La migration féminine, entre adaptation aux changements climatiques et environnementaux et

transformation des valeurs culturelles dans la commune rurale d’Imanan (Niger)

Amadou OUMAROU

UAM/LASDEL

Contexte de l’étude

• La question centrale de recherche de WP 2 : « Comment les individus et les groupes font face à l’incertitude climatique et environnementale, en particulier à travers la modification de leurs activités économiques, leurs réorganisations sociales et la mise en œuvre de stratégies d’adaptation? »

Contexte de l’étude

Au Niger l’étude est menée par trois chercheurs du Lasdel sur deux sites (Bonkoukou et Wankama) autour de trois axes de recherche

- Communes et le foncier (Abdoulaye Mohamadou)

- Transactions foncières et marchandisation des ressources naturelles (Issaley Nana)

- Perceptions et manifestations des changements climatiques et environnementaux, et les réponses extra-agricoles apportées (Amadou Oumarou)

Contexte de l’étude

• Comment se manifestent les changements climatiques et environnementaux au niveau local (commune) et quelles réponses extra-agricoles sont apportées à ces changements?

• Les enquêtes préliminaires (2012, 2013) ont permis d’identifier différentes réponses extra-agricoles à ces changements : vente de paille, des résidus de récoltes, du bois, du charbon; exode rural; …; migration féminine

Contexte de l’étude

• La méthodologie utilisée: - Démarche qualitative de type socio-anthropologique - Techniques de collecte de données : entretiens semi-directifs, observations et études de cas. - Les sites d’enquête ont été identifiés à partir de la technique d’échantillonnage « boule de neige » quatre villages de la commune d’Imanan (Bonkoukou, Baley, Kochilan Sourgou et Kochilan Bella) quatre espaces de la ville de Niamey constituant des espaces d’accueil de migrantes de la zone: Musée national, le siège de l’USTN, Bukka Bokoye et Hôtel Sabka Lahiya

Contexte de l’étude

Cet exposé vise trois objectifs essentiels:

- expliquer l’ampleur de la migration féminine dans la comme d’Imanan

- établir un lien entre cette forme de mobilité et les changements climatiques et environnementaux dans la commune

- analyser les transformations sociales et culturelles locales nées de cette migration

L’ampleur de la migration féminine dans l’Imanan

• La pratique migratoire, un phénomène ancien et saisonnier qui concerne plutôt les hommes

• Une faiblesse de la migration des femmes

• Une amplification du phénomène depuis 20 ans

• Des études récentes mettent en évidence (Jacquemin,

2009; Lautier et Destremau, 2002; Mandel, 2006; Guénard, 2013, etc.) l’importance de la mobilité spatiale des femmes et l’analysent à la fois comme un besoin stratégique et un moyen pratique d’accès à des biens (financiers et matériels)

L’ampleur de la migration féminine dans l’Imanan

• La théorie de la nouvelle économie de la migration de travail (stark in Flahaux, 2013) semble appropriée pour comprendre cette forme de migration féminine.

Elle présente deux caractéristiques majeures:

- Elle place la décision de migrer au centre de l’unité familiale

- Elle analyse le migrant comme un individu qui entend atteindre un objectif précis et qui retournera dès que sa propre situation économique lui permettra de faire face aux risques auxquels son ménage est soumis dans l’espace d’origine

L’ampleur de la migration féminine dans l’Imanan

Dans la commune de l’Imanan, l’ampleur de la migration féminine s’observe autour de trois aspects principaux: a) les effectifs de femmes concernées: pas de statistiques

disponibles; mais cette migration concerne tous les villages et la plupart des ménages (illustré par plusieurs entretiens)

b) la diversité des catégories de migrantes: les jeunes filles, les jeunes mariées et les femmes chefs de ménage (divorcées, veuves ou celles dont les maris sont absents ou invalides)

c) les causes annoncées de la migration: la décision de migrer revêt des caractéristiques variables, mais résulte en général d’une concertation familiale

L’ampleur de la migration féminine dans l’Imanan

- Le « fosterage » (Goody 1969): de moins en moins fréquent dans la commune, concerne les jeunes filles (10-15 ans)

- la visite d’un parents à Niamey: elle est longtemps restée la principale cause de la mobilité féminine et concerne surtout les femmes d’un âge avancé.

Cette forme de migration est comparable à celle de la « petite nièce » décrite par Jacquemin (2009): pas de salaire, mais des cadeaux en fin de séjour.

L’ampleur de la migration féminine dans l’Imanan

- La recherche d’un emploi temporaire: diverses activités sont pratiquées par les migrantes

Le travail de domestique : concerne surtout les jeunes filles et les jeunes mariées

Le petit commerce (beignets, feuilles de moringa: copto, etc.) pratiqué par jeunes mariées et les femmes chefs de ménage

La vente de nourriture: concerne les femmes plus âgées.

Dans les tous les cas l’objectif principal est d’accéder à des ressources financières, matérielles et/ou symboliques

L’ampleur de la migration féminine dans l’Imanan

Ces ressources servent à:

s’acheter des habits et des cadeaux pour les autres membres de la famille restés au village

se soigner le corps (améliorer son physique à travers la bonne nourriture et le repos)

compléter le stock alimentaire du ménage,

se constituer le trousseau de mariage pour les jeunes filles

Evolution du contenu du trousseau avec la migration féminine dans l’imanan

Première forme du trousseau

- un lit en bois (tessat)

- un lit en tige de mil (dangarsa)

- une natte en palmes (tangara)

- un oreiller en cuir

- des tasses (cansi)

- des calebasses (gaasu)

- des deegara

Prise en charge par les parents par confection et/ou par achat

Forme actuelle du trousseau

- deux lits dungunkuturu,

mairunfa, karbanda, kano-ize, ou

formica

- deux matelas

- une table

- une parterre

- un cache murs

- une douzaine de tapis

- deux chaises

- des tasses

Prise en charge par la jeune mariée à partir des ressources tirées de la migration

NB: cette évolution du trousseau trouve ses causes profondes dans les transformations de l’environnement immédiat des populations

Manifestations des changements climatiques et environnementaux dans l’Imanan

• Les manifestations des changements climatiques:

- Faiblesses des pluies et leur mauvaise répartition dans le temps et dans l’espace

- Changement de direction de vents dans une même saison

- Modification sensible des températures

- Perturbation des connaissances locales des signes annonciateurs des changements de saisons

Manifestations des changements climatiques et environnementaux dans l’Imanan

• Les manifestations des changements environnementaux :

- La disparition de plusieurs espèces fauniques, arbustives et herbacées

- L’apparition de nouvelles espèces arbustives et herbacées peu utilitaires

- La dégradation continue des sols (érosion, lessivage, ensablement, etc.)

Effets sur la qualité des terres de culture, sur la productivité agricole des ménages, sur l’accès aux ressources naturelles

Figure : cycle causal de la migration féminine dans l’Imanan

Migration et transformations socioculturelles dan l’Imanan

Diverses transformations socioculturelles nées des migrations sont observables dans la communes d’Imanan

- Participation plus visibles des femmes dans la prise en charge alimentaires des ménages (achat de vivre, envoies de sommes d’argent ou de restes de nourriture « hauru kogo »)

- autonomisation économique des jeunes filles (constitution par elles mêmes du trousseau de leur mariage)

Migration et transformations socioculturelles dan l’Imanan

- responsabilisation et décision dans leur choix de partenaire conjugal

- « Reconfiguration physique », nouveau look, nouvelles ambitions (comparativement à celle restée au village)

La migration participe à l’amélioration de l’image sociale de la femme dans l’espace communal d’Imanan

Migration et transformations socioculturelles dan l’Imanan

• Au-delà de ces aspects positifs, la migration féminine présente des revers pour les pratiquantes et les membres de leurs familles

- Régularité de cas de grossesses non désirées

- Refus d’exercer certaines activités ménagères village (piller, puiser de l’eau ou chercher du bois de chauffe)

- Fréquence de divorces pour les jeunes mariées

- Des cas de refus de retour au village

Conclusions • Même si la migration est une pratique ancienne, celle des

femmes est bien récente dans la commune de l’étude et prend de l’ampleur depuis ces dernières décennies.

• L’ampleur de cette migration peut s’interpréter comme une réponse à la fois individuelle et collective (engage aussi les autres membres de la famille) à la récession économique des ménages causée par les formes variables des changements climatiques et environnementaux

• La pratique migratoire en ville de Niamey devient progressivement une étape de la vie (un passage obligé) pour nombre de jeunes femmes de la commune d’Imanan.

• La migration féminine est vecteur de perturbation de l’ordre familial local (fragilisation de l’autorité parentale, autonomisation de la femme)

Je vous remercie de votre attention