La Révolution surréaliste - N°6, Segundo año

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  La Révolution surréaliste  Source gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France

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La Révolution surréaliste - N°6, Segundo año

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  • La Rvolutionsurraliste

    Source gallica.bnf.fr / Bibliothque nationale de France

  • La Rvolution surraliste. 1924-1929.

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  • N 6

    Deuxime anne 1er Mars 1926

  • LA REVOLUTION SURRALISTEDirecteur :

    Andr BRETON42, Rue Fontaine, PARIS (IXe) Tl. Trudaine 38-18

  • Q/CJA.lSriD L'ATHISME VOUDRA IDES MARTYRS,QU'IL LES IDESIGrlSTE, ET MON SAISTO-BST TOUT FRET

    LA DAME DE CARREAU

    L'APRS-MIDI D'ARIANE Chilien.

    Tout jeune, j'ai ouvert mes bras lapuret. Ce ne fut qu'un battement d'ailesau ciel de mon ternit, qu'un battementde coeur, de ce coeur amoureux qui batdans les poitrines conquises. Je ne pou-vais plus tomber.

    Aimant l'amour. En vrit, la lumirem'blouit. J'en garde assez en moi pourregarder la nuit, toute la nuit, toutesles nuits.

    Toutes les vierges sont diffrentes.Je rve toujours d'une vierge.

    A l'cole, elle est au banc devant moi,en tablier noir. Quand elle se retournepour me demander la solution d'unproblme, 1 innocence de ses yeux meconfond un tel point que, prenant montrouble en piti, elle passe ses bras autourde mon cou.

    Ailleurs, elle me quitte. Elle montesur un bateau. Nous sommes presquetrangers 1 un 1 autre, mais sa jeunesseest si grande que son baiser ne rne sur-prend point.

    Ou bien, quand elle est malade, c'estsa main que je garde dans les miennes,jusqu' en mourir, jusqu' m'veiller.

    Je cours d'autantplus vite ses rendez-vous que j'ai peur de n'avoir pas letemps d'arriver avant que d'autres pen-ses me drobent moi-mme.

    Une fois, le monde allait finir et nousignorions tout de notre amour. Elle acherch mes lvres avec des mouvementsde tte lents et caressants. ,| ai bien cru,cette nuit-l, que je la ramnerais au jour.Et c est toujours le mme aveu, la mme jeunesse, les mmes yeux purs,

    le mme geste ingnu de ses bras autour de mon cou, la mme caresse, la mmervlation.

    Mais ce n'est jamais la mme femme.Les cartes ont dit que je la rencontrerai dans la vie, mais sans la reconnatre.Aimant l'amour.

    Paul ELUARD.

  • La plupartdes fatrasies,pomes incoh-rents, composs au xin sicle, sont ano-nymes. Seul Philippe de Beaumanoir,clbre pote et jurisconsulte est connucomme l'auteur de deux d'entre elles.De nombreux potes la mme poque

    1. ANONYME.

    Je sais le roman d'Hlnede bout en bout.J'ai une douleur la ttequi m'a tu aujourd'hui.

    Tel croit veiller qui dortau, Paradis

    Si tu pouvais tre Paris,plut Dieu !

    Camarade, je te perds un jeu ?pensons lui

    Il n'y a pas mis assez de sel ?qui a fait a ;

    O en est votre procs ;Dites un peu voir.

    Je sais bien que pour mieux valoir,on doit aimer.

    C'est Marseille sur merqu'il sommeille.

    Conseille-moi dans l'oreille :Sont-ils bien peints '!

    Je n'ai jamais entendu parler de robe brodequ'on m'aurait donne.

    J'aime autant trfle qu'asou brignole.

    Camarade j'ai t l'coletoute mon enfance.

    (Jubinal, NOUVEAU RECUEIL,Paris, 1842,2 vol., in-8, t. I, p. 177.)

    Le son d'un cornetmangeait au vinaigrele coeur d'un tonnerrequand un bquet mortprit au trbuchetle cours d'une toile

    En l'air il y eut un grain de seiglequand Vaboiement d'un brochet

    ont du crire des fatrasies sans qu'ellesaient t conserves : celles dont suiventici quelques extraits ont chapp aumpris des gnrations commeellesavaientchapp la cervelle de ceux qu'un clat-de rire aveugla un jour.

    et le tronon d'une toileont trouv foutu un pet,ils lui ont coup l'oreille.

    (NOUVEAU RECUEIL, t. II, p. 214.)

    Un ours emplumfit semer un blde Douvres Oissent,quand sur un lphant rougevint un limaon armqui leur criait :

    Fils de putains, arrivez !Je versifie en dormant.

    (NOUVEAU RECUEIL, t. II, p. 228.',

    2. PHIIIP?E DE BEAUMANOIR.Par ncessit, il me faut bouger

    dans la journe.Madame Aubre o est alle

    Marion ?Trois quarterons de beaux boutons

    je vous vendraiSimple et tranquille m'yguerroiebeaucoup

    votre amour.Les arcs d'aube sont les meilleurs,je le crois ainsi.Par la. foi que je vous dois, soixante trois

    sont ceux de l-bas.Celui-ci s'en retourna, car il n'osa

    plus rester.Je veux aller Saint-Omer

    de bon matin...Apportezde bonne heure des aulx pluch*

    dans ce mortier.Allez plaider sans tarder,

    il en est temps.

  • FATRASIES

    Les moines-d'Oscans sont de braves gens ;C'est ainsi que je pense.

    Vois comme il fuit ! Allons tousCourant aprs.

    La par devant s'en va fniantun grand lapin..

    L.e Yolin boit tant de vinqu'il se noie

    Pour rien que je voie je ne dirai plusde ces phrases oiseuses

    OEUVRES POTIQUES DE PHILIPPEDE RMI,SIRE DE BEAUMANOIR, Paris, 1885, 2 vol.

    in-8, t. II, pp. 275-284.)

    Je vis toute la mers'assembler sur terrepour faire un tournoiet des pois pilersur un chat monterfirent notre roi.

    L dessus vint je ne sais quoiqui prit Cdais et Saint-Omeret les mit la broche,les faisant reculersur le mont Saint-Eloi.

    Un grand hareng-sauravait assig Gisorsde part et d'autreet detix hommes mortsvinrent avec de grands effortsportant une porte.

    Sans une vieille bossuequi alla criant : // / hors. le cri d'une caille morte

    les aurait pris avec de grands effortssous ton- chapeau de feutre.

    Le gras d'un pouletmangea au. brouetPont et Verberie.Le bec d'un petit coqemportait sans procstoute la Normandie

    et une pomme pourriequi a frapp d'un mailletParis Rome et la Syrieen a fait une gibelotte :personne n'en mange sans rire,

    (Beaumanoir, t. II, p30 -307.)

    LE CAS LAUTRAMONTd'aprs le " DISQUE VERT "

    A propos de Tout comme propos de Rien,les poussireux poux de la Btise se donnentrendez-vous. Dsignons-les une l'ois de plus.

    M. JEAN HYTIER, le Faux-Bronze, se livre ses habituelles neries sur le style et Racineet dclare simplement que ce qu'on peut direde plus favorable Lautramont, c'est que letravail est toujours rcompens.

    M. JEAN CASSOU, le Chien-Savant, demandeun sucre : Il appartient, plus qu' la littra-ture, la mtalillrature.

    M. JOSEPH DELTEIL, la Cliair--canon, quiest oeuf comme l'oeuf est de porcelaine,ne peutque rpter : Il est comte comme l'aigle estaigle.

    M. MARCEL ARLAND, le Tout--rit.ot,demande sa statue : El puis, voyons, si, vousconsacrez des numros spciaux aux crivainsinconnus, qu'dtendiz-vous pour le faire moi?'

    M. ALBERT THIBAUDET, la Conservation-de-la-Carie, commence par dire qu'il dclinetoute responsabilit dans sa rputation, maisla prenant comme un fait, je la trouve lgitimeen partie , puis s'embrouille dans une histoireimbcile d'le dserte, de rcoltes, d'ananas etde nudits.

    M. MAURICE MAETERLINCK, l'Oistau-D-plum, avoue sans ambages sa dchance.

    Aujourd'hui, je n'ai pas le texte sous les yeuxmais je crois bien que, tout cela me paratraitillisible.

    M. PAUL VAI.KRY, le Prdestin-Ridicule,en arrive tout de mme parler comme sespairs:

    1/y a un temps infini (sic)... j'avais

    dix-neuf ans. lit puis, sans rougir, car nous parviendrons

    bien l'abattre comme une bte puante ,prononons le nom de ,TEAN COCTEAU. La pru-dence n'a jamais empch personne

    .

    d'treimmonde.

    Noushabitons les Galeries Lafayeile,

    Ducassc Rimbaud, etc.. La maison Isidore-Arthur et Cie, Max, Radiguet d moi avonsseulsflair la chose. C'est la base de notre msententeavec la jeunesse. Flair la chose , charogne-c'tait plutt aux Bains de vapeur qu'auxGaleries Lafayette.

    Dnonons encore Andr Desson, AndrHarlaire, Paul Donne, Ramcn Gomez de laSerna, O.-.T. P-rier, Andr Malraux et que lel'eu, se retournant, nous brle ternellementsi nous ne pouvons dtruire la honte qu'ilsnous infligent. P. 15.

  • TEXTES SURRALISTESi

    Le Jugement dernier avait t suivi d'unpremier classement

    Puis d'un second auquel prenaient pari, lesvents et les mares

    Les vaux et les montsEt ceux qui avaient vcu par monts et parvauxContre vents et mares

    Formaient en avant de la troupe un arbre demi dracin

    Qui prenait le ciel comme un bateau quisombre

    11 tait environ -quatre heures de l'aprs-midi

    L'appareil du temps continuait fonctionnertant bien que mal

    Il inquitait fort les plongeusesCes femmes mortes d'amourQui hantent la piscine du cielElles portent les maillots de l'ombre de

    l'herbe de l'astre et du jour d'tQuatre heures il n'tait encore que quatreheures

    Et j'tais condamn depuis longtempsJ'tais condamn gravir un escalier dtruitComment m'y prendreLe bord du ciel tait gard par des chats-huantsSur la premire marche un mendiant tait

    assis ct d'un paonLa livre avait tabli ses ventails mcaniques

    au-dessus de tout ce que je pensaisIl ne m'arrivail que des bribes du discours

    de distributionTraitant victorieusement, de l'OubliOubli j'arrive peineOubli rappelez-moi au souvenir de l'OubliDes enfants tranaient des ballons et des

    plumesIls taient reus par un grand explorateur

    entour de chiens blancsPar ici criait-on c'est derrire le champ de rizC'esl sur l'esplanade des toilesJ'assistais aussi une bagarre et le thtre

    de cette bagarre tait une roseraieMais les fleurs taient, immensesComme l'offenseLe carrier surtout m'intriguaitSes lunettes tincelanfes o l'avais je dj vuComme les pierres filaient l'approche de sa

    mainComme les heures avaient passLes corniches livraient passage des clatsdgivreMais d'un givre qui durerait au soleilLes premiers s'en taient alls et les derniers

    taient ailsLa musique grandissaitSur les barricades et dans les haiesOiseaux-mouchesoiseaux- (leursLes vierges seules taient nues

    Leur chair brillait comme devrait briller lediamant

    Leur repentir taisait peine voir encoreDans leurs cheveux un croissant ple et leur

    coeur transparent tait un croissant aussiLes juges dont le manteau tait l'ait de toutes

    les herminesNe. parvenaient pas dtourner les yeuxdu Buste trangequi changeait toujoursCe Buste avait t tout le monde et moi-mme11 tait maintenant un croisement de branchesdans une fortSur l'une il y avait un nidMais dans le nid hlas il n'tait jamais

    que quatre heuresJ'ai dj dit que j'tais condamnMais quoi il l'ut dix heures du matinIl fut nouveau temps de ramasser les guidesLes chevaux avaient faimOn vit passer une voiture sans frein pour les

    desceiitesOn vil des oiseaux s'chapper par la portirelit l'on dit qu'une femme tait endormie sur le

    marche-piedJe suis celui qui ne sait qui vit ni qui meurtCelui qui brle de ne pas savoirCelui qui sait trop bien qu'il brle et qu'il

    saitAbmes rassemblement des lueurs que je

    n'ai pas

    MASQUE Nouveau-Mccklembourg.

  • TEXTES SURREALISTES

    Enormes perlesAbmes sans dtail qui seuls m'attirezJe croise les mainsoui on me passe les menottesquand je pense vousEt pourtant je suis libre de me perdre en vousD'entretenir avec ce qui monte de vrais le

    moins fructueux des commercesLe Jugement est un pont, jet mais il n'est

    pas si beau que mon vertigeCette thorie de jeunes filles aux gorges bleuesLaissez-moi passerLaissez-moi. passer

    II

    Art des jours art des nuitsLa balance des blessures qui s'appelle Par-

    donneBalance rouge et sensible au poids d'un vold'oiseauQuand les cuyres au col de neige les mains

    viciesPoussent leurs chars de vapeur sur les prsCette balance sans cesse affole je la voisJe vois l'ibis aux belles maniresQui revient de l'tang lac dans mon coeurLes roues du rve charment les splendides

    orniresQui se lvent trs haut sur les coquilles deleurs robesEt l'ttonnement bondit de ci de l sur la merPartez ma chre aurore n'oubliez rien de ma

    viePrenez ces roses qui grimpent au puits des

    miroirsPrenez les battements de tous les cilsPrenez jusqu'aux fils qui soutiennent les pas

    des danseurs de corde et des gouttesd'eau

    Art des jours art des nuitsJe suis la fentre trs loin dans une citpleine d'pouvante

    Dehors des hommes chapeau claque sesuivent intervalle rgulier

    Pareils aux pluies que j'aimaisAlors qu'il faisait si beau

    A la rage de Dieu est le nom d'un cabareto je suis entr hier

    Il est crit sur la devanture blanche en lettresplus ples

    Mais les femmes-marins qui glissent derrireles vitres

    Sont trop heureuses pour tre peureusesIci jamais de corps toujours l'assassinat sanspreuvesJamais de ciel toujours le silence

    Jamais la libert que pour la libert

    IIIDites-moi o s'arrtera la flammeExiste-t-il un signalement des flammesCelle-ci corne peine le papier

    Elle se cache dans les fleurs et rien ne l'ali-menteMais on voit dans les yeux et l'on ne saitpas non plus ce qu'on voit dans les yeuxPuisqu'ilsvous voientUne statue est agenouillesur la mer mais

    Ce n'est plus la merLes phares se dressent maintenant dans la

    villeIls barrent la route aux blocs merveilleuxde glace et de chairQui prcipitaient dans l'arne leurs innom-

    brables charsLa poussire endort les femmes en habitsde reinesEt la flamme court toujoursC'est une fraise de dentelle au cou. d'un jeune

    seigneurC'est l'imperceptible sonnerie d'une cloche de

    paille dans la maison d'un pote ou dequelque autre vaurienC'est l'hmisphre boral tout entierAvec ses lampes suspendues ses pendulesqui se posentC'est ce qui monte du prcipice l'heuredu rendez-vousLes coeurs sont, les rames lgres de. cet oct'anperduLorsque les signaux tournent au bord des

    voies avec un bruit sec.Qui ressemble ce craquement spcial sousles pas des prtres

    11 n'y a plus d'actrice en tourne dans leswagons blancs et orQui la tte la portire justement des pensesd'eau trs grandes couvrent les mares

    Ne s'attende ce que la flamme lui confrel'oubli dfinitifDe son rleLes tiquettes effaces des bouteilles vertes

    parlent encore de chteauxMais ces chteaux sont dserts l'exceptiond'une chevelure vivanteChteau-AusoneEt -cette chevelure qui ne s'attarde point

    se dfaireFlotte sur l'air mduse C'est la flammeElle tourne maintenant autour d'une croixMfiez-vous elle profanerait votre tembeSous terre la mduse est encore chez elleEt la flamme aux ailes de colombe n'escorte

    que les voyageurs en dangerElle fausse compagnie aux amants ds qu'ilssont deux tre seuls

    O va-t-elle je vois se briser les glaces deVenise aux approches de VeniseJe vois s'ouvrir des fentres dtaches de touteespce de mur sur un chantier

    L des ouvriers nus font le bronze plus clairCe sont des tyrans trop doux pour que contre

    eux se soulvent les pierresIls ont des bracelets aux pieds qui sont faitsde ces pierres

    Les parfums gravitent autour d'eux toile dela myrrhe, terre du foin

    Ils connaissent les pays pluvieux dvoilspar les perles

  • TEXTES SURRALISTES

    Un collier de perles fait un moment paratregrise la flamme

    Mais aussitt une couronne de flammes s'incor-pore les perles immortelles

    A la naissance d'un bois qui doit sauver de ladestruction les seules essences des plantesPrennent part un homme et tout en IUUKd'une rampe d'escalier de fougrePlusieurs femmes groupes sur les dernires

    marchesElles ouvrent et ferment les yeux comme lespoupesL'homme que je ne suis plus cravache alors

    la dernire bte blancheQui s'vanouit dans la brume du matinSa volont sera-t-elle faiteDans le premier berceau de feuillage la flamme

    tombe comme un hochetSous ses yeux on j.etfe le filet des racinesUn couvert d'argent sur une toile d'araigneMais la flamme elle ne saurait reprendre

    haleineMalheur une flamme qui reprendrait haleineJe pense une flamme barbareComme celle qui passant dans ce. restaurant

    de nuit brle aux doigts des femmes lesventailsComme celle qui marche toute heure sur

    ma tracelit luit la tombe des feuilles dans chaquefeuille qui lombe

    Flamme d'eau guide-moi jusqu' la mer del'eu

    IV

    Je n'attache aucune iniporlaifec la vieJe n'pingle pas le moindre papillon de vie

    l'importanceJe n'importe pas ;i la vieMais les rameaux du sel les rameaux blancs'l'oues les bulles d'ombrelit les anmones de merDescendent cl respirent l'intrieur de ma

    penseIls viennent des pleurs que je ne verse pasDes pas que je ne fais pas qui sonl deux

    fois des pasKl donl le sable se souvient la mare mou-lanteLes barreaux sonl l'intrieur de la cageKl les oiseaux viennent de trs haut chanter

    (levani ces barreauxIn passage souterrain unit Ions les parfumsUn jour une femme s'y engageaCelle femme devint si brillante que je ne

    pus la voirDe ces yeux qui m'ont vu moi-mme brlerJ'avais dj ici ge que j'aiKl je veillais sur moi sur ma.pense comme

    un gardien de nuit dans une immense FabriqueSeul gardien

    i856.

    Le rond-point enchantait toujours les mmestramways

    Les figures de pltre n'avaient rien perdu deleur expression

    Pilles mordaient la figue du sourireJe connais une draperie dans une ville dis-

    parueS'il me plaisait de vous apparatre vtu de

    celle draperieVous croiriez l'approche de voire finComme la mienneEnfin les fontaines comprendraient qu'il ne

    faut pas dire FontaineOn attire les loups avec les miroirs de neigeJe possde une barque dtache de tous les

    climatsJe suis entran par une banquise aux dents

    de flammeJe coupe cl je fends le bois de cet arbre qui

    sera Ion jours vertUn musicien se prend dans les cordes de son

    instrumentLe Pavillon Noir C\u temps d'aucune histoire

    d'en lanceAborde un vaisseau qui n'es! encore que le

    fantme du sienIl y a peut-tre une garde celle peMais dans cette garde il y a dj un duelAu (ours duquel les deux adversaires se

    dsarmentLe mort esl le moins olensL'avenir n'est jamais

    Les rideaux qui n'onl jamais t levsFlottent aux fentres des maisons qu'on

    consl ruiraLes lils faits de lous les lysGlissenl sons les lampes de rosel In soir viendraLes ppites de lumire s'immobilisent sous

    la mousse bleue

  • TEXTES SURREALISTES

    Les mains qui font et dfont les noeuds del'amour et de l'air

    Gardent toute leur transparence pour ceuxqui voient

    Ils voient les palmes sur les mainsLes couronnes dans les yeuxMais l brasier des couronnes et des palmesS'allume ne l'ait peine que s'allumer au

    plus profond de la fortL o les cerfs mirent en penchant la tte

    les annesOn n'entend encore qu'un faible battementD'o procdent mille bruits plus lgers ou

    plus sourdsEt ce battement se perptueIl y a des robes qui vibrentlit leur vibration est l'unisson de ce batte-

    ment

    Mais quand je veux voir le visage de cellesqui les portent

    Un grand brouillard se lve de terreAu bas des clochers derrire les plus lgants

    rservoirs de vie et de richesseDans les gorges qui s'obscurcissent entre

    deux montagnesSur la mer l'heure o le soleil frachitLes tres qui me l'ont signe sont spars par

    des toileslit pourtant la voilure lance au grand galopEmporte jusqu' ma dernire hsitationQui ,m'attend l-bas dans la ville o les

    statues de bronze et de pierre ont chang deplace avec les statues de cire

    Banians baniansAndr BRETON.

    REVUE DE LA PRESSE

    Le sort des pays latins se rgle comme on pouvaitle prvoir. L'ordre, c'est la clart illusoire du soleil,l'ordre, c'est l'vidence et, prises au pige, la sottiseet la liassesse se montrent sans pudeur. Marinctti, chefdu futurisme, proclame sans rire, sur l'air (les lam-pions :

    L'Italie est divine. Les Romains antiques ayant

    vaincu toux le* peuples du monde, l'Italien d'aujourd'huicsl invincible. Le Brenner n'est /ias te point d'arrive,mais un point de dport. Le dernier les Italiens vaut aumoins mille trangers. Les produits italiens sonl lesmeilleurs du monde. L'Halte a tous les droits puisqu'ellegarde le monopole (disotu du gnie crateur. Chaquetranger doit entrer en Italie religieusement. l'ngurelli ddie ses pomes lieiiito Mussolini, avec,reconnaissance.Chut I fermons la basse-cour. Mais laFrance est la porte. Le Journal, toujours au servicedu plus offrant, aprs nous avoir monIre les horreurs dubolchevismc, que M. Braud (1) a vu par le plus petitbout de sa personne, nous vante le placement de toutrepos que serait un rgime fasciste pour le bourgeoisfranais.

    /.

  • LA MER MORTE

    LA FUITELa fuite, deux, qui s'en vont comme

  • LA FUITE

    matin qui est simple et c'est, le soir qui boitcomme un animal gris.

    Froces, ils sont froces ceux qui jettentle matin dans la note du sommeil et pluscruels sont ceux qui dtachent le soir de lanuit.

    Un homme, est alourdi de tout son dsir.11 voudrait ramper, ramper encore et seglisser jusqu'aux pieds pour serrer le couet la tte, pour presser des seins, pour aimerdes oreiiles, une oreille. Il est vrai qu'il y aencore cet oeillet rouge et le matin et le soir.

    Edgar va souffrir.Edgar sait souffrir. Il n'a pas peur. Il

    aime cette souffrance qui va le jeter dansles bras de cette femme et l'craser contrecette poitrine. Il attend cette douleur quilui fera carter ces jambes et tomber d'unseul coup dans ce vertige.

    Il sait souffrir pour ce vertige qui le force,qui le cerne de toutes parts. Il attend et ill'appelle. II se dnonce et se fait le prisonnier.

    Trop de minutes encore, trop de secondes.Un grand geste et cette bouche contre sabouche, ses mains sur ces hanches, son sexedans ce sexe. Se haltement, cet appel de sespoumons, ses cuisses contre ces genoux, tropde temps, Une fois, une seule fois peut-tre,mais tout de suite.

    Le grand espace qui est plus loin, il s'enfout. Une fois maintenant, cette bouche contresa bouche, sa tte contre cette paule.

    .1! n'y a que les yeux.

    Elle sourit. Ses dents sont petites et ellessavent mordre, mordre, merdre.

    Elle regarde le grand ngre comme si ellele connaissait et elle tord la tige de cet oeilletqui ressemble son sourire. Dj ses pau-pires ont l'air de prier. Et ses doigts avancentau devant de. cette prire. La main s'estpose comme un chat sur sa tempe.

    Edgar s'asseoit prs d'elle. I baisse la tte.

    Ah, mon petit, mon petit. ;Edgar a envie de rire. Elle a ferm les

    yeux. Il souhaite qu'elle, ne les ouvre plusjamais. Comme t..La vie roule dans les tnbres. C'est unbruit lent et mou. Ainsi le sang va et va, on

    croirait qu'il s'enfuit, qu'il coule. Des doigtssanglants qui font. mal.

    Elle ferme les yeux toujours. Edgar lavoit

    : elle est l, un peu courbe.Un bruit lenl. et un homme qui mollit et

    qui voudrait s'aplatir, tomber encore. Lavoil qui se penche et qui baisse la tte, lesyeux et les bras. 11 regarde.

    Ulle a ouvert les yeux.Elle dit : Je m'appelle Dolly. Elle tourne la tte. Il y a prs d'elle uncorps que l'attente a durci et refroidi.

    Je m'appelle Dolly.

    C'est la nuit qui commence et pas lents,elle va vers cette porte.

    Lui jette de l'argent et. il la suit comme a.C'est bien la nuit : elle est nue.

    Ce grand corps noir presque bleu qui sejette la rue ne peut, plus se souvenir.C'est dj le matin, c'esl dj le' soleil quiclate et qui va tomber lentement.

    Edgar est l de nouveau. Il est seul. Lebar chante.Ce n'est pas sa mmoire qui se souvient,

    mais son corps. L'oeillet rouge ne signifieplus rien. C'est sa bouche qui brle et sesgenoux qui saignent. Son coeur bat et voiltout.

    Il est seul pour combien d'annes.

    Elle est entre. C'est la mme. Ni sa nuque,ni ses lvres, ni sa main droite... Elle. Le jouret elle. Le bar se tait. Le sang monte jusqu'auxyeux.

    Il est bon que ce jour soit enfin tout l'aitclair. Dans le ciel on voit flotter des plumeset des oiseaux. Il est bon que ce soleil soit droite et non gauche parce qu'elle a ungrain de beaut l sur la joue. Edgar fouilledans sa jjoclie. Il tire des billets, le plus debillets possible et il les montre. 11 veut qu'ellesache qu'il est encore riche. Il veut tout luidonner. Cela lui est d. lit font lui donnerd'un seul coup, sans lsiner ni marchander.Ce. n'est, pas Edgar qui donnerait sou parsou.

    Mon petit, voil Le ni: ce que j'ai, c'est toi. lit c'est elle qui refuse, c'est, elle quidit. : C'est trop , et elle prend un toutpetit billet.

    Tant pis, elle n'a pas compris.Elle lui fait un signe, il U suit.

    Il la prend : elle est lui.Il n'y a pas de joie tenir ce qui peut

    s'chapper. Il y a seulement un dsir quimonte et qui descend. Ce qu'il faut c'est osertoujours et; s'approchertrs vite.

    Encore une fois ce jour qci coupe la vie.La nuit est encore, meilleure, plus noire, plussilencieuse.

    Philippe SOUPAULT.

  • ENTRE DES SUCCUBESA Andr BRETON

    On a tort si l'on croit savoir ce qu'il advientde toute l'amoureuse humeur. Les grandstroupeaux d'hommes la nuit se dispersent.Et il y a des solitaires dans les campementsruraux qui doivent aux quinoxes, vtus deneuf, descendre vers les villes, o des btesgrasses pour eux docilement attendent. Quede mouvements de ces corps en vain appellentau fond des retraites, des logements mesquinsdes faubourgsaux prairieschantantes, d'autrescorps par le monde, dans les flots de la dentelleou les soucis mnagers. Jeunes filles ouvrezvos fentres ; elles laissent, errer un instantleurs regards, et referment la croise, et re-tournent leur musique. Un voyageur pour-tant s'tait arrt, prs du fleuve. Son chapeau la main, il contemplait la foule, et la foulefuyait par les deux bouts de l'air. Je vous disqu'il y a tant de baisers perdus, que c'est pleurer misre; et chassez ces enfants, quisont une perptuelle insulte l'amour !J'ai souvent pens, ces lgres semencesqui s'envolent au printemps des arbres desjardins. On les voit passer comme des nuagesde neige, comme des neiges de caresses, despapillons de dsirs. O vont-elles ? 11 y apar del les champs et les cits, de l'autre,ct des montagnes, un pare tranquille oun seul flocon parviendra un beau soir surl'arbre fminin qui l'espre dans sa rame.Les autres sont tombs au hasard des sillons.J'ai souvent, pens, ces lgres semences,inutilement rpandues.

    Souvent, aussi j'ai ressenti ma solitude-lit qu'il se dissipait un grand l'eu dans mesbras. Qu'ai-je l'ait de mille douceurs qui m'ontpossd en silence ? Qu'ai-je. l'ait de fout cepouvoir qui m'tait dparti, et qu'on mereprenait ? Malheureux, lu n'as pas veillsur ton trsor. C'tait un trsor draisonnable,et je ne m'en sentais que rarement le matre,et quand je n'en avais pas l'usage. Amantsinsouponnsque rvle la nuit. Si l'on pouvaiteviner les battements de leur coeur. Chezeux l'amour garde la sauvagerie de l'enfance.11 n'est, point ais comme le. machinal amour.Je me suis souvent demand o s'en vont ceslgres semences.

    De la discordance atroce des dsirs, de leurveil capricieux, je me lamente. J'ai lu dansle regard d'un pre, et. son enfant jouait dansl'herbe innocemment. 11 y avait l'ennui, et letemps et l'espace, autour de la maison, lit lesang dans la tte, et la blancheur de la petitefille. J'ai vu des collgiens qui avaient peurde mourir. Des nonnes au fond d'un laby-rinthe, d'ombre, et les arcades pousaientdoucement le ciel d't. Grands naufragescharnels, comme je vous comprends. Tantd'appels sans rponses, tant de signes au seindouloureux de la nuit. Ils s'veillent, ils selvent, marchent. Un parfum de fleurs les

    poursuit. Ils corcheraient les murailles. Qu'ai-tendent ils ? Ils ne font rien qu'attendre.Attendre le miracle. Et regagnent sans lui

    ce linceul o l'amour imite la mort tnbreuse,le drap lourd au plaisir qui n'a su se former.Je songe ce que le sommeil apparemmentdissout. A ce renoncement du repos. Au men-songe du dormeur. Son attitude rsigne.Dissimulateur sublime. Il ne laisse plus voirque son corps. C'est alors que vaincu il n'estplus que la voix de cette chair dfaite. Alorsun grand frisson nocturne autour de cettechute enfin va se propager. Se propage auxlimites de l'ombre et de l'air. Atteint les lieuxtroubles. S'tend au pays fbrile des esprits.Par del les rgnes naturels. Dans les pacagesdamns. Et quelque Dmone aspirant cettenuit-l la brise des maremmes, dfait un peuson corsage infernal, aspire l'effluve humain,et secoue ses nattes de l'eu. Ce qui sommeilleau fond du tourbillon qui l'atteint, elle l'ima-gine, et se dmne. Elle l'ait au miroir del'abme sa toilette trange de fiance. J'aime me reprsenter ses ablutions luslrales.O pourpre de l'enfer, quitte ce corps charmeur.Je parlerai longuement des succubes.

    De toutes les opinions qu'on se l'ait dessuccubes la plus ancienne rapporte que ce sontvraiment des dmons-femmes qui visitent lesdormeurs, lit. sans doute que cela n'est passans ralit. J'en ai rencontres qui portaienttoutes les marques de l'enfer. Ce sont alors debien belles personnes, car elles ont le choixde leur forme, et souvent elles n'prouventpas le besoin, mme au point de le quitter,de dvoiler leur amant involontaire uneorigine que dans l'abord elles se sont efl'orcessi bien de leur dissimuler. Mais parfois ellesne rsistent pas au plaisir d'une rvlationsoudaine, elles se transforment dans les brasqu'elles ont sur elles-mmes referms, etleur victime prouve toute mle un plaisirqu'elle ne regrette point encore l'horreurd'avoir cd au pige du dmon. Soit qu'ellesquittent soudain les traits fidles et bien connusqu'elles avaient, emprunts une matresselointaine, et le. rveur tromp s'accuse d'unetromperie qui l'accable. Soit qu'elles montrentune hideur, que j'ai peine croire l'apanagedes esprits infrieurs. On dcouvre, par maliceparticulire, un de ces attributs ns dansl'imagination des peintres qui leur servaitconventionnellement voquer le diable, eto les hommes croient reconnatre l'ennemidu ciel (car ils ont l'ait le diable leur image) :une oreille velue, le pied fourchu, des cornes...Je me suis laiss dire que les dmones rser-vaient ces gentillesses aux garons pieuxqu'elles trouvent par hasard dans les draps.Il n'est point rare que ce genre de mauvaisange s'prenne pour son malheur d'un hommeds lors hant. La diablesse revient aussi

  • ENTREE DES SUCCUBES

    souvent qu'elle le peut retrouver son infortuncamarade. Elle l'opprime. Et l'on prtendqu'elle peut en arriver regretter son crimeaussitt qu'elle. Fa commis. On a vu dessuccubes constatant les ravages de leursbaisers, soulever de leurs mains transparentesla tte ple de leur favori, lisser lentement sescheveux, et faire retentir la nuit des soupirsdchirants de la fatalit. Mais l'effet mmede leurs transports amne les insatiablesvisiteuses temprer leurs ardeurs. Ellesrestent plusieurs jours sans venir, elles laissentles couleurs refleurir sur ce visage abattu.Puis quand le repos retrouv l'imprudents'abandonne l'ombre, et l'on entend deloin sa respiration rgulire, par la porte durve nouveau les voil. On a discut sansfin du moyen d'viter les succubes. Il sembleque rien, ni les reliques, ni les prires queprconisent des charlatans revtus de lafausse dignit d'un prtendu sacerdoce, ni lesmthodes chimriques du psychiatre viennois,car ce n'est pas la peine de considrer seulementcelles de ses ennemis, ne mettent l'homme l'abri de ces consomptions oniriques. Cepen-dant, au cas qu'il se reconnat la proie d'undmon toujours le mme, et sans doute cecin'est pas toujours facile dpister, car ledmon rus prend soin de revtir des formeschangeantes, moins que tombant dans letravers des mortels il veuille, l'insens, voirpartager sa passion et tche sous un aspectagrable d'inspirer la folie ce corps qui enest le principe, alors, m'a-t-on prtendu, lepossd a un moyen dsesprnon pas d'carterd'un coup la succube, mais de la dcevoir, etainsi peu peu de la dshabituer de lui. C'estalors mme que l'abstinence parat de rigueurau malade qu'il doit frntiquement se jeterdans la dbauche, de telle faon que l'espritnocturne le retrouve toujours sans force, etsoit vaincu par l'impuissance et la piti.Cependant, qu'il ne croie pas pouvoir usermodrment de cette thrapeutique : lessuccubes ont tant de procds pour rendresa vigueur au plus faible, qu'il en est, qui sontdes vampires, et qui rveillent jusqu'auxmorts. Si donc, il use sa journe de parci-monieuses luxures, il ne sera pas sauv pour lanuit qui vient. L'aube le retrouvera marrid'une prcaution inutile. Que l'homme enproie aux succubes baise, baise tant qu'il peut.Et quand il est rendu, que sa compagne elle-mme et il l'aura pourtant choisie solide, etpre au plaisir, ne pense plus pouvoir tirerde lui la plus fallacieuse jouissance, qu'il enappelle enfin aux pharmacies pour retrouverdes forces qui se dissimulent. On lui diraqu'il se tue. Mais il continuera patiemmentce rgime, durant septante jours d' file.L'antiquit, et toute l'histoire des Chrtiens,fourmillent en anecdotes o les succubes sontnommes, ou peuvent, par un attentif commen-tateur, tre dceles. Il y a des traits spciauxauxquels je renverrai le lecteur curieux. Maisdans la diversit de ces histoires on voit queces filles voluptueuses de l'enfer se comportent

    de deux faons principales entre lesquelleson constate tous les intermdiaires, qui tra-hissent en elles deux instincts opposs, deuxgots aussi forts l'un que l'autre, et dont noustrouverions sans doute en nous l'quivalencesi nous savions nous interroger. Les unes, etce sont les plus nombreuses, on dirait queleur plaisir est de s'abattre sur les plus ver-tueux des hommes. Et non point de cesvertueux, qui le sont moins par vertu quepar temprament. Non : sur ceux-l mmespour qui la vertu est un perptuel combat.Qui se promnent tout le jour au sein mmedu vice et ne succombent pas une tentation,qu'ils s'avouent parfois ressentir. Puis patatras.Ils n'ont pas plus tt ferm les yeux que lesvoil dans l'abomination jusqu'au cou. Onprtend que ce got rpond, chez la succube, un calcul qui m'tonne un peu : elle penseraittrouver ainsi des amants dispos et solides, etse riant de leur chaste combat ferait bonmarch de leur pudeur svre. Je ne crois pasque ce soit la bonne explication. L'hommeserait-il meilleur que la succube ? Or on ne levoit jamais ainsi raisonnant. S'il apprend ses femmes baisser les yeux, ne pas coucheravec le premier venu si a leur chante, il estfaux que ce soit pour profiter d'un amoncelle-ment de dsirs. Il leur enseigne ainsi la retenueau nom d'un Dieu, qui pour n'tre pas toujoursle mme, n'en attache pas moins toujours sespremiers soins au contrle soigneux des cou-cheries humaines.

    L'autre espce de dmolies prfre auxhommes chastes les rous. Ce sont des raffines,qui ne tiennent pas tant la qualit du plaisirqu' la subtilit de ses modes. L'hypothtiquemme de la russite lui confre pour leurcoeur un attrait plus grand. Elles saventprendre leur parti d'un dboire. 11 n'est pasrare qu'elles quittent au jicl.it matin unecouche qui ne les a pas vues heureuses. Qu'im-porte ! Elles aiment avant tout le commerced'un corps qui a le sens sujjrieur de l'amour,et pas n'est besoin qu'il leur procure sessatisfactions grossires. Elles ont peu d'estimepour les marques du temprament. Outre quechacun sait au reste, qu'il y a plus souventj)lus grand dsajjpointement avec, un hommequi vit dans l'oubli de la volupt, qu'avecun autre qui en semble puis, et rendu. Ainsinous j)roavons une aise vritable rencontrerde ces femmes qui ont men toute leur viedans l'exercice des baisers et qui sont pourainsi dire, en mme temps, qu'un peu dfaites,toutes refaites jiar l'amour, et moins qued'autres la merci du tenqjs ; toute leur chairest intelligence, elles ont la conduite du plaisir,elles nous y retiennent. Rien en elles nefatigue, rien n'obsde. Elles savent, voyez-vousbien, ce que c'est. Ainsi les succubes dontje parle apprcient chez les dormeurs unesorte d'esjn-it, de fornication, qui passe pourelles en tout sens les qualits de l'ardeur, etcelles, plus mprisables encore, de la vertu.Je ne donnerai pas ceux qu'elles comblentde leurs faveurs le conseil de la dbauche

  • u - - ENTREE DES SUCCUBES =

    forcene que j'avais quelque contentement transmettre aux timides amis de nos jire-"mires dmones. On voit bien qu'avec lessecondes il ne leur servirait de rien. J'imagineaussi que ces hros de l'alcve n'ont, aucundsir d'carter de leur sommeil une obsessionqui les (latte, et qui ranime en eux cela mmepourquoi ils ont tant de complaisance. Ils ontperdu cette mentalit purile et utilitaireque l'on voit aux faux Don Juans de nosjours. Ils ne craignent pas comme eux quequelque chose soit distrait le leur pouvoir.Ils ont assez le got du plaisir, et la sagessede cet entranement, pour le saluer d'unehumeur gale, d'o qu'il leur vienne. Us nesongent point cette pargne de leur l'eu,qui n'est ])astant le propredes amoureuxvritables, quedes vaniteuxoudes ambitieuxqui veulent,surtout talerleurs prouesseset en tirer quel-que fruit quin'est point, leseul plaisir.Quand veillssoudain par lavivacit cleleurssensations ilsconstatent leursolitude, ils nese rpandentpas en jurons,en expressionsvulgaires clbasses, commefont ceux quiavaient missur une rservede vigueur une modification de leur sort. Ilsvaquentau soin de leur corps avec celte qua-nimit qui caractrise, l'lvation du coeur.Us remercient, ce faisant, la nuit finissante,qui leur fut propice. Us pensent l'impal-pable matresse qui les quitta, et tchent den'en point oublier les traits fugitifs. Puisattendent l'heure o les convenances permet-tront qu'ils apprennent quelque amie qu'ilsont, et parfois que vraiment ils aiment, lesvnements qui n'ont eu pour complices queles tnbres, cl non pas l'garement de leurvolont.

    Cependant les auteurs modernes, je veuxdire depuis quelques sicles, ont observ lafrquence des femmes laides parmi les succubes.Cela n'tait pas d'abord j>our veiller l'atten-tion des savants, dans l'tat que se trouvaitl'tude de la dmonialit. On croyait alorscommunment que les sorcires n'taient pasd'essence diffrente des dmons. On disaitdonc que des sorcires pouvaient ainsi tresuccubes. Mais nos ides ont bien changdepuis que nous avons plus srieusement

    tudi les sorcires. Celles ci appartiennentindubitablement l'espce humaine. Ds lors,pourquoi considrerait-on les succubes laidescomme sorcires, plutt que femmes ? Si ellessont femmes, on conoit qu'elles n'aient pasle jiouvoir de tromjier la nature par la beautd'une forme lue, et plus elles sont laides,mieux on comprend que leur soit ncessairede recourir au succubat pour satisfaire f'excsd'un emportement que leur aspect malheureuxne sait point servir. Ceci ne signifie pas nces-sairement que les succubes-femmes sont tou-jours laides. Mais, au dire des connaisseurs,et dans la mesure o l'on nous permettrade faire appel nos souvenirs, suivantnoire faillie exprience personnelle, c'est

    pure exception(ju'une trsbelle personne,qui peut parles voies ordi-naires se pro-c tirer des a-mants srieuxet agrables envienne courirainsi clandesti-nement les al-cves jiar unevoie qui sup-jiose quelquedamnable ac-cointance. Je leregrette. J'aipens mme, enexposant il'unefaon un peudidactique unsujet que leshommes gar-dent gnra-lement pourla confidence

    l'intimit, engager certaines personnes de maconnaissance, que je trouve extrmementbelles et bien faites, prendre quelque curio-sit de moeurs qui leur sont trangres, litje ne dsespre pas, cette ide faisant sansmoi son chemin, de les voir dbarquer quelquenuit dans mes rves, avec cet clat naturel,auquel j'ai toujours pris plaisir. Si parfoisil se rencontre une beaut reconnue, qui parce chemin singulier hante des hommes qui nelui refuseraient certes pas un autre commerce,on jieut presque toujours affirmer qu'elle ]ir-sente dans le secret de son coeur quelque ano-malie bien plaindre,un amour malheureux oule souvenir d'un crime ancien. Ce sont, detrou-blantes rencontres, si, danslepuits du sommeil,vous avez gard comme une toile ce qu'il fautde conscience un homme pour jirouverl'enivrante majest du malheur. Mais il est peudonn, le plaisir de cette magique treinte.Les succubes humaines sont le jilus souventmarques du sceau magistral de la hi(leur.

    11 y a, partant, dans leur amour un principequ'on ne trouve pas avec les dmones. Avec

    Man llay.

  • ENTREE DES SUCCUBES i3

    celles-ci le dormeur s'abandonne, il croit lespoursuivre, il n'arrive pas qu'il les fuie.11 pense assurment que c'est lui qui dsire.Mais il n'en va point ainsi de celles-l. Cesont elles qui s'avancent dans la nuit pasredoutables. D'abord il ne les distingue pasdes autres lments du songe. Elles jjreiinentcorps. Leur laideur d'abord le saisit. Il necroit pas qu'il soit question de se confier ces monstres. Il est surpris de leur familiarit.11 est vrai que ces dames ont des faons pr-cises d'indiquer le but de leur dmarche.Elles ne prennent point le temps de parler.Il y a dans cette approche muette, ensembleavec ce qui porte les fuir, une grande puis-sance animale, qui fait que l'on s'tonne desoi-mme, qu'on craint par avance une dfaitepar un mouvement de la chair prlude, etc'est en vain qu'on cherche dtourner decette bestialit qui s'imjjose une attentiondj capte, et par tous les dtours amene son objet principal. 11 semble que l'horreurd'un accouplement si bizarre en rende moinsvitable la voluptueuse issue. 11 n'y a pas undtail du visage, du corps, qui nous soitpardonn. Ce sont des femmes trs mal. trsvulgaires. Mais des femmes qui ne badinent[joint avec l'amour. 11 faudra en passer par oelles veulent. On s'en rend compte, on en estaccabl. Mais que l'aire ? S'carter, ou quelqueincomprhensible, et malheureusement par-cellaire, paralysie, nous en retient ; ou c'estpeine perdue, car le dsir redouble mesurequ'on s'loigne. 11 arrive qu'on s'avoue trouverun extraordinaire attrait dans la laideur.Il arrive qu'on prouve moins de honte qu'onn'aurait cru, une conjonction telle. 11 arrivemme, mais oui, qu'on tremble de. devancercette conjonction, dans le trouble d'une aven-ture si neuve. 11 arrive que le plaisir souffleo il veut.

    J'aimerais dcrire la diversit des succubes,je veux dire de cette dernire espce, queje disais. Car pour- les autres on les trouverafidlement peintes dans tous les keajjsakcsromantiques, et ce sont les filles de Raphalou de Walter Scott. Mais j'y userais ma vie,et comme les portraits pourraient leur paratremchants, qui sait si ces dticates furies neme puniraient pas de quelque sortilge ?Cependant elles se rient le JJIUS souvent desapprciations des hommes. Elles sont accou-tumes ces grimaces du rveil. Elles ne lestrouvent pas insultantes. Certaines, mme,doivent s'enorgueillir de leur laideur. Commesous certains climats, ce que m'ont contles voyageurs, les sauvages font de la barbeet des moustaches, qui sont une honte poul-ies peujoles civiliss.

    J'ai toujours t curieux de les reconnatredans l'existence, et j'aurais aim que quelquesigne de certitude me permt dans le va-et-vient des villes de distinguer ces femmes voues

    aux caresses tnbreuses. Je ne le puis. Je leregrette. Mais plusieurs fois de fortes pr-somj)tions, que sont venues fortifier d'trangesconfidences, m'ont permis de souponner unesuccube, l o le vulgaire ne voyait qu'unefemme assez vilaine, et jjour le reste occuped'une situation sociale, d'une industrie ou dequelque souci sjnrituel, peu conciliable enapjiarence avec les dportements du succubat.Cela m'attire. Je frquente beaucoup defemmes laides, cause de cette curiositque j'en ai. Je dois mme avouer qu'on trou-verait l le point de dpart de certains entra-nements qui dconcertrent plusieurs fois mesamis, et qui leur donnrent penser que jedevenais fou, perverti, que sais-je ? millemots dans le langage humain traduisent uncart de jugement, amoureux, qui me semblepourtant en soi justifiable. Je ne rajiportetout ceci que pour illustrer mes jiropos, dansun sentiment tout l'ait dsintress, et,pour ainsi dire scientifique, et non point pourexcuser quelques relations sans clat, quim'ont l'ait du tort auprs du monde. Encoremoins pour m'en vanter. Je crois cependantqu'il serait, humainement profitable que. quel-ques esprits critiques, comme moi, disentune. bonne fois ce qu'ils savent d'un sujetpartout si mal trait, avec des descriptionsexactes, les noms, les dates, tout le dtail del'affaire. On comparerait alors de si prcieuxrenseignements, lit il ne semble pas possiblequ'aucune vrit ne s'en dgage. On sauraitpeut-tre enfin ce qui distingue les succubesdes autres femmes, ce qui permet, de lesreconnatre en plein jour. 11 y aurait l unenotion bien commode, et dont on voit sansque je m'tende les heureuses consquencespour un esprit port au plaisir. Outre quecela nous dlivrerait jirobablement de pasmal de moralistes qui se verraient soudaintroj) dmentis par l'exjorience ptnir pour-suivre plus longtemps ces thses insoutenablesqui nous emjioisonnent la vie. Nos vicesparatraient soudain innocents ct decertaines vertus, lit plusieurspersonnesinsigni-fiantes retrouveraient soudain ce mystreauquel il est juste qu'elles aient jjart et ([lienous avons l'a parcimonie de leur refuserparce qu'elles sont laides, et que nous lescroyons sottement, et tranquillement sotteset tranquilles. Je me rjouis de songer queje vais sans doute provoquer par mes parolesune telle transformation des moeurs. Puissece discours la htant glorifier la l'ois lessuccubes et contribuer leur connaissance.Puisse-t-il aussi confondre les cafards qui nervent point de l'amour, et jDrtendent garderle leur pour des prouesses !

    Comme si on faisait ce qu'on veut de soncorps !

    Louis ARAGON.

  • CES ANIMAUX DE LA FAMILLE

    (Fin *)

    Le naja se dresse devant l'assistance et dit :-

    Monsieur Petite Moustache releve encroc avec l'oreille gauche fendue, dites-moi quoi on reconnat l'ge d'un cynocphaledont la fesse droite est bleue et la gauchetango ?

    Le jeune, homme.

    Les j)oils du cou ducynocphale sont de la couleur de sa fessedroite et sur sa langue est tatou en morsele signe S. O. S. Le cynocphale est n. le jourde l'attentat du restaurant Foyot.

    Le. naja.--

    Oui, mais sa queue porte son extrmit une fourchette en feuilles depalmier. Qu'en concluez-vous ?

    Le jeune, homme.-

    Qu'il s'agit d'unefemelle dont la progniture a peupl la fortde Fontainebleau.

    Le naja.-

    Bien mon ami, vous tes dcorde l'ordre, du casoar qui a aval un roeking-chair.

    lit le naja et continu son cours sansl'intervention de l'ponge,qui, sournoisement,se glissa le long de l'chin du serpent eteffaa ses lunettes en sorte, que le. reptile nefut plus aux yeux de ses auditeurs qu'unvulgaire balai oubli par quelque domestiqueinsoucieux de sa consigne. Mais l'ponge nedevait pas tarder regretter son geste. Letableau noir s'illumina d'clairs. Une dto-nation sourde, rjite par des milliers d'chos,se trana comme un camion dont, le conducteur,secou d'un rire inextinguible, avale toutesses dents une une et laisse la bride flottersur l'encolure des chevaux. Ils en profitentpour conduire l'attelage dans la valle, desvautours gels. Cent trente-sept rangs devautours s'alignaient dans la valle bordeau nord juar un lama, au sud jiar un morse, l'est par une girafe, et l'ouest par unlphant. Le camion arrive l comme uneflche dans un gigot. Tous les vautours qui setenaient sur une patte battent des ailes etcrient ensemble et en cadence : Un champion !Un champion ! Les vautours s'envolentcomme des mouches, mais restent au-dessusde la valle et crient toujours : Un champion !Un champion ! Mais lorsque le camionarrive au milieu de la valle les vautoursse taisent. Le camion s'arrte. Une voix graves'en lve : Les fourmiliers, en avant...Marche!...

    Et une nue de fourmiliers sortdu camion et se rpand dans la valle.C'est alors que l'hippopotame prend posses-sion de la chaire du professeur de chimie etcommence son tours :Animaux obliques aux fesses de canards,voyageurs sans ventails, arbres sans forts,fleusr liquides, cerveaux plats, orteils du

    monde, grandes clavicules du chimpanz dontla tte en forme de tomate a servi de tremplin 30.000 colibris si chatoyants que ma ma-tresse en voulait faire une robe qui par sesjjpiements eut avantageusement remplacun orchestre de violons destins non pas jouer des fox-trotts ou des shimmys mais dorer convenablement des brioches. Et nuldoute que l'orchestre eut russi si... Ah si Isi moi ?... Si la lune avait t de la couleurde mes chaussettes, mais la lune, cette nuit ln'tait jias plus grosse qu'une prune, la lunecette nuit-l tait un oeuf d'ornythorinqueque. nulle femelle ne couvait. Aussi cet oeufau lieu de donner naissance un animal decette espce produisit-il un petit cureuil fortennuy de remplacer la lune, mais je vousle demande, que pouvait-il faire pour chapper son sort ? 'out juste s'il lui tait possiblede simuler le vol long et souple des albatrosqui ont cueilli sur le pont d'un navire enperdition une orange, qu'ils supposaient treune tte humaine. O Albatros, toi dont lebec sert barrer mes /, qu'as-tu l'ait de tafemelle l'abeille, car je ne veux pas croire,que ce stupide insecte est ou a t ta semblable.Dis-moi plutt que ce ronflement de dormeurest le produit du croisement des fleurs carni-vores et des pkinois.Du fond de la salle une voix tonitruantes'lve :

    Levez-le pied, escargot.C'est une antilope blonde, comme une

    desse qui interrompt ainsi le majestueuxhippopotameet voici qu'ils s'injurient :

    L'hippopotame. Scrtion nasale, qu'as tul'ait de la saveur de tes poils ?L'antilope. Millions d'oiseaux d'or...

    L'hippopotame. J'ai connu au coursd'un voyage dans le. tronc d'un mancenillierune petite chvre grosse comme, mon oeilqui n'avait d'autre but que d'acclrer lemouvement de la sve de ce vgtal en absor-bant, l'oxygne qui de la sorte n'avait plusbesoin d'atteindre, les feuilles[jour se rpandredans les oreilles des singes. Mais un jour unepetite autruche s'assit son ombre et mur-mura : Quarante douzaines de perdreaux. Et le. lendemain sa mre ne la retrouva plus.Sous le. mancenillier il n'y avait que le sque-lette d'un crapaud.

    L'antilope. D'une grenouille,tu veux dire,verrue humide.

    L'hippopotame. Quarante douzaines deperdreaux ! Cdait un crapaud jmisque sesoreilles ressemblaient une anguille.

    L'antilope. Quarante douzaines de per-dreaux ! Mais ses yeux taient en bois deteck, donc c'tait un crapaud.L'hippopotame.

    -

    Veux-tu que je t'avale ?Voir le n 5 de la 11. S.

  • CES ANIMAUX DE LA FAMILLE i5

    L'antilope.Sij'ai traversesgrandesplainesde soie o la loutre, aprsavoir tourn pendanttrois jours autour d'une fourmillire semblable une vieille chemine, se tord commeun lingehumide et si de la loutre tordue ne sortitpas une seule goutte d'eauou de tout autreliquide susceptible d'tre un rapide examenconfondu avec ce compos d'hydrogne etd'oxygne elles'entoura d'un nuage de lilas,

    qui se dposa lentement sur le sol formantun superbe crocodile muni d'une mchoireaussi belle que la devanture d'un bijoutierde la rue de la Paix. Hein, qu'en dis-tu, souped'lphant ?

    Je ris parce que le crocodile c'tait moi.Benjamin PRET.

    LES BUVARDS DU CONSEIL DES MINISTRESLe soleil descendait, assez obliquement sur

    les tabls, pench comme un homme qui redouteles toiles de l'araigne, quand le photographede la Rvolution Surraliste entra, porteur ducristal de l'introspection, dans, la salle duConseil des Ministres. C'tait au temps duministre. Painlev-Caillaux. Aprs le dpartdu Conseil, la Pourriture aux mains bleuess'tait endormie dans le fauteuil numrolgion. Braquer l'appareil sous le regard jaunedu sodium l'ut l'affaire d'un instant.

    C'est ainsi que fineonscient de ces Messieursles Gardes fous de l'Etat n'a plus de secretpour nous. Nous livrons la publicit lesbuvards sur lesquels, pendant les dlibrationsmigraineuses, s'garrent les mains minist-rielles abandonnes un dlire intime. On enprendra connaissance, semble-t-il,avec quelqueprofit. Quand donc les hommes graves etbizarres, qui tiennent dj par leur maintiende la redingote et de la statue, croient quepersonne ne peut entendre leur secret sinon leshasardeux buvards qui tranent dans le dsoeu-vrement des phalanges, quand ces bronzesfuturs l'ont semblant, de penser aux fantmesdu plafond unique ils sont EN REALITE lesprisonniersde plusieurs hantises qui permettentde les classer mentalement. Ce qu'ils cachentd'eux-mmes, confi aux plaques sensibles queleur glisse le destin, nous rvle tout prendred'assez mdiocres bonshommes, aux faux-pasintellectuels vulgaires, et quelques farceursprofessionnels. Le malheur est qu'on ne jmisseexactement attribuer, l'un ou l'autre, lespermatozode de rat que nous reproduisonsen haut de la page de gauche, ou la jDenduleRestauration qui n'en est pas loin. On remar-quera que M. Andr. Liesse se complat rpterindfiniment sa signature. Signe de vanit,dit le manuel. Ses associations d'ides sontcourtes, mais bonnes : zingara, Singapour,zingara, Singapour, charmante chanson. Aupoint de vue artistique, il rgne entre lesministres une certaine ingalit. Il y en a qui(Mit des dessins d'une faiblesse ! vraiment.

    Tandis que ce petit bonhomme dans le styleoriental que j'ai l'envie d'attribuer M. Brianddnote un joli talent d'amateur. Les dessinsqui terminent heureusement, la page de droite,il n'y a pas un psychiatre qui hsiterait y reconnatre l'oeuvre d'un fou. Le portraitcharme aussi les loisirs de nos hommes d'Etat.Us y ajmortcnt mme les techniques picturalesles plus rcentes. Dejmis le temps du collge,rien n'a chang : c'est toujours la ressemblancede M. Caillaux qui tente le monde. Chacun s'yexerce avec sa verve naturelle. Par-ci, par-l,de petites croix d'honneur. Ce sont, les pque-rettes de ces mes ingnues. De ces mes imb-ciles. Bien rvles par les motifs ornemenlauxauxquels elles s'abandonnent de loin en loin.Mais le premier prix revient cet esprit mieuxdou pour l'abstraction, qui, page de gauche,angle, externe, dessine et ombre les initialesde Paul Painlev, et les flanque de drapeaux etde leucocytes polynuclaires. O guerres colo-niales, vos perspectives napoloniennes.

    L'ombre de la guillotine au-dessus desbuvards.

    Louis ARAGON'.

    Nolu-bene. -La Rvolution Surraliste a desoreilles. Elle voit tout, est. partout, prenezgarde. La garde qui sommeille aux barriresdu Louvre est. une invention purement inop-rante en prsence, des doigts de l'esprit. Us ontsu se procurer des buvards, ils se procurerontdemain les plans qu' grand fracas on dissi-mule, les fortifications et les masques gaz.Elle livrera le tout l'Allemagne. Ou l'eaucourante.

    La Rvolution Surraliste met au concoursla crtinerie de nos dirigeants. Envoyer ausige social de cette revue la page ci-contreavec attribution nominative de chaque dessin un ministre. Les rsultats de cette enquteseront publis. Les auteurs pourront se rendrecompte de la faon dont ils sont apprcis.Peut-on distinguer par le dessin un ministred'un autre ministre '? Voil la question.

  • I_.E!S BUVARDS IZ> T_J 00 M S E I Ii 3Z> E! S Ti/L T TV T =l T- T-t T7.

  • CONFESSION D'ON ENFANT DO SIECLE

    iJe jouais seul. Mes six ans vivaient en rve.

    L'imagination nourrie de catastrophes mari-times, je naviguais sur de beaux navires versdes pays ravissants. Les lames du parquetimitaient s'y mprendre les vagues tumul-tueuses et je transformais mon gr la commodeen continent et les chaises en les dsertes.Traverses hasardeuses ! Tantt le Vengeurs'enfonait sous mes pieds, tantt la Mdusecoulait fond dans une mer de chne encaus-tiqu. Je nageais alors fore de bras vers laplage du tapis. C'est ainsi que j'prouvai unjour la premire motion sensuelle. Je l'iden-tifiai instinctivement aux affres de la mort etds lors, chaque voyage, je convins de mourirnoy dans un ocan vague o le souvenir desvers 'oceano nox :

    O combien de marins ! combien de capitaines !Qui sont partis joyeux vers des rives lointaines,

    lus par hasard dans un livre drob, se mlait l'puisante volupt.

    Hugo domina mon enfance. De mme queje n'ai jamais pu faire l'amour sans reconstituerles drames innocents de ma jeunesse, je n'aijamais pu prouver d'motion potique d'uneautre qualit que celle que j'prouvai la lecturede La Lgende des Sicles et des Misrables

    Je vcus ainsi de six neuf ans.Les derniers chos de l'affaire Dreyfus, des

    bribes de eon Vers.liions entendues, le chiffrequatre-vingt treize, le nom de Robespierrequi runit nies deux prnoms Robert et Lierre,me permettaient (l'imaginer une Rpubliquervolutionnaire pour laquelle ic me battaissur des barricades de fauteuils et de tabourets.Nous habitions en lace de Saint -Merry. Lesouvenir de l'insurrection du clotre se confondaitavec les cloches du Nord, dans l'admirablechanson du Pont du Nord et, de mon lit, quandje m'veillais la nuit, je pouvais apercevoir unbout: de trottoir clair sinist renient par \\\\rverbre vocatcur d'attaques nocturnes.

    J'ai d'ailleurs la bont de prvenir le lecteurque je mle le rve et la ralit, le dsir et lapossession, le futur cl le pass. Qu'il se le tiennepour dit.

    Gustave Aymard me donna la premire image(le la femme. Je poursuivis alors en compagnied'Espagnoles lui.les le cheval sauvage et lechasseur de chevelure dans des savane; par-fumes. L'hrosme dsormais se confondit avec'amour. Le sang coula gratuitement pour

    satisfaire des lvres sensuelles,-pour provoquer

    le tressaillement de seins rguliers. La solitudeO je vivais se confondit avec les grandes soli-tudes naturelles o il n'y a place que pourl'image de la passion.

    Au reste, j'allais l'cole ; la matresse quinous enseignait lire et crire, tait jeune.Je ne rvais que d'elle et rien ne m'honoraitplus que son approbation,

    Un jour, l'un des lves ayant t parti-culirement, insupportable, elle le fouetta. Lespectacle de celte honteuse nudit, l'humiliationressentie par quelqu'un de mon sexe, la cruautsensuelle de la jeune femme, m'murent si pro-fondment que je ressentis aussitt les sensationsfamilires mes naufrages imagins. Lue hainesolidaire de celle de mon camarade se mla mon affection pour la jeune matresse. J'avaisbesoin de me venger et cependant elle m'taitplus chre que jamais depuis cet incident. Jeguettais dans la rue les petites filles se rendant l'cole. Je les pinais, je les gi liais, je leur tiraisles cheveux et c'est d'un coeur rassnr queje rentrais dans la classe O des lettres de craierayonnaient comme des astres sur le tableaunoir. Je rvais de la vengeance lundis que Vallon-nement des lves, pareil aux gammes monotonesd'une jeune pianiste, se mlait au sifflementdu gaz.

    CIRE (Mexique)

  • CONFESSION D'UN ENFANT DU SICLE 9L'amour n'a pas chang pour moi. J'ai pu

    me perdre dans des dserts de vulgarit et destupidit, j'ai pu frquenter assidment lespires reprsentants du faux amour, la passiona gard pour moi sa saveur de crime et de poudre.Ceux que j'ai le plus aims, ceux que j'aime leplus, je ne rve rien tant que d'tre spard'eux, que devaincre leur ten-dresse, quitte souffrir cruelle.ment de leur ab-sence. Je ne saisjusqu'o l'amourconduira mesdsirs. Ils serontlicites puisquepassionns.

    Rvolution,tendresse, pas-sion, je mpriseceux dont vousne bouleversezpas la vie ; ceuxque vous n'tespas capables deperdre et desauver.

    Voici que lelivre abandonnsur une plageocanique s'ou-vre de lui-mme la page sirablc. Le soleil,car il est tempsde constater saprsence, dispa-ratra peut-trelotit l'heure.Mais le temps[liesse. Nousplongeons dansune eau plus sale que de coutume car sespleurs, les pleurs de ia femme cpie nous sauve-rons, y coulent sans cesse.

    O allcz-VOUS ? dit le douanier qui survicnlau bon moment.

    Nous allons la chercher, Durant l'ternitla mer roulera nos corps robustes de nageursaccomplis et nous parviendrons jusqu' elle.Elle descendra les marches du musoir et noustendra les mains et puis...

    El puis en voil des histoires, me dit laplume avec laquelle j'cris. L'couterai-je ?

    Tout ici respire le calme et le bon sens. Monhistoire s'arrte. Le buvard fatigu de saignerdans les pomes de deux gnrations d'imbciles,'encrier, la fentre, tout n'est-il pas logique

    et asservi des fins limites. Cependant j'aivaincu la lassitude. Je n'ai perdu aucune demes illusions ou plutt je n'ai perdu aucunede ces prcieuses ralits ncessaires la vie.

    Je, je et je vis et dsire et aime. Quand jeferme les yeux un monde merveilleux, cettepithte revient souvent dans mon vocabulaire

    et c'est justice,s'ouvre [jour moi.Il ne disparatpas quand je lesouvre. Chred mi b I e vie !Quand je parlecomme tout lemonde, je parleaussi avec descratures fabu-leuses. On mecroit ici, et calme,je suis aussi ail-leurs, en des r-gions bou'ever-santes inconnuesde tous.

    J'ai dit que jevivais double.Seul dans la rueou parmi les gensj'imagine cons-tamment des p-ripties inatten-dues, des ren-contres dsires.Les gens que jeconnais en sontparfois les pro-tagonistes, J'used'eux ii leur insu.Ils mnent ainsiau gr de monrve une cxislence que je

    suis seul connatre. Qui n'ai-je pas possdde la sorte, que n'ai-je pas rduit l'impuis-sance ? J'ai fait jouer tant de gens des rlesdivers dans des tragdies que bientt leur phy-sionomie mme se modifie mes veux. Je nefais plus le partage entre leurs allions propreset celles que je machine. Les paysages familiersservent aussi de thtre mes actions idales.Ils prennent de ce fait un charme neuf.D'autres fois ce sonl des villes nouvelles, descontinents que je construis pour ma satisfaction.l'.l vivre ne m'est supportable qu' ce prix.J ai ce privilge depuis nia tendre jeunesse.Qu'il arrive rellement ceci ou cela, qu'importepuisqu'en mme temps il m'arrive autre chose.

    Je poursuis ainsi l'tat de veille ma person-nalit des rves nocturnes. La succession des

    OISEAU PERC DE FLCHES Andr Masson.

  • GLOSSAIRE

    faits est trop rapide, la richesse des imagestrop grande pour que je puisse me contenterde dire comme Baudelaire que j'ai plus desouvenir que si j'avais mille ans. Ai-je des sou-venirs au fait. Je suis arriv la perceptionde l'ternit. A quoi bon cataloguer ces faitsmatriels, car le rve est aussi matriel que lesactions tangibles, ou aussi peu. La prophtieest la porte de tous comme le souvenir et,pour ma part, je ne fais nulle diffrence entrele pass et le futur. Le seul temps du Verbe estl'indicatif prsent.

    Je me suis perdu aujourd'hui lans un quartierinconnu de fa ville. Des figures dtestablespiaient derrire les. vitrines le passant gar.J'allais fuir quand une petite fille m'attira versune affiche colle, contre un mur. Il s'agissaitd'une enqute commodo et incommodo relative la construction d'une usine de mtres de poche.Je lus l'affiche plusieurs fois de suite sans par-venir jusqu' la --fin. Les dernires lignes medemeuraient incomprhensibles, soit que jefusse fatigu, soit: qu'elles fussent imprimes enlangue trangre. Soudain un lourd camionm'ayant fait retourner par le bruit qu'il faisait,je m'aperus que le quartier m'tait bienconnu. C'tait, le derrire de la Chambre (lesDputs.

    C'est, un boucan , me dit la petite fille.Je vis alors descendre un oiseau couleur

    d'asphalte sur le trottoir o il se. mit trottiner.Mais la petite fille m'entrana, tandis que je

    cherchais le nom vritable de cet oiseau sans letrouver. Nous arrivmes devant un banc oquatre gros messieurs taient, assis, lisant, unjournal qui tait, si je me souviens bien, La LivreParole.

    La petite fille dchaussa les vieux hommessans que j'en ai le moindre tonnement car jevenais de me rappeler qu'on tait un certainiour de l'anne o on lave les pieds aux pauvresdans les glises et que, d'autre part j'tais invit un bal masqu clans la mosque rcemmentconstruite Paris et qu'il fallait, avant d'vpntrer, se dchausser cl" se laver les pieds.

    Mais j'ignorais si ces quatre vieillards taientdes pauvres ou des dguiss. Je les touchaismais iL ne bougeaient pas.

    Je m'loignai dans la direction de la mosqueo je parvins bientt. Ce qui m'tonna surtoutce fut la porte un drapeau tricolore en foi-blanc comme les enseignes dos lavoirs.

    A ce moment: un grand contentement mesaisit. C'est un toucan et non un boucan ,m'criai-je. Je cherchai la petite fille pour luidire, mais elle avait, disparu.

    Vous l'avez rv me cirez-vous ?

    Qui ? Moi ? Ou vous ?

    GLOSSAIREJ'Y SERRE MES GLOSES

    AABRUTI

    abrit.ACADMIE

    macadam pour les miles.AIGLE

    angle d'ailes.AMOUR

    armure.ARCHEVQUE

    rat revche.ARME

    merde amre.

    B

    BAGNE

    b de ghenne

    CCADRAN

    repre de nacre ardente.CALCUL

    cale Cld.CATHOLICISME

    isthme de ta colique.CHAINE

    c'est, hache hae et noeud.CHEVAL

    c'est achev ailes (Pgase).COEUR

    c'est haut ! sa cohue erre.COLONEL ( le con .')CRI

    cric.CUR

    cul rcur.

    D

    DSERT (des haies est-ce heurt?)DIEU

    il dit ; ses paroles sonl des oeufs.DOGME

    dogme de l'me.DRAPEAU

    er popa.

    EECHAFAUD

    les chasses de la faux.EDIFICES

    fils des ides figes.EGLISE

    des aigles s'y enlisent.EMEUTEune meule crase les molles terrestres.

    on lui me! les menottes.ERMITE

    termite.

    FFASCIO

    faisceau, (aux fesses).FLAMME (i)

    fluide mleFRANCE

    foutre (2~\ rance.FUNBRE

    cruel et froid comme l'Erbe.FUSEAU

    tresse le rseau des lois physiques.

    HHYMEN

    Immain.

    IIDE

    la /lie des ds.

    (1) Flamme (du souvenir) = feu au derrire.Robert DESNOS. (2) vr..- foudre...

  • LE SARCOPHAGE Clllrlco.

    LLAMINAIRE

    -

    algue maligne, minute mineure.LUEUR aile eue, oeufs eus, air.

    MMER

    -

    'ment aires.MTAMORPHOSE formation mtallique? mal

    morose.MIRACLE

    -

    ramage du mystre sans cl.MOI loi que j'aime.MUE aime : lin ! h !MYSTRE (y luire mes hymnes .') cimeterre.

    NNANT

    est n haine, liante.NID

    aine ide.

    O6 (la bouche s'arrondit pour l'hostie).OFFICIER

    fieffe [mile ficelles.OS (oh ! est-ce ?)

    PPATRIE

    -

    tripe aux latrines.PLUIE

    -

    plaie humide de I''azur.POLICE

    pisse de lope.PROFESSEUR

    -

    profiteur de fesses.PRUNELLES

    ruelle profonde des lunules.

    PYRAMIDES- rapt rare sur la dynamite rapidedu lemp.'

    RRIXE

    risque.RIVIRE

    civire.RUINES l'air y bruit, l'ennui s'y amenuise.

    SSANQ (/Y trane le corps des ans entre sa tte de

    S-erpenl et sa queue en poi-G-nard recourb)SCEPTRE spectre.SCIENCE chiure des sens.SEMEUR

    - -

    mesure.SILENCE (on y entend la. danse des cils).SIMULACRE hurlant sur la cime acre, je feins

    la lune.SOLEIL seul oeil.SOURCE

    course.STATUE lest ptrifi des paroles lues.

    TTOTAL le lolem de Tantale.TRANSMU, mes transes je les huerai.

    VVOIX la voie des voeux.VIE

    -

    un d la spare du vide.Michel LEIKIS.

  • POMESLA

    MORT HROQUE DU LIEUTENANTCONDAMINE DE. LA TOUR

    On sait que le sujet propos par l'Aca-dmie Franaise pour le prix de posiede 1927 est la mort hroque du lieute-nant Condamine de la Tour , tu l'tdernier au Maroc, la tte de sa sectionde tirailleurs. Notre collaborateur, Ben-jamin Pret, inspir particulirement parcette action d'clat, prsente ds mainte-nant au jury acadmique le pome ci-dessous o est apprci sa juste valeurle haut fait d'armes de son compatriote.

    Depuis sept sicles Condamine de la Tourles bras en aiguilles de pendulemarquant neuf heures un quaitdebout sur son boite tricolorecommandait ses quatorze homards.

    Par sa cervelle perce les brises chantaientDoscendras-tu cochon de venduMais du ciel noir comme le front de ses presaucune langouste ne venait secourir ses

    homardsSeul, parfois le bref clat d'un ongleV avertissait que les marmites changeaient

    de sexeet que les laitues perdant leurs oreillesaccouraient lui demander le secret de ses

    poils

    Soudain dans l'air barbuun clou s'enfona avec un bruit de tnbresun clou bleu et vert comme un matin de

    printemps2.437 punaises sortirent de sou nez4.(528 lampions pntrrent dans ses oreilles.

    Il criaMoi Condamine de la Tour je cherche des

    massacresdes enfants dans des souliers de nuageset le soldat inconnu dans le placard

    Mais jsus a jet le soldat inconnu dans sapoubelle

    et les porcs Vont manget les Alsaciens ont mang les porcs

    C'est ainsi que tu as grandi Condamine dela Tour

    que tu as grandi comme un porcet le nombril du soldat inconnu est devenu

    le tienMais aujourd'hui jsus a mis ses pieds

    dans ta gidouillequi lui sert de sabotles deux pieds dans le mme sabotC'est pour cela qu'on l'a fait dieuet que ses curs ont des chaussuressemblables leur visage

    Pourris Condamine de la Tour pourrisAvec tes yeux le pape fera deux hostiespour ton sergent marocainet ta queiu; deviendra son bton de marchalPourris Condamine de la Tourpourris ordure sans os.

    LA MORT DE MADAME COGNACQA l'ge o les enfants rouls dans le sabletels des escalopes panescherchent le chemin du centre de la terrela mre Cognaeq les seins lourds du laitque sa mre lui avait lguramassaitses aiguillesbrisespourfabriquer

    des canons

    Un jour le canon de ses rves fut fondupuis vendu aux ennemispar le pre CognaeqEn souvenir de cet vnement la Samaritaine

    fut ouverteEt chaque matin en s'y rendantla mre Cognaeq ramassait le crottin de

    ses chevauxpour les pissenlits de son poux

    Hlas elle est creve la mre Cognaeqelle est creve comme la France

  • POEMES 23

    De set panse verte comme un pturages'chappent les familles nombreusesqui pour chaque enfantrecevaient une pelle feu

    Plus de mre Cognaeqplus d'enfants venant aprs dix-huit autres Pques ou Nolpisser dans la marmite familialeElle est creve la mre Cognaeqdansons dansons en rondsur sa tombe surmonte d'un troit.

    Benjamin PKET

    EQUIVALENCE DES MORTS Andr BRETON

    IFtes des vestigesLes chevaux galopent sur les routesLes insenss mortst'ont cultiv soleil tulipe noiremonts sur leurs cliasses

    Oubli oubli qui tourne en vrilleMes cerfs empenns par VeaufroideLes chemins n'ont pas t invents par lesjambesLa remorque atteint son naufrage

    Je te cherche ma vieentre les doigts des murs

    IIAux rochers de l'oubliqu'on attachemamort.L'aube s'teintSoupirs soupirs qui furent mes privauts.

    Arbres gants que mes doigts n'ont pu saisirmorceaux d'algueslagunesmes terresLa plus belle des boules de cristal m'tait

    passe par l'espritquand j'en suis mortPaisible et douce, filante messeLa pourrituredes chenilles

    FEMMES DEVANT LA MER Picasso.

  • 4 POEMES

    IIIL'hiver et ses nomenclatureset Si nous n'avions couru parmi ces bois

    \secs.

    Les cercueils portires du ventet les cercueils reflts des glaceset le nickelC'est ainsi que j'ai dormi pendant la

    fracheurQu'elles sont loin les profondes rivires

    des morts

    Tu siffles dans des'cls videsLe cadran dvast du lierre ouvre tes mainsEt chacun de tes pas te dteste et te mord

    L'eau des piscines glacialesmisrable.

    LA GUILLOTINE Paul ELUARD

    La tte des mduses les oreillersTt ou tard l'aube des glantiers

    Soleil, tes solitaires inaugurations.Jacques VIOT.

    CHANSON MORTELLEDans une ville souverainele roi la reine et leurs vassauxdisaient qu'ils avaient trop de peinestrop de peines et le coeur trop hautde brler pour l'amour du beau

    et sur une route africainele roi la reine et leurs vassauxallrent cueillir la marjolainesur la route des noirs tombeauxtout en chantant des cantilnes

    Alors les morts dirent la reineQue ne veniez-vous aux tombeauxquand nous vivions souverainenous vous aurions pour vos beauxyeux baise en file indienne.

    LES DFENSEURS DE L'AMELes tambours et les clairons sont des paulesrobustes qui supportent dans l'me

    le poids si lourd de nos rves de GauleMarchons froces contre l'infme

    Celui-l est un beau coursierblanc et rouge

    Il ira plus soumis l'ombre des halliersprs des bouges

    Celui-l va droite et celui-ci gaucheQuand sonne Vheure du triompheils sont fourbus

    Mais qui chevauchel'esprit plein de folie qui s'engonce

    Jacques BAKOX.

  • UN HOMME ,1,/.

    VIVE LA MARIEE!

    Vive la Marie ! cric un maon en blouse.Tout le monde regarde. Un grand autocar noirpasse sur le boulevard. Il stoppe devant unurinoir. La boutonnire fleurie, descendentle mari et les garons d'honneur, les pommettesrose vif. Ils entrent dans l'urinoir et l'ont laqueue, chacun attendant son tour. Arrive,un cur. La marie cherche autour d'elle du1er toucher. Le cur s'arrte devanl l'urinoir,bouscule ceux qui attendent pour passer avanteux. Le conducteur de l'autocar saute de sonsige, et se met courir. Il revient une minuteaprs avec un agent. L'agent interpelle, maisavec douceur, le cur qui est aux prises avecdeux garons d'honneur. Il lui fait: comprendrequ'on ne peut dcemment entrer dans unurinoir avec une robe. Le cur s'incline, etfait un geste de dsespoir, l'agent s'loigne.

    Le cur, avisant soudain un homme qufpasse se prcipite vers lui et lui parle voixbasse. Aprs un petit entretien, ils ont l'aird'accord. Le cur tend une pice de vingt sousa l'homme. Celui-ci la met entre ses dents,puis enlve son veston, son pantalon, sougilet. 11 est en chemise. Le cur alors enlvesa soutane, et revt les vtements de l'homme.Celui-ci cherche comment: il va bien mettrecette soutane, lorsque l'agent l'aperoit deloin. Voyant qu'il est en chemise, le repr-sentant de l'Autorit appelle un confrre etcourt avec lui sur l'homme, qui n'a pas encoreendoss la soutane du prtre. L'homme voitles agents, lche la soutane et s'enfuit enchemise, poursuivi par les deux agents. Voildonc le cur en civil, mais avec sa soutane surles bras, La marie descend de l'autocar pour

  • 26 VIVE LA MARIEE

    aller toucher la plaque en fonte d'un arbre,croyant qu'elle est en fer. Le cur est embar-rass par la soutane. Ne pouvant rprimerplus longtemps son envie, ne sachant plus cequ'il fait, il en affuble brusquement la marie,puis s'engouffre (Unis l'urinoir. A ce momentle mari en sort. Il voit un cur, et s'aperoitavec- terreur qu'il a le visage de sa femme.A ce spectacle il bondit, et court en criant :On a chang ma femme en cur. Juste-ment, sur Je trottoir d'en l'ace, voici uneboutique d'armurier, fl achte promptementun revolver et revient devant l'urinoir. Lechauffeur de l'autocar trompe pour faireremonter dans sa voiture toute la compagnie.Fou de rage, le mari tire sur la marie-curqui s'effondre, puis il se brle la cervelle endisant, avec une pose thtrale : fatalit. Mais pendantqu'il achetait le revolver, l'hommeen chemise, ayant russi dpister les agents,tait revenu, juste comme le cur sortait satis-fait de l'urinoir. Le cur avait repris sa sou-tane la marie stupfaite. L'dicule tait nouveau vide, tous les mles de la noces'tant soulags.

    L'homme en chemise et le cur y taiententrs, avaient remis leurs vtements respec-tifs, et taient sortis de l'urinoir. A ce momentprcis revenait le mari avec son revolver.Il avait donc tir sur le cur, le prenant de

    loin pour la marie change en cur. Maisc'tait vraiment le prtre qu'il avait tu.

    Le mari mort, voil la suite des. noces biencompromise. Les parents parlementent. Il estimpossible d'en rester l, et de renvoyer chezeux les invits : cela tombe sous le. sens. Lechauffeur,qu'on a retenu pour plusieurs heuressera furieux, les invits dj mis en traincomptent encore s'amuser, danser, bien dnersurtout. On les mcontentera gravement enleur faisant une telle dceptio. Et puis ledner est command, une salle retenue pourtoute la nuit. Alors... comment faire ? On nepeut tout de mme pas continuer sans mari.L'homme qui a prt ses vtements au curest l. Ou lui propose de faire le mari. Il hsite,mais le pre du dfunt, le pre de la marie,le chauffeur mme l'encouragent. Allons!il voudra bien faire le mari. Il entre dansl'urinoir, o il change ses vtements contreceux du mari mort. Quand i) sort, les agentstout penauds reviennent, lamentablement bre-douilles, et. ne le reconnaissent pas, maintenantqu'il est habill.

    Tout le monde remonte en voiture.L'autocar dmarre.La noce repart.Quelqu'un qui passe crie : Vive ht Marie !

    Pierre UNIK.

    LE JURY DU PRIX FMINA "VIE HEUREUSE"

    SANS COMMENTAIRES

  • CHROISTIQUESLE BIEN DU SICLE

    Le confortable dont la recherche apparat.oit lgitime tant qu'il s'agit de l'installationd'un calorifre, d'une salle de bains, d'unW.-C, on conoit mal que puisse en avoircure qui prtend se vouer l'esprit. Et cepen-dant des mots tels que Dieu, Amour, uneboutade positiviste, des sourires pingls,tous les artifices et prcautions oratoiresdont s'entourent ceux qui veulent tre dudbat et ne rien risquer, sont offerts commeautant de fromages la fivre grignotantedes rats de laboratoire, de salon et de sacristie.Mais, la vrit, elles ne manquent pas d'unelourde inquitude les pirouettes de l'oursBon Sens, et, dj, la peur s'empare des plusprudents qui, avant l'inexorable Rien neva plus se htent de faire leurs jeux, tantet si bien qu'ils misent tout de traviole. D'ola terreur de cet honnte homme classique,accoutum depuis des sicles pratiquerla politesse selon La Bruyre et chercherdes volupts {dlicates ?) dans les bibliothques,les muses, les villes en ruines.Or aujourd'hui, parce que des descriptionsbien balances, un effet de soleil sur troisvieilles colonnes et tous les procds de l'artne suffisent plus lgitimer les tartuferiesd'une soi-disant civilisation, qui veut sedivertir et en mme temps prendre bonneopinion de soi, trouvedifficilementde nouveauxprtextes des joi.es amphibies. Sans douteaprs avoir promis une pleur de chromoromantique, des sourires mauves, une anmierageuse et des masturbations derrire lespiliers de cathdrale, un Octave Feuillet petitpied ( la tienne, Etienne), avait-il eu l'ama-bilit de constater l'existence d'un nouveaumal du sicle. Mais le mal du sicle, pilulebien dore, mieux lanc qu'un produit phar-maceutique, offert, gros ou dtail aux courri-ristes littraires des quotidiens, aux critiquesdistingus des revues, son inventeur, endpit de ses incantations, de ses cris, unemain sur le coeur Dieu, ternel tourment deshommes, n'a tout de mme pas t capable denous dire de quoi s'autorisait sa pharmacopenon plus que de quel critrium il partait, pouraccuser un mal dans la rvolte des espritsqui ne croient pas et n'acceptent pas defaire semblant de croire que tout soit poul-ie mieux dans le meilleur des mondes. Il fautavoir un singulier amour du paradoxe et uneoutrecuidancecapable de plus sinistres calem-bredaines pour parler de faiblesse ds qu'unepense ne permet plus qu'on l'asservisse ets'oppose la quasi universelle lchet.

    Feindre de voir un malaise dans la colred'un esprit qui brise les entraves quotidienneset sociales, ce serait, par dduction, s'engager dclarer des hommes tels que Rousseau,Luther, moralement et intellectuellement inf-

    rieurs aux cuistres pudibonds, aux critiquespeureux auxquels ils ont accoutum de donnerla jaunisse.

    Mais, tandis que des momies inofensivesse. desschent dans les bandelettes du droitcanon, se nourrissent du pain d'pices desmuses ou de quelque vieille couenne conven-tionnelle ; d'autres qui pourtant ont la fiertde leur jeunesse, avec des airs entendus dansla crainte d'tre dupes du relatif, ne l'ontqu'aider au triomphe du mdiocre. D'ailleurs,sans doute ne parviennent-ils point seconvaincre eux-mmes puisqu'ils blment l'es-prit de Rvolution dans ce sicle, ils louentcomme les meilleures d'aujourd'hui les oeuvreso cet esprit se trouve le plus parfaitementexprim.

    La grandeur de l'esprit s'arc-boutant pourbriser ses chanes les surprend, les effraie ettrop profondment touchs par cette grandeurqu'ils voudraient nier, continuant ce sabotagedes valeurs qui a fait nommer mal du siclece qui tout au contraire est le seul bien dusicle, ils essaient de voir l'origine de cetteascension, de cette soif d'absolu, clans desdtails honteux-. Ainsi avons-nous pu liredans une Revue que le service militaire, lavrole, le manque d'argent taient les troiscauses du phnomne spirituel contemporain.Ds lors je me demande comment l'auteur decette boutade (au reste, le seul qui ait ds'y laisser prendre) peut faire pour daignerencore parler ou crire pour une espce qu'iljuge si grossirement terrestre qu'elle nesaurait selon lui avoir d'inquitudes quedans les courants d'air d'un corps de garde,les taudis et les chancres ? A noter d'ailleursque cette plaisanterie "de collge est au fondun jeu verbal, du mme ordre que l'invo-cation dj cite Dieu ternel tourment deshommes, dont on a tent de nous l'aire une scierappelant un peu des phrases comme : A s-tuvu Lambert ; ou Ils ont du poil aux pliesles Zomards. Il est dcidment trop facilede se payer de mots. On met Dieu la mode,mais qu'est-ce que Dieu ? Quand Drieu LaRochelle interwiev dclare : Dieu veut direce ralisme, cet optimisme, sorti du pessimisme j'ai tout juste envie de rpondre que pourqui se soucie del'esprit. les notions de bonheurou de malheur, donc de pessimisme ou d'opti-misme sont quantits ngligeables. Sans douteles quatre- lettres de Dieu sont-elles encorelourdes de tout ce dont on a voulu les chargerau cours des sicles, pour qu'elles puissentprojeter une ombre douce sur le sommeilde ceux qui en ont assez de se tracasser ettout de mme conservent la manie mtaphy-sique aussi franaise que le gigot aux haricots.Mais quand le mme Drieu La Rochelle entendpiloguer sur YErreur des surralistes et tons-

  • J8 CHRONIQUEState

    on vivote pour vanter, aprs cettejolie dcouverte, l'Amour et Dieu, je merappelle une chanson de Morin o l'attirailreligieux, qui prend aussi un sens ralisteet optimiste, parat d'une signification plushaute, plus respectable, qu'on en juge d'aprsles quatre vers de ce couplet :

    Je f'garde entre ses jambesJ'y vois le paradisJe r'garde entre mes jambesEl j'y vois Jsus-Christ.Mais, pour en revenir nos

    moutons, c'est--dire nos cri-tiques rationalisto-ralisto-posi-tivisto-no-mystiques, sien dpitde leurs efforts vers la pertinenceils ne dcolent pas de cette terreo vivent d'ailleurs bien gras,bien luisants des vers amoureuxdes toiles, c'est que trop sen-sibles encore certain esth-tisme, dupes de quelques imageset syllabes bien ion liantes, ils separalysent sous des cuirasses desens commun et d'une contre-suite impose ce brouillard,leur pense, croient prendre litnotion prcise de soi. Ainsi, enest-il d'ailleurs depuis le troplaineux eogilo enjo swn. Mais que ce soit Descartes que nous devions d'assister larevendication d'une, proprit intellectuelledont les droits ne sont pas plus justementfonds que ceux des possessions matriellesindividuelles, en dpit du respect commun-

    ment vou la fameuse phrase je pense doncje suis, comment ne pas condamner un indi-vidualisme qui mconnat les phnomnes d'unchange impondrable mais rel, les richessesde nos domaines indivis en mme tempsque cette vidence communiste de l'esprit,

    une vidence que nul ne. peutnier aprs certaines rencontres,et aussi les transmissions inex-pliques et inexplicables sichaque homme se bouche ensoi-mme, comme une vieilleputain croulantedans son corset.A noter d'ailleurs que cet indi-vidualisme ne voit la libert,le progrsque comme un gosmedont l'unit se gonfle. Ainsiavons-nous eu l'autre famille,l'autre patrie, l'autre religion.Mais finalement, comme ilsmanquent de vritable con-fiance en soi, tous-ceux qui l'aisant semblant de se soumettreaux objets, au monde ext-rieur qu'ils disent objectif, enralit construisent pour leurpersonne, dont ils ont un gotmesquin encore qu'exclusif, desprisons. Le mal du sicle n'estque dans l'ennui rsign etverbal de ceux qui renoncent

    et se vantent de renoncer par bon sers, ouesprit religieux. Le bien du sicle est dansce principe mme de rvolution quoi abou-tissent les hommes dociles l'esprit.

    Ren CREVEL.

    3* COLLECTIONFELIX POTIN

    ROCKEFELLER

    EUROPEQuelle puissance secrte, quel dmon tout-

    puissant a souffl sur nous ce vent glac etmortel ? Nous ne sommes plus "que cadavresvivants

    vivants, hlas I Nous avons toutrejet de ce qui fut l'ignoble raison de vivrede nos pres :, qu'avons-nous acquis? 11 nenous reste plus qu' mourir l'esprit ou nousvouer au dsespoir. Jadis, j'ai vu auprs demoi mes compagnons faire leur choix tragiqueet mon dernier orgueil est de penser que nesont pas plaindre ceux qui se. condamner,; souffrir les transes de l'agonie.

    ...Ainsi, peu peu, l'treinte implacable dunant se resserre sur notre gorge. Franais,nous coulonschaque jour le pouls de la Franceralentir ses pulsations ; Europens, nous sen-tons se figer le sang de la vieille Europe. Europeexsangue, reine d'une bourgeoisie-cadavre etde proltariats abtardis, que peux-tu nousoffrir ? Tu as laiss se gangrener les derniersde tes fils, capables d'un sursaul sauveur, lesrvolutionnaires. Mais quelle contagion rapide 1N'ont-ils pas recherch le mal qui les frappe

    eux-mmes ? Le vieil arbre ne portera jamaisde vivaces rameaux. Nous n'avons plus qu'unespoir : de lointaines coules de peuples bar-bares sur le cadavre dcompos de l'Occident ;mais les gestations profondes de l'invasion sontlongues et les annes, les dcades passerauprs de ce cadavre empuanti quellesbesognes, quelles penses ou quels rvesles employer ?

    INVENTION DE DIEUL'absolu, leur terreur, ils l'ont appel Dieu :

    ils lui ont impos une barbe sale et ries yeuxstupides ; Dieu si triqu que jamais i! ne lesgnera dans la conclusion de leurs marchsdouteux, dans leurs honteuses tractations.Dieu, ils l'asseoient sur leurs comptoirs, mas-cotte grimaante, et avec l'argent vol ilspaient leur voyage Lourdes. Tous, cagots oupositivistes, sont bien les fils de saint 1 homas.Ce Dieu policier, ce Dieu magistrat, c'est biencelui que l'iglise a forg au tours des sicles:Dieu et socit ne font qu'un : ce n'est qu'audel de Dieu que l'on peut crer un monde

  • CHRONIQUES

    nouveau: avec lui nous devons engager lalutte au couteau.

    Les gens-l ont raison. Dieu, le vrai et nonpas un mannequin leur usage, Dieu est aveceux et nous ne sommes, nous, qu'une poignede maudits. Un Dieu juste, rigoureux auxfourbes, aux grands voleurs, tous les enfantsde ce sicle, voil une bien optimiste concep-tion. Pourquoi Dieu ne serait-il pas l'impi-toyable tortionna-e de toute grandeur ?

    Comme ce serait facile ! Vertu, puret, sim-plicit, rsignation, puis la mort

    un sourire

    et l'ternelle batitude. Je me suis rvoltcontre ce flot de douceur, je ne veux pas de

    ,cette paix ne de la lchet, la pire, lchet,celle de la pense.

    11 faudrait croire comme tous ces faibles,rpter la leon apprise, murmurer des parolesque l'esprit condamne. Non ! Je veux ma placedans le cortge, entre l'assassin et le blasph-mateur. Jamais un mot que l'esprit rejette.Se concentrer sur soi-mme, se raidir. Quelvide, quelle solitude !

    La lchet ou la douleur, il n'y a pas pournous d'autre choix possible. Et il faut choisir.Vingt fois, jadis, j'ai senti sourdre en moicette pense ; j'ai fui. Je ne peux plus fuir :je te jette sur le papier, pense terrible, et lepapier est mon tmoin.

    Demain, si notre ignominie ne s'avre pasabsolue, ce sera toujours l'angoisse, en fin decompte, qui nous fera cortge. Rconfortante,pense.

    Victor Cruslre.

    DE L'USAGE DES GUERRIERSMORTS

    Une nouvelle religion s'est tablie depuisla guerre, une religion qui ralise vraimentl'union sacre entre tous les hommes de tousles pays combattants, dont tous les vivantssont les prtres austres, une religion plusabsurde et plus laide encore que les autres :celle des morts.

    Et de quels morts I Asservis tous lesmensonges, tous les