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LA VIEillesse n’ EST pas UN LONG FLEUVE TRANQUILLE Comédie de Jean-Paul Cantineaux

Pour demander l’autorisation en ligne : site de la SACD www.sacd.fr

Pour obtenir l’intégralité du texte, contactez l’auteur : jpaul .cantineaux@gmail.com

DUREE : 1h50 environ DECOR : Le salon d’un appartement dans une résidence modeste d’une ville

universitaire. Deux portes ou issues au moins, l’une donnant sur l’entrée ou le

vestibule et l’autre vers chambres, cuisine et potager. (troisième porte conseillée

mais pas obligée).

ACCESSOIRES : quelques objets courants (1 ou 2 valises, dictionnaire, cadre photo,

éplucheur…)

COSTUMES : vêtements contemporains habituels + une tenue sexy de jeune femme

+ 1 pyjama (personne âgée).

DISTRIBUTION des ROLES : VERSION à 9 PERSONNAGES (+ 2 voix off avec 3 ou 4 répliques)

3H6F (= original) 4H5F = Simon devient Simon OU Henriette devient Henri. 5H4F = Simon devient Simon ET Henriette devient Henri.

LES LOCATAIRES

- F = IRENE (60 ans ou +)

- H = BERNARD, mari d’IRENE (même âge)

- F ou H = SIMON(E), sœur d’IRENE (60 ans ou + a perdu la raison)

FLO ET SA FAMILLE

- F = FLO (Florence), étudiante, locataire de Bernard et IRENE (18/25ans)

- F = ROSE (mère de Flo – 40 à 60 ans)

- H = THIERRY (le père de Flo – 40 à 60 ans))

LES AUTRES HABITANTS DE L’IMMEUBLE

- F = GERMAINE Pinglu, concierge (entre 40 et 65 ans)

- F = HENRIETTE, la voisine (45 à 60ans)

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- H = NATHAN, fils d’Henriette, amant de Florence (20 à 25 ans)

EN VOIX OFF (entre acte 2 et acte 3)

- H ou F = un voisin (3 répliques lues)

- H ou F = un policier (4 répliques lues)

AUTRES VERSIONS POSSIBLES ULTERIEUREMENT sur demande et sous

réserve de temps : Versions 10, 11 et 12 rôles (Risque : ça va rallonger…)

SYNOPSIS : Pour mieux comprendre avant de lire… IL ETAIT UNE FOIS, IL Y A 20 OU 25 ANS… (Je vous préviens : c’est triste.) Deux jeunes femmes accouchent prématurément, le même jour, de deux petites

filles.

THIERRY conduit sa jeune femme, ROSE, vers l’hôpital le plus proche (situé dans

votre région). En route, ROSE tombe dans le coma et THIERRY découvre que leur

bébé est décédé. Il continue à rouler vers l’hôpital et aperçoit soudain la voiture de

l’autre couple dans le fossé. Il s’arrête et constate le décès de 3 occupants : le

couple et une dame plus âgée. Un bébé pleure dans son couffin sur le siège arrière,

apparemment indemne.

Dans un moment de folie, THIERRY échange les deux bébés. Rapidement, il se rend

compte de ce qu’il vient de faire et s’apprête à annuler son geste…

Mais un autre véhicule arrive : trop tard pour reculer !

On appelle les secours.

THIERRY garde alors son lourd secret, pour lui seul, à jamais…

Sauf que “Jamais“… Ne dit-on pas qu’il ne faut jamais dire “ jamais “ !

Mais bon… Là, franchement…

Comment voulez-vous que, plus de 20 ans après, le hasard, le destin ou la volonté

divine, appelez ça comme vous voulez, parviennent à faire remonter à la surface

cette vieille histoire oubliée ?

Pourtant vous le savez bien, vous qui jouez la comédie : au théâtre, tout est

possible !

Allez asseyez-vous et tournez les pages… Je vous raconte.

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IL EST UNE FOIS, AUJOURD’HUI… LE RIDEAU S’OUVRE…. (et là, c’est plus triste du tout !) IRENE et BERNARD sont retraités et hébergent SIMONE la sœur d’Irène, qui a

perdu la raison suite à un grave et très ancien accident de la route (Tiens… Encore

un ?).

Pour rompre la monotonie du quotidien et aussi améliorer leur budget, ils ont décidé

d’accueillir une jeune étudiante dans leur grand logement.

Le rideau s’ouvre bien sûr le jour de l’arrivée de la jeune et jolie Florence (FLO),

accompagnée de ses deux parents, ROSE et THIERRY.

C’est banal hein mon histoire ? Ouais… Mais…

- Pourquoi FLO saute-telle au cou de BERNARD qu’elle n’a encore jamais vu ?

- Pourquoi THIERRY est-il quasi certain d’avoir déjà rencontré BERNARD ?

- Pourquoi HENRIETTE, l’amie et voisine, pense-t-elle avoir déjà vu FLO ?

- Pourquoi SIMONE, habituellement déjà bien à côté de ses pompes, s’obstine-

t-elle à vouloir aujourd’hui ressusciter des fantômes ?

- Pourquoi n’accorde-t-on pas plus de crédit aux conseils perspicaces de

GERMAINE, la pittoresque concierge (pardon… Gardienne d’immeuble) ?

- Pourquoi FLO et NATHAN (fils d’Henriette) semblent-ils aussi vite très

familiers ?

- Pourquoi ROSE est-elle à 1000 lieues de ce qui va lui être révélé ?

Mais les deux vraies questions sont : - Notre sympathique BERNARD est-il aussi naïf qu’il n’y paraît ?

- FLO est-elle une étudiante tout à fait quelconque proposée par une agence

immobilière spécialisée, comme le prétend BERNARD ?

Pauvre IRENE au milieu de tout ce cirque !

Je me doute bien qu’avec les prénoms vous avez déjà repéré l’embrouille entre le

passé et le présent.

Mais il reste bien des surprises à découvrir jusqu’à la chute…

Allez venez, vous avez juste à tourner les pages !

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ACTE 1 Début d’après-midi

Scène 1

IRENE, SIMONE, GERMAINE, HENRIETTE

Le rideau s’ouvre. La radio posée sur un meuble diffuse à volume modéré la

chanson “On ne voit pas le temps passer“ de Jean Ferrat.

Irène est en train de repasser et fredonne les paroles qu’elle connaît par coeur.

Sa sœur Simone, gâteuse, est assise dans son fauteuil.

LA RADIO + IRENE Faut-il pleurer, faut-il en rire ? Fait-elle envie ou bien pitié ?

Je n'ai pas le cœur à le dire, On ne voit pas le temps passer

IRENE A Simone

Allez ma sœur chante avec moi !

RADIO, IRENE, SIMONE Cette dernière balbutie quelques bribes de paroles à retardement.

Une odeur de café qui fume, et voilà tout son univers,

Les enfants jouent, le mari fume, les jours s'écoulent à l'envers.

… La sonnette de l’entrée retentit.

Je n’ai pas le cœur à le dire, On ne voit pas le temps passer.

IRENE Fort pour couvrir la radio

Voilà, voilà !

Elle met la radio en sourdine et sort vers le vestibule.

Irène et Germaine en off échangent assez fort pour couvrir la radio.

GERMAINE Off

C’est Germaine, je vous apporte vot’ courrier…

IRENE Off

Entrez un instant Germaine, entrez…

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Irène revient sur scène, suivie de Germaine, au moment où la radio diffuse à

nouveau le refrain. Irène se reprend à chanter.

Faut-il pleurer, faut-il en rire ? Fait-elle envie ou bien pitié ?

Je n’ai pas le cœur à le dire, on ne voit pas le temps passer.

GERMAINE Tenant quelques lettres en mains.

Et bien vous voilà bien guillerette m’dame Irène.

IRENE Eteignant la radio.

Guillerette ? Vous trouvez cette chanson là guillerette vous, Germaine ?

GERMAINE Ben… Je sais point. J’ la connais cette chanson, mais… C’est de quel chanteur ?

IRENE Eteignant la radio.

C’est de Jean Ferrat. Et d’abord ce n’est pas un chanteur : c’est un homme qui

chante.

GERMAINE Ah ? Et un “homme qui chante, c’est point pareil qu’un chanteur ?

IRENE Non, Germaine : un homme qui chante, lui, il a vraiment quelque chose à dire… Bon,

Germaine. Posez ces lettres là, sur la table…

GERMAINE Voilà !

IRENE Merci.

GERMAINE Sérieuse

C’est l’homme qui distribue le courrier qui les a apportées.

IRENE Le facteur quoi !

GERMAINE Non, non. Pas le facteur : l’homme qui a vraiment du courrier à distribuer.

IRENE Amusée

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Vous savez que vous pouvez être drôle Germaine ?

GERMAINE Désignant les lettres

Ça m’a tout l’air d’être encore des factures à moins que ce soit votre amoureux qui

vous écrive…

… Scène 2

HENRIETTE, IRENE, SIMONE, GERMAINE

… HENRIETTE

Je ne dérange pas, j’espère ? … Alors elle n’est pas encore arrivée ta petite

pensionnaire ?

GERMAINE Ben non… J’étais passée pour voir moi aussi… Enfin, aussi pour le courrier hein.

N’empêche, c’est drôlement bien ce que fait madame Irène !

HENRIETTE A Irène

Et bien moi je ne suis pas certaine que tu aies eu là une bonne idée.

IRENE On ne revient pas là-dessus ! Et d’abord c’est mon Bernard qui a eu l’idée et qui s’est

occupé de tout…

GERMAINE Un bien brave homme, monsieur Bernard… Et bel homme en plus !

IRENE Eh Germaine ! Pas touche hein !

GERMAINE Y-a point de danger. J’ai déjà donné et mon chien et mes 3 chats suffisent bien,

merci ! … N’empêche… Bien bel homme !

… IRENE

Tu vois ! Et puis tous ces jeunes étudiants qui ne savent pas où loger !

HENRIETTE Je vois surtout que si tu loues une chambre à une jeunette, tu vas au devant

d’emmerdes, de graves emmerdes.

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IRENE J’ai pas le choix. C’est ça ou on déménage en maison de retraite ! (En confidence

pour que Simone n’entende pas.) Et ma pauvre sœur à l’hôpital ou l’asile.

SIMONE J’ai entendu ! J’irai pas : l’asile ? Plutôt crever !

GERMAINE A Irène

Elle perd la boule mais point les tympans, vot’sœur.

… HENRIETTE

… Mais j’espère que tu vas tomber sur une fille sérieuse.

IRENE Rassure-toi Henriette : c’est une étudiante. Donc elle passera son temps à étudier.

HENRIETTE Ben tiens ! Tu crois que ses seuls loisirs, ce sera de faire tes courses, ta vaisselle et

ton ménage…

GERMAINE Mon œil ! J’les connais moi les jeunes de maintenant !

HENRIETTE Sorties en boîtes de nuit, musique à fond, linge qui traine… Et puis les garçons !

GERMAINE Ravie.

Ouais ! Et sans compter aussi avec leurs cigarettes bizarres que t’as même plus

besoin de vaporiser contre les mouches ! Je vous le dis moi : ici, ça va être la teuf !

SIMONE Imitant un bruit de moteur.

Teuf-teuf-teuf-teuf…

IRENE La… La quoi ?

GERMAINE La teuf Irène, la teuf ! La fête quoi !

IRENE Ah… C’est un de leurs nouveaux mots ?

GERMAINE

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Va falloir vous y mettre m’dame Irène. Parc’ que les jeunes, ils ont leur dictionnaire

complet : plus de 700 pages ! De A comme Astibloche jusqu’à Z comme Zonzon ou

Zyva, en passant par C comme Calfouette et F comme Foufounette…

IRENE Ouh la la !

GERMAINE Tiens ! Vous vous souvenez l’été dernier quand j’ai pris ma nièce pour les

vacances…

IRENE La petite Sarah ?

GERMAINE Petite, petite… 15 ans quand même. Et ben… j’avais l’impression d’avoir à la maison

une réfugiée de Zombie Zergobovine.

HENRIETTE Bosnie Herzégovine.

GERMAINE C’est pareil, c’est juste à côté… Deuxième à droite après la porte de Clignancourt. Et

ben Sarah, je comprenais même pas la moitié de ce qu’elle disait. Et pourtant ses

parents ont toujours vécu à Bar le Duc hein (ou ville très calme de votre région) ! Et

ben même là-bas, dans l’trou du cul du monde, ils y causent comme ça… Causer le

Zombique Herzébovien à Bar le Duc, non mais, j’vous l’demande : où c’est-y qu’on

va ?

IRENE C’est à ce point là ?

GERMAINE Du coup, le dico spécial de 700 pages …. Je l’ai acheté pour pouvoir parler avec ma

nièce ! Y-a tout… Enfin presque… Sauf l’accent qui va avec !

IRENE Ouh la la ?

GERMAINE 20€ sur internet, plus le prix du kilossimo. D’ailleurs… Vous savez pas quoi ?

IRENE Non.

GERMAINE

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Et ben tiens : mon dico, j’vous le prête : j’m’en vais de ce pas vous le chercher,

z’allez en avoir besoin !

Elle fonce vers la sortie.

HENRIETTE Emboîtant le pas à germaine.

Attendez- moi Germaine, je descends avec vous prendre mon colis. (A Irène.) Je

reviens !

Scène 3 IRENE, SIMONE

… Scène 4

ROSE, IRENE, FLORENCE, THIERRY, SIMONE

… Scène 5

ROSE, IRENE, SIMONE

… Scène 6

BERNARD, IRENE, SIMONE, ROSE

Arrivée de Bernard dans le vestibule (coulisses), un sac de courses à la main.

BERNARD Off.

C’est moi ! J’ai fait vite, mais y-avait la queue à la caisse du supermarché. Voilà :

juste à l’heure pour attendre nos invités !

IRENE Trop tard !

Bernard entre avec ses courses.

… SIMONE

Laurence est dans sa chambre avec “tout à fait chérie“.

Irène soupire.

IRENE Pas Laurence : Florence on t’a dit.

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ROSE Pardonnez ma curiosité, mais Laurence…

IRENE Laurence était notre petite fille. C’était il y a plus de vingt ans, elle a été tuée ainsi

que ses parents dans un accident de voiture… Elle venait juste de naître, quelques

heures avant… Elle aurait à peu près l’âge de Florence aujourd’hui… ROSE –

Désolée… Je comprends.

… IRENE

En aparté à Rose.

Faudra que je surveille papy, parce que comme je le connais il est tellement heureux

de la venue de votre fille, qu’il va complètement oublier l’aspect un peu plus

contraignant de notre contrat.

ROSE Vous voulez dire les sorties, les fréquentations ?

IRENE Oui ! Et même sur les repas, la télé… Bref il est incapable de dire non à une femme,

quel que soit son âge ! C’est d’ailleurs pour ça que je l’ai épousé.

ROSE Et bien confidence pour confidence, j’ai le même à la maison… Thierry, c’est papa

gâteau ou plutôt papa gâteux !

IRENE Ah… Mais Bernard, vous pouvez même pas imaginer, c’est pire que tout ! Tiens :

imaginez-vous que le jour de notre mariage, il n’a pas trouvé mieux que de se…

BERNARD Off depuis la cuisine.

Irène, c’est curieux, j’ai les oreilles qui sifflent là.

SIMONE Off depuis la cuisine.

Oui, Simone aussi oreilles qui sifflent.

IRENE C’est le frigo, je t’ai déjà dit de regarder : je trouve qu’il fait un drôle de bruit depuis

quelque temps.

BERNARD

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Off.

C’est ça… Il a bon dos le frigo !

IRENE En aparté à Rose.

Il prétend qu’il est sourd, mais lui aussi entend bien ce qu’il veut.

Retour de Florence et Thierry

Scène 7 FLORENCE, IRENE, THIERRY, ROSE, BERNARD, SIMONE

SCENE 8 THIERRY, ROSE, FLORENCE + SIMONE SANS DIALOGUE.

THIERRY Regardant vers la cuisine qu’ils sont bien seuls.

Rose, je mettrais ma main au feu que j’ai déjà vu Bernard quelque part.

ROSE Tu dois confondre avec quelqu’un qui lui ressemble.

THIERRY Non ! Je l’ai déjà vu, je t’assure que je l’ai déjà vu !... Mais où ?

ROSE Et ben tu nous le diras quand tu auras trouvé ! (A sa fille.) Et toi qu’est-ce qui t’a pris

de lui sauter au cou comme ça ?

FLORENCE Gênée.

Ben je sais pas, ça m’a pris comme ça… C’est plutôt gentil non ?......

ROSE A sa fille.

Gentil, oui, oui… D’ici quelques temps je dis pas, quand vous serez devenus

familiers, mais là lui sauter au cou à la première visite.

THIERRY Tiens ! On aurait dit qu’elle avait déjà vu Bernard elle aussi.

FLORENCE Moi ? Mais… Mais non.

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ROSE Chéri ! Tu vas pas recommencer !

… Sortie de Rose et Florence.

Scène 9 THIERRY, SIMONE, GERMAINE

Thierry, resté seul avec Simone, observe les objets posés sur un meuble.

Il prend en main une photo de Bernard.

THIERRY Je l’ai déjà vu… Je l’ai déjà vu !... Mais où bordel ? That is the question.

SIMONE Bordel, “That is the question“…

Entrée discrète de Germaine, tenant à la main son dictionnaire d’argot.

GERMAINE C’est un bien bel homme hein monsieur Bernard ?

THIERRY Sursautant.

Aaah ! Vous m’avez fait peur ! Mais… Qui êtes-vous ?

GERMAINE Elle tend la main à Thierry déboussolé qui la saisit.

Désolé la porte était une nouvelle fois ouverte !... Germaine Pinglu, gardienne, agent

de surface, livreuse de courrier, colporteuse de bonnes et moins bonnes nouvelles

dans cet immeuble.

THIERRY Euh… Enchantée madame……

GERMAINE Posant le dictionnaire sur la table.

Y-en a des ceusses qui disent encore « concierge » mais faut vivre avec son temps,

point vrai ?

THIERRY Certainement, certainement.

GERMAINE

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Je le dis haut et fort : le temps des concierges est… est… Comment qu’on dit déjà…

THIERRY Révolu ?

GERMAINE C’est ça, “ré-vo-lu“, j’l’avais sur le bout de la langue. En plus et ben “concierge »,

j’aime pas : ça fait vulgaire. Vous trouvez pas ?

THIERRY Si, si ! Tout à fait. Je trouve : comme vous.

GERMAINE Ouais “concierge“ pour les gens, c’est quelqu’un qui épie tout et tout le monde et qui

cause, qui cause, qui cause… Vous imaginez pas combien le métier a souffert de

ces gens là !

THIERRY Oh si… J’imagine.

GERMAINE C’est pour ça que c’est bien d’avoir changé de nom. “ Gardienne d’immeuble “ c’est

mieux que concierge non ?

THIERRY Si, si, Tout à fait.

SIMONE Tout à fait Thierry !

Simone prend le dictionnaire d’argot et commence à le lire dans son coin.

GERMAINE Bon… Je suppose que vous êtes le papa de la p’tite ?

THIERRY et SIMONE Tout à fait !

GERMAINE Et bien, je vous le dis, et croyez pas qu’on m’a soudoyée pour le dire : votre gamine,

attendue comme elle est, et ben, ici, elle va être soignée comme un coq en plâtre.

THIERRY Un... Un coq en… ?

GERMAINE Un coq en plâtre. Vous connaissez point ?... C’est une expression. Remarquez, c’est

p’t-être une expression locale hein… Et… Vous êtes pas d’ici vous ?

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THIERRY Non.

GERMAINE Alors c’est pour ça !

THIERRY Oui sans doute, c’est pour ça.

SIMONE Sans doute c’est pour ça.

GERMAINE Bon… Je cause, je cause… Vous allez dire “une vraie concierge celle-là !“

THIERRY Loin de moi…

… GERMAINE

… Vous savez ce petit immeuble, c’est aussi un peu une grande famille… Enfin

presque…

THIERRY Presque ?

Germaine prend une attitude mystérieuse, vérifie qu’ils sont seuls, et pointe son

index vers le sol. Thierry l’interroge du regard, elle insiste avec son doigt qui désigne

le parquet.

GERMAINE Ceux du dessous… Des « de »…

THIERRY Des « de » ?

GERMAINE Ouais monsieur : des « de » ! De Saint-Fiacre ! Et y-a encore quelque chose

derrière, que j’ me rappelle jamais très bien… Le pire c’est elle ! Une peste ! Madame

la vicomtesse Antoinette de Saint-Fiacre de… De quelque chose encore derrière que

j’me rappelle jamais. Et quand son nom n’est pas écrit en entier sur l’enveloppe et

ben elle refuse le courrier. Je dois écrire « n’habite pas à l’adresse indiquée » et

rendre l’enveloppe au facteur.

THIERRY Ah oui. C’est très spécial !

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SIMONE Tout à fait.

GERMAINE Spécial, ça oui ! Madame Henriette, c’est notre amie à Irène et moi, elle l’appelle

Marie-Antoinette. Je suppose que c’est pas trop sympa, mais je sais pas pourquoi…

THIERRY Pas trop sympa… Ben non, pas sympa du tout même.

GERMAINE Ah… J’ai jamais osé leur demander à mes copines…

THIERRY Mais enfin… Marie-Antoinette…. Couic ! Elle a été guillotinée !

SIMONE Ouais : couic, couic !

GERMAINE Guillotinée ? Mais quelle horreur !... Vous êtes sûr ?

THIERRY Ah ça oui. J’en suis sûr… Et je suis pas le seul.

GERMAINE Mais alors… La peine de mort n’a pas été supprimée ?

THIERRY Hein ?... Mais si voyons, en 1981. Mais Marie-Antoinette c’était il y a plus de deux

siècles, juste après la révolution.

GERMAINE Ah d’accord ! Bon alors c’est moins grave.

THIERRY Qu’est-ce qui est moins grave ?

GERMAINE Ben… Réfléchissez. Ça change rien qu’elle a été guillotinée. Si ça remonte à plus de

deux cent ans, de toute façon, aujourd’hui elle serait morte quand même, non ?

SIMONE Tout à fait.

THIERRY Abasourdi, il se laisse tomber sur une chaise.

Vu comme ça !

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Irène revient, portant plateau, verres et champagne.

Scène 10 IRENE, GERMAINE, BERNARD, THIERRY, SIMONE

… GERMAINE

… Je vous ai monté le dictionnaire de la banlieue.

IRENE Euh oui… Merci Germaine.

THIERRY Un dictionnaire de la banlieue ?

Germaine reprend le livre des mains de Simone et le tend à Thierry.

GERMAINE Tenez, j’tez un zieu c’est super instructif.

THIERRY Hésitant à saisir le livre.

Mais à quoi ça peut vous servir cet ouvrage ?

GERMAINE Ben à dialoguer avec votre fille tiens !

THIERRY Repoussant le livre.

Vous pensez bien que ma fille n’utilise pas ce langage là !

GERMAINE Ben s’rait bien la seule, la pauvrette ! Devant vous ça risque point, mais dès que

vous aurez parti - que vous aurez natchave comme y disent les jeunes - et ben ça va

décoincer grave, parole de Germaine.

IRENE N’insiste pas voyons Germaine !

GERMAINE Bon et ben j’vois que j’suis un peu en trop. J’m’arrache !... (Revenant en arrière).

Mais j’vous laisse mon dico… Vous verrez !

Scène 11 IRENE, BERNARD, ROSE, FLORENCE, THIERRY, SIMONE

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… Noir ou rideau

ACTE 2 Fin d’après-midi

Scène 1 BERNARD, IRENE, GERMAINE, FLORENCE, HENRIETTE, NATHAN, SIMONE.

Irène tricote, Bernard lit le journal, Simone est endormie sur son fauteuil.

… Sonnette de l’entrée. Simone se réveille.

Simone répéte tous les mots d’argot et à chaque fois les note sur un carnet.

BERNARD J’y vais.

Il va ouvrir. On entend parler dans le vestibule.

HENRIETTE Off.

Alors ? Elle est arrivée la p’tite pensionnaire ?

BERNARD Off.

Oui, évidemment, mais bon, c’est pas une bête curieuse non plus !

Germaine entre en trombe, suivie de Bernard ainsi que d’Henriette et son fils Nathan.

… BERNARD

… Il y a deux dames et aussi un certain Nat… Enfin un jeune homme.

FLORENCE Enthousiaste.

Je rapplique !

SIMONE Je rapplique. (Dico à nouveau)

Retour de Florence (Flo) sur la scène…

Sa tenue excentrique et sexy contraste totalement avec son look précédent.

Ils en restent tous – sauf Nathan admiratif - bouche bée. Silence…

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Florence va peu à peu se rapprocher de Nathan qui la dévore des yeux.

Son comportement est désormais déluré, excentrique…

FLO Bonjour la compagnie ! (Tous suffoqués donc silence…)

Ben quoi… Qu’est-ce que j’ai ? J’ai un cocard ?... Un bas qu’est filé ?

SIMONE Prenant note.

J’ai un bas qu’est filé !

GERMAINE Et voilà : c’est parti !

… FLO

Eh oh ! Vous allez pas tous me détroncher un par un comme si j’débarquais de

Jurassic Park ?

SIMONE Prenant note.

Dé-tron-cher… Jurassic Park.

GERMAINE Prenant le public à témoin.

Qu’est-ce que j’vous avais dit ? Y va falloir se déhancher pour traduire à longueur de

journée ! Dites-moi, mademoiselle Florence, j’voudrais point jouer les raba…

FLO Laisse béton la “mademoiselle Florence“, on va se mettre OK : moi c’est Flo. Et toi ?

SIMONE Prenant note.

Laisse béton.

GERMAINE Ben… Moi, c’est Germaine.

FLO Germaine ! J’aurais dû m’douter. C’est grave relou !

IRENE Grave relou ?

NATHAN Ben oui : relou… relou… C’est lourd quoi !

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SIMONE Re-lou.

FLO Ben ouais : Germaine c’est du lourd à porter. Tiens, sauf vot’ respect, c’est comme

Irène, faut être kéké pour avoir un blaze pareil !

IRENE Moi ? Je suis kéké et j’ai un blaze ? (Elle interroge Germaine du regard.)

SIMONE Blaze… Kéké !

GERMAINE Kéké, kéké… Là je sèche. Permettez Simone ?

Elle enlève d’autorité le dictionnaire des mains de Simone ;

Voilà… Ça va viendre… Kéké… Kéké… Voilà… (Gênée) Euh… Non… Finalement,

c’est pas dans le dico !

IRENE Ah ?

… FLO

Ouh la… Y-a des problèmes de câblage dans le secteur, on dirait.

BERNARD

ça peut se gérer si chacun fait un effort et chacun va le faire.

FLO Du genre ?

BERNARD Et ben nous, les croutons kékés, nous allons nous plonger dans ce dictionnaire, enfin

ce dico, gentiment prêté par Germaine, et toi ma petite Flo, tu vas essayer de parler

au plus près de ce qu’on t’a vu faire avec tes parents à ton arrivée.

GERMAINE Admirative.

Ah ! Monsieur Bernard !

IRENE Et pour ta tenue vestimentaire et bien…

FLO

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Quoi ma tenue ?

IRENE Ben c’est quand même euh… Comment dire.

NATHAN Enthousiaste.

C’est Yes !

SIMONE Yes !

HENRIETTE Nathan !

BERNARD C’est pas un peu provocant ?...

NATHAN Ah bon ?

HENRIETTE Ton ferme.

Si : provocant !

NATHAN Bon d’accord, un peu… Mais en ce qui me…

HENRIETTE Il n’y a pas de “mais“ !

NATHAN Sans que sa mère le voit il reformule en direction de Flo, geste à l’appui.

Yes !

GERMAINE Eh ben… On voit que vous avez point vu ma nièce Sarah quand elle est fringuée

pour sortir en boîte ! En haut, elle est sapée “portes ouvertes“, pas besoin d’un

drone, foi de Germaine ! Et pour le bas c’est “ras la touffe“!

SIMONE Portes ouvertes, ras la touffe !

GERMAINE Ouais, c’est comme j’vous dis : quand elle prend l’escalier, ma nièce, y-a plus un

mec qui veut prendre l’ascenseur… Comme dit la chanson : Tous derrière et elle

devant !

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IRENE Voyons Germaine ! Passez nous les détails.

… Scène 2

BERNARD, IRENE, GERMAINE, HENRIETTE, SIMONE.

(+ Flo qui traversera la scène en coup de vent)

GERMAINE Parlant de Flo et Nathan.

Ouh la ! Ces deux là, et ben moi j’vous l’dis : y-a anguille sous la couette.

IRENE Germaine ! Ça vous ferait rien à vous aussi de faire l’effort de parler normalement ?

GERMAINE On va s’y essayer m’dame Irène. Mais j’en démords point : Foi de Germaine : y-z-en

sont pas à leur premier rancard !...

BERNARD N’importe quoi ! Cette jeune fille vient de débarquer ici il y a deux heures à peine.

HENRIETTE Ouais… N’empêche que moi, je suis presque certaine de l’avoir déjà vue !

… IRENE

Germaine je ne comprends rien ce que vous dites !

GERMAINE Faut zapper des fois madame Irène, y-a pas que BFM et « Plus belle la Vie » à la

télé.

IRENE Ecoutez Germaine, je suis encore libre de…

Flo revient sur la scène qu’elle ne fait que traverser.

Elle est revêtue d’un manteau long ou d’un imperméable. Irène la regarde passer…

Ah ! Et bien tu es quand même plus présentable comme ça ma petite !

Flo se dirige vers la sortie, ouvre un court instant

son manteau, (clin d’oeil au public) : elle a conservé

en dessous la même tenue sexy, voire pire. Elle sort.

IRENE

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Il est 17h50 et ici on mange à 19h.

FLO Off.

OK… Ça suffira !

GERMAINE Voyons… Ça suffira ! 17h50 à 19h… 1h10. Elle a raison, ça devrait suffire 1h10.

HENRIETTE Qu’est-ce que vous insinuez, Germaine, avec vos 1h10 ?

GERMAINE Ben… Elle a dit en sortant : “ça suffira“. Alors la question se pose : 1h10, ça suffira

pour quoi faire ?

BERNARD Pour boire un verre entre deux jeunes gens, pour parler, faire connaissance…

GERMAINE Ouais… A mon avis, connaissance déjà faite, ils vont passer à l’étage supérieur.

HENRIETTE Hein ? Mais… Quel étage ?

GERMAINE L’étage supérieur de la fusée…

HENRIETTE La fusée ? Quelle fusée ?

GERMAINE Celle qui vous envoie au septième ciel.

BERNARD Voyons Germaine !

HENRIETTE Mais c’est impossible !

GERMAINE Impossible en 1h10 ? Mais vous rigolez madame Henriette. J’ai regardé pas plus tard

qu’avant hier soir une émission sur Direct 8 : “Les pulsions sexuelles dans le monde

animal “ que ça s’appelait. Eh ben figurez-vous qu’on dit “comme un lapin“ mais y-a

pas que le lapin qui peut vous bâcler ça en moins de 2 minutes : la marmotte, la

musaraigne, le blaireau, la grenouille des marais, le scarabée commun, le pinson

arboricole…

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BERNARD Germaine épargnez-nous l’inventaire de l’arche de Noé, s’il vous plaît !

GERMAINE Et j’ai connu moi-même un homme qui… Bon, d’accord, on n’est pas des lapins,

mais il faut reconnaître qu’en 1h10… A part peut-être le paresseux et doc Gynéco…

Tiens, même François Hollande il se dit que…

HENRIETTE Je veux en avoir le cœur net…. (Elle fonce vers la sortie, sort, revient à l’entrée.)…

Elle n’a pas dit où elle allait la petite ?

BERNARD Non, aucun lieu précis.

… Sonnerie du téléphone mobile de Germaine.

GERMAINE Ton d’abord solennel.

Germaine Pinglu, gardienne de la résidence de l’Esplanade, bonjour !... Qui ça ?...

(en aparté à Irène et Bernard) C’est la vicomtesse “de Saint-Fiacre de Saint-

Frusquin“, en dessous là… Oui j’entends bien madame et je… Madame la

vicomtesse, oui bien sûr, il faut dire madame la vicomtesse…. Bon et ben madame le

vicomtesse, de quoi est-il question dont il s’agit ?… Comment ça devant votre

porte ?... Mais alors c’est à vous de ramasser !... Mais…

Germaine reste avec son mobile à l’oreille, la vicomtesse lui a raccroché au nez.

BERNARD Que se passe-t-il ?

GERMAINE Y-en a des ceusses qu’ont fait crotter leur chien sur le palier des “De“. Et selon

“madame la vicomtesticule de mes deux“, sur le palier et ben c’est pas chez elle,

alors c’est à la “concierge“ de nettoyer… Comme si j’étais simple concierge !

Gardienne que je suis : gardienne.

BERNARD Oui bon…

GERMAINE

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Comment ça “oui bon“ ? Essayer voir vous de l’appeler madame la baronne au lieu

de madame la vicomtesse… Et ben moi c’est kif-kif : c’est madame la gardienne et

pas madame la concierge… Non mais des fois ! Bon j’y vais de ce pas…

BERNARD Bon courage Germaine.

… Scène 3

BERNARD, IRENE, SIMONE.

A partir de cette scène, Simone consulte parfois son carnet pour y puiser et dire tout

haut quelques-uns des mots qu’elle a notés, voire d’autres.

… SIMONE

Zarbi la petite !

BERNARD Mais non, ce langage, cette tenue c’est de son âge. Et nous à l’époque avec nos

cheveux longs, nos chemises à fleurs…

IRENE Ce n’est pas à ça que je pense quand je dis bizarre…… Non ce qui est étrange, c’est

son comportement…….. Elle a des attitudes, des gestes… Tiens cette manie qu’elle

a de se gratter souvent le lobe de l’oreille… Ses intonations de voix aussi… Ça me

gêne, ou plutôt non : ça me trouble.

BERNARD Ah !

IRENE T’as rien remarqué toi ? Rien senti ?

BERNARD Euh… Remarqué quoi ? Senti quoi ?

IRENE Non… Laisse tomber, t’es un homme…

BERNARD Et alors ?

SIMONE Laisse béton Bernard !

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IRENE T’es un homme, tu peux pas sentir et comprendre ces choses là !

BERNARD C’est l’argument facile ! Trop con le Bernard, l’intuition ça peut être que féminin.

… IRENE

Mais enfin, ouvre les yeux ! Moi, quand je vois Florence, je revois Mireille, ma nièce

disparue. Simone aussi elle a remarqué ! Mais en raison de l’âge et de la similitude

des prénoms, elle l’appelle Laurence, comme sa petite fille.

BERNARD Houlala !

… IRENE

Autre chose encore…

BERNARD Quoi ?

IRENE T’as pas remarqué ?... Florence qui te saute au cou, son père qui pense t’avoir déjà

vu, Henriette qui pense avoir déjà vue Florence, Nathan et Florence qui semblent

bien se connaître…

BERNARD Nathan et Florence ! (Moqueur.) Les élucubrations de Germaine ? Allons… Un peu

de lucidité que diable !

IRENE Ecoute ! Jamais je n’ai vu en une seule journée autant de gens qui avaient ou

donnaient une si forte impression de s’être déjà rencontrés.

BERNARD Faussement désinvolte.

On va dire que Jupiter est en phase avec Saturne et que cela exerce un effet de

confusion mentale sur les esprits faibles.

SIMONE Cool !

IRENE Pas convaincant. Mais bon… Faute de mieux !

26

BERNARD Bon… Faudrait peut-être s’occuper du souper parce que : ce soir, on a une invitée !

Tous deux se dirigent vers la cuisine.

IRENE Salade de pommes de terre, jambon, fromage et tarte aux pommes.

BERNARD Houla ! Il va nous falloir une championne de l’épluchure… Ouais… Mais qui ?

SIMONE Se levant d’un bond.

Super Simone ! Yes !

Ils sortent.

Scène 4 FLO, NATHAN

Scène un moment déserte. On entend quelques bruits de voix et de

vaisselle venant de la cuisine. Puis la porte d’entrée s’ouvre doucement.

Flo entre sur la pointe des pieds

FLO Allez viens, y-a personne !

NATHAN Mais tu entres comme ça, sans sonner ?

FLO Ben quoi ?... C’est chez moi ici maintenant du dimanche soir au vendredi soir.

Nathan entre timidement sans bruit.

NATHAN T’es un peu gonflée !

FLO Non, en manque : trois mois avec seulement les SMS et la webcam ! Je suis en

manque !

Elle l’embrasse…

Scène de tendresse à aménager selon les dispositions de vos comédiens.

NATHAN Ecourtant la séquence.

27

On peut pas rester là.

FLO Jetant un œil vers la cuisine.

Ils sont occupés mais t’as raison. Viens, je vais te faire visiter ma chambre, c’est

ringard comme déco, je te dis pas… Mais zarbi : je kiffe quand même !

Elle lui prend la main et l’entraîne vers sa chambre.

Scène 5 IRENE, SIMONE, BERNARD, HENRIETTE.

… Sonnerie de l’entrée.

IRENE A Bernard.

Bernard, tu vas voir qui c’est ?

BERNARD Narquois, éplucheur à la main.

Non, non je vais laisser sonner, j’adore ce bruit !

Il va ouvrir. Henriette entre précipitamment.

HENRIETTE Je ne sais pas où ils sont passés. J’ai fait les trois bistrots voisins, le square… Je le

sens pas ce coup là. Mais où ils peuvent bien être ?

BERNARD Arrête de jouer la mère poule ! Qu’est-ce que tu veux qu’il arrive ?

HENRIETTE Mais enfin Bernard, t’es naïf ou quoi ? T’as entendu Germaine non ?

BERNARD Tu te rappelles de l’année de naissance Nathan ?

HENRIETTE Enfin, Bernard : c’est mon fils !

BERNARD L’année ?

HENRIETTE Ben… 1990.

BERNARD

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Et nous sommes en… ?

HENRIETTE 2016.

BERNARD Donc Nathan a… ?

HENRIETTE 26 ans.

BERNARD Bravo ! Et à 26 ans, il est normal qu’un garçon ait envie de… (Il arrête volontairement

sa phrase pour laisser Henriette deviner la suite).

HENRIETTE De, de quoi ?... Mais tu n’y penses pas Bernard !

BERNARD Moi : non… Mais lui : oui !

HENRIETTE Arrête !

BERNARD Bon ! Ecoute Henriette, si tu crains que ton fils ne couche avec…

HENRIETTE Couche avec ? Mais enfin Bernard c’est Nathan, mon fils ! Mon fils ne couche pas !

BERNARD Très énervé.

Ecoute Henriette, t’es une amie, une femme formidable, une militante féministe aussi

chiante que déterminée, t’es sur toutes les manifs, toutes les barricades pour

défendre toutes les libertés et tous les droits : les immigrants du Sahel, les orphelins

de la police, les chômeurs du bâtiment, les gays, les tristes et les lesbiennes, les

SDF et les squatters, les transsexuels du showbiz, les taureaux de corrida, les chats

et chiens abandonnés, les souris de laboratoire, les tribus indiennes d’Amazonie, les

orchidées endémiques du plateau de Millevaches… et j’en passe ! Mais ça t’est

jamais venu à l’esprit de militer un jour pour lâcher un jour les baskets à ton propre

fils ? Merde !

Henriette choquée s’effondre sur un siège.

IRENE Off.

29

Bernard, pourquoi tu cries comme ça ? Y-a un problème ?

BERNARD Hors de lui.

Je crie pas : j’explique à Henriette !

HENRIETTE Tu te rends compte, Bernard, de ce que tu dis ?

BERNARD Je te dis Henriette, ce que tout le monde pense : à savoir qu’à 26 ans Nathan est en

droit de pouvoir coucher, faire l’amour, copuler, baiser, niquer - appelle ça comme tu

veux - sans avoir maman qui surveille en régie !

HENRIETTE Ah ben ça alors !

BERNARD De toute façon rassure-toi, y-a pas d’hôtel dans le quartier et il fait pas un temps à se

dessaper dans le square d’en face. Cela dit…

HENRIETTE Cela dit ?...

Irène revient sur scène sans que Bernard ne s’en aperçoive.

BERNARD Et bien cela dit, à leur âge, ça ne me gênait pas de faire ça dans un sous-sol

d’immeuble ou sous un porche.

IRENE On cause de quoi ici, aussi fort ?

HENRIETTE On cause de… de porche.

IRENE De voiture ?

BERNARD Euh… Oui, je disais à Henriette que je trouvais très performant le dernier modèle

cabriolet de chez Porsche.

IRENE A Bernard.

Et depuis quand tu t’intéresses aux voitures de luxe toi ?

BERNARD

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Je ne te dis pas tout ma chère.

IRENE Je le crains en effet… Et à mon avis, pas qu’au sujet des voitures…

…

Henriette sort. BERNARD

Elle est complètement dingue avec son fils.

IRENE Je le pense aussi. Mais comment on aurait été nous, si on avait eu un enfant…

Un silence.

BERNARD Redécouvrant l’éplucheur qu’il a gardé en main.

Tiens Simone ! Va terminer de sculpter les patates !

SIMONE OK boss ! Si on veut grailler, ben… Faut taffer !

Elle sort.

Scène 6 IRENE, BERNARD

… Scène 7

IRENE, NATHAN, GERMAINE, BERNARD, SIMONE

Nathan entre sur scène, venant de la porte des chambres.

IRENE Ben… D’où tu viens toi mon gaillard ?

NATHAN Euh… Flo m’a… Florence m’a montré sa chambre… Superbe la nouvelle déco.

IRENE Et tu as visité juste pour la déco…

NATHAN Ben… Oui.

IRENE Tu sais qu’ici un nouveau règlement intérieur a été mis en place ?

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NATHAN Un règlement intérieur chez vous ?

IRENE Ben oui, chez nous. Sinon ce serait un règlement extérieur.

NATHAN Evidemment.

IRENE Donc en raison de la présence ici d’une jeune fille, le nouveau règlement stipule :

article 1, pas de garçon à la maison, et en particulier dans la chambre de la jeune fille

en question !

NATHAN Inquiet.

Ah bon ?

IRENE Oui. Cela dit… Toi c’est pas pareil, t’es un peu d’la maison. Tiens, pour Florence tu

pourrais être comme un grand frère.

NATHAN Un grand frère… Oui, oui, oui.

IRENE Quoi ? T’as pas l’air emballé. Ça te pose un problème d’avoir une jolie petite soeur ?

Tu sais que ta mère a toujours regretté de ne pas avoir un autre enfant, une fille ?

NATHAN Ah ?

Bernard apparaît sur le seuil de la cuisine.

BERNARD Irène ! Il faut que tu viennes voir comment ta sœur a encore massacré les patates :

elle arrive à faire de la purée rien qu’en se servant d’un éplucheur.

Arrivée de Germaine.

GERMAINE C’était encore ouvert…

BERNARD Ben tiens !

GERMAINE Désignant Nathan.

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Ah ben ça z’a point traîné. Qu’est-ce que j’avais dit hein ? “ Belette à la maison,

mecton à l’horizon “.

IRENE J’étais justement en train d’expliquer. Désormais, c’est : “pas de garçon à la maison“.

BERNARD Mais c’est idiot : pas de garçon à la maison ! Pfff ! C’est idiot et discriminatoire.

IRENE Discriminatoire ?

GERMAINE Il a raison m’sieur Bernard ! Avec tout ce qu’on voit de nos jours, pacs, gay-pride,

lesbiennes, mariage gay, transsexuels…

BERNARD Merci Germaine ! (A Irène) Tu pourrais tout autant dire : pas de fille à la maison !

Simone réapparaît dans l’ouverture de la porte de cuisine.

IRENE Hein… Non ! Ne me dites pas que Florence préfère les filles !

NATHAN Cri du cœur.

Bien sûr que non !

IRENE Surprise par la réaction spontanée de Nathan.

Ben… Qu’est-ce que t’en sais toi après tout ?

NATHAN Je… Je… Je sais pas, je dis ça comme ça. Florence est plutôt… Plutôt… Enfin c’est

une fille qui… Que… Qui…

SIMONE Une fille qui que qui quoi ?

NATHAN Ben il suffit de la regarder quoi !

SIMONE Il suffit surtout de chouffer comment que toi, tu la zieutes la p’tite meuf…

GERMAINE Et rétréciproquement ! Comment elle le zieute aussi.

BERNARD

33

Pardon ? “Ré-tré-ci-pro-que-ment“… C’est dans votre dico ça Germaine ?

GERMAINE Attendez, j’vais regarder !

… BERNARD

A Irène.

Et bien, je songeais simplement à l’échelle par laquelle je montais pour rejoindre ton

balcon et ta fenêtre de chambre entr’ouverte… Tu te souviens Pas ? Quand tes

parents ont décidé de ne plus m’ouvrir la porte…

IRENE Ouais : Roméo et Juliette nous deux ! Enfin… Tu remplaces juste la mandoline par

l’échelle et le préservatif : plus direct, plus efficace. C’était il y a 40 ans !

BERNARD Raison de plus. Les mœurs ont encore évolué vers plus de souplesse, donc pour

Nathan tu pourrais…

IRENE Plus de souplesse : je rigole Bernard ! Tu te vois aujourd’hui monter à l’échelle vers

mon balcon ? Hein ? Ça te va bien de parler de souplesse avec tes rhumatismes !

Pauv’ vieux, va !

… NATHAN

Bon… Et bien, je vous laisse…

Il se dirige vers les chambres.

IRENE Hep, hep, hep !... La sortie, c’est de l’autre côté !

NATHAN Zut ! Où ai-je la tête ?

IRENE Et ben, pour pas aggraver ton cas, on va laisser la question en suspend, hein…

Nathan sort cette fois du bon côté, le plus discrètement possible.

Scène 8

IRENE, GERMAINE, BERNARD, SIMONE

…

34

BERNARD Pour arranger tout le monde, je propose de passer à la vitesse supérieure : on met le

verlan en verlan.

SIMONE Ouais !

GERMAINE Et ça donne quoi ?

BERNARD Par exemple : laisse tomber et bien en verlan, ça fait laisse béton.

SIMONE Chantant Renaud.

J’étais tranquille, j’étais peinard, j’étais accoudé au comptoir, le type est entré dans le

bar…

IRENE Sévère.

Simone !

BERNARD Donc, si on met “laisse béton“ en verlan, ça donne : “laisse tomber“ !

GERMAINE Mais c’est con !

IRENE Oui mais au moins ça aide…

GERMAINE Les neujeus, ils marcheront jamais dans c’te plan là.

IRENE A Bernard.

Qu’est-ce qu’elle dit ?

… Rideau ou noir

Durant la scène qui suit le rideau est fermé ou la scène dans le noir. Les comédiens sont en off.

35

Dans le noir ou derrière le rideau, on organise sur la scène un grand désordre :

cotillons, guirlandes, sièges renversés, verres et bouteilles d’alcool…

INTER / ACTE Tous dialogues en OFF

BERNARD, IRENE, FLO, SIMONE

UN VOISIN ET UN POLICIER

Musique (reggae ou rap) à fond. Simone, Bernard, Irène et Flo chantent à tue-tête.

Nos personnages sont tous un peu ivres et cela s’entend à leurs voix.

Un voisin frappe au mur.

UN VOISIN Mais enfin, c’est pas fini ce bordel ? Il est presque deux heures du matin.

BERNARD Hé, tu sais quoi ?... Tu nous saoules !

IRENE Ben c’est vrai quoi : si qu’on peut même plus faire la teuf !

LE VOISIN On a le droit de se reposer non ?

FLO Alors repose toi, au lieu de nous emmerder, connard !

SIMONE Sur l’air des lampions.

Connard, connard, connard, connard !

LE VOISIN Vous ferez moins les fiers devant les flics. Ma femme les a appelés il y a un quart

d’heure.

La musique et les chants reprennent de plus belle.

Sonnette de l’entrée.

IRENE Qui qu’ça peut bien être à pareille heure ?

Elle est sensée aller dans le vestibule pour ouvrir la porte de son logement.

UN POLICIER Bonsoir madame ! Police municipale.

IRENE

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Bonsoir messieurs. Et ben dites moi, c’est une drôle d’heure pour sonner chez les

gens.

LE POLICIER Justement c’est au sujet de l’heure et de votre voisin qui…

IRENE Vous faire travailler à une heure pareille ! Mon pauv’ garçon, si c’est pas malheureux.

Vous faites un drôle de métier !

LE POLICIER Oui, bon je disais donc que nous avons été appelés par…

IRENE Et votre épouse, qui vous attend, seule à la maison… J’espère que votre syndicat se

démène contre le travail de nuit parce que là, c’est quand même un peu exagéré…

LE POLICIER Enervé.

Mais ce n’est pas la question…

IRENE Mais… Vous êtes syndiqué au moins ? Parce que sinon…

… IRENE

Ouf ! J’ai négocié mais va falloir qu’on se calme…… Flo, aide-moi à l’emmener

jusqu’à son lit.

Scène supposée derrière rideau : chacune d’un côté, elles soutiennent Bernard

(hurlant des chansons à boire) et sortent ainsi vers les chambres.

Réouverture du rideau

ACTE 3

Scène 1

IRENE, FLO, BERNARD, SIMONE

Le désordre de la veille au soir est encore apparent : bouteilles vides, cotillons,

guirlandes, vaisselle sale (si possible un peu de fumée ambiante.)

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Irène, en robe de chambre, visiblement peu en forme, est en train

de remuer à la cuillère, un cachet effervescent dans un verre d’eau.

Le téléphone fixe sonne. Irène sursaute, ne trouvant pas le téléphone,

déroule le fil (très long) à travers la pièce pour retrouver

le combiné enfoui dans un endroit invraisemblable.

IRENE Au public.

C’est dans ce genre de situation, qu’on se félicite d’avoir gardé un téléphone avec fil,

non ? (Elle décroche) Allô ?... Hein ?... Qui ?... Ah c’est vous ! Bonjour…. Euh… Lui

parler ? Ben, c’est qu’elle dort encore… Oui je sais… Mais… Mais c’est que… C’est

qu’elle a… Elle a révisé très tard hier soir… Hein ?.. Les cours sont pas

commencés ? Ah oui, c’est vrai !... Je sais pas… Euh… Je me suis couchée avant

elle… Comment ?... Vous êtes à l’hôtel… Oui… Vous finissez le petit déjeuner et

vous passez aussitôt embrasser Flo ! Hou la la… Non, mais non… On est là, pas de

problème ! A tout de suite. (Elle raccroche.). Pas de problème, pas de problème…

C’est vite dit !

Elle se met à l’encoignure de la porte côté chambres et hurle.

Bernard ! Simone ! Florence ! Tout le monde sur le pont !

FLO Encore couchée, voix off.

Ouais ! On voudrait pioncer Irène.

IRENE Sauf que tes parents vont pas tarder à arriver.

FLO Mes vieux ? Ce matin ?

IRENE C’est ce que vient de m’annoncer ton père au téléphone.

FLO Oh merde ! C’est vrai : ils m’apportent mes bouquins pour la fac.

Irène commence à camoufler le désordre plus qu’à véritablement ranger.

IRENE Pour elle-même.

Mais qu’est-ce qui s’est passé hier soir ? Je me souviens même plus !...

38

Ah oui… Bernard qui a voulu fêter l’arrivée de la petite… Cette boisson étrange… Et

puis (elle renifle) cette fumée, cette odeur bizarre…

Flo, en nuisette (bras nus : important) arrive en trombe, s’arrête et contemple le

désordre.

FLO Wouah ! Va falloir ranger fissa le zbeul.

Elles s’affairent toutes deux à ranger ou dissimuler.

Arrivée de Bernard en pyjama, “dans les vap’s“.

BERNARD Oh la la ! C’est mai 68 ici ! Qu’est-ce qui s’est passé ?

IRENE Il se passe qu’hier soir tu as insisté pour fêter l’arrivée de la petite.

FLO Sympa, j’ai beaucoup apprécié.

IRENE Et que la petite nous a fait goûter un mélange de produits… Euh… De produits ?

FLO … De… du… Du terroir. Rien que du terroir !

… IRENE A Flo.

Tu m’inquiètes là Bernard…

FLO Cherche pas Irène ! C’est l’effet de la beuze.

IRENE Hein ?

FLO La beuze… La ganja… D’ailleurs faut aérer avant que mes vieux rappliquent. Ça

daube trop grave le tarpé froid ici.

Elle ouvre la fenêtre en grand.

IRENE Enervée.

Bernard ! Les parents de Florence vont débarquer, alors on s’affole pour remettre un

peu d’ordre dans cette pièce.

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Bernard se met lui aussi à ranger.

Simone entre euphorique sous l’effet du cannabis.

SIMONE Hello ! Je sais pas vous, mais alors moi, ce matin, j’ai la gouache !

FLO Tu m’étonnes Simone !

SIMONE J’sais pas ce qu’on a pitchavé hier au soir, mais alors ce matin : la banane !

FLO Une telle forme, c’est pas l’alcool mamie, c’est la fumée !

… IRENE

Stop ! Et on va bien se mettre tous d’accord pour ne pas faire de gaffe devant les

parents de Flo : nous sommes tous allés nous coucher juste après la météo !

… SIMONE

N’empêche… Le terroir et ben ça déchire !

Sonnette de l’entrée. Irène part ouvrir la porte.

Scène 2 GERMAINE, IRENE, BERNARD, SIMONE, FLO

Germaine est à la porte.

GERMAINE Off.

Bonjour m’dame Irène. Faut que j’vous parle d’urgence.

IRENE Off.

Bon, ne restez pas sur le palier, entrez Germaine.

Entrée en trombe de Germaine, suivie d’Irène.

GERMAINE Figurez- vous que…. Ah ! Bonjour quand même à tout le monde hein. Oui, alors

figurez-vous que là, comme vous m’voyez, j’suis en mission spéciale…

BERNARD

40

Amusé.

Voyez-vous ça… En mission spéciale !

GERMAINE Affectant un air important et mystérieux.

Ouais : Germaine mène l’enquête.

BERNARD Ah ! Il faut dire : Germaine l’enquête !

GERMAINE Ah bon, on dit point “Germaine mène l’enquête“ ?

BERNARD Non “Germaine mène“, ça fait répétition !

IRENE Agacée.

Arrête Bernard !

GERMAINE Alors si qu’c’est vous qui le “disez“ m’sieur Bernard. A bas les répépétitions !

IRENE Bon Germaine menez votre enquête, mais vite, on a du rangement à faire.

GERMAINE Donc je sais pas si vous vous avez entendu le bazar cette nuit, mais y-en a des

ceusses qui se sont pas gênés : cris, musique à fond les amplis, chansons à boire…

Remarquez hein, moi, j’ai rien entendu j’avais mis du coton dans mes esgourdes.

BERNARD Dissimulant quelques bouteilles vides.

C’est pas chez nous Germaine, vous vous doutez bien.

Irène et Simone toussent.

… Nouvelle sonnerie de l’entrée.

Scène 3 BERNARD, HENRIETTE, GERMAINE, NATHAN, FLO, IRENE, SIMONE

Bernard va ouvrir. Dialogue en off avec Henriette et Nathan dans le vestibule.

…

41

HENRIETTE Off.

… Le boxon cette nuit dans notre entrée !... (Entrant sur scène suivie de Bernard.)

Bonjour à toutes. Ah ! Quelle nuit ! Si je tenais les malotrus ;;;

GERMAINE En tout cas c’est point ici, m’dame Henriette, j’ai déjà mené mon enquête.

HENRIETTE Et puis cette musique… Du tam-tam…

NATHAN Du rap et de la techno.

HENRIETTE Ah ?

FLO

Pas le genre de la maison. Ici c’est java et tango à gogo !

HENRIETTE Si ça se reproduit faudra quand même éclaircir le mystère.

GERMAINE Z’en faites point, Germaine mène l’enq… Enfin Germaine va s’y coller et trouver les

troublions.

BERNARD Les tru-blions.

GERMAINE Ah bon ?... Ben qu’est-ce qu’on deviendrait pas sans vous, hein m’sieur Bernard !

BERNARD Faussement modeste.

Je sais Germaine, je sais.

GERMAINE C‘est tellement compliqué le français, qu’il faut point s’étonner de voir les jeunes

relooker tout ça. Bon c’est point tout, y-a une enquête délicate qui m’attend… Salut

la compagnie !

Elle sort. Nathan prend discrètement Flo par la main.

… HENRIETTE

Apercevant Flo et son fils main dans la main.

42

Ben…Vous faites quoi là tous les deux ?

NATHAN Tu vois : on se donne la main.

HENRIETTE Ah bon ?

Elle aperçoit sur le bras de Flo une tache de naissance.

Mais... C’est quoi là sur votre bras mademoiselle ?

FLO

ça ? Oh c’est rien : juste une tache de naissance.

Irène et Simone dirigent leur regard sur le bras de Flo.

Irène s’immobilise, pétrifiée.

Ben… Qu’est-c’qu’il vous arrive Irène ? Vous avez vu la vierge ?

IRENE Ton bras ! La tache !

FLO Ben quoi mon bras ?...

Irène s’affale sur le canapé ou un fauteuil.

Simone s’approche de Flo, observe son bras, remonte sa manche et plaçant son

bras près de celui de Flo dévoile une tache de naissance en tous points semblable.

Irène dénude elle aussi son bras et la même tache apparaît encore.

Flo est abasourdie.

FLO Comment c’est possible ?

HENRIETTE Toutes les trois une tache de naissance sur le bras.

IRENE Pas UNE tache Henriette : toutes les trois LA même tache.

SIMONE Ouais qui ressemble à la carte de la Corse.

IRENE Et pourquoi une jeune-fille dont le bras porte cette même tache atterrit-elle

précisément, ici, dans notre chambre à louer ? (Pensive)… Ouais, ouais, ouais, ce

festival de coïncidences, y-a un truc qui coince là… Trop, c’est trop !

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Bernard commence à sortir sur la pointe des pieds vers la porte de la cuisine.

FLO Inquiète.

Mais ça veut dire quoi ces taches de naissance ?

IRENE Je ne comprends pas grand-chose à tout ça. Mais je suis certaine qu’il y a ici un

individu qui, depuis le début, en sait beaucoup plus que nous toutes réunies… (Elle

hurle.) Bernard !

BERNARD S’immobilisant net dans sa fuite discrète.

Oui ma douce !

… Scène 4

IRENE, BERNARD, SIMONE, FLO

… BERNARD

…… Bon Florence… Je… Je vais t’annoncer un truc hallucinant... ça concerne tes

parents, enfin tes parents et toi. D’abord, tu vas pas y croire, normal… Mais je te

promets que…

FLO Si c’est pour me dire que Rose et Thierry ne peuvent pas être ensemble mes vrais

parents, vous pouvez y aller, je le sais déjà.

IRENE Ah bon ?

BERNARD A Flo.

Bon, si tu sais déjà ça, ça va me faciliter les choses…

FLO J’entre en fac de médecine. Au lycée, les notions de génétique m’ont déjà permis de

faire quelques déductions. Je sais donc que si Rose est bien ma mère,

accouchement oblige, Thierry ne peut pas être mon père biologique…

BERNARD Alors tu penses que ta mère t’a conçue avec un autre homme que Thierry, lequel ne

serait pas au courant.

44

FLO C’est malheureusement la seule explication.

BERNARD Tu crois ça !

FLO Ben, quoi d’autre ?

… SIMONE

Et ben pour expliquer, il va avoir du pain sur la planche, tonton Bernard.

IRENE Tonton Bernard ?

SIMONE Evidemment ! Tonton Bernard !

Irène hoche la tête de dépit.

BERNARD Aparté au public.

C’est dingue ça : la seule qui ait déjà tout compris c’est ma déjantée de belle-sœur !

Flo ! Quand tu affirmes que Rose et Thierry ne peuvent pas être ensemble tes

parents, c’est vrai et faux à la fois.

IRENE Hou la la ! On va droit dans des embrouilles façon Nanard, je la sens pas cette

affaire.

BERNARD Tu vois Flo, c’est le mot « ensemble » qui est de trop. Si tu l’enlèves, cela donne…

FLO Cela donne… Euh… « Rose et Thierry ne peuvent pas être mes parents ». (Elle

réfléchit.)... Alors… ça voudrait dire : mes parents ni l’un, ni l’autre ?

BERNARD Ni l’un, ni l’autre, en effet Flo.

FLO Oh merde ! Mais alors…

… IRENE

Tu nous joues quoi là Bernard ?

45

SIMONE Tonton Sherlock et le mystère de la départementale 925 !

BERNARD Ouais… C’est sur cette foutue départementale 925 que tout s’est joué, le jour de

l’accident. Je sais qui possède toutes les clés de cette énigme. Mais ce qui est déjà

indiscutable, c’est que Flo fait partie de notre famille.

FLO Hein ?... Alors... Je… Je suis qui ?

IRENE A Flo.

Ne l’écoute pas ma petite, il déjante le pépé, la teuf lui a tourné le ciboulot ! (A

Bernard) Ben vas-y dis-lui qui elle est cette petite ? Toi et moi n’avons pas eu

d’enfants, Simone n’a eu que Mireille qui est morte avec sa petite Laurence dans cet

accident il y a 22 ans.

FLO 22 ans… C’est mon âge.

BERNARD Oui, 22 ans : encore un détail, une coïncidence de plus !

FLO Bon alors accouchez ! Merde ! Je suis qui moi ?

… BERNARD

Laurence n’est pas morte dans l’accident. Elle est là, devant toi, devant nous.

Florence, Laurence… Simone a pressenti l’invraisemblable depuis le début.

SIMONE Hein ? C’est qui la must balèze ici ?

IRENE Mais enfin Bernard, la petite Laurence a été inhumée avec ses parents, ce que tu dis

est totalement…

BERNARD Une petite fille a été inhumée : oui. Mais qui pour reconnaître le corps ? Ses parents

tués dans l’accident, toi et moi en mission humanitaire en Centrafrique, Simone dans

le comas… Les secours ont trouvé un bébé mort dans la voiture : pas d’autre famille,

quelle raison aurait-on eu de se poser la moindre question ?

46

FLO Mais si je suis vraiment Laurence…

SIMONE Tu es Laurence.

IRENE Admettons ! Mais alors… Qui ?... Pourquoi ?... Comment ?

BERNARD Bombant le torse.

Ouais : quel enfant a été inhumé ? Pourquoi ? Comment ? That is the questions !

SIMONE Toute émoustillée.

Vive tonton Sherlock !

Sonnerie de l’entrée.

Scène 5 IRENE, ROSE, THIERRY, BERNARD, FLO, SIMONE

Irène va ouvrir. Retour de Thierry et Rose. Salutations en off.

… Scène 6

BERNARD, THIERRY, SIMONE (Qui s’endort)

… THIERRY

Peu à l’aise, inquiet.

On pourrait en venir aux faits ?

BERNARD Nous sommes condamnés à y venir, Thierry.

THIERRY Condamnés ? Vous me faites peur. Soyez précis et direct je vous en prie !

BERNARD D’accord ! Vous voulez du direct ? Alors question directe : Thierry ! Flo est-elle votre

fille ?... (Silence)… Votre fille biologique s’entend.

THIERRY Eu au bord des larmes.

47

Ben… Je… Je…

BERNARD Je vous écoute Thierry, je ne suis pas là pour juger.

THIERRY … OK ! Non. Flo n’est pas notre fille biologique. Un incroyable concours de drames

et de circonstances… J’ai… J’ai…

BERNARD

ça s’est passé lors à l’occasion d’un accident de la route ? C’est ça hein ?

THIERRY Oui. Un moment de folie, une pulsion.

BERNARD Vous avez échangé les enfants.

THIERRY Oui… Même pas une minute après j’ai voulu remettre les enfants à leur vraie place.

Mais trop tard, il y avait déjà une autre voiture qui s’arrêtait.

BERNARD Que s’est-il passé pour votre petite fille ?

THIERRY Ma femme venait d’accoucher prématurément à la maison. J’ai fait ce que j’ai pu

pour aider, mais Après elle allait très mal et le bébé pire encore. J’ai pris la voiture,

direction : l’hôpital. En route, ma femme a perdu connaissance je me suis arrêté pour

l’allonger à l’arrière de la voiture et là j’ai constaté la mort de notre enfant. J’ai repris

le volant complètement dans le brouillard…

Emu, Thierry revit l’épreuve, pleure, ne peut plus parler.

BERNARD Ensuite Thierry ?… La route vers l’hôpital… Vous roulez puis vous apercevez une

voiture accidentée, c’est ça ?

THIERRY Oui. Enfin, pas tout à fait. Cette voiture venait de me doubler. Le conducteur roulait

comme un fou !

BERNARD Normal la vitesse : il y avait à l’intérieur un homme dans la même situation que vous

Thierry.

48

THIERRY Hein ?

BERNARD Il roulait vers l’hôpital pour faire soigner en urgence sa femme dont l’accouchement

soudain à la maison s’était mal passé comme pour votre femme.

THIERRY Il m’a doublé et puis j’ai vu la voiture s’envoler, comme au ralenti, dans le virage

suivant. Je me suis arrêté…

BERNARD Vous auriez pu continuer et ne penser qu’à conduire votre femme à l’hôpital.

THIERRY Oui… C’est vrai mais j’ai agi comme par réflexe, même pas par devoir, par réflexe.

BERNARD Et votre réflexe, c’est d’être un type bien, Thierry.

THIERRY N’empêche qu’après ça, le type bien, comme vous dites, il a complétement

déconné !

BERNARD Echange de votre bébé mort contre l’autre bébé… Vivant !

Long silence synonyme d’acquiescement.

THIERRY On… On fait quoi maintenant ?

BERNARD Je sais pas trop.

… THIERRY

Je suis dans la merde là !

BERNARD Vous avez fait une connerie mon vieux, une grosse connerie. Mais bon… C’est sur

un coup de folie, il y a longtemps et on ne peut pas dire que vous n’aviez que de

mauvaises intentions.

THIERRY Vous prenez ça drôlement bien.

BERNARD

49

Réfléchissez ! ça va donner quoi si je me mets à vouloir vous casser la gueule ?

Vous avez 20 ans de moins que moi… Et ne parlons pas d’un procès ! On va y

gagner une nièce juste pour l’état civil, mais qui va nous détester et on va foutre en

l’air votre gentille petite famille. Et pour rien !

THIERRY On fait quoi ? On dit quoi ?

BERNARD Ne vous en faites pas Thierry : J’ai ma petite idée pour présenter tout ça à nos

femmes et surtout à la petite en douceur et à ma sauce…

THIERRY Rose ne me pardonnera jamais ?

BERNARD Laissez-moi faire et vous n’aurez rien à vous faire pardonner. Et puis même si on

racontait la vérité - On va pas le faire, je vous rassure - qu’aurait Rose à vous

pardonner ? De lui avoir trouvé une magnifique petite fille de remplacement ? D’avoir

voulu la rendre heureuse ?

… Bruit de voix annonçant le retour des femmes.

Merde ! V’là déjà les meufs qui reviennent. Pas le temps de vous expliquer !

THIERRY Expliquer quoi ?

BERNARD Thierry, vous me laisser parler, vous pouvez en rajouter mais sans jamais me

contredire. Compris ?

THIERRY C’est d’accord. (Au public en aparté.) Pas le choix hein ?

Scène 7 BERNARD, IRENE, FLO, ROSE THIERRY, HENRIETTE,

(SIMONE ENDORMIE)

Retour d’Irène, Rose et Flo. Accompagnées par Henriette.

BERNARD

50

Bon… Thierry et moi, on a causé et on a pu mettre au clair ce qui s’est réellement

passé le jour de la naissance de Florence.

ROSE Inquiète.

Ah ? Il s’est passé quelque chose le jour de la naissance de Flo ?

BERNARD A Thierry et/ou au public en aparté.

Pfff… On va galérer !

IRENE Méfiante et sur la défensive.

On t’écoute Pierre Bellemare !

BERNARD S’éclaircissant la voix.

Hum, hum… Comme vous savez le jour de naissance de Flo est aussi le jour de

naissance de Laurence notre nièce, petite-fille de Simone (regard vers Simone) ici

présente et endormie.

THIERRY On le savait pas.

BERNARD Thierry, voyons… Nous venons d’en parler !

IRENE Ben tiens !

HENRIETTE Bon ! Et bien moi, je crois que je vais vous laisser…

BERNARD Oui… Quoique non. Reste Henriette, je pense que la fin de l’histoire va t’intéresser

de près…

HENRIETTE La fin de l’histoire ?

Henriette va écouter attentivement en silence

et avec discrétion jusqu’à la fin de la scène.

BERNARD

51

Ce jour-là donc, deux accouchements prématurés à domicile, dans l’urgence.

Ensuite, les deux papas conduisent vers l’hôpital leurs épouses et les deux

nouveaux nés, ou plutôt les deux nouvelles-nées, puisqu’il s’agit de petites filles.

THIERRY Tout à fait Bernard !

BERNARD En route il se passe 3 évènements qui vont chambouler la destinée des deux

enfants : 1 : Rose perd connaissance.

THIERRY Exact !

BERNARD 2 : Notre neveu, qui conduit l’autre voiture, en perd le contrôle dans un virage.

THIERRY C’est ça, trop vite, dans un virage.

BERNARD Mais le plus important, c’est le 3ème événement, survenu entre les deux autres et jugé

sans importance par Thierry qui du coup n’en a semble-t-il jamais parlé. N’est-ce pas

Thierry ?

THIERRY Oui… Oui… ça peut paraître surprenant comme ça, mais…

IRENE Oh que oui !

ROSE Chéri ! De quoi s’agit-il ? Tout ça m’inquiète vraiment.

THIERRY Appelant Bernard à l’aide du regard.

Eh bien… C’est délicat… Comment dire ?...

BERNARD Laissez Thierry ! Vous êtes encore tout retourné à l’évocation de cette journée

particulière. Je vais donc raconter à votre place.

IRENE Ben tiens !

BERNARD

52

Le 3ème événement, tenez-vous bien ! Une ambulance qui roule elle aussi, à vide,

vers l’hôpital. Mon gendre fait des appels de phares, l’ambulance s’arrête. Notre

petite nièce, très affaiblie, est aussitôt prise en charge.

IRENE Mais, mais voyons Bernard…

BERNARD Enervé, soucieux de ne pas laisser Irène le contrarier.

Irène tu sais mieux que Thierry qui était sur place alors que toi et moi étions en

République Centrafricaine ? Merde alors ! Hein Thierry ?

THIERRY Complètement déboussolé.

Certainement, certainement… Tout à fait Bernard.

BERNARD Donc l’ambulance repart mais rencontre plus loin la voiture de Thierry qui lui aussi se

met à faire des appels de phares. L’ambulance s’arrête à nouveau et prend aussi en

charge Rose et son bébé.

ROSE A Thierry.

Hein ? C’est une ambulance qui m’a amené à l’hôpital ce jour là ?

THIERRY Euh… Une ambulance… Oui, je me souviens, c’était une ambulance… Blanche,

avec une croix rouge… Ou bleue… Et un gyrophare !

IRENE Et aussi 4 roues ?

THIERRY Oui, oui, tout à fait, 4 roues, je confirme.

ROSE Mais je ne me souviens pas d’une ambul…

BERNARD Rose ! Vous étiez dans le comas.

ROSE Ma foi, c’est vrai !

IRENE Aparté au public.

53

Il a réponse à tout l’animal !

BERNARD Donc dans l’ambulance, il y a Rose, dans un semi-coma, et les deux bébés. : l’un

vivant, l’autre décédé. Que se passe-t-il ensuite à l’arrivée à l’hôpital ? Mystère.

IRENE Mais tu vas nous expliquer ça non ?

BERNARD C’est une déduction que j’ai… Que l’on a faite Thierry et moi.

ROSE Mais venez-en au fait que diable !

BERNARD Soit ! Thierry… S’il vous plaît, faites asseoir votre charmante épouse.

THIERRY Bien sûr… Ma chérie, assieds- toi.

BERNARD Alors vous ne devinez pas la suite ?

Silence prolongé… Rompu par Flo.

FLO “ La vie est un long fleuve tranquille. “

BERNARD Bravo Florence ! Mais toi, tu avais déjà pas mal d’indices pour deviner…

ROSE “ La vie est un long fleuve tranquille “. C’est un film ça. Et qu’est-ce que ça vient

faire… (Silence, elle réfléchit, s’inquiète…) Attendez c’est ce film dans lequel il y a un

échange de bébé dans une maternité …

THIERRY Tout à fait chérie !

… IRENE A Rose.

Il y a bien eu échange de bébé ! (Aparté vers Bernard et/ou le public) Même si les

circonstances réelles ont subi, je le crains, quelques adaptations très récentes…

Rose se sert encore un Nième verre commence à le boire

avant que Thierry ne le lui confisque. Elle s’affale sur un siège.

54

THIERRY Chérie tu vas être malade… Je suis désolé. Mais va falloir qu’on y aille, je peux pas

vous l’imposer dans un état pareil.

BERNARD Normal, il va lui falloir du temps pour accepter tout ça.

IRENE Dans la version soft que tu nous as proposée, ce sera sans doute moins long à

digérer non ?

BERNARD Mais t’es vraiment insupportable Irène. Toujours à voir le mal partout !

THIERRY Allez on y va. Flo, embrasse ta maman.

Thierry sert la main à tout le monde.

Flo ! Accompagne-nous jusqu’à la voiture. Tiens prends le sac à main de ta maman !

Puis il prend Rose par la taille.

BERNARD Je vais vous aider à la soutenir.

Les deux hommes supportent Rose chacun d’un côté et sortent suivis de Flo.

HENRIETTE Eh bien, sacrée journée !

IRENE Ouais, on a eu notre dose d’émotions pour aujourd’hui.

HENRIETTE Ah ça !...

Noir sur scène ou rideau. + Silence.

EPILOGUE (le soir, 22h) Scène 1

HENRIETTE, IRENE, BERNARD, FLO, SIMONE

Ouverture rideau (si fermé) et pénombre.

Scène silencieuse. Juste Simone, endormie (en apparence) dans son fauteuil.

Soudain, sonnerie de l’entrée. Simone bougonne et bouge sans se réveiller.

Silence, personne ne répond à la sonnerie. Nouvelle sonnerie insistante.

55

Irène apparait en tenue de nuit.

IRENE Mais qui c’est qui peut bien sonner comme ça pareille heure ?

Elle ouvre la porte et découvre Henriette.

Henriette ? Mais tu sais quelle heure il est ?

HENRIETTE Oui je sais : autour de 22 heures. Mais j’ai cru bon de ne pas attendre demain pour

te rapporter ça (Elle tend un téléphone mobile à Irène)

… IRENE

C’est quoi ce téléphone portable ? Tu sais bien que je déteste ça et que je n’en ai

pas.

HENRIETTE Oui je sais. Mais je crois bien que c’est celui de la petite… J’ai le même modèle que

le sien et tout à l’heure an partant j’ai dû le ramasser en pensant que c’était le mien.

IRENE T’aurais pu attendre demain matin pour le rendre, non ?

HENRIETTE Ben oui et non, parce qu’il y a une notification de message qui s’affiche sur l’écran et

comme ça vient d’un cabinet médical, il m’a semblé…

IRENE T’as eu raison, c’est peut-être important, voire même urgent… Fais voir !

HENRIETTE Allumant l’écran du téléphone.

Regarde !

IRENE Docteur Pierre Sacrin !. (Inquiète.) Et il dit quoi le message ?

HENRIETTE Irène ! Tu penses bien que je n’ai pas commis l’indiscrétion de…

IRENE Et on fait comment pour écouter ?

HENRIETTE Mais… Tu peux pas ! C’est personnel.

IRENE

56

Comment ça “ je peux pas “ ? Un docteur envoie des messages à ma petite-nièce et

faudrait que je reste indifférente. Non, mais, j’voudrais bien voir ça ! Alors ? On fait

comment ?

HENRIETTE Soupir résigné.

Tu fais le 8-8-8.

Irène exécute, le répondeur vocal s’enclenche avec haut-parleur.

Bonjour, mademoiselle, c’est le secrétariat du docteur Sacrin. Je vous appelle juste

pour vous confirmer votre rendez-vous du mardi 21 à 17h pour votre examen du

3ème mois. Et n’oubliez pas d’apporter votre dernière prise de sang.. A bientôt.

Fin du message.

IRENE Examen du 3ème mois ?... 3ème mois de quoi ?

HENRIETTE Ben…

IRENE Songeuse.

3ème mois… 3ème mois… 3ème mois de quoi ?

HENRIETTE Enfin voyons Irène ! Ouvre les yeux !

IRENE Nouveau silence puis elle comprend.

Oh nom de dieu ! (se tournant vers Simone toujours assoupie) – Et ben ! Grand-

mère et arrière grand-mère le même jour, tu fais fort ma sœur ! Là on prend tous un

sacré coup de vieux. Quand j’vais annoncer ça à mon Bernard, cette fois, c’est lui qui

va tomber des nues !

Bernard apparaît en pyjama dans l’entrebâillement de la porte.

Il tourne le dos à la scène car il parle à Flo qui est en coulisses.

Il n’a pas vu qu’il y avait du monde au salon.

BERNARD Alors Flo, vous avez réfléchi ?

FLO Voix off.

Oui, tonton, on a décidé.

57

BERNARD Alors ? Ce bébé, vous allez le garder ?

FLO Evidemment !

IRENE En colère.

Ah l’enfoiré !

BERNARD Se retournant, surpris .

Irène !... Je t’ai pas vue te lever…

IRENE Que veux-tu, je tenais à écouter les dernières infos, tu sais sur BFM.

BERNARD BFM ? Tu te lèves la nuit pour écouter BFM ?

IRENE Oui BFM = Bernard Fouteur de merde. Dis voir Bernard, des news comme ça t’en as

encore beaucoup en réserve ?

BERNARD Je vais t’expliquer, ma douce, je vais t’expliquer…

IRENE Arrête de m’appeler « ta douce » pour te faire pardonner à chacun de tes larcins.

Bernard ! Alors comme ça ma petite nièce est enceinte… Et je n’en suis pas

informée. (Regardant Simone endormie) Pas plus que sa bienheureuse grand-mère

d’ailleurs !

HENRIETTE Voyons Irène, nous sommes en 2017 (actualisez). Ce sont des choses qui arrivent et

ne choquent plus personne.

IRENE Te mêle pas de ça Henriette. Je demande simplement à ce que Bernard cesse de

me prendre pour une courge et manigance tout dans mon dos toutes sortes de

magouilles…

BERNARD Magouilles ! Pfft.

IRENE

58

Et… T’aurais pas le nom du père des fois ?

BERNARD Le père de qui ?

IRENE Arrête de jouer au con Bernard !

BERNARD Faisant un signe de croix.

Et ben le père… C’est… Je peux pas le dire là, maintenant.

IRENE Bernard ? Le nom du père, j’ai dit !

BERNARD Inquiet, regardant Henriette en coin.

Et ben,… Le père, c’est le Saint-Esprit.

IRENE Le Saint-Esprit !

SIMONE Dans son pseudo sommeil.

Amen !

HENRIETTE Soudain interloquée.

Le Saint-Esprit ? Nom de dieu ! Il a bon dos le Saint-Esprit !

Elle s’affale sur un siège.

IRENE Ça va Henriette ?

HENRIETTE Tu parles si ça va ! T’as pas compris Irène ?... Si Bernard ne veut rien te dire, c’est

parce que je suis là, et si ma présence le gêne, c’est parce que le père de ton petit-

neveu : c’est mon fils ! Nathan… Avoir un enfant : me faire ça à moi ! Non mais…

BERNARD Voyons Irène, nous sommes en 2017 (actualisez). Ce sont des choses qui arrivent et

ne choquent plus personne. Et puis Nathan est quand même en âge que ça lui

arrive.

HENRIETTE Oui mais moi, je ne suis pas en âge d’être grand-mère, voilà !

59

BERNARD Que tu dis !

HENRIETTE Comment que je vais lui causer moi à mon fils ! Me faire ça, à moi ! Non mais…

Henriette sort précipitamment.

Scène 2 HENRIETTE, IRENE, BERNARD

SIMONE (endormie sauf tout à la fin)

IRENE Très lentement.

Le père de mon petit-neveu c’est le fils à… Non ! (Riant.) Elle a picolé Henriette !

Irène réfléchit à voix haute tandis que Bernard se dirige

vers la sortie (côté palier) sur la pointe des pieds.

La petite est enceinte de 12 semaines et elle n’est arrivée chez nous qu’hier. Donc

3ème mois, Nathan et elle, c’est im-po-ssi-ble… (Elle cesse de rire et se tourne vers

Bernard.). Impossible, à moins que…

IRENE

Hurlant.

Bernard !

BERNARD Interrompu dans sa fuite, figé sur place.

Oui ma douce ?

IRENE Tu vas où comme ça au petit matin ?

BERNARD Ben : je sors le chien.

IRENE On n’a plus de chien, Bernard !

BERNARD Ah bon ?

IRENE Brigand est mort en avril, ça fait presque 7 mois…

BERNARD

60

Déjà ? Oh le pauvre.

IRENE Et en plus tu sors en pyjama…

BERNARD Feignant de découvrir sa tenue.

Ah mais… Ah ben ça alors !

IRENE Bernard ! Il y a encore des choses que je ne sais pas !

BERNARD A quel sujet ma chérie ?

IRENE Florence et Nathan, un bébé fabriqué il y a 3 mois environ…

BERNARD Il y a 3 mois ?

IRENE Sénaze-les-bains, le camping des flots bleus, l’océan, la plage, …

BERNARD Je te l’avais pourtant bien dit, Irène. Sénaze, il fallait éviter d’y retourner l’été dernier.

Le camping des flots bleus, c’est plus ce que c’était… Au fil des ans c’est un peu

devenu le camping des algues vertes. D’ailleurs j’ai lu que les associations

écologistes du coin…

IRENE Cherche pas à changer de sujet Bernard. Tu savais tout depuis le début hein ?

…

IRENE …Et bien sûr cet été, tu as fini par remarquer sa tache de naissance.

BERNARD Oui.

IRENE En colère.

Et tu n’as rien dit. Alors que là c’était la preuve qu’il y avait un lien entre Florence et

nous ! Et ensuite, tu as tout manigancé en secret :

- Tu m’as convaincu de louer une chambre à une étudiante.

61

- Tu t’es occupée de trouver une étudiante en me faisant croire que tu étais

passé par une agence….

- Et Flo a dû entourlouper ses parents de la même façon ! Quant à Nathan il ne

doit pas être très clair non plus dans tout le montage de cette arnaque !

Mais je suis qui moi là-dedans ? La gourde de service à qui on fait tout avaler ?

Irène saisit un rouleau à pâtisserie ou autre ustensile et s’avance vers son mari.

Y-en a marre, Bernard, t’es incorrigible et insupportable !

BERNARD Reculant prudemment.

Je sais, Irène, c’est pour ça que tu m’aimes.

IRENE Ouais mais là t’as fait trop fort. Allez dehors où je te massacre.

BERNARD Dehors ? Mais que veux tu que j’aille faire à cette heure dehors en pyjama ?

IRENE Tu vas sortir le chien Bernard !

BERNARD Le chien ? Mais Brigand est mort en avril, tu viens de le dire…

IRENE Ah j’ai dit ça ? Me souviens pas ! Allez le chien ! Dehors j’ai dit !

Bernard s’échappe et sort sur le palier.

Irène ferme la porte à clé.

… BERNARD

Irène, ma douce… Le palier n’est pas chauffé et je suis en pyjama !

IRENE Tant mieux, la vengeance paraît qu’ça se mange froid !

BERNARD Irène… Je vais devoir me réfugier chez notre concierge… En pyjama… Soit dit en

passant : une bien belle femme Germaine.

IRENE Oui… Bon… Pour son âge peut-être.

BERNARD Mais évidemment… A côté de toi… Elle ne fait pas le poids.

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IRENE Le poids ? T’insinues quoi là Bernard ?

BERNARD Mais ma douce, “faire le poids“, c’est… C’est juste une expression, comme ça…

IRENE Une expression, comme ça… Ouais, ouais… Dis plutôt lapsus révélateur.

BERNARD Irène, ma douce, allons… Je t’aime tu le sais bien !

IRENE T’es lourd Bernard !

BERNARD Lourd ? T’insinues quoi là Irène ?

IRENE Rien Bernard. “T’es lourd“… Et ben c’est juste une expression comme ça… Relou si

tu préfères ?

BERNARD Bon et bien tant pis… Pas le choix. Je descends me réchauffer à la loge…

Bruit de pas de Bernard, simulant de s‘éloigner.

Silence. Irène inquiète va coller son oreille à la porte.

IRENE Doucement.

Bernard !... (Pas de réponse alors plus fort) Bernard !... (Toujours le silence alors

hurlant) Bernard !

Irène paniquée ouvre la porte et découvre Bernard juste derrière.

Bernard se précipite dans les bras d’Irène. Etreinte.

SIMONE Un œil ouvert.

Dites… Je dormais que d’un œil et j’ai entendu… Cette histoire d’examen du 3ème

mois… Rassure-moi Irène : c’est point vous deux tout de même à votre âge qui…

qui… Enfin qui … Vous voyez quoi !

Rideau