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les cahiers bleus

La révision constitutionnelleUn vrai faut débat

amina el messaoudiali bouabid

mohamed darif

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Sommaire

Le Cercle d’Analyse Politique . . . . . . . . . 1

Note de présentation . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3

L’actualité d’un débat :

• Note de Travail . . . . . . . . . . . . . . . . . 9amina el messaoudi

• Commentaire 1 . . . . . . . . . . . . . . . . . 23ali bouabid

• Commentaire 2 . . . . . . . . . . . . . . . . . 32mohammed darif

• Regards croisés . . . . . . . . . . . . . . . . . 37

Bibliographie sélective . . . . . . . . . . . . . . . . 42

Publications . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43

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LE CERCLE D’ANALYSE POLITIQUE

Le Cercle d’Analyse Politique (CAP) est un espace créé en Juin 2001, à l’initiativeconjointe de la Fondation Abderrahim Bouabid et la Fondation Friedrich Ebert.

Composé d’un cercle restreint de chercheurs marocains, cet espace de réflexioncollective s’attache en priorité à (re)-formuler les interrogations que suggère unelecture critique et distanciée de sujets politiques.

Le débat interne porte sur la discussion de la note de travail préparée par unmembre, et de deux commentaires qui l’accompagnent. Les échanges, auxquelsprennent part l’ensemble des membres font l’objet d’une présentation et d’unesynthèse qui complètent la note de travail.

Le tout rassemblé compose la présente publication appelée « Les cahiers bleus ».

Au plan méthodologique, le parti pris qui commande le choix des sujets et letraitement qui leur est réservé, dérive du regard que nous nous efforçons deporter sur l’actualité : un sujet d’actualité qui fait débat, nous interpelle en cequ’il fait fond sur des questions lourdes qu’il nous appartient de mettre au jour.Inversement, soulever d’emblée des thèmes de fond, dont l’examen éclaireautrement l’actualité immédiate.

Hans Blumenthal Larabi Jaïdi

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LES MEMBRES DU CERCLE

• Bornon Julien – Rapporteur.

• Bouabid Ali – Secrétaire Général de la Fondation Abderrahim Bouabid.

• Bourquia Rahma : Présidente de l’Université de Mohammedia.

• Darif Mohamed – Professeur à la Faculté de Droit de Mohammedia.

• El Ayadi Mohamed – Professeur à la Faculté des Lettres de Casablanca.

• El Messaoudi Amina – Professeur à la Faculté de Droit de Rabat.

• El Moudden Abdelhay – Professeur à la Faculté de Droit de Rabat.

• Errarhib Mourad – Fondation Friedrich Ebert, Rabat

• Jaïdi Larabi – Président de la Fondation Abderrahim Bouabid

• Rachik Hassan – Professeur à la Faculté de Droit de Casablanca.

• Tozy Mohamed – Professeur à la Faculté de Droit de Casablanca.

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NOTE DE PRÉSENTATION

La révision de la constitution est toujours un événement majeur dans la viepolitique d’un pays. Dans un Etat de droit, le texte constitutionnel définit en effetpubliquement les règles et les principes du régime. Il assure l’équilibre du pouvoiret organise le fonctionnement des institutions. Il est le garant d’une justerépartition des rôles et responsabilités politiques. Revendiquer une révisionconstitutionnelle n’est donc jamais insignifiant. C’est s’interroger sur une certainefaçon de gouverner. C’est dénoncer les insuffisances, parfois même lesdéfaillances, d’une mécanique institutionnelle grippée ou entravée. C’est accepterla remise en question du statu quo politique, pour laisser place à de nouvellessolutions juridiques. Or, ces évolutions peuvent s’avérer nécessaires pour répondreaux transformations sociales et politiques du pays : elles n’en demeurent pasmoins le reflet d’un pouvoir discuté, confronté à la nécessité d’évoluer et des ’ a d a p t e r. Tout débat constitutionnel n’est en ce sens jamais anodin.

Or, depuis plusieurs semaines, ce débat existe. Et il a trouvé un écho tout à faitsurprenant, peut-être excessif et disproportionné, dans le paysage médiatiquemarocain, et en particulier dans la presse non partisane, pourtant peu habituéeaux joutes et querelles politiques. La façon dont cette presse s’est d’ailleursemparée de la question constitutionnelle, avec un intérêt persistant et unengouement inattendu (jusqu’à devenir parfois l’un des protagonistes du débat),est en soi un fait qui doit retenir toute l’attention. En effet, aucune crise, aucuneurgence institutionnelle ne semblent justifier de telles discussions. Et la questiona pourtant été posée avec force, suscitant déclarations, réactions, et polémiques.

L’exercice n’est pas nouveau. L’histoire moderne de la politique marocaine atoujours été jalonnée, et même façonnée, par ce genre de controverses. Le débatactuel est donc l’avatar d’une longue tradition de discussions et de négociationssur le statut de la constitution. Pour autant, ne présente-t-il pas aujourd’huiquelques spécificités ? Quelle est son originalité ? Sommes-nous dans la reprise oula répétition d’une même logique politique, ou en présence de postures, depositions radicalement nouvelles ? Ces questions ont suscité l’intérêt des

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membres du CAP. Leurs réponses témoignent en effet des évolutions du Maroccontemporain, mais aussi des défis que rencontre actuellement le processus detransition démocratique.

Dans une note de travail, riche et documentée, A. El Messaoudi a d’abord identifiéles principaux porte-voix de ce débat et analysé leurs propositions. Après un brefrappel historique et un rapide exposé des enjeux constitutionnels, elle décrit ainsiles arguments développés par les plus fervents partisans d’une révision de laconstitution. Le principal objet de discussion reste bien sûr l’interprétation del’article XIX de la constitution et la définition des prérogatives royales. Bonnombre d’entre eux en effet défendent fermement une nécessaire évolution durégime vers une monarchie parlementaire. L’équilibre des pouvoirs serait alorsredéfini en faveur du Premier Ministre, chef du Gouvernement. Le Roi règneraitsans gouverner, sur le modèle des monarchies grecque ou espagnole, tout ens’acquittant de son rôle central de Commandeur des croyants.

Pour A. El Messaoudi, ce débat n’est pas neuf. Les positions sont connues, lesenjeux bien définis. La nouveauté est ailleurs : plus que dans le contenu lui-même, elle réside dans le statut de ceux qui portent cette discussion. Quirevendique aujourd’hui une révision constitutionnelle ? Aucun des partis issus duMouvement national, aucune force politique réellement représentative. Le débatest animé par une coalition informelle, sans unité idéologique, sans lien réel, quirassemble des partis de l’opposition parlementaire (GSU et PJD1), des quelquescomposantes de la société civile (Fidélité à la démocratie, Mouvement Amazigh,AMDH, MRCD) et quelques partis (en nombre très réduit) de l’oppositionextraparlementaire. Ces acteurs de la scène publique marocaine ne sont pasnécessairement marginaux : sont-ils pour autant représentatifs ? Sont-ilsl’expression d’une opinion commune et largement partagée ? Selon toutevraisemblance, il n’en est rien.

C’est d’ailleurs peut-être l’une des raisons qui conduit autant de radicalité dansles propos. La virulence des discours serait inversement proportionnelle au poidset à l’importance de ceux qui les profèrent. Les positions paraissent en effetparfois extrêmes, en décalage ou en contradiction avec la réalité politiquemarocaine. C’est d’ailleurs là un autre trait, inédit et original, des revendicationsactuelles : elles remettent au goût du jour une stratégie de rupture et

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1) Mme El Messaoudi souligne qu’au sein même du PJD, la question de la révisionconstitutionnelle n’a fait l’objet de déclarations que de la part de M. Ramid. La questionse pose donc de la représentativité de cette position.

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d’opposition frontale, historiquement remplacée, à partir du milieu des annéessoixante-dix, par une logique de dialogue et de négociation avec le pouvoir royal,stratégiquement privilégiée par les partis de la « Koutla ». La conclusion d’A. ElMessaoudi est claire : quelle que soit la signification qu’on lui donne, le débatactuel sur la révision constitutionnelle marque une nouvelle étape dans l’histoirepolitique du Maroc. Portées par des acteurs certes périphériques, les discussionsrenouent avec un mode de revendication plus virulent et plus tranché, mais ens’appuyant, de façon inédite, sur une presse qui n’hésite désormais plus à se saisirdes grands enjeux politiques et à mobiliser l’opinion publique.

Néanmoins, la faible représentativité des forces en présence et le manque deréalisme de leurs propositions, conduisent à s’interroger sur la crédibilité desdiscussions. Certes, le débat constitutionnel existe. Mais plusieurs raisonspourraient expliquer sa présence dans la sphère publique. Or, toutes ne luiconfèrent pas la même signification politique. Certaines explications renvoientainsi à la vie organique des partis et à leur inclination, entre ambitionspersonnelles et compétition électorale, à accepter le jeu, toujours ambigu, de lasurenchère idéologique. D’autres relèvent du dynamisme parfois confus,désordonné, chaotique, d’une société civile en pleine croissance, et des réactionspeut-être intempestives de quelques militants associatifs particulièrementrevendicatifs. Enfin, il ne serait pas surprenant que cette controverse puisse êtreentretenue, artificiellement ou non, par les tropismes et prédispositions decertains acteurs de la scène médiatique, toujours prêts à user de la liberté depresse pour affronter, par l’excès et la transgression, les affres de la compétition.Les revendications sur une révision de la constitution renverraient ainsi aux aléasde la vie politique. Dans ces conditions, d’une pertinence douteuse, d’un intérêtdiscutable, le débat constitutionnel actuel ne masquerait-il pas… le vrai débat ?

Dans leur discussion du texte d’A. El Messaoudi, M. Darif et A. Bouabid proposentchacun à leur façon un même élément de réponse. Faux débat ou pas, le débatsur la révision de la constitution n’est surtout pas le bon débat. Au cœur desdiscussions sur une éventuelle révision constitutionnelle, on retrouve d’abord lesdifficultés de la transition démocratique et les dysfonctionnements du régimepolitique marocain. Là est le vrai débat. Là sont les véritables enjeux. Lesévolutions et réformes institutionnelles proposées peuvent certes constituées unélément de réponse à ces difficultés. Mais une révision de la constitution nesemble pas, à court terme, la solution la plus évidente et la plus efficace face auxdéfis auxquels le Maroc se trouve aujourd’hui confronté.

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Mohamed Darif décrit ainsi la stratégie mise en œuvre par le pouvoir pourrépondre aux défis lancés par les avocats d’une révision constitutionnelle. Or,cette contre-offensive ne se déploie pas sur le terrain juridique, mais répond àune logique proprement politique. Pour illustrer son propos, M. Darif revient toutd’abord sur l’originalité du débat constitutionnel actuel. Il confirme lesconclusions d’A. El Messaoudi et souligne la radicalité des positions défendues : «les forces politiques et de la société civile qui revendiquent l’adoption d’uneconstitution démocratique aspirent à rompre définitivement avec la structureconstitutionnelle actuelle2 en mettant l’accent prioritairement sur l’adoptiond’une nouvelle philosophie constitutionnelle fondée sur une double critique desprincipes et des référentiels de l’actuelle constitution ». Et il poursuit : « lesforces qui revendiquent l’adoption d’une constitution démocratique qui débouchesur un régime démocratique se rejoignent, malgré la différence de sesréférentiels, autour de l’idée que le système qui concilie la monarchie et ladémocratie ne peut être que la monarchie parlementaire qui régule la dialectiqueentre le pouvoir et la responsabilité politique3 ».

Aux yeux des partisans d’une révision constitutionnelle, l’ampleur des défis àsurmonter ne doit pas seulement conduire à une simple évolution des règles du jeuinstitutionnel, mais à un véritable changement de régime. Les dysfonctionnementsdes institutions appelleraient ainsi une profonde révision de la constitution et uneredistribution inédite de l’équilibre des pouvoirs. Or, même si elle n’est pasd’actualité, cette revendication exprime un besoin d’agir qui place la monarchieface à ses responsabilités. Pour M. Darif, le pouvoir a d’abord choisi de répondresur le terrain politique, en s’appuyant sur les partis traditionnels, peu engagés dansle débat constitutionnel, et en orientant sa stratégie dans deux directions : àtravers la normalisation des relations avec les forces islamistes favorables aumaintien du régime actuel, et par le renforcement des supports politiques dusystème (grâce, notamment, à la démocratisation des partis et à la modernisationde la société). L’essentiel de cette stratégie est l’argument depuis longtempsdéfendu par le pouvoir royal, à savoir qu’il ne saurait y avoir de « démocratie sansd é m o c r a t e s ». La transition démocratique devrait, en priorité, se construireailleurs que sur une éventuelle révision de la constitution.

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2) Nous soulignons.3) Nous soulignons.

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Dans son intervention, A. Bouabid développe une série d’arguments du mêmeordre. Les revendications constitutionnelles posent des questions importantes.Mais elles dissimulent autant qu’elles trahissent le vrai débat. En effet, à sesyeux, l’enjeu ne concerne pas tant le texte même de la constitution, que lalecture politique et la pratique institutionnelle qu’il peut et qu’il doit inspirer.Ainsi le Maroc a-t-il surtout besoin d’une nouvelle culture politique, fondée surdavantage de responsabilité. Les marges existent dans le texte de la constitution.Mais les acteurs eux-mêmes doivent d’abord avoir une nouvelle conception de leurrôle, pour réussir à faire évoluer le fonctionnement des institutions. Pour AliBouabid : « ce n’est pas en effet parce que la lecture politique de la constitutionn’a donné lieu qu’à une pratique institutionnelle archaïque que toute évolutionpasse inéluctablement par une révision du texte. Le problème de l’évolution de lapratique passe davantage dans la représentation que les acteurs se font de leurrôle ». Il faut aujourd’hui promouvoir « une nouvelle culture du pouvoir quiréhabilite le rôle et la fonction du politique dans la direction des affaires de lacité ». Sans cet indispensable préalable, toute revendication constitutionnelle estcondamnée à rester une entreprise vide de sens, dénuée de véritables enjeux, etqui pourrait même s’avérer à terme contre-productive pour le renforcement de ladémocratie marocaine.

Pour les membres du CAP, les débats actuels sur la révision constitutionnelleprésentent donc un véritable intérêt. Ils constituent une étape dans l’histoirepolitique marocaine. Ils marquent une évolution très nette par rapport au jeu denégociation et de modération entretenu à l’égard du pouvoir royal par les partispolitiques depuis la seconde moitié des années soixante-dix. Il est vrai que lesacteurs du débat constitutionnel, aujourd’hui, ne sont plus les mêmes : denouveaux partis d’opposition et quelques représentants de la société civile ontremplacé les partis historiquement issus du Mouvement national. Lesrevendications se sont durcies, et les positions radicalisées. Les avocats de larévision constitutionnelle n’hésitent pas à plaider clairement, ouvertement, etavec virulence, en faveur du changement de régime : une monarchievéritablement parlementaire deviendrait la seule réponse aux défis de latransition démocratique. Même s’il reçoit un accueil sans précédent de la part dela presse et des médias, même s’il est largement entendu par l’opinion publique,cet argument, néanmoins, ne fait pas l’unanimité. Bien au contraire, le manquede réalisme des propositions défendues et la faible représentativité de leursporte-voix rendent le débat actuel souvent bien peu crédible. Ou du moins sansréelle portée politique.

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Que retenir alors de ces discussions ? La question qui les porte sans doute,davantage que la réponse qu’elles expriment. Si la révision constitutionnellesemble une issue discutable, discutée, face aux difficultés du Maroccontemporain, elle a néanmoins le mérite de poser clairement la question : quefaire aujourd’hui pour continuer à soutenir une transition démocratique entravée,freinée, peut-être même paralysée ?

julien bornon

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L’ACTUALITÉ D’UN DÉBAT

La Note de Travail

Un texte constitutionnel ne peut être immuable. Il doit être modifié en fonctionde l’évolution de la société et des nouvelles réalités sociales et politiques. Il estdonc, par définition, un texte évolutif ; c’est la raison pour laquelle touteconstitution rigide prévoit dans ses articles la procédure de sa révision4.

La « Révision » de la constitution, suivant le lexique de Droit Constitutionnel estla modification apportée à une constitution. Formellement, elle est l’œuvre dupouvoir constituant dérivé5.

Au Maroc, l’initiative de la révision de la Constitution appartient au Roi, à lachambre des Représentants et à la Chambre des Conseillers. Seulement, le Roipeut soumettre directement au référendum le projet de révision dont il prendl’initiative, alors que la proposition de révision émanant d’un ou de plusieursmembres d’une des deux Chambres ne peut être adoptée que par un vote à lamajorité des deux tiers. Des membres qui composent cette Chambre. (Articles 103et 104 de la constitution marocaine de 1996)

I- Bref rappel historique

Depuis son indépendance en 1956, le Maroc a connu cinq constitutionspromulguées respectivement en 1962, 1970, 1972, 1992 et 1996. En plus de cescinq différents textes constitutionnels, le Maroc a révisé à deux reprises deux de

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4) Voir, entre autres lexiques, le lexique cité plus ainsi que les manuels de DroitConstitutionnel pour distinguer la différence entre constitution souple et constitutionrigide, ainsi que l’importance particulière que revêt la procédure de révisionconstitutionnelle dans ce dernier cas .5) Avril (P) et Gicquel (J) : Lexique de Droit Constitutionnel, LGDJ. Paris 1999

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ses textes constitutionnels, en l’occurrence le texte de 1972 et celui de 1992.Il s’agit donc des révisions constitutionnelles de 1980 (23 et 30 mai) et de 1995 (15septembre)6.

Il est important de signaler qu’aussi bien les textes constitutionnels que lesrévisions des constitutions ont été prises par initiative royale. Il est donc clair quele Chef de l’Etat qui préside le Conseil des ministres, où le texte de la révisiondoit être arrêté, joue un rôle fondamental dans le déclenchement de la révision,comme dans la détermination de son contenu. Ce qui veut dire, d’autre part, queni le Parlement marocain ni le Premier ministre (suivant le texte de 1962) n’ontété à l’origine d’une quelconque révision constitutionnelle.

Il est pareillement utile de rappeler que toutes les constitutions marocainesinstaurent un régime de Monarchie présidentialiste, où le Roi règne et gouverne.Certes, les trois premières constitutions marocaines (1962, 1970 et 1972) avaientinstauré un net déséquilibre entre les institutions législative et gouvernementale,au détriment de l’institution représentative, le gouvernement étant legouvernement de S.M. le Roi. La constitution du 4 septembre 1992, modifiantlégèrement cette relation, avait réhabilité l’institution législative tout enconfortant la position du gouvernement.

Tout en maintenant les acquis de la constitution de 1992, l’actuelle constitution(13 septembre 1996), instaure un régime bicaméral qui fait de la Chambre desReprésentants une assemblée élue exclusivement au suffrage universel direct etconfère à la Chambre des conseillers une composition et surtout un rôle originaux.

En dépit de ces retouches sur les textes constitutionnels, le régime constitutionnelmarocain garde le même esprit, à savoir une primauté considérable à l’institutionmonarchique. De ce fait, le régime constitutionnel marocain s’éloigneconsidérablement du type de « Monarchie constitutionnelle » suivant le langageconstitutionnel occidental classique, c’est-à-dire le régime dans lequel lemonarque règne mais ne gouverne pas, une structure dans laquelle le Roi n’est enfait que spectateur du jeu politique. Ce n’est pas le cas au Maroc, où le Roi est

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6) La première révision constitutionnelle des 23 et 30 mai 1980 a fixé la majorité du Roiet les règles de fonctionnement et de composition du Conseil de Régence (art.21). Elle ade même modifié la durée du mandat de la Chambre des Représentants et la ChambreConstitutionnelle (art.43 et 95). La deuxième révision du 15 septembre 1995 a déplacé dedécembre à juin la date butoir du vote annuel de la loi de finance (art.49). Pour plus dedétails, voir El Messaoudi (A) : Réflexions sur l’équilibre institutionnel dans la nouvelleconstitution marocaine. Annuaire de l’Afrique du Nord, 1996, CNRS.pp°583-591.

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titulaire d’importantes prérogatives. La fameuse théorie de la séparation despouvoirs ne s’aurait s’accommoder de cette nature. D’ailleurs, la réponse royaleen cette matière a été livrée par feu Hassan II lors de son discours à l’occasion del’ouverture de la campagne des législatives en mai 1977 : « La séparation despouvoirs ne saurait concerner le pouvoir suprême. Elle ne se trouve qu’au niveaudes représentants des pouvoirs exécutif et législatif, en l’occurrence le Parlementet le gouvernement »

Cependant le débat d’aujourd’hui, sur la réforme constitutionnelle, porte surtoutsur cette séparation ou distribution des pouvoirs d’un côté, et sur l’article 19 dela constitution de l’autre. En d’autres termes, ce sont les attributions royalestemporelles et religieuses qui forment le centre du débat actuel sur la réformeconstitutionnelle.

Avant d’aborder les différentes positions vis-à-vis du débat sur la révisionconstitutionnelle, j’aimerais rappeler que la constitution marocaine consacre demanière symbolique le début de son préambule à la Monarchie et à l’Islam : « LeRoyaume du Maroc, Etat musulman souverain. », deux composantes qui nesauraient être sujets à révision constitutionnelle (art.106).

II- Spécificité du débat actuel sur la réforme constitutionnelle

Le débat sur la Révision de la Constitution marocaine, semble occuper,dernièrement, une large place médiatique. Ainsi la presse fait-elle écho à undiscours quasi-absent au sein des partis politiques issus du Mouvement National surl’éventualité d’une réforme constitutionnelle.

La particularité du débat actuel sur la révision constitutionnelle se perçoit, non àtravers les objets ou contenus de la réforme, mais autour surtout des auteurs decette dernière. On relève deux points à ce niveau :

1- L’absence de discours ou stratégie officiels sur toute réforme constitutionnelle;

2- La priorité de la Réforme constitutionnelle n’est plus l’apanage des partis issusdu Mouvement National, mais de certaines composantes de la société civile, ainsique de certains partis de l’extrême gauche et de l’opposition extraparlementaire.

Ainsi, les partis politiques, responsables de l’ancienne opposition et auteurs des

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importants mémorandums constitutionnels de 1992 et 1996, reportent aujourd’huila réforme constitutionnelle à un deuxième rang, consacrant ainsi la priorité auxréformes politiques.

Dans ce sens, le Secrétaire général du Parti de l’Istiqlal, M. Abbas El Fassi devantle 14 ème Congrès national du parti (29-30 mars 2003) aborde dans un cadre globalles réformes constitutionnelles tout en déclarant : « Nous aspirons aurenforcement de l’espace politique et à son épanouissement par davantage dedroits et de libertés fondamentales en procédant à l’élargissement desattributions de la Chambre des Représentants, à la reconsidération de celles de laChambre des Conseillers et au renforcement des prérogatives de l’institution dela primature. Nous demeurons attachés à S.M. le Roi au sujet de toutes lesréformes constitutionnelles et politiques escomptées »

Non loin de ce cadre, l’Union Socialiste des Forces Populaires maintient un grandsilence, dans la phase actuelle, sur toute réforme constitutionnelle. Ce quil’intéresse le plus maintenant c’est la mise à niveau de ses structures. D’ailleursla plate-forme de l’USFP du 28 novembre 2003 ne fait nullement allusion à lanécessité d’une réforme constitutionnelle.

A son tour, le parti du Progrès et du Socialisme souligne, à travers son secrétairegénéral, My Ismael Alaoui, qu’« il est vrai qu’accorder plus de poids à l’institutiondu Premier ministre figurait parmi nos sollicitations, mais actuellement et en nouscomparant à d’autres expériences plus démocratiques, on s’aperçoit que d’autresobjectifs sont plus prioritaires, tels que la lutte contre l’analphabétisme… »7. Parailleurs, et en répondant à une question sur les prérogatives royales, le SecrétaireGénéral du PPS déclare que : « le Roi endosse les erreurs du gouvernement sansêtre responsable; le gouvernement n’est pas à côté du Roi, pour l’accompagnerdans la supervision de la gestion du pays, c’est le gouvernement de Sa Majesté. LeRoi est donc le Chef du gouvernement »8

Par conséquent, un retour en sur l’importante présence de la Koutla sur la scènepolitique nous permet de dire aujourd’hui qu’à l’exception de l’OADP, la réforme

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7) Hebdomadaire Essahifa 12-18 mars 20048) Interview de M.Ismael Alaoui, Secrétaire Général du PPS, au journal Maroc hebdo inter.N° 603 du 30 avril au 6 mai 2004

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constitutionnelle ne figure pas sur le calendrier des trois autres principales forcespolitiques de cette composante.

Par contre, certains partis de l’opposition parlementaire actuelle, notamment laGauche Socialiste Unifiée (GSU) et le Parti de la Justice et du Développement(PJD), soulèvent la nécessité d’une réforme constitutionnelle. Il en est de mêmedans certaines composantes de la société civile9, ainsi qu’au sein de l’oppositionextraparlementaire10.

Si la Réforme Constitutionnelle est surtout objet de débat dans les forums associatifset certaines colonnes de la presse indépendante (ce qui constitue une nouveauté parrapport au passé des réformes constitutionnelles), l’objet des actuellesrevendications de révision s’inscrit, par contre, dans une optique de continuité.

III- Objet de la « Révision » Constitutionnelle.

En raison de cette rupture avec la tradition suivie jusqu’à présent en de pareilsdébats sur le texte constitutionnel, il est difficile d’énumérer les élémentsformant l’objet du débat actuel sur la révision constitutionnelle. Ainsi, l’appelroyal adressé aux partis politiques en vue de rédiger un mémorandum sur uneéventuelle révision constitutionnelle ne figure pas actuellement sur l’échiquierpolitique. Par conséquent, la presse fait état de deux types de revendications :pétitions à caractère secondaire, notamment certaines « réformettes » visant lesprérogatives de la deuxième Chambre du Parlement, le statut du Premierministre, celui des gouverneurs ou encore l’indépendance du pouvoir judiciaire…; et puis des pétitions qui revêtent un caractère particulier, qui concernent lesprérogatives royales, et surtout le contenu de l’article 19. La discussion est alorssurtout dirigée vers la clarification des pouvoirs et leur distribution entre le Roi etle Gouvernement.

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9) Il s’agit de l’association Alternatives, l’association Fidélité à la Démocratie, leMouvement Amazigh, l’Association Marocaine des Droits de l’Homme (AMDH) ainsi que leMouvement de Revendication d’une Constitution Démocratique. 10) Il s’agit du Parti de l’Avant-Garde Démocratique et Socialiste (PADS) et du Mouvement« Ennahj dimocrati ».

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Rappelons que les mêmes demandes avaient déjà été évoquées par certains partispolitiques à la veille de l’établissement de la première constitution marocaine(1962). Trois tendances existaient alors entre les différentes forces politiquesquant à la nature du régime constitutionnel futur : les partisans d’une monarchieconstitutionnelle au sens classique du terme, c’est-à-dire une monarchie danslaquelle le roi règne mais ne gouverne pas ; ceux qui se prononçaient en faveurd’une monarchie présidentialiste ; et enfin les partisans d’un certain équilibreentre les pouvoirs du roi et ceux du parlement.

Demander, aujourd’hui, à reconsidérer l’article 19 de la constitution incite à poserla question de la raison qui a ravivé ce débat : la dimension de plus en plus fortequ’occupe l’espace religieux au Maroc ? Ou bien le besoin de répondre au «projet » de société démocratique et moderne dans lequel s’inscrirait uneconstitution où les pouvoirs seraient équilibrés ? Dans tous les cas, n’est-ce pas lestatut religieux d’Amir Al Mouminine qui inscrit dans le pouvoir temporel lescharges royales contenues dans l’article 19 qui est à l’origine du débat ? 11

Rappelons d’abord le contenu de l’article 19 qui constitue le noyau central dutitre II de la Constitution, intitulé « De la Royauté ». Il y est affirmé que : « LeRoi, Amir Al Mouminine, Représentant Suprême de la Nation, Symbole de sonunité, Garant de la pérennité et de la continuité de l’Etat, veille au respect del’Islam et de la Constitution. Il est le protecteur des droits et libertés descitoyens, groupes sociaux et collectivités. Il garantit l’indépendance de la Nationet l’intégrité territoriale du Royaume dans ses frontières authentiques. »

Il est vrai que cet article central de la constitution marocaine, qui a fait d’ailleurscouler beaucoup d’encre12, soulève de nombreuses critiques dan le débat actuelsur la réforme constitutionnelle. Un article qualifié, par les uns, de supra-constitutionnel et par d’autres, d’une constitution dans une autre. Cependant, eten évoquant l’approche constitutionnelle, l’article 19 de la constitutionmarocaine ne s’inscrit pas dans un cadre à part, par rapport aux articles que lesautres constitutions occidentales consacrent au chef de l’Etat. En fait, quel estl’élément qui pose ici problème : la qualité d’Amir El Mouminine du Roi, ou biensa qualité de Représentant Suprême de la Nation ?

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11) Pour plus de détails à propos de l’article 19 de la constitution, voir: N. Ba Mohamed:La Réforme constitutionnelle marocaine dans la durée. REMALD. Collection Manuels ettravaux universitaires, 27. 2001, A. Mennouni : « Le recours à l’article 19 , une nouvellelecture de la constitution », RJPEM, n°15, 1984.12) Bendourou, Mossadeq, Mennouni et d’autres sur leurs manuels de Droit constitutionnelmarocain.

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Même si la réponse à cette question n’est pas nettement identifiable dans le débat encours, les approches suivies vis-à-vis de la réforme de la constitution, et notammentà l’égard de l’article 19, permettent de déceler deux lectures différentes. Lapremière, celle du Parti de la justice et du développement, qui accentue le débat surl’impact de Imarat El Mouminine sur le bon fonctionnement du régime constitutionnelmarocain. La deuxième lecture est celle qui se décèle dans les discours des partis del’extrême gauche, ainsi que dans certains forums de la société civile, qui renvoie à laredistribution des pouvoirs, notamment entre le Roi et le Premier ministre.

Il est utile d’effectuer un rapide passage en revue des différentes versions etpositions :

IV- Renforcement du statut religieux du Roi : PJD.

Tout d’abord, au sujet du débat sur la réforme constitutionnelle au sein du PJD,il est utile de souligner qu’il ne se rapporte qu’au document de M. Ramid , ex-chefdu groupe parlementaire du PJD, jusqu’à dans l’actuelle législature. Ce débat esten effet absent des autres instances du parti. En s’attaquant à l’article 19 de laconstitution, ainsi qu’à l’article 23 où il est dit que « La personne du Roi estinviolable et sacrée », Ramid déclare que « la qualité de commandeur descroyants ne fait pas de celui-ci quelqu’un d’infaillible qui n’a pas à répondre deses actes de point de vue islamique ».

Le document de Ramid, qui n’engage en fait que lui, et non pas son parti, consisteen un projet de réforme constitutionnelle articulé autour de trois axesfondamentaux : l’Islam, la monarchie et la démocratie. Trois éléments dont ilannonce une nécessaire conciliation. Effectivement, pour Ramid, il s’agit deconsolider la charia islamique comme la source suprême de la législation etd’annuler tout autre texte non conforme à ses bases et à ses préceptescatégoriques. D’autre part, selon ce dernier député, pour que le Roi n’ait pas àrendre compte de ses actes, il faut que le premier ministre et son gouvernementexercent la plénitude du pouvoir exécutif, et que la totalité du pouvoir législatifsoit du ressort du Parlement. C’est reconnaître que « le Roi en tant qu’Amir ElMouminine n’aurait pas à s’occuper de la gestion de la chose publique ».

Par ailleurs, l’ex-chef du groupe parlementaire du PJD rappelle qu’il faut que le Ro ioccupe un rôle essentiel sur la scène politique, c’est-à-dire qu’il doit garder toutesles prérogatives qui lui permettent de défendre les institutions constitutionnelles :il cite à titre d’exemple le droit de dissoudre le Parlement, celui de demander auxparlementaires une deuxième lecture d’un texte de loi, etc...

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Ce schéma qui s’inscrit, selon Ramid, dans une optique menant vers un régime de« monarchie parlementaire » est l’unique expression d’une véritable monarchiedémocratique. Ramid n’oublie pas d’évoquer qu’il ne s’agit nullement detransplanter les modèles des régimes occidentaux, mais de respecter un processusévolutif pour arriver à ce type de Monarchie, d’abord notamment le passage parl’étape de la transparence des élections, le choix du Premier ministre au seind’une majorité totale ou relative, etc…

Il est donc important de rappeler que dans une Monarchie Parlementaire, le Roin’est pas une force pesant sur la scène politique, puisque ce poids doit revenir auPrésident du Gouvernement et aux membres de celui-ci. Une monarchieparlementaire est en fait une monarchie où le Roi règne sans gouverner. On nepeut cependant pas arriver à un régime de monarchie parlementaire si le Roirègne et gouverne « parfois et dans certains domaines », comme le laisseentendre le document de Ramid.

Les autres membres du PJD ne partagent pas les mêmes opinions que celles deRamid à propos de la Réforme Constitutionnelle. Ainsi, dans le rapport introductifdu cinquième Congrès du PJD (10 et 11 avril 2004), A. Khatib, en faisant allusionaux prérogatives royales, déclare que « la bay’a est plus importante que laconstitution »13, et rappelle que « Imarat El Mouminine » existe au Maroc depuisl’ère des Idrissides. A ce niveau, « il faut différencier entre les prérogatives duRoi et celles du Commandeur des Croyants » et « Imarat El Mouminine est unacquis qu’il faut préserver »14. A la question de savoir si le Roi doit rendre descomptes, Khatib répond en se basant sur le texte constitutionnel, notamment lesarticles 23 et 28 où il est déclaré que la personne du Roi est inviolable et sacrée,et que ses messages ne peuvent faire l’objet d’aucun débat.15 Et Khatib derappeler qu’il ne s’agit nullement d’oublier les références essentielles del’adhésion au parti, à savoir le référentiel islamique, la monarchieconstitutionnelle et le non recours à la violence.

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13) Voir le journal « El Ittihad Ichtiraki » du 11 avril 2004.14) Interview de l’ex-secrétaire général du PJD, A. El Khatib à l’hebdomadaire «El Ayam»du 15-21 avril 2004. 15) Ibid

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La réforme constitutionnelle ne constitue donc absolument pas une priorité pourle PJD. Khatib estime que la sensibilisation des citoyens et leur éducation sontdeux chantiers beaucoup plus urgents et prioritaires que la Réformeconstitutionnelle. « L’approbation massive à 80% autour d’un référendumconstitutionnel est insensée dans les conditions actuelles. Sensibiliser d’abord etréformer ensuite. »16. La position de S. El Othmani, nouveau secrétaire général duPJD, se trouve dans la même optique : « la priorité pour nous est accordée à laréforme politique, la réforme constitutionnelle n’est pas à l’ordre du jour »17. A.Baha, président du groupe parlementaire du parti de la Justice et duDéveloppement, défend la même position que celle d’El Othmani en ajoutant que« l’avis émis par Mostafa Ramid au sujet de la Réforme Constitutionnelle n’engageque son auteur »18. Les mêmes propos sont d’ailleurs maintenus par A. Benkirane,président de l’assemblée nationale du parti, qui insiste sur la nécessité depréserver la formule « Imarat el Mouminine » dans l’article 1919. Tout dérapagesur cette question constituerait un risque pour le régime politique.20

On retrouve le même discours modéré chez le groupe « El Badil Lhadari » et «Lharaka Min Ajli Loumma ». La seule composante islamique qui refuse laprésence de l’article 19 est donc le groupe « Adl Wal Ihssan »21.

V- Equilibre entre les pouvoirs : Alternatives et Fidélité à laDémocratie.

Un débat sur l’équilibre entre les pouvoirs, notamment ceux du Roi et duGouvernement, est par contre présent dans les propos de certains forumsassociatifs, tels que Alternatives et Fidélité à la démocratie. En effet, A.Benamour, président-fondateur de l’association Alternatives, a précisé que touteréforme de la constitution implique la précision des pouvoirs respectifs du

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16) Ibid17) « Attajdid » du 9-11 avril 200418) Hebdomadaire « Assahifa » du 9-15 avril 200419) Rappelons que Khatib est l’un des auteurs à avoir encouragé la constitutionnalisationdu titre « Imarat Al Mouminine » dans la première constitution marocaine de 1962.20) Journal « Al Bidaoui » du 21 avril 200421) Voir les propos de Fathallah Arsalane, porte parole du groupe Adl Wal Ihssan, dansl’hebdomadaire « Assahifa » du 9-15 avril 2004

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Monarque et du Gouvernement. Pour les prérogatives royales, Benamour souligneque l’autorité du Monarque doit englober la sécurité interne et externe du pays,ce qui inclut les affaires étrangères, la chose religieuse, ainsi que les grandsdossiers avec un droit de réserve et un droit de veto. Tout le reste doit relever dugouvernement. On pourrait donc penser à une certaine inclinaison du régime versune Monarchie Parlementaire22.

Quant à l’association Fidélité à la Démocratie, c’est dans sa charte fondatriceapprouvée lors de la réunion de l’Assemblée Nationale réunie à Rabat le 27 juillet2002 que la question de la réforme politique et constitutionnelle a été soulevée.Il s’agit ainsi d’instaurer les principes d’une monarchie parlementaire en précisantles fonctions de chaque institution et tout en accordant l’essentiel desprérogatives à l’institution gouvernementale représentative d’une majoritéparlementaire. La Monarchie parlementaire est le seul modèle permettant laconciliation entre les principes de la monarchie héréditaire et ceux de ladémocratie23.

VI- Une Constitution Démocratique : AMDH et MRCD.

Selon d’autres composantes de la société civile, on passe de la demande de lamodification de l’article 19, de sa stricte application, à la revendication de sasuppression. C’est le cas, notamment, de l’AMDH et du Mouvement deRevendication d’une Constitution Démocratique .

En effet, lors du septième congrès de l’AMDH, les 10 et 11 avril 2004, sonprésident, A. Amine, a réclamé la suppression de l’article 19 de la constitutionainsi que tout article qui amènerait à concentrer le pouvoir entre les mains du Roi.Pour mémoire, le slogan dudit congrès le slogan était d’ailleurs : « Pour uneconstitution démocratique au bénéfice des droits de l’Homme »24

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22) Propos formulés lors d’un atelier organisé par Alternatives à Bouznika le 13 mars 2004et aussi à l’occasion de l’ Université de Printemps à Marrakech les 28 et 29 du même mois.23) Voir interview de M. Sassi au journal « El Mostaqil » du 14-16 mars 2003. D’ailleurs,les mêmes propos étaient déjà évoqués dans les colonnes de la presse juste aprèsl’événement de la succession.24) Pour plus de détails sur la position de l’AMDH sur la Réforme constitutionnelle, voirles deux hebdomadaires « Assahifa » du 9-15 avril 2004 et « Al Ayam » du 15-21 avril 2004

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Dans le même ordre d’idées, un projet d’élaboration d’une constitutiondémocratique a déjà été engagé par le Mouvement de Revendication d’uneConstitution Démocratique. Il est question, dans ce projet, des caractéristiques àrespecter, ainsi que des étapes à suivre, pour arriver à établir une constitutiondémocratique. Selon ce Mouvement, une constitution démocratique devraitreposer sur quatre points : la séparation des pouvoirs, le respect des garantiesconstitutionnelles, l’identité culturelle et les techniques de contrôleconstitutionnel. Pour ce qui est des étapes à suivre pour établir cette constitution,le débat varie entre la nécessité d’une assemblée constituante, d’un dialoguenational ou d’un Congrès national. L’essentiel pour ce mouvement seraitnéanmoins de faire aboutir une réforme constitutionnelle dans laquelle serontprises en considération les aspirations populaires 25.

La suppression de l’article 19 ainsi que la nécessité d’une assemblée constituantequi se chargerait d’une révision générale de la constitution actuelle sont aussi àl’ordre du jour des deux composantes de l’extrême gauche, à savoir le PADS etEnnahj addimocrati. Ces deux dernières composantes, qui adhèrent auMouvement de Revendication d’une Constitution Démocratique, ouvrent denouveau le débat sur la nécessité d’une assemblée constituante, ou à défautd’une assemblée démocratique élue qui se chargerait d’une révision générale dela constitution actuelle26.

La mise en place d’une constitution démocratique figure également dans lespropos du Mouvement Amazigh : « la constitution marocaine ne peut êtredémocratique s’il n’y a pas annonce dans son préambule de la question del’identité nationale »27. Il serait en plus question d’établir un cahier de requêtesconstitutionnelles des mouvements amazighs 28.

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25) Journée d’études organisée par le Mouvement de Revendication d’une ConstitutionDémocratique le 9 mars 2003 sur le thème : « La séparation des pouvoirs et les techniquesd’une gouvernance démocratique ».26) Voir les déclarations de M. Brahma, Vice-Secrétaire National de Ennahj Dimocrati et A.Benameur, Secrétaire du PADS, dans le journal « Al Moustaqil » du 14-16 mars 2003 27) I. Akhayat dans le mensuel « Dafatir Siyassiya », décembre 200328) Colloque Euro-Tamazgha à Bouznika les 26, 27 et 28 décembre 2003.

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La réforme constitutionnelle portant essentiellement sur le statut du Roi et surl’équilibre entre les pouvoirs semble donc présente dans les discussions descomposantes politiques citées précédemment. Cette référence figure égalementsur le futur calendrier de la « Grande Gauche Socialiste »29.

VII- Ouvertures

Nonobstant, pour réviser une constitution rigide, il faut que le pouvoir constituantdérivé exerce sa prérogative : où en est-on aujourd’hui de cette étape décisive ?

Par ailleurs, d’autres questions ont suscité le débat sur la réformeconstitutionnelle, notamment le dossier du Sahara. Ainsi, après la publication parle Secrétaire Général des nations Unes de son rapport sur la question du Sahara,le communiqué du ministère des Affaires étrangères a rappelé que « le Marocréaffirme sa disponibilité à négocier un statut d’autonomie viable et crédible aubénéfice des habitants du Sahara marocain ». Le Maroc a aussi confirmé, relèvele communiqué, ses légitimes lignes rouges qu’il ne saurait, en aucun cas,franchir. Elles concernent le respect de la souveraineté, de l’intégrité territorialedu Maroc et des bases fondamentales et constantes du Royaume30.

La nature et le degré de régionalisation au Maroc sont certes des élémentsprésents dans le débat actuel sur la réforme constitutionnelle. En fait, et suivantune presse étrangère31, un « comité maroco-français » présidé par le Conseillerdu Roi, M. Moatassime, s’est formé récemment pour débattre des possibilités deréforme constitutionnelle qui répondraient à une certaine « autonomie » devantêtre accordée à nos provinces sahariennes.

Il est vrai que les problèmes relatifs à la décentralisation et le renforcement dela régionalisation ont déjà formé des points de débat dans les instances des partisdémocratiques. Ainsi, le rapport introductif du 14ème congrès du parti de l’Istiqlal

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29) Projet de regroupement de certains partis de gauche et une association, il s’agit de laGauche Socialiste Unifiée ( GSU), du Congrés National Ittihadi (CNI), du Parti de l’Avant-Garde Démocratique et Socialiste (PADS), du Mouvement Ennahj Dimocrati et del’Association Fidélité à la Démocratie.30) Dépêche MAP – 28 avril 2004.31) Voir, journal El Pais du 24 février 2004.

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de même que l’interview accordé par Mohamed El Yazghi, premier secrétaire del’USFP, en font état tout en dévoilant l’importance de la dynamisation de ladécentralisation et le renforcement de la régionalisation32. Seulement, l’étatd’autonomie de toutes les régions marocaines a été soulevé, à la veille du 4èmecongrès de l’Union Constitutionnelle, par Alaoui M’hammedi, membre du Bureaupolitique de l’UC, en soulignant que ses opinions n’engagent que sa personne. Saréflexion va dans le sens de plaider pour l’autonomie des régions marocaines. «Le Maroc est un pays multiple géographiquement, culturellement,sociologiquement, éthiquement. Il doit être géré en respectant les spécificités dechaque région. Chaque région dispose d’un pouvoir exécutif et législatif, l’étatcentral continue à exercer ses attributions régaliennes (justice, sécurité, fiscaliténationale, défense nationale, diplomatie. etc. bref, c’est ce que AlaouiM’hammedi appelle en plaidant pour une nouvelle constitution : le Royaume deRégions Autonomes !33

Le débat constitutionnel sur le genre et le type de régionalisation à adopter auMaroc, devrait à mon sens, succéder à la solution politique retenue au sujet denos provinces sahariennes. Ce n’est qu’alors qu’une relecture de tout le texteconstitutionnel ainsi que d’autres documents, notamment la Charte Communaleet la loi sur les Régions, formeront une priorité. Le débat reste ouvert, enattendant.

Par contre, il est possible d’avancer quelques remarques sur le débat en cours surla distribution des pouvoirs entre le Roi et le Gouvernement.

En termes institutionnels, nous jugeons utile de souligner que la conversationantérieure sur la monarchie parlementaire semblait être une issue de l’investituredu gouvernement de la part de la Chambre des Représentants, important acquisdepuis la constitution de 199234. Aujourd’hui le même débat, visant le même type

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32) Voir respectivement : « L’opinion » du samedi 29 mars 2003 et « Ittihad Ichtiraki » du12 avril 2004.33) Voir Maroc hebdo. Inter. Du 30 avril au 6 mai 2004, p.834) Voir dans ce sens, Feu Abderrahmane El Kadiri : « Le projet de constitution révisée, lesdispositions nouvelles qui renforcent l’Etat de Droit ». in Révision de la Constitutionmarocaine (1992) ouvrage collectif. Imprimerie royale 1992, pp.79-85 ; voir aussi l’exposédu même professeur au colloque sur « Les réformes constitutionnelles », organisé parcertains partis d’opposition, Al Ittihad Ichtirali, 4 mars 1992,p.12

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de monarchie, semble accorder beaucoup plus d’importance aux relations entrel’institution monarchique et le Gouvernement .En fait il est actuellement questionde reconsidérer la distribution des pouvoirs surtout entre ces deux dernièresinstitutions.

Une deuxième remarque concerne la place qu’occupe le juriste dans la questionde la réforme constitutionnelle, la faible culture constitutionnelle de la sociétémarocaine devrait doter le constitutionnaliste d’un fauteuil considérable.Le constitutionnaliste peut apporter non seulement son savoir objectif, mais aussi,et beaucoup plus, son savoir en tant qu’expert et réformateur35. D’ailleurs, feuHassan II, avait souligné le rôle des juristes dans les réformes constitutionnelleslorsqu’il avait déclaré au Palais de l’Elysée devant les membres du gouvernement,le Corps diplomatique et autres acteurs, que le Maroc, qui comprenait lescritiques des juristes, allait procéder à des améliorations de sa Loifondamentale.36

La troisième observation est relative à la place des pratiques politiques commeréponse à certaines réformes constitutionnelles. L’exemple de la pratiqued’alternance (1998) est très porteur à cet égard. D’autres pratiques quidécouleraient de quelques lois ordinaires qui viendraient compléter certainsarticles constitutionnels est, de même, très significatif.

En définitive, le sort de l’applicabilité du texte suprême, condition sine qua nond’un Etat de Droit, ainsi que la réponse sur le type de « monarchie que veulentles marocains »37 sont des éléments révélateurs d’une réforme, sinon, d’uneévolution constitutionnelle au Maroc.

amina el messaoudi

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35) Voir A. Sâaf : « Politique et savoir au Maroc », SMER 1991,pp-29-30, cité par A.Lamghari « De la morale en Droit constitutionnel » in Mélanges A. El Kadiri,Représentation, Médiation, Participation dans le système politique marocain. Dar Ennajahel jadida, Casablanca, 1997, pp.105-121.36) Dernière Visite officielle entamée par feu Hassan II en France à partir du 27 novembre1985, citée par feu A. El Kadiri dans son article déjà cité en haut.37) Après deux ans de règne du Roi Mohamed VI, et en répondant à un journaliste françaissur le type de Monarchie qu’il pense appliquer, le Souverain a répondu que « Les Marocainsveulent une Monarchie forte, démocratique et exécutive » Cette expression de «Monarchie exécutive » s’inscrit, suivant les interprétations données à ce vocable dans lemême ordre que celui de « Monarchie régnante et gouvernante » Voir : « Définir laMonarchie », le Journal hebdomadaire du 15 au 21 septembre 2001.

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- Commentaire 1 -

Le thème de la révision de la constitution est récurrent dans le débat publicdepuis l’adoption de la première constitution. Il suscite aujourd’hui une activitééditoriale abondante mais pas toujours vivifiante. Par principe peu accessible àl’opinion, le débat demeure relativement cantonné au microcosme formé par lesconstitutionnalistes, la presse et une partie de la classe politique.

Sa particularité aujourd’hui tient dans au moins trois considérations :

• Comparativement aux années précédentes, le débat sur la constitution n’attiseplus les passions, ni n’exerce ce pouvoir d’attraction mobilisateur. Il ne fournitplus en effet cet identifiant fédérateur à la contestation de l’ordre établi. Moinsparce qu’il aurait changé d’objet, comme le rappelle A. Messaoudi, que parcequ’il ne figure plus au cœur d’une tension mettant aux prises la monarchie et lespartis issus du mouvement national. Tout se passe comme si les développementspolitiques qui ont marqué la décennie 1990 lui avaient ôté sa charge symboliqueet politique.

• Le débat sur la révision reste par ailleurs largement dominé par la question dela répartition et de l’équilibre des pouvoirs, qui à elle seule engage l’économiegénérale du texte, même si bien d’autres aspects actuels et futurs en confortentle motif. Autrement dit, la révision ainsi considérée ne porte pas sur des aspectsparticuliers sans incidence sur l’ordonnancement général du texte.

• Le débat sur l’équilibre des pouvoirs et sur le statut des acteurs, fait fond surtrois données contextuelles qui l’éclairent d’un nouveau jour. D’abord,l’expérience de l’alternance, à travers le compromis qu’elle est parvenue à nouer,constitue un moment d’observation privilégié du mode de fonctionnement desinstitutions et de leur souplesse d’adaptation. Ensuite, l’issue politique au dossierdu Sahara, à un moment où le projet d’approfondissement de la régionalisationdans le cadre d’un Etat unitaire reste un chantier à conduire, fait signe vers unretour à la loi fondamentale. Enfin, les révisions déchirantes que suggèrent lesévènements du 16 Mai, la progression idéologique d’un activisme de contestationrecourant à l’islam comme instance de légitimation de son action, sont des faits

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difficilement dissociables de toute interrogation sur le fonctionnement desinstitutions.

I. La pratique institutionnelle plus que la constitution.

Il n’entre pas dans le propos qui suit de détailler une à une les considérationsévoquées ci-dessus, en confrontant les enjeux qui les sous tendent. Nous nouscontenterons de souligner que si leur prise en compte dit quelque chose dumalaise de nos institutions, l’impulsion critique qui anime le débat public sur larévision de la constitution nous paraît souvent relever davantage d’une morale desintentions que d’une volonté de dessiner les contours d’une perspective politiquetangible.

Le débat sur les institutions, et notamment sur le volet relatif à l’équilibre despouvoirs, intéresse au premier chef, et de manière assez naturelle, lesconstitutionnalistes. Il reste que les interrogations que soulève la nature d’unrégime sont passibles de bien d’autres approches38. De même qu’elle ne peuventse réduire à un échange entre experts académiques dés lors que la « mécaniquepolitique » (G. Vedel) que règle la constitution donne lieu à une pratique, quin’est pas nécessairement codifiée, et qui engage les acteurs politiques. C’estpourquoi, si « la constitution joue un rôle essentiel comme une règle du jeu,même bien respectée elle ne détermine ni le terrain, ni les acteurs, ni leursmotivations ni leur jeu »39. Ceci relève davantage de la pratique institutionnelle,qui fait que des constitutions comparables peuvent aboutir à des régimespolitiques différents. Si l’on considère de surcroît le rapport ténu et pour le moinsambivalent que les acteurs politiques marocains entretiennent à la norme ded r o i t4 0, une lecture politique de la pratique institutionnelle nous sembledavantage justifiée.

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38) Voir M. Tozy : « Monarchie et islam politique au Maroc » PFNSP Paris, 1999, et aussi:« Bicaméralisme et réformes constitutionnelles » in Les Cahiers de la FondationAbderrahim Bouabid, n° 5, Mai 1994.39) G. Vedel, « Maroc : l’évolution des institutions » in Géopolitique, n°57 – 1997 p 42.40) Sur le rapport à la norme, voir la note de travail « La production de la norme au Maroc», CAP – Avril 2002. Sur « le brouillage des repères comme mode de gouvernement » voirM. Tozy : « Les enjeux de pouvoir dans les champs politiques désamorcés « in Camau (ssdir.) « changements politiques au Maghreb », CNRS -1991.

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II. Le fonctionnement déficient de l’exécutif.

Notre point de départ est fondé sur une hypothèse : la dynamique de libéralisationpolitique qu’a connue le Maroc au cours de la dernière décennie a favorisél’émergence d’un espace public exprimant de nouvelles attentes et de nouvellesdemandes de la part de l’ensemble des acteurs, que le maintien du régimepolitique dans son fonctionnement actuel est inapte à prendre en charge.

Aussi cette dynamique fonctionne-t-elle comme un révélateur des déficiences dusystème politico-institutionnel, bousculé de tous côtés, et qui peine à trouver denouveaux repères pour ajuster son fonctionnement aux exigences de la nouvelledonne. Le maintien de ce décalage se payait jadis au prix d’une compression deslibertés publiques, qui tenait lieu de variable d’ajustement permettant ausystème de perdurer. Aujourd’hui, c’est au prix d’une autodestruction du systèmepolitique que le décalage est maintenu.

Une illustration parmi d’autres du caractère intenable de cette logique nous estfourni dans le domaine de la direction de l’Etat, avec pour champ d‘observationl’équilibre dans la pratique institutionnelle entre les deux branches de l’exécutif.

L’alternance, dans sa double signification à la fois symbolique et effective, en cequ’elle a participé pleinement de cette dynamique d’émancipation, constitue unemise à l’épreuve inédite du caractère évolutif de la pratique institutionnelle et deson adaptabilité à des circonstances changeantes.

Rappelons rapidement, pour les besoins du propos, que l’alternance était porteused’une puissante charge symbolique en terme de légitimité politique. En effet,jusqu’en 1998, dans l’accès au pouvoir prévalait le principe suivant : c’est le pouvoirqui confère la légitimité, et non la légitimité le pouvoir. Autrement dit, la légitimitédes gouvernants ne résultait pas d’un mandat représentatif mais d’une procédurede nomination. L’alternance a « i n a u g u r é » une pratique non codifiée par laconstitution, ou le choix du premier ministre procède de la reconnaissance de lalégitimité des urnes : un premier ministre politique issu des rangs du partimajoritaire en sièges, responsable à la fois devant le Roi et devant la Re p r é s e n t a t i o nnationale, investi d’un mandat pour l’action4 1 et pour la conduite des réformes.

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41) C’est ainsi qu’il est permis d’interpréter la volonté qui sous-tend la fameuse phrasedu roi défunt sur la « crise cardiaque » ainsi que les multiple appels à la mobilisation pourles réformes qui l’ont accompagnée. C’est dans le même esprit que nous comprenons laveine volontariste contenue dans la première déclaration de politique générale prononcéepar le premier ministre devant le parlement à l’issue de son investiture.

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Ce n’est pas tant la réalité d’un pouvoir exécutif partagé qui méritait attention,que la pratique institutionnelle entre les deux branches de l’exécutif qui allaitnaître de cette expérience inédite. De ce point de vue, force est d’observer quela pratique institutionnelle aux différentes étapes de l’alternance n’est pasparvenue à organiser sous la forme d’un compromis dynamique, la cohabitationentre l’art. 19 et l’art. 2 42.

Le paradoxe que met à jour ce décalage entre le projet d’édification « d’unesociété démocratique et moderne » et une pratique institutionnelle qui enconsacre la négation, est d’abord le signe d’un profond malaise que révèlel’insatisfaction de tous les acteurs. Un paradoxe qui, par certains aspects, prendles allures d’une impasse dans la configuration politique actuelle.

En recourant à un premier ministre qui n’est pas issu des rangs de la majorité, etqui ne dispose d’aucune légitimité propre, l’expérience politique actuelle met enscène un second paradoxe qui achève de brouiller la lisibilité du paysageinstitutionnel. L’interventionnisme Royal, dans ses manifestations les plusrécentes, s’exerce indistinctement sur le terrain des réformes, et s’organise enmarge des circuits politiques gouvernementaux, tout en s’appuyanttechniquement sur l’administration. Il semble donc paradoxalement indifférent auprofil du premier ministre et de la légitimité qui le porte. En rabaissant de la sortel’autorité politique de l’institution du premier ministre, il n’en altère pas moinsla seule légitimité dont ce dernier procède !

En plaçant la responsabilité politique – notamment en terme de bilan de gestion-sur le dos du gouvernement et non du premier ministre – qui n’a d’existencepolitique que formelle en tant que « chef de la majorité »- il déplace le curseurdu fusible et précipite la décrédibilisation de la classe politique !

Ce schéma de fonctionnement institutionnel, qu’autorisent les survivances d’unerégulation autoritaire du champ politique, nous semble politiquement intenable ettechniquement inefficace.43

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42) Voir les développements sur le renforcement du rôle du gouvernement au terme desdispositions de la constitution version 1996 in M. A Benabdallah : « Propos sur l’évolutionconstitutionnelle au Maroc » Remald n°36, 2001 p. 12 et s.43) La pression de l’urgence, l’opacification des lieux de décisions, la défaillances desoutils de gestion et de coordination de l’action publique qu’il accentue, ouvre la voie àl’improvisation dans la gestion des réformes.

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Il a en dernier ressort abouti dans l’exercice du pouvoir exécutif, et sur le terrainde l’action réformatrice, à un découplage entre l’autorité et la responsabilité44 :l’asymétrie dans le périmètre des attributions à la fois constitutionnelles eteffectives entre les deux branches de l’exécutif semble en effet inversementproportionnelle à l’asymétrie dans le domaine de la responsabilité politique.Certes, si l’irresponsabilité du chef de l’Etat ne saurait être invoquée dès lors quesa légitimité transcende le texte de la Constitution, il n’en demeure pas moins quele contraste est d’autant plus saisissant que pour la première fois, laresponsabilité politique du premier ministre Youssoufi, elle, était engagée !45

Les manifestations d’une telle dissociation sont bien connues pour être décrites4 6, demêmes que les conséquences d’un tel fonctionnement. On retiendra parmi lessymptômes : l’opacification du système de décision qu’elle accentue, l’oscillationentre la paralysie et la politique du plus petit dénominateur commun qu’elle organise,et enfin l’activisme désordonné auquel elle condamne dans la conduite des réformes.

III. Révision de la constitution et monarchie parlementaire :réponse ou posture ?

Tout cela serait-il fondamentalement inscrit dans la pratique institutionnelle aupoint de ne pouvoir en envisager le dépassement autrement que par une révisionde la constitution, dans le sens d’un régime parlementaire ?

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44) Je me permets de renvoyer à notre article «De l’argument d’autorité à l’autorité del’argument » in « Libération » du 3 Août 2001.45) Si l’on ne peut parler de « dyarchie » ou « d’exécutif bicéphale » par allusion aurégime de la cohabitation en France, pour caractériser la situation marocaine au motif queles compétences constitutionnelles des deux branches de l’exécutif ne sont pas clairementdéfinies et séparées, comme le défend M. Torrelli cité par M. A. Benabdallah in « «L’institution gouvernementale : autonomie et subordination » Remald n°32 ; 2000, p. 14;on peut en revanche soutenir que le contexte inédit de l’alternance eut pu engendré unepratique institutionnelle qui s’en rapproche sans nécessairement en figer les termes parune révision de la constitution. Après tout, la constitution de la Vème république, réviséeen 1962, clarifie certes davantage les prérogatives des deux branches de l’exécutif, maiselle n’en a pas moins donnée lieu à des « dérives monarchistes » des institutions et àl’inverse s’est accommodée de cohabitations conflictuelles que les dispositionsconstitutionnelles n’ont pas permis à elles seules d’éviter ! Nous ne partageons pas lepoint de vue développé par Torelli.46) Nous renvoyons le lecteur à toute la littérature notamment journalistique, « legouvernement de l’ombre » ? le rôle des commissions royales des fondations. Etc.…

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La réponse ne nous semble pas relever de l’évidence, loin s’en faut. Car si a priori,organiser et codifier l’équilibre des pouvoirs entre les deux branches de l’exécutifparticipe d’une logique de «parlementarisation» du régime, elle ne peut s’y réduire.

A. Messaoudi relate l’essentiel des positions des acteurs, et notamment lestenants d’une révision de la constitution dans le sens qui vient d’être évoqué.

Cette thèse mérite discussion sur les points suivants :

- Elle renvoie dans ses finalités et dans la motivation de certains qui la portent, àune attitude qui peut paraître antipolitique au sens où elle confond les principeset la politique47, et dilue cette dernière dans une forme d’intransigeance morale.

- Elle repose sur une critique radicale du pouvoir née sous les auspices de ladissidence de gauche. Marquée par les années de plomb, elle nourrit un soupçonpermanent à l’endroit de tout lieu de pouvoir, assimilé à ses formes extrêmes, etdonc à l’égard des transformations dont il serait à l’origine. La revendication d’unemonarchie parlementaire est au mieux volontiers présentée comme une utopieconstructive. Dans la majorité des cas, elle correspond davantage à la volonté demarquer une prise de position en énonçant des principes forts, sans forcément enapprécier les implications effectives et encore moins les conditions de possibilité.

Ce n’est en effet pas parce que la lecture politique de la constitution n’a donnélieu qu’à une pratique institutionnelle archaïque, que toute évolution passeinéluctablement par une révision du texte. Le problème de l‘évolution de lapratique réside davantage dans la représentation que se font les acteurs de leurrôle.

Du côté des partis politiques et des organisations qui revendiquent une telleévolution, rien ne permet d’affirmer qu’un renforcement, par voie de révision dela constitution, de la place du premier ministre impliquera de facto une pratiqueinstitutionnelle plus respectueuse de la fonction gouvernementale. D’abord parceque les premiers concernés, à savoir les partis traditionnels, ne revendiquent riende tel pour le moment. Plus encore, aucun signe avant-coureur dans leurpositionnement politique au sein du gouvernement n’est perceptible en faveur duchoix de cette direction. Ce serait même actuellement plutôt le contraire. QuandM. Ismaël Alaoui dit en substance « que le Roi est le chef du gouvernement »,

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47) Les principes ne font pas une politique, même s’ils en guident l’action. Voir pour unapprofondissement de cette question l’article précurseur de M. Gauchet : « les droits lel’homme ne sont pas une politique » Le Débat - n°3 – 1980.

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il ne fait que prendre acte d’une situation à la consolidation de laquelleconcourent, dans la pratique quotidienne de l’action gouvernementale, et sous lesespèces d’un consensus conservateur, toutes les composantes de la coalition.

A cet égard, il n’est pas indifférent de relever dans les discours et prises deposition des acteurs, le contenu donné aux « réformes politiques » et aux «réformes constitutionnelles ». L’aperçu que nous en livre A. Messaoudi enrapportant leur propos est éloquent à plus d’un titre. De leur propos, on comprendqu’il s’agit de deux chantiers séparés, et qu’aujourd’hui la priorité serait auxréformes politiques ! Cette curieuse distinction, discutable en soi aux planspratique et conceptuel, confine à l’absurdité quand l’invocation des réformespolitiques ne recouvre qu’un contenu vague et plutôt restrictif. Comment en effetne pas voir que derrière cette notion peut se loger une nouvelle façond’appréhender la pratique du pouvoir politique dans la gestion des affairespubliques ? Les réformes politiques ne peuvent être comprises comme de seulesmesures ponctuelles à prendre. L’expérience de l’alternance a offertl’opportunité d’en enrichir le contenu. Elles suggèrent une nouvelle culture dupouvoir qui réhabilite le rôle et la fonction du politique dans la direction desaffaires de la cité. C’est dans la préparation, la conduite et le suivi des reformesque se lit aussi la dimension politique du pouvoir. Cette dernière peut se déclinerdans le quotidien de l’action gouvernementale. Qu’il s’agisse des rapports àl’administration, de l’agenda du gouvernement, de la coordination de l’action,des modalités de l’arbitrage politique etc… Il n’est pas un aspect de la machineriegouvernementale qui ne se prête à une lecture politique.

S’agissant du lien à établir entre les « réformes politiques » et les « réformesconstitutionnelles » : si à présent on fait droit à cette acception plus dynamiqueet plus appliquée des réformes politiques qui ouvre la voie à une pratiqueinstitutionnelle plus conforme aux intentions déclarées, on relègue le débat sur larévision constitutionnelle au second plan. Car l’enjeu du débat sur l’équilibre despouvoirs est avant tout un enjeu politique.

Comment, dans cette configuration et en l’absence d’une telle appréhension,entretenir de manière crédible et à court terme, la perspective d’uneémancipation de la fonction gouvernementale caractéristique de l’aboutissementaccompli d’une monarchie parlementaire ?

La revendication d’une révision de la constitution dans ce sens est d’abord uneépreuve pour la classe politique qui doit être en mesure politiquement de la porter.

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Cette épreuve suppose qu’au préalable les politiques manifestent des signes tangiblesde maturité (en termes d’organisation, de fonctionnement, de sélection descandidats….) qu’exige l’immersion brutale dans le régime de la responsabilitépolitique, consubstantiel à tout schéma parlementaire. Une responsabilité politiquequi, de surcroît, devra être engagée sur le terrain des réformes dans un contexte de« vaches maigres », où l’effort de redressement qui reste à conduire passenécessairement par des mesures impopulaires. Il n’est pas interdit de penser qu’unetelle option en vienne paradoxalement à ruiner le projet démocratique qu’elleentendait précisément promouvoir ! L’on ne peut manquer de trouver déjàinquiétante à la fois l’incrédulité et la distance qu’affichent une partie de nosconcitoyens vis à vis du discours sur l’urgence des réformes à entreprendre ! Il y a donclieu de prendre au sérieux le scepticisme –voire le désarroi - de ceux que risque de «l a s s e r » une liberté de parole dont les effets ne changent rien à leurs conditionsd’existence.

Enfin, dernier risque que comporterait le régime parlementaire dans l’état actuel dela culture et du système politique : en soumettant l’exécutif aux humeurs d’uneassemblée éclatée et donc incertaine, il l’affaiblirait sans remplacer les pouvoirsdésormais défaillants du gouvernement par ceux que le parlement est loin de détenir,en termes de contrôle de l’action administrative, et de capacité de proposition.

Nous sommes loin de la configuration d’un gouvernement fort et responsable porté parune majorité claire, et disciplinée dans le respect de la séparation des fonctions !

Du côté de l’institution monarchique, nous soutenons l’idée que la constitution dansses dispositions actuelles, qui fait du Roi la « clé de voûte des institutions », necondamne pas à l’archaïsme. Elle autorise une pratique institutionnelle quis’accommoderait d’une meilleure répartition des pouvoirs, qui ouvrirait la voie à uneséparation fonctionnelle des institutions. A moins de considérer la lecture gaulliennedes institutions de la Vème république comme anti-démocratique, en dehors del’élection du président de la république, la pratique institutionnelle inaugurée par lefondateur de la Vème République ressemble à s’y méprendre sur bien des aspects àcelles en vigueur au Maroc. De la prééminence absolue du chef de l’Etat en tant quechef effectif du gouvernement et expression de l’unité de la nation, jusqu’auxprocédures de nominations aux hautes fonctions publiques, en passant par le rôle dupremier ministre, le président détient tous les leviers et exerce tous les pouvoirs quelui confère l’autorité du suffrage universel.4 8

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48) Parmi la littérature abondante consacrée au Général de Gaulle, voir une critiqueactualisée dans N. Tenzer : « La face cachée du Gaullisme » Hachette – 1998 – p 137 s.

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Si hors période de cohabitation, cette pratique institutionnelle ne lui a pas survécu4 9,c’est bien aussi la preuve que la constitution française de 1958 s’est prêtée àdifférentes interprétations et a ainsi montré une formidable capacité d’adaptationaux circonstances changeantes. Surtout, elle est parvenue à asseoir les fondementsd’un régime à la fois légitime et efficace.

Au Maroc, s’agissant des pouvoirs du chef de l’Etat, et notamment de l’article 19, A.Messaoudi évoque les termes d’un débat portant sur le statut d’Amir al Mouminine etde celui de représentant de la nation. Est en cause ici, la portée de la doublelégitimité dont se réclame l’institution monarchique. Il est un fait que la monarchie,dans ses actes, excipe simultanément ou alternativement de ces deux registres delégitimité. Le Roi est à sa façon, un concentré de religion à visage politique5 0. Ilréfracte une puissance supérieure matérialisée par ce pouvoir d’incarnation d’essencehétéronome, grâce auquel il relaie parmi les hommes l’ordre divin.5 1 Cette légitimitéreligieuse qu’il détient en propre, pare l’institution monarchique de sacralité et placeson autorité dans une position d’éminence telle qu’elle soit fondée à se subordonneret le champ religieux et le domaine séculier. L’idée sous-jacente est bien que, c’estaussi au titre de Amir al Mouminine qu’il est Représentant suprême de la nation.

Ainsi le statut d’Amir al Mouminine ne peut être conçu autrement que dans uneposition supérieure, à défaut d’être vidé de sa puissance d’incarnation. Il peuttoutefois s’exercer autrement. On comprend aisément que le reflux de l’empriselégislatrice du religieux alimente une contestation politique en ce sens comme lemontre A. Messaoudi.

Par ailleurs, la séparation claire des deux registres de légitimité paraît tout autantimprobable dans la conjoncture politique actuelle. Leur fusion étant à la base de laprééminence de l’institution monarchique, rien n’interdit cependant que la pratiqueévolue vers une plus grande prise en compte des velléités d’émancipation desdifférents acteurs de la scène politique.

ali bouabid

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49) Même si F. Mitterrand auteur du « coup d’Etat permanent » a contribué à redonnerun contenu à cette « dérive monarchiste » dans la pratique institutionnelle. 50) La métaphore du corps politique qu réside dans le corps du roi est fortementsuggestive.51) Voir l’analyse de la relation de pouvoir gouvernants/gouvernés M. Tozy : « Monarchieet islam politique au Maroc » PFNSP Paris , 1999

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- Commentaire 2 -

La revendication de la révision de la constitution ne date pas d’aujourd’hui. Eneffet, depuis l’adoption de la première constitution de 1962, certaines forces del’opposition continuèrent à mettre à l’ordre du jour une révision constitutionnelleà même de doter le pays d’un régime politique fondé sur l’équilibre des pouvoirs.Mais c’est la Monarchie qui devait prendre l’initiative de réviser la constitution.Cette révision s’est faite dans deux cas. Le premier a consisté à dépasser lescontradictions entre le pouvoir et l’opposition, comme cela s’est illustré en 1970et 1972. Et le deuxième cas a trait à la tentative de récupérer les forces del’opposition pour contrecarrer un ennemi commun, comme ce fut le cas en 1992et 1996. Ceci dit, quelle nouveauté porte en elle la revendication de la révisionde la Constitution sous le règne de Mohammed VI ? Et quelle est la stratégie de laMonarchie face à cette revendication ?

I. Les nouveautés : la rupture avec la structureconstitutionnelle actuelle

Actuellement, la revendication de la révision constitutionnelle de la part des forcespolitiques et de celles de la société civile se distingue par le passage d’une révisionpartielle à une révision globale. Cette tendance dépasse le cadre d’un amendementdes textes actuels pour embrasser la mise en œuvre et l’adoption d’une nouvelleconstitution dont l’esprit incarnera une rupture totale avec la structureconstitutionnelle telle qu’elle se présente depuis 1962. Cette rupture devra se faireà travers deux démarches. L’une consiste à adopter une constitution démocratique,et l’autre consiste à mettre en place un régime politique démocratique.

1.1. Une constitution démocratique : les principes et les référentiels.

Les forces politiques et de la société civile qui revendiquent l’adoption d’uneconstitution démocratique aspirent à rompre définitivement avec la structureconstitutionnelle actuelle en mettant l’accent prioritairement sur l’adoptiond’une nouvelle philosophie constitutionnelle fondée sur une double critique desprincipes et des référentiels de l’actuelle constitution.

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Dans ce cadre, le Mouvement de la revendication d’une constitutiondémocratique, formé de forces politiques et d’associations de la société civile,critique ouvertement les principes de base de l’actuelle constitution, qui estconsidérée comme non démocratique dans la mesure où elle ne reflète pas uneréelle séparation des pouvoirs. Ce texte ne définit pas, non plus, les garantiesconstitutionnelles, ni l’identité culturelle et ne présente aucun outil de contrôleconstitutionnel. Cependant et malgré l’unanimité autour des principes, cemouvement n’a pas encore élaboré une vision claire de la notion et des principesd’une « constitution démocratique » puisqu’il y a confusion entre d’une part laséparation des pouvoirs et d’autre part l’identité culturelle ou le contrôleconstitutionnel.

Cela étant dit, nous croyons que la revendication d’une constitution démocratiquedoit se baser sur les principes qui fondent ce type de constitution. Ce sont, eneffet, trois principes majeurs qui font défaut dans l’actuelle constitution :

• la séparation des pouvoirs, qui réconcilie les libertés du gouverné etl’autorité du gouvernant ;

• l’alternance du pouvoir, qui organise les rapports entre la majorité et laminorité;

• la primauté de la constitution, qui garantit la souveraineté de la loi.

En ce qui concerne le deuxième volet relatif à la critique du référentiel, larevendication d’une constitution démocratique ne doit pas se limiter aux principesde base de la constitution marocaine. Elle doit s’étendre également auréférentiel. En effet, la constitution marocaine présente deux référentiels. Il y ad’abord un référentiel traditionnel basé sur la théorie politique islamique et surla vision sultanienne du pouvoir. Ensuite, est présent le référentiel moderneinspiré de la vision centralisatrice de la constitution française de la Vèmerépublique et de deux visions annexes basées sur les principes des droitsindividuels et sur la théorie orléaniste consacrant la double responsabilité dugouvernement devant le Roi et devant le Parlement. L’utilisation de ces deuxréférentiels moderne et traditionnel a débouché sur une spontanéité quant à lamise en place de deux fonctions essentielles : une fonction déclarée incarnée parle rôle central de l’institution monarchique et une fonction effective consacrantla primauté de cette institution.

Dans le cas de la constitution marocaine, l’utilisation d’un référentiel modernesert la consécration de l’esprit traditionnel du pouvoir. A partir de là, la critique

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des référentiels constitue un préalable à toute révision constitutionnelle. C’estdans ce cadre que s’inscrit la revendication de l’AMDH par rapport à l’abolition del’article 19 qui, selon elle, ne dote pas uniquement le Roi de larges pouvoirs, maisrenforce également le référentiel traditionnel, en contradiction totale avecl’esprit d’une constitution démocratique.

1.2. La revendication d’un nouveau régime politique ou la dialectique entrele pouvoir et la responsabilité politique.

La revendication de l’adoption d’une nouvelle philosophie constitutionnelledébouche sur la rupture avec les principes de base et les référentiels de l’actuelleconstitution pour mettre en place un régime politique démocratique dans le cadred’une monarchie parlementaire. Dans ce cadre, il faut dire que plusieurs forcespolitiques ont revendiqué l’instauration d’une monarchie parlementaire, commece fut le cas de l’USFP lors de son troisième congrès de 1978. Et même si ce partis’est rétracté par la suite, d’autres forces, à l’instar de l’OADP ont continué à lerevendiquer. Mais on constate actuellement que des forces politiques divergentestelles que la GSU, Fidélité à la démocratie, Alternatives ou encore Al Badil AlHadari et une fraction du PJD (lors de son quatrième congrès) se rejoignent danscette même revendication.

Les forces qui revendiquent l’adoption d’une constitution démocratique quidébouche sur un régime démocratique se rejoignent toutes, malgré la différencede référentiels, autour de l’idée que le système qui concilie la monarchie et ladémocratie ne peut être que la Monarchie parlementaire qui régule la dialectiqueentre le pouvoir et la responsabilité politique. Donc, la différence majeure entreles systèmes autoritaire et démocratique, qu’ils soient républicains oumonarchiques, est bel et bien la responsabilité politique.

II. La contre- stratégie du pouvoir.

On peut dire qu’il existe bel et bien une contre-stratégie du pouvoir qui vise àcontrecarrer les objectifs de tous ceux qui veulent opérer une rupture avecl’actuelle structure constitutionnelle. Il est cependant clair que le pouvoirpolitique est prêt à réactualiser la constitution, notamment en y incorporant ladimension régionale, sans pour autant porter atteinte à la nature même durégime. Cette contre-stratégie est soutenue par d’autres forces politiques quin’accordent pas la priorité à la révision constitutionnelle. Or, cette contre-

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stratégie s’exprime à deux niveaux : la normalisation avec les forces politiquesislamistes qui défendent l’actuel régime et le renforcement des supports durégime politique

2.1. Normalisation avec les forces islamistes défendant l’actuel régime.

Le Roi Mohammed VI a une vision claire par rapport à la nature du régime politiqueauquel il aspire. Depuis le mois de juin 2000, il a refusé toute similitude entre lerégime politique marocain et le régime espagnol. Il a ainsi défini la nature durégime en tant que Monarchie exécutive (entretien accordé au Figaro enseptembre 2002). Cette monarchie exécutive n’est ni parlementaire, ni àcaractère semi-présidentiel. La volonté royale de dénier au régime un caractèresemi-présidentiel a donc conduit à la désignation en octobre 2002 de Driss Jettouau poste de Premier ministre à la place d’Abderrahmane Youssoufi.

Et dans le cadre de la consécration de la Monarchie exécutive et de l’endiguementdes forces adeptes de la rupture, le pouvoir a essayé de normaliser ses rapportsavec les forces islamistes qui défendent le régime monarchique comme lemouvement Attawhid Wal Islah et ses prolongements au sein du parti de la justiceet du développement. Ainsi, et juste après le décès de Hassan II, Ahmed Raïssouni,ex-premier président du mouvement devait définir sa position par rapport à lanature du régime politique en écartant, dans une interview accordée en août 1999au journal Attajdid, l’idée de l’instauration d’un régime parlementaire àl’Espagnole ou à la Britannique, car, selon, lui, le pouvoir du Roi est consacré parl’Histoire et que la Monarchie marocaine est une monarchie qui règne et gouvernecomme stipulé dans la constitution et comme l’avait démontré Hassan II.

La position d’Attawhid Wal Islah a été relayée par le PJD. En effet, lors dudiscours d’ouverture du cinquième congrès tenu les 10 et 11 avril 2004, le Dr.Abdelkrim Khatib avait insisté sur la nécessité de s’attacher et renforcer laCommanderie des croyants, à défendre le régime de la Monarchie exécutive tellequ’elle est pratiquée par le Roi Mohammed VI. Ainsi, le PJD a écarté toute idéede révision constitutionnelle

2.2. Priorité au renforcement des supports du système.

Le deuxième niveau de la contre-stratégie mise en place par le pouvoir s’illustreà travers le transfert de la lutte pour la réforme vers le domaine d’action despartis politiques. Ainsi, et avant d’entamer la réforme constitutionnelle, la

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priorité est donnée au renforcement des supports du système tant du point de vuepolitique que socio-culturel.

En ce qui concerne les supports politiques, le Roi Mohammed VI a pu réorienter laréforme en insistant notamment sur la mise à niveau des partis politiques en lieuet place de la mise à niveau du régime. Ainsi, et depuis son intronisation, il n’acessé de revendiquer la démocratisation des structures des partis politiques.Cette revendication trouve son illustration dans le projet de loi relatif aux partisqui sera soumis prochainement au Parlement. Cette réorientation a été au centrede l’idée avancée par le Roi selon laquelle « Il n’y a pas de démocratie sansdémocrates ». Cette idée vise en priorité les forces qui soutiennent la ruptureavec les structures constitutionnelles actuelles. Donc, avant d’élaborer uneconstitution démocratique et avant de mettre en place un régime démocratique,il est nécessaire que les forces politiques, elles-mêmes, se démocratisent.

Sur le plan des supports socioculturels, le discours officiel tend à utiliser lesnotions de modernité et de citoyenneté. Ce qui veut dire que la priorité doit êtreaccordée à la modernisation de la société, à la rationalisation et à la propagationde la citoyenneté. Car sans cela, la révision constitutionnelle serait sans effet.

Accorder la priorité au renforcement des supports du régime au lieu de sa réformeest incarné par le slogan de « projet de société moderne et démocratique ». Ceslogan insiste en particulier sur la démocratisation des partis et sur lamodernisation de la société.

D’autre part, si certaines forces rejoignent objectivement la contre-stratégie dupouvoir, en défendant en particulier le régime monarchique, comme c’est le casdu PJD, d’autres partis de l’actuelle majorité gouvernementale, comme l’USFP,l’Istiqlal ou le PPS, adhèrent spontanément à cette contre-stratégie, ne serait-ceque dans son deuxième volet relatif au renforcement des supports du régime,notamment pour l’élargissement des libertés individuelles, comme l’a soulignéAbbas El Fassi. De son côté, Ismaïl Alaoui n’a pas hésité à accorder la priorité à lalutte contre l’analphabétisme. De même que Mohamed Elyazghi a insisté sur ladynamisation de l’actuelle constitution au lieu de sa révision.

mohamed darif

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- Regards croisés -

Pour les membres du CAP, sous sa forme actuelle, le débat sur une éventuellerévision de la constitution ne possède ni légitimité ni même crédibilité. La pressea beau leur offrir de vastes tribunes, les avocats d’une réforme constitutionnelleparaissent aujourd’hui trop marginaux et souvent, trop radicaux, pour donner uneréelle portée politique à leurs propositions.

Le débat semble de toute façon tranché. Les déclarations royales laissentdifficilement planer le doute. Sa Majesté Mohamed VI a rappelé à plusieursreprises, depuis son accession au trône, le besoin d’une « monarchie exécutive »pour le Maroc. La transition démocratique est en marche. Mais elle doit êtreconduite de façon sereine, maîtrisée, et responsable. A la lumière de la réalitésociopolitique marocaine, il n’est d’ailleurs peut-être pas souhaitable d’engagerle régime dans une aventure constitutionnelle qui pourrait s’avérer périlleuse...Une réforme d’envergure des institutions, par une révision de la lettre même dela constitution, pourrait en effet précipiter le Maroc dans une situation instable,précaire, mal définie, et potentiellement dangereuse. Le régime n’est peut-êtrepas mûr pour une telle métamorphose. Les institutions démocratiques semblentavoir davantage besoin d’éprouver leur solidité pour se renforcer et se pérenniser.Elles doivent continuer à fonctionner et à se développer pour démontrer leursforces, leurs failles et leurs faiblesses. L’heure n’est pas aujourd’hui à uneéventuelle révision constitutionnelle.

Et pourtant le débat existe... La véhémence des discussions, et l’attentionqu’elles ont suscitée, témoignent à leur façon des évolutions et desrecompositions de la scène politique marocaine. Les épreuves, ou même lessimples défis, rencontrés par le régime au cours des dernières années ont pu jeterle doute sur sa capacité à les surmonter. Les difficultés du gouvernementd’alternance, les incertitudes de la succession dynastique, les dramatiquesévénements du 16 mai… Nombreux sont les facteurs de changement et denouveauté qui ont pesé sur les transformations du Maroc contemporain. Face à cesdéfis et à ces difficultés, les revendications en faveur d’une révision de laconstitution témoignent d’un besoin de faire évoluer les règles du jeu. Ellesexpriment une volonté d’adapter les institutions marocaines aux bouleversements

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politiques et sociaux, et d’apporter une réponse aux dysfonctionnements, voireaux reculs, de la transition démocratique. Car au sein du CAP, le constat futu n a n i m e : après plusieurs années d’espoir, d’enthousiasme et d’esprit deréforme, le Maroc traverse une période difficile, marqué par un certain sentimentde malaise et de désarroi. C’est sur la base de ce constat, largement partagé parl’opinion, que les avocats de la réforme constitutionnelle ont sans doute suscitél’attention et réussi à donner écho à leurs discussions.

Certes, le débat actuel, tel qu’il fut porté et animé par ses partisans, offre uneréponse inadaptée aux difficultés du processus démocratique : la stratégie derupture, adoptée en outre par des groupes d’opposition minoritaires, semble pourle moment une voie sans issue, stérile, et même, peut-être, contre-productive,pour faire progresser toutes les réformes démocratiques dont le Maroc a besoin.Le débat, tel qu’il est posé aujourd’hui, a donc peu de chance d’aboutir. Lerecours à une révision constitutionnelle doit-il pour autant être disqualifié ? Unediscussion en profondeur et une éventuelle modification de la constitution nepeuvent-elle être une voie possible pour apporter quelques éléments de réponseaux difficultés de la transition démocratique ? Quelle place réserver au texteconstitutionnel dans les réformes à mettre en oeuvre pour construire le Marocmoderne, juste et égalitaire, attendu, espéré, par l’ensemble de la populationmarocaine ? C’est autour des réponses apportées à cette question que les débatsentre les membres du CAP se sont organisés. Les discussions se sont en effetspontanément et informellement articulées autour d’une seule et même idée : lerôle que serait susceptible de jouer une révision de la constitution dans lanécessaire et indispensable transformation des pratiques politiques. Les positionsdes uns et des autres se sont alors fréquemment distribuées autour de deuxl o g i q u e s : celle des ardents défenseurs de la souveraineté du texteconstitutionnel, et celle, plus pragmatique, des avocats d’une autre pratiqueinstitutionnelle, préférant, à la logique juridique, la valeur du fait politique.

Ainsi, pour les « constitutionnalistes », le texte constitutionnel doit rester lacolonne vertébrale de l’Etat de droit. Sa puissance normative, inégalable, devraitlui conférer une dimension primordiale, prééminente, et un rôle central, décisif,dans le mode de fonctionnement du pouvoir. Malheureusement, force est deconstater que ce n’est aujourd’hui pas le cas. Le texte actuel présente quelquesambiguïtés qui peuvent devenir source de confusions ou d’approximations. Laliberté interprétative devient alors la règle, laissant la constitution vulnérable àdes lectures aléatoires, variant au gré des circonstances historiques et des

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impératifs politiques. Des aménagements sont possibles pour donner à ce textedavantage de cohérence et de précision. Une révision deviendrait alors un recourslégitime pour conférer plus de force et donc, plus de respect, à la constitution.Dans ce contexte, les juristes et les constitutionnalistes devraient être davantageconsultés et mobilisés pour renforcer la logique du texte constitutionnel etl’adapter aux évolutions de la réalité politique marocaine. Seul un texte à la foisfidèle aux modes traditionnels d’exercice du pouvoir et conforme aux attentes detous les marocains pourrait susciter le consensus et le respect dont a besoin uneconstitution. Selon toute vraisemblance, le texte actuel ne répond pas à cesobligations. Le temps viendra donc sans doute prochainement de s’engager defaçon sérieuse et effective sur la voie d’une révision constitutionnelle.

Mais, pour les membres du CAP, les conditions ne semblent pas aujourd’huiréunies. Plusieurs événements majeurs seraient néanmoins susceptibles, à courtet moyen termes, de précipiter les discussions. Le débat sur la décentralisationengagé dans le cadre du dossier du Sahara pourrait ainsi en offrir l’occasion. Demême, le rôle croissant des autorités non-élues52 dans la production de la norme(décrets, règlements, etc.) et la concurrence qu’elles font subir aux autoritéslégislatives légitimes pourraient rapidement conduire à une réflexion enprofondeur sur le fonctionnement des institutions politiques marocaines. Il seraitétonnant que ne soient pas abordés dans ce contexte la place et le statut de laconstitution. D’autres phénomènes peuvent retenir l’attention : c’est le cas parexemple du pouvoir croissant placé entre les mains d’une élite technocratiquetoujours plus forte et plus ambitieuse. A n’en pas douter, les occasions serontnombreuses, dans avenir toujours plus proche, d’ouvrir un débat, vif, crédible etrigoureux, sur la question constitutionnelle. Une chose est sûre néanmoins : pourles juristes et les constitutionnalistes du CAP, afin de garantir efficacement lerespect d’un Etat de droit, libre et démocratique, la constitution ne peutcontinuer à faire l’objet d’un traitement aussi souple et élastique. Elle doit aucontraire être appelée à jouer un rôle décisif, primordial, dans le fonctionnementet la régulation des institutions marocaines. Or, il faut déplorer que ceux dont elleest censée définir tout à la fois les droits et les devoirs (gouvernants et gouvernés)ne lui accordent pas aujourd’hui l’importance qu’elle mérite.

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52) Autorités de régulation, Hauts Conseils, Commissions ou Comités divers… Pour n’enciter que quelques-uns.

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Certains membres du CAP, cependant, s’accordent mieux de cet état de fait. Faceaux « j u r i s t e s » et aux « c o n s t i t u t i o n n a l i s t e s », ils sont ainsi partisans d’une lectureplus « p o l i t i q u e » de la constitution. Pour eux, l’essentiel est ailleurs. Il ne résidepas dans la lettre même du texte constitutionnel. Ce dernier peut conserver toute sasouplesse, toute sa flexibilité (voire même peut-être, son ambiguïté), à conditionqu’il définisse très clairement les principes fondateurs sur lesquels reposent lesmodes d’exercice du pouvoir. A leurs yeux, l’important n’est pas dans uneformulation trop précise, ni trop rigide, de la façon dont le pouvoir doit s’exercer,mais dans les valeurs qui fondent le système de gouvernement. Celles-ci ne peuventtolérer aucune équivoque : l’attachement à la démocratie, l’engagement en faveurdes libertés fondamentales, et le respect de l’Etat de droit doivent rester despriorités qui inspirent et ordonnent toute pratique du pouvoir. Mais une marge demanœuvre doit continuer à exister afin de rendre possible une lecture plus politiquedu texte. Il importe de considérer davantage l ’ i n t e r p r é t a t i o n qui peut et doit êtrefaite des principes fondateurs, en fonction des défis et des objectifs du pouvoirexécutif. La puissance contraignante de la constitution (nécessaire pour définir lerôle, les devoirs et les responsabilités de chacun) ne doit pas interdire sonappropriation et son assimilation par les acteurs politiques en fonction du contexteet des circonstances particulières. L’art de (bien) gouverner résiderait donc ici dansune équation politique associant au respect des valeurs fondamentales la luciditéd’un pragmatisme tempéré.

Face aux défis et aux difficultés du Maroc contemporain, l’opportunité d’une révisionconstitutionnelle reste alors un débat marginal. Il importe davantage, pour lemoment, de faire naître une nouvelle culture politique. La partition constitutionnelleoffre une musique institutionnelle qui pourrait être plus harmonieuse. Mais c’estd’abord aux musiciens et à celui, ou ceux, qui les dirigent de mieux l’exécuter.Beaucoup de fausses notes et de mauvais coups d’archer pourraient sans doute êtreévités si les uns et les autres s’appliquaient à plus de rigueur, de professionnalismeet d’opiniâtreté, pour produire un concert mieux maîtrisé et plus inspiré. Il ne s’agitpas, à court terme, de remettre en cause la constitution. Elle existe et organise, dumieux qu’elle peut, l’exercice du pouvoir. Dans le cadre institutionnel ainsi défini, ilconvient bien davantage d’imaginer un nouveau mode de gouvernement, un art dediriger les affaires de la cité, neuf et original. Plus efficace, plus sûr, plus engagé.Mais cette décision, sans nul doute, relève d’abord des acteurs eux-mêmes, dupersonnel politique, et au premier chef, de leur capacité à fonder, à inventer, dansle contexte même des institutions actuelles, une nouvelle représentation de leurresponsabilité, de leur rôle et de leurs pratiques.

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Qu’en est-il, au terme de ces discussions, d’une éventuelle révision de lac o n s t i t u t i o n ? Pour les membres du CAP, la conclusion est claire : une modificationdu texte constitutionnel n’est pas à l’ordre du jour. Pour le moment, du moins.Certains ont beau jeu d’argumenter, de débattre ou de polémiquer : leursrevendications n’est restent pas moins excessives, outrancières, sans légitimité nicrédibilité. Engager une réforme constitutionnelle n’est pas d’actualité. Du moinspas comme ça. Pas de cette façon-là. Ni à travers ces acteurs-là. Le débat ne mérited’ailleurs sans doute pas l’attention que les médias lui ont portée. Et c’est là un desenseignements les plus intéressants de cette polémique : à contre-courant deshabitudes passées, la presse (pas simplement partisane) a en effet choisi de donnerde larges échos à ces discussions politiques, parfois très techniques. Preuve, s’il esten est, que les questions liées au mode d’exercice du pouvoir et ses implicationssuscitent, comme jamais, l’intérêt de l’opinion publique. C’est un fait majeur qui,à la lumière de la transition démocratique, illustre la façon dont se transformeaujourd’hui le rapport au pouvoir et à la chose publique. C’est le signe sans douted’une nouvelle maturité politique, encore fragile, encore précaire, mais quitémoigne chaque jour de davantage de vigueur, d’intérêt et de curiosité. Mais c’estsurtout un défi lancé aux responsables et au personnel politique. La transitiondémocratique a créé de nouvelles attentes et posé de nouvelles exigences. Elleconfronte surtout ceux qui ont la charge des affaires de la cité à une nécessité :c r é e r, sans attendre, les conditions d’une nouvelle culture politique, plus ouverte,plus dynamique et sans doute, plus efficace. La principale conclusion des débats duCAP n’est donc pas tant l’actualité d’une révision constitutionnelle (comme leréclament, trop bruyamment peut-être, quelques groupes d’opposition à lareprésentativité discutée), mais l’urgence d’inaugurer et d’expérimenter unfonctionnement différent du système politique, d’initier de nouveaux rapports avecles institutions marocaines, en commençant, peut-être, par la constitution elle-même. Comme le proposent certains juristes et constitutionnalistes, quelquesaménagements pourraient certes lui être apportés. Mais pour lui conférer davantagede clarté et d’efficacité, et par là, davantage de force et de respect. Ce n’est pastant le texte lui-même qui importe ici que l’attention qui lui est portée. Le cœurdu débat, pour tous les membres du CAP, est donc bien dans cette nouvelle culturepolitique, toujours en construction, encore inédite, dont doit réussir à accouchersans plus attendre le Maroc démocratique. Les chantiers sont aujourd’hui ouverts…Que ce soit dans la place et le rôle à accorder au texte constitutionnel. Ou que cesoit, tout aussi bien, dans la façon dont les responsables et acteurs de la sphèrepublique le traduiront en réalité politique.

J. B.

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BIBLIOGRAPHIE SÉLECTIVE

• « La réforme constitutionnelle et les illusions consensuelles », Rkia ElMossadeq, Revue : Annuaire de l’Afrique du Nord, 01/01/1996, n°35, p. 573-582.

• « L’épreuve de la norme. Justice constitutionnelle et réforme politique »,Najib Bensbia, Ed Dar Nachr Al Maârifa, 1998, p.231.

• « Bicaméralisme et réformes constitutionnelles », Khalid Alioua, MohamedTozy, Nadia Bernoussi, Mohamed Madani, Khalid Naciri, Revue Cahiers de laFondation Abderrahim Bouabid, 05/1997, n°5.

• « Réformes constitutionnelles et équilibre des pouvoirs. le compte rendu»,Journal le Matin du Sahara, 05/05/1996.

• « Réformes constitutionnelles et politiques : l’avenir en chantier » ,«Maroc-Hebdo », 04/05/1996.

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PUBLICATIONS

Le Club d’Analyse et de Réflexion sur le Politique (CARP)

Centré sur l’examen de l’actualité immédiate, la formule du CARP a donnée lieuà la rédaction des «notes de synthèse» suivantes.

Elle a progressivement laissée place à une formule plus exigeante en terme decontenu rédactionnel («cahiers bleus») et de débat. (CAP)

Les notes de synthèse :

2001

«le pacte monarchique et la temporalité des réformes». note n°1, Invité: Le Prince Moulay Hicham (Juin 2001)

«De nouveaux partis pour quelle politique ?», note n°2, invité :Abderrahim Lahjouji, Président du «Parti des Forces citoyennes»(Juillet2001).

«le Mode de scrutin, enjeux et divergences politiques», note n°3, invité :Abbès El Fassi, Secrétaire général du parti de l’Istiqlal (Sept 2001).

«La fatwa, anachronisme d’une tradition réinventée», note n°4, invité :Ahmed Khamlichi, Directeur de Dar Al Hadith Al Hassania ( Oct. 2001).

«Le retour de la mémoire et le traitement politique des années de plomb»,note n°5, invité : Driss Benzekri, Président de CCDH (Nov. 2001).

«Le projet de loi sur les associations», note n°6, invité : MohamedAuajjar, Ministre des droits de l’homme (Déc. 2001).

2002

«Le wali et la gouvernance locale», note n°7 (Fév. 2002).

«Le projet d’école», note n°8, invité : Abdallah Saaf, Ministre del’éducation nationale (Mars 2002).

«La production de la norme au Maroc», note n°9, invité : NajibBouderbala, Professeur de sociologie à l’institut Agronomique etVétérinaire Hassan II (Avril 2002).

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«Le Conseil Constitutionnel à l’épreuve du prochain scrutin législatif»,note n°10, ( mai 2002).

«Les bailleurs de fonds et la gestion de l’aide», note n°11, invité : OlivierGodron, Représentant résident de la Banque Mondiale au Maroc (Juin2002).

«La conception de la politique étrangère au Maroc» note n°12, invité :Hammad Zouitni, Professeur à la faculté de droit de Fès (Sept. 2002).

«Analyse des résultats des élections législatives du 27 Septembre 2002»,note n°13 ( Oct. 2002).

«Elections et comportements électoraux», note n°14, invités : MohamedEl Gahs, député, Secrétaire d’état chargé de la jeunesse, et Ali Belhaj,Elu local, Président Alliance des libertés (Déc. 2002).

2003

«Corruption et systèmes politiques», note n°15, invité : Bachir Rachdi,Secrétaire général de Transparency-Maroc (jan 2003).

«Comment gérer le pluralisme au Maroc», note n°16 invité Khalid Naciri,Membre du bureau politique du PPS (fév. 2003).

«La gestion du champ religieux au Maroc», note n°17, invité : AhmedTaoufiq, ministre des Habous & Affaires Islamiques (Mars 2003).

«Banque centrale et pouvoir politique», note n°18, invité : MohamedSeqat, Gouverneur de Banque Al Maghreb (Mai 2003).

«Les événements du 16 Mai 2003», note n°19, avec pour invité : MohamedBouzoubaa, Ministre de la Justice (Juin 2003).

«Projet de loi sur les partis politiques», note n°20, (Juillet 2003).

2004

«Le rapport du PNUD sur la Société de Connaissance», note n°21 ( Fév.2004).

«Le dialogue entre les peuples et les cultures dans l’espace euroméditerranéen», invité : Mme Assia Bensalah-Alaoui, co-présidente dugroupe des sages (Mars 2004).

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