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692 M/S n° 8-9, vol. 23, août-septembre 2007 > La lymphopoïétine stromale thymi- que (TSLP) est une cytokine dont plu- sieurs fonctions importantes ont été récemment identifiées, aussi bien chez comme l’homéostasie lymphocytaire, ou pathologiques comme les réactions allergiques [1]. TSLP et induction d’une réponse lymphocytaire T pro-allergique Initialement clonée chez la souris dans la fin des années 1990 à partir d’une lignée stromale thymique dont le sur- nageant stimulait la lymphopoïèse B [2, 3], la TSLP est un analogue structural de l’IL-7 et appartient à la famille des cytokines hématopoïétiques à chaîne courte. La TSLP humaine a été clonée quelques années plus tard, du fait d’une faible similarité de séquence entre les deux orthologues (45 %). C’est en fait son analogie structurale avec l’IL-7 qui a permis sa découverte par bio-infor- matique [4]. Il a fallu encore quelques années pour pleinement appréhender sa fonction. Alors que la TSLP murine stimule la lymphopoïèse B et T, centrale et périphérique, les premières études sur la TSLP humaine n’ont mis en évidence aucun effet direct sur diverses sous- populations lymphocytaires ou dans des systèmes de différenciation hémato- poïétique in vitro [4, 5]. C’est lorsque nous avons testé son action sur des sous- populations de cellules dendritiques (DC), que nous avons mis en évidence sa capacité à fortement activer les DC myéloïdes du sang circulant. Les DC ainsi activées (TSLP-DC) induisent la diffé- renciation de lymphocytes T (LT) CD4 et CD8 pro-allergiques. Le profil des cyto- kines synthétisées par ces LT CD4 associe les interleukines IL-4, IL-5 et IL-13 ainsi que le TNF-α (tumor necrosis factor a) l’homme que chez la souris. Elle est produite par les cellules épithéliales et stromales et joue un rôle clé dans la régulation de processus physiologiques NOUVELLE La lymphopoïétine stromale thymique (TSLP) De l’homéostasie lymphocytaire à l’initiation des réactions allergiques Vassili Soumelis Inserm U653, Institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75245 Paris Cedex 05, France. [email protected] Figure 1. Rôle de la TSLP dans l’initiation de l’allergie cutanée. Sous l’influence de facteurs cytokiniques ou environnementaux, la TSLP est produite par les kératinocytes de la peau. Elle peut alors activer les DC (cellules de Langerhans dans l’épiderme) qui vont maturer, migrer vers le derme puis les organes lymphoïdes secondaires, et induire une réponse Th2 inflammatoire par l’intermédiaire du ligand de OX40 exprimé à leur surface. La TSLP peut aussi activer les masto- cytes, en augmentant l’effet des cytokines pro-inflammatoires TNF-α ou IL-1. La production de cytokines Th2 (IL-5 et IL-13) et de cytokines inflammatoires (GM-CSF et IL-6) par les mastocytes est ainsi accrue. Ces deux voies participent à induire une forte inflammation de type Th2 carac- téristique de l’allergie. TLR : Toll-like receptors ; TARC : thymus and activation-regulated chemo- kine ; MDC : macrophage-derived chemokine. Ligands des TLR Trauma Cytokines TSLP Kératinocytes Cellule dendritique Chimiokines : TARC, MDC Activation Migration Mastocyte TSLP LT CD4 Th2 inflammatoire : IL-4, IL-5, IL-13 TNF-a OX40-L Épiderme Cytokines : IL-5, IL-13 GM-CSF, IL-6 Inflammation Th2 T-indépendante Inflammation Th2 T-dépendante

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> La lymphopoïétine stromale thymi-que (TSLP) est une cytokine dont plu-sieurs fonctions importantes ont été récemment identifiées, aussi bien chez

comme l’homéostasie lymphocytaire, ou pathologiques comme les réactions allergiques [1].

TSLP et induction d’une réponse lymphocytaire T pro-allergiqueInitialement clonée chez la souris dans la fin des années 1990 à partir d’une lignée stromale thymique dont le sur-nageant stimulait la lymphopoïèse B [2, 3], la TSLP est un analogue structural de l’IL-7 et appartient à la famille des cytokines hématopoïétiques à chaîne courte. La TSLP humaine a été clonée quelques années plus tard, du fait d’une faible similarité de séquence entre les deux orthologues (45 %). C’est en fait son analogie structurale avec l’IL-7 qui a permis sa découverte par bio-infor-matique [4]. Il a fallu encore quelques années pour pleinement appréhender sa fonction. Alors que la TSLP murine stimule la lymphopoïèse B et T, centrale et périphérique, les premières études sur la TSLP humaine n’ont mis en évidence aucun effet direct sur diverses sous-populations lymphocytaires ou dans des systèmes de différenciation hémato-poïétique in vitro [4, 5]. C’est lorsque nous avons testé son action sur des sous-populations de cellules dendritiques (DC), que nous avons mis en évidence sa capacité à fortement activer les DC myéloïdes du sang circulant. Les DC ainsi activées (TSLP-DC) induisent la diffé-renciation de lymphocytes T (LT) CD4 et CD8 pro-allergiques. Le profil des cyto-kines synthétisées par ces LT CD4 associe les interleukines IL-4, IL-5 et IL-13 ainsi que le TNF-α (tumor necrosis factor a)

l’homme que chez la souris. Elle est produite par les cellules épithéliales et stromales et joue un rôle clé dans la régulation de processus physiologiques

NOUVELLE

La lymphopoïétine stromale thymique (TSLP)De l’homéostasie lymphocytaire à l’initiation des réactions allergiquesVassili Soumelis

Inserm U653, Institut Curie, 26, rue d’Ulm, 75245 Paris Cedex 05, [email protected]

Figure 1. Rôle de la TSLP dans l’initiation de l’allergie cutanée. Sous l’influence de facteurs cytokiniques ou environnementaux, la TSLP est produite par les kératinocytes de la peau. Elle peut alors activer les DC (cellules de Langerhans dans l’épiderme) qui vont maturer, migrer vers le derme puis les organes lymphoïdes secondaires, et induire une réponse Th2 inflammatoire par l’intermédiaire du ligand de OX40 exprimé à leur surface. La TSLP peut aussi activer les masto-cytes, en augmentant l’effet des cytokines pro-inflammatoires TNF-α ou IL-1. La production de cytokines Th2 (IL-5 et IL-13) et de cytokines inflammatoires (GM-CSF et IL-6) par les mastocytes est ainsi accrue. Ces deux voies participent à induire une forte inflammation de type Th2 carac-téristique de l’allergie. TLR : Toll-like receptors ; TARC : thymus and activation-regulated chemo-kine ; MDC : macrophage-derived chemokine.

Ligands des TLRTrauma

Cytokines

TSLP

KératinocytesCellule dendritique

Chimiokines :TARC, MDC

ActivationMigration

Mastocyte

TSLP

LT CD4

Th2 inflammatoire :IL-4, IL-5, IL-13TNF-a

OX40-L

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Cytokines :IL-5, IL-13

GM-CSF, IL-6

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mais pas ou peu d’IFN-γ (interféron γ) et d’IL-10 [5]. Il s’agit d’un profil de type Th2 « inflammatoire », par opposition au profil Th2 classique qui comprend de l’IL-10 mais pas ou peu de TNF-α. Le ligand du récepteur OX40 (OX40L), dont l’expression est induite sur les DC par la TSLP, joue un rôle essentiel pour orienter la différenciation des LT CD4 naïfs vers des LT auxiliaires produi-sant des cytokines de type Th2 et du TNF-α [6]. Ce profil Th2 inflammatoire, fortement évocateur d’une réponse T pro-allergique, a conduit à plusieurs études qui ont toutes confirmé un rôle central de la TSLP dans l’initiation des réactions allergiques (Figure 1) : (1) la TSLP est abondamment produite par les kératinocytes dans la dermatite atopique humaine [5] ; (2) la TSLP a

pu être détectée par hybridation in situ dans le poumon asthmatique [7] ; (3) l’expression sélective de TSLP dans la peau de souris (l’ADNc étant placé sous le contrôle du promoteur de la kératine) induit une pathologie ressemblant à la dermatite atopique [8], et dans le poumon de souris (sous contrôle du promoteur du surfactant) induit une pneumopathie asthmatiforme [9] ; (4) les cytokines Th2 (IL-4 ou IL-13) agis-sent en synergie avec le TNF-α pour induire l’expression de la TSLP par les kératinocytes humains, suggérant un mécanisme d’induction ou d’amplifi-cation de la production de TSLP dans l’allergie [10] ; (5) la TSLP, en associa-tion avec le TNF-α et l’IL-1, augmente la production de cytokines Th2 par les mastocytes humains [11]. Ces études,

ainsi que d’autres travaux sur le rôle des kératinocytes dans l’inflammation cutanée, ont contribué à conférer une place centrale aux cellules épithéliales dans l’initiation des processus allergi-ques [12].

Fonction homéostatique de la TSLP dans le thymusParallèlement à ces travaux étudiant le rôle de la TSLP dans les réactions inflammatoires, d’autres ont étudié son rôle dans les processus homéostatiques. C’est par analogie à la TSLP murine, et au rôle de l’IL-7 dans l’homéostasie lymphocytaire T, qu’une fonction simi-laire de la TSLP humaine a été suspec-tée. Deux études ont suggéré un rôle de la TSLP dans l’expansion homéostati-que périphérique des LT CD4 autologues [13], ou dans l’homéostasie intestinale et la tolérance à la flore commensale [14]. Enfin, la TSLP produite dans le thymus par les corpuscules de Has-sall (agrégats de cellules épithéliales médullaires agencées comme dans un bulbe d’oignon) pourrait jouer un rôle essentiel dans la sélection positive et la différenciation intra-thymique des LT régulateurs [15]. En effet, les TSLP-DC induisent la différenciation de thy-mocytes CD4+ en LT CD4+CD25+FoxP3+ ayant des propriétés de LT régulateurs. Cette fonction permettrait d’expliquer comment les DC thymiques réorientent les rares LT autoréactifs qui auraient échappé à la sélection négative, et leur impriment un phénotype régulateur qui va contribuer au maintien de la tolé-rance périphérique [15] (Figure 2).

ConclusionsLa TSLP apparaît donc aujourd’hui comme une cytokine pléïomorphe, faisant le lien entre cellules épithéliales et cellules de l’immunité innée [1]. Dans le thymus, elle aurait essentiellement une fonction homéostatique : la production des LT régu-lateurs. Dans les tissus périphériques, elle a surtout une fonction pro-inflammatoire et imprime à la réponse T un profil pro-allergique. L’intérêt croissant pour cette

Figure 2. Rôle de la TSLP dans le thymus. La TSLP est produite par les corpuscules de Hassall du thymus humain et permet la sélection et la différenciation des LT régulateurs. Lors de la matu-ration des thymocytes et de la délétion des clones autoréactifs, certains thymocytes CD4+CD8- échappent à la sélection négative. Lorsque ces thymocytes CD4+ sont activés par des TSLP-DC, la TSLP étant produite par les corpuscules de Hassall, ils se différencient in vitro en LT régulateurs CD4+CD25+Foxp3+ qui pourront agir dans la tolérance périphérique selon leur spécificité antigé-nique. Lorsqu’ils sont activés par des DC immatures (Im-DC) n’ayant pas reçu de signal TSLP, ils meurent par apoptose, suggérant une sélection négative afin d’éviter la circulation de LT effec-teurs auto-réactifs. Haute affinité : interaction de haute affinité entre le TCR (T cell receptor) et les molécules du CMH présentées par les cellules stromales thymiques.

Corpusculede Hassall

Médullairethymique CD4+

CD8-

Im-DC

Sélection négativeCD4+

CD25+

FoxP3+

TSLP-DC

Haute affinité

TSLP

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cytokine devrait permettre d’élucider plus rapidement de nombreux points encore obscurs de sa biologie, notamment les mécanismes régulant sa production par les cellules épithéliales, son rôle dans l’activation des mastocytes, son impli-cation éventuelle dans des pathologies inflammatoires autres que l’allergie. Cela permettrait de mieux cerner son intérêt en thérapeutique et notamment d’envisager inhiber sa fonction pour contrôler les réac-tions allergiques. ‡Thymic stromal lymphopoietin (TSLP): a pivotal role in allergic immune responses

RÉFÉRENCES

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NOUVELLE

L’atrophie hippocampique chez l’hommeConséquence ou origine des troubles mentaux ?Sonia J. Lupien

Centre d’Études sur le stress humain, Hôpital Douglas-Université McGill, 6875, boulevard LaSalle, Verdun (Québec), H4H 1R3 [email protected]

> Entre 1997 et 2007, de nombreuses étu-des font état d’une réduction du volume de l’hippocampe dans diverses affections psychiatriques, notamment dépression [1], schizophrénie [2] et perturbations du com-portement d’origine post-traumatique [3]. Les données recueillies ont été interprétées en fonction de l’hypothèse de la neuro-toxicité, selon laquelle l’exposition chro-nique à des stress et/ou à un traumatisme important au cours de la vie d’un individu peut avoir des effets neurotoxiques sur les cellules hippocampiques et mener à une atrophie de cette structure [4].Des données appuyant l’hypothèse de la neurotoxicité ont aussi été obtenues dans des populations ne souffrant pas de trou-bles mentaux. Ainsi, en 1998, nous avons

rapporté que l’exposition cumulative à des concentrations élevées de glucocor-ticoïdes (une hormone de stress) chez des personnes âgées, de 65 à 80 ans, est asso-ciée à des troubles de la mémoire et à une réduction de l’ordre de 14 % du volume de leur hippocampe ; phénomènes dont sont, en comparaison, épargnées les personnes ne démontrant pas d’augmentation signi-ficative des taux de glucocorticoïdes [5].Or, une étude publiée en 2002 a soulevé un important doute quant à la validité de l’hypothèse de la neurotoxicité. Gilbertson et al. [6] ont mesuré le volume hippocam-pique de vétérans de la guerre du Vietnam. Dans une première phase de leur étude, ils ont confirmé les résultats de travaux antérieurs en démontrant que les vétérans

qui ont développé des troubles d’origine post-traumatique présentent un volume hippocampique réduit comparé à celui des vétérans n’ayant pas développé de per-turbations d’origine post-traumatique, quel que soit l’âge. Toutefois, Gilbertson et al. ont aussi mesuré le volume hippo-campique des frères jumeaux homozygo-tes de tous les participants de la phase 1. Ce qu’il est important de souligner ici c’est que tous ces frères jumeaux homozygotes n'avaient pas participé à la guerre et donc n’avaient pas été soumis au traumatisme subi par leur frère. Lorsque Gilbertson et al. ont mesuré le volume de l’hippo-campe de ces hommes, ils ont observé un volume hippocampique significativement réduit chez les frères jumeaux homozygo-

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tes des hommes qui avaient développé un désordre d’origine post-traumatique. Les premiers n’ayant pas été exposés à la guerre, les résultats de Gilbertson et al. ont permis de montrer que la réduction du volume hippocampique serait en fait un facteur de vulnérabilité (hypothèse de la vulnérabilité), qui prédisposerait certains individus à développer un trouble mental lorsqu’ils sont exposés à un traumatisme important.L’hypothèse de la vulnérabilité, telle qu’elle est suggérée par ces auteurs, implique un point important qui n’a jamais été testé dans les publications scientifiques. En effet, l’hypothèse selon laquelle un petit volume hippocampique peut prédisposer un individu à développer un désordre mental lorsqu’il est exposé à un stress chronique ou à un trauma-tisme implique que dans une population jeune et en bonne santé, une variabilité importante des volumes hippocampiques devrait exister. Or, la majorité des études ayant comparé le volume hippocampique de populations jeunes (participants âgés de 18 à 35 ans) et âgées (participants âgés de 65 à 85 ans) rapporte que les per-sonnes âgées présentent systématique-ment un volume hippocampique plus petit que les personnes jeunes [7]. Ces données ont mené à l’idée implicite que chez les jeunes, les volumes de l’hippocampe sont peu variables et que l’âge augmente la variabilité des volumes hippocampiques.Dans le but de vérifier si tel est le cas, nous avons comparé le volume hippocampique de 177 individus âgés de 18 à 85 ans qui ont tous été testés à l’Institut neurologique de Montréal (Québec) en utilisant le protocole provenant du International Consortium for Brain Mapping [8]. Tous les volumes hippo-

campiques ont ensuite été calculés par les mêmes personnes en utilisant une méthode validée et publiée précédemment [9].Les résultats obtenus démontrent que bien que le volume hippocampique des person-nes dont l'âge varie de 60 à 85 ans soit plus petit que le volume hippocampique des individus âgés de 18 à 40 ans, l’écart-type de la moyenne (la variabilité inter-participant) ne l’est pas [10]. En fait, notre analyse a permis de démontrer que 25 % des jeunes individus âgés entre 18 et 25 ans présentent des volumes hippocam-piques semblables à ceux de personnes âgées de 60 à 75 ans. Ainsi, ces résultats démontrent qu’il existe une importante variabilité inter-individuelle dans les volumes hippocampiques de populations jeunes. Cela confirme la viabilité de l’hy-pothèse de la vulnérabilité selon laquelle un petit volume hippocampique chez un individu jeune ou âgé peut le prédisposer à développer un trouble mental lorsqu’il est exposé à un stress chronique ou à un traumatisme important.L’origine de ces grandes différences inter-individuelles du volume hippocampique chez l’homme reste à découvrir. Toutefois, les études portant sur le stress et ses effets néfastes sur la neurogenèse hippocampi-que et la réorganisation cellulaire permet-tent de suggérer qu’en fait, l’hypothèse de la neurotoxicité et l’hypothèse de la vulné-rabilité peuvent cohabiter. En effet, il est possible que l’exposition à l’adversité pré-coce chez l’enfant induise un retard ou un arrêt de développement de l’hippocampe, et que le petit volume qui résulte de cet arrêt de développement augmente la vul-nérabilité de cette personne à développer un trouble mental (dépression, désordre d’origine post-traumatique) en réponse

à l’exposition au stress chronique ou à un trauma. Si tel est le cas, ce qui a été appelé une « atrophie » de l’hippocampe pourrait, en fait, être un arrêt développemental de cette structure en réponse à l’adversité environnementale au cours du jeune âge. Des études sont en cours dans notre labo-ratoire pour tester cette hypothèse. ‡Hippocampal atrophy in humans: consequence or origin of mental health disorders?

RÉFÉRENCES

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10. Lupien SJ, Evans A, Lord C, et al. Hippocampal volume is as variable in young as in older adults: implications for the notion of hippocampal atrophy in humans. Neuroimage 2007 ; 34 : 479-85.

ILLUSTRATION DES ARTICLES (VIGNETTES) : p. 723 : culture primaire d’hépatocytes sur collagène (photo Bruno Clément - © Photothèque Inserm) - p. 729 : triple hélice d’ADN (photo Sheng Sun-Jian - © Photothèque Inserm) - p. 735 : hybridation in situ à l’aide d’une sonde fl uorescente spécifi que de bras long du chromosome Y (photo Michel Depardieu - © Photothèque Inserm) - page 741 : structure tridimensionnelle de la protéine prion normale recombinante de hamster (© photo Jean-Pierre Liautard) - p. 746 : molécule active dans son site récepteur (photo Camille G. Wermuth - © Photothèque Inserm) - page 751 : cellules nerveuses (photo Pascal Dournaud - © Photothèque Inserm) - page 756 : ostéomalacie (photo Pierre-Jean Meunier - © Photothèque Inserm) - page 761 : détail structural d’un rein humain (photo Marco Celio - © Photothèque Inserm) - page 765 : caryotype humain (photo photo Michel Depardieu - © Photothèque Inserm) - page 772 : séquences d’ADN (photo Bertrand Jordan - © Photothèque Inserm) - page 773 : œuf humain âgé de deux jours après fécondation in vitro (photo Jacques Testart - © Photothèque Inserm) - page 775 : vue tranversale d’ADN (photo Jean-Louis Martin - © Photothèque Inserm).

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NOUVELLE

L’autophagie et le dernier soupir de la celluleSophie Pattingre, Patrice Codogno

Inserm U756, Université Paris-Sud, 5, rue Jean-Baptiste Clément, 92296 Châtenay-Malabry, [email protected]@u-psud.fr

> La cellule s’autodigère t-elle pour survivre ou pour mourir ?Brièvement voyons d’abord pourquoi un processus cellulaire décrit il y a une cinquantaine d’années [1] suscite un tel regain d’intérêt. L’autophagie - ou plus précisément la macroautophagie (en fait l’autophagie est un terme glo-bal qui englobe différents mécanismes qui aboutissent à la dégradation du contenu cellulaire par le lysosome) - est un mécanisme vacuolaire de dégradation du matériel intracellulaire. Son étape initiale est la formation d’un autopha-gosome dans le cytoplasme, vacuole délimitée par une double membrane, qui séquestre, en général de façon non sélective, des macromolécules et des organites (Figure 1). La découverte chez la levure Saccharomyces cerevisiae des gènes ATG (autophagy related genes) impliqués dans la formation de l’auto-phagosome, et leur conservation chez les eucaryotes, a conduit à une explosion d’études des fonctions de ce processus [2]. L’histoire naturelle de l’autophagie est intéressante à comparer à celle de l’apoptose qui a pris son essor après la découverte des gènes CED (Caenorhab-ditis elegans death) chez le nématode C. elegans [3]. Une première clarification du rôle de l’autophagie a été apportée par la démonstration de sa fonction cytoprotectrice soit à un niveau basal soit après stimulation. À un niveau basal, elle assure un contrôle de qualité des constituants du cytoplasme en éliminant les molécules et structures altérées. Son inhibition par l’invalidation condi-tionnelle de gènes ATG dans le cerveau de souris entraîne une neurodégénéres-cence et une mort prématurée [4, 5].

cela a été récemment discuté dans ces colonnes [10], le « déterminisme » vital ou mortel de l’autophagie, et sa rela-tion avec l’apoptose, sont le fruit pour partie d’acteurs moléculaires communs, notamment par l’interaction entre la protéine anti-apoptotique Bcl-2 et la protéine autophagique Beclin 1 (Atg6) [11]. La modulation de l’autophagie est récemment apparue comme un enjeu thérapeutique dans certaines patholo-gies comme les maladies neurodégéné-ratives et le cancer [12]. Néanmoins ces nouvelles pistes thérapeutiques néces-sitent de mieux maîtriser les acteurs moléculaires qui contrôlent l’autophagie et ses conséquences sur la survie et la mort cellulaire.

Autophagie et phagocytose des cellules apoptotiquesQu et al. [13] ont étudié le rôle de gènes - connus pour leur rôle dans la formation de l’autophagosome (Atg5 et Beclin 1) - dans la formation des corps embryoïdes et la cavitation dans un modèle in vitro qui reproduit les premières étapes de l’embryogenèse. En effet, les cellules souches embryonnai-res (cellules ES) murines, cultivées en l’absence du facteur LIF (leukemia inhi-biting factor) s’engagent spontanément dans un processus de différenciation. Après une première étape où les cellules s’agrègent, on observe la formation d’un corps embryoïde comprenant au centre des cellules ectodermiques et en péri-phérie des cellules de nature endoder-mique. À partir du 6e jour, cet agrégat se creuse, les cellules ectodermiques inter-nes mourant par apoptose. Cette cavi-tation, dont la taille augmente jusqu’au

La neurodégénérescence est caracté-risée par l’accumulation de protéines ubiquitinylées normalement dégradées par la voie du protéasome. Ces études montrent l’importance de l’autophagie dans la régulation du flux de protéi-nes prises en charge par le protéasome. Lors de périodes de jeûne, l’autophagie est stimulée pour maintenir un niveau intracellulaire de nutriments compatible avec les besoins métaboliques et éner-gétiques de la cellule. Cette fonction s’applique notamment au moment de la naissance chez le souriceau où l’apport nutritionnel maternel via le placenta est brusquement interrompu [6]. L’auto-phagie contribue pendant les premières heures de la vie aux besoins énergétiques importants de certains organes comme le cœur et le diaphragme. Par ailleurs, sa stimulation par le jeûne est un frein au déclenchement de l’apoptose [7]. Outre ces fonctions, l’autophagie participe à l’immunité innée vis-à-vis de pathogènes infectieux, et acquise par la présentation d’antigènes cytosoliques par le système majeur d’histocompatibilité de clas-se II. Certains auteurs proposent même le terme d’immunophagie pour définir cette fonction particulière [8]. Une des singu-larités de l’autophagie tient au fait que ce mécanisme cytoprotecteur peut être aussi un mécanisme de mort cellulaire. Ce n’est que récemment que le rôle de l’autophagie dans la mort cellulaire pro-grammée a pu être expérimentalement validé [9]. La distinction entre les deux types de mort, par apoptose (type 1) ou par autophagie (type 2), est loin d’être aussi stricte puisque l’autophagie peut contribuer dans certaines circonstances au déclenchement de l’apoptose. Comme

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2e jour de culture, mime la formation de la cavité amniotique (Figure 1).Mais, si cette expérience est faite avec des cellules ES Atg5-/- ou Beclin 1-/-

(cellules ES déficientes en autophagie = ESaut-), la cavitation ne se produit pas.

Deux hypothèses ont alors été émises : (1) les cellules ne font plus d’apoptose ; ou (2) les cellules apoptotiques ne sont pas éliminées. En effet, in vivo, l’étape ultime de l’apoptose est l’élimination de la cellule apoptotique par des cel-

lules phagocytaires (professionnelles ou non). Dans le modèle étudié, les cel-lules ectodermiques apoptotiques sont normalement phagocytées par les cellu-les endodermiques, mais ce n’est pas le cas dans les corps embryoïdesaut-.Le mécanisme par lequel l’autophagie permet la phagocytose des cellules apoptotiques a également été élucidé par l’étude de Qu et al. [13]. En effet, deux types de signaux sont émis par la cellule apoptotique [14] : (1) un signal de reconnaissance appelé eat-me signal qui correspond à la trans-location de la phosphatidylsérine du feuillet interne vers le feuillet externe de la membrane plasmique ; (2) un signal chimioattractant pour les cel-lules phagocytaires appelé come-and-get me signal. Ce signal, quant à lui, repose sur la synthèse et la sécrétion de la lysophosphatidylcholine par la cellule apoptotique.

Comment l’autophagie permet-elle l’élimination des cellules apoptotiques ?L’une des fonctions importantes de l’autophagie, qui s’exerce lors de pério-des de jeûne [6], est de maintenir le niveau d’ATP cellulaire. Or, les auteurs ont observé une diminution du niveau d’ATP dans les corps embryoïdesaut- et la supplémentation des cellules ESaut- par du méthylpyruvate (substrat du cycle de Krebs) restaure le niveau d’ATP et la cavitation (Figure 1). À partir de ces résultats, les auteurs suggèrent que l’autophagie est essentielle pour fournir l’énergie nécessaire à l’émission des signaux requis pour la phagocytose des cellules apoptotiques.Ces résultats ont enfin été validés in vivo dans la rétine et le poumon au cours du développement des souris Atg5-/-. Ce défaut d’élimination des cellules apoptotiques conduit en effet à l’ac-cumulation de macrophages, suggérant la présence d’un foyer inflammatoire provoqué par la libération du contenu des corps apoptotiques dans l’espace extracellulaire (nécrose secondaire).

Figure 1. L’autophagie permet l’élimination des cellules apoptotiques. L’autophagie débute à partir d’une membrane d’isolation qui forme une vacuole ou autophagosome séquestrant des portions de cytoplasme. Le contenu intravacuolaire sera dégradé par les enzymes lysosomales après fusion de l’autophagosome et du lysosome. La dégradation est dans de nombreux cas un mécanisme cyto-protecteur soit par l’élimination des molécules ou structures pouvant mettre en péril la viabilité cellulaire soit par la libération d’acides aminés et d’acides gras indispensables au métabolisme et à la production d’ATP par le cycle de Krebs notamment en période de jeûne. L’étude de Qu et al. [13] montre que la production d’ATP via l’autophagie est nécessaire à l’expression de signaux émis par la cellule apoptotique pour sa phagocytose par les cellules voisines. Deux types de signaux sont émis par la cellules apoptotique : la translocation de la phosphatidylsérine (PS) du feuillet interne vers le feuillet externe de la membrane plasmique (eat-me signal, signal de phagocytose) et la sécrétion de la lysophosphatidylcholine (LPC) (come-and-get me signal, signal chimioattractant). Ce rôle de l’autophagie a été démontré dans les corps embryoïdes qui reproduisent les premières étapes de l’embryogenèse. Les cellules ectodermiques (vert) déclenchent une mort programmée apoptotique. L’élimination des cellules ectodermiques apoptotiques (rouge) par les cellules endo-dermiques (bleu) de la couche externe permet la cavitation. L’inhibition de l’autophagie se traduit par un engorgement de la cavité par des cellules ectodermiques apoptotiques qui n’ont pas émis les signaux PS et LPC nécessaires à leur élimination.

Agrégation Différenciation

Sécrétion LPCExposition PS

PS

Membraneplasmique

Membrane d'isolation

Cytosol et organites

Lysosome HydrolasesFusion

Autophagosome Autolysosome

ATP

Acides aminés,Acides gras

Cyclede

Krebs

J6Apoptose des

cellules internes

J14Phagocytose

J21Cavitation

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En conclusionCe travail démontre un rôle inattendu pour l’autophagie à l’étape ultime du programme apoptotique en permettant l’élimination par phagocytose de la cellule morte.Comme tout travail novateur, cette étude pose un certain nombre de ques-tions, et nous en relèverons deux :- Alors que des nutriments sont présents dans l’environnement cellulaire, pour-quoi l’autophagie est-elle nécessaire à la production d’ATP permettant la mise en place des signaux de phagocytose dans les corps embryoïdes ?- Pourquoi les phénotypes des souris Atg5-/- et Beclin 1-/- sont-ils différent ? En effet, aucune anomalie majeure n’est observée au cours du développement des souris Atg5-/- [6] alors que celui des souris Beclin 1-/- s’arrête au jour J7,5 de gestation [15, 16] ? Deux réponses non exclusives peuvent rendre compte

de cette différence : soit la protéine Beclin 1 est impliquée dans d’autres processus que l’autophagie, soit il existe un phénomène de compensation à l’in-validation du gène Atg5. ‡Autophagy and clearence of apoptotic cells

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NOUVELLE

Le danio zébré révèle l'odyssée des précurseurs hématopoïétiques au cours du développement des embryons de vertébrésKarima Kissa, Emi Murayama, Philippe Herbomel

Unité Macrophages et Développement de l’Immunité, CNRS-URA 2578, Institut Pasteur, 25, rue du Docteur Roux, 75724 Paris Cedex 15, [email protected]

> Les cellules souches hématopoïétiques (CSH) sont à l’origine des divers types de cellules sanguines et de leur production continuelle chez les vertébrés adultes. Au cours du développement des mammifères, la genèse des cellules du sang se fait en deux vagues successives [1, 2]. La pre-mière vague, dite primitive, est transitoire, et produit dans le sac vitellin les érythrocy-tes et les macrophages primitifs de l’em-bryon. Puis une seconde vague, dite défi-nitive, produit, à partir de CSH, l’ensemble des cellules sanguines caractérisées chez l’adulte, en particulier la diversité des lym-phocytes. Cette hématopoïèse définitive a d’abord lieu dans le foie foetal, puis dans

la moelle osseuse, et parallèlement dans le thymus pour ce qui est de la maturation des lymphocytes T. Au cours de l’embryoge-nèse, le premier site où des cellules présen-tant le potentiel de CSH ont été identifiées est une région intra-embryonnaire appelée AGM (aorte-gonade-mésonephros) (voir Nouvelle d'Isabelle Godin et Ana Cumano, page 681 de ce numéro) [3]. Ce potentiel de CSH a été mis en évidence en montrant la capacité qu’ont ces cellules, lorsqu’el-les sont injectées dans une souris adulte irradiée, de restaurer durablement toute l’hématopoïèse.De là, il a été conclu que les organes héma-topoïétiques transitoires (foie fœtal) puis

définitifs (thymus, moelle osseuse) sont successivement colonisés par des CSH ini-tialement nées dans l’AGM. Bien que ce principe soit admis, aucune démonstra-tion directe d’une continuité de lignage cellulaire depuis l’AGM jusqu’aux organes hématopoïétiques définitifs n’a jamais été faite (voir Nouvelle d'Isabelle Godin et Ana Cumano, page 681 de ce numéro) [3].Malgré les divergences apparues entre les mammifères et les poissons au cours de l’évolution, le patron de signalisation moléculaire gouvernant l’hématopoïèse a été très conservé [4]. Aussi, parce que l’embryon de danio zébré (zebrafish, d’où l’anglicisme poisson zèbre) se développe

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dans l’eau, est de petite taille, et totale-ment transparent, il représente un modèle adapté à l’observation et l’analyse in vivo du développement de l’hématopoïèse.Qu’en est-il donc chez ce poisson ?- Comme chez les mammifères, une pre-mière vague hématopoïétique donne naissance aux macrophages et érythro-cytes primitifs, environ 24 h après la fécondation (hpf), peu avant le démar-rage de la circulation sanguine [5].- Le site définitif de l’hématopoïèse, comme chez tous les poissons, est le rein,

à partir de 7 jpf (jours post-fécondation).- Or, dès 2 jours, de nouveaux types leu-cocytaires apparaissent (granulocytes, et thrombocytes - homologues des plaquettes sanguines chez les vertébrés non-mammi-fères), et dès 3 jours, les premiers lympho-blastes colonisent le thymus [6, 7]. Cela suggérait l’existence d’un site préalable de genèse de CSH, et d’un site intermédiaire d’hématopoïèse (rendant compte de la production de granulocytes et de thrombo-cytes), avant l’établissement de l’hémato-poïèse définitive dans le rein.

Deux questions se posaient alors : (1) les CSH sont-elles produites dans une AGM homologue à celle des mammifères ? (2) Peut-on mettre à profit l’accessibilité de l’embryon de danio pour analyser in vivo la colonisation par ces CSH des tissus hématopoïétiques transitoires (à identi-fier), puis définitifs (thymus et rein) ?

Identification du lieu d’hématopoïèse intermédiaire : le tissu hématopoïétique caudal (THC)Nos explorations par vidéomicroscopie Nomarski sur l’embryon vivant montrent la présence de progéniteurs hémato-poïétiques en nombre croissant entre 30 hpf et 6 jpf dans la queue, entre l’ar-tère et le plexus veineux caudal (AC et VC, Figure 1B) [8]. Ce tissu, que nous avons appelé « tissu hématopoïétique caudal » (THC) est le lieu de genèse de granulocytes, et de thrombocytes. L’ana-lyse par microscopie électronique montre que le THC contient dès 3 jpf des fibro-blastes réticulaires adossés aux cellules endothéliales veineuses, qui forment une trame dans laquelle les CSH s’instal-lent pour proliférer et se différencier - cytoarchitecture semblable à celle du stroma hématopoïétique rénal ultérieur du poisson ou de la moelle osseuse des mammifères.

Un traceur cellulaire photoactivable in vivo permet de suivre le voyage des CSH issues de l’AGM au cours du développement du danio zébréDès 26 hpf, l’hybridation in situ à l’aide d’une sonde ARNc c-myb révèle la présence d’un chapelet de précurseurs hématopoïé-tiques dans le tronc, entre l’aorte dorsale et la veine axiale, dans une région homo-logue de l’AGM des mammifères (Figure 1E, 1F). À 48 hpf, ce marquage s’étend aux cellules nichées dans le THC, où le nombre de cellules c-myb+ ne cesse d’augmenter jusqu’à 6 dpf, tandis qu’à 3 et 5jpf un mar-quage est détecté respectivement dans le thymus et le rein (Figure 1G) [7]. La chro-nologie des marquages successifs suggère la migration de CSH entre ces différents sites hématopoïétiques.

Figure 1. Le tissu hématopoïétique caudal : un site hématopoïétique intermédiaire. A-D. L’observation par microscopie Nomarski de l’embryon de danio zébré vivant révèle l’accumu-lation de précurseurs hématopoïétiques dans la région de la veine caudale, entre 2 et 6 jours post-fécondation (jpf) (B-D). À 2 jpf, la tête de flèche montre un précurseur hématopoïétique présent dans le tissu caudal (B). Progressivement, le nombre de ces progéniteurs croît (C), jus-qu’à atteindre un maximum à 6 jpf (D). E-G. L’hybridation in situ à l’aide d’une sonde c-myb, marqueur précoce de l’hématopoïèse définitive révèle à 26 hpf un chapelet de cellules marquées dans le tronc (E, têtes de flèche), entre l’aorte dorsale (ad) et la veine axiale (va) (F). À 5 jpf, l’expression de c-myb est détectée dans le THC, le thymus (flèche bleue) et le rein, organe héma-topoïétique définitif chez le poisson (flèche rouge) (G) (figure issue du journal Immunity avec l'aimable autorisation du groupe Cell Press).

veineaxiale

Rein

Thymus

aorte artère caudale

veineaxiale THC

2jpf 3jpf 6jpf

ACAC AC

VCVC VC

Rein

Thymus

26hpf

somitesad

va

THC 5jpf

A

B

E F

G

C D

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A

C D E

GF

H I J

BDMNB

DMNB

vitellus

Stade 1 cellule

Stade 48hpf

Liaison covalentesensible aux UV

Fluorescéine

Fluorescéinelibre

Fluorescéinelibre

Anticorps

Révélation par immunohistochimie

Photoactivation

UV

Observation en temps réel de la fluorescence

Thymus Rein THC

Thymus

Rein

THC

Stade 5jpf

Afin de suivre à court terme le devenir des précurseurs hématopoïétiques initiale-ment présents dans l’AGM, nous avons là encore tiré parti de la transparence de l’embryon de danio zébré en utilisant un traceur cellulaire conditionnel, activable in vivo par une illumination dans l’UV. Le traceur, injecté dans l’œuf fécondé, se transmet ensuite dans toutes les cellules de l’embryon, sous forme non fluores-cente. Avec un laser UV couplé au micros-cope Nomarski, on peut photoactiver le traceur en principe dans n’importe quelle cellule de l’embryon, au stade désiré, puis suivre les cellules ainsi marquées soit in vivo, par leur fluorescence, soit après

Figure 2. Le voyage des précurseurs hématopoïétiques au cours du développement de poisson zèbre. A-B. Un traceur photoactivable de haut poids moléculaire (A) est injecté dans l’œuf fécondé de danio zébré (B). Piégé dans la cellule, il se trouve ensuite présent dans toutes les cellules de l’embryon. Ce traceur se compose d’un dextran (10 000 Da) lié à des molécules de fluorescéine elles-même liées de façon covalente à un groupement chimique (DMNB) qui éteint son émission de fluorescence ; cette liaison covalente est sensible au UV. C-E. À 48 hpf, l’ensemble des cellules de l’AGM est illuminé à l’aide d’un laser UV (D) ce qui permet de cliver la liaison du DMNB à la fluores-céine, restaurant ainsi sa fluorescence (C). Les cellules présentes dans l’AGM, ainsi photoactivées, émettent une fluorescence à 488nm (E). F-J. À 5 jpf, ce même embryon est fixé, et la présence de fluorescéine non liée au DMNB est détectée à l’aide d’un anticorps anti-fluorescéine couplé à la phosphatase alcaline (PA) (F). Le halo de photoactivation au niveau de l’AGM est encore visible au niveau du tronc (G), mais on voit également que les cellules issues de l’AGM ont colonisé la queue (G, J), le thymus (G, vue latérale ; H, vue ventrale ; flèche bleue), et le rein (G, vue latérale ; I, vue dorsale ; flèche rouge). ac : artère caudale ; vc : veine caudale ; ad : aorte dorsale ; va : veine axiale (figure issue du journal Immunity avec l'aimable autorisation du groupe Cell Press).

fixation par immunohistochimie à l’aide d’un anticorps qui ne reconnaît que le fluorochrome activé.Nous avons ainsi marqué à 48 ou 72 hpf les cellules présentes dans le tronc, dans le mince espace entre aorte et veine axiale - l’AGM présomptive du poisson. Leur suivi en temps réel ou après fixa-tion, associé aux hybridations in situ, a montré que ces cellules entrent dans la circulation pour aller ensemencer le THC, où elles se multiplient, se différen-cient en granulocytes et thrombocytes, ainsi qu’en précurseurs lymphoïdes qui vont aller coloniser le thymus à partir de 3 jpf (avec le phénotype c-myb+,

ikaros+, runx1-, scl-), tandis que celles qui demeurent des CSH présomptives (de phénotype c-myb+, ikaros+, runx1+, scl+) vont coloniser le rein à partir de 5 jpf (Figure 2) [8].L’embryon de danio zébré possède donc une structure homologue de l’AGM des mammi-fères, qui contient les CSH à 2 jpf. Celles-ci sont capables d’ensemencer d’abord le THC pour y proliférer et s’y différencier, puis de là, de migrer pour coloniser les orga-nes hématopoïétiques définitifs, thymus et rein. Le THC joue ainsi le rôle d’organe hématopoïétique transitoire au même titre que le foie fœtal chez les mammifères.On peut se demander à présent quelle est l’origine embryologique des CSH de l’AGM, et par quels mécanismes cellu-laires et moléculaires ces CSH quittent l’AGM pour aller coloniser les organes hématopoïétiques successifs. ‡The zebrafish reveals the odyssey of hematopoietic precursors in developing vertebrate embryos

REMERCIEMENTSTravail soutenu initialement par un contrat Inserm-Avenir, et par le Programme Transversal « Cellules souches » de l’Institut Pasteur. K.K. et E.M. sont financées par la Commission Européenne dans le cadre du Programme Intégré FP6 « ZF-Models ».

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pression de gènes cibles (par liaison d’éléments de réponse aux xénobioti-ques ou XRE) [4]. Le AhR possède, par ailleurs, des centaines de ligands dont les hydrocarbures aromatiques poly-cycliques qui agissent tout comme la dioxine. Les premières cibles caracté-risées sont certains cytochromes P450 (CYP) qui catalysent l’hydroxylation de leurs substrats et les rendent plus facilement conjugables et éliminables. Cette propriété explique en partie les effets anti-œstrogéniques de la dioxine car les CYP1A1 et 1B1 (dont l’expres-sion augmente en cas d’activation du AhR) métabolisent et inactivent égale-ment des molécules endogènes comme les œstrogènes [5-7] (Figure 1 - 1). Si l’effet du AhR dépend, dans ce cas, de l’expression des CYP, elle peut aussi se manifester par sa liaison directe à des promoteurs de gènes régulés par les RE ; plusieurs études ont montré que le AhR pouvait lier des promoteurs cibles du RE au niveau d’éléments de réponse inhibiteurs, gênant ainsi leur activation transcriptionelle (Figure 1 - 2) [3]. En plus de ces effets de compétition directe, le AhR partage avec le RE des coactivateurs qui peuvent donc s’avé-rer limitants pour les deux voies de transduction (Figure 1 - 3) [3].

Effets pro-œstrogéniques des dioxines : un paradoxe ?Toutefois, d’autres études montrent que la dioxine peut, dans certains cas, exercer des effets pro-œstrogéniques comme l’endométriose (prolifération accrue de l’épithélium utérin). Cet effet endocrinien est favorisé par la

perturbation concomitante du système immunitaire, effet mimant lui aussi celui des œstrogènes (diminution de la production des lymphocytes T). Ce paradoxe n’avait jamais été expli-qué jusqu’à la publication récente de deux articles mentionnant deux nou-veaux rôles du AhR : l’équipe de Shi-geaki Kato a ainsi montré en 2003 que le AhR activé s’associe directement avec les RE, conduisant à leur recrute-ment sur des promoteurs œstrogéno-dépendants, qui sont ainsi activés en l’absence d’œstrogènes (Figure 1 - 4) [7, 8]. À l’inverse, en présence d’œs-tradiol, le RE est inhibé par le com-plexe AhR-ARNT. L’agonisme ou l’an-tagonisme dépendrait donc de la dose d’œstrogènes considérée. Par ailleurs, cette étude montre clairement que le AhR interagit directement avec le RE. Cette découverte est d’autant plus importante que cette interaction sem-ble jouer un rôle supplémentaire dans la régulation de l’expression du RE.

Un complexe peut en cacher un autreEn effet, il a été décrit qu’un traitement par la dioxine conduit à la dégradation du RE via un mécanisme impliquant le protéasome [9]. Un nouvel article de l’équipe de S. Kato explique ce phéno-mène : la diminution du niveau d’ex-pression du RE dans la lignée tumorale MCF-7 dépend de l’activité du protéa-some (comme l’attestent les expérien-ces utilisant l’inhibiteur MG132) et de la formation d’un complexe compre-nant le AhR ; ce complexe spécifique, appelé CUL4BAhR et caractérisé à l’aide de techniques biochimiques classiques

> La dioxine est un hydrocarbure aro-matique polycyclique synthétisé au cours de processus industriels et, à ce titre, c'est un contaminant environne-mental de nos chaînes alimentaires. Elle présente une toxicité chez tous les êtres vivants et a été classée par l’IARC (International agency for research on cancer) en tant que cancérigène de type I [1] ; toutefois, cela ne doit pas minimiser ses autres effets toxiques, parfois paradoxaux, comme son action antagoniste ou agoniste vis-à-vis des œstrogènes.

Effet anti-œstrogénique de la dioxineLes premières études menées sur des rats Sprague-Dawley suggèrent que la dioxine diminue l’incidence des tumeurs mammaires et utérines qui se forment spontanément chez ces animaux en antagonisant l’activation des récep-teurs des œstrogènes (RE) [2]. Les RE sont des récepteurs nucléaires qui activent, après liaison de leur ligand, la transcription de gènes cibles. La dioxine agit, par ailleurs, en tant que perturbateur endocrinien et altère les fonctions de reproduction et de déve-loppement des organes sexuels ainsi que la puberté chez les individus expo-sés [3]. En parallèle, les mécanismes de cette action anti-œstrogène ont été, en partie, caractérisés par l’utilisation de lignées cellulaires exprimant à la fois les RE et le récepteur de la dioxine (AhR : aryl hydrocarbon receptor).L’ensemble des effets de la dioxine passe par son récepteur, le AhR, qui forme un facteur de transcription avec un partenaire ARNT, et augmente l’ex-

NOUVELLE

Dioxine et œstradiolL’amour vache ou une histoire de « complexes »Xavier Coumoul

Inserm UMR-S 747, Pharmacologie, Toxicologie et Signalisation Cellulaire, Université Paris Descartes, 45, rue des Saints-Pères, 75006 Paris, [email protected]

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de purification, contient en plus du AhR et du RE, une ubiquitine ligase, CUL4B, protéine qui a été associée à certaines formes de retards mentaux hérédi-taires liés à l’X. Cette liaison n’est observée qu’en présence d’un ligand du AhR ou avec un AhR constitutivement actif [10]. Quel rôle joue ce complexe dans la cellule ? Il semble favoriser la polyubiquitinylation du RE, conduisant à sa dégradation via le protéasome (Figure 1 - 5). Tous les composants du complexe sont nécessaires à ce phé-nomène, comme le montrent des expé-riences utilisant des siARN. Ces résul-tats ont été confirmés chez l’animal ; en effet, des souris ovariectomisées et traitées avec un ligand du AhR, expri-

ment moins de RE dans l’utérus. Cela n’est pas observé avec des animaux n’exprimant pas le AhR.L’ensemble de ces nouvelles données laisse à penser que le AhR, après acti-vation par ses ligands, est en mesure d’exercer des effets œstrogéniques transitoires (en activant le recrutement du RE sur ses promoteurs) qui seront ensuite inhibés par la dégradation du RE ou le métabolisme des œstrogè-nes (rétrocontrôle) ; de plus, certains métabolites de l’œstradiol résultant de l’action de cytochromes régulés par le AhR, exercent des effets génotoxiques ce qui ajoute à la complexité des inte-ractions décrites entre ces deux voies de transduction [7]. Par ailleurs, des

questions restent en suspens ; on ne sait pas si d’autres récepteurs appar-tenant à la même famille que le AhR (HIF1α) partagent les propriétés que nous venons de décrire ; il a été mon-tré récemment une activation du RE par l’hypoxie sans qu’une interaction directe ait été démontrée entre HIF et ce récepteur. De plus, on est en droit de s’interroger sur la fonctionnalité des complexes décrits dans l’ensemble des tissus. Enfin, compte tenu de la variété structurale des ligands du AhR, on est en droit de penser que tous n’exerce-ront pas le même effet que ceux utilisés dans ces études. La présence d’autres complexes protéiques contenant le AhR identifiés par l’équipe de S. Kato laisse à penser qu’il existe encore d’autres fonctions de ce récepteur qui dépas-sent la seule fonction transactivatrice longtemps décrite. ‡Dioxin and estradiol, a «complex» story

RÉFÉRENCES

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Figure 1. Différentes voies d’interaction de AhR avec le récepteur des œstrogènes. Le récepteur des œstrogènes (ER) exerce son activité de facteur de transcription par la voie de transduction classiquement décrite dans la littérature, représentée sur la gauche de la figure. La fixation de son ligand (E2) provoque l’homodimérisation de l'ER et l’activation transcriptionelle de ses gènes cibles. Le AhR peut réguler cette voie de transduction de cinq manières différentes : après fixation d’un ligand (ici la dioxine ou TCDD, à droite de la figure), le AhR active la transcription de ses gènes cibles comme certains cytochromes P450, enzymes qui métabolisent et inactivent E2 (1) ; par ailleurs, le AhR activé peut inhiber la transactivation par l'ER en se fixant à des élements de réponse inhibiteurs (iXRE) présents dans certains promoteurs ER-dépendants (2) ou en recrutant des co-activateurs communs aux deux voies de transduction (3, compétition) ou en conduisant à la dégradation de l'ER par la formation d’un complexe ubiquitine-ligase (5). Récemment, il a toutefois été montré que le AhR activé pouvait aussi conduire au recrutement de l'ER (sans ligand) sur des promoteurs œstrogéno-dépendants (4) et activer leur transcription.

UbUb

ERAhR

TCDD

E2

CYPE2

AhR

Cul4B

DDB1

RBX1TBL3

19S RP

ER

UbUbUb

ER5 5

3

2

4

1

ProtéasomeER

ER

Cytoplasme

AhR

AhR ARNT

XRE

ERERGène cibleGène cibleERE iXRE

AhR ARNT

CoAct CoAct

ouAhR

ERER

ARNT

Noyau

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> Le système ABO, découvert par Karl Landsteiner en 1900 [1], détermine les règles principales qui régissent la transfusion sanguine. Ce système met en jeu des chaînes d’oligosaccharides qui portent un sucre terminal immuno-déterminant, N-acétyl-galactosamine dans le cas de l’antigène A ou galac-tose dans le cas de l’antigène B, à la surface des érythrocytes (Figure 1). La surface des globules rouges du type AB est recouverte des deux antigènes, tandis que les chaînes oligosaccha-ridiques qui caractérisent le groupe O sont dépourvues de sucre immuno-déterminant. Lors d‘une transfusion incompatible, les anticorps du receveur se fixent spécifiquement aux antigènes à la surface des globules rouges du donneur, provoquant ainsi l’aggluti-nation et parfois l’hémolyse de ces derniers. C’est précisément en raison de l’absence de sucre antigénique que le groupe sanguin O est considéré univer-sel et que les globules rouges O peuvent être transfusés à l’ensemble des indivi-dus des groupes A, B et AB1. D’où l’idée visionnaire de Jack Golds-tein, dans les années 1980, d’utiliser des enzymes pour enlever les sucres immuno-déterminants des antigènes A et B et engendrer ainsi des glo-bules rouges du type O, soit du type donneur universel (appelés aussi cel-lules ECO, enzyme-converted type O) [2]. Goldstein a montré la faisabilité de l’approche en transformant des

nitro-phényl-N-acétylgalactosamine. Ces substrats, couramment utilisés en enzymologie, ne ressemblent que très vaguement aux véritables molécules situées à la surface des érythrocytes et sont dépourvus en particulier de la chaîne complète d’oligosaccharides constituant les antigènes A et B. La solution fut trou-vée par nos collaborateurs, les chercheurs de la société ZymeQuest, qui ont utilisé des dérivés amino-coumarine des tétra-saccharides complets correspondant aux antigènes A et B pour cribler des milliers d’extraits cellulaires bactériens et fongi-ques. C’est ainsi qu’ils ont découvert des souches bactériennes produisant des α-N-acétylgalactosidases et des α-galac-tosidases possédant une spécificité et une activité envers les antigènes du type A et B bien plus élevées que celles des enzymes connues jusqu'alors [6]. Ainsi pour transformer 200 ml de sang, il suffit de 15-60 mg de α-N-acétylgalactosidase

érythrocytes du type B en cellules B-ECO en utilisant une α-galactosidase extraite de grains de café. Malheureu-sement le processus s’est avéré à la fois trop coûteux et peu efficace, car il fallait plus d’un gramme d’enzyme pour convertir une unité d’érythrocy-tes (200 ml de sang). En outre l’en-zyme provenant des grains de café possède un maximum d’activité à pH acide, peu propice à la survie des glo-bules rouges. Pour la transformation d’érythrocytes de type A en A-ECO, d’autres travaux ont été rapportés, utilisant plusieurs α-N-acétylgalac-tosaminidases, mais aucune ne s’est révélée véritablement efficace [3-5]. La raison de ces échecs tenait sans doute au fait que la recherche d’en-zymes susceptibles d’éliminer le sucre immuno-déterminant avait été effec-tuée en utilisant des substrats du type para-nitro-phényl-galactose ou para-

NOUVELLE

Des glycosidases bactériennes pour du sang universelGerlind Sulzenbacher, Yves Bourne, Bernard Henrissat

Architecture et Fonction des Macromolécules Biologiques, UMR6098, CNRS, Universités Aix-Marseille I et II, Case 932, 163, avenue de Luminy, 13288 Marseille Cedex 9, [email protected]@afmb.univ-mrs.fr

Travail effectué en collaboration avec la Société ZymeQuest Inc., 100 Cummings Center, Suite 436H, Beverly MA, États-Unis.1Les autres systèmes, tels que le facteur Rhésus, ne seront pas abordés dans cette étude. Figure 1. Antigènes du système ABO.

Galactose

N-acétyl-glucosamine

Fucose

N-acétyl-galactosamine

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pour le type A et 2 mg de α-galactosidase pour le type B. Les enzymes, qui peuvent êtres produites en grande quantité par expression recombinante dans des bac-téries inoffensives, agissent à pH neutre et peuvent être facilement éliminées par simple dialyse une fois la conversion effectuée. Le traitement des cellules A-ECO et B-ECO avec des anticorps haute-ment spécifiques pour les antigènes A et B ne révèle aucune présence résiduelle de ces derniers, indiquant que la trans-formation peut être considérée comme complète. L’ensemble de ces proprié-tés rend les deux enzymes extrêmement intéressantes pour la transformation des groupes sanguins A, B et AB en O.La séquence en acides aminés des deux enzymes ne présente aucune similitude avec les quelques 30 000 enzymes capables d'hydrolyser des sucres répertoriées dans la banque de données CAZy (http://www.cazy.org) créée et mise à jour dans notre laboratoire [7]. Dans cette base de don-nées, les enzymes sont classées en familles tenant compte du mécanisme catalytique et de la structure tridimensionnelle. Cette

les premiers travaux sur le mécanisme catalytique des glycosidases dans les années 1950 [8], et après les nombreux progrès fondamentaux en enzymologie mécanistique réalisés ces quinze der-nières années, on pensait avoir compris le mode d’action des glycosidases dans le moindre détail : l’hydrolyse enzyma-tique des sucres faisant intervenir deux variantes d’un mécanisme catalytique du type acide-base [9]. Les travaux sur les enzymes de la famille GH4 ont mon-tré très récemment que l’hydrolyse de la liaison glycosidique peut être catalysée également par un autre mécanisme com-portant une succession d’étapes d’oxy-dation-élimination-addition-réduction [10]. La structure tridimensionnelle de l’α-N-acétylgalactosaminidase révèle qu’il s’agit du deuxième exemple connu de détournement de structure préexistante, en l'occurrence d'oxydoréductases, suivi d'une évolution vers une nouvelle fonc-tion adaptée à des voies métaboliques différentes.Le travail de recherche fondamentale n'est pas terminé. Bien que très per-formante, l'enzyme de conversion des antigènes A n'a pas encore l'efficacité de celle assurant la conversion des antigè-nes B. Il existe plusieurs approches (ingé-nierie rationnelle, évolution moléculaire dirigée) qui peuvent à présent être mises en œuvre pour améliorer les paramètres cinétiques de l'enzyme. Par ailleurs, il nous reste à déterminer la structure tri-dimensionnelle de l’α-galactosidase de Bacteroides fragilis, l’enzyme qui élimine le sucre immuno-déterminant de l’an-tigène B. Ces travaux sont nécessaires pour comprendre l’efficacité remarqua-ble de cette enzyme. ‡Glycosidases for the production of universal blood

RÉFÉRENCES

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classification permet d’établir des rela-tions séquence-structure-fonction très précises. Les deux enzymes découvertes ont ainsi permis la définition de deux nou-velles familles de glycosidases, chacune regroupant exclusivement des enzymes d’origine bactérienne : la famille GH109 pour les α-N-acétylgalactosidases et la famille GH110 pour les α-galactosidases (pour une liste complète, consulter la base de données CAZy).À notre grande surprise, l’analyse de la séquence en acides aminés de l’α-N-acétylgalactosaminidase de la bactérie Elizabethkingia meningosepticum, l’en-zyme capable de cliver le sucre immuno-déterminant de l’antigène A, a indiqué que celles-ci présentait des similitudes avec des oxydoréductases! Pour éliminer tous les doutes sur la fonction exacte de l’enzyme, la résolution de la structure tridimensionnelle par cristallographie aux rayons X a été réalisée dans notre labora-toire. La technique permet de déterminer la position de chacun des dizaines de mil-liers d’atomes qui composent l’enzyme, et ainsi d’obtenir une image moléculaire

dévoilant le mécanisme mis en oeuvre pour effec-tuer l’hydrolyse sélective observée. La structure tri-dimensionnelle que nous avons mise à jour (Figure 2) montre que l’enzyme possède une forte ressem-blance structurale avec les oxydoréductases, en par-ticulier par le repliement général de la chaîne poly-peptidique, la présence du cofacteur nicotina-mide-adénine-di-nucléo-tide, NAD+, et l’organisa-tion spatiale des acides aminés formant le centre actif. Celui-ci révèle une similitude frappante avec celui des glycosidases de la famille GH4 en dépit de repliements globalement différents des chaînes polypeptidiques. Depuis

Figure 2. Vue générale de la structure moléculaire de l’a-N-acétylgalactosaminidase d’Elizabethkingia meningosepticum (vert) sous surface transparente (bleu clair) en complexe avec le cofacteur NAD+ (magenta) et l’antigène A (violet), présent à la surface des globules rouges du type A. La molécule d’α-N-acétylgalactosamine, qui est reconnue et hydrolysée par l’enzyme, est colorée en jaune.

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NOUVELLE

Helicobacter pylori, notre fidèle compagnon gastriqueFrançois Balloux

Department of Genetics, University of Cambridge, Downing Street, Cambridge, CB2 3E [email protected]

> Ces dernières années ont vu l’émer-gence d’un quasi-consensus sur l’his-toire de la colonisation du monde par l’homme anatomiquement moderne. Si de nombreux détails restent à clarifier, seule une minorité de chercheurs dans le domaine met en doute une origine africaine récente (~200 000 ans). Il y a 60 000 ans environ, une expansion démographique a entraîné une sor-tie hors de l’Afrique et la colonisation de tous les continents Ce scénario est fondé sur l’analyse de marqueurs géné-tiques haploïdes (ADN mitochondrial et chromosome Y) [1, 2], de marqueurs autosomiques [3-5] ainsi que de don-nées morphologiques [6] et archéolo-giques [7].

Dater l’association entre l’homme et ses pathogènesCes mouvements migratoires depuis une population ancestrale africaine expliquent pourquoi la variabilité génétique a une distribution géogra-phique caractéristique. Les popula-tions génétiquement les plus diverses se trouvent sur le continent africain. Le polymorphisme décroît de façon linéaire au fur et à mesure que l’on s’éloigne de l‘Afrique, si cette distance est estimée comme la distance la plus courte possible en restant sur la terre ferme autant que possible [3, 5]. Cela

peut s’expliquer par la colonisation de proche en proche qui a entraîné, à chaque étape, une perte au hasard de certains des allèles présents dans la population parentale. Le phéno-mène peut être visualisé par analogie à la diffusion d’une goutte de colorant dans l’eau, qui, de façon transitoire, se traduira par une densité de pig-ments diminuant lorsque l’on s’éloigne du point d’impact de la goutte.Ces progrès dans la description de la distribution géographique de la diversité génétique humaine ouvrent de nouvelles possibilités d’inférences sur l’âge de l’association entre notre espèce et les maladies infectieuses qui nous affec-tent. Schématiquement, plus l’associa-tion entre un pathogène et l’homme est ancienne, plus grande sera la similitude des distributions géographiques de leurs diversités génétiques. À l’exception de certaines maladies émergentes (SRAS ou syndrome respiratoire aigu sévère, VIH), on ne sait que très peu de choses sur l‘âge des associations entre les humains et leurs pathogènes. Une hypothèse sou-vent avancée est que l’origine de la plu-part des maladies infectieuses humaines est postérieure à la découverte de l’agri-culture, il y a environ 10 000 ans, dans la mesure où cette transition culturelle a entraîné des densités de population élevées.

L’exemple d’Helicobacter pyloriUn pathogène dont l’âge est particu-lièrement controversé est Helicobater pylori, une bactérie ne colonisant que l’estomac humain. Bien qu’in-fectant plus de la moitié de l’huma-nité, H. pylori n’a été décrite qu’en 1982 par deux chercheurs austra-liens, Robin Warren et Barry Marshall. D’emblée, Warren et Marshall étaient convaincus que H. pylori était impli-quée dans la majorité des ulcères et des cancers de l’estomac. Ce point de vue n’étant pas partagé par la majorité de la communauté médicale, Marshall ingurgita une culture de ces bactéries, tomba fort malade puis se soigna avec des antibiotiques. Ce geste joua un rôle important dans la décision d’attribuer le prix Nobel de physiologie et de médecine 2005 aux deux chercheurs [8].Il a été suggéré que H. pylori n’infecte l’homme que depuis très récemment [9]. Cette hypothèse a été remise en question lorsqu’il a été démontré que les populations sibériennes et amérindiennes étaient porteuses de souches apparentées, suggérant que les premiers hommes à s’être éta-bli en Amérique après avoir traversé le Détroit de Béring il y a 10 000 à 20 000 ans étaient potentiellement déjà infectés [10].

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Afin de résoudre cette controverse nous avons récemment analysé 769 souches de H. pylori provenant de 51 popula-tions humaines [11]. Celles-ci ont été génotypées à plus de 1 500 sites varia-bles distribués à travers le génome. La plus grande diversité génétique est observée en Afrique. En particulier, certains Xhosas d’Afrique du Sud sont porteurs de lignées très différenciées qui, à ce jour, n’ont été observées nulle part ailleurs. Comme c’est le cas pour les populations humaines, la diversité génétique de ces bactéries décroît de façon presque linéaire lorsque la dis-tance géographique à l’Afrique s’ac-croît (Figure 1). Cette réduction de la diversité depuis l’Afrique devient plus difficile à mettre en évidence à une échelle géographique plus réduite. Au sein des continents, la distribution de la diversité est fortement influencée par des événements migratoires plus récents. L’Europe est la seule zone du globe pour laquelle nous disposions de suffisamment d’échantillons pour une analyse régionale. À cette échelle,

nous avons à nouveau observé un parallèle frappant entre la distribu-tion géographique des polymorphis-mes de H. pylori et des populations humaines. Finalement nous avons procédé a des simulations intensives sur ordinateur afin d’estimer l’origine géographique la plus probable de H. pylori ainsi que l’âge de l’expan-sion depuis cette source. Ces ana-lyses suggèrent qu’une population ancestrale située en Afrique de l’Est est plus vraisemblable qu’une origine Sud Africaine ou asiatique. L’âge de l’expansion a été estimé à environ 58 000 ans, une date en concordance parfaite avec les datations les plus récentes pour l’expansion de l’homme [1, 2, 5].Ces résultats démontrent que H. py-lori infectait déjà nos ancêtres avant leur sortie d’Afrique, il y a 60 000 ans environ, voire depuis plus long-temps. Les différentes lignées bac-tériennes sont restées associées de façon étroite avec leurs populations hôtes lors de la colonisation du globe

et depuis lors. L’intimité de cette association est étonnante dans la mesure où H. pylori se transmet aisé-ment, comme l’indique le taux de réinfection élevé après traitement aux antibiotiques. Une hypothèse pouvant expliquer ce paradoxe, mais totalement spéculative à ce stade, serait que les lignées bactériennes sont adaptées localement à leurs hôtes et ne se maintiennent que dans les populations humaines avec les-quelles elles ont co-évolué. Dans ce contexte, il serait particulièrement intéressant d’étudier si les infections par des bactéries « allochtones » influencent le risque d’ulcères et de cancers de l’estomac. ‡Helicobacter pylori, our faithful gastric companion

RÉFÉRENCES

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Figure 1. Diversité génétique de populations de Helicobacter pylori (A) et de leur hôte, l’homme (B) représentée en fonction de la distance géographique à l’Afrique de l’Est en suivant les masses terrestres. La population de H. pylori mise en évidence en rouge (o en A) représente les bactéries isolées des Xhosas d’Afrique du Sud (version modifiée d’après [11]).

00,020,040,060,080,10,120,14

0 5 000 10 000 15 000 20 000 25 000 30 000Distance à l'Afrique de l'Est (km)

H. pylori

0,400,450,500,550,600,650,700,750,800,850,90

0 5 000 10 000 15 000 20 000 25 000 30 000

Distance à l'Afrique de l'Est (km)

Humains

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A

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> La détection des infections est une étape primordiale de la réponse immunitaire. Longtemps considérés comme l’apanage de la réponse adaptative, les phénomènes de reconnaissance du « non-soi poten-tiellement pathogène » sont apparus, à la lumière des travaux de ces quinze dernières années, comme étant une propriété fonda-mentale de l’immunité innée [1]. La recon-naissance des micro-organismes se fait par l’intermédiaire d’une catégorie de récep-teurs, les patterns recognitions receptors (PRR), qui ont été sélectionnés au cours de l’évolution en raison de leur capacité à reconnaître des composés d’origine micro-bienne relativement invariants, car essen-tiels au mode de vie des microorganismes. Il s’agit par exemple des constituants de leur paroi comme le lipopolysaccharide (LPS) des bactéries à Gram-négatif, les peptido-glycanes bactériens, ou les β-glucanes des champignons. Les plus célèbres PRR des vertébrés appartiennent à la famille des Toll-like receptors (TLR), par exemple TLR4 qui est requis pour l’activation de la réponse immunitaire par le LPS.

Le système immunitaire inné de la drosophileComme c’est le cas pour l’immense majo-rité des êtres vivants, la réponse immuni-taire de la mouche du vinaigre Drosophila melanogaster repose exclusivement sur l’immunité innée [2]. Il est vraisemblable que le dernier ancêtre commun à la dro-sophile et l’homme vivait déjà, il y a près de 750 millions d’années, dans un milieu dominé par les microbes, et à ce titre devait être capable de se défendre contre

NOUVELLE

Un nouveau mécanisme de détection des infections par le système immunitaire inné des animauxDominique Ferrandon, Marie Gottar, Vanessa Gobert

Équipe labellisée, Fondation Recherche Médicale, UPR 9022 CNRS, 15, rue René Descartes, 67084 Strasbourg, [email protected]. Gottar : Novartis Institutes for Biomedical Research, Autoimmunity and Transplantation, Postfach, CH-4002 Bâle, Suisse.V. Gobert : UMR 5547 CNRS et Université Paul Sabatier, Bâtiment 4R3b3, 118, route de Narbonne, 31062 Toulouse, France.

Figure 1. Reconnaissance des infections microbiennes par les récepteurs de type PRR. Le peptidoglycane est un composé de la paroi des bactéries qui se décline en de nombreuses variétés. Il s’agit de chaînes sucrées reliées entre elles par des ponts peptidiques. L’identité du troisième acide aminé de ces ponts, généralement une lysine ou l’acide diaminopimélique (DAP) est un déterminant structural reconnu par les récepteurs PGRP chez les invertébrés, et les récepteurs intracellulaires de la famille NOD chez les mam-mifères. La reconnaissance du peptidoglycane des bactéries à Gram-négatif (et de certaines bactéries à Gram-positif contenant le même type de peptidoglycane) se fait essentiellement par l’intermédiaire du récepteur membranaire PGRP-LC au niveau de la cellule du corps gras, la protéine sécrétée PGRP-LE aug-mentant l’affinité pour des petits fragments de peptidoglycane. L’activation de ce récepteur déclenche la signalisation intracellulaire IMD qui aboutit à la translocation nucléaire de Relish, un facteur de trans-cription de la famille NF-κB. L’activation de Spätzle, ligand du récepteur Toll, se fait par l’intermédiaire de cascades protéolytiques suite à la reconnaissance de glucanes des champignons ou de peptidoglycane de type lysine. Le mutant Perséphone est sensible aux infections par des champignons entomopathogènes et résistant vis-à-vis des infections bactériennes alors que les mutants GNBP1 ou PGRP-SA présentent un phénotype complémentaire de susceptibilité à certaines infections bactériennes à Gram (+) et de résis-tance aux infections fongiques. La spätzle processing enzyme (SPE) est le point de convergence de ces cascades protéolytiques. La localisation nucléaire du facteur de transcription DIF est régulée par la voie Toll et aboutit à l’expression de la Drosomycine et de nombreux autres gènes.

Toll

Bactéries àGram-positif

Bactéries àGram-négatif

GNBP1-PGRP-SAPGRP-SD

IMDPGRP-LC

Champignons

Perséphone

GNBP3

DIF

PGRP-LE

Relish

?

protéases

SPESpätzle

Drosomycine Diptéricine

b-glucanes peptidoglycane Lysine peptidoglycane DAP

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les infections. Cette origine ancestrale du système immunitaire inné se retrouve dans le rôle essentiel et conservé que jouent dans la réponse immunitaire les voies de transduction intracellulaire de type NF-κB, chez la drosophile comme chez l’homme. Chez l’insecte, les deux voies IMD (immune deficiency) et Toll assurent d’une part la défense humorale contre les bactéries à Gram (-), et d’autre part celle contre les infections fongiques ou contre certains germes à Gram (+). Ces voies agissent essentiellement dans le corps gras, équivalent fonctionnel du foie, et contrôlent l’expression de centaines de gènes. L’activation de l’une ou l’autre de ces voies aboutit ainsi à la produc-tion de peptides antimicrobiens sécrétés dans l’hémolymphe (sang) des mouches.

Ainsi, la production de la Drosomycine, un puissant peptide antifongique, dépend de l’activation de la voie Toll tandis que celle de la Diptéricine, un peptide antibactérien, est sous le contrôle de la voie IMD.En réponse à une blessure septique, la voie de défense appropriée est activée selon la nature de l’agresseur microbien [2]. Comment la drosophile est-elle capable de discriminer entre les différentes classes de microorganismes ? En ce qui concerne la distinction entre bactéries à Gram (+) et Gram (-), il s’est avéré que des protéines de la famille des PGRP (peptidoglycan recogni-tion proteins) jouent un rôle fondamental de PRR dans l’activation de la réponse immunitaire systémique. Tandis que PGRP-LC et PGRP-LE reconnaissent préférentielle-ment un type de peptidoglycane contenant

l’acide diaminopimélique, présent dans les bactéries à Gram (-) et certaines souches à Gram (+), PGRP-SA et, dans une moindre mesure, PGRP-SD sont requis pour la détec-tion du peptidoglycane de type lysine, pré-sent chez de nombreuses bactéries patho-gènes à Gram (+) [3-6] (Figure 1).Alors que PGRP-LC est le récepteur mem-branaire de la voie IMD, Toll est le récep-teur membranaire de la voie qui porte son nom et à l’origine de la dénomination TLR pour les vertébrés. Toll lui-même n’est cependant pas un PRR, mais un récepteur activé par une cytokine de la famille du NGF (nerve growth factor), Spätzle. La cytokine proSpätzle ne devient un ligand actif de Toll qu’à la suite d’une étape pro-téolytique de maturation qui est l’abou-tissement de l’activation de cascades de protéases, dont l’une est activée par un complexe PGRP-SA/GNBP1/peptidoglycane de type lysine circulant dans l’hémolymphe de l’insecte [7]. La reconnaissance de ces bactéries s’effectue donc en amont du récepteur Toll qui est activé de manière indirecte. GNBP1 est un membre divergent d’une autre famille de PRR, les Gram nega-tive binding proteins/ßGlucan recogni-tion proteins, caractérisée par la présence de deux domaines d’interaction avec les β(1,3)glucanes. GNBP1 permettrait de présenter le peptidoglycane à PGRP-SA et aussi d’activer la cascade de protéases.

Réponses de la drosophile aux entomopathogènesL’activation de la voie Toll par un champi-gnon entomopathogène, Beauveria bas-siana1, requiert une cascade protéolytique distincte dont la protéase Perséphone est l’un des éléments [8]. Nous avons tenté de déterminer l’identité du PRR activant cette cascade Perséphone. Parce qu’il est le membre de la famille le mieux conservé chez les insectes, GNBP3 était un bon candidat pour un PRR des champignons. Effectivement, une fois une mutation du

1 Beauveria bassiana est un champion entomopathogène qui vit vraisemblablement en symbiose avec certaines plantes et assure leur protection contre les attaques par les insectes. Certaines variétés de B. bassiana sont capables de tuer des insectes très divers. Leur utilisation est envisagée dans la lutte contre l'anophèle, moustique vecteur du paludisme.

Figure 2. Reconnaissance des infections microbiennes par un système basal de PRR et de détection de l’activité de facteurs de virulence. Le système de récepteurs de type PRR constitue un système de détec-tion basal capable de détecter la majorité des infections microbiennes. Cependant, certains pathogènes semblent capables de contourner ce système de détection, mais sont néanmoins reconnus par l’intermé-diaire des facteurs de virulence qu’ils emploient pour pénétrer dans l’hôte (cas de la protéase PR1 des champignons entomopathogènes) ou pour neutraliser la réponse immunitaire basale de l’hôte (cas des plantes). À ce stade, une reconnaissance des facteurs de virulence ou protéases émis par les bactéries, par l’intermédiaire de la voie Perséphone ou par d’autres canaux, reste hypothétique.

Champignons Bactéries àGram (+)

GNBP3 Perséphone GNBP1/PGRP-SAPGRP-SD

SpätzleToll

Facteurs de virulence

b-glucanes peptidoglycane

SPE

PR1 ?

?

Protéases Protéases

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gène correspondant obtenue, nous avons observé que le mutant GNBP3 succombait aux infections par une levure pathogène des humains, Candida albicans et que la voie Toll n’était pas activée par cette levure (absence d’induction de la Drosomycine) [9]. Nous avons alors établi que la pro-téine GNBP3 recombinante était capable de se lier directement aux levures et aux β(1,3) glucanes. La surexpression du gène entraînait l’activation de la voie Toll en l’absence d’infection et nécessitait Spätzle. Ces expériences indiquaient que GNBP3 est effectivement un PRR des champignons. Si Perséphone fonctionne en aval de GNBP3, nous nous attendions à ce que ces deux mutants partagent le même phénotype. À notre grande surprise, nous avons trouvé que Perséphone n’intervient pas dans la défense contre C. albicans et n’est pas nécessaire à l’activation de la voie Toll par le pathogène. De plus, contrairement à Perséphone, GNBP3 n’est pas requis pour l’activation de la voie Toll par B. bassiana. Notre analyse phénotypique suggérait donc l’existence de deux voies complémentaires d’activation de la voie Toll par les champi-gnons (Figure 2). Nous avons déterminé que GNBP3 est requis pour la reconnaissance des composés de la paroi des champignons tan-dis que l’activation de Perséphone néces-site des champignons vivants. Ce dernier résultat nous a amené à nous intéresser aux facteurs de virulence des champignons entomopathogènes.

Un autre mode de détection des infectionsAlors que l’introduction de C. albicans dans la mouche nécessite une blessure expéri-

mentale, la contamination par B. bassiana requiert simplement de saupoudrer les mouches de spores. Celles-ci germent à la surface de la cuticule, différencient une structure spécialisée, l’appressorium, qui sécrète des facteurs de virulence, chiti-nases et protéases, dont la protéase PR1, qui vont digérer la cuticule. Le champi-gnon passe alors par le trou microscopique (1/10 de la taille de la spore) ainsi formé dans la carapace de l’insecte. Nous avons utilisé un transgène, généré au labora-toire par le Pr J.M. Reichhart, qui permet d’exprimer chez la drosophile la protéase PR1. Cette expression ectopique active la voie Toll en l’absence d’infection et fait intervenir Perséphone et non GNBP3. La conversion du zymogène de Perséphone en protéase active nécessite le clivage de son prodomaine. Nous avons déterminé que le clivage de Perséphone immunoprécipité de l’hémolymphe de mouches non infectées est assuré directement par la protéase PR1 purifiée, démontrant ainsi qu’une cascade de protéases permettant l’activation de la voie Toll peut-être directement activée par un facteur de virulence microbien, Per-séphone remplissant alors le rôle d’appât pour les protéases fongiques [9].Il est vraisemblable que ce système double de reconnaissance des infections fongiques a été sélectionné par l’hôte en réponse à la capacité de certains champignons, tels B. bassiana, à éviter la détection par le système basé sur les PRR, en l’occurrence GNBP3. Ce phénomène présente des res-semblances frappantes avec le mode de détection des infections chez les plantes où coexistent un système basal de recon-naissance des microorganismes par les PRR

et un système de détection de l’activité des facteurs de virulence ciblant ce système basal de PRR. Des recherches futures permettront de déterminer si un tel système de détection de l’activité des facteurs de virulence existe aussi chez les vertébrés. L’activation de la voie NF-κB par une protéase de Serratia marces-cens via le récepteur PAR2 (protease activated receptor) est un phénomène en faveur d’une telle hypothèse [10]. ‡The innate immune system of animalsdetects microbial infections by a newlyidentified sensing mechanism

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