La mer, le maure et l'Espagne

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    Pendant le Moyen ge, la Mditerrane sert de lieu de communication et daffrontement entre laPninsule Ibrique et lOrient dans un va-et-vient des hommes et des ides. La domination musulmane partir de la prise de Constantinople va intensifier les conflits. Charles Quint et Philippe II vont essayer dereprendre les routes commerciales. Au XVIme sicle les pirates barbaresques multiplient leurs attaques.En 1610 les morisques sont expulss vers lAfrique du Nord. Alors le centre daction va devenir lOcanAtlantique.

    Mots Cls: Mer. Maure. Espagne.

    Erdi Aroan zehar, Iberiako Penintsularen eta Ekialdearen arteko komunikabide eta gatazka bide izanzen Mediterraneoa, gizonen eta ideien joan-etorrien erdian. Konstantinopla hartu eta gero, musulmanaknagusitzeak gatazkak areagotuko zituen. Carlos V.a eta Felipe II.a merkataritza bideak berreskuratzen saia -tu ziren. XVI. mendean, erasoak ugaritu zituzten pirata berbereek. 1610ean moriskoak Afrikako iparralderakanporatu zituzten. Orduan Ozeano Atlantikoa ekintza gune bilakatu zen.

    Giltza-Hitzak: Itsasoa. Mairua. Espainia.

    Durante la Edad Media el Mediterrneo sirve de lugar de comunicacin y de enfrentamiento entre laPennsula Ibrica y el Oriente en un vaivn de hombres y de ideas. A partir de la toma de Constantinopla,la dominacin musulmana va a intensificar los conflictos. Carlos V y Felipe II van a intentar retomar lasrutas comerciales. En el siglo XVI los piratas berberiscos multiplican sus ataques. En 1610 los moriscosson expulsados hacia frica del norte. El Ocano Atlntico se convierte entonces en el centro de accin.

    Palabras Clave: Mar. Moro. Espaa.

    La mer, le maure et lEspagne(The sea, the Moors and Spain)

    Cardaillac, YvetteUniv. Michel de Montaigne, Bordeaux 3Institut dEtudes IbriquesF-33607 Pessac Cedex Gironde

    BIBLID [1137-442X (2002), 21; 439-454]

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    INTRODUCTION

    Lassociation de ces trois mots fait surgir un ensemble de rfrences his-toriques, littraires, et iconographiques dont beaucoup se concentrent auXVIme et XVIIme sicles, moment-cl o lactivit du bassin mditerranenva basculer vers lOcan Atlantique aprs la dcouverte de lAmrique. Lhu-maniste Cervantes dans le chapitre XIV du livre III de son dernier livre prco-nise lunion de lhistoire, de la posie et de la peinture1 comme le fait main-tenant la littrature compare pour couper le cloisonnement des disciplines,jeter des ponts entre les hommes et le cultures pour essayer de briser lesides toutes faites. En utilisant cette perspective nous aborderons doncnotre expos en trois points: dabord une brve synthse des moments his-toriques se rfrant au maure et la mer, ensuite nous apporteronsquelques rfrences littraires et enfin nous analyserons une reprsentationiconographique tardive de la mer faite par un peintre espagnol qui passamaintes fois par St-Jean de Luz dans ses nombreux trajets entre Madrid etBordeaux. Nous partirons dun proverbe espagnol: no hay moros en la cos-ta qui signifie il ny a pas de danger, symbolis videmment par le maure. Ilmarque bien la hantise imprime dans le langage envers un peuple arriv etreparti par la mer et qui revient encore au XXme sicle, mouvement cons-tant de va-et-vient entre lAfrique, lAsie et lEurope.

    HISTOIRE: LES MAURES, LESPAGNE ET LA MER OU LHUMANIT EN MOU-VEMENT

    Les arabes minoritaires arrivent en 711 par le dtroit de Gibraltar avecTarik leur tte, suivis de nombreux berbres qui se mlangent trs vite lapopulation autochtone o ils dominent cause des dissensions entre lesWisigoths. Ab-al Rahman I (756-788), descendant des Omeyades de Damasfuit les massacres et, unique survivant, vient sinstaller Cordoue, alors quequelques chrtiens sorganisent dans les montagnes des Asturies. La dynas-tie quil y fonde va dominer pendant deux sicles la ville qui laccueille, cen-

    tre intellectuel, commercial international et centre religieux de lIslam. Ellegnre le va-et-vient sur le Guadalquivir et la Mditerrane. A Cordoue, Svi-lle, Valence et Malaga venaient des professeurs et des tudiants de tout lemonde islamique attirs par la rputation des coles2. A partir du Xme si-cle se dveloppent de longs voyages scientifiques pendant lesquels on vacouter les matres des coles de Tunis, du Caire, de la Mecque, de Basso-ra... Les manuscrits venus de tout le monde mditerranen arrivent en Espag-

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    1. CERVANTES, Miguel de, Los trabajos de Persiles y Sigismunda, Buenos Aires, Mxico, Espasa-Calpe,1952, 340 p., p. 259: La historia, la poesa y la pintura simbolizan entre s y se parecen tanto, que cuan-

    do escribes historia, pintas, y cuando pintas, compones. No siempre va en un mismo peso la historia, nila pintura pinta cosas grandes y magnfcas, ni la poesa conversa siempre por los cielos, Chapitre XIV dulivre III.

    2. SCHACK, Frederich von, Poesa y arte de los rabes en Espaa y Sicilia, Madrid, Hisperin, 1988441 p. p. 40.

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    ne et y sont lus, prpars et souvent traduits. Les almoravides venus duMaroc font fortifier le port de Sville car il sert pour le dbarquement et il estle lieu de concentration des corps darmes du Maroc (1091-1114)3.

    Linstallation des Almoravides du Maroc en Espagne au XIme sicleentre 1090 et 1092 est contemporaine de la perte de la plus grande partiede la Sicile par lIslam: de nulle part ne vient aide et secours aux musul-mans4. Par ailleurs le fondateur du mouvement almohade Ss Ibn Tmart (v.1080 - 1128):

    ...entreprit le voyage de lOrient dans le but dy continuer ses tudes,et, en passant par lEspagne, il visita Cordoue... Ayant travers la mer, il

    dbarqua au port dAlexandrie o il puisa un vaste fonds de connaissancesauprs des plus savants docteurs5.

    La constitution des grands empires hispano-maghrbins, almoravide etalmohade permet lIslam pninsulaire de rsister la pression de lOcci-dent en expansion comme laffirme Bartolom Benassar6. Mais dans la viedes musulmans leau de la Mditerrane sale, strile, voie de passage etde conflits soppose leau douce, facteur de fertilisation et de purification,toujours prsente dans le paradis dAllah: Lcrivain Sad-al-jair de Valencecrit:

    Mon Dieu ! La noria dborde deau douce dans un jardin dont les bran-ches sont couvertes de fruits dj murs7.

    Mais aprs des guerres civiles, la chute du Califat fait clater lEspagneen petits royaumes qui nauront plus cette envergure pour les voyages mari-times multiples et varis. Aprs la conqute de Grenade en 1492, les musul-mans dans les ballades ou romances ds quils voient la mer et un bate-au, attendent laide du Turc qui domine la Mditerrane depuis 1453 (Con-qute de Constantinople) car ds quils le peuvent, ils tablissent descontacts avec leurs coreligionnaires dAfrique du Nord ou ils sunissent auxactions de pillages et de rapts des pirates barbaresques sur les ctes mdi-

    terranennes. Cest pour cela que ltat espagnol dicte des lois pour lesempcher de porter des armes et de vivre sur les ctes. Ces descendants

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    3. LAGARDRE, Vincent Les almoravides, le Djihad Andalou (1106 - 1143), Paris, lHarmarran, histoireet perspectives mditerranennes, 1998, 328p, p.133.

    4. URVOY, Dominique Pensers dAl Andalous , Toulouse, Presses universitaires du Mirail, d. du CNRS,1990, 212 p., p. 17.

    5. Ibid. p. 18.

    6. BENASSAR, Bartolom, Histoire des Espagnols, Paris, Armand Colin, 1985, T. I, 535 p, p. 53, Nais-sance de lislam Andalou, chapitre II.

    7. Dios mo! La noria desborda de agua dulce en un jardn cuyos ramas estn cubiertos de frutos yamaduras, p. 162. GARCA DE CORTZAR, Fernando; GONZLEZ VESGA, Jos Manuel, Madrid, Alianza,1994, Breve Historia de Espaa, 740 p.

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    musulmans dhommes venus dAfrique va dboucher au cours des siclessur des retours progressifs qui vont suivre les phases de la Reconqute etles rpressions diverses des mudjars puis des morisques8.

    Au dbut du XVIme sicle, en quelques annes les musulmans sont con-vertis au catholicisme par force9, des dates diffrentes selon les rgions.De plus quelques dates cls vont conditionner lattitude du gouvernementenvers les nouveaux chrtiens: Charles Quint russit lexpdition de Tunis en1538, Lexpdition dAlger choue en 1541, celle de Djerba en 1560. Maisla victoire de Lpante en 1571 sur les turcs va librer un instant lEspagnequi va se proccuper de ses problmes intrieurs. Braudel10 nous parle delopposition irrductible des deux civilisations qui se partagent la Mditerra-ne. Elle se prsente comme un espace en mouvement o tout passe, hom-mes, marchandises, civilisations, pidmies, plantes et animaux.

    Les traitements que reoivent les morisques les incitent sallier auxturcs et senfuir vers la Turquie, dailleurs les fugitifs sarrtent souvent Venise. A partir de Valence et de Grenade avec une barque et quelques joursde bon vent, on peut atteindre les ctes dAfrique. En outre, ils changentdes lettres et reoivent poudre et armes. Par ailleurs ceux qui habitent Cher-chell en Afrique du Nord se sont spcialiss dans le passage clandestin dumorisque de Grenade, de Valence ou dAragon, laide de brigantins quils

    construisent et qui peuvent contenir une douzaine dhommes. A leur arrivesur les ctes dEspagne ils cachent lembarcation et pntrent vers lintrieurpour dlivrer leurs parents et capturer des chrtiens quils vendent au retoursur le march dAlger (raid Orgiva le 23 Aot 1565). Dailleurs ces circons-tances sont reprsentes dans de nombreuses gravures en particulier lenl-vement de femmes, comme celle de Roger-Viollet11 qui prsente laspect dra-matique et humain du problme. Valence, Almera et Majorque se spciali-sent dans la course anti-barbaresque, les voyages de rachat desclaveschrtiens, le commerce et ils utilisent des frgates lgres.

    Il en existe mme qui font laller-retour pour des raisons religieuses ou

    familiales. En particulier un plerin accomplit le voyage La Mecque12

    , dau-tres ne pensent quau retour aprs leur dpart comme ce morisque dArva-lo qui rejoint les siens St-Jean de Luz aprs avoir vu partir ses coreligion-

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    8. Des migrations massives se produisent du bloc europen au bloc africain en 1492 (conqute de Gre-nade), 1502 (conversions forces), 1569-1571 (aprs la rvolte de Grenade), 1609 (expulsion des moris-ques).

    9. CARRASCO URGOITI,Mara Soledad, El moro de Granada en la literatura, Grenade, Universit, 1989,409 p., p. LV

    10. BRAUDEL, Fernand, La mditerrane et le monde mditerranen lpoque de Philippe II, Paris,Librairie Armand Colin, 1949, 1160 p, p. 583.

    11. WISMES, Armel de, Les flibustiers du XVIIme sicle, Histoire et Socit n 82, Fvrier-Mars 2000,80 p, p. 4 26, p. 8.

    12. PAO Y RUATA, Mariano, Las coplas del peregrino de Puey monn, viaje a la Meca en el siglo XVI,Saragosse, 1897.

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    naires du port dAgde. Il crit une lettre son ami Sbastien Redondo, vieuxchrtien dont il espre laide pour le retour. En voici quelques lignes:

    Aprs avoir pass huit mois en France dans le port dAgde, trentelieues de Marseille o jai vu sembarquer 25.000 hommes du royaumedAragon et 2.000 castillans, je ne me suis laiss convaincre par aucundentre eux pour aller Tunis. Je prfrerai et de beaucoup aller Romepuis revenir dans ma patrie, fatigu de parcourir des pays trangers. Danscette ville, jai su que mes parents et amis taient St-Jean-de-Luz et cestpourquoi je les ai rejoints. Ce que je peux dire de la France cest que cestune rgion trs fertile et quatre fois plus peuple que lEspagne, ils sonttrs contents que le roi ait renvoy autant de gens parce quils trouventque maintenant la nation sest affaiblie. Ce sont les plus grands ennemisdes espagnols.13

    Le point de vue du morisque qui souffre du mal du pays est celui de lacollaboration avec lEspagne dans lespoir du retour.

    Pendant le XVIme sicle et au dbut du XVIIme beaucoup de morisquesont eu affaire lInquisition cause deleurs pratiques religieuses musulmanes ou cause de pratiques magiques. Elle lescondamne et les envoient ramer sur lesgalres royales, surtout sils sont jeunes, cause de la pnurie de bras, ce qui qui-vaut une condamnation mort car lamoyenne de vie est de trois ans. Un paysande 29 ans14 Amador Samperuelo est con-damn six ans. Cest le cas de lulmamagicien Gernimo Ptiz de la Fora qui doitainsi accomplir pendant sept ans ce travailforc15. Juan Campaero, riche commer-ant de Saragosse, directeur spirituel de lacommunaut crypto-musulmane de la villeest aussi condamn ainsi.

    Ltat ne trouve plus de volontaires eta du mal lancer de nouvelles galres.Vers le milieu du XVIme il en existe unecentaine avec chacune 160 rameurs (Unminimum de 16.000 hommes). Philippe IIdonne des ordres pour que les hommesrestent au-del du temps impos par lechtiment. En 1567 une lettre du pape

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    1 3. TAPIA, Serafn de, Los moriscos de Castilla la vieja, una identidad en proceso de disolucin?,Sharq al-andalus, Universit dAlicante, 1995, 714 p, p. 179-195.

    14. Anne 1595, AHN, INQ, Zar, livre 989 fol. 657 vo.

    15. AHN, INQ, Zar, livre 990, folio 440 vo.

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    autorise la transformation de peine de prison perptuit en peine de gal-re cause du besoin pressant de bras pour la lutte contre les turcs.

    Cest donc pour cela que le tribunal de lInquisition prfre condamner lesprisonniers aux galres qu mort, surtout sils sont accuss de pratiquer lamagie. Certains cause de leur ge avanc se dgageaient de cette charge,dautres prfrent se suicider pour lviter16. Certains avaient recours des pra-tiques magiques pour essayer de sen dispenser. Cest aprs le rgne de Ferdi-nand le Catholique que le travail des galriens rduit ainsi les charges de ltat.

    De nombreux esclaves sont faits lors des batailles ou daffrontements enmer: Juan Maroto, tunisien de 33 ans est esclave depuis lenfance: il a t faitprisonnier lge de cinq ans et on a inscrit sur son visage quil appartient Juan Pacheco. A cause de ses pratiques magiques il est aussi condamn 6ans sur les galres. lvaro Bazn est lui aussi captur lorsquil va de Tripoli Alger dans un petit bateau de commerce avec ses parents, et il fait partie dubutin de guerre de Juan de Austria. Il est g de 13 ou 14 ans. Il suit ses diversmatres, de grands seigneurs, il va avec eux Mallorca, Lisbonne, en Galice,en Viscaye, Ceuta, Melilla, Tanger. Il conomise, achte un esclave pourle remplacer et se libre. Mais on peut aussi payer pour viter la condamna-tion. Le docteur Hiernimo Pachet17 paie 200 ducats pour se soustraire sixans sur les galres que lui a valu le fait dexercer la mdecine alors quil estmorisque et que cest interdit pour lui. Pedro Berbe del Pastor18 cope poursoins avec invocation du dmon de 10 ans de galres et de 100 coups defouets. Il ne possde ni fortune, ni rputation et se trouve pleinement exposaux dispositions de lInquisition qui possde aussi un Tribunal de la Mer.

    LA LITTRATURE SE FAIT-ELLE LCHO DE CES FAITS HISTORIQUES?

    Les grands noms de la littrature espagnole se sont intresss au probl-me du maure et de la mer, temptes, attaques, change de prisonniers:

    Lope, le dramaturge le plus prolixe et le plus aim du XVIIme sicleespagnol nous dcrit dans un sonnet la tempte dont nous ne donnerons iciquun quatrain et que nous verrons illustre par Brugada:

    Les vents dtruisent la campagne et les navireslarc-en-ciel boit la mer ses extrmits,il monte jusquau ple et nouveau il pleut;alors la terre, la mer et le ciel sembrasent19.

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    16. COLOSIA RODRIGUEZ, Isabel; GIL SANJUN, Joaquin, Los mtodos disuasivos de la Inquisicin, inJbega n 34, Mlaga, 1981.

    17. AHN, INQ, VAL, livre 936, folio 275, anne 1580.

    18. AHN, INQ, Zar, livre 989, folio 753 vo, cause 88.

    19. Vega Carpio, op. cit. p. 56, poesas lricas, soneto n 13, A una tempestad. VEGA CARPIO, LopeFelix, Obras escogidas, Poesas lricas, poemas prosas, estudio preliminar de Federico CARLOS SAINZ DEROBLES, Madrid, Aguilar, 1946, 1965 p, p. 78.

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    Cervants, linitiateur du roman moderne prsente Don Quichotte et San-cho, reus dans une galre dans le port de Barcelone avec tous les honneurssur le vaisseau amiral. La salve est accompagne de celles des autres navi-res de lescadre. Sancho stonne de voir les galriens dans leur nudit, cesderniers sassocient une mauvaise plaisanterie sur la personne de lcuyerqui transport de bras en bras et de bancs en bancs fait le tour de la galrecomme en volant, pensant tre le jeu des dmons. Le pauvre paysan souf-flant et souffrant ne comprend rien cette situation et son matre se deman-de sil sagit dun bizutage rserv aux nouveaux visiteurs. Cest alors qualieu lattaque par un petit voilier barbaresque. Deux turcs tuent deux soldatsespagnols ce qui dchane la colre du gnral qui les rattrape dans leur fui-te. Il savre alors que le capitaine du bateau est une femme morisque chr-tienne qui souhaite revenir en Espagne comme beaucoup de ces musulmansexpulss qui regrettent leur terre dorigine20. Bien videmment elle retrouvecomme par miracle son pre Ricote, un autre morisque qui se trouvait l deretour, aprs divers priples.

    Cervants fut prisonnier des barbaresques et sjourna au bagne dAlgerpendant plusieurs annes. Il a recr des atmosphres par ailleurs la modedans la littrature de son temps, toujours sources daventures rocamboles-ques du got du roman byzantin. Il nous dcrit lattente des gens dun villa-ge de la cte enferms dans une tour. Ils se protgent de larrive des turcsqui viennent faire des razzias. Pour alerter les bateaux patrouilleurs ils son-nent les cloches toute vole. Mais pendant ce temps la plupart des moris-ques pars de leurs plus beaux atours attendent leur coreligionnaires avecjoie. Ils mettent le feu au village et la porte de lglise qui ne brle pas carelle est en mtal21.

    Sur les ctes les populations chrtiennes sont dans lattente et la crain-te car voici ce qui se passe en mer:

    Le vol, les richesses, les captifs, que les turcs trouvrent dans le seinde la triste galre, tout cela ma racont un chrtien qui perdit l sa liber-t si douce et si aime22.

    Dans Persiles... Cervants encore nous dcrit une bataille navale dontnous ne donnerons ici que la synthse:

    La marie et moi, nous sommes monts dans un bateau avec sixrameurs mais quand nous avons atteint la pleine mer, la nuit venait de tom-

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    2 0. CERVANTES, Miguel de, Obra completa I, El ingenioso hidalgo Don Quijote de la Mancha, Alcal deHenares, Centro de estudios cervantinos, 1993, 1.107 p, ch . LXIII: de lo mal que le avino a Sancho Pan-za con la visita de loas galeras y de la nueva aventura de la hermosa morisca, p. 1.035 1.043.

    21. CERVANTES, Miguel de, Los trabajos de Persils y Sigmunda, Buenos Aires, Espasa Calpe, 1952,340 p, p. 248-249.

    22. CERVANTES, Miguel de, Teatro, El trato de Argel, Paris, Bouret, 1947, 244 p, p. 87 152, p. 117 118. El robo, las riquezas, los cautivos / que los turcos hallaron en el seno / de la triste galera, me hacontado / un cristiano que all perdi la dulce / y amada libertad.

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    ber et nous navons aperu aucun navire. Nous avons dcid dattendre le

    jour pour voir si nous en apercevions un et le sort voulu que nous endcouvrions deux. Lun qui sortait de lendroit o il stait abrit et lautrequi y allait... Je reconnus les drapeaux et les voiles (de lun) traverss decroix rouges, lautre tait marqu de vert. Lun et lautre taient des cor-saires... Je fis mettre un drapeau blanc sur une lance... Le capitaine parutet quand je voulus madresser lui... un pouvantable coup de tonnerrequi venait de lautre bateau me fit taire, ctait ainsi quon se lanait undfi... En un instant, les deux bateaux commencrent se canonner, com-me deux inconnus ou comme deux ennemis irrits. Nous nous sommescarts et nous avons regard la bataille pendant plus dune heure... Ceuxdu navire qui venait de lextrieur..., les plus courageux, se lancrent surle pont, turent leurs ennemis, sans exception23.

    Mais dans les contes orientaux traduits et adapts lespagnol par lesmorisques qui veulent conserver leur identit musulmane, la mer peut tre lerefuge et la rcompense suprme de la bont dme, de laide aux vieuxparents. Lexemple est donn par ce jeune homme vtu de blanc qui vit dansun flacon, nourri par un oiseau blanc. Il suit le rythme de la lumire et ainsiretir, les vices du monde ne latteigne pas. Il refuse de partager le pouvoirdu roi Salomon24 qui le lui propose. Ailleurs dans sa qute mystique et spiri-tuelle, Buluqa un hros musulman marche sur leau aprs stre frott lespieds avec un onguent prpar avec les feuilles dun arbre qui parle. Il va travers la mer, dle en le, la recherche dAllah. La littrature occidentalemet en scne des vnements historiques quotidiens potiss et mythifis.La littrature orientale manie par les musulmans dEspagne utilise la mercomme moyen, comme chemin symbolique de qute spirituelle et mystiquedans la recherche de Dieu.

    LA MER, SON ICONOGRAPHIE, SES MATRES

    Le muse de la marine de Madrid se fait lcho de la relation entre lesmusulmans et la mer mditerrane25. Le catalogue nous prsente le fanal dunavire amiral turc de Lpante (1571) en provenance de la maison de la mar-

    quise de Santa Cruz Madrid soutenue par le bras noir et muscl dun escla-ve. Un tableau anonyme prsente une galre courante 24 rames de la findu XVIIme sicle26. Le tableau numro 4799 reprsente un combat navalentre espagnols et turcs au XVIIme sicle. Il est attribu au peintre flamanddAnvers, Cornelis de Wael27. Sur une toile peinte lhuile de 92 x 152 cm il

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    23. CERVANTES, Miguel de, Los trabajos de Persils y Sigmunda, op. cit., p. 148-149.

    24. Manuscrit Aljamiado anonyme transcrit par Mara Josefa FERNNDEZ en Libro de los castigos, Tesisindita, Oviedo, 1990.

    25. GONZLEZ-ALLER, Jos Ignacio, Catlogo-Gua del museo naval de Madrid, Madrid, Ministerio de laDefensa, 1996, 256 p.

    26. GONZLEZ-ALLER, Jos Ignacio, Catlogo-Gua del museo naval de Madrid, ibidem. p. 35 et 38.

    27. 1594-1669.

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    nous prsente le combat entre deux galres sur la mditerrane; Philippe IIIacquit ce tableau. Le portrait de don Juan dAutriche28 figure dans la galeriede portraits. Fils naturel de lempereur Charles Quint et frre de Philippe II,nomm en 1568 capitaine gnral de la Mditerrane, il soumit en 1569 lesmorisques des Alpujarras. A la tte des forces de la Sainte Ligue forme parlEspagne, Venise et le Pape, il remporta la victoire de Lepante le 7 octobre1571. Deux ans plus tard il prit Tunis et Bizerte. Sous le numro 105 figureaussi don Alvaro de Bazn premier marquis de Sainte Croix29 qui se porta ausecours dOran et qui participa la conqute de Vlez de la Gomera en 1564et ferma lestuaire de Tetun la mme anne. Il vint au secours de lle deMalte en 1565 et participa la campagne contre les morisques de Grenadeen 1569, la bataille de Lepante en 1571 et la conqute de Tunis en1573. Il mourut Lisbonne en 1588 alors quil tait capitaine gnral de lamer ocane. Parmi les tableaux figure un autre combat naval entre espagnolset turcs sign par Juan de la Corte30. La reproduction de la quille dun che-bec31 en miniature32 est intressante parce que cest une embarcation typi-quement mditerranenne voile et rame dorigine arabe employe pour laguerre et le transport. Elle avait frquemment trois mats et des voiles lati-nes. Dans larme, ces embarcations pouvaient porter jusqu 32 canons.Un tableau dAngel Cortellini reprsente Antonio Barcel qui repousse latta-que de deux galiotes33 algriennes avec son chebec courrier en 1739. Unautre tableau nous renvoie la reconqute dOran en 173234. En Espagne

    aux XVIme et XVIIme sicles, la mer na pas attir les grands matres de lapeinture espagnole et pas du tout les maures dEspagne, pas plus que lespaysages peu nombreux dans lensemble. Les musulmans reprsentent lesvagues dans des dessins gomtriques qui sincluent dans les cramiquesou alors ils bauchent un bateau dans lart de la calligraphie mais la tradi-tion religieuse de cette priode se refuse la reproduction raliste que lesartistes contournent donc au moyen de concepts mathmatiques dans luti-lisation sacre de lcriture35. Une miniature reprsente lhistoire de lhom-me tomb la mer avec lpisode du dluge et de No: elle nous rvle uneesthtique du voile o lhomme est rduit une toute petite dimension par

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    2 8. 1545-1578, huile sur toile 197 x 112 cm, peint en 1854 par Ramn Salvatierra y Molero (1819- ?)copie dun original dAlonso Snchez Coello (1531-1588) du muse du Prado.

    29. 1526-1548, huile sur toile 70 x 56 cm, peint en 1828 par Rafael Tejeo (1798-1856) copie dun ori-ginal anonyme de la maison du marquis de Sainte-Croix.

    30. 1597-1660, peintre n dans les Flandres, il vint sinstaller Madrid en 1613 il fut slectionn parle comte duc dOlivares pour dcorer le salon des royaumes du palais du Buen Retiro avec Zurbarn etVelzquez. Sa production abondante se concentre sur le thme des batailles navales et terrestres. N 950.

    31. Jabequa / chambequn.

    32. 90 cm x 21 cm.

    33. Galeotas.

    34. Huile sur toile de Manuel Caldern, copie dun original de Domenico Mara Sani.

    35. CLMENT, Jean-Franois, Limage dans le monde arabe: interdits et possibilits p. 11 42, in Li - mage dans le monde arabesous la direction de G. Beauj et de J.F. Clment, Paris, CNRS ditions, 1995,322 p.

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    rapport lensemble. Il ne peut avoir de relief dans le milieu marin. Le pein-tre ne doit pas sadonner au pch dorgueil et crer limage de Dieu36. Par-mi les marines prsentes au muse Naval de Madrid quelques bateaux depeintres peu connus reprsentent la mer, les moyens de transport divers etles hommes. Mais parmi eux se dtache la production dAntonio de Brugada,mariniste espagnol du XIXme sicle, ami de Goya Bordeaux qui eut loc-casion dobserver la mer, maintes reprises puisquil fit frquemment levoyage de Bordeaux Madrid en passant par le pays basque o il est mort, Saint Sbastien en 1863, du fait de ses attaches affectives et familialesdans ces deux villes. Il est mari Madrid et vit avec une compagne Bor-deaux. Mais ce qui fait lunion avec le maure cest son expression passion-ne. Il dcouvre le romantisme en France et ses productions sont en ruptureavec la tradition picturale hispanique37. Dans la peinture espagnole de pay-sage, la nature nest jamais le protagoniste exclusif, la prsence humainemarque la persistance du costumbrismo du XVIIIme sicle. Son oeuvreimportante couvre la priode de 1833 1844 et correspond des concep-tions artistiques constantes (sans volution dans le style). Cest lcolehollandaise qui linfluence dans la cration de marines dessence historique(combats navals), de marines autonomes propices la rverie et de scnesde naufrages avec les lments38 dchans (considres comme fortementromantiques). Mais on sent aussi limpact du Radeau de la Mdusede Gri-cault et celui de Turner avec le tableau intitul Incendio de un buque a la vis -ta de un puerto de noche. Brugada reprsente dans un tableau lhuile surtoile le combat du Saint Vincent qui eut lieu le 14 fvrier 1797.

    Dans la peinture dhistoire aussi, Brugada est un observateur desprogrs de la science dans sa reprsentation du tableau Isabel II39. Ce ba-teau, construit Bordeaux, command par le gouvernement espagnol en1841, est peint en 1842. Il reprsente le mouvement dapproche de la ctesous un ciel nuageux, sur une mer agite et dore, quelques mouettes sui-vant les embarcations. Dautres tableaux sont des inventions de lartiste etintgrent des lments fantastiques du romantisme avec chteau, glise got-hique ou construction mdivale, dailleurs Biarritz avec sa cte tourmente,

    la villa Beltza, lglise nogothique Ste Eugnie, la chapelle impriale auxcarreaux de faences reproduisant ceux de lAlhambra de Grenade est paressence la ville romantique. Lorientalisme se dveloppe dailleurs au XIX-me sicle, mais ce sont alors plutt des peintres europens qui sintressentaux origines orientales de lEspagne. La bataille navale peut tre illustre par

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    36. Nous pouvons lobserver dans ce dessin de lArche de No qui provient peut-tre du Diwan de Hafizde 1590, Washington, Freer, Gallery of Art. Il reprsente le thme traditionnel de lhomme tomb leauet sauv qui illustre lpisode du dluge et lhistoire de No, inspir dun rcit qui parle de lui comme dunprophte.

    37. Ambach Ginette, La peinture espagnole lpoque de Goya, Recherches sur Brugada, Bordeaux, uni-versit, 1998, 49 p., mmoire de DEA, p. 2.

    38. Le peintre aurait connu aussi lcole hollandaise chez son mcne le comte de Santamarca.

    39. El vapor de la Armada espaola: Isabel II, huile sur toile (diamtre 62 x 91 cm) 1842. Muse NavalMadrid.

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    le texte antrieurement mentionn de Cervants. Incendie dun bateau40rvle linfluence de Turner avec des effets de lumire, la nuit: un bateauembras illumine le ciel, les murailles et les flots, crant une atmosphreinquitante. Quelques rameurs dans une embarcation sapprochent. Le pein-tre sintresse aussi aux scnes de naufrages trs la mode car faisantappel aux motions et aux sentiments excessifs dans le got de la prioderomantique: Nufragos haciendo seales41: lhomme confront aux lmentsdchans se situe dans une composition en diagonale. Pendant quun per-sonnage agite un drapeau blanc, dautres gisent larrire au milieu dunemer dmonte et dun ciel tourment. Mais la mer reste le sujet essentiel dutableau, relguant le drame humain au second plan. Nous illustrerons cetableau par un texte du roman de 1555 Viaje de Turqua o le mauvais tatdu bateau sur le point de faire naufrage rappelle Le radeau de la Mduse.

    Le patron abondonna, dsespr, le gouvernail et se mettant genoux il se mit invoquer St-Nicolas et ils me demandrent nouveauQue pouvons-nous faire? Je rpondis avec colre... que le diable nousemporte et je me prcipitai vers un vieux morceau de voile et avec deuxmorceaux je prpare une petite voile et je mets en croix deux poteaux que

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    4 0. Incendio de un barque, peinture huile sur toile (31 x 38,5 cm) Muse Naval.

    41. Naufrags faisant signe, huile sur bois 23 x 38 cm, Muse Naval.

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    je trouvais et je leur dis tirez sur les cordes et en tirant appelez tous les

    saints que vous voulez; ne pensez pas que les saints vous aideront si vousne vous aidez pas vous-mmes. Notre navire avana... Si (le vent) staitcalm nous serions morts de faim42.

    Enfin Alba de Amrica43 montre linitiation du basculement de lactivitmarine de la Mditerrane lAtlantique avec larrive des caravelles de Chris-tophe Colomb dans une chaude lumire diffuse de composition quilibre. LaSanta Mara voiles replies se dtache sur une mer sombre, agite aux refletsdors. Mais au dbut du XXme sicle, cest la France qui supplante lEspagneen crise, aprs la perte de ses dernires colonies en 1898. Cest elle qui seporte en lment civilisateur de faon caricaturale vers le Maroc44.

    Les romantiques comme Brugada expriment leur subversion dans ladfense dun type de peinture: le paysage o il ne spare pas le sujet de sonobjet dtude. Par lobservation de la nature oeuvre de Dieu, le peintre peuttranscender le rel pour accder une vision mystique du monde au del desprincipes de la science et de la raison. La nature est tout un symbole et per-met une apprhension globale du monde. La mer, les nuages sont des sig-nes, des voiles mystiques et le spectateur doit lire ce hiroglyphe pour acc-der au divin, guid en cela par lartiste qui associe dans son travail de per-ception la raison et lme. Lessence du monde cest la rencontre avec Dieuet en cela ces peintres rejoignent les maures dont la profession de foi est il

    nest dautre Dieu quAllah et Mahomed est son prophte: ils voient la divi-nit cratrice derrire toute chose.

    Lartiste se situe en intermdiaire entre le beau et le sublime, il recher-che le pittoresque marqu par lirrgularit, la brusque variation et lasym-trie45. Dans cette situation il se situe en situation de marginalit. Le moris-que dEspagne souvent crypto-musulman est partag entre le dsir de tra-verser la Mditerrane pour rejoindre ses coreligionnaires ou celui deregagner son village dorigine. Mais ces situations de marginalit dynamisentles individus domins ou dominants vers la cration dune uvre picturale oudune vie ou survie aventureuse, dangereuse mais certes, toujours digne

    dintrt. La figure du bateau est la mtaphore de la vie humaine selon lepote, secou pour la tempte et livre au hasard:

    Ma petite barque jete au milieu de tant de jalousie et damiti fein-te est gouverne dans la mer par la patience et les rames sont ma plumeet mon pe46.

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    42. Texte espagnol rsum du texte espagnol.

    43. Huile sur toile, (1,20 x 1,90), Muse Naval.

    44. La France va pouvoir porter librement au Maroc la civilisation, la richesse et la paix, Le petit jour -nal, 16 Novembre 1911, n 1096.

    45. op. Cit. Brugada p. 35.

    46. VEGA CARPIO, Lope Felix, Obras escogidas, Poesas lricas, poemas prosas, estudio preliminar deFederico Carlos SAINZ DE ROBLES, Madrid, Aguilar, 1946, 1965 p, p. 78.

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    Annexe 1

    Carta de un morisco de Arvalo a un amigo cristiano viejo escrita desde el des-tierro en el sur de Francia.

    AHN, Inquisicin, 3 205, exped. 1.

    Mui deseado y leal amigo Sabastin Rredondo como a buen amigo le quiero darparte de mi avsencia y salud y tanbin por saber de la de buesa mered y de la seo-ra Mari Gutirrez y de los dems amigos que me quieran azer mered. Sabr el SeorSabastin Rredondo por sta el discurso de mi larga avssenia cumplido por la bolun-tad de Dios Nuestro Seor ques el criador y rremediador de todas las cossas y el ber-dadero juez que juzga y juzgar los corazos [sic] por su secreto juizio mui diferente

    que los ombres del mundo que con sus barias opiniones y propsitos quieren ser jue-zes de las almas aziendo a los aflixidos rreos y ellos santos eztera. Todo quanto ehecho y dicho mientras e bibido en ese lugar le juro por la salvazin de mi alma, asde fiestas como de otras cossas, assido con mui bueno y santo zelo en serbizio deDios y de la Birxen Santissima del Rrosario a quien yo serba mui de corazn sin dudade otra cossa y anque yo fuera moro, como algunos judos pensaban, los moros laquieren y rreberenzia[n] tanto como los cristianos y ms y ass es esta satisfazinpara que buesa mered y los dems crean ques ass, que si otro fuera en tierra estoide libertad que pudiera dezir otro y ass si otro me ubiera suzedido muriera susten-tando la berdad que yo s mui bien que algunos traidores me procuraban per der [sic]

    y entre tantos malos fue Dios serbido que ubo uno bueno que me abiso yDios, comobuen seor, y la Birxen Santissina, que saba el santo y buen zelo con que yo la ser-bia, me libraron de quatro aos de prisin y de un cruel martilio, bendito sea lamaxestad de Dios y sus grandes secretos que quando se a de cumplir su boluntad lordena [sic] cmo El es serbido. Como se echa de ber por la perdizin de tantos ninos[sic] y muxeres ynozentes padeziendo tan grandes trabaxos tan sin culpa por aberaconsexado a su maxestad tan mal se a bi [s] to en Espaa una de las cosas msespantables quen los rreino [s] del mundo sean bisto y ass creo como cren [sic]todas las naziones del mun [do] que xams Espaa ber buen da que zierto a mobi-do a muchaion [sic] passin no digo solas las naziones, ms a las yerbas y piedras yms por ser un caso tan sin culpa que prometo que todo quanto se a dicho contraesta nazin a sido pasin y enoxo y por mexor dezir boluntad de Dios que nos a que-rido dibidir el sentimiento que yo tengo de mi patria y amigos como el seor Sabas-tin Rredondo ssiento mucho su avsenzia y anque entiendo no ser credo porque tie-nen por zierto que nos queramos alzar con la tierra es burla y, si eso fuera as, yofuera el que fuera de los primeros que lo supiera, juro por la salbazin de mi alma quea[n] sido todos enbuste [s] y mentiras del demonio para que nos perdamos nossotrosy buesa mered es como ber brebemente en el discurso del tienpo y en las aparen-cias que se ban trazando y creo que los ynozenten [sic] sin culpa estn pidiendo jus-tizia a Dios lo encamine como mejor sea todo para su santo servizio y a todos nos dpaz, a los unos y a los otros, para que acabemos esta triste bida que con tantos tra-baxos padezemos. Estado [sic] en Torrellas gran parte de mi avsenzia y despus ochomessen [sic] en Francia en el puer [sic] de A [g] de, treynta leguas antes de Marse-lla, donde e bisto enbarcar beynte y cinco mill ombres del rreino de Aragn y dos mi[l]castellanos y de nenguno fui conbertido [sic] para yr a Tnez, antes deseaba muchoyr a Rroma y bolber a mi [patria?] cansado de andar por tierras axenas. En estos cui-dados supe como mi xente estaba en San Juan de Lus y as estoi com ellos. Lo quepuedo dezir de la Francia ques mui frtil de comidas y quatro bezes ms xente quenEspaa y questn mui contentos de quel rrei a echado tanta xente fuera por que dizenque aora es mui pequea, son enemigos capitanes de losespaoles, desean mucho

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    la gerra contra Espaa por la codizia del tessoro que sola a de perder y de tener tan-

    to [s] y tan grandes ynimigos, particularmente los luteranos, que son muchos los deFrania, y si no fuera por la muerte del rrei, que tena ziento y zincuenta mill ombresy ziento y zincuenta piezas de artillera, y muchos millones ? Tambin dizen quel granTurco aze mui grande armada, no se sabe para do ms de que los moriscos de Espa-a, particularmente los granadinos, andan con gran solizitud llebando muchos pre-sentes al Gran Tur [co] y procurando azer las mentiras berdaderas, ass que pues dez -an que no aba quien abisase de nengunade las que se imaxinaban contra Espaayo con mui buen zelo abiso y digo quest mui a cuenta a Su Maxestad de sacar derraz los moris [cos] dese rreino dezendientes de moros, anque finxan ser buenoscatlicos. El seor Sabastin Rredondo me ar mui gran mered de a CristbalSer[r]ano le dar un grande abrazo de mi parte y al seor don Gome y al seor don Die-go Ossorio y a los dems caballeros y amigos. Beso mil bezes las manos. [A] Juan de

    Arvalo, Benito Se[r]rano, Franzisco Ssedeo y otros muchos que por no ser prolixono pongo sus nombres dar mis encomiendas y que no les pese de me aber acom-paado en las fiestas de la Madre de Dios que Tanto como ellos y ms que otro] bella-cos las [he] tenido en mi corazn. Bien e sabido que un bellaco de un fraile dixo enArvalo que me ababia [sic] bisto en Arxel, ms ya no se ussa dezir verdades. Dioslos guarde de enemigos de la Santa fe catlica y a m mencamine en su santo ser[vizio]. Buesa mered mescriba dndome parte de lo que ai de nuebo despus delurto delizencado palomo con la estafeta. Lo que ubiere de nuebo escribir a buesamered, lo presente es quel Duque de Saboya ba sobre Xinebra, es mui fuerte y tie-ne mui gran fabor. Dios guarde a buesa mered con la compana muchos aos. Fechade marzo a 30, ao 1611 aos.

    Su leal amigo de buesa meredAntonio de Abila47

    Annexe 2

    A una tempestad

    Con imperfectos crculos enlazanrayos el aire, que en discurso brevesepulta Guadarrama en densa nieva,

    cuyo blanco parece que amenazan.

    Los vientos campo y naves despedazan:el arco el mar con los extremos bebe;sbele al polo, y otra vez le llueve;con que la tierra, el mar y el cielo abrazan.

    Mezcl en un punto la disforme carala variedad con que se adorna el suelo,perdiendo Febo de su curso el modo.

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    47. Transcription de Serafn de Tapia et traduction dYvette Cardaillac.

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    Y cuando ya parece que se para

    el armona del eterno cielo,sali Lucinda y serense todo48.

    Annexe 349

    - Ea hijos, no se nos vaya! Algn bergantn de cosarios de Argel debe de ser steque la atalaya nos seala.

    Llegronse luego las otras tres galeras a la capitana, a saber lo que se les orde-naba. Mand el general que las dos saliesen a la mar, y l con la otra ira tierra a tie-rra, porque ans el bajel no se les escapara. Apret la chusma los remos, impelien-do las galeras con tanta furia que pareca que volaban. Las que salieron a la mar, aobra de dos millas descubrieron un bajel, que con la vista le marcaron por de hastacatorce o quince bancos, y as era la verdad; el cual bajel, cuando descubri las gale-ras, se puso en caza, con intencin y esperanza de escaparse por su ligereza; peroavnole mal, porque la galera capitana era de los ms ligeros bajeles que en la marnavagaban, y as le fue entrando, que claramente los del bergantn conocieron que nopodan escaparse, y as, el arrez quisiera que dejaran los remos y se entregaran, porno irritar a enojo al capitn que nuestras galeras rega. Pero la suerte, que de otramanera lo guiaba, orden que, ya que la capitana llegaba tan cerca que podan losdel bajel or las voces que desde ella les decan que se rindiesen, dos toraqus 50,que es como decir dos turcos borrachos, que en el bergantn venan con estos doce,dispararon dos escopetas, con que dieron muerte a dos soldados que sobre nuestrasarrumbadas51 venan. Viendo lo cual, jur el general de no dejar con vida a todoscuantos en el bajel tomase, y, llegando a embestir con toda furia, se le escap pordebajo de la palamenta52. Pas la galera adelante un buen trecho; los del bajel sevieron perdidos, hicieron vela en tanto que la galera volva, y de nuevo, a vela y aremo, se pusieron en caza; pero no les aprovech su diligencia tanto como les dasu atrevimiento, porque, alcanzndoles la capitana53 a poco ms de media milla, lesech la palamenta encima y los cogi vivos a todos.

    Llegaron en esto las otras dos galeras, y todas cuatro con la presa volvieron a laplaya, donde infinita gente los estaba esperando, deseosos de ver lo que traan. Diofondo el general cerca de tierra, y conoci que estaba en la marina el virrey de la ciu-dad. Mand echar el esquife para traerle, y mand amainar la entena para ahorcarluego luego al arrez y a los dems turcos que en el bajel haba cogido, que seranhasta treinta y seis personas, todos gallardos, y los ms, escopeteros turcos. Pre-

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    4 8. VEGA CARPIO, Lope Felix, Obras escogidas, Poesas lricas, poemas prosas, estudio preliminar deFederico Carlos Sainz de Robles, Madrid, Aguilar, 1946, 1965, p. 57.

    49. CERVANTES, Miguel de, El ingenioso hidalgo Don Quijote de la Mancha, op. cit. p. 1037-1038.

    50. Turcs sols.51. Couloir de proue.

    52. Lensemble des rames.

    53. Le navire amiral.

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    gunt el general quin era el arrez54 del bergantn y fuele respondido por uno de los

    cautivos, en lengua castellana, que despus pareci ser renegado espaol.

    Annexe 455

    Dej el patrn el timn ya por desesperado, y hincronse de rodillas y comenza-ron de invocar a Sant Nicols, y tornaron a preguntarme a m:: Qu haremos ?respond con enojo: No mas pari o diavolos olus: que nos lleven todos los diablos,y salto donde estaba un pedazo de vela viejo, y hago de dos pedazos una vela chica,y pongo en cruz dos varas largas que acert a hallar, y djeles: Tened aqu, tird des-tas cuerdas, y tirando llamad cuantos santos quisiredes: no pensis que los sanc-tos os ayudarn si vos no os ayudis tambin. Comenz de caminar nuestro navo

    con aquel trinquete, como la fuerza del viento era tan grande, que cada hora seranbien tres leguas, y funos la vida que durase la fortuna, porque si entonces cesara ynos quedbamos en calma, todo perescamos de hambre, porque estbamos enmedio del golfo, y el bizcocho todo haba ido a la mar por salvar las vidas, y no pod-amos caminar sin viento. Llegamos a distancia de tierra por tres o cuatro leguas, yall aviv de tal modo el viento, que nos llev el trinquete, que del todo desesper atodos. Dijo el patrn: Seores, todo el mundo se encomiende a Dios, porque nues-tro navo va a dar en aquellas peas, adonde todos peresceremos.

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    54. Le capitaine.

    55. VILLALN, Cristbal de, Viaje a Turqua, Edicin y prologo de Antonio G. Solalinde, Buenos Aires,Mxico, Austral, 1947, 310 p.

    Le radeau de la mduse, Le naufrage, p. 153-160-161.