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1/13
Revue du monde musulman etde la Mditerrane
L'ordre de la tradition. volution des hirarchies statutairesdans la socit maure contemporainePierre Bonte
Citer ce document Cite this document :
Bonte Pierre. L'ordre de la tradition. volution des hirarchies statutaires dans la socit maure contemporaine. In:
Revue du monde musulman et de la Mditerrane, n54, 1989. Mauritanie, entre arabit et africanit. pp. 118-129.
doi : 10.3406/remmm.1989.2319
http://www.persee.fr/doc/remmm_0997-1327_1989_num_54_1_2319
Document gnr le 19/10/2015
http://www.persee.fr/collection/remmmhttp://www.persee.fr/collection/remmmhttp://www.persee.fr/doc/remmm_0997-1327_1989_num_54_1_2319http://www.persee.fr/doc/remmm_0997-1327_1989_num_54_1_2319http://www.persee.fr/author/auteur_remmm_314http://dx.doi.org/10.3406/remmm.1989.2319http://www.persee.fr/doc/remmm_0997-1327_1989_num_54_1_2319http://www.persee.fr/doc/remmm_0997-1327_1989_num_54_1_2319http://dx.doi.org/10.3406/remmm.1989.2319http://www.persee.fr/author/auteur_remmm_314http://www.persee.fr/doc/remmm_0997-1327_1989_num_54_1_2319http://www.persee.fr/doc/remmm_0997-1327_1989_num_54_1_2319http://www.persee.fr/collection/remmmhttp://www.persee.fr/collection/remmmhttp://www.persee.fr/ -
7/23/2019 volution des hirarchies statutaires dans la socit maure contemporaine.pdf
2/13
Pierre BONTE
L ORDRE
DE
LA
TRADITION
volution des hirarchies statutaires
dans la
socit
maure
contemporaine
La
socit maure tait,
l poque de la colonisation franaise,
organise
selon
deux
types
de
valeurs sociales.
Les
valeurs galitaires
de
la
tribu
s expriment,
dans
le
langage de
la parent, comme la consquence d une
origine
et d une
gnalogie
commune. Les valeurs
hirarchiques des
groupes
statutaires
que
nous
avons
appel ordres par analogie
avec les
institutions
politiques antiques
(Bont, 1987
a)
, regroupant eux-mmes un certain nombre de tribus, s expriment
travers
des
codes
culturels divergents et
correspondent
des
devoirs et des
privilges qui
s apprcient
ultimement
en
rfrence une hirarchie
politique.
Celle-ci, dans une partie
de la Mauritanie (Trarza, Brakna, Adrar, Taganet)
s inscrivait
dans le cadre des
mirats1.
Nous
tenterons dans cet article de montrer comment ces valeurs
hirarchiques,
malgr
mais
aussi
cause
de
leur
volution
sous
la
colonisation
franaise,
perdurent de nos jours et interfrent
largement
avec des problmes conomiques
et
politiques souvent poss
en
d autres termes.
Rappelons d abord
brivement
comment s organisait cette hirarchie
statutaire.
La
socit maure
mirale
comprenait
trois ordres. Les
hassns
descendants des
arabes
hilaliens,
portent les armes
et
suivent un code
rigide
de
l honneur. C est
en leur sein que se sont constitus les
mirats2.
Les zawya constituent
un
ensemble plus htrogne tant
sur le
plan des
rfrences
gnalogiques
(surv,
descendants du
Prophte,
arabes ou berbres) que sur celui de la structure sociale ( ct
de
tribus, certaines confrries
turq
sont
organises sous une
forme
tribale)
et
de
la
place
politique
qu ils
occupent
{zawya
de
l ombre,
dpendants
des
hassn,
RE.M.MM.
54, 1989/4
-
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3/13
L a
ordre
de la
tradition
I 119
et
zawya du
soleil, politiquement
autonomes).
L unit de cet ordre tient une
rfrence commune aux
valeurs et aux
codes de
l islam.
Les zawya jouaient aussi
un rle
conomique
majeur : contrle des puits, des
pturages
et des terrains de
culture, organisation
des
routes commerciales. Les eznga enfin auraient une
origine
berbre;
leveurs
ou
planteurs de
palmiers,
ils taient
soumis aux
hassn
auxquels
ils
livraient
des redevances
diverses
en
contrepartie
de leur protection
guerrire.
A
l intrieur de chaque ordre
existaient
aussi
des
hirarchies
statutaires
permettant de classer les tribus des rangs3 distincts. Ce principe de
classement
hirarchique
existe
de mme
au sein
des
tribus
(Bont, 1987 a), la gnalogie
intervenant en chaque cas comme une sorte d idologie sociale et politique qui dfinit
tout
autant les
solidarits
sociales (les
asabiyyt) qu elle ne
les
hirarchise
(Bont,
1985).
La
constitution de la
hirarchie
des ordres
est le rsultat d un
double
processus
historique
qui
traduit
aussi
la complexit des valeurs ayant trait
au
pouvoir. En
simplifiant
quelque
peu,
on
peut
considrer
que
la
distinction
entre
hassn
et
zawya
rsulte d un
conflit
qui oppose
les
valeurs
islamiques
d autres valeurs
issues du
systme tribal. La guerre de sarr
bubba,
vritable
charte
de cette opposition (Abd
el Wedoud ould Cheikh, 1985),
apparat
comme l chec d un mouvement de type
thocratique et
par
certains cts mahdiste4 face
une
coalition
de tribus
guerrires; les uvres politiques
qui
ont
t
rdiges dans ces
tribus
zawya5,
au
prix
d une
vision volontiers eschatologique de l ordre
social,
sont plus soucieuses d tablir
des
compromis avec le pouvoir que de fonder un ordre islamique. La distinction
entre hassn et eznga,
acheve avec la
constitution des
mirats, s inscrit,
quant
elle, dans le cadre
de l idologie de l honneur
et
de la
protection
: la dfaite
militaire
des
eznga
traduit
leur
incapacit
assumer
cette
protection
et
dfendre
leur
honneur
ainsi que l exprime le
vocabulaire
servant dsigner les relations
entre
ces
deux
groupes6.
Ces
valeurs hirarchisantes, parfois contradictoires,
transparaissent
particulirement
dans le
contexte
d une mobilit sociale et statutaire, plus courante que
ne
le laisse
supposer
la rigidit, fige gnalogiquement, de
l organisation
en ordres.
Ainsi on
pouvait devenir hassn,
par
affiliation une
tribu
de cet ordre, affiliation
entrine ensuite
gnalogiquement. Il
n est
pas rare
dans certaines tribus hassn
de rang infrieur, de trouver des lignes
entires d autre
origine, parfois mme
issues de hartn1, anciens esclaves. Dans une socit
o,
comme en d autres
socits
arabophones ou
musulmanes,
l interdiction
pour les
femmes
de nouer des
mariages hypogamiques,
souligne et contribue
crer la
hirarchie statutaire,
l enjeu
des
alliances
matrimoniales
se
manifeste
en ces occasions : les
mariages
entre les
lignes hassn et celles qui sont
ainsi
intgres scellent les affiliations et, comme
l exprime le
proverbe
maure, rendent les aeux gaux (Bont, 1987 a).
A
l inverse,
le repentir
(tawba) de
certaines
lignes
hassn
qui perdent,
en revenant une
stricte
acception de l islam,
leur
statut guerrier et
leurs
privilges politiques,
traduit tout autant des reclassements
au
terme de conflits
pour le
pouvoir que
l antagonisme des valeurs
politiques
hassn et zawya : revenir aux valeurs de l islam
c est
renoncer
au
pouvoir
(Bont, 1988). Si, cependant, dans l un et l autre cas,
la mobilit
sociale
est
forte,
concerne
des
groupes
dmographiquement
importants
et laisse ouvertes de multiples initiatives individuelles et collectives8, elle
respecte
la
hirarchie des
valeurs et se
traduit par
des
reclassements
:
reclassements statu-
-
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120
/ P. Bont
taires,
en passant d un ordre un
autre,
et
mme
reclassements tribaux en s affi-
liant une
nouvelle tribu.
Les
hirarchies
statutaires
ne
se limitent pas cette
organisation
des ordres
qui
concerne les seuls bidn
(les
blancs). Les abd, esclaves, et les hartn,
affranchis , globalement dsigns sous le terme sudn, les noirs ,
s inscrivent hors
de
cette organisation, dans
sa
double
dimension statutaire
et tribale.
La
situation des
abd est relativement simple ils
sont
attachs aux familles de leurs matres ,
mme si des
diffrences
de statut
sont
perceptibles en
fonction
de
leur
origine
(achets
ou ns
dans la famille)
et
de
leurs
fonctions. La situation
des
hartn
est
infiniment plus complexe. Ils ne constituent pas des
tribus
distinctes mais
restent
attachs, dans des rapports de clientle
qui
leur
sont
plus ou moins favorables, aux
tribus de leurs anciens matres. Leur
classement
statutaire peut considrablement
varier
hartn guerriers
des mirats, tlamd des grands sayh3 la plupart
du
temps
planteurs
ou
cultivateurs
mais ils
restent
exclus de l organisation gnalogique
des tribus et
des ordres. Dans
cette mesure ils
continuent
porter un
stigmate
de
servilit
qu exprime
plus
particulirement leur
absence
de
pedigree.
Ils
restent
aussi, le
plus souvent,
hors
du systme de l levage
nomade,
activit
dominante et valorise,
et
se consacrent l agriculture ou aux
plantations
de
palmiers.
Cette spcialisation
n est
pas neutre :
outre
la ncessaire
complmentarit qu elle
permet
d introduire
dans les systmes de production pastoraux, elle facilite la
perptuation d un contrle social sur les hartn par
l intermdiaire
du contrle
foncier qu exercent les
bidn
dans
le cadre du systme tribal9.
Telle est la socit que
dcouvrent
les
Franais et
qu ils
vont,
avant mme la
conqute
coloniale, dcrire en
fonction de leur
propre apprciation de
ces
hirarchies
et
des
valeurs
qui
les
commandent.
Nous
nous
arrterons
plus
longuement
ces
reprsentations
coloniales
car elles sont lies aux
politiques
mises en
uvre
et l volution de ces
hirarchies
statutaires durant la colonisation.
Il
s agit selon Coppolani d une organisation
sociale
comparable celle de notre
Moyen Age... La noblesse est reprsente par les Hassania (sic)... le clerg par
les Matres du Livre ou interprtes fidles du Coran entours de leurs
tributaires, vassaux et serfs10. Bref il s agit d un rgime fodal que les hritiers de
la Rvolution
franaise
se doivent de
transformer au nom
de
leur
uvre
civilisatrice.
Politiquement, Coppolani s appuie
sur les zawya,
couche
industrieuse, sinon
laborieuse11, et sur tous les exploits
du Tiers-Etat
contre les
guerriers
has-
sn pour
entreprendre sa
conqute
pacifique
de
la
Mauritanie
interrompue par
sa
mort, en
1906, Tijikja12.
Les
difficults
de la conqute,
qui s avoue
dsormais militaire la
rsistance
maure continue aprs l occupation de l Adrar (1909), alimente par la dissidence
des tribus
du Nord
, vont sensiblement
modifier l image coloniale de
la
hirarchie des
ordres. Image dsormais
fixe
par des militaires, Gouraud, Patey, Mou-
ret, etc.,
en charge
d une conqute moins aise que ne
la
prvoyait Coppolani.
Ces
militaires sont tout
disposs
admettre une hirarchie qui valorise
les
qualits
guerrires dont le
colonisateur
a besoin
(formation
des
goums puis
des G.N.,
groupes nomades)
pour contenir
la pression
des dissidents13.
Les
Instructions
transmises,
en
1912,
par
le
Colonel
Patey,
responsable
des
oprations
en
Mauritanie,
son successeur14, dessinent une politique qui
sera
longtemps
suivie
dans
la colonie. Le principe, affirm de multiples reprises par Gouraud lorsqu il occupe
-
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5/13
L ordre de la tradition
I
121
l Adrar15, de maintenir
l organisation hirarchique
de la
socit
maure, se
traduit
sur le
plan politique tablissement
d un
rgime de protectorat
sur
les
mirats
qui,
dans l Adrar du moins, restera effectif jusqu en 1920
et
social :
il s agit
de toucher
aussi
peu que possible
aux
structures antrieures mme si leur
maintien est contradictoire avec l uvre
civilisatrice qui
lgitime l entreprise
coloniale 16.
C est propos de l esclavage que cette contradiction
apparat le
plus clairement.
Des multiples
tmoignages
de l engagement
en
faveur du maintien de l esclavage
que met
en
vidence
la lecture
des
archives coloniales nous n en retiendrons
qu un,
particulirement
significatif17. Il
s agit d une lettre
du
Lieutenant-Gouverneur
Gaden au Chef de Bataillon Commandant de l Adrar18 :
Tous
les
actes
?
aman
que
nous
avons
accord
aux Maures
portent
que
nous
respecterons
leur tat
social,
leurs biens. Nous avons
donc
reconnu
une
situation
de
fait. Les
serviteurs
restent
dans la
famille
de
leurs
patrons dont
ils constituent
la
main
d oeuvre.
Les Smsd d Atar
lorsqu ils se sont
prsents au Colonel Gouraud
en janvier 1909, ont
bien
spcifi
que
leur
seule
fortune se
composait
que
de
moutons,
d nes
et
des produits
du sol et que
sans
leur
main
d oeuvre, leur
principale
ressource, leurs rcoltes
disparatraient.
Il
tait bien entendu que leurs serviteurs resteraient
avec
eux.
Avoir reconnu cet
tat
de
fait ne veut
point dire que
nous
pouvions
autoriser
la
traite,
c est--dire
la
vente
de
l individu
des
trangers. Ce trafic, en dehors de
ce
qu il
a
de
reprehensible, est
du
reste contraire aux intrts
des
patrons qui, par
cette
vente, perdent
une
main d oeuvre qu ils ne peuvent plus remplacer,
la paix que nous avons
instaur en
Mauritanie
ne permettant plus
en
effet
de ramener
des
captifs
du
Sud.
Et cela les
Maures le
savent
bien.
Nous devons donc par tous les moyens en notre
pouvoir empcher
la traite.
Il est un point
cependant sur
lequel j estime devoir
attirer votre
attention, il
peut
arriver que
dans
certains
contrats entre
Maures, pour
la constitution
d une dot par exemple,
il
soit
spcifi
qu un
serviteur
sera
donn
par
l poux.
Il
n y
a
point dans
ce
cas
dlit
de traite,
le
serviteur,
dont nous avons
reconnu
la
condition,
reste
dans
la
famille et ne
quitte point le pays,
ce
n est point
une perte
pour le patron.
Avecbeaucoup de ralisme, sinon un certain
cynisme,
on
trouve l expos
l essentiel
de la politique
coloniale vis--vis de l esclavage.
Il
s agit de perptuer,
en l
adoucissant, une
pratique
indispensable. Dans le cas
des hartn,
cette politique est
moins
claire,
sans doute parce
que
leur
situation de clients
libres est elle-mme
moins
facile
transcrire sous
des
concepts accessibles, mais
aussi
parce que leur
fonction assez gnrale de producteurs agricoles fait
d eux
les enjeux de la
politique coloniale sous
un
autre de
ses aspects
:
favoriser
la
fixation
des nomades
et
le
dveloppement
de
la
production agricole
en
vue
d une
certaine
autonomie
de
la
colonie.
D un ct l administration coloniale facilitera l installation
des
hartn
en
adabwe
(sing : adabay) autonomes et fixes,
qui
ne sont plus menacs par les
pillages
et
extorsions des
hassn.
De
l autre elle reconnat l organisation
tribale
et les droits collectifs
sur le sol
des bidn19, ce qui facilite la
mise
en
place
de
nouveaux systmes
contractuels, fonds
sur des sortes de mtayage, qui
prvoient
la
livraison d une part importante de la rcolte
au
propritaire (jusqu la moiti).
Dans ces
conditions,
la limite plus avantageuse
pour
le
matre
que l esclavage
domestique, les affranchissements se multiplient, aussi bien sur les terres
agricoles du sud que dans les palmeraies de
l Adrar
et du Taganet20.
Localise au
sein du
systme
des
ordres de la socit
bidn, la
question
des
hurma
et
des
gafer21
se
pose
en tout
autre
terme.
Sur
ces
redevances
repose
le
pouvoir
traditionnel des hassn et
l armature
politique de la socit mirale : l administra-
-
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6/13
122
/ P. Bont
tion
coloniale leur accordera un intrt particulier22.
Le
principe est,
nous l avons
vu, de
perptuer
un systme
qui apparat indispensable
la
persistance
du mode
de vie des guerriers. Ce principe sera dfendu, y
compris
contre les
revendications des eznga et
surtout
de certains zawya qui demandent la suppression des
redevances au nom
du
droit musulman23. En fait la politique suivie est trs
variable
selon
les
contextes
locaux :
l
o
l autorit
des
hassn
et
surtout
le
poids
de
l mirat restent
forts,
le systme
se
perptue,
non
sans difficults24, comme
dans
l Adrar; au
Brakna
par contre et
dans
une
moindre mesure
au Taganet, o il tait
moins
formalis, les redevances disparaissent ds les annes 1910
ou 1920.
Face
aux
revendications
des eznga
qui
ne
ressentent
plus la
ncessit
de la protection
des
hassn et
parfois
s loignent d eux
en
usant
de la
libert
d accs aux pturages
dcrte par
l administration
coloniale, celle-ci
utilise
frquemment la procdure,
prvue dans le droit coutumier, de rachat
de
la redevance contre une partie
des
biens
du
tributaire. Cette mesure, d abord ngocie au
coup
par coup et en
tenant
compte des circonstances locales25 finira
par
tre gnralise :
commenc
en 1944
au
Trarza,
le rachat
gnral
des
hurma
sera
achev dans
l Adrar
en
1952.
Ce dernier
pisode
s inscrit dans
un
contexte nouveau,
issu
de la
colonisation,
qui
retentit
sur
l ensemble des
hirarchies
statutaires
et
en
tout
premier
lieu sur
la
hirarchie
des ordres. Le systme politique miral, manifestation du
pouvoir
des hassn survit
certes mais vid de sa
substance26;
ne subsistent que les
relations
privilgies
entre
certains
chefs
hassn,
auxiliaires militaires, et
l administration
coloniale; encore la pacification,
acquise
dfinitivement
partir de
1934,
rduit-elle aussi cette fonction. De
nouvelles relations conomiques
se
mettent
en
place, fondes
sur la montarisation et le dveloppement des changes
marchands
:
l impt, le
dveloppement forc du
march (par exemple celui
du
btail
l intention
des
dbouchs
sngalais),
l entre
libre
des
produits
d exportation
(tissus,
th,
sucre, etc.) sont
autant d incitation
ces transformations conomiques. Elles
s acclrent
l occasion d une srie de crises, souvent
lies des priodes
de
scheresse,
dont
la plus grave se produit entre 1942 et
1946
accentue dans ses
effets
par
la
fermeture
des
frontires
de la colonie
pendant
la guerre (Abd
el
Wedoud
ould Cheikh et P. Bont, 1983).
Dans cette socit coloniale
o,
au-del des
diffrences
statutaires, chaque
individu
se trouve transform en producteur
pour
le march, la place
des
zawya
va
se
trouver
favorise.
Certaines tribus dj
insres dans le systme commercial
prcolonial
(Idaw
ali),
ou d autres
qui
s adaptent aux conditions nouvelles
(Smsd),
connaissent
une remarquable
promotion
conomique.
Le
pouvoir conomique
des
zawya tait dj
acquis, mais ce pouvoir
prend
dsormais une importance
nouvelle.
Le nouveau
dveloppement
des
confrries
musulmanes,
en
particulier de
la tijniyya, introduite en Mauritanie au
xixe
sicle par les Idaw
ali, traduit
ces
dplacements de pouvoir. A
l inverse, eznga, et
mme
hassn qui
se sont en
partie reconvertis l levage, l agriculture ou aux
plantations
de
palmiers,
subissent
de
plein fouet
les
effets
des crises. Cet
appauvrissement sera
l une des causes
du
rachat des
hurma dans
l immdiat
aprs-guerre.
Cette
priode
est aussi marque
par
l essor
d un mouvement
politique
mauritanien qui met en vidence les orientations nouvelles de la
socit maure.
Si
l initiative
est le
fait de certains zawya,
commerants
originaires
des
Idaw
ali en
particulier27, la priode 1946-1951 est marque de troubles qui voient
s affronter ces forces
nouvelles
et les chefs
traditionnels,
en particulier hassn,
regroups
-
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7/13
L
ordre de la tradition
I 123
partir de 1947
au
sein
de l Union Progressiste Mauritanienne.
Il
est notable
que,
malgr
les
dclarations
d intention gouvernementales, aprs l indpendance,
l existence de
ces chefferies,
y
compris
celle des
mirats,
ne sera
jamais
rellement
remise
en cause
jusqu nos jours, mme si leur exercice a considrablement volu.
Elles
se
sont
en
partie adaptes
aux
nouvelles conditions
politiques : on trouvait des
reprsentants
de
ces
lignes
de
chefferies
dans
le Parti
du
Peuple
Mauritanien ou
l Assemble nationale
avant
1978,
on
les retrouve l occasion des diffrentes
lections locales
qui sont
intervenues rcemment.
Mme si ds
cette
priode, et de manire plus claire encore aprs
l indpendance
de la Mauritanie, les enjeux de pouvoir ne correspondent
plus
ceux que pointait
le systme hirarchique des ordres, celui-ci,
malgr
les transformations
politiques
et
conomiques
qu a connues
la
socit maure, continue fournir un
modle de
reprsentations relativement efficace. Cette
permanence
tient la
manire
dont
il s articule
avec
d autres aspects de
la structure sociale.
C est
le
cas
de
l organisation
tribale.
Ce
qui
semble
en
jeu,
en
l occurrence,
est
la prennit des
asabiyyt susceptibles
de s adapter ce nouveau contexte. Les
solidarits tribales peuvent fonctionner en effet
pour
mobiliser des
factions
polit iques ou encore remplir le rle de
rseaux
d assistance financire, voire de
vritables
banques, quand ce ne sont pas les banques
elles-mmes
qui sont
utilises
aux
bnfices
des
asabiyyt
(Abd
el
Wedoud
ould
Cheikh, 1987). C est aussi
le
cas
des alliances matrimoniales. Certes, le poids des nouvelles valeurs conomiques
qui
se
traduit par
une montarisation inflationniste de la prestation matrimoniale,
entrane
un certain
nivellement
statutaire, mais cette tendance n est que relative
:
en
bien
des
cas se perptuent
des
stratgies plus traditionnelles. Les
mariages
hypogamiques
fminins, parfois
consentis
pour
des raisons
conomiques,
restent
dvaloriss et
les
coupures
endogamiques
entre
tribus, et
surtout
entre
ordres,
subsistent28.
A
ceci
plusieurs
raisons.
Il
faut faire la part d un systme de valeur
d autant
plus profondment
ancr qu il
est reconnu
et codifi par l islam qui a
cr
les
institutions (le wl) permettant
de
veiller au respect
de
cette rgle
d interdiction
de l hypogamie fminine.
Il
faut
aussi
reconnatre
l efficacit
de ces
stratgies
matrimoniales
qui permettent effectivement
la captation
et
la
rtention
du
pouvoir
:
j en
ai montr
un
exemple dans
un
contexte urbain et
moderne
(Bont,
1987
b)29.
Il faut
enfin souligner le
lien troit entre ces
pratiques
et la
perptuation des
asabiyyt qui
se constituent
et
se
perptuent pour une
part aux fins de
grer
des
stratgies
matrimoniales collectives.
Il
y
a une dizaine
d annes,
une
importante
tribu
zawya
runit
sa jem a pour analyser la situation
nouvelle
cre
par
le
nombre croissant de
mariages
de
femmes
l extrieur de la tribu. La jem a
prit des mesures pour
y
remdier et
veiller
ainsi
maintenir
la place de la tribu
dans la socit
nationale30.
Dans la socit maure
actuelle,
les hirarchies
statutaires
d ordres subsistent donc
en
dessinant des
coupures,
qui se manifestent le plus clairement comme des
coupures endogames, et en dfinissant
des
clivages
en
terme d intrts
conomiques
(financiers, professionnels,
etc.)
et politiques, cependant que se perptuent aussi
des
diffrences
culturelles
et
comportementales
porteuses
d identit
sociale31. Du
fait de la disparition de l esclavage et de la place
nouvelle
qu occupent les har-
tn,
ne
serait-ce
que
par
leur
importance
dmographique,
le
statut
de
ce groupe,
autrefois
mal dfini
et
extrieur en
tout
cas
au
systme des ordres,
tend tre apprci
-
7/23/2019 volution des hirarchies statutaires dans la socit maure contemporaine.pdf
8/13
124
/ P. Bont
en
termes nouveaux.
L acuit
nouvelle
qu a
pris le
problme de
l esclavage
et des
anciens
esclaves tient cette dimension nouvelle,
d ordre statutaire,
qu il a
acquis,
dans
un
contexte de
revendications politiques et
conomiques
(foncires) qui
se
sont plus
particulirement manifestes
depuis une dizaine d annes.
L esclavage
a
t
aboli officiellement le 5 juillet
1980.
S il
ne
faut pas se
cacher
la persistance
de
pratiques esclavagistes
qui
s taient perptues
durant toute
la
priode colon iale,
on
peut considrer que cette abolition officielle a t
beaucoup
plus d ordre thique et symbolique que destine rsoudre un
problme
social
de
grande
ampleur. La constitution d un march du
travail et l urbanisation, qui
ont
pris
une
ampleur nouvelle du fait de
la scheresse
des annes
soixante-dix,
avaient
entran
le
dpart
massif
des
esclaves,
bergers, agriculteurs ou planteurs,
les premiers touchs
par
la
dgradation
locale des
conditions
conomiques. Il me
semble beaucoup
plus
important de rapprocher cette dcision de la cration,
en
1979, d un mouvement
politique,
implant dans les milieux hartn, le
mouvement El-Harr (Libres). En
effaant
officiellement
le
stigmate de servilit
qui
dfinissait cette strate
sociale,
tait
reconnu le
droit
des
hartn
un
classement
statutaire
qui dfinisse autrement leur place
dans
la communaut nationale32.
En
fait
c est
beaucoup
plus
sur
la scne conomique que
vont
se
jouer
les
pisodes de
cette
lutte
pour un reclassement statutaire, lutte
qui
reste encore
brouille
sur la scne politique33.
L importance du
problme foncier a t brutalement
rvle par
les consquences de la scheresse : fixation de
nombreux
leveurs bidn
qui
manifestent un
intrt nouveau pour l agriculture ou tentent
de
renforcer
l exploitation des cultivateurs hartn, recul des
terres cultivables
compens
par
de
nouveaux dfrichements
ou la cration de nouveaux barrages, sans mme
parler
d une croissance
dmographique
qui
n est
pas totalement absorbe par l exode
vers
les
villes.
La
dimension
conomique
du
problme
n est
pas
ngligeable, dans
un
contexte
de diminution des revenus traditionnels et de promotion de
l agriculture,
mais elle n explique
pas
elle
seule
l acuit
des
conflits fonciers
opposant
bidn
et
hartn depuis
le dbut
des
annes soixante-dix et le tour
parfois
violent
qu ils ont
pris34. Il
s agit pour les
bidn
autant de prserver ou de rcuprer une
source de
revenu que
de
perptuer, travers
les droits collectifs
sur
la terre,
qui
peuvent d ailleurs
s assortir
d une appropriation privative,
leur position
statutaire
et
celle des hartn.
L ordonnance 83 127 du 5 juin 1983 portant rorganisation
domaniale
et
foncire et le dcret 84 009 du 19 janvier 1984
portant
application de cette
ordonnance35, semblent apporter un
dbut
de
rponse
au problme.
Les
droits
collectifs sont abolis et la possibilit d accs la proprit prive de ceux
qui
cu lt ivent
la terre est prvue.
En
reconnaissant
officiellement
la
capacit des
cultivateurs,
hartn
pour la plupart, accder la proprit prive
du sol36,
l tat
intervient
donc
nouveau pour favoriser l inscription de ces hartn dans la
socit
nationale une
nouvelle
place.
Si les
textes
juridiques
sont loin
de
rgler tous
les
problmes locaux, ils contribuent nanmoins redfinir la
position
des anciens
esclaves
et soulignent
l importance du rle qu ils seront de plus en plus amens
jouer
dans la Mauritanie de demain.
J ai tent de montrer dans cette brve
analyse
de l volution des
hirarchies
statutaires depuis la
priode prcdant
la colonisation
jusqu
nos jours, la
permanence de cette vision, entretenue par l administration coloniale et encore
opratoire de nos jours. La
transformation
de la place statutaire des hartn dans la socit
-
7/23/2019 volution des hirarchies statutaires dans la socit maure contemporaine.pdf
9/13
L
ordre
de la
tradition
/ 125
maure moderne laquelle nous
assistons
actuellement, ne contredit pas cette
prennit d un
ordre
hirarchique
: c est en effaant les signes de
leur
ancien
statut
(abolition de l esclavage)
et en accdant aux
signes
d un
nouveau
statut
(accs
la
proprit foncire) que se met en place
leur
intgration cette
socit moderne.
Ajoutons
nanmoins
pour
conclure
que
nous
avons,
pour mieux
centrer
notre
dmonstrat ion, nglig nombre
d autres facteurs qui
peuvent en limiter la porte.
Il
en
est ainsi
du
rle de l islam
qui
s tait
jusqu
prsent, dans le cadre
des
confrries,
coul dans
ce
moule
hirarchique,
mais
qui peut
tre porteur
d autres valeurs.
Il
faudrait aussi tenir compte
des graves
problmes
conomiques,
ethniques et
politiques que connat actuellement
le pays et qui peuvent
brusquer bien des
volutions.
Mais
la rsolution de ces
problmes n est-elle
pas
aussi
l enjeu de cette
volution des
hirarchies
statutaires qui, sans
bouleverser radicalement
l ordre social,
renforce
l identit arabophone
et
maure de la
socit
mauritanienne?
NOTES
1. C est sur l volution de cette
socit maure
mirale que portent pour l essentiel
les
observations qui suivent.
Mme
si les changements
intervenus
durant
le
dernier
sicle
ont
contribu
niveler les
situations locales, des diffrences subsistent selon
que ces situations s inscrivent
dans le cadre ancien des mirats,
dans
celui des socits
tribales segmentaires
du nord,
ou
dans celui
des
socits
tribales
puissantes
chefferies de l est du
pays.
2.
A
l exception
de
celui du
Taganet, le plus tardivement form, constitu
dans une
tribu
guerrire
descendant des
berbres Lemtna.
3. Ainsi, chez les hassn,
la plus ou
moins grande
proximit gnalogique de la ligne
mirale,
dfinissait le
rang des
tribus qui
se reconnaissent
par ailleurs
une
origine gnalogique
commune
(descendants
de
Hassan).
Chez
les
zawya,
les
surv
occupaient
un
rang
lev
de
mme
que
les
marabouts
du
soleil
ou les
tribus
organises autour
des
chefs
de
puissantes
confrries.
Enfin, chez les
eznga,
le degr
d exploitation
et d autonomie
politique,
c est--dire
la capacit
de rsistance aux
pressions des hassn,
dessinaient aussi une hirarchie de rangs.
4.
Organis
la
fin du xvne
sicle
parmi
les
tribus berbres
de la valle du Sngal, ce
mouvement apparat aussi
comme la
premire
des
jihd qui
se succdrent ensuite
en
Afrique
Occidentale aux
xvnr et xixe
sicles,
en particulier parmi les
populations de
langue
peule
et en
tout
premier
lieu
parmi
celles du
Fouta Toro,
ce
qui
souligne
bien
la continuit avec
sarr bubba.
5.
Par exemple la pense politique de
ayh Sidiyya,
l un des principaux leaders de confrries
du
xixc
sicle
qui
a
par ailleurs exerc
une
influence politique certaine
dans la
rgion de
la
gebla
(sud-ouest de la
Mauritanie) (Abd
el
Wedoud ould
Cheikh,
paratre).
6. La
hurma, terme
qui
renvoie l honneur, ou encore
lahma,
terme improprement traduit,
sans
doute,
par
viande,
chair
et
qui
pourrait bien
renvoyer
au
vocabulaire
de
la
parent
et
de
la
protection domestique
(Hams,
paratre).
7. L utilisation de hartn
guerriers
se
retrouve
dans tous
les
mirats o ils constituent une force
militaire
d appoint. Dans les tribus
proches
de la ligne
mirale,
ces groupes, bien
que
disposant
d un
statut
lev, ne sont pas intgrs gnalogiquement et constituent des groupes
endo-
games, ne pouvant pouser des femmes hassn. Dans des tribus de rang
moins
lev, ils
acquirent le
statut
de hassn et la trace de leur origine est rapidement perdue.
8.
Ainsi l mirat du
Taganet
se constitue autour d une tribu
d origine
berbre, soumise
un
temps
aux
hassn Awld Mbark.
De
mme
les
MeSdv, soumis
aux tribus
hassn
puis
l mirat du
Taganet, crent une puissante chefferie dans le Ilawd.
9. Dans tout le sud du pays o
est
pratique une
agriculture
sous
pluie,
dans certains cas
amliore par la construction de barrages rudimentaires, le caractre
communautaire
et tribal de
la
proprit
foncire
est
l instrument
direct
de
ce
contrle.
La
situation
est
plus
complexe
dans
le cas des
plantations
de
palmiers
rgies par un
systme
de proprit prive. En ce
dernier
cas
l exercice
du droit musulman, aux mains des zawya, principaux
propritaires
des
palmeraies
-
7/23/2019 volution des hirarchies statutaires dans la socit maure contemporaine.pdf
10/13
126 / P.
Bont
et utilisant
largement une main d oeuvre esclavagiste,
aboutit
de
manire
plus
indirecte au
contrle de cette
proprit prive
par
les
bidn
(Bont, 1985).
Dans
les
palmeraies,
l affranchissement restera par
ailleurs
l exception jusqu la
colonisation.
10.
Rapport
prsent
la commission interministrielle du nord-ouest
africain (1901).
Archives
F.O.M., IV, dossier 1.
1
1.
Et
qui
plus
est,
dans
cette
rgion
de
la
gebla,
la
plus
proche
des tablissements
franais
duSngal, d origine en partie
berbre,
point qui n est pas
sans
importance aux yeux de
Coppo-
lani, originaire d Algrie o le mythe berbre, opposant ces populations sdentaires et
laborieuses aux arabes nomades et pillards, tait dj bien prsent la fin du XIXe sicle.
12.
Au dbut de 1908 encore, le responsable des
affaires
mauritaniennes ayant succd
Cop-
polani,
W.
Ponty, crit : II faut... que
l aboutissement
de
nos
efforts soit dans
l affranchissement dfinitif
des
classes
laborieuses sur lesquelles nous
devons finalement prendre appui
contre la classe oisive
qui
dtient
le
pouvoir et qui
fait
chec notre politique . Rapport 4e
trimestre 1907
sur la
situation
politique en Mauritanie
(1er
avril
1908).
Archives
F.O.M.
Mauritanie
IV. Dossier 2 bis.
13. Il
a
paru
expdient,
un
moment
donn, de
nous appuyer sur
les
marabouts
contre
les
guerriers.
Maintenant
que les guerriers
sont rentrs et soumis
alors que l occupation
de l Adrar
a
montr
notre
force
aux
hsitants,
on
peut
se
demander
s il
n est
pas
de
bonne politique...
pouravoir li
nous
par
l intrt
les
auxiliaires
maures
qui
nous
sont
indispensables,
de
nous appuyer
plus franchement
sur
les guerriers et de leur
rendre
leurs tributaires. Lettre
du
30
mars
1909
du
Cl. Gouraud au
chef de Bataillon
Claudel
en poste
Chinguetti. Archives
de
Vincennes.
Dossier A.O.F. Mauritanie 1.
14. Archives
F.O.M. Mauritanie V.
Dossier 1
D.
15 . Rponse
hjem a
des
Smsd venant
faire
sa
soumission
Atar, le
Colonel
n a pas
l intention
de
toucher aux captifs (Archives
de
Vincennes. Dossier A.O.F. Mauritanie 1. Colonne
de
l Adrar, janvier 1909) ou
encore, propos des
tributs, Justice et ncessit de
laisser
aux
guerriers
des
moyens
d existence
obligent
maintenir
la
Hurma
(idem,
juin 1909).
16.
Ces deux modes de reprsentation de
la
socit maure subsisteront en fait cte
cte, mme
si
les impratifs
politiques justifient la primaut accorde
la seconde.
Il
en
rsultera
des
contradictions,
selon les personnels
en
place
et
selon
les circonstances, dans les politiques
administratives coloniales. Ces
contradictions
sont
particulirement
videntes l occasion des
vnements
qui
entranent
le dpart
en
dissidence
de
l mir
de
l Adrar Sid
Ahmed en
1932 (Bont, 1984).
17. Il
s agit d un document
relativement
ancien (1918)
mais qui
recoupe
nombre
d autres faits
datant de
la priode prcdant la
IIe Guerre Mondiale. Les
interventions administratives
seront,
aprs
1945, beaucoup plus prudentes et neutres
sur ce
sujet. On consultera
ce
sujet un curieux
pamphlet
crit par un
dahomen, exil
politique en Mauritanie, en 1930 (1964) qui dresse un
rquisitoire contre l esclavage et
le
soutien qu accorde cette institution
l administration
coloniale.
18.
Archives Nationales Nouakchott. Dossier E 33-1.
Sous-dossier
Adrar
1921.
19.
Droits
qui
seront enregistrs auprs de l administration et qu elle fera respecter (M. Villa-
sante Carvello, 1989).
20.
Les
contrats de complant prvoient
alors
que, aprs la priode de
plantation et
d arrosage,
les palmiers
devenus
productifs
et
qui
ne
ncessitent
plus
d arrosage
les palmeraies
sont
rarement irrigues appartiennent
pour
moiti
au
hartni en fait celui-ci perdu dans
les
arcanes
du droit
musulman
se
trouvera
souvent
spoli au terme de
son
travail.
21. Contrairement
aux hurma, les
gafer sont des tributs collectifs, plus ou
moins librement
consentis, verss par des eznga ou des zawya pour s assurer la protection des hassn.
22. Ainsi
des
cahiers
d enregistrement
des
redevances
sont ouverts
ds
la conqute
et
seront tenus
jour
jusqu au
rachat.
Ces dossiers
que
nous avons pu consulter dans l Adrar
(Archives
d Atar)
sont
une
source prcieuse pour
l tude
du systme politique.
23. Gouraud
rfute
cet argument devant
les Smsd qui rclament
ce titre la suppression du
gafer qu ils versaient.
En
juillet 1910,
Claudel
annule
un
acte du qdi de Sinqti
qui
interdisait
le
gafer au nom
de
la
arTa
et annonce qu il s agit d une affaire du seul ressort des
autorits
coloniales.
24.
O
les
revendications
propos des redevances
multiplient
les tensions
entre
l mir
Sid
Ahmed
et l administration coloniale et finissent
par
entraner son dpart en dissidence (Bont, 1984).
-
7/23/2019 volution des hirarchies statutaires dans la socit maure contemporaine.pdf
11/13
L\
ordre
de la
tradition
/ 127
25. Citons
nouveau
une
lettre d instruction de Gaden au Commandant
du
cercle de
l Adrar
en date du 3
mars 1923. La
question des hurma est vitale pour
la
scurit
du
pays.
Au
Tagant
le
rachat
des
hurma
a pu
avoir
lieu parce que
les guerriers
se sont
mis
cultiver. En Adrar,
plus pauvres, les guerriers
sont
par
surcrot inaptes tout travail
et
nous devons
veiller
ce
que les liens qui les
attachent
au pays
ne
soient
pas rompus inconsidrment ou abusivement.
Ils doivent
tre
protgs
contre
leur
propre
imprvoyance
et
contre
la
sourde
hostilit
des
marabouts.
Les
conflits
ns
des
hurma
ne
doivent
pas tre soumis
la
juridiction des qdi. A ceux-ci revient
de recevoir
les tmoignages
sous la foi du serment et d apprcier la
valeur d un
tmoignage
crit,
c est--dire
un
rle d auxiliaire de l instruction par
lequel
l autorit administrative s claire mais
c est cette dernire qu il appartient de prendre la dcision finale.
Les
rachats de
hurma
ne
sont pas encourager quand le
guerrier
est pauvre. Dans l tat actuel des choses,
maintenir
le
lien qui attache
le
guerrier est
en
gnral d un intrt plus
immdiat
que
de librer le znga,
plus
industrieux
et plus apte profiter de
la
scurit que
nous
avons apporte pour
s enrichir
malgr de lourdes charges.
Quand
cependant
il
y
a
intrt
autoriser le rachat, celui-ci doit se faire autant que possible
en
palmiers ou
en animaux
plutt
qu en
argent.
En
cas
de vente
un marabout vous
ne
devez
pas hsiter si celui-ci
a
profit des embarras momentans d un guerrier
faire
compter
le prix
de
la
valeur normale ou
autoriser
le
guerrier
reprendre
ses
droits
contre
remboursement
son acheteur. Archives Nationales Nouakchott. Dossier E
33-1.
Sous-dossier
Adrar
1923.
26. Aprs
la
mort
de
l mir
de
l Adrar Sid Ahmed, l administration
coloniale
s interroge
sur
l intrt
de
perptuer l institution, non seulement dans l Adrar
mais
dans l ensemble
de la
Mauritanie. En 1934 un
successeur
est nomm
Sid Ahmed
mais les
pouvoirs
des mirs sont dsormais
strictement limits et
de
nature symbolique, beaucoup
moins importants
parfois
que
ceux d un
chef
de canton nomm par
l administration :
la
perptuation
du titre entretient toutefois
l illusion d un
statut
particulier des hassn.
27. Le premier
dput
mauritanien
est Horma
ould Babna
lu
en 1946 et qui, battu en
1951,
deviendra l un
des
partisans des
vises
annexionnistes
du
Maroc
sur la Mauritanie.
28.
En tmoigne
une
tude,
en
cours
de
publication, que
nous
avons
consacre
aux stratgies
matrimoniales au sein d une tribu de l Adrar,
les
Awld
Ammonni,
tribu au sein de laquelle
est
localise
le lignage
miral.
29.
Cette observation n est pas propre
la
Mauritanie,
elle s observe
aussi
dans
d autres
contextes
modernes, dans
les
villes
du
Moyen-Orient
par
exemple o le
mariage arabe,
entre
cousins parallles
patrilatraux,
continue
tre
pratiqu de
manire significative.
30.
Tout observateur un peu averti de
la
socit
maure
reconnat ainsi un marabout d un
guerrier
son comportement,
ses manires
de
parler,
de porter
le turban
ou
l habit, etc.
31. Ceci
d autant
plus que, ds
sa
cration, le mouvement politique
des hartn
est l enjeu
sont-ils des
maures
noirs
ou
des noirs rduits en captivit, et
o
iront leurs
solidarit
?
d un
conflit entre la majorit
maure
(en fait
bidn) qui
dtient
le pouvoir
d tat
et les minorits
ngro-
africaines
de la valle du Fleuve
Sngal.
On
sait
le tour
dramatique qu a pris rcemment
ce
conflit
(printemps
1989).
32.
Encore que
se
soit
lgrement
renforce
la
place
des
hartn
dans
l appareil d tat
et
dans
l arme
qui dtient le
pouvoir.
Mais pour
de
multiples raisons
dont la
moindre n est
pas le
faible
taux
de scolarisation de
ces populations, elles
restent
encore
fortement sous-reprsentes aux
postes
dirigeants.
33. Plus particulirement
dans la zone
des grands barrages situs
aux pimonts du
Taganet,
ou
encore dans
l Aftt.
Ces
conflits ont pris
des
tours
varis, violents
ou
ports devant
la justice,
refus
des redevances, rcupration
des terres
par les bidn, grve des cultures par les hartn.
Nous ne
pouvons dans le
cadre limit
de cet
essai en prsenter
une analyse dtaille.
34.
Rsultats du
long et difficile
travail
d une commission
pour la rforme foncire
runie depuis
plusieurs annes.
35. Situation
acquise de fait en
nombre d endroits
dans la priode prcdente
mais
toujours
susceptible
d tre
remise en question, sinon concrtement du
moins
sous forme d une
raffirmation
symbolique des
droits
de
prminence
statutaire.
-
7/23/2019 volution des hirarchies statutaires dans la socit maure contemporaine.pdf
12/13
Illustration non autorise la diffusion
128
/
P. Bont
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