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LES BERETS VERTS DE LA LEGION SUR LES COLLINES DU RWANDA

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LES BERETS VERTS DELA LEGION SUR LES

COLLINES DU RWANDA

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Un légionnaire de la 1re compagnie du 2e REIassure la sécurité du camp de Nyarushishi, qui

1 comptera à la fin du mois de juillet plus de12 000 Tutsis menacés de mort. Avec lespremières pluies, la situation sanitaire ne peutqu'empirer.

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Après un survol au ras desflots du lac Kivu, le C-130 del'armée de l'air réduit les gazet se présente dans l'axe dela piste de l'aéroport deKamembe, tout près deCyangugu, au Rwanda. Lapiste n'est pas excellente,mais les gars du COTAMposeraient leur Hercules enenfer s'il le fallait.« Fais gaffe ! Réduis encore !Hier, un C- 730 sudaf a laissétous ses pneus sur le

14 tarmac. »

• Byumba

LA DISPOSITION DESUNITES FRANÇAISES

SUR LA « ZONEHUMANITAIRE SURE » - <

Kibuyej | PCTDMNord

KigaliGitarama

3me RAMa I

3/13eDBLE

Cyangugu Ls^J

Gisakura

0JHICM

PC TDM Sudî

D*<3 1/3" RIMa

KitabiGikcnqoro

Section3/13eDBLE (jj

Butare

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Ci-dessus. Ce tireur FR-F2 est iciposté dans unabri en rondins monté par la 3/13*, sur le verrou

de Kitabi. Notez le « 13 » sur la grenade du béret,et les deux grenades prêtes à l'emploi, une

défensive DF-37et une offensive OF-37.

Ci-contre. Cet équipage de snipers de la3/13e DBLE dégage une impression de puissanceconsidérable. La tenue, la discipline, la puissancede feu alliées à la réputation de la Légion ont uneffet psychologique certain sur la combativité desadversaires potentiels. On remarquera le passantjaune de compagnie ainsi que le béret vert, queles légionnaires préfèrent au casque.

Ci-dessous. Deux hommes suspectés de pillagesont été désarmés et sont emmenés sans

ménagementpar les légionnaires de la1re compagnie du 2e REI. La population civile

africaine, plus habituée à voir les soldats locauxracketter ou piller, apprécie beaucoup ces

éléments disciplinés.

\, l'appareil s'immobilise. Une dizaine

de légionnaires en débarquent et sont prisen charge par deux VLRA, tandis que le per-sonnel de l'armée de l'air décharge lespalettes de munitions et de vivres. Un peuplus loin, des tentes impeccablement alignéesentourent un hangar devant lequel flottent lescouleurs françaises et rwandaises. Cet ordreet cette rigueur ont une signature : Légionétrangère. Sur l'aéroport de Kamembe sesitue en effet le PC du colonel Hogard, déta-ché de l'état-major de Djibouti, et qui com-mande le groupement Légion de l'opérationTurquoise.

Avant, c'était le chaos...Le colonel Hogard nous accueille bien sûr

avec toute la courtoisie dont la vieille Légionest capable.

« Vous arrivez un peu tard pour l'action,mais je vous fais un rapide point de la situa-tion avant de vous confier à mes capitaines. 15

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Nous sommes arrivés ici dans la foulée duCOS et nous avons immédiatement préparéle terrain pour recueillir les forces spéciales,au cas où cela aurait mal tourné à Gikongo-ro. A cette fin, la 3e compagnie de la13e DBLE (voir RAIDS n° 64) a établi un soli-de bouchon à Kitabi, à la sortie de la forêt deNyunge. Heureusement, tout s'est bien pas-sé et devant la détermination de nos troupeset les moyens engagés, le FPR a adopté uneposition attentiste. Mais la tâche n'est paspour autant terminée. Pour être crédible, lazone humanitaire créée par l'opération Tur-quoise doit être sûre...

« Ici, avant notre arrivée, c'était le chaos :500 000 réfugiés, dont 20 000 Tutsis en dan-ger de mort, et des centaines de miliciens etde déserteurs des FAR armés jusqu'auxdents et lâchés dans la nature. Bien sûr, lesautorités civiles avaient totalement disparu.En moins de trois semaines, nous avonschangé tout cela, et les organisations huma-nitaires peuvent commencer à travailler. Anotre départ, nous remettrons aux casquesbleus de la MINUAR II une portion de payspacifiée. »

Prendre le FPR devitesse

Le groupement Légion s'est donc installédans un vaste quadrilatère — dénommé zonesud — bordé au sud par le Burundi, à l'ouestpar le Zaïre, et au nord et à l'est par la régionoù les troupes de marine ont remplacé leCOS. On sent que le général Lafourcade gar-de les légionnaires comme réserve au casoù... En attendant, sous les ordres du colo-nel, deux compagnies de Légion et un grou-pement CRAP du 2e REP ne vont pas chô-mer et feront sans cesse la chasse auxpillards tout en protégeant les réfugiés.

Le capitaine Daniel Bouchez est le chef dela 3e compagnie de la 13e DBLE qui a ins-tallé son PC à Gisakura, dans la seule usineà thé non pillée du secteur. Sous un visagefin, le capitaine Bouchez cache une volontéinflexible.

La 3e compagnie de la « treize », seulecompagnie d'infanterie de cette prestigieuseunité de la Légion basée à Djibouti, est ensoi un « mini 2e REP », puisque chacune dessections est spécialisée : la 1re pour les mis-sions commandos et la destruction, la 2e,avec ses nageurs, pour la reconnaissance,la 3e grâce aux snipers, et la 4e pour lecombat en localité avec six VAB restés àDjibouti.

Au total, 6 officiers, 21 sous-officiers et120 légionnaires. La moyenne d'âge est devingt-trois ans et presque tous ont une expé-rience du feu acquise en Somalie ou à Sara-jevo pour ceux qui viennent du 2e REI ou duREP1.

En alerte le 19 juin, la compagnie arrive le27 juin sur la frontière du Rwanda, suivantdeux groupes aérotransportés à Bukavu et àGoma. Aussitôt est lancé un raid motorisé de100 kilomètres qui permet de s'établir sur laposition de Kitabi. Il faut alors prendre le FPRde vitesse et assurer une zone de sécurité

1. Durant les cinq ans de son engagement, tout légion-naire doit en théorie passer deux ans outre-mer. Le

16 même règlement s'applique aux troupes de marine.

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Ci-contre. Au pied du P-4 du capitaine Bouchez,commandant l'opération de ratissage, s'étale unepartie des prises effectuées par le groupementLégion, qui rassemble des éléments de la1? DBLE, du 2e REI et des CRAP du REF. Onnote parmi les armes capturées des grenades àmanche de fabrication chinoise voisinant avecune grenade à main américaine.

En bas. Une image typique de l'opérationTurquoise : des hommes de la 13e DBLEdistribuent vivres et vêtements dans une petiteagglomération rwandaise dont la population a étégonflée par l'afflux des réfugiés. Ces patrouillessécurisantes pour les réfugiés contribueront à lesfixer sur place dans la zone humanitaire, évitantainsi de provoquer un nouvel exode sur lescamps saturés du Zaïre.

au profit des réfugiés qui commencent àenvahir les routes vers le Zaïre.

Rassurer la populationLà, à la sortie de la superbe forêt équato-

riale de Nyunge, les légionnaires s'enterrent.Dominant la seule voie d'accès vers l'ouest,la position est remarquablement choisie. D'unbunker camouflé au milieu des eucalyptus,les légionnaires dominent les tables à théd'où pourraient venir les Inkontanyi. La ten-sion ayant baissé, seule une section et lesmortiers de 81 mm sont déployés sur ce ver-rou stratégique.

Aussi, pour le reste de la compagnie, laroutine va se limiter à de nombreusespatrouilles afin de rassurer les populations etd'intimider les pillards.

A la popote, les conversations vont bontrain entre les sous-officiers de la 3e section,un Tahitien, deux Espagnols et un Irlandais.Les hommes se sont très vite attachés à cepays et à ses habitants.

A minuit, le sergent Opeta, un solide Poly-nésien, emmène un VLRA et son équipageen patrouille. Torches fixées au FAMAS, leslégionnaires inspectent quelques baraquesen ruines bondées de réfugiés. Pas d'armes,tout va bien !

« On les empêche peut-être de dormir,mais cela ne les dérange pas car ils se sen-tent protégés. Pourtant, là-dedans, il y a cer-tainement des gars qui ont commis des mas-sacres. Drôle de pays ! Enfin, la bière deBukavu, la Primus, n'est pas mauvaise »,conclut le grand Hollandais qui sert de radio.

Une présenceprimordiale

Le lendemain, la même 3e section au com-plet part vers le nord-est, afin d'essayer desurprendre des pillards qui viennent de mettreà sac une petite usine traitant les écorces dequinquina. On voit bien que les VLRA appar-tiennent à la section snipers car, pour impres-sionner les Rwandais, les trois fusils de pré-cision Barret ont été mis en batterie. En plusde ces armes en calibre 12,7 mm, la sectionpeut compter sur trente FR-F2. Engagés avecles armes d'appui et les FAMAS des autressections, cela peut faire du dégât... Seuleombre au tableau, les VLRA qui manquentun peu de puissance et dont les moteursdevraient être remplacés. Le sergent irlan-dais, une brique d'eau Celtic à la main, netarit pourtant pas d'éloges sur ces remar-quables véhicules. « Ceux du 2e REI sontimpeccables ! mais les nôtres sont un peupoussifs, il est vrai qu'ils ont fait des dizaines 17

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Nous sommes arrivés ici dans la foulée duCOS et nous avons immédiatement préparéle terrain pour recueillir les forces spéciales,au cas où cela aurait mal tourné à Gikongo-ro. A cette fin, la 3e compagnie de la13e DBLE (voir RAIDS n° 64) a établi un soli-de bouchon à Kitabi, à la sortie de la forêt deNyunge. Heureusement, tout s'est bien pas-sé et devant la détermination de nos troupeset les moyens engagés, le FPR a adopté uneposition attentisme. Mais la tâche n'est paspour autant terminée. Pour être crédible, lazone humanitaire créée par l'opération Tur-quoise doit être sûre...

« Ici, avant notre arrivée, c'était le chaos :500 000 réfugiés, dont 20 000 Tutsis en dan-ger de mort, et des centaines de miliciens etde déserteurs des FAR armés jusqu'auxdents et lâchés dans la nature. Bien sûr, lesautorités civiles avaient totalement disparu.En moins de trois semaines, nous avonschangé tout cela, et les organisations huma-nitaires peuvent commencer à travailler. Anotre départ, nous remettrons aux casquesbleus de la MINUAR II une portion de payspacifiée. »

Prendre le FPR devitesse

Le groupement Légion s'est donc installédans un vaste quadrilatère — dénommé zonesud — bordé au sud par le Burundi, à l'ouestpar le Zaïre, et au nord et à l'est par la régionoù les troupes de marine ont remplacé leCOS. On sent que le général Lafourcade gar-de les légionnaires comme réserve au casoù... En attendant, sous les ordres du colo-nel, deux compagnies de Légion et un grou-pement CRAP du 2e REP ne vont pas chô-mer et feront sans cesse la chasse auxpillards tout en protégeant les réfugiés.

Le capitaine Daniel Bouchez est le chef dela 3e compagnie de la 13e DBLE qui a ins-tallé son PC à Gisakura, dans la seule usineà thé non pillée du secteur. Sous un visagefin, le capitaine Bouchez cache une volontéinflexible.

La 3e compagnie de la « treize », seulecompagnie d'infanterie de cette prestigieuseunité de la Légion basée à Djibouti, est ensoi un « mini 2e REP », puisque chacune dessections est spécialisée : la 1re pour les mis-sions commandos et la destruction, la 2e,avec ses nageurs, pour la reconnaissance,la 3e grâce aux snipers, et la 4e pour lecombat en localité avec six VAB restés àDjibouti.

Au total, 6 officiers, 21 sous-officiers et120 légionnaires. La moyenne d'âge est devingt-trois ans et presque tous ont une expé-rience du feu acquise en Somalie ou à Sara-jevo pour ceux qui viennent du 2e REI ou duREP1.

En alerte le 19 juin, la compagnie arrive le27 juin sur la frontière du Rwanda, suivantdeux groupes aérotransportés à Bukavu et àGoma. Aussitôt est lancé un raid motorisé de100 kilomètres qui permet de s'établir sur laposition de Kitabi. Il faut alors prendre le FPRde vitesse et assurer une zone de sécurité

1. Durant les cinq ans de son engagement, tout légion-naire doit en théorie passer deux ans outre-mer. Le

16 même règlement s'applique aux troupes de marine.

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Ci-contre. Au pied du P-4 du capitaine Bouchez,commandant l'opération de ratissage, s'étale unepartie des prises effectuées par le groupementLégion, qui rassemble des éléments de la1f DBLE, du 2e REI et des CRAP du REP. Onnote parmi les armes capturées des grenades àmanche de fabrication chinoise voisinant avecune grenade à main américaine.

En bas. Une image typique de l'opérationTurquoise : des hommes de la 13e DBLEdistribuent vivres et vêtements dans une petiteagglomération rwandaise dont la population a étégonflée par l'afflux des réfugiés. Ces patrouillessécurisantes pour les réfugiés contribueront à lesfixer surplace dans la zone humanitaire, évitantainsi de provoquer un nouvel exode sur lescamps saturés du Zaïre.

au profit des réfugiés qui commencent àenvahir les routes vers le Zaïre.

Rassurer la populationLà, à la sortie de la superbe forêt équato-

riale de Nyunge, les légionnaires s'enterrent.Dominant la seule voie d'accès vers l'ouest,la position est remarquablement choisie. D'unbunker camouflé au milieu des eucalyptus,les légionnaires dominent les tables à théd'où pourraient venir les Inkontanyi. La ten-sion ayant baissé, seule une section et lesmortiers de 81 mm sont déployés sur ce ver-rou stratégique.

Aussi, pour le reste de la compagnie, laroutine va se limiter à de nombreusespatrouilles afin de rassurer les populations etd'intimider les pillards.

A la popote, les conversations vont bontrain entre les sous-officiers de la 3e section,un Tahitien, deux Espagnols et un Irlandais.Les hommes se sont très vite attachés à cepays et à ses habitants.

A minuit, le sergent Opeta, un solide Poly-nésien, emmène un VLRA et son équipageen patrouille. Torches fixées au FAMAS, leslégionnaires inspectent quelques baraquesen ruines bondées de réfugiés. Pas d'armes,tout va bien !

« On les empêche peut-être de dormir,mais cela ne les dérange pas car ils se sen-tent protégés. Pourtant, là-dedans, il y a cer-tainement des gars qui ont commis des mas-sacres. Drôle de pays ! Enfin, la bière deBukavu, la Primus, n'est pas mauvaise »,conclut le grand Hollandais qui sert de radio.

Une présenceprimordiale

Le lendemain, la même 3e section au com-plet part vers le nord-est, afin d'essayer desurprendre des pillards qui viennent de mettreà sac une petite usine traitant les écorces dequinquina. On voit bien que les VLRA appar-tiennent à la section sniperscar, pour impres-sionner les Rwandais, les trois fusils de pré-cision Barret ont été mis en batterie. En plusde ces armes en calibre 12,7 mm, la sectionpeut compter sur trente FR-F2. Engagés avecles armes d'appui et les FAMAS des autressections, cela peut faire du dégât... Seuleombre au tableau, les VLRA qui manquentun peu de puissance et dont les moteursdevraient être remplacés. Le sergent irlan-dais, une brique d'eau Celtic à la main, netarit pourtant pas d'éloges sur ces remar-quables véhicules. « Ceux du 2e REI sontimpeccables ! mais les nôtres sont un peupoussifs, il est vrai qu'ils ont fait des dizaines M

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Ci-contre. Sur la rivière Ruzizi, un légionnaire garde le « bilan » de quelquesheures de contrôle sur le passage des unités FAR. Toute arme est

systématiquement confisquée.

Page suivante. Ce lieutenant, commandant une section de la 1re compagnie du2e REI, procède à une saisie d'armes lors d'une opération de ratissage sur la rive

rwandaise de la Ruzizi. L'opération est destinée à lutter contre les pillards, quisont en général des anciens soldats des FAR ou des miliciens. Notre officier

porte bien en évidence les instruments de son commandement—poste PP-11 etcarte —, mais le FAMAS est mieux adapté à l'autodéfense que le pistolet

réglementaire.

Ci-dessous. Cet autre poste de combat, tenu par la 3/13e à Kitabi, montre le choixjudicieux de la position surplombant les tables à thé sur les premiers contrefortsde la forêt de Nyunge. A mi-chemin vers la crête, les postes de combat sesuccèdent tous les trente mètres, rendant ainsi un assaut trop coûteux.

« TURQUOISE »

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Beaucoup de petites filles nées dans les campsde réfugiés du Zaïre ou du Rwanda portent le jolinom de Turquoise, tandis que les garçons s'appel-lent François pu Edouard... Tout un symbole.Controversée à ses débuts, l'opération Turquoi-se sera pourtant applaudie et regrettée sur sa fin.

Dès 1990, des troupes françaises, aidées parles paras-commandos belges, interviennent pourévacuer les ressortissants européens menacéspar l'avance du FPR dans le nord du Rwanda.

En 1993, jusqu'à trois compagnies des 2e REP,3e et 8e RPIMa stationneront au Rwanda et sou-tiendront les FAR. Après les accords d'Arusha,les Belges observeront une stricte neutralité etenverront une compagnie à la MINUAR, ce quileur vaudra l'hostilité affichée des extrémisteshutus.

En avril 1994, après l'attentat contre l'avion duprésident Habyarimana, Belges, Français et Ita-liens lancent l'opération SilverBack— ou Ama-ryllis—destinée à évacuer les ressortissants occi-

dentaux. Le 22 juin 1994, alors que l'on estime à500 000 le nombre des victimes des massacres,l'ONU donne le feu vert à la France pour une opé-ration humanitaire, en attendant que les troupes dela MINUAR II se déploient. Sous le commandementdu général Lafourcade, l'opération mobilisera2 500 hommes.

Le 23 juin, près de 500 hommes rejoignent Buka-vu et Goma au Zaïre, tandis que les premiers élé-ments du COS foncent sur Cyangugu.

Le 24 juin, un millier d'hommes est déployé : COS,2e RPIMa, 13e DBLE, 2e REI, RICM, 3e RIMa. Poursa part, à Kisangani, l'armée de l'air déploie quatreMirage-F1 CR et quatre Mirage-F1 CT que peuventépauler les quatre Jaguar de Bangui (Républiquecentrafricaine).

Le 25 juin, le Sénégal est le premier pays àrépondre à la France, et envoie trois cents soldats.

Le 3 juillet, des éléments du COS accrochent leFPR à Butare.

Le 4 juillet, quelques heures après la prise deButare et de Kigali par le FPR, la France crée une« zone humanitaire sûre » dans le sud-ouest duRwanda.

Le 14 juillet, c'est l'exode massif de réfugiés hutussur Goma. Des obus de mortiers font une centai-

ne de morts sur le tarmac de l'aéroport de cetteville zaïroise.

Le 17 juillet, gros accrochage entre les Françaiset le FPR à la limite de la zone humanitaire.

Le 21 juillet, 23 000 morts à Goma suite à uneépidémie de choléra dans les camps de réfugiés.

Le 28 juillet, l'ONU demande aux troupes fran-çaises de rester au Rwanda jusqu'au déploiementde la MINUAR II.

Le 22 août, le contingent français quitte leRwanda.

Quelques chiffresDepuis le 22 juin, 2 500 hommes et plus de

5 000 tonnes de matériel ont été déployés :12 AML-90, des VAB sanitaires, plus de six com-pagnies d'infanterie, en plus des cent cinquantehommes du COS, une batterie du 11e RAMa, undétachement de l'ALAT.

A titre humanitaire, la plate-forme de Goma areçu 581 avions et 10 980 tonnes de fret. A Cyan-gugu et Goma, les médecins français ont effec-tué 690 interventions chirurgicales, 9 300 consul-tations et 75 000 actes de soins divers. Le géniede l'air a enterré 30 000 cadavres. O

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Ci-contre. Un CRAP du 2e REP contrôle les armesdes FAR. Dès que l'ordre sera restauré, toutcomme les troupes de marine, la Légion va

s'efforcer de rétablir une police et uneadministration civile. Les CRAP participeront à de

nombreuses opérations contre les pillards, etnotamment sur les îles du lac Kivu utilisées

depuis toujours par les trafiquants.

En bas. Un tireur AA-52 et son pourvoyeur,appartenant à la 1re compagnie du 2e REI, font

une courte pause lors d'une opération deratissage. Notez l'aspect un peu désuet, rappelant

la guerre d'Algérie, de la musette du pourvoyeur.Pourtant, il ne faut pas s'y tromper : en cas de

problème, l'arme sera des plus meurtrièrespuisque servie par des professionnels. Les Minimirécemment perçues au 2e REI n'avaient pas lait le

voyage.

de manœuvres à Djibouti, en Somalie etmaintenant au Rwanda... Huit cents bornesd'autonomie et deux grands réservoirs d'eaupotable, c'est l'engin idéal pour le désert. »

Mais la 3/13e peut également faire del'humanitaire. Et devant l'église de Nyama-sheke, où ont été massacrés plus de 800 Tut-sis, l'adjudant Rosso, Croate et frère du chefd'état-major de l'armée bosniaque, fait dis-tribuer vivres et vêtements par ses légion-naires. Avec l'accent un peu rocailleux desBalkans, il nous dit : « Ici, durant la premiè-re semaine de juillet, nous sommes arrivésjuste à temps. Sans nous, tout aurait été pillé,et nul ne sait ce qui serait advenu des bonnessœurs qui avaient été menacées. »

La protection desréfugiés

L'autre compagnie de la Légion opérantdans le secteur sud est la 1re compagnie du2e REI, commandée par le capitaine Nicol.L'équipe de RAIDS avait déjà rencontré ce« croisé » et ses légionnaires un an plus tôtsur les monts Igman (lire RAIDS n° 83). Ledécor a changé, mais l'accueil de la Légionest toujours le même. Le PC, noyé de pous-sière, domine trois grosses collines où estinstallé le fameux camp de réfugiés de Nya-rushishi. Quelque 12 000 Tutsis rescapés desmassacres vivent ici et sont protégés par leslégionnaires. Sans le déclenchement de l'opé-ration Turquoise, ces hommes, femmes etenfants auraient sans aucun doute été tuésdans des conditions atroces. Dès le début del'intervention, le colonel Hogard mettra lespoints sur les i à rencontre des Hutus quicroyaient pouvoir continuer leur sale besognesous la protection de l'armée française.

La compagnie du capitaine Nicol va elle-même procéder à la sortie de 184 Tutsis etde 21 Hutus modérés des lieux où ils étaientmenacés. Autre mission, la protection del'EMIR (élément médical d'intervention rapi-de), ce superbe hôpital de campagne ultra-moderne activé par l'armée française en casde catastrophe majeure. Sous la direction ducolonel médecin Auclair, huit médecins fran-çais et leurs assistants, aidés d'infirmiersmauritaniens, vont en moins de vingt-quatrejours faire un travail considérable et pratiquer350 interventions chirurgicales, principale-ment sur des enfants tutsis.

Le ratissage de la zoneOutre la protection de l'EMIR, la 1re com-

pagnie du 2e REI va également assurer le20 contrôle des points de passage vers la fron-

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Ci-contre. Depuis cet abri de rondins de la 3/13e,on distingue particulièrement bien le large champde tir situé dans les tables à thé, et battu parl'AA-52. Ce type d'abri, très typique de cesrégions, protège néanmoins efficacement contreles tirs de mortier.

En bas. Fidèle à sa réputation, le VLRA va semontrer particulièrement bien adapté aux pistesdu Rwanda, même si celles-ci sont mieuxentretenues qu'au Zaïre. Ici, ce VLRA monté parles snipers de la 3e section de la 3e compagnie dela 13e DBLE patrouille à l'est du lac Kivu, sur larive rwandaise. Notez les Barret. L'homme en civilest un sous-préfet, qui profite de l'ordre rétabli parl'armée française pour faire une tournéed'inspection afin de voir ce qui a échappé aupillage.

tière zaïroise. Au pied d'un légionnaire polo-nais, installé à la station-service frontalièredu pont sur la Ruzizi, s'amoncellent les fusilsd'assaut FAL, R-5, AK-47, et même quelquesvieux fusils Lee Enfield, tous confisqués auxFAR qui voulaient gagner le Zaïre.

Ces mêmes armes, répertoriées, numéro-tées, sont redistribuées à des forces de poli-ce recréées par le colonel Hogard pour réta-blir l'autorité disparue. Ce sont les CRAP duREP qui sont chargés d'encadrer ces poli-ciers et de vérifier qu'aucune exaction n'estcommise. Le sergent-chef Martin, néo-zélan-dais, remet un FAL à un policier communalcoiffé d'un béret jaune vif. « Tu ne tues per-sonne inutilement, et demain je reviens comp-ter les cartouches. Maintenant, signe lepapier. »

Les CRAP du 2e REP — avec une sectionde la 1/2e REI, trois sections de la 3/13e etdeux sections de soldats tchadiens — vontprocéder à une opération de ratissage toutprès de la frontière zaïroise. Québec Alphaest l'indicatif du lieutenant Bariety, comman-dant la 3e section de la 1/2e REI. Peu avantl'aube, les VLRA déposent les sections quis'alignent aussitôt. Un homme tous les dixmètres. Malgré les difficultés du terrain et lefouillis végétal, l'alignement est respecté. Qué-bec Alpha, Papa Whisky, Juliet Golf... enavant ! Fox Alpha, l'indicatif des CRAP, bouclela route, et les Tchadiens ferment la nasse.

L'ordre de la LégionA travers les bananiers, les légionnaires

progressent ! Un grand Hongrois a enrouléla courte bande de son AA-52 autour del'arme afin que les cartouches ne s'accro-chent pas dans la végétation. La sueur per-lant sur le front, un jeune Slovaque met genouà terre et protège de son FR-F2 deux légion-naires qui investissent une hutte. Images clas-siques rappelant d'autres guerres sousd'autres ciels...

Les premiers résultats ne se font pasattendre et, sur les rives de la Ruzizi, plu-sieurs suspects armés sont amenés sansménagement. A midi, la jonction est établieavec les Tchadiens. Le bilan est positif. Unevingtaine d'armes sont capturées. Joyeux,les légionnaires remontent dans les VLRA.

« Ici, au moins, ce n'est pas comme à Sara-jevo où on en prenait plein sur la gueule sansriposter», affirme un énorme Russe à l'accentépouvantable.

Les VLRA disparaissent, avalés par lapoussière. En cette troisième semaine del'opération Turquoise, l'« ordre légionnaire »règne entre la Ruzizi et la forêt deNyunge. O 21