électroniques puisqu’il y aura recours à un vrai notaire. »322 Ainsi, à côté des contrats directement passés sous la forme authentique

électronique telle que le futur décret portant application de l’art. 1317 civ. la définira, il semble qu’une procédure analogue à celle de dépôt au rang des minutes du contrat sous seing privé, moyennant reconnaissance d’écriture et de signature puisse être mise en œuvre par le biais des dispositifs techniques au sein desquels le notaire est tiers de confiance. Un acte de dépôt authentique électronique sera alors dressé à cette occasion et uniformément confondu avec l’acte déposé323.

322 J.M Poisson, Modernité de l’authenticité : prospective, in ARNU 1992, préc., p 26 323 Selon une jurisprudence constante depuis : Req., 7 nov. 1843 : DP 1844, 1, p. 133.

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B. Le notaire face aux nouvelles pratiques informatiques

1 Les conséquences pratiques de l’adoption du support électronique pour les actes authentiques

En premier lieu, il s’agit de relever que l’élaboration de l’acte authentique

électronique ne pose aucun problème majeur dans la mesure où, pratiquement, la quasi-totalité des actes actuels sont rédigés directement sur ordinateur par le biais des traitements de texte, des logiciels professionnels spécialisés (Daxel, GenApi, etc…) et de leurs « bibles » intégrées.

L’impression sur support papier est à tout moment offerte, mais n’en demeure

pas moins superflue, puisque le notaire peut effectuer une lecture directe sur l’écran de l’acte aux parties, y apporter directement et facilement toute modification ou correction qu’il juge utile, puis recueillir électroniquement les signatures des parties pour les adjoindre à l’acte.

Sur ce dernier point, il convient de rappeler que l’option privilégiée par le Professeur P. Catala324 d’une signature bio-métrique (empreinte vocale, digitale, oculaire) ou manuscrite (signature reproduite sur l’écran à l’aide d’une palette graphique et d’un crayon optique) ne puisse s’imposer face à la généralisation des procédés de signatures électroniques relevant du système de cryptologie asymétrique couronné par le premier décret d’application de la loi.

En revanche, il apparaît important de distinguer, dans le cadre de la

réalisation pratique de l’acte authentique électronique, les hypothèses où l’ensemble des parties sont présentes à la conclusion de l’acte d’une part (1.1.1), de celles, plus inhérentes au support électronique et à l’acte à distance, dans lesquelles une ou plusieurs parties fait défaut d’autre part, (1.1.2) :

1.1 En présence de toutes les parties

La présence simultanée de l’ensemble des parties devant le notaire lors de la

signature de l’acte ne semble pas devoir poser difficulté dans la mesure où ces dernières disposeront du choix du support de rédaction et d’apposition de leurs signatures respectives (papier ou électronique), dès que le principe de l’équivalence fonctionnelle entre ces différentes formes d’écrits se voit couronné. Il apparaît qu’il en soit de même pour la rédaction des actes unilatéraux (procurations, attestations…).

Tout au plus des considérations personnelles ou pragmatiques (méfiance des

signataires à l’égard du support électronique, respect de procédures administratives non encore mises à jour…) pourront-elles freiner l’utilisation du support dématérialisé.

Concrètement, les documents annexés à la minute se trouveront adjoints par

le procédé de « pièce jointe », après avoir fait éventuellement l’objet d’une 324 P.Catala, Le formalisme et les nouvelles technologies, Defrénois 2000, préc. N° 22.

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transmission électronique depuis le service administratif concerné (cadastre, Conservation des Hypothèques, état-civil, etc…).

Il est utile de noter en outre, que les droits de timbre devraient être acquittés

selon la même méthode que le support papier (nombre de pages utilisées), si tant est que l’administration fiscale consente à reconnaître la valeur fiscale déclarative des documents électroniques325.

1.2 En l’absence d’une ou plusieurs parties : l’acte à distance

Dans son intervention sur la mise en place pratique de l’acte authentique

électronique dans les offices, Me Jean-Dominique Mathias326 envisageait le cas concret de l’acte authentique à distance, pour lequel il propose des solutions juridiques déjà éprouvées en droit positif.

A cet égard, et retenant ainsi l’incontournable condition de réception de l’acte

par un officier public que nous avons analysée, l’auteur préconise la présence d’un officier public compétent à chaque bout de la chaîne de manifestation des volontés, c’est-à-dire auprès de chaque partie qui s’engage, quelle que soit sa situation géographique. Mais il nuance ensuite la formation ultérieure de l’acte par la rencontre des consentements dans les deux solutions distinctes qu’il propose :

1.2.1 La procuration annexée à l’acte

La technique de la procuration (ou mandat) est incontournable de la pratique notariale, puisqu’elle met en place un mécanisme de représentation de la partie qui s’engage par le biais de l’intervention d’un mandataire censé agir au nom et pour le compte de cette dernière.

En cela, il est essentiel de relever que si l’art. 1985 civ. n’impose pas de forme

spéciale à la formation du contrat de mandat ainsi considéré327, un mouvement tant doctrinal que jurisprudentiel invite à recourir obligatoirement à la forme authentique :

« toutes les fois où l'authenticité d'un acte est prescrite par la loi à titre de solennité, soit dans un intérêt d'ordre public, soit dans l'intérêt des parties, pour assurer leur sécurité et protéger leur indépendance par l'intervention d'un officier public qui les conseillera et attirera leur attention sur la portée réelle de leurs engagements 328»

325 Cette reconnaissance fiscale de la validité des signatures électroniques semble être en bonne voie si l’on en croit l’instruction du 4 avril 2001, BOI 13-K-01, qui impose aux entreprises de plus de 100 millions de francs de chiffre d’affaire de souscrire par voie électronique leurs déclarations d’Impôt sur les Sociétés et de TVA. 326 Me J-D Mathias, administrateur au Conseil Supérieur du Notariat, intervention dans le cadre des Rencontres Notariat-Université, 2000, préc., p 25. 327 La forme authentique, sous seing privé ou même verbale peut être adoptée, hormis le cas du mandat ad litem (art. 306, 343 et 332 NCPC notamment). 328 D. Montoux, Jurisclasseur notarial, ed. 2001, fasc. Procurations A1, n° 50 et pour une illustration Civ. 3ème , 3 déc. 1889 : S. 91, 1, 525. et 29 juin 1895 : S. 95, 1, 73.

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Pour les autres hypothèses plus traditionnelles où la forme authentique de l’acte principal ne vise qu’à assurer la publicité de ce dernier, la procuration pourra conserver une forme sous seing privé (procuration dans le cadre des ventes ou acquisitions d’immeubles, cessions de créances, des inventaires, des subrogations conventionnelles de l’art 1250-2 civ., etc…).

Dès lors, le notaire en second (celui qui ne rédige pas l’acte principal) établira

la procuration électronique, authentique ou sous seing privé selon les cas, dont il transmettra copie au notaire instrumentaire par transmission sécurisée. L’exigence de sécurité de la transmission prend alors tout son sens puisque par là-même le notaire en second se dessaisit de l’acte de mandat passé en son étude : c’est alors l’illustration parfaite pour le professeur Catala de l’exigence chronique d’un recours à l’intervention d’un tiers-certificateur329.

Principe de la procuration authentique électronique

Notaire en second

Acte Authentique Electronique

Archivage numérique

Procuration en annexe

Vendeur

Signature électronique

Procuration authentique électronique

Signature électronique

Signature électronique

Signature électronique

Transmission Electronique Sécurisée (REAL)

Acquéreur Notaire instrumentaire

Ladite copie sera alors annexée à l’acte principal par le notaire rédacteur, selon les dispositions traditionnelles de l’art. 8 al. 2 du décret du 26 novembre 1971 régissant les actes notariés, puis déposée au rang des minutes.

329 P.Catala, Le formalisme et les nouvelles technologies, Defrénois 2000, préc. N° 23.

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1.2.2 La technique de l’offre-acceptation ou

pollicitation électronique

Une autre technique de formation des conventions réside dans l’adaptation au support électronique dématérialisé de la technique de l’offre acceptée, très répandue dans le milieu commercial et immobilier :

Ainsi, le notaire en second assistant le vendeur rédigerait une offre de vente limitée dans le temps tandis que le notaire instrumentaire assistant l’acquéreur serait, à l’autre bout de la chaîne, chargé d’élaborer un acte d’acceptation. Par la transmission directe et simultanée de ces deux actes, le contrat serait dès lors formé sur le réseau

Transmissions électroniques sécurisées (REAL)

Archivage numérique

Vendeur

Signature électronique

Signature électronique

Offre authentique électronique

Acceptation authentique électronique

Signature électronique

Acte Authentique Electronique

Principe de la pollicitation électronique

Signature électronique

Acquéreur Notaire en second

Mais ce système n’est pas sans poser quelques problèmes qu’il nous

appartient de soulever :

D’abord, quant à la nature de l’acte rédigé par le vendeur, il nous appartient d’écarter la qualification de promesse unilatérale de vente dont la rédaction

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entraînerait de surcroît un enregistrement à peine de nullité aux termes de l’art. 1840-A du Code Général des Impôts. En effet, il s’agit ici non pas d’un engagement contractuel ayant force obligatoire, mais bien d’une disposition unilatérale, offrant à son auteur un libre droit de révocation, certes au delà du délai prévu330 et sauf à invoquer une révocation abusive. En outre, la caducité dudit engagement devra normalement être reconnue en cas de décès de l’offrant331. La question de la conclusion en deux phases complémentaires et imbriquées de ce contrat pose ensuite le délicat problème de la loi applicable dans la mesure où l’accord des volontés en tant que tel est réalisé sur cet espace de communication neutre que constitue le réseau.

La loi applicable au contrat constitué d’une offre émise par un vendeur australien assisté de son conseil dans son pays et d’une acceptation par un acquéreur français assisté de son notaire relève en pareille hypothèse d’un enjeu majeur à défaut de toute clause contraire susceptible de prévenir salutairement ce genre d’incertitude.

A cet égard, il nous apparaît devoir privilégier la qualité de notaire rédacteur de l’acceptation de l’offre comme attribuant sa compétence territoriale et donc sa loi nationale au contrat 332: Cette solution, qui a d’ailleurs été retenue classiquement dans le cadre des contrats par correspondance333 avant d’être remise en cause en matière contractuelle, présente le plus souvent l’intérêt de protéger l’acquéreur-débiteur de l’obligation monétaire. En cas de litige, notons toutefois que le vendeur a le choix d'agir devant le tribunal du domicile du défendeur ou celui de la situation de l'immeuble (art. 46 NCPC).

1.2.3 Exemple prospectif d’acte à distance : Si nous envisageons, pour l’exemple, le cas d’une vente immobilière

susceptible d’être reçue dans quelques années sur le modèle de l’acte à distance susévoqué, nous pouvons imaginer le processus suivant:

Le projet d’acte pourrait être d’abord communiqué par courrier électronique aux parties (sorte de « devis » soumis à leur approbation et à leurs interrogations), faire l’objet par la même voie de corrections notariées à distance, de questions-réponses personnalisées, de conseils prodigués selon une grille réglementée par la profession., et enfin dans sa rédaction définitive d’une signature électronique à distance par l’officier public et les contractants (mécanisme de clefs publiques et privées334). Les annexes à l’acte seraient fournies sous formes de « pièces jointes » indubitablement attachées à celui-ci. A l’issue de la procédure contractuelle, l’acte ainsi dématérialisé serait publié directement à la Conservation des Hypothèques par transmission informatique335, et enregistré de même auprès des Services fiscaux compétents. La minute électronique de l’acte ferait l’objet d’un archivage numérique sur support durable, et consultable indépendamment de l’évolution technologique. 330 Civ. 3ème , 10 mai 1978 : Bull. civ. III, n° 209 : où l’offre est apparenté à une promesse de vente 331 Civ. 3ème , 10 mai 1989 : D. 1990, p. 365 et s., note G. Virassamy 332 Cf.. en ce sens A. Gobin, Pour une problématique notariale des autoroutes de l'information Le notariat et les contrats immatériels, JCP N 1995, n°50, p 1749, paragraphe 164. 333 Soc. 20 juill. 1954 : JCP 1955 G II, 8775, obs. Rabut., 4 mai 1961 : Bull. civ. IV, n° 459., 9 mai 1962 : Bull. civ. IV, n° 353 et Com., 22 juin 1976 : Bull. civ. IV, n° 215 334 Pour une analyse de la cryptologie asymétrique, Cf II, A. 335 Comme cela est déjà en place : pour le système Fidji, cf. Supra II.

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Quant au paiement du prix et des droits, il se ferait par simple virement de compte à compte, ce qu’un auteur nomme « la monnaie scripturale sous forme électronique »336, née à la faveur de la loi du 13 mars 2000, en attendant l’apparition d’une véritable monnaie fiduciaire337.

Dans une telle perspective, les moyens techniques mis en œuvre se révèlent

essentiels, puisque la sécurité qu’ils procurent constitue la clef de voûte du système : Le Professeur P. Catala fait à cet égard référence à l’indispensable conservation de ces documents électroniques que la technique doit garantir :

« Ces enregistrements constituent la boîte noire de la navigation notariale »338

Sans parler de l’utilisation malaisée des « webcams » et autres systèmes de

visio-conférence, il semble donc plutôt que cette dématérialisation prenne la forme du courrier électronique sécurisé, auquel il pourrait être adjoint des plans et notices descriptives numérisées (en annexes).

Cette ambition audacieuse ne peut pour autant s’accompagner que d’une

rationalisation de l’acte et de ses formules339. Un tel processus est d’ailleurs pratiquement mis en œuvre puisqu’une étude de l’Hérault340 vient d’obtenir le premier certificat de normalisation ISO 9002, qui sanctionne un contrôle permanent de l’ensemble de ses services341. Si ce terme peut inquiéter par le risque potentiel qu’il renferme de ne plus tenir compte de la spécificité du cas d’espèce posé au notaire, ni de ses qualités et aspirations propres, il n’en demeure pas moins un facteur évident d’efficacité comme un élément de renouvellement salvateur d’un profession trop longtemps conservatrice. Pour Me Bosvieux, « [la rationalisation] ne nuit ni à l’efficacité juridique de la formule, ni à sa compréhension, mais exige une rédaction concise d’où est banni tout détail inutile. Elle introduit rigueur et économie dans la rédaction.342»

2 Une évolution inscrite dans un processus global d’informatisation :

2.1 La normalisation de l’activité notariale

2.1.1 La normalisation de l’acte notarié par l’électronique L’irruption de l’informatique dans la rédaction des actes suppose que soit

opéré un premier travail de normalisation et d’unification des techniques avant d’être étendue à leur signature authentique et à leur conservation.

336 Cf. Cl. Lucas de Leyssac et X. Lacave, Le paiement en ligne, JCP G, n°10, p. 481. 337 Que les américains envisagent sous l’appellation suggestive « e-cash ». Il s’agirait d’une monnaie autonome, susceptible de circuler sur les réseaux et d’encaissement immédiat (Cf. Cl. Lucas de Leyssac et X. Lacave, préc.) 338 P.Catala, Le formalisme et les nouvelles technologies, préc. , n°19. 339 Me Bosvieux, Plaidoyer pour la rénovation de l’acte authentique, préc. 340 SCP Grasset-De Benoist de la Prunarede, Baillargues (Hérault), dont le site Internet est très fourni : http://www.onb-france.com 341 La Chambre des notaires de Paris recommande la certification à la norme ISO 9001 version 2000 dans un guide établi à l’usage de ses membres. 342 Me Bosvieux, préc., n° 22.

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Comment en effet concevoir qu’un acte établi chez un notaire parisien, selon un logiciel et un procédé de conservation qui lui seraient propres, soit illisible chez un confrère du Midi après sa transmission électronique, pour un défaut de comptabilité des moyens mis à la disposition de ce dernier ?

On l’aura compris, l’enjeu d’une authenticité effective présuppose un choix de moyens techniques uniformes, évolutifs et contrôlés par la puissance publique.

Dans cette perspective, nous nous concentrerons plus particulièrement sur la

notion d’encodage du fichier constituant l’acte, rédigé le plus souvent aujourd’hui sur ordinateur au moyens de logiciels spécialisés343.

L’encodage désigne en réalité « la manière dont les informations sont structurées au sein du fichier » : son contenu propre, mais également sa mise en page générale, les polices de caractères utilisées, les balises et commentaires intégrés, etc… Mais de cet encodage dépend également la compatibilité du document contenu dans le fichier (un encodage de haut niveau très spécifique à un logiciel, ne pourra être lu que par lui, au contraire des encodages universels, tels que les fichiers sous format texte TXT), et les possibilités de sa modification ultérieure (élément essentiel au regard de l’indispensable non-répudiation de l’acte signé).

La modélisation de l’acte authentique par le langage XML

Dans ces circonstances, et sans rentrer dans les détails techniques, un

auteur, repris par les instances chargées de la préparation du Décret sur l’acte authentique, avançait que la norme de fichiers informatiques la plus à même, à l’avenir, de remplir au mieux ces différentes exigences, soit la norme XML (eXtensible Markup Language)344.

Contrairement aux autres formats de fichiers essentiellement destinés, à terme, à l’impression papier, ce langage constitue un véritable outil universel et autonome de création, de gestion et d’échange des documents notariés. L’acte n’est pas seulement créé dans son corpus, il est d’ores et déjà analysé dans son contenu et modélisé.

Sur le plan technique cette standardisation relève de la particularité de ce langage qui sépare :

- le contenu du document, rédigé grâce à n’importe quel traitement de texte, en langage balisé XML au sein d’un DTD (Document Type Definition),

- de la forme du texte, établie en langage XSL sous un fichier séparé,

C’est donc un véritable système global de traitement de l’information, indépendant des plates-formes matérielle ou logicielle mises en place qui peut être envisagé, avec les atouts que l’on sait :

« Au niveau de la rédaction de l’acte, le passage à l’XML ne fera que rationaliser un processus déjà largement entamé : la plupart des logiciels de

343 On citera pour exemples de logiciels de rédaction : GénApi, Daxel, InfoLib…, tous intégrés (plugins) au logiciel de traîtement de texte Microsoft Word. 344 Pour une vulgarisation informatique très accessible de ce langage, on se reportera au lien suivant : http://www.commentcamarche.net/xml/xmlintro.php3

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rédaction d’acte combinent actuellement différentes bases de données (bases de clients, clausiers, etc…) pour produire un modèle de document qui est ensuite transféré à Word pour être sauvegardé et imprimé. L’information est donc déjà structurée, mais elle n’est pas susceptible d’être échangée, puisque chaque logiciel définit son propre format de données. Le XML permettra de standardiser ce processus, qui aura alors l’avantage de pouvoir permettre l’échange de données directement entre les administrations et d’automatiser les étapes qui peuvent l’être. Pour tout ce qui concerne les aspects d’échanges de données, le passage à l’XML semble donc assez logique, puisque celui-ci semble s’imposer comme norme globale de structuration de l’information. »345

De plus, le langage XML présente sur le plan économique la particularité de

ne pas être un langage « propriétaire », c’est-à-dire relevant de la propriété d’une entreprise privée (comme le format Word pour Microsoft), ce qui permet un contrôle plus aisé de la puissance publique sur les perspectives de son évolution.

Pour autant, ce nouveau procédé de confection d’un acte entièrement

numérique n’est pas sans révéler quelques insuffisances :

Les limites du langage XML : De nombreux auteurs ont à juste titre stigmatisé l’engouement suscité par le

langage XML quant à sa consécration dans le Décret à paraître sur l’acte authentique électronique :

Un premier argument découle de la nature susévoquée de ce langage : en

distinguant le fond de la forme, et en scindant l’instrumentum électronique en différents documents (DDT, fichier XSL), ce procédé méconnaît l’unicité particulière et fondamentale instrumentum-negotium de l’acte authentique346 et présente en germes un risque de faille dans le système en cas d’interception de l’un ou l’autre des fichiers.

De cette caractéristique découle également ensuite une « lisibilité » très

relative du document affiché à l’écran, dans la mesure où au DDT d’origine peut-être associé un fichier XSL différent en fonction de la configuration matérielle et logicielle de l’utilisateur. On imagine mal dans ces conditions qu’un notaire puisse recueillir les signatures sur un acte qui s’afficherait différemment sur différents ordinateurs.

Enfin, et surtout, la fixité de l’acte, essentielle aux effets de l’authenticité dès

l’apposition des signatures, n’est que faiblement assurée par ce procédé comme nous l’avons vu plus adapté au traitement et à la transmission des données qu’à leur non-répudiation. Une conversion vers des formats de fichiers « image » (de type JPG, GIF ou TIFF) a été ainsi préconisée pour que, à l’issue de l’élaboration de l’instrumentum, sa cristallisation juridique soit rendue possible par des signatures

345 J-F. Blanchette, Les technologies de l’écrit électronique : synthèse et évaluation critique, in I. de Lamberterie, les actes authentiques électroniques, préc., p 139 346 Cf. supra I, B, 2.4.3 3ème point.

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électroniques fondées sur la notion du What You See Is What You Sign (WYSIWYS)347, et l’archivage électronique grandement facilité.

Mais une remarque importante oblige à reconnaître qu’en pareilles circonstances, cette conversion de fichier s’apparente à un retour vers l’acte authentique « papier » (numérisé)348, et témoigne d’une certaine insatisfaction intellectuelle envers un langage XML encore à parfaire sur ce point.

En conclusion, l’évolution des techniques ne permet pas de se satisfaire

pleinement, à l’heure actuelle, du seul langage de type XML, au sein duquel les informations traitées peinent à être verrouillées lors de la perfection de l’acte par les signatures. Mais ne doutons pas que la rapidité du progrès technique puisse faire évoluer ces quelques lacunes.

2.1.2 La normalisation du service notarial Au même titre que l’ensemble des autres entreprises de service, l’activité

notariale se voit offerte depuis peu la possibilité d’opter pour la démarche qualité offerte par l’adoption de la norme ISO 9001349. Celle-ci vise à définir un certain nombre de concepts et d’exigences dans l’organisation générale de l’office, susceptibles d’accroître la productivité de l’entreprise et la sécurité garantie aux clients.

L’adoption de ce dispositif s’articule en trois points cruciaux, supposant

chacun une mise par écrit de l’organigramme et des objectifs 350:

services offerts aux clients (conseil, rédaction d’actes, conservations, séquestres…)

management de l’office (personnel employé, hiérarchie et

contrôle exercés sur eux…)

supports employés (outils matériels et logiciels pour la rédaction, la comptabilité, l’archivage, la documentation…)

Au terme d’un audit opéré par un organisme de certification agrée (tel l’AFAQ,

LRQA, SGS-ICS…) à partir des documents réalisés avec l’aide de consultants, un certificat d’une durée de 3 ans pourra être délivré, sans préjuger d’une éventuelle remise en cause lors d’audits ultérieurs de contrôle (tous les ans).

Ces impératifs, assez contraignants en temps et pour l’introspection qu’ils

nécessitent, se heurtent encore à une certaine réticence de la profession, et plus

347 Littéralement : « Ce que vous voyez est ce que vous signez » 348 F. Banat-Berger et Y. Rabineau, L’établissement et la conservation des actes authentiques dématérialisés : problématiques, Rapport VII in in I. de Lamberterie, les actes authentiques électroniques, préc., p 261 349 Nous citerons pour l’exemple l’Office SCP Grasset-De Benoist de la Prunarède, Baillargues (Hérault), 1ère étude notariale certifiée à la norme ISO 9002 puis ISO 9001, dont le site Internet est très fourni : http://www.onb-france.com 350 Pour un examen détaillé de ce dispositif : cf. F. Béranger, La certification ISO 9001 dans les offices de notaires, JCPN 2003, n°29, p 1106 et le Guide pratique de la certification à l’usage des Notaires édité par la Chambre des Notaires de Paris, version 2000.

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particulièrement des petites structures, encore attachées à une certaine liberté dans l’exécution de leurs services.

Pourtant, il faut y voir à notre sens, dans ce contexte de rationalisation de l’activité notariale, un terreau profitable à l’émergence de l’acte authentique électronique, dans un souci de qualité et de sécurité accrues prodiguées au client : car à une technique accrue de perfection de l’acte par la signature, doit correspondre un degré au moins équivalent de rigueur et d’efficacité dans la préparation, la confection et la conservation de l’instrumentum.

2.2 L’informatisation des services administratifs

Engagée dans un vaste processus d’informatisation et de simplification des

procédures, l’administration française semble accompagner un certain renouveau de la pratique notariale quotidienne, soucieuse de profiter des gains de rapidité et de confort apportés par les nouvelles technologies. A cet égard, il semble d’ailleurs que l’interconnexion des réseaux notariaux REAL et Extranot précités avec les différents systèmes de gestion de base de données administratives FIDJI (pour les Conservation des Hypothèques) et MAJIC 2 (pour le cadastre) laisse augurer à l’avenir d’un véritable consensus dans le traitement du dossier et du service apporté au client. Il nous appartiendra à cet égard de détailler quelques unes des différentes réformes mises en place au niveau des différents services de l’Etat et des collectivités territoriales pour mieux comprendre leurs incidences sur le travail de l’officier public.

2.2.1 L’informatisation des Conservations des Hypothèques

Déjà encouragée à l’occasion du rapport Marchand de 1996351, l’informatisation des registres de publicité foncière a été initiée dans le cadre des projets MADERE (Module Accéléré de DElivrance des REnseignements)352 et FIDJI (Fichier Informatisé des Données Juridiques sur les Immeubles) développés auprès de la Direction Générale des Impôts depuis 1991.

Cette modernisation technique visait à répondre aux insuffisances chroniques (longueur des délais de délivrance des renseignements hypothécaires notamment) constatées auprès des quelques 354 Conservations dans la fourniture de leurs

351 Cf. note de synthèse de M. Chatelain sur le rapport Marchand, L'administration communicante et le développement des téléprocédures, Octobre 1996, Commission pour la simplification des formalités, Réf. n° 96.246 : l’auteur prône la normalisation de l’acte notarié autour d’un document type respectant la norme SGML pour améliorer la productivité des notaires et des Conservations des Hypothèques.

352 Cf. Jurisclasseur Notarial, 2001, Publicité foncière, fasc. 10, n°17 : « [le programme MADERE] comprend deux modalités, à savoir le système MADERE comptable et le système MADERE réserve d'immeubles ; le premier concerne la tenue informatique du registre sur lequel les conservateurs doivent inscrire la publication des documents remis à cette fin par les usagers et le second leur permet de délivrer des renseignements hypothécaires comprenant les documents déposés mais non encore publiés »

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services auprès des usagers, tant professionnels que particuliers, à l’occasion du développement croissant du marché immobilier353.

Elle fut en outre récemment ponctuée d’une adjonction législative conséquente apportée par la loi n° 98-261 du 6 avril 1998 portant réforme de la réglementation comptable et adaptation du régime de la publicité foncière, entrée en vigueur le 1er juillet 1998, visant à améliorer et simplifier les mécanismes des décrets des 4 janvier 1955 et 14 octobre 1955, tout en facilitant l’informatisation354.

Ainsi, le registre des biens immobiliers a t-il été admis dans sa forme d’écrit informatique par le nouvel art. 2201 civ. (cet article reprenant par là-même le principe de l’équivalence fonctionnelle et la présomption de fiabilité du document électronique déjà évoqués plus haut pour les actes) :

Art. 2201 al. 2 civ. :(Alinéa créé par la Loi n° 98-261, 6 avr. 1998, art. 14 ) Par dérogation à l'alinéa précédent, un document informatique écrit peut tenir lieu de registre ; dans ce cas, il doit être identifié, numéroté et daté dès son établissement par des moyens offrant toute garantie en matière de preuve.

Dès lors, ce sont tous les services de tenue des registres, de délivrance des renseignements et de publication des formalités qui bénéficieront d’un traitement résolument plus efficace et immédiat dans leur accès ; cette réforme étant accompagnée de surcroît par la généralisation du Document Hypothécaire Normalisé (DHN) rendue obligatoire à compter du 1er juillet 1998355 en matière de vente. Les modalités du rejet de formalité réalisées dans le cadre de cette informatisation ont par ailleurs été récemment précisées dans une instruction ministérielle du 7 juin 2000356.

L’apport informatique permet par ailleurs d’améliorer sensiblement le service rendu : il est ainsi notamment institué un nouveau document, le certificat des formalités, délivré auprès des services informatisés. Ce dernier se révèle fort utile aux notaires en tant qu’il permet de vérifier l’état des inscriptions qui postérieures à l’état hors formalités peuvent intervenir en cours d’élaboration du titre de vente authentique (nouvel art. 2203 civ. créé par la loi n° 98-261, 6 avril 1998, art. 15 ).

Mais une telle modification des conditions de délivrance des formalités de publicité foncière a pu éveiller l’attention de certains auteurs sur les risques inhérents à la protection des données personnelles et à la vie privée contenus en germes dans la facilitation de la délivrance des renseignements (coûts amoindris, rapidité de communication…) et la généralisation de leur accès (par le biais des réseaux informatiques).

353 Pour un exemple de connexion directe via « L'EDV-Grundbuch » entre les notaires allemand et le « livre foncier » : cf. J. Picard, Le livre foncier allemand passe sur autoroute, JCP N 1996, n° 25. 354 Sur cette question cf. PJC, Publicité foncière, Commentaire de la loi n° 98-261 du 6 avril 1998 : JCP N 1998, n° 21, p. 801. 355 Art. 19-1, Loi 6 avril 1998, préc. 356 Instruction publiée dans le Supplément rapide Defrénois, n° 9 du 26 juin 2000, p. 8.

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Ainsi, pour J-L Vallens357 :

« Définir les principes applicables à la diffusion des données de caractère patrimonial, contenues dans un système de publicité foncière, impose d'harmoniser les finalités de cette publicité avec les principes essentiels du droit français mis en cause: le droit de propriété, le droit au respect de la vie privée, mais aussi l'égalité d'accès et le droit à l'information. »

La nécessaire imbrication des caractéristiques du patrimoine considéré avec les droits essentiels de la personne relatifs, d’une part, au respect de sa vie privée358, et d’autre part, à la protection des données à caractères personnels359, suppose donc de considérer plusieurs paramètres dans l’accessibilité des renseignements fournis aux tiers, tels que :

« […] les types d'informations accessibles, les catégories de consultants et le but de la consultation. »

En outre, le caractère nominatif des données supposera que soient garanties les modalités d’exercice d’un droit d’accès, de communication et de rectification des informations enregistrées sur les Livres fonciers (art. 34, 35 et 36 Loi 6 janvier 1978 préc.) ainsi qu’un droit d’opposition à leur traitement (art. 26 Loi préc.).

Le dernier stade de l’évolution technique déjà programmée pour 2005 devrait voir la mise en place du projet Tele@ctes, permettant sous forme électronique :

- la délivrance des renseignement hypothécaires,

- l’acquisition des données nécessaires à l’enregistrement et à la formalité de publication ou d’inscription,

- l’alimentation de la base nationales des données patrimoniales

Ces procédures, sécurisées par l’emploi du réseau REAL permettant par ailleurs un télépaiement sécurisé des transactions, devraient permettre un traitement accru des actes et une meilleure fiabilité du fichier immobilier.

2.2.2 L’informatisation des services du cadastre L’outil informatique s’est une nouvelle fois révélé comme un instrument salvateur par sa vitesse de traitement quant à la collecte et la mise à jour des matrices et documents cadastraux, de même que pour la délivrance des différents certificats administratifs :

Ainsi un système dénommé MAJIC 2 (Mise A Jour des Informations Cadastrales 2e génération) a t-il été mis en place dans l'ensemble des communes 357 J-L Vallens, Publicité foncière et vie privée : les enjeux de l'informatisation, Recueil Dalloz 2000, Chron. p. 375. 358 L’art. 9 civ. s’est vu reconnu comme principe à valeur constitutionnelle par la décision CC du 23 juillet 1999

en tant que composante de la liberté individuelle 359 Loi n°78-17 « Informatique et Libertés » du 6 janvier 1978 et Directive communautaire du 24 octobre 1995.

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métropolitaines, dans le cadre des Centres Régionaux Informatiques (CRI) gérant ces nouvelles bases de données, tenues à jour en temps réel. Dans la rédaction de l’arrêté du 30 mai 1996 (art. 2)360, ce système a pour objectifs majeurs d’assurer :

la mise à jour des fichiers cadastraux concernant les titulaires des droits réels sur les propriétés bâties et les propriétés non bâties ;

l'identification et la détermination physique des immeubles ;

la détermination de la valeur locative des biens fonciers bâtis et non bâtis ;

la prise en charge et l'édition des rôles et avis d'imposition de taxes foncières;

la comptabilisation des droits perçus à l'occasion de la délivrance d'extraits ou de reproductions de la documentation cadastrale;

le traitement et le suivi du contentieux. » Par ailleurs, différents fichiers, désignant les propriétaires, les propriétés

bâties et non bâties, ainsi qu’un Répertoire Informatisé des Voies et Lieux-dits (RIVOLI), comportant les codifications des éléments (nom des propriétaires, nom des rues, lieux-dits, etc.), ont été préconisés pour faciliter la gestion des parcelles.

Mais c’est à une toute autre révolution technique que se préparent ces

services avec la mise en place de plans cadastraux numériques (FTC) dans plusieurs communes urbaines importantes (Paris, Bordeaux, Saint-Etienne, Belfort...) dans lesquels chaque parcelle, bâtiment et délimitation est définie à partir de coordonnées géographiques précises résultant de relevés cartographiques ou satellitaires. Pour autant, de tels procédés s’accompagnent d’investissements dont les coûts se révèlent assez prohibitifs, si bien qu’à l’heure où nous écrivons ces lignes, les documents d'arpentage, croquis de conservation, ainsi que l'incorporation des plans résultant des opérations de remembrement dépendent encore largement d’un travail graphique non-automatisé.

L’accès encore restreint au service cadastral tend néanmoins à s’élargir, avec

l’utilisation nouvelle du réseau mondial Internet361 : ce sont ainsi quelques 600 000 documents numérisés qui sont appelés à être mis à disposition du public dans une totale gratuité (novatrice si l’on en juge aux quelques 70 francs correspondant aux frais d’édition de la demande papier actuelle).

L’enjeu est en réalité d’offrir à chaque administré les moyens de connaître précisément et directement ses droits et contributions liés à la propriété foncière (taxe d’habitation, impôts locaux, nature et localisation des sols et bâtiments, montant des subventions allouées aux agriculteurs par l’Union européenne…)362.

2.2.3 L’informatisation des greffes des Tribunaux de commerce

360 Cf. Defrénois 1996 361 A l’heure actuelle, le cadastre est exclusivement consultable 362 Cf. Service public : le cadastre se prépare au réseau, article de ZDNet France du 2 mars 1999, consultable sur http://www.zdnet.fr

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Mis à part la généralisation des dispositifs de signature électronique précités,

un certain nombre de procédures télématiques ont été mises en œuvre au sein des greffes, et il s’agira d’en évoquer quelques exemples majeurs :

D’abord, la consultation à distance, par voie télématique, d’un extrait K-bis,

mais aussi la transmission à domicile (notamment de l’étude requérante via les prochaines fonctionnalités du réseau REAL) et l’obtention de copies de certains documents, sur les serveurs INFO- GREFFE, INTER GREFFE et EURIDILE, ont grandement facilité la préparation des dossiers.

Par ailleurs, un arrêté du 29 janvier 1985 fixe les dispositions relatives à la

constitution d'une banque de données télématique363 des informations contenues dans le Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (BODACC) et à sa commercialisation (JO 31 janv. 1985).

Notons enfin que dans le même cadre des mesures de publicité inhérentes aux sociétés, il est permis d’effectuer un « simple dépôt » des documents comptables par voie télématique auprès des greffes des Tribunaux de commerce en vertu de l'article 4 de la loi du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle364.

2.2 L’archivage sur support numérique En vertu de son titre d’officier public, le notaire demeure tenu de « conserver

dépôt » de tous les actes qu’il aura réalisés (art. 1er de l’ordonnance du 21 novembre 1945 précitée), pendant une durée de 100 ans à compter de la date de leurs signatures (fixée par l’art. 17 du décret du 3 décembre 1979).

« Ils [les notaires] sont les dépositaires légaux des titres des citoyens. Ils doivent veiller sur ce dépôt avec le plus grand soin, conserver leurs minutes chez eux, dans la maison même où ils ont leur étude, et ne négliger aucune précaution pour les mettre à l'abri des risques d'incendie, d'inondation, d'humidité et de destruction de toute sorte... »365

Au delà du délai légal, les actes sont dévolus aux archives publiques (dépôt obligatoire des anciennes minutes et anciens documents aux archives départementales ou nationales en vertu de l’art. 3-3° de la loi du 3 janvier 1979) et font l’objet d’une libre consultation par le public366.

363 Version télématique instituée à l’origine par un arrêté du 17 mai 1984 restreignant la commercialisation des informations contenues dans cette base de données et autorisant un droit d’accès et de rectification conformément à l’art. 34 de la loi du 6 janvier 1978 « Informatique, fichiers et libertés » à exercer auprès de la direction des Journaux Officiels. 364 Cf. Jurisclasseur Notarial, Sociétés, fasc. C-130, n° 81 : « Lorsqu'il est fait usage de cette faculté, la transmission est faite à un Centre de dépôt électronique organisé en commun entre les greffes de l'INPI dans les conditions fixées au nouvel article 28-1 de l'arrêté du 9 février 1988 modifié. » 365 Circulaire du Ministre de la Justice du 10 février 1988, citée in Jurisclasseur notarial, Acte notarié, fasc. B-10, n° 6. 366 Voir en ce sens le site : http://www.archivesnationales.culture.gouv.fr/

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Or, à l’heure où le notariat autrichien vient de réaliser un système Cyberdoc consistant en un minutier central électronique de tous les actes passés par le notaires de ce pays367, le notariat français ne semble pouvoir s’exonérer d’une réflexion sur l’opportunité d’user des nouveaux procédés d’archivage numérique à des fins de conservation des actes authentiques. Cette utilisation massive des moyens de communication, au moins dans un souci de double conservation (le minutier électronique composant un appui efficace au minutier papier traditionnel en cas de sinistre notamment) a pu être ainsi recommandée par de nombreux auteurs368.

Elle présente des avantages non négligeables à notre sens, qui ont été

notamment mis en avant lors du récent colloque international de Vienne369 :

• archivage permanent dans une centrale électronique • rapidité d'accès • sécurité garantie (carte à puce, numéro d'identité, mot de passe, cryptage

asymétrique) • gain de temps et réduction des coûts (plus besoin d'aller rechercher l'acte,

d'en faire des copies, de les envoyer et de remettre l'acte à sa place) • les actes notariés sont à disposition en tout temps des autorités

administratives (Registre du Commerce, Registre Foncier, fisc, etc), qui sont elles-mêmes reliées, mais n'ont accès, grâce au cryptage, qu'aux renseignements qui les concernent

• avantage concurrentiel face à d'autres prestataires de conseils juridiques, notamment les organismes fiduciaires et les banques

• vis-à-vis de la clientèle, image de dynamisme d'une profession en phase avec les nouvelles technologiques.

Dès lors, l’utilisation des nouveaux moyens de stockage offerts par les nouvelles technologies se posent comme des procédés fiables de conservation : en effet, l’écriture et le contenu formel du message étant alors numérisés (c’est-à-dire encodés en un langage binaire intrinsèquement inaltérable), ils constitueront un objet facile, compact et rapide à sauvegarder, sur des supports aussi variés que les CD-Roms, DVD-Roms, bandes magnétiques, disques durs ou optiques (de type WORMS notamment), disquettes ZIP…

Pour autant, certains impératifs techniques majeurs devront alors être respectés : d’abord le recours à un organisme spécialisé dans les opérations d’archivage et capable de sauvegarder l’intégrité du document lors de sa conversion binaire, puis la garantie d’un choix de format de fichier universel, qui puisse être efficacement restauré sur un système ayant évolué avec le temps370 (tel que le

367 http://www.cyberdoc.at: Dès que l'acte est signé, l'original est scanné, puis enregistré chez le notaire et envoyé de manière cryptée par messagerie électronique (Intranet) dans une centrale d'archivage. 368 Voir en ce sens, P. Catala, Le formalisme et les nouvelles technologies, préc., n° 19. 369 « Electronique et acte notarié », colloque international de Vienne, du 7 au 10 juin 2000, cité in http://www.vaud-online.ch/ 370 Si on peut lire aisément au XXI ème siècle le contrat de vente contenu sur la tablette de Fara qui date de 2600 avant JC, pourra-t-on, dans vingt ans, lire ce qui est enregistré sur les supports numériques d'aujourd'hui ? La

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format RTF ou en langage XML, où les dispositions relevant du fond et de la forme du document sont dissociées371).

question est posée par le programme du Mouvement du Jeune Notariat pour 2001-2002 (http://www.jeune-notariat.com) 371 Cf. P-A Fouque, Les technologies de l’écrit électronique, in Association Rencontres Notariat Université, Vers l’authenticité électronique, 2000, préc., et supra II, B, 2.1.1

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AANNNNEEXXEESS

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Annexe I

Directive 1999/93/CE du Parlement européen et du Conseil, du 13 décembre 1999, sur un cadre communautaire pour les signatures

électroniques (Journal officiel n° L 013 du 19/01/2000 p. 0012 – 0020)

Article premier

Champ d'application L'objectif de la présente directive est de faciliter l'utilisation des signatures électroniques et de contribuer à leur reconnaissance juridique. Elle institue un cadre juridique pour les signatures électroniques et certains services de certification afin de garantir le bon fonctionnement du marché intérieur. Elle ne couvre pas les aspects liés à la conclusion et à la validité des contrats ou d'autres obligations légales lorsque des exigences d'ordre formel sont prescrites par la législation nationale ou communautaire; elle ne porte pas non plus atteinte aux règles et limites régissant l'utilisation de documents qui figurent dans la législation nationale ou communautaire. Article 2 Définitions Aux fins de la présente directive, on entend par: 1) "signature électronique", une donnée sous forme électronique, qui est jointe ou liée logiquement à d'autres données électroniques et qui sert de méthode d'authentification; 2) "signature électronique avancée" une signature électronique qui satisfait aux exigences suivantes: a) être liée uniquement au signataire; b) permettre d'identifier le signataire; c) être créée par des moyens que le signataire puisse garder sous son contrôle exclusif et d) être liée aux données auxquelles elle se rapporte de telle sorte que toute modification ultérieure des données soit détectable; 3) "signataire", toute personne qui détient un dispositif de création de signature et qui agit soit pour son propre compte, soit pour celui d'une entité ou personne physique ou morale qu'elle représente; 4) "données afférentes à la création de signature", des données uniques, telles que des codes ou des clés cryptographiques privées, que le signataire utilise pour créer une signature électronique; 5) "dispositif de création de signature", un dispositif logiciel ou matériel configuré pour mettre en application les données afférentes à la création de signature; 6) "dispositif sécurisé de création de signature", un dispositif de création de signature qui satisfait aux exigences prévues à l'annexe III; 7) "données afférentes à la vérification de signature", des données, telles que des codes ou des clés cryptographiques publiques, qui sont utilisées pour vérifier la signature électronique; 8) "dispositif de vérification de signature", un dispositif logiciel ou matériel configuré pour mettre en application les données afférentes à la vérification de signature; 9) "certificat", une attestation électronique qui lie des données afférentes à la vérification de signature à une personne et confirme l'identité de cette personne; 10) "certificat qualifié", un certificat qui satisfait aux exigences visées à l'annexe I et qui est fourni par un prestataire de service de certification satisfaisant aux exigences visées à l'annexe II; 11) "prestataire de service de certification", toute entité ou personne physique ou morale qui délivre des certificats ou fournit d'autres services liés aux signatures électroniques; 12) "produit de signature électronique", tout produit matériel ou logiciel, ou élément spécifique de ce produit destiné à être utilisé par un prestataire de service de certification pour la fourniture de services de signature électronique ou destiné à être utilisé pour la création ou la vérification de signatures électroniques; 13) "accréditation volontaire", toute autorisation indiquant les droits et obligations spécifiques à la fourniture de services de certification, accordée, sur demande du prestataire de service de certification concerné, par l'organisme public ou privé chargé d'élaborer ces droits et obligations et d'en contrôler le respect, lorsque le prestataire de service de certification n'est pas habilité à exercer les droits découlant de l'autorisation aussi longtemps qu'il n'a pas obtenu la décision de cet organisme.

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Article 3 Accès au marché 1. Les États membres ne soumettent la fourniture des services de certification à aucune autorisation préalable. 2. Sans préjudice des dispositions du paragraphe 1, les États membres peuvent instaurer ou maintenir des régimes volontaires d'accréditation visant à améliorer le niveau du service de certification fourni. Tous les critères relatifs à ces régimes doivent être objectifs, transparents, proportionnés et non discriminatoires. Les États membres ne peuvent limiter le nombre de prestataires accrédités de service de certification pour des motifs relevant du champ d'application de la présente directive. 3. Chaque État membre veille à instaurer un système adéquat permettant de contrôler les prestataires de service de certification établis sur son territoire et délivrant des certificats qualifiés au public. 4. La conformité des dispositifs sécurisés de création de signature aux conditions posées à l'annexe III est déterminée par les organismes compétents, publics ou privés, désignés par les États membres. La Commission, suivant la procédure visée à l'article 9, énonce les critères auxquels les États membres doivent se référer pour déterminer si un organisme peut être désigné. La conformité aux exigences de l'annexe III qui a été établie par les organismes visés au premier alinéa est reconnue par l'ensemble des États membres. 5. Conformément à la procédure visée à l'article 9, la Commission peut attribuer, et publier au Journal officiel des Communautés européennes des numéros de référence de normes généralement admises pour des produits de signature électronique. Lorsqu'un produit de signature électronique est conforme à ces normes, les États membres présument qu'il satisfait aux exigences visées à l'annexe II, point f), et à l'annexe III. 6. Les États membres et la Commission oeuvrent ensemble pour promouvoir la mise au point et l'utilisation de dispositifs de vérification de signature, à la lumière des recommandations formulées, pour les vérifications sécurisées de signature, à l'annexe IV et dans l'intérêt du consommateur. 7. Les États membres peuvent soumettre l'usage des signatures électroniques dans le secteur public à des exigences supplémentaires éventuelles. Ces exigences doivent être objectives, transparentes, proportionnées et non discriminatoires et ne s'appliquer qu'aux caractéristiques spécifiques de l'application concernée. Ces exigences ne doivent pas constituer un obstacle aux services transfrontaliers pour les citoyens. Article 4 Principes du marché intérieur 1. Chaque État membre applique les dispositions nationales qu'il adopte conformément à la présente directive aux prestataires de service de certification établis sur son territoire et aux services qu'ils fournissent. Les États membres ne peuvent imposer de restriction à la fourniture de services de certification provenant d'un autre État membre dans les domaines couverts par la présente directive. 2. Les États membres veillent à ce que les produits de signature électronique qui sont conformes à la présente directive puissent circuler librement dans le marché intérieur. Article 5 Effets juridiques des signatures électroniques 1. Les États membres veillent à ce que les signatures électroniques avancées basées sur un certificat qualifié et créées par un dispositif sécurisé de création de signature: a) répondent aux exigences légales d'une signature à l'égard de données électroniques de la même manière qu'une signature manuscrite répond à ces exigences à l'égard de données manuscrites ou imprimées sur papier et b) soient recevables comme preuves en justice. 2. Les États membres veillent à ce que l'efficacité juridique et la recevabilité comme preuve en justice ne soient pas refusées à une signature électronique au seul motif que: - la signature se présente sous forme électronique ou - qu'elle ne repose pas sur un certificat qualifié ou - qu'elle ne repose pas sur un certificat qualifié délivré par un prestataire accrédité de service de certification ou - qu'elle n'est pas créée par un dispositif sécurisé de création de signature.

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Article 6 Responsabilité 1. Les États membres veillent au moins à ce qu'un prestataire de service de certification qui délivre à l'intention du public un certificat présenté comme qualifié ou qui garantit au public un tel certificat soit responsable du préjudice causé à toute entité ou personne physique ou morale qui se fie raisonnablement à ce certificat pour ce qui est de: a) l'exactitude de toutes les informations contenues dans le certificat qualifié à la date où il a été délivré et la présence, dans ce certificat, de toutes les données prescrites pour un certificat qualifié; b) l'assurance que, au moment de la délivrance du certificat, le signataire identifié dans le certificat qualifié détenait les données afférentes à la création de signature correspondant aux données afférentes à la vérification de signature fournies ou identifiées dans le certificat; c) l'assurance que les données afférentes à la création de signature et celles afférentes à la vérification de signature puissent être utilisées de façon complémentaire, dans le cas où le prestataire de service de certification génère ces deux types de données, sauf si le prestataire de service de certification prouve qu'il n'a commis aucune négligence. 2. Les États membres veillent au moins à ce qu'un prestataire de service de certification qui a délivré à l'intention du public un certificat présenté comme qualifié soit responsable du préjudice causé à une entité ou personne physique ou morale qui se prévaut raisonnablement du certificat, pour avoir omis de faire enregistrer la révocation du certificat, sauf si le prestataire de service de certification prouve qu'il n'a commis aucune négligence. 3. Les États membres veillent à ce qu'un prestataire de service de certification puisse indiquer, dans un certificat qualifié, les limites fixées à son utilisation, à condition que ces limites soient discernables par des tiers. Le prestataire de service de certification ne doit pas être tenu responsable du préjudice résultant de l'usage abusif d'un certificat qualifié qui dépasse les limites fixées à son utilisation. 4. Les États membres veillent à ce qu'un prestataire de service de certification puisse indiquer, dans un certificat qualifié, la valeur limite des transactions pour lesquelles le certificat peut être utilisé, à condition que cette limite soit discernable par des tiers. Le prestataire de service de certification n'est pas responsable des dommages qui résultent du dépassement de cette limite maximale. 5. Les dispositions des paragraphes 1 à 4 s'appliquent sans préjudice de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs(8). Article 7 Aspects internationaux 1. Les États membres veillent à ce que les certificats délivrés à titre de certificats qualifiés à l'intention du public par un prestataire de service de certification établi dans un pays tiers soient reconnus équivalents, sur le plan juridique, aux certificats délivrés par un prestataire de service de certification établi dans la Communauté: a) si le prestataire de service de certification remplit les conditions visées dans la présente directive et a été accrédité dans le cadre d'un régime volontaire d'accréditation établi dans un État membre ou b) si un prestataire de service de certification établi dans la Communauté, qui satisfait aux exigences visées dans la présente directive, garantit le certificat ou c) si le certificat ou le prestataire de service de certification est reconnu en application d'un accord bilatéral ou multilatéral entre la Communauté et des pays tiers ou des organisations internationales. 2. Afin de faciliter les services de certification internationaux avec des pays tiers et la reconnaissance juridique des signatures électroniques avancées émanant de pays tiers, la Commission fait, le cas échéant, des propositions visant à la mise en oeuvre effective de normes et d'accords internationaux applicables aux services de certification. En particulier et si besoin est, elle soumet des propositions au Conseil concernant des mandats appropriés de négociation d'accords bilatéraux et multilatéraux avec des pays tiers et des organisations internationales. Le Conseil statue à la majorité qualifiée. 3. Lorsque la Commission est informée de l'existence de difficultés rencontrées par des entreprises communautaires pour obtenir l'accès au marché de pays tiers, elle peut, au besoin, soumettre au Conseil des propositions en vue d'obtenir le mandat nécessaire pour négocier des droits comparables pour les entreprises communautaires dans ces pays tiers. Le Conseil statue à la majorité qualifiée. Les mesures prises au titre du présent paragraphe ne portent pas atteinte aux obligations de la Communauté et des États membres qui découlent d'accords internationaux pertinents.

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Article 8 Protection des données 1. Les États membres veillent à ce que les prestataires de service de certification et les organismes nationaux responsables de l'accréditation ou du contrôle satisfassent aux exigences prévues par la directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données(9). 2. Les États membres veillent à ce qu'un prestataire de service de certification qui délivre des certificats à l'intention du public ne puisse recueillir des données personnelles que directement auprès de la personne concernée ou avec le consentement explicite de celle-ci et uniquement dans la mesure où cela est nécessaire à la délivrance et à la conservation du certificat. Les données ne peuvent être recueillies ni traitées à d'autres fins sans le consentement explicite de la personne intéressée. 3. Sans préjudice des effets juridiques donnés aux pseudonymes par la législation nationale, les États membres ne peuvent empêcher le prestataire de service de certification d'indiquer dans le certificat un pseudonyme au lieu du nom du signataire. Article 9 Comité 1. La Commission est assistée par le "comité sur les signatures électroniques", ci-après dénommé "comité". 2. Dans le cas où il est fait référence au présent paragraphe, les articles 4 et 7 de la décision 1999/468/CE s'appliquent, dans le respect des dispositions de l'article 8 de celle-ci. La période prévue à l'article 4, paragraphe 3, de la décision 1999/468/CE est fixée à trois mois. 3. Le comité adopte son règlement de procédure. Article 10 Tâches du comité Le comité clarifie les exigences visées dans les annexes de la présente directive, les critères visés à l'article 3, paragraphe 4, et les normes généralement reconnues pour les produits de signature électronique établies et publiées en application de l'article 3, paragraphe 5, conformément à la procédure visée à l'article 9, paragraphe 2. Article 11 Notification 1. Les États membres communiquent à la Commission et aux autres États membres: a) les informations sur les régimes volontaires d'accréditation au niveau national ainsi que toute exigence supplémentaire au titre de l'article 3, paragraphe 7; b) les nom et adresse des organismes nationaux responsables de l'accréditation et du contrôle, ainsi que des organismes visés à l'article 3, paragraphe 4 et c) les nom et adresse de tous les prestataires de service de certification nationaux accrédités. 2. Toute information fournie en vertu du paragraphe 1 et les changements concernant celle-ci sont communiqués par les États membres dans les meilleurs délais. Article 12 Examen 1. La Commission procède à l'examen de la mise en oeuvre de la présente directive et en rend compte au Parlement européen et au Conseil pour le 19 juillet 2003 au plus tard. 2. Cet examen doit permettre, entre autres, de déterminer s'il convient de modifier le champ d'application de la présente directive pour tenir compte de l'évolution des technologies, du marché et du contexte juridique. Le compte rendu d'examen doit notamment comporter une évaluation, fondée sur l'expérience acquise, des aspects relatifs à l'harmonisation. Le compte rendu est accompagné, le cas échéant, de propositions législatives. Article 13 Mise en oeuvre 1. Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive avant le 19 juillet 2001. Ils en

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informent immédiatement la Commission. Lorsque les États membres adoptent ces dispositions, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d'une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont adoptées par les États membres. 2. Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit interne qu'ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive. Article 14 Entrée en vigueur La présente directive entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel des Communautés européennes. Article 15 Destinataires Les États membres sont destinataires de la présente directive.

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ANNEXE II

LOI n° 2000-230 du 13 mars 2000 portant adaptation du droit de la preuve aux technologies de l'information et relative à la signature

électronique (J.O. Numéro 62 du 14 Mars 2000 page 3968)

Article 1er

I. - L'article 1316 du code civil devient l'article 1315-1. II. - Les paragraphes 1er, 2, 3, 4 et 5 de la section 1 du chapitre VI du titre III du livre III du code civil deviennent respectivement les paragraphes 2, 3, 4, 5 et 6. III. - Il est inséré, avant le paragraphe 2 de la section 1 du chapitre VI du titre III du livre III du code civil, un paragraphe 1er intitulé : « Dispositions générales », comprenant les articles 1316 à 1316-2 ainsi rédigés : « Art. 1316. - La preuve littérale, ou preuve par écrit, résulte d'une suite de lettres, de caractères, de chiffres ou de tous autres signes ou symboles dotés d'une signification intelligible, quels que soient leur support et leurs modalités de transmission. « Art. 1316-1. - L'écrit sous forme électronique est admis en preuve au même titre que l'écrit sur support papier, sous réserve que puisse être dûment identifiée la personne dont il émane et qu'il soit établi et conservé dans des conditions de nature à en garantir l'intégrité. « Art. 1316-2. - Lorsque la loi n'a pas fixé d'autres principes, et à défaut de convention valable entre les parties, le juge règle les conflits de preuve littérale en déterminant par tous moyens le titre le plus vraisemblable, quel qu'en soit le support. »

Article 2

L'article 1317 du code civil est complété par un alinéa ainsi rédigé : « Il peut être dressé sur support électronique s'il est établi et conservé dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »

Article 3

Après l'article 1316-2 du code civil, il est inséré un article 1316-3 ainsi rédigé : « Art. 1316-3. - L'écrit sur support électronique a la même force probante que l'écrit sur support papier. »

Article 4

Après l'article 1316-3 du code civil, il est inséré un article 1316-4 ainsi rédigé : « Art. 1316-4. - La signature nécessaire à la perfection d'un acte juridique identifie celui qui l'appose. Elle manifeste le consentement des parties aux obligations qui découlent de cet acte. Quand elle est apposée par un officier public, elle confère l'authenticité à l'acte. « Lorsqu'elle est électronique, elle consiste en l'usage d'un procédé fiable d'identification garantissant son lien avec l'acte auquel elle s'attache. La fiabilité de ce procédé est présumée, jusqu'à preuve contraire, lorsque la signature électronique est créée, l'identité du signataire assurée et l'intégrité de l'acte garantie, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. »

Article 5

A l'article 1326 du code civil, les mots : « de sa main » sont remplacés par les mots : « par lui-même ».

Article 6 La présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, à Wallis-et-

Futuna et dans la collectivité territoriale de Mayotte. La présente loi sera exécutée comme loi de l'Etat.

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ANNEXE III

Décret n° 2001-272 du 30 mars 2001 pris pour l'application de l'article 1316-4 du code civil et relatif à la signature électronique

(J.O. Numéro 77 du 31 Mars 2001 page 5070)

Art. 1er. - Au sens du présent décret, on entend par : 1. « Signature électronique » : une donnée qui résulte de l'usage d'un procédé répondant aux

conditions définies à la première phrase du second alinéa de l'article 1316-4 du code civil ; 2. « Signature électronique sécurisée » : une signature électronique qui satisfait, en outre, aux

exigences suivantes : - être propre au signataire ; - être créée par des moyens que le signataire puisse garder sous son contrôle exclusif ; - garantir avec l'acte auquel elle s'attache un lien tel que toute modification ultérieure de l'acte

soit détectable ; 3. « Signataire » : toute personne physique, agissant pour son propre compte ou pour celui de

la personne physique ou morale qu'elle représente, qui met en oeuvre un dispositif de création de signature électronique ;

4. « Données de création de signature électronique » : les éléments propres au signataire, tels que des clés cryptographiques privées, utilisés par lui pour créer une signature électronique ;

5. « Dispositif de création de signature électronique » : un matériel ou un logiciel destiné à mettre en application les données de création de signature électronique ;

6. « Dispositif sécurisé de création de signature électronique » : un dispositif de création de signature électronique qui satisfait aux exigences définies au I de l'article 3 ;

7. « Données de vérification de signature électronique » : les éléments, tels que des clés cryptographiques publiques, utilisés pour vérifier la signature électronique ;

8. « Dispositif de vérification de signature électronique » : un matériel ou un logiciel destiné à mettre en application les données de vérification de signature électronique ;

9. « Certificat électronique » : un document sous forme électronique attestant du lien entre les données de vérification de signature électronique et un signataire ;

10. « Certificat électronique qualifié » : un certificat électronique répondant aux exigences définies à l'article 6 ;

11. « Prestataire de services de certification électronique » : toute personne qui délivre des certificats électroniques ou fournit d'autres services en matière de signature électronique ;

12. « Qualification des prestataires de services de certification électronique » : l'acte par lequel un tiers, dit organisme de qualification, atteste qu'un prestataire de services de certification électronique fournit des prestations conformes à des exigences particulières de qualité.

Art. 2. - La fiabilité d'un procédé de signature électronique est présumée jusqu'à preuve

contraire lorsque ce procédé met en oeuvre une signature électronique sécurisée, établie grâce à un dispositif sécurisé de création de signature électronique et que la vérification de cette signature repose sur l'utilisation d'un certificat électronique qualifié.

Chapitre Ier Des dispositifs sécurisés de création de signature électronique Art. 3. - Un dispositif de création de signature électronique ne peut être regardé comme

sécurisé que s'il satisfait aux exigences définies au I et que s'il est certifié conforme à ces exigences dans les conditions prévues au II.

I. - Un dispositif sécurisé de création de signature électronique doit : 1. Garantir par des moyens techniques et des procédures appropriés que les données de

création de signature électronique : a) Ne peuvent être établies plus d'une fois et que leur confidentialité est assurée ;

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b) Ne peuvent être trouvées par déduction et que la signature électronique est protégée contre toute falsification ;

c) Peuvent être protégées de manière satisfaisante par le signataire contre toute utilisation par des tiers.

2. N'entraîner aucune altération du contenu de l'acte à signer et ne pas faire obstacle à ce que le signataire en ait une connaissance exacte avant de le signer.

II. - Un dispositif sécurisé de création de signature électronique doit être certifié conforme aux exigences définies au I :

1o Soit par les services du Premier ministre chargés de la sécurité des systèmes d'information, après une évaluation réalisée, selon des règles définies par arrêté du Premier ministre, par des organismes agréés par ces services. La délivrance par ces services du certificat de conformité est rendue publique ;

2o Soit par un organisme désigné à cet effet par un Etat membre de la Communauté européenne.

Art. 4. - Le contrôle de la mise en oeuvre des procédures d'évaluation et de certification

prévues au 1o du II de l'article 3 est assuré par un comité directeur de la certification, institué auprès du Premier ministre.

Un arrêté du Premier ministre précise les missions attribuées à ce comité, fixe sa composition, définit les procédures de certification et d'évaluation des dispositifs de création de signature électronique mentionnées à l'alinéa précédent ainsi que les procédures d'agrément des organismes d'évaluation. Il détermine, en outre, les obligations incombant à ces organismes et fixe les conditions dans lesquelles sont présentées et instruites les demandes de certification.

Chapitre II Des dispositifs de vérification de signature électronique Art. 5. - Un dispositif de vérification de signature électronique peut faire, après évaluation,

l'objet d'une certification, selon les procédures définies par l'arrêté mentionné à l'article 4, s'il répond aux exigences suivantes :

a) Les données de vérification de signature électronique utilisées doivent être celles qui ont été portées à la connaissance de la personne qui met en oeuvre le dispositif et qui est dénommée « vérificateur » ;

b) Les conditions de vérification de la signature électronique doivent permettre de garantir l'exactitude de celle-ci et le résultat de cette vérification doit sans subir d'altération être porté à la connaissance du vérificateur ;

c) Le vérificateur doit pouvoir, si nécessaire, déterminer avec certitude le contenu des données signées ;

d) Les conditions et la durée de validité du certificat électronique utilisé lors de la vérification de la signature électronique doivent être vérifiées et le résultat de cette vérification doit sans subir d'altération être porté à la connaissance du vérificateur ;

e) L'identité du signataire doit sans subir d'altération être portée à la connaissance du vérificateur ;

f) Lorsqu'il est fait usage d'un pseudonyme, son utilisation doit être clairement portée à la connaissance du vérificateur ;

g) Toute modification ayant une incidence sur les conditions de vérification de la signature électronique doit pouvoir être détectée.

Chapitre III Des certificats électroniques qualifiés et des prestataires de services de certification électronique Art. 6. - Un certificat électronique ne peut être regardé comme qualifié que s'il comporte les

éléments énumérés au I et que s'il est délivré par un prestataire de services de certification électronique satisfaisant aux exigences fixées au II.

I. - Un certificat électronique qualifié doit comporter : a) Une mention indiquant que ce certificat est délivré à titre de certificat électronique qualifié ;

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b) L'identité du prestataire de services de certification électronique ainsi que l'Etat dans lequel il est établi ;

c) Le nom du signataire ou un pseudonyme, celui-ci devant alors être identifié comme tel ; d) Le cas échéant, l'indication de la qualité du signataire en fonction de l'usage auquel le

certificat électronique est destiné ; e) Les données de vérification de signature électronique qui correspondent aux données de

création de signature électronique ; f) L'indication du début et de la fin de la période de validité du certificat électronique ; g) Le code d'identité du certificat électronique ; h) La signature électronique sécurisée du prestataire de services de certification électronique

qui délivre le certificat électronique ; i) Le cas échéant, les conditions d'utilisation du certificat électronique, notamment le montant

maximum des transactions pour lesquelles ce certificat peut être utilisé. II. - Un prestataire de services de certification électronique doit satisfaire aux exigences

suivantes : a) Faire preuve de la fiabilité des services de certification électronique qu'il fournit ; b) Assurer le fonctionnement, au profit des personnes auxquelles le certificat électronique est

délivré, d'un service d'annuaire recensant les certificats électroniques des personnes qui en font la demande ;

c) Assurer le fonctionnement d'un service permettant à la personne à qui le certificat électronique a été délivré de révoquer sans délai et avec certitude ce certificat ;

d) Veiller à ce que la date et l'heure de délivrance et de révocation d'un certificat électronique puissent être déterminées avec précision ;

e) Employer du personnel ayant les connaissances, l'expérience et les qualifications nécessaires à la fourniture de services de certification électronique ;

f) Appliquer des procédures de sécurité appropriées ; g) Utiliser des systèmes et des produits garantissant la sécurité technique et cryptographique

des fonctions qu'ils assurent ; h) Prendre toute disposition propre à prévenir la falsification des certificats électroniques ; i) Dans le cas où il fournit au signataire des données de création de signature électronique,

garantir la confidentialité de ces données lors de leur création et s'abstenir de conserver ou de reproduire ces données ;

j) Veiller, dans le cas où sont fournies à la fois des données de création et des données de vérification de la signature électronique, à ce que les données de création correspondent aux données de vérification ;

k) Conserver, éventuellement sous forme électronique, toutes les informations relatives au certificat électronique qui pourraient s'avérer nécessaires pour faire la preuve en justice de la certification électronique.

l) Utiliser des systèmes de conservation des certificats électroniques garantissant que : - l'introduction et la modification des données sont réservées aux seules personnes autorisées

à cet effet par le prestataire ; - l'accès du public à un certificat électronique ne peut avoir lieu sans le consentement

préalable du titulaire du certificat ; - toute modification de nature à compromettre la sécurité du système peut être détectée ; m) Vérifier, d'une part, l'identité de la personne à laquelle un certificat électronique est délivré,

en exigeant d'elle la présentation d'un document officiel d'identité, d'autre part, la qualité dont cette personne se prévaut et conserver les caractéristiques et références des documents présentés pour justifier de cette identité et de cette qualité ;

n) S'assurer au moment de la délivrance du certificat électronique : - que les informations qu'il contient sont exactes ; - que le signataire qui y est identifié détient les données de création de signature électronique

correspondant aux données de vérification de signature électronique contenues dans le certificat ; o) Avant la conclusion d'un contrat de prestation de services de certification électronique,

informer par écrit la personne demandant la délivrance d'un certificat électronique : - des modalités et des conditions d'utilisation du certificat ; - du fait qu'il s'est soumis ou non au processus de qualification volontaire des prestataires de

services de certification électronique mentionnée à l'article 7 ; - des modalités de contestation et de règlement des litiges ; p) Fournir aux personnes qui se fondent sur un certificat électronique les éléments de

l'information prévue au o qui leur sont utiles.

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Art. 7. - Les prestataires de services de certification électronique qui satisfont aux exigences

fixées à l'article 6 peuvent demander à être reconnus comme qualifiés. Cette qualification, qui vaut présomption de conformité auxdites exigences, est délivrée par

les organismes ayant reçu à cet effet une accréditation délivrée par une instance désignée par arrêté du ministre chargé de l'industrie. Elle est précédée d'une évaluation réalisée par ces mêmes organismes selon des règles définies par arrêté du Premier ministre.

L'arrêté du ministre chargé de l'industrie prévu à l'alinéa précédent détermine la procédure d'accréditation des organismes et la procédure d'évaluation et de qualification des prestataires de services de certification électronique.

Art. 8. - Un certificat électronique délivré par un prestataire de services de certification

électronique établi dans un Etat n'appartenant pas à la Communauté européenne a la même valeur juridique que celui délivré par un prestataire établi dans la Communauté, dès lors :

a) Que le prestataire satisfait aux exigences fixées au II de l'article 6 et a été accrédité, au sens de la directive du 13 décembre 1999 susvisée, dans un Etat membre ;

b) Ou que le certificat électronique délivré par le prestataire a été garanti par un prestataire établi dans la Communauté et satisfaisant aux exigences fixées au II de l'article 6 ;

c) Ou qu'un accord auquel la Communauté est partie l'a prévu. Art. 9. - I. - Au titre de la déclaration de fourniture de prestations de cryptologie effectuée

conformément aux dispositions de l'article 28 de la loi du 29 décembre 1990 susvisée, le prestataire de services de certification électronique doit, quand il entend délivrer des certificats électroniques qualifiés, l'indiquer.

II. - Le contrôle des prestataires visés au I est effectué par des organismes publics désignés par arrêté du Premier ministre et agissant sous l'autorité des services du Premier ministre chargés de la sécurité des systèmes d'information.

Ce contrôle porte sur le respect des exigences définies à l'article 6. Il peut être effectué d'office ou à l'occasion de toute réclamation mettant en cause l'activité d'un prestataire de services de certification électronique.

Lorsque le contrôle révèle qu'un prestataire n'a pas satisfait à ces exigences, les services du Premier ministre chargés de la sécurité des systèmes d'information assurent la publicité des résultats de ce contrôle et, dans le cas où le prestataire a été reconnu comme qualifié dans les conditions fixées à l'article 7, en informent l'organisme de qualification.

Les mesures prévues à l'alinéa précédent doivent faire l'objet, préalablement à leur adoption, d'une procédure contradictoire permettant au prestataire de présenter ses observations.

Chapitre IV Dispositions diverses Art. 10. - Le présent décret est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française, aux

îles Wallis et Futuna et à Mayotte. Art. 11. - Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, la garde des sceaux,

ministre de la justice, le ministre de l'intérieur, le secrétaire d'Etat à l'outre-mer et le secrétaire d'Etat à l'industrie sont chargés, chacun en ce qui le concerne, de l'exécution du présent décret, qui sera publié au Journal officiel de la République française.

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ANNEXE IV

Décret n° 2002-535 du 18 avril 2002 relatif à l'évaluation et à la certification de la sécurité offerte par les produits et les systèmes des technologies de l'information

Article 1

La sécurité offerte par des produits ou des systèmes des technologies de l'information, au regard notamment de leur aptitude à assurer la disponibilité, l'intégrité ou la confidentialité de l'information traitée face aux menaces dues en particulier à la malveillance peut être certifiée dans les conditions prévues au présent décret. Les administrations de l'Etat recourent, dans la mesure du possible et en fonction de leurs besoins de sécurité, à des produits ou des systèmes des technologies de l'information certifiés suivant la procédure prévue au présent décret.

Chapitre Ier

Procédure d'évaluation et de certification

Section 1

Evaluation

Article 2 Une évaluation en vue de la certification prévue à l'article 1er est effectuée à la demande d'un commanditaire qui adresse à la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information un dossier d'évaluation. Le dossier comporte notamment la description du système de sécurité à évaluer, les dispositions prévues pour lui conférer sa pleine efficacité ainsi que le programme de travail prévisionnel permettant une évaluation. Dès réception de ce dossier, la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information si elle estime que les objectifs de sécurité ne sont pas définis de manière pertinente au regard des normes, prescriptions techniques ou règles de bonne pratique applicables au moment où commence l'évaluation, notifie au commanditaire qu'elle ne pourra pas en l'état du dossier procéder à la certification envisagée. Article 3 Le commanditaire de l'évaluation choisit un ou plusieurs centres d'évaluation, agréés dans les conditions prévues au chapitre II, pour procéder à celle-ci. Avant le début des travaux, il détermine avec chacun de ces centres : a) Le produit ou le système à évaluer ainsi que les objectifs de sécurité ; b) Les conditions de protection de la confidentialité des informations qui seront traitées dans le cadre de l'évaluation ;

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c) Le coût et les modalités de paiement de l'évaluation ; d) Le programme de travail et les délais prévus pour l'évaluation. Le commanditaire est tenu d'assurer la mise à la disposition des centres d'évaluation qu'il a choisis et de la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information, si elle en fait la demande, de tous les éléments nécessaires au bon accomplissement de leurs travaux, le cas échéant après accord des fabricants concernés. Article 4 Le commanditaire peut décider à tout moment de mettre fin à une évaluation. Il est décidé entre les parties du dédommagement éventuellement dû au centre d'évaluation. Article 5 La direction centrale de la sécurité des systèmes d'information veille à la bonne exécution des travaux d'évaluation. Elle peut à tout moment demander à assister à ces travaux ou à obtenir des informations sur leur déroulement. Article 6 Au terme des travaux d'évaluation, chaque centre remet un rapport d'évaluation au commanditaire et à la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information. Ce rapport est un document confidentiel dont les informations sont couvertes par le secret industriel et commercial.

Section 2

Certification

Article 7 Le commanditaire et la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information valident les rapports d'évaluation en liaison avec le centre d'évaluation intervenant. Lorsque l'ensemble des rapports prévus a été validé, la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information élabore un rapport de certification dans un délai d'un mois. Ce rapport, qui précise les caractéristiques des objectifs de sécurité proposés, conclut soit à la délivrance d'un certificat, soit au refus de la certification. Le rapport de certification peut comporter tout avertissement que ses rédacteurs estiment utile de mentionner pour des raisons de sécurité. Il est, au choix du commanditaire, communiqué ou non à des tiers ou rendu public. Article 8 Le certificat est délivré par le Premier ministre. Il atteste que l'exemplaire du produit ou du système soumis à évaluation répond aux caractéristiques de sécurité spécifiées. Il atteste également que l'évaluation a été

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conduite conformément aux règles et normes en vigueur, avec la compétence et l'impartialité requises. Article 9 La direction centrale de la sécurité des systèmes d'information peut passer, après avis du comité directeur de la certification, des accords de reconnaissance mutuelle avec des organismes étrangers homologues, ayant leur siège en dehors des Etats membres de la Communauté européenne. Ces accords peuvent prévoir que les certificats délivrés par les organismes étrangers cosignataires, dans le cadre de procédures comparables à celle prévue au présent chapitre, sont reconnus comme ayant la même valeur que les certificats délivrés en application du présent décret. La reconnaissance mutuelle des certificats peut être limitée à un niveau d'assurance déterminé. Sans préjudice des règles régissant la certification des dispositifs sécurisés de création de signature électronique mentionnées au 2° du II de l'article 3 du décret du 30 mars 2001 susvisé, le Premier ministre reconnaît aux certificats délivrés par les organismes ayant leur siège dans un Etat membre de la Communauté européenne, dans le cadre de procédures comparables présentant des garanties équivalentes, la même valeur qu'aux certificats délivrés en application du présent décret.

Chapitre II

Agrément des centres d'évaluation

Article 10 Les centres d'évaluation chargés de procéder à l'évaluation prévue au présent décret sont agréés dans les conditions fixées par le présent chapitre. Article 11 I. - La demande d'agrément est formulée auprès de la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information. Cette demande précise le domaine dans lequel l'organisme demandeur entend exercer son activité. II. - L'organisme demandeur doit faire la preuve : a) De sa conformité aux critères de qualité selon les règles et normes d'accréditation en vigueur ; b) De son aptitude à appliquer les critères d'évaluation en vigueur et la méthodologie correspondante ainsi qu'à assurer la confidentialité requise par l'évaluation ; c) De sa compétence technique à conduire une évaluation. La conformité mentionnée au a et l'aptitude mentionnée au b sont attestées par une accréditation délivrée par une instance reconnue dans les conditions prévues à l'article R. 115-6 du code de la consommation ou délivrée par une instance étrangère équivalente.

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La compétence technique mentionnée au c est appréciée par la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information, notamment à partir des moyens, des ressources et de l'expérience du centre d'évaluation. Article 12 L'agrément est délivré par le Premier ministre, après avis du comité directeur de la certification. Il peut énoncer les obligations particulières auxquelles est soumis le centre d'évaluation. Il est valable pour une durée de deux ans renouvelable. Article 13 Lorsqu'un centre d'évaluation situé hors du territoire national ou d'un autre Etat membre de la Communauté européenne a déjà fait l'objet d'un agrément par les autorités de son pays d'installation dans le cadre d'une procédure homologue, le Premier ministre peut, après avis du comité directeur de la certification, le déclarer agréé au titre du présent décret. Cet agrément, qui est accordé pour une durée de deux ans renouvelable, peut être limité à un niveau d'assurance déterminé. Lorsqu'un centre d'évaluation situé dans un Etat membre de la Communauté européenne a déjà fait l'objet d'un agrément par les autorités de cet Etat dans le cadre d'une procédure équivalente, le Premier ministre, après avis du comité directeur de la certification, le déclare agréé au titre du présent décret. Article 14 La direction centrale de la sécurité des systèmes d'information peut s'assurer à tout moment que les centres d'évaluation continuent à satisfaire aux critères au vu desquels ils ont été agréés. Lorsqu'un centre ne satisfait plus aux exigences mentionnées à l'article 11 ou qu'il manque aux obligations fixées par la décision d'agrément, l'agrément peut être retiré par le Premier ministre, après avis du comité directeur de la certification. Le retrait ne peut être prononcé qu'après que le représentant du centre d'évaluation a été mis à même de faire valoir ses observations devant le comité directeur de la certification.

Chapitre III

Comité directeur de la certification

en sécurité des technologies de l'information Article 15 Le comité directeur de la certification en sécurité des technologies de l'information a notamment pour mission : a) De formuler des avis ou des propositions sur la politique de certification, sur les règles et normes utilisées pour les procédures d'évaluation et de certification et sur

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les guides techniques mis à la disposition du public ; b) D'émettre un avis sur la délivrance et le retrait des agréments aux centres d'évaluation ; c) D'examiner, à des fins de conciliation, tout litige relatif aux procédures d'évaluation organisées par le présent décret qui lui est soumis par les parties ; d) D'émettre un avis sur les accords de reconnaissance mutuelle conclus avec des organismes étrangers en application de l'article 9. La mission prévue au c ci-dessus peut être déléguée par le comité à l'un de ses membres, elle comporte obligatoirement l'audition des parties. Article 16 Le comité directeur de la certification en sécurité des technologies de l'information est présidé par le secrétaire général de la défense nationale ou son représentant. Outre son président, il comprend : a) Un représentant du ministre de la justice ; b) Un représentant du ministre de l'intérieur ; c) Un représentant du ministre des affaires étrangères ; d) Un représentant du ministre de la défense ; e) Un représentant du ministre chargé de l'industrie ; f) Un représentant du ministre chargé de l'économie ; g) Un représentant du ministre chargé de l'emploi ; h) Un représentant du ministre chargé de la santé ; i) Un représentant du ministre chargé de l'éducation nationale ; j) Un représentant du ministre chargé de la communication ; k) Un représentant du ministre chargé de la réforme de l'Etat ; l) Un représentant du ministre chargé des transports ; m) Un représentant du ministre chargé de la recherche. Lorsque le comité directeur examine des questions concernant les dispositifs de création et de vérification de signature électronique, tels que définis à l'article 1er du décret du 30 mars 2001 susvisé, il comprend en outre douze personnalités qualifiées nommées pour trois ans par arrêté du Premier ministre.

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Le secrétariat du comité directeur est assuré par la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information. Article 17 Le comité directeur se réunit sur convocation de son président qui en fixe l'ordre du jour. Le président peut inviter tout expert ou personne qualifiée dont la participation aux débats lui paraît nécessaire. Le comité rend compte de ses travaux au Premier ministre. Article 18 La direction centrale de la sécurité des systèmes d'information fait annuellement rapport au comité directeur de la certification de l'activité qu'elle exerce dans le cadre de la mise en oeuvre du présent décret.

Chapitre IV

Dispositions diverses et transitoires

Article 19 Dans la partie « Sécurité et défense nationale » du paragraphe 2 de l'annexe au décret n° 97-1184 du 19 décembre 1997 susvisé, il est ajouté, à la suite du tableau relatif au décret n° 2001-143 du 15 février 2001, les mots et le tableau suivants : « Décret n° 2002-535 du 18 avril 2002 relatif à l'évaluation et à la certification de la sécurité offerte par les produits et les systèmes des technologies de l'information. Vous pouvez consulter le tableau dans le JO n°o 92 du 19/04/2002 page 6944 à 6946 Article 20 Le décret du 30 mars 2001 susvisé est ainsi modifié : I. - Le 1° du II de l'article 3 est remplacé par les dispositions suivantes : « 1° Soit par le Premier ministre, dans les conditions prévues par le décret n° 2002-535 du 18 avril 2002 relatif à l'évaluation et à la certification de la sécurité offerte par les produits et les systèmes des technologies de l'information. La délivrance du certificat de conformité est rendue publique. » II. - L'article 4 est remplacé par les dispositions suivantes : « Art. 4. - La mise en oeuvre des procédures d'évaluation et de certification prévues au 1° du II de l'article 3 est assurée dans les conditions prévues par le décret n° 2002-535 du 18 avril 2002 relatif à l'évaluation et à la certification de la sécurité

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offerte par les produits et les systèmes des technologies de l'information. » III. - Au premier alinéa de l'article 5, les mots : « l'arrêté » sont remplacés par les mots : « le décret ». IV. - Au deuxième alinéa de l'article 7, les mots : « selon des règles définies par arrêté du Premier ministre » sont supprimés. V. - Au premier alinéa du II de l'article 9, les mots : « par des organismes publics désignés par arrêté du Premier ministre et agissant sous l'autorité des services du Premier ministre chargés de la sécurité des systèmes d'information » sont remplacés par les mots : « par la direction centrale de la sécurité des systèmes d'information ». Article 21 Les certificats et les agréments des centres d'évaluation délivrés avant la date d'entrée en vigueur du présent décret, en application des dispositions de l'avis du Premier ministre relatif à la délivrance de certificats pour la sécurité offerte par les produits informatiques vis-à-vis de la malveillance, publié au Journal officiel de la République française du 1er septembre 1995, sont reconnus comme délivrés au titre du présent décret. Article 22 Le présent décret est applicable : a) En Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, en tant qu'il concerne la signature électronique ; b) Dans les îles Wallis-et-Futuna et à Mayotte. Article 23 Les dispositions du présent décret pourront être ultérieurement modifiées par décret, à l'exception : a) Du premier alinéa des articles 8 et 12, du deuxième alinéa de l'article 14 et de l'article 19 dont la modification s'effectuera, le cas échéant, dans les conditions prévues à l'article 2 du décret du 15 janvier 1997 susvisé ; b) De l'article 20. Article 24 Le présent décret sera publié au Journal officiel de la République française.

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ANNEXE V

PROJET DE LOI

POUR LA CONFIANCE DANS L’ECONOMIE NUMERIQUE

Déposé à l’Assemblée Nationale le 15 janvier 2003,

CHAPITRE III

Les contrats par voie électronique

Article 14

I.- Après l'article 1108 du code civil, sont insérés les articles 1108-1 et 1108-2 ainsi rédigés :

« Art. 1108-1.- Lorsqu'un écrit est exigé pour la validité d'un acte juridique, celui-ci peut être établi et conservé sous forme électronique dans les conditions prévues aux articles 1316-1 et 1316-4 et, lorsqu'un acte authentique est requis, au second alinéa de l'article 1317.

« Lorsqu'est exigée une mention écrite de la main même de celui qui s'oblige, ce dernier peut l'apposer sous forme électronique si les conditions de cette apposition sont de nature à garantir que la mention ne peut émaner que de lui-même.

« Art. 1108-2.- Il est fait exception aux dispositions de l'article 1108-1 pour :

« 1° Les actes sous seing privé relatifs au droit de la famille et des successions ;

« 2° Les actes soumis à autorisation ou homologation de l'autorité judiciaire ;

« 3° Les actes sous seing privé relatifs à des sûretés personnelles ou réelles, de nature civile ou commerciale, sauf s'ils sont passés par une personne pour les besoins de sa profession. »

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ANNEXE V

Formulaire type - Chambre des notaires du Québec

DEMANDE D’ÉMISSION DE LA SIGNATURE NUMÉRIQUE D’UN MEMBRE DE L’ORDRE

1. IDENTIFICATION DU NOTAIRE .... CETTE SECTION DEVRA ÊTRE ENTIÈRE ENT COMPLÉTÉE MSOUS PEINE DE REJET DE LA DEMANDE Code du notaire:

Nom:

Prénom: Ville d’exercice: Selon l’élection du domicile professionnel en vigueur

Adresse de courrier électronique sur l’Inforoute notariale MC *:

Logiciel de gestion d’étude: VU Focus: VU Para-Maître: AUTRE (précisez): * Il est nécessaire d’être abonné à l’Inforoute notariale MC (abonné principal, supplémentaire ou le plan signature numérique seulement) pour pouvoir obtenir, utiliser et maintenir une signature numérique. SIGNATURE .... POUR FIN DE CERTIFICATION, LA SIGNATURE APPOSÉE DEVRA CORRESPONDRE AU SPÉCIMEN DE SIGNATURE OFFICIELLE, TEL QUE DÉPOSÉ AU BUREAU DU SECRÉTAIRE EN VERTU DE LA LOI SUR LE NOTARIAT

Je demande à la Chambre des notaires du Québec de me délivrer une signature numérique qui pourra engager ma responsabilité professionnelle au même titre que ma signature manuscrite. J’ai lu les conditions et modalités d’émission et d’utilisation énoncées au verso et je m’engage à les respecter. J'autorise expressément le Syndic ainsi que tout officier de l'Ordre à divulguer tout renseignement me concernant relativement à l’examen de la présente demande et conviens que celle-ci pourra être rejetée si les informations obtenues le justifient. De plus, j’autorise la Chambre des notaires du Québec et tout mandataire de celle-ci à divulguer et publier, en outre des informations publiques du Tableau de l’Ordre, les renseignements inscrits à la section 1 ci-dessus dans mon certificat électronique d’identité et dans la liste des certificats révoqués, accessibles à tous les utilisateurs de signatures numériques.

SIGNATURE DU NOTAIRE: Signature officielle telle que déposée conformément à la Loi sur le notariat incluant le mot notaire à la fin. SIGNÉ CE 200 _____ / _______ / _______ (mois) (jour)

3. FRAIS .... VEUILLEZ JOINDRE VOTRE CHÈQUE FAIT À L’ORDRE DE LA CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUÉBEC

Émission : 25,00$ TPS (7%) : 1,75$ N o enregistrement : R106906688 TVQ (7,5%): : 2,01$ N o enregistrement : 1006163277TQ0001 TOTAL : 28,76$ NOTE: La livraison de vos codes d’activation et du logiciel sera effectuée à votre domicile élu, selon la procédure établie. CDN-SN/01V8.

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CONDITIONS ET MODALITÉS D’ÉMISSION ET D’UTILISATION D’UNE SIGNATURE NUMÉRIQUE

1. Équipements et installation Je m’engage à fournir toutes les installations et les liens de télécommunications nécessaires pour accéder aux services* ainsi que tout autre équipement nécessaire à l’utilisation des services, notamment le poste de travail. Je suis responsable de l’installation de l’équipement et du logiciel** nécessaires pour accéder aux services fournis, y compris les travaux de préparation et de modification des équipements ou des installations et le coût de ces travaux. 2. Obligations de l’utilisateur

2.1 Activation et confirmation Suivant la réception du dernier code d’activation, je m’engage à compléter la procédure d’activation de façon à générer ma signature numérique, dans un délai de quinze (15) jours, sous peine d’annulation de mes codes. De plus, je m’engage à retourner à la Chambre des notaires, dans les quinze (15) jours suivant l’activation, le formulaire de confirmation d’activation de ma signature numérique, dûment complété et signé. 2.2 Confidentialité et contrôle Jusqu’à ce que la procédure d’activation soit complétée, je ne dois en aucun cas divulguer mes codes d’activation. Je m’engage à choisir un MOT DE PASSE ET UN CODE DE VÉRIFICATION conformément aux directives indiquées dans la documentation reçue ET À NE JAMAIS LES DIVULGUER, À QUICONQUE ET POUR QUELQUE RAISON QUE CE SOIT, SOUS PEINE DE RÉVOCATION DE MA SIGNATURE NUMÉRIQUE ET DE MESURES DISCIPLINAIRES.Je m’engage aussi à me soumettre à toute vérification et contrôle par la Chambre des notaires du Québec, ses officiers et ses mandataires sous peine de révocation de ma signature numérique. 2.3 Utilisation Je m’engage à utiliser les services dans le respect des politiques de certification et énoncés de pratique adoptés par la Chambre des notaires ainsi que des dispositions du présent contrat, de la licence d’utilisation du logiciel et des lois et règlements en vigueur au Québec et au Canada. 2.4 Avis à la Chambre des notaires Je m’engage à aviser sans délai la Chambre des notaires lorsque ma signature numérique est compromise, en raison notamment de la perte ou du vol du poste de travail sur lequel est entreposée la clé de signature ou en cas de divulgation volontaire ou involontaire du mot de passe ou du code de vérification. Je m’engage également à aviser la Chambre des notaires de tout événement qui pourrait affecter mon statut professionnel en vertu de la Loi sur le notariat et du Code des professions. 2.5 Frais exigibles Je m’engage à acquitter sans délai tous frais exigibles en vertu des présentes. 2.6 Abonnement à l’Inforoute notariale_ Je m’engage à maintenir en vigueur un abonnement à l’Inforoute notariale_, à défaut de quoi ma signature numérique pourra être révoquée.

3. Révocation J’autorise irrévocablement la Chambre des notaires à révoquer ma signature numérique en tout temps. Sans restreindre la généralité de cette autorisation, la révocation de ma signature numérique pourra survenir notamment lors d’un changement à mon statut professionnel ou dans toute situation où un gardien provisoire

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peut être nommé. 4. Renouvellement Je reconnais que les clés d’encodage et de signature ont une période de validité limitée à deux (2) ans et que je devrai, lors du renouvellement de ces clés, acquitter les frais alors exigibles et remplir toutes les formalités et conditions requises par la Chambre des notaires, le cas échéant.

* services: Les services reliés à l’utilisation d’une signature numérique, incluant l’accès au répertoire contenant les certificats d’identité des détenteurs de signature numérique et l’accès à la Liste des certificats révoqués. ** logiciel: Le logiciel Entrust, de Entrust Technologies. POUR TOUT RENSEIGNEMENT CONCERNANT LA SIGNATURE NUMÉRIQUE OU LE PRÉSENT FORMULAIRE, VEUILLEZ

CONTACTER LE CENTRE DE SUPPORT À LA CLIENTÈLE DE NOTARIUS AU (514) 281-1442 OU AU 1 800 567-6703.