La relation de soin aspects...

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SHS 2013 Agata ZIELINSKI Professeur agrégé de Philosophie Faculté de Médecine de Nancy Université de Lorraine La RELATION de SOIN Aspects philosophiques

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SHS

2013

Agata ZIELINSKI Professeur agrégé de Philosophie

Faculté de Médecine de Nancy

Université de Lorraine

La RELATION de SOIN Aspects philosophiques

Le soin

• Qu’est-ce que soigner ?

• To cure : en vue de guérir.

• To care : prendre soin, être attentif. Favoriser la relation.

• Attention: ne pas séparer les deux !

• Requiert :

• Compétence.

• Compréhension.

• Respect.

• Non seulement savoir scientifique, mais

connaissance de la situation de vie du malade.

Aspects de la relation

• Tradition hippocratique : lutte commune du

médecin et du malade contre la maladie – le

médecin étant au service du malade.

• « Le colloque singulier ». Mais exclut la dimension

sociale du soin et de la vie du malade.

• La « rencontre d’une conscience et d’une

confiance » (Pr. Louis Portes, 1950).

• Le malade (passif) remet sa santé entre les mains du

médecin (détenteur du savoir) et se soumet à ses décisions.

• Aujourd’hui critiqué : « paternalisme ».

Aspects de la relation

• Aujourd’hui, valorisation de l’autonomie du patient.

• L’autonomie est présupposée : le patient est libre et

capable de choix.

• L’autonomie est visée : la recherche de santé est aussi

recherche d’une restauration de l’autonomie (vécue

comme réduite par la maladie).

• Cf. les 4 principes selon Beauchamp et Childress (Principes d’éthique biomédicale):

• Principe du respect de l’autonomie.

• Principe de bienfaisance.

• Principe de non malfaisance.

• Principe de justice.

Aspects de la relation

La notion de consentement :

• L’obligation de recueillir le consentement du patient

avant tout acte médical ou dans le cadre de la

recherche s’est imposée progressivement.

Loi Huriet (1988) encadrant les essais cliniques.

• Code de déontologie médicale (1995).

• Loi relative au droit des malades (2002).

Lois de bioéthique (1994 révisées en 2004).

• Consentement libre et éclairé.

• Suppose la capacité de compréhension et de jugement.

• Détaché de toute pression médicale, familiale, sociale.

• Information: transmission d’un contenu ; écoute ; dialogue.

Au premier regard

Le soignant

• Debout

• Blouse blanche

• Instrument

• Savoir

• Savoir faire

• Pouvoir

Le patient

• Couché

• En pyjama ou dénudé

• Les mains nues

• Demande

• Se laisser faire

• Vulnérabilité

Une relation asymétrique

• « D’un côté celui qui sait et sait faire, de l’autre

celui qui souffre ».

• Le soignant, un « agent » : il agit sur l’autre. Du

latin agere :

• Conduire, pousser devant soi.

• Gouverner.

• Le « patient ». Du latin patior :

• Souffrir.

• Subir.

Il subit à la fois la maladie et l’action d’un agent autre que lui !

Une relation asymétrique

• Risque de « réifier » le patient:

• Le considérer comme une « chose », un « objet » de soin plutôt que comme un sujet.

• Cf. nouvelles techniques médicales : imagerie…

• Mise à distance de la personne, voire du corps.

• Réduire la personne à sa maladie, à un symptôme ou à un organe.

« Ce n’est plus l’homme qui intéresse la médecine moderne à travers son histoire et sa personne, mais la maladie, et le corps identifié à une machine » (David Le Breton).

Réduire l’asymétrie ?

• Autonomie. Créer les conditions d’une décision

autonome – sans accabler le patient d’informations, ni le

laisser seul face à la maladie ou à la mort.

• Quelle réciprocité ?

• Rencontre de 2 sujets, 2 personnes ayant chacune:

• Une histoire unique.

• Ses représentations, valeurs, croyances.

• Sa perception de l’existence, de la santé, de la maladie.

• Des émotions.

• Empathie (capacité à prendre le point de vue d’autrui).

• L’un et l’autre modifiés par cette rencontre (cf. Viktor

von Weizsäcker).

Réduire l’asymétrie ? (1) Gebsattel

• Viktor Emil von Gebsattel (1883-1976) réfléchit sur la

médecine scientifique et ses dangers.

« Le véritable être humain, sain ou malade, est au-delà de

l’approche scientifique. L’analyse rationnelle et méthodique de ce qu’elle cherche fait que la démarche scientifique est

réductrice ».

• Pour parer à cela, 3 niveaux de la relation médicale :

• Sympathie. Accueil et attention à la souffrance

d’autrui.

• Stade objectif. Diagnostic et moyens

thérapeutiques.

• Partenariat. S’adresser à l’autonomie du patient.

Réduire l’asymétrie ? (2) Ricœur L’alliance thérapeutique selon Ricœur (1913-2005).

• Un pacte de soin basé sur la confiance.

• Une promesse réciproque : « Engagement du

médecin à suivre son patient, et engagement du

patient à se conduire comme l’agent de son propre

traitement ».

Responsabilité à la fois du médecin et du malade.

• Alliance contre « l’ennemi commun, la maladie ».

• Ce pacte tacite s’appuie sur les normes en cours

(cf. code de déontologie). Est garanti par :

• Le secret médical.

• Le droit à l’information (vérité partagée).

Réduire l’asymétrie ? (2) Ricœur

Réarticuler vulnérabilité et autonomie.

o Ne pas oublier que l’autonomie ne va pas de soi: elle s’acquiert, et n’est pas acquise une fois pour toutes. Sans cesse à reconquérir.

o Notre situation initiale est la vulnérabilité. Cf. nouveau né. C’est parce que nous avons bénéficié des soins d’autrui que nous sommes devenus autonomes.

o « L’autonomie est celle d’un être fragile, vulnérable. Et la fragilité ne serait qu’une pathologie, si elle n’était la fragilité d’un être appelé à devenir autonome, parce qu’il l’est

toujours d’une certaine façon ». Ricœur, Le Juste 2, « Autonomie et vulnérabilité », p.86.

Réduire l’asymétrie ? (2) Ricœur

• L’autonomie advient dans une situation d’interdépendance.

• Repérer et accompagner les capacités (ou « capabilités ») : une responsabilité dans la relation de soin.

• Capacité de répondre à la question Qui suis-je? (identité).

• Capacité d’agir.

• Capacité narrative (récit, élaborer un sens à son existence).

• Capacité de se reconnaître l’auteur de ses paroles et de ses actes (responsabilité).

Réduire l’asymétrie ? (2) Ricœur

• La sollicitude, attitude éthique par excellence:

• Permettre à l’autre de valoriser et développer ses capacités lui (re)donne l’estime de soi.

• Dimension relationnelle des capacités :

• Etre reconnu.

• Trouver des partenaires.

• Etre entendu.

• Etre responsable devant d’autres.

Réduire l’asymétrie ? (3) Levinas

• Levinas (1906-1995) renverse l’asymétrie !

• C’est le plus vulnérable qui a pouvoir sur celui qui est en position de savoir ou de force.

• La souffrance de l’autre s’impose à moi,

« malgré moi ». Face à face avec le visage

d’autrui.

• Je deviens responsable d’autrui. Responsabilité :

répondre à son appel.

• Vulnérabilité propre au soignant : être exposé à

la souffrance d’autrui. Fondement de sa

responsabilité, ouverture à l’autre.

La dimension éthique de la relation

• Chaque patient est unique. Le considérer

comme tel.

• Respect (cf. Kant) ou sollicitude (cf. Ricœur)

• Ne pas réduire l’autre à sa vulnérabilité.

• Ne pas le réduire à un objet.

• Le considérer non seulement comme un patient,

mais comme un agent, ie autonome !

• Le considérer comme un sujet : dans son rapport

à soi-même, aux autres, au monde – dans sa

globalité.

• Considérer l’autre à partir de ses besoins,

de sa vulnérabilité, précisément pour ne pas l’y réduire.

• Prendre soin, ce n’est pas considérer autrui

comme un objet de soin, mais comme un

sujet :

• Non seulement un sujet qui consent,

• Mais un sujet qui participe;

• Afin de parvenir à davantage d’autonomie.

La dimension éthique de la relation