La Révolution surréaliste - N°1, Primer año

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La Révolution surréaliste Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

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La Révolution surréaliste - N°1, Primer año

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  • La Rvolutionsurraliste

    Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

  • La Rvolution surraliste. 1924-1929.

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  • fonde en 1924 par louis aragonandr bretonpierre navilleet benjamin pretLA RVOLUTION SURRALISTEsera pendant cinq annesle creusetdans lequel vont se fondreles grands thmes de ce mouvementtrs connu et toujourstrs mystrieuxle surralismec'est l'incitation la vie dangereusela sagesse de l'orientl'engagementpolitiquela libration sexuellel'amourla femme

    cinquante annes ont pass

    LA RVOLUTION SURRALISTEn'a jamais t si prsente

    ONE

    ce volume comprendLA RVOLUTION SURRALISTEcollection complten0i 1 12f dcembre 1924au15 dcembre 1929

    une postfacede marie-claire bancquartintitule1924-1929

    : une anne mentale

    une srie d'index

    reproduction de la couverturedu n 1

  • LA RVOLUTIONSURRALISTE

    COLLECTION COMPLETE

    EDITIONS JEAN MICHEL PLACE33, rue Godoi de Mauroy

    PARIS

    OL- -

    4 3 171b-

    0 ; 0 : 2

  • Nous tenons remercier toutes les personnes qui par leur enthousiasmeet leur collaboration ont rendu possible cette dition de la Rvolutionsurraliste.

    Cette dition de la Rvolutionsurraliste a t ralise partir des collec-tions de MM. Michel Carassou, Georges Goldfayn, Bernard Lolie, PierreNaville et Dominique Rabourdin.

    En page de garde :Clich Man Ray, collectionBernard Gheerbrant : La centrale surralisteen 1925 , de gauche droite : Charles Baron, RaymondQueneau, PierreNaville, Andr Breton, Jacques-Andr Boiffard, Giorgio de Chirico,Roger Vitrac, Paul Eluard, Philippe Soupault, Robert Desnos, LouisAragon. Au premier plan : Simone Breton, Max Morise, Mme Soupault.

    Copyright, Editions Jean-Michel Place, 1975.

  • N 1

    Premire anne Ier Dcembre 1924

    SOMMAIREPrface : J.-A. Boiffard, P. Eluard, R. Vitrac.

    Rves : Georgiode Chirico, Andr Breton,Rene Gauthier.Textes surralistes :

    Marcel Noll, Robert Desnos, BenjaminPret,Gecrges Molkine, Paul Eluard,

    J.-A. Boiffard, S. B., Max Morise,Louis Aragon, Francis Grard.

    Le rveur parmi les murailles : Pierre Reverdy.

    Chroniques :Louis Aragon, Philippe Soupault,

    Max Morise, Joseph Delteil,Francis Grard, etc.

    Notes.Illustrations : Photos Mail Ray.

    Max Morise, G. de Chirico, Max Ernst,Andr Masson, Pablo Picasso, Pierre Naville,

    Robert Desnos. 1ABONNEMENT,les i Numros :France : 45 francsEtranger : 55 francs

    Dpositaire gnral : Librairie GALLIMARD15, Boulevard Raspail, 15

    PARIS (VII )

    LE NUMERO;France : 4 francstranger

    : 5 francs

  • LA RVOLUTION SURRALISTEDirecteurs :

    Pierre NAVILLE et Benjamin PRET15, Rue de Grenelle

    PARIS (7*)

    Le surralisme ne se prsente pas comme Vexposition d'une doctrine.Certaines ides qui lui servent actuellement de point d'appui ne permet-tent en rien de prjuger de son dveloppement ultrieur. Ce premiernumro de la Rvolution Surraliste n'offre donc aucune rvlation dfi-nitive. Les rsultats obtenus par rcriture automatique, le rcit de rve,par exemple, y sont reprsents, mais aucun rsultat d'enqutes, d'exp-riences ou de travaux n'y est encore consign : il faut tout attendre del'avenir.

  • PREFACELe procs de la connaissance n'tant plus faire, l'intelligence n entrant plus

    en ligne de compte, le rve seul laisse l'homme tous ses droits la libert. Grceau rve, la mort n'a plus de sens obscur et le sens de la vie devient indiffrent.Chaque matin, dans toutes les familles, les hommes, les femmes et les enfants,S'ILS N'ONT RIEN DE MIEUX A FAIRE, se racontent leurs rves. Nous sommestous la merci du rve et nous nous devons de subir son pouvoir 1 tat de veille.C'est un tyran terrible habill de miroirs et d'clairs. Qu'est-ce que le papier et laplume, qu'est-ce qu'crire, qu'est-ce que la posie devant ce gant qui tient les musclesdes nuages dans ses muscles ? Vous tes l bgayant devant le serpent, ignorant lesfeuilles mortes et les piges de verre, vous craignez pour votre fortune, pour yotrecoeur et vos plaisirs et vous cherchez dans l'ombre de vos rves tous les signes math-matiques qui vous rendront la mort plus naturelle. D'autres et ce sont les prophtes

    * Berkeley

  • PREFACE

    Toute dcouverte changeant la nature, la destination d'un objet ou d unphnomne constitue un fait surraliste. Entre Napolon et le buste des phrnologuesqui le reprsentent, il y a toutes les batailles de l'Empire. Loin de nous l'ide d ex-ploiter ces images et de les modifier dans un sens qui pourrait faire croire un progrs.Que de la distillation d'un liquide apparaisse l'alcool, le lait ou le gaz d'clairageautant d'images satisfaisantes et d'inventions sans valeur. Nulle transformation n'alieu mais pourtant, encre invisible, celui qui crit sera compt parmi les absents.Solitude de l'amour, l'homme couch sur toi commet un crime perptuel et fatal.Solitude d'crire l'on ne te connatra plus en vain, tes victimes happes par un engre-nage d'toiles violentes, ressuscitent en elles-mmes.Nous constatons l'exaltation surraliste des mystiques, des inventeurs et desprophtes et nous passons.On trouvera d'ailleurs dans cette revue des chroniques de l'invention, de lamode, de la vie, des beaux-arts et de la magie. La mode y sera traite selon la gravi-tation des lettres blanches sur les chairs nocturnes, la vie selon les partages du jouret des parfums, l'invention selon les joueurs, les beaux-arts selon le patm qui dit : orage aux cloches du cdre centenaire et la magie selon le mouvement des sphresdans des yeux aveugles.Dj les automates se multiplient et rvent. Dans les cafs, ils demandent vitede quoi crire, les veines du marbre sont les graphiques de leur vasion et leursvoitures vont seules au Bois.La Rvolution... la Rvolution... Le ralisme, c'est monder les arbres, lesurralisme, c'est monder la vie.

    J.-A. BOIFFARD, P. ELUARD, R. VITRAC.

    ENQUTELa Rvolution Surraliste ^'adressant indistinctement

    tous, ouvre l'enqute suivante :On vit, on meurt. Quelle est la part de la volont

    en tout cela ? Il semble qu'on se tue comme on rve.Ce n'est pas une question morale que nous posons :

    LE SUICIDE EST-IL UNE SOLUTION?Les rjjonses reues au Bureau de Recherches Surralistes, 15, rue de Grenelle, seront publies

    partir de Janvier dans la Rvolution Surraliste.

  • REVES

    Giorgio de Chirico :En vain je lutte avec l'homme aux yeux

    louches et trs doux. Chaque fois que je l'treinsil se dgage en cartant doucement les bras etces bras ont une force inoue, une puissanceincalculable ; ils sont comme des leviers irr-sistibles, comme ces machines toutes-puissantes,ces grues gigantesques qui soulvent sur lefourmillement des chantiers des quartiers deforteresses flottantes aux tourelles lourdes commeles mamelles de mammifres antdiluviens. Envain je lutte avec l'homme au regard trs douxet louche ; de chaque treinte, pour furieusequ'elle soit, il se dgage doucement en sounantet en cartant peine les bras... C'est mon prequi m'apparat ainsi en rve et pourtant quandje le regarde il n'est pas tout fait comme jele voyais de son vivant, au temps de mon enfance.Et pourtant c'est lui ; il y a quelque chose deplus lointain dans toute l'expression de sa figure,quelque chose qui existait peut-tre quandje le voyais vivant et qui maintenant, aprsplus de vingt ans, m'apparat dans toute sapuissance quand je le revois en rve.

    La lutte se termine par mon abandon ; jerenonce ; puis les images se confondent ; lefleuve (le P ou le Pne) que pendant, la lutteje pressentais couler prs de moi s'assombrit ;les images se confondent comme si des nuagesorageux taient descendus trs bas sur la terre ;il y a eu intermezzo, pendant lequel je rve peut-tre encore, mais je ne me souviens de rien,que de recherches angoissantes le long de ruesobscures, quand le rve s'claircit de nouveau.Je me trouve sur une place d'une grande beautmtaphysique ; c'est la piazza Cavour Florencepeut-tre ; ou peut-tre aussi une de ces trsbelles places de Turin, ou peut-tre aussi nil'une ni l'autre ; on voit d'un ct des portiquessurmonts par des appartements aux voletsclos, des balcons solennels. A l'horizon on voitdes collines avec des villas ; sur la place le cielest trs clair, lav par l'orage, mais cependantGn sent que le soleil dcline car les.ombres desmaisons et des trs rares passants sont trslongues sur la place. Je regarde vers les collineso se pressent les derniers nuages de l'orage quifuit ; les villas par endroits sont toutes blancheset ont quelque chose de solennel et de spulcral,vues centre le rideau tis noir du ciel en cepoint. Tout coup je me trouve sous les portiques,ml un groupe de personnes qui se pressent la porte d'une ptisserie aux tages bondsde gteaux multicolores ; la foule se presseet regarde dedans comme aux portes des phar-macies quand on y porte le passant bless outomb malade dans la rue ; mais voil qu'en

    regardant moi aussi je vois de dos mon prequi, debout au milieu de la ptisserie, mange ungteau ; cependant je ne sais si c'est pour luique la foule se presse ; une certaine angoissealors me saisit et j'ai envie de fuir vers l'ouestdans un pays plus hospitalier et nouveau, eten mme temps je cherche sous mes habits unpoignard, ou une dague, car il me semble qu'undanger menace mon pre dans cette ptis.-crieet je sens que si j'y entre, la dague oue poignardme sont indispensables comme lorsqu'on entredans le repaire des bandits, mais mon angoisseaugmente et subitement la foule me serre deprs comme un remous et m'entrane vers lescollines ; j'ai l'impression que mon pre n'estplus dans la ptisserie, qu'il fuit, qu'on va lepoursuivre comme un voleur, et je me rveilledans l'angoisse de cette pense.

    Andr Breton :I

    La premire partie de ce rve est consacie la ralisation et la prsentation d'un costume.Le visage de la femme auquel il est destin doity jouer le rle d'un motif ornemental simple, del'ordre de ceux qui entrent plusieurs fois dansune grille de balcon, ou dans un cachemire. Lespices duvisage (yeux, cheveux, oreille,nez, boucheet les divers sillons)sont trs finement assemblespar des lignes de couleurs lgres : on songe certains masques de la Nouvelle-Guine maiscelui ci est d'une excution beaucoup moinsbarbare. La vrit humaine des traits ne s'entrouve pas moins attnue et la rptition diverses reprises sur le costume, notammentdansle chapeau, de cet lment purement dcoratifne permet pas plus de le considrer seul et delui prter une vie qu' un ensemble de veines dansun marbre uniformment vein. La forme ducostume est telle qu'elle ne laisse en rien subsister,la silhouette humaine. C'est, par exemple, untriangle quilatral.

    Je me perds dans sa contemplation.

    En dernier lieu je remonte, Pantin, la routed'Auberviliicrs dans la diiection de la Mairielorsque, devant une maison que j'ai habite, jerejoins un enterrement qui, ma grande surprise,se dirige dans le sens oppos celui du Cimetireparisien. Je me trouve bientt la hauteur ducorbillard. Sur le cercueil un homme d'un, certainge, extrmement ple, en.grand deuil et coiffd'un chapeau haut de forme, qui ne peut tre quele mort, est assis et, se tournant alternativement gauche et droite, rend leur salut aux passants.Le cortge pntre dans la manufacture d'allu-mettes.

  • REVES

    II

    J'arrive Paris et descends l'escalier (Vwnogare assez semblable la gare de l'Est. J'prouvele besoin d'uriner et m'apprte traverser laplace, de l'autre ct d.: laquelle je sais pouvoirme satisfaire lorsqu' quelques pas de moi etsur le mme trottoir, je dcouvre un urinoir depetites dimensions, d'un modle nouveau et fortlgant. Je n'y suis pas plus tt que je constatela mobilit de cet urinoir cl que je prends ion-science, comme je n'y suis pas seul, des incon-vnients de cette mobilit. Aprs tout c'est unvhicule comme un autre et je prends le parti derester sur la plate-forme. C'est de l que j'assisteaux volutions inquitantes, non loin de nous,d'un second urinoir-volant semblable auntre. Ne parvenant pas attirer l'attention demes co-voyagurs sur sa marche dsordonne etle pril qu'elle fait courir aux pitons, je descendsen marche et russis persuader le conducteurimprudent d'abandonner son sige et de mesuivre. C'est un homme de moins de trente ansqui, interrog, se montre plus qu'vasif. Il sedonne pour mdecin militaire, il est bien enpossession d'un permis de conduire. Etranger la ville o nous sommes il dclare arriver de labrousse sans pouvoir autrement prciser. Toutmdecin qu'il est, j'essaie de le convaincre qu'il

    peut tre malade mais il m'nu-mre les symptmes d'un grandnombre de maladies, en commen-ant par les diffrentes fivres :symptmes qu'il ne prsente pas,qui sont d'ailleurs de l'ordre cli-nique le plus simple. 11 termineson expos par ces mots : Toutau plus suis-je peut tre paralyti-que gnral. L'examen de s

  • REVES

    mention du prix demand : 150 fr. Il rpond peine et ne parat pas mu l'ide que j'aie pume renseigner sur l'emploi de son temps Beg-Meil, o je suis arriv peu aprs son dpart.L'ombre d'Apollinaire est aussi dans cettepice, debout contre ia porte elle parat sombreet pleine d'arrire-penses. Elle consent ce queje sorte avec elle ; sa destination m'est inconnue.En chemin je brle d'envie de lui poser une ques-tion, une question d'importance, faute de pouvoirvraiment m'entretenir avec elle. Ma's que m'im-porte-t-il, par-dessus tout, de savoir ? Aussibien ne satisfera-t-elle sans doute ma curiositqu'une fois. A quoi bon m'informerauprs d'Apol-linaire de ce qu'il est advenu de ses opinionspolitiques depuis sa mort, m'assurer qu'il n'estplus patriote, etc. ? Aprs mre rflexion je medcide lui demander ce qu'il pense de lui-mmetel que nous le connmes, de ce plus ou moinsgrand pote qu'il fut. C'est, je crois, la secondefois qu'on l'interroge en ce sens et je tiens m'en excuser. Estime-t-il que sa mort fut prma-ture, jouit-il un peu de sa gloire

    .

    Non et non. Quand il pense Apollinaire il avoue que c'est

    comme quelqu'un d'tranger lui-mme etpour qui il ne ressent qu'une banale sympathie.Nous allons nous engager dans une voie romaineet je crois savoir o l'ombre veut me mener (ellene m'tonnera dcidment pas, j'en suis assezfier). A l'autre extrmit de cette voie se trouveen effet une maison qui tient dans ma vie uneplace considrable. Un cadavre y repose sur unlit et autour de ce lit, qui baigne dans la phos-phorescence,ont lieu certaines poques des ph-nomnes hallucinatoires dont j'ai t tmoin.Mais nous sommes loin d'tre arrivs et djl'ombre pousse devant elle les deux battantsencadrs de boutons d'or d'une porte rougesombre. J'y suis, ce n'est encore que le bordel.Incapable de la faire changer de rsolution, jeprends regret cong de l'ombre et reviens surmes pas. Je suis bientt aux prises avec sept ouhuit jeunes femmes, qui se sont dtaches d'ungroupe que je distingue mal sur le ct gaucheet qui, les bras tendus, me barrent la route ellesquatre. Elles veulent tout prix me faire rebrousserchemin. Je finis par m'en dfaire force de com-pliments et de promesses plus lches les uns queles autres. J'ai pris place maintenant dans untrain en face d'une jeune fille en deuil qui s'est,parat-il, mal conduite, et qui sa mre fait lamorale. Elle a encore un moyen de se repentirmais elle reste peu prs silencieuse.

    mrisse il cherche la recoller la branche d'oil l'a dtache. Je n'ai pas le temps de lui direque c'est insens : il pose le fruit qui tombe del'autre ct de la haie. Un jeune homme qui passeet que je crois reconnatre, le voyant dsol luiramasse une noix, mais Jim lui dit : Pas celle-ci,non, cette pche. Le jeune homme trouve lapche et la donne Jim qui me l'offre puis ilpart en gesticulant et en affirmant qu'une noixtombe d'un noyer, devient une pche quand ellea touch terre.

    Jim et moi, avanons dans le champ de bl.Nous suivons l'alle centrale. J'aperois au boutdes pots de reines-marguerites multicolores.Cela m'intrigue, mais je n'ai pas le temps de m'enoccuper, mon compagnon est tellementamoureuxque ses caresses me font tout oublier. Je ne songequ' chercher un endroit propice pour fairel'amour. Nous nous tendons au creux d'unsillon ; mais tout mon plaisir est gt, car jem'aperois que la terre humide salit la bellepelisse de lapin blanc qui le recouvre. Je me lvedonc et m'loigne la recherche d'un endroitplus sec. Je dcouvre au bout du sillon un chssisde ppiniriste peint en noir. Autour, crits ennoir sur la terre jaune et encadrs de chaux jelis ces mots : Une bte venimeuse et assoiffea suc tout le sang de ma petite nice ge de sixmois, qui en est morte. A sept heures ce soir descamlias fauves entoureront le corps de ma nicemorte. Trs intrigue j'appelle Jim. En lisantcela, il hoche tristement la tte. Alors je comprendspourquoi j'ai vu des reines-marguerites. Maistout coup je m'aperoisque Jim qui est devantmoi a sa braguette ouverte la faon d'un taber-nacle J'essaie de repousse les deux petites portescar j'aperois le jeune homme qui nous avaitparl tout l'heure de l'autre ct de la haie (ilglane tout prs de l) mais les gonds sont rouilleset je suis sre cette minute qu'il faut, qu'il nousfaut absolument trouvei un endroit sec entredeux sillons. Tout coup j'entends des cris, desappels. Je regarde dans cette direction, et toutau bout du champ, par un passage que j'aiconnu dans ma jeunesse, je vois se faufiler lejeune homme que j'ai dj vu tout -l'heure. 11 avol quelque chose. Des femmes dans un champvoisin crient : Au voleur ! et, courant detoute la vitesse de ses jambes un garon de cafle poursuit. Jim et moi, nous dirigeons de ce ctpour voir ce qui va arriver. Rendus au passage,nous sommes repousss, jets terre, balayslittralement par une chasse-galerie (1). En mme

    Rene Gauthier :Je suis dans un champ avec Jim. Il veut me

    cueillir un fruit dans la haie bordant le champ,un fruit qui me semble tre une noix. Elle n'estpas assez mre, je n'en veux pas. Pour qu'elle

    (1) Ceci est un mystre de mon enfance. Ma mre qui m'asouvent effraye en me racontantqu'elle avait entenduie bruitde la ebassc-gahric n'a jamais pu m'expliquer en quoi elleconsistait.Ce sont, d'aprs cite, .ses bruits normes, assourdis-sants d'bommeset de btes monstrueuses qui passent dans lesairs une certaine date de l'anne. Quand on les entend ondoit s'tendre plat-ventre sur le sol et se boucher les oreilles.

  • RVES

    temps je vois le jeune homme franchir nouveaule passage. Il est poursuivi par un chien norme.Je le suis des yeuxune minute puis je vois l'hommes'envoler et le chien faire un bond formidable etletomber terre o il reste sans mouvement.Je cherche l'homme dans le ciel. Je vois, et Jimvoit en mme temps que moi, un giand oiseau,mais je me rends compte aussitt que c'est lepremier d'une bande laquelle m'apparat dployeen ventail. Ils sont au moins une centaine. Ils\ oient lentement comme ces bandes d'oiseauxqu'on aperoit en mer. Je les dnombre en uneseconde. Ils sont 85. Ils passent non loin de nouse 1, abaissent leur vol. Nous voyons alors que cesont de beaux oiseaux absolument blancs, l'exception du cou et d'une partie des pattes ; ilsont, au bout des pattes, des pieds extrmementlongs et presque cylindriques, des pieds en painde sucre. Et la symtrie des plumes noires et desplumes blanches me fait croire que ces oiseauxportaient des souliers de daim noirs avec desbrides sur le cou-de-pied et des lanires autourde la cheville, comme ceux que portent les femmes.Ces oiseaux me semblaient chausss et cravatsde noir. Leurs pieds se balancent au-dessousd'eux.

    On jurerait des sportsmen faisant du skidans les airs, me dit Jim.

    Je les vois descendre lentement derrire lahaie et les grands chnes du pr voisin. Ilss'abattent d'un seul coup. Jim me dit :

    Viens donc, s'ils se couchent tu pourraspeut-tre leur voler une paire de souliers.

    Nous courons dans leur direction. Ils sont lpicorant l'herbe. Nous nous approchons dou-cement. Je prends la canne de Jim pour en tuerun qui ne bouge pas, mais mesure que jem'approche de lui il s'loigne. Il en est de mmepour les autres. Enfin je n'en vois plus qu'un trsgrand et je m'lance sur lui... Je me vois debout,appuye sur sa poitrine. Il a maintenant la 'ted'un homme, m?is ses bras sont des ailes qui seferment, s'ouvrent et se referment sur moi. Jechante tue-tte :

    C'est un oiseau qui bat de l'aile... (air de :C'est un oiseau qui vient de France...)

    Tout coup je me sens allonge prs de lui, latte sur sa poitrine. Mon coeur et mes tempesbattent trs fort. Je viens d'tre sa matresse.Avec le bout d'un de ses grands pieds il me relvele menton, me forant dtourner la tte. Jevois alors Jim lutter dsesprment avec un desoiseaux. Celui-ci avec ses pieds dmesurs,cherche trangler le garon de caf, qui avaitpoursuivi un voleur, en criant :

    Tu as notre uniforme, mais tu n'es pas denotre congrgation. Le garon de caf quitte songilet noir et ses souliers pour ne plus tre en noiret blanc. Je me tourne vers mon oiseau-hommequi rpte :

    Je resterai une semaine ici... je resteraiune semaine ici... oui, oui, oui...

  • TEXTES SURRALISTES

    Marcel Noll :L'or chantant, l'or saignant, l'or blessant,

    l'or chevauchant, l'or s'cnivrant, voici l'oraisondu quatrime linge de Saint-Malthus ! La tourpenche qui m'abrite, air pur et soleil du son, amour, vos habits brillants m'attendent audortoir. Petites mes, cristal, cristal, amour,je dors et je dors. La milliardaire me protgeet l'aigrette du chapeau de la dame d'en faceme conte ses aventures. Roses rouges que l'oncrase entre les dents, le soir venu : une batailleo l'hrosme fait figure de heurtoir ! Flots demurmures qui retombent en cendre fine commele duvet sur le crne entr'ouvertd'un nouveau-n.Si tu avais choisir entre la mort et une pentedore, c'est la pente que tu choisirais. Eh bien,tu parles d'un appareil respiratoire ! Voici lelangage qui se dplie, dplie comme s'il allait s'en-voler. Qu'est-elle devenue, la belle silencieusequi me berait au bois, un jour de canicule ?Voici le sang qui coule dans ses veines, le sangqui entoure ses yeux, le sang qui roule de petitesbulles brillantes et des bribes de brebis versles bocaux de brocart ! Le paratonnerre dusilence mugit sous les cris d'un mistral lointain,et les lions sont proches. Donnez-nous la distrac-tion du requin qui, ayant une demi-douzainede harpons dans sa peau d'un mtre et demid'paisseur s'offre en spectacle en excutantdes danses occultes. Luxure et coups de poignardappuys sur le comptoir d'un bar. Le port n'estpas loin, et les tonneaux s'enlacent avant departir. Les singes et les journaux quotidienss'en donnent coeur joie, et le linge s'envolevers le lustre qui jette des regards candides j'escalier drob, la sortie secrte.

    Il est six heures et demie au cadran des GrandeEaux. Il n'y a rien d'trange dans le fait d'assas-siner le vieil homme. Grand Soir, cela veut dire :yeuxhagards, crpuscule, puis l'invitable gouffre-tripes. Cela veut dire encore : et je suis faible.(Un coeur apparat soudain dans un linge pr-cieux, et se met saigner.)

    Les cartes qui viennent d'tre caresses parmes mains s'annoncent comme tant terri-blement ravageuses.

    Les enseignes se dcro-chent difficilement, et le fou du passage Verdcaucourt toujours. C'est sans doute cause de cedernier qu'il m'est impossible d'avancer mespions.

    Robert Desnos :L'loile du Nord l'toile du Sud envoie ce

    tlgramme:

    dcapite l'instant ta comterouge et ta comte violette qui te trahissent.

    L'toile du Nord.

    L'toile du Sud assombritson regard et penche sa tte brune sur son coucharmant. Le rgiment fminin des comtes ses pieds s'amuse et voltige ; jolis canaris dansla cage des clipses. I)evra-t-elle dparer sonmobile trsor de sa belle rouge, de sa belleviolette ? Ces deux comtes qui, lgrement,ds cinq heures du soir, relvent une jupe detaffetas sur un genou de lune. La belle rouge auxlvres humides, amie des adultres et que plusd'un amant dlaiss dcouvrit, blottie dans sonlit, les cils longs et feignant d'tre inanim", labelle rouge enfui aux robes bleu sombre, auxyeux bleu sombre, au coeur bleu sombre commeune mduse perdue, loin de toutes les ctes,dans un courant tide hant par les bateauxfantmes. Et la belle violette donc ! la belle

  • TEXTES SURREALISTES

    violette aux cheveux roux, la belle violette,au lobe des oreilles carlate, mangeuse d'oursins,et dont les crimes prestigieux ont lentementdpos des larmes d'un sang admirableet admirdes cieux entiers sur sa robe, sur sa prcieuserobe. Les tranglera-t-ellede ses doigts de dia-mant, elle la charmante toile du Sud, suivant lperfide conseil de l'toile du Nord, la magique,tentatrice et adorable toile du Nord dont undiamant remplace le tton la pointe d'un seinchaud et blanc comme le reflet du soleil midi ?

    Timonires, comtes violette et rouge, timo-nires du bateau fantme o guidez-vous votrecargaison de putains et de squelettes dont lesuperbe accouplement apporte aux rgions quevous traversez le rconfort de l'amour ternel ?Sductrices ! La voilette de la violette est lefilet de pche et le genou de la rouge sert deboussole. Les putains du bateau fantme sontquatre vingt-quatre dent voici quelques noms :Rose, Mystre, Etreinte, Minuit, Police, Directe,Folle, Et coeur et pique, De moi, De loin. Assez,L'or, Le verre vert, Le murmure, La galandineet La mre-des-rois qui compte peine seizeannes, de celles que l'on nomme les bellesannes. En dsespoir de cause les squelettes del'Armada livrent combat ceux de la Mduse.

    La haut, dans le ciel, flottent les mdusesdisperses.

    Avant que de devenir comte l'toile du Sud l'toile du Nord envoiece tlgramme: Plongele ciel dans tes icebergs ! justice est faite

    L'toile du Sud .Perfide toile du Nord !Troublante toile du Sud !Adorables !Adorables !

    Guillaume le Conqurant, celui mme quidcouvrit la loi d'attraction des bateaux,Guillaume le Conqurant est enterr non loind'ici. Un fossoyeur s'assied sur une tombe. Il adj quatre-vingts ans depuis le dbut de cercit. Il n'attend pas longtemps. D'une taupi-nire ses pieds sort une lumire verdfre, quine l'tonn gure lui, habitu au silence, l'oubliet au crime et qui ne connat de la vie que ledoux bourdonnement qui accompagne la chuteperpendiculairedu soleil au moment ou, serresl'une contre l'autre les aiguilles de la pendulefatigues d'attendre la nuit appellentinutilementdu cri fatidique douze fois rpt le violet dfildes spectres et. des fantmes retenus loin de l,dans un lit de hasard, entre l'amour et le mystreau pied de la libert bras ouverts contre le mur.Le fossoyeur se souvient que c'est lui qui jadisalors que ses oreilles ne tressaillaient gure tua cet endroit la taupe reine dont la fourrure

    immense revtit tour tour ses matresses d'unearmure de fer mille fois plus redoutable que lafameuse tunique de Nessus et contre laquelleses baisers prenaient la consistance de la glaceet du verre et dans le cham frem de laquelledurant des nuits et des nuits il constata la fuitelente et rgulire de ^es cheveux dous d'une vieinfernale. Les funrailles les plus illustres seprolongrent l'attendre. Quand il arrivaitles assistants avaient vieilli certains et parfoismme les croque-morts et les pleureuses taientdcds. Il les jetait ple-mle dans la fosserserve un seul et glorieux mort sans quepersonne ost protester tant l"aurole verte deses cheveux imposait silence et respect auxporte-deuil. Mais voici qu'avec le minuit anni-versaire de la mort de Guillaume le Conqurantle dernier cheveu est parti laissant un trou, untrou noir dans son crne tandis que la lumireverte irradiait de la taupinire.

    Et voici que, prcdes par le lent grincementdos serrures forces arrivent les funrailles duMystre suivies par les clefs en bataillons serrs.

    Giorgio de Chirico.Elles sont l toutes, celles qui tombrent aux

    mains des espions, celle que l'amant assassinbrisa dans la serrure en s'en allant, celle que lejusticier jeta dans la rivire aprs avoir dfini-tivement ferm la porte des reprsailles, lesclefs d'or des geliers voles par les captifs, lesclefs des villes vendues l'ennemi par les viergesblondes, par la vierge blonde, les clefs de dia-mant des ceintures de chastet, les clefs descoffres forts vids l'insu des banquiers par unaventurier, celles que, sans bruit le jeune et

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    idal conqurant retire de la serrure pour, d'unoeil guetter le coucher de la vierge blonde.

    Et tandis que les cieux retentissaientdu bruitdes serrures divines fermes

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    Georges Malkine :Le soir tombait et se relevait tour tour,

    ivre de lampes et d'ombres, et de dtours, ram-pant dans la ville d'arcades comme un serpentprs de la mort. A l'heure o l'heure se demande,j'entr'ouvris la main d'une passante magnifique.Elle tait d'origine polaire, et toujours sur lepoint de s'enfuir ou de parler. Quand l'habitudeparut la rassurer, elle commena de me conduire.Mes innombrables questions muettes la dve-loppaient mes yeux dbutants et lui faisaient,selon le lieu et selon la question, un chemin debure ou d'carlate. Ses pas fondaient l'asphalte,y laissant des traces de mains et des fleurstnues.

    Il me souvient du moment o notre coursedevint pareille celle d'un bolide plein de dsirset de dlires, profilant les maisons, les chevauxde soie les plus voyants, les jardins lmentaires,les ocans qu'un soupir desschait, les jouetsen pierre des insectes, et jusqu' cette liqueurmarine dans les paupires des femmes d'amants.

    Toute circonstanceavait disparu de la surfaceterrestre. Les manomtres, fous de douleur,nous abandonnrent vers Saturne o, commele veut la coutume, nous nous fianmes.

    Les anges centrifuges allaient moins viteque nous. En guise d'adieu, plusieurs d'entreeux se suicidrent spontanment, et ces mortsexhalaient des halos de lumire aigu que nousperdmes rapidement de vue.Quelle nuit du calendrier oserait dfier la nuitde la passante, qui prolongeaitavec moi une nuitternelle, plus raidie chaque instant, et plusintime.

    Tout ceci, aprs tout, je ne le dis personne.Les doigts de la passante, autour des miens,

    se desserraient. Mais plus n'tait besoin de nosforces. Nous tions chacun la moiti d'une mmegoutte d'eau. Trop silencieux et trop petits,nous ne participions plus de quoi que ce fut.Nous allions au seul gr de mon coeur, cerclevicieux sans dimensions, glatine pique depoints d'or et de toupies chantantes.

    L'oreille de la passante disait des mots sanssuite. Le vent nous dnuda compltement, etplantait parmi nos cheveux de longs avertisse-ments.

    La vitesse devenant extraordinaire, l'aisancela plus sensible revint nos mouvements. Dieu,attentif l'absence, baissait la tte.

    Le souvenir de cette aventure d'aventuriersse dissout aussi vite que le rve d'un ami, etj'ai beau enfoncer mes yeux avec mes poingset boucher mes oreilles sournoises, comme fontles anglais dans les cryptes (i), je ne retrouve

    que trs fugitive la gigantesque proue de galre,sculpte de membres dfunts, qui soudainridiculisa notrequilibre et notre science, soutenuequ'elle tait par une carne insignifiante, et duhaut de laquelle, chaussures laisses la ported'un iceberg, le matre d'quipage et le matred'htel, tous deux en habit noir clair, un sourirecrnement pos sur l'oreille, suaient la merd'huile mousseuse par le bout de leur longue-vue.

    Puis, une odeur, qui venait des seins de lapassante et qui, la manire des projecteursde guerre, transforma subitement notre routesi nerveuse en un toboggan trangement ascen-dant et strictement confortable, plaisir qui nousatteint sans difficult malgr notre tensionsans cesse accrue.

    Un orage. Le premier que je vis, en somme,parce qu'il me fut donn, moi homme, de voirun orage dans sa totalit. Vous voyez cela ?Non.

    Moins lger qu'elle et tenant sa main gauche,je ne voyais pli s la passante que de trois quartsgauche arrire. Mais j'entendis sa voix pour lapremire fois. Elle hurlait.

    Coeur ambidextre, entendis-je, oeil arach-

    nen, amant extrme du verre sous toutes sesformes et sans aucune forme, n du verre, vivantdu verre et de sa posie, superstructeur desuperstitions, mcanicien de la distance, para-noaque aux parcs ferms, invincible bouedes boues bienvenues, praticien clandestin descouloirs et du sang, accoucheur d'ordures etlarbin du miroir, bais au front par l'infamiedes carrefours mticuleux, ami, ami, ami duseul et vingt-neuf fvrier !

    Ses paroles furent telles, la premire foisqu'elle parla. Parla-t-elle ? El pourtant, je suisici, des ongles sont au bout de mes doigts et desvoix vicies me guettent. Je suis ici, et l, ailleurset autrement, et soi-disant je vous regarde, vous,ncropole des confidences malpropres.

    Je dois avouer que je m'entr'ouvreune seconde,tous les mille ans. Prenez-y, dans ce grand

    (.1) Une discrimination s'impose (absolue au pointde vue scMilitiifiiliil) on ce qui concerne la personnalitexlra-humainc considre en tant qn'alHucnt potique

    valable, communment appele air du temps, faonde parler, ou encore, plus subtilement sans doute, de.quoi crire s'il vous plat.

    Le fait de l'existence de ce problme procde dela srie d'vnements gnraleurs simples appelscontrastes ou contractes, dterminables par l'absurde,et qu'claire violemment, nuit et jour, pour l'dificationdu principe, la rfraction gnreuse de votre eaulustrale.

    Tant d'ges ont vcu, et si peu d'hommes, quenous restons pantelants ds qu'une quille nouvelleest. dispose dans le jeu de nos expectatives. Jeu desplus rduits, cependant, et qui vraiment se dploie traversun nombre trop restreintde mesuresconcevables,pour peu que nous ralisions ensemble, comme levoulait, l'origine de la vie, l'atteinte el la solitudevirginale.Qui de vous n'a t tout prs de le comprendre,mais qui bientt sentait son front heurter le pinsliant des plafonds ? Qui de vousn'est parti sans bagages,mais qui au premier pays n'achetait une petite valisepour y plier son coeur ?

  • TEXTES SURREALISTES

    coffre asthmatique et sans fond jamais, la subs-tance de vos rves dcharns. Ils s'lancerontcomme ces allumettes qu'on retrouve toujours,que ce soit au coin des rues ou dans le sillagedes nouvelles rencontres. Prgrinez suivantvotre spirale, de l'infini vers le centre. Du hautdu ciel oudu haut d'un microscope, vous caressezvos ennemis, it vos ennemis vous caressent.

    Un jour qu'il fera nuit d'amour, tout demme, je vous entrerai dans ma maison provi-soire, gnralement avide de crevaisons fla-grantes et de calembours susurrs la tte enbas. La porte en est sous une trs vieille terreque rien ne dcle l'tranger, moins qu'il nes'agisse d'un polaire.

    Les: polaires ne parlent pas, et n'ont pas letemps de rien faire ni de faire quelque chose.Ils sont graves comme les eaux, et clairs commeeux-mmes seuls. Ils ne se connaissent pointles uns les autres, ni ne savent rien d'eux-mmes.Ils sont vtus comme les embarcadres et commeces endroits des gares qu'on ne peut pas photo-graphier.

    Ai-je parl des polaires ?Ce fut Ludwig Ha, mon vieil ami Berlinois de

    vingt minutes, qui me rvla les polaires, aprsm'avoir secrtement men vers la seule ruequi leur soit officieusement rserve. Une ruesans maisons et. sans hommes, pave de dominosde marbra qui dansaient sous nos pieds. Le boutde cette rue, contre toute attente, me sparabrusquement de Ludwig Ha, et dans le mmetemps que je pensais ensemble aux polaires et eux-mmes, un vertige rose passa sur manuque.

    C'est alors que la passante et moi quittmesle toboggan pour la fleur.

    Je dis alors, car alors fut la transition. Descrapauds nous suivaient tire-d'aile.

    Le toboggan devint brusquement translucide,dgageant un parfum que je crois tre celuide l'eau de Seltz, et se rtrcissant de telle sorteque nous nous trouvmes colls, et que forcenous fut d'entrer dans la fleur. Je dis la fleur,parce qu'il est remarquable que j'aie vu la fleur,et je dis ceci cause del vitesse toujours gran-dissante, qui ne m'et pas permis de distinguerune forme quelconque moins de cinq millelieues en\iron.

    La forme de la fleur tait celle de l'arumvulgaire, o les Romains se dsaltraient aprsle cirque. A vrai dire, ce n'tait ni une fleur nimme une chansonnette, mais l'entre d'unconduit de section circulaire, d'un prirot'-';qui ne passait pas trois cents pieds.

    Je dois mentionner, aussi bien que le rapportdes petits doigts prsents et dbiles, cette exi-gut qui devait profondment nous mouvoir, cause des incalculables commencements.

    La paroi du conduit, d'ordre colonial, tait

    d'une blancheur absolue et vhmente, c'est--dire compose de couleurs et de non-couleursvermiculaires, animes d'intentions nergiques,et qui faisaient l'amour sans discontinuer, l'instar de Paracelse et des cavaliers japonais.Cette blancheur, enfin, s'avra au point que jem'tonnais de la savoir.

    Et pourtant elle tait douce, douce au mondecomme le poil des femmes ; comme ces phrasesque disent les statues, et que nous n'avons ledroit d'entendre que lorsque nous avons entendutoutes les phrases que nous pourrions faire nous-mmes.

    Et maintenant c'est le deuil, le vrai deuil,bord de flammes d'alcool. Voil pourquoi.Aprs avoir dpass tant de paroxysmes, lavitesse tait videmment devenue blme etfine, mais elle tait toujours -.rgulire, rappelanten nous, selon le Talinud et la Bible, plusieurssens disparus, dont celui du baiser vritable,qui se donne comme on donne un trsor enfoui ;que seul un fil accoupl dans nos greniers (quine se trouve qu' la faveur des ttons) et qu'ontient entre les dents quand on s'en va, peutrveiller et dvelopper sa majestchangeante.

    Ici vient le prodigieux prodige.Et le prodige est fini. C'est fini. Je marche

    rue Froidevaux, dans cette direction de luneet de miroitantes petites vertes.

    L est une fentre, la barre d'appui delaqucile vient se poser l'amazone une anciennemusique. Elle droule avec prcision un mtrageimportant de dentelles sacres, c'est--dire issuesde la neige et du sucre de canne, prsentai! tl'aspect bonhomme des grottes de Fingall.Elle soumet ces dentelles tout-venant. Puiselle se gaufre, et diminue progressivement devolume, jusqu' l'clair dans lequel elle dispa-rat par l'orifice d'une bouche voisine.

    Le prodige est bien autre chose. Malheureu-sement, ou ainsi que vous le voudrez, le prodigefut vertical, et donc il chappe logiquementune relation historique. Rien ne peut en treconfi. Je noterai simplement, pour l'acquitd'une volupt personnelle et internationale, nonattributive de la juridiction des tribunaux dela Seine, les indices suivants qui s'y rapportent :

    Plus un piano contient d'eau, et moins ilest ais de s'en servir.

    .

    L'ombilic court sans cesse et se nourritd'entre-deux.

    L'apoplexie de la dlicatesse perd pour sequi lui survit toute signification horaire.

    Il ne reste plus ds lors que le dernier souvenir,tragique entre tous. Celui d'un cri entendu dansle conduit blanc. Ce cri tait tristement humain ;sans doute fut-ce lui qui ta la courroie.

    Tout ce que j'ignore m'est tmoin, et lescaves et les toits, et mes amis brls, et la tombebavarde et la muette naissance, et ma sainte

  • TEXTES SURREALISTES

    pense, que ce fut l et que c'est l seulementce que jusqu' nouvel ordre je puis consentir nommer le voyage.J'ai conserv la passante C'est me main etson avant-bias, le tout en bois des les. Rien nela distingue de celles dont se servent les gantierspour exprimer, en chambre noire, la pudeur deleur complexion, si ce n'est que l'articulationdu pouce se trouve au milieu de la secondephalange, qu'elle est latrale, et que l'ensembleconstitue indiscutablement un poignard cinqlames, unique et dernier descendant.

    GERMAINE BERTONL'absolue libert offense, dconcerte. Le soleil a

    toujours bless les yeux de ses adorateurs. Passeencore que Germaine 1-icrton lue Plateau, les anar-chistes, et avec eux un trs petit nombre d'hommes,moi-inmc, applaudissent. Mais c'est qu'alors ellesert, parat-il, leur cause. Ds que sa vie l'emporte,qui la suivrait dans ce qu'on nomme ses carts, sesinconsquences, il y a trop parier qu'elle compro-mcllra ses approbalcurs. On prfre alors invoquerla maladie, la dmoralisation. Et bien sr que lesanarchistes exaltcnl la vie, rprouvent le .suicidequi est. comme on le sail, une lchet. C'est alorsqu'ils me font connatre la houle: ils ne nie laissentlien d'autre faire qu' nie prosterner simpknicr.ldevant celte femme en tant admirable qui est le plusgrand dfi que je connaisse l'esclavage, la plus belleprotestation leve la lace du monde contre le men-songe hideux du bonheur, Louis ARAOON.

    AFFICHEI-il boulevard Haspau, une affiche jaune imprime,

    ain si conue :Di.COltATION

    Si la daine qui a dil une dame suri e seuil du lionMarcli le 18 octobre vouloir ordre de dcorationveut envoyer ses noms el adresse chez concierge 11!!),Boulevard Saint-Michel, .r>", au nom de Ginhaine, peui-lrc s'arrangera-l-op.

    Max Emsl.

    iNF. vi'.ivi'. tNc.oNsoi.Ani.rcTlois, "i novembre,

    -

    Ne pouvant se consoler .le la mort deson 111:1ri. employ des eh'-111111sde fer, cras accidentellementle 'J\ septembre Vcrnouhlct (Selne-et-Oise), M"" veuveItesnarcl, ne Collin, 33 ans, demeurant chez sa mre, Mastmig, s'esl pendue. (Libertaire.)

    Paul Eluard :L'hiver sur la prairie apport des sourisJ'ai rencontr la jeunesseToute nue aux plis de satin bleuElle riait du prsent, mon bel esclave.

    Les regards clans les rnes du coursierDlivrant le bercement des palmes de mon

    sangJe dcouvre soudain, le raisin des jaades

    couches sur le soleil.Fourrure du drapeau des dtroits insensibles.

    La consolation graine perdueLe remords pluie fondueLa douleur bouche, en coeurKl mes larges mains luttent.

    La tte antique du modleRougit devant, ma modestieJe l'ignore je la bouscule0 ! lettre aux timbres incendiaires

    Qu'un bel espion n'envoya pasVU. qui glissa une hache de pieireDans la chemise de ses fillesDe ses filles tristes et paresseuses.

    A terre et terre tout ce qui nageA terre terre tout ce qui voleJ'ai besoin des poissons pour porter ma

    couronneAutour de mon front

    J'ai besoin des oiseaux pour parler lafoule.

  • TEXTES SURREALISTES

    Jacques-Andr Boiffard :Sur l'tabli des volupts venir, les volutes de

    caresses se dtendent en fermant les bras ; l'taudes cheveux alterne sa chanson avec celle duvilebrequin du dsordre. On rabote les matirespremires des solutions de continuit dont lescopeaux s'entassent sur le plancher arborescentLe charpentier est en chemise sans bras, trscomme il faut, malgr les apparences de raisonqui sont suspendues aux parois de notre crne.C'est ainsi que passe dans un sablier de chair letemps de la vie : globules. On rirait pour un peude tous ces outils inutiles quoique de mtalprcieux, si les rires pouvaient natre sur nosdents dchausses ; nos dents qui brillaient tantdans la nuit rouge se sont teintes et les baisersn'ont plus de phare. Tant pis pour la processionqui' s'avance locomotive en tte. Est-ce un trainde plerins ? Les hommes se souviennent decagoules blanchies par la jeunesse et les petitsenfants ne seront l qu'hier. Les femmes sontrestes dans la campagne cloie d'azur o leursventails de doigts se ferment sur des coffrets :splendeur des laisser-aller et des dmnagements.La procession s'avance enveloppe de fumeteinte spcialement par les effets de caractresanonymes. Lisez au-dessus des wagons sansportires la devise des plerins

    : Soutiens ton

    esprit par l'lvation des ascenseurs. Admi-rable prcepte qui flambe sur un plat d'airainsans le secours de nos bras tendusvers le diamantjaune. Les exalts atteindront-ils l'atelier desdsirs? nul dtail ne permet de le croire et si vousdoutez pesez les grains de saisie de ma plaged'ocan avec des balances fausses, vous aurez lesecret de ce qui vous charme. Encore faut-iladmirer les fleurs disposes en chiquier par lejardinier de l'lan pour s'apercevoir que toutes ceslamentations que l'on entend ronfler au creux deses poches ne sont qu'un tableau o la matiresurpasse la vitesse des candlabres qui clairentla scne sans sourire.

    L'acteur qui jouait Robespierre ce matin-lavait laiss prendre son col dans l'engrenaged'une machine battre. 11 en ressortit un violentmal de tte qui jeta la terreur parmi les monu-ments aux soldats dcors de la croix triste. Lemalheureux se dcida se faire la barbe avecune bouteille de schmek drobe dans l'arrire-cuisine de son grand-pre, Dieu, le compositeurd'anatomie bien connu. Il s'lana donc lapoursuite de l'autruche aux cailloux friandsmais trbucha sur des pattes de salamandre etse fractura les omoplates. Avant de mourir ilpronona ces paroles : Alfred Jarry descenddes degrs qui mnent un tage suprieur. Sespieds marquent leur empreinte dans la pierre,il descend. Au bas des marches il donne de violents

    coups de pied tous les a qu'il rencontredans lespomes de Roger Vitrac et de Pierre NavilleIl se dirige ensuite vers les rservoirs, trois grossesincongruits ranges le long des rails. Arrivprs d'un rservoir il commence drouler uneespce de chaussette russe qui entoure son piedgauche, mais il s'aperoit que cette bande d'toffeverte enveloppe aussi la jambe, la cuisse, l'autrepied et mme tout son corps sauf un trou pourlaisser tousser les cheveux.

    Ma chair se casse, une ligne de baisers, parabo-lique restreint l'infini clans les yeux des peuples.Les larmes du soleil tombent doucement dansune coupe o nagent les sirnes, ides d'absolu.Mes hanches saignent et je vais l-bas vers lesarbres qui parlent. Les feuilles sont mille boucheset les paroles s'allument par le frottement dela chlorophylle sui les visages Les feuilles nechoientpas plus queles oiseauxet l'encens vivant.Dans le fleuve qui nourrit le temple du temps selovent sur un fond de rocs des reptiles plus beauxque les vices de forme. Les malentendus senoient journellement dans le fleuve malgr lesefforts prims des distractions. Les rives sontdeux montagnes pyramidales et le matin 'lalune sort d'un cratre d'acier lorsque le ptredes galets des plages siffle dans ses doigts. Del'autre cratre s'lance parfois la lumire desvenues. Les arbres parlent aussi aux grilles desjardins et d'autre chose mais jamais de moi. Il nese passe pas d'vennement sans importancequ'une femme ne laisse tomber de son sac mainla raillerie des anglus o ses pieds s'embarrassent.Les entants appellent cela leurs grands bijoux demica.

    Si vous avez un frre n'hsitez pas le

    considrer comme un porte-plume sans vousproccuper de la raction du noir animal.

    F.neffet il est si simple d'arracher les laines de vosctes qui empchent vos poumons de voir clairmme si votre fille s'appelle Marthe.

    Marthecomme un lapsus, un cataplasme ou une amibeenkvste dans son orgueil. Le tap'is vert dela route s'annonce un bien mauvais calculateurtoutes les bornes kilomtriques portent le mmechiffre en allant vers les les o en revenant parle chemin des pendules roses. L'eau s'tendtrs loin au-dessus du sol, aussi ne peut-ony porter le pied sans lever le genou plus hautque le lobe de l'oreille gauche. Pour le resterapportez-vous-en la conversation cite plushaut.

    LA DSESPIUE AU PARAPLUIEGompigne,5 novembre.

    A Margny-lcs-Ccriscs, Mmo 13il-liard, ne Marie Thiroux, 53 ans, se lve la nuit, prend salanterne et son parapluie, puis se prcipite dans le puitsde sa voisine, Mme Villette, o l'on retrouve son cadavre.

  • 14 TEXTES SURREALISTES

    S. B. :Ceci se passait au printemps dans un jardin

    o les habituels vers luisants taient remplacspar des perles noires dont la vertuestden'mettrequ'un seul rayon lumineux lequel brle le pointo il tombe.

    Vous dsirez que mon sein soit une boule

    de neige, disait la jeune fille. Fort bien, j'yconsens. Mais quelerez-vous pourmoi en change ?

    Emettez unvoeu ! ma divine,et qu'il soit, enmon pouvoir del raliser !

    Je souhaiteque pendant septjours vous aviezautant de sexesque de doigts votremaindroite.

    Or le j eunehomme fut imm-diatement- changen une toile demer. La jeune fillese pencha vers luiavec un souriresatisfait.

    Que vais-je

    faire? pensa-t-ellc.Je ne savais pasque c'tait si facilede se dbarrasserd'un galant trophardi. Les arbresme restent avec,eur treinte ma-estueuse. ;i

    1 Elle avait compt sans la mer qui, iuneusede voir un-de ses enfants injuri par une ter-rienne, envahit sourdement la lande pour lereprendre et le venger. La jeune fille ne fut plusbienttqu'unvoiletransparent tendusur les flotscalms, et dont la coquetterie tait rgie par levent, les mouvementspar les caprices des vagues.C'est alors qu'intervient un lment que leromanesque le plus trange ne suffit pas jus-tifier. Une mouette s'empara du voile et alla leporter dans la cabine secrte d'un capitainede navire. Celui-ci tait un homme austre etpassionn dont les deux, occupations favoritestaient l'une de pratiquer sur les joues de seshommes une inflation dnomme par lui hyst-rico-prinfanire, l'autre d'apprivoiser par despomes faits exprs pour eux les poissons qui,mangs par eux, se trouvaient enferms dans leventre des requins

    Aussi fut-il trs tonn en franchissant leseuil de la cabine o il enfermait les matriauxde ses expriences, de se sentir tout coupsuffoqu par un parfum analogue au son d'unviolon plong dans l'huile sainte, et qui, par unefacult qui n'est pas rserve tous les parfums,imprima sur ses yeux un poids lger dont cethomme sentit tout de suite qu'il pourrait setransformer en visions stupfiantes. C'est pour-

    quoi dpens cemoment il nes'tonna plus derien.

    Qu'est-ce qu'uncapitaine de vais-seau sinon le sif-flement du prilet l'aveu souter-rain des sablesmouvants ? Cethomme qui en im-posait aux hom-mes par sa science,fut le jouet d'unvoile de soie qu'unoiseau avait trans-port chez lui.Quand il le vit iln'eut plus .qu'undsir et le bateaus'enfona douce-ment dans la mer.

    C'est par unfracas infernalque cette opra-tion lente et sour-noise se traduisitaux sens des ter-riens.

    Cependant 1capitaine s'tait

    pench au hublot le plus troit de son bti-ment, avec l'impression que ses organes respira-toires trouvaient enfin dans l'eau un lmentconforme leur constitution. Les boutonsdors de son uniforme, malgr les ancres qui ytaient dessines, furent autant de petits bal-lons d'un genre spcial qui l'emportrent dansles profondeurs.

    Il y retrouva d'anciens amis. Le camlonqu'il avait un jour empch de changer de cou-leur, la petite fille en larmes qu'il avait poi-gnarde, la tulipe dite perroquet qu'il avait aide prononcer le mot jamais. Un jour un canot desauvetage trouva sur la surface de la mer unealgue plate et translucide qui avait des veineshumaines. C'est ainsi qu'on sut que le capitainetait mort.

    Aml MUSSOJI.

  • TEXTES SURREALISTES

    Max Morise :Je venais d'achever ce soir-l la lecture du

    Quotidien Dpouill, lorsque j'entendis pntrerdans ma chambre- une circonfrence composed'arolithes frachement tombs autant que jepus en juger par leur couleur et par leur saveurqui rappelait s'y mprendre celle du pipermint.La joie avec laquelle j'accueillis mon visiteurtait capable d'effrayer les hirondelles perchessur tous les cbles sous-marins du monde, etj'en eus bientt notion quand je sentis sur mamain gauche une piqre que j'attribuai immdia-tement la saison malsaine et pluvieuse quenous traversions. A vrai dire les mdecins n'ontjamais pu dcider si c'tait l un phnomned'origine volcanique ou la simple manifestationd'une volont rsidant dans mon cerveau, maisnanmoins parfaitement trangre ma proprepersonne. II y a eu dans ma vie plusieursexemplesde pareils suicides involontaires et le plus trangene fut pas le plus estim par les spcialistes. Que nesommes-nous pas tous des perce-oreilles, car dansce cas il n'y aurait plus pour nous enrhumer niDieu ni Diable qui tienne et nous approcherionsde la substance des purs esprits qu'on voit vol-tiger entre cinq et six heures du soir la hauteurdu pont de la Concorde, autrement appel pontdes Chteaux en Espagne. L'inventeur du vaccincontre le systme Taylor m'a bien souvent rptqu'il suffisaitd'une seule pierre tombant au milieude la marc aux quateurs pour que toutes lesfourmilires modernes reprennent leur primitifaspect de vignoble ravag par le philoxra. Maisvoil ? on n'a jamais pu encore dterminer lecentre de ladite marc. Et pour cause. I! ne suffitpas d'une pivoine en guise de sourire pour quetous les palefreniers du monde soient affranchisde la terrible pidmie qui s'est abattue depuisdeux sicles sur la corporation et qui se manifestepar l'arrt des pendules des sujets atteints 3 h. 18 invariablement, malgr les courants d'airchaud dont ils ont soin de se munir. Peut-treque les visions en forme de chemin de fer Nord-Sud, sont la condition sine qua non de la trans-mission de la vie. Ce qui expliquerait le dp-rissement progressif des populations qui nepossdent pas de Nord-Sud. La valeur affectivequ'on accorde aux caresses amoureuses ne peutpas cesser de varier en fonction de la dprciationqui ne fait que s'accentuer lorsqu'on passe d'unge gologique au suivant, Il serait intressantd'examiner avec une grande attention le systmepropos par l'Acadmie des Orgies pour remdier ce grave flau. D'abord toute transmission depense serait interdite aux sujets en ge d'trelivrs la consommation, de sorte qu'il n'y auraitplus redouter toute une srie d'accidents quiont coutume de se produire lorsque les glandesqui scrtent le sperme du Grand Ruminant

    viennent tre coupes en deux, savoir : accidentsde chemin de fer, naufrages, maux de tte,laisser-passcr, luxure, circonspection, mlangesdtonnants, etc., etc. Ensuite chaque commissairedes jeux serait charg d'enduire de suif tous lesgardiens de la paix en ge d'tre maris, puis deles runir dans un bocal de cristal pur et de leurfaire subir une prparation destine les rendremallables et susceptibles d'tre ports auxdimensions de 400 km. de long sur 12 mm. delarge. Il ne resterait plus qu' dlivrer du serpentqui les enlace les rois ngres et leurs ministres,aprs quoi la lune et ses mares n'auraient plusque faire dans le monde. Si bien qu'aprs des jourset des jours de cristallisation, l'ours des caverneset son compagnon le butor, le vol-au-ventet sonvalet le vent, le grand-chancelieravec sa chan-celire, l'pouvantai! moineaux et son comprele moineau, l'prouvette et sa fille l'aiguille, lecarnassier et son frre le carnaval, le balayeur etson monocle, le Mississipi et son petit chien, lecorail et son pot-au-lait, le Miracle et son bonDieu, n'auraient plus qu' disparatre de la surfacede la mer. Il se peut qu'avant l'closion du pous-sin passion, les quelques dbris de mie de painqui subsistent aprs le passage des ouraganssoient transforms en poudre canon. Alorsrjouissons-nous, car c'est un signe infaillibleque les pissenlits vont bientt (chacun son tour)manger les cadavres par les pieds. Le rgne dela stupidit commence dater de ce jour et nousne lui voulons aucun mal. Qu'elleprcnncsculcment

  • TEXTES SURREALISTES

    soin de nos mres et de nos pouses. Il n'est debons sentiments qu' celui qui sait s'en passer.Quand au reste, dussent les piliers du ciel metirer les oreillers, je proclame qu'on en peut faired'excellent boudin. Ii n'y a somme toute qu'unemaigre diffrence entre la myopie et la grandeurd'me

    ANDR BRETON: MANIFESTEDU SURRALISME. POISSON SOLUBLE.

    {lira, d.)Aprs la Confession ddaigneuse, voici la Confession

    ddaigne, jete aux quatre vents comme le sommeilaux astres, voici de nouveau Andr Breton seul,abandonn sur la paille de ses rves.

    Ce livre a les apparences de vie et de diamant d'unemerveilleusecatastrophedans laquelle tous les oiseauxdu dlire chaulent juste, pendant que la lumireclate d'un rire d'enclume, d'un bon rire digne propos de tout. Secouez-vous, regardez, de grandspans de ciel s'croulent, les toiles ont chang decoiffure, le Soleil joue avec le l''roicl et triche :

    Plus de souffles, plus de. sang, plus d'me maisdes mains pour ptrir l'air, pour dorer une seule foisle. pain de l'air, pour l'aire claquer la grande gommedes drapeaux qui dorment, des mains solaires en lin,des mains geles !

    L'amour, mon inalre, est grand. Le voici, plusmilice encore, dans sa longue chemise d'extase, couchdans les marges de ce livre et. du temps. Les femmessont aux fentres ouvrant les rideaux roses de leurfore et de l'ternel printemps, toute l'existence sedcore de dsirs cl de visions, d'herbes el d'arbresel (le danseuses rondes qui tendent, leur poitrine douceet violente dans tous les sens:

    Puis elle mordit avec, dlice dans les tonnantes

    stratifications blanches qui restaient sa disposition,les baguettes de craie, et celles-ci crivirent, le mol.amour sur l'ardoise de sa bouche. Elle mangea ainsiun vritable petit chteau de craie, d'une architecturepalienle et. folle, aprs quoi elle jeta sur ses paulesun manteau de petit, gris el, s'lanl chausse de deuxpeaux de souris, elle descendit l'escalier de la libert,qui conduisait l'illusion de jamais vu. Les gardesla laissrent, passer, c'taient d'ailleurs des piaulesvertes que retenait, au bord de l'eau une fivreusepartie de caries. Je vais avec Andr Breton dans un monde toutneuf o il n'est question que de la Vie, je lis l'Oiseau-pluie, je lis Sale nuit, le Came Lon, le Rendez-vous,les Belles parallles et soudain un norme contente-ment de moi-mme me saisil, l'absurde volupt enfan-tine de l'orgueil : Andr Breton est mon ami.

    P. E.

    LE SUICID PAR PERSUASIONLa nuit du 3 au 4 septembre lut joyeusement fte parle courtier Henri Durand, M,le Hlne Delacroix et son

    amie Lucienne Bonuol. Vers Irois heures du matin, avenueJean Jaurs, le courtier,hant soudaind'ides noires, s'cria :

    Dieu ! que la vie est bte. Si on se suicidait tous lestrois ?...

    Il sortit son revolver et fit te geste de se loger une balledans la tte ; mais il laissa tomber l'arme en murmurant :

    Le courageme manque.

    Lche ! lui dit Hlne.Elle s'empara du revolver et fit Jeu sur le courtier quifut tu net.Ce tragique dnouementla dgrisa et elle se laissa arrter.M. Lacomblezl'a renvoye devant la Chambre des mises

    en accusation pour homicide volontaire. Elle sera dtenduepar M* Ernest Charles.(Figarn.)

    Louis Aragon :Dsormais les murmures ne prendront, plus

    l'escalier pour rejoindre travers le chvre-feuille des lamproies le fantme ornementalqui claque au sommet, de la tour dans le vent-noir et or des pirateries fminines. Une voya-geuse au bord de ce prcipice de mains serress'arrte et soupire. Dj la volupt qui dpeu-plait ses veines avait fait mine de disparatrecomme les flammes lgres sur les braserosdes cofs. Dj la volupt avait remis sonpetit chapeau de lopbophore et indiqu dudoigt la direction des cornets-surprises. Lavoyageuse hsitait s'engager dans la grandespirale d'aluminium ajour o deux par deuxles souvenirs s'enfonaient suivant une pers-pective cavalire qui permettait d'apercevoirla Place des Doges Venise et plusieurs palaisde couleur btis par des peuples supposs pourdes divinits plus fausses que le baiser dansl'oreille. Dans les couloirs se perdaient decharmants singes arms de rouleaux do ficelles.L'un d'eux expliquait par une pancarte l'infir-mit dont il tait terriblement afflig depuissa naissance. Paralys de la fidlit, on reculaitd'horreur son approche, et de grands soupirsbarbaresques, orns de vues de volcans et deftes nocturnes, s'exhalait du bois canneldes siges d apparat. Une girandole claired'ombre courait aprs la fuite des ides dansce superbe vestibule d'honneur o les marbresles plus purs taient faits de hanches dcou-vertes. On en suivait les dfauts avec uneattention soutenue que ni le chatohnent fraisdu ciel ni l'enivrementde l'alcool ne parvenaient transformer en capucines. Les facteurspassaient et. repassaient aveo de grands cri-teaux bleus o taient dpeintes les allesde l'absence et celies de la jalousie. Sur lessofas clairs par les coussins de tendresse,des mouettes s'envolaient continuellement.

    Nous sommes, dit le hron blanc qui rem-

    plaait le mur du fond dont c'tait ce jour-lle jour de sortie, nous sommes des plantesdestines rvler au monde le grand dsordrequi lui l'ait une odeur de salptre. Comprenezque tout se dissocie au toucher. Tout est poudreet- poudre n'est pas assez dire : tout est vapo-ration. Nous sommes les vaporisateurs de lapense. Nos jolies ttes de caoutchouc sertiesde petits filets rouges s'aplatissent et se gonflentsuivant les alternances des mares d'ides,et l'on peut suivre sur nos flancs le tire-bouchonde verre qu'y dessine un fabricant routinierqui nous doit sa fortune et- sa grandeur.

    Les navires ne sont personne.Francis Grard.

  • i8 TEXTES SURREALISTES

    Francis Grard : *Du sombre Aral o viennent les vents comme

    la menthe, sort une route creuse au flanc dela caverne et que les caravanes suivent enchantant. Derrire les mulets chargs de saisons,des filles au corsage de bire portent des mulesde sable o scintille l'amthyste du crime. Aunord de cette route dans l'herbe de septembre,les vers luisants dvorent des crabes en rideaunoir. Secouons le rideau et passons la tte parl'ouverture, les yeux surpris par l'obscurit nevoient d'abord rien que la barre d'appui destnbres puis dans un calme tang que la luneillumine de ses rayons de lynx un cadavreparsem d'toiles rougies au feu qui dessinentle plan du jardin du monastre.

    Dans ce jardin auquel on accdepar des marchescreuses dans le corps mme de l'os croissent desaccents de harpes violets en forme de saulepleureur, aux branches desquelles pendent,comme des citrons ou des archets, des pour-points fendus tout du long.

    Glissez ce pourpoint sur la coquille mtalliqued'une pe et appuyez sur la mince bordure qui.claire le fer, il s'entr'ouvre en dcouvrant unetrappe dans laquelle s'enfonce un escalier con-tourn en colimaon.

    Abandonnant sur la berge mes vtements, monlinge fan comme une cuisse d'hirondelle, je melaissais glisser dans cette ombre ne gardant pourtout potage qu'une croix cisele aux armes dela maison d'Ecosse : un peu plus loin prs d'unrverbre allum je trouvai une casquette enpeau d'abme laquelle tait colle une touffede cheveux ensanglants. Le sang caill memena aux buanderies dont l'odeur de uirtann me dcouvrit les narines, un cheval piaffaitprs d'un tonneau de saumure et divers criteauxindiquaientle chemindes poudrireso le dshon-neur couche avec la garnison.

    Je me faisais tout petit pour entendre le chantdes grillons. 11 m'appelait derrire une potencedont le chanvre battait comme un mtronome,plus loin encore des roseaux entouraientune mareo un lvrier blanc s'accouplait un albatros.Un marin qui chiquait contemplait ce spectacleet riait dans sa barbe ignorante du peigne. Cemarin ressemblait Eluard.

    Je continuais ma oute vers la mer des deuxpersuad que j'allais y rencontrer les amis dulivre ces fanandels au coeur de sphinx qui puisentdans l'ardeur le plaisir de dpasser l'aventure.Un mur haut de six toises m'arrta, je dus ycreuser un trou de taupe et l je quittais monregard qui continua seul sa route.

    Une femme aux vtements en lambeaux, lesjoues en feu et les seins dgrafs, avec je ne saisquel air d'ignorer l'ait d'tre victime, me prit la gorge et me supplia de lui indiquer la rizire

    o les pistils des morts remplacent la farine propre sacrer les rois. J'avais entendu parler de cemaniocqui s'clairecomme l'ombrelledes mduses.C'est une toison verte dont les soeurs ingales sepressent les seins pour que jaillisse la tulipemortelle dont le calquevaut le sang,dont l'treintedpasse en intensit l'Arabe auxmains calleuses.D'ailleurs je ne crois pas du tout l'histoire desventouses, collez-moi sous le sein ces herbestailles en forme de paniers percs, et laissezvenir, je m'en irai guilleret vers la colonie beigeo des tourtes malines tailladent l'meraude.

    Seul un rve pouvantable pouvait me fairesortir de cet tat dsagrable, pris de panique,o je me trouvai. Des larves au corps de feutraversrent les bosquets et puisrent mestalons leurs lvres sches et bourbeuses.Je n'aimepas l'amour des chiens de mer, ces btes ont lapeau dure comme une vitrine et le plaisir n'encoule pas rose mais soixante fois plus bte qu'unalpenstock perdu rue Cambon, devant le Minis-tre des Athltes trangres.

    J'envoyais rapidement au diable cet talagede rascasses et la terrible maladiedes phniciens,cette maladie grinante dont l'avnement secaractrise par la chute des glaces, la fonte desfontaines et l'abaissement du sens critique.On a vu une fois un riverain des neigeux conti-nents du Parnasse hiiter d'un canevas sans pou-

    \lax Ernsl.

    voir comprendie de quelle serrure c'tait le hris-son

    .Je me rvoltais ds l'abord contre cet abusqui consiste nommer les paillettes d'un nom quidsigne les baldaquins mais que faire contre unfabricant de cerceaux qui a pour lui les cerveauxdes vieillards et l'amour, cette hystrie.

  • Le rveur parmi les muraillesDu moment que je ne dors pas d'un sommeil

    sans rve, il m'est impossible d'oublier quej'existe, qu'un jour je n'ex.sterai plus. Mais,entre les deux montants ingaux de cette porteouverte sur le vide, je peux fuir, gagner l'autrect du mur, pour exploiter les champs illimitsdu rve qui est la forme particulire que monesprit donne la ralit.

    Ce que j'appelle rve d'ailleurs, ce n'est pascette inconscience totale ou partielle, cette sortede coma que l'on a coutume de dsigner par ceterme et o semblerait devoir se dissoudre, parmoments la pense.

    J'entends au contraire l'tat o la conscienceest porte son plus haut degr de perception.

    L'imagination, libre de tout contrle restrictif,l'extension sans limites convenues de la pense,la libration de l'tre au del de son corps

    ind-fendable

    la seule existence vraiment noblede l'homme, l'effusion la plus dsintressede sa sensibilit.

    Par la pense les hommes quelquefois s'accou-plent, par le rve l'homme trouve toujoursmoyen de s'isoler.

    Je ne pense pas que le rve soit strictementle contraire de la pense. Ce que j'en connaism'irdine croire qu'il n'en est, somme toute,qu'une forme plus libre, plus abandonne.Le rve et la pense sont chacun le ct diffrentd'une mme chose

    le revers et l'endroit, lerve constituant le ct o la trame est plusriche mais plus lche

    la pense celui o latrame est plus sobre mais plus serre.

    Quand l'imagination se refroidit, se resserre, sedlimite et se prcise, le ct du rve se retourneet laisse apparatre celui de la pense. Mais l'unet l'autre cependant ont leurs caractristiques ;on ne peut pas les confondre si on ne peut radi-calement les sparer.

    La pense a besoin pour progresser dansl'esprit de se prciseren mots, le rve se dveloppeen images. Il s'tale et ne demande aucun effortpour se dvelopper. La pense, sans l'aide desmots n'avance pas. Forcment discipline ellesuit un cours et exige, pour s'tendre une tension,une concentration de toutes les forces intellec-tuelles disponibles. Mais elle rend l'esprit lesforces qu'elle lui emprunte

    elle est son exercicesain

    le rve, au contraire, l'puis, il est sonexercice dangereux.

    Il faut avoir inne la puissance du rve, onduque, on renforce en soi celle de la pense.Mais s'il s'agit de posie o irons-nous cherchersa prcieuse et rare matire si ce n'est aux bordsvertigineux du prcipice ?

    Qu'est-ce qui nous intresse davantage, larussite d'un arrangement convenu, plus oumoins subtil et ingnieux, des mots ou les chos

    profonds, mystrieux, venus on ne sait d'oqui s'animent au fond du gouffre^

    Le rve du pote c'est l'immense filet' auxmailles innombrables qui drague sans espoirles eaux profondes la recherche d'un probl-matique trsor.

    Je ne sais pas si le surralisme doit tre consi-

    Pablo Picasso

    dr comme une simple dicte automatiquede la pense. Pour moi je perd conscience decette dicte ds qu'elle a lieu et, de plus, je nesais pas encore d'o elle vient.

    Ma pense ne me dicte pas puisqu'elle estelle-mme cette fonction de l'esprit qui a besoinpour prendre corps de se prciser en mots, des'organiser en phrases.

    Mais ce qui la caractrise encore c'est qu'elle

  • LE REVEUR PARMI LES MURAILLES

    exige un enchanement (logique) et qu'ellerclame toujours, pour se satisfaire, une conclu-sion. Si je la traite lamanire du rve, au lieude prosprer comme lui, elle s'embourbe ets'arrte, elle meurt.

    Si je pensais en crivant un pome comme jesuis oblig de penser (si faiblement que ce soit)en crivant un article, ce pome aurait au moinsune conclusion. Tl y aurait entre ses parties unenchanement soumis aux rgles ordinaires duraisonnement. On y sentirait, pour si obscurequ'elle soit, la volont de dire quelque chose quelqu'un. Ne serait-ce que cette ide : Jevous prouve que je suis froidement capable decomposer un pome. Je connais mieux quepersonne la beaut. J'admire beaucoup cegenre de matrise, mais je l'admire froid. Elle estloin d'tre mon fort. Et il m'arrive de mieuxapprcier les ides d'un homme capable de telsexercices que ces exercices mmes.

    Le pote est dans une position toujours diffi-cile et souvent prilleuse, l'intersection dedeux plans au tranchant cruellement acr,celui du rve et celui de la ralit. Prisonnierdans les apparences

    l'troit dans ce monde,d'ailleurs purement imaginaire, dont se contentele commun

    il en franchit l'obstacle pouratteindre l'absolu et le rel; l son esprit semeut avec aisance. C'est l qu'il faudra bienle suivre car ce qui est. ce n'est pas ce corps obscur,timide et mpris que vous heurtez distraitementsur le trottoir

    celui-l passera comme lereste

    mais ces pomes, en dehors de la formedu livre, ces cristaux dposs aprs l'effervescentcontact de l'esprit avec la ralit.

    Et la ralit profonde

    le rel

    c'est ceque l'esprit seul est capable de saisir, de dtacher,de modeler, tout ce qui dans tout, y comprisla matire, obit sa sollicitation, accepte sadomination, vite, esquive l'emprise trompeusedes sens. O les sens sont souverains la ralits'efface, s'vanouit. Le naturalisme est unexemple de cette soumission la ralit sensible.On passe sur le rsultat. Car il ne s'agit pasde faire vrai ; le vrai d'aujourd'hui est le fauxde demain. C'est pourquoi les potes n'ontjamais eu aucun souci du vrai, mais toujoursen somme du rel. Maintenant prenez garde,les mots sont tout le monde, vous tes donctenus dfaire des mots ce que personne n'en fait.

    Je ne suis pas, au surplus, la recherched'une forme quelconque. Je n'en connais pasqu'il me plairait de revtir.

    Si j'en connaissais une toute prte, je n'auraismme pas le courage de tenter le moindre effortpour l'atteindre.

    Je crois que le pote doit chercher partoutet en lui-mme, la vraie substance potique etc'est cette substance qui lui impose la seuleforme qui lui soit ncessaire.

    Mais, ce qui m'absorbe plus que tout autredtail du problme c'est cette identit de ladestine potique et de la destine humaine

    cette marche incertaine et prcaire sur levide

    aspir par en haut, attir par en bas,avec l'effroi peine contenu d'une chute sansnom et l'espoir encore mal chevill d'une finou d'un ternel commencementdans l'blouisse-ment sans tourbillon de la lumire.

    PIERRE REVERDY.

    LES DSESPRSArriv le matin mme de Saint-Sbastien, M. Pierre

    Rgnier, trente-neuf ans, tailleur d'habits, a tent de sesuicider, hier aprs-midi, dans une chambre d'htel, 26,boulevard de l'hpital. Le dsespr, qui s'tait taillad lagorge coups de rasoir, a t transport, dans un tatgrave, l'hpitalde la Piti.

    LES DSESPRSLe gardien de la paix Boussiquier, du dixime arron-dissement,a repch dans le canal SanI-Martin, en face du

    numro 110 du quai Jemninpcs, te cadavre de M"" EulaliePaquet, ge de trente ans, domestique vue de la Pompe,qui, la suite de chagrinsintimes,s'tait suicide.

    (Peiil Parhi-n.)

    LES DSESPRS

    Vers '1 heures du matin, une femme, grande, lance,paraissant avoir vingt-cinq ans. qui. depuis un instant,se promenait, rbrilcmenl. quai des Clestins, tenant unevalise a la main, descendit rapidement sur la berge, et, ylaissant le. eolis qu'elle portait, se jeLa l'eau.

    En vain se porta-l-on sou secours. On ne put la retrouver.Dans la valise, que peu aprs inventoria le commissairedu quartier, ou ne trouva que quelques etl'els (le lingeriemarqus de l'initiale VV.

    (Pclil Parisien.)

    SAINT-JOHN PERSE : ANABASE.(A'. R. F., d.)

    Ce qui est pur, l'inapplicable, le ciment pareil l'essence, la chanson, le point qui n'est ni dormirni penser, ni le silence, peine la parole, et par-dessusles vagues ocanes ni l'cume ni la mouette, ni l'eauet dj la lumire, un grand pays blond de coutumes,o les gestes se font comme des plis de robes, dansl'amour les formes du baiser seules alors dcouvertes,dans la chasse une attitude du tireur, l'ombre del'oiseau sur le sol, le plaisir enfui, oubli, un monde l'aurore, plus qu'un monde : un homme au bout dumonde, Saint-John Perse. Il n'a rien demand personne, et voici la bave des chiens (1). Quand laterre trembla, quand l'ombre suspendit son feuillagean-dessus des crmonies militaires, quand on vit,dira-l-on, le dfil des couleurs humaines sur unetombe absurde, quand le sentiment de la conscrationeut dpos sa palme et ses murmures sur le dnouementprvu d'ides vulgaires, dfendues par le plus grandnombre, alors accomplissant le voeu de ses fantmesun pote en ces temps pareils la semoulepour l'infiniedivision de la poussire fit entendre le son, un bateauqui prit en mer, du cristal. L. A.

    (1) Cf. Paris-Journal du 14 novembre 1924, Chronique dela Posie, par Roger Allard, auteur de plusieurs articlesimbcilessur ThophileGautier, Henry Bataille, GuillaumeApollinaire,Pierre Reverdy, Jacques Baron; etc.

  • SUICIDES

    DRAME DANS UN ESCALIER

    LEUR FRRE MORT, DEUX JEUNES RUSSESDCIDENT DE SE TUER

    L'un se brle la cervelle, niais des voisinsaccourus empchentle second d'en faire aidant

    M. Emile Serre, qui tient un htel 18, rue Brey, entendaithier, vers vingt et une heures, deux dtonations dans l'esca-lier. Aussitt, accompagn de voisins, il monta jusqu'aupremiertage o, sur le palier, un spectacle tragique s'offrit sa vue : tout ensanglant, gisait un jene homme lgam-ment vtu, portant la tte une affreuse et large blessure.Prs de ce corps tait tendu un autre jeune homme quel'htelier reconnut pour t^e un de ses locataires, AlexandreFont, Russe d'origine,g de vingt-neufans.

    Laissez-moi! Je veux me tuer! Je veux rejoindremes frres ! s cria lemalheureux qui, sesaisissant du revol-ver que le mort te-nait dans sa maincrispe, se tira uneballe qui, heureuse-ment, effleura seule-ment sa joue.

    On put difficile-ment dsarmer ledsespr.

    Le commissaire duquartier identifia lemort, qui n'taitautre que le jeunefrre d' AlexandieFont, Nicolas, g dedix-neuf ans.

    Il ne faut pasque je leur survive1s'cria, dans un tatd'cxii 1 ta lion ex-trme Alexandrequi,d'une voix entrecou-pe, exposa la gensedu drame navrant.

    Rcemment, lesdeux frres avaientt douloureusementaffects par la mortde leur troisimefrrc survenueNice, la suite d'une lon-gue maladie :

    Nous nous ai-mions trop. Noustions insparables ;et c'est pourquoi nousavions dcid, Nico-Ins et moi, d'en finiravec une existencedsormaisvide.

    AlexandreFoht eton frr e Nicolasstaient tous deuxattachs ft l'coled'lectricit Violet,115, avenue Emile-Zola, l'un comme em-ploy, l'autre en qua-lit d'tudiant.

    Nicolas avait prispension dans celte cole, tandis que son frre tait venu,il y a cinq mois, s'installer l'htel de la rue Brey, C'est.aux dires du survivant, d'un commun accord que le jeuneNicolas et lui avaient projet de se donner la mort.Aprs avoir dn dans un restaurant du quartier, ils rega-gnrent l'htel el Nicolas, sortant un revolver de sa poche,s'cria soudain :

    Je suis le plus jeune je me lue le premier. Tu prendrasmon revolver. Adieu !Et il se tira une balle dans la tempe.Alexandre Foht, qui n'est que trs lgrement bless la joue, est gard vue au commissariat,le magistrat crai-gnant qu'il n'attente de nouveau ses jours.(Petit Parisien.)

    UN JEUNE AMRICAINSE SUICIDE DANS UNE CHAMBRE D'HOTELUn jeune Amricain, M. William Shorr, vingt-trois ans,descendu dans un htel, 4, rue Crbillon, s'est suicid en selogeant une balle de revolver dans la tempe droite. Ledsespr a laiss trois lettres, l'une l'adresse de sa mre,

    Mme Shorr, 2(J, Schenk avenue, Brooklin, New-York ; laseconde pour M. Karl Bloodgood, l'agence Cook, et ladernire destine M. Frdric Crhillon, poste restante,rue du Louvre. (Petit Parisien.)

    VIVONS POUR LUTTERUne pauvre jeune fille de 20 ans, Simonne ViiliTak, vientde tenter de se suicider. Elle avait frquent les milieux

    anarchistes et spcialement les Jeunesses.Toute la presse va encore exploiter ce dplorable accident.Il faut, une bonne fois pour toutes, que nous exprimions

    i opinion des milieuxanarchistes srieux,qui sont scandalissque de telles moeurss'introduisent I cheznous. Les anarchistesveulent, pour tous,la vie libre, belle,heureuse. Ils luttentpour la vie et nonpour la mort. Ilscombattent pour lebonheuret non pourla douleur.

    Les milieux anar-chistes sont sains,vigoureux, coniba-lif.s Ils sont parti-sans le l'action etrprouvent le sili-cate. Ils n'ont riende commun aveccertains petits cna-cles o l'on cultivedes thories extra-vagantes.

    Le mou vementanarchiste, avant

    -garde du prolta-riat rvolutionnaire,ne voulant tre quela fraction la pluscombative du peupleallant la rvolte,s'est affirm, dansson dernier Congres,comme m a rchnn tvers des ralits vi-vantes.

    C'est surtout auxjeunes que nous nousadressons, eux quisont encore faiblespour rsister a lamorbidit.

    Tournez-vous versTact ion,tournezvousvers la vie. Que l'ex-istence toute de lut-tes du propagandistevous tente, car ellerecle des jouissancesqu'Ignorelecommun.

    VIVEZ ARDEMMENT!Jeunes amis, qui coutez trop la voix dcevante qui vous

    fait douter de la vie, et qui, nu lieu de vouloir vivre, cultivezdes penses moroses, coulez un pote :

    Je veux tre la voix Qui sduit et qui fonde,Je veux tre un envolcmenl.

    Du coeur humain.Et brler au soleil.

    La vigueur de ma main.Et jeter un rayon.

    Sur la plainte du monde.Allons, du courage, amis de vingt ans, ludiez, pronagez

    l'ide, travaillezhonntement,et le got de la vie natra dansvos coeurs comme une belle rose trmire ! (Libertaire.)

    Pierre Naville.

  • CHRONIQUESL'Invention.

    L'ombre de l'Inventeur8 Les pires inventions, celles qui portent avecelles tout 1 aspect d'un tracas banal ou de laplus touchante ingnuit, si je pense soudainqu'elles sont des inventions, que c'est inventionsqu'elles me retiennent, si passagrement, simal que cela soit, ne vont pas sans jeter un grandtrouble dans mon coeur, J'ai plusieurs foisprouv le sentiment panique l'Exposition duConcours I.pine, O chaque anne je reviensinexplicablement errer entre ces jouets idiots etces petits trucs ingnieux qui rendent des ser-vices discutables aux mnagres. H y a despasse-ths,'des bobches ressort, qui m'ef-fraient, .le vois l'homme qui y songea, je visitealors cet abme.fSS Une rvlation, ce coup de foudre intel-lectuel, ne se mesure pas la dure de l'amourqui en nat, ni ses ravages. La lampe de(labieou cette double tirette en bois sur laquellesont juchs deux bcherons qui frappent tourde rle un tronc d'arbre, le mme mcanisme uninstant prside leur gense. L'admirable setient, tient cette solution de continuit imagi-native, o il semble que l'esprit tire de soi-mme

    un principe qui n'y liat pas pos. La gnrali-sation d'une dcouverte, sa valeur comme ondit, si inespre qu'elle soit, reste toujours unpeu au-dessous de ce moment de la pense, etsans doute qu'elle en diminue plutt l'effet pourun juge qui s'arrte aux consquences : nul doutequ' la pomme de Newton Hegel et prfrce hachoir que j'ai vu l'autre jour chez un quin-cailler de la rue Mongc et qu'une rclameassure : le seul qui. s'ouvre, comme un livre.*** Ace carrefour des songerieso l'homme estmen fout ignorant des suites de sa longue pro-menade, une belle indilfrence dore de refletsl'univers. Qu'au premier plan de nos mmoiressurgissent ces inventionsutiles, qui sont d'abord,et toujours seules glorifies, ne voyez-vous pas leur ombre la projection de leur vritablenature ? Au moment qu'elles se forment, cesmachines de la vie pratique ont encore ledcoiff du rve, ce regard fou, inadapt aumonde qui les apparente alors une simpleimago potique, au mirage glissant dont ellessortent peine, bien mal dsenivres. Alorsseulement l'ingnieur chappe son gnie,reprend cette hallucination, et pour ainsi direla dcalque, la traduit, la met a la porte desmains des incrdules. L'usage son tour inter-vient. Mais ce stade inexplicable, ce point

  • CHRONIQUES 23mystrieux o l'invention pure n'est appele nipar l'emploi que lm rserve l'avenir, ni par unencessit mditative, mais o l'invention appa-rat, s'aperoit, se lve, elle est un rapport nou-veau, et rien d'autre, un dlire qui tourne unpeu plus tard la ralit. Enigme analogue l'aurore. Que ne m'expliquerait-onpas au moyendu hasard, ce n'est que reculer la difficult, leshasards de l'imagination, vous voyez bien pour-tant que je les imagine. Une autre solutionne vaut pas mieux : celle de l'application parti-culire d'une loi gnrale. L'accord de l'inven-tion et de la loi se fait par la suite quand l'espritse reprend, et se lgitime. Croyez-vous qu'ilconnut le phnomne de persistance des impres-sions rtiniennes le petit artisan qui fit le pre-mier tourner autour d'un axe orn d'un poissonrouge le demi cercle mtallique dont la rotationfigure s'y mprendre un bocal d'eau luisanteet vraie ? Et pensait-il sa fortune ? Pour moije suppose qu'il tait possd d'une ide dumouvement et de l'eau, d'une mtaphore agis-sante, o se mariaient les transparences etl'clat.ft' Rien n'est moins voisin qu'abstraire, d'in-venter. Il n'y a d'invention que du particulier.Ces propositions tout m'en persuade. Tout cequi peut retenir d'y donner son assentimentest cette fcheuse ide commune que l'on sefait de l'abstrait, du concret, et des modesdivers de la connaissance. 11 faut dire que quel-ques esprits, les meilleurs, ont largement con-tribu cet tat de confusion. Contrairement ce que je pense, l'opinionparadoxale a prvaluque la connaissancevulgaire est toute concrte,et qu'abstraire devient ainsi un progrs sur elle.Or si j'examine les ides que je me forme dechaque chose quand je me laisse aller, je retrouvetoujours un mot, La connaissance scientifique,on a bien tort aussi de l'opposer la connais-sance vulgaire, elle est aussi abstraite qu'elle,et n'en diffie que parce qu'elle s'est dbar-rasse de quelques opinions sans fondementqui surchargeaient la premire abstraction sontat naissant. La connaissance philosophique,celle qui mriterait ce nom, envisage tout rencontre, les objets, les ides, non pas commede vides abstractions, ou des opinions vagues,mais avec leur contenu absolu, dans leur accep-tion particulire, leur extension minime, c'est--dire dans leur forme concrte. On voit qu'ellen'est pas diffrente de l'image qui est le modedel connaissancepotique, qu'elle est la con-naissance potique. A ce point, philosophie etposie, c'est tout un. Le concret est le derniermoment de la pense, et l'tat de la penseconcrte est la posie. On comprend aismentce que j'entends par cette formule qu'il n'y ad'invention que du particulier : le concret estla matire mme de l'invention, et le mca

    nisme de l'invention se rduit celui de laconnaissance potique, c'est l'inspiration.A La connaissance vulgaire s'tablit suivantun rapport constant, s'accompagne d'un juge-ment qui porte sur l'existence de ces abstrac-tions qu'elle manie

    : ce jugement, c'est laralit. L'ide du rel est trangre toutevritable philosophie. C'est folie que de vouloirattribuer ce qui est le propre de l'abstraction la notion concrte quoi tend l'apercevoiridal de l'esprit. Comme elle nie le rel, laconnaissancephilosophiquetablit tout d'abordentre ses matriaux un nouveau rapport,l'irrel

    : et tout d'abord l'invention, par exemple,se meut dans l'irrel. Puis elle nie son tourl'irrel, s'en vade, et cette double ngation,loin d'aboutir l'affirmationdu rel, le repousse,le confond avec l'irrel, et dpasse ces deuxides en s'emparant d'un moyen terme o ilssont la fois nis et aflirms, qui les concilieet les contient : le surrel, qui est l'une desdterminations de la posie. L'invention, pourme rsumer, se rsume l'tablissementd'un rap-port surrel entre des lments concrets et sonmcanisme est l'inspiration.toi, On sait peut-tre qu'une certaine recherche,une certaine faon de faire prdominer lesurrel a pris dans le langage courant le nomde surralisme. On apprendra avec un peu derflexion distinguer quelles inventions sontproprement surralistes. La nature surrelledu rapport tabli y demeure, malgr les dfor-mations de l'usage, en quelque manire appa-rente. Ce sont des inventions qui gardentla trace des divers moments, des diversesdmarches de l'esprit : la considration durel, sa ngation, sa conciliationet le mdiateurabsolu qui les

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    englobe. Inventions philoso-phiques qui sont toujours un peu plaisantesdu vulgaire, que les contradictions dconcertent,et qui a invent le rire pour se tirer d'affaireen Jeur prsence. C'est lu l'humour, qui faitsonner faussement les petites cloches du btailhumain. L'humour est une dtermination dela posie, en tant quelle tablit un rapportsurrel dans son complet dveloppement. C'estsans doute ce caractre qui rend une inventionsurraliste. Il en suit que ce qui saisit dansune telle invention ce n'est en aucune, manirel'utilit, bien plus c'est que cette utilit trslointaine ne suffit plus l'expliquer, la com-plique plutt, et le plus souvent disparat.Qu'elle se rduise un jeu, voil comme onimaginera en rsoudre l'insolite. Cela n'estpas soutenable : l'activit de jeu ne sauiaitsatisfaire l'esprit qui l'invoque. Pour peuqu'il considre la gesticulation de ce jeu, ilne peut plus se dtacher de son mystie, ilest pris par l'trange comme par un marais,il ne croit plus au jeu qu'il invoquait dj.

  • 24 CHRONIQUESLe type mme de cette invention avec ses

    temps dcomposables, la dsaffection des l-ments, et leur affectation une fin informu-lable, pour le bnfice de cet humour qui nedonne qu'aux niais ces contractions de laface par lesquelles s'exprime pariois. la gat,je le trouve dans toute une srie de manoeuvresqui mettent en question la signification depetits objets familiers, qui ne nourrissaientgure Je scepticisme. Tels sont, ces tours desocit., dont la matire est un mouchoir, uneallumette, une ficelle, des clefs... qui ne fontni pleurer ni ri.'e, qui occupent peine lesyeux, un peu les mains, et semblent dansl'abord indiffrents l'esprit. .le dfie quiconques'en croit le pouvoir d'analyser l'intrt quiles dtermine. Ce sont des imaginations pures,qui chappent alors au raisonnement. Ainsil'allumette appuye sur le frottoir est envoyed'une pichenettecomme une comte en chambre,ainsi trois allumettes places en portique surleur bote, on allume la transversc en sonmilieu et elle s'envole, etc. Inventions pures,sans application possible, o mme aucuneillusion n'est cherche, en elles rside, dans sontat immdiat, l'humour surraliste, sans miseen scne. Ce no sont pas dos jeux, mais desactes philosophiques de premire grandeur.(En premier lieu la