La vieillesse dans la tradition juive · 1/ Introduction 2/ La vieillesse dans la Bible hébraïque...
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« Lève-toi à l’aspect d’une tête blanche et honore la personne du vieillard » Lévitique 19,32
La vieillesse dans la tradition juive CJEB 16 juin 2019 (Serge Hannoun)
1/ Introduction2/ La vieillesse dans la Bible hébraïque3/ La vieillesse dans le Talmud et le Midrash4/ La prise en charge des vieillards5/ Sénilité, démence, maladie d’Alzheimer6/ Prise en charge des personnes âgées en Israël7/ Conclusion
Le plan…
Le vieillard et la vieillesse sont très présents dans les textes de la tradition juive
Le mot « zaquen » désigne le vieillard et aussi le Sage
Il est fait mention à de nombreuses reprises, dans la Bible hébraïque et dans le Talmud des vieux et de la vieillesse (Abraham à 100 ans, Moïse à 80 ans…)
Ces textes n’ont pas une simple vocation narrative, ils nous proposent des modèles, nous renseignent sur la nature humaine, nous amènent à nous interroger sur nos comportements et nous invitent à cheminer sur la voie de la morale et de la justice
La vieillesse, préoccupation constante dans le judaïsme
La longévité diminue après le Déluge: Mathusalem 969 ans, Abraham 175 ans, Moïse 120 ans.
« Leurs jours seront réduits à 120 ans » (Gn 6,3)
La Torah nous dit « Lève-toi à l’aspect d’une tête blanche et honore la personne du vieillard » (Lev 19,32) , mais elle ne définit pas ce qu’est la vieillesse.
Des références se trouvent dans I Rois et II Rois, chez les Prophètes, dans les Psaumes (71) et les Proverbes, dans le livre de Job (12) et dans l’Ecclésiaste (12).
La vieillesse dans la Bible hébraïque
Mais aussi dans la Michna (Traité des Pères)
La vieillesse commence à 70 ans (Pirké Avot 5,21)
dans le Talmud et le Midrach (Hillel l’Ancien, R. Yohanan).
Et voir encore l’Admour Hazaken (Loubavitch)…
La vieillesse dans la Bible hébraïque
Dans le Talmud (Baba Matsia 87a), il est dit qu’il n’y avait pas de signe de la vieillesse avant Abraham.
C’est lui qui demande à D.ieu qu’apparaissent les signes (physques? moraux?) du vieillissement.
Interprétations: la vieillesse gagne en visibilité, évitant la confusion des générations, afin que chacun joue son rôle et que chaque âge ne soit pas approché de la même façon, permettant ainsi des liens familiaux et sociaux harmonieux et apaisés; pour qu’on perçoive aussi autre chose de la personne que son corps, mais surtout la vie de son âme (immortelle), car plus le corps s’affaiblit, plus l’âme peut se manifester.
Abraham et l’«invention » de la vieillesse
Utilisent souvent un langage métaphorique voire poétique
Ils décrivent la vieillesse, ses effets physiques et psychologiques, ses conséquences, les facteurs favorisant sa survenue, les moyens d’en mieux supporter les effets
ceci au travers de textes et de commentaires disséminés dans différents traités et chapitres
permettant en même temps un enseignement indirect des jeunes générations, en étudiant des sujets divers
La vieillesse commence à 70 ans (Pirké Avot 5,21)
Talmud et Midrach
Diminution ou perte des facultés physiques et/ou intellectuelles, démence
Vulnérabilité, fragilité
Sensation d’isolement, d’être un fardeau pour ses proches, sentiment d’inutilité, doutes sur soi-même
Troubles de la mémoire
Etre « rassasié » : « Abraham défaillit et mourut dans une heureuse vieillesse âgé et satisfait; et il rejoignit ses pères » Gn 25,8
Les effets de la vieillesse
Perte de la vue (Isaac, Jacob), de l’ouïe, difficultés à se déplacer, frilosité (David)
« Il arriva comme Isaac était devenu vieux, que sa vue s’obscurcit » (Gn 27,1)
« Le roi David était vieux, chargé de jours; on l’enveloppait de vêtements, sans qu’il en fut réchauffé » (I Rois 1,1)
Les effets de la vieillesse
II Samuel 19, 33-36
« Or Barzillaï était très vieux, il avait 80 ans (…). Le roi lui dit: fais route avec moi (…).Barzillaï lui répondit: …puis-je encore distinguer le bien du mal, connaitre le goût de ce que je mange et de ce que je bois, apprécier la voix des chanteurs et des chanseuses? Pourquoi ton serviteur serait-il maintenant à charge de monseigneur le roi? »
Les effets de la vieillesse
Rabbi Chim’on fils de ‘Halafta avait l’habitude de rendre visite à Rabbi Yehouda haNassi à chaque néoménie. Quand il vieillit, il cessa ses visites.Un jour il monta chez Rabbi Yehouda haNassi qui lui demanda: « Pour quelle raison ne me rends-tu plus visite comme tu en avais l’habitude? Il répondit: « Les lointains sont devenus proches, les proches sont devenus lointains, deux sont devenus trois et la paix a disparu de la maison ».
Exemple de dialogue métaphorique
Midrach Vayikra Rabba (18,1)
Les lointains sont devenus proches: baisse de la vision, les proches ne peuvent plus prendre en charge les vieux et font appel à l’aide d’étrangers, les souvenirs d’enfance nous reviennent
Les proches sont devenus lointains: difficultés à se déplacer, baisse de l’ouïe, les proches s’éloignent, pertes de mémoire
Les deux sont devenus trois: l’aide d’une canne, le couple a besoin de l’ aide d’une personne étrangère
La paix a disparu de la maison: perte du désir sexuel, références aux nombreux passages chez le médecin ou à l’hôpital et aux nombreux soucis du quotidien
Interprétations Midrach Vayikra Rabba (18,1)
Ce langage permet une approche éminamment éthique du problème du vieillissement
Il évoque la désocialisation de la personne agée
Il est sensé nous faire comprendre son ressenti profond
Il ne s’agit pas seulement de décrire la vieillesse, mais d’attirer l’attention des plus jeunes afin de trouver des moyens de lutter contre cette désocialisation.
Ce langage métaphorique fait de pudeur, de retenue, de délicatesse, ménage la dignité du vieillard et traduit le respect et la considération qu’on lui porte.
Ce que nous dit ce langage de la vieillesse
Des facteurs peuvent précipiter la vieillesse selon le Midrach Tan’houma (Hayé Sara 2): la peur , la colère provoquée par les enfants, un mauvais conjoint, les guerres
Le mode de vie antérieure, l’étude de la Torah peuvent déterminer le type de vieillesse.
La vieillesse « se prépare » : « Souviens-toi de ton Créateur aux jours de ta jeunesse avant qu’arrivent les mauvais jours et que surviennent les années dont tu diras: Elles n’ont pas d’agrément pour moi » ( Kohélet 12, 1)
Pour une vieillesse heureuse…
La sagesse obtenue par l’Étude, la connaissance et l’expérience acquise, aide à une vieillesse heureuse
« Il ôte la parole à ceux qui ont de l’assurance, Il prive de jugement les vieillards » (Job 12,12). Cela s’adresse aux ignorants…
« La sagesse est l’apanage des vieillards, les longs jours vont de pair avec la raison » (Job 12, 20). Cela concerne les disciples des Sages
Sagesse et vieillesse
Dans la société occidentale, la vision économique l’emporte sur l’humain, l’individu est vu comme un producteur-consommateur, la modernité est à l’honneur, créant parfois un malaise intergénérationnel; la vieillesse évoque notre propre déchéance et la mort, d’où le culte de l’antivieillissement (la vieillesse, « maladie guérissable »).
Dans le judaïsme, on tente d’intégrer au maximum la personne agée, homme ou femme, à la vie religieuse, sociale et familiale.
Au sein de la famille, d’abord: on doit se rappeler que l’ancien a été jeune, en portant une attention au récit de sa vie passée, des lieux qu’il a fréquentés.
Quelle place pour le vieillard?Quels moyens pour le maintenir dans la société?
La vie communautaire permet rencontres, échanges entre les générations , et évite l’isolement.
Dans la maison de prières, les vieux participent au quorum; c’est un lieu de sociabilité où ils peuvent continuer à étudier et s’épanouir. Ils sentent qu’on a besoin d’eux et apprécient la sollicitude et la reconnaissance qu’on leur témoigne.
Quelle place pour le vieillard?Quels moyens pour le maintenir dans la société?
Synagogue Mochav Zékénim Tel-Aviv
Il faut à tout prix éviter la mort sociale de la personne agée. Il ne faut pas hésiter à solliciter son aide pour lui faire sentir son utilité. Il faut éviter de la déresponsabiliser.
Il faut lui montrer qu’on a de l’intérêt pour elle, qu’on l’aime pour ce qu’elle est et non pour ce qu’elle peut nous apporter.
Quelle place pour le vieillard?Quels moyens pour le maintenir dans la société?
Honorer (Ex 20,12) et craindre (Lev 19,3) ses parents
La halakha prend en considération les déficiences de la personne âgée dans l’accomplissement des mitsvot
Le vieillard doit bénéficier d’un accompagnement respectueux et aimant, et d’une aide en respectant sa dignité
Le maintien à domicile est souhaitable, si possible, avec éventuellement l’aide d’un tiers
Le vieillard est à la source de la transmission des valeurs du judaïsme aux jeunes générations, c’est un « passeur »
Le mode de vie (nourriture, shabbat, etc.) permet un lien intergénérationnel fort dans la famille juive traditionnelle.
Des droits et des devoirs…
Il n’y a pas de définition de la sénilité dans la Talmud
La démence est abordée avant tout sur le plan de ses conséquences juridiques
Les critères de la démence (Traité ‘Haguiga 3b 4a) évoquent la mort
« L’approche talmudique repousse le plus possible les frontières de la déficience mentale afin de maintenir la personne au sein de la société par des interprétations indulgentes d’actes curieux et bizarres » (J. Milewski)
Sénilité, démence, Maladie d’Alzeihmer (1)
La mémoire défaillante, morcellée est comparée aux premières Tables de la Loi brisées et conservées dans l’Arche, et qui n’ont pas perdu de leur valeur (Traité Bérakhot 8b).
La personne malade conserve son humanité, et on doit lui conserver notre considération
Sénilité, démence, Maladie d’Alzeihmer (2)
On peut avoir recours à un tiers : “Celui dont le père ou la mère a perdu la raison doit s’efforcer de se comporter vis-à-vis d’eux selon leur volonté (…) et s’il ne lui est pas possible de tenir car ils ont subi trop de changements, qu’il s’en aille, les laisse et ordonne à d’autres de s’en occuper correctement” (Choul’han Aroukh)
Mais il faut conserver un regard humain avec eux et continuer à leur rendre visite!
Sénilité, démence, Maladie d’Alzeihmer (3)
11% de la population a plus de 65 ans (900 000)
Âge de départ en retraite 67 ans pour les hommes, 64 ans pour les femmes (10% poursuivent une activité)
Retraite de 300 euros/ personne (Bituah Léumi), plus ou moins retraite complémentaire (privée)
Nombreuses aides sociales en fonction des revenus
Des associations conseillent les personnes âgées et s’occupent des démarches (ex: Association Babaït)
Tout est fait pour le maintien à domicile
Programme «Les étudiants pour les PA » (volontariat)
La prise en charge des personnes agées Israël
L’ « auxilliaire de vie » ou métapélet (prendre soin). Ce sont souvent des Philippines (9h45 à 18h/ sem.)
Les Maisons de retraite ou Béït Avot: plusieurs catégories selon autonomie ou dépendance (10000 à 13000 sh)
L’Association pour l’innovation et la longévité (APIC) travaille pour optimiser la politique d’action sociale pour personnes âgées et handicapées (repas à domicile, aménagement des infrastructures, transport, etc.).
La situation particulières des survivants de la Shoah
(Autorité chargée de leur prise en charge, logements
communautaires, exemple Reuth à Tel-Aviv)
La prise en charge despersonnes âgées en Israël 2)
הוהה י יה ני יך, אנ להי אל אתה מא יהרא ן;וה נאי זהקא תה פה רה דר הה קום, וה ה תה יבה נאי שא פה מי
Se lever est un acte physique, un geste qui dépasse la simple vision d’un corps fatigué ou d’un visage ridé; c’est reconnaître la part de divin qu’il y a en la personne.
Les “cheveux blancs”, sont un signe de vieillesse et en même temps une représentation symbolique de D.ieu, l’”Ancêtre des jours” apparaissant sous les traits d’un vieillard dans Daniel 10,9 “les cheveux de Sa tête sont blancs comme de la laine éclatante”. Signe de “bonté”.
On se lève donc devant l’”image” de D.ieu, devant les
“attributs” de D.ieu, les valeurs de bonté et justice
qui ont été transmis à l’homme.
"Lève-toi à l’aspect d’une tête blanche et honore la face du vieillard. Crains ton D.ieu. Je suis l’Eternel» (Lev 19, 32)
Le souci porté aux vieillards est un devoir religieux
Le temps de la vieillesse est celui de la manifestation de toute la richesse intérieure engrangée tout au long de la vie
La tradition juive nous invite à aborder notre vieillesse en la préparant par l’exercice d’une vie entièrement consacrée à la pratique des vertus, à en accepter la venue, avec sérénité, et en en faisant une source de bonté
On doit tout faire pour éviter de désocialiser la personne âgée qui doit rester dans la communauté des vivants
Conclusion
Le vieillard juif est un privilégiéLe vieux interpelle le jeuneLes vieux sont responsables de la
transmission des valeurs du judaïsme auprès des jeunes générations
Avoir de la considération pour une personne âgée conduit à respecter et protéger toute personne humaine
Conclusion
« Il est interdit de vieillir » Rabbi Na’hman de Bresslev
La vieillesse dans le judaïsme
(Jacky Milewski, éd Hermann)
Les enfants de Mathusalem
(Roland Portiche, éd Stock)
Bibliographie