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Mégane BERRY L’AUDITION DE L’ENFANT DANS LE DIVORCE DE SES PARENTS Master 2, spécialité Contentieux privé 2016 Sous la direction de Monsieur Didier CHOLET Maître de stage : Maître Florence DEMARET

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Mégane BERRY

L’AUDITION DE L’ENFANT DANS LE DIVORCE

DE SES PARENTS

Master 2, spécialité Contentieux privé

2016

Sous la direction de Monsieur Didier CHOLET

Maître de stage : Maître Florence DEMARET

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Je tiens à remercier Monsieur Didier Cholet pour ses conseils et

sa disponibilité pour la rédaction de ce mémoire.

Je tiens à remercier Maître Florence Demaret, maître de stage,

pour son accueil et pour tout ce qu’elle m’a enseigné.

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SOMMAIRE

Abréviations…………………………………………………1

Rapport de stage…………………………………………….3

L’audition de l’enfant dans le divorce de ses parents

Introduction…………………………………………………...7

Partie I……………………………………………………….12

Partie II……………………………………………………...37

Conclusion…………………………………………………..54

Bibliographie………………………………………………..56

Annexe 1…………………………………………………….60

Annexe 2…………………………………………………….61

Table des matières…………………………………………..62

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ABRÉVIATIONS

AJ fam . Actualité juridique famille

Bull. civ Bulletin des arrêts de la Cour de cassation (chambres civiles)

CEDH Convention européenne des droits de l’homme

Cass. Civ. Cour de cassation, chambre civile

C. civ. Code civil

C.pén. Code pénal

C. pr. civ. Code de procédure civile

CIDE Convention internationale des droits de l’enfant (ONU, 20 novembre

1989)

D. Dalloz Sirey

Dr. Fam. Droit de la famille

Ed. Edition

Gaz. Pal Gazette du Palais

J.-CI. Civ. Juris-Classeur civil

J.-Cl. Pr. civil. Juris-Classeur procédure civile

JCP Juris-Classeur périodique

JOAN Q Journal officiel (réponses ministérielles à des questions écrites)

Juris-Data JurisData (bases de données juridiques)

N° Numéro

NP Non publié

Obs. Observations

p. Page

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2

QE Question écrite

Rép. civ. Répertoire de droit civil Dalloz

Rép. min. Réponse ministérielle

RJPF Revue juridique personnes et famille

RTD civ. Revue trimestrielle de droit civil

S. Recueil Sirey

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RAPPORT DE STAGE

J’ai effectué mon stage au sein d’un cabinet d’avocats du 2 mai au 31 juin 2016. Ce

cabinet appartient à Maître Demaret, qui était ma maitre de stage, et Maitre Moine. Ces deux

avocates sont associées depuis 4 ans. Le cabinet se situe au 7 Avenue François Mitterrand « Les

bureaux de l’Étoile » à 72000 Le Mans (72). Maitre Demaret est une avocate généraliste qui

traite principalement des dossiers portant sur le droit de la famille et le droit pénal tandis que

Maitre Moine est spécialisée en droit du travail. Le cabinet est composé de deux secrétaires

travaillant à plein temps.

Dès la première semaine, Maitre Demaret m’a confiée des dossiers afin que je les étudie

et que je découvre l’organisation de ces derniers. Un dossier est composé d’une partie sur la

correspondance, une partie sur la procédure et une partie portant sur les pièces. Au cours des

premiers jours, Maître Demaret m’a fait confiance en me laissant rédiger des conclusions.

En effet, j’ai eu l’opportunité de pouvoir rédiger des conclusions notamment dans des

dossiers concernant des procédures de divorce. La secrétaire m’envoyait des modèles

d’exemples pour que j’analyse les conclusions et que j’apprenne à les structurer. J’ai apprécié

les écrire car l’étude de l’affaire méritait un approfondissement afin de développer les points

essentiels. Il fallait apporter des réponses aux conclusions adversaires et dégager une solide

argumentation pour soutenir la demande du client. Cet exercice m’a beaucoup apporté

notamment dans l’esprit de synthèse. Un dossier peut comporter de nombreux documents et il

convient à l’avocat de les synthétiser dans les conclusions. Il ne faut pas reprendre totalement

le dossier mais uniquement les points pertinents. Cela va m’aider pour la note de synthèse dans

le cadre de l’examen d’avocat.

Une fois les conclusions rédigées, Maitre Demaret vérifiait mon travail et me corrigeait

en m’expliquant les arguments à développer et ceux qui n’étaient pas pertinents ni nécessaires.

Cette méthode très pédagogique m’a permise d’améliorer la rédaction des conclusions et de

prendre confiance en moi.

S’agissant de la rédaction d’acte, j’ai écrit des assignations, des requêtes, des lettres aux

clients, etc. Maître Demaret a fait en sorte que je rédige le plus d’actes variés possibles. J’ai

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donc dû m’adapter aux différentes formulations dans les actes. Après avoir écrit et lu différents

actes, je me suis rendue compte que chaque avocat a son propre style d’écriture et sa propre

présentation.

Concernant les dossiers, j’ai principalement traité des dossiers sur le droit de la famille,

en particulier sur les divorces et les filiations. Pour parfaire ma rédaction d’acte, Maitre Demaret

m’a enseigné le calcul d’une prestation compensatoire. Au premier abord, la prestation

compensatoire semble complexe mais avec des explications précises et une bonne méthode de

calcul de la part de Maitre Demaret, j’ai réussi à calculer des montants de prestations.

Maitre Demaret m’a aussi expliqué une liquidation de préjudice corporel. Ce sont des dossiers

difficiles à travailler car les liquidations ne sont pas des sujets abordés en cours universitaires.

Dans certains dossiers que j’avais à travailler, il y avait des liquidations de préjudice qui

devaient être faites. C’était difficile à calculer car il y avait beaucoup de préjudices et les enjeux

étaient importants puisque c’est la réparation d’un dommage. Dans l’une des affaires, une

femme avait subi une opération qui s’était mal déroulée. Suite à celle-ci, elle avait constamment

des fuites urinaires et après 5 ans, elle n’était toujours pas consolidée. Le préjudice était donc

considérable. Il fallait calculer chaque préjudice qu’elle avait subi. J’ai passé beaucoup de

temps à traiter cette situation.

Au cours de mon stage, j’ai pu suivre une affaire du début jusqu’à la fin. C’était un

dossier de correctionnel pour des violences exercées par le concubin sur sa concubine. J’ai

assisté au premier rendez-vous avec Maitre Demaret et la cliente. C’était très passionnant car

Madame était à la fois victime et prévenue dans la procédure. J’ai donc dû rédiger des

conclusions de relaxe et des conclusions de partie civile. C’était la première fois que je voyais

un tel dossier car c’est rare et je ne savais pas que c’était possible d’être à la fois une victime et

un prévenu. Lors de l’audience, j’étais avec la cliente pendant que Maitre Demaret plaidait.

C’est formateur de pouvoir suivre un dossier du premier rendez-vous jusqu’à l’audience.

Un autre dossier m’a particulièrement intéressée. C’était un dossier de correctionnel.

Maitre Demaret représentait l’accusé. Celui-ci était poursuivi pour atteinte sexuelle. J’ai

rencontré l’accusé qui nous a expliqué avoir été séduit par une collègue qui lui envoyait des

photos osées et elle lui faisait des avances depuis toujours. Il avait, en l’espèce, juste répondu à

ses avances. Lors de l’entretien, il était évident que le prévenu était vraiment de bonne foi.

Maitre Demaret a fait une impressionnante plaidoirie convaincue de l’honnêteté du prévenu.

J’ai été étonnée du fait que l’avocate ait plaidé avec quelques notes et qu’elle improvisait sa

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plaidoirie. Il est vrai qu’après avoir assisté à plusieurs audiences de correctionnel, j’ai constaté

que les avocats plaident directement sans avoir recours à des notes.

De plus, j’ai pu assister à tous les rendez-vous de Maitre Demaret. C’est au cours de ces

entretiens que nous constatons vraiment le rôle de l’avocat. En effet, de manière usuelle, le

métier d’avocat fait référence à la mission de plaider mais grâce aux rendez-vous avec les

clients, je me rend compte que son rôle est bien plus important. L’avocat a un rôle de soutien.

Au cours des rendez-vous, j’ai vu que les clients venaient surtout dans le but d’être rassurés,

réconfortés par l’avocat. C’est un aspect que j’ai découvert durant ce stage et qui me plait

véritablement. J’aime le contact avec les clients, le fait de les assister et de les rassurer.

Outre les rendez-vous au cabinet, Maitre Demaret a effectué des consultations gratuites

au Sablon (Le Mans). Elles ont été instaurées pour aider des personnes qui n’ont pas les moyens

de rémunérer un avocat. Les entretiens ne pouvaient pas durer plus de 10-15 minutes car

l’avocate était très sollicitée. Il fallait être succinct mais dans la plupart des rendez-vous, les

personnes venaient avec de gros dossiers qui ne pouvaient être étudiés en quelques minutes.

Les clients se sentent surtout rassurés de pouvoir rencontrer un avocat et expliquer leurs

problèmes.

Au cours de mon stage, je me suis rendue à plusieurs reprises au Palais de justice en

accompagnant Maitre Demaret. J’ai découvert les différentes audiences comme les

comparutions immédiates, des comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité, une

procédure incidente. J’ai vu des audiences correctionnelles, de surendettement, d’adjudication,

etc. Ces différentes audiences impliquent que l’avocat doit s’adapter à toutes les procédures.

C’est ce qui me plait dans ce métier. Nous ne sommes jamais confrontés aux mêmes situations,

il y a toujours des choses à apprendre, à découvrir. L’avocat doit perpétuellement s’adapter car

les règles de procédure sont différentes d’un tribunal à l’autre.

Lors de mon stage, j’ai été amenée à déposer des documents dans les cases des autres

avocats ou à déposer des requêtes devant le juge aux affaires familiales. C’est intéressant de

voir l’organisation interne au Palais. Ce sont des pratiques que j’ai pu découvrir par ce stage.

Par ailleurs, j’ai pu effectuer une visite domiciliaire avec Maître Demaret puisqu’elle

fait partie du conseil de l’Ordre. Ces visites ont pour but de vérifier que les cabinets d’avocats

sont bien dans les normes. J’ai pu assister à l’une des assemblées générales du Conseil de l’ordre

sur l’approbation des comptes budgétaires ainsi qu’à une réunion lors de laquelle les avocats

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exprimaient les différents points à améliorer au sein du Palais du Justice et dont le but est

d’unifier la pratique des avocats.

J’ai, en outre, participé à une formation de 3 heures avec les avocats du Barreau du

Mans. Le sujet portait sur les secrets du casier judiciaire. Cela m’a permis de connaitre les

spécificités du casier judiciaire. Au cours de l’année, les avocats ont la possibilité d’avoir des

formations sur certains sujets ou en cas de réforme. C’est une sorte de remise à niveau.

Selon mon point de vue, le plus difficile dans le métier d’avocat est de savoir

s’organiser. Maitre Demaret, étant une avocate renommée, a un grand nombre de dossiers à

traiter d’autant plus qu’elle a des nouveaux clients chaque année. Il faut donc savoir s’organiser

afin de réussir à tout gérer, sachant que la prescription est essentielle en droit. L’avocat doit

donc être organisé et rigoureux dans les dossiers. C’est un point que je n’avais pas remarqué

jusqu’alors.

J’ai fortement apprécié étudier les différentes affaires et surtout de voir plaider les

avocats. C’est impressionnant de voir l’aisance des avocats lorsqu’ils plaident leurs dossiers.

J’ai constaté qu’ils sont investis dans ce qu’ils font. Les plaidoiries ne sont pas les mêmes devant

la session d’assises. Lors de mon stage, la Cour d’assises a siégé, j’ai donc entendu la plaidoirie

de la partie accusée. Elle a duré plus d’une heure, ce qui est complétement prodigieux alors que

devant le tribunal correctionnel par exemple, les plaidoiries sont souvent courtes. C’est par les

plaidoiries que l’avocat gagne son procès, il est donc important d’avoir de la prestance et une

bonne oralité. Il faut que l’avocat s’impose au cours de sa plaidoirie, il ne doit pas présenter ses

arguments sur un ton monotone, il faut capter l’attention du magistrat.

Ce stage a confirmé mon attrait pour le métier d’avocat. Il était très enrichissant et

passionnant, j’ai découvert toutes les subtilités du métier d’avocat. Cette expérience m’a

confortée dans mon projet professionnel puisque je prépare l’examen d’avocat. Ce stage m’a

beaucoup apporté tant par les diverses matières que j’ai étudiées que par la pratique que j’ai

découverte. Par les dossiers, mes connaissances en droit ont évolué et j’ai pu mettre à profit ce

que j’ai assimilé au cours de mon cursus scolaire.

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INTRODUCTION

« La vérité sort de la bouche des enfants » comme le disait Platon. Ce proverbe indique

que l’enfant participe à la manifestation de la vérité. Il est donc important qu’il puisse

s’exprimer ouvertement dès qu’il en manifeste la volonté. L’instauration d’une procédure

d’audition de l’enfant lui permet alors d’extérioriser ses sentiments.

Définition de l’enfant. Le terme « enfant » vient du nom latin « infans » qui signifie

« qui ne parle pas ». Dès son origine, la signification du mot « enfant » dévoile que l’enfant est

considéré comme un petit être qu’il convient de protéger mais qui n’a pas le droit à la parole et

donc qui n’a pas d’opinion. L’enfant est considéré comme tel jusqu’à ses 18 ans, car une fois

la majorité acquise, le majeur est libre de ses choix.

Une famille est composée de parents et d’enfants. Typiquement, les individus se marient

et fondent une famille. Néanmoins, de nos jours, il y a de plus en plus de divorces. C’est la

rupture de la famille, en particulier entre les parents qui se déchirent. La difficulté réside lorsque

le couple a des enfants car le juge doit trancher le divorce parents mais aussi fixer les modalités

concernant les enfants. Le divorce est uniquement entre le couple et parfois celui-ci peut être

tellement en conflit que l’intérêt de l’enfant n’est pas pris en considération. Des enfants sont en

souffrance à cause du divorce de leurs parents. Le divorce est vu comme une affaire des grands,

excluant alors l’enfant. Or, il est devenu nécessaire de faire intervenir l’enfant dans le divorce

de ses parents. François Dolto a pu écrire dans un son ouvrage « La cause de l’enfant », que

« Le divorce est un arrangement entre parents qui décident de se séparer et ce sont les

enfants qui prennent le choc. Quant à la garde des enfants divorcés, elle fait l'objet de décisions

qui sont souvent une violation pure et simple des droits de l'être humain ». C’est pour cela qu’il

a fallu modifier le droit pour protéger les enfants. Quand le juge aux affaires familiales prend

une décision, celle-ci doit toujours être dans l’intérêt de l’enfant. Il est le garant de leurs intérêts.

Au fur et à mesure de l’évolution de la société, le législateur a fait en sorte de placer l’enfant au

centre de la scène juridique en lui donnant des droits mais il y a eu des hésitations

jurisprudentielles et une reconnaissance tardive de son droit d’audition.

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Historique. La première loi qui reconnait l’audition de l’enfant date du 11 juillet 19751

sur le divorce. D’après cette loi, lorsque le juge statuait sur l’autorité parentale, celui-ci pouvait

procéder à l’audition de l’enfant dans le cas où elle était nécessaire et ne présentait pas

d’inconvénient. Dès le début des limites étaient prévues à l’audition car en cas d’inconvénient,

le juge devait la refuser. Les juges ayant une certaine réticence à auditionner l’enfant,

l’utilisaient que de manière exceptionnelle.

Évolutions législatives. Le législateur est donc intervenu par une loi du 22 juillet 19872

sur l’exercice de l’autorité parentale, loi dite Malhuret. Par cette loi, le législateur oblige les

juges à entendre les mineurs de plus de 13 ans en cas de divorce entre ses parents. Le juge

pouvait refuser d’entendre l’enfant à condition de motiver sa décision. Si l’enfant avait moins

de 13 ans, l’audition restait exceptionnelle, le juge décidait suivant l’opportunité de cette

mesure. L’objectif de la loi était de banaliser l’audition d’où l’obligation d’entendre les mineurs

de 13 ans. Le choix de l’âge n’est pas un hasard car c’est aussi la majorité pénale. Mais cela ne

fut pas un grand succès puisque les juges essayaient de déroger à cette obligation notamment

en utilisant une enquête sociale. Au cours de celle-ci, les enquêteurs sociaux entendaient déjà

l’enfant et c’est donc pour cette raison que le juge refusait une audition qui n’était pas

nécessaire. L’enfant avait déjà été écouté.

Une nouvelle modification a donc été apportée. S’inspirant de la convention

internationale des droits de l’enfant, le législateur a introduit, par la loi du 8 janvier 19933,

l’article 388-1 du C. civ. Ce dernier prévoyant « Dans toute procédure le concernant, le mineur

capable de discernement peut, sans préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou

son consentement, être entendu par le juge ou la personne désignée par le juge à cet effet.

Lorsque le mineur en fait la demande, son audition ne peut être écartée que par une décision

spécialement motivée. Il peut être entendu seul, avec un avocat ou une personne de son choix.

Si ce choix n'apparaît pas conforme à l'intérêt du mineur, le juge peut procéder à la désignation

d'une autre personne. L'audition du mineur ne lui confère pas la qualité de partie à la

procédure. ». L’audition est donc devenue une généralité. La référence de l’âge a été supprimée.

Il est simplement fait mention de son discernement. Cette loi a pour but de renforcer les intérêts

de l’enfant puisqu’il pourra toujours s’exprimer dans la procédure de divorce de ses parents.

1 Loi n° 75-617 du 11 juillet 1975 portant réforme du divorce, JORF n°0161 du 12 juillet 1975 p. 7171 2 Loi n°87-570 du 22 juillet 1987 sur l’exercice de l’autorité parentale, JORF du 24 juillet 1987 p. 8253 3 Loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 modifiant le code civil relative à l'état civil, à la famille et aux droits de l'enfant

et instituant le juge aux affaires familiales (1), NOR : JUSX9100195L, JORF n°7 du 9 janvier 1993 p. 495

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Cependant, une loi du 5 mars 20074 sur la protection de l’enfance est intervenue en

modifiant l’article 388-1 du C. civ. Dorénavant, l’audition aura lieu lorsque l’intérêt de l’enfant

le commande et elle sera de plein droit lorsqu’il en fera la demande. L’enfant a le droit de

refuser d’être entendu mais depuis 2007, le juge doit s’assurer du bien-fondé de ce refus. La loi

ajoute un élément essentiel dans l’article car le juge doit vérifier que le mineur a été informé de

son droit d’être entendu. Celui-ci est essentiel pour un enfant, il doit donc être informé de cette

faculté. Ainsi, la France s’est mise en conformité aux exigences internationales et

communautaires.

Actuellement. Au fur et à mesure des années, le législateur affine le droit de l’enfant

mais le texte ne prévoyait pas les conditions dans lesquelles l’audition devait se dérouler. En

pratique les dispositions étaient floues, ce qui a mené à une dernière modification dans ce

domaine.

En effet, le décret du 20 mai 20095 ,relatif à l’audition de l’enfant en justice, a comblé

les vides juridiques. Ce décret précise le régime du recueil de la parole de l’enfant ainsi que les

conditions dans lesquelles le contenu de l’audition est retranscrit.

Par toutes ces modifications du droit d’audition, la France a su accorder une place à

l’enfant dans le divorce de ses parents. Ce droit est toujours à l’article 388-1 du C. civ. qui

prévoit « Dans toute procédure le concernant, le mineur capable de discernement peut, sans

préjudice des dispositions prévoyant son intervention ou son consentement, être entendu par le

juge ou, lorsque son intérêt le commande, par la personne désignée par le juge à cet effet. Cette

audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande. Lorsque le mineur refuse d'être

entendu, le juge apprécie le bien-fondé de ce refus. Il peut être entendu seul, avec un avocat ou

une personne de son choix. Si ce choix n'apparaît pas conforme à l'intérêt du mineur, le juge

peut procéder à la désignation d'une autre personne. L'audition du mineur ne lui confère pas la

qualité de partie à la procédure. Le juge s'assure que le mineur a été informé de son droit à être

entendu et à être assisté par un avocat. ». Dorénavant, le juge est obligé d’auditionner l’enfant

dès lors qu’il en fait la demande et qu’il remplit les conditions nécessaires. C’est une nouveauté

puisque la loi de 2007 impose au juge de motiver spécialement son refus.

4 Loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance, JORF n°55 du 6 mars 2007 p. 4215, texte

n° 7 5 Décret n° 2009-572 du 20 mai 2009 relatif à l'audition de l'enfant en justice, JORF n°0119 du 24 mai 2009, p.

8649, texte n° 10

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Par ailleurs, ce droit n’est pas seulement prévu dans le Code Civil mais il est aussi

mentionné aux articles 338-1 à 338-12 du C. pr. civ. qui régissent la procédure d’audition.

Après de nombreux changements, le législateur a, enfin, élaboré un droit à l’enfant de

s’exprimer.

Les procédures familiales. L’audition est possible dans différentes procédures mais la

réflexion ne portera que dans le cadre des procédures familiales. Ce sont les procédures qui

concernent les relations de l’enfant avec ses parents, en particulier le divorce. Dans cette

situation, le juge doit statuer sur différentes modalités qui vont avoir des répercussions sur la

vie de l’enfant, telles que l’autorité parentale et le droit de visite et d’hébergement.

Autorité parentale. La procédure sur l’autorité parentale fait partie des procédures

familiales dans lesquelles l’audition de l’enfant est possible. L’article 373-2-11 du C. civ.

prévoit « Lorsqu'il se prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale, le juge prend

notamment en considération : 1° La pratique que les parents avaient précédemment suivie ou

les accords qu'ils avaient pu antérieurement conclure ; 2° Les sentiments exprimés par l'enfant

mineur dans les conditions prévues à l'article 388-1 ». Cet article renvoi à l’article 388-1 portant

sur l’audition de l’enfant. En effet, pour prendre en considération les sentiments de l’enfant, le

juge doit entendre l’enfant afin de connaitre au mieux son ressenti sur la situation.

Droit de visite et d’hébergement. Dans le cadre d’un divorce, il convient de fixer la

résidence principale ainsi que des droits de visite et d’hébergement. Pour ce faire, le juge peut

recueillir l’avis de l’enfant lors d’un entretien pour savoir quelles sont les relations qu’il a avec

ses parents.

Le juge a différents moyens d’entendre l’enfant comme l’expertise ou l’enquête sociale.

Ce sont des mesures d’instruction ayant pour but d’obtenir la parole de l’enfant mais ce n’est

pas une audition au sens de l’article 388-1 du C. civ. Il n’est donc pas nécessaire de s’attarder

sur ces mesures.

Il est certain que l’enfant est entendu par le juge dans certaines procédures mais il reste

malgré tout un enfant sans grande maturité. Il ne faut pas qu’il supporte le poids de la décision,

c’est-à-dire qu’il ne doit pas se sentir responsable suivant ce que le juge va trancher. Un juste

équilibre doit être trouvé, sachant qu’un enfant est particulièrement influençable, ce qui signifie

que sa parole peut être troublée par la pression d’un des parents. La pression des parents est

définie comme un syndrome d’aliénation parentale. C’est lorsque les parents vont utiliser la

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parole de l’enfant afin d’obtenir une décision qui leur est favorable. Le juge doit donc être

vigilent en auditionnant l’enfant.

Problématique. Au vue de l’ensemble de ces éléments, il convient de se demander si :

La parole de l’enfant recueillie au cours d’une audition est-elle vraiment prise en

considération ?

Plan. Il conviendra d’examiner le déroulement de l’audition avec toutes ses modalités

avant de déterminer la portée de la parole de l’enfant recueillie durant l’audition.

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PARTIE 1. LE DÉROULEMENT DE L’AUDITION DE

L’ENFANT DANS LA PROCÉDURE DE DIVORCE

L’audition de l’enfant est un droit consacré en droit européen et international (Section

préliminaire). Cette dernière est admise uniquement sous certaines conditions (Section 1) qui

sont préalables à sa mise en œuvre (Section 2).

Section préliminaire. La consécration d’un droit d’audition en droit international et

européen.

Hormis le droit interne, la possibilité pour l’enfant de s’intégrer à une procédure qui le

concerne est reconnue par des textes d’une importance considérable. Cette faculté est autant

consacrée en droit international (§1) que par le droit européen (§2).

§1 - Un droit d’audition reconnu internationalement.

Le droit international a consacré des droits pour les enfants dans une convention de

New-York relative aux droits de l’enfant adopté le 20 novembre 1989, ratifiée en 1990 par la

France. Cette convention est aussi appelée « la convention relative aux droits de l’enfant » ou

la Convention Internationale des Droits de l’Enfant, la CIDE6. C’est un traité international qui

a pour but de reconnaître et de protéger les droits des enfants. Aujourd’hui, 196 États l’ont

ratifiée, c’est-à-dire tous les États hormis les États-Unis. Composée de 54 articles et de deux

protocoles, elle promulgue quatre principes : la non-discrimination, l’intérêt supérieur de

l’enfant, le droit à la vie, survie, et au développement, ainsi que le respect de l’opinion de

l’enfant. Ce dernier principe va autoriser l’enfant à être entendu dans les procédures qui

l’intéressent et à pouvoir exprimer son opinion, ses sentiments. L’intérêt de l’enfant signifie

qu’il doit passer avant tout, c’est-à-dire qu’il ne faut pas prendre des décisions qui pourraient

porter atteinte à l’enfant. C’est ce que prévoit l’article 3 de la Convention « Dans toutes les

décisions qui concernent les enfants, qu’elles soient le fait des institutions publiques ou privées

de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs,

6 Humanium, « Convention des droits de l’enfant » in humanium ensemble pour les droits de l’enfant, [en ligne] disponible sur : http://www.humanium.org/fr/convention/texte-integral-convention-internationale-relative-droits-enfant-1989/, consulté le 19/07/2016

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l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale. » Dès lors que la

procédure concerne l’enfant, son intérêt doit être pris en compte. Ce n’est pas le seul droit que

la Convention a reconnu.

Liberté d’expression. Il est prévu à l’article 13 de la CIDE « L’enfant a droit à la liberté

d’expression. Ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des

informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale,

écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen du choix de l’enfant. ». Ce texte a pour

but de laisser l’enfant s’exprimer comme s’il était un adulte. Ainsi, sa pensée a autant de valeur

que celle d’un adulte.

Le droit d’exprimer son opinion. Dans la CIDE, le droit de s’exprimer dans le cadre

de procédures judiciaires est reconnu à l’article 9 alinéa 2, qui admet la possibilité pour l’enfant

de participer aux débats concernant la séparation de ses parents. L’article affirme : « 1. Les

Etats parties veillent à ce que l’enfant ne soit pas séparé de ses parents contre leur gré, à moins

que les autorités compétentes ne décident, sous réserve de révision judiciaire et conformément

aux lois et procédures applicables, que cette séparation est nécessaire dans l’intérêt supérieur

de l’enfant. Une décision en ce sens peut être nécessaire dans certains cas particuliers, par

exemple lorsque les parents maltraitent ou négligent l’enfant, ou lorsqu’ils vivent séparément

et qu’une décision doit être prise au sujet du lieu de résidence de l’enfant. 2. Dans tous les cas

prévus au paragraphe 1 du présent article, toutes les parties intéressées doivent avoir la

possibilité de participer aux délibérations et de faire connaître leurs vues. ». Le premier alinéa

fait expressément référence à l’intérêt supérieur de l’enfant, ce dernier doit dicter le sens de la

décision. Le juge va se fonder sur cet intérêt pour déterminer ce qui est important pour l’enfant.

L’alinéa 2 prévoit expressément que l’intervention de l’enfant aux procédures judiciaires car il

est forcément intéressé dans le divorce de ses parents lorsqu’il doit décider avec qui il veut

vivre.

Ensuite, l’un des articles les plus importants sur le droit d’être entendu de l’enfant est

l’article 12 de cette même convention, qui se décompose en deux alinéas. Celui-ci affirme : «

1. Les États parties garantissent à l’enfant qui est capable de discernement le droit d’exprimer

librement son opinion sur toute question l’intéressant, les opinions de l’enfant étant dûment

prises en considération eu égard à son âge et à son degré de maturité. 2. À cette fin, on donnera

notamment à l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure judiciaire ou

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administrative l’intéressant, soit directement, soit par l’intermédiaire d’un représentant ou

d’une organisation approprié, de façon compatible avec les règles de procédure de la législation

nationale. ». Le premier paragraphe établi un principe général pour l’enfant de s’exprimer

tandis que le second mentionne que « l’enfant la possibilité d’être entendu dans toute procédure

judiciaire ou administrative l’intéressant ». C’est donc une avancée pour l’enfant qui n’est plus

un observateur dans les procédures mais un participant. C’est lui qui va choisir s’il préfère

participer ou rester passif dans une procédure où il a un intérêt. C’est une véritable

reconnaissance pour l’enfant de son droit d’audition.

Applicabilité directe. La France reconnaissait un droit d’audition à l’enfant, mais il a

fallu attendre un certain temps afin que la Cour de cassation admette l’effet direct de la CIDE.

Pour rappel, l’effet direct permet à un requérant de se prévaloir des dispositions d’un traité

international devant le juge interne. Le juge n’admettait pas qu’un requérant puisse invoquer la

CIDE au cours d’une procédure interne.

Ce refus d’effet direct a été affirmé dans un arrêt du 10 mars 19937 rendu par la première

chambre civile de la Cour de cassation où elle avait clairement exprimé « les dispositions de la

convention relative aux droits de l'enfant, […] ne peuvent être invoquées devant les tribunaux,

cette Convention, qui ne créé des obligations qu'à la charge des États parties, n'étant pas

directement applicable en droit interne ». En l’espèce, il s’agissait d’un couple qui se séparait

et afin de statuer sur le droit de visite et d’hébergement du père, leur enfant avait été entendu

au cours d’une enquête sociale. Le père invoquait que lors de l’audition de leur enfant, la mère

avait fait des pressions sur lui troublant ainsi ses véritables sentiments. Il arguait en outre, que

la cour d’appel avait méconnue les articles 1, 3, 9 et 12 de la CIDE car les juges n’avaient pas

procédé à une audition. Or la Cour de cassation avait confirmé l’arrêt en retenant que les

dispositions de la Convention susvisée n’étaient pas d’application immédiate donc le requérant

ne pouvait pas l’invoquer devant le juge interne. Ce n’est que quelques années plus tard que la

Cour de cassation a décidé de revenir sur sa jurisprudence.

Le revirement de jurisprudence est intervenu le 18 mai 2005 par deux arrêts dont un qui

portait sur le droit de visite et d’hébergement8. En l’espèce, un enfant vivait en France avec sa

mère mais celle-ci a décidé d’aller vivre aux États -Unis. Le père avait été débouté de sa

7 Cass, civ 1ère, 10 mars 1993, pourvoi n°91-11.310, Bull. civ. I, n°103, Chron. 203, obs. Rondeau-Rivier 8 Cass, civ 1ère, 18 mai 2005, pourvoi n° 02-20.613, Bull. civ. I, n° 212, AJ fam. 2005. 274, obs. Fossier ; D. 2005. 1909, note Egéa ; Dr fam. 2005, n°156, note Gouttenoire ; JCP 2005. II. 10081, obs. Granet et Strickler

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demande de résidence principale en première instance et en appel. Or la Cour de cassation avait

constaté que la jeune fille de 12 ans avait demandé à être auditionnée dans une lettre mais que

la cour d’appel n’en avait pas tenu compte. Le pourvoi portait sur les articles de 388-1 du C.

civ donc sur le droit interne. La Cour avait relevé d’office les dispositions de la CIDE en statuant

au visa des articles 3-1 et 12-2. La solution étant « Attendu que dans toutes décisions qui

concernent les enfants, l’intérêt supérieur de l’enfant doit être une considération primordiale ».

Elle admet enfin l’effet direct de la Convention alors même que le requérant ne l’invoquait pas.

La Cour veille à la bonne application de la CIDE.

Le droit international reconnait donc le droit d’audition pour l’enfant.

§2 - Le droit européen reconnaissant l’audition de l’enfant.

Les droits de l’enfant ont aussi été consacrés dans le droit européen. La France fait tout

pour promulguer l’intérêt supérieur de l’enfant.

La convention européenne sur l’exercice des droits de l’enfant. Elle date du 25

janvier 1996 et est entrée en vigueur le 1er juillet 2000. Elle met en valeur l’intérêt de l’enfant.

Une loi du 1er août 2007 a permis à la France de la ratifier. L’article 3 reconnait clairement à

l’enfant le droit d’être informé et d’exprimer son opinion dès lors que son droit interne estime

qu’il est capable de discernement. Par cet article, trois droits sont alors conférés à l’enfant : le

droit de recevoir les informations pertinentes, il pourra être consulté et exprimé son opinion, et

le juge devra l’informer des conséquences éventuelles de toute décision.

L’article 6 de cette convention impose au juge de vérifier que l’enfant a bien eu les

informations notamment sur sa possibilité de collaborer à la procédure. L’alinéa 3 prévoit que

le juge doit « dûment tenir compte de l’opinion exprimée ». Lorsque l’enfant est entendu, ce

n’est pas que pour la forme mais c’est aussi dans le but de prendre note de son opinion et de

mettre en avant ses intérêts. Mais d’autres conventions européennes consacrent explicitement

ou implicitement ce droit d’être entendu et de participer à la procédure.

La convention européenne des droits de l’homme. Celle-ci ne reconnait pas

expressément un droit d’audition à l’enfant mais la Cour européenne reconnait tout de même la

parole de l’enfant. En effet, elle accorde une place à la volonté de l’enfant à travers sa

jurisprudence mais elle ne l’impose pas dans toutes les procédures judicaires où l’enfant est

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présent. Elle l’a admis dans une affaire Hokkannen contre la Finlande le 23 septembre 19949.

En l’espèce, le père voulait la garde de sa fille alors que cette dernière ne voulait pas. La Cour

avait affirmé que la fille était suffisamment mûre pour que son avis puisse être pris en

considération.

Par sa jurisprudence, la Cour européenne montre qu’elle tient compte de la parole de l’enfant

et ce malgré l’absence de texte qui le prévoit.

Recommandations. Outre ces conventions, le 13 mars 200910, l’Assemblée

parlementaire du Conseil de l’Europe a adopté une recommandation afin de promulguer la

participation des enfants dans les décisions qui les concernent. Le titre de cette recommandation

« Promouvoir la participation des enfants aux décisions qui les concernent » ne laisse aucun

doute quant au but de celle-ci. L’assemblée soutient que les enfants doivent pouvoir participer

aux procédures judiciaires dans lesquelles ils sont impliqués. L’enfant étant concerné par les

droits de visite et d’hébergement, il pourra ainsi y participer

Charte des droits fondamentaux. Depuis le traité de Lisbonne, elle a la même valeur

qu’un traité international. Elle accorde simplement une liberté pour l’enfant de s’exprimer dans

l’article 24. Dans cette charte, il est dit que l’enfant donnera son opinion sur les sujets qui le

concerne. Cela confère une liberté pour l’enfant s’il veut intervenir dans la procédure.

Bruxelles II bis. Cette convention accorde une importance particulière à l’audition de

l’enfant. En effet, le juge refuse de délivrer un certificat donnant force exécutoire à la décision

en cas d’absence d’audition de l’enfant dans les procédures de droit de visite et d’hébergement.

L’article 41 le prévoit « Le juge d'origine ne délivre le certificat visé au paragraphe 1, en

utilisant le formulaire dont le modèle figure à l'annexe III (certificat concernant le droit de

visite), que si : […] b) toutes les parties concernées ont eu la possibilité d'être entendues ; et c)

l'enfant a eu la possibilité d'être entendu, à moins qu'une audition n'ait été jugée inappropriée

eu égard à son âge ou à son degré de maturité. » L’audition est donc une condition de

reconnaissance d’une décision sur un droit de visite. À défaut, l’État n’a pas d’obligation de

reconnaitre la décision si l’enfant n’a pas été auditionné au cours de la procédure. L’expression

« la possibilité d’être entendues » révèle que les États doivent s’assurer de l’organisation de

9 CEDH, Hokkanen c/ Finlande, 23 septembre 1994, n° 19823/92

10 Cons. Europe, ass parlementaire, recomm n°1864 du 13 mars 2009, n° 1864, « Promouvoir la participation des enfants aux décisions qui les concernent ».

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l’audition, que l’enfant puisse accéder à cette possibilité. Ce n’est pas un droit absolu pour

l’enfant car le refus du juge est admis dans certains cas.

Par ces nombreux textes, le droit de participer à la procédure de divorce des parents est

possible pour l’enfant. Ce droit est reconnu tant en droit international, européen et interne.

L’audition reste soumise à des conditions.

Section 1. Les conditions préalables à l’audition.

L’audition de l’enfant est soumise à des conditions (§1) avant sa mise en œuvre (§2).

§1 - Les conditions concernant l’enfant.

L’enfant voulant être auditionné doit remplir les conditions requises (A) mais il doit être

informé de son droit d’audition (B).

A. Deux conditions à respecter.

L’audition du mineur est soumise à deux conditions, c’est-à-dire que le juge ne pourra

pas la refuser si elles sont remplies. Il faut vérifier dans un premier temps que l’enfant est

capable de comprendre la situation donc qu’il soit doté de discernement (1) et que la procédure

le concerne (2).

1. Le discernement de l’enfant.

Discernement. La première condition est le discernement de l’enfant. Le défaut de

celui-ci entraine le refus d’audition de la part du juge. La demande sera alors irrecevable. Il est,

en effet, nécessaire que l’enfant puisse jouir d’un certain discernement pour comprendre l’enjeu

de la procédure.

Auparavant, la question du discernement n’était pas prévue puisque le texte avait posé

un âge à partir duquel l’enfant pouvait être entendu (13 ans). Mais depuis 1993, le texte

mentionne le « mineur capable de discernement ». Il faut donc que l’enfant soit doué de

discernement. La loi ne donne pas de définition de cette notion donc cette imprécision donne

lieu à des décisions différentes. Cela dépend de l’appréciation souveraine des juges, ce qui

entraine insécurité et incompréhension puisque certains juges admettent d’entendre des enfants

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âgés de 8 ans alors que d’autres refusent. C’est une source de conflit car souvent, l’une des

parties va invoquer le défaut de discernement pour contester l’audition.

Indice de discernement. Le discernement est apprécié de façon subjective car cela

dépend de chaque enfant suivant ses capacités intellectuelles, mentales. La circulaire du 3 mars

199311 a précisé que « Il appartient au juge de prendre en compte les différents éléments que

comporte ce critère tel que l’âge, la maturité et le degré de compréhension pour apprécier, dans

chaque cas dont il est saisi, si le mineur concerné répond à l’exigence légale. ». Elle énonce les

critères qu’il convient d’apprécier afin de déterminer si l’enfant est capable de discernement.

De son côté, la jurisprudence apporte des précisions concernant la définition de discernement.

En effet, dans un arrêt rendu du 23 novembre 201112, la Cour de cassation avait expliqué

que l’enfant doué de discernement devait prouver sa liberté intellectuelle. La solution était « la

cour d'appel, constatant sur cet enfant très jeune l'existence de pressions le plaçant au centre de

conflits d'intérêts ne lui laissant pas la possibilité de faire librement choix d'un avocat, a ainsi

fait ressortir son absence de discernement ». Par conséquent, il faut que l’enfant ait une liberté

d’opinion et qu’il ne subisse pas de pression de nature à alterner son choix. Les enfants sont

doués de discernement dès lors qu’ils résistent aux pressions des parents. En l’espèce, l’enfant

avait changé d’avis au cours de la procédure suites aux pressions faites par le père. Le contexte

familial est donc important pour apprécier le discernement de l’enfant. D’autres arrêts ont statué

dans le même sens. Lorsque le juge entrevoit des pressions sur l’enfant, il refuse

catégoriquement d’entendre l’enfant.

Degré de Maturité. La maturité de l’enfant est un élément essentiel, cela permet de

savoir s’il a assez de recul dans le conflit de ses parents. Les juges essaient de se fonder sur ce

critère afin d’éviter l’audition du mineur.

Par exemple dans un arrêt d’une cour d’appel du 14 février 201113, les juges avaient refusé

d’entendre l’enfant au motif que « Attendu que la capacité de discernement d'un enfant ne

dépend pas uniquement de la qualité de son expression verbale et de son niveau intellectuel,

mais est également liée au contexte affectif dans lequel l'audition peut être réalisée ; qu'à 8 ans,

Rebecca peut effectivement avoir une expression de qualité pour son âge, mais qu'elle ne se

11 Circulaire du 3 mars 1993 relative à l'état civil, à la famille et aux droits de l'enfant, JORF n°70 du 24 mars 1993 p. 4551 12 Cass, civ 1ère, 23 novembre 2011, n° 10-16.367, NP ; Dr fam. 2012, n°30, note Neyrinck, Jurisdata n°2011-030679 13 Cour d’appel de Lyon, 14 février 2011, n° 09/06530

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trouve pas dans un climat de sérénité suffisante pour que sa demande en premier lieu, puis sa

parole en second lieu, puissent être considérées comme lui étant personnelles, et détachées de

toute influence et pressions ». Le juge vérifie le contexte familial de l’enfant car celui-ci doit

justifier de ses propres paroles or en l’absence de discernement et de maturité, il sera influencé

par ses parents. L’arrêt dit « Rebecca peut effectivement avoir une expression de qualité pour

son âge », ce qui laisse penser que les juges peuvent vérifier le discernement selon le

vocabulaire, les expressions ou les capacités intellectuelles de l’enfant. Par exemple un enfant

handicapé qui n’a pas les facultés mentales nécessaires ne sera pas qualifié de « mineur capable

de discernement ».

Âge. Les juges peuvent prendre en considération l’âge de l’enfant pour analyser son

discernement mais ils ne peuvent pas refuser en se fondant exclusivement sur l’âge. Dans un

arrêt du 18 mars 201514, la Cour de cassation avait cassé un arrêt au motif que les juges du

fonds n’avaient pas auditionné l’enfant âgé de 9 ans. Or la Cour a estimé « Qu'en se déterminant

ainsi, en se bornant à se référer à l'âge du mineur, sans expliquer en quoi celui-ci n'était pas

capable de discernement, et par un motif impropre à justifier le refus d'audition, la cour d'appel

a privé sa décision de base légale ». Les juges ne peuvent donc pas s’appuyer sur l’âge pour

refuser l’audition. Cela reste seulement un indice du discernement.

Études. Étant donné les imprécisions du texte, la jurisprudence est variable car chaque

juge interprète à sa manière. Des difficultés apparaissent pour savoir si l’enfant sera entendu ou

non. C’est d’autant plus vrai que le Défenseur des droits a rendu dans son rapport en 200815

qu’il existait des écarts importants suivant les juridictions. Ce rapport avait constaté cette

divergence. Il en résulte que « Certaines juridictions définissent un âge : dès 7 ans à Versailles,

à Dijon et Bordeaux 8 ans, à Paris et Chartres à 10 ans, ou une fourchette d’âge : Béthune 7-8

ans, Strasbourg 10-12 ans, à partir de 13 ans en Polynésie française. Certains magistrats (par

exemple à la Cour d’appel de Douai) ne fixent pas d’âge car ils considèrent que cet âge varie

d’un enfant à l’autre et l’apprécient au cas par cas. » Il présente que les juges ont des

appréciations diverses entrainant une incertitude pour les enfants. Ce rapport laisse paraitre que

les juges prennent en compte l’âge comme critère de discernement. Le Défenseur des droits

avait en outre remarqué que les décisions de refus des juges ne sont pas particulièrement

14 Cass, civ 1ere, 18 mars 2015, 14-11.392, Bull. civ. I, n°161 ; Dalloz actualité, 8 avril 2015, obs. Kébir ; Procédures 2015, note Douchy-Oudot 15 La Défenseure des droits, « Enfants au cœur des séparations parentales conflictuelles" in La documentation

française [en ligne], disponible sur : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/084000714/,

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motivées car les justifications sont toujours le jeune âge et l’absence de discernement. L’âge

revient toujours en avant alors que la loi ne prévoit pas ce critère.

Une autre étude récente de Luc Briand16, magistrat, a démontré que trois tranches d’âges

se distinguaient. Il en ressort que pour les enfants âgés de moins de 10 ans, les juridictions

refusaient l’audition et qu’au-delà, le principe était l’acceptation sous condition de

discernement.

Il résulte clairement que mêmes les études ne sont pas concordantes au niveau des âges.

Malgré tout, le discernement reste une condition devant être remplie pour auditionner le mineur

mais il faut un critère supplémentaire.

2. L’enfant doit être concerné par la procédure.

L’article 388-1 du C. civ. mentionne « Dans toute procédure », ce qui signifie qu’une

procédure doit être en cours. L’enfant est un incapable, il n’a donc pas la capacité à ester en

justice.

Procédure intéressant le mineur. Le texte continue en précisant « toute procédure le

concernant » mais la liste des procédures n’est pas précisée. Cela apporte une imprécision car

les juges n’ont pas la même appréciation. Ils ne savent pas à quel point la procédure doit

intéresser l’enfant. Faut-il un lien fort entre l’enfant et la procédure pour admettre sa

participation ? Une circulaire est venue combler le vide juridique laissé par cette notion.

La circulaire de 1993 précise le terme de procédure, elle prévoit « 1. 1. 2. S’agissant des

procédures visées, s’il va de soi qu’elles recouvrent pour une large part celles liées à la

séparation ou au divorce dans la mesure où les conditions de vie du mineur vont être le plus

souvent modifiées […], il apparaît néanmoins que ces intérêts doivent être personnels ; directs

et certains, mais peu importe, en revanche, qu’ils soient immédiats ou futurs, matériels ou

moraux. ». L’intervention de l’enfant est autorisée en cas de séparation ou de divorce mais

encore faut-il qu’il ait un intérêt personnel. Lorsque le juge statue sur un divorce, il va

obligatoirement trancher sur la résidence de l’enfant ainsi que sur l’autorité parentale donc

l’enfant a forcément un intérêt direct et personnel. Ces modalités le touchent personnellement.

La décision du juge va modifier la vie de l’enfant. Ce sont des procédures qui intéressent

16 Briand L., « L’audition du mineur devant le JAF : examen des arrêts d’appel », AJ fam. 2014, p. 22

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l’enfant car le juge va fixer sa résidence. Il ne faut pas confondre avec l’intérêt à agir de l’enfant

qui exige une prétention juridique.

Procédure sur la pension alimentaire. La procédure qui statut sur la pension

alimentaire a fait débat. En effet, il n’est pas certain que l’enfant soit véritablement intéressé

par le montant de la pension alimentaire. Certains juges ont refusé d’écouter l’enfant quand la

procédure portait exclusivement sur les intérêts financiers tandis que d’autres acceptaient en

estimant que le montant de la pension alimentaire pouvait influencer les conditions et le mode

de vie de l’enfant. La circulaire mentionne ce point : « Les procédures extrapatrimoniales seront

le plus souvent concernées, et particulièrement celles relatives aux modalités d’exercice de

l’autorité parentale. Mais le nouveau droit pourra également être exercé dans des procédures

aux implications financières ». Ce qui laisse la possibilité pour le juge d’auditionner l’enfant

dans le cadre des procédures à portée financière.

La loi du 5 mars 2007 a modifié l’article 388-1 du C. civ. en rajoutant « lorsque son

intérêt le commande ». Le simple intérêt de l’enfant dans la procédure justifie son audition. De

plus, l’article 371-1 du C. civ affirme clairement « les parents associent l’enfant aux décisions

qui le concernent, selon son âge et son degré de maturité ». L’intervention de l’enfant se fait

par les parents qui doivent l’associer si la décision intéresse l’enfant.

Présomption. Il existe une présomption selon laquelle il va de l’intérêt de l’enfant de

ne pas se voir imposer une décision sans qu’il n’ait été consulté. Elle a été mise en place par la

combinaison des articles 3-1 et 12-2 de la CIDE puis confirmée par un arrêt du 18 mai 200517.

La Cour de cassation avait statué au visa de ces deux articles au motif que « la considération

primordiale de l'intérêt supérieur de l'enfant et le droit de celui-ci à être entendu lui imposaient

de prendre en compte la demande de l'enfant », en l’espèce, la cour d’appel avait refusé

d’auditionner l’enfant alors qu’il en avait expressément fait la demande par lettre. Dès lors que

l’enfant capable de discernement est concerné par la procédure, le juge doit l’auditionner sauf

en cas de décision spécialement motivée.

Il est nécessaire que l’enfant remplisse les deux conditions pour que son audition puisse

être mise en œuvre mais encore faut-il qu’il sache qu’il a la possibilité d’être entendu.

17 Cass, civ 1ère, 18 mai 2005, n° 02-20.613, Bull. civ. I, n°212 ; AJ fam. 2005.274, obs. Fossier ; D. 2005. 1909, note Egéa ; Dr fam. 2005, n°156, note Gouttenoir ; JCP 2005. II. 10081, obs. Granet et Strickler

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B. L’information de l’enfant de son droit d’audition.

En principe, les parents informent leurs enfants de son droit à être entendu (1) mais il

arrive qu’ils ne procèdent pas à cette formalité obligeant le juge à le faire (2).

1. L’information du mineur de sa possibilité d’agir par les parents.

Information de l’enfant du droit d’être auditionné. Avant de demander un entretien

avec le juge, l’enfant doit déjà savoir qu’il a cette faculté. Ce droit à l’information de l’enfant

provient directement de la CIDE. Cette dernière admet que l’enfant doit être informé de son

droit d’audition et des conséquences de celle-ci. Le législateur s’est inspiré de cette convention

en admettant cette prérogative en droit français.

En effet, la loi prévoit clairement que ce sont les parents ou les personnes ayant l’autorité

parentale qui doivent informer l’enfant, ce qui est prévu par l’article 338-1 du C. pr. civ. « Le

mineur capable de discernement est informé par le ou les titulaires de l'exercice de l'autorité

parentale, le tuteur ou, le cas échéant, par la personne ou le service à qui il a été confié de son

droit à être entendu et à être assisté d'un avocat dans toutes les procédures le concernant. ».

C’est donc toute personne qui s’occupe de l’enfant, c’est-à-dire les parents, un tuteur si l’enfant

est sous tutelle ou un service lorsque l’enfant est placé qui doit avertir l’enfant qu’il peut écrire

au juge pour donner son opinion. Ces personnes lui apprennent aussi l’enjeu et les conséquences

que l’audition peut avoir dans les relations avec ses parents.

L’alinéa 2 du même article dudit Code prévoit « Lorsque la procédure est introduite par requête,

la convocation à l'audience est accompagnée d'un avis rappelant les dispositions de l'article 388-

1 du C. civ. et celles du premier alinéa du présent article. Lorsque la procédure est introduite

par acte d'huissier, l'avis mentionné à l'alinéa précédent est joint à celui-ci. ». Les parents vont

recevoir cet avis dans leur convocation. Cette modalité n’est pas adaptée à toutes les situations

car il arrive que l’enfant soit placé et qu’il n’ait pas de contact avec ses parents.

Par ailleurs, les parents peuvent refuser d’informer leurs enfants en estimant que ce

serait contraire à son intérêt et que cela risque de le placer dans le conflit parental. Des

circonstances peuvent justifier ce refus.

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2. L’intervention du juge dans l’information de l’enfant.

Obligation du juge. Le juge doit s’assurer que l’enfant a bien reçu l’information.

L’article 388-1 alinéa 4 du C. civ. l’affirme clairement « Le juge s'assure que le mineur a été

informé de son droit à être entendu et à être assisté par un avocat. ». En cas de défaillance des

parents, le juge va pallier à cette inertie en notifiant directement son droit à l’enfant.

La circulaire du 3 juillet 2009 prévoit qu’ « en l’absence de demande d’audition de la

part du mineur capable de discernement, la preuve de ce qu’il a bien été destinataire des

renseignements exigés par l’article 388-1 du C. civ. pourra notamment être rapportée par un

écrit signé des parents, mentionnant qu’ils ont informé le mineur de ses droits et que celui-ci ne

souhaite pas en faire usage.»18. Dans tous les cas, il faut prouver que l’enfant a été informé de

la possibilité de se faire entendre. Mais le juge n’est pas obligé de rechercher dans tous les

procès que l’enfant a bien été informé.

Dans un arrêt du 26 juin 201319, la Cour de cassation affirme « Le demandeur n'est pas

recevable à reprocher à la cour d'appel d'avoir omis de rechercher si sa fille avait été informée

de son droit à être entendue par le juge et assistée par un avocat dès lors qu'il ne s'est pas prévalu

de ce prétendu défaut d'information devant les juges du fond. ». Si les parents souhaitent

invoquer le défaut d’information, c’est possible en cours de procès, à défaut ils ne pourront pas

reprocher au juge de vérifier l’information.

En outre, une question a été posée au Ministre de la Justice en 200820. La question était

de savoir si le juge devait recevoir tous les enfants capables de discernement pour s’assurer

qu’ils avaient bien été informés de leur droit d’audition. La réponse ministérielle fût « Cet

article (388-1), dans sa rédaction issue de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007, prévoit que le

juge doit s'assurer que le mineur a été informé de son droit à être entendu et à être assisté par

un avocat. Il ne paraît cependant pas opportun d'imposer au magistrat de recevoir

systématiquement l'enfant pour lui indiquer cette possibilité. ». Selon le Ministre de la Justice,

le juge n’est pas obligé de convoquer chaque enfant pour savoir s’il a été correctement informé.

Pouvoir du juge. En présence de parents passifs, le juge leurs enjoint d’informer les

enfants. C’est ce qu’a reconnu un arrêt d’une cour d’appel en 200721 ayant comme solution « Il

18 Bonfils Ph., Gouttenoire A., « Droit des mineurs », 2e éd, Précis Dalloz, 2014, p. 1278 19 Cass, 1ère civ, 26 juin 2013, N° 12-17.275, 661, Bull. civ. I, JurisData n°2013-013139

20 Rép. min. à la QE n°36623 du 2 décembre 2008, JOAN Q, 30 juin 2009, p. 6646 21 Cour d’appel Montpellier, 1er août 2007, n° 06/8293. JurisData n°2007-345051

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convient donc de faire injonction aux parties d'informer les enfants de leur droit d'être entendu

par la Cour, d'être assisté d'un avocat et d'indiquer par écrit de ce qu'ils ont délivré

l'information. ». Si le juge voit que les parents de l’enfant n’ont fait aucune démarche, il pourra

alors faire une injonction pour que l’information ait lieu. Cette possibilité est reconnue par la

jurisprudence.

Ce n’est qu’une fois informé que l’enfant pourra faire sa demande.

§2 – L’audition demandée.

Pour que l’audition soit mise en œuvre, une demande doit être remise au juge (A) même

si celui-ci peut la rejeter (B).

A. La demande d’audition.

L’enfant lui-même osera demander l’audition (1) mais il est acquis que les parents ont

cette faculté ainsi que le juge (2).

1. La demande de l’enfant.

La demande d’audition est à l’article 338-2 du C. pr. civ. « La demande d'audition est

présentée sans forme au juge par le mineur lui-même ou par les parties ». Soit l’enfant demande

l’audition lui-même en s’adressant au juge soit les parents demandent cette audition.

Forme de la demande. La loi n’exige aucune formalité concernant la demande.

L’absence de formalisme favorise l’accès à l’enfant. Ce dernier a plusieurs options pour saisir

le juge comme l’écriture d’une lettre ou une demande verbale. Dans le cas le plus courant,

l’enfant écrit une lettre simple. Seul l’enfant doit en faire la demande, le recours à un

intermédiaire est prohibé.

La Cour de cassation a rendu un arrêt le 19 septembre 200722 statuant en ce sens. La

demande d’audition avait été formulée par une assistante sociale. La cour d’appel n’avait pas

accepté cette sollicitation, ce qui faisait l’objet du pourvoi. Le requérant invoquait une violation

des articles 3 et 12 de la Convention de New-York. Or la Cour a confirmé la solution en

22 Cass, 1ère civ, 19 septembre 2007, n° 06-18.379, Bull. civ. I, n° 286 ; Dr fam. 2008, n°192, obs Murat ; obs. Thierry ; RTD civ. 2008

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affirmant « la demande d'audition du mineur doit être présentée au juge par l'intéressé ; que la

cour d'appel n'était pas tenue de répondre, par une décision spécialement motivée, à une

attestation rédigée par un tiers faisant indirectement état du souhait de l'enfant d'être entendu ».

Cet arrêt démontre que l’enfant doit demander lui-même l’audition sans avoir recours à un tiers

pour le faire, même si c’est un proche de la famille. La situation est différente lorsque cette

demande provient d’un avocat que l’enfant a consulté. Dans ce cas, l’avocat rédige une lettre

de demande d’audition au nom de l’enfant (Annexe 1).

La demande de l’enfant est de droit, c’est ce que reprend l’article 388-1 du C. civ.

« Cette audition est de droit lorsque le mineur en fait la demande ». Cela signifie que le juge ne

décline la demande qu’à certaines conditions qui sont le défaut de discernement ou que l’enfant

n’est pas concerné par la procédure.

Moment. L’article 338-2 du C. pr. civ. précise le moment de la demande qui a lieu

quelque soit l’étape de la procédure « Elle peut l'être en tout état de la procédure et même pour

la première fois en cause d'appel. ». Cet article a pour but de favoriser l’audition de l’enfant car

il est possible d’exercer une demande même en appel. C’est nécessaire car l’enfant est souvent

indécis et il risque de changer d’avis. Cette disposition lui assure donc d’être entendu. La

demande peut donc intervenir à tous les stades de la procédure. C’est ainsi que la Cour de

cassation a jugé dans un arrêt du 24 octobre 201223 dans lequel la cour d’appel avait refusé

d’entendre le mineur au motif que « ce texte ne lui confère cependant pas la possibilité d'exiger

d'être entendu à tous les stades de cette même procédure ». Cet arrêt a été cassé par la Cour au

visa des articles 338-2 du C. pr. civ. et 388-1 du C. civ. Selon elle, la cour d’appel avait violé

ces articles car « Qu'en statuant ainsi, après avoir constaté que l'enfant avait, par lettre reçue au

greffe le 6 janvier 2011, soit le lendemain de l'audience de plaidoirie, sollicité son audition ».

En l’espèce, la cour d’appel avait refusé l’audition de l’enfant alors que sa demande était

recevable. Sa demande en cours de délibéré entraine la réouverture des débats. L’ordonnance

de clôture des débats sera alors révoquée afin de recevoir la sollicitation de l’enfant.

Le risque d’admettre l’audition à tous les stades de la procédure, est que l’enfant fasse

l’objet d’une manipulation parentale. En effet, entre temps, le juge a pu demander une expertise

23 Cass, 1ère civ, 24 octobre 2012, n°11-18.849, Bull. civ. I, n°212 ; JCP 2012.2029, obs. Favier ; RJPF 2012-12/36, obs. Eudier ; AJ fam. 2012.612, obs. Rovinski

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ou une enquête sociale. Si l’un des parents est en désaccord avec ce rapport il incitera l’enfant

à agir en réclamant un entretien avec le juge pour détourner le rapport.

2. La demande faite par les parties ou par le juge.

L’article 338-2 du C. pr. civ. admet que « les parties » peuvent faire une demande

d’audition. Cela fait référence aux parents qui sont en instance de divorce. Ce sont les parents

qui vont demander à ce que leur enfant soit auditionné. Dans ce cas, le juge apprécie

souverainement l’opportunité de l’audition. Il va vérifier si l’audition est dans l’intérêt de

l’enfant. Celui-ci a le choix d’accepter ou de refuser car, parfois il arrive qu’un enfant préfère

rester en dehors de la procédure de ses parents pour éviter les conflits. Ainsi, ce sera au juge

d’évaluer le refus, c’est-à-dire si cela résulte bien de sa propre volonté. Ce qui semble

surprenant car si le juge estime que le refus n’est pas fondé, il forcera l’enfant à participer à la

procédure.

En outre, le juge a la faculté d’auditionner l’enfant sans qu’aucune demande

n’intervienne. L’article 373-2-2 du C. civ. énonce que le juge prend en considération les

sentiments de l’enfant lorsqu’il statut sur les modalités de l’autorité parentale. Cet article

renvoie à l’article 388-1 qui mentionne « l’enfant peut être entendu ». Implicitement, le juge a

l’initiative d’auditionner l’enfant, rien dans la loi ne l’interdit. Mais encore faut-il que cette

audition soit nécessaire et non contraire aux intérêts de l’enfant.

B. La décision du juge sur la demande d’audition.

Il n’y a pas d’obligation pour le juge qui peut refuser tant la demande faite par l’enfant

(1) que par les parents (2).

1. La demande de l’enfant refusée.

Le juge refuse d’entendre l’enfant dès lors que ce dernier ne remplit pas les conditions

requises, c’est-à-dire le discernement et le critère de la procédure qui doit concerner l’enfant.

Refus de la demande de l’enfant. Les conditions du refus d’audition sont prévues à

l’article 338-4 du C. pr. civ. « Lorsque la demande est formée par le mineur, le refus d'audition

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ne peut être fondé que sur son absence de discernement ou sur le fait que la procédure ne le

concerne pas. ». Ce sont les seuls arguments sur lesquels le juge doit se fonder. Le refus

d’audition doit toujours être motivé. Dans une décision du Défenseur des droits en date de

201224, il avait constaté que « Lorsque le discernement est écarté, l'étude des décisions dont le

Défenseur des droits est saisi montre que, dans la plupart des cas, la motivation est très générale,

se fondant seulement sur le jeune âge de l'enfant et l'absence de discernement, sans faire l'objet

de développement plus détaillé ». Les juges ont l’obligation de motiver leur décision en

apportant des précisions sur ce refus. Ils ne peuvent pas simplement préciser que l’enfant n’a

pas de discernement Le défendeur des droits dans cette décision recommande donc « que le

refus d'audition du mineur doit être motivé de manière explicite et concrète ». Une motivation

détaillée est nécessaire.

Décision insusceptible de recours. L’article 338-5 du C. pr. civ. affirme que l’enfant

n’a aucun moyen de contester le refus « La décision statuant sur la demande d'audition formée

par le mineur n'est susceptible d'aucun recours. ». L’impossibilité du recours est due à l’absence

de la qualité de partie de l’enfant. De même, si le juge refuse la demande faite par l’enfant, les

parents ne peuvent pas faire de recours.

2. La demande d’audition des parents refusée.

Refus d’une demande de l’une des parties. Il arrive que le juge rejette la demande

d’audition faite par les parents. Dans la même décision précédemment citée, le défendeur a

rappelé « que le caractère manifestement contraire à l'intérêt de l'enfant de l'audition peut fonder

le refus d'audition conformément à l'article 373-2-6 du Code Civil. ». Il apparait que le juge

peut se fonder sur l’intérêt de l’enfant pour décliner la demande faite par les parents.

Dans un arrêt de la Cour de cassation en date du 16 décembre 201525, un père avait

formé un pourvoi contre le rejet d’audition concernant en l’espèce une procédure sur les

modalités de l’exercice de l’autorité parentale. Or la Cour a rejeté ce pourvoi au motif que la

cour d’appel avait souverainement estimé que ce n’était pas dans l’intérêt de l’enfant d’être

auditionné. La Cour avait rappelé qu’« aux termes de l’article 338-4 du code de procédure

24 Décision du Défendeur des droits, 15 juin 2012, n° MDE-2012-158

25 Cass, civ 1ère, 16 décembre 2015, n°15-10.442, Bull.civ. I, n° 1449, JurisData n° 2015-027902

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civile, lorsque la demande d’audition de l’enfant est formée par les parties, elle peut être refusée

si le juge ne l’estime pas nécessaire à la solution du litige ou si elle lui paraît contraire à l’intérêt

de l’enfant mineur ». Cet arrêt révèle clairement que le juge a l’opportunité d’accepter ou de

refuser.

Recours de la partie. Contrairement à la demande de l’enfant, celle des parents n’est

pas de droit car le juge peut la refuser. Mais la partie pourra exercer un recours sauf qu’il est

admis uniquement avec la décision sur le fond. Ce recours sera soumis aux articles 150 et 152

du C. pr. civ. Le juge n’est pas le seul à pouvoir refuser l’audition. En effet, il est admis que

l’enfant lui-même peut refuser d’être auditionné quand la demande ne provient pas de lui. Dans

ce cas, le juge devra apprécier le bien-fondé du refus de l’enfant.

Section 2. La mise en œuvre de l’audition.

L’audition doit respecter certaines modalités (§1) afin d’assurer son déroulement (§2).

§1 - Les modalités de l’audition.

L’enfant va être convoqué par le juge (A) qui devra lui expliquer qu’il peut venir

accompagné à l’audition (B).

A. La convocation de l’enfant par le juge.

Formalités. Lorsque le juge approuve l’audition, il doit le mentionner dans le dossier

ou au registre d’audience. L’article 338-3 du C. pr. civ. régie cette formalité. Le juge doit alors

convoquer l’enfant en lui indiquant la date et l’heure (Annexe 2). La convocation se fait par

lettre simple. Cette modalité est fixée à l’article 338-6 du C. pr. civ. « Le greffe ou, le cas

échéant, la personne désignée par le juge pour entendre le mineur adresse à celui-ci, par lettre

simple, une convocation en vue de son audition. ». Avant 2009, le juge devait prévenir l’enfant

par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et doublée par une lettre simple.

Cette formalité n’était pas adaptée à l’enfant car il n’a pas la capacité de signer l’avis de

réception. Le législateur a donc assoupli les modalités de convocation de l’enfant en retenant

qu’une simple lettre suffit.

Dans cette lettre de convocation, il convient d’énoncer que l’enfant peut recourir à une

personne pour l’assister lors de l’audition. Le juge doit alors s’assurer que l’enfant à bien eu

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connaissance de cette possibilité d’assistance mais rien n’oblige le juge à le vérifier. En effet,

la Cour de cassation avait choisi cette position.

Dans une affaire du 28 septembre 201126, un parent demandait la nullité de l’audition

en invoquant le fait que le juge n’avait pas recherché si l’enfant avait été informé de son droit

d’être assisté d’un avocat. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi en estimant que « Attendu

ensuite que Mme A... n'est pas recevable à reprocher à la cour d'appel d'avoir omis de rechercher

si C... avait été informée de son droit à être assistée d'un avocat dès lors que la charge d'une

telle information lui incombait ». Par conséquent, les parents ont un devoir de vérification. C’est

eux qui vont garantir le droit d’assistance de l’enfant en l’informant. Les parents sont en contact

direct avec l’enfant, il semble donc plus opportun qu’ils l’informent.

De plus, cet article dudit code spécifie que les parents doivent être informés que leur

enfant sera auditionné, « Le même jour, les défenseurs des parties et, à défaut, les parties elles-

mêmes sont avisés des modalités de l'audition. ». Il est normal qu’ils soient avisés de cette

audition. C’est le respect du principe du contradictoire. Les deux parties seront averties dans

les mêmes circonstances. La loi ne détermine pas quelles sont les modalités d’information des

parties.

Dans un arrêt du 3 décembre 200827, le juge avait décidé d’office d’entendre l’enfant

dans le cadre d’un exercice de droit de visite et d’hébergement sans aviser les parents. La Cour

de cassation avait annulé l’arrêt au motif que la cour d’appel avait violé l’ancien article 388-1

du C. civ. La solution étant « sans qu'il ressorte de la décision attaquée ou du dossier de

procédure que les parents des enfants ou leurs conseils eussent été avisés de cette audition, la

cour d'appel a violé les textes susvisés ». Les parents sont obligatoirement alertés en cas

d’audition. C’est nécessaire pour le bon fonctionnement de la procédure.

26 Cass, civ 1ère, 28 septembre 2011, n°10-23.502, NP ; AJ fam. 2011. 546, obs. Briand ; RTD civ. 757, obs. Hauser ; procédures 2012, n°12, note Douchy- Oudot 27 Cass, civ 1ère, 3 décembre 2008, n°07-11. 552, Bull. civ. I, n°279 ; D. 2008. Obs. Granet-Lambrechts ; Dr. fam. 2009, Comm. 27, obs. Murat ; AJ fam. 2009. 31, obs. Robineau, JurisData n°2008-046076

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B. La possibilité d’être accompagné.

L’enfant a le choix d’être assisté par un avocat (1) ou une tierce personne (2).

1. L’avocat comme accompagnateur.

Dans la lettre de convocation, l’enfant est averti de sa faculté de venir accompagné.

C’est selon sa volonté. Il est précisé dans l’article 388-1 du C. civ que le juge doit s’assurer que

l’enfant a été informé de sa possibilité d’être assisté par un avocat.

Liberté de choix. S’il décide de prendre un avocat, il le choisi librement. La

désignation de l’avocat par l’enfant nécessite de renseigner le juge sur ce choix. En pratique, la

personne qui assiste l’enfant est essentiellement un avocat. Ce n’est pas le même avocat que les

parents car il doit protéger uniquement les intérêts de son client or s’il est aussi avocat de l’un

des parents, il y aura un conflit d’intérêt. L’enfant a de plein droit l’aide juridictionnelle, c’est-

à-dire qu’il n’a pas besoin de rémunérer son avocat et les parents n’ont pas à payer les frais de

leur enfant dans ce cas.

Choix du bâtonnier. Néanmoins, malgré cette liberté de l’enfant, il lui est difficile de

trouver un avocat car il ne connait pas le monde juridique. Dans ce cas, le juge pourra écrire au

bâtonnier afin qu’il désigne un avocat pour assister l’enfant. L’article 388-7 énonce ce

principe « Si le mineur demande à être entendu avec un avocat et s'il ne choisit pas lui-même

celui-ci, le juge requiert, par tout moyen, la désignation d'un avocat par le bâtonnier ». L’avocat

a un rôle d’assistance envers l’enfant et pas de représentation. Sa présence ayant pour effet de

le rassurer. L’avocat a interdiction d’intervenir à l’audition pour confier des éléments que

l’enfant lui aurait confiés. L’avocat a le droit d’accorder un rendez-vous à l’enfant afin de lui

expliquer le déroulement de l’audition et surtout l’apaiser car c’est impressionnant pour un

enfant d’aller devant le juge.

Par ailleurs, le 25 avril 2008 une charte nationale de l’avocat d’enfant a été adoptée par

la Conférence des bâtonniers. Cette charte vise à créer au sein de chaque Barreau un groupe de

défense des mineurs. Son but est de régir l’intervention des avocats spécialistes des mineurs. Il

est expressément formulé « En matière d’audition devant le juge aux Affaires familiales,

l’avocat précise au magistrat que l’enfant souhaite être entendu mais il ne révèle pas le contenu

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de l’entretien qu’il a eu avec l’enfant. Il assiste le mineur lors de son audition. »28. Cette charte

règle les différentes modalités sur l’audition de l’enfant ainsi que ses droits.

Dans certains barreaux, des groupes d’avocats spécialisés sont mis en place uniquement

pour assister les enfants. Par exemple, dans le cadre du Barreau de Bordeaux, un centre de

recherches d’information et de consultation sur les droits de l’enfant a été mis en place. Cette

structure regroupe des avocats spécialisés dans les droits de l’enfant. Ils ont, en effet, une

formation spécifique dans ce domaine. La présidente de cette structure était en faveur de la

présence obligatoire d’un avocat lorsque l’enfant est entendue par le juge aux affaires

familiales. Elle soutient que l’avocat va rassurer l’enfant dans 90% des cas, ainsi que lui

expliquer les conséquences de l’audition. 29

De même, le Barreau de Dijon a mis en place un « pôle mineur ». Les avocats de ce pôle

vont assister l’enfant dans les procédures devant le juge aux affaires familiales. Lorsqu’il est

nécessaire, le bâtonnier sélectionnera un avocat faisant parti de ce pôle pour qu’il assiste

l’enfant.

Par conséquent, ces actes dévoilent une volonté de faire intervenir un avocat au cours

de l’audition de l’enfant mais une tierce personne est aussi admise.

2. Un accompagnateur autre qu’un avocat.

Liberté de choisir. L’enfant choisi une personne pour l’assister comme le prévoit

l’alinéa 2 de l’article 338-6 du C. pr. civ. L’enfant désigne une personne de confiance. Souvent,

l’enfant va préférer un proche mais le juge a un pouvoir de substitution s’il apparait que la

personne n’est pas neutre, c’est-à-dire qu’elle soit liée avec l’une ou l’autre des parties. La

présence des parents est interdite car il y a un risque d’influence. La situation sera inconfortable

pour l’enfant qui n’osera pas exprimer ce qu’il ressent réellement.

Substitution. L’article 388-1 du C. civ. laisse une marge d’appréciation au juge

concernant la personne accompagnatrice. Il va contrôler que cette dernière est bien présente

dans l’intérêt de l’enfant. Le risque en substituant une personne par une autre, est de déranger

l’enfant. Celui-ci va se sentir bousculer par le juge. Il sera donc moins enclin à répondre aux

28 Commission Droit des Mineurs de la Conférence des Bâtonniers, « Charte Nationale de la Défense des Mineurs », p. 4 29 La Défenseure des droits, « Enfants au coeur des séparations parentales conflictuelles" in La documentation française [en ligne], disponible sur : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/084000714/,

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questions du juge. Ce dernier doit donc prendre les précautions nécessaires afin de créer une

bonne relation avec l’enfant. Quelque soit l’accompagnateur, sa présence a pour but de rassurer

l’enfant. Il ne doit pas parler au nom de l’enfant. L’enfant conserve son indépendance.

En cas de substitution de l’accompagnateur, la décision n’est pas susceptible de recours

car c’est une mesure d’administration judiciaire dont le but est d’être certain que l’audition est

lieu dans les meilleures conditions.

§2 - Le déroulement de l’audition.

Le juge lui-même va procéder à l’audition de l’enfant (A) mais une délégation est

admise (B).

A. L’audition faite par le juge.

Principe. L’auditeur est le juge. Celui-ci va procéder à l’audition seul ou en formation

collégiale. Si l’audition a lieu devant un membre de la formation collégiale, il devra alors rendre

des comptes aux autres membres. L’audition a lieu à n’importe quel moment c’est-à-dire que

le juge va fixer une date d’audience. Auparavant, il était possible d’auditionner l’enfant sur « le

champ » mais cela a été abrogé.

Déroulement. Concernant le déroulement de l’audition, c’est du cas d’espèce. En effet,

cela dépend essentiellement des circonstances de l’espèce puisque parfois l’enfant a un avocat,

un proche ou il est seul. Le juge va essayer de mettre à l’aise l’enfant pour éviter de

l’impressionner et qu’il soit inquiété de s’exprimer librement. La présence d’un greffier n’est

pas obligatoire.

Actuellement, la loi ne précise pas les conditions dans lesquelles l’audition doit se

dérouler. En cas de motif grave, les modalités de l’audition pourront être modifiées.

L’objectif du juge est d’instaurer un climat de confiance entre lui et l’enfant afin que ce

dernier puisse donner son opinion. En pratique, le juge ne posera pas des questions telles que :

« Préfères-tu vivre avec ton père ou ta mère ? » Ce type de questions mettra l’enfant dans une

position délicate. Le juge va éviter d’exercer un interrogatoire de l’enfant, au contraire, il va

essayer d’instaurer une discussion. Le juge doit communiquer sa bienveillance à l’enfant et lui

expliquer qu’il est là pour l’écouter et veiller à ses intérêts. Suivant l’âge de l’enfant, le ton de

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la discussion sera différente. En effet, un enfant de 10 ans n’aura pas la même discussion qu’un

enfant de 17 ans. C’est donc au juge de s’adapter à la personnalité de l’enfant.

Dans un premier temps, le juge écoutera l’enfant, il devra lui expliquer la situation entre

ses parents ainsi que la portée de sa parole. Ensuite, l’enfant pourra s’exprimer et poser des

questions au juge concernant le divorce des parents. Il est possible que l’enfant fasse des

propositions sur les modalités des droits de visite et d’hébergement. Des observations sont aussi

admises. L’objectif de l’audition est de soulager l’enfant. Chaque juge adopte sa propre

méthode et ses propres règles.

Par exemple, une juge aux affaires familiales de Versailles avait été interviewée

concernant sa pratique d’audition des enfants. Selon elle, « Concernant l'audition, je la pratique

de façon différente selon l'âge des enfants. […] Tout dépend aussi du dossier que j'ai parce que,

parfois, avant même l'audition de l'enfant, je sais quelle décision je vais prendre. Il y a les

enfants qui demandent à être entendus uniquement pour dire « nous ça va bien mais il faudrait

que les parents arrêtent de se chamailler »30. D'autres demandent à être entendus parce qu'ils

sont en souffrance et, dans ces cas, la présence de l'avocat est très utile. […]. L'attitude de

l'enfant est aussi importante et c'est pour ça que je préfère l'entendre personnellement plutôt que

de le faire entendre par un psychologue. L'enfant qui se tortille sur sa chaise, l'enfant qui se met

à pleurer, sont des indices importants pour nous. ». Ce témoignage du juge apporte des

éclaircissements sur le déroulement de l’audition même si ce n’est qu’un point de vue. La

certitude est que le juge préfère entendre l’enfant que de déléguer. En dévoilant qu’elle avait

déjà pris une décision avant d’entendre l’enfant, elle montre que la volonté de l’enfant a peu

d’importance. Elle va simplement écouter l’enfant, qui sera alors rassuré. Là encore, ce n’est

qu’un témoignage, il n’est pas certain que les autres juges agissent de façon identique.

Études. Une étude a été établie par deux avocates31 dont le but est de connaitre les

pratiques des juridictions sur l’audition de l’enfant. Il s’est avéré que peu de leurs confrères ont

répondu et certains ont souhaité resté anonymes. Ils ont estimé qu’au vu de la divergence de

pratiques, le questionnaire n’était pas nécessaire. D’après cette étude, il ressort que les enfants

sont toujours entendus après les débats. Il en résulte aussi que les juges aux affaires familiales

entendent toujours l’enfant sauf si une enquête ou une expertise a été ordonnée car il est inutile

30 Bernard-Xémard C.,« La parole de l'enfant devant la justice civile », Dr fam. in Lexisnexis [en ligne], 2016, dossier 8 disponible sur http://www.lexisnexis.fr. 31 Copé-Bessis I., Karila-Danziger A., Dossier « Parole de l’enfant » : Quelles pratiques juridictionnelle du JAF en matière d’audition des mineurs ? » AJ Famille 2014 p.15

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34

d’entendre deux fois l’enfant. Les juges aux affaires familiales ont des pratiques différentes car

ils n’ont pas eu de formation dans le domaine de l’audition de l’enfant donc chacun des juges

fait selon sa pratique.

Co-audition. Par ailleurs, un Tribunal de Grande Instance Tarascon a innové en

adoptant la co-audition32. Cette co-audition est effectuée par deux professionnels ayant chacun

une formation différente. Les deux interlocuteurs sont le juge aux affaires familiales et un

auditeur de justice qui a une formation en tant que médiateur familial. Ce dernier intervient en

tant qu’auditeur de justice et pas en qualité de médiateur. Ces deux professionnels seront donc

présents face à l’enfant lors de l’entretien. L’avantage est qu’il y a deux points de vue sur la

situation de l’enfant. Chacun pourra donner son regard et ses impressions tant un regard

juridique par le juge que social par l’auditeur. Mais cette pratique est plus angoissante pour

l’enfant qui sera face à deux inconnus même si le cadre est moins formel car il n’est pas seul

dans un bureau face au juge. C’est une pratique peu répandue dans les tribunaux, ce mode

d’audition est un simple essai dans certaines juridictions, il n’est pas encore adopté. Le

déroulement des auditions de l’enfant est différent suivant les tribunaux. Le problème est que

le juge n’est pas un spécialiste des enfants comme le serait un psychologue.

Le fait pour l’enfant de parler devant le juge est symbolique pour lui car il se sent

concerné par la procédure. Il sait que ses sentiments seront pris en compte. Lorsque le juge

délègue, les enfants peuvent se plaindre auprès du Défenseur des droits. Les enfants ont le

sentiment que leurs propos seront déformés par le psychologue. Mais, ce dernier prend part à

la procédure lorsque le juge estime qu’il est nécessaire qu’un tiers intervienne si le conflit

familial est trop complexe.

B. L’audition déléguée.

L’audition n’est pas obligatoirement faite par le juge, il arrive qu’il délègue cette

mission. L’audition sera alors indirecte car c’est une tierce personne qui entendra l’enfant.

Exception. Le principe est que l’audition est effectuée par le juge mais il a la capacité

de déléguer cette prérogative à une personne habilitée. Cette pratique reste donc

l’exceptionnelle, c’est-à-dire « Lorsque le juge estime que l'intérêt de l'enfant le commande, il

32Juston M., Teixeira E., « La co-audition de l'enfant dans les séparations familiales : une réponse adaptée à la

protection de l'enfant », Droit de la famille, n°6, 2011, étude 16.

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35

désigne pour procéder à son audition une personne qui ne doit entretenir de liens ni avec le

mineur ni avec une partie. ». L’article 338-9 du C. pr. civ. consent à cette délégation. Il faut

donc des circonstances qui l’exigent, par exemple lorsqu’il est nécessaire qu’un professionnel

de santé intervienne comme un psychologue car l’enfant serait trop bouleversé. La délégation

doit être motivée par l’intérêt de l’enfant. Cette délégation est rare car le juge sait que les enfants

préfèrent être écoutés par celui-ci. Cette opportunité pour le juge allège ses fonctions car les

parents le sollicitent de plus en plus, il ne parvient pas toujours à entendre tous les enfants, d’où

cette exception.

Le juge va décider de cette délégation dans l’intérêt de l’enfant. L’audition est prévue

dans les procédures familiales notamment dans le cadre des modalités de l’autorité parentale,

la délégation ne vaut uniquement pour l’audition de l’enfant. C’est en effet le juge qui va fixer

les modalités de l’autorité parentale, c’est-à-dire que c’est au juge de trancher le litige. La

personne auditrice ne donnera pas de solution, elle a simplement pour mission de discuter avec

l’enfant et remettre un compte-rendu au juge.

La cour d’appel de Besançon du 2 avril 200433 avait rappelé ce principe dans son arrêt

en statuant de la sorte : « Les pouvoirs conférés par la loi, quant à la fixation des modalités

d'exercice du droit de visite accordé sur un enfant au parent non attributaire de la résidence, ne

sauraient être délégués; l'exercice du droit de visite ou du droit de visite et d'hébergement du

père ne peut être subordonné à la discrétion de l'enfant ». Le juge ne doit pas déléguer ses

pouvoirs. Ce qui signifie que l’auditeur entendra simplement l’enfant mais ne statuera pas sur

la décision.

Décision. Le juge va donc indiquer une personne pour procéder à l’audition. Il devra

alors l’avertir sans délai. C’est le greffe qui va effectuer cette information par tout moyen. Il est

nécessaire d’entendre rapidement l’enfant afin qu’il puisse s’exprimer. En cas de difficultés, la

personne désignée devra en aviser le juge directement. Cependant, la délégation, étant une

mesure d’administration judiciaire, n’est pas susceptible de faire l’objet d’un recours.

La personne désignée. La personne choisie par le juge doit être neutre, c’est-à-dire

qu’elle n’a pas de lien ni avec l’enfant ni avec l’une des parties. Cette dernière doit avoir une

certaine qualité puisque l’article 338-9 du C. pr. civ. mentionne « Cette personne doit exercer

ou avoir exercé une activité dans le domaine social, psychologique ou médico-

psychologique. ». Souvent, le juge désignera des experts psychologues, psychiatres ou encore,

33 Cour d’appel Besançon, 2 avril 2004, n° 03/01888, JurisData : 2004-242467

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enquêteurs sociaux. Le but est de choisir un expert qui sache comprendre l’enfant. Le

professionnel a, en effet, l’habitude des enfants, celui-ci sera donc plus à l’aise et donc plus

enclin à faire parler l’enfant. Les parents n’ont pas la qualité pour entendre leurs enfants et

retranscrire cet échange au juge.

Rémunération. Concernant la rémunération de cette personne, elle perçoit une

indemnité qui est indiquée à l’article 695 du C. pr. civ. car elle fait partie des dépens. Le décret

du 20 mai 2009 a inséré les modalités de rémunération de la personne, qui auditionnera l’enfant,

dans le Code de Procédure Pénale « Art. A. 43-13.-L'indemnité allouée à la personne désignée

par le juge pour entendre un mineur en application de l'article 388-1 du code civil est fixée à 40

euros pour une personne physique et à 70 euros pour une personne morale. ». Cette délégation

a donc un coût pour la juridiction, ainsi, elle reste exceptionnelle.

Déroulement. La loi est silencieuse sur ce point. La personne va soit poser des questions

soit instaurer une discussion avec l’enfant. L’audition doit intervenir au plus vite afin d’éviter

de retarder la procédure et d’inquiéter l’enfant. En pratique, il apparait que lorsque l’enfant

n’est pas entendu par le juge, un avocat assiste l’enfant au cours de l’entretien avec le

psychologue.

L’audition est l’un des moyens mis à disposition du juge pour l’aider à prendre des

décisions. Les modalités de celle-ci ne sont pas strictes. Mais il convient de savoir si la parole

de l’enfant a vraiment été prise en compte.

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PARTIE 2. Le danger pour l’enfant d’intervenir dans le

divorce de ses parents.

L’audition de l’enfant est soumise au principe du contradictoire (Section1) même si sa

parole risque d’être troublée par l’aliénation parentale (Section 2).

Section 1. Une procédure contradictoire excluant l’enfant.

Le respect du contradictoire est primordial (§1) même si l’enfant n’est pas considéré

comme une partie malgré sa participation à la procédure (§2).

§1 - Une procédure devant respecter le contradictoire.

Un compte-rendu doit être rédigé suite à l’audition (A) puis communiqué aux parents

de l’enfant afin de respecter le principe du contradictoire (B).

A. La retranscription de l’audition.

L’audition est rédigée sous forme de compte-rendu (1) en respectant l’intérêt de l’enfant

(2).

1. La rédaction du compte-rendu d’audition.

Le droit d’être entendu de l’enfant a été reconnu dans les années 1970 mais la loi ne

donnait pas de précision quant à la transmission de la parole de l’enfant aux parties. Les

pratiques étaient divergentes selon les juges. Certains établissaient un procès-verbal tandis que

d’autres préféraient ne pas retranscrire l’audition pour des raisons de confidentialité. Des

juridictions admettaient même que le greffe prenne quelques notes pour les communiquer

ensuite aux parties. La loi était donc silencieuse sur ce point.

Etudes. Des statistiques avaient été faites afin de déterminer si un procès-verbal était

nécessaire. En octobre 1999, un questionnaire avait été envoyé à des magistrats sur la nécessité

et l’opportunité de ce dernier. Seuls 18,6 % des magistrats ont répondu à ce sondage. Il en

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résulte que la plupart gardaient une trace écrite34. Mais ce n’était pas forcément sous la forme

d’un procès-verbal ou dans un acte formel.

Depuis 2009, un article 338-12 a été inséré dans le C. pr. civ. déterminant « il est fait un

compte-rendu de cette audition ». Ce n’est pas un procès-verbal mais un simple compte-rendu.

Cette disposition est imprécise car les juges ne savaient pas s’il devait être écrit ou verbal.

Compte-rendu oral. La jurisprudence admet que le compte-rendu soit oral. C’est ce

qu’a affirmé la Cour de cassation le 20 juin 201235. En l’espèce, un jugement avait été rendu

dans lequel les droits de visite et d’hébergement étaient fixés. La mère a formé un pourvoi en

invoquant la nullité du compte-rendu de l’audition au motif qu’il avait été dit oralement. La

Cour de cassation a rejeté le pourvoi au motif que le compte-rendu pouvait être rendu oralement.

Compte-rendu écrit. Outre l’admission d’un compte-rendu oral, l’écrit est accepté.

Dans ce cas, cet acte écrit sera mis à la disposition des parties pour qu’ils puissent en prendre

connaissance. Le greffier peut aussi rédiger un procès-verbal d’audition même si cette formalité

n’est pas imposée. Celui-ci devra retranscrire le plus fidèlement le déroulement de l’audition

puis être signé à la fois par l’enfant et par le juge. Or, cette formalité diverge suivant les

juridictions. Certaines juridictions n’estiment pas utile que l’enfant signe le compte-rendu.

Le compte-rendu fait l’objet de vives critiques en estimant que la parole de l’enfant

risquait de ne pas être exactement retranscrite.

2. Un compte-rendu respectant l’intérêt de l’enfant.

Il est strictement prévu par le Code de Procédure Civile une restriction à la transcription

de l’audition.

D’après l’article 338-12, il est établi « dans le respect de l’intérêt de l’enfant ». Il

découle de cette disposition que le compte-rendu a une certaine limite. Le juge doit le rédiger

en fonction de l’intérêt de l’enfant. Il n’est pas obligé de reporter l’ensemble de l’audition car

l’enfant risque d’être placé dans une position délicate envers ses parents. Ces derniers vont

recevoir le compte-rendu eu égard au respect du principe du contradictoire. Il faut donc trouver

un équilibre entre le contradictoire et l’intérêt pour l’enfant. C’est au juge de trouver ce juste

34 Claux P., David S., « Droit et pratique du divorce », 3e éd, Dalloz Référence, 2015/2016, p. 1082 35 Cass, civ 1ère, 20 juin 2012, n° 11-19.377, Bull. civ. I ; D. 2012.2267, obs. Bonfils et Gouttenoire, Jurisdata n° 2012-01344

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équilibre car il va décider soit de tout citer tel un véritable procès-verbal ou de reproduire un

simple résumé de la situation.

L’enfant risque de se retrouver en conflit avec ses parents. Au cours de l’audition,

l’enfant peut expliquer qu’il ne souhaite pas vivre avec sa mère car il n’a pas de complicité par

exemple. Si cette situation est précisée dans le compte-rendu, la mère risque d’être blessée par

les propos de l’enfant. Ce dernier ne veut pas se retrouver dans un conflit de loyauté avec ses

parents. C’est pour cela que la loi a prévu un compte-rendu pour éviter que le juge indique

précisément ce qui a été dit. La pratique approuve la contribution de l’enfant à l’élaboration du

compte-rendu lui permettant ainsi de connaitre les informations que recevront ses parents.

L’enfant s’exprimera alors plus librement sans avoir peur que ses parents découvrent ce qu’il a

dit. Le juge instaure un climat de confiance avec l’enfant, il est donc important qu’il ne se sente

pas trahi par le juge.

En pratique, le compte-rendu résume les sentiments de l’enfant ainsi que les relations

qu’il entretient avec ses parents. Le juge décrit le comportement de l’enfant ainsi que son

langage. Cette description détermine l’état d’esprit de l’enfant au moment de l’audition. À la

fin de l’entretien, le juge fera une lecture du compte-rendu à l’enfant.

Si l’audition a été déléguée à une tierce personne, celle-ci rédigera alors le compte-

rendu. Le recueillement de la parole de l’enfant sera différent suivant la personne qui

l’auditionne car le juge n’aura pas la même approche qu’une personne qui a une activité dans

le domaine psychologique. Un juste équilibre doit être établi entre l’intérêt de l’enfant et le

principe du contradictoire.

B. Le respect du contradictoire du compte-rendu d’audition.

La procédure d’audition doit être inscrite dans le dossier ou le registre d’audience mais

cette mention ne suffit pas à respecter le contradictoire. Ce n’est pas la mention qui importe

mais le contenu de l’audition. Ainsi, il faut que les parents aient lu le compte-rendu avant la

décision du juge. L’établissement d’un compte-rendu a pour but de garder une preuve écrite.

Mais cet acte doit être transmis aux parties dans le respect du principe du contradictoire.

Cette obligation est formalisée à l’article 338-12 du C. pr. civ. « Ce compte-rendu est soumis

au respect du contradictoire. ». Cela signifie que les parents doivent avoir connaissance des

échanges qui ont eu lieu au cours de l’audition. Ainsi, le compte-rendu est alors mis à la

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disposition des parties mais certains juges envoient directement aux parties par courrier et à

leurs conseils afin qu’ils puissent émettre des observations ou des remarques concernant les

éléments de l’audition. L’utilisation de ce résumé est interdite dans d’autres procédures, c’est-

à-dire que les parties n’ont pas le droit de l’invoquer s’ils sont en conflit dans leur divorce.

Néanmoins, parfois, l’enfant refuse que ses propos soient retransmis à ses parents faisant

ainsi échec au principe du contradictoire. C’est possible uniquement lorsque l’audition a lieu

par une personne déléguée qui n’est pas obligée de donner les éléments au juge. En effet, tout

ce que le juge a connaissance, les parties doivent l’avoir aussi. Par conséquent, si l’audition ne

s’est pas déroulée devant le juge mais devant une tierce personne, dans ce cas, celle-ci ne

rapportera pas le contenu d’audition ni au juge ni aux parents.

Lorsque le juge auditionne l’enfant, la situation se complique. Si l’enfant refuse que ses

propos soient retranscrits, le juge devra impérativement inscrire certains éléments dans l’acte

car il sera influencé par les parole de l’enfant. Le contradictoire est une obligation pour le juge

qui ne peut pas s’y soustraire même si l’enfant lui a demandé de garder les propos qu’il a pu

dire. Dès lors que l’enfant révèle une infraction ou un danger pour lui au cours de l’audience,

l’interlocuteur a l’obligation de le signaler au Parquet.

Le contradictoire est obligatoirement respecté puisque c’est un principe fondamental de

la procédure civile. Dans le cas de l’audition de l’enfant, le but est que les parents prennent

conscience des sentiments de l’enfant. Parfois, suite à la lecture d’un compte-rendu, un des

parents va changer sa position en fonction de la demande de l’enfant.

§2 - Le statut du mineur.

L’enfant auditionné n’est pas considéré comme une partie (A), ce qui a pour effet de

restreindre ses droits dans la procédure (B).

A. L’absence de statut de l’enfant.

Le statut de l’enfant est susceptible de porter à confusion puisqu’il intervient à la

procédure pour donner son avis mais sans pour autant obtenir un droit d’ester en justice.

Il convient de rappeler, notamment, que le mineur est considéré au regard du droit

français, comme un incapable. Il n’a pas la capacité à agir en justice seul. Il doit alors être

représenté par son représentant légal. Cette incapacité est établie pour sa protection.

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Dès 1993, le législateur a reconnu dans l’article 388-1 du C. civ. que « L'audition du

mineur ne lui confère pas la qualité de partie à la procédure. ». En tout état de cause, cela signifie

que l’enfant n’a pas les mêmes prérogatives que ses parents, c’est-à-dire qu’il ne pourra pas

interjeter un appel par exemple. Autrement dit, si le juge rend une décision qui n’est pas en

accord avec la volonté de l’enfant, ce dernier n’aura pas l’opportunité d’exercer un recours. Ce

statut est spécial puisque l’enfant intervient physiquement à la procédure car il est auditionné

mais il n’a aucun droit.

Néanmoins, la jurisprudence parait hésitante sur le statut de l’enfant.

En effet, une chambre civile avait accepté d’examiner le pourvoi d’un enfant en 199536.

En l’espèce, les parents divorçaient et l’enfant avait été entendu. Suite à cette audition, l’enfant

avait déposé des conclusions d’intervention volontaire qui avaient été rejetées tant en première

instance qu’en appel. Un pourvoi a été formé. La Cour a rejeté la demande de l’enfant au motif

que « les dispositions de l'article 1115 du nouveau Code de procédure civile et des articles 289

et 291 du Code civil n'incluent pas les enfants parmi les membres de la famille, dont

l'intervention est recevable dans les instances relatives aux modalités d'exercice de l'autorité

parentale ». Donc la Cour estime que l’enfant n’est pas une partie mais elle accepte tout de

même de vérifier la recevabilité du pourvoi. Il y a donc une contradiction car s’il n’est pas une

partie au procès, la Cour n’aurait pas dû examiner le pourvoi.

Le problème est que certaines juridictions vont accepter de vérifier le pourvoi comme

cet arrêt tandis que d’autres vont directement déclarer le pourvoi irrecevable. La jurisprudence

est donc incertaine sur ce point d’autant plus qu’elle n’est pas abondante dans ce domaine.

L’enfant n’est pas traité comme un membre de la famille ce qui est clairement retenu dans la

solution de 1995. Celle-ci estime clairement que l’enfant serait un tiers à la famille d’où son

impossibilité à ester en justice.

Par ailleurs, un arrêt a pu semer le doute quant au statut du mineur.

Un arrêt du 22 mai 199637 a implicitement exprimé que l’enfant, qui serait représenté par ses

deux parents, pourrait alors former un pourvoi. En l’espèce, la Cour de cassation avait rejeté le

pourvoi en raison de « le pourvoi en cassation formé par Jérôme X..., représenté par un seul de

ses parents, contre la disposition de l'arrêt ayant déclaré son intervention irrecevable, n'est pas

36 Cass, civ 1ère, 4 janvier 1995, n° 92-20. 682, Bull. civ. I, n°2 37 Cass, civ 2ème, 22 mai 1996, n° 94-12671, Bull. civ. II, n°100 ; D. 1997. 340 note Massip

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recevable ». En l’espèce, l’enfant avait demandé à vivre chez son père mais la résidence

principale a été fixée chez la mère. Il avait donc interjeté appel qui avait été déclaré irrecevable,

solution alors confirmée par la Cour de cassation. Indirectement, l’arrêt laisse croire que si

l’enfant avait été représenté par les deux parents, son recours aurait été valable.

Ces arrêts témoignent que même si l’enfant a été entendu dans le cadre d’une audition,

il n’a pas pour autant la qualité de partie. Il s’immisce juste dans la procédure pour donner son

avis, mais si le juge ne prend pas compte des sentiments de l’enfant, celui-ci n’a aucun pouvoir.

Par exemple dans un arrêt rendu le 12 juillet 201238, une cour d’appel a rappelé ce

principe « Le mineur peut être entendu dans toute procédure le concernant, son audition ne lui

confère pas la qualité de partie à la procédure ». La cour illustre clairement l’article du Code

Civil.

Il apparait que le juge refusera alors d’entendre l’enfant dès lors qu’il aura déjà été

entendu or, il peut arriver que des évolutions surviennent dans la famille de l’enfant. Dans ce

cas, celui-ci ne peut rien faire puisque le juge n’accepte pas son intervention.

B. Les conséquences de l’absence de statut de l’enfant.

L’enfant n’étant pas reconnu comme partie, sa participation au procès est donc

impossible. La présence d’un avocat n’a pas pour but de donner un statut à l’enfant.

L’avocat. Celui-ci a un rôle d’assistance car son but est de rassurer le mineur mais il ne

le représente pas. Dans le cadre de l’audition, le conseil n’a pas de rôle de représentation. C’est

dans ce sens qu’une cour d’appel avait statué dans un arrêt de 200739. En l’espèce, l’avocat de

l’enfant était intervenu à l’audience des plaidoiries pour indiquer la volonté de l’enfant. Le

jugement de première instance avait donc été rendu en prenant en considération ces éléments.

Or la cour d’appel a estimé que le jugement devait être déclaré nul en raison de l’incapacité de

l’enfant à ester en justice. Elle avait retenu que : « Au surplus, les dispositions de l'article 388-

1 du C. civ et 338-1 et suivants du C. pr. civ. donnent à l'avocat choisi par le mineur ou désigné

par le bâtonnier à la demande du juge uniquement le pouvoir d'assister à l'audition dudit mineur

et non de le représenter à l'instance et de faire des demandes en son nom ». C’est l’un des

38 Cour d’appel Douai, 12 juillet 2012, n° 11/04503 39 Cour d’Amiens, 26 septembre 2007, n° 06/03352, JurisData : 2007-356970

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nombreux arrêts qui rappellent que l’enfant n’est pas une partie à la procédure malgré son

entretien avec le juge.

Il découle de la mission de l’avocat une mission d’assistance et non de représentation.

Ce qui signifie que la présence de l’avocat a pour but de soutenir l’enfant donc l’avocat ne peut

pas utiliser ses prérogatives. Un arrêt de la cour d’appel de Douai précédemment cité, avait

retenu que l’enfant n’était pas une partie et que « les conclusions de Manon X... en intervention

volontaires déposées en son nom sont irrecevables. ». Donc, un avocat ne peut pas déposer des

conclusions pour l’enfant. Ce dernier ne doit pas participer volontairement à la procédure en

déposant des conclusions. Le refus de ce statut a une justification car les modalités du droit de

visite et d’hébergement et l’autorité parentale représentent un conflit qui a lieu uniquement

entre les parents. Pour la jurisprudence, l’intervention de l’enfant n’est donc pas admise.

L’administrateur ad hoc. Certains avaient pensé que lorsque l’enfant a des intérêts

opposés aux parents, un administrateur ad hoc pourrait être désigné afin de saisir le juge. Cet

administrateur ad hoc est le représentant des intérêts de l’enfant. Cette proposition avait animé

la doctrine qui pensait qu’il aurait plus de pouvoir qu’un avocat. Or, une décision a statué dans

le sens contraire. La Chambre mixte le 9 février 200140 avait rejeté le pourvoi en affirmant

« l'administrateur ad hoc désigné en application des articles 388-2 et 389-3, alinéa 2, du C. civ

ne peut avoir plus de droits que le mineur qu'il représente ; que dès lors, la cour d'appel, qui a

retenu que l'article 374, alinéa 3, du C. civ ne mentionne pas l'enfant parmi les demandeurs

habilités à obtenir une modification des conditions d'exercice de l'autorité parentale, a décidé,

à bon droit, que la mineure était irrecevable à former tierce opposition ». En l’espèce, l’enfant

avait demandé la désignation d’un administrateur ad hoc dans le but qu’il le représente pour

former une action concernant le droit de visite et d’hébergement des parents. L’irrecevabilité

avait été déclarée en appel, ce qui a été confirmé par la Chambre mixte. La solution affirme

clairement que l’enfant ne peut pas intervenir dans la procédure et ce malgré la présence d’un

administrateur ad hoc. Celui-ci a les mêmes droits que la personne qu’il représente. L’enfant

étant un incapable sans qualité pour agir, l’administrateur ad hoc est considéré comme tel.

La doctrine critique fortement cette pratique d’exclure l’enfant en estimant que cela

revient à admettre que sa parole n’a pas de valeur. Les avis sont partagés notamment sur le fait

d’admettre que l’enfant pourrait intervenir dans les modalités de l’autorité parentale. D’un côté

40 Cass. Ch. Mixte, 9 février 2001, n°98-18.661, Bull. ch. Mixte, n°1 ; Dr fam. 2001, n° 53, note Gouttenoire-Cornut ; JCP 2001. II. 10514, note Fossier ; RTD civ. 2001.333, obs. écrit Hauser

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des opposants invoquent la complexité de la procédure si l’enfant devait intervenir et qu’il serait

trop exposé au conflit familial. D’un autre côté, les partisans évoquent que le statut de partie

rendrait les droits de l’enfant plus effectif. Cela permettrait d’apporter une plus grande valeur à

la parole de l’enfant. Mais, le législateur refuse ce statut pour l’enfant car selon lui, il ne serait

pas dans son intérêt. Même si l’enfant n’a pas de qualité par son audition, celle-ci reste

importante puisque le juge peut prendre en compte ses sentiments.

Section 2. Une simple prise en compte des sentiments au regard du risque

d’instrumentalisation de l’enfant

Le juge a recours à l’audition afin d’apprécier les sentiments de l’enfant car il doit

statuer dans son intérêt (§1) mais le risque est grand car les parents ont tendance à manipuler

les enfants (§2).

§1 - Une simple prise en compte des sentiments de l’enfant.

Le juge n’est pas obligé de suivre la volonté de l’enfant, il doit juste prendre en compte

ses sentiments (A) mais il n’a pas la possibilité de déléguer sa décision à l’enfant (B).

A. Le juge doit simplement prendre en considération les sentiments de l’enfant.

Le juge va rendre une décision, qui doit préciser s’il a tenu compte des sentiments

exprimés par l’enfant (1) mais il n’a aucune obligation de respecter ces derniers puisqu’il est

libre de sa décision (2).

1. L’obligation pour le juge de mentionner la prise en considération des sentiments de

l’enfant.

Au cours d’une procédure de divorce, le juge doit prononcer le divorce et fixer certaines

modalités notamment celle qui concernent l’enfant d’où l’intérêt de l’audition pour obtenir son

avis.

L’article 372-2-11 du C. civ. prévoit « Lorsqu'il se prononce sur les modalités d'exercice

de l'autorité parentale, le juge prend notamment en considération : 2° Les sentiments exprimés

par l'enfant mineur dans les conditions prévues à l'article 388-1 ». Le verbe « prendre »

témoigne de la possibilité pour le juge de prendre en considération les sentiments de l’enfant.

Il n’y a aucune obligation qui pèse sur le juge. Les sentiments de l’enfant ne s’imposent pas à

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ce dernier. Le principal est que le juge ait bien auditionné l’enfant conformément à l’article

388-1 du C.civ.

Dans un arrêt d’une cour d’appel rendu le 18 décembre 200741, elle avait retenu qu’il

fallait auditionner l’enfant car « L'opinion de l'enfant est alors un élément pour le juge dans sa

prise de décision concernant l'exercice du droit de visite et d'hébergement. » L’opinion de

l’enfant ne doit pas laisser le juge indifférent, il doit le prendre en compte même si ce n’est pas

toujours évident pour lui de respecter la volonté de l’enfant. Son avis n’est pas le seul critère

sur lequel le juge peut se fonder, il a recours à d’autres éléments. Des enquêtes et expertises

sont mises en place afin d’apporter des informations supplémentaires sur la vie familiale.

L’audition n’est qu’un moyen de découvrir l’opinion du mineur.

Par conséquent, si l’audition est un élément dans la décision du juge, celui-ci doit

mentionner dans sa décision qu’il a tenu compte des sentiments sans pour autant les respecter.

C’est ce qu’a statué la Cour de cassation dans un arrêt du 20 juin 199842. En l’espèce, un juge

aux affaires familiales avait rendu une décision dans laquelle la résidence des mineurs avait été

maintenue chez la mère. Un appel avait été interjeté. La cour d’appel avait infirmé la décision

en fixant la résidence principale chez le père. La cour d’appel avait procédé à l’audition de l’un

des enfants en cours de procédure. La Cour a cassé l’arrêt au visa des articles 388-1 et 290-3

du C. civ. Elle a statué ainsi en raison « Qu'en statuant ainsi, sans préciser si elle avait tenu

compte des sentiments exprimés par Florian lors de son audition en justice, la cour d'appel n'a

pas donné de base légale à sa décision ». En cas d’audition, la juridiction doit préciser si elle

entend suivre la volonté de l’enfant. La Cour de cassation avait rappelé le principe suivant :

« Attendu que le juge qui statue sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale peut entendre

le mineur capable de discernement et, s'il le fait, tient compte des sentiments exprimés par ce

mineur ». L’audition de l’enfant ne signifie pas que le juge sera lié par ses dires. Cet arrêt

dévoile l’obligation pour le juge de mentionner dans sa décision s’il a auditionné l’enfant et il

doit préciser s’il a suivi la volonté de l’enfant ou au contraire.

Cette solution a été confirmée en 201043, la Cour avait cassé l’arrêt car « Qu'en statuant

ainsi, sans faire mention de cette audition, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa

décision » En l’espèce, la cour d’appel avait fixé la résidence principale de l’enfant après l’avoir

41Cour d’appel de Grenoble, 18 décembre 2007, n° 07/00134. JurisData n°2007-359451

42 Cass, civ 2ème, 10 juin 1998, n°97-20.905, NP ; JCP 1999. 101, obs. Favier 43 Cass, civ 1ère, 20 octobre 2010, n°09-67.468, NP ; D. 2011. 1995, obs. Bonfils et Gouttenoire

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auditionné mais dans sa décision, la cour n’avait pas précisé que l’audition avait eu lieu et si

elle écoutait la volonté de l’enfant ou non.

Il en résulte que la Cour de cassation veut que les juges motivent leur décision en se

fondant sur les sentiments de l’enfant même s’ils ne sont pas liés par ces derniers.

2. La liberté d’appréciation du juge.

Le principe de l’audition est d’obtenir l’opinion de l’enfant mais dans aucun cas, le juge

n’est obligé de le suivre. Il convient de préciser qu’il est courant que les juges préfèrent statuer

dans le sens de l’enfant. C’est d’autant plus vrai que suivant l’âge de l’enfant, le juge n’ira pas

à l’encontre la volonté de l’enfant.

Il n’y a pas d’intérêt pour le juge de décider de la résidence d’un enfant âgé de 16 ou 17

ans car il est presque majeur. Dans ce cas, il résulte de la jurisprudence que les juges ont une

certaine tendance à fonder leurs décisions conformément à la volonté de l’enfant.

Un exemple rendu dans un arrêt de 1999, une cour d’appel44 avait estimé « Compte tenu

de son âge, une enfant de presque 17 ans peut faire preuve de discernement. Il doit donc être

fait droit à son désir de vivre avec son père, dès lors que la mère ne rapporte pas la preuve de

ses simples allégations selon lesquelles l'enfant serait livrée à elle-même lorsqu'elle vit avec son

père ». Cet arrêt révèle que la volonté de l’enfant s’impose au juge car il est presque majeur,

l’arrêt précisant « il doit être fait droit ». Lorsque l’enfant est mature, il conviendra alors de

statuer selon sa volonté.

Cette solution avait été reprise trois années plus tard dans un arrêt rendu par une autre

cour d’appel45. En l’espèce, l’enfant allait devenir majeur dans les trois mois, il fallait donc

faire droit à sa volonté. La solution de la cour étant « les sentiments constants et maintes fois

renouvelés de l'enfant doivent être entendus et sa résidence doit être fixée alternativement chez

ses parents dès lors qu'il s'agit de la seule voie qui convienne à son aspiration, savoir choisir

librement son lieu de résidence alternativement chez son père et sa mère, et ce d'autant plus

qu'elle sera majeure dans trois mois. » Il en découle que le juge va se référer à la volonté de

l’enfant puisqu’une fois majeur il peut faire ce qu’il veut. Il n’est donc pas opportun de statuer

contre son souhait.

44 Cour d’appel Toulouse, 22 mars 1999, n° 98/01358, JurisData 1995- 041973 45 Cour d’appel Reims, 19 septembre 2002, n° 99/01920, JurisData n° 2002-202438

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Par ailleurs, le principe est que le juge n’est pas tenu de respecter la volonté de l’enfant.

Il doit se prononcer dans l’intérêt de l’enfant. Les modalités des droits de visite et

d’hébergement ainsi que l’autorité parentale doivent être fixées pour le bien de l’enfant. La

Cour de cassation dans un arrêt de 1999 avait prononcé « Les dispositions de l'article 290-3 du

Code Civil n'imposent pas au juge de se conformer aux souhaits des enfants en ce qui concerne

les modalités d'exercice de l'autorité parentale ». Le juge est donc libre de statuer comme il veut

selon son appréciation. La seule exigence pour le juge est de fonder sa décision dans l’intérêt

de l’enfant, dès lors il peut choisir d’aller à l’encontre de la volonté de l’enfant si elle n’apparait

pas dans son intérêt. Celui-ci n’a pas toujours conscience de ce qui est dans son intérêt.

Études Une étude bordelaise avait révélé que 70% des juges suivaient la volonté de

l’enfant46. Cependant, d’autres vont statuer à l’inverse de ce que voulait l’enfant. Il arrive que

d’autres éléments objectifs montrent que la volonté de l’enfant n’est pas toujours bon pour son

bien-être. La loi ne détermine pas la portée de la parole de l’enfant. Le juge va devoir apprécier

souverainement la portée de l’audition.

Contestations. Il arrive que les enfants ne soient pas en accord avec la décision du juge.

Dans ce cas, une réclamation sera faite au Défenseur des enfants47. Souvent, les enfants ont le

sentiment de ne pas avoir été entendus.

Voici l’exemple d’un témoignage d’une fille âgée de 16 ans : Les parents étant séparés, sa

résidence avait été fixée chez le père. Trois mois plus tard, l’enfant décide d’aller vivre chez sa

mère ne souhaitant pas revenir chez son père car elle affirme qu’« il l’a fait trop souffrir ». Les

juges avaient refusé de l’entendre car il estime que sa mère la manipulait pour qu’elle reste chez

elle. Ne comprenant pas la décision, le Défenseur des droits avaient dû lui expliquer la raison

de la décision. La plupart du temps, les enfants ont juste besoin d’être rassurés et d’avoir des

explications quant à la situation.

Le juge n’est donc pas obligé de suivre l’opinion de l’enfant, il reste libre quant à sa

décision même si l’enfant peut faire des réclamations. Le juge statut au mieux et en prenant en

compte l’intérêt de l’enfant.

46 Murat P., « Droit de la famille », 6e éd, Dalloz Action, 2014/2015, p. 1983 47 La Défenseure des droits, « Enfants au coeur des séparations parentales conflictuelles" in La documentation française [en ligne], disponible sur : http://www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/084000714/,

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B. L’obligation du juge de prendre la décision sur les modalités des droits de visite et

d’hébergement.

L’audition pèse sur l’enfant car il est au milieu du conflit parental (1) même s’il reste

protégé par l’interdiction du juge de déléguer sa décision à l’enfant (2).

1. L’enfant devenu arbitre

Le juge doit faire en sorte que l’enfant ne se retrouve pas dans un conflit de loyauté entre

ses parents. L’objectif étant de protéger l’enfant, en particulier en le défendant du monde des

adultes. Or, l’audition fait intervenir l’enfant au sein de la procédure des parents, c’est-à-dire

qu’il va se retrouver directement au cœur du conflit. Souvent le juge prendra l’avis de l’enfant

en compte. L’enfant va indirectement devenir arbitre du conflit de ses parents puisque son

opinion va influencer la décision. Les parents ont tendance à dire à leurs enfants que c’est eux

qui décident de choisir où ils veulent vivre.

Au cours de l’audition, le juge va expliquer à l’enfant qu’il doit simplement exprimer

ses sentiments et qu’il n’a pas à prendre position entre ses deux parents. Cette situation étant

difficile pour l’enfant d’autant plus que l’opinion de l’enfant est changeante. Il est certain qu’un

jeune enfant n’est pas apte à prendre des décisions seul car il ne comprend pas toujours la portée

de ses actes et en outre, il change souvent d’avis. Tout le monde sait qu’un enfant n’a jamais la

même opinion et qu’il peut changer d’avis rapidement. D’autant plus que la relation que l’enfant

entretien avec l’un de ses parents influencera sa décision. Par exemple, si l’enfant vient de se

faire disputer par sa mère, il est certain que l’enfant sera en colère. L’enfant ne pensera qu’à sa

colère, obstruant son véritable opinion.

Il résulte, notamment, de la jurisprudence que le juge a tendance à se reposer sur les

sentiments de l’enfant, ainsi l’enfant a une lourde responsabilité sur ses petites épaules. Il n’a

pas la maturité nécessaire pour trancher un litige. Il n’est pas rare de voir l’enfant prendre parti

pour l’un de ses parents. C’est un énorme enjeu pour l’enfant. Marc Juston (juge aux affaires

familiales) allait même jusqu’à parler « d’enfant décideur ».

Au cours d’une conférence48, un psychologue, médiateur et expert avait exprimé son

opinion concernant cette pratique. Il avait affirmé :

48 M. Juston. « De la puissance paternelle aux droits de l'enfant : l'évolution, les enjeux et les risques en cas de séparation » Gaz Pal, 12 août 2006 n° 224, p. 2

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«J'ai déjà relevé à plusieurs reprises les effets pervers que la toute puissance donnée à

l’enfant dans nos sociétés peut avoir dans son développement psychologique, en particulier

dans des cas de séparations conflictuelles où on lui inculque très fréquemment que faute

d'accords entre les parents, «c'est l’enfant qui décide», allant jusqu'à lui faire penser qu'il a le

droit d'éliminer un parent de sa vie s'il déclare qu'il n'a plus "envie" de le voir».

Ce discours décrit l’ampleur de l’audition sur l’enfant, qui a des conséquences sur le

comportement de l’enfant. Ce dernier a le pouvoir de décider de la vie de l’un de ses parents

soit en l’excluant de sa vie soit en l’intégrant. Le poids de sa décision repose implicitement sur

lui, même si le juge n’a pas le droit de déléguer sa décision. La jurisprudence veut éviter

justement que l’enfant remplace le juge malgré tout, l’avis de l’enfant restera un élément,

probablement, décisif de la décision.

Dans un rapport, le défenseur des droits avait constaté que la plupart des enfants

faisaient une demande d’audition sous la pression des parents. L’enfant n’ayant pas la maturité

suffisante pour prendre du recul et contredire la demande du parent. De nombreuses

réclamations sont alors faites au défenseur car souvent l’enfant va regretter d’avoir exprimé son

souhait. Dans ce cas, le défenseur des enfants va donc lui expliquer à l’enfant les enjeux

procéduraux et va surtout lui rappeler sa place dans la procédure. Il va lui faire prendre

conscience qu’il n’a pas à être l’arbitre de ses parents car ce sont eux qui sont responsables, ce

n’est pas à lui d’endosser le poids de la rupture. Malgré tout, l’enfant entendu garde une grande

responsabilité envers sa famille.

La parole de l’enfant a un enjeu supplémentaire lorsqu’il fait partie d’une fratrie car tous

les enfants du couple ne sont pas forcément auditionnés. La parole retenue risque d’avoir une

incidence sur les frères et sœurs. Il a été admis que le juge peut décider d’utiliser la parole d’un

enfant afin de le généraliser à l’ensemble de la fratrie. L’enfant est donc le porte-parole du reste

de la famille.

Le juge doit protéger l’enfant. Il ne doit pas statuer selon la seule volonté de l’enfant.

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2. L’impossibilité pour le juge de déléguer la décision à l’enfant

Le juge procède à l’audition afin de recueillir les sentiments de l’enfant. C’est

simplement à titre consultatif que l’enfant est entendu. La décision concernant l’autorité

parentale et le droit de visite et d’hébergement est prise en fonction de son appréciation. Parfois,

il est difficile pour le juge de placer l’enfant chez son père alors qu’il veut aller chez sa mère

ou inversement.

En effet, entendre l’enfant peut être un risque pour le juge. Il est certain que le juge veut

éviter de contrarier l’enfant et aura tendance à aller dans son sens. Or il est absolument prohibé

de faire peser la décision sur le mineur. Le juge ne peut pas se reposer sur le choix des enfants

pour éviter de statuer.

La Cour de cassation avait cassé un arrêt dans lequel le juge avait laissé l’enfant décider

de sa résidence. C’était dans un arrêt du 3 décembre 200849. En l’espèce, la cour d’appel avait

décidé que les filles verraient leur père lorsqu’elles le souhaiteraient. Or, la Cour de cassation

a cassé au visa des articles 373-2 et 373-2-8 du C.civ. La Cour statut de la manière suivante :

« Attendu que les juges, lorsqu'ils fixent les modalités d'exercice de l'autorité parentale d'un

parent à l'égard de ses enfants, ne peuvent déléguer les pouvoirs que la loi leur confère ». Cet

arrêt indique bien que le juge doit, dans tous les cas, décider seul des modalités du droit de

visite et d’hébergement de l’enfant. La délégation de la décision à l’enfant est interdite.

Un arrêt récent est venu confirmer ce principe. Dans un arrêt de 201550, la Cour de

cassation avait cassé un arrêt à raison du fait que « la cour d'appel, qui a subordonné l'exécution

de sa décision à la volonté du mineur, a violé les textes susvisés ». En l’espèce, le juge avait

fixé la résidence principale de l’enfant chez son père et que le droit de visite et d’hébergement

exercé par la mère serait effectué avec l’assentiment de l’enfant. L’arrêt de la cour d’appel a été

annulé car le juge ne peut pas substituer sa décision à la volonté de l’enfant. Le but est d’éviter

que l’enfant ait le poids de la décision. C’est un risque pour un parent car l’enfant peut décider

de jamais venir le voir.

De même, une autre cour d’appel avait jugé dans le même sens en 2008 : « il n'est pas

possible de laisser à l'appréciation d'un enfant mineur, fut-il adolescent, l'exercice d'un droit de

visite et d'hébergement dont bénéficie l'un ou l'autre de ses parents ». Cette solution confirme

49 Cass, civ 1ère, 3 décembre 2008, n° 07-19.767, Bull. civ. I, n° 276 ; AJ fam. 2009.32 ; Dr. Fam. 2008, n°17, obs. Murat ; D. 2009.1918, obs. Gouttenoire et Bonfils 50 Cass, civ 1ère, 23 septembre 2015, 14-22.636, Inédit

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que le juge doit décider pour l’enfant. Il ne peut pas laisser ce dernier le choix de sa résidence.

C’est au juge de trancher la résidence de l’enfant.

Il est souvent difficile pour un juge de déterminer la résidence d’un adolescent qui a

presque la majorité.

§2 - L’instrumentalisation du mineur.

L’instrumentalisation est un trouble psychologique mais qui est rarement reconnu par

les juridictions (A) alors qu’il a de grandes conséquences sur l’enfant (B).

A. Le syndrome de l’instrumentalisation difficilement reconnu.

Le syndrome de l’instrumentalisation est aussi appelé « aliénation parentale ». C’est

lorsque l’enfant est instrumentalisé par ses parents.

Définition. Dans une réflexion de Marc Juston51 au sujet de ce syndrome, il avait retenu

que l’aliénation peut être définie de deux manières :

L’une étant établie par R. Gardner définit l’instrumentalisation comme « est un processus qui

consiste à programmer un enfant pour qu’il haïsse un de ses parents, sans que ce ne soit

justifié ». Richard A. Gardner, psychiatre et psychologue, a donc introduit la notion d’aliénation

parentale dans les années 1980. Il le décrivait comme un trouble de l’enfant rabaissant et

insultant un parent sans véritable motif.

L’autre définition venant de J-B Kelly estimait que l’aliénation parentale, c’est l’ « Enfant qui

a choisi un côté dans le divorce et qui refuse d'être en relation avec l'autre parent, en montrant

une haine et une colère pour ce parent ».

Ces deux définitions aboutissent au même résultat qui est de rejeter l’un des parents.

L’enfant va être utilisé comme une arme contre l’autre parent. Le parent exerçant les pressions

est dit parent « aliénant ». Il va avoir une attitude négative envers l‘autre parent notamment en

le dénigrant, voir en l’insultant devant l’enfant. Le parent « aliénant » va se faire passer pour le

« bon » parent tandis que l’autre sera le « mauvais » parent. L’enfant se sentira alors obligé de

protéger le parent qui se dit victime. Il aura de la compassion pour le parent qui l’élève et il ne

voudra pas lui causer de préjudice. Ce comportement résulte de la solitude que va ressentir le

51Juston M., « Le syndrome d'aliénation parentale », le 18 aout 2011, Gaz Pal, n° 230, p. 7

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parent puisque le couple n’existe plus. Le parent aura tendance à retransmettre l’amour qu’il

avait pour son conjoint, à l’enfant. De ce fait, l’enfant va être oppressé par l’un des parents voir

les deux. Le parent se sentant isolé, va créer une relation exclusive avec son enfant allant même

jusqu’à détruire la relation qu’il a avec son autre parent. Le parent « aliénant » sera plus laxiste

dans l’éducation de son enfant tandis que l’autre parent sera perçu comme étant plus stricte.

Exemple. La mère va refuser de donner l’enfant au père durant ses droits de visite et

d’hébergement. Le père va donc répondre en refusant de payer la pension. La mère relatera

l’histoire en faisant passer le père pour un « mauvais » parent qui ne s’occupe pas de son enfant.

L’instrumentalisation se traduit par la vengeance d’un parent envers l’autre. Les parents font

preuve d’égoïsme en utilisant leur enfant comme un otage.

Jurisprudence. Les juridictions françaises ont eu des difficultés à admettre ce trouble.

Elles étaient réticentes à admettre le syndrome d’aliénation. La reconnaissance de ce trouble a

été révélée il y a une quinzaine d’années. Il est difficile pour les juges d’identifier les

symptômes, notamment parce que le juge n’est pas qualifié dans ce domaine et il ne voit pas

forcément que l’enfant est une victime de l’instrumentalisation parentale.

La Cour européenne des droits de l’homme avait reconnu le syndrome d’aliénation

parentale avant les juridictions françaises. En 200552, elle avait condamné la France au motif

que les autorités n’avaient rien fait pour qu’une mère puisse voir sa fille de sorte qu’elle n’avait

pu la voir que deux fois pendant cinq ans. La condamnation résulte du fait que la mère avait été

rejetée par l’enfant et que les autorités n’ont rien fait pour renouer le lien familial. Les juges

protègent la relation de l’enfant avec ses deux familles.

Par suite, les juridictions françaises ont commencé à reconnaitre le syndrome

d’aliénation parentale. Par exemple en transférant la résidence principale de l’enfant chez le

père après que la Cour ait constaté que l’enfant avait été instrumentalisé53. Même si la Cour le

mentionne parfois dans quelques décisions, ce trouble n’est pas encore reconnu sur le plan

juridique, c’est pour cela qu’une question ministérielle a été posée.

En 201354, il a donc été demandé au Ministre de la Justice si le gouvernement

envisageait d’instituer un délit de maltraitance psychologique envers le parent délaissé et

l’enfant. Dans sa réponse, le Ministre admet que l’aliénation parentale n’est pas reconnue

52 CEDH, 28 mai 2006, Plasse-Bauer c/ France, n° 21324/02 53 Cass, civ 1ère, 26 juin 2013, n° 12-14.392, Bull. civ. I, JurisData n° 2013-013137 54 Rép. min. à la QE n° 16593 du 29 janvier 2013, JOAN Q 18/06/2013, p. 6454

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unanimement mais qu’il existe des moyens de la sanctionner. Il affirme que le parent délaissé

peut saisir le juge civil pour modifier le droit de visite et d’hébergement s’il se sent exclu. Le

juge appréciera suivant les éléments du dossier mais dès lors que l’enfant est en danger, il pourra

transmettre les informations au juge des enfants pour procéder à une mesure d’assistance

éducative. Il explique aussi que des sanctions pénales sont mises en place pour lutter contre ce

syndrome comme la non présentation de l’enfant qui est réprimée à l’article 227-5 du Code

Pénal. Il conclut donc en estimant qu’il n’est pas nécessaire d’apporter des modifications.

Malgré une faible reconnaissance de cette manipulation parentale, il convient de rester

prudent puisqu’elle a des effets sur la vie de l’enfant.

B. Les conséquences sur l’enfant.

L’enfant victime de manipulation parentale n’est plus maître de ses sentiments. Il aura

subi tellement de pression de la part de l’un de ses parents qu’il n’osera plus parler devant le

juge. Comme le disait Marc Juston55, l’enfant va devenir « l’otage des parents ». La parole de

l’enfant va être troublée. Il n’exprimera pas sa volonté mais celle du parent « aliénant » car il

va se sentir protecteur du parent. L’instrumentalisation trouble l’enfant qui a des difficultés à

mettre des mots sur ses émotions. Il est tellement manipulé par le parent qu’il est perdu dans

ses sentiments. Sa parole sera alors fragilisée et incertaine, c’est donc au juge d’apprécier la

volonté de l’enfant.

En effet, en tant que gardien des intérêts de l’enfant, celui-ci a le devoir de le protéger

et de faire tout son possible pour éviter une telle manipulation. Il ne doit pas mettre en avant un

parent plus que l’autre puisqu’ils ont tous les deux les mêmes droits sur l’enfant. Le juge devra

mettre l’enfant dans de bonnes conditions afin qu’il soit plus aisé pour lui de parler. Le juge

peut expliquer aux parents les conséquences de leurs comportements sur l’enfant.

Les juges remarquent que la plupart les demandes faites par les enfants sont dictées par

un adulte. C’est une illustration de l’instrumentalisation. Les parents dictent à l’enfant ce qu’il

faut dire au juge. Celui-ci pourra alors refuser la demande d’audition. Il arrive fréquemment

que les juges refusent d’auditionner l’enfant car ils ont conscience que l’enfant n’est pas neutre

au sein du conflit et qu’il est trop impliqué. Dans ce cas, le juge préfère ne pas entendre l’enfant.

55 Juston M., « La souffrance des enfants dans les situations de séparation de leurs parents : quelle réponse la justice familiale peut-elle y apporter ? », Gaz Pal., 19 janvier 2012 n° 19, p. 12

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Outre ces lettres, le juge verra dans le comportement et les dires de l’enfant s’il a subi

une pression de la part des parents. Par ces circonstances, le juge entendra l’enfant mais sa

parole n’aura pas une grande valeur. Le juge sait qu’il n’est pas dans l’intérêt de l’enfant d’être

privé de l’un de ses parents. Au contraire, il est toujours préférable que l’enfant entretienne des

relations familiales. En pratique, il est extrêmement rare qu’un juge retire l’autorité parentale

ou qu’il supprime un droit de visite et d’hébergement. C’est uniquement en cas de motif grave.

Au cours de la procédure, le juge va examiner si l’enfant est victime

d’instrumentalisation parentale et si tel est le cas, il va rétablir les relations. Par exemple dans

un arrêt récent de 201656, le juge avait constaté que la mère s’opposait au droit de visite et

d’hébergement du père l’empêchant alors d’exercer ses droits. L’enfant entretenait une relation

fusionnelle avec sa mère. La Cour avait donc rejeté le pourvoi de la mère qui contestait la

fixation des droits du père, réinstaurant une relation entre le père et son enfant.

L’instrumentalisation de l’enfant a de graves conséquences sur sa vie puisqu’il est dans

une relation exclusivement fermée avec le parent aliénant. Cette situation est dangereuse pour

les jeunes enfants qui ont besoin d’avoir leurs deux parents pour évoluer dans la vie.

Conclusion :

L’audition de l’enfant est un droit reconnu dans de nombreux textes internes et

européens. Ce droit est une protection de l’enfant qui a la faculté d’exprimer son opinion au

cours du divorce de ses parents. L’audition est une procédure souple qui n’est subordonnée qu’à

deux conditions : être capable de discernement et être concerné par la procédure. Elle est mise

en œuvre dans l’intérêt de l’enfant. Son déclenchement est souple pour qu’un jeune enfant

puisse y accéder. L’atout de cette mesure est de laisser parler l’enfant. Celui-ci est le premier

concerné dans le divorce de ses parents, il est donc admis qu’il soit complice de la décision

rendue par le juge. L’enfant sera plus enclin à comprendre cette dernière s’il s’est senti investi

et s’il n’a pas été mis à l’écart. Le juge prend simplement en compte les sentiments de l’enfant,

il n’est pas obligé de suivre la stricte volonté de celui-ci. La portée de la parole de l’enfant reste

donc incertaine. C’est d’autant vrai puisque cette procédure encourt un risque pour l’enfant. Il

est apparu que les parents se déresponsabilisent face à leur enfant. Ils profitent de l’audition

pour que l’enfant décide de son sort, le laissant arbitrer le conflit parental. Les rôles vont ainsi

56 Cass, civ 1ère, 8 juillet 2016, n° 14-20465

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être renversés, l’enfant va décider et les parents vont subir la décision. Ce comportement

entraine une insécurité pour l’enfant. Par le syndrome d’aliénation parentale, le parent aliénant

va faire en sorte d’être aimé de l’enfant, mettant ainsi en échec son autorité parentale. Il apparait

que le parent éduquera son enfant de manière moins stricte pour ne pas être en conflit avec ce

dernier, ainsi l’enfant décidera de vivre avec le parent le plus laxiste. Cette situation remet en

cause l’autorité parentale que le parent a envers l’enfant.

Par l’audition, l’enfant est perçu comme un adulte même si sa parole n’a pas une valeur

absolue ni une portée considérable. Le principe est que l’intérêt de l’enfant est primordial et

qu’il peut s’exprimer librement. Il n’est plus exclu dans la relation de couple. La parole de

l’enfant est donc reconnue et le juge va apprécier souverainement s’il doit la prendre en

considération.

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Cour d’appel Toulouse, 22 mars 1999, n° 98/01358, JurisData n° 1995- 041973

Cour d’appel Reims, 19 septembre 2002, n° 99/01920, JurisData n° 2002-202438

Cour d’appel Besançon, 2 avril 2004, n° 03/01888, JurisData n° 2004-242467

Cour d’appel Montpellier, 1er août 2007, n° 06/8293. JurisData n° 2007-345051

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Cour d’appel Amiens, 26 septembre 2007, n° 06/03352, JurisData n° 2007-356970

Cour d’appel Grenoble, 18 décembre 2007, n° 07/00134. JurisData n°2007-359451

Cour d’appel Lyon, 14 février 2011, n° 09/06530

Cour d’appel Douai, 12 juillet 2012, n° 11/04503

Cass, Civ 1ère, 10 mars 1993, pourvoi n°91-11.310, Bull. civ. I, n° 103, Chron. 203 obs.

Rondeau-Rivier

Cass, civ 1ère, 4 janvier 1995, n° 92-20. 682, Bull. civ. I, n°2

Cass, civ 2ème, 22 mai 1996, n° 94-12671, Bull. civ. II, n°100 ; D. 1997. 340 note Massip

Cass, civ 2ème, 10 juin 1998, n°97-20.905, NP ; JCP 1999.101, obs. Favier

Cass. Ch. Mixte, 9 février 2001, n°98-18.661, Bull. ch. Mixte, n°1 ; Dr. Fam. 2001, n°

53, note Gouttenoire-Cornut ; JCP 2001. II. 10514, note Fossier ; RTD civ. 2001.333,

obs. écrit Hauser

Cass, civ 1ère, 18 mai 2005, n° 02-20.613, Bull. civ. I, n°212 ; AJ fam. 2005.274, obs.

Fossier ; D. 2005.1909, note Egéa ; Dr. Fam. 2005, n°156, note Gouttenoir ; JCP 2005.

II. 10081, obs. Granet et Strickler

Cass, 1ère civ, 19 septembre 2007, n° 06-18.379, Bull. civ. I, n°286 ; Dr. Fam. 2008,

n°192, obs Murat ; obs. Thierry ; RTD civ.2008

Cass, civ 1ère, 3 décembre 2008, n°07-11.552, Bull. civ. I, n°279 ; D. 2008. Obs. Granet-

Lambrechts ; Dr. Fam. 2009, Comm. 27, obs. Murat ; AJ fam. 2009.31, obs. Robineau,

JurisData n°2008-046076

Cass, civ 1ère, 3 décembre 2008, n° 07-19.767, Bull. civ. I, n° 276 ; AJ fam. 2009.32 ;

Dr. F2008, n°17, obs. Murat ; D. 2009.1918, obs. Gouttenoire et Bonfils ; AJF 2009, p.

31, obs. F. Chénedé ; Dr. Fam. 2009, comm. 17, P. Murat ; JCP G 2008, act. 740, Y.

Favier ; JCP G 2009, II, 10032, G. Rousset ; JurisData n° 2008-046077

Cass, civ 1ère, 20 octobre 2010, n°09-67.468, NP ; D. 2011. 1995, obs. Bonfils et

Gouttenoire

Cass, civ 1ère, 28 septembre 2011, n°10-23.502, NP ; AJ fam. 2011.546, obs. Briand ;

RTD civ. 757, obs. Hauser ; procédures 2012, n°12, note Douchy- Oudot. JurisData n°

2011-022473

Cass, civ 1ère, 23 novembre 2011, n° 10-16.367, NP ; Dr. Fam. 2012, n°30, note

Neyrinck, JurisData n°2011-030679

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Cass, civ 1ère, 20 juin 2012, n° 11-19.377, Bull. civ. I, D. 2012.2267, obs. Bonfils et

Gouttenoire, Jurisdata n° 2012-01344

Cass, civ 1ère, 24 octobre 2012, n°11-18. 849, Bull.civ. I, n°212 ; JCP 2012. 2029, obs.

Favier ; RJPF 2012-12/36, obs. Eudier ; AJ fam. 2012.612, obs Rovinski

Cass, civ 1ère, 26 juin 2013, n° 12-14.392, Bull. civ. I, JurisData n° 2013-013137

Cass, 1ère civ, 26 juin 2013, N° 12-17.275, Bull. civ. I, n°661, JurisData n°2013-013139

Cass, civ 1ere, 18 mars 2015, 14-11.392, Bull. civ. I, n°161 ; Dalloz actualité, 8 avril

2015, obs. Kébir ; Procédures 2015, note Douchy-Oudot

Cass, civ 1ère, 23 septembre 2015, n°14-22.636, NP, JurisData n° 2015-021144

Cass, 1ère civ, 16 décembre 2015, n°15-10.442, Bull.civ. I, n° 1449, JurisData n° 2015-

027902

Cass, civ 1ère, 8 juillet 2016, n° 14-20.465, NP

CEDH, 23 septembre 1994, Hokkanen c/ Finlande, n° 19823/92

CEDH, 28 mai 2006, Plasse-Bauer c/ France, n° 21324/02

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Annexe 1. Courrier d’un avocat pour demander l’audition d’un

enfant.

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Annexe 2. Lettre de convocation de l’enfant

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TABLE DES MATIERES

Abréviations……………………………………………………………………………………1

Rapport de stage………………………………………………………………………………..3

Introduction…………………………………………………………………………………….7

Partie 1 : Le déroulement de l’audition de l’enfant dans les procédures familiales……………12

Section préliminaire. La consécration d’un droit d’audition en droit international et européen.12

§1. Un droit d’audition reconnu internationalement…………………………………..12

§2. Le droit européen reconnaissant l’audition de l’enfant…………………………….15

Section 1. Les conditions préalables à l’audition……………………………………………...17

§1. Les conditions concernant l’enfant………………………………………………..17

A. Deux conditions à respecter………………………………………………………..17

1. Le discernement de l’enfant………………………………………………...17

2. L’enfant devant être concerné par la procédure…………………………….20

B. L’information de l’enfant de son droit d’audition…………………………………..22

1. L’information du mineur de sa possibilité d’agir par les parents……………22

2. L’intervention du juge dans l’information de l’enfant………………………23

§2. L’audition demandée………………..…………………………………………….24

A. La demande d’audition……………………………………………………………24

1. La demande faite par l’enfant……………………………………………….24

2. La demande faite par les parties ou par le juge……………………………....26

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B. La décision du juge sur la demande d’audition……………………………………..26

1. La demande de l’enfant refusée……………………………………………..26

2. La demande d’audition des parents refusée…………………………………27

Section 2. La mise en œuvre de l’audition……………………………………………………..28

§1. Les modalités de l’audition………………………………………………………..28

A. La convocation de l’enfant par le juge……………………………………………...28

B. La possibilité d’être accompagné…………………………………………………..30

1. L’avocat comme accompagnateur…………………………………………..30

2. Un accompagnateur autre qu’un avocat…………………………………….31

§2. Le déroulement de l’audition……………………………………………………...32

A. L’audition faite par le juge…………………………………………………………32

B. L’audition déléguée………………………………………………………………...34

Partie 2. Le danger pour l’enfant d’intervenir dans le divorce de ses parents………………….37

Section 1. Une procédure contradictoire excluant l’enfant……………………………………37

§1. Un compte-rendu soumis au contradictoire………………………………………..37

A. La retranscription de l’audition……………………………………………………37

1. La rédaction du compte rendu d’audition…………………………………..37

2. Un compte-rendu respectant l’intérêt de l’enfant…………………………...38

B. Le respect du contradictoire du compte-rendu d’audition…………………………..39

§2. Le statut du mineur………………………………………………………………...40

A. L’absence de statut de l’enfant……………………………………………………..40

B. Les conséquences de l’absence de statut de l’enfant………………………………..42

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Section 2. Une simple prise en compte des sentiments au regard du risque d’instrumentalisation

de l’enfant……………………………………………………………………………………..44

§1. Une simple prise en compte des sentiments de l’enfant……………………………44

A. Le juge doit simplement prendre en considération les sentiments de l’enfant……44

1. L’obligation pour le juge de mentionner la prise en considération des

sentiments de l’enfant…………………………………………………………………44

2. La liberté d’appréciation du juge……………………………………………46

B. L’obligation du juge de prendre la décision sur les modalités des droits de visite et

d’hébergement………………………………………………………………………………48

1. L’enfant devenu arbitre……………………………………………………..48

2. L’impossibilité pour le juge de déléguer la décision à l’enfant……………..50

§2. L’instrumentalisation du mineur……………………………………………………....51

A. Le syndrome de l’instrumentalisation difficilement reconnu………………………….51

B. Les conséquences sur l’enfant………………………………………………………...53

Conclusion……………………………………………………………………………………54

Bibliographie………………………………………………………………………………….56

Annexe 1………………………………………………………………………………………60

Annexe 2………………………………………………………………………………………61