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LA SLAVISTIQUE FRANÇAISE* 1980-2000 1. INCERTITUDES ET MUTATIONS Ail cours des vingt dernières années, la slavistique française a préservé ou développé son implantation universitaire, mais en même temps, elle a vu sa base s'éroder de manière alarmante. En effet, la réduction sensible ou la sup- pression complète de l'enseignement du russe dans de nombreux établisse- ments du secondaire et la diminution parallèle du nombre de postes mis aux concours de l'agrégation et du CAPES ont appauvri le vivier des futurs slavi- sants et détourné plusieurs étudiants motivés d'une carrière pédagogique. Malgré ce recul, les établissements universitaires et les centres de recher- che s'intéressant au domaine slave demeurent nombreux, en particulier à Paris et en Île-de-France. L'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO) possède à l'heure actuelle deux départements totalement ou essentiellement dédiés à la slavistique: Europe centrale et orientale (4 pro- fesseurs), Russie et Eurasie (6 professeurs). Parmi les universités parisiennes, Paris IV (Paris-Sorbonne) est la seule à disposer d'une unité de formation et de recherche d'Études slaves, comprenant 11 professeurs, mais on compte aussi des enseignements d'histoire des Slaves ou de langues slaves à Paris I (Panthéon-Sorbonne, 2 professeurs), Paris VIII- Saint-Denis (2 professeurs) et Paris X Nanterre (2 professeurs). En province, des enseignements de langues slaves et des possibilités de recherche en slavistique sont offerts dans les universités de Provence (Aix), de Picardie (Amiens), Besançon, Bor- deaux, Caen, Grenoble, Lille, Montpellier- Paul Valéry, Nice, Pau, Rouen, Strasbourg, Toulouse-Le Mirail et Tours. À la IVe section de l'École pratique des hautes études (EPHE), Vladimir Vodoff poursuit son enseignement d'histoire et philologie russes, tandis que la ve section a confié des enseignements à Roberte Hamayon, sur les religions de l'Asie septentrionale, et à Ludwik Stomma, sur la religion populaire en Europe orientale. L'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) a, de son côté, créé un Centre d'études du Monde russe, soviétique * Sous la direction de Pierre Gonneau (université Paris-Sorbonne). Les contributions particulières sont indiquées pour chaque partie.

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LA SLA VISTIQUE FRANÇAISE* 1980-2000

1. INCERTITUDES ET MUTATIONS

Ail cours des vingt dernières années, la slavistique française a préservé ou développé son implantation universitaire, mais en même temps, elle a vu sa base s'éroder de manière alarmante. En effet, la réduction sensible ou la sup­pression complète de l'enseignement du russe dans de nombreux établisse­ments du secondaire et la diminution parallèle du nombre de postes mis aux concours de l'agrégation et du CAPES ont appauvri le vivier des futurs slavi­sants et détourné plusieurs étudiants motivés d'une carrière pédagogique.

Malgré ce recul, les établissements universitaires et les centres de recher­che s'intéressant au domaine slave demeurent nombreux, en particulier à Paris et en Île-de-France. L'Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO) possède à l'heure actuelle deux départements totalement ou essentiellement dédiés à la slavistique: Europe centrale et orientale (4 pro­fesseurs), Russie et Eurasie (6 professeurs). Parmi les universités parisiennes, Paris IV (Paris-Sorbonne) est la seule à disposer d'une unité de formation et de recherche d'Études slaves, comprenant 11 professeurs, mais on compte aussi des enseignements d'histoire des Slaves ou de langues slaves à Paris I (Panthéon-Sorbonne, 2 professeurs), Paris VIII- Saint-Denis (2 professeurs) et Paris X Nanterre (2 professeurs). En province, des enseignements de langues slaves et des possibilités de recherche en slavistique sont offerts dans les universités de Provence (Aix), de Picardie (Amiens), Besançon, Bor­deaux, Caen, Grenoble, Lille, Montpellier- Paul Valéry, Nice, Pau, Rouen, Strasbourg, Toulouse-Le Mirail et Tours.

À la IVe section de l'École pratique des hautes études (EPHE), Vladimir Vodoff poursuit son enseignement d'histoire et philologie russes, tandis que la ve section a confié des enseignements à Roberte Hamayon, sur les religions de l'Asie septentrionale, et à Ludwik Stomma, sur la religion populaire en Europe orientale. L'École des hautes études en sciences sociales (EHESS) a, de son côté, créé un Centre d'études du Monde russe, soviétique

* Sous la direction de Pierre Gonneau (université Paris-Sorbonne). Les contributions particulières sont indiquées pour chaque partie.

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et post-soviétique, dirigé par Wladimir Berelowitch, et consacre plusieurs séminaires à l'Europe centrale et orientale. En outre, depuis 1994, François­Xavier Coquin occupe au Collège de France une chaire d'Histoire moderne et contemporaine du monde russe, reprenant ainsi dans cet établissement la tradition d'un enseignement de slavistique, qui avait été interrompue à la mort d'André Vaillant.

Dans le même temps, l'Institut d'études slaves (lES) est demeuré la structure associative fédérant la slavistique française. Parallèlement à l'Insti­tut et dans le même bâtiment de la rue Michelet, des unités de recherche ou de service, placées sous la co-tutelle de l'université de Paris IV et du CNRS, se sont succédé : Institut national des études slaves (INES, 1976-1984 ), Institut du monde soviétique et de l'Europe centrale et orientale (IMSECO, 1985-1992), Institut de recherche et d'étude des nouvelles institutions et sociétés à l'Est (IRENISE, 1993-1996) et enfin Centre d'études slaves (CES, depuis 1997). Les colloques et les publications préparés par l'Institut d'études slaves et ces équipes ont poursuivi les travaux déjà entrepris et dégagé de nouvelles approches. C'est ainsi qu'aux Travaux publiés par l'Institut d'études slaves (38 volumes en 1999), à sa Collection historique (39 volumes), à sa Bibliothèque russe (103 volumes), à ses Documents pédagogiques (40 volumes) ou à ses Lexiques (13 volumes) est venue s'ajouter la série Cultures et sociétés de l'Est (33 volumes depuis 1985).

La Revue des études slaves (RES) a également poursuivi sa parution, sous la direction de Jacques Catteau, atteignant le t. 72 avec l'an 2000. Elle conserve son rythme de parution trimestriel, faisant alterner numéros à thème et numéros athématiques ; ses sommaires sont désormais accessibles en ligne. L'Enseignement du russe (ER) a fait place à la Revue russe (RR, 2 numéros par an), tandis que la Société des professeurs de russe (SPR) se transformait en Association française des russisants (AFR), actuellement présidée par Hélène Mélat. Il existe encore trois autres importantes revues centrées sur le domaine slave. En 2000, les Cahiers du monde russe et soviétique, devenus Cahiers du monde russe (trimestriels, publiés par l'EHESS) comptaient 41 volumes, Slovo (semestriel ou annuel, publié par le Centre d'études russes, eurasiennes et sibériennes de l'INALCO) en avait fait paraître 23 et Slavica occitania (semestriel, publié par le département de sla­vistique de l'université de Toulouse-Le Mirail) 10. Rappelons aussi que le Bulletin de la Société de linguistique de Paris (BSLP) publie irrégulièrement d'importants articles concernant les langues slaves.

D'une manière générale, le champ de la recherche en études slaves s'est élargi et diversifié, ce au prix d'un certain morcellement, sans que cette expression ait rien de péjoratif, la philologie, la littérature et l'histoire demeurent des domaines abondamments couverts, mais ils ne sont plus uniques. Cette situation s'est reflétée dans les publications, en particulier périodiques. De nombreux nouveaux titres, de parution plus ou moins régu­lière, concernent spécifiquement une région (les Balkans, la Sibérie), ou un

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auteur (Tolstoj, Turgenev ... ). On constate aussi l'importance accrue prise par les titres s'intéressant à l'économie, aux sciences sociales et politiques en U.R.S.S. et dans les pays de l'Est, puis dans les nouveaux États et ensembles régionaux issus de la décomposition des régimes socialistes, particulièrement la Russie. Un autre secteur en pleine progression dans la recherche uni­versitaire concernant le monde slave est l'étude des arts, du spectacle (cinéma, théâtre) et de la communication (presse, télévision).

Il. LE DOMAINE BIÉLORUSSE, RUSSE,

UKRAINIEN ET L'ESPACE SOVIÉTIQUE

Parmi les nombreux travaux menés sur le domaine slave oriental et sur les peuples de l'ex-U.R.S.S., la part du lion revient à la langue russe et à l'étude de la Russie, toutefois, des contributions significatives sont à signaler en dehors de la sphère du « grand frère » russe. Les thèses, elles aussi fort nombreuses, ont en général fait l'objet d'une présentation par leur auteur dans la Revue des études slaves. D'un point de vue thématique, on peut distinguer six grands domaines faisant partie du paysage traditionnel des études slaves: 1) linguistique et philologie, 2) littérature, 3) arts, 4) religion, 5) philosophie, histoire des idées, 6) histoire médiévale et moderne. En outre, nous donnerons un aperçu sommaire des autres disciplines qui ont attiré nombre de nouveaux chercheurs s'intéressant au monde slave: 7) histoire contemporaine, sciences politiques, 8) sociologie, psychologie, ethnologie, 9) droit, sciences économiques, démographie, géographie.

1. LINGUISTIQUE ET PHILOLOGIE

Les III•, IV• et V• Colloques de linguistique russe se sont tenus, respec­tivement à Aix-en-Provence (1981), à Toulouse (1984) et à Poitiers (1987); leurs actes ont été publiés dans la Bibliothèque russe de l'Institut d'études slaves (t. 65, 77, 83). Les contributions françaises au Congrès international des slavistes (quinquennal) sont parues dans la Revue des études slaves (LV 1; LX l ; LXV 1; LXX 1). Cette revue a en outre consacré à la mémoire de Jacques Lépissier un numéro [LXIV (1992) 3]) intitulé «Recherches de linguistique diachronique», tandis que l'université d'Aix-en-Provence dédiait à Paul Garde le volume Linguistique et slavistique.

La linguistique historique a suscité plusieurs nouvelles vocations. Aux doctorats d'État de Michel Viel, La Notion de « marque >> chez Trubetzkoy et Jakobson, un épisode de l'histoire de la pensée structurale (Paris IV, 1982), Claude Vincenot, L'Accentuation slave: étude diachronique (Strasbourg II, 1987) et Jean Breuillard, N. M. Karamzin et la formation de la langue littéraire russe (Paris IV, 1994), s'ajoutent les thèses d'Antonia Bernard, Kopitar et les débuts de la slavistique européenne (Paris III, 1992) et de

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Claire Le Feuvre, Études linguistiques sur les documents de Novgorod: leur apport à la grammaire comparée des langues slaves (EPHE IV• section, 1998). Ce dernier travail utilise essentiellement les textes gravés sur écorce de bouleau trouvés lors de fouilles archéologiques.

René L'Hermitte a consacré plusieurs contributions à l'histoire de la linguistique russe et soviétique, avec en particulier le livre Science et perver­sion idéologique: Marr, marrisme, marristes (1987). Patrick Sériot a dirigé le recueil « Une familière étrangeté : la linguistique russe et soviétique » [Histoire, épistémologie, langage XVII (1995) 2]. Enfin, Richard Renault a tenté une typologie 1inguistique du genre grammatical en comparant les langues de type flectionnel, comme le russe et le latin, aux langues de type agglutinant (BSLP 1987).

En ce qui concerne le slavon et le vieux russe, il faut signaler le livre de Marcel Ferrand, La Phrase monumentale russe ancienne retrouvée (1992), précédé d'articles sur le participe (gérondif) apparemment coordonné à son verbe principal et le même tour avec subordonnée en vieux russe et ailleurs en inde-européen (RES 1983), sur a rkuci et les tours analogues (1988). Paul Lemerle a étudié Les Plus Anciens Recueils des miracles de saint Demetrius et la pénétration des Slaves dans les Balkans (1979-1981 ). Pierre Petitmengin a suivi les métamorphoses de la légende de Pélagie la Pénitente à travers les textes grec, latin, syriaque, arabe, arménien, géorgien et slavon (1981). Belkis et Marc Philonenko ont édité la version slave de l'Apocalypse d'Abraham (Semitica 31, 1981) et Émile Turdeanu les apocryphes slaves et roumains de l'Ancien Testament (1981). Jean-Paul Sémon s'est intéressé au passage du parfait au prétérit et José Johannet aux sources grecques des Menées slaves du XF siècle (RES 1992). Enfin, Émile Kruba a résumé l'histoire de la langue ukrainienne (Slovo 1997).

Dans le domaine du lexique, deux ouvrages collectifs ont été consacrés à des études contrastives, Compréhension automatique et spectre sémantique: russe, bulgare, tchèque, français (1981) et Paronymes russo/serbo-croates: « amis » et «faux amis » (1988), En outre, le numéro 8 (1986) de Slovo a pour thème « La terminologie en U.R.S.S. : aperçu sur ses développements en Europe centrale». Vladimir Vodoff a poursuivi ses études lexicales sur le pouvoir princier et sa titulature dans la Rus' de Kiev et la Moscovie ; la plupart ont été réunies dans le volume Princes et principautés russes : }{l­XVIP s. (1989). L'auteur a soutenu sur travaux un doctorat d'État intitulé Principautés russes et diplomatique princière: r-X.Vfl s. (Paris I, 1985).

Le russe vivant est la matière des lexiques de Serge Aslanoff et Henri Martin-Prével, sur la marine soviétique (1991, 2e éd. 2001), de Bernard Battail, sur la paléontologie des vertébrés (1999), d'Arnaud Bramat, sur les sigles et abréviations du domaine aéronautique et spatial (1997), de Pierre Cavoleau, sur la terminologie industrielle soviétique (2• éd. 1983), de Robert Giraud, sur le russe des affaires ( 1991 ), de Dolorès Haudressy, sur les

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néologismes du russe (1992), de Michel Niqueux, sur le vocabulaire de la perestrojka et de Geneviève Sériot-Reversat, sur la terminologie des droits de l'homme (1990). Les historiens peuvent trouver des informations dans les contributions de Martine Roty, sur les termes en usage dans l'Église russe (3• éd. revue, 1992), et de Paul Castaing, sur les termes d'architecture religieuse en Russie (1993). Ce dernier travail constituait le prolongement de la thèse de l'auteur, L'Architecture religieuse en Russie: contribution à une étude historique et terminologique (Aix-Marseille 1, 1991 ). Enfin, Denise Eeckaute a compilé un Thésaurus des institutions de l'ancienne Russie, XF­XVI/F siècle (1987).

La phonologie et la morphologie font l'objet du premier volume de la grammaire russe de Maurice Comtet ( 1987) et de celle de Paul Garde ( 1980, 2• éd., 1998). En outre, Jean Durin a publié une mise au point sur l'intonation en français et en russe [RES LX (1988) 1].

Les travaux concernant la syntaxe, la morphosyntaxe et l'énonciation sont nombreux. Jean-Paul Sémon et Hélène Wlodarczyk ont coordonné deux numéros spéciaux de la Revue des études slaves, consacrés à l'énonciation dans les langues slaves [Mélanges René L'Hermitte, LXII (1990) 1-2] et à l'organisation sémantique de la phrase dans les langues slaves [LXVI (1994)] ; par ailleurs, a été publié par le laboratoire de linguistique formelle de Paris VII un volume, dédié à la mémoire de Jacques Veyrenc, sur les Particules énonciatives en russe contemporain (1988).

Quatre doctorats d'État ont été soutenus: Christine Bonnot, La Particule de thématisation « -to » en russe moderne (Paris III, 1991 ), Irina Fou geron, Analyse prosodique de la phrase russe: l'organisation du message dans les phrases assertives à un, deux ou trois composants (Paris III, 1986, publié en 1989), Marguerite Guiraud-Weber, Les Propositions sans nominatif en russe moderne (université de Provence, 1983, publié en 1984) et Denis Paillard, Problèmes de détermination en russe contemporain (Paris VII, 1983, publié en 1984). En outre, Georges Martinowski a soutenu sa thèse sur la Topologie temporelle du russe moderne (Paris VIII, 1994). Enfin, Marcel Ferrand a publié une étude du suffixe -nja en russe moderne (1984).

Parmi les articles, Paul Garde a écrit sur les prépositions [ER 28 (1981)] et sur les cas en russe [BSLP LXXVIII (1983) 1]. Jean-Paul Sémon s'est intéressé au rôle de la conjonction de coordination dans la construction du sens [RES LXVI (1994) 3], Irina Fougeron a traité de la conjonction adversative a [BSLP LXXXVI (1991) 1], Jack Feuillet a étudié le statut lin­guistique de la négation [RES LX (1988) 3], Jean-Pierre Benoist a formulé des propositions pour une grammaire de rôles du russe [RES LXVI (1994) 3] et Jean Breuillard a donné des éléments d'une histoire du tiret en russe [RES LXIV (1992) 3].

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D'importantes contributions ont encore été apportées à l'étude de l'aspect et du verbe, en russe ou en comparaison avec d'autres langues slaves. On compte les doctorats d'État de Jacqueline Fontaine, Le Rôle du texte dans l'analyse linguistique: application à la description de l'aspect verbal en russe contemporain (Paris VIII, 1981, publié en 1983), d'Hélène Wlodarczyk, Aspect verbal et énoncé en russe et en polonais (Paris IV, 1980, publié en 1997) ainsi que les thèses de Sylvie Archaimbault, L'Émergence de la notion d'aspect dans les grammaires russes (Paris VII, 1995) et d'Elena Belaïa, Quantification et aspect verbal en russe : les quantificateurs du verbe ont-ils une influence sur le choix de l'aspect ? (Paris IV, 1996). En outre, Marguerite Guiraud-Weber a publié une présentation de l'aspect du verbe russe (1983). Ces monographies sont complétées par les articles de Jack Feuillet (Cahiers balkaniques, l, 1981) et de Sylvain Patri, sur la morphogénèse des relations d'aspect du verbe slave [BSLP LXXXIX (1994) 1]. Jean-Paul Sémon a donné un article sur l'argumentation et l'aspect en russe [RES LXII (1990) 4], après avoir soutenu son doctorat d'État, Expression de l'acte passé en russe moderne: essai de syntaxe sémantique (Paris IV, 1982). Jacques Veyrenc a publié ses Études sur le verbe russe (1980). Il faut encore mentionner les articles de Jack Feuillet sur les préverbes russes [ER 29 (1981)] et de Jean-Pierre Benoist, sur la séquence verbe-sujet en russe, français et italien [Slovo 15 (1994)].

Les travaux d'analyse sémantique du discours soviétique et post-sovié­tique lancés par Alexandre Bourmeyster ont été poursuivis par l'auteur, mais aussi par Françoise Adiba, Boris Czerny, Myriam Désert, Denis Paillard, André Radiguet et surtout Patrick Sériot. Paul Garde a également écrit un important article sur les parties du discours, notamment en russe [BSLP LXXVI (1981) 1]. Christian Saves a soutenu sa thèse de III• cycle sur la Signification de la surenchère linguistique dans la phraséologie bolchevique (Toulouse 1, 1986).

Des grammaires pratiques du russe ont été publiées, par Françoise Barlési (1994), Anne Boulanger (1994), Valentine Grosjean (1991), Natalie Stepanoff-Kontchalovski ( 1981 ), Anne Tayar-Boulanger ( 1981 ), Stéphane Vie liard (1991-1993 ). Isabelle Kolitcheff a élaboré une méthode audiovisuelle à partir du texte de la Dame au petit chien de Cexov (1993). Dolorès Haudressy a donné plusieurs éditions de Thèmes russes extraits du journal Le Monde : Lire Le Monde et traduire : le russe politique, et des Automatismes du russe parlé. Enfin, Serge Aslanoff a fait la synthèse de son expérience éditoriale dans le Manuel typographique du russiste (1986).

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2. LITTÉRATURE

L'un des événements marquants de la dernière décennie est le lancement d'une Histoire de la littérature russe, sous la direction de Efim Etkind, Georges Nivat, Ilya Serman et Vittorio Strada. La parution, commencée par le xx• siècle (3 t., 1987-1990), s'est poursuivie par le volume, Des origines aux Lumières (1992) et s'achève avec le XIX• siècle, en cours de parution. L'apport d'Efim Etkind, récemment disparu, à la théorie comme à la pratique de la traduction littéraire et à l'étude de la poétique russe en France ont été considérables. Il a publié notamment Un art en crise : essai de poétique de la traduction poétique (1982), ainsi qu'une anthologie de la poésie russe du XVIII• au xx• siècle (1983) et consacré de nombreux travaux à Puskin. Il a également dirigé une traduction des œuvres poétiques de Lermontov ( 1985). Des Mélanges, intitulés L'Espace poétique, lui ont été offerts [RES LXX {1998) 3]. On peut encore signaler la Littérature russe de Jean Bonamour (1992), les anthologies de poésie russe de Katia Granoff (1987, 1993) et Nikita Struve (1994) et les traductions des recueils de contes d' Aleksandr Afanas'ev données par Lise Gruel-Apert (1990) et A. Rubinstein (1994).

Le dix-huitième siècle russe n'a attiré que peu de spécialistes. À la mono­graphie d'André Monnier, Nicolas Novikov : un publiciste frondeur sous Catherine Il (1982) et au recueil dirigé par Anita Davidenkoff, Derjavine: un poète russe dans l'Europe des Lumières (1994) s'ajoutent quelques articles substantiels. Georges Dulac s'est intéressé aux manuscrits de Diderot conservés en U.R.S.S. [Studies on Voltaire and the XVII/th c. 254 (1988)], ainsi qu'à la correspondance de D. A. Golycin [Dix-huitième siècle 22 (1990)]. Vera Traimond a donné une étude du style panégyrique dans la Russie de Pierre le Grand [Slovo 13 (1993)] et Jean Breuillard a évoqué les fragments d'utopie présents chez Levsin et Xeraskov [RES LVI (1984) 1].

La moisson de travaux concernant le dix-neuvième siècle est beaucoup plus riche. Eugénie Berg a fait une présentation générale de la littérature russe du XIX" siècle [Slovo 10 (1989)], tandis que Marc Weinstein consacrait sa thèse aux Décembristes en littérature (Paris X, 1985). Les autres travaux portent essentiellement sur les relations littéraires entre la Russie et la France, ou l'Europe, et sur les principaux écrivains russes de la période.

Les échanges littéraires entre la Russie et l'Occident sont envisagés sous plusieurs angles. Un volume a été consacré à Balzac dans l'Empire russe : de la Russie à l'Ukraine (1993) et la thèse de Françoise Genevray dépeint Quelques lecteurs russes de George Sand au XIX' siècle (Aix-Marseille I, 1990), parmi lesquels dominent Herzen et Belinskij. Michel Cadot a édité les actes du colloque Eugène-Melchior de Vogüé, « le héraut du roman russe » (1989) et présenté les voyages en Russie de Théophile Gautier [Revue de littérature comparée, 229 (1984)], tandis que Léon Robel publiait Histoire de

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la neige: la Russie dans la littérature française (1994). Deux synthèses concernent en partie seulement le monde slave, celle de Michel Espagne, Le Paradigme de l'étranger: les chaires de littérature étrangère au XJXe siècle (1993), et celle de Charles Dedeyan, Le Drame romantique en Europe: France, Angleterre, Allemagne, Italie, Espagne, Russie (1982). Enfin, deux essais de Georges Nivat tentent un bilan des rapports littéraires et politiques entre la Russie et l'Occident, Vers la fin du mythe russe: essais sur la culture russe de Gogol à nos jours (1988) et Russie-Europe, la fin du schisme (1993). Notons aussi une thèse aux horizons orientaux, celle d'Anne Charrin­Pochtar, L'Image poétique de la Sibérie asiatique dans la littérature russe au xœ siècle, 1819-1859 (Paris III, 1991).

Dostoevskij continue de susciter l'intérêt. Aux monographies de Louis Allain, Dostoïevski et Dieu: la morsure du divin (1982) et Pierre Pascal, Dostoïevski, l'homme et l'œuvre (1985), s'ajoutent deux études psycha­nalytiques de Vladimir Marinov, Figures du crime chez Dostoïevski (1990), et Marie-Thérèse Sutterman, Dostoi'evski et Flaubert: écritures de l'épilepsie (1993), ainsi que deux ouvrages collectifs, parus en 1981, Dostoi'evski et les lettres françaises (sous la direction de Jean Onimus) et « Dostoevskij européen» (Revue de littérature comparée 219-220). Ils peuvent être complétés par les articles de Michel Evdokimov, «L'Idiot: un roman des ténèbres et de la lumière » (Contacts 130, 1985), Juliette Bassine, << Camus et Dostoïevsky ou l'écriture de l'exil et de la culpabilité» (Revue des lettres modernes 904-910, 1989), Roger Parisot, «Dostoïevski et le mystère du mal» (NRF 494-496, 1994), Konstantin Sigov, «Image, dissemblance, caractère dans l'expérience de Dostoïevski>> (Rue Descartes 8-9, 1993) et Ann Stoffels, «La Relation Bernanos-Dostoïevsky » (Revue des lettres modernes 1988).

Gogol' et Goncarov ont fait l'objet des thèses de doctorat de Florence Clerc, Gogol et la tradition picaresque espagnole : Tchitchikov et Guzman (Paris III, 1992), de Vladislav Sissaouri, L'Image de la famille dans la littérature russe de la deuxième moitié du XIX• siècle à travers les œuvres d'Ivan Goncarov, d'Ivan Turgenev et de Mihail Saltykov-Scedrin (INALCO, 1992),

Sur Leskov, on compte deux thèses. Jean-Claude Marcadé, auteur de L'Œuvre deN. S. Leskov (1831-1895): les romans et les chroniques (docto­rat d'État, Paris X, 1987) a également dirigé le numéro de la RES consacré à Leskov [LVIII (1986) 3]. Catherine Géry s'est penchée sur La Création verbale dans le skaz deN. S. Leskov (Lyon III, 1997).

L'étude de Mkin a été incontestablement stimulée par la traduction de ses œuvres complètes, entreprise sous la direction d'Efim Etkind. Celui-ci a également édité un fascicule de la RES dédié à Pu~kin [LlX (1987) 1-2]. Michel Aucouturier et Jean Bonamour ont publié L'Universalité de Puskin (2001), volume qui réunit les actes de la conférence consacrée en Sorbonne au bicentenaire de la naissance du poète. L'EHESS et l'INALCO ont

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également commémoré Pu~kin avec« Autour de Pu~kin » ([CMRS 32 (1991) 2] et « Pu~kin, dans le sillage du bicentenaire » [Slovo 22/23 (1999)]. Wladimir Troubetzkoy a soutenu son doctorat d'État, L'Aristocratie et le rôle de l'écrivain dans la littérature européenne de la première moitié du XIX' s. (Paris III, 1987) où il évoque Pu~kin, mais aussi Byron, Chateaubriand et Vigny. On retrouve certains de ces auteurs dans la thèse de Ann-Deborah Levy, L'Artifice romantique: Byron, Pouchkine, Nerval, Poe, Lermontov, Baudelaire (Limoges, 1989). Jose-Manuel Losada-Goya et Pierre Brunei suivent la même perspective comparatiste avec Don Juan, Tirso, Molière, Pouchkine, Lenau: analyses et synthèses sur un mythe populaire (1993), et Eugène Ternovsky envisage l'aspect familial de la vie du poète dans Pouchkine et la tribu Gontcharo.ff (1993). Parmi les articles, signalons celui de Jean Besson sur la traduction française des poésies de Pu~kin et de Lermontov [LV (1983) 1], les contributions d'André Monnier [Revue des pays de l'Est 30 (1989) 2; CMRS 32 (1991) 2], les études de métrique de Sacha Prijovic et d'Agnès Sola (Cahiers de poétique comparée 8, 1983) ou de Guy Verret [RES LVI (1994) 4], le travail de Wladimir Troubetzkoy sur les scènes dramatiques composées en 1830 (Littératures 29, 1993)

Fedor Sologub a fait l'objet d'une biographie, établie par Nina Denisoff (1987).

Sur Cexov, on relève la thèse de Florence Goyet-Bressand, La Nouvelle au tournant du siècle en France, Italie, Japon, Russie, pays anglo-saxons : Maupassant, Verga, Mo ri Ogai et Akutagawa Ryunosuke, Tchekhov et James (Paris IV, 1990) et le recueil franco-russe Tchékhoviana : Tchékhov et la France (1992), coordonné par Jean Bonamour. Celui-ci a également dirigé, avec Georges Nivat, Leonid Helier et Michel Cadot, le numéro spécial « Tchékhov » du Magazine littéraire (299, 1992). La revue Silex a aussi consacré à l'auteur une livraison (16, 1980) et Christine Hamon-Sirejols a publié un livre sur La Cerisaie (1993). Une étude d'André Roche traite de la première édition française de l'œuvre complète de Cexov (Revue française d'histoire du livre 74-75, 1992) et Wladimir Troubetzkoy a analysé Le Violon de Rothschild (Littératures 25, 1991).

Une nouvelle traduction des poésies de Tjutcev a été réalisée par Paul Garde et François Cornillot a décrit le «voyage au bord de l'abîme» de cet auteur [Slovo 13 (1993)].

Léon Tolstoj demeure un riche sujet d'études. Il a inspiré la thèse de Mireille Zanuttini, La Philosophie de la mort chez Léon Tolstoï (Paris IV, 1983) ainsi que les doctorats d'État de Brigitte Koyama-Richard, Le Rayonnement de Tolstoj au Japon à l'ère Meiji (Paris III, 1985) et de Marie Sémon, Les Femmes dans l'œuvre de Léon Tolstoï: romans et nouvelles (Paris IV, 1983, publié en 1984). Cette dernière a également dirigé la paru­tion des Cahiers Léon Tolstoi; avec le concours de Michel Aucouturier et de Michel Cadot (13 numéros parus de 1984 à 1998). Chaque livraison s'ordonne autour d'un thème (Tolstoj et la mort, la conversion, la philosophie

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religieuse, le théâtre, le Caucase, le rayonnement de Tolstoj) ou d'une œuvre de Tolstoj. En dehors de cette série est paru l'article de Gervaise Tassis, «L'œuvre de Lev Tolstoj dans les romans de l'écrivain Mark Aldanov : un dialogue interrompu» [CMRS 33 (1992) 2-3].

Ivan Turgenev s'est également vu consacrer une revue, les Cahiers Ivan Tourgueniev, Pauline Viardot, Maria Malibran (22 numéros en 1998), dont l'un des principaux auteurs et coordinateurs est Alexandre Zviguilski. Tamara Zviguilski a, de son côté, publié un guide du musée Tourgueniev à Bougival (1993). Turgenev est aussi le thème du doctorat d'État de Michel Thiéry, Le Cosmopolitisme russe pendant la première moitié du XIX• siècle (Paris III, 1982).

La littérature russe du vingtième siècle est un des domaines de prédilec­tion des chercheurs français. De très nombreuses traductions d'auteurs d'ex­pression russe du xxe siècle sont parues en France, témoignant de l'intérêt des lecteurs pour le domaine slave et de la vitalité d'une école de traduction littéraire dont l'un des principaux maîtres est Jacques Catteau. Les cher­cheurs ont également beaucoup travaillé sur ce terrain où la documentation inexploitée est encore riche, ainsi que le montre la présentation de Serge Choumikhine, Archives d'État de Russie de littérature et d'art: inventaire des anciens fonds réservés, état au 1•r octobre 1993 (1994).

Des études ont été menées sur les courants et les grands thèmes littéraires du siècle. On compte sept doctorats: Wael Barakat, La Théorie du réalisme socialiste et sa pratique dans le roman soviétique et français (Caen, 1992}, Agnès Calladine, L'Image de Pierre le Grand dans la littérature russe moderne, 1904-1951 (Paris IV, 1995), Gérard Conio, Crise des valeurs et renouvellement des modes d'expression dans la vie culturelle russe à la fin du XIX• siècle et au début du XX• siècle (doctorat d'État, Paris III, 1992), Danielle Konopnicki-Miot, Contribution à l'histoire du structuralisme européen : les formalistes russes, 1914-1929 (Paris VIII, 1993), Annie Luc­Allain, Problèmes d'écriture dans la littérature soviétique des années trente (doctorat d'État, Paris VIII, 1983), Irène Sokologorsky, Les Prosateurs du chaos, essai de typologie (doctorat d'État, Clermont II, 1982), Eugène Temovsky, Essai sur l'histoire du poème russe de la fin du XIX• et du début du XX! siècle: Velikolepnaja neudaca (doctorat de me cycle, Lille III, 1985). À ces travaux s'ajoutent les monographies de Régine Robin, Le Réalisme socialiste: une esthétique impossible (1986) et de Michel Aucouturier, Le Formalisme russe (1994), le recueil La Vision russe de l'Occident, dirigé par Gérard Conio (1987), ainsi que les numéros spéciaux édités par Jean-Claude Lanne, « Le Dialogue de la prose et de la poésie dans la littérature russe au début du xxe siècle» [RES LXVII (1995) 4], et Catherine Depretto-Genty, « Les Frères de Sérapion : les voies de la littérature russe du XX" siècle » [RES LXXI (1999) 3-4]. Leonid Helier a, lui aussi, donné des articles sur le

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réalisme socialiste [CMRS 33 (1992) 1; 34 (1993) 3] et sur l'utopie russe et la sexualité [RES LXIV (1992) 4].

Mais c'est le mouvement futuriste qui a provoqué l'intérêt le plus vif au cours de ces dernières années. Agnès Sola lui a consacré sa thèse d'État (Paris III, 1981 ), dont la version remaniée parut en 1989, et divers articles (Cahiers de poétique comparée 4, 1981 ; 13, 1986). Le doctorat d'État de Jean-Claude Lanne explore plus précisément 1' œuvre de Velimir Xlebnikov (Paris IV, 1979, publié en 1983); il a été suivi d'une édition avec traduction des Nouvelles du je et du monde ( 1994) et d'études complémentaires ( CMRS 1984; Essais sur le discours soviétique ... 7-11, 1987-1993). Enfin, Jean­Claude Marcadé a écrit Le Futurisme russe, 1907-1979: aux sources de l'art du XX" siècle (1989).

La problématique de l'émigration russe, dont Paris fut l'un des points de ralliement privilégiés, a suscité la création d'un groupe de recherche spéci­fique (GRER) qui publie, depuis 1994, des Cahiers de l'émigration russe (sous-série de Cultures et sociétés de l'Est). En outre, les bibliographies des œuvres d'une douzaine d'écrivains russes émigrés en France ont été éditées par l'Institut d'études slaves (Nikolaj Berdjaev, Sergej Bulgakov, Ivan Smelev, Simon Frank, Gajto Gazdanov, Lev Karsavin, Nikolaj Losskij, Mixail Osorgin, Aleksej Remizov, Sasa Cernyj, Marina Cvetaeva, Boris Zajcev ). Par ailleurs, deux revues de littérature générale ont consacré un numéro à l'impact de la perestroïka sur les lettres russes (Europe 722-723, 1989; Magazine littéraire 263, 1989).

Les autres recherches se concentrent en général sur un seul auteur. Faute de pouvoir toutes les mentionner, nous privilégions les thèses et les mono­graphies ou recueils collectifs.

Baxtin n'a pas suscité de thèses mais un dossier de la revue Poétique (81, 1990), ainsi que des articles de Jacques Bres (Cahiers de praxématique 10, 1988), Roland Galharague [CMRS 27 (1986) 3-4] et Marc Weinstein [RES LXIV (1992) 2].

Deux numéros spéciaux, dirigés par Marianne Gourg-Antuszewicz et Laure Spindler-Troubetzkoy, ont été dédiés à Mixail Bulgakov [RES LXI (1989) 3; LXV (1993) 2]. En outre, le doctorat d'État de François-René Folliot avait pour thème Présences démoniaques et fonctions romanesques, de Barbey d'Aurévilly à M. Boulgakov (Paris IV, 1985).

Trois thèses ont été consacrées à Bunin : Jeanne Gucker, Ivan Bunin en Russie ( 1870-1917): tradition et modernité de l'œuvre (Paris l, 1989), Claire Hauchard, La Prose de 1. A. Bunin de 1920-1953: la reconstruction d'une œuvre (Paris IV, 1993) et Andreï Makine, La Prose d'Ivan A. Bunin: la poétique de la nostalgie (Paris IV, 1992).

L'intérêt pour Marina Cvetaeva a été fortement stimulé par l'attention que lui a portée Véronique Lossky. Sa thèse de doctorat d'État, L'Itinéraire poétique de Marina Cvetaeva, 1892-1941 (Paris X, 1987, publiée la même année) fut suivie du livre Chants de femmes: Anna Akhmatova, Marina

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Tsvétaéva (1994), d'articles [Slovo 15 (1994)] et de l'organisation de plusieurs colloques consacrés à la poétesse.

Mandel'stam a également une large audience. Anne Faivre-Dupaigre a soutenu sa thèse, La Dialectique Orient-Occident dans l'œuvre d'Ossip Mandelstam à l'époque de La Pierre, 1908-1915 (Tours, 1989) et donné un article sur le rapport de l'acméisme russe au Moyen Âge occidental (Revue de littérature comparée 241, 1987). Cet ensemble est complété par un livre de Nikita Struve (1988), un numéro spécial de la Revue des Belles Lettres (1 04, 1981) et un copieux article de Bernard Dupuy, sur l'invocation par Paul Celan de la poésie de Mandel'Stam [!stina 39 (1994) 3].

Outre les livres d'orientation essentiellement biographique, Nabokov a fait l'objet de la thèse de Christian Wacrenier, La Rhétorique intertextuelle dans les romans russes de Vladimir Nabokov (Lille III, 1992), de deux collo­ques dont les actes ont été publiés par Nora Buhks, Vladimir Nabokov et l'émigration (1993) et Les Années européennes (1999), et de plusieurs numéros spéciaux (L'Arc 99, 1985; Magazine littéraire 233, 1986; L'Infini 21, 1988).

En ce qui concerne Pasternak, on note en premier lieu la publication de sources, comme les archives du Comité central et du Bureau politique concernant l'affaire du prix Nobel (par Sophie Benech, 1994), et surtout la correspondance : lettres échangées avec Cvetaeva et Rilke à l'été 1926 (par Lilly Marcou, 1983), avec Olga Freidenberg de 1910 à 1954 (par Michel Aucouturier, 1987), avec ses amies françaises entre 1956 et 1960 (par Jacqueline De Proyart, 1994). Duck-Hyung Lee a soutenu son doctorat sur la transformation poétique de l'œuvre de Pasternak (Bordeaux III, 1992). Parmi les auteurs des recueils consacrés à Pasternak, on retrouve le plus souvent Michel Aucouturier, Jean-Claude Lanne et Vadim Kozovoï.

La poétique d' Andrej Platonov est au centre de la thèse d'Annie Epelboin (Paris IV, 1994), également auteur d'un article sur le personnage de l'ours dans La Fouille [CMRS 33 (1992)]. Jacques Catteau a étudié la méta­morphose des utopies dans la littérature russe et son traitement chez le même auteur [RES LVI (1984) 1].

L'œuvre de Solzenicyn, plus que toute autre sans doute, constitue un défi par sa masse même et sa complexité linguistique. À cet égard, l'entreprise de traduction de la Roue rouge est un podvig auquel se sont attelés en particulier Alfreda et Michel Aucouturier, Geneviève et José Johannet, Georges Nivat et Jean-Paul Sémon. Par ailleurs, Carmen Dachy a réalisé une étude comparatiste, Roman de l' enfermement-maladie et/ou de la maladie-enferme­ment, thèmes et structures : Le Pavillon de repos de Camilo Jose Cela, Le Pavillon des cancéreux d'Alexandre Soljenitsine, L'Hôpital d'Alphonse Boudard (doctorat de III• cycle, Bordeaux III, 1990), tandis que Jean-Yves Guérin publiait une analyse critique d'Une journée d'Ivan Denissovitch (1981).

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Catherine Depretto-Genty a soutenu son doctorat et son doctorat d'État sur Jurij Tynjanov (Paris IV, 1981, 1992), et dirigé le numéro spécial que lui a consacré la RES [LV (1983) 3]. La revue Littérature a également fait paraître un dossier Tynjanov (95, 1994).

Marie-Aude Albert embrasse dans sa thèse 1' activité de Maksimilian Volo~in comme critique d'art, poète et peintre (Paris IV, 1997); elle a complété ce travail par un article étudiant le traitement de Judas Iscariote chez Volosin, mais aussi Leonid Andreev et Paul Claudel [RES LXXI (1999)].

Sur Zamjatin ont été soutenues les thèses de Georges Kokkinos, Contre­utopie et réalités chez E. Zamiatine, A. Huxley, G. Orwell, R. Bradbury, A. Burgess, H. Harrison, P. Dick et R. Sheckley (Poitiers, 1989) et Catherine Dalipagic, «Nous autres» et le bolchevisme (Paris N, 1987). Leonid Helier a également écrit sur Nous autres et les réalités de son époque (CMRS 22 (1981)].

Les thèses de me cycle de Remi Roche (Grenoble III, 1988) et de Claude Schwab (Institut protestant de théologie de Montpellier, 1983, publiée en 1984) portent sur l'œuvre d'Aleksandr Zinov'ev.

D'autres écrivains, non pas mineurs, mais pour l'heure un peu à la péri­phérie des modes, ont fait l'objet d'au moins une étude approfondie. Citons les doctorats d'État d'Any Barda sur les débuts de Zinaida Gippius (Paris IV, 1989), de Michel Niqueux sur S. Klyckov et la littérature paysanne (Paris IV, 1985), d'Hélène Menegaldo sur l'univers imaginaire de Boris Poplavskij (Paris X, 1981), les thèses de Sabine Montagne sur Cingiz Ajtmatov (Paris VIII, 1992), de Serge Rolet sur les récits de Leonid Andreev (Paris N, 1995), de Dominique Watier sur la genèse de Cavalerie rouge de Babel' (INALCO, 1992), de Michel Le Guével, sur la représentation du pouvoir dans Vie et destin de Vasilij Grossman (INALCO, 1991), d'Hélène Mélat sur Rustan Kireev (Paris VIII, 1992), de Marianne Delranc-Gaudric sur les quatre premiers romans d'Elsa Triolet (INALCO 1991), d'Isidoro Niborski sur la pensée et l'œuvre d'Aaron Zeitlin (Paris VII, 1992), les doctorats de IIIe cycle de Sophie Deicha sur Georges Peskoff (Paris X, 1983) et d'Olga Cadars sur la trilogie dramatique d' Aleksej Tolstoj (Bordeaux III, 1984).

En outre, deux biographies d'Il'ja Èrenburg sont parues, dues à la plume d'Ewa Bérard (1991) et de Lilly Marcou (1992), tandis que Jacques Depaulis a écrit un livre sur la difficile collaboration entre Paul Claudel et Ida Rubinstein (1994). Enfin, des numéros thématiques ont été consacrés à B. M. Èjxenbaum et V. Majakovskij [RES LVII (1985) 1 et LXVIll (1996) 2], sous la direction de Catherine Depretto-Genty, à Blok et Esenin [RES UV (1980) 4] ; LXVII (1995) 1], sous la direction de Michel Niqueux, à Gor'kij (CMRS 29 (1988) 1, à Vjaceslav Ivanov et au symbolisme [CMRS XXV (1984) 1].

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3.ARTS

Dans le domaine artistique, plus immédiatement abordable, même si so étude approfondie est aussi complexe que celle de la langue et de l littérature, le partage est souvent délicat entre la bonne vulgarisation et le: travaux novateurs. Nous avons choisi de nous en tenir aux études les plm proches de la recherche universitaire.

Marc Ferro, Jean-Loup Passek et Jean Radvanyi ont beaucoup contribué à une meilleure connaissance du cinéma russe et soviétique, en dirigeant plusieurs recueils collectifs ou en y collaborant : Cinéma d'Asie centrale soviétique (1991), «Cinéma et culture nationale en U.R.S.S.» (Slovo 9, 1988), Le Cinéma géorgien (1988), Le Cinéma russe avant la Révolution (1989), Le Cinéma russe et soviétique (1981), Révoltes, révolutions, cinéma (1989). L'Institut d'études slaves a aussi publié un Guide du cinéma et de l'audiovisuel en Europe centrale et orientale (1992). En outre, Myriam Tsikounas Giuliani a soutenu une thèse intitulée Représentations d'une société : le cinéma muet soviétique (Paris VIII, 1990, publié en 1992).

Dans le domaine musical, on compte trois doctorats : Hélène Blanc, La Chanson soviétique contemporaine : thématique et société (III• cycle, INALCO, 1989), Jean-Marie Jacomo, Les Révisions de Boris Godounov de Moussorgski: transformations musicales et transformations sociales (Aix­Marseille 1, 1992) et Walter Zidarit, Aleksandr Sergeevic Dargomyzskij et son opéra Rusalka (INALCO, 1996).

La peinture et les arts plastiques slaves ont été l'objet de très nombreuses expositions dont les catalogues ne peuvent tous être cités, malgré leur intérêt pour les spécialistes. Nous signalerons seulement la publication de Affiches et imageries russes 1914-1921, sous le patronage de l'université de Paris X et de la BDIC (1982). Les recherches universitaires concernant l'art russe privi­légient le xx• siècle, à l'exception du doctorat de Catherine Bortoli, Les Icônes hagiographiques russse, de la seconde moitié du xm• au début du XV' s., décrivant une collection rouennaise (Paris I, 1994). La thèse d'Irène Semenoff-Tian-Chansky a pour thème les relations entre le pouvoir sovié­tique et les peintres, de 1953 à 1989 (lEP Paris, 1990; publiée en 1993). Valentine Marcadé-Vassutinsky a soutenu une thèse sur l'art pictural ukrai­nien (Paris III, 1981) et collaboré, avec Jean-Claude Marcadé, à l'édition et à la traduction des écrits de K. S. Malevic et du peintre d'icônes G. 1. Krug. La thèse de III• cycle d'Hélène Desgraupes traite des problèmes de l'illustration à travers des ouvrages de peintres illustrateurs russes de 1919 à 1920 (INALCO, 1989), tandis que celle de Catherine Husson retrace la carrière de l'architecte écossais Charles Cameron en Russie (Dijon, 1988). Gérard Conio a dirigé la publication d'une importante somme sur le constructivisme russe, dans les arts plastiques et en littérature (1987). Enfin, Éliane Fouchard a

LA SLAVISTIQUE FRANÇAISE 1980-2000 331

donné un aperçu des fonds iconographiques russes et soviétiques en France [CMRS 33 (1992) 2-3].

L'étude du théâtre a suscité cinq doctorats d'État. Jean-Claude Roberti, dans Le Spectacle en Russie ancienne, 1645-1676 (Rennes, 1980, publié la même année), remonte aux origines du théâtre en Russie, tandis que ses collègues se consacrent au début du xxe siècle. Meyerhold a été évoqué par Gérard Abensour, Vsevolod Meyerhold et le renouveau théâtral au début du xx• s., 1898-1920 (Paris X, 1982, publié en 1998) et Béatrice Picon-Vallin, V. Meyerhold, le grotesque au théâtre, 1905-1926 (Paris III, 1987, édité en 1990). Cette dernière s'est également intéressée à l'ouvrier, en tant que spectateur, acteur et personnage du théâtre (Cahiers Théâtre Louvain 58-59, 1987). Christian Rouquat-Fricou a travaillé sur Boulgakov et le monde théâtral et littéraire de son temps (Aix-Marseille 1, 1989) et Christine Ramon-Sirejols sur Le Constructivisme dans le théâtre soviétique des années vingt et ses prolongements en Europe (Paris III, 1987, publié en 1992).

Claudine Amiard-Chevrel a publié un livre sur Les Symbolistes russes et le théâtre (1994) et dirigé le volume Théâtre et cinéma années vingt: une quête de la modernité (1990). Marie Christine Autant-Mathieu a étudié le théâtre réaliste d'Oxlopov dans les années trente (Slovo 6, 1985) et donné une monographie sur le théâtre soviétique du dégel (1993). En 1981, le labora­toire d'études théâtrales de Rennes éditait un recueil sur Le Jeu de l'acteur chez Meyerhold et Vakhtangov (1981). Des numéros spéciaux de revues ont été consacrés à Nikolaj Evrejnov [RES Lili (1981) 1], au théâtre en U.R.S.S. et en Russie (Slovo 6, 1985, et 22/23, 1999), et à la saison théâtrale russe de 1994 en France (RR 7, 1994).

4. RELIGION

Un rôle central a été joué par la commémoration du millénaire du bap­tême de la Rus', en 1988. Plusieurs numéros spéciaux y ont été consacrés, par les Cahiers du monde russe et soviétique, l'Est européen, ou par des revues religieuses, comme Contacts, La Documentation catholique, /stina, Le Messager orthodoxe, La Nouvelle revue théologique où l'on retrouve les signatures de Yves Ramant, Nicolas Lossky, Jean Meyendorff, Nikita Struve. Deux colloques internationaux ont été organisés, l'un par l'UNESCO, La Christianisation de la Russie ancienne (actes édités en 1990 par Yves Ramant), l'autre par l'université de Paris X-Nanterre (publié en 1989 par Nicolas Lossky, Marie Sémon et Nikita Struve). En outre, trois livres ont été ;onsacrés au baptême de la Rus' et à ses conséquences, par Maryse Dennes, iVolodymyr Kosyk et surtout par Vladimir Vodoff dont l'étude, intitulée laissance de la chrétienté russe, embrasse toute la période kiévienne. Le octorat de Jean-Pierre Arrignon, La Chaire métropolitaine de Kiev, des •igines à 1240 (Paris I, 1986) a la même optique. Une Histoire de l'Église

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russe (1989) a été également publiée. La question du syncrétisme a été traitée par le doctorat d'État de Jean Peronneaud, Du dieu slave Volos à saint Blaise en Russie : dieux païens et saints chrétiens (Paris IV, 1988), par Andrei Siniavski dans Ivan le simple : paganisme, magie et religion du peuple russe (1990) et par Francis Conte dans L'Héritage pai"en de la Russie (1997).

Cyrille et Méthode n'ont pas suscité une littérature aussi abondante, mais le onzième centenaire de la mort de Méthode a été marqué par un dossier de La Documentation catholique (n° 1905, 1985), par un colloque dont les actes ont été publiés dans Le Langage et l'homme [21(61), 1986] et par le livre de Janez Vodopivec, Saints Cyrille et Méthode, patrons de l'Europe (1986). Par ailleurs, Alain Ducellier et Jean-Pierre Arrignon ont tenté de conduire des synthèses ambitieuses, avec Byzance et le monde onhodoxe ( 1986, 3• éd. 1997) et Les Églises slaves: des origines au XV" siècle (1991). De même, chaque volume de la monumentale Histoire du christianisme des origines à nos jours, en cours d'achèvement sous la direction de Jean-Marie Mayeur, Charles et Luce Pietri, André Vauchez et Marc Venard, comporte des sections sur les Slaves orthodoxes, d'une densité inégale.

Un programme d'études comparatistes franco-polono-russe a permis la parution des volumes Moines et monastères dans les sociétés de rite grec et latin (1996) et Fonctions sociales et politiques du culte de saints dans les sociétés de rite grec et latin (1999). Parallèlement, Vladimir Vodoff dirigeait la publication du recueil La Chrétienté latine et les Slaves orientaux [RES LXX (1998) 2]. La vie monastique est également au cœur des recherches de Pierre Gonneau, auteur d'un doctorat sur l'abbaye de la Trinité Saint-Serge aux XIV•-Xvi• siècles (1989, publié en 1993), complété par des articles sur le culte des saints moines russes (Annales ESC 1996.2) ou sur la géographie historique de la Russie [RES LVIII (1986) 4; LX (1988) 4]. En outre, il a consacré trois études au pèlerin kiévien V asilij Grigorovic Barskij qui parcourut les lieux saints de l'Italie, de la Grèce et du Proche-Orient dans le deuxième quart du XVIII• siècle.

Le monde orthodoxe médiéval et moderne a encore été étudié dans les contributions suivantes: «Le Bogomilisme » (Cahiers d'études cathares, 118, 1988); Pierre Pasquier, «La Passion du prince» (Le Messager onhodoxe 93, 1983); Andrzej Poppe, «La Naissance du culte de Boris et Gleb » (Cahiers de civilisation médiévale 93, 1981); Adalberto Piovano, « La Vie quotidienne au monastère des Grottes de Kiev >> [lrénikon 62 (1989) 4] ; Alexandra Gatineau, «Les Fols en Christ en Russie au cours du xv• et XVI• s.» (Contacts 138, 1987); Agnès Kefeli-Clay, «La Supplique des prêtres de Niznij-Novgorod en l'an 1636 » [CMRS 31 (1990) 1]. Le numéro « Vieux-croyants et sectes russes >>, dirigé par Michel Niqueux [RES LXIX (1997) 2] couvre une période un peu plus tardive, du xvn• au début du xx• siècle.

L'identité religieuse ukrainienne et en particulier l'étude de l'Église uniate ont été abordées par les revues Études (1988), Irénikon (1992), /stina

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(1985, 1989-1990, 1992) et La Pensée catholique (1991), avec notamment des articles de Yves Hamant, Oleg Krawchenko et Wolodymir Kosyk. Jean­Claude Roberti a rédigé un ouvrage sur les uniates (1992) et Constantin Simon a donné des articles sur les jésuites en pays ruthène (Plamia 1991-1992).

Les relations entre orthodoxie et islam ont été traités par Michel Balivet, De Byzance aux Ottomans : attitudes de conciliation et comportements supraconfessionnels (doctorat d'État, Strasbourg II, 1992), Alexandre Bennigsen et Chantal Lemercier-Quelquejay, Le Soufi et le commissaire : les confréries musulmanes en U.R.S.S. (1986), ou encore Mark Batunskij [CMRS 27 (1986) 1]. Jean-Paul Roux s'est plus particulièrement intéressé à la religion des Turcs et des Mongols, thème d'un livre (1984) et de deux importants articles (Revue de l'histoire des religions 1984.4, 1986.2). Le rapport aux Juifs a été étudié par Anne-Marie Rosenthal, L'Antisémitisme en Russie des origines à nos jours (1982) ; Lazare Landau, « Pogrom est un mot russe : les fondements théologiques de l'antisémitisme russe }} (Les Nouveaux cahiers 104, 1991) ; Pierre-André Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion: faux et usages d'un faux (1992) et Normand Cohn, Histoire d'un mythe: la « conspiration »juive et les Protocoles des Sages de Sion (1992).

Sur l'histoire de l'Église orthodoxe au xxe siècle, en Union soviétique comme au dehors, puis dans la Russie post-soviétique, les dossiers de revues se sont multipliés dans les revues confessionnelles que nous avons déjà évo­quées. On peut signaler par ailleurs le numéro « Sciences sociales des reli­gions et religions à l'Est » [Archives de sciences sociales des religions 65 (1988) 1]. Alexander Chalandeau a soutenu son doctorat, La Vie et les difficultés des évangéliques chrétiens-baptistes en Sibérie (Strasbourg Il, 1987). Sont également parus Sabine Renault de la Sablonière, Pouvoir et Église en Union soviétique (1983); Antoine Wenger, Rome et Moscou: 1900-1950 (1987); François Thual, Géopolitique de l'orthodoxie (2eéd. 1994) et Maurice Zinovieff, L'Europe orthodoxe (1994).

Dans le domaine de la spiritualité et de la théologie, on compte les docto­rats d'André Gay, Le Problème du mal et la pensée russe (Paris IV, 1992) et d'Antoine Nivière, Le Mouvement onomatodoxe : une querelle théologique parmi les moines russes du Mont-Athos (1907-1914) (Paris IV, 1987). Le Centre d'études supérieures spécialisées d'histoire des religions de Strasbourg a publié les actes du colloque de 1978, Aspects de l'orthodoxie: structure et spiritualité (1981). Claudio-Sergio Ingerflom et Alain Boureau ont édité les actes du colloque La Royauté sacrée dans le monde chrétien (1992), tandis que Géopolitique faisait paraître« L'Histoire et le sacré» (47, 1994). L'Institut Saint-Serge de Paris a édité le recueil La Pensée orthodoxe (1983, 1987). Michel Evdokimov a présenté les pèlerins et vagabonds mystiques russes (1987). Élisabeth Behr-Sigel a écrit avec Kallistos Ware Le Lieu du cœur, un essai d'initiation à la spiritualité orthodoxe (1989) et participé au précis La Russie : histoire des mouvements spirituels (1990).

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Antoine Nivière a dirigé le recueil Les Orthodoxes russes (1993). /stina a publié un numéro« Actualité de Soloviev » (1992.1). Ces recherches peuvent être complétées par les articles de Pierre Grosniansky, « La signification du christianisme dans la philosophie religieuse russe des XIX0 et xxe siècles », de Marie Sémon, « Quelques aspects du christianisme dans la littérature russe», de Tatiana Goritcheva et d'Olivier Clément, «Les Animaux dans la pensée orthodoxe », et de Maryse Dennes, « La Femme dans la pensée russe» (Contacts 122, 1983; 143, 1988; 145, 1989; 168, 1994).

Au père Sergej Bulgakov ont été consacrés une bibliographie (par Kliment Naumov, 1984), un colloque et un numéro de revue (Le Messager orthodoxe 98, 1985, 124, 1994-1995). Constantin Andronikoff a donné une traduction française de la Philosophie du verbe et du nom (1991) écrite par Sergej Bulgakov et publié une étude sur la Tradition (1992). Yves Hamant a consacré un ouvrage à la riche personnalité d' Aleksandr Men' (1993). Signalons encore les mises au point sur « Le Chant liturgique orthodoxe » (Le Messager orthodoxe 104, 1987) sur la théologie de l'icône, par Leonid Ouspensky (1980), Eugène Troubetskoï (1986) et dans le Messager ortho­doxe [112 (1989)].

5. PHILOSOPHIE, HISTOIRE DES IDÉES

La solide Histoire de la philosophie russe, publiée en russe par Basile Zenkovsky en 1953-1955, a été traduite par Constantin Andronikoff (1992). René Zapata a également rédigé une présentation de la philosophie russe et soviétique (1988) et dirigé le volume Luttes philosophiques en U.R.S.S. : 1922-1931 (1983). L'essai de Thomas Spidlik, L'Idée russe: une autre vision de l'homme (1994) complète ces aperçus généraux.

L'histoire des idées est le thème des thèses de André Lacornerie, Le «mir» des paysans russes et le socialisme: essai sur l'histoire d'un mythe, 1840-I910 (Nancy II, 1983), Robert Best, Les slavophiles et le problème du pouvoir (Paris IV, 1984), Maryse Dennes-Staroseltsev, Dualisme et principe de totalité: recherches d'un fondement de la différence entre la Russie et l'Occident (Paris X, 1990), Michel Grabar, La Renaissance de la philosophie religieuse en Russie à la fin du XIX• et au début du xx• siècle : de la crise de l'idéalisme au réalisme symboliste (EHESS, 1996), André Ratchinski, Les Contacts idéologiques et culturels entre la France et la Russie, 1800-1820 (Paris III, 1996). La même problématique est élargie dans le volume « Aspects des relations intellectuelles entre la France, la Russie et l'U.R.S.S.» [RES LVII (1985) 4], dirigé par Robert-Henri Bautier et dans les actes du colloque Romantismes et socialismes en Europe, 1800-I 848 (1988).

En ce qui concerne la première moitié du XIXe siècle, François Rouleau a dirigé un recueil consacré à Caadaev [RES LV (1983] 2] et publié ses œuvres inédites ou rares (1990); il a également écrit Ivan Kireïevski et la naissance du slavophilisme (1990). Julien-Frédéric Tarn a donné une biographie de

LA SLAVISTIQUE fRANÇAISE 1980-2000 335

Custine (1985). Michel Mervaud s'est intéressé à la pensée et à l'action de N. Ogarev, publiant deux ouvrages (1978, 1984) et une série de mises au point chronologiques [RES LV (1993)].

Une série de travaux a été spécialement consacrée aux courants anarchistes et nihilistes. Jeanne-Marie Gaffiot s'est intéressée à Necaev (1989). Bakunin a été servi par Arthur Lehning, éditeur de ses œuvres complètes et auteur de Anarchisme et marxisme dans la Révolution russe (1984), par Pierre Péchoux, Diffusion d'une œuvre: Bakounine, publication dans la langue originale et en traduction (doctorat d'État, Paris 1, 1984), par François-Xavier Coquin (Revue historique 568, 1988) et par Michel Mervaud [RES LVI (1984) 4]. Michael Confino a privilégié l'étude de Kropotkin [CMRS 22-24 (1981-1983); 31 (1990)].

La pensée socialiste a été disséquée dans l'Histoire mondiale des socia­lismes, dirigée par Jean Ellenstein (1984, 6 vol.). De plus, Claudio Sergio Ingerflom a examiné 1' attitude des socialistes russes face aux pogroms de 1881-1883 (Annales ESC 1982) et les rapports entre le jeune Lénine et la pensée de Cemysevskij (doctorat de me cycle, EHESS, 1984, publié en 1988). La pensée de Lénine a également été étudiée par Alain Besançon (Origines intellectuelles du léninisme, 1987), Dominique Colas (Le Léninisme, 1982; Lénine et le léninisme, 1987), Sylvie Kremp, La Problématique de la liberté dans l'œuvre de Lénine (doctorat de me cycle, Paris 1, 1983) et Mustapha Latifi, L'Idéologie léniniste et sa contre-révolution totalitaire (doctorat Paris 1, 1989). Sabine Foumier-Breuillard a, quant à elle, consacré sa thèse à la formation de la pensée politique de Pavel Miljukov, l'un des fondateurs du parti constitutionnel démocrate (Paris 1, 1996).

La majorité des travaux concernant le xxe siècle se concentrent sur les courants d'idées et les philosophes de l'émigration. L'accès aux sources imprimées est facilité par les dépouillements de Tatiana Ossorguine­Bakounine. En compagnie d'Anne-Marie Volkoff, elle a compilé un cata­logue collectif des périodiques émigrés en langue russe, de 1855 à 1979 (2 vol., 1981-1990); avec Tatiana Gladkova, elle a dressé l'index général des articles parus dans ces revues et recueils, de 1920 à 1980 (1988). En outre, Alexandre Lande a donné une table de la revue, puis du recueil Le Messager socialiste, de 1921 à 1965 (1992).

L'étude du contenu a été abordée dans le recueil La Première émigration russe: vie politique et intellectuelle (1994) et dans plusieurs monographies. La pensée de Nikolaj Berdjaev a fait l'objet des livres d'Olivier Clément (1991) et de Laurent Gagnebin (1994), ainsi que d'un article de Taro Aoyama [Slovo 3 (1981)]. Danièle Beaune a analysé les idées de G. P. Fedotov dans les années 1930 [CMRS 26. (1985) 3-4]. Un numéro spécial a été consacré à Vjaceslav lvanov [CMR 35 (1994) 1-2], un autre à Lev Karsavin, sous la direction de Françoise Lesourd [RES 68 (1996) 3]. Dominique Auffret a analysé la philosophie d'Alexandre Kojève (1990) et Paul Rostenne celle de Lev Sestov ( 1994 ).

336 PIERRE GONNEAU

6. HISTOIRE MEDIÉV ALE ET MODERNE

Sous la direction de Vladimir Vodoff, André Berelowitch, Matei Cazacu et Pierre Gonneau ont publié Histoire des Slaves orientaux, des origines à 1689: bibliographie des sources traduites en langues occidentales (1998) afin de faciliter l'accès aux textes fondamentaux de l'histoire russe. Dans la même optique, deux manuels ont été mis à la disposition des étudiants, Paul Castaing, Précis d'histoire et de civilisation russes des origines au XVl/' siècle (1983), André Ropert, La Misère et la gloire: histoire culturelle du monde russe de l'an mil à Gorbatchev (1992). En outre, Françoise Lesourd a traduit et présenté la Poétique historique de la littérature russe du x• au xx• siècle de Dmitrij Lixa~ev (1988) et étudié la représentation de la conscience nationale russe que défendait cet historien [ CMRS XXVIII ( 1987) 3-4]. Des mises au point ponctuelles ont été apportées dans les Mélanges offerts à Pierre Pascal [RES LIV (1982) 1-2], à Alexandre Bennigsen [Passé turco-tatar, présent soviétique, 1986, et CMRS 30 (1989) 3-4], à Roger Portal (Russes, Slaves et Soviétiques, 1992, coordonné par Céline Gervais­Francelle), comme dans les volumes Rus' de Kiev et Russie moscovite: culture et société [RES LXIII (1991) 1, dirigé par Vladimir Vodoff et José Johannet], Aux sources de la Russie: Kiev et Novgorod [Slovo 20121 (1998)] et La Russie et la France: trois siècles de relations [RR 6 (1994)].

La question de l'ethnogénèse des Slaves orientaux a été explorée par Michel Kazanski, auteur d'articles [Cahiers de civilisation médiévale 128, 1989; RES LXV (1993) 1] et du livre Les Slaves, les origines: /"-VIl' siècles après J.-C. (1999).

Sur la période de Kiev, outre les ouvrages consacrés à l'Église que nous avons déjà mentionnés, des recherches ont été consacrées aux origines de la Rus' et à son organisation socio-politique, comme ceux de Jean-Pierre Arrignon, « Les relations diplomatiques entre Byzance et la Russie de 860 à 1043 » [RES LV ( 1983) 1 ], Régis Boyer, «La Russie a-t-elle été fondée par les Vikings ? » (Études germaniques 4, 1991 ), Denise Eeckaute, « Les Systèmes monétaires russes du x• au xvn• siècle et les influences étrangères» [RES LXV (1993) 1], Pierre Gonneau, «La Rus' de Kiev, une société féodale?» (Journal des savants 1999 1).

L'étude des rituels et usages de la cour moscovite a donné lieu au docto­rat de Marie-Karine Schaub, Pouvoir et sacralité du tsar: les rituels de couronnement et leur symbolique en Russie 1498-1682 (EHESS, 1999) et à la monumentale thèse d'André Berelowitch, La Noblesse à la cour de Michel Romanov de 1613 à 1627: honneur, service, lignage, à travers les querelles de préséance (EPHE IVe section, 1995, publié en 2001). Ce dernier a égale­ment réalisé une étude du Règlement de la fauconnerie du tsar Aleksej Mixaj­lovi~ (dans les Mélanges Portal) et collaboré au numéro« Noblesse, État et société en Russie XVI•-début du XIX• s.» [CMRS 34 (1993) 1-2], dirigé par Wladimir Berelowitch. Danielle Skakalski s'est, elle aussi, intéressée à la

LA SLA VISTIQUE FRANÇAISE 1980-2000 337

noblesse, mais dans la grande-principauté de Lituanie, aux xv•-XVI• siècles (doctorat de III• cycle, Paris 1, 1979) ; les aspects terminologiques de sa recherche ont été résumés dans un article [CMRS 23 (1982) 3-4). Enfin, Catherine Claudon Adhémar a soutenu une thèse de me cycle, Image et société en Russie /668-1725 (Aix-Marseille I, 1982, publié en 1985), qui s'intéresse aux premières productions en gravure sur bois, ou lubok. Roger Portal a fait paraître un Pierre le Grand ( 1990).

Parmi les études de textes, deux traductions commentées du Voyage au­delà des trois mers d' Afanasij Nikitin (1466-1472) ont été publiées, par Jean­Yves Le Guillon (1981) et Charles Malamoud (1982), tandis que Matei Cazacu faisait connaître la version slave de l'Histoire du prince Dracula (1988). Ce livre avait été précédé de l'article «Aux sources de l'autocratie russe: les influences roumaines et hongroises, xv•-XVI• siècles» [CMRS 26 (1983) 1-2). Marcel Ferrand s'est livré à une analyse approfondie de l'épître d'Ivan le Terrible à la communauté de Saint-Cyrille de Beloozero [Slovo 17 (1997)). Pour le xvrr• siècle, Valérie Chaillou-Geronimi a consacré son doctorat aux <<discours sur le gouvernement» de Juraj Krizanié (Grenoble III, 1993). Vladimir Vodoff s'est intéressé à l'auteur et aux sources du panégyrique de Boris Aleksandrovic, grand-prince de Tver' [RES LXN (1992) 3).

Un autre groupe de travaux concerne les voyageurs étrangers en Russie moscovite et en particulier les premiers Français. Anne Kraatz s'est consa­crée à la Compagnie française de Russie et au commerce franco-russe des XVII•-xvm• siècles (1993). Alexandre Bennigsen a republié le témoignage du mousquetaire Jacques Margeret sur le Temps des Troubles {1983). Michel Mervaud a édité Jacques Jubé (1992), étudié Jehan Sauvage [Revue des pays de l'Est 27 (1986) 1) et donné, avec Jean-Claude Roberti, une analyse plus globale, Une infinie brutalité: l'image de la Russie dans la France des XVIe et XVIIe siècles (1991). Francine-Dominique Liechtenhan a procédé, elle aussi, à l'examen des témoignages occidentaux sur la Russie, du XVf' au XVIII• siècle [Revue de la Bibliothèque nationale, 33, 1989 ; Histoire, économie et société, 1989 4 ; Revue historique 571, 1991 ; Schweizerische Zeitschrift für Geschichte, 43 {1993) 1]. Ces recherches sont prolongées par Claude De Grève, auteur d'une anthologie de textes des voyageurs français des XVIII• et XIX• siècles en Russie (1990).

La période des Lumières et la question de l'ouverture de la Russie à l'Oc­cident ont été largement évoquées dans les volumes Les Lumières en Hongrie, en Europe centrale et en Europe orientale {1981 ), Catherine II et l'Europe, dirigé par Anita Davidenkoff (1997), dans le livre de Jean-François Bourret, Les Allemands de la Volga (1763-1941): histoire culturelle d'une minorité ( 1986), dans les articles de Giliane Besset, « Les Relations commerciales entre Bordeaux et la Russie au XVIII• siècle» [CMRS 23 (1982) 2] et Maurice Colin, « Permanences nationales et ouverture à

338 PIERRE GONNEAU

l'étranger, le cas de la Russie, 1760-1825 »(Revue de littérature comparée 217, 1981). Au contraire, le «fonds russe» fait l'objet des travaux de Michael Confino, Société et mentalités collectives en Russie sous l'Ancien Régime (1991) et de Robert Philippot, Société civile et État bureaucratique dans la Russie tsariste: les Zemstvos (1991).

Le bicentenaire de 1789 a eu des répercussions sur la recherche en études slaves. Tamara Kondratieva a soutenu sa thèse L'Impact de la Révolution française sur la conscience révolutionnaire en Russie-U.R.S.S. (Paris I, 1988) et participé au numéro « 1789-1917: vie et destin de deux révolutions» (Cosmopolitiques 13, 1989). Michel Mervaud a dirigé «Les Slaves et la Révolution française» [RES LXI (1989) 1-2]. Catherine Durandin a publié Révolution ti la française ou ti la russe : Polonais, Roumains et Russes au XfX• siècle (1989). Signalons aussi l'intéressant article de Dmitry V. Shlapentokh, <<Thermidor ou Empire mongol: l'histoire comme modèle politique dans la pensée des émigrés russes» [CMRS 32 (1991) 3].

Dans l'aire ukrainienne, Daniel Beauvois a rédigé ou coordonné quatre volumes consacrés aux territoires, anciennement polonais, conquis par la Russie sous Catherine II : Le Noble, le Serf et le Revizor: La noblesse polonaise entre le tsarisme et les masses ukrainiennes, 1831-1863 ( 1986), Les confins de l'ancienne Pologne: Ukraine, Lithuanie, Biélorussie XVI'­

xx• siècles (1988), La Bataille de la terre en Ukraine 1863-1914: les Polonais et les conflits socio-ethniques (1993) et Le Monde de Madame Hanska: état de la société polonaise d'Ukraine au milieu du XIX• siècle (1993). En outre, Christian Toussaint a soutenu un doctorat de III• cycle sur 1' originalité des idées politiques et sociales de Mixail Dragomanov concernant l'Ukraine (Paris III, 1982).

Deux chercheurs ont accordé une attention particulière au règne d'Alexandre Ill, Jacqueline De Proyart, dans le cadre de son doctorat d'État, Études sur la littérature russe du Moyen Âge à nos jours et sur l'histoire de Russie sous le règne d'Alexandre Ill (Bordeaux III, 1985) et Sylvain Bensidoun, avec une monographie (1990). Enfin, Marie-Claude Bumet­Vigniel a traité des femmes russes dans le combat révolutionnaire à la fin du XIX• siècle (1990).

7. HISTOIRE CONTEMPORAINE, SCIENCES POLITIQUES

Un trentaine de doctorats, tous types confondus, ont été soutenus sur le monde soviétique et postsoviétique au cours des vingt dernières années, tan­dis que les livres et articles parus sont innombrables. Les études qu'ils contiennent ont été largement commandées par l'actualité, ce qui les place parfois aux confins du journalisme. Toute une génération de chercheurs s'est formée à l'école de revues telles que: Annuaire de l'U.R.S.S. et des pays socialistes européens, L'Autre Europe, Cahiers d'histoire de l'Institut de recherches marxistes, Cahiers marxistes, Communisme, Le Courrier des pays

LA SLAVISTIQUE FRANÇAISE 1980-2000 339

de l'Est, Essais sur le discours soviétique (puis sur le discours russe et autres discours slaves, puis sur le discours de l'Europe éclatée), L'Est européen, Géopolitique, Hérodote, MOCI, Politique internationale, Problèmes poli­tiques et sociaux (avec des sous-séries par pays), Revue d'études compa­ratives Est-Ouest, Stratégique ... Des bilans annuels, économiques et poli­tiques, sur l'U.R.S.S. et l'Europe de l'Est sont parus dans Notes et études documentaires, sous la direction de Thomas Schreiber et Françoise Barry jusqu'en 1989, avant que cette publication connaisse les remaniements nécessités par 1' effondrement du système soviétique. Parmi les analystes les plus prolifiques des problèmes politiques et sociaux en U.R.S.S. et en Russie, il faut citer Roberte Berton-Hogge, Marie-Agnès Crosnier, René Kerremans, Marie Lavigne, Pascal Lorot, Marie-Hélène Mandrillon, Lilly Marcou, Marie Mendras, Georges Mink, Kathy Rousselet, Jacques Sapir, Françoise Thom, Anne De Tinguy, Anita Tiraspolsky, Charles Urjewicz. Nous ne donnons ici qu'une sélection de travaux, en insistant sur les principales tendances de la recherche.

Plusieurs synthèses ont tenté de donner une vision de l'histoire russe par­delà la fracture révolutionnaire, à cheval sur le XIXe et le xxe siècle. D'autres ont pris en compte toute la période soviétique et, éventuellement, post­soviétique. Ces mises en perspectives se sont accompagnées d'études sur la façon dont l'histoire de l'Europe orientale était enseignée. Les auteurs les plus représentatifs dans ces domaines sont Alain Besançon, Hélène Carrère d'Encausse, François-Xavier Coquin, Marc Ferro, Michel Heller, Jean-Louis Van Regemorter et Nicolas Werth. Alain Besançon a écrit Anatomie d'un spectre: l'économie politique du socialisme réel (1981), Présent soviétique et passé russe (1986). H. Carrère d'Encausse a poursuivi à un rythme très soutenu son analyse du système soviétique, en tentant également d'explorer ses racines russes, dans le prolongement de l'Empire éclaté (1re éd. 1979) dont le titre a pu paraître prophétique, même si l'éclatement ne s'est pas opéré selon les modalités envisagées par l'auteur. Fr.-X. Coquin a publié Des Pères du peuple au père des peuples: la Russie de 1825 à 1929 (1991) ainsi que deux études sur la « révolution manquée » de 1905. Sont parus sous la responsabilité de Marc Ferro L'Occident devant la Révolution soviétique (1980, 2e éd., 1987), Comment on raconte l'histoire aux enfants à travers le monde entier (1981), De la Russie à l'U.R.S.S. :histoire de la Russie de 1850 à nos jours (1983, 1989, en collaboration avec René Girault), L'Histoire sous surveillance: science et conscience de l'histoire (1985), Histoire des colonisations: des conquêtes aux indépendances, Xlll'-XX' s. (1994). Michel Helier est l'auteur de L'Utopie au pouvoir: histoire de l'U.R.S.S. de 1917 à nos jours (1985), La Machine et les rouages: la formation de l'homme soviétique (1985, 1994), Soixante-dix ans qui ébranlèrent le monde: histoire politique de l'Union soviétique (1988), Histoire de la Russie et de son empire (1997). Jean-Louis Van Regemorter a repris le travail de Michel Laran (Russie-U.R.S.S., 1870-1984, 1986, devenu La Russie et l'ex-U.R.S.S. de

340 PIERRE GONNEAU

1914 à nos jours, 1996) et l'a complété par La Russie et le monde au xx• siècle (1995). Nicolas Werth a fait paraître Histoire de l'Union soviétique: de l'Empire russe à l'Union soviétique (puis] à la Communauté des États indépendants (1990, 1992) ainsi que Vie quotidienne des paysans russes de la Révolution à la collectivisation, 1917-1939 (1984). Il a édité, avec Gaël Moullec, Rapports secrets soviétiques : la société russe dans les documents confidentiels, 1921-1991 (1994).

Dans le cas de l'Ukraine, il existe aussi des essais embrassant plu­sieurs siècles: Arkady Joukovsky, Histoire de l'Ukraine (1993), Wolodymyr Kosyk, L'Ukraine et les Ukrainiens (1993). Jean Verhun a également écrit plusieurs articles sur la connaissance de l'Ukraine en France à l'époque moderne et contemporaine (L'Est européen 1985, 1989, 1994). On peut aussi consulter les actes du colloque sur la Renaissance nationale et culturelle en Ukraine de 1917 à 1930, publiés par Émile Kru ba et A. J oukovsky ( 1986).

La période stalinienne constitue un autre secteur de recherche, avec deux thèmes privilégiés, l'idéologie et les relations extérieures de l'État soviétique. Dans le domaine idéologique, on note le doctorat d'État de Pascal Dumas De Rauly, Idéologie communiste et construction internationale de la révolution d'Octobre à la mort de Staline (Paris Il, 1982), Jean Ellenstein, Staline (1984) et Nicolas Werth, P.tre communiste en U.R.S.S. sous Staline (1981), Les Procès de Moscou 1936-1938 (1987) que complète <<Procès et terreur sous Staline» (Communisme 26-27, 1990). Citons encore Les Interprétations du stalinisme (dirigé par Evelyne Pisier-Kouchner et Blandine Barret­Kriegel, 1983), «Penser l'Union soviétique: nouvelles interprétations du «stalinisme» [RES LXIV (1992) 1, édité par Claudio Sergio Ingerflom]. Au chapitre des relations extérieures, il faut mentionner le doctorat d'État de Agota Gueullette-Dezsenyi, Idéologie et politique économique extérieure soviétique: 1919-1947 (lEP Paris, 1992), François Fejtô, Histoire des démocraties populaires (1992) les actes du Colloque sur l'expérience soviétique et le problème national dans le monde: 1920-1939 (1981).

Les études consacrées à Trots ky et à 1' opposition de gauche au stalinisme sont un champ particulier, dominé par Damien Durand et surtout par Pierre Broué qui a publié plusieurs livres et largement contribué aux Cahiers Léon Trotsky. Ajoutons que plusieurs hommages ont été rendus à Boris Souvarine, mort à Paris en 1984, notamment par Est et Ouest (15 févr. 1985) et Les Cahiers d'histoire sociale (1993 1).

Dès lors que l'on aborde l'époque khroutchévienne et des années de « stagnation », on constate que des travaux de plus en plus nombreux, en particulier des nouveaux doctorats, sont consacrés aux relations extérieures et à la puissance militaire soviétique. Nous citerons la thèse de Marie-Pierre Rey, France et U.R.S.S. à l'heure de la détente, la tentation du rap­prochement, 1964-1974 (Paris 1, 1989, publié en 1991), les essais d'André Fontaine, sur l'histoire de la détente, de 1962 à 1981 (1981), de François Joyaux, sur les relations sino-soviétiques (1988}, de Catherine Kaminsky et

LA SLAVISTIQUE FRANÇAISE 1980-2000 341

Simon Kruk, sur la stratégie soviétique au Moyen-Orient (1988), de Laure Mandeville, sur l'armée russe (1994), et d'Apollinaire Vieyra, sur la perception soviétique du rapport des forces à l'ère brejnévienne (1985). En outre, l'invasion et l'occupation de l'Afghanistan par les armées soviétiques a suscité une très abondante littérature, sous forme de numéros spéciaux de revues et de monographies. Par ailleurs, quelques travaux s'intéressent au fonctionnement interne de la société soviétique, comme la thèse d'Anne Gazier, sur le Parti et l'administration économique en U.R.S.S. de 1965 à 1989 dans le secteur agricole (Paris 1, 1991), le livre de Jean Chiama et Jean Soulet, Oppositions et révoltes en U.R.S.S. et dans les démocraties populaires, de la mort de Staline à nos jours (1982), ou les dossiers «Le Système soviétique, consensus dans la dictature » (Les Temps modernes, 468-469, 1985) et« De la mort de Staline au XX• Congrès du PCUS :la crise du monde communiste>> (Communisme 9, 1986,).

n paraît impossible de dénombrer les publications consacrées à « l'effet » ou à la «génération» Gorbatchev, à la glasnost' et à la perestrojka, ou, a fortiori, les emplois immodérés de la formule «À l'Est, du nouveau». Toutes les revues généralistes ont multiplié les dossiers, faisant volontiers appel aux spécialistes de l'Union soviétique, dont en particulier Marc Ferro, Michel Heller, Claudio Sergio Ingerflom, Annie Kriegel, Michel Lesage, Lilly Marcou, Marie Mendras, Nicolas Werth et, bien entendu, Hélène Carrère d'Encausse. Parmi les synthèses sur cette période, on peut signaler celles de Pascal Lorot (1993) et de Françoise Thom (1989), également auteur d'un livre sur la langue de bois (1987). Le volet militaire et surtout la question du désarmement continuent d'occuper une place importante, avec en particulier les travaux de Hervé Coutau-Bégarie (1990), ou encore de Thierry Malleret et de Murielle Delaporte (1990).

Pour la période post-soviétique, les titres La grande secousse : Europe de l'Est 1989-1990 (sous la direction de Pierre Kende et Alexander Smolar, 1990), ou «Cela s'appelait l'U.R.S.S. et après ... » (Hérodote 64, 1992) résument bien la surprise et parfois l'embarras des chercheurs face à un effondrement qui a d'abord passionné le grand public, avant de susciter une phase de désintérêt envers la Russie qui n'a pas été sans conséquences pour le financement de la recherche en slavistique. L'apparition de nouveaux États, ou leur changement de nom ont rendu nécessaire la rectification des cartes et atlas, et suscité des réflexions sur le passé et l'avenir des nations. Le Dictionnaire des nationalités et des minorités de l'ex-U.R.S.S. (1990, 2• éd., 1992) de Roger Caratini ou L'État de toutes les Russies: les États et les nations de l'ex-U.R.S.S. de Marc Ferro et Marie-Hélène Mandrillon (1993) sont représentatifs de ce courant. À la question «Vers un nouvel impérialisme russe?» (Relations internationales et stratégiques 13, 1994), répondent souvent d'autres questions. Citons pour l'Ukraine le numéro spé­cial «L'Ukraine ancienne et nouvelle» [CMR 36 (1995) 4], les articles de Roland Breton «L'Ukraine, sixième grand d'Europe ? : analyse de sa

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structure ethnolinguistique » (Hérodote 58-59, 1990), Bruno Drweski «L'Ukraine: une nation en chantier?>> (La Nouvelle Alternative, 36, 1994), Zbigniew Kowalewski, «Ukraine : réveil d'un peuple, reprise d'une mémoire » (Hérodote 54-55, 1989). La problématique militaire, toujours présente, a été traitée en particulier par Jacques Sapir, avec Le Système militaire soviétique (1988), Feu le système soviétique?: permanences politiques, mirages économiques, enjeux stratégiques (1992), La Décompo­sition de l'année soviétique (avec René Emould et Daniel Pineye, 1992), Les Bases futures de la puissance militaire russe (1993). Enfin, une autre série de travaux s'attache davantage aux différentes facettes de la transition démocratique : Miklos Molnar, Georges Nivat et André Reszler, La Marche de l'Europe de l'Est vers la démocratie (1991); Virginie Coulloudon, Le Russisme : enquête sur une autre démocratie ( 1992) ; Françoise Thom, Les Fins du communisme (1994).

8. SOCIOLOGIE, PSYCHOLOGIE, ETHNOLOGIE

Les travaux concernant la sociologie du monde soviétique et post­soviétique constituent le complément des études historiques et politiques. L'histoire de la discipline a été abordée dans deux numéros spéciaux: «Trois décennies de sciences sociales en Union soviétique, 1953-1983 » [RES LVII (1985) 2] et «Staline est mort hier: l'émergence du social en U.R.S.S.» (L'Homme et la société 88-89, 1988). Les autres thèmes privilégiés sont l'organisation du travail et des services sociaux, le système éducatif, l'information et la culture. Dans la sphère du travail, on peut citer les docto­rats de Jean-Paul Depretto, Les Ouvriers en U.R.S.S. ( 1928-1940): profils d'une classe (Paris I, 1992, publié en 1997) et Myriam Désert, Le Contremaître soviétique sur le front du travail : aspects organisationnels, idéologiques et sociaux (Paris I, 1986). Myriam Désert et Alexis Berelowitch ont apporté plusieurs autres contributions, notamment un dossier sur les syndicats en Russie (Problèmes politiques et sociaux, 724, 1994). Jean Kehayan a édité Chronique des petites gens d'U.R.S.S.: actes du Colloque international sur la situation des travailleurs en U.R.S.S. (1981). Sur l'histoire de l'éducation en Russie et en U.R.S.S. on compte la thèse de Claudie Weil, Les Étudiants russes en Allemagne, 1900-1914 (EHESS, 1990) et le numéro« École et enseignement en Russie et en U.R.S.S. de 1860 à nos jours», dirigé par Jean-Louis Van Regemorter [RES LVIII (1986) 2]. La presse et les autres moyens d'information et de diffusion de la culture ont fait l'objet d'une attention soutenue. En témoignent la thèse de Véronique Jobert, La Satire soviétique contemporaine : société et idéologie (Paris IV, 1988, publié en 1991), le répertoire bibliographique La Nouvelle Presse russe: catalogue des périodiques de l'ex-U.R.S.S. fondés après 1985 (1993), plusieurs numéros spéciaux et recueils : « Autour de la presse russe et soviétique» [CMRS 28 (1987) 2], «Les médias en U.R.S.S. à l'heure de la

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glasnost» [RES LXII (1990) 3]. Ce dernier numéro a été dirigé par Nora Buhks, également auteur du livre Le Journalisme de la perestroïka : les techniques du renouveau (1988).

Les recherches concernant plus largement l'identité sociale russe insistent sur les ruptures provoquées par l'émigration, par la mise en place du modèle soviétique ou encore par sa disparition. Basile Kerblay a apporté plusieurs contributions: Les Soviétiques des années quatre-vingt (1985), Du mir aux agrovilles (1985), L'Évolution des modèles familiaux dans les pays de l'Est européen et en U.R.S.S. (1988), La Russie de Gorbatchev (1989). Son travail peut être complété par La Civilisation soviétique d' Andrej Sinjavskij (1989), La Femme russe de Françoise d'Eaubonne (1988) et L'Alcool et les Russes de Marie-Rose Rialand (1989). Catherine Gousseff s'est intéressée à la Moscou des années 1918-1941 (1993) et à la communauté russe de Paris après la Seconde Guerre mondiale (1994). Cette dernière contribution est parue dans Le Paris des étrangers depuis 1945, sous la direction d'Antoine Marès et de Pierre Milza qui faisait suite au Paris des étrangers ( 1990), dirigé par Antoine Marès et André Kaspi. Pour la fin de la période soviétique, on peut citer la thèse d'Yves Ramant Le Pouvoir soviétique et l'identité russe (lEP, 1990), les actes du colloque État, propriété et rapports sociaux en transition: Russie, Pologne, Hongrie (1992, édité par Catherine Samary et Barbara Despiney-Zochowska), le recueil Quelle Russie ? : Les Racines et les rêves d'une société dépaysée (1993, dirigé par Anne Coldefy-Faucard). Véronique Jobert a publié La Fin de l'U.R.S.S. et la crise d'identité russe (1993) et dirigé« La Crise de l'identité russe» (La Revue russe 1993 4). Jean Radvanyi a fait paraître La Nouvelle Russie ; avec Alexis Berelowitch il a écrit Les Cent Portes de la Russie: de l'U.R.S.S. à la CEl, les convulsions d'un géant (1999).

Les rapports orageux de la Russie et de l'Union soviétique avec la psy­chanalyse et la psychiatrie ont fait l'objet des livres dirigés par Michèle Bertrand (Psychanalyse en Russie, 1992) ou Léon Chertok, Dialogue franco­soviétique sur la psychanalyse (1984), et des articles d'Alexandre Etkind [CMRS 33 (1992) 4], d'Irina Manson (Esquisses psychanalytiques 11, 1989; Revue internationale d'histoire de la psychanalyse 4, 1991) et d'Alexandre Mikhalevitch (Frénésie 7, 1989).

Dans les domaines de l'anthropologie, de l'ethnologie et du folklore, les recherches ne se sont pas bornées à la tradition russe, puisque des chercheurs particulièrement féconds se sont consacrés à l'étude de la Sibérie. Il faut d'abord citer les thèses de Boris Chichlo L'Anthropologie soviétique et les problèmes de la culture sibérienne (Paris I, 1985) et Roberte Hamayon, La Chasse à l'âme: essai sur le chamanisme sibérien à partir de l'exemple bouriate, Sibérie méridionale (Paris X, 1988, publié en 1990), suivies par la publication de nombreux articles. B. Chichlo a aussi édité les recueils Sibérie: Questions sibériennes (3 vol., 1985-1999). Après s'être intéressée aux apports du folklore sibérien à la littérature russe [Slovo 13 (1993)], Anne-

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Victoire Charrin a dirigé le volume Les Sibériens: de Russie et d'Asie, une vie, deux mondes (1994). En outre, Wladimir Berelowitch a dirigé le numéro « Regards sur l'anthropologie soviétique » [ CMRS 31 (1990) 1-2].

Dans le domaine slave, Francis Conte a tenté de donner une vue d'ensemble dans Les Slaves: histoire des cultures anciennes en Europe cen­trale et orientale (1986). Lise Gruel-Apert a traduit et présenté au public français Les Fêtes agraires russes de Vladimir Propp (1987) et Les Contes russes d'Aleksandr Afanas'ev (1988); elle a aussi dirigé, avec Claudio Sergio Ingerflom, le numéro « Folklore slave : actualité de la recherche anthropologique et ethnologique>> [RES LXIX (1997) 4]. Il faut également citer les travaux de Galina Kabakova, en particulier son doctorat Le Corps féminin, ses usages et représentations en Polésie (EHESS, 1998, publié en 2000).

9. DROIT, SCIENCES ÉCONOMIQUES, DÉMOGRAPHIE, GÉOGRAPHIE

On sait que« l'État de droit>> était un des apports promis par les réformes gorbatchéviennes. Le droit est donc une spécialité délicate quand il a pour terrain d'étude l'Europe orientale. Nadine Marie et Patrice Gélard ont tenu une chronique de l'actualité du droit en Union soviétique dans L'Annuaire de législation française et étrangère ; en outre, la première a publié un essai sur les droits de l'homme en U.R.S.S. (1989), tandis que le second donnait des mises au point sur le Parti communiste de l'Union soviétique (1982), sur les institutions de 1 'U.R.S.S. (1989) et éditait les textes constitutionnels soviétiques (1991). Michel Lesage s'est penché sur le système politique de l'U.R.S.S. (1995) et a supervisé plusieurs dossiers consacrés à l'instauration de l'État de droit en 1998-1999. Citons encore les travaux de Chantal Kourilsky, parus au cours des années quatre-vingt-dix dans les revues Droit et culture, Droit et société, Revue d'études comparatives Est-Ouest. En outre, des articles ponctuels, insistant surtout sur les transformations amenées par la perestroïka et la fin du régime soviétique, sont parus dans des revues spécialisées sur l'Europe centrale et orientale ou dans des titres juridiques.

Les travaux concernant la démographie de l'U.R.S.S., longtemps contra­riés par la rétention et la manipulation de données qui caractérisaient le régime soviétique, ont connu un certain développement. Le principal spécia­liste en ce domaine est Alain Blum. Auteur d'une thèse Systèmes démogra­phiques soviétiques (1992, publiée en 1994 sous le titre Naître, vivre et mourir en U.R.S.S., 1917-1991), il a également dirigé le numéro« La Démo­graphie de l'Union soviétique>> (Annales de démographie historique, 1992) et signé ou co-signé une dizaine d'articles sur les transformations démo­graphiques en U.R.S.S. dans les Annales ESC, Population, ou Problèmes politiques et sociaux. Mentionnons encore, dans la même veine, la thèse de

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Serge Adamets, Catastrophes démographiques en Russie soviétique entre 1918 et 1923 (EHESS, 1995, publiée en 2003).

D'une manière générale, on peut noter qu'une attention nouvelle a été portée à la géographie et à l'étude des régions de l'U.R.S.S. et de la Russie. Pierre George a donné plusieurs éditions de sa Géographie de l'U.R.S.S. et publié un essai, La Géographie à la poursuite de l'histoire (1992), qui traite en partie de J'espace soviétique. Jean Radvanyi a soutenu un doctorat d'État intitulé Régions et pouvoirs en U.R.S.S. : contraintes spatiales et politique régionale (doctorat d'État, Paris VII, 1985); il a par ailleurs publié ou dirigé, Le Géant aux paradoxes : fondements géographiques de la puissance soviétique (1982), Régions et pouvoirs régionaux en Europe de l'Est et en U.R.S.S. (1989), L'U.R.S.S. en révolution: au-delà du modèle (1987), L'U.R.S.S. : régions et nations (1990). Marie-Claude Maurel a prolongé son étude Territoire et stratégies soviétiques (1982) par plusieurs articles [Bulletin de la société languedocienne de géographie 21 (1987) 1-2; Espaces Temps 43-44, 1990; dans Géographie du politique, 1991)]. Elle a également retracé l'histoire de la géographie soviétique, de 1953 à 1983 [RES LVII (1985) 2]. Enfin, elle a travaillé sur l'agriculture soviétique, dirigé le recueil Les Décollectivisations en Europe centrale (2 vol. 1992-1994) et publié La Transition post-collectiviste: mutations agraires en Europe centrale (1994). Anne Gazier s'est intéressée elle aussi à la gestion locale et à la réforme agraire en Russie. L'écologie est un thème apparu tardivement dans l'étude du monde soviétique, mais qui a pris de l'ampleur, au fur et à mesure que l'on mesurait les dommages causés à l'écosystème. Outre les nombreux livres et numéros spéciaux consacrés à la catastrophe de Cernobyl', on peut citer les doctorats de Pascal Marchand La Volga: aménagement et environ­nement (Dijon, 1990), Theophanis Mavridakis, La Politique de protection de l'environnement en Union soviétique (Paris VIII, 1988) et Guennady Ivan off, Conséquences écologiques de la gestion économique soviétique (Aix­Marseille 1, 1990).

En sciences économiques, les thèmes de prédilection des chercheurs fran­çais ont été les questions monétaires et surtout les échanges extérieurs de la Russie et de l'U.R.S.S., ou encore l'évolution interne de l'économie russe et soviétique, jusqu'à la crise finale. Dans le domaine monétaire on compte les thèses d'Oleg Kozatchevsky, Du rouble impérial au rouble soviétique: le chassé-croisé monétaire, 1917-1924 (INALCO, 1992) et de Nathalie Ricœur, Les Taux de change du rouble, un parcours accidenté(/): protection, adaptation, ancrage nominal (Paris I, 1992). Mais c'est le secteur des échanges extérieurs qui a suscité le plus grand nombre de doctorats (une dizaine). Parmi ceux-ci, il faut signaler Georges Sokoloff, L'Économie de la détente: l'U.R.S.S. et le capital occidental (lEP Paris 1981, publiée en 1983) et Jean-Louis Van Regemorter, La Russie méridionale, la mer Noire et le commerce international de 1774 à 1861 (doctorat d'État, Paris I, 1982). Ce dernier auteur a prolongé sa réflexion avec le livre D'une perestroïka à

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l'autre: l'évolution économique de la Russie de 1860 à nos jours (1990). Un autre spécialiste important est Marie Lavigne qui a écrit ou dirigé Travail et monnaie en système socialiste (1981), Économie internationale des pays socialistes (1985), Les Relations Est-Sud dans l'économie mondiale (1986), L'U.R.S.S. en transition: un nouveau marché (1990), L'Europe de l'Est: du plan au marché (1992), Capitalismes à l'Est: un accouchement difficile (1994).

L'économie soviétique a été analysée à ses diverses phases. Pour la période des débuts, on possède le recueil L'Industrialisation de l'U.R.S.S. dans les années trente (1982, dirigé par Charles Bettelheim), le livre d'Eugène Zaleski, La Planification stalinienne: croissance et fluctuations économiques en U.R.S.S. 1933-1952 (1984) et le numéro« La Collectivi­sation des campagnes soviétiques» [CMRS 35 (1994) 3}. Pour une vue d'ensemble de la période soviétique, on peut citer Jean-Charles Asselain, Plan et profit en économie socialiste (1981), Harold Bherer, Management soviétique: administration et planification (1982), Pierre Carrière, L'Économie de l'U.R.S.S. (3e éd. 1984), Pierre George, L'Économie de l'U.R.S.S. (plusieurs éditions) ou François Seurot, Le Système économique de l'U.R.S.S. (1989). Jacques Sapir a publié quatre livres sur ce thème : Travail et travailleurs en U.R.S.S. (1984), Les Fluctuations économiques en U.R.S.S.: 1941-1985 (1989), L'Économie mobilisée: essai sur la nature des économies de type soviétique ( 1989) et L'U.R.S.S. au tournant : une éco­nomie en transition ( 1990). Le dernier titre cité se situe déjà dans la perspec­tive de la crise du système qui a été évoquée par d'autres chercheurs. Wladimir Andreff a écrit ou dirigé La Réalité socialiste : crise, adaptation, progrès (1985, avec M. Lavigne), Réforme et échanges extérieurs dans les pays de l'Est (1990), La Crise des économies socialistes: la rupture d'un système (1993). Bernard Chavance est le responsable des publications suivantes: Le Système économique soviétique (1983), Régulation, cycles et crises dans les économies socialistes (1987), Le Système économique soviétique : de Brejnev à Gorbatchev (1989), Les Réformes économiques à l'Est: de 1950 aux années 1990 (1992, nouv. éd. 1994). Il faut encore citer les travaux de Marcel Drach, La Crise dans les pays de l'Est (4 éd., 1984-1990) ; Gérard Duchêne et Robert Tartarin, La Grande Transition : économie de l'après-communisme (1991) ; Alexandre Gourévitch, Économie soviétique, autopsie d'un système (1992); Xavier Richet, Crises à l'Est (1984), Les Économies socialistes européennes: crise et transition (1992); Anita Tiraspolsky et Gérard Wild, Économies de l'Est en transition: critères de comparaison (1992).

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III. LES ÉTUDES ET RECHERCHES DE POLONAIS

ET SUR LA POLOGNE

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Dans les années 1980 les études de polonais en France ont connu un important essor en liaison avec la place occupée pendant cette période par la Pologne sur la scène internationale. À côté des travaux traditionnels en lin­guistique, littérature et civilisation dans les sections de langues étrangères des universités, les études de sciences juridiques, sociales, économiques et poli­tiques se sont développées dans les universités et instituts concernés. Le nombre des thèses soutenues (plus de quatre-vingts), ouvrages publiés et tra­ductions du polonais s'est multiplié par rapport aux époques antérieures si bien qu'il devient difficile d'être exhaustif. Ajoutons que depuis les change­ments en Europe centrale et orientale, de nombreux polonisants français publient leurs œuvres (traduites du français ou originales) en Pologne. Nous ne citons ici que les publications en français. Il faut également noter les nom­breux colloques (organisés aux universités de Lille 3, Nancy 2, Paris IV ou à l'INALCO) consacrés soit uniquement à des thèmes polonais, soit à la culture polonaise dans le cadre de l'Europe centrale, ou encore à la langue polonaise dans un cadre de linguistique slave. Tous ces colloques donnent lieu à des publications. Signalons seulement, pour son importance et sa valeur symbo­lique, le colloque international organisé en 1998 à Paris au Collège de France sous la direction de Michel Maslowski (en collaboration avec le Comité français du bicentenaire de la naissance d'Adam Mickiewicz et le Collège de France): Mickiewicz, la France et l'Europe.

En 1983, fut créée la Société des professeurs de polonais dont le premier président fut Daniel Beauvois. En 1992, sous la présidence d'Hélène Wlodarczyk, la société s'élargit pour un plus vaste rayonnement et prend le nom de Société française d'études polonaises (SFEP) dont le siège est au Centre d'études slaves. Sous la présidence de Maria De1aperrière, la SFEP organise deux colloques :Mickiewicz par lui-même en 1998 (édition sous ce titre par l'Institut d'études slaves en 2000) et Slowacki aujourd'hui en 1999 (publié sous ce titre en 2002).

À la suite du coup d'État du général Jaruzelski en 1981, plusieurs postes d'assistants associés furent créés pour des réfugiés politiques, ce qui permit d'étoffer les équipes pédagogiques face à un regain d'intérêt conjoncturel du public français pour les études polonaises. Par la suite, ces postes furent transformés en postes de maîtres de conférences et les équipes d'enseignants purent donc se maintenir. Également, grâce au fonctionnement régulier de l'agrégation de polonais depuis 1978 (tous les ans jusqu'en 1992, puis un an sur deux depuis cette date) plusieurs agrégés de polonais ont été nommés dans l'enseignement supérieur temporairement ou définitivement, ce qui a considérablement renforcé les équipes pédagogiques ou permis d'ouvrir des enseignements optionnels de polonais (par exemple à Tours, Arras).

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Signalons d'abord les établissements supérieurs qui proposent des cursus complets de polonais (DEUG, licence, maîtrise, DEA et doctorat). À l'uni­versité de Paris-Sorbonne (Paris IV), Jacek Trznadel fut professeur associé depuis 1978 jusqu'à son retour en Pologne en 1983, année où Hélène Wlodarczyk a été élue professeur. À l'INALCO, après Maria Szurek-Wisti décédée en 1980, la direction des études polonaises est confiée à H. Wlo­darczyk jusqu'en 1983. Depuis 1984, la section est dirigée par M. Dela­perrière, professeur de littérature et de civilisation polonaises. Un deuxième poste de professeur est attribué à Magdalena Nowotna en 1998 à l'INALCO. La section de polonais à Lille 3 fut dirigée de 1979 à 1995 par le professeur Daniel Beauvois, entre 1995 et 1998 par le professeur Edmond Gogolewski puis, à partir de 1998, par le professeur Marek Tomaszewski. À l'université de Nancy II, après D. Beauvois, professeur de 1979 à 1980, plusieurs professeurs associés se succèdent : Jozef Mas1anka ( 1980-1981 ), Stanislaw Jaworski (1981-1982), Michel Maslowski (1982-1983). Jean Lajarrige est nommé professeur titulaire et exerce ces fonctions à Nancy II de 1983 jusqu'à son décès en 1987. M. Maslowski lui succède et est nommé professeur titulaire en 1988.

Dans les autres universités françaises, les études de polonais ne vont que jusqu'aux deux premières années ou consistent en des cours optionnels pour les étudiants d'autres spécialités. À la Faculté des lettres de Toulouse (puis université de Toulouse-Le Mirail), la section de polonais, fondée dès 1935, fut dirigée jusqu'en 1982 par J. Lajarrige (qui avait succédé à E. Marek). Puis Kinga Joucaviel, agrégée de polonais et docteur en linguistique, devient maître de conférences. À l'université Michel de Montaigne à Bordeaux, deux maîtres de conférences, dont Albert Mailles (auteur d'une thèse sur l'écrivain Zbigniew Unilowski), assurent l'enseignement jusqu'au DEUG. À l'université de Provence à Aix (Aix-Marseille 1), dont le premier enseignant de polonais fut Paul Cazin (de 1949 à 1956), Charles Zaremba, docteur en linguistique, est maître de conférences depuis 1987 après plusieurs enseignants titulaires ou associés : Léon Kolodziej ( 1960-1966), Georges Sigal (1966-1985), Waldemar Voise (1984-1985) et Anna Bellot-Deska (1985-1987). À l'université Stendhal (Grenoble 3), dans les années quatre­vingt l'enseignement optionnel du polonais connaît un développement grâce à Claude Kastler et Michel Maslowski. Actuellement, il est assuré par un lecteur seulement. À l'université de Bourgogne, le polonais est enseigné par Anna Nawrocka-Czyzyk, maître de conférences. Les universités de Caen et Strasbourg n'ont que des lecteurs de polonais. Des agrégés de polonais dispensent un enseignement à Montpellier, Amiens et Arras.

Quelques thèses en linguistique polonaise sont soutenues de 1980 à 2000, une thèse d'État d'Hélène Wlodarczyk (1981) sur l'aspect en polonais et en russe, et trois thèses de doctorat : celle de Charles Zaremba en 1984 sur les prépositions locatives en polonais, Kinga Joucaviel sur le vocabulaire

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technique des mineurs polonais de la mine de Carmaux, Henri Menantaud en 1992 sur la phrase négative en polonais. On peut rattacher à la linguistique la thèse de Magdalena Nowotna qui est une étude sémiotique sur Le Sujet et son identité dans le discours littéraire polonais contemporain (1991, publiée en 1992). Les publications en linguistique se font le plus souvent sous forme d'articles et de communications à des colloques, notamment dans deux numéros spéciaux de linguistique des langues slaves de la Revue des d'études slaves: L'Énonciation dans les langues slaves [LXII (1990) 1-2) et Organisation sémantique de la phrase dans les langues slaves [LXVI (1994) 3). Des études de sociolinguistique sont publiées par Danuta Bartol­Jarosinska dans Langues et peuples d'Europe centrale dans la culture fran­çaise (1998), et dans le volume Identité(s) de l'Europe centrale dirigé par M. Maslowski (1995). L'ouvrage de H. Wlodarczyk L'Aspect verbal dans le contexte en polonais et en russe paraît en 1997. Une Grammaire du polonais de Tadeusz Domanski est publiée en 1988. La langue de bois en Pologne, traduction française par Ch. Zaremba des travaux d'un colloque tenu en Pologne en 1981 paraît à Aix-en-Provence en 1989. Enfin, un manuel de polonais pour les francophones Dzieli dobry est rédigé par deux agrégées Laurence Dyèvre et Marie Furman-Bouvard et en est à sa deuxième édition en 1996. Une autre agrégée, Malgorzata Groffier, publie en 1995, Parlons polonais.

Dans le domaine de la littérature et de la civilisation (histoire, histoire de l'art, de la musique) les thèses et publications sont plus nombreuses. M. Delaperrière a soutenu en 1983 une importante thèse d'État : Les Avant­gardes polonaises et la poésie européenne (publiée en 1991 ). La thèse d'État de M. Maslowski, Le Geste, le rite et les symboles du thétitre romantique polonais (1987) est également un événement mais la publication ne se fera qu'en 1998, en polonais et en Pologne. La thèse d'habilitation (1992) d'Edmond Gogolewski L'Enseignement polonais et l'enseignement du polonais en France 1830-1980 est publiée en 1994 à Lille dans une version réduite à l'enseignement primaire et secondaire. Marek Tomaszewski et Magdalena Nowotna ont également soutenu dans les années 1990 chacun une habilitation sur l'ensemble de leurs travaux concernant la littérature polonaise du xx:e siècle, recueils d'articles en partie publiés en Pologne. En ce qui concerne les doctorats, on peut citer: Brigitte Gautier, L'Aliénation du héros dans la prose polonaise contemporaine (1989), Bruno Drweski, Le Domaine national polonais au XX• siècle (1991), Agnieszka Grudzinska, Adam Wazyk, un poète dans l'histoire: de l'avant-garde au réalisme socialiste, 1940-1955 (1992), M. Smorl.}g Goldberg, L'Écriture de l'exil ou l'utopie de la cohé­rence : Witold Gombrowicz romancier (1995), Anna Fialkiewicz Saignes, L'Œuvre romanesque de S. I. Witkiewicz dans le contexte des littératures européennes: 1909-1939 (1996), Maryla Laurent, La Dérive de Tadeusz Konwicki au fil de ses romans: archéologie d'une écriture: les huit années du réalisme socialiste (1996). Mais il y a également des thèses en littérature

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comparée (par rapport à la France mais aussi à l'Allemagne ou à l'Europe dans son ensemble), des thèses sur les témoignages des prisonniers des camps nazis, des thèses en musicologie (sur Chopin, Szymanowski, etc.) dont une thèse d'État sur l'opéra polonais de Dominique Quasnik.

Des manuels universitaires paraissent : Panorama de la littérature polo­naise des origines à 1822, anthologie en polonais avec des présentations et notes en français par M. Delaperrière et Franciszek Ziejka (1992). Daniel Beauvois publie en 1995 son Histoire de la Pologne. Des ouvrages généraux sur l'Europe centrale comportent des chapitres sur la Pologne: Chantal Delsol et M. Maslowski, Histoire des idées politiques de l'Europe centrale (1998); M. Delaperrière, Histoire littéraire de l'Europe médiane des origines à nos jours (1998).

Les publications en littérature et civilisation se multiplient sous forme soit d'ouvrages collectifs, soit de monographies. Nous ne pouvons citer que quelques titres importants, de grandes monographies ou d'ouvrages collectifs concernant des sujets vastes: Janina Markiewicz-Lagneau, La Formation d'une pensée sociologique: la société polonaise de l'entre-deux-guerres (1982) ; Tadeusz Wyrwa, La Résistance polonaise et la politique en Europe (1983); Pierre Buhler, Histoire de la Pologne communiste: autopsie d'une imposture (l997); Hanna Konicka et Hélène Wlodarczyk, éd., Littérature polonaise du XX' siècle : textes, styles et voix (2000) ; Daniel Tollet, Accuser pour convertir: du bon usage de l'accusation de crime rituel dans la Pologne catholique à l'époque moderne (2000). Il faut encore citer pour mémoire les nombreuses brochures éditées par Edmond Marck au Club Polonia Nord et consacrées à des écrivains polonais (études critiques et traductions) ou à des sujets de civilisation polonaise. Ces travaux n'ont malheureusement pas été réunis en une véritable édition.

Les traductions de littérature contemporaine ne peuvent plus être énu­mérées exhaustivement (les bulletins de la SFEP de 1996 et 1998 en donnent une liste). Parmi les traducteurs très actifs dans la période considérée, citons Laurence Dyèvre, Marie Bouvard, Maryla Laurent, Charles Zaremba, Malgorzata Smorltg. Rappelons qu'en cette fin du xxe siècle Witold Gombrowicz est presque intégralement traduit en français; que l'œuvre de Slawomir Mrozek est en passe de l'être aux éditions Noir sur blanc. De nombreuses traductions nouvelles font revivre les grands auteurs romantiques polonais mais aussi des poètes contemporains CzesJ:aw Milosz, Tadeusz R6zewicz. Michel Maslowski et Jacques Donguy donnent à l'Âge d'homme en 1992 Les Aïeux de Mickiewicz et en 1996 Kordian de Slowacki. Les éditions Noir sur blanc publient en 2000 une grande anthologie de la poésie polonaise du xxe siècle qui donne à lire en français les plus grands poètes polonais du siècle et fait appel à plusieurs traducteurs de renom, parmi lesquels Jacques Legras, Christophe Jezewski, Isabelle Macor-Filarska. Aux traductions littéraires s'ajoutent celles de mémoires, d'ouvrages spécialisés notamment en histoire, politique ou sciences sociales.

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L'enseignement et la recherche en sciences sociales, économiques et juridiques ont connu un grand développement dans le domaine polonais. Les principales institutions sont le ROSES (Réformes et ouverture des systèmes économiques post-socialistes), unité mixte C.N.R.S.- université Paris 1, où Barbara Despiney-Zochowska travaille sur le domaine polonais ; le Labo­ratoire d'analyse des systèmes politiques (C.N.R.S. -université Paris X) avec Georges Mink et Jean-Charles Szurek; le Centre d'études européennes de l'université de Marne-la-Vallée avec Chantal Millon-Delsol et Joanna Nowicki; le Centre d'études et de recherches internationales (CERI) de la Fondation des sciences politiques avec Dominique Colas. Les thèses soutenues sont nombreuses. On peut en consulter la liste sur les fichiers électroniques en ligne. Voici quelques ouvrages importants publiés depuis 1980: François Bafoil, Le Cas M. : la crise des relations professionnelles dans une entreprise polonaise aujourd'hui (1988) et Règles et conflits sociaux dans l'Allemagne et la Pologne post-communiste (2000); Marie­Claude Maurel, Paysans contre l'État: le rapport de forces polonais (1988); Georges Mink, La Foree ou la raison : histoire sociale et politique de la Pologne, 1980-1989 (1989); Franciszek Draus, La Ligne Oder-Neisse et l'évolution des rapports germano-polonais: la nouvelle doctrine militaire de la Pologne (1990); Gérard Duchêne et al., La Grande Transition: économie de l'après-communisme (1991); Georges-Henri Soutou, éd., Recherches sur la France et le problème des nationalités pendant la Première Guerre mondiale, Pologne, Ukraine, Lituanie (1995) ; Marcin Frybes et Patrick Michel, Après le communisme : mythes et légendes de la Pologne contem­poraine (1996).

L'article d' Aleksander Smolar «Les Juifs dans la mémoire polonaise» (Esprit 127, 1987) mérite d'être cité comme mise au point. De nombreuses thèses et plusieurs ouvrages sont consacrés à l'expérience concentrationnaire sur le territoire polonais pendant la Deuxième Guerre mondiale.

Ce bref panorama montre à quel point les perspectives de l'enseignement et de la recherche français sur la Pologne se sont élargies durant les deux der­nières décennies du xx• siècle par rapport aux époques antérieures. Le mou­vement devrait se poursuivre avec l'entrée de la Pologne dans l'Union euro­péenne et l'accroissement des échanges de toutes sortes, notamment écono­miques - base solide pouvant laisser espérer un intérêt croissant de la part des nouveaux étudiants de plus en plus nombreux.

Hélène WLOdDDARCZYK

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IV. LE DOMAINE TCHÈQUE ET SLOVAQUE

Les études tchèques et slovaques ont été dirigées à l'INALCO par Yves Millet auquel a succédé Patrice Pognan. Il existait également un Centre d'études tchèques et slovaques, fondé en 1976, auprès de l'UER de littérature comparée de l'université de Paris III et animé par Hana Voisine-Jechova. Lorsque cette dernière devint professeur associé de l'université Paris­Sorbonne (Paris IV), le Centre fut rattaché à Paris IV. Le tchèque a depuis connu un développement important dans cette université : en 1986, H. Voisine-Jechova était élue professeur de langue, littérature et civilisation tchèques ; Xavier Galmiche lui a succédé. En 1995, était aussi créé un poste de maître de conférences, confié à Marke ta Theinhardt, historienne de l'art. Enfin, un DEUG puis une licence de tchèque ont été ouverts à Paris IV (1992-1993). À l'université de Bordeaux III, après le départ de P. Pognan pour l'INALCO, son poste de professeur a été transformé, en 1993, en une maîtrise de conférences, tenue depuis par Milan Burda. On comptait en outre, pour l'année universitaire 2000-2001, des postes de lecteurs de tchèque à l'INALCO et dans les universités suivantes: Aix-Marseille 1, Bordeaux III, Dijon, Grenoble III, Lille III, Lyon III, Montpellier III, Paris IV, Paris X­Nanterre, Rennes II et Strasbourg II. Il faut également signaler l'enseigne­ment donné par Milan Kundera à l'université de Rennes II à partir de 1975, puis à l'École des hautes études en sciences sociales jusqu'en 1995.

Parallèlement, en octobre 1991, le CEFRES (Centre français de recherches en sciences sociales) ouvrait ses portes à Prague. Dirigé par Antoine Marès (1998-2001), il a pour mission de développer des réseaux scientifiques, en servant de médiateur entre les milieux universitaires et de recherche français, tchèques, slovaques et centre-européens. Le CEFRES publie des Cahiers (actes de colloques, travaux effectués par les membres du Centre, recueils de textes), un Bulletin bibliographique (bibliothèque), des Documents de travail ; il dispose d'un site web.

Les travaux de linguistique pure dans le domaine tchèque ont été peu nombreux au cours des vingt dernières années. P. Pognan et A. Marès ont dirigé le volume de mélanges offert à Y. Millet, «Études linguistiques et études tchèques)) [RES LX (1988) 3]. Claude Kastler a publié une Grammaire raisonnée du tchèque (1986, 2e éd., 1995) et Dagmar Hobzova a donné une méthode, intitulée Le Tchèque tout de suite ! (1991). Tobias Scheer a soutenu sa thèse, Une théorie de l'interaction directe entre consonnes : contribution au modèle syllabique CVCV, alternances E-0 dans les préfixes tchèques, structure interne des consonnes et la théorie X-barre en phonologie (Paris VII, 1996).

Les études littéraires, ou combinant linguistique et littérature sont nettement plus variées. Nous ne mentionnerons pas celles qui touchent essen-

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tiellement à la culture germanique ou germanophone, c'est pourquoi on ne trouvera pas ici les nombreux travaux universitaires consacrés à la vie et à l'œuvre de Franz Kafka. Hana Voisine-Jechova a publié une version revue de sa thèse, L'Image poétique dans le mouvement romantique slave (1982), lancé la série Études tchèques et slovaques (7 numéros de 1980 à 1990) et donné de nombreux articles sur les littératures tchèque et polonaise, en particulier dans la Revue de littérature comparée. Elle a également dirigé plusieurs numéros spéciaux et recueils: Les Avant-gardes tchèque et slo­vaque dans le contexte international (1983 ), Tchèques et Slovaques entre l'Est et l'Ouest (Revue de littérature comparée 1983.4), Jaroslav Hasek et le Brave Soldat Chveïk [RES LVIII (1986) 1 ], Émigration et exil dans les cultures tchèque et polonaise (avec Hélène Wlodarczyk, 1987), Le Roman tchèque dans le contexte international (1992), La Visualisation des choses et la conception philosophique du monde dans l'œuvre de Comenius (1994). Sur Comenius, on possède aussi un livre de Marcelle Denis et une étude d'Étienne Krotky, Former l'homme: l'éducation selon Comenius (1996). Xavier Galmîche a soutenu sa thèse sur Le Bilinguisme littéraire en Bohême (Paris IV, 1994) et publié Facétie et illumination: l'œuvre de Josef Vachat (1999). Milan Burda a consacré son doctorat à la littérature de l'émigration tchèque, de 1948 à 1968 (Bordeaux III, 1992). On compte aussi les thèses de Véronique Boutin, sur la littérature tchèque indépendante face au pouvoir, de 1948 à 1989 (Lille III, 1995), de Christophe Dumas, sur le journaliste et écrivain Egon Erwin Kisch, 1885-1948 (Nantes, 1997), de Marie-Odile Thirouin-Deverchere sur l'idée d'Europe de Rudolf Pannwitz (Grenoble III, 1997) et de Catherine Servant, sur la naissance de la critique littéraire tchèque entre 1860 et 1890 (EHESS, 1998). En ce qui concerne les traductions en français d'œuvres littéraires tchèques et slovaques, une Bibliographie a été compilée par Vladimir Peska et Joseph Suchy (1981). Citons encore quelques anthologies : Hana Voisine-Jechova et Marie­Françoise Vieuille, Anthologie de la poésie baroque tchèque (1981), Petr Knil, Le Surréalisme en Tchécoslovaquie (1983) et La Poésie tchèque moderne (1999), Jan Laviéka, Anthologie hussite (1985), Anthologie de la poésie tchèque et slovaque (1987), Josef Peterka, Aspects de la poésie tchèque (1991), Prague d'or (L'Ennemi, 1992-1993), Les Belles Étrangères: treize écrivains tchèques (1999), Catherine Servant, Nouvelles pragoises (1999).

D'autres études ont été consacrées aux arts. Parmi celles-ci, on compte les doctorats de Danièle Monmarte-Gubala, Le Théâtre libéré de Prague : Voskovec et Werich (Paris III, 1983; publié en 1991), Thierry Genin, L'Œuvre cinématographique de Vera Chytilova (Paris III, 1986), de Béatrice Rodier, Représentation de la déportation au cinéma à partir du film de Vojtech Jasny :j'ai survécu à ma mort (Nancy 11, 1986), d'Alain Dumenieu, L'Œuvre individuel et ses limites, consacré au peintre fictif Petr Ptacek

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(Paris I, 1987), d'Étienne Cormevin, Figures et esthétiques de l'art contemporain en Tchécoslovaquie (Paris X, 1989), de Jocelyne Fritsch, Relations culturelles et théâtre: la France et la Bohême-Moravie, 1881-1994 (Bordeaux III, 1997), de Claude Hermitte, Petr Eben, humaniste du xx• siècle : tradition et message de la musique contemporaine tchèque (Lyon II, 1998) et de Françoise Caille, De l'artificialisme au surréalisme: Styrsky et Toyen (Paris I, 1999). Pour les périodes antérieures, il faut citer les thèses d'Helenka Marha, La Bible figurée de Velislav: recherches compara­tives (Montpellier III, 1986) et de Pascale Mahe Ranft, Le Cabinet d'art et de curiosité de l'empereur Rodolphe II, 1576-1611 (Tours, 1995). On compte aussi des monographies et des catalogues d'expositions: Le Baroque en Bohême (1981); J.-B. Santini-Aichl: un architecte baroque-gothique en Bohême, 1677-1723 (Cahiers de pensée et d'histoire de l'architecture 5-6, 1986; repris en livre, 1989); Arthur Ellridge, Mucha: le triomphe du Modem Style (1992); Miroslav Lamac, Cubisme tchèque (1992). Sur Prague, Xavier Galmiche a publié Prague : secrets et métamorphoses (1990, en collab. avec Petr Kral), Prague: passages et galeries (1993), Marketa Thein­hardt et Pascal Varejka ont écrit Prague imprévu (1994). Guy Erismann a donné trois biographies de musiciens tchèques : J anacek ( 1980), Martinu (1990) et Smetana (1993).

Les études historiques marient souvent histoire politique et histoire intel­lectuelle ou culturelle avec, semble-t-il, une préférence pour la période de la première république tchécoslovaque. On compte une douzaine de doctorats : Martin Janecek, La Politique extérieure de la Tchécoslovaquie de 1938 à 1952 (Paris 1, 1983), Odile Poulain, Bibliographie méthodique des articles et ouvrages parus en Tchécoslovaquie de 1948 à 1982 sur la révolution de février 1948 (INALCO, 1988), Patrick Michel, Éléments d'analyse compa­rative entre politique et religion dans un système de type soviétique : le catholicisme en Pologne, Tchécoslovaquie et Hongrie (Paris 1, 1988), Jean Artic, La Crise de Munich dans la presse quotidienne de Toulouse (Toulouse 1, 1989), Yvon Lacaze, Les Français face au problème tchéco­slovaque, de l'Anschluss à la conférence de Munich, mars-septembre 1938 (Paris 1, 1989), Frédéric Wehrle, La Pérennité du problème tchécoslovaque: facteur national et politique en Tchécoslovaquie, 1918-1992 (lEP Paris, 1993), Annie Guénard-Maget, La Présence culturelle française en Europe centrale et orientale avant et après la Deuxième Guerre mondiale, 1936-1940, 1944-1949 (Paris 1, 1994 ), Florence Grandsenne, Les Intellectuels français face aux crises du communisme en Europe du Centre-Est : perception et interprétation des mouvements et de leur répression, 1956-1981 (lEP Paris, 1998), Michel Perottino, L'Héritage démocratique tchèque {Nice, 1998), Radmila Slabakova, Le Destin d'une famille noble émigrée d'origine française dans l'Empire des Habsbourg et en Tchécoslovaquie, de la fin du XVIII" aux années trente du XX" siècle: les Mensdoif.f-Pouilly (Grenoble II,

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1999), Alain Soubigou, Thomas Garrigue Masaryk (1850-1937): biographie intellectuelle et politique (Paris, 1999). En 1992, Vladimir Claude Fgera publiait Les Peuples slaves et le communisme : de Marx à Gorbatchev, ver­sion remaniée de sa thèse d'État, Le Mouvement socialiste et les slavisme, des origines à 1945 (Paris 1, 1973).

Dans la même perspective, outre ses travaux déjà cités dans les sections précédentes et qui touchent en partie au domaine tchèque et slovaque, Antoine Marès a publié ou dirigé: Masaryk, humaniste et Européen (1991, avec Vladimir Pe§ka), Histoire des pays tchèques et slovaques ( 1995), Histoire et pouvoir en Europe médiane (1996), Paris, capitale culturelle de l'Europe centrale ? :Les échanges intellectuels entre la France et l'Europe médiane, 1918-1939 (1997, en collaboration avec Maria Delaperrière). Léon Noël a, quant à lui, publié La Tchécoslovaquie d'avant Munich (1982). Ces recherches peuvent être complétées par celles de Bernard Michel, plus centrées sur la période précédant la Première Guerre mondiale: La Mémoire de Prague: conscience nationale et intelligentsia dans l'histoire tchèque et slovaque (1986), États et nationalités dans l'Europe du XIX' siècle (1987), La Chute de l'empire austro-hongrois, 1916-1918 (1991), Villes et sociétés urbaines dans les pays germaniques, 1815-1914 (en collaboration avec Nicole Pietri et Cyril Buffet, 1992), et Histoire de Prague (1998). Signalons aussi les livres de Yves Barelli, La Révolution de velours en Tchécoslovaquie (1990), de Georges Castellan, Histoire des peuples de l'Europe centrale (1994), et la Petite Histoire des pays tchèques d'Otto Urban, traduite en français en 1996.

Un relevé des études consacrées à l'histoire des communautés juives en terres tchèques et slovaques nous entraînerait trop loin, aussi mentionnerons­nous seulement la thèse de Sylvie Goldberg, Les Institutions de la mort: perceptions, visions et gestion de l'au-delà dans la vie quotidienne des Juifs avant leur émancipation, Prague jusqu'à la fin du XV Ill' siècle (EHESS, 1986).

La Slovaquie et la culture slovaque n'ont fait l'objet que de très peu d'études. Outre la Petite histoire de la Slovaquie de L'ubomir Liptak publiée en traduction française par l'Institut d'études slaves (1996), on compte la thèse de Zuzana Stanova, L'Identité nationale et culturelle des Slovaques en Slovaquie au milieu du XIX' siècle, 1843-I875 (EHESS, 1997).

Dans le domaine de la géographie et de l'économie, on compte encore une dizaine de doctorats : Emmanuel Moguilewsky, Le Système de planifi­cation économique en Tchécoslovaquie jusqu'en 1953 (Paris 1, 1980), Gérard Richez, Parcs nationaux et tourisme en Europe (Aix-Marseille Il, 1986) qui étudie notamment les cas de la Tchécoslovaquie, de la Pologne et de la Yougoslavie -, Hugues Laine, La Privatisation des entreprises d'État

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d'Europe centrale (Tours, 1993), Alain Laurent, Passage à la convertibilité et transition vers l'économie de marché: Pologne, Hongrie, Tchécoslovaquie (Grenoble Il, 1993), Christian Varin, Les Biens de consommation techniques en Allemagne de l'Est et en Tchécoslovaquie depuis 1949: la confrontation des économies planifiées du centre au fordisme (Grenoble II, 1993), Éric Magnin, Les Trajectoires de transformation post-socialiste en Europe centrale (Hongrie, Pologne, République tchèque), institutions, évolution, complexité (Paris 1, 1996), Marie-Pierre Philippe-Dussine, L'État et le post­socialisme, économie publique de la transition (Nancy II, 1996), Georgette Zrinscak, Le Système agro-alimentaire tchèque : ruptures et recompositions spatiales (Paris 1, 1997), David Chelly, Approches universelles ou modèles spécifiques de gestion des ressources humaines dans les pays d'Europe centrale et orientale en transition vers l'économie de marché: le cas des joint-ventures en République tchèque (Tours, 1998) et Claire Dickinson, Les Conséquences économiques de la désintégration: le cas tchécoslovaque (Paris 1, 1999).

Enfin, le droit est représenté par la thèse d'Olga Hochwelcker-Smoloua, Le Mariage et les relations patrimoniales entre les époux dans le régime matrimonial légal en Tchécoslovaquie (Montpellier 1, 1981).

Milan BURDA, Xavier GALMICHE

et Hana JECHOV A

V. LE DOMAINE SLAVE DU SUD

Les langues slaves du Sud (slovène, serbo-croate, macédonien, bulgare) sont toutes enseignées à l'Institut national des langues et civilisations orien­tales (INALCO), respectivement par Antonia Bernard (qui a succédé à Claude Vincenot, et dont la thèse de 1992 Jernej Kopitar et les débuts de la slavistique européenne concerne les études slaves à Vienne dans la première moitié du XIX• siècle, et non le domaine slovène en particulier), Vladimir Osipov (après le départ en 1998 de Janine Matillon-Lasic), Frosa Bouchereau (qui a remplacé Jordanka Foulon en 1996) et Jack Feuillet Le bulgare bénéficie d'un meilleur encadrement, puisque, à côté de J. Feuillet, professeur spécialiste de linguistique bulgare, deux maîtres de conférences, Elena Foulliaron et Antonia Peeva enseignent la littérature et la civilisation. Le volume jubilaire Actes du cinquantenaire de la chaire de bulgare à l'INALCO (1986) trace un bilan de l'histoire de cette discipline. Il est com­plété par le numéro d'« Études bulgares» offert à Roger Bernard [RES LX (1988) 2].

En littérature bulgare, Elena Foulliaron a continué à travailler sur le mouvement symboliste bulgare, sujet de sa thèse de 1975, et a donné des

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contributions sur les écrivains bulgares au Dictionnaire universel des littéra­tures (1988}, aux Lettres européennes (1991}, aux Dictionnaire des auteurs et Dictionnaire des œuvres (1992} et au Dictionnaire du XIX' siècle européen (1997). La linguistique bulgare est brillamment représentée par Jack Feuillet, auteur d'une thèse d'État La Langue bulgare au début du XIX' siècle (Paris III, 1982) et de deux ouvrages essentiels, Grammaire synchronique du bulgare (1996) et Grammaire historique du bulgare (1999), à côté de nom­breux articles parus en Bulgarie, en France et en Allemagne, parmi lesquels la Revue des études slaves a publié « Réflexions sur la diachronie du bulgare » [LX (1988) 2], « La hiérarchie énonciative en bulgare » [LXII (1990) 1-2] et «Réflexions sur la disparition des cas en bulgare » [LXIV (1992} 3]. J. Feuillet poursuit également des recherches dans les domaines plus généraux et complémentaires de la linguistique slave et de la linguistique balkanique. Dans ce dernier champ, les Cahiers balkaniques (10) ont édité un numéro spécial de J. Feuillet sur La Linguistique balkanique, ainsi que ses articles« Méthodologie de l'aspect» (1, 1981), «Méthodologie du temps)) (3, 1982), «Méthodologie du mode» (7, 1985), «Le statut des particules)) (12, 1988), «La structure du groupe nominal dans les langues balkaniques» (16, 1991), «Les relations syntaxiques dans les langues balka­niques» (19, 1994). J. Feuillet est également l'auteur de la notice sur la langue bulgare de l' Encyclopedia universalis (1984) et de Bulgare, ouvrage paru à Munich (1995). Il a dirigé la thèse de Marie Vrinat-Paskov, Les Particules expressives du bulgare moderne (1990).

La linguistique bulgare en France a aussi bénéficié des travaux de Zlatka Guentchéva-Desclés. Depuis la soutenance de sa thèse d'État, Contribution à l'étude des catégories grammaticales du bulgare littéraire contemporain (Paris VII, 1985), cette chercheuse remarquable, qui œuvre aussi beaucoup en linguistique générale, a fait paraître plusieurs ouvrages importants tels que Temps et aspect: l'exemple du bulgare contemporain (1990} et Thématisation de l'objet en bulgare (1994}. ZL Guentchéva a également publié de nombreux articles qui, pour le bulgare, portent principalement sur le système aspecto-temporel et sur la quantification. Citons, dans la Revue des études slaves, « Contributions à l'étude des catégories grammaticales du bulgare littéraire contemporain » [LVIII (1986) 4], « Edin "un" et l'indétermination en bulgare» [LIX (1987) 3], «L'aspect et le fonction­nement de l'imparfait imperfectif en bulgare» [LX (1988) 1] «L'énonciation médiatisée en bulgare>> [LXII (1990) 1-2] ; dans les Cahiers balkaniques« À propos d'une valeur de l'imperfectif en bulgare» (1, 1981), «L'aoriste en bulgare» (en collaboration avec Jean-Pierre Desclés, 3, 1982} ; pour Modèles linguistiques «Le parfait et la valeur inférentielle: l'exemple du bulgare» [11 (1989) 2], «L'imparfait perfectif en bulgare» [16 (1995) 2], «Grammaticalisation et typologie» [avec J.-P. Desclés, 17 (1997) 2], et dans Études cognitives Il : Quantification, aspect et temps (Varsovie, 1999) « Pourquoi njakoj et njakakav en bulgare peuvent-ils être des équivalents

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fonctionnels de quelque en français ? » Citons encore les Grammaire du bulgare et Grammaire du vieux bulgare de Jean-Yves Le Guillou ( 1984) et le Parlons bulgare de Margarita Vassileva (1995). Cette dernière a récemment soutenu son doctorat sur La Société bulgare à la découverte de l'espace public (Grenoble III, 1998).

On compte encore dans le domaine bulgare les thèses d'Hélène Courtin, La Chanson folklorique bulgare et sa structure (doctorat d'État, Paris III, 1987), d'Isabelle Vrinat, Nikolaj Rajnov ou la quête d'une impossible synthèse : le modernisme bulgare à l'aube du xx• siècle (Paris III, 1996), de Patrick Lecaque, Les Peintures murales des églises médiévales de la Haute­Struma (doctorat de III• cycle, Paris IV, 1985) et de Bernard Lory, Le Sort de l'héritage ottoman en Bulgarie: l'exemple des villes bulgares, 1878-1900 (doctorat de III• cycle, INALCO, 1982, publié en 1985). Deux ouvrages importants d'ethnologie complètent cette série de travaux: Georges Drettas, La Mère et l'outil: contribution à l'étude sémantique du tissage rural dans la Bulgarie actuelle ( 1980), et Jean Cuisenier, Les Noces de Marko : le rite et le mythe en pays bulgare (1998). Enfin, le troisième colloque des historiens bulgares et français a donné lieu à la parution de La France et les Balkans dans les années vingt du xx• siècle (1985).

Les études macédoniennes se partagent entre la linguistique et l'histoire, prise au sens large. Les publications de Jordanka Foulon portent sur les ques­tions de temps et d'aspect en macédonien. Sa thèse, Les Formes temporelles dans les structures narratives du macédonien (Paris III, 1990), a débouché sur un ouvrage consacré aux Modes de narration en macédonien (1995), puis sur une Grammaire pratique du macédonien (1998). Deux autres thèses ont été soutenues, par Marie-Paule Canapa, sur l'évolution de la politique agraire de la Yougoslavie en république de Macédoine (doctorat d'État, Paris IV, 1988) et par Nadine Lange, sur les sources occidentales concernant les affaires de Macédoine entre 1893 et 1908 (Paris IV, 1993). S'y ajoutent l'Histoire de la Macédoine de Marcel Devos (1982) et La République de Macédoine, nouvelle venue dans le concert européen (sous la direction de Christophe Chi clet et de Bernard Lory, 1998 ).

L'éclatement de la Yougoslavie à partir de 1991 et les guerres sanglantes qui en ont résulté ont suscité en France une masse de publications de carac­tère journalistique ou partisan sur la « question balkanique » dont nous ne rendrons pas compte ici, mais assez peu de travaux véritablement historiques. On peut toutefois mentionner les livres de Georges Castellan, Histoire des Balkans XW-XIX' siècles (1991, 2• éd. 1999) et Le Monde des Balkans, pou­drière ou zone de paix? (1994). La revue Balkanologie a été créée en 1997 par l'association Homo Balkanicus (devenue en 2000 Association française d'études sur les Balkans), sous les auspices de la Maison des sciences de l'homme. Elle publie des travaux en sciences humaines et sociales concer-

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nant l'espace balkanique au sens large et couvrant la période du Moyen Âge à nos jours.

Le contexte politique n'a pas été sans influence sur la linguistique elle­même. Le serbo-croate continue à faire l'objet d'un enseignement commun, malgré les diverses appellations officielles qu'il a désormais en Serbie et au Monténégro (serbe), en Croatie (croate) et en Bosnie (bosniaque, croate, serbe, suivant les endroits); les standards locaux présentant moins de diffé­rences entre eux que l'anglais et l'anglo-américain, ou que l'espagnol d'Eu­rope et les variétés d'Amérique du Sud. Les universités françaises où il bénéficie d'un cursus complet, à savoir Paris-Sorbonne (Paris IV), où ont été créées successivement la licence en 1985, la maîtrise en 1986, puis la men­tion « serbo-croate » pour la filière « Langues étrangères appliquées » en 1997, et I'INALCO, parlent de serbo-croate : bosniaque, croate, serbe.

En littérature, on note surtout pour les années 1980-1990 des publications des professeurs des universités. Michel Aubin, dont le doctorat d'État (1971) portait sur les Visions historiques et politiques dans l'œuvre de Petar Petrovié Njegos, prince-évêque du Monténégro, est en 1984Ie directeur d'un numéro spécial de la Revue des études slaves consacré à la Yougoslavie [LVI (1984) 3], où il apporte lui-même un article Deux expressions du sentiment slave au XIX' siècle, et organise en 1987 à la Sorbonne un colloque interna­tional consacré à Vuk Karadzié, grand réformateur de la langue littéraire serbe au XIXe siècle, pour lequel il donne une contribution « La réception de Vuk Karadzié en France au XIXe siècle» (in Vuk Stef Karadtié, 1988). C'est également aux problèmes de réception des littératures serbe et croate en France que sont consacrées deux des rares thèses soutenues au cours des vingt dernières années : La Littérature serbe contemporaine vue par la cri­tique française ( 1975-1995) de Milivoj Srebro (Bordeaux III, 1997) et Les Problèmes de la réception de Miros/av Krleta en France de Danica Rajcic (INALCO, 1986). Professeur à I'INALCO, Janine Matillon-Lasic est pour sa part une spécialiste de Krleza, phare de la littérature croate du xxe siècle, dont elle a traduit en français les principaux romans, nouvelles et poèmes, et auquel elle emprunte maints exemples pour sa thèse d'État en traductologie, Les Problèmes de la traduction littéraire du serbo-croate en français (Paris XII, 1987), et pour ses articles des Cahiers du Centre d'étude des civilisations de l'Europe centrale et du Sud-Est (INALCO), tels« Balkans et littérature: quelques méthodes d'approche du phénomène}) (1, 1983) ou « L'histoire comme prétexte à la littérature » (7, 1988). Notons que J. Matillon-Lasic a dirigé la thèse de Frosa Bouchereau (qui enseigne désor­mais le macédonien à l'INALCO) consacrée au Phénomène culturel de l'émigration: une nouvelle forme d'imaginaire (sur l'exemple de la littérature croate). Frosa Bouchereau travaille par ailleurs sur ce même phénomène dans le domaine macédonien; citons ainsi son article « L'émi­gration macédonienne (la peéalba): une nouvelle forme d'initiation ou Du fait social à la coutume», dans Littérature et émigration (1996).

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Titulaire de la chaire de serbo-croate à l'université de Paris-Sorbonne (Paris IV) depuis 1991, date à laquelle il a pris la succession de Michel Aubin, Paul-Louis Thomas a donné entre 1997 et 2000 une quinzaine de contributions sur des écrivains serbes et croates des XVIII", XIX" et xx• siècles à l'ouvrage collectif franco-belge Patrimoine littéraire européen (1992-1998), mais son domaine de recherches est avant tout la linguistique. Agrégé de russe, lecteur de français successivement en Russie, Roumanie et Yougoslavie, il a soutenu en 1986 sa thèse de doctorat sur Les Parlers russes ou lipovènes dans la Roumanie contemporaine, avant de passer à l'étude de dialectes du sud de la Serbie, éloignés de la langue standard, pour sa thèse d'habilitation à diriger des recherches Les Parlers de la ville deNis et des vil­lages environnants. Soutenue en 1990, cette thèse, première étude portant sur un parler urbain de Serbie, a été publiée en Yougoslavie en 1998, formant un numéro entier de la revue Srpski dijalektoloski zbomik (45), qui accueillait pour la première fois depuis ses débuts en 1905 une publication d'un cher­cheur étranger. Outre ses articles en dialectologie (dont« Le serbo-croate de la dialectologie rurale à la dialectologie urbaine », Proceedings of the XV/th International Congress ofLinguists, Oxford, 1998), Paul-Louis Thomas s'in­téresse au système aspecta-temporel du verbe, auquel sont consacrés des articles publiés par Le Langage et l'homme [«Aoriste, aoristique et système d'énonciation: le cas du serbo-croate », 33 (1998) 1] et les Cahiers Chronos (Amsterdam, Rodopi): «Remarques sur l'aspect en serbo-croate » (2, 1998), « Le plus-que-parfait en serbo-croate dans une approche contrastive avec le français » (6, 2000). Il étudie aussi les problèmes linguistiques et socio­linguistiques liés à l'éclatement de la Yougoslavie, ainsi dans les articles de la Revue des études slaves « Serbo-croate, serbe, croate ... , bosniaque, monté­négrin: une, deux ... , trois, quatre langues?» [LXVI (1994) 1], «Fonction communicative et fonction symbolique de la langue (sur l'exemple du serbo­croate: bosniaque, croate, serbe)» [LXX (1998) 1].

BemardLORY et Paul-Louis THOMAS