La Nòvia del Moro La Fiancée du Maure - Toulouse

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La Nòvia del Moro La Fiancée du Maure I LAS SORGAS / LES SOURCES Fondacion Occitània Alem Surre Garcia

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La Nòvia del MoroLa Fiancée du Maure

I LAS SORGAS / LES SOURCES

Fondacion Occitània

Alem

Sur

re G

arcia

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À Anna Mauri Graells et Lugan Bedel

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À Anna Mauri Graells et Lugan Bedel

SOMARISOMMAIRE

Mercejam / Remerciements 2Assaber 5Avant-propos 6Cronologia / chronologie 8Mapa / carte 14Sorgas istoricas / sources historiques 16Sorgas arabas e latinas / sources arabes et latines 20Bibliografia contemporanèa / bibliographie contemporaine 21Causida de tèxtes / morceaux choisis 22Fotografias / illustrations 26

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MERCEJAMREMERCIEMENTS

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Marie-Anne Châteaureynaud, Aurélia Randriamorasata, Anne Cameron, Marçal Girbau i Garcia et Francis Blot

La recherche historique :Sylvie Wojciechowski-Goulard

Les traductrices et traducteurs du livret II :Sylvie Wojciechowski-Goulard, Faïza Ellougbi, Rabah Allam,Manijeh Nouri, Anna Mauri Graells, Bernard Lesfargues,Angie et James Cherrill

La photographe du livret I :Aurélia Randriamorasata

Le photographe du livret II :Noureddine Atatfa

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ASSABER

L’istòria de La Nòvia del Moro, dintrada dins la legenda al sègle de l’orientalisme, s’apièja çaquelà sus de faches istorics precises consignats per los istoriografes tant latins coma arabes. Se debanèt a la debuta del sègle VIII, après la conquista de la Septimania visigotica per las tropas arabo-berbèras, e la batalha de Tolosa de 721, que marquèt l’arrèst de l’espandiment territorial mu-sulman al nòrd dels Pirenèus. La famosa batalha de Peitius de 732, repapiada a sadol dins los manuals de l’ensenhament republican, marquèt son que l’arrèst d’una razzia demest las nombrosas autras menadas per los Sarrasins en país d’oc fins al sègle XI.

L’escande màger d’aquel temps foguèt lo maridatge de Lampagia, la filha del prince aquitan Eudon amb lo governador berbèr de Narbona, Monossa.

Trente ans fa que trapèri aquela istòria excepcionala dins un libre vièlh Chroniques du Midi, légendes toulousaines d’un cèrt Cayla, istorian tolosan de l’epò-ca romantica. Mas serà la lectura en 1995 del libre de Salah Guemriche Un amour de djihad que me butarà a una recèrca mai aprigondida. A partir d’aquí me soi entrevat de far conéisser al public mai ample possible aquela episòdi. Escafada per l’Istòria oficiala, La Nòvia del moro, un afar d’amor e de rason que supera los trencaments tant linguistics coma culturals o religioses, se presenta coma contra-pés exemplar dins un temps de replec e d’enregdiment de l’identitat francò-fran-cesa. Los Occitans la pòdon plenament partejar amb los Arabis, los Berbères, los Josius, los Catalans, los Andaloses e totes aqueles que vivon en Occitània en cèrca de convivéncia. Bon astre !

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AVANT-PROPOS

Les manuels d’histoire français ont minimisé voire carrément occulté la plupart des événements concernant la civilisation des pays d’oc et notamment ceux du VIIIe siècle : prise de Narbonne en 719 par les troupes arabo-berbères, bataille de Toulouse en 721 qui a signé l’arrêt définitif de l’expansion territoriale musulmane au nord des Pyrénées, traité de paix entre le prince Eudes d’Aquitaine et le gouverneur berbère de Narbonne, mariage de Lampégie, la fille du prince avec ce même gouverneur.

Voilà de quoi questionner en profondeur non seulement l’Histoire officielle mais aussi la société française actuelle qui tend à se replier et se raidir sur des certitudes pensées comme éternelles et universelles.

Pigeonnier, environs de Capestang (Occitània)

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La Fiancée du Maure est une histoire d’amour et de raison qui trans-cende tous les clivages ethniques, linguistiques, culturels et religieux. Elle con-cerne non seulement les Occitans, mais aussi les Arabes, les Berbères, les Juifs, les Catalans, les Andalous et tous ceux qui vivent en Occitanie en quête d’une nouvelle société. Et ceci au moment où les Pyrénées retrouvent leur millénaire fonction de colonne vertébrale et où se dessine une nouvelle configuration médi-terranéenne.

L’association Fondacion Occitània a déclenché le 19 mai 2009, à l’Ostal d’Occitània de Toulouse, une opération culturelle La Nòvia del Moro destinée à relancer la créativité occitane dans tous les domaines sociétaux. Au mois d’octobre 2010, à l’initiative de l’association Aquitania(s), les professeurs d’occitan, d’espa-gnol et d’arabe du collège de La Réole (Aquitaine) ont pris, aux côtés de Marie-Anne Chateaureynaud, le premier relais. Cette démarche originale a obtenu le soutien de la mairie, de la bibliothèque, des Amis de la bibliothèque et l’antenne locale de l’UNESCO de Bazas.

L’édition d’un ouvrage est vite apparue indispensable. La voici sous forme de deux livrets, le premier traitant des sources, le second proposant le récit original en occitan suivi d’une traduction en sept langues : français, catalan, espagnol, arabe, berbère, persan et anglais. Ce récit a été établi d’après les sour-ces arabes et latines disponibles et repérées par Sylvie Wojciechowski-Goulard. Il s’est également inspiré de la vision poétique des auteurs (historiens, poètes ou romanciers ) des XIX° et XX° siècles, notamment M.J.M Cayla, Jacint Verdaguer, Urbain Brousté.

L’enjeu de l’ensemble de ces opérations est de participer à l’invention d’une nouvelle société ici même, en Pays d’oc, autour de l’idée de convivéncia, un art du vivre ensemble dans le respect des différences et en termes d’éga-lité.

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CRONOLOGIACHRONOLOGIEDe la bataille du Guadalete en 711 à la reconquête de Barcelone en 801

711Les troupes arabes et les cavaliers berbères, conquis et islamisés non sans difficulté, franchissent le détroit de Gibraltar. Elles défont les troupes du royaume wisigothique. La route du Nord est ouverte.714-717Après avoir conquis Saragosse, les troupes arabo-berbères se rapprochent des Pyrénées.717Le prince Eudes d’Aquitaine affirme l’indépendance de l’Aquitaine face aux Francs. Eudes règne de la Loire aux Pyrénées et de l’Atlantique au Rhône. Avec pour capitales Bordeaux et Toulouse. 719Les troupes musulmanes conduites par al-Samh, gouverneur de Cordoue, s’em-parent de Narbonne, capitale de la Septimanie wisigothique. Sous le nom de Arbûna, la ville va désormais relever de Cordoue et bénéficier, pendant quarante années, d’un régime de protectorat. Un nouveau climat de convivéncia s’établit entre les diverses populations qui composent la ville : Narbonnais, Wisigoths, Juifs, Syriens et Grecs, Arabes et Berbères. Arbûna représente alors le poste avancé de l’Islam en Occident comme Merv l’est pour l’Orient.719Charles Martel prend le titre de duc et prince des Francs, sous le règne de Chil-péric II, à Trèves.

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720Eudes d’Aquitaine signe un traité de paix avec Charles Martel.721Les troupes d’al-Samh se dirigent vers Toulouse, clé de l’Aquitaine et première capitale du royaume wisigothique. Le pape Grégoire II envoie aux Aquitains des éponges utilisées pour l’autel pontifical en guise de bénédiction. Aidées des troupes vasconnes, Eudes remporte la Bataille de Toulouse. Il s’agit de la première défaite des musulmans en Occident qui marque l’arrêt définitif de leur expansion territoriale au nord des Pyrénées. Une tradition populaire veut qu’on entende parfois un muezzin fantôme sur le champ de bataille du côté de Saint-Agne.721Eudes d’Aquitaine met sur pied un système d’alliance avec Munuza, un chef berbère de Septimanie, hostile au gouverneur arabe de Cordoue.722Bataille de Covadonga dans les Asturies. Les Hispano-Wisigoths, sous la direction de Pélage, auraient repoussé les troupes musulmanes. Pour les Asturiens, cette date marque le début de la Reconquista.725-726Le nouveau gouverneur d’al-Andalus, Anbessa, occupe une grande partie de la Septimanie de Carcassonne jusqu’à Nîmes. Il lance en 726 un raid sur Autun au cours duquel il trouvera la mort.729-731Le chef berbère Othman Abi Nessa, dit Munuza, est nommé gouverneur de Cerdagne, clé stratégique de la Septimanie et de l’Aquitaine toulousaine. Eudes, face aux menaces franques, établit un traité de paix avec Munuza. Vives réactions à Trèves, à Rome et à Cordoue. Ce traité va se trouver renforcé par le mariage de la fille d’Eudes, Lampégie avec Munuza. Le nouveau gouverneur d’al-Andalus, Abd el-Rahman al Ghafiqî, lance une opération contre Munuza. Il s’empare de la Cerdagne et de Llivia, sa capitale. Munuza est décapité et Lampégie, capture exceptionnelle, est offerte au calife Hicham à Damas.

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732Abd el-Rahman, après avoir fait éliminer Munuza, conçoit un raid fulgurant contre l’Aquitaine. Il traverse avec ses troupes les Pyrénées occidentales. Prenant ainsi à revers Eudes d’Aquitaine coupé de ses alliés vascons, il lui inflige une sévère défaite entre Garonne et Dordogne. Les chroniques latines signalent les des-tructions de certaines abbayes et des faubourgs de Bordeaux. Abd el-Rahman poursuit son raid vers Tours où se trouve le riche sanctuaire des Francs. Ce raid est stoppé à Poitiers. Les troupes musulmanes, désorientées par la mort de leur chef, lèvent le camp et refluent vers l’Aquitaine.Les historiographes francs vont surestimer cet événement et occulter la bataille de Toulouse. En fait, les Francs veulent apparaître comme les seuls défenseurs de la Chrétienté aux dépens des Aquitains, leurs ennemis de toujours. Cette nou-velle défaite musulmane ne fera cependant l’objet d’aucun écho en terre d’Islam.

734Face aux menaces franques, les Provençaux, sous la direction du duc Mauronte, établissent un traité avec le gouverneur de Narbonne, Yusuf al-Fihrî. La Septimanie musulmane s’étend désormais jusqu’au rocher d’Avignon, Medina al Sakhra Abi-nyûn.735Mort d’Eudes d’Aquitaine. Un de ses trois fils, Hunald (le légendaire Huon de Bordeaux) lui succède. 736Charles Martel retire le titre de roi d’Aquitaine à Hunald et engage une série d’expéditions punitives.

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737Bataille dite de la Berre, au sud de Narbonne, remportée par Charles Martel. Il ne parvient toutefois pas à s’emparer de la ville. Les troupes franques sèment la terreur de Béziers à Nîmes où leurs ravages s’avèrent beaucoup plus dom-mageables que ceux des Sarrasins. En 739, après avoir massacré la population d’Avignon, il met un point final à l’indépendance provençale. 741Mort de Charles Martel. Hunald tente de rétablir le royaume d’Aquitaine et en laisse la direction à son fils, Waïfre. 742Le gouverneur arabe de Narbonne, Abd al-Rahman ibn Alqâma, quitte Arbûna pour participer en Andalousie à des combats contre les troupes syriennes. 750Coup d’État à Damas contre les Omeyyades. Création du califat abbasside de Bagdad.751-768Waïfre, espérant devancer les Francs, tente en vain de prendre Narbonne et d’intégrer la Septimanie dans le royaume d’Aquitaine (751). Pépin devient roi des Francs, met fin à l’indépendance de l’Aquitaine et entreprend une série de neuf campagnes de ravages et de destructions pour la soumettre définitivement. 752Pépin le Bref attaque Narbonne qui résiste, défendue par les musulmans, les juifs et les Goths. Début du blocus de la ville.

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756Hunald est assassiné après avoir prodigué des conseils aux Lombards contre les Francs.Abd el-Rahman, prince omeyyade rescapé, fonde l’émirat de Cordoue. Il prend le nom de Abdelrahman Ier.759L’armée franque, après avoir fait face à une longue résistance et grâce à la com-plicité calculée de seigneurs wisigoths, s’empare de Narbonne. La Septimanie prend alors le nom de Gothie. Sulayman, gouverneur de Barcelone, se soumet aux Francs.759-768Les Francs mènent neuf nouvelles campagnes de pillage en Aquitaine. Pépin, roi des Francs, fait arracher les vignes, installe des comtes francs et commandite l’assassinat de Waïfre en 768. La légende s’emparera de ce jeune roi d’Aquitaine sous le nom de Gaifier de Bordeaux.762Fondation de Bagdad où s’installe la dynastie abbasside.768Mort de Pépin. Son royaume est partagé entre ses deux fils, Charles (le futur Charlemagne) et Carloman. Charles est couronné à Noyon et son frère reçoit l’Aquitaine et Toulouse.769Révolte aquitaine menée par Hunald II, fils de Waïfre. Carloman refuse de porter secours à son frère Charles en difficulté. 771Mort de Carloman, Charles récupère le royaume d’Aquitaine.

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778Expédition de Charles sur Saragosse qui se termine par la défaite de Roncevaux. Son arrière-garde est décimée par les Basques alliés aux Aquitains et aux Arabes. Les annalistes francs dissimulent les faits. 778-782Grand courant de migration des chrétiens mozarabes d’al-Andalus vers Toulouse et la Gothie. Pour apaiser les Aquitains et renforcer la présence franque face aux Basques et aux Sarrasins, Charles admet en 781 l’existence d’un royaume d’Aquitaine qu’il confie à son fils Louis.785Soumission de Gérone, cité musulmane, aux Francs.790Ambassade du gouverneur musulman de Huesca, Abû Thawr, à la cour du roi Louis de Toulouse.793Bataille dit de l’Orbieu (Villedaigne, près de Narbonne). Malgré sa victoire sur Guilhem, futur comte de Toulouse (le fameux Guillaume d’Orange), l’armée omeyyade ne parvient à récupérer ni Narbonne ni la Gothie. 798Ambassade de Balûl ibn Marzûq de la Marche supérieure d’al-Andalus à la cour du roi Louis, à Toulouse.801Conquête de Barcelone par l’armée aquitaine, aux ordres du roi Louis et du comte Guilhem. Création de part et d’autre des Pyrénées d’une zone de marche entre le royaume franc et le nouveau califat d’Al Andalus, la Marca Hispanica. Le royaume de Toulouse s’étend désormais de la Loire à Barcelone et de l’Atlantique au Rhône.

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MAPA / CARTE

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SORGAS ISTORICASSOURCES HISTORIQUES

Les sources contemporaines de l’histoire de Lampégie et de Munuza sont rares. Elles sont de deux natures, chrétienne et musulmane. Difficile de cer-tifier leur authenticité et leur objectivité d’autant plus qu’elles ont été rédigées bien après l’évènement en question. En outre, il faut préciser que les protagonistes sont souvent présentés sous des noms et des contextes différents.

Les sources chrétiennes resteront pendant plusieurs siècles les seules reconnues. Citons en premier les Chroniques mozarabes rédigées à partir de 754 par des moines chrétiens fuyant al Andalus. Le Cronicon latin d’Isidore de Béja (Isidorus Pacensis) donne à la même période une version très chrétienne de la tragédie, tout comme le Continuateur de Frédégaire (680-736). Les Annales met-tenses priores rédigées probablement à Chelles, vers 802, par la volonté de l’ab-besse Gille, évoquent également la présence musulmane au nord des Pyrénées, mais le fait qu’elle soit la sœur de Charlemagne ne peut être neutre. L’archevêque de Tolède, Rodrigo Jiménez (1170-1247), donne lui aussi une version des faits qui servira souvent de référence. Mais ce sont les Chroniques de Moissac écrites par l’abbé de Moissac, Aymeric de Peyrac (1377-1406) qui feront longtemps figure de texte fondateur alors que largement apocryphes.

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Les travaux des historiens espagnols se multiplient tout au long des XVI° et XVII° siècles. Parmi eux se détache Joseph Conde (XVII°), bibliothécaire de l’Escurial où sont conservés de précieux manuscrits arabes. Il les consulte et les cite, il les prend à témoin pour corriger les erreurs des historiens chrétiens. Il aborde ainsi sous un angle différent et plus contemporain l’expansion arabo-musulmane dans la péninsule ibérique et en pays d’oc. Il repère des personnalités passées sous silence comme Gedhi ben Zeyan, chef de l’expédition dirigée contre Munuza. Joseph Conde a fait œuvre de parfait chercheur en abordant un sujet particulièrement délicat dans un temps où sévit l’Inquisition. Grâce à lui, nous avons accès à des sources arabes disparues à la suite d’un incendie de la Biblio-thèque de l’Escurial en 1671, celles notamment de Aben Ishak Tabari ou d’Aben Omar el Wakedi.

Joseph Conde a repéré et développé l’histoire de Lampégie et Munuza à partir des travaux d’Abu Abdallah Muhammad el Homaidi de Cordoue (XI° siècle) et ceux de Ahmed ben Yahia Eddubi de Majorque (XII° siècle), historiens musulmans s’inspirant eux-mêmes de sources encore plus anciennes comme celles de el Codai de Valence dit Aben Alabar, et de Meraudi. S’ il rappelle le fait que le mariage de Lampégie et de Munuza n’a rien d’exceptionnel (rappelons celui de Egilona, dernière reine wisigothe avec Abd el Aziz, premier émir de Cordoue ou

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celui de Adalés, fille du vicomte de Cardona avec Abd Allah, chevalier maure de Tora), Joseph Conde insiste sur l’amour réciproque des deux fiancés et l’attitude d’Eudes toute empreinte d’ouverture et de tolérance. L’historien se laisse gagner par l’émotion : à l’émir qui reçoit en cadeau la tête sanglante de Munuza et la princesse capturée, il prête ses propos : « Par Allah, je n’aurais pas cru qu’on pu faire si bonne chasse dans les Pyrénées ! ».

Côté français, le grand tournant se réalise avec les travaux historiques effectués par deux historiens remarquables du XVIII° siècle : Dom Devic et Dom Vaissette. Leur Histoire générale du Languedoc puise à la fois dans les anciennes chroniques latines d’Isidore de Béja et de Roderic de Tolède (Historia arabum, XIII°), dans les ouvrages du XVI° siècle, Marca Hispanica de Pierre de Marca et Mémoires de l’Histoire du Languedoc de Catel, et bien évidemment dans les travaux ultérieurs de Joseph Conde.

L’histoire de Lampégie et Munuza passionnera l’époque romantique. C’est un certain Monsieur de Marlès qui, en 1825, traduit en langue française l’œuvre de Joseph Conde sous le titre L’Histoire de la domination des Arabes et des Maures en Espagne et au Portugal depuis l’invasion de ces peuples jusqu’à leur répulsion définitive. L’historien M. Fauriel évoque avec passion cet épisode aquitano-musulman dans son Histoire de la Gaule méridionale sous les conqué-rants romains (1836). L’écrivain toulousain M.J.M. Cayla dans ses Chroniques du Midi, légendes toulousaines consacre à Lampégie un chapitre entier qu’il intitule La Fiancée du Maure (1837). Pour la plupart des auteurs romantiques, peu im-

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portent les sources, seuls comptent le romanesque, l’exotisme et le pittoresque orientaliste. Dans un ouvrage collectif Alpes et Pyrénées, arabesques littéraires paru en 1842, un certain Jean-Baptiste-Joseph de Champagnac propose un récit extravagant : La Tour de Cordouan. Il y explique que ce phare aurait accueilli et caché les amants pourchassés. Une façon toute nostalgique de renvoyer Cor-douan à Cordoue ! Nous sommes loin de la science historique. Parmi d’autres écrivains, citons Napoléon Peyrat (Lampagie, légende ibéro-mauresque, 1880 ?), Justin Cénac-Moncaut (Aquitaine et Languedoc ou Histoire pittoresque de la Gaule méridionale, 1848), J.F. Bladé (Eudes, duc d’Aquitaine, 1892). En 1886 , le poète catalan Jacint Verdaguer consacrera un chapitre de son épopée Canigó à Lampégie. Le poète occitan bigourdan Miquèu de Camelat suivra son exemple et dédiera à notre héroïne un chapitre de son épopée Mòrta e viva (1920).

Jusqu’à nos jours, cette histoire ne cesse de questionner, d’intriguer. Pour preuve, Un amour de djihad de Salah Guemriche paru en 1995 et Rhapsodie méditerranéenne de Jean-Marie Lamblard en 2010.

À la croisée des différentes versions, le fond de l’histoire reste identique : Eudes, prince d’Aquitaine, donne sa fille Lampégie en mariage au chef musulman Munuza ; une expédition envoyée par Abd el Rahman, émir de Cordoue élimine Munuza ; Lampégie est offerte au calife de Damas. Pour la grande majorité des auteurs, il s’agit d’une véritable histoire d’amour.

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SORGAS ARABAS E LATINASSOURCES ARABES ET LATINES

Sources arabes et latines (mozarabe, aquitaine et franque), souvent lacunaires, du VIII° au XVI° siècle. Cette liste n’est pas exhaustive.

I) Sources arabesAl-Udhrî, « Kitab Tarsî al-Akhbar », XI°Ibn Jalaf ibn Hayyan de Cordoue, « Kitab el Moktabis », XI°Al-Zuhrî, « Kitab al –Dj’râfiya », XII°. Texte publié par M. Hadj-Sadok in Bulletin d’études orientales, T.XXI, 1968 Ibn al-Athîr, « Annales du Maghreb et de l’Espagne » in Revue africaine, N°224, 1er trim.1987Ibn Idhâri de Marrakech, « Al-Bayan al Mughrib », XIV° Al-Maqqarî de Tlemcen, XVI°Ibn Abd al-Hakam, « Futûh Misr wa al-Maghrib wa al Andalus »auteur anonyme de « Fath al-Andalus »auteur anonyme de « Kitab al-Dhakhâ’ir wa al-Tuhaf »« Dikhr Bilâd al Andalus »

2) Sources latinesChroniques d’Isidore de Béja (Isidorus Pacensis), VIII°Continuateur de Frédégaire, VIII°Histoire des Lombards de Paul Diacre VIII°Chroniques mozarabes, 2° moitié du VIII° L’Anonyme de Cordoue, 2° moitié du VIII° Annales du VIII°- IX°Annales d’Aniane, Annales Laureshamenses, Annales Laurissenses minores, Annales Mettenses priores, Annales Alamannici, Annales Nazariani, Annales, Enhardi Annales Fuldensis, Annales sancti Dionysii, Annales PetavianiLiber PontificalisHistoria arabum de Rodrigo Jiménez de Tolède, XIII°Chroniques de Moissac d’Aymeric de Peyrac, XIV°

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BIBLIOGRAFIA CONTEMPORANÈA

BIBLIOGRAPHIE CONTEMPORAINE

Ouvrages poétiques ou romancés autour de l’histoire de Lampégie et Munuza (Lampagia e Monossa en occitan), XX°-XXI°siècles.

CAMELAT Michel, Mòrta e viva, ré-édition, Letras d’oc, 2009Cet ouvrage de 1901 s’inscrit à la suite de l’épopée catalane Canigó de Jacint Verdaguer (1885).

CAUSSOU Albert, Lampagie, souvenir du pays de Foix, Armanac patoués de l’Arièjo, 1913

COLL Miquel, Historiografia de Catalunya en el període primitiu, 1952

BROUSTE Urbain, Lampagie, fille d’Eudes, éditions Privat, Toulouse, 1953

GUEMRICHE Salah, Un amour de djihad, éditions Balland, Paris, 1995

SURRE-GARCIA Alem, Lo libre del doble despartible, éditions du Trabucaire, Perpignan, 1997

SOLER I AMIGO Joan, LLegendes de la historia de Catalunya, Farelle editors, Barcelona, 2004

SURRE-GARCIA Alem, Au delà des rives, les Orients d’Occitanie, éditions Dervy, Paris, 2005

MOYA Bienve, Lampègia i Menussa, édité à Llivia, Catalogne, 2009

GUEMRICHE Salah, Abd er-Rahman contre Charles Martel, éditions Perrin, 2010

LAMBLARD Jean-Marie, Rhapsodie méditerranéenne, Nouvelles éditions Loubatières, Toulouse, 2010

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CAUSIDA DE TÈXTESMORCEAUX CHOISIS (XVIII°-XX°)

1745Dom Devic et Dom Vaissette, Histoire Générale du Languedoc, Livre VIII, chap. XXII et XXIII

« Isidore, évêque de Béja, historien contemporain, qui s’étend sur les expéditions des Sarrasins...nous apprend qu’Alcuta, gouverneur d’Espagne, ayant abusé de son autorité, fut dépossédé de sa charge au bout de dix mois, par Mahomet, commissaire envoyé d’Afrique, et qu’Abdérame fut mis à sa place, ce qui dut arriver vers le commencement de l’an 730 de J.-C. Il paraît cependant que cet historien fait indirectement mention de cette nouvelle entreprise des Sarrasins sur les Gaules ; car il rapporte qu’Eudes, duc d’Aquitaine, fit la paix vers ce temps-là avec ces infidèles, à des conditions qui prouvent l’extrémité où ce duc devait se trouver, et les maux que ces peuples devaient avoir causés dans ses Etats. Eudes fitn en effet, alors un traité d’alliance avec un général maure appelé Munuz ou Munuza, qui commandait pour les Sarrasins sur les frontières d’Es-pagne et des Gaules, c’est-à-dire, suivant un moderne, dans la Catalogne et la Septimanie. Ce duc, pour éviter la guerre contre les infidèles qui lmenaçaient d’envahir ses Etats, fut obligé d’acheter cette paix et ce traité d’alliance au prix de sa propre fille, princesse extrêmement belle, appelée Lampagie par quelques auteurs, qu’il donna en mariage à ce mahométan , sacrifiant ainsi la religion à la politique. Outre l’invasion de ses Etats qu’Eudes appréhendait de la part des Sarrasins, et qu’il évita par le traité dont nous venons de parler, il avait d’ailleurs un intérêt partioculier de vivre en paix avec ces peuples et de se ménager leur protection en s’alliant avec eux ; car il avait tout à craindre de l’ambition de Char-les Martel, et il eût été très dangereux pour lui d’avoir en même temps ces deux puissants ennemis sur les bras »

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1836Fauriel M., Histoire de la Gaule méridionale, T.III , Paris

« À l’approche d’Abd el Rahman, Abî Nessâ (Munuza) se réfugie dans Livia ; Il n’a pas le temps de renforcer ses défenses et s’enfuit de la ville afin de gagner les montagnes voisines avec quelques serviteurs et sa bien-aimée Lampagie. Il avait déjà pénétré dans une gorge écartée et déserte, où il lui semblait qu’il ne courait plus de risque d’être découvert. Il s’arrêta donc pour se délasser et apaiser la soif qui les tourmentait, sa belle compagne et lui, à côté d’une cascade qui s’élançait d’une haute masse de rochers sur une fraîche et verte pelouse. Ils se livraient au charme de se croire sauvés, lorsque tout à coup ils entendent un grand bruit de pas et de voix. Ils prêtent l’oreille et portent les yeux du côté d’où vient le bruit, et aperçoivent un détachement de soldats armés ; c’était un de ceux qui les cherchaient. Leurs serviteurs prennent la fuite, Lampagie trop lasse ne peut les suivre, ni Abî Nessâ abandonner Lampagie. En un clin d’œil, ils sont entourés d’ennemis. Isidore de Béja dit qu’Abî Nessâ, pour ne point tomber vi-vant entre leurs mains, se précipita de haut en bas sur des rochers. Un historien arabe raconte qu’il mit l’épée à la main, et se fit tuer de vingt coups de lance, en combattant pour la défense de celle qu’il aimait (voir Conde, T.1, 24). On lui coupa la tête, qui fut aussitôt portée à Abd el Rahman, auquel on conduisit de même prisonnière la malheureuse fille d’Eudon. Abd el Rahman la trouva si belle, qu’il crut devoir l’envoyer à Damas, au chef des croyants, n’estimant nul autre mortel digne d’elle ».

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1839Cayla M.J.M. et Perrin-Paviot, Histoire de la ville de Toulouse depuis sa fondation jusqu’à nos jours, Toulouse, Bon et Privat libraires-éditeurs

« Munuza, successeur de Zama, commandait alors les Sarrasins qui s’étaient fixés sur le versant méridional des Pyrénées . Eudes lui envoya une ambassade pour lui demander la paix ; le jeune émir avait ouï vanter plusieurs fois la beauté de Lampagie d’Aquitaine ; il consentit à faire alliance avec le duc de Toulouse, à condition que ce dernier lui donnerait Lampagie pour épouse.La princesse était chérie des Toulousains...Aussi lorsqu’on apprit que le duc son père avait consenti à la donner en mariage à un Sarrasin, l’indignation fut géné-rale. Lampagie pleura amèrement quand elle connut sa triste destinée. Mais sou-mise aux ordres de son père, elle se résigna et fit ses préparatifs de départ...Elle partit, mais pour ne plus revoir les belles campagnes de l’Aquitaine, ni les bons habitants de Toulouse. Eudes, qui l’avait ainsi sacrifiée au maintien de la paix, eut bientôt à se repentir de ce funeste mariage. Munuza fut accusé de trahison, dépouillé de sa qualité d’émir ; poursuivi par Abdérame, son implacable rival, il se vit forcé de se donner la mort pour ne pas périr de la main du bourreau, et la malheureuse Lampagie fut envoyée esclave à Bagdad ; le calife, épris de sa beauté, la mit au nombre des odalisques de son sérail »

1899Codera Francisco , Estudios de historia arábigo-española, Madrid

« Al período de este emir se refieren los tragicos sucesos de la rebelión de Mu-nuza, y su alianza con Eudon, duque de Aquitania, que le da en matrimonio su bella hija Lampegia, y el desastroso fin de ambos amantes, despeñado él de una altura en las montañas de la Cerretania, al verse impotente para salvar a su amada Lampegia, y mas desgraciada ella al ser presentada al emir juntament con la cabeza de su esposo, y envia la después a Damasco, cual digno presente para el Califa ».

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1979Rouche Michel, l’Aquitaine, des wisigoths aux Arabes 418-781

« Eudes craignait surtout une attaque musulmane le long de la route qui, depuis Lerida, remonte la Sègre, aboutit à la Cerdagne et, par le col de Puymorens et l’Ariège, descend sur Toulouse. La haute plaine de Cerdagne avec ses castella était donc, comme au temps de Wamba, la clef stratégique de la Septimanie et de l’Aquitaine. Elle était alors tenue par un berbère, Munnuz, révolté contre le gouver-neur arabe d’Espagne. Eudes crut habile de faire la paix avec lui et de lui donner sa fille en mariage. Mais le gouverneur arabe El-Haythem ben Obeyd Kenani, en 729, élimina complètement le rebelle berbère, s’empara de la Cerdagne et de la fille du duc d’Aquitaine qui alla garnir le harem du Commandeur des Croyants à Damas »

2000Senac Philippe, les Musulmans en terre Languedocienne VIII°-XI° in Le Pays cathare sous la direction de Jacques Berlioz le Seuil

« Suivant la Chronique de Moissac, un chef berbère nommé Munuza vint s’ins-taller en une forteresse appelée al-Bab, souvent identifiée avec Puigcerda. Se-lon une tradition remise en cause par Michel Rouche, le duc Eudes d’Aquitaine aurait pactisé en 729 avec ce chef berbère et lui aurait donné sa fille Lampégie en mariage. Cette alliance ne fut que très provisoire puisque, quelques mois plus tard, l’émir al-Hisham b. Ubayd éliminait le chef berbère et envoyait Lampégie à Damas dans le harem du calife omeyyade »

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FOTOGRAFIAS

ILLUSTRATIONS

Tapis berbère coll.privée F.Meyruelscrédit photos : Aurélia Randriamorasata

Mapa / Carte réalisation : Francis Blot

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En souvenir de Lampégie, princesse de la paix et de l’amourLlivia, Cerdanya

Concepcion generala / Conception généraleAlem Surre Garcia

Carta grafica / charte graphiqueMesa en pagina / Mise en page Aurélia Randriamorasata (Fondacion Occitània / org&com)

Estampatge / ImpressionCDS, febrièr de 2012Edicions : Fondacion Occitània, 11 rue Malcousinat, 31000 Toulouse

Cette publication a reçu le soutien du Conseil Régional de Midi-Pyrénées du Conseil Général de Haute-Garonne et de la Ville de Toulouse.

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