La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe...

34
La vie religieuse à Aix au XVIIe siède 1 Depuis quelques décenni es, l' histoire religieuse s'cst pl'ofondénlcnt renouvel ée, en particulier pOlir les périodes moderne et cont emporaine. grâce à "emploi de nl éthod es emprunt ées à la sociologie religieu se ou à l'hi s toire d es ment alit és. Sa ns renoncer à étudi er le l'ole des évêques et de leu!' cler gé, la vi c spirHue ll e d es élites ou les débats théologiques d' une é poqu e, e ll e s'cst int ér essée davantage aux masses. Et on s'cs t aperçu que le XVII" siècle reli gieux méritait une étiquette plus nuancée qu e celle de 4: siècle ùcs saints », qu e par delà la « légend e d' un Moyen âge chrétien :., eOHlme l' écriva it réce mment M. Delllll1ca u, ces masses demeurai ent à chris· lianisel'. Si bien ttlle. si l'on veu t fa ire ou refa ire aujourd'hui l' histoire reli- gieus e d'un pays ou d' un dioeèse, la: problématiqu e devient assez différente de cell e du début du siècle', La prétention ÙlI cherche ur est a ujourd'hui plus ambitieuse. Quand il é tudi e la religion populaire, il ne se contente plus d' en considérer les mani- fest a tions ex térie ures, le folklore, si l'on peut dire (hien <fu' il r ecoure pa rfois à celui-ci avec fruit ), ni de simples comportements sociaux, a vec leurs pra- tiques J'égulières ou occasionnelles, mais il prétend fouill er le plus loin pos si ble dans les «â mes el é\' a luer, a ulant <tue fair e se peut. la qualité de l'adh és ion profond e à la foi. C' es l moins l' histoire de la religion qui relient l'a ttention que celle ùe l'homme reUgielix (ou non religieux !) . Le travail de redéfl'ichemenl et de redéc hiffr ement commence à peine, Si l'utîlisation d es visites pastorales es t maint enant ù'usage systématique. comme cela e tait primitivcm(;,'nt prévu, ell e a très aimablemcnt pa rt iCipé au r assemblcment de la document ation nécessaire. 2. Petit indice que montrèrent les débats du Congrès. Historiens de l'art ct méd ié- vistl..'s utilisent encore l'cxp rcssion "Contre-Réforme" pour désigner l'ensemble des a ttitudes post-tri dentines de l'Eglise romaine. Alors que les modern is tes distinguent volontiers l'originalité d'une Réforme .catho lique à de réactions strictement a nti· huguenotes , dont la réalité n'est pas ni able. PrOl'('I/("t! H is/or iquC', oel.-dé{" 1972. Tome XXII. fasc. 90

Transcript of La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe...

Page 1: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

La vie religieuse à Aix au XVIIe siède 1

Depuis quelques décennies, l' histoire religieuse s'cst pl'ofondénlcnt renouvelée, en particulier pOlir les périodes moderne et contemporaine. grâce à " emploi de nléthod es empruntées à la sociologi e religi euse ou à l'hi s toire d es menta lités. Sa ns renonce r à étudi er le l'ole des évêques et d e leu!' clergé, la vi c spirHue lle d es élites ou les débats théologiques d ' une époque, e ll e s'cst intér essée davantage aux ma sses. Et on s'cst aperçu que le XVII" siècle reli gieux méritait une étiquette plus nuancée qu e celle de 4: siècle ùcs saints », qu e par delà la « légend e d ' un Moyen âge chrétien :., eOHlme l'écriva it récemment M. De lllll1ca u, ces masses d emeurai ent à chris· lianisel'. Si bien ttlle. si l'on veu t fa ire ou refa ire aujourd'hui l'histoire reli­gieuse d'un pays ou d ' un dioeèse, la: problématique devi ent assez différente de celle du début du siècle',

La prétention ÙlI cherch eur est a ujourd'hui plus ambitieuse. Quand il é tudi e la r eligion populaire, il n e se contente plus d 'en considérer les mani­fest a tions ex té rieures, le folklore, si l'on peut dire (hien <fu ' il recoure pa rfois à celui-ci avec fruit) , ni de simples comportements sociaux, a vec leurs pra­tiques J'égulières ou occasionnelles, mais il prétend fouill er le plus loin possi ble dans les «âmes el é\'a luer, a ulant <tue faire se peut. la qualité de l'adhésion profonde à la foi. C'es l moins l'histoire de la religion qui relient l'a tt ention que celle ù e l'homme reUgielix (ou non religieux !) .

Le travail d e red éfl'i chemenl et d e redéchiffrement commence à peine, Si l'utîlisation d es visites pastora les es t maint enant ù'usage systématique.

~oOPé~·ati~en.d,~~a;:~er~~erêt~~:,e~~~~. ~~~ ;':~~~i~efa~hli~f~s~g:~;:d~~t~i~~unj~e~~ t~a~;o;~ comme cela e tait primitivcm(;,'nt prévu, e ll e a très aimablemcnt pa rt iCipé au rassem blcment de la documentation nécessaire.

2. Petit ind ice que montrèrent les débats du Congrès. Historiens de l'art ct méd ié­vis tl..'s utilisent encore cou ~amment l 'cxp rcssion "Contre-Réfo rme" pour désigner l'ensemble des a ttitudes post-tridentines de l'Eglise romaine. Alors que les modern is tes distinguent volontiers l'origina lité d'une Réforme .ca tho lique à côté de réactions strictement a nti· hugueno tes , dont la réalité n 'est pas niable.

PrOl'('I/("t! H is/oriquC', oel.-dé{" 1972. Tome XXII. fasc . 90

Page 2: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

30~

depuis l'ouvr age exempl aire du pè re Lo ui s Pcrom, s SUI' La HoclH'lI e, <l U

point de rendre n écessai re la confecti on d' un f(' pertoirc d es ,"isil cs, Cil (' O lll' S

d 'élabora tion, si celle des form ules de testaments vien t d 'être bl'ill alll ll H.' 11 1

illustrée da ns sa th èse pa r Mi ch el Vovelle, il res te da ns les arrhi \'cs I1l1 e

masse consid érable de doc um ent s, non pas vi erge mais tOllj o urs (-'x pl oi­lable 3. No tons cn passa nt que "a bsence de communication s lIr le xvI' sil'c lc es t le symptôme ù ' un e ca rence. On manqu e d 'ouvriers, ct le xvI" s ièd c représente un champ d'iuvcsli ga tion s peu f rt.~ qll cnlé en Provence.

Qu'il res te beaucoup à ra i re. on peul s'cn con vaincr e enco re l'Il eons la­tanl la fa iblesse ùe la bibliographi e SU I" la vie re li gieuse d 'Aix à " époqu c moderne: quelq ues a n a lyses pa rce ll a ires, ùon t certa ines res tent ulilcs l' Il

dépit de leu r àge, tels les t ravau x cie Marbo t ct de Cons tan tin , des 111 0 11 0 -

graphi es le plus souvent al'c1ll;o logiq ues (l e X I X~ s ièc le s'est mont ré proli xe SHI" Saint-Sa uveu r), p ra tiqu ement :'HU'UIlC syn thrse a m p le ct r éccn lc.

Une ùes grandes ù iffi cult i's d e l'hi s toirc "cligic li se loca le - elle Iran s­pa ra it d a ns les é tudcs lJui sc mult ipli ent sur le XV Il ~ siècl e reli gil' L1 x à Inn'prs des régions limitées - c'csl la tenla ti on d 'appliquer une grill e d 'ex pli cH ­li ons (lui cern ent des thèmes important s, cert es, m a is valab les fin a lC' lIlenl

pOUl" n 'i mporte qu el d iocèse. parce qll e les mèmes gra nd s prohl i'lIl cs Sl'

posent Uil peu pa rt oul sous des fo rmes com pa rables, Le topique n 'l's t pas ai sé à isoler.

NO li S avons retenu trois cenlrC's c1 ' int ('I'l~ l correspondant à d es l"IwlllÎ l' r s

en co urs ( th èses ou mémoircs d e m uHl'i scs) : la f (' formc t' I'i seopule, condi­ti on IHJt I\'c lle d e la vi c re li l-{ie use ; ln vic rcli gieuse proprement dit c, l'SSl'n ­

ti ellenIenl dans son cad re pa roissia l : ct l'i nflu ence ùes ord res l'l'l igil' Ll x. Cc fa isan t, unL é té la issés d e cMt' 11 11 r.erlnin n ombre ùe s u jl'Is impo r ta n ts

0 11 à la mod C' qui aura ient ex igt' il e u x Sl~ lIl s mie St'a n Cl~ cnli i'J'l' d l' tra va il.

tl'l s 1'('X aIlH~ n du h~ Jllpon' I , qui t'x pliqlH' ra it hi en d l'S t'n; n l'TIIcnl s, la SOl'('(' I-

3. Outre les vis ites pas to ra les e l les statuts synodaux que nous avons u t il isés ici, les recue ils d'insi nua tions t'cclésias tiQues, regis t res de ca t ho li c ité, an.:h ivcs <.:onven luelles, minutes de l'o fficia lit é. etc., sans nég li ge r les arch ives no taria les et les déli bérat ions communa les, ete.

Page 3: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

VIE RELIGIE USE A AJX ;\ 11 XV II e S l ÈfLt.: 309

lerie. alors que l'on sait que l'affaire Ga uffr id y jugée à Aix a pris valeur de modèle pOlir d'autres procès semblables en France 4, ou les protestants 011 les juifs à Aix.

Une dernière question de méthode se posait quant au thème de notre congrès. S'agissait-il d'Aix-\'ille ou d 'Aix-diocèse'! Selon le point dt' vue choisi, en effet. on pouvait êt re affronté à des différences nota bles d'expo­sition ou d'interprétation . Le contra ste ville-campagne, par exemple, s'af­firm e parfois saisissant, nou s le verrons pour le XVIII ~ siècle dans Je rapport suivant.

Au XVII" siècle, c'est. une question relativement fausse. D'abord, à cause du rayonnement de la métropole. La ville d'Aix. représentait un modèle pour les petites vi lles, même assez éloign ées, du diocèse. Lorsqu'une supplique de Lambesc demande à Mgr d'Olon ne, vica ire général du cardinal Grimaldi, la fermeture des églises e.r/ra nwras en dehors des offices, pOlir éviter les « indévotions et irrévérences» des j eunes gens, elle prend pour a rgument la pratique de la ville d'Aix 5. En 1681, le cu ré de Sainte-Marie-Madeleine de la vil le de Saint-Maximin sollicil f' un règlement sur la di st ribution des habits aux pauvres pa r les margu illiers « conforme à celuy qui se fait dans Aix ... 6 », etc.

En outre. pour les terroirs très proches du sien, la vi ll e d'Aix repré­sente un pôle d'a ttraction. La simple commodité peut en être le mobile. Ainsi des h abita nts de bastides dépendant de la paroisse de Meyreuil préfè­rent satisfaire à leurs obligations religieuses à la grande ville dont ils sont moins éloignés 7.

Enfin, le XVIIe siècle étant, nou s le verrons. une période de réforme, la vigilance des évêqu es se porta aussi bien sur les au tres villes et les campagnes que sur la métropole. Bref. il s'agit dans notre exposé le plus possible de la ville d'Aix, m ais dans son cadre diocésain.

~: A~Ch~ed~~~1J~~:.~ tdéS;Ô:s~C?Ai:'~ fQG~l35.t~J~i~~~r~2.1970), p . 10·11. 6. I bid., pièce 3l. 7. Ibid' i pièce 35.

Page 4: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

310

D'uil1 enrs so us l'An cien Régim e. Ai x rcprèsenl e, <l'·Ct' ses H4 p,tro isst.>s.

ti n .I,clit d iocèse, ter r itori a lem ent pa d a n t. à eù lé de eel ui de Bou rges, pa r cX~ll1p l e. Cfui en co mpt e 791 8, 0 11 ce lui d e Clermont 850 9. Ma is la (h"signa ­li on de l'arch eyê«Ll c d ' Ai x est un c affa ire sér ieuse à ca use du rùle poliLique (ill ' il j Oli e, co mm e premi er proc ureur du pays el présid ent - IH' des Et a ls dc Pr()vcn~e. pui s d e l'Assembl ée des eomlllu n :'H1lés, da ns ull e pro \'Î IH'('

importa nte, cl. jusqu'à Lo ui s XI V a u moin s, remu a nt e. Sinon, pourquoi les cardin a u x-ministres a ura ient-il s llli s ce lt e obs tina ti on à y placer 1('111' frcre 10 ou toul a Li moin s des personnes de confi a nce?

1. - L A HEFOHME CATHOLI QUE A A IX .

Le premi er th ème retenu concer ne don c l'a pp lica ti on dc la Héfol'lll C c,a th oliqu c cl uns le di oc&se. Ce rtes, ses l'èsllit a is s'i nsc ri,,~n t dan s li n ("atl re (llÜ es t pra tiqu em ent le même qu e pa rtou t en F ra nce : e,'cs l-à-dil'l' qu t' S('S

effets conc rets SUl' le clergé- e l da ns le pe uple n(' sc fonl se nti r qll l' da ns les deux o u Lroi s de rn iè res d{'cenni es dll sièc le, (bill S ce m omcnt q u'on fi

réce mm ent ha ptisé d ' un terlll c heure u x « l' in \'as ion (U'vole Mais le process us de celte r é form e cOlllm ence bea uco up plus tôt qu 'aill eurs, l'l nOIl

san s origin a lil é.

Une influ en('c d e l' Itali e, de sa « reli gion s ur la PrO\'l' IH'C PI le qu a rt s ud-esL de la France es l indé nia hl e ; elle cons tit ue un e honn e pa ri (I l' e('(L l' ori gin a lité. On est loin [ollt€'fois dc 1'3 \,oil' nell em en t d élimit ée. Il f a ll d nlil

pour ce la ê tre ca pa bl e de la di s tin guer ahso lumen t d e l' el upn'inl (~

« roma in e » <I" ~ le concile d e Tren te a imposée part out. A insi lorsqu e le di ocèse d'Ai x aba nd onn e son missel propre en Hi iS p O U l' ad opl <.' r le mi ssl'I romai n JI , il fa il comm e les a utres di ocèses. e l ce n'es t qu ' ull c a ppli r:llÎon d e la tenda nce tri dentin e à l'uniformi sation de~ riles. JI con,'iendl'a il (·ga lc-

8, Cafholicisme, encyclop. dirigée pa r G, J o\CQUHIET (Letouze.v, 1949), 1. II , co l. 213. 9. I bul., col. 1239 la. Alphonse-Louis du Pless is de Riche li eu (1626-1629) ct Michel de Mazarin (1645·

1648) 11. Ce la donna. lieu à de gra!1des solennites e n 1620. Cf. ms du c hapitre, c ité par

MAROOT, Norre /Ilaitrtsg '1~f#lropolirame (Aix, 1883), p. ;>9.

Page 5: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

VIE RELIGIEUSE A AIX AU XV]Jl SJECLE 311

m ent de distingu er les influences HrUstiqucs des influences stric tement reli­gieuses : l'une risque parfois de fa ire croire à l'autre 12, Une même image recotlvre-t-e lle forcément un même corps de croyances?

l.Jes arcl1e"êqucs d'A lx.

Depuis la fin du concile de Trente, jusqu'à la fin du XVII~ siècle, soit en cent quarante ans, Aix a connu douze archevêques, dont sept, il est vrai, restèrent en place moins de cinq ans. Il est remarquable que,' malgré leur inégale valeur ct quoique la plupart aient continué certaines·' pratiques conda mn ées par le concile comme le cumul des bénéfices 13, tous ces prélats ont agi dans le sens de la Réform e catholique.

Il est juste pourtant de reconnaitre qu e les deux m ei lleurs artisans de cell e r éforme furenl Alexandre Canigiani (1576-1591) el J érôme Grima ldi (1655-1685 ). Tous deux é lai ent Itali ens, tou s deux profondém ent marqués pa r saint Charles BorroDlée, l ' UIl pOUf avoir été son disciple, l'autre parce qu 'il l'avait pris pOlir modèle 14.

Aix avait reç u solennellement le concil e de Trente, par la volonté de Mgr Genehard, en 1593, c'est-à-dire lin quarL de siècle avant le reste de la France. Mais si le clergé répondi t « en termes d'applaudissement, de véné­ration, et de soumission 15 c'es t bien parce que Mgr Canigiani avai t pré-

12. Au cours d'une passionna nte visite des c hapelles conventuelles de la Vis itation, d u Ca rmel et des Jésuites à l'occas ion du Congres. M. J.-J. Gloton a bien mis en valeu r la marque des a rti s tes italiens sur le baroque provençal

Saum~3~. Zesc~~o"~~~s ~J~m~ir~r~~a~~~ i~ïid~oë~~~~~ ~~~tSa~~;~~~'ne~~n~u~~tn~:~~r~~~:tes~ condi tions il fut nommé évêque, de Valence d'abord, puis, malgré lui à Aix, au moment où il espéra it Albi , vacant e l de revenus plus considérables. Il [ail ut que le roi lui donne une abbaye pour. compenser un peu le ma nque à g~gncr : d'abord Saint-Taurin d'Evreux

(6'~4~iVée:):,ta~~~~~gl:" c~:nl~::ê~~~td~ c~~m~ndcseS~~~~~~~~ii~rlO':t~te~p~~Pt~~~a~~ ~·~de Cosnac place encore ses ordonnances synodales du 13 octobre 1694, expressément sous lui Ma is ce n'es t guère propre à la Provence: En 1739, l'évêque de Bayeux faisait publier une Condtlite des confesseurs dans le t rtbtmal de pénitence selon les inslrtlctiOllS de .sainl Charles Borromée ...

15. De H AITZE, Histoire de la v ille d'Aix , capitale de la Provence (écrite au début du XV III " s iècle, publiée à Aix, 6 vol. 1880), t. III , p. 393-394.

Page 6: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

312 M. BERNOS

paré les \"Oies dix ans plus tôt. Pillon nous dévoile l'élat d'espril de <:et ltalien, nommé comme Laurent Strozzi el Julien Médicis avant lui, à la faveur des guerres de religion en Provence 16 :

... considérant que l'ignorance des curés ct le libertinage des prêtres estoient la pierre d'achopement des religionnaires, et ce que pour l'ordinaire ils repro­chaient aux catholiques, il convoqua un concile provincial pour remédier à tous ces maux, dans lequel tous les canons du concile de Trente furent rcccux ... (24 février 1584) lT. "

Quant à Mgr Grimaldi, il esl, un siècle plus lard, celui qui à Iravcrs les docmnenls, comme dans la mémoire collective des Aixois. reste le grand téformalcul' 18,

l,a correction des mœurs ecclésiastiqlles.

Le premier errort des archevêques d'Aix porta sur la régénération des mœurs des c lercs ct des fidèles. Cela se fit. d'abord par la publicalion clc statuts synodaux qui constituent en fail une sorte de catéchisme pour les prêtres. Leur fréquence permet, jusqu'à un certain point, de cenler les intentions réformatrices de tel a rchevêque, el, presque, de mesurer l'impact de son action.

On a gardé un certain nombre d'exemplaires de ces statuts 19. Malgré les pertes possibles, la réparlition dans le temps est révélatrice :

- Irois pour les deux siècles qui précèdent Je concile de Trenle ;

- six pour Je dernier tiers du XVf ~ siècle, c'est·à-dire juste après le concile;

16. Laurent Strozzi (1568-1571) ct Julien Médicis (1571-1575), neveu de Strozzi. Alexan­(kc Canigiani (1576-1591), neveu de Médicis, semble avoir été nommé plus à cause de son mérite que par népotisme ...

17. J.-S. PiTrON, Annales de la Sainle Eglise d'Ai~ (Lyon, 1668),.p. 237. 1~. Les congressistes ont pu admirer, à l'exposition de la bibliothèque Méjanes, un

magnil"iquc et austère portrait de lui . La chapelle des Pénitents gris bourras en conserve lIll exemplair~ semblable; le musée du Vieil Aix également.

19. A. ARTONNE, L. GU IZARIJ, O. POi'-lTAL, Répertoire des statuts synodaux des diocèses <le l'ançic/lIll} France (Paris, C.N.R.~., 2~ édit. 1%9) p. 21-26.

Page 7: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

VIE RELIGIEUSE 1\ AIX I\U XVlIc SIÈCLE 313

- dix-neuf en 47 ans, entre 1609 (sous Paul Hurault de l'Hospital qui publia à lui seul la moitié de cette série) et 1656 (les premiers statuts de Grimaldi).

A partir de ce dernier, les publications s'espacent jusqu'au XVIIIe siècle. On n'en trouve plus que six en un siècle. A ce déclin, qui n'est pas celui de l'esprit de réforme, puisque les textes les plus importants sont les statuts de 1672 et ceux de 1694, correspondent deux explications complémentaires. La première, c'est que les monitions réitérées des évêques ont fini par porler leurs fruits, car, il faut bi en le préciser, les dix-neuf éditions de statuts de la première moitié du XVII · siècle ne font que répéter les mêmes ordon­nances destinées essentiellement aux clercs, par exemple la nécessité de tenir les trois registres de baptêoles, mariages et fun érailles, l'interdiction du jeu et de la fréquentation des cabarets pour les prêtres, les règlements touchant aux sacrements, la nécessité de publier les bans de mariages, les questions de tenue (il faut portel' l'habit long ct. les cheveux courts), l'inter­diction de garder en la maison claustrale une servante dont l'âge nc serait pas conforme aux décrets conciliaires, etc.

Un second élément d 'explication nous es t fourni , semble-t-il, pal' la coïncidence des dates entre la quasi-cessation des statuts synodaux ct la création du séminaire d'Aix. Un clergé mieux form é, ayant reçu une arma­ture intéri eu re, faite à la fois de connaissances théologiques et liturgiques ct de piété personnelle, avait beaucoup moins besoin d'être repris par son pasteur.

Mgr Grimaldi contribua également à améliorer la situation morale du clergé en ordonnant, le 5 février 1675, la stabilité des curés 20. Tant de cures étaient l'objet de nominations amovibles, ne dépendant pas de l'évêque, que la discipline ecclésiastique en souffrait, et le risque de trafic sur les bénéfices était grand. La mesure fut impéra tive, puisque le chapitre et les abbés disposaient de trois mois pour présenter des vicaires perpétuels, fa ute de quoi l'archevêque imposerait les siens, ce qu'il fit à Saint-Sauveur

20. Francine BELlUE, Les archevêques d'Aix de 1626 à 1708, n.E.S. d'histoire de la Faculté des lettres d'Aix (dactylogr., 1966), p. 173.

Page 8: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

314

par exempl e. Elle apparut si sage que le 12 mars dt-' la mê me aIllHit', 14.' Conseil du roi l'approu\'H et (IUC le roi l' imposa peu après à toule la Fl'al1(,(>,

/,(' JH' /lplr chrétien.

Pour cc qui regarde les fidi-lcs, Lous I .. ,s doculilents d\"po,!Ut" \'isÎll'S

pastorales ('OllllllC statuts synodaux témoign ent dl1 souci pasLol'~ll de J'ins­

truction pOJlulaire. Paul Huraull de l'Hospital réglementait non Sl'ldclllcnl

I~I pl't'dicalion Illai s aussi l'enseignement, en précisa nt commenl Oll dcvaiL ("hoisir Ics l'l'gents.

En t():~4 . Louis de BI'c1cl, renouyelant les di spositions d ' Alphollse d(' Hi chcliclI, réaffirmaiL la nécessiLé d'instruire le peu pl e. On r c troll\,(' C.OI1S­

lamment l'injonction d e préchcl' réguli è re me nt à la m esse dOlllinic.llc, de dire ce ll e-ci il un e heure appropriée à la COI1l11HHlité des paroissicns l'I non ù eclle du l'uré,

Mgr (~l'im::d(1i eut le SOIl(',Î constant d'un c prt'di<'atioll dl' qualilt~, l' Il

invitant pour les carêmes ct les uvcnls de la ville (l'Aix des missionnaires dt;xout~S t~ t eompt'Ients, tels les Eudistes, On a conservé au lIloins lIl1C'

réponsc de saint .Jean Eud es à un c lellre du cardinal, qui fait allu s ioll à leurs honnes J'l'lutions 21, L' idée qu e le prè lre doit êlrc un miss iollnaire

devient d'ailleurs assez couranle au XVII" sièelc 22.

L\'xigl'IH~l' d ' lin minimum d e formation rciigiC'lIsc lui lient tant à ('(L'Ill' qu'il inlcnlil de donner l'ahsoluti on HlIX personnes qui « ignol'cnt les prineipallx mysll'res cie noire foi, le Pall' r, l'A ne, les commandements .le Dieu ct de L'Eglise .. , 23 1: . •

C'est sa ns dOllh~ pOlir mlC'lIx fHire connaître ecltc foi, cl HCCl'Ssoil'em f> nt permettrt' <lUX catholiq ll es de mieux l'l'sister dans la con 1 rOY(:'rse, f:H'(' aux

21. Lettres CXX IV, dans Lellres ct opl/scl/les, t. V des (F1I1'res cllUisies de sa int lean EUOES (Lcthielleux, 1934), p. 266-269.

22. La pensée de Bourdoisc, de J.-J. Olier, de Vincent de Paul à ce suje t est très nl..'lt e. Cf. aussi les travaux à l'Eco le Pratique des Hautes Etudes de J.-R. Armoga th!..' su r les missions en Cévennes.

23. Cf. « Cas ordinaires auxquels les confesseurs doivent refuser ou différer l'abso­lution. " de Mgr Grimaldi, additio~ p. 13 à 46, § Xl, p. 35, dans Gommar H I!YGENS (d' de Louva m), La méthode que l'on dOll garder dans l'usage dll sacrement de pe/litence pour dOIl/1er ou différer l'absolutioll (Paris, 1681)

Page 9: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

VIE RELIGIEUSE A AIX AU XVII" SIÈCLE 315

huguenots, quc les archevêques se soucièrent tant de l'În s truelion popuhIire, surtout dans la seconde moiti é du siècle 24. Dans son orùonnance d e 1072, Mgr Grimaldi précise de quelle manière les maîlres conduiront la forma­lioll des enfants confiés à Icul' responsabilité. Ils doi\'ent a\'oir Ull IHf>ll1e souci de l'instruction des pauvres qu e des riches, les recevant dans leurs écoles, avec même estime el même affeclion. Ils ne doivent pas les haUl'e s'ils font des erreurs, mais les réprimander doucement.

Le ca rdinal désire ouvrir d es écoles jusque dans les boul'gs. En sa sentence d e visiLe du Il mai 1681 , il invite les habitants de Peypin à se pourvoir d'Ull maUre d'école 25. Dans cette préocc upation d'une éducation populaire. il poussa très loin les formules hardies en soutena nt l'in s tallation à Aix des « Filles d e l'Enfance» qui dispensaient un véritable e nseign ement techn iqu e, apprenant à leu rs élèves, e t non sans scandaliser la bonne société aixoise, d es méti ers d'hommes, com me la cordonnerie 011 le tissage. La bonne société s'en vengea en faisant abandonner J'expérien ce à la mort du cardinal 26.

Le Grand'œuvre " le Séminaire.

Plus eneore qu e les visiles, les textes synodaux on les confcrenc('s ecclésiastiques, l'outil de la Réforme catholique ail XVII~ siècle, c'es t le séminail'e. Le concile de Trente ne s'y était pas trompé, qui en avait l"cnùu l'é tablissemen t obligatoire 27.

Déjà Canigiani en avail fondé un, très tôt, dans les an nées 1580. Les Archives départementales conservent Je rôle daté du 5 juin 1589, des 111e uples achetés à Messire Mérindol pour le séminaire entre le D décembre

24. Savoir si ces intentions ont é té su ivies d'effets est un tout autre problème. M. Vovelle n'y croit pas; cf. sa communication au colloque, "Le XVJl~ siècle et l'éducation" (Marseille, janvier 1971). Cela mériterait discussion.

25. Arch. dép. des B.·d.·R. (dépôt d'Aix), 1 G 1 354, pièce 43, 1 va. 26. Autre "scandale" : e ll es acceptent les filles avant la voca l ion, même sans dOl! 27. XXIII~ session, juillet 1563, Décret de Réformation, chap. XVIfI.

Page 10: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

316

I ;,X:\ cl 1 ;, X ;) ~ . Ma is comm e en d'autres cli orcscs 29, " (· la hli ssclIl cnl. ('nlrc­

tCIl I! par les seul es la rgesses cie l'n l'c h c \' èqll c. di spa rut e n 150 1 U\"l'(' lui .

Il appara ît vrai semhlahl e, b ien qu 'cll e n e soi t cÎlrc null e pa rt , qu ' lIlH' second e ten ta tive eut li e ll , à l' ins ti ga ti on de Chris toph e AlILhi cr de Sisgalld , le fond a teur des prêt res « mi ssionn aires du r lcl'gt'· .. ( 1 ( 32 ) et (Ill !ol·minail'l..'

de Va lence (16:lfl). Il e nvoit à Loui s de Brc tcl, le 20 :wril It143, Ull C suppliqu e po ur fondel' '111 « s(' min a irc de j eunes escholi crs qui dési rent ê tre CCC' ll's ias­ti«lWS 30 D. Ma is il n 'a pu s'assurer d'ulle « rente p Olir J'cnll'c li cn des 1)('1"­sonnes nécessaires à l'é tabli ssem en t D, sinon une promesse de noo li\TeS

p:u :111 pCl1 clunt trois a n s d e ln pa rt du cam érier de la collégiale de Pi gna n s. Il ne m a nq ue plu s, a jollle-l-il , qll c la volon lé d e " a rch c, ·èqll c. Ell e m a nqu a. Da ns un e JeUre du () n ovembre 166 1 31, Auth ie .. dc Sisga lld r econnaiL qll e sc~ espoirs onl élé trnhi s, toul en fa isa nt un c a ll us ion à la dircd Îo n dll s\; minnirc d 'Aix l~ t a bli cntre-tem ps.

Pui s, p C'ndan t la vaC'a nce du sÎi'gc c..;p isco}la l qlli suivit la mo rt (1(' I\f g r de Maza rin (1 H4R à 1655) , tro is ch a noin es d e la ca th édral e, NiC'o la s d C' Mima ta , ,· i c~üre généra l ct o ffi cia l 32, P uul Aill au d c L Ma thi eu Arllla nd. donnen t eh aclln I.oon livres pOlll" l'aclHl t d ' un e m aison prl~ S de 1':1 1"("11 (·­

vèché, d est iné à ccl emploi .

Le 7 oc lohre 165H enfin , le proj et cst rcpri s pa l" l\'lg r Grimaldi , moin s d'un nn a près son a rri v l~e en Aix. Il m l~ nLi onn c expressém enL la le nLaLi n'

de ses ch a noines, m ais pOLir êt re sùr du succès, il se déc lare fond all>ul" fin sé mina ire qui dem eure. sa vie dura nt , l'obj et de sa so lli cillHIc..>. Les ehosC's

el doi~· s~rI1i re~é~e Bbgi~~:: ~~~ I ~'eD~~ i~I~~~~~ .. d~f~~~u~ro!~i~~~d~f~~~ ~~~~~~~i~~ie~. bd~~ cscude lles ... JI

29. Comme à Bordeaux, par exemple, où la première fond,llion d u sém inaire par Mgr Sou rdis nc lu i survécut pas

30. Arch. dép. B.-d.-R., G. 216. 31. La lettre adressée à M. André. consei lle r au Pa rle ment d'Aix. est s ignée Ch ris-

d~~~is dl~ rsc~~ér~16Jt 8~~~~o~~~te~~~~:C~nd~r~~(farô1c é~~~s él~ê~.~fo~~e t~~e ~1~n~s~~~·~e:l~ la Celle dont nous parlerons plus loin

32. Nicolas de Mimala fil les procès-verbaux des vis ites pas torales de 64 paroi sses entre le 28 septembre 1638 c t novembre 1639 (Arch. dép. B.-d.-R., Aix , 1 G 1335. fo 1·225 ) pour Louis de Bretel , cl de 58 pa ro isses en tre le 27 mai 1651 et le 6 ma rs 1655 (ibid., 1 G 1336· 1337), pendan t la vacance ép iscopale.

Page 11: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

VIE RELIGIE USE A AIX AU XVII" SltClE 317

yo nt a lors très vile : en 1657, il ach ète lin j a rdin aux Carmes déchaussés, la const ruc tion est a pprouvée le 27 mars 1658 pa r le conse il de vi lle, le 22 juin pa l' Al exandre VII, et la premi ère pierre est posée le 3 novembre. (Les bâtiments se trouva ient e n haut d e l'ac tuelle ruc Pierre-et-Marie­Curi e, à l'emplacem en t du collège Campra.)

Un pro je / pas/oral.

Les statuts e l règlements octroyés par l'a rch evêque, le 8 avril 1660, ass urent H U séminaire unc autonomie suffisanle pour éviter que les sau tes d'humeur ou la plus ou 1110ins bonn e volonté de ses s uccesseurs puissent metlre la eréa lion en péril. Pour les a ppliquer ; un ù ocle sulpicien, e'cst­à -dire cc qui Se fa isait ù e mieu x da ns le clergé séculi er , le père Louis Philippe. En IG77, le cardinal confirme tOlil es les disposition s prises précé­d emm ent c l fait llll nouvea u don . Jusq u'à sa m ort, il fui obséùé pa r la perpé tu a l ion de l'Œuvr e et lui fil verser , par testament, le produit ùe la vent e de ses m eubl es propres. Un symbo le : son cœur é tait conservé dan s l'égli se du séminuire 33 .

La lecture de ces sta tuts e l règlement s 34 s'avère très fruclueu se, n on seul em ent pour con n uitre la con ception à lu fois ri goureuse ct soup le dn cardina l SUl" la form a tion d es jeunes clercs, prévoyant les diver s exercices, leurs formes, lcur fréqu enee, etc., mai s ULissi s ur le rôle original accord é à l' instituti on .

Le srminaire devait parti cipe r à la vastorale d e la ville, envers les pau yres des hôpiLa ux Saint-.Jaequ cs el Sa inl -J oseph d e la Charité . Bicn mi eux, on prévoyait un véritable « recyclage » des prê trcs du diocèse. Ceux d 'Ai x d cvaient assis ter ch aqu e vendredi , à 15 h eures, à une conféren ce faite s ur les mati èr es d es cas tle conscience cl l'Ec riture Sainte. Ma is Aix n 'est pas se" l à profil er de ces possibilités:

hors la ville, dans les églises parochiales, seront envoyés des ecclésiastiques suffisants, capables pour y exercer toutes les fonc tions cléricales e t cur ia les que

33. Cf. « Mémoire su r les monuments, tab leaux, s ta tues les plus remarquables dl! la vi lle d'Aix, fa it ,au mois de ja nvier 1791 ». Bib l. Méjanes, m s. 862 (036 ), p. 61.

34. Arch. deI'. B.-d.-R., G. 216

Page 12: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

318

bc~ming se ra e l penda nt leur séjou r en ice lles, seront en pa re il nombre, les prêtres e t servants appelés dans le séminaire, pour y apprendre ce dont il s seront moings instruits:!;;, »

A l'illt{'ricLll" du bâtiment on séparaiL en quartiers diffi'renls les 1)1'(.;­ln's feln\H a nt s, les ordina nds, CC li X qu e l'on a ppellera it aujourd'hui les pelil s sl'lllin:.ll'isLcs, cL en fin ln eOIll IllLlnall( (~ dt's prê tres cn c:Hlranl les

alllrcs.

On Il 'ose trop prolonger ces considéra lions SUl' le st' minain- qui ('sl apparu LIll th ème cenlra l de la vie re li gieuse à Aix au début ùu règne de Loui s XIV . Il l'cs t(~ pourtant à montrer qLle l'in s ta ll ation de ('c lll> IH~pinii'n'

de prè lrt·s r{> fo l'Illés n e se fit pas sans diffi cultés, e l pourquoi. f)t'S oppositions non désinléressées.

Les principaux r(~ fol'mat{,lIrs catholiqu es 36 ont hien compris qU (' l'csl'l~ l'an et' (l'UIlC Eglise purifi ùc l' cposaiL sur la j e un csse et qu 'on n t' pOIl\'ait

",Ut'n' attendre d c profonds :.lJlJ('IHlelll cnls dt's "icllx <'It' I'CS t~ nfoll('l'S d.llt s la routinl' sillon dans le péché.

L t'S pre mi e rs a(h'{,l'saires du sl'minaire furent pn~t'Îsl'm cnt des s\"nl­

liers, don t lu \ 'oca[ioll é tait douteuse, Ainsi le sÎt'UI' (l 'Ol'ligllt.'s, IH'\'\' II dll

\'Ïeairc d 'A n so ui s accusait-il d cs miss ionnaires d'ê tre d es sl~ïdes .l e :

(( Messieurs du séminaire (qui) estoin t présantement les ma ist res de ce dios­saise e t qu'il s me toint des prê tres aux parroisses à leu r pos te d à eux a tfidés afin de scavoir par le moye n des confess ions tout ce qu'il se passoit dans chasque parroisse en général et en particulier :11". )

On d('\'in e dans la suite du dossicr qu 'il y avait eOIH'UlTt"iH't' pOUl' l'l't'U­

IH"n' 1' la \' Îeairil.' l'n qll t~s ti on ... l"lais le zè le d es IlOU\'caux pl'è ln's, l'prollH"s d CnflaJllnH~S par IIn l.' formatio n rigol'Îsh', n 'a pparai ssait-il pa s Îndisel'd

a ux Il':ulitiollllali s l t,s '!

35. 1 hiâ" p. 3 ~,.'t 4 ~6. Saint Vincen t de Paul. par cxt: ~plc, fait de nombreuses a llus ions a la dirricult c

de rélorme r les cle rcs, cf. Œuvres, pub liees par p , Cos te (Paris, 1920-1925, 14 vo1.) : IcUn.:s aux prélres d~' l,a mission su r J'œ u vre des <?l'dinads (X I , p. 7·12>. c t du 5 aoû t 1659 (X II. p, 288-298); conférence aux prêtres de la miss ion du 6 décembre 165S, sur les buts de !a Co,~~pagnie (XII, p, 83-86); ,ct, su rtout le ttre à Bernard Codoing, du 13 mai 1644 sur [("s dHtl c llll~;s de J'œll vr~' des sem inaires (Il, p. 459-460)

37 , An.:h , Jép , B,·d ,-R" (Aix), 1 G. 1354, pièce 6, 1 V" et 2 R".

Page 13: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

VIE RELIGIEUSE A AIX AU XVII ~ S Ii?:CLE 319

Les médiocres a ussi voyaient d'un mauvais œil les t~x igcnccs grimal­di enn cs :

« Après la mort du Ca rdinal , quantité de prétendants (à la prêtrise). qui pendant la vie de ce prélat n'avaient osé poursuivre leur dessein, ou crainte d'être refusés pour leur incapacité, ou pour ne vouloir se soumettre à passer par un sémina ire, obtinre nt incontinent des démissoires pour se faire ordonner a illeurs :iA. »

On perçoit d'aulres réticences con tre le séminaire parmi les religieux, en particulier les .Jés uites que Mgr Grimaldi a pris bien soi n d'écarter de la dirccti on ou de l'enseignement du séminaire proprement dit. Il a tenu celt e posi tion jusqu e dans son teslament, déshéritant le sémina ire au profit des h ôpitaux a u cas où l'un de ses successeurs voudrait le faire régir par d es réguliers 39,

En 1677, il Y cul tOlitc une procétlure d 'enquêtes, de JeUres, J e mémoi­res, ~I 1::1 suite des jugements témé ra ires d'un Jés uite, le pè re Raynaud, l'égent de rhétorique a u collège d'Aix 40, Celui-ci avait d 'abord mis en cause la formation donn ée au sé minaire, qu oiqu ' il l' accusât, paradoxalement d'être copi ~c d es Jésuites. Il avait qualifi é, devant d es séminaristes qui suivaient sa classe de rh étoriqu e, les prê tres chargés du sém in aire d e « bénêts, d'i gnares et d'hérétiques ~ . La qu erelle porLa également sur la supériorité r espect ive de l'état sacerùotal cl d e l'étal reli gieux, SU1" la contribution, etc. Cc dernier point es t important, il peut no us livrer un inùice de la réputaHon de .Jansénisme qui pesait sur Mgr Grimaldi. Les jeunes séminaristes, dont l'un gifl é par le père Rayn3L1d s 'appelait Grimaldi (LIn neveu 'l), forls de ce <[u'ils avaient appris, exigeaien t pOUf l'octroi de l'absolution l'odium de peccato , la eessa tio peccati, l'inchoalio nOlJa> vila> et fin a lement le propo­,ÇillllJl non pecl'undi, citant a in s i les propr("s term es du concile de Trenle. Il

38. Oc H,\ITZF., Hisl';Jirc d'Aix, t VI , p. 221. La vice-Iégalion d'Avignon semble avoiF

!?aUS~'iqa~~~ XqV~!;lfet :~/~~~r~l:g!C~a~ns~~I~a~i:~~~a~~c ~~9S c~c~~~~c~~~e~~ ~e;a~~UI~r~t~C~~~ dans u.ne leUre adressée à l'al-chevê9ue de Rei ms cont re I~ trop grande facilité avec laquelk les rchgieu~ peuvent passer ad laxlOrem , malgré lt::s déCisions tridentines, grâce aux brefs de translatIOn du vice-légat, donnant même naissance à un vé ritable (rafic. Cr. Arch. naL, 4 AP 92, p. 176-178.

39. Arch. dép. B.-d.-R., G. 160. 40. Arch. dép. B.-d .-R., G. 217.

Page 14: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

320

fant croire que la position de ce jésuite n'y éta it pas conforme et qu ' il croyait, comme les j és uites de Pascal. que l'attrition suffisait. Divergences théologiques ou simple jalousie?

L'affaire « monta » jusqu'au père La Chaise, confesseur dll roi. Le cardinal dc Grimaldi dut tenter de le persuader laborieusement «u'il n'y avait pas ùe dissensions entre religieux el séculiers, mais abus de langage du l'è re Raynaud, et qu'il n'avait, «uant à lui, rien contre la Société de J ésus ...

Les é luùes des prê tres. r enouvelées, deva ient ensuite ê tre entretenues par ùes conférences mensuelles regroupant les curés, vicaires, confesseurs d'ull quartier du diocèse pour discuter de points de doclrine. Les absents éta ient signalés et réprimandés; l'avis de la majorité présente transmis à l'évêque 41. En outre, la vic spirituelle de chacun d'eux d evait se ressourcer par une retraite annuelle de dix jours en un lieu de piété (y compris le séminaire).

Bilan de la réform e épiscopale.

Les efforts des archevêques d'Aix, et principalement de Mgr Gl'imaldi pour réformer leur cl ergé, n'ont pas été va ins. Comme on le constate un

peu partout en France, le clergé séculier, sans atteindre unc régularité parfaite c t peul-ê tre idéa le, s'était , à la fin du XVII~ siècle, grandement aInélioré.

Grim a ldi ct Cosnac eurenl bea ucoup moins à punir d e prêtres que Louis de Breld lin ùemi-siècle plus tôt seulement. Le nombre ùe pour­suites est moindre, les fautes moins graves. On ne trouve plus, par exemple. officiellement ùu moins, d e prHres concubinaires 42 .

41. Ordonnance de 1672. A rapprocher du Journal du curé de Rumegies, publié par le chanoine H. PLATELLE (Paris, 1965), p. 78·79 : « on travaillait de concert dans Je dio­cèse » ... (vers les années 1690-91)

42. II serait utile pou.r mieux apprécier les témoignages, dans les procès ecclés ias­tiques du temps, de détermlOer plus précisément le sens de cer tains mots. Le XVIr" s iècle es t volontiers emphatique, c t quelqu'un qui. contrairement aux canons, a s implement élé à la chasse, ou au cabare t , est qualifié de "scanda leux" .

Page 15: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

VIE RELIGlEUSE A AIX AU XV IJ (· SIÈCLE 321

Et le plus bel hommage à ce c lergé séculier d'Aix se trouve indirecte­ment rend u par un régulier, le père Chappus, dan s une let lre de 1692 a u général ùes Serviles à Rome 43. A propos ùe factions, du es à l'ambition, qui Jéchircnl le couvent d 'Aix, il souligne que c'est a u « scand a le de to ut un peuple incapable de sup porter tan l de désordre en lin ordre religieux, a lors (fLl'ii voit un clergé séculier si exemplaire et très bien )'('l'ormé ».

Il . . - VIE RELIGIEUSE, VIE PAROISSIALE?

Après avoir regardé, un peu longuemen t peut-être, el pourtant trop rapidement, les no uvelles conditions d e la vie religieuse à Aix, on a imerait plonger dan s le concret de cell e-ci. Des distinctions sont encu re à fai re.

Le hOlldiwp de la politique.

Assez souvent le poids d e la p olitique, comme celui de la société, a pesé sur la " ie de l'Egli se d'Aix à un e époque où la sépara l~on de l'Egli se et de l'Etat n 'était pas plus pensable <JlIe nndépendance du c lergé par rapport aux grandes fa milles ou a ux notables locaux . On assis te à des jeux su htil s de.s grands, jus<f\J 'au plus hau t niveau: ent re le pape et le roi.

Ain s i, après la morl <le Mi chel Mazarin à Home (1648), on vit la situa­tion pa rad oxa le suivante: le r oi de France voulait faire nommer un Itali en, a n cien nonce en France et qui avait rendu des services au cardinul­mini stre, Mgr Grimaldi, a lors qu'Innocent X lui opposait un Français, aucli­teur a u tribunal de la Rote, NoizeL Or, le roi ne pouvait n ommer en Provence, sans un indult spécial, puisque la Provence n'était pas comprise dans le Concordal de 1516 44. La si tu a ti on resta bloquée jusqu'à la m ort du pape (1655), son SlIccesseur Alexan<lrc VII envoyan l a lors les blllles requises .

.Je u complexe d es au torités, encore, en ] 700. Un certa in nombre ùe couvents d e reli gieux e t d e reli gieuses d'Aix avaient fermé leurs portes à Mgr de Cosnac venu leu r faire la visite. Et ils fi rent appel au pape, a vec

43. Archivum generale D.S.M., Allnalistica, Q 3 IV, p. 6. 44. ~estiné à régler le conflit né de la Pragmatique Sanction de 1438, le Concordat

de 151 6 n'mcluait ni la Provence, ni la Bretagne, qui n'étaient pas réunies au royaume à cette date-là.

Page 16: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

322

l'autorisa tion dll fOi. .. landis qu e le l':ul clIl enl d ' Ai x, Iraùili o IlIH' II t.-'!H L' 1l1 t'II

opposition a vec l'a rch eyêqu e. l'appu ya cett e fois pa l' st'ntinu'llt antiulL ru­montain.

Donc des considéra ti ons d'opportunité polit iqu e, à l'éch elle nali o nall'.

en pa rticuli er la passion ga lli ca ne, pouvaient per turber. plu s ou moin s gravenlcnt, la vi c r e li gie use de la ville el ùu di ocèse. InV('I'SC IIH.'nt des l'n'·­nements en princ ipe religie ux éla ienl capa bles de bouleverst' r la vi c socia lt' d ' une ville. On a , ' U en Provence d es é me ut es SUÎ\TC la nomina ti on d ' lin s upérieu r o u d'un e a bbesse qui n 't' laicnL pas ce ll e qu 'on a LL end uil -l"S .

L'unité de lieu : la paroisse.

SOll S l' An cien Régim e. la base d e la ,oie l'c li gic use (" es t la pa roisse, Or on consta te, yer s le mili e u dll XVII ~ siècle, d a ns le pHy~ d' Aix, lin d ('Sl' ­

quilibrc enLre la loca li sation o u la ta ill e d es li eu x de culte el la llO U H ' JI ('

répartition de la popllia ti on. E n ma int s endroits il a fHlIl1 acel"oitrc les possibilités d'acc ueil des fid è les. Da ns un dossie r pn."pa rntoirc .l e vi s it ('s pas tora les 46 n Oli S Ic.l ,·on s pu relever , su r un sond age ù e d ix-huit pa roisses (soit 20 % du to tul di oc('sain en,oiron ) les hesoi ns sui va nt s:

- l rois pa roisses possl'd cnt d es hâ tim('nts in ('ompl cls (Es pa rron l' I

Ria ns manqu en L dt· mai son cl a us tra le, Pey roll es de sa cr is ti e) ;

- de ll x paroisses réclament 1(' d (~ pI Hccmcnt de lelll" l'g li s (' à caus(' du IlIOUn~ lIl e nt dt' popula ti on vcrs le pi ed de cill e t l\'ley n ' uil , Vc nl :''')I'('n ) ;

- quatre paroisses d (' lI1aTlll l~ nt (' Xp reSSl'lII ('nl 1111 ag l'a ncli sse llH'llt , 1<.'111" ('gli se ne pouvant contl'nil' le l'C il pl !.:' «j unl a nnt" La n\·on. V('ntahrcn. Venell es ) ;

45. M. Re né Pillo rgc t relève plusieurs cas de ces t roub les da ns son tnlva il en cou rs sur les sou lèvemen ts en Provence: a u cou v~ nt Sa in t-Sauve ur il Marsei ll e. à Arl es en 1615 entre pa rti sans des m in imes c t des chanoines, etc,

ca r i l 4f~ur~~~~c~édOc~~d~~~~ bA~{s ~~a~~~~ ' (ic':~~~~~~~~7às q~l~ ~~s l~~I;~C~~~~e~~/~~~e~i ~68Y , "gommage", Pièces souve nt non da tées. ma is le doss ier po rt e ll's da tl's limitt.'s : 1642-

Page 17: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

VIE RELIGIEUSE ,\ I\ IX ALI XVII" SIÈCLE 323

- quatre paroisses enfin signalent les difficu ltés que provoque la dispersion de l'habitat en bastides : les paroissiens n'entendant pas les cloches ou ne pouvant arriver à temps (Meyre uil , Peypin. Artigues, Venelles) .

En fait la moitié d es paroisses, environ, connaissent d'une manière ou d'une autre d es problèmes de bâtimen t, sans compler les réparations à peu près partout nécessaires. 11 est curieux de constater combien le patrimoine immobilier d e l'Eglise semble en mauvais étal à travers les procès-verbaux cIe visites pastorales, à quelqu'époque qu'on se situe 47.

La ville d'Aix ne comprenait, au début du XVII· siècle, que deux paroisses : Saint-Sauveur et la Madeleine. Mais l'augmentation démogra­phi'l'Ie, sans doute assez forte puisqu'elle avait obligé à agrandir la ville IIn e nOll\'ell e fois en 1646 48, et surtout un e plus grande exigence dans l'encadrement spirituel des fidèles entraînèrent l'archevêque à ériger d'autres paroisses 49.

Dès 1670, le curé de la Madeleine demanda un agrandissement de l'église el lin accroissement du nombre de desservants: les deux nouveaux quartiers d e Villeverte e t d'Orbitelle dépendaient de lui et il n'y pouvait plus suffi.·e. Mgr Grimaldi proposa une troisième paroisse, qui occupa l'église de l'hôpital du Saint-Esprit et prit le nom de Saint-Jérôme (à la demande ùes paroissiens désirant honorer le prélat) 50.

47. Cf. les travaux déjà publiés. Pour le xV" siècle: Noël COUl.ET, La vie religieuse dans le diocèse d'Aix au début du XV~ siècle (V.P. de 1421 et de 1424·27), D.E.S, Aix, 1954, c l « Pastorale e t démographie: le diocèse d 'Aix cn 1486 », dans Annales du Midi, juillet­oct. 1%4, p. 415-440. Pour le XV T~ : V.L. BOURRILLY, « L'archidiocèse d'Aix à la veille des gucncs de religion " (V.P. de 1547). dans Mémoires de /'Insritu/ histurique de Provence. 1. VI. p. 188·204

48. J. CARR If:RE. La populatioll d'Aix-erl·ProvenL'e à la fin du XVJJ~ siècle (Aix, 1958), page 34.

49. Le nombre parfois important de séculi ers ne doit pas faire ilJusion, Aix abrite 33 chanoines, 50 prieurs (chapelains, abbés. etc,). 17 prêtres bénéficiers. 100 s imples prêtres, elc. : cf. J.-P. COSTE, La ville d'Aix en /695 " St rue/ure et soçiété (Aix, 2 vol. ronéo!., 1970), t. II , p. 741-747. Quinze. à vingt seulement ont une destination directement pastorale, au contad quotidien des lidèles de la vi lle

50. Arch. comm. Aix, GG 113 (3) : Cession par J'ordre de N.-D. du Mont-Carmel et Sainl-Laza"e aux consuls d'Aix de la commandc";,e du Saint·Esprit pour en faire une suc­cursale de Sainle·Marie·Madcl~ine (13 dêc. 1674).

Page 18: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

324

Bientôt les h abilants ùu fauho llrg des Cordeli ers récla mèrent la Irans­fOI"maLion en pa roisse de la cha pell e Sa int-tIcan-Rapti s te Dli ils allai ent ouïr la messe. Naquit un e longu e qu erell e entre ces pa roissiens cL les prè lr('s d e Saint-Sauveur dont ils d épendai ent. Elle dura jus(lu 'cn 1704. Cc type d e controver se a Je m érite de n Oli s fair e p l'nétrcl" d es aspect s de la \Oie

religi euse qui ont certes peu à voir avec la vi c spiriLu cli e ; ils gard ent le mé rite de traùuire les condition s cO T1 e l'è l cs de cell e-ci.

En 1684, le vicaire gén éra l d'Ai x, Dllchainc, ava it , pal" testam ent , fait un legs importa nt pour l'établi ssem ent tI ' ulle succursa le ùe Saint-Sa lln'w ' a u faubourg, entretenant Irois d essen "anls. En lüUI , les habitants du quar­lier aùressèr ent une supplique à ?\lgr de Cosnac p our qu e cett e succu rsal e devi cnn e un c par oisse 51 . Les argum ents ava ncés sc r etrouvent en d 'autn.'s li eu x 52 ; ils sont très efficaces à L1ne époqu e où le r eCO urs au x sacn ' lIH.' llI s cst valorisé el où l'on n'aimc guère mourir sa ns ê tre en accord uvee l'Eglise : l\~xlrêm c-onc li on n e peut ê tre assun:~c, lJuand on la d emand e la nuÎl au x prè tres de Saint-Sau\'e ur, car il s doivent a tt endre l'ollverlurc dl~S po rt es ùe la ville ...

Le curé ùe Sa int-Sauvcur s'oppose il l'érecti on ùe la IH)UH' lI c paroiss l'. Ses crilitIues ressemblent à cell es qu 'on avait entenùu es contre la l' réati o ll de la paroisse du Saint-Esprit. En premi er li e u, il s'é tonne que ('('S lïd i'!t's, c d es gens qui vont tou s les jours une uemÎ-li eue o u un e li eue pour gaglll'"

leur vic cn tra vaill ant la terre 011 fra ppent tout le jour )'en clulI1 c Sl' fas sl' nL

UIl C pein c (l 'all er à Sa int-Sauvcur un jo ur ùe la quinza in e dc Pùqlll'S pour

y faire la communi on puscale'J ) . Cal', aj uul e-L-il, c'es L un'c le hapll~ lII c

c l le mariage les scul s cas Ol. il s sont obli gés ù e se rendre da ns lt'lIl' pa roissl'. Faire de Sa int-.J ean-Rapti s tc un e pa roisse, c'es t, finalem cnt , fair e lort :tll

légitime pasteur. 11 fallut vingt an s a la succ ursa le pour aClJuél'ir suu :.Iu(onomie.

51. Arch . dép. B.-d.-R. , G. 255. 52. Cf. X. AZEM!\, (II Evangêli sat ion r>Opl:'J~ i rc sous l'Ancien Rég ime : le faubourg

Bo:u1 t?n net à Mo nt pcllter », dans Am/ales dll Muil , n" 99, octobre·décembre 1970, p. 399409, pnnc lpa lt!mcn t p. 401-402,

53. Arch . dép . B.-d.-R .. G 255. Pièces su r celte a ffa ire aux Arch. comm. d 'Ai x. cgak· ment , e n GG. 113 (5, 6, 7).

Page 19: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

VIE RELLGIEUSE A AIX ALI XVlI'· S IÈCLE 325

Besoins temporels.

An niveau de la vie quolidienne du XVIl~ siècle, le risque d'un m anq ue il gagner est. le sujct Je plus fréquent des contestations, ùes procès.54 dans le ll10nde ecclésiastique, comme dans lc sécu li er. Les visites pastorales révèlent quantiLé ùe petits conflits en trc une comm un a uté et son curé, dont le prétexte réside le plus souvent en des sommes ridiculement faibles, quel-1ucs livres, voire quelques sols âprement disputés. Cela pourrait paraître .)()rdide, mais c'est en )uême temps plus réellement humain qu'une fresque de la vie ecclésiale Oll, à masquer les imperfeclions des pasteurs et de leurs ouailles, on sombrerait dans la fadeur inLclnporelie.

A Eguilles, par exemple, à proximité d'Aix, un long mémoire dénon­çant les « abus du prieur », signa le, entre a utrcs, (IU'il. .. « ne fait veiller qu'une lampe depuis midi jusqu'au matin qu'on donne le salut angélique quoiqu'il tire des revenus d'une fondation qui oblige à la faire veiller nuit et jour devant ce très Saint-Sacrement » •••

Plus grave, il ne fail presque point d'aumône, et s'adonne fort aux procès 55 .

A Uians on assiste à unc so mbrc affaire ùe flambeaux de funéraiJles ; elle oppose aux paroissiens le vicairc perpétuel Hugues Bérard (qui semble fort bien connaître Ja procéd ure, le droit canon, les décrets conciliaires et la jurisprudence !).

A Aix mème, en 1702, un conflit éclata enl re le chapilre Sainl-Sauveur ct les ServiLes, à propos des flambeaux de fun érai lles de Magdeleine Cau vin, saisis par les Servîtes en la maison de Mathicu Béraud a lors qu'ils n'avaient pas été invités à veiller le corps 56.

Parcc que le nivcau de vic du bas clergé n'cst pas très éloigné du TIlenU peuple, les heurts son l possibles, et d'auLant plus 'lue les con lacts sont pIns fréq ucn ts. On pourrait en )))ulLiplier les exemples ...

54. Mlle BELLUE. dans sa thèse sur le diocèse d'Aix, reviendra sur le temporel des évê­ques qu'elle a abordé rapidement dans son D.E.S. cité, p. 127·138.

55. Arch. dép. B.·d.·R. (Aix), 1 G 1354, pièce 2. 56. Arch. comm. Aix, GG. 320.

Page 20: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

326

Eire pretre ail X\'II" sirele.

Snr )'e nse mbl e du clergé dior.esain nOlis n 'a"ons m a lhcufeUSl'IJH.' Il( pas trouvé d e doc.ument complet, sinon lin étal de 170X 57, On est en droit ù'espérer qu 'à quelqu e chose près il n e trahit pas trop la sÎllIulÎon (l e la fin du xvn" siècle. Pour RO paroisses du diocèse sur les ri;=' existant alors, il cite: 72 c urés 011 viC-ail'cs perpét uels, a lU'o\'ica ires, 104 « secOIHlaircs »,

4 prébendés, soit 181 prêtres. Il est int éressa nt de comparer les ttges d e 71 curés et des H4 secondaires sur lesqu els l'é tat rournit des indi('aliolls.

C L ASSES 0' AGE DU CLEHGÉ EN 1708

AGE Curés (%) Second a ires (% )

20 à 39 ans 5,7 51

40 à 59 ans 49,3 3R,3

60 à 79 ails 45 6,4

+ de 80 ailS 4,3

Il ressort rl c ce lahl ea u qu elqu es tra il s simples el nets:

1° l'importance de la tranche d 'âge des curés de plus de OU ans: près de la moitié (n'oublions pas qu'au XVII~ siècle c'esl \'ieux ! ) ;

2° à l' in verse, le nombre d es secondaires d e moins de 40 ans repré­sente plus d e la Illoilié : il s'agit donc dans l'ensembl e ùe j e unes prêtres encore en apprentissage el sous la dominati on d' un « a ncien» ; les conflits qui onl pu avoir li eu en tre clercs se sont pe ul-ê tre trouvés avin_~s par une opposition d e générations;

3° près de 11 ~{, des seconda ires ont plus de HO ans, et ull e bonne partie plus de 80 : il s 'agit ic i au contraire de prêtres qui ne sonl plus Cil

57. Arch . dép. B.·d.·R. (Aix), 1 G. 1219.

Page 21: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

VIE RELIGIEUSE A .<\LX AU XV.l lc SIÈCLE 327

état. d e tenir une pa roisse; l'étal d e 170R précise parfois pour l'un « inutile, méd locre vertu, il serail hon d e le ch a nger pOlir un autre « absenl de la paroisse à cause d 'u ne fa iblesse d'esprit ».

Pour la "l ite d'Aix, les prè tres paraissent. p lu s j e unes : les secondaires ont au plu s la quarantaine et le curé d e la Madeleine n 'a qu e 35 ans. Bien qu e ce ne soit pas une question fondament.a le, il serait bon de connaltl'e les ra isons de ce lle silu a lion : hasard '? ou ch oix d e s uj ets brillants e l dyna miqu es par Mgr d e Cosnac '!

Il faut encore constater que la totalité du clergé du diocèse est cons­tituée Ile gens du sud-est, e t pra tiquement tous d es Provençaux. 60 % é tant origilHl.il'es du diocèse d'Aix ':8.

On gagnera it beaucoup à connaître a u lon g du siècle les ori gin es socia­les d es prêt res et leurs éven tu elles variation s. Certes « l'his toire socia le du clergé reste à écrire conUllC le remarque le professeur A. Viala, mais da ns lin article n euf 59, il nou s offre une première approche et une m étho­dologie assez convaincantes. A parLir des a llitula tions (ou titres clérica ux), nécessaires dans presqu e tous les cas pour accéder aux ordres maj e urs, il parvi ent à la quasi-certitude qu 'a u XVJ1 ~ sièc le. comm e a u XV I", le bas clergé se r ecr u te encore pour sa plus grand e pa rt parmi la noblesse e t la bonne

58. POUl' expliquer cette homogénéi té d'origine géographique du cle rgé aixois, M. Vo· velle a fa il état, dans la suite du congrès, de la difficulté rencon t rée par d 'éventuels cano didats du "Nord" pour comprendre le provençal, encore largement parlé pa r la population, et pour se Fai re comprendre. M. Venard, dans sa <, Recherche sur le recrutement sacerdotal dans la province d'Avignon », Annales E.S.C. , sep t.-oc t. 1968, p. 987-1016, relevait également, pour le XV Ie s iècle, peu de clercs qu i n 'aient pas été de langue d'oc (probablement pas plus de 5 %).

59. A. VI ALA, « Suggestions nouvelles pour une hi s toire sociale du clergé aux temps mode rnes », dans EllIdes d'l1istoire de droit canonique dédiées à G. Le Bras (Sirey, 1965), 1. II. p. 1471-1481. On pourrait peut -ê tre obtenir des résultats avec une au tre procédure, en partant des recueil s d'insinuations ecclés iastiques et en se reportant pour chaque cas aux regist~es de .baptêm es ... Les aléas sont p lus gr~nds (re trouver chaque fois les indications e t regIstres mdispensables), et surtout ce travatl serait très long.

Les résultats intéressants de M. Viala ne doivent pas être généralisés sans prudence. Régiona lcment, on rencontre des clergés pour qui les problè mes temporels présentent quel· ques nuances. Cf. L. CH I\TELU ER, « Société et bénéfices ecclésias tiQues . Le cas alsacien (1670-1730), dans Revue historique, n° 495, juillet-septembre 1970, p. 75·98. Les cures royales, l 'aide gé~éhégj~~~es viennen t tempé rer en faveur des sujets méritant la "barrière" du système

Page 22: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

328

bourgeoisie. En prenan t po ur exem ple Aix, précisément, l'aut eu r rai sonne sm' 72 cas corresponda nL a ux en t rées définitiv es da n s les o rd res )}('IHla nL

la période 1677- 16R5 :

- 15 % proviendraient d e la noblesse (q ui ne rep résent e l'ourlant

'I"C 2 '70 de la " op"lalion p rovençale) ;

- i 5 à HU (l" de la hourgeois ie (1 0 % des Proven çu u x) ;

-- 4 ù X seu le m e nt :J ura ie nt é té d 'ori g ine populn irC", ('01111'1 ( ' ten u

de <lu clqu C's infl i' l (~rmin és.

SU I' ('.l'S o ri gines socia les, IH ('apila lion d e 1695 précise. on IH)II,'ail s'y

allcndl"(" lJu c les c lercs o ri gina ires de la n oblesse o u d e la g ra nde rohe sont plu s nom hre ux ch ez les ch a noin es (90 %) q ue chez les p r ieul's, cha pelai ns, cle. (l')0 ~r,. ), ct pins no mbre ux ch ez ceu x-ci que ch ez les « s impl t's l'l't' Ires » (10 <;'0 ) &J.

Ces so nd ages ponctuels ont nl l cll r en eux-m êm es, m a is il l'estenlil à sayoil' s' il y a cu é \'o lllti 'H1, e l da ns q uel sens .

... cl ê trt! ch rétien.

Q ue dire des fidèles? : « .. • Notre pe up le en géné ra l es t LIn bon pcupl(>, mal in s Lruit , lJui es t pO ll r ta n t ayid e cl a ffa m é de la paro le de Di c u ... :Iffi n ne le (' uré d e Meyre uil 61 . Et il fournil la li s te de ses 132 pa roi ssiens do nl le 11 0 111 es t su Î\·j d e signes q ui semblent des tinés, selon les conseil s du rituel d e )) [1111 V (1() 12), à di s tin guer les bon s ch r(· ti en s des m oin s hons.

Une plu s g ra nd e exi gence de la h iéra rchi e à l'égard des fidè les, c L pcut­è Lrc d es fid èles en\'cr s e ux-mêm es, se décè le d a n s l'a ugm enta ti on du nomhre des confcssion s. A Trets, ell e a ll ein t un poi nt tel en ] 681 qu c le clcrgé se décla re ilu'apabl e d e « sa ti s fa ire à toutes les obl igations, s urtoul à la con fesse, pui squ 'ù présent on confesse p lu s à UI1 dim anch e o u simpl e res te l(lI'OIl n e fa isait a utre fo is da n s to ut un Illoi s 62. » D'autres paroisses récla -

60 Cf. J .-P. COSTE, op. cit., (. Il . p_ 742-746_ 61. Ar ch_ dép_ B.-d.-R. (Aix). 1 G 1354, pièce 35, (0 2 Ro. 62. Arch. dép. B .-d.-R. (Aix) , 1 G 1354. p iècc 60, f" 1 V' .

Page 23: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

VIE REUG.IEUSE A AIX AU XVJlc SI~ClE 329

ment "augillentalion du nombre des confessionnaux, telles Ventabren, Lourmarin, Rians 63 . A Aix même, les religieux doivent aider activement le clergé sécu li er ùans la distribution des sacrements, dont ce lui d e pénitence, non sans rivalités ...

Pourtant le niveau de la culture religieuse du peuple ne monte que très lentement, forc ément décalé par rapport à celle des clercs qui sont ses informateurs.

I~e goût du cérémonial.

Les laïcs sc montrent surtout sensibles a u cérémonial, aux pl'ali<Jues coll ectives, voire à l'ostentation 64. Ils sont très pointille ux sur les manifes­tations extérieures du culte dont le prêtre aurait tendance à se d ispenser, par paresse ou par avarice. A Lançon, par exemple, les consuls contrôlent de près les messes dites eL à dire, la célébralion des matines (luotidienncs, les processions que le vicaire doit mener sans frais supplémentaires. r\ Rians on se plaint de ce que les cloches n e sonnent pas comllle il faut aux fêtes solennelles .

Des dévolions colleclives.

On suit bea ucoup non seulement les rites liturgiques, les célébrations d e saints patrons, elc., mais aussi les nombreuses dévotions.

Parmi celles qui animenl la vie spiriluelle des Aixois, il serail peut-être légitime d e distinguer la présence à Aix des grandes d évotions nalionales, comme Je Sni nt-Sacrement ou les âmes du purgatoire, des croyances régio­nales ou topiques. Dans le rôle de ce que « le sieur vicaire esl obligé de faire », les consuls de Lançon indiquenl l'exposition du Saint-Sacrernent et des messes pour les âmes du purgaloire chaque lundi et chaque ven­dredi 65. A Lambesc, le curé doit luHer contre l'abus des expositions du Sainl-Sacrement, en se référanL à l'ordonnance synodale de 1672, dans

63. Ibid., pièces 62, p. 3 Ro ; 59, p. 2 Ro ; 50 rôle du 2 oct. 1673. 64. Les notables financent volontiers la construction ou l'embellissement d'édifices

culturels, qui manifestent ainsi leur piété, mais aussi leur "gloire". 65. Arch. dép. B.·d.·R. (Aix), 1 G. 1354, pièces 23, visite du 20 mai 1681.

Page 24: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

330

la qu ell e l 'u l'('h cYl"'qlle ayail dû les Iimil er cn ex igea nt IIne permi ssion t'(' I'Îl l' ,

hur mb que lqu es jo urs ùe fè tes prescrits. Le triomph a li s m e de J10111hl' e IlX

ba ld aqu in s domin a nt les tabernacles cn Provence. parti cipe du mè n1l' all:.l­

('h clllcnl osl cnlal o irc a il ("ulle e uchari s tiqu e.

Le folklore se m êle p OllrlHnl à ces culles nati on a u x. NOli s ne 1'(' \ ' i (' I1-

cirons pa s sur la F êle-Di cu : on l'a lon guem ent décrit e ct CX pliqll l~C 66, E II ('

en fournirait lITl bon témoi gnage. Ne citons t'gaiement qu e p Olir m é ll1oiJ'(' h' eultC' des â m es du purgatoire s ur lequ el, a près la parution récent e d'utH' excellent e éLud e 67, il Y a liTa it pOLIr l' in s tant pe u à ajout er , fI llI o in s d '(.'nLrcr

da ns ln mic ro\'a ri a li on loca le. Ainsi ù JU ans, , 'cr s 1672, on dit ehaq ue lundi, m ercredi el vcndredi un c grande m esse de m ortuis ct pri i.' r es pour les âmes du purgatoire, m a is la quêt e, a u dire d es d esservants, fo urnil moin s qu'autrefois; marqu c d ' lIl1 fl échi ssem ent d e popul a rit é d t' Cl' t' ulte

en ce lieu ?

(;"//,, cl Ih l'nl()gie.

T Ylli<fu e lllcnl 1.l'o\'cnc;a le (Ians son dt'n,' loppcm cllt , lIll C é tran gt' ( l l' \ '()liOIl

es t IH~ l' d ' ull e YÎsioll de .Jeanne Penaud , Terti a ire d e l'ordre de Saint Au gus­t in , ecll t'-ci a va it tent é- d 'abord d'autres cx périen ccs reli gicllst's (' h t'Z It,S Ursulin es, pui s ch ez les Dom in ica in es, indi ces d 'exigences spiritll ell es , sans dOllte , ma is au ssi d'une certain e instabilit é. Lc 15 juin t(,;-)8 ell e priail 4: à son ord in a irc » e n l'égli sc des Augustins ft· fo rmés, dit s d t' Sainl - Pi t'ITt', à Ai x, lorsqu'c li c vil a ppa raH re J'Enfa nt-.Jésus, âg<-' d 'cn\'Îl'o ll trois :.1 ilS ,

ri a nt ct dan s L1 llC 4: joie ex ll'è m c », qui portail à SO I1 hrus gauclH' L1IH' (, l'o ix d 'u ll c longueur cl d ' un e g rosseu r « disprop0l'ti onn t"c à sa pt'lil esst' .. , (1.' 1) tous Ics insLnllll cnt s d e sa passion ... é La ient j o in ts t'nsclllhi e ct lit"s <1\'('(' la (',roi x pal' till e g rossc cord e ... » , Une repn~ s{:' nLation de <-~e ll c dsion, <-' Il (' in',

sc trouve conscrn'(' dan s un e ni ch e du mur no rd de Saint-SallH'ur, L'ahhë

Brr mond a fail lIIH.' pn'cie usc analys(:' d c la genrse (le cc cultt' /lX , Eli t'

66, Cf. descrip tion e l bib liographie dans F, B ENOIT, La Prol'ellce et le Comtat Vena is, si" (Ga llimard, 1949),

67. G. e l M. V OVELLE, Vi~ion de la mort et de l'au-delà en Provellce, d'après les au/els des âmes du Pu rgalOÎre (Pans, Colin , 1970).

68 , H. BREMOND, Histoire fÎll éraire du Selltimellf reli~iellX, 1. Ill , p, 569-579,

Page 25: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

VIE RELJGIEl.JSE fi. AIX AL: XV Il~ S IECLE 331

mériterait d'ê tre poussée pour en éluc ider la sign ifi cation . N'y a-t-il pas, même inconsei en te, un e allusion à la prédestination? Est-ce une réaetion rigoriste a u c ult e de l'Enfant-Jésus, qui s'éta it répandu dans ees mêm es a nnées depuis Bea un e, e t qui a pu apparaître trop mièvre pour tln e religion oi! la croix ùevai t occuper un e place centrale 1 Ne faut-il pas parler d'lin Enfant-.J és us jansé.niste? Devant le ta blea u de Van Loo à la Maclelein e. représenla nt J'Enfant-J ésus face à la croix qu e tient lin a nge, on peul se demander s1 l'on n'a pas affaire à un écho tardif (750) d e cette déyolion c lassique

Des rcliqllcs .

Un autre type de dévotion réc lam era it un e é tude systématique : celle des reliqu es. Ell es abondent à Aix 69. Parfois, elles donn ent l'occasion de grandes m anifes tations publiques. Ainsi, le 13 novembre 1635, eul li eu la lranslation d es restes ùe saint Mitre dans un e châsse d'argent. Louis de Bretel avait proclamé la veille un j eûne général. et, le jour d e la cérémonie. la fOlll e des fidè les fut admise à baiser d évoiement le crâne du saint 70.

Chez les dames de Nazareth, à Saint-Barthélemy, on conservait une relique peu banale : du lait de la Vi erge 71. Ha bitue ll em en t dans les sanc­tuaires qui en possédaient (sous forme de poudre), ceux qui ne re ussis­saient pas à avoir d'enfant pouva ient en oblenir ; ma is nOlis n'avons trouve a ucune m enti on <l e ce type d e miracle à Aix.

Une li asse des Archives départem enta les des Bouches-du-Rhône 72

rassemble d e curieux certificats concernant des reliques appartena nt à des particuli ers. On y voit quelle m éthode, SOllvent peu ri go ureu se, permettait d'a uthentifi er les fra gments d'os ou de ti ssus. Elle montre :Clll ssi qu'exis­laient de v(!ritables « fili ères » d e reliqu es. Un fournisseur inépuisable semble avoir été le cardinal Cal'pinéo, vi caire génera l et official du pape. qui

69. On a pu observer, par exemple, dans la chapell.e des Pénitents gris, à ~auche de l'autel. un re.liquaire contenant des restes de plus d'un vmgtaine de saints, parmt lesquels de très illustres, saint Benoît, saint François de Sales, e tc.

70. F. BELLUE, op. cil., p . 199. 71. Dc H AITZE, Les Curiosités les plu:; remarquables de la ville d'Aix (1679 ). 72. Arch. dép. B.·d.·R .. G. 24J.

Page 26: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

332

dl' 1670 il tm17 ail moin s, procura à neuf occasions ft d es Aixois des n .·liqIH·:-;

de trente ct Uil saints (par groupement de deux à qu a tre), Ceux qui les ont rc~tlcs sont souvent dcs personn ages consid érables. tels Cardin I...l'hrl'l 011 J ean-Ba pti s te d e Va lbelle, mai s il s les redi stribu ent parfois à d('s parois­ses 011 il d e s imples particuliers.

Le culte des reliques correspond ù cc besoin de s ign es, d'appui s mal l'­riel s à la foi s i pl'ofond ém ent ressenti des foul es d'Ancien Hégim e ; l'allllH' Il ­

tieil é n'cs t pas leur problème. IL It' Illo igne sO ll\"cnl d ' ull e scnsihliLt" à fl c ul'

de nerfs. La tentati on cst gra nd e à l'occasion de c réer des l'c liqu es. A la 1I10 r1 de Mgr Grimaldi , adoré du petit peuple a ixois, on vil cclu i-('j sc p n'ci­pit er po ur dl'pollillcr le corps de ses \' è tem ent s e t s'cn parlage r It' s d t'b ri s. Les chanoin es curenl 101ltcs les peines dll mond e pour r e tire r à temps h'

corps dans la Cl'a inlc Cfu'il soit d épecé. La foul e ré ussit a lors à S'Cmp<.l H· r.

comllle dc reli(lu cs, d'obj ets ayant a ppar tenu à la c1wpe lJ e ardent e.

Celle ('lllo Livité, on la retrouve sans cessc. Plusieurs moi s aprt's la mm'l du cardina l, lin prédi ca tcur, é" oquant son sou\'cn ir, fit sanglolcr ks fid èles présents 7J. On restait a ussi touj ours prê t à croire lou l n~cil de miracle, sans \'érification.

l~e,~ premiers ne vculent pas êlre les derniers.

Lié au goû t d" cé rémonial, d onl nOli s ayons par"'\ procédant Cil parLie d" même é tat d'esprit, on pourra it ad joindre le sou ci ta till on de la pré­séance qui sc manifestc parto ut dans la vie reli gicuse co llecth'c : à la procession, ùans lcs placcs au ch œ ur ; il peut aboutir à d es bagarres ou ù dcs procès.

NOliS nOli S ch oqu erions inutilcm cnt d e ce qui apparaît r a it aujourd 'hui comme superfi cie l cl peu compatibl e aycc l' humilité chréti enn c. La socil' Ié aixoisc, COlllllle ce lle de son Lemps, es l une soci(~ l é d 'ordres. Elle proj cltc dans le monde r eligie ux la hi érarchisalion ùes personnes qu 'cli c yil (Jans son univers polilique. La place occ.upée é tait l'indice du rang. c t le rang, la clef d e la vic socialc.

73 . F. Bm.tuF., op. cil., p. 232

Page 27: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

333 VIE RELIGIE USE 1\ AIX AU XV II < S I t:CLE

Le « Cérémon ia l ~ d e la vHlc d ' Aix cs t à ccl éga rd très éc la irant 74, Les consuls doivent pa rHciper dans l'ann ée à une trent a ine d e cérém oni es a u moins, dan s lesqu ell es la r eli gion j Olie un rôle principa l. sinon uniqu e n. A l'occasio n d e gra ndes fêles liturgiques, d es fêles pa trona les. elc., ils assis­tent, si j'ai bien compt é. à 20 processions el 22 messes, sans compt er les bén édiction s du Saint-Sacremen t, les visiles de sa nctuaires 0 11 de l'cliqu es ... Pour chacu n e d e ces manifesta li ons, surtout lorsq ue les parle mentaires y participent, le 4: Cérémon ia l :il précise très exact em ent l'o l'dre d e marche. les « sLations » q ui peuvent n 'être pas les m êmes pOlir to ut le mond e, les gestes. les marqu es d'honneur que port ent les n olables.

Dans ce je u social on f..I écèle à peine li n léger indi ce de la consci en ce

qu e pouvai ent avoi r les co ntemporains d u ca ractère qu elq uc l-l C ll scanda­

le ux d e ces vanités pOUl' la foi : il n 'y a qu'ull e ci rcons ta nce où les consu ls ô ta ient leur chaperon eL leu r épée : ('adoration de la Croix Ic Vendredi­

Sa int ! Dans ee face à face essenti el p Olif un ch ré li cll il s acceptaient enfin

d e d épouiller le personnage.

Les confréries.

Même da ns d es groupes sociaux pl us restreints, o lt l'on s'attendra it à une a tmosphère plus intime, p lu s propi ce aux d évoti ons inté riorisées,

comme le son l les confréries, on ga rde l'impression q ue la vic sociale

l'emportc qu e lqu efois S Ul' le caractè re purement reli gieu x. Le dossier cs t

d éj à bien conn u p O Ul' la fin d e l'Ancien Régim e, grâce a ux trava ux ùe

Ma urice Agu lhon c t de Michel Vovelle : il est moin s clair p Olir le XVJl ~ sièc le. en parti e po ur d cs raisons d e d oc um en tation.

74. Arch. comm . Aix, AA 55. 75. Cf. les très sugges.tives ~emarQucs de Clémence RAi\lNOt'X, dans « Mythologique

a~lt:j~~~,,: résen t », in Esprit, aVri l 1971, p. 618-630, e n particulier sur la rela tion "Civjque·

Page 28: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

334

III. - L'INFLUENCE DES HEGULIEHS DANS LA VIE AIXOISE.

Les réguliers étaient abondants en Aix. Un cure ue Hilly-allx-Oies. cité par Léonard, écrivait 76 : « L'on nc peut faire cent pas sans rencontrer une église ct nOli s comptons jusqu'à trois cents couvents ... » El il ajoutait < Si l'on ôtail à Aix les <:ommunautés ue réguliers. il fauùrait Je réduire :111

tiers ; ... (plÎnze cents reclus occupent ces vastes enclos. » Ce jug(,IIlcnt excède un peu la réalité ! Mais Aix possédait à la l'in ÙU XVII" siècle, tant en églises paroissiales que conventuelles, 65 à 70 lieux de c u Ile n. Les espaces occupes sont vastes, en effet, e t l'on aurait aimé en chiffrer exac­tement l'assi ette.

En 1695, Aix comptait près d'un milli er de réguli ers (soit plus de ;) % ùe la population ) : 201 religi eux en unc quinzaine de cOllyenLs de ht ville ct 181 Jans cinq couvents du tenoir 78, et 587 religieuses en quatorzt' couvents et maisons in/ra muros. On ne relève aucune religieuse hors les lllurs, sans do ute par apl)lication d es décision s ùu concile ùe Trenle, qui

demanda ient de ne pas hasurder de religi euses dans la campagne, celle-ci n'éla nl jamais très sûre 79.

Comme beaucoup d'autres villes françaises, Aix a connu une flambée de fondations religieuses dan s la première moiti é du XVll

r s iècle el princi­palement da ns le second quart. L' « invusion mysLiqu c » chère il Brt'lIlond avait-clic enflanuné les âmes ?

l~a « propagation des ordrt,s > .

Entre IH21 , que de Hailze appelle l'année de la propagation ùes ordres, d 164n, soit en un e vingtaine d'années, quinze ou seiz(' maisons religi<' uscs

76. E. l!!ONJ\lW, La Pruvellce SI/r la {bl du règl1e de Louis XV, p. 43, c it é par J. CIl" rie re, up. cil., p. 63.

n . J .·P. COSTE, La ville d'Aix ell /695 : Structttre ef Soc.:iété, 1. Il , p . 1060. OuvragL' l'ssentid pour la connaissance de la vie socia le ct de la vi lle d'Aix a u XVII'" s iècle.

78. Ibid .. p. 738-740. 79. Session XXV, décembre 1563 : décre t de Réformation touc hant les réguliers ct

k s religieuses, char. V : « Oc la clôture des religieuses e t qu'on doit, autant qu'on pourra rai re, 0tablir dans k s \' ilks les couvents qui sont à la cam pagne»

Page 29: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

VIE REUGTEUSE A i\I X .'\U XVII~ S I ÈCL.E 335

s'établirent, se dé\'eloppèrent ou se réformèrent à Aix 80. Cela a dû poser de gros problèmes au conseil de ville car, souvent, ces fonda lions ont fait appel à la générosité publique. Il y avait plus d'une d emi-douzaine de créations mendiantes, à la charge donc d es habilants sinon de la munici­

palité.

A maintes reprises les conciles et les papes avaient tenté de mod érer ce tte proHféralion, en accord d'ailleu rs a\'cc les rois, peu soucieux de voir se multiplier les bi ens de main mort e 81 et des bouch es consi<.lérées comme improductives.

Un a rrêt <.lu Parlement de Provence du 27 juin 1667 rappe lle que les maisons religi euses, el plus pal'ticulicl'enlcnt les couvents de lnendiants, ne doivent tlccepter que le nombre de religieux « que chaque mai son peut entreten ir sans estre trop à charge ~llIX lieux où e lles sont établies 82 ~.

Vocation el régularité.

L'histori en d'Aix de Hailze insiste en plusieurs passages sur l'absence de vocation qui caractérise l'en trée en reli gion d'tlne foule de filles: « Ces monastères ne suffisaient pas po ur loger tOlites ce lles qu 'on présentait. cal' j e n'oserais dire qui se présentaient. Il fallaH tous les jours agrandir ces mnisons 8J• 'b

80. En 1621, les réco,lIets, les august ins déchaussés, les Irin itaires; 1622, les jésuites du co llège; 1624, la première Visitation, les chartreux; 1625, les carmélites; 1626, l'ora­toire d'Aix rallaché à Paris; 1634, les missionnaires du Très·Saint·Sacrement, les ursulines cloîtrées; 1637, les carmes déchaussés; 1638, la propagation de la foi, et peut-être les feuil· lants (ou 1656); 1639. les religieuses de la Miséricorde; 1640, les bernardines et le Refuge, Dans celle même période, à une date non précisée: ks doctrinaires. - Plus, après 1650 , les visitand ines (2) t.'n 1652; les bénédiclines de la Celle réformées en 1658; les picpus en 1666; les mercédaircs en 1684, e tc , Cf. Allas historique de PrOW1U,:e ... (Colin. 1969), cartes 112.\13.115 ...

~'a~~,:I~nO)~~1~~r:~:~i~~~~~tl:~I~~~~~i1~g:~~'~~~~~~r{~~~;c!~rlé~~\f~~Jt~~r;ilé~~C~~~~iif~~I~~~ Les séculiers au contraire, dans la mesure où il s sont des "ùess(.'rvants", on t une valeur ""onctionnelle".

82. Arch. comm. Aix. GG. 177 (2).

E~;}~~~[r:~1~T~I~f.~E~~11\~~:;~i~~~~~~~~ti~~~~~~~j;~~1~fl;1~t~iIU:~i~l~ mestre 1967. p. 25-29. et n" 68,2" trimestre 1967. p, 35·38

Page 30: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

336 M. BERNOS

On pcul remarquer en effet que le nomhre moyen d e religieuses par eOll\'ent, sans compter leurs pensionna ires. cst très supérieur à l't'ffrel it' moyen des co u\'cnls masculins (42 conlre lB, ou mème 13 si l'on ne (' olllph_~

pas les couvents d ' holllm es du terroi .. nettement plus pCLlpli·s (IIIC <,-eux <lc..'. la villeXJ hir).

Si les motivations de l'entrée (hms les ordres ne sont pas toujoul's tri·s l'lires, l'observa nce des règles n 'csl pas toujours très stricte. II s uhsiste cn permanence d es religi eux absents sans autorisation de leurs supérieurs, t.:'t

(llIC le pri eur local, ou même le provincial, tente en vain d e fnÎl'c {'nln'l'

dans la clôture. En oulre, ik Aix plus qu e ùans d e petites , 'il les , paree qlle la présence du Parlement et d'autres cours d e justice favorise l'esprit (le chicane, on assiste à des poursuites entre religieux, OH entre ordres, 011

entre religieux cl séculiers; des clans se constituent, comptant eha('lIn c!t'S

amis pa l'mi les pa l'l emenlail'es. Les recollrs au Pal'l ement ne sont pas rart's, en dépit du droit canon. Une fois de plus vie religiellse et yie sociale sonl don c profondément imbriquécs .

Mais c'est avcc l'autorité d e l'ordinaire que les h eurts sont ll"s plus graves. On assiste au XVII ~ siècle à lin bouleversement profOlHI dans la conception qu'on avait d e la vi e religieuse. Schématitlu emcnL on pourrait dire qllc si le Moyen âge a plutôt exalté la vie monastique, à unc époquc oi. le clergé séculier était le plus souvent grossier et pe u considt~ ré, 1(> XVII '< s iècle, au contraire, est le moment Oll le sacerùoce prend la premi è re pla cc dans t'Eglise IH ct Ol! le prè tre d e paroisse cl cyi enl :.1 IItOl'it{'. Le concil(' de 'l'renie a restauré les pouvoirs d es évêlIlICS et ICIl!" a don ni' Ull assez large droit de regard sur les monastères en supprimant unc partie ùes exemp­tions 85.

83 bis. JI sc raÎ,t capital dt: connaître les origine,s sociales, d illérentes selon les ordres, des religieux et religlCuses. Voir, par exemple : Ch. SETY, « Recrutement du Carmel d'Aix-en· Provence, 1625-1792 », dans ACles du 8Y Congrès des Sociétés savalltes, Aix, /958, p. 11-17.

84. Bérulle ct toute J'Ecole française de sp iritua lité ont joué un rôle dé terminant :Ians cettt' exa ltation du sacerdoce. Le nouvel accent chrÎstocent rÎ s te, et la redécouverte tic la s ignifica tion du sace rdoce du Christ expliquent au niveau théologique la base solide €le ce qui dans l'œuvre trident ine avait un aspect peut-être plus di sciplinaire.

85. XXVc sess ion, Décre t dt' Réformation des réguliers. chap. XI, XII, XIII. XIV, XVII ...

Page 31: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

VIE RELIGIEUSE A AIX AU XVII~ SIÈCLE 337

A u/orilé de l'ordinaire et ordre.~ exempts.

Les archevêques d'Aix ont, dans l'ensemble, favorisé les éta blissements religieux, mais ils se sont montrés ex trêmem en t altentiJ\ 311 resped de la discipline ecclésiastique el de leur Hu lol'Îl<.'-.

En 1678, Mgr de Grimaldi eut des dém êlés avec le monastère de Sainl­Barthélemy, à la tête du<[ucl se trouvait depuis quatre ans An ne de Bél'ulle, la ni èce du cardinal. Ce fut encore Saint-Barthé lemy tlui fut, en 1702, le seul monastère à persister dan s son rcfus Je recevoir la vi sile de Mgr de Cosnac, alors qu 'après une première d ésobéissance, en 1700, les autres ordres mendiants avaient cédé à l'interdit et ouvert leurs portes à l'arche­vêque accom pagné du conseiller Michaelis. qui incarnait le so utien du Parlement. L'archevêque avait bi en excommunié Anne de Bérulle le 16 sep­lClubre 1700 86• Illais elle finit par' l'emporter en t 704, grâce à so n recours au pape.

Le plus gros souci des archevêques avec les réguliers , renait des Béné­dictines de La Celle. L'histoire en est bien connue des Aixois. Il régnait dans ce mona stère tlne atmosphère d e salon ...• c'est le moins que l'on puisse dire. li « esloil devenu un hôpital pOLIr les bonnes maisons qui s'y déc hm'­geoicnl de leurs filles et regardoienl plutôt l'avanLage de leur famill e que la vocation du Saint-Esprit 87 Il fallut regrouper. en 1658. les qu elques filles qui acccptèrcnt la r éforme, ùans un nOlln:!au monastèrc à Aix m ê me. Elles ne furent pas les plus nombreuses .

Participation régulière à la pas/orale,

Il l'este à d.éterminer la place des réguliers dans la vie religieuse aixoise, leur parlicipalion à la pastorale : prédication, confessions. Ils l'emplissent parfois tlne fonction quasi-paroissial e envers les voisins du couvent en distribuant les sacrements. C'est le cas explicite de certaines paroisses du diocèse d'après l'état ùe 1708, à Sainl-Maximin, Pertuis, Cadenet, Cor-

86. Arch. comm. Aix, GG. 158 (2). 87. PITTON, A/males (1668), p. 227.

Page 32: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

bières 88. Lors des ch apilre~ proyin ciuu x on rcnollyc lait les a utori sa ti ons d'entendre les laïcs en confess ion da ns certa in s ordres; l'a re heyèqu e It's contrô la iL el les .. e rusa pa rfois, lors de c ri se ou vert e avec les réguli er s l:!<) .

No us savon s le g OlH des elu t'Li ens du X V II ~ siècle ùe faire dir(' des mcsses pOlir le repos de Icur à m e 0 11 celles d e le urs proches. Là encorc les re ligic ux jOllcnt un rôle impor ta nt. Cert a in s ordres fini ssent p H I' en accel'h~ r

tant qu 'il s n e pa rvi enne nt plus à en ass urer le sel'vieC' cl qu 'à plu sÎl'urs reprises, au co urs du XVIII' sii'cle, le pape dut at'ecpt cl' d e n.',ùuir(' leurs obli gati ons, en consid(~ ranl la dévalu a tion d es SO IllIl)('S légué{'s Oll dl' s rent es fond ées w.

ReligiclI.r l'I dévolions.

L' influenc(! d es rc!guli ers fut surt out fond a m enta le da ns le dévelopP(' IUt' nt de ce rlain es dévo lions spl~cifï<tu es d' un or{)I"('. Ch ez les Sen ·it es, « tou s k s sam edis soirs on eX I)Ü sl~ le Sa int-Sacrement ct on donnl' la hl.' Jl t'didi oll solenncll e à un peupl e nomhreu x qui y ncco lll'l 91 ». NO li S retrou vons là la vogue du culte euch a ristiquc. Ma is en ~ , llite. da ns le mêml' (>oun'nt dl' l"Annonci ad e, quelqu es fcmm es eL fill e .. pi euses du quarti el' di s(,1l1 le

chapelet d es doulcurs, ee qui représent e, rHU' contre, tlllC dt" voLion imp0l'h"l' d ' [ta li e pa r cel ordre, \" ra i semhlabl em ~ nl dan s la st' ('ond{' moitil~ du XVJl ~ siècle.

On conna U mi eu x les dr yoli ons d 'tl\ , l n~ s ordres, plu s « dassiqu c!i 1>

en Provence : le sca pulairc dH'Z les earuH' . le rosaÎn' ("hc..'z It's ~lolllillÎ<':lin s.

88. A rapprocher de l'argument de l'écono ml. des Serv ites du Reves t des Brousses contre l'économe du sémina ire de Ma nosque, dan le diocèse dt' S is teron : « Sans k couvent, il aura it fa llu a ugmenter le nombre de pri: res comme on a fa it en tant d 'au t res :.i~~~co)~ (~rJl~uaJ~ . e~t .. d~Ri.~ i8e'H3~iFo °S~ ~"n1 S4 {r a) de couvent pou r suppb :r la r~l '

89. « Ordon nances de Mgr l'archevêque d 'Aix QU I révoque les per miss ions de pn~chl.·r et de con fesse r acco l"dées a ux FF. mineurs conventuel: gra nds augus ti ns, g rands ca rmes de la ville d'Aix, e L a ux minimes c t récolle ts hors· les·m ':·s, ct in te rdi t les cinq églises ,il' ces !ll0nas tères "', Aix, 26 oc tobre 1700, da ns nxucil de p ièces manusc rit es conse!""l.; Ü 1<1 Bib l1 0 thèque Méj anes, ms. S14

90. Le 10 sep tem bre 1723, une bulle d' Innocent XIII donna it l 'abso lu tio n aux Sel"

d~e~~:~i~a~~ul~o~~~v~d~~Sm~~'~s,a~ci~~ttl~~s a~~ r~~~~'. ~~~~~A1!~iGG~'Ï7'8). gC~I~t~lin~l~~~~: ve nts ava lent des miJl it.'l"s de m,'sses en " retard".

91. Rappo rt du R. P. Chappus sur It' couvent d'A ix, déjà ci té, ArchivlI/lI 1!,eJ/erah> D.S .M. , A/l/wlislica , 0 3 IV, p . 9.

Page 33: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

VIE RELTGTEUSE .I!J" AIX AU XVIIe SIÈCLE 339

Les tableaux d'autels y faisant allusion abondent suffisamment dans les églises provençales pour permettre de suivre très précisément l'extension de ces cultes 92.

Les chapelJes conventuelles deviennent naturellement, dans ces condi­tions, le lieu de réunion de confrèries liées à ces dévotions. La connaissance de la composition de ces confréries révèle, simultanément, la sociologie d 'une dévotion, le degré d e popularité d'un ordre et les milieux qu'il atteint. A i\ix on trouve chez les Serviles, mal implantés en France et peu populaires, deux confréries seulement et peu reluisantes l'une, sous le titre de N.-D. d es Douleurs, regroupe surtout des artisans 93 : l'autre, sous le titre de N.-D. de l'Annonciaùe, réunit le corps des jardiniers dans l'église conventuelle où ils é lisaient leu)' sépulture 94. Pal' contre les grands Augus­tins accueillaicnt six confréries professionnell es, les Carmes cinq, plus une du scapulaire très nombreuse, plus un Li ers-ordre des sœurs du Monl­Cannet.

Ces quclques indications sur le monde des religieux aixois sont loin <l'épuiser le sU,jet. Pour plusieurs ordres on manque encore d'une simple lllOnogl'aphie ; pour ceux sur lesquels on a écrit. voire beaucoup écrit, le point de Ylie choisi demeure souvent trop partial et restreint : pensons aux .Jésuites ... Ils ont donné naissance, en Provence, à une vaste littérature (lolémi4ue, mais on ne dispose pas d'une étude complète de leur action apostolique. A plus forte raison reste-t-il à raire une synthèse sur l'ensem­ble des réguliers.

Au moment de conclure ce trop long rapport on s'apen;oil qu'il n'a pas entièrement pli suivre les pistes que les considérations mé thodologiques ùe l'introduction laissaient espérer. l:~tud e des structures ecclésiales a pu pal'ailrc favoJ'ist~e par rapport à celle d es mentalit és. En réalité, elles sont

92. Cf. G. et M. VOVELLE, Vision de la mort el de l'Au-delà en Provence (carte), p. 38. 93. D'après une liste du XVIUC siècle indiquant les prieurs en place: deux cordon·

niers, un maçon, un ferblantier, un cordier (Arch. dép. B.·d.·R., G. 256). 94. Ce qui apparaît dans le livre des sépultures du couvent : cf. mémoire de maη

trise d .. ' M. Jean Chamoux, juin 1972

Page 34: La vie religieuse à Aix-en-Provence au XVIIe siècleprovence-historique.mmsh.univ-aix.fr/Pdf/PH-1972-22-090_01.pdf · Aix avait reçu solennellement le concile de Trente, par la

340

profondé ment imbriquées, cl s urtout, la siluatiol1 es t moins facil e <llI l' pour le XVIII" siècle. Les docum enls exploiLahl es pOlir lo ucher les st'llsihilill"S

reli gieuses se raréfient, les s~ries, «lIand il y ell Ut sont ilT(·g ulii·rcs t'I Ile

permellcnl guère celle ri gueur a\'ec laqu ell e 1\1 . V()Velle, pHI' l'Xt.·ll1plt', a poursuivi ses rech erches sur le s il'c le su ivant 95, POlir le x nl" s il'(' I(' Oll l'si conLraint ùe dClllclII'cr plus « artisanal » .

Finalement, nOlis avons simplement t c nlC:~ d'exposer ct' qui (' lait le plus percep libl e, pOUl" les contemporains clix-mèmcs, de la ,"je rt'l igiclI st' d'Anci en Régime à Aix, e t ses fondements socia ux. Il es t d e fail qu e si h' XVIII " s iècle, :.HI moin s ju s« U'UU début de son second quart, cl, IH.'ul-l" ln'

sur cert a ins points au-delà, apparaiL com llle un tcmps de vraliqLlt.·s plus s trictes, mi eux ohservées et a ussi plus réglementées, c'est pure<, qll'iln profond travail d c réforme intérieure avai t <-té mené dan s l'Egli se dep"is cent cinquante ans. L'expression de la foi d es fid è les en est restt'·c long­temps pétri e, m ême s i connu e, on Cl pu le supposer, c' l~ tail SLlIH'l'fï ch'lIe­ment, el qu'un processus d e d échristiani sa tion étai t déjà cn lIWIT IH'. M ltiS

(".t'ci mrl'ilcrail discussion 96 ct c'est ull e autre hi s toire.

Man',,1 BEHNOS,