La Russie d'Aujourd'hui

8
Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu Distribué avec Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The New York Times, The Economic Times et d’autres grands quotidiens internationaux Mercredi 20 novembre 2013 Kamtchatka : terre de glace et de feu Le chic d’habiller « à la russe » Les volcans et la nature sauvage pour un tourisme à l’écart de toute civilisation. Les grands couturiers internationaux redécouvrent le style russe en s’inspirant de ses motifs traditionnels. P. 5 P. 8 Produit de Russia Beyond the Headlines YOULIA PONOMAREVA LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI Des troubles récents à Moscou ont conduit les autorités à ré- examiner la politique migratoire et à lutter contre la clandestinité pour enrayer la montée du racisme et de la xénophobie. Le pouvoir face au défi de l’immigration Société Intolérance grandissante et tensions entre les communautés, alors qu’il faut compenser la chute de la démographie russe Les événements de Biriouliovo (banlieue de Moscou), qui ont at- tisé les tensions à la suite du meurtre d’Egor Chtcherbakov, un Russe « ethnique » âgé de 25 ans, ont donné une nouvelle im- pulsion au débat sur l’éventuelle instauration d’un régime de visas pour les ressortissants des an- ciennes républiques soviétiques situées en Transcaucasie et en Asie Centrale. Dans un sondage effectué par le Centre Levada en juin 2013, 84% des Russes se di- saient favorables à un tel projet. Mais le PrésidentVladimir Pou- tine s’y oppose, craignant des re- tombées diplomatiques négatives avec les pays concernés. L’immigration n’en devient pas moins un thème sensible. Les sondés la classent parmi les pro- blèmes majeurs de la société russe. Ceux qui considèrent l’im- migration massive comme l’un ANDREÏ ILIACHENKO LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI Dans l’attente d’une date pour les négociations entre l’oppo- sition et le régime syrien, la Ru- ssie se dit prête à accueillir des représentants des deux bords. Maëlle Gavet dirige le site leader du commerce en ligne en Russie Paix en Syrie Les négociations de Genève-2 compromises « Je n’ai pas une conscience forte de mon statut d’étrangère. Ni de mon statut de femme, car je suis sûre que vous allez y venir ! » Installée depuis plusieurs années en Russie, Maëlle Gavet dévoile une personnalité hors du com- mun. Cette Française de 35 ans est à la tête du groupe Ozon dont le site de commerce en ligne est leader en Russie. « Nous nous sommes développés en parallèle d’Amazon, c’est-à-dire que nous ne l’avons pas copié », précise- t-elle. Elle s’est entretenue avec notre journal sur son parcours et le marché Internet russe. LIRE EN PAGE 4 SUITE EN PAGE 3 Une majorité de citoyens russes réclament l’établissement d’un régime de visas pour les immigrés venus des pays de l’ex-URSS. des grands sujets de préoccupa- tion sont passés de 7% à 27%, et même le premier dans la ca- pitale. Le thème de la lutte contre l’immigration illégale a d’ailleurs été central dans la course à la mairie de Moscou l’été dernier. L’essor de la xénophobie au quotidien, sans lien idéologique apparent, est devenu visible à partir de la seconde moitié des années 1990, expliquent les so- ciologues. « Avec le lancement des réformes et la frustration pro- voquée par la destruction du tissu social, une affirmation de soi négative et une recherche de l’identité nationale se sont mises en marche. Et comme il n’y avait pas de quoi être spécialement fier, cette affirmation de soi se traduisait essentiellement par un transfert de nos propres com- plexes et antipathies vis-à-vis de tous les étrangers, explique le di- recteur du Centre Levada, Lev Goudkov. Ce processus s’est in- tensifié dans les années 2000, lorsque le pays a pris le cap du renouveau des traditions natio- nales, du conservatisme, de la stabilité ». Moscou maintient la pression pour un règlement politique Même si les commentaires sur les raisons des désaccords sont rares, il est surtout question de la participation de l’Iran à la conférence. La Russie y est fa- vorable, les États-Unis, non.Tout comme l’Arabie Saoudite, très impliquée dans ce conflit, mais du côté de l’opposition. Washington rejette Téhéran par crainte du prestige sur la scène internationale que pour- rait retirer le pouvoir iranien d’une participation aux négocia- tions sur la Syrie. De fait, l’Iran n’a pas signé l’accord de Genève de 2012, qui définit les étapes du règlement politique du conflit. Mais la raison profonde des dif- ficultés est que l’opposition sy- rienne, ou plutôt sa partie radi- cale, qui est soutenue par Riyad, ne veut pas de cette conférence pour la paix. Les Saoudiens exigent l’exclusion du président al-Assad du processus de règle- ment politique du conflit. Or, comme le fait remarquer le vice-ministre des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov, chargé du dossier syrien pour la Russie, « un règlement politique ne convient peut-être pas à tout le monde. Il y a bien sûr l’oppo- sition, sans parler des rebelles et des groupes de terroristes radi- caux qui misent uniquement sur la force et la guerre. Mais, il y a aussi des forces extérieures qui encouragent ces tendances, non seulement sur le plan moral et politique mais aussi matériel ». SUITE EN PAGE 2 Prochain NUMÉRO Le 18 décembre La caricature ou l’art de faire de la politique La voix soviétique qui faisait enrager Hitler larussiedaujourdhui.fr/26463 larussiedaujourdhui.fr/26253 Lisez sur notre site RIA NOVOSTI ITAR-TASS PHOTOSHOT/VOSTOCK-PHOTO

description

La Russie d'Aujourd'hui est une source d'informations politiques, économiques et culturelles internationalement reconnue. Elle propose une couverture médiatique réalisée sur le terrain par des journalistes possédant une connaissance en profondeur du pays, ainsi que des analystes et un vaste éventail d'opinions sur les événements actuels.

Transcript of La Russie d'Aujourd'hui

Page 1: La Russie d'Aujourd'hui

Ce supplément de huit pages est édité et publié par Rossiyskaya Gazeta (Russie), qui assume l’entière responsabilité de son contenu

Distribué avec

Publié en coordination avec The Daily Telegraph, The New York Times, The Economic Times et d’autres grands quotidiens internationaux

Mercredi 20 novembre 2013

Kamtchatka : terre de glace et de feu

Le chic d’habiller « à la russe »

Les volcans et la nature sauvage pour un tourisme à l’écart de toute civilisation.

Les grands couturiers internationaux redécouvrent le style russe en s’inspirant de ses motifs traditionnels.

P. 5

P. 8

Produit de Russia Beyond the Headlines

YOULIA PONOMAREVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Des troubles récents à Moscou

ont conduit les autorités à ré-

examiner la politique migratoire

et à lutter contre la clandestinité

pour enrayer la montée du

racisme et de la xénophobie.

Le pouvoir face au défi de l’immigrationSociété Intolérance grandissante et tensions entre les communautés, alors qu’il faut compenser la chute de la démographie russe

Les événements de Biriouliovo (banlieue de Moscou), qui ont at-tisé les tensions à la suite du meurtre d’Egor Chtcherbakov, un Russe « ethnique » âgé de 25 ans, ont donné une nouvelle im-pulsion au débat sur l’éventuelle instauration d’un régime de visas pour les ressortissants des an-ciennes républiques soviétiques situées en Transcaucasie et en Asie Centrale. Dans un sondage effectué par le Centre Levada en juin 2013, 84% des Russes se di-saient favorables à un tel projet. Mais le Président Vladimir Pou-tine s’y oppose, craignant des re-tombées diplomatiques négatives avec les pays concernés.

L’immigration n’en devient pas moins un thème sensible. Les sondés la classent parmi les pro-blèmes majeurs de la société russe. Ceux qui considèrent l’im-migration massive comme l’un

ANDREÏ ILIACHENKOLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Dans l’attente d’une date pour

les négociations entre l’oppo-

sition et le régime syrien, la Ru-

ssie se dit prête à accueillir des

représentants des deux bords.

Maëlle Gavet dirige le site leader du commerce en ligne en Russie

Paix en Syrie Les négociations de Genève-2 compromises

« Je n’ai pas une conscience forte de mon statut d’étrangère. Ni de mon statut de femme, car je suis sûre que vous allez y venir ! » Installée depuis plusieurs années en Russie, Maëlle Gavet dévoile une personnalité hors du com-mun. Cette Française de 35 ans est à la tête du groupe Ozon dont le site de commerce en ligne est leader en Russie. « Nous nous sommes développés en parallèle d’Amazon, c’est-à-dire que nous ne l’avons pas copié », précise-t-elle. Elle s’est entretenue avec notre journal sur son parcours et le marché Internet russe.

LIRE EN PAGE 4

SUITE EN PAGE 3Une majorité de citoyens russes réclament l’établissement d’un régime de visas pour les immigrés venus des pays de l’ex-URSS.

des grands sujets de préoccupa-tion sont passés de 7% à 27%, et même le premier dans la ca-pitale. Le thème de la lutte contre l’immigration illégale a d’ailleurs été central dans la course à la mairie de Moscou l’été dernier.

L’essor de la xénophobie au quotidien, sans lien idéologique apparent, est devenu visible à partir de la seconde moitié des années 1990, expliquent les so-ciologues. « Avec le lancement des réformes et la frustration pro-voquée par la destruction du tissu social, une affirmation de soi négative et une recherche de l’identité nationale se sont mises en marche. Et comme il n’y avait pas de quoi être spécialement fi er, cette affirmation de soi se traduisait essentiellement par un transfert de nos propres com-plexes et antipathies vis-à-vis de tous les étrangers, explique le di-recteur du Centre Levada, Lev Goudkov. Ce processus s’est in-tensifié dans les années 2000, lorsque le pays a pris le cap du renouveau des traditions natio-nales, du conservatisme, de la stabilité ».

Moscou maintient la pression pour un règlement politique

Même si les commentaires sur les raisons des désaccords sont rares, il est surtout question de la participation de l’Iran à la conférence. La Russie y est fa-vorable, les États-Unis, non. Tout

comme l’Arabie Saoudite, très impliquée dans ce confl it, mais du côté de l’opposition.

Washington rejette Téhéran par crainte du prestige sur la scène internationale que pour-rait retirer le pouvoir iranien d’une participation aux négocia-tions sur la Syrie. De fait, l’Iran n’a pas signé l’accord de Genève de 2012, qui défi nit les étapes du règlement politique du confl it. Mais la raison profonde des dif-fi cultés est que l’opposition sy-

rienne, ou plutôt sa partie radi-cale, qui est soutenue par Riyad, ne veut pas de cette conférence pour la paix. Les Saoudiens exigent l’exclusion du président al-Assad du processus de règle-ment politique du confl it.

Or, comme le fait remarquer le vice-ministre des Affaires étrangères Mikhaïl Bogdanov, chargé du dossier syrien pour la Russie, « un règlement politique ne convient peut-être pas à tout le monde. Il y a bien sûr l’oppo-sition, sans parler des rebelles et des groupes de terroristes radi-caux qui misent uniquement sur la force et la guerre. Mais, il y a aussi des forces extérieures qui encouragent ces tendances, non seulement sur le plan moral et politique mais aussi matériel ».

SUITE EN PAGE 2

Prochain NUMÉRO

Le 18décembre

La caricature ou l’art de faire de la politique

La voix soviétique qui faisait enrager Hitler

larussiedaujourdhui.fr/26463 larussiedaujourdhui.fr/26253

Lisez sur notre site

RIA NOVOSTI

ITA

R-T

ASS

PHO

TOSH

OT/V

OSTO

CK-PH

OTO

Page 2: La Russie d'Aujourd'hui

02LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO Politique & Société

LES SUPPLÉMENTS SPÉCIAUX ET SECTIONS SUR LA RUSSIE SONT PRODUITS ET PUBLIÉS PAR RUSSIA BEYOND THE HEADLINES, UNE FILLIALE DE ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), DANS LES QUOTIDIENS INTERNATIONAUX: • LE FIGARO, FRANCE • LE SOIR, BELGIQUE• THE DAILY TELEGRAPH, GRANDE BRETAGNE • SÜDDEUTSCHE ZEITUNG, ALLEMAGNE • EL PAÍS, ESPAGNE • LA REPUBBLICA, ITALIE • DUMA, BULGARIE • POLITIKA, GEOPOLITIKA, SERBIE • THE WASHINGTON POST, THE NEW YORK TIMES ET THE WALL STREET JOURNAL, ÉTATS-UNIS • ECONOMIC TIMES, NAVBHARAT TIMES, INDE • MAINICHI SHIMBUN, JAPON • GLOBAL TIMES, CHINE • SOUTH CHINA MORNING POST, CHINE (HONG KONG) • LA NACION, ARGENTINE • FOLHA DE S. PAULO, BRÉSIL • EL OBSERVADOR, URUGUAY • SYDNEY MORNING HERALD, THE AGE, AUSTRALIE • ELEUTHEROS TYPOS, GRÈCE • JOONGANG ILBO, CORÉE DU SUD • GULF NEWS,

AL KHALEEJ, ÉMIRATS ARABES UNIS • NOVA MAKEDONIJA, MACÉDOINE. 

EMAIL : [email protected]. POUR EN SAVOIR PLUS CONSULTEZ LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR. LE FIGARO EST PUBLIÉ PAR DASSAULT MÉDIAS, 14 BOULEVARD HAUSSMANN 75009 PARIS. TÉL: 01 57 08 50 00. IMPRESSION : L’IMPRIMERIE, 79, RUE DE ROISSY 93290 TREMBLAY-EN-FRANCE. MIDI PRINT 30600 GALLARGUES-LE-MONTUEUX. DIFFUSION : 321 101 EXEMPLAIRES (OJD PV DFP 2011)

IOULIA KOUDINOVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

La récente visite du Premier

ministre français à Moscou a

confirmé la priorité réservée aux

affaires tandis que les diver-

gences persistent sur les volets

politique et droits de l’homme.

Diplomatie économique en actionVisite officielle Les relations bilatérales entre la France et la Russie dopées par des intérêts commerciaux complémentaires

Du 31 octobre au 2 novembre, Jean-Marc Ayrault s’est attaché avant tout à se faire l’avocat des technologies et des valeurs fran-çaises. Le Premier ministre fran-çais a inauguré un salon « Open Innovations », rencontré la com-munauté d’affaires française, vi-sité des usines et une universi-té. Il a aussi dîné puis mené des négociations avec son homo-logue russe Dmitri Medvedev. Il a même obtenu une audience auprès du président russe Vla-dimir Poutine, ce qui est loin d’être le cas de tous les Premiers ministres en visite à Moscou.

Promotion de l’innovationLe chef du gouvernement fran-çais avait inclus dans sa déléga-tion les ministres Stéphane Le Foll (Agriculture), Arnaud Mon-tebourg (Redressement produc-tif), Geneviève Fioraso (Re-cherche), Nicole Bricq (Commerce extérieur) et Fleur Pellerin (Nu-mérique). Une sélection refl étant la priorité donnée à la promo-tion de l’innovation française et des PME hexagonales. Jean-Pierre Chevènement, le « Mon-sieur Russie » du gouvernement, était bien entendu présent. Ap-précié à Moscou pour son « tro-pisme russe » – dixit un diplo-mate –, il s’efforce d’arrondir les angles de part et d’autre. Des angles, il y en avait en particu-lier autour de l’affaire Green-peace et de la Syrie.

Sur le premier dossier, Jean-Marc Ayrault a demandé à Dmi-tri Medvedev un geste humani-taire à l’égard du militant français Francesco Pisanu, pré-cisant que la France « ne sou-haitait pas donner de leçons mais

20 propositions de coopération

Le conflit syrien, le régime des vi-sas ou la construction d’un com-plexe culturel russe à Paris : ces sujets sont les dossiers phares des relations franco-russes. Il y en a d’autres, moins médiatisés, mais qui méritent d’être approfondis. « Nous voulions mettre en avant des axes de coopération moins exploités », explique Arnaud Du-bien, directeur de l’Observatoire franco-russe, qui vient de publier une liste de 20 propositions pour

intensifier les relations bilatérales.Au terme d’un été de réunions et de consultations auprès du monde des affaires et des institu-tions scientifiques entre Paris et Moscou, ont été retenus des pro-jets de coopération universitaire, scientifique, spatiale ou sportive, mais aussi en matière d’immigra-tion ou encore de la participation russe au défilé du 14 juillet.

Bienvenue !

Jean-Maurice Ripert vient de rem-placer Jean de Gliniasty au poste d’ambassadeur de la République française en Russie. Né en 1952, M. Ripert, diplômé de l’Institut d’Études Politiques de Paris, as-sumait précédemment les fonc-tions de chef de la délégation de l’Union européenne en Turquie (janv. 2012-oct. 2013). Il a aussi été représentant permanent de la France auprès de l’Organisation des Nations Unies à New York. C’est un proche de François Hol-lande et de Bernard Kouchner.

Jean-Marc Ayrault et Dmitri Medvedev à Moscou.

rappeler les droits internatio-naux en vigueur ». M. Medvedev lui a opposé une fi n de non re-cevoir lors de la conférence de presse conjointe : « Cette affaire sera traitée dans le strict respect de la législation et de la justice

russes ». Mais, polissant son image d’homme politique mo-derne, il a admis « partager les inquiétudes des écologistes » sur le danger de l’exploitation pé-trolière « où travaillent des em-ployés assurant la fonction de sapeurs-pompiers », manipulant des technologies à risque. Sur le dossier syrien où, au-delà de l’ornière des armes chimiques, les lignes n’ont guère bougé, Jean-Marc Ayrault s’est contenté de déclarer que la France et la Russie s’accordaient sur un règlement politique en Syrie. Il a aussi chaudement re-mercié Moscou pour son soutien logistique dans l’intervention de la France au Mali. « Nous avons parfois des approches différentes sur des sujets d’actualité, a ré-sumé M. Ayrault, mais nous par-tageons une histoire commune et nous visons des objectifs com-muns ».

Le courant passe bienPour Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe à Moscou, « la visite de Jean-Marc Ayrault a été fructueuse. Ce qui a été très important en termes d’image, c’est la présence de la France au Salon « Open Innovations ». Ce qui est aussi important, c’est que le courant passe très bien entre Medvedev et Ayrault, ce qui est utile pour régler des dossiers très tech-niques voire même politiques ».

Sur le versant économique, les Premiers ministres français et russe étaient effectivement à l’aise. M. Ayrault a noté que les échanges bilatéraux avec la Russie ont quintuplé en dix ans pour atteindre 21 milliards d’euros. Si la balance reste fa-vorable à la Russie en termes d’exportations (12 milliards contre 9 milliards pour la France), le Premier ministre

note que l’hexagone exporte principalement des nouvelles technologies vers la Russie. La relation connaît effectivement un développement important, mais asymétrique. Les Français achètent de l’énergie et des ma-tières premières russes et, atti-rés par un vaste marché de 146 millions de consommateurs dont les revenus augmentent rapi-dement, investissent massive-ment en Russie (12 milliards d’euros).

La création d’un nouveau fonds d’investissements franco-russe a été évoquée pour accom-pagner le rachat de sites indus-triels français en difficulté. Laurent Vigier, le directeur des affaires internationales de la Caisse des Dépôts et Consigna-tions (CDC) a signé avec le Fonds russe des investissements directs (RDIF) une lettre d’in-tention pour la réalisation de ce projet, avec une injection de 300 millions d’euros dans un premier temps, montant jusqu’à un milliard d’euros à terme.

Parmi les projets de coopé-ration signés entre les entre-prises françaises et russes fi -gurent Safran (création d’un technoparc et partenariat avec Uralvagonzavod), Thalès (lasers à haute intensité), Danone (éle-vages bovins laitiers, voire ar-ticle en p.4) et Thomson Broad-cast (téléradiodiffusion). La coopération intense entre socié-tés du complexe militaire dé-montre que le degré de confi ance entre les deux pays n’a jamais été aussi élevé.

Là où le bât blesse, c’est du côté des investissements russes en France. Des projets de re-prises d’entreprises françaises en difficulté par des sociétés russes en phase d’expansion in-ternationale échouent trop sou-vent à cause de la méfi ance sou-vent irrationnelle de syndicats ou de décideurs français. Là en-core, M. Chevènement travaille à combler le fossé.

Les échanges bilatéraux ont quintuplé en dix ans pour atteindre 21 milliards d’euros

larussiedaujourdhui.fr/

26265

Moscou maintient la pression pour un règlement politique

les États-Unis « ne possèdent pas de leviers d’infl uence suffi-sants pour fédérer l’opposi-tion… Une simple représenta-tion de l’opposition n’est pas suffisante, il faut que ce soit une délégation refl étant l’éventail le plus large possible de l’oppo-sition. Et c’est ce que les Amé-ricains ne parviennent pas à faire ».

Selon Washington, la coali-tion nationale de l’opposition syrienne doit prendre très pro-chainement une décision sur sa participation à Genève-2. Aux dires d’un diplomate américain, « l’opposition syrienne a enfi n pris conscience que les négo-ciations politiques sont la seule solution pour mettre fin au confl it. L’opposition commence à se tourner sérieusement vers cette voie, davantage qu’il y a, disons, quatre ou cinq mois ».

Il n’est pas exclu que les Amé-ricains parviennent à faire évo-luer les choses, mais il n’existe

personnes touchées directement par le confl it, ce qui représente près de la moitié de la popula-tion de la Syrie ».

Dans un tel contexte, ce pro-cessus de « somalisation » peut s’avérer encore plus destructeur et plus long qu’en Somalie, craint l’émissaire de l’ONU. Sans par le r du risque d’effet do-mino sur les pays voisins.

Selon l’accord américano-russe concernant l’organisation de cette conférence de paix Ge-nève-2, Moscou est chargé d’as-surer la présence du gouverne-ment de Bachar al Assad, tandis que les États-Unis sont responsables de la participation d’une délégation unifi ée de l’op-position.

Assad a accepté mais, appa-remment, les États-Unis ont plus de difficulté à remplir leurs obligations. En effet, regrouper des centaines de groupuscules plus ou moins importants, sou-vent opposés entre eux, voire en confl it armé les uns avec les autres pour certains, n’est pas chose aisée. Mais sans cette uni-fi cation, pas question de paix en Syrie.

Guennadi Gatilov, un autre vice-ministre des Affaires étran-gères également en charge du problème syrien, souligne que

à ce stade aucune garantie de réussite. Aussi, pour débloquer la situation, Moscou tente de mettre l’accent sur une parti-cipation de l’opposition, axée sur les négociations plus que sur la prolongation du combat.

Les diplomates russes ont déjà organisé à Genève une série de pourparlers avec le Comité national de coordination syrien, avec les Kurdes de Syrie, avec l’oncle de Bachar al-Assad, Ri-faat Assad, membre de l’oppo-sition, ainsi qu’avec les repré-sentants de la coalition des forces laïques et démocratiques syriennes.

Suite à ces réunions, Mikhaïl

Bogdanov a déclaré que la Rus-sie était prête à accueillir à Mos-cou une rencontre informelle entre représentants du régime syrien, de l’opposition syrienne et des partenaires étrangers.

« Nous avons profi té de cette réunion pour expliquer en dé-tail notre projet de permettre d’établir à Moscou des contacts informels entre les représentants de l’opposition et du régime sy-rien, avec la participation de nos collègues américains et de l’émissaire de l’Organisation des Nations Unies et représentant de la Ligue arabe, Lakhdar Bra-himi ».

Les prochaines semaines vont être décisives. Le 25 novembre doit se tenir à Genève une autre réunion préparatoire tripartite entre les États-Unis, la Russie et l’ONU.

Entre-temps, la situation hu-manitaire en Syrie continue de se dégrader. Si la date limite symbolique pour l’organisation

de cette conférence Genève-2, prévue avant la fi n de l’année, est dépassée, l’impuissance des « faiseurs de paix » peut tour-ner à une véritable « somalisa-tion » de la Syrie, c’est-à-dire d’une chute en spirale incon-trôlée du pays dans la violence.

« La situation est extrême-ment alarmante…, souligne Brahimi. En moyenne, 6 000 Sy-riens sont forcés de quitter leur pays tous les jours. Près d’un tiers de la population a souffert de la guerre, des gens sont ex-pulsés ou contraints à l’exil. L’ONU parle de 9 millions de

M. Brahimi entouré des chefs de la diplomatie américaine et russe.L’impuissance des « faiseurs de paix » fait craindre une « somali- sation » de la Syrie, une spirale de la violence

SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

larussiedaujourd-

hui.fr/14464

RIA NOVOSTI GETTY IMAGES/FOTOBANK

REU

TER

S

Page 3: La Russie d'Aujourd'hui

03LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO Société

Mikhaïl Khodorkovski, ancien PDG du groupe pétrolier Iou-kos, s’ajoute désormais à la liste de ceux que la prison et les camps ont inspirés. Il prend la plume pour tenter d’analy-ser et de comprendre le com-portement de ceux qui l’en-tourent dans l’univers carcéral, matons, mouchards, voleurs.

Le petit recueil publié à l’oc-casion du dixième anniversaire de l’arrestation de Khodorkov-ski, réunit dix-sept textes courts rédigés à la sauvette après son travail en colonie pé-nitentiaire sibérienne.

Khodorkovski trace le por-trait de ses geôliers ou de ses codétenus, s’attachant à illus-trer ce qu’il a découvert en cô-toyant ceux que rien ne le pré-destinait à rencontrer. Même si ces hommes ont commis des actes répréhensibles, ils ne sont pas dénués de tout principe moral. Ils sont même parfois prêts à payer très cher pour leur dignité. Même si certains d’entre eux « manquent de ca-pacité à lutter pour leur propre vie », ils peuvent soudain bra-ver la peur ; refuser la déla-tion, les arrangements que leur proposent des autorités obsé-dées à « faire du chiffre » et qui piègent d’abord les faibles.

Khodorkovski livre un mes-sage clair : ce qui se passe der-rière les barreaux est la ré-plique grotesque de ce qui se passe à l’extérieur. « Nous qui avons peur de défendre nos droits, qui nous adaptons en nous cachant derrière un masque de docilité ? Cette ser-vitude ne fi nit-elle pas par de-venir notre vrai visage ? Nous nous transformons progressi-vement en esclaves muets prêts à toutes les ignominies dès que l’ordre vient ‘d’en haut’ ».

Christine Mestre

NOTE DE LECTURE

Parole de détenu

AUTEUR : M. KHODORKOVSKI

ÉDITION : STEINKIS

TRADUIT PAR VERONIKA DORMAN

Le pouvoir en quête de solutions pour canaliser l’immigration

Les démographes assurent qu’il faut encourager l’afflux des im-migrés en Russie, car ces derniers contribuent à compenser la baisse de la population russe. Anatoli Vichnesvki, directeur de l’Institut de démographie de l’École des hautes études en sciences économiques, explique que « depuis 1992, notre taux de natalité est dans le rouge. En 20 ans, nous avons perdu 13,4 mil-lions de personnes et la popula-tion aurait donc dû baisser d’au-tant ; or le recul n’est que de 5,3 millions. Le reste a été compen-sé par l’immigration ».

Lev Goudkov estime que les tensions ethniques sont la consé-quence de l’importation illégale de main d’œuvre à bas prix. Il existe un marché noir de la main-d’œuvre dont l’une des raisons réside dans les quotas d’employés étrangers – les limites sont bien inférieures à la demande. En 2013, les quotas s’élevaient à 1,7 million de personnes, alors que la Russie, selon les estimations de Goudkov, a besoin de 4,5 à 5 millions d’ouvriers.

Le médiateur chargé des rela-tions avec les entreprises, Boris Titov, indique que sur les 11 mil-lions de travailleurs immigrés en Russie, près de la moitié sont des clandestins, ce qui s’explique en bonne partie par l’existence d’un quota sur l’emploi de la main-d’œuvre étrangère. Cette année, le quota représente 1,75 million de migrants ; l’an prochain, il sera ramené à 1,63 million. Tous les autres se voient obligés de tra-vailler dans la clandestinité.

Titov propose de supprimer les quotas et de régulariser les im-migrés clandestins se trouvant en Russie en les obligeant à conclure un contrat de travail avec leur employeur et à se faire enregistrer auprès des services fi scaux. Selon le projet proposé par Titov, l’employeur devra avancer une caution pour chaque salarié étranger, laquelle lui sera

rendue dès que le travailleur ren-trera dans son pays à l’échéance de son contrat.

Par suite des événements de Biriouliovo, le directeur du Ser-vice fédéral des migrations, Konstantin Romodanovski, a en-visagé de réviser le système de quotas appliqué à la main-d’œuvre étrangère, en promet-tant de présenter des proposi-tions au Parlement d’ici à la fi n de l’année. Il juge en outre né-cessaire de « décréter la respon-sabilité pénale des employeurs d’immigrés clandestins, par exemple au-delà de 50 sa-lariés i l lé-gaux».

À ce jour, un employeur de main-d’œuvre clandestine est seulement passible d’une pénalité admi-nistrative, soit une amende pouvant at-teindre huit c e n t m i l l e roubles (dix-huit mille cent s o i x a n t e euros), et l’ac-tivité de son e n t r e p r i s e peut être sus-pendue pour u n e d u r é e maximale de 90 jours. Désormais, il est envisagé de punir l’emploi d’immigrés clandestins plus sé-vèrement sous la forme d’une peine de privation de liberté pou-vant aller jusqu’à cinq ans.

Le propriétaire du marché de gros (fruits et légumes) de Bi-riouliovo, théâtre de l’assassinat qui a déclenché les violences, semble avoir subi les foudres de la loi de manière rétroactive. Pour avoir été soupçonné d’employer des clandestins (juste après les émeutes), le président du direc-toire de la compagnie gestion-naire du centre de distribution

" J’ai très envie de mettre au point une méthode pour franchir la barrière de la

timidité, pour que les non-voyants se libèrent de leurs complexes. Je suis indépendant. Je gagne assez pour louer un apparte-ment et m’assurer mon pain quotidien ”.

IL L’A DIT

PavelObiyoukhCE NON-VOYANT MOSCOVITE TRAVAILLE POUR LA MULTINATIONALE « DIALOGUE IN THE DARK »

beaucoup de propriétaires re-fusent ce service à leurs locataires afi n de ne pas payer d’impôts sur ces loyers.

En septembre, le ministre de l’Intérieur russe Vladimir Kolo-koltsev a annoncé que le régime d’exemption de visa avec les pays de la CEI (Communauté des

États indépendants) est acti-vement exploité par les dé-linquants, notamment dans le but d’échapper aux poursuites judiciaires.

Le sentiment anti-im-migrés est particulière-ment fort dans les quar-tiers où la situation sociale est difficile, comme à Biriouliovo, qui

est coupé du reste de la ville car non desservi par le

métro. Le coût du logement y est le plus bas de Moscou, ce qui attire de nombreux immigrés dé-sargentés. « Biriouliovo est peu-plé de personnes à faibles reve-nus et, compte tenu du climat confl ictuel général, la xénopho-bie et l’empressement à canali-ser l’agressivité sur les étrangers y sont plus prononcés », explique Lev Goudkov.

Les événements de Birioulio-vo ont forcé les autorités à réa-gir. Le Parlement a commencé l’examen accéléré d’amende-ments durcissant la législation. Différentes mesures de contrôle et de régulation sont étudiées, comme la création d’un fi chier électronique d’empreintes digi-tales pour les immigrés ou la création d’un département spé-cial de lutte contre la crimina-lité ethnique. Un projet de loi établissant des cours de russe obligatoires pour les immigrés suivis d’un examen a été déposé au Parlement.

Selon un rapport de l’ONU pu-blié en septembre, la Russie ar-rive en deuxième position pour le nombre d’étrangers habitant sur son territoire, derrière les États-Unis, avec 11 millions d’immigrés pour 143,5 millions de Russes.

Pavel Obiyoukh, 34 ans, mène une vie très active malgré sa cécité.

Veronika

DormanTRADUCTRICE

La vie en prison a mar-qué l’homme Kho-dorkovski, jusque dans son langage. Au fi l de ses

« croquis », le jargon carcéral est utilisé de plus en plus adroi-tement. Pour décrire la réalité si particulière du milieu car-céral russe, Khodorkovski em-ploie – et explique – le voca-bulaire propre au milieu. Ses textes sont plus « parlés » qu’écrits, ce qui accroît la force du témoignage. Le narrateur est au cœur de chaque récit, extrêmement présent, et pour-tant le lecteur n’est jamais écra-sé par sa subjectivité. Kho-dorkovski raconte, montre, mais ne juge pas.

ÉCLAIRAGE

Langage carcéral

Avec la force « aveugle » de la volonté

À l’époque soviétique, le village de Roussinovo, à 200 km de Mos-cou, était une sorte de « paradis pour aveugles ». Ces derniers y étaient regroupés, avaient tous un logement et du travail. Au-jourd’hui, n’y restent que ceux qui n’ont nulle part où aller, prin-cipalement des personnes âgées.

Comme Sergueï Moulloev, 55 ans, un homme aux cheveux blancs et aux lunettes à double foyer, que son extrême myopie n’empêche pas de prendre le train tous les jours pour se rendre dans la capitale. « Je dois nour-rir mes quatre enfants », explique Sergueï. Ouvrier à la chaîne dans une usine qui fabrique de la pâte à modeler et des stylos, il gagne 340 euros. C’est peu, mais trois fois plus qu’à Roussinovo.

Selon les estimations de l’As-sociation panrusse des aveugles, le pays compte environ un mil-lion de cas semblables à celui de Sergueï. La plupart de ces mal-voyants peuvent travailler. Or, en

son avantage et en faire un atout. Enseignant, juriste, manager de formation, il travaille mainte-nant pour la multinationale « Dialogue in the Dark », qui existe depuis 25 ans et assure des formations en gestion dans une trentaine de pays. Depuis deux ans, l’organisation s’est ins-tallée sur le marché russe et c’est Pavel qui dirige l’équipe de for-mateurs malvoyants en Russie, dont l’objectif est de développer les facultés de compréhension et de collaboration chez des per-

sonnes voyantes, notamment en collaboration avec de grosses so-ciétés .

Les cours sont donnés dans l’obscurité totale. Dans ces conditions, la concentration porte sur les intonations de l’in-terlocuteur, pour mieux com-prendre sa pensée. « Si une per-sonne a tendance à vouloir trop prendre la parole aux dépens des autres, ça se voit au bout de dix minutes. Parallèlement, les qua-lités cachées de leader ressortent très vite », raconte Sergueï.

Pavel a perdu la vue progres-sivement, depuis son enfance, à la suite d’un glaucome. Au-jourd’hui, sa vie est bien rem-plie. Pavel a déjà à son actif trois sauts en parachute en tandem avec instructeur. Il fait du ski alpin et lit beaucoup. Le Braille est dépassé, la nouvelle généra-tion écoute des livres audio. IPhone et Facebook ont une ap-plication de synthèse vocale .

Ce qui l’a aidé à s’adapter, c’est de comprendre que les gens n’ac-cordent pas énormément d’im-portance à l’apparence ou à la cécité. Son plongeon dans le monde normal, il le compare à un saut en parachute. « Le plus difficile est de faire le premier pas. Après, c’est l’euphorie ».

SUITE DE LA PREMIÈRE PAGE

Chiff res et perceptions migratoires

de Biriouliovo a été placé en dé-tention.

En plus des mesures de contrôle des lieux de travail des immigrés, le maire de Moscou Sergueï Sobianine a chargé la police de capitale de vérifi er tous les logements de la ville pour s’assurer du respect par les pro-priétaires de la législation en vi-gueur en matière d’immigration. Après vérifi cation d’une première tranche de 3 500 appartements, il a été établi que 57 étaient loués sur une base illégale. L’un d’eux, situé dans la rue où l’habitant

de Biriouliovo Egor Chtcherba-kov a été tué, comptait à lui seul 196 personnes enregistrées. Il s’agit de ce qu’on appelle un « appartement élastique » dont le propriétaire touche un pourcen-tage sur l’enregistrement des im-migrés à son adresse. Ceux-ci vivent en réalité à d’autres adresses. Le plus souvent, ils logent sur leur lieu de travail, par exemple dans des préfabri-qués de chantier. Il faut rappe-ler que tous les étrangers doivent officiellement être enregistrés dans un appartement, et que

l’absence d’un effort de l’État, qui ne prévoit aucun programme d’aide pour les handicapés ou les gens atteints de défi ciences physiques, cette catégorie de la population se retrouve complè-tement marginalisée.

Cette situation remonte à l’époque soviétique, qui avait sa « solution » au problème : par-quer les malvoyants pour qu’ils vivent entre eux. Des villages spéciaux étaient bâtis pour les loger, les faire travailler. On construisait des écoles, des

centres de réhabilitation. Mais avec la chute du régime, tout le système s’effondra.

À la différence de Sergueï, Pavel Obiyoukh, 34 ans, est to-talement aveugle. Tous les ma-tins, comme des milliers de Mos-covites, il se rend au bureau. Lui aussi a commencé à travailler dans une usine de l’Association des aveugles, mais il a vite bi-furqué parce qu’il voulait fré-quenter les mêmes lieux que les voyants.

Il a su tourner son défaut à

VLADIMIR ROUVINSKILA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Il leur est plus difficile qu’à

l’époque soviétique de trouver

leur place dans le monde du tra-

vail, faute d’un vrai programme

gouvernemental de soutien.

Handicap Reportage sur le combat des malvoyants pour mener une vie active dans la Russie d’aujourd’hui

NATALIA MIKHAYLENKO

AR

CH

IVES

PER

SON

NEL

LES

Page 4: La Russie d'Aujourd'hui

04LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO Économie

Dans « un pays d’entrepreneurs »

Quel a été votre parcours avant

d’arriver en Russie ?

Difficile à résumer ! Je suis en-trée en classe préparatoire litté-raire à Paris avec pour objectif d’intégrer l’École normale supé-rieure (ENS). J’ai réussi à la se-conde tentative, mais me suis vite rendu compte que c’était une er-reur de parcours ! J’ai cherché une porte de sortie et me suis di-rigée vers Sciences Po-Paris. En parallèle, j’ai lancé ma première start-up en Russie, que j’ai gérée pendant quatre ans.

Pourquoi vous lancer dans les af-

faires en Russie ?

J’avais commencé à apprendre le russe au collège en deuxième langue. J’ai passé un été dans un orphelinat à Kostroma. L’établis-sement était financé par des hommes d’affaires russes dont l’un est devenu mon partenaire en affaires. C’est lui qui a avan-cé les fonds pour la création de la nouvelle entreprise.

Avez-vous ressenti un choc cultu-

rel à votre arrivée ?

Je suis revenue en Russie il y a presque cinq ans. Le fait de par-ler la langue aide beaucoup. Je fais l’effort de m’intégrer, et mes amis sont essentiellement russes. Les Russes sont à la fois très proches et très éloignés des Eu-ropéens : la Russie, c’est un conti-nent entre l’Occident et l’Orient, et elle a emprunté des traits à l’un et à l’autre. L’une des erreurs des Occidentaux est de vouloir lui appliquer leurs schémas de pensée, alors que ce pays a une histoire et une culture différentes.

PAUL DUVERNETLA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Numéro 2 du secteur, Danone

s’associe à un important pro-

ducteur russe pour se garantir

des volumes. Un projet qui

exigera un investissement allant

jusqu’à 400 millions d’euros.

Danone innove en Russie en se lançant dans l’activité fermière

Agro-alimentaire La baisse de la production de lait modifie la structure du marché

porte-parole de Danone Marina Balabanova indique que les pour-parlers sont encore en cours sur ce point. Le groupe français est censé acheter la totalité de la pro-duction des deux fermes.

Jusqu’ici, Danone ne s’était pas aventuré dans l’activité fermière, se contentant d’acheter du lait à des producteurs, et soutenant ici ou là des partenaires à travers des programmes de formation. Selon Naoum Babaïev, Danone ne de-vrait pas participer au versant opérationnel des fermes, mais se limiter au développement et à la construction, où son expérience est confi rmée.

Le groupe français a profi té de la venue à Moscou du Premier mi-nistre Jean-Marc Ayrault pour si-gner en sa présence un important accord destiné à asseoir ses posi-tions sur le secteur laitier russe. Il s’agit d’une coentreprise avec le groupe russe Damate, dont la mission sera de bâtir et d’opérer deux grosses fermes laitières dans les régions de Tioumen et en Bach-kirie. Dans la ferme bachkire, 10 000 vaches donneront autour de 105 000 tonnes de lait par an, tan-dis que la ferme de Tioumen comptera 8 800 têtes pour une capacité annuelle de 88 000 tonnes de lait. La production dé-marrera dans un an et demi, selon le président du conseil des direc-teurs de Damate, Naoum Babaïev. On estime que les investissements avoisineront les 400 millions d’eu-ros, en partie prélevés sur des fonds propres et en partie via des crédits. M. Babaïev n’a pas pré-cisé la part respective des efforts de Damate et de Danone. La

Marina Balabanova explique que « le partenariat sera mutuel-lement bénéfi que, puisque Damate obtient la garantie d’écouler sa production de lait et profi tera de l’expérience de gestion de Danone qui, pour sa part, verra sa base de ressources augmenter consi-dérablement ». Le volume des achats de lait de Danone Russie a atteint 1,7 millions de tonnes en 2012. Du coup, la coentreprise avec Damate couvrira environ un huitième de ses besoins en ma-tières premières sur le marché russe. En outre, selon Mme Bala-banova, une formule de prix stables sera décidée entre les deux

partenaires, offrant une stabilité sur un marché global plutôt fl uc-tuant. La situation russe a connu une chute rapide de la produc-tion de lait, conduisant à une mon-tée des prix gênante pour Danone.

La Russie traverse une grave crise dans l’industrie laitière. Selon le Service fédéral des sta-tistiques, sur la période allant de janvier à septembre 2013, le chep-tel de vaches a fondu de 151 000 têtes. Avec pour conséquence un bond de 25 à 30% des prix sur un an. Le litre de lait se négocie en gros autour de 0,37 euros en moyenne. Le syndicat national des producteurs de lait se plaint qu’en l’absence de soutien gou-vernemental, la situation va conti-nuer à se dégrader. Danone est le deuxième acteur du secteur lai-tier russe derrière Pepsico, avec respectivement 14,4% et 16,2% du marché russe. Le groupe fran-çais a réalisé l’année dernière un chiffre d’affaires de 1,8 milliards d’euros en Russie.

En juillet dernier, Danone avait annoncé un investissement de 67 millions d’euros dans une usine sibérienne, afi n d’augmenter de 40% sa capacité de production. Le groupe français concentre ses efforts sur les produits à plus haute valeur ajoutée, comme Ac-tivia, Danissimo.

Jusqu’ici, Danone se contentait d’acheter son lait à des producteurs

locaux.

EN BREF

Les ressortissants de 20 pays, dont la France, arrivant par avion pourront être admis en Russie sans visa pour une pé-riode de trois jours. Seule condi-tion : ils devront voyager à bord d’une compagnie aérienne russe. Si le projet de loi est adopté, la mesure relative aux séjours touristiques pourrait entrer en vigueur dès l’été pro-chain. Les touristes français qui feront escale dans l’un des 11 aéroports russes, dont ceux de Moscou – Cheremetievo, Domo-dedovo et Vnoukovo – pourront donc en bénéfi cier.

Dispense de visa

pour 72 heures

sur le sol russe

AFFAIRES À SUIVRE

FORUM ÉCONOMIQUE

FRANCO-RUSSE

LE 28 NOVEMBRE,MEDEF, 55 AVENUE BOSQUET, PARIS

Le Forum portera sur le déve-loppement des investissements et la coopération commerciale et économique entre la Rus-sie et la France, le partenariat des petites et moyennes entre-prises, les projets « Grand Pa-ris » et « Grand Moscou ».www.dialoguefrancorusse.com

TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITELARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

ENTRETIEN AVEC MAËLLE GAVET

CETTE FRANÇAISE DIRIGE LE PREMIER GROUPE DE VENTE PAR INTERNET EN RUSSIE. ELLE ÉVOQUE

LES DÉFIS ET LES SUCCÈS RENCONTRÉS DANS UN PAYS DONT ELLE SALUE L’ESPRIT D’ENTREPRISE.

d’énergie ! Les montagnes sont difficiles à déplacer, mais elles se déplacent. Des boîtes se créent, il y a de la demande, et le niveau de vie augmente : on en parle rarement, mais il n’a jamais été aussi élevé. Les tendances macro-économiques sont bien meilleures qu’en Europe – la dette russe est extraordinairement bien por-tante. Certes, les taux de crois-sance seront plus faibles dans les années à venir, mais comparez-les à ceux publiés en France  !

Quels sont les inconvénients aux-

quels vous êtes confrontée ?

La bureaucratie est pesante, c’est une réalité. Mais l’est-elle davan-tage qu’en Chine ou en Inde ? Un exemple parmi d’autres : la façon dont sont payés les employés du-rant leurs congés. Certains cri-tères entrent en ligne de compte dans le calcul de la rémunéra-tion, si bien que le salaire varie selon les mois. Toutes ces ques-tions administratives sont com-pliquées et devraient être sim-plifi ées. Par ailleurs, nous n’avons pas encore suffisamment de res-sources managériales, de gens sa-chant diriger des équipes, formés « à l’occidentale ». La gestion, ça s’apprend. La Russie est encore dans ce processus d’assimilation des techniques de management. Enfi n, les infrastructures ne sont pas encore suffisamment déve-loppées.

C’est précisément le déf i

d’Ozon.ru : livrer des marchan-

dises sur un territoire démentiel…

Pour cela, nous avons notre propre service de livraison,

O-Courier, qui nous permet de couvrir l’ensemble du pays. Nous avons recours à la poste russe à hauteur de 10% des commandes. Sur le terrain, le problème vient clairement des infrastructures, et je pense que cela aura un im-pact sur la croissance future de la Russie. Ce pays a besoin de plus de routes, de plus d’avions, de plus de tout. Nous réalisons 45% de nos ventes à Moscou et Saint-Pétersbourg. Or, ces deux villes – les plus importantes du pays – sont reliées par une route au nombre de voies limité. Il y a deux ans, j’ai voulu me rendre à l’entrepôt d’Ozon, situé à Tver (au nord-ouest de Moscou). Il m’a fallu presque six heures pour l’at-teindre, car un camion s’était ren-versé sur la route. De quoi blo-quer complètement l’axe principal du pays !

Envisagez-vous d’implanter

Ozon.ru en dehors de Russie ?

Nous travaillons déjà au Ka-zakhstan, et nous pensons aussi aux autres pays de la CEI. Mais Ozon se concentre avant tout sur la Russie dont le potentiel est énorme : il s’agit du premier mar-ché d’usagers internet en Europe, et le taux de pénétration est en-core inférieur à 50%.

Peut-on vous envoyer des CV ?

Oui, Ozon recrute. Des Russes, mais aussi des étrangers, à condi-tion qu’ils parlent russe. Nous sommes toujours à la recherche de personnes ayant de l’expé-rience en entreprise.

Propos recueillis parEtienne Bouche

BIOGRAPHIE

Diplômée de Science Po-Paris, elle a lancé une start-up, puis a travaillé pour le cabinet de conseil américain BCG. En 2010, la société Ozon (Russie) l’a embauchée.

NATIONALITÉ : FRANÇAISE

ÂGE : 35 ANS

De la même manière que les Russes ont leur propre système de décisions, aussi bien en poli-tique que dans le monde des af-faires. La France a tendance à l’oublier.

Qu’observez-vous de positif sur le

marché russe ?

La Russie est un pays d’entre-preneurs, vous pouvez tout y faire à condition d’avoir beaucoup

30 entrepreneurs de moins de 30 ans vous racontent le succès de leur parcours.

Rendez-vous sur larussiedaujourdhui.fr/

30_entrepreneurs_de_moins_de_30_ans

KOMMERSANT

ALAMY/LEGION MEDIA

ITA

R-T

ASS

Page 5: La Russie d'Aujourd'hui

05LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO Régions

À NE PAS MANQUER

Les volcansdu Kamtchatka

Le Ploski Tolbatchik abrite un cra-tère de 3 kilomètres de diamètre et est entouré de forêts dont la végétation a été détruite par les éruptions successives.

C'est le plus haut volcan actif d'Eu-rasie (4 850 m). Au cours des 270 dernières années, il s'y est produit plus de 50 éruptions violentes. Lors des éruptions de 2004-2005, la colonne de cendres s’est élevée à 8 000 m. La dernière éruption s’est produite en 2009.

En 1996, le Koriakski a été ajou-té à la liste des 16 volcans qui, de l'avis de l'ONU, doivent être tout spécialement étudiés. Il culmine à 3 456 m. Son sommet présente un cratère de 180-200 m de dia-mètre. Le volcan est situé à 35 km de Petropavlovsk-Kamtchatski et s’inscrit dans le panorama de la ville.

C’est l’un des plus grands volcans du sud du Kamtchatka. Il atteint 2 323 m d'altitude. Le cratère cen-tral mesure 2 km sur 1,5 km.

Ploski Tolbatchik

Klioutchevskoï

Koriakski

Moutnovski

AJAY KAMALAKARANPOUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Le Kamtchatka, territoire

volcanique formant l’une des

plus des grandes étendues

sauvages au monde, offre aux

intrépides voyageurs une

gamme de paysages vierges

sans équivalent sur notre globe.

Au bout de l’aventure sur une terre de glace et de feu

Découverte La péninsule du Kamtchatka, dans l’Extrême-Orient russe, est l’une des dernières zones totalement sauvages sur la planète

Le mot Kamtchatka évoque des images de sources bouillon-nantes, de myriades de volcans enneigés et de rivières sauvages regorgeant de saumon en été et cachées sous des couches de glace et de neige en hiver. La péninsule du Kamtchatka, une plus des grandes étendues sau-vages au monde, est située sur la ligne de changement de date, et sa capitale, Petropavlovsk-Kamtchatski, est plus proche de Tokyo et Seattle que de Mos-cou. Certaines parties de ce ter-ritoire long de mille kilomètres étant restées à l’écart de toute « civilisation », ses habitants n’hésitent pas à dire affectueu-sement que le Kamtchatka n’a pas de routes... seulement des directions.

L’isolement de la région et son manque d’infrastructures constituent à la fois une béné-diction et une malédiction. La nature du Kamtchatka reste en grande partie inaccessible au tourisme de masse. Il est qua-siment impossible pour le voya-geur individuel (surtout avec un budget limité) de l’explorer sans solliciter une agence.

Petropavlovsk a été fondée dans les années 1740. Située sur la baie d’Avatcha, la ville offre de formidables vues sur deux volcans et plusieurs sommets enneigés. Mais mis à part son emplacement idéal, peu de choses différencient Petropa-vlovsk d’autres petites bour-gades de l’ancien bloc sovié-tique, qui ont toutes gardé un important héritage de l’archi-

Où se loger Doté d'un restaurant et d'une petite biblio-thèque, Petropavlovsk

Hotel est situé dans la partie nord de la ville. 5 Stars Apart-ments offre des chambres avec une vue panoramique sur les volcans.

Pour s’y rendreDepuis Paris, le vol via Moscou vers Petropa-vlovsk-Kamtchatski dure

15 heures et les tarifs démarrent à 730 euros aller/retour. Il n'existe pas de liaison ferro-viaire, mais des croisières des-servent le Kamtchatka.

Quelles agences ?

Terres d'aventure (www.terdav.com) propose un circuit de 14 jours avec un guide local français et prend tout en charge. Sinon, vous avez le choix entre deux agences à Petropavlovsk : Explore Kamchatka (www.explore-kamchatka.com), The Lost World (www.travelkam-chatka.com). Elles proposent une large gamme de circuits.

L’isolement

de la région

et son

manque d’in-

frastructures

constituent à

la fois une

bénédiction

et une malé-

diction.

tecture de l’URSS. La capitale de la région reste cependant un bon point de départ pour les excursions dans les autres sites de la péninsule, dont beaucoup ne sont accessibles que par hé-licoptère.

Si vous ne disposez pas de beaucoup de temps, les volcans Avatchinski et Koriakski, vi-sibles depuis Petropavlovsk, sont les plus faciles à visiter.

Une personne ayant une bonne condition physique met environ six heures pour arriver au som-met de l’Avatchinski, qui culmine à 2 741 mètres d’alti-tude, alors que le Koriakski (à 3 456 mètres) se montre plus exigeant : il faut au moins douze heures aux randonneurs les plus en forme pour atteindre son pic.

Comme souvent en Extrême-Orient russe, le temps change aussi vite que l’humeur d’une jolie femme et les orages peuvent venir de nulle part. Mais les vues de la mer, la ver-dure des paysages luxuriants et certains des espaces les plus

et est entouré de forêts dont la végétation a été détruite par les éruptions successives.

Les environs du Tolbatchik, toujours actif, sont très simi-laires au paysage de la Lune. C’est pourquoi l’Union sovié-tique y a testé son véhicule lu-naire avant de l’envoyer dans l’espace.

Plusieurs éruptions du vol-can se sont produites dernière-ment et les voyages dans la ré-gion peuvent être annulé au dernier moment si la situation l’exige

Le lac de KourileD’un rayon de 77 kilomètres, le lac de Kourile est entouré de volcans et sa nature est totale-ment préservée, même si le tou-risme commercial commence doucement à amener ses excès dans la région.

Comme plusieurs parties de la péninsule, le Kourile est plus facilement accessible par héli-coptère en partant de Petropa-vlovsk. On peut théoriquement s’y rendre seul, mais les inci-dents mortels avec les ours ne sont pas rares, surtout pendant le printemps.

Se déplacer accompagné de guides professionnels expéri-mentés reste la meilleure op-tion. Ne vous prenez pas pour Indiana Jones !

sauvages au monde méritent d’y consacrer du temps, de l’éner-gie et de la patience. Si vous faites tout le voyage jusqu’à la péninsule, n’hésitez pas à y consacrer au minimum deux se-maines, voire un mois entier.

La vallée des geysersAucun voyage dans la pénin-sule ne serait complet sans une visite de la vallée des geysers. La vallée de la rivière Geyser-naïa fait partie de la réserve na-turelle de Kronotski d’où jail-lissent de la vapeur, de l’eau et de la boue.

La zone offre plusieurs circuits de randonnées et il est assez fa-cile d’explorer une majeure par-tie de la vallée en une journée. L’accès à cette zone est néan-moins onéreux. Elle se trouve en effet à 200 kilomètres de Petro-pavlovsk et l’hélicoptère consti-tue presque le seul moyen de s’y rendre. Le trajet vous coûtera au bas mot dans les 450 euros.

Marcher sur la LunePour visiter Tolbatchik, l’un des endroits les plus isolés et ex-traordinairement beaux de la péninsule, il vous faudra péné-trer une des forêts les plus denses au monde et vous dépla-cer en bateau sur la rivière. Le volcan Ploski Tolbatchik abrite un cratère de trois kilomètres

Un volcan encore actif a été utilisé par les Soviétiques pour tester un véhicule lunaire avant son lancement

DÉCOUVREZ LA VILLE QUI ACCUEILLE LES J.O. 2014

Les bons restaurants, les sites à ne pas manquer et les magasins de souvenirs

larussiedaujourdhui.fr

RIA NOVOSTI

ITA

R-T

ASS

ALA

MY/

LEG

ION

MED

IAA

LAM

Y/LE

GIO

N M

EDIA

LOR

I/LE

GIO

N M

EDIA

GETTY IMAGES/FOTOBANK GETTY IMAGES/FOTOBANK

Page 6: La Russie d'Aujourd'hui

06LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO Opinions

Préparé parVeronika Dorman

LU DANS LA PRESSEESPIONNAGE : BONS BAISERS DE RUSSIE

Le Trésor américain a inscrit un célèbre chanteur russe, Grigori Lepsveridze, alias Leps, sur une liste noire, le soupçonnant de liens avec le « Cercle fraternel », une organisation criminelle trans-nationale regroupant les chefs de différents groupes mafieux surtout basés dans l’ex-Union soviétique. La diplomatie russe est en émoi, d’autant plus que le chanteur est très apprécié du président Vladimir Poutine, qu’il soutient ouvertement.

CHASSE À LA POP RUSSE

Michael BohmTHE MOSCOW TIMES / 15.11

VRAIE ET FAUSSE RUSSIE

ÉditorialGAZETA.RU / 01.11

ARTISTE OU MAFIEUX ?

Maria ZheleznovaVEDOMOSTI / 05.11

Les autorités russes ont demandé au Trésor de fournir des preuves de la participation supposée de Leps dans le crime organisé in-ternational. C’est leur droit que les États-Unis doivent respecter. Mais il est peu vraisemblable que les autorités russes enquêtent en profondeur sur les dizaines de citoyens russes, dont Leps, figu-rant sur la liste des membres du « Cercle fraternel ». Il y a une so-lidarité forte au sein des élites russes, qui obéissent à une omer-ta, « On ne livre pas les siens », surtout quand il s’agit de person-nalités comme Leps, qui était un « délégué de confiance » de Pou-tine durant la campagne présiden-tielle de 2012.

En 24 heures, les États-Unis ont réussi à flatter un Russe célèbre et à en vexer un autre. Poutine a été désigné homme le plus puissant de l’année par la revue Forbes. Leps a été inscrit sur une liste noire. Ces deux histoires corres-pondent bien à l’image de la Rus-sie en Occident : dangereuse, cri-minelle et imprévisible, et qui ne peut être dirigée que d’une main de fer. Mais la véritable Russie est différente. Bien sûr, Leps peut chanter à d’un gala d’« hommes d’affaires influents », mais de là à trimbaler des valises d’argent pour eux... De même, Poutine n’est pas omnipotent, et toute la politique nationale n’est pas, par défaut, la « politique de Poutine».

Se retrouver sur la liste noire du Trésor américain peut être un bon moyen de témoigner son amour de la patrie et obtenir une déclara-tion réciproque. Les États-Unis ne savaient pas à qui ils s’attaquent : homme de confiance de Poutine, artiste émérite de Russie, et le mu-sicien le plus riche du pays selon Forbes. Un tel homme ne peut pas être un vulgaire coursier, explique le porte-parole du Kremlin. C’est un citoyen exemplaire, qui soutient toujours Poutine et le pouvoir. Qui le lui rend bien, en exigeant des États-Unis qu’ils cessent de se mê-ler de ce qui ne les regarde pas. La Russie est parfaitement capable de faire la différence entre un artiste et un mafieux.

DEUX TYPES DE MIGRATIONXavier

Le TorrivellecPOLITOLOGUE

Les émeutes de Biriouliovo, provoquées par le meurtre d’un Russe par un autre Russe d’« origine cauca-

sienne », ont relancé les débats sur l’état de la société et son rap-port à l’État : la Russie serait vouée à la violence et à l’impé-rialisme. La montée d’une xéno-phobie à tendance islamophobe accentuerait les tensions intereth-niques. Certes, la situation des 20 millions de musulmans de Russie s’est dégradée après les deux guerres de Tchétchénie, la lutte anti-terroriste engagée en 2001 et le soi-disant complot antirusse des printemps arabes. Au-jourd’hui, des groupuscules isla-mistes contestent par la violence le contrôle exercé par l’État, les muftis et généralement les « ex-perts ». Leur purisme doctrinaire s’implante sur les rives de la Volga et jusqu’en Sibérie. Le tableau est heureusement plus nuancé quand on vit en Russie.

Au quotidien, on n’observe au-cune tension entre orthodoxes, musulmans, juifs et bouddhistes. La Russie reste un modèle de coexistence pacifi que entre les grandes religions, qui y coha-bitent sans heurt majeur depuis des siècles. Cela n’a rien d’une fi gure de style : il suffit pour s’en convaincre, de traverser les vil-lages de la région Volga-Oural. On plonge dans des espaces de tolérance interconfessionnelle et de pratiques syncrétiques. Au-jourd’hui, les positions des mu-sulmans autochtones de Russie (Tatars, Avars, Bachkirs…) sont contestées par les exigences pu-

ristes des jeunes salafi stes et par les pratiques ostentatoires des nouveaux musulmans, ces mi-grants économiques venus des anciennes républiques sovié-tiques du Sud-Caucase et d’Asie centrale. À ce titre, les musul-mans de Russie participent, au même titre que les Russes eth-niques, d’un sentiment patrio-tique anti-immigrés.

Tous ont du mal à supporter la transformation de leur quartier en « ghetto », comme ce fut le cas de celui de Biriouliovo. Même si

aucune étude statistique ne confi rme le lien, le sentiment d’in-sécurité est communément rap-porté à une forte présence immi-grée, notamment illégale. Les énoncés sur la criminalité eth-nique sont repris dans les médias : qu’un crime soit commis par un immigré, et son appartenance eth-nique est aussitôt précisée. Ces indications ethnicisantes ne sont plus mentionnées lorsque le cri-minel est d’origine slave, laissant croire que les crimes sont majo-ritairement le fait des immigrés. Ces pratiques de double standard et leur responsabilité dans la mon-tée d’un racisme culturel sont ré-gulièrement dénoncées. Sans suc-cès : les récits des habitants victimes d’agression alimentent un climat de défi ance et l’impu-nité des migrants illégaux ren-

forcent les soupçons de collusion entre migrants et policier.

Face à l’inaction de l’État, les cas se sont multipliés d’émeutes déclenchées par des habitants ex-cédés par la présence immigrée dans leur quartier. La confronta-tion violente est inévitable dans une société russe marquée par la prégnance des rapports de force. Peu remarqué, un élément du drame de Biriouliovo explique l’ampleur de la réaction popu-laire : Egor, âgé de 25 ans, est mort pour avoir défendu sa fi ancée. Or,

le rôle protecteur des hommes re-lève d’une norme sociale incon-tournable.

Comme ailleurs en Europe, des courants identitaires se greffent sur les mouvements d’autodéfense. Lié à l’illusion d’une invasion, un sentiment de vexation l’emporte chez la plupart des Russes, qui restent persuadés que les peuples centrasiatiques ont voulu quitter l’URSS. Simplifi cations idéolo-giques et affirmations de soi se radicalisent dans un contexte de crise : le délitement du consensus autour de la fi gure titulaire de Vla-dimir Poutine participe d’une perte de repères.

Ce faisant, les nationalistes opèrent un amalgame entre mi-grations interne et externe. Ils ne distinguent pas les citoyens russes des républiques du Nord-Caucase

des étrangers arrivés d’Asie cen-trale. Ces « étrangers » qu’ils conspuent ont un passeport russe et leurs ancêtres étaient installés en Russie avant les Slaves ! La conscience impériale est large-ment partagée : la Russie était un empire composé d’une centaine de peuples autochtones. Comme les Ouzbeks, les Tchétchènes étaient sujets du Tsar et dispo-saient de leur république à l’époque soviétique. À la différence des États-Unis ou de l’Union eu-ropéenne, la Russie n’a jamais été un pays de migrants et, État mul-tiethnique, elle n’est toujours pas un État-nation. La fi erté natio-nale de la centaine de peuples non russes de Russie réduit l’attrait pour une citoyenneté transcen-dant les appartenances ethniques.

Les tensions actuelles concernent les populations immi-grées et non pas les rapports entre les différents peuples de la Fédé-ration de Russie. Il en va de même sur la question de l’islam : on ne perçoit pas en Russie la pression des réfl exes islamophobes quoti-diens en Europe. L’islam de Rus-sie est une religion traditionnelle et les musulmans de Russie sont les premiers à condamner les pra-tiques ostentatoires de leurs co-religionnaires immigrés. Mais pour faire face à la montée des réfl exes xénophobes, l’État doit réguler les deux types de migra-tion, intérieure et extérieure. Seule l’élaboration d’une unité ci-toyenne de tous les habitants de Russie serait susceptible de ré-duire les confusions et de clari-fi er les enjeux de politique inté-rieure et de politique étrangère.

L’auteur est professeur à l’uni-versité d’État de Voronezh.

GÉORGIE-RUSSIE : LE CHANGEMENT

Sergueï

MarkedonovPOLITOLOGUE

Le 27 octobre dernier, un nouveau chef d’État, Geor-gy Margvelachvili, a été élu à la tête de la Géorgie, suc-

cèdant à Mikheil Saakachvili, au pouvoir depuis 10 ans. Durant cette période, les relations russo-géorgiennes sont tombées au plus bas depuis la désagrégation de l’URSS, jusqu’à un confl it mili-taire de cinq jours. La reconnais-sance par Moscou de l’indépen-dance de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud, jusque-là par-ties du territoire géorgien, a mar-qué le premier cas de révision des frontières des pays de l’ex-Union soviétique depuis 1991.

La fi n de l’ère Saakachvili est considérée comme une chance de normalisation des relations bila-térales. Les dirigeants du « Rêve géorgien », la coalition au pou-voir, ont l’intention de « faire tom-ber la fi èvre dans les rapports avec la Russie ». Lors d’un de ses dis-cours précédant le vote, Georgy Margvelachvili, s’est fixé cette mission. Dans quelle mesure la normalisation des relations pro-fi te-t-elle à la fois à la Russie et à la Géorgie, ainsi qu’à d’autres acteurs extérieurs ?

La Géorgie dispose d’une po-sition extrêmement importante dans la géopolitique européenne. Elle joue le rôle d’intermédiaire entre les régions de la mer Noire et celles de la mer Caspienne. Ainsi, ce n’est pas un hasard si du temps de l’Empire tsariste, la résidence du gouverneur russe dans le Caucase se trouvait pré-cisément à Tifl is [ancien nom de Tbilissi, ndlr]. La frontière russo-géorgienne coupe des espaces po-litiques instables : la Tchétchénie, le Daghestan, l’Ingouchie. On trouve sur le territoire géorgien une voie permettant à la Russie d’atteindre son partenaire straté-gique dans le Caucase : l’Armé-nie. La Géorgie est un partenaire indispensable pour les projets stratégiques de transport ferro-viaire et le transit des hydrocar-bures. La Géorgie, qui contrôle les ports de Batoumi et de Poti, fait par ailleurs le lien entre le Caucase et la Turquie.

La normalisation des relations offrirait la possibilité de mieux contrôler les zones troubles du nord Caucase. Il ne faut pas ou-blier que pour « l’Émirat cauca-sien », la Géorgie chrétienne re-présente un ennemi stratégique au même titre que la Russie. D’ail-leurs, en particulier depuis l’at-tentat de Boston, Washington prête une grande attention à la

Les nationalistes opèrent sciemment un amalgame entre migration interne et migration externe

La Russie n’a jamais été un pays de migrants et, État multiethnique, elle n’est toujours pas un État-nation

stabilité du Caucase russe. Il n’est ainsi pas étonnant que lors de sa dernière visite dans la capitale américaine, le ministre géorgien de la Défense, Irakli Alassania, ait annoncé son intention de col-laborer avec Moscou dans la lutte antiterroriste, et cela « malgré le douloureux souvenir de la guerre de 2008 ».

Deuxièmement, l’amélioration des relations entre la Russie et la Géorgie est conforme aux inté-rêts américains. Les États-Unis évitent tout confl it frontal avec Moscou et ont une approche prag-matique de la situation. Dans cette optique, le départ du troisième président géorgien est un premier pas. Washington peut maintenir l’orientation transatlantique choi-sie initialement par Tbilissi (inté-gration dans l’OTAN et rappro-chement avec l’Union européenne) tout en évitant une confrontation ouverte avec Moscou.

Troisièmement, la normalisa-

tion des relations bénéfi ciera aux autres républiques du Caucase en permettant à l’Arménie d’accroître sa marge de manœuvre en poli-tique extérieure. L’Azerbaïdjan, partenaire de Tbilissi, ne se sen-tirait plus otage de la politique aventureuse de la Géorgie. L’op-tion d’une orientation univoque avec la Russie ou avec l’Occident n’est pas dans les intérêts de la diplomatie azerbaïdjanaise.

L’amélioration du dialogue entre Moscou et Tbilissi semble n’avoir que des avantages pour tous. Cependant, on ne doit pas s’adonner à des excès d’opti-misme. Certes, la responsabilité de Saakachvili était grande dans la détérioration des rapports entre les deux pays. Toutefois, de nom-breux points de tension existaient déjà par le passé, et d’autres fac-teurs sont à prendre en compte (notamment les volontés indépen-dantistes de l’Abkhazie et de l’Os-sétie du Sud). Quoi qu’il en soit, le passage d’une politique em-preinte d’idéologie à un pragma-tisme permettant « l’accord dans le désaccord » serait déjà un grand pas en avant.

Segueï Markedonov est cher-cheur invité au « Center for Stra-tegic and International Studies » de Washington.

CE SUPPLÉMENT DE HUIT PAGES EST ÉDITÉ ET PUBLIÉ PAR ROSSIYSKAYA GAZETA (RUSSIE), QUI ASSUME L’ENTIÈRE RESPONSABILITÉ DU CONTENU. SITE INTERNET WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR EMAIL [email protected] TÉL. +7 (495) 775 3114 FAX +7 (495) 9889213 ADRESSE 24 / 4 RUE PRAVDY, ÉTAGE 7, MOSCOU 125 993, RUSSIE. EVGENY ABOV : DIRECTEUR DE LA PUBLICATION RUSSIA BEYOND THE HEADLINES (RBTH), PAVEL GOLUB : RÉDACTEUR EN CHEF DE RBTH, JEAN-LOUIS TURLIN : DIRECTEUR DÉLÉGUÉ, MARIA AFONINA : RÉDACTRICE EN CHEF DE LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI, DIMITRI DE KOCHKO : CONSEILLER DE LA RÉDACTION, ANDREÏ CHIMARSKI : DIRECTEUR ARTISTIQUE, ANDREI ZAITSEV : SERVICE PHOTO. JULIA GOLIKOVA : DIRECTRICE DE PUBLICITE & RP ([email protected]) OU EILEEN LE MUET ([email protected]). MARIA TCHOBANOV : REPRÉSENTANTE À PARIS ([email protected], 07 60 29 80 33 ). TRADUCTEURS : VERONIKA DORMAN, PAULINE NARYSHKINA.© COPYRIGHT 2013, AFBE "ROSSIYSKAYA GAZETA". TOUS DROITS RÉSERVÉS.ALEXANDRE GORBENKO : PRÉSIDENT DU CONSEIL DE DIRECTION, PAVEL NEGOITSA : DIRECTEUR GÉNÉRAL, VLADISLAV FRONIN : DIRECTEUR DES RÉDACTIONS. TOUTE REPRODUCTION OU DISTRIBUTION DES PASSAGES DE L’OEUVRE, SAUF À USAGE PERSONNEL, EST INTERDITE SANS CONSENTEMENT PAR ÉCRIT DE ROSSIYSKAYA GAZETA. ADRESSEZ VOS REQUÊTES À [email protected] OU PAR TÉLÉPHONE AU +7 (495) 775 3114. LE COURRIER DES LECTEURS, LES TEXTES OU DESSINS DE LA RUBRIQUE “OPINION” RELÈVE DE LA RESPONSABILITÉ DES AUTEURS OU DES ARTISTES. LES LETTRES DESTINÉES À ÊTRE PUBLIÉES DOIVENT ÊTRE ENVOYÉES PAR ÉMAIL À [email protected] OU PAR FAX (+7 (495) 775 3114). LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI N’EST PAS RESPONSABLE DES TEXTES ET DES PHOTOS ENVOYÉS.LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI ENTEND OFFRIR DES INFORMATIONS NEUTRES ET FIABLES POUR UNE MEILLEURE CONNAISSANCE DE LA RUSSIE.

LE COURRIER DES LECTEURS, LES OPINIONS OU DESSINS DE LA RUBRIQUE “OPINIONS” PUBLIÉS DANS CE SUPPLÉMENT

REPRÉSENTENT DIVERS POINTS DE VUE ET NE REFLÈTENT PAS NÉCESSAIREMENT LA POSITION DE LA RÉDACTION DE LA RUSSIE

D’AUJOURD’HUI OU DE ROSSIYSKAYA GAZETA. MERCI D’ENVOYER VOS COMMENTAIRES PAR COURRIEL :

[email protected].

« Accord dans le désa-ccord » : l’amélioration du dialogue entre Moscou et Tbilissi a du bon pour tous, mais...

Page 7: La Russie d'Aujourd'hui

07LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO Culture

Le cinéma russe face à une société en quête d’identité

ENTRETIEN AVECRADU MIHAILEANU

LE RÉALISATEUR FRANÇAIS D’ORIGINE

ROUMAINE PRÉSIDE CETTE ANNÉE LE

JURY DU FESTIVAL DE HONFLEUR

Qu’est-ce qui a motivé votre déci-

sion de présider cette année le jury

du Festival ?

J’ai un lien très étroit avec la culture russe. Mes parents sont nés en Moldavie, mes arrière-ar-rière grands-parents viennent d’Odessa. J’ai grandi sous l’in-fl uence énorme de la culture russe, ce qui a laissé des traces dans mon éducation, comme de tout Rou-main à l’époque, quand la Rou-manie faisait partie de ce qu’on appelait le bloc de l’Est. Andreï Tarkovski est pour moi un génie absolu, je le place parmi mes cinq cinéastes préférés de l’histoire du cinéma, au même rang qu’Ingmar Bergman et Charlie Chaplin. Son fi lm Andreï Roublev fut un choc pour moi, comme L’Enfance d’Ivan et surtout Stalker. Je n’ou-blierai jamais une scène qui m’a beaucoup marqué dans Stalker.

C’est la troisième fois qu’on me propose de présider le jury du fes-tival de Honfl eur, mais les années précédentes ce n’était pas possible à cause de mon planning des tour-nages et la promotion de mes fi lms. Heureusement pour moi, cette année je suis disponible pendant la période du festival et j’ai hâte de voir les nouveaux fi lms russes, de me réimprégner de la culture

" Il y a aura des films jamais projetés en France, notam-ment La Soif, qui parle de

la vie d’un vétéran de la Tchétché-nie, et Parties Intimes qui traite avec audace du sexe. Il y aura des avant-premières, comme L’Amour

en URSS de Karen Shakhnazarov, qui sortira à la fin de l’année ”.

ELLE VOUS LE DIT

Françoise SchnerbPRÉSIDENTE DE L’ASSOCIATION DES AMIS DU FESTIVAL DU CINÉMA RUSSE DE HONFLEUR

russe pendant quelques jours, de voir ces merveilleux acteurs.

Le thème de la recherche de l’iden-

tité revient souvent dans vos films.

Depuis la chute du régime commu-

niste, la société russe partage cette

interrogation. N’est-elle pas exces-

sive parfois ?

Le monde vit aujourd’hui une vague migratoire très forte. Nous nous trouvons aux confl uences de plusieures cultures, grâce aussi à la télévision par satellite et aux nouvelles technologies. Nous conjuguons sans cesse l’universel avec le spécifi que. Il est donc lo-gique de se poser la question : sommes-nous encore les Russes d’il y a 50 ans, quand nous n’avi-ons pas de contacts avec le monde extérieur, ou bien notre identité est-elle en train d’évoluer ? Nous serons toujours à la recherche de nous-mêmes, surtout en période de crise. Certains répondent à cette question par les vieux ré-fl exes – ils ne veulent pas que les étrangers viennent déranger leur façon d’être –, d’autres sont plus ouverts et se laissent infl uencer, tout en gardant leur profonde identité et leur singularité. Cela m’attristerait que les Russes cessent de développer leur culture,

Ça déborde parfois, mais c’est ce que j’ai adoré en travaillant avec les Russes. C’était vraiment mer-veilleux de travailler avec ces im-menses acteurs, ces monstres que sont Aleksei Guskov, Dmitri Na-zarov, Valeriy Barinov, Anna Ka-menkova. Après, pour les maîtri-ser, ce n’est pas la même chose qu’un acteur français, qui est un peu plus discipliné. Mais quand on va dans un autre pays, on doit s’adapter et comprendre la façon de faire des autres.

À votre avis, pourquoi le cinéma

russe n’arrive-t-il pas à trouver son

chemin vers le public et les écrans

étrangers ?

Il faut un certain temps pour di-gérer tout ce qui se passe en Rus-sie depuis 20 ans. Parmi les ci-néastes contemporains, j’ai une grande estime pour le travail de Pavel Lounguine, qui est un ami. Taxi Blues m’avait bouleversé. La noce est un moment de tragi-co-médie très fort, très proche de mon type de cinéma et L’Ile est d’une rare puis-sance, très tarkovskien. J’ai beaucoup aimé Le

Retour aussi, de même qu’ Elena, fi lms forts d’un véritable auteur : Andreï Zviaguintsev. Une fois que les cinéastes russes sauront prendre le recul nécessaire, avec le talent qu’ils ont, ils pourront enfin s’exprimer de façon plus convaincante. Peut-être leurs fi lms ne sont-ils pas suffisamment forts, non pas au plan technique, parce que ce n’est pas ça qui compte, mais du point de vue de la nar-ration, du style, de la force de l’his-toire. Cela étant, peut-être vous dirai-je à la fi n du festival : voilà, il y a déjà, aujourd’hui, de grands fi lms russes !

Propos recueillis parMaria Tchobanov

Le Festival du cinéma russe à Honfl eur

Du 26 novembre au 1er décembre 2013, le port normand de Hon-fleur vivra au rythme du Festival du cinéma russe. Cette 21ème édi-

tion proposera au public les dernières productions, un programme documentaire, des rétrospectives, ain-si que des rencontres avec

les cinéastes. Le festival ren-

dra hommage à deux réalisateurs récemment disparus en proje-tant leurs derniers films : Je veux aussi, d’Aleksei Balabanov et, de Gennadi Sidorov, Roman avec co-caïne, adaptation moderne du cé-lèbre livre du même nom. Dans le cadre des années croisées France-Russie, le festival montrera une ré-trospective des studios Mosfilm.

mais comme toute autre culture, il est aussi normal qu’elle soit en perpétuelle évolution.

Le public en Europe et aux États-Unis a beaucoup aimé les personnages de mon film Le Concert où je montre ces gens qui ont souffert sous Brejnev et qui maintenant prenaient leur re-vanche, se remettaient debout. Mon bonheur, c’était qu’à la fi n du fi lm dans toutes les salles, les gens se levaient et manifestaient leur adoration de cet orchestre, ils avaient adopté mes person-nages, qui étaient touchants et humains. Pour moi, le pari était gagné : l’âme slave montrait toute sa beauté et sa maestria pour at-teindre ce que j’appelle l’ultime harmonie.

Pendant votre tournage en Rus-

sie, avez-vous observé la fameuse

« âme russe » ? Racontez-nous vos

rapports avec vos collègues russes.

Il y a une infi nité de façons d’être russe. Mais si l’on généralise sur « l’âme slave », les Russes comme les Roumains sont plutôt des pas-sionnés, parfois excessifs, des ex-trémistes par rapport aux Fran-çais, qui sont cartésiens pour la plupart. Si nous aimons la mu-sique, nous faisons de la musique.

NÉ À BUCHAREST

ÂGE : 55 ANS

Mihaileanu quitte la Rouma-

nie en 1980 pour se réfu-

gier en Israël, puis se rend

en France pour étudier le ci-

néma à l’IDHEC. Il obtient le

César 2006 du meilleur scé-

nario original pour Va, vis

et deviens, le César 2010 de

la Meilleure musique et du

Meilleur son pour Le Concert,

le Prix Henri Jeanson de

la SACD en 2009 et le Prix

Henri-Langlois en 2010 pour

l’ensemble de son œuvre.

BIOGRAPHIE

DARIA MOUDROLIOUBOVAPOUR LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

Dmitry Korchak vient de

terminer les répétitions de Cosi

fan tutte à l’Opéra de Bastille

avant de commencer celles des

Puritains de Bellini (première le

25 novembre).

Le ténor enfile les rôles comme des perlesMusique Du répertoire russe au grand opéra français, Dmitry Korchak affiche à trente-quatre ans une redoutable polyvalence

où il fera ses débuts la saison prochaine.

La carrière de Korchak étonne par son succès, mais aussi par le répertoire qu’il aborde : Bellini, Donizetti, Rossini, Mozart… des rôles rarement accordés à des chanteurs non italiens, mais aux-quels sa voix se prête étonnam-ment bien. Et, lorsqu’il se décide enfi n à aborder le rôle de Lensky dans Eugène Onéguine, c’est aux côtés d’Anna Netrebko et Dmitri Khvorostovski à l’Opéra de Vienne, ni plus ni moins. Plus étonnant encore, Korchak n’en-tend pas s’y arrêter, et rêve désor-mais de Roméo et Juliette, Faust, Manon, Werther – des rôles du ré-pertoire français que sa voix de-vrait lui permettre d’aborder d’ici à cinq ans. En attendant, il ne cesse de peaufi ner son français, langue diaboliquement exigeante pour les chanteurs étrangers.

Et pourtant, qui eût cru que cet enfant de chœur deviendrait un soliste brillant et un gagnant

baguettes de chef d’orchestre : « il les demande à tous : Daniel Barenboim, Zubin Mehta, Kent Nagano - la dernière lui a été of-ferte par Riccardo Muti ».

Loin d’avoir la grosse tête, Dmitry Korchak fait partie de ces chanteurs qui ont le profes-sionnalisme et l’humilité de ne jamais cesser d’étudier. « On a toujours besoin d’une oreille ex-térieure. Je sais que je dois main-tenir ma voix dans un état belcantiste, et enfiler les rôles comme des perles à partir de cette base », explique-t-il. S’il vit à Vienne, la vie d’artiste l’amène aux quatre coins du globe : « Cette année, je n’ai passé que trois semaines à la maison, mais j’aime travailler voyager. Le monde des grandes maisons d’opéra est petit : dans chaque spectacle, je retrouve des gens avec qui j’ai déjà travaillé et que j’apprécie. Même si ce n’était pas le cas, il s’agit d’un travail. Sim-plement, ce travail, je l’aime ! »

Lorsqu’on lui demande d’ima-giner un spectacle parfait au-quel il aimerait prendre part, Dmitry Korchak indique mo-destement que non seulement ce spectacle existe, mais qu’il en fera partie dans quelques jours : interpréter à l’Opéra Bas-tille le rôle de Lord Arturo dans Les Puritains de Bellini – « rêve de tout vrai ténor » et l’un des rôles les plus difficiles – dirigé sur scène par Laurent Pelly et en fosse par Michele Mariotti. Une consécration pour ce ténor russe âgé de 34 ans qui chante aujourd’hui sur toutes les grandes scènes, y compris le Me-tropolitan Opera de New York

de ces concours de chant qui l’ont fait connaître ? « Enfant, je ne pouvais pas chanter solo. Mes jambes, mes mains, ma voix tremblaient, j’en oubliais tout ce que je savais ! », raconte Kor-chak à propos de ses débuts dans le chœur de garçons Sveshnikov.

Il a de la chance : le célèbre Vik-tor Popov, qui dirige alors le chœur, met un point d’honneur à ce que chacun de ses élèves aborde des parties solo aussi sou-vent que possible. C’est fi nale-ment cette éducation qui a per-mis à Korchak d’occuper les

devants de la scène quinze ans plus tard. « Les chœurs russes sont un héritage qui n’a pas son pareil dans d’autres pays, et j’en suis extrêmement fi er : je pense non seulement à la musique po-pulaire, mais surtout à la mu-sique religieuse, car tout le rituel orthodoxe est bâti sur la voix ».

Héritage que Korchak compte bien transmettre : son fi ls de cinq ans fréquente déjà le jardin d’en-fants du chœur des Petits Chan-teurs de Vienne et a été soliste dans deux spectacles à l’Opéra de Vienne. « Je l’emmène voir des spectacles depuis qu’il est tout petit : il n’y a pas longtemps, il est venu m’écouter dans « Cene-rentola », le jour suivant on est allé voir « Carmen », et le jour d’après, « Le Trouvère ». C’est toujours lui qui insiste pour res-ter jusqu’au bout », se réjouit Korchak de son rejeton qui « adore aller encourager les chan-teurs dans leurs loges pendant l’entracte » et fait collection de

Dmitry Korchak (à gauche) et Daniele Rustioni lors du concert.

larussiedaujourdhui.fr/

26159

KOM

MER

SAN

T

MARIA TCHOBANOV

Page 8: La Russie d'Aujourd'hui

08LA RUSSIE D’AUJOURD’HUI WWW.LARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

EDITION DE ROSSIYSKAYA GAZETA

DISTRIBUÉE AVEC LE FIGARO Magazine

À L’AFFICHELA VIE DES RUSSES DE RIVES

DU 26 AU 30 NOVEMBRE,CENTRE RUSSE DE LA SCIENCE ET DE LA CULTURE, PARIS

Des clichés retraçant la vie des Russes de Rives (1924-1974) dans le Bas-Dauphiné et leur châ-teau de l’Orgère, dit « Château des Russes » : cette exposition est présentée par la Maison des Russes de l’étranger sur la base de photographies d’époque. › russiefrance.org

VOYAGE DANS L’ANCIENNE

RUSSIE

JUSQU’AU 13 AVRIL 2014MUSÉE ZADKINE, PARIS

Découvrir un monde disparu il y a près de cent ans dans des photo-graphies en couleur provoque une émotion particulière : soudain, cette Russie du début du XXème siècle nous paraît bien plus proche que la vision en noir et blanc de l’enfance de nos parents. On le doit à Sergueï Procoudine-Gors-

REGARD SUR LA TCHÉTCHÉNIE

JUSQU’AU 4 DÉCEMBRE,CHAPELLE DE L’ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS, PARIS

Le photographe italien Davide Monteleone consacre un repor-tage à mi-chemin entre photogra-phie d’art et photojournalisme à la Tchétchénie. Sa série cherche à révéler ce qu’est l’identité tchét-chène aujourd’hui. « C’est un peu trop facile de résumer la Tchét-chénie aux abus des droits de

TOUS LES DÉTAILS SUR NOTRE SITELARUSSIEDAUJOURDHUI.FR

INNA FEDOROVALA RUSSIE D’AUJOURD’HUI

C’est inattendu, mais c’est

pourtant réel : les stars et les

stylistes du monde entier

montrent un intérêt croissant

pour le style dit « à la russe ».

Style De Dolce & Gabbana à Kenzo, les motifs traditionnels de la culture et de l’art locaux trouvent leur place dans les collections

La manière russe

Khokhloma Ce style de pein-ture à la main date du XVIIème siècle et corres-pond à l’une des manifes-tations les plus brillantes de l’artisanat folklorique russe. Il est caractérisé par des motifs de fleurs très vifs, rouges et dorés sur un fond noir.

Les foulards de Pavlovsky

Possad Ces foulards de co-ton très colorés sont pro-duits à l’usine de Pavlovo Possad, à 70 km seule-ment de Moscou. Ils sont d’une telle précision que les motifs de fleurs ou légumes et les ornements produisent un effet en trois dimensions.

Gzhel Cette porcelaine bleue et blanche tient son nom du village de Gzhel, à proximité de Moscou, qui abrite sa production de-puis 1802. Les dessins de Gzhel sont visibles sur des vases aux petites sculptures animales.

russe s’est fait une place dans le monde de la mode.

En Occident, l’intérêt pour la culture et la mode russe connaît des variations au fi l de l’histoire. Chaque nouvelle vague de sym-pathie pour la Russie se voit gui-dée par un changement dans le pays, qu’il s’agisse d’une succes-sion au trône, d’une révolution ou d’une réorganisation du système politique. Au XVIIIème siècle d’abord, l’esprit des Européens est avivé par le tsar réformateur

Pierre Ier, puis un peu plus tard par les cosaques et hussards de l’armée russe après la prise de Paris en 1814. Plus loin encore, à la fi n du XIXème et au début du XXème siècles, ce sont les « bals russes » costumés qui font leur entrée en Europe .

C’est avec un nouvel entrain que l’Europe s’empare du thème russe en 1909, à la suite de la pre-mière saison des Ballets russes de Diaghilev en France. Boris Go-dunov, Le Sacre du Printemps,

L’Oiseau de feu et autres spec-tacles venus de Russie reçoivent un succès colossal . Deux ans plus tard, le célèbre couturier français Paul Poiret introduit dans ses créations un type de broderie ukrainienne et les bottes cosaques, suite à un voyage en Russie. Et après la révolution, l’afflux des Russes blancs en France et dans nombre d’autres pays marque un nouvel engouement. Dans l’esprit du « fashionista » européen, le col de boyard est l’agrément slave par

excellence, tout comme le célèbre couvre-chef « kokoshnik » et le châle à frange .

L’engouement pour la mode russe remonte aux années 2000, avec les collections des plus grands : celle de Roberto Cavalli et le « Paris-Moscou » de Karl Lagerfeld pour Chanel, la « ligne russe » d’Antonio Marras pour Kenzo, ou encore les collections de John Galliano, Valentino et Dolce & Gabbana, dans un style « à la russe ». L’abondance des

motifs russes, ainsi que la grande variété des châles et autres bro-deries fait main, les cols de four-rure , les jupes bouffantes aux tailles marquées et les cols sages, les colliers massifs et les boucles d’oreilles imposantes, tous ces élé-ments sont devenus la carte de visite du style dit « à la russe ». Un style soulignant la féminité et la séduction, par contraste avec le minimalisme et l’androgynie qui règnent ces dernières années dans le monde de la mode.

Julia Roberts en robe rouge Dolce & Gabbana.

ky, génial touche-à-tout, entre-preneur, inventeur, photographe, peintre et violoniste à ses heures, qui a bouleversé la société russe du siècle dernier naissant avec ses « vues optiques en couleur ». Après leur récente redécouverte et leur restauration par la Biblio-thèque du Congrès à Washington, ces clichés gardent un pouvoir de fascination renouvelée. Cent d’entre eux sont exposés pour la première fois à Paris. › larussiedaujourdhui.fr/26573

l’homme. Le fait est que la vie est désormais plus facile à Grozny », souligne-t-il. Son reportage relate autant les moments de prière et d’étude que le commerce renais-sant et les moments de fête. › larussiedaujourdhui.fr/26625

Les grands couturiers taillent à la russe 

Pourtant connue pour son goût immodéré des tailleurs classiques et de la couleur noir, l’actrice Julia Roberts est apparue à la première du fi lm August : Osage County dans une robe rouge si-gnée Dolce & Gabbana. La coupe et le style de la robe, brodée de dentelle, ainsi que la coiffure de l’actrice, qui ose la raie au mi-lieu, ont transformé la diva d’Hollywood en véritable beau-té... russe ! Cela peut paraître in-croyable, et pourtant, ces der-nières années, les stars du monde entier montrent un intérêt crois-sant pour le style « à la russe ».

« À la russe » se traduit par une silhouette ultra-féminine, des jupes bouffantes (souvent lon-gueur maxi) à la taille bien sou-lignée, et des foulards aux impri-més floraux, en dentelles ou brodés. Ce style s’inspire égale-ment d’éléments du folklore russe : châles traditionnels (de grande taille, en soie, avec des franges, aux couleurs vives et aux motifs floraux) et peintures de Khokhloma .

L’année dernière, Lady Gaga a surpris tout le monde en se mon-trant à son public dans des tenues de la styliste russe Ulyana Ser-geenko . Créatrice de sa propre marque Ulyana Sergeenko, la jeune femme participe depuis peu aux « Fashion Weeks ». Et c’est grâce à cette créatrice aux jupes soyeuses et bouffantes qu’un style

S P E C TAC L E S À M O S C O U P O U R C E U X Q U I V E U L E N T R E S S E N T I R L ’ E S P R I T D U T H É ÂT R E E N C O M P R E N A N T C E Q U I S E PA S S E S U R S C È N E

Moscou a beau être un centre culturel mondial qui attire quelque 5 millions de touristes par an venant du monde entier, la capitale compte relativement peu de théâtres pour les étrangers. Ce sont principalement des théâtres amateurs qui ne craignent pas d’expérimenter avec des interprétations audacieuses de Shakespeare, Molière, Elfriede Jelinek, Samuel Beckett et autres dramaturges de génie. Des troupes théâtrales françaises viennent régulièrement en tournée à Moscou.

Trois spectacles

hors du commun

joués et réalisés en français

à Moscou

LE

THÉÂTRE

EN LANGUE

FRANÇAISE DE MOSCOU

Ce théâtre fut créé au début de la Seconde Guerre mondiale par Alexandra Oranovskaia, alias Alice Oran,

traductrice célèbre et membre de l’Union des écrivains de l’URSS. Toutes les productions du théâtre se font en français uniquement et sont dirigées par Elena

Gueorguievna Oranovskaia, la fille de la fondatrice. Le répertoire comprend des œuvres classiques tant françaises que russes. Le 29 septembre dernier a marqué l’ouverture de la soixante-

quinzième saison. Au programme : La voix des âges, le premier acte de la pièce de Tchékhov La Mouette, ainsi qu’un extrait de la comédie de Molière, Le Malade Imaginaire. L’entrée est gratuite pour tous les spectacles.

АТA

L’Association du Théâtre d’auteur est un théâtre amateur créé à Moscou. Conçu comme un lieu de loisirs plus que d’enseignement, il se consacre au travail avec des enfants et des adolescents, notamment en matière de développement de leur potentiel artistique. L’art théâtral est enseigné aussi bien en russe qu’en langues étrangères. Outre l’anglais traditionnel, les cours sont proposés en espagnol et en italien. Les jeunes acteurs y apprennent la langue (des cours de grammaire sont dispensés aux enfants qui ne maîtrisent par les langues étrangères), mais surtout les disciples apprennent à jouer comme de vrais professionnels – d’abord de petits extraits, ensuite des spectacles entiers en langue étrangère.

Production: Le Théâtre des Bouffes du Nord

l e 21 nove mbr e

Adaptation libre de l’opéra de Wolfgang Amadeus Mozart par Peter Brook, Franck Krawczyk et Marie-Hélène Etienne. En choisissant d’aborder Mozart sous l‘angle du jeu, en refusant les effets de scène banals et en plaçant les chanteurs et l’orchestre à deux pas du public et à son niveau, Peter Brook a créé une Flûte à mille lieux

Production: Le Théâtre de Gennevilliers

l e s 25 , 26 nove mbr e

Le réalisateur explique que « le seul sujet de Memento Mori est le mouvement même. Ou plutôt ce qui précède le mouvement. Ce qui vient avant. Au tout début. Lorsque tout est encore immobile. Lorsqu’il n’y a encore rien. Nous imaginons ce que signifi e « avant le mouvement ». C’est-à-dire avant qu’on

Réalisation : Pierre de Mûelenaere

l e 21 nove mbr e

Des extraits du roman L’Étranger lu par l’auteur lui-même (enregistrement réalisé en 1954) sont mixés en live avec des musiques actuelles, principalement électroniques (Burial, Air, Apparat, Ben Frost, Frank Br e t s c h ne ide r, e t c .) . Simultanément, des visuels se superposent au récit, mélangés en direct par les

des chemins battus. Chaque spectateur est

plongé dans la t rame immortelle et pour en ressentir toute sa douceur et toute sa magie. « Mozart ne tient pas en place, il est différent à chaque fois. Nous allons suivre son exemple, en respectant l’esprit de l’œuvre. Il ne s’agit pas de le rendre moderne ou le dissimuler, mais de le révéler », -

explique Peter Brook

Théâtre des Nat ions , Petrovskiy pereulok , 3 .

ne puisse déceler quoi que ce soit. Nous

écoutons et entendons son grondement arriver de loin. Et puis il arrive, et il est nu. Nous imaginerons tout ce qui nous habite : toutes ces images qui nous peuplent et nous appartiennent, mais appartiennent également à l‘Aurignacien et à ceux qui nous précèdent de loin. Le

monde sans péché ».

Centre Meyerhold , rue Novos lobodskaia , 23 .

a r t i s t e s v i d é o Orchid Bite. Quand les

disciplines du monde de la nuit (DJ et VJ) se mettent au service d’une œuvre majeure de la littérature française, le texte classique y trouve un son inattendu et très moderne. Dans le cadre du projet « Les journées Albert C a mu s e n Ru s s ie   : à l‘occasion du centenaire de l‘écr iva in  ». Avec les

éditions Gallimard.

Centre Meyerhold , rue Novos lobodskaia , 23 .

L A F L Û T E E N C H A N T É E

M E M E N T O M O R I

A L B E R T C A M U S L I T « L ’ É T R A N G E R »

DAV

IDE

MO

NTE

LEO

NE

REUTERS