LA GESTION DURABLE DE L’AGRILE DU FRÊNE EN MILIEU …
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LA GESTION DURABLE DE L’AGRILE DU FRÊNE EN MILIEU URBAIN
Par
Alexandre Ouellet
Essai présenté au Centre universitaire de formation
en environnement et développement durable en vue
de l'obtention du grade de maître en environnement (M. Env.)
Sous la direction de Monsieur Jean-Marie Bergeron
MAÎTRISE EN ENVIRONNEMENT
UNIVERSITÉ DE SHERBROOKE
Février 2014
i
SOMMAIRE
Mots clés : Agrile du frêne, Agrilus planipennis, espèce exotique envahissante, gestion intégrée,
dépistage, abattage, inventaire, insecticide, SLow Ash Mortality, municipalité.
L’agrile du frêne (Agrilus planipennis) est un insecte exotique envahissant d’origine asiatique
s’attaquant à toutes les espèces de frênes jusqu’à en causer la mort en quelques années. Ce
ravageur a été détecté pour la première fois en 2002 dans le sud de l’Ontario et en 2008 dans la
ville de Carignan au Québec. Depuis son introduction en Amérique du Nord, cet insecte a causé
la mort de plusieurs millions de frênes autant en milieu urbain que forestier. Toutefois, c’est en
milieu urbain que les pertes économiques sont les plus importantes, notamment en raison de
l’abondance de frênes retrouvée. Ainsi, pour limiter les dégâts, les municipalités doivent
impérativement élaborer un plan de gestion pour lutter contre cet insecte.
L’objectif principal de cet essai est de mettre au point un outil de gestion régionale de l’agrile du
frêne suffisamment flexible pour être en mesure de s’adapter à l’émergence de nouvelles
connaissances scientifiques et d’initiatives gouvernementales. Cet outil a été développé afin qu’il
puisse être utilisé par une organisation dont le mandat couvre l’ensemble du territoire de la
province de Québec. Plus précisément, il vise à structurer l’approche de sensibilisation et d’aide
technique auprès des municipalités en fonction de leur proximité avec les foyers d’infestation
connus. Pour arriver à développer cette méthode de gestion, il est important de comprendre le
contexte de la gouvernance canadienne et québécoise envers les espèces exotiques envahissantes
et plus spécifiquement celui entourant l’agrile du frêne. Puis, il est nécessaire de connaître les
grandes étapes qu’un plan de gestion de l’agrile en milieu urbain doit contenir : inventaire
d’arbres, activités de dépistage, traitement de frênes à l’insecticide, abattage stratégique et un plan
de communication auprès de la population.
Puisqu’aucun moyen efficace d’éradication de l’agrile du frêne n’a encore été mis au point,
l’approche à préconiser est celle visant à contrôler et ralentir la progression du ravageur. À cet
effet, l’approche Slow Ash Mortality constitue la meilleure alternative de gestion de l’insecte.
L’application de cette approche en milieu urbain consiste à gérer l’agrile par foyer d’infestation et
à traiter un maximum de frênes à l’insecticide. Cependant, le manque d’implication du
Gouvernement du Québec en matière de gestion des espèces exotiques envahissantes et
particulièrement dans le cas de l’agrile du frêne représente un obstacle à la bonne gestion du
ravageur sur le territoire. Ainsi, une meilleure collaboration des différents ministères concernés
faciliterait l’utilisation de l’outil développé dans le présent travail.
ii
REMERCIEMENTS
Je tiens à remercier mon directeur d’essai, M. Jean-Marie Bergeron qui a été pleinement présent à
toutes les étapes de ce long travail. Ses conseils et sa disponibilité ont été essentiels au succès de
cet essai.
J’aimerais également remercier Mme Hélène Godmaire, directrice générale du Conseil québécois
sur les espèces exotiques envahissantes pour son support professionnel et ses conseils. Les
documents et les contacts qu’elle m’a offerts ont contribué à bonifier cet essai.
Un merci à Thierry Tremblay, mon patron qui s’est montré très compréhensif envers ma situation
étudiante.
Un merci tout spécial à ma grand-mère Rose qui a été une source d’inspiration pour moi tout au
long de ce travail.
Merci à ma copine Julie pour son soutien moral constant, même dans les moments les plus
difficiles.
Finalement, il n’existe aucun mot suffisamment fort pour exprimer la reconnaissance que
j’éprouve envers mes parents qui ont contribué au succès de mon long cheminement scolaire.
Leur support inconditionnel et leurs nombreux encouragements m’ont guidé jusqu’à la toute fin.
iii
TABLE DES MATIÈRES
INTRODUCTION ...................................................................................................................... 1
1. MISE EN CONTEXTE ET GOUVERNANCE ................................................................... 4
1.1 Espèces exotiques envahissantes .................................................................................. 4
1.1.1 Définition ............................................................................................................. 4
1.1.2 Voie d’entrée ....................................................................................................... 5
1.1.3 Impacts environnementaux, économiques et sociaux............................................. 7
1.2 Gouvernance fédérale .................................................................................................. 9
1.2.1 Stratégie nationale sur les espèces exotiques envahissantes ................................. 11
1.2.2 Plan d’action pour les plantes terrestres et les phytoravageurs étrangers
envahisseurs ..................................................................................................................... 12
1.2.3 Programme de partenariat sur les espèces exotiques envahissantes ...................... 17
1.3 Gouvernance provinciale............................................................................................ 17
1.3.1 Engagement du Québec ...................................................................................... 18
1.3.2 Cadre réglementaire au Québec .......................................................................... 20
1.3.3 Conseil québécois sur les espèces exotiques envahissantes ................................. 20
1.4 Rôles des municipalités .............................................................................................. 21
2. GESTION DE L’AGRILE DU FRÊNE EN MILIEU URBAIN......................................... 23
2.1 Inventaire de frênes .................................................................................................... 24
2.1.1 Frênes privés et publics ...................................................................................... 25
2.1.2 Approche ascendante d’inventaire ...................................................................... 26
2.1.3 Approche descendante d’inventaire .................................................................... 28
2.1.4 Outils i-Tree ....................................................................................................... 30
2.1.5 Identification des zones à risques ........................................................................ 31
2.1.6 Participation du public ........................................................................................ 32
2.2 Dépistage ................................................................................................................... 32
iv
2.2.1 Détection visuelle ............................................................................................... 33
2.2.2 Piège dans les arbres .......................................................................................... 35
2.2.3 Écorçage de branches ......................................................................................... 38
2.2.4 Dépistage par annélation de frênes...................................................................... 39
2.2.5 Biosurveillance .................................................................................................. 42
2.2.6 Formation du personnel et sensibilisation de la population .................................. 44
2.3 Plan de gestion de l’agrile du frêne ............................................................................. 45
2.3.1 Outils de gestion ralentissant la progression de l’agrile ....................................... 45
2.3.2 Évaluation économique d’une bonne stratégie de gestion .................................... 46
2.4 Application d’insecticide systémique ......................................................................... 47
2.4.1 Traitement des frênes au biopesticide ................................................................. 47
2.4.2 Compromis entre traitement et abattage .............................................................. 48
2.4.3 Traitement d’arbres privés .................................................................................. 50
2.4.4 Accord de traitement d’arbres publics par un citoyen .......................................... 50
2.5 Plan de coupe des arbres ............................................................................................ 51
2.5.1 Planification de l’abattage .................................................................................. 52
2.5.2 Gestion des boisés urbains .................................................................................. 55
2.5.3 Annélation ......................................................................................................... 55
2.5.4 Disposition des frênes contaminés et réglementation........................................... 57
2.5.5 Plan de remplacement des frênes abattus ............................................................ 58
2.6 Sensibilisation et communication ............................................................................... 59
2.6.1 Communication interne et réglementation ........................................................... 60
2.6.2 Communication externe...................................................................................... 61
2.6.3 Dépisteur bénévole de première ligne ................................................................. 62
2.6.4 Association de voisins ........................................................................................ 63
2.6.5 Réseaux sociaux ................................................................................................. 64
v
2.7 Approche de gestion intégrée de l’agrile du frêne ....................................................... 64
2.7.1 Approche Slow Ash Mortality (SLAM) ............................................................... 65
2.7.2 Application du SLAM en milieu urbain .............................................................. 67
2.7.3 Application SLAM à l’échelle régionale ............................................................. 70
3. OUTIL QUÉBÉCOIS DE GESTION ET GOUVERNANCE ............................................ 74
3.1 Limites de propagation de l’agrile .............................................................................. 75
3.2 Pour une meilleure gouvernance provinciale .............................................................. 76
3.2.1 Organisation de la gouvernance .......................................................................... 77
3.2.2 Possibilités d’amélioration.................................................................................. 79
3.2.3 Synergie entre les intervenants ........................................................................... 80
3.3 Outils de gestion régionale ......................................................................................... 81
3.3.1 Établissement des zones d’intervention ............................................................... 82
3.3.2 Outils de gestion par zone d’intervention ............................................................ 83
3.3.3 Modèle de plan de gestion .................................................................................. 87
CONCLUSION ......................................................................................................................... 91
RÉFÉRENCES ......................................................................................................................... 94
ANNEXE 1 - LOIS FÉDÉRALES RÉGISSANT LA GESTION DES ESPÈCES
EXOTIQUES ENVAHISSANTES .......................................................................................... 104
ANNEXE 2 - DÉPISTEURS DE PREMIÈRE LIGNE DANS L’ÉTAT DU VERMONT ......... 106
ANNEXE 3 - ÉTIQUETTE D’IDENTIFICATION DE FRÊNES ............................................ 107
ANNEXE 4 - ÉTABLISSEMENT DES ZONES D’INTERVENTION NIVEAU 1 ................. 108
ANNEXE 5 - ÉTABLISSEMENT DES ZONES D’INTERVENTION NIVEAU 2 ................. 109
ANNEXE 6 - ÉTABLISSEMENT DES ZONES D’INTERVENTION NIVEAU 3 ................. 110
ANNEXE 7 - PLAN D’ACTION MUNICIPALITÉ ................................................................ 111
ANNEXE 8 - PLAN D’ACTION MILIEUX FORESTIERS .................................................... 112
ANNEXE 9 - PLAN D’ACTION FORÊTS PRIVÉES ET INDUSTRIES ................................ 113
vi
LISTE DES FIGURES ET DES TABLEAUX
Figure 1.1 Zone sans frêne en Ontario .............................................................................. 14
Figure 2.1 Carte interactive de l’emplacement des arbres de rues et de parcs de la ville
d’Oakville ....................................................................................................... 29
Figure 2.2 Prédiction de la mortalité des frênes de la Ville de Toronto .............................. 54
Figure 2.3 Comparaison économique de différentes approches de gestion des frênes en
milieu urbain sur un horizon de 10 ans en fonction de l’âge du foyer
d’infestation .................................................................................................... 69
Figure 2.4 Emplacement des foyers d’infestation et des zones d’intervention dans l’état
de New York .................................................................................................. 72
Figure 3.1 Carte de répartition du frêne noir en pourcentage au Québec ............................ 76
Tableau 1.1 Voies d’entrée principales des espèces exotiques envahissantes ......................... 6
Tableau 2.1 Avantages et désavantages de l’outil d’inventaire proposé par RNCan ............. 27
Tableau 2.2 Zones à risque ................................................................................................. 31
Tableau 2.3 Espèces de frêne indigènes et exotiques présentes dans l’Est du Canada ........... 33
Tableau 2.4 Signes et symptômes ....................................................................................... 34
Tableau 2.5 Avantages et désavantages de la biosurveillance de l’agrile du frêne avec
Cerceris fumipennis ......................................................................................... 43
Tableau 2.6 Avantages et désavantages de l’approche d’abattage préventive et réactive ...... 53
Tableau 2.7 Sujets de sensibilisation et médias de diffusion de l’information ...................... 62
Tableau 2.8 Critères de caractérisation des zones infestées par l’ADF et les niveaux
d’importance associés ...................................................................................... 71
Tableau 3.1 Outils de gestion de l’agrile du frêne en fonction des zones d’intervention ....... 85
vii
LISTE DES ACRONYMES, DES SYMBOLES, ET DES SIGLES
AAC Agriculture et agroalimentaire Canada
ACIA Agence canadienne d’inspection des aliments
ADF Agrile du frêne
APC Agence des parcs Canada
ASFC Agence des services frontaliers du Canada
BVGC Bureau du vérificateur général du Canada
CBNM Conservatoire Botanique National Méditerranéen
CDB Convention sur la diversité biologique
CIPV Convention internationale pour la protection des végétaux
CQEEE Conseil québécois sur les espèces exotiques envahissantes
DGPV Direction des grands parcs et du verdissement
DHP Diamètre à hauteur de poitrine
EC Environnement Canada
EEE Espèce Exotique Envahissante
FPFD Forest Pest First Detector
IISC Indiana Invasive Species Council
INSPQ Institut national de la santé publique du Québec
MAMROT Ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire
MAPAQ Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec
MDDEFP Ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des
Parcs
MDNR Michigan Department of Natural Resources
MPO Pêches et Océans Canada
MRC Municipalités régionales de comté
MRN Ministère des Ressources naturelles du Québec
MRNO Ministère des Richesses naturelles de l’Ontario
MTQ Ministère des Transports du Québec
MSU Michigan State University
NABB Neighbors Against Bad Bugs
NAPPO Organisation nord-américaine pour la protection des plantes
NYSDEC New York State Department of Environmental Conservation
OBNL Organisme à but non lucratif
viii
PNUE Programme des Nations Unies pour l’environnement
PPEEE Programme de partenariat sur les espèces exotiques envahissantes
RNCan Ressources naturelles Canada
SCF Service canadien des forêts
SCTC Secrétariat du conseil du trésor du Canada
SNEEE Stratégie nationale sur les espèces exotiques envahissantes
SLAM SLow Ash Mortality
SQDB Stratégie québécoise sur la diversité biologique
TC Transport Canada
USDA United States Department of Agriculture
USDA FS United States Department of Agriculture Forest Services
m Mètre
mm Millimètre
km Kilomètre
1
INTRODUCTION
La dispersion naturelle des espèces animales et végétales est limitée par des obstacles physiques
(montagne, océan, désert), ce qui a permis aux espèces d’évoluer et de s’adapter spécifiquement à
leur environnement immédiat. Toutefois, depuis que l’Homme a commencé à voyager d’un
continent à un autre, il déplace avec lui des espèces animales et végétales volontairement ou non
en dehors de leur aire de reproduction normale. Ces espèces délocalisées par le biais des activités
anthropiques sont désignées comme étant des espèces exotiques envahissantes (EEE). Lorsque
celles-ci s’adaptent à leur nouvel environnement, elles peuvent engendrer des impacts
économiques, environnementaux et sociaux considérables.
L’agrile du frêne (ADF) est un bon exemple d’espèces envahissantes ayant profité des échanges
commerciaux entre les pays pour se déplacer de l’Asie (Chine, Japon, Corée, Mongolie, Russie,
Taiwan) vers l’Amérique du Nord (Ministry of Agriculture, s.d.). En effet, la présence de ce
coléoptère appartenant à la famille des Buprestides a été détectée pour la première fois en 2002
dans la région du Michigan aux États-Unis et dans le sud-ouest de l’Ontario (Agence canadienne
d’inspection des aliments (ACIA), 2012). C’est par le biais des emballages de bois (palettes de
bois de frêne) utilisés pour le transport de marchandises que cet insecte est parvenu sur le
continent nord-américain (McDermott et autres, 2012). Depuis son arrivée, l’agrile du frêne s’est
propagé au sud dans plusieurs états américains et vers et le nord-est du Canada jusqu’à la région
métropolitaine de Montréal.
Ce coléoptère de couleur vert-émeraude métallique s’attaque à toutes les espèces de frênes
connues et cause très rapidement la mort de ceux-ci. Le mécanisme destructeur de cet insecte
commence au moment où la femelle pond ses œufs dans des fissures de l’écorce du frêne au
courant de la saison estivale. Des larves émergent ensuite de ces œufs et c’est à ce stade que
l’insecte représente le plus grand danger pour l’arbre. En effet, la larve se nourrit du phloème de
l’arbre en creusant des galeries en forme de « S » sous l’écorce (Ville de Montréal, 2012). Le
phloème correspond au système circulatoire de l’arbre, il permet de faire cheminer les éléments
nutritifs entre les racines et les feuilles (Botanique, 2014). Ainsi, les galeries laissées par les
larves contribuent à faire dépérir progressivement l’arbre jusqu’à sa mort éventuelle en l’espace
de 3 à 5 années à partir du moment de l’infestation initiale. Finalement, l’adulte émerge de
l’écorce entre la mi-mai et la fin juin de l’année suivante pour se reproduire et se nourrir de
feuilles de frêne (Ville de Montréal, 2012). Il est à noter qu’en général, les larves passent un seul
2
hiver sous l’écorce avant d’arriver au stade adulte. Toutefois, dans les régions où le climat est
plus froid, les larves peuvent passer deux hivers sous l’écorce (Wei et autres, 2007).
L’agrile du frêne peut se propager de deux façons, soit de manière naturelle par leur capacité à
voler sur une certaine distance et par le biais de vecteurs de déplacement anthropique. En termes
de capacité de dispersion naturelle, l’agrile vole en général sur de courtes distances, mais face à
un manque de ressources, l’agrile peut parcourir en moyenne 1,3 km / jour et jusqu’à un
maximum 7 km / jour (Mercader et autres, 2011). Du côté anthropique, le principal vecteur de
dispersion est le déplacement du bois de chauffage infesté par le ravageur (Ville de Montréal,
2012). Ce dernier mode de dispersion est particulièrement difficile à contrôler étant donné la
variété d’utilisateurs pouvant potentiellement générer des déplacements de bois infesté.
Puisque les frênes attaqués par ce ravageur montrent très peu de signes et symptômes dans les
premières années de l’infestation, il est difficile de détecter de façon précoce la présence de
l’insecte. En effet, des indices évidents apparaissent seulement deux à trois années après le début
de l’œuvre destructrice du ravageur (Ryall et autres, 2010). Or, le frêne a largement été utilisé
pour aménager les milieux urbains du Canada. Environ 10 % des arbres urbains sont des frênes
dans plusieurs villes canadiennes (Ville de Gatineau, 2012). Actuellement, l’agrile du frêne est
considéré comme étant le ravageur forestier le plus destructeur que les États-Unis aient connu
(McCullough et Mercader, 2012). En plus d’engendrer des pertes économiques records, ce sont
les gouvernements municipaux et les propriétaires de maisons qui subissent les plus grandes
contraintes économiques liées au passage de cet insecte (Aukema et autres, 2011).
Ainsi, en raison des difficultés techniques à dépister la présence du ravageur, de la complexité à
bien contrôler les vecteurs de dispersion anthropique et de l’abondance des frênes en milieu
urbain, une attention particulière sera portée à la gestion de cette problématique au sein des
municipalités du Québec. L’objectif de cet essai est de développer un outil québécois de gestion
régionale ayant pour but de préparer adéquatement chaque municipalité à faire face à l’arrivée de
l’agrile du frêne sur leur territoire. Pour atteindre cet objectif, le contexte général de la
gouvernance des espèces exotiques envahissantes au Canada et au Québec sera abordé. Puis, les
outils et les méthodes de gestion de l’agrile qu’une municipalité peut employer seront détaillés.
Ultimement, cet essai apportera un regard critique sur la gestion des espèces exotiques
envahissantes et plus spécifiquement de l’agrile du frêne au Québec. Il présentera également un
outil de gestion régionale de l’agrile du frêne flexible et facilement adaptable à l’évolution des
connaissances scientifiques.
3
Depuis la découverte du ravageur en Amérique du Nord, une quantité importante d’informations
sur le sujet a été publiée sur de nombreux sites internet ainsi que sous forme d’articles
scientifiques et de documents gouvernementaux. Or, afin d’assurer la représentativité et la
pertinence des informations véhiculées dans le présent document, un contrôle rigoureux des
sources utilisées a été appliqué. Pour ce faire, les choix de références consultées ont été guidés en
fonction de la crédibilité des auteurs et de l’année de publication. Ainsi, lorsque disponible, les
informations les plus à jour ont été utilisées et la priorisation suivante des documents a été
respectée : article scientifique corrigé par les pairs, article de presse universitaire, documents
gouvernementaux, sites internet d’organisations ou associations reconnues.
Pour aborder la problématique de l’agrile du frêne, l’essai a été divisé en trois chapitres
différents. Le premier chapitre présente le contexte général de la gouvernance des espèces
exotiques envahissantes au Canada. Les rôles des gouvernements fédéraux, provinciaux et
municipaux par rapport aux espèces envahissantes en général et plus spécifiquement à l’agrile du
frêne sont détaillés. Le second chapitre présente les outils et les stratégies de gestion du ravageur
qui peuvent être déployés dans un contexte urbain. Il décrit les différentes étapes à considérer
dans le cadre de l’élaboration d’un plan de gestion de l’agrile. Puis, le dernier chapitre illustre les
lacunes observées et énonce des recommandations en matière de gouvernance des espèces
exotiques envahissantes et de l’agrile du frêne au Québec. Il propose également un outil de
gestion du ravageur applicable à l’échelle régionale.
4
1. MISE EN CONTEXTE ET GOUVERNANCE
La problématique des espèces exotiques envahissantes (EEE) sera d’abord abordée dans un
contexte général et sera liée avec le sujet de la présente analyse. Puis, les rôles des différentes
instances gouvernementales dans la gestion des espèces exotiques seront détaillés afin de mieux
comprendre le partage des responsabilités d’intervention. Les responsabilités des ministères
fédéraux, provinciaux ainsi que les autorités municipales seront définies dans une perspective
reliée à l’agrile du frêne (ADF).
1.1 Espèces exotiques envahissantes
Afin de bien situer la problématique soulevée par l’espèce ciblée dans cet essai, il est impératif de
bien comprendre les définitions qui s’appliquent dans de telles circonstances, l’origine des
espèces exotiques envahissantes et les impacts qu’elles provoquent.
1.1.1 Définition
Le terme « espèce exotique » est assez large, car il désigne autant les espèces végétales, animales
et micro-organismes (virus ou bactérie) s’étant introduits hors de leur aire de répartition naturelle.
En effet, selon la définition établie à la Conférence des Parties à la Convention sur la diversité
biologique (CDB), les espèces exotiques incluent :
« toute espèce, sous-espèce, ou taxon inférieur, introduite hors de son aire de
répartition normale, passée ou présente; comprend toutes les parties, gamètes,
graines, œufs ou propagules d'espèces de ce type qui pourraient survivre et se
reproduire.» (CDB, s.d.c., p. 273)
Toutefois, pour avoir le statut d’espèce exotique envahissante (EEE), celle-ci doit constituer une
menace de dommages économiques ou écologiques pour les écosystèmes, les espèces ou les
habitats (ibid.). Donc, une espèce exotique peut avoir été introduite dans un milieu naturel
longtemps avant d’être jugée envahissante. Certaines espèces peuvent prendre une année, une
décennie, voire même un siècle avant d’atteindre des proportions problématiques pour le milieu
naturel et l’économie locale. Par exemple, la renouée du Japon (Fallonia japonica), une plante
ornementale introduite en 1825 en Europe, est devenue envahissante seulement à partir du milieu
du 20e siècle. Les espèces exotiques ont besoin d’un ou plusieurs éléments déclencheurs avant de
devenir invasives, par exemple, un changement des conditions du milieu (climat, perturbation
physique, perturbation anthropique), un changement biologique de l’espèce envahissante
5
(hybridation, mutation) ou encore l’atteinte d’un seuil démographique de la population fondatrice
(Conférence française pour la biodiversité, 2010). Lorsqu’un ou plusieurs de ces éléments
déclencheurs surviennent, il en résulte une croissance rapide de la population, atteignant des
proportions qui mettent en danger les espèces indigènes ou les cultures. Les espèces indigènes
sont des espèces originaires de la région où elles se trouvent. En général, ces espèces ont évolué
depuis des milliers d’années en s’adaptant à leurs milieux et constituent un élément important de
l’écosystème (Environnement Canada, 2013). Les espèces exotiques envahissantes qui
s’installent dans un nouvel environnement deviennent des prédateurs, des compétiteurs ou des
parasites pour les espèces indigènes du milieu récepteur (Environnement Canada, 2004). Ainsi,
ces envahisseurs perturbent le fragile équilibre qui règne au sein d’un écosystème naturel.
Les espèces exotiques sont typiquement partagées en trois grandes catégories selon les milieux
qu’elles fréquentent. Il y a les espèces aquatiques envahissantes qui affectent les milieux lacustres
et les milieux côtiers. Les animaux envahissants et ravageurs d’animaux peuvent prendre la forme
d’animaux terrestres ou de maladies affectant la faune et les animaux d’élevage. Finalement, la
dernière catégorie correspond aux végétaux envahissants et aux phytoravageurs qui incluent les
plantes terrestres, les insectes et les maladies affectant les plantes indigènes. L’agrile du frêne est
un phytoravageur se situant dans cette dernière catégorie, une attention particulière sera portée à
cet insecte tout au long des prochaines sections (ibid.).
1.1.2 Voie d’entrée
Toutes les introductions d’espèces exotiques envahissantes sont de nature anthropique
intentionnelle ou non intentionnelle. Dans le cas d’introductions intentionnelles, elles se
produisent lors d’un déplacement d’une espèce pour une utilisation précise et connue par
l’instigateur. Ces introductions peuvent être autorisées ou non autorisées (illégales). Les
introductions autorisées sont souvent réalisées pour des fins commerciales, comme l’échange
d’animaux domestiques (élevage, zoo et animaux de compagnie) et de semences (agriculture et
horticulture), tandis que les introductions non autorisées surviennent par le biais d’activités
touristiques (souvenir de voyage dans les bagages), des ventes de semences par internet et par
correspondance. Les introductions non intentionnelles quant à elles se produisent lorsqu’une
espèce utilise à l’insu de l’homme un de ses systèmes de distribution (échanges commerciaux
aériens, routiers et nautiques). Le tableau 1.1 résume les différentes voies d’entrée en fonction des
trois catégories d’espèces exotiques envahissantes (ibid.).
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Tableau 1.1 Voies d’entrée principales des espèces exotiques envahissantes (compilation
d’après : Environnement Canada, 2004, p.25)
En ce qui concerne les végétaux envahissants, ceux-ci sont souvent introduits intentionnellement
pour des utilisations horticoles ou encore pour leurs qualités appréciées pour des usages agricoles.
Des études menées aux États-Unis et en Australie ont démontré que la majorité des végétaux
envahissants dans ces pays ont été introduits de façon intentionnelle, tandis que les
phytoravageurs sont la plupart du temps introduits de façon non intentionnelle comme
contaminants des cargos de marchandises, des véhicules de transport et des conteneurs
d’expédition (Gouvernement du Canada, 2004). Dans de nombreuses situations, les
phytoravageurs utilisent les marchandises de bois ou les emballages de marchandise faits de bois
comme moyen de transport pour parvenir hors de leur aire de répartition. C’est notamment le cas
de la maladie hollandaise de l’orme, un champignon microscopique se développant dans les
vaisseaux conducteurs de la sève de l’arbre, qui a été introduite au Canada au milieu du 20e siècle
par l’entremise de bois infecté en provenance d’Europe (Ministère des Ressources naturelles du
Québec (MRN), 2013). Pour ce qui est de l’agrile du frêne, celui-ci est parvenu en Amérique du
Nord à la fin des années 1990 en se logeant dans le bois des palettes servant au transport des
marchandises.
7
1.1.3 Impacts environnementaux, économiques et sociaux
Bien qu’une faible proportion des espèces exotiques introduites par l’humain dans un nouvel
environnement finisse par être considérée comme envahissante, les effets négatifs d’un seul ou
plusieurs de ces envahisseurs peuvent être considérables au niveau de la sécurité alimentaire, de
la biodiversité, des écosystèmes, de la santé animale et humaine, ainsi que pour le développement
économique. Afin de réaliser l’importance d’agir face à cette réalité dévastatrice, il est nécessaire
de bien comprendre l’ensemble des impacts environnementaux, économiques et sociaux.
Sur le plan environnemental, ces envahisseurs représentent une menace pour la biodiversité.
Selon l’Union internationale pour la conservation de la nature, les espèces exotiques
envahissantes sont placées au deuxième rang parmi les menaces pour la biodiversité, juste
derrière la disparition des habitats. Lorsque ces espèces s’installent dans un nouveau milieu, les
conséquences sur les écosystèmes et les espèces indigènes qui les composent peuvent être très
graves et irréversibles. Plus précisément, dans certains cas, elles sont des vecteurs de transmission
de maladie affectant la faune et la flore locales. Les espèces envahissantes peuvent également
modifier les habitats et les fonctions écosystémiques des milieux naturels, tels que l’hydrologie,
le cycle des matières nutritives et l’absorption des contaminants. Le pouvoir de captation des gaz
à effet de serre par la forêt et la capacité filtrante des milieux humides peuvent en être affectés
(Environnement Canada, 2004). De plus, ces envahisseurs seraient responsables du statut
d’espèces en péril de 44 espèces canadiennes (ACIA, 2008). Par exemple, la maladie hollandaise
de l’orme a décimé au-dessus de 600 000 ormes au Québec depuis son introduction en 1945.
Cette maladie, qui affecte les populations d’ormes, a d’importantes conséquences sur les milieux
urbains. Par exemple, dans le cas de la ville de Toronto, c’est 80 % des 35 000 ormes de la ville
qui ont été décimés par cette maladie (Environnement Canada, 2004). Quant à l’agrile du frêne, il
est estimé que l’insecte a décimé plus de 80 millions de frênes depuis son arrivée en Amérique du
Nord (Gaïa presse, 2013).
En ce qui concerne les impacts économiques, les espèces exotiques envahissantes engendrent des
pertes économiques principalement dans les secteurs primaires, soit au niveau de l’agriculture, la
pêche, la foresterie et l’exploitation des ressources fauniques. Les coûts associés aux pertes de
ressources d’intérêts économiques, à la lutte et au contrôle constituent les principales dépenses.
De surcroit, les espèces envahissantes peuvent menacer les relations commerciales entre
différents pays. Par exemple, la détection du longicorne asiatique, un coléoptère d’origine de
l’Asie qui s’attaque à la majorité des essences de feuillus, a nécessité la fumigation ou le
traitement à la chaleur des matériaux d’emballage de marchandise à base de bois. L’obligation de
8
requérir à ces mesures a failli mettre un terme à des échanges commerciaux d’une valeur de plus
de 30 milliards de dollars entre le Canada et la Chine. Selon un rapport préliminaire visant à
évaluer les coûts économiques reliés à 16 espèces exotiques envahissantes au Canada, les coûts
annuels estimés pour leur gestion varient entre 13.3 et 34.5 milliards de dollars (Environnement
Canada, 2004). En ce qui a trait aux végétaux envahissants et aux phytoravageurs, l’Agence
canadienne d’inspection des aliments (ACIA) estime que le fardeau financier représente environ
7.5 milliards de dollars par année. Toutefois, il est important de noter que la plupart des analyses
d’incidence économique ne considère pas l’ensemble des impacts et pertes potentielles. Elles se
limitent souvent aux pertes de rendement et aux coûts engendrés pour la lutte et la réhabilitation
des habitats perturbés après l’application des mesures de contrôle. La valeur des services
écologiques perdus par les écosystèmes dégradés ainsi que les pertes économiques liées aux
aspects sociaux ne sont généralement pas reconnues. Pour cette raison, les pertes économiques,
bien qu’élevées, sont probablement sous-estimées (Bureau du vérificateur général du Canada
(BVGC), 2002). Dans le cas de l’agrile du frêne (ADF), les coûts associés à la gestion de ce
ravageur aux États-Unis sont évalués à environ 10 milliards de dollars sur une période de 25 ans.
Il est à noter que ce montant correspond seulement aux frais de gestion de ce ravageur et non aux
pertes économiques substantielles qui seront engendrées par la mort des frênes et aux autres
problèmes soulevés par cet insecte (Conseil québécois sur les espèces exotiques envahissantes
(CQEEE), 2013a).
Les répercussions économiques des espèces exotiques envahissantes sont nombreuses et peuvent
atteindre des sommes considérables. Toutefois, les impacts socio-économiques sont également
abondants. Par exemple, la perte de revenu, la perte de la valeur foncière d’un terrain, les
dommages à la propriété privée, les allergies menaçant la santé publique et l’incertitude sociale
soulevée par l’utilisation massive de produits chimiques pour lutter contre certaines espèces
exotiques représentent différentes formes d’impacts sociaux (Environnement Canada, 2004). En
2002, pour illustrer les inquiétudes soulevées par l’utilisation de produits chimiques dans le cadre
du programme de lutte contre la lamproie marine, qui affecte les Grands Lacs, 28 tonnes de
produits chimiques ont été déversées dans les cours d’eau se jetant dans les Grands Lacs (BVGC,
2002).
Dans le milieu agricole, les pesticides et les insecticides sont largement utilisés afin de protéger
les récoltes contre ces envahisseurs. Les effets à long terme de l’utilisation de ces produits dans
l’environnement et sur la santé humaine sont encore méconnus. De plus, ces envahisseurs
menacent le mode de vie de centaines de communautés rurales et autochtones qui dépendent de
9
l’agriculture, de l’élevage, de la pêche, des espèces sauvages et de l’intégrité des milieux naturels.
Certaines espèces exotiques menacent également la santé humaine. C’est notamment le cas du
virus du Nil. Dans le cas de l’agrile du frêne, puisque les frênes ont été largement utilisés pour
aménager les milieux urbains, la perte de ces arbres peut également avoir une incidence sur la
formation d’îlots de chaleur. Ces îlots de chaleur se trouvent dans les milieux urbains hautement
artificialisés et se caractérisent par un manque de végétation naturelle procurant de l’ombre et une
température locale plus élevée. La perte de frênes dans les zones urbaines peut ainsi mettre en
danger les populations sensibles lors des périodes de chaleur estivales. Les arbres ont également
un rôle important pour la qualité de l’air en raison de leur capacité à filtrer une partie des
contaminants aériens. De plus, certains frênes constituent un patrimoine d’un quartier ou d’un
parc et possèdent une valeur sentimentale non négligeable.
1.2 Gouvernance fédérale
En 1992, lors du sommet de la Terre, à Rio, une attention particulière a été portée aux menaces
sur la biodiversité et à l’importance de celle-ci pour le bien-être de l’économie et des sociétés. En
guise de préparation pour cet important sommet, le Programme des Nations Unies pour
l’Environnement (PNUE) a convoqué, en 1988, un Groupe de travail spécial d'experts sur la
diversité biologique dans le but de vérifier la nécessité de créer une convention axée sur la
protection des ressources biologiques. Les travaux de ce groupe ont ainsi mené à la création de la
Convention sur la diversité biologique (CDB), qui est centrée autour de trois objectifs généraux,
soit la conservation de la biodiversité, l’utilisation durable des ressources végétales et animales et
le partage juste et équitable des avantages découlant de l’exploitation des ressources génétiques.
Dans ce traité juridiquement contraignant signé par 168 pays, incluant le Canada, les espèces
exotiques envahissantes sont reconnues comme une des principales causes directes de la perte de
biodiversité dans le monde (CDB, s.d.a.). Cette convention internationale stipule que les pays
signataires doivent mettre les efforts nécessaires afin de prévenir l’introduction d’espèces
exotiques et d’éradiquer ou de contrôler les espèces exotiques envahissantes déjà installées (CDB,
s.d.b).
Malheureusement, dix ans après la ratification de ce traité par le Canada, le bilan en termes
d’actions et de résultats n’est guère positif. En effet, en 2002, un rapport de la Commissaire à
l’environnement et au développement durable du Bureau du vérificateur général du Canada
montre que l’engagement pris par le Canada n’a pas été respecté. Ce rapport démontre que ni la
CDB ni la stratégie canadienne de la biodiversité élaborée en 1995 en réponse à la Convention
10
n’ont engendré de changements concrets dans la gestion des espèces exotiques envahissantes au
Canada. Plus précisément, les constats sont les suivants :
Les espèces envahissantes qui menacent les écosystèmes, ainsi que leur voie d’entrée,
n’ont pas été recensées.
Les ressources financières et humaines nécessaires pour la gestion des envahisseurs
sont mal coordonnées entre les différents ministères et organismes fédéraux.
Il n’existe aucun consensus sur les priorités et les responsabilités entre les différents
ministères fédéraux et les autres administrations responsables.
Le gouvernement fédéral ne s’est doté d’aucune méthode d’évaluation des progrès
accomplis en regard à la gestion des espèces envahissantes.
Les trois ministères interpellés dans le cadre de la vérification générale sont Environnement
Canada (EC), Pêches et Océans Canada (MPO) et Transport Canada (TC). Le rôle
d’Environnement Canada est de coordonner les efforts nationaux nécessaires afin d’atteindre les
objectifs de la CDB. Il est en quelque sorte le maître d’œuvre responsable d’élaborer une stratégie
globale qui assure une cohérence entre les actions des différentes parties prenantes. Or, en 2002,
selon le bilan du Bureau du vérificateur général, aucune mesure concrète n’a été mise en place
pour empêcher les espèces envahissantes de dégrader la biodiversité au Canada. Pour ce qui est
de Transport Canada, il est responsable de réglementer les eaux de ballast des navires de
marchandises qui constituent une des voies d’entrée d’espèces exotiques aquatiques les plus
importantes. La vérification générale a mis en évidence que les eaux de lest ne sont pas
réglementées et qu’aucun registre de conformité de ces eaux n’est tenu, contrairement à ce qui est
fait aux États-Unis. Puis, en ce qui concerne Pêches et Océans Canada, ce ministère est
responsable de la protection des poissons, de leur habitat et de leur nourriture. Dans le dossier de
la gestion des espèces exotiques envahissantes, il est attendu que les menaces à la biodiversité
aquatique, leurs risques, ainsi que les priorités en matière de prévention, de contrôle et
d’éradication soient identifiés, chose qui n’a pas été faite (BVGC, 2002).
Mis à part Environnement Canada, qui affirme avoir débuté la coordination nécessaire pour la
préparation d’une stratégie nationale de gestion des espèces exotiques envahissantes, les autres
ministères ont accepté les recommandations formulées par le Bureau du vérificateur du Canada
sans toutefois préciser le moment où elles seront appliquées. Pour certaines recommandations, les
responsables de ce ministère ont laissé sous-entendre que les mesures seront prises en fonction
des ressources disponibles ou encore des mesures prises par les autres ministères ou
administrations impliquées (BVGC, 2002).
11
1.2.1 Stratégie nationale sur les espèces exotiques envahissantes
En 2004, une stratégie nationale sur les espèces exotiques envahissantes (SNEEE) a été
développée en collaboration avec les différentes instances fédérales, provinciales et territoriales
concernées. Cette stratégie propose de lutter contre les espèces envahissantes en ayant recours à
une approche hiérarchique basée sur quatre priorités :
1) Prévention des nouvelles invasions
2) Détection précoce des nouveaux envahisseurs
3) Intervention rapide en présence de nouveaux envahisseurs
4) Gestion des espèces exotiques établies par éradication, confinement ou contrôle
Cette stratégie place la prévention au premier rang des priorités, car cette action constitue la
meilleure façon de diminuer les conséquences négatives reliées à l’introduction d’une espèce
exotique. Chaque investissement placé dans la prévention permet à la fois de diminuer les coûts à
long terme reliés à la gestion de ces envahisseurs et d’éviter les impacts environnementaux,
économiques et sociaux potentiels. La stratégie nationale s’attarde à la prévention des
introductions intentionnelles et non intentionnelles ainsi qu’à la prévention préfrontalière, c’est-à-
dire avant que les marchandises quittent le pays d’origine (Environnement Canada, 2004).
Pour ce qui est de la prévention des introductions intentionnelles, la stratégie propose une
approche d’analyse de risques considérant les aspects environnementaux, sociaux, culturels,
économiques et sanitaires. Une analyse de risques correspond à un examen approfondi des risques
basé sur des informations scientifiques permettant une prise de décision éclairée. Pour ce qui est
de la prévention des introductions non intentionnelles, une analyse de risques détaillée devra être
menée pour les différentes voies d’entrée afin de diminuer au minimum les risques d’introduction
par ces voies. Puis, afin de prévenir les introductions d’espèces envahissantes à la source, des
efforts de collaboration avec les autres pays seront favorisés.
Les trois autres objectifs de la stratégie visent à décrire une approche efficace de gestion des
espèces exotiques qui sont parvenues à s’établir dans un écosystème malgré les mesures de
prévention déployées. La détection précoce est importante pour les zones à haut risque comme les
milieux agricoles, les milieux naturels sensibles et les milieux urbains. De plus, la stratégie met
l’accent sur la nécessité d’avoir l’expertise taxonomique nécessaire afin d’accroître l’efficacité
des efforts de détection. Lorsqu’une introduction sera détectée, un plan d’urgence rapide devra
être déployé afin d’établir la meilleure approche de gestion, c’est-à-dire l’éradication, le
confinement ou le contrôle de l’espèce nuisible (Environnement Canada, 2004).
12
En somme, cette stratégie permet d’énoncer les lignes directrices d’une initiative nationale, mais
elle reste encore plutôt générale. Or, la problématique de gestion des espèces exotiques
envahissantes est très vaste, car elle affecte autant les milieux forestiers et agricoles que les
milieux aquatiques. C’est pour cette raison que trois groupes de travail thématiques ont été mis
sur pied afin de rédiger un plan d’action correspondant à trois secteurs d’intervention prioritaires,
soit :
Les organismes aquatiques
Les plantes terrestres et les phytoravageurs
Les animaux terrestres et les maladies animales
En raison du sujet traité dans le présent document, seul le plan d’action sur les plantes terrestres et
les phytoravageurs retiendra l’attention.
1.2.2 Plan d’action pour les plantes terrestres et les phytoravageurs étrangers
envahisseurs
La même année que la mise en place de la SNEEE, un groupe de travail fédéral-provincial-
territorial spécifique à la thématique des plantes terrestres envahissantes et des phytoravageurs a
entrepris d’élaborer un plan d’action. Ce groupe de travail était constitué de différents ministères
fédéraux (Agriculture et agroalimentaire Canada (AAC), l’Agence canadienne d’inspection des
aliments (ACIA), Environnement Canada (EC) et Ressources naturelles Canada (RNCan),
l’Agence des parcs Canada (APC) et l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC)) et des
ministères provinciaux et territoriaux responsables de l’agriculture, des ressources naturelles et
des forêts (Gouvernement du Canada, 2005). Ce plan d’action a été réalisé en deux phases : la
première résume les objectifs arrimés à la SNEEE et les moyens proposés pour les atteindre
tandis que la deuxième phase énonce la mise en œuvre provisoire proposée par le groupe de
travail. Cette dernière phase définit les rôles, les responsabilités et les échéances pour la
réalisation des principales initiatives. Le plan d’action s’articule autour de six axes, soit :
Leadership et coordination
Législation et réglementation
Science
Analyse de risques
Éducation et sensibilisation du public
Collaboration internationale
13
Il est à noter que ces six axes impliquent la participation de plusieurs ministères. Toutefois, tel
qu’illustré ci-dessous, l’ACIA détient un rôle central au sein de cette stratégie et relativement à la
gestion de l’agrile du frêne.
En ce qui concerne le leadership et la coordination, le plan d’action met l’accent sur l’importance
d’impliquer tous les niveaux de gouvernance (provinciale et territoriale) afin de coordonner
adéquatement les actions à entreprendre. Bien que la prévention de l’introduction d’espèces
envahissantes relève du mandat de l’ACIA, le contrôle des espèces nuisibles établies constitue
une responsabilité partagée entre les instances fédérales, provinciales, territoriales et locales. Afin
de coordonner une approche structurée et efficace à l’échelle du Canada, le plan d’action propose
de créer un conseil national sur les espèces exotiques envahissantes qui aurait comme
responsabilité d’établir les priorités d’actions à l’échelle nationale, de coordonner les activités des
divers intervenants (industries, gouvernements, organisations environnementales non
gouvernementales, universités) et de favoriser la communication d’informations pertinentes entre
eux (Gouvernement du Canada, 2004). De plus, l’instauration d’un réseau de protection des
végétaux administré par l’ACIA ayant pour fonction d’améliorer la communication et la
coordination entre les chercheurs, les responsables de la réglementation et les différents
intervenants du domaine des espèces exotiques envahissantes est également prévue. Ce réseau
favoriserait l’accès à l’information scientifique tout en évitant le dédoublement des efforts de
recherche. Finalement, il est aussi question dans ce plan d’actions de mettre en place des conseils
sur les plantes envahissantes et les phytoravageurs au niveau régional (provincial et territorial).
Ces conseils seraient intégrés au Conseil national sur les espèces exotiques envahissantes.
Du côté de la législation et de la réglementation, plusieurs lois fédérales couvrent la gestion des
espèces envahissantes à divers niveaux et dans des champs d’application spécifiques (voir annexe
1). Parmi ces lois, la Loi sur la protection des végétaux, administrée par l’ACIA, est certainement
la loi qui possède la plus grande portée en matière de gestion de ces espèces nuisibles. Elle
permet notamment de réglementer l’importation et le déplacement de végétaux à l’intérieur du
pays. Cette loi ainsi que les règlements qui en découlent permet entre autres de placer des zones
géographiques en quarantaine et d’entreprendre toutes actions raisonnables nécessaires pour
contenir et contrôler une espèce envahissante. Cette loi a largement été utilisée pour la gestion de
l’agrile du frêne par la mise en place de zones de quarantaine, par l’interdiction de déplacer le
bois de chauffage dans ces zones et par la mise en place d’une zone sans frêne en Ontario. Cette
zone représente un effort mis en place en 2004 par l’ACIA dans le but de ralentir la propagation
du ravageur. L’aménagement de cette zone consistait à couper tous les frênes dans une bande de
14
terre d’une longueur de 35 kilomètres et d’une largeur de 10 kilomètres (voir figure 1). C’est
donc appuyé du Règlement sur la création d’une zone sans frêne découlant de la Loi sur la
protection des végétaux que l’ACIA a ordonné la coupe d’environ 85 000 frênes autant sur des
propriétés publiques que privées (Canadian Press, 2004). Malheureusement, cette tentative visant
à ralentir la progression de l’agrile n’a pas empêché l’insecte de se propager au nord de l’Ontario.
Figure 1.1 Zone sans frêne en Ontario (tiré de : Carolinian Canada, 2004, p. 3)
Bien que la Loi sur la protection des végétaux possède une grande portée et un grand pouvoir
d’action, certaines lacunes quant à la couverture de cette loi ainsi que d’autres lois ont été
identifiées lors d’un examen préliminaire du cadre juridique fédéral réalisé par Environnement
Canada. Le plan d’action propose donc de poursuivre cette analyse juridique et de l’étendre aux
cadres législatifs provinciaux et territoriaux dans le but d’harmoniser les lois régissant la gestion
des espèces exotiques envahissantes.
Pour ce qui est du volet science du plan d’action, celui-ci reconnaît l’importance des
connaissances scientifiques entourant la gestion des espèces envahissantes afin d’établir un
processus décisionnel et d’intervention éclairé. Des renseignements scientifiques fiables et
facilement accessibles sont nécessaires pour améliorer l’efficacité des activités de surveillance et
d’identification de potentiels ravageurs. Il est également important de détenir le plus de
renseignements possible sur les espèces indigènes présentes dans les milieux naturels du Canada
afin de faciliter l’identification d’espèces exotiques et l’incidence qu’elles ont sur ces milieux. Le
plan d’action propose la formation de réseaux nationaux de recherche sur les espèces exotiques
envahissantes et l’établissement d’un programme national de surveillance des plantes et des
phytoravageurs étrangers qui seraient dirigés par l’ACIA et appuyés par le Service canadien des
forêts de Ressources naturelles Canada (SCF-RNCan) (Gouvernement du Canada, 2004). Le SCF
est un des principaux acteurs en ce qui a trait aux efforts de recherche et aux gains de
15
connaissances scientifiques en lien avec les espèces nuisibles. Par exemple, dans le cas de l’agrile
du frêne, le SCF participe activement au développement d’outils de détection de cet insecte et de
moyens de lutte biologique. Pour illustrer son implication, en juin 2013, sous les conseils
scientifiques du SCF, l’ACIA a autorisé l’introduction de deux espèces de guêpes de la Chine (T.
Planipennisi et S. Agrili) qui sont des prédateurs naturels de l’agrile afin de limiter la propagation
de ce ravageur. Ces guêpes s’attaquent aux larves de l’agrile en y déposant leurs œufs à l’intérieur
et en surface de celles-ci (ACIA, 2013). Par ailleurs, le SCF s’attarde présentement à isoler des
souches de champignons pathogènes au ravageur. Après avoir isolé la souche la plus virulente,
ces champignons communs dans les sols canadiens seront utilisés dans des pièges renfermant un
appât qui attire l’agrile. Ainsi, ces pièges infecteront les adultes et favoriseront ensuite la
transmission du pathogène au sein de la population (SCF, 2012). De plus, le SCF a mis au point
un insecticide à base de substances naturelles et qui est administré à un frêne infecté via la sève
de l’arbre. Lorsque les conditions d’application de l’insecticide TreeAzin® sont respectées, le
traitement est efficace pendant une durée de deux années et doit être renouvelé après cette période
(SCF, 2013). L’utilisation de ce pesticide constitue une façon efficace, écologique et non
destructive pouvant ralentir la propagation du ravageur. Plus de détails concernant ce produit
seront présentés à la section 2.4.1.
L’analyse de risques est un mécanisme de prise de décision fondé sur des informations
scientifiques. Ce mécanisme de prise de décision est largement mis de l’avant dans le plan
d’action, car il permet une approche décisionnelle équilibrée et éprouvée pour différentes
situations. Par exemple, le plan prévoit que cette approche sera utilisée pour déterminer les voies
d’entrée critiques, la meilleure gestion des espèces exotiques établies, l’établissement des
initiatives frontalières optimales et l’élaboration des meilleures stratégies d’intervention
d’urgence. En raison de l’expérience de l’ACIA en matière d’analyse de risques phytosanitaires
de marchandises d’importation et de ravageurs d’importance potentiels, cette agence est la
principale responsable de la réalisation des analyses mentionnées ci-dessus (Gouvernement du
Canada, 2005). Dans le cas de l’agrile du frêne, une analyse de risques liée à l’introduction des
deux espèces de guêpes chinoises comme moyen de lutte biologique a été réalisée par l’ACIA.
Dans ce cas, l’analyse a été faite dans le but de s’assurer que les espèces introduites ne s’attaquent
pas aux espèces indigènes du Canada et qu’elles ne deviennent pas à leur tour des envahisseurs
(ACIA, 2013).
L’éducation et la sensibilisation constituent un aspect essentiel et central à toute initiative visant à
prévenir et à contrôler la prolifération des espèces exotiques envahissantes. Le plan d’action
16
propose une approche plus coordonnée de la communication d’informations entre les organismes
gouvernementaux, non gouvernementaux et le public en général. De plus, il est proposé
d’élaborer en collaboration avec les intervenants du milieu commercial et industriel des lignes
directrices portant sur des bonnes pratiques en matière d’importation et de transport de plantes et
de produits végétaux (Gouvernement du Canada, 2005). Dans le cas de l’agrile du frêne, l’ACIA
et le SCF ont publié de nombreux documents d’information et de sensibilisation, notamment des
guides de dépistage de l’ADF, plusieurs documents sensibilisant la population à ne pas déplacer
le bois de chauffage dans les zones réglementées et des documents sur les nouvelles technologies
de contrôle de l’ADF (lutte biologique et traitement des frênes avec insecticide).
La coopération internationale est essentielle afin de s’attaquer aux problèmes liés aux espèces
exotiques envahissantes dans son ensemble. La Convention internationale pour la protection des
végétaux (CIPV) dont le Canada et 178 autres pays font partie depuis 1951 constitue un des
premiers efforts de collaboration entre les pays. La CIPV vise à élaborer des mesures
phytosanitaires destinées à renforcer la capacité des pays membres à gérer les risques et les
impacts environnementaux, économiques et sociaux liés aux organismes nuisibles étrangers
(CIPV, 2013). À la suite de la ratification de cette convention, l’Organisation nord-américaine
pour la protection des plantes (NAPPO) a été mise en place conjointement avec le Canada, les
États-Unis et le Mexique. Cette organisation possède deux mandats principaux : le premier en est
un global afin d’atteindre les objectifs de la CIPV et coopérer au développement des standards
internationaux, tandis que le second a pour but de protéger l’agriculture, la foresterie et les autres
ressources végétales au sein des trois pays membres tout en ne faisant pas obstacle au libre-
échange des marchandises (NAPPO, s.d.). En ce qui concerne la problématique de l’agrile du
frêne, la NAPPO a mis sur pied un groupe consultatif technique afin d’examiner les différentes
alternatives en termes d'agents de lutte biologique. Plus particulièrement, les tâches du groupe
incluent la synthèse de la littérature scientifique disponible sur les programmes de lutte
biologique et la formulation de recommandations pour une meilleure coordination de la recherche
sur le sujet (Marcotte, 2013). Et enfin, en 1992, la Convention sur la diversité biologique,
également ratifiée par le Canada, met l’accent sur la nécessité de limiter les impacts des espèces
exotiques envahissantes dans le but de préserver la biodiversité pour les générations futures.
Globalement, le but du plan d’action est d’harmoniser les législations canadiennes avec leurs
contreparties internationales afin de mieux prévenir, détecter et contrôler les espèces
envahissantes. Une fois de plus, l’ACIA est au centre des initiatives de coordination
internationale du Canada (Gouvernement du Canada, 2005).
17
1.2.3 Programme de partenariat sur les espèces exotiques envahissantes
Le programme de partenariat sur les espèces exotiques envahissantes (PPEEE) a été mis sur pied
en réponse à la SNEEE afin de favoriser la collaboration entre les différents intervenants locaux,
régionaux et gouvernementaux (organismes à but non lucratif, organisations gouvernementales,
institutions de recherche et d’éducation, organisations autochtones, industries et citoyens). Ce
programme mis en place en 2005 alloue des subventions aux projets qui partagent les objectifs
priorisés dans la SNEEE, soit la prévention, la détection et la gestion. En plus d’encourager une
variété de projets, le PPEEE cherche à promouvoir la participation et l’amélioration de la
compréhension des citoyens canadiens en lien avec les espèces exotiques.
Ce programme est muni d’un budget de 1 000 000 $ par année mis à la disposition d’une variété
d’intervenants de différents horizons pouvant bénéficier d’un financement annuel maximal de
50 000 $ par projet. Au total, 141 projets ciblant 277 espèces exotiques envahissantes différentes
ont été financés parmi les provinces et territoires du Canada entre 2005 et 2010, et ce, autant pour
les espèces exotiques aquatiques que terrestres. Parmi les bénéficiaires du programme, plusieurs
conseils provinciaux sur les espèces envahissantes ont vu le jour grâce à ces subventions
(Environnement Canada, 2012). Ces conseils provinciaux ont pour objectif de réunir les
intervenants pertinents en matière de gestion des espèces exotiques nuisibles et sera décrit
davantage à la section 1.3.3.
Il est à noter que le financement du PPEEE a été renouvelé pour un mandat de cinq années
supplémentaires, soit pour la période 2010 à 2015 (Secrétariat du conseil du trésor du Canada
(SCTC), 2013). Malheureusement, des diminutions de budget survenues en 2012 ont affecté ce
programme ainsi que d’autres programmes visant la qualité de l’environnement.
1.3 Gouvernance provinciale
Les espèces exotiques envahissantes représentent un problème à l’échelle internationale, car
chaque pays est à la fois affecté par l’introduction de ces espèces et responsable de leur
exportation. Par exemple, l’élodée du Canada, une plante herbacée aquatique indigène au Canada,
figure sur la liste noire des espèces exotiques envahissantes en France (Conservatoire Botanique
National Méditerranéen (CBNM), 2013). Cette réalité met en évidence l’importance du rôle des
gouvernements nationaux et d’une bonne collaboration internationale en ce qui a trait à la
prévention des introductions lors des échanges de marchandises internationales. Toutefois,
lorsqu’une espèce exotique devient envahissante au sein d’un pays, la participation de toutes les
instances gouvernementales pertinentes est nécessaire. Au Canada, à titre de principaux
18
propriétaires fonciers et de gestionnaires de l’agriculture, des forêts, de la faune et des pêches en
eaux douces, les provinces et les territoires ont un rôle important à jouer en matière de gestion des
espèces exotiques envahissantes (Environnement Canada, 2004). En effet, bien que l’ACIA et ses
partenaires fédéraux coordonnent les efforts de prévention, de détection précoce et de contrôle
des espèces envahissantes, la gestion de celles installées au pays constitue une responsabilité
partagée entre les autorités fédérales, provinciales et locales (Gouvernement du Canada, 2004).
Les provinces et territoires détiennent des capacités législatives relatives à la gestion de ces
espèces exotiques. Ce sont généralement les ministères responsables de l’agriculture, des forêts et
des ressources naturelles qui possèdent ces compétences. Cependant, la portée réglementaire des
instances provinciales est souvent limitée et ne permet pas de couvrir l’ensemble de la
problématique. Les mesures législatives relatives au secteur de l’agriculture portent généralement
sur le contrôle et l’éradication d’espèces ayant un impact sur les rendements agricoles. En ce qui
concerne la gestion de la faune, certaines dispositions législatives provinciales régissent
partiellement les espèces exotiques envahissantes, c’est-à-dire qu’elles se limitent souvent aux
espèces de vertébrés. Puis, les dispositions législatives relatives à la foresterie s’attardent
davantage aux permis de coupe, aux limites de coupe, aux plans de gestion et à la
commercialisation du bois d’œuvre, à l’exception de la Colombie-Britannique et de la
Saskatchewan qui disposent de législation interdisant l’introduction de ravageurs et de maladies
forestières (Gouvernement du Canada, 2004).
1.3.1 Engagement du Québec
Lors du Sommet de la Terre en 1992, le Canada ainsi que ses provinces s’engageaient à préserver
la biodiversité en ratifiant la Convention sur la diversité biologique (CDB). En réponse à cet
engagement international, le Québec a élaboré, en 1996, sa première stratégie sur la diversité
biologique assortie d’un plan d’action en vigueur pour les années 1996 à 2002. Au total, 632
actions ont été citées dans le plan d’action, 141 ont été complétées avant 2002 tandis que la
grande majorité des actions restantes était toujours en cours après 2002. Dans le but de poursuivre
ses efforts, le gouvernement du Québec a réitéré sa volonté à respecter son engagement en
renouvelant la Stratégie québécoise sur la diversité biologique (SQDB) pour les années 2004 à
2007. Une fois de plus, cette stratégie était couplée à un plan d’action pour les mêmes années
(Gouvernement du Québec, 2004a). Bien que très détaillé et bien étoffé, ce plan d’action ne
prévoit que deux actions peu spécifiques en lien avec la gestion des espèces exotiques
envahissantes. Ces deux actions décrivaient l’importance de la participation du Québec dans les
initiatives de prévention et de contrôle des espèces exotiques envahissantes sur la scène
19
internationale et au niveau fédéral dans le cadre de l’application de la Stratégie nationale
(Gouvernement du Québec, 2004b). Toutefois, un nouvel axe d’intervention spécifique aux
espèces envahissantes a été ajouté au plan d’action au moment de produire le premier rapport
annuel 2004-2005 sur la mise à jour de la SQDB. Deux actions spécifiques concernant des projets
d’étude sur le roseau commun (Phragmites australis) et sur une campagne d’éradication de la
châtaigne d’eau (Trapa natans) ont ainsi été ajoutées aux autres objectifs de collaboration
nationale et internationale (Gouvernement du Québec, 2006). Il s’agit d’un effort peu significatif
alors qu’il est reconnu que les espèces exotiques envahissantes constituent une des plus grandes
menaces pour la biodiversité. De surcroît, selon le deuxième rapport annuel 2005-2006 sur la
SQDB, une diminution du nombre d’espèces envahissantes ayant fait l’objet de travaux récents et
un retard dans la progression des objectifs reliés à ces espèces sont observés (Gouvernement du
Québec, 2008). Depuis 2007, aucune mise à jour de la stratégie ou du plan d’action n’a été faite.
Toutefois, en juin 2013, le gouvernement du Québec a adopté de nouvelles orientations en
matière de diversité biologique. La formulation de ces orientations a commencé à la suite de la
10e Conférence des Parties à Nagoya en 2010 et de l’adoption des 20 objectifs d’Aichi. Ces
orientations constituent une nouvelle approche visant la prise en compte de la biodiversité lors de
la planification et de la mise en œuvre des multiples actions gouvernementales. Aucun plan
d’action n’a été développé à ce jour. Cependant, selon Sabrina Courant, chargée de projet en
biodiversité au Ministère du Développement durable, de l’Environnement, de la Faune et des
Parcs (MDDEFP), une des actions immédiates à la suite de la publication de ces orientations est
de mettre en place un comité interministériel ayant pour mandat d’élaborer un nouveau plan
d'action en matière de diversité biologique (Courant, 2013). En ce qui a trait aux espèces
exotiques envahissantes, une seule orientation traite de ce sujet et elle s’adresse davantage à la
prise en compte de la biodiversité par les entreprises. En effet, elle aborde l’importance de réviser
le cadre juridique actuel et d’améliorer la performance des industries afin de mieux lutter contre
les espèces envahissantes (Gouvernement du Québec, 2013). Or, une bonne gestion de ces
envahisseurs demande un engagement encore plus grand que celle de l’industrie. En somme, le
gouvernement du Québec montre une bonne volonté à préserver la biodiversité, mais les efforts
restent encore insuffisants pour faire face à la problématique sans cesse grandissante des espèces
exotiques.
20
1.3.2 Cadre réglementaire au Québec
En ce qui concerne les capacités législatives du Québec en matière de contrôle des végétaux
étrangers envahissants et des phytoravageurs, plusieurs lois possèdent un champ d’application
intéressant. Notamment, la Loi sur la protection des plantes permet de déterminer les maladies et
les insectes nuisibles et d’exiger à tout propriétaire ou gardien d’un lieu de prendre les actions
nécessaires pour limiter la propagation de celles-ci. Cette loi ressemble beaucoup à la loi
canadienne sur la protection des végétaux. La Loi sur les forêts quant à elle, comporte des
dispositions visant à contrôler les insectes destructeurs et les maladies cryptogamiques et a pour
but la conservation de la diversité biologique. Des mesures de contrôle phytosanitaires habilitent
des inspecteurs à s’assurer que des maladies et des insectes susceptibles de causer une épidémie
soient maîtrisés afin d’en limiter la propagation. Puis, la Loi sur la protection sanitaire des
cultures et les règlements qui en découlent ont pour objet la protection sanitaire des végétaux
cultivés à des fins commerciales. L’article 4 de cette loi habilite le ministère à identifier les
organismes nuisibles et les mesures phytosanitaires (mesures biologiques, chimiques ou
physiques) qui leur sont applicables. En vertu de cette loi, le ministère peut ordonner au
propriétaire d’un terrain de prendre à ses frais les mesures phytosanitaires nécessaires face à une
espèce exotique. Finalement, sans nécessairement cadrer dans une loi particulière, le MDDEFP a
maintenant l’habitude de considérer les espèces exotiques envahissantes dans les études
d’impacts environnementaux. En effet, dans le cadre des évaluations environnementales de
projets, des conditions peuvent être fixées par le ministère afin d’obliger l’entrepreneur à mettre
en place des mesures visant à détecter ces espèces étrangères et à limiter leur propagation.
Les ministères impliqués dans la gestion de ces lois sont le Ministère des Ressources naturelles
(MRN), le Ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) et
le MDDEFP. Ces organisations gouvernementales participent également aux activités du Groupe
de travail canadien sur les espèces aquatiques envahissantes ainsi qu’à celui sur les plantes
terrestres et les phytoravageurs (Gouvernement du Québec, 2008).
1.3.3 Conseil québécois sur les espèces exotiques envahissantes
Le Conseil québécois sur les espèces exotiques envahissantes (CQEEE) est un organisme à but
non lucratif (OBNL) qui a été créé en 2012. L’objectif de ce conseil est de favoriser les échanges
d’informations et la coordination des actions entre les différents intervenants concernés. Le
CQEEE cherche donc à réunir et créer des liens entre les experts, les chercheurs, les représentants
du gouvernement, l’industrie et les OBNL pertinents afin d’améliorer la prévention, la détection
21
et la gestion des espèces exotiques envahissantes (Galvez, 2012). Il est à noter que le Québec est
l’une des dernières provinces à avoir mis en place cette structure essentielle à la gestion des
espèces envahissantes. Malheureusement, en 2012, au moment où le conseil commençait ses
activités, des diminutions de budget fédéral ont empêché cet organisme d’obtenir l’aide financière
attendue de la part du PPEEE. Le conseil est malgré tout parvenu à obtenir du financement de la
part d’autres organisations. Cependant, une précieuse année pour avancer des dossiers urgents a
été perdue, notamment celui de l’agrile du frêne.
Comme premier mandat, le CQEEE travaille présentement à développer une stratégie et des outils
à l’intention d’une variété d’intervenants, dont notamment les municipalités et les municipalités
régionales de comté (MRC) qui doivent s’organiser rapidement pour faire face à ce ravageur en
pleine expansion au Québec. L’objectif de cette stratégie est de mettre en œuvre un programme
de prévention et de préparation ainsi qu’une campagne de sensibilisation intensive destinée aux
municipalités et aux intervenants de la Montérégie (CQEEE, 2013a). Cette stratégie est nommée
« Agrile du frêne : prévenir et s’y préparer! » et est séparée en deux volets différents. Le premier
vise à informer et outiller le plus grand nombre de municipalités et d’intervenants, alors que le
second s’attarde à la diffusion d’un message de prévention invitant les commerçants et les
consommateurs à limiter les déplacements de bois, qui constituent le principal vecteur de
déplacement de l’agrile du frêne. Par rapport à ces deux volets, le conseil a mené des sondages
auprès des intervenants de la région afin de déterminer les besoins immédiats et d’identifier des
pistes d’actions prioritaires à mettre de l’avant. Puis, un travail de concertation par le biais de
formations et d’ateliers de travail auprès d’intervenants de plus de 33 municipalités a permis
d’orienter les besoins de la phase 2 de la stratégie, soit l’ébauche d’un plan d’action régional
(CQEEE, 2013b). De plus, le CQEEE travaille présentement à la mise en place d’un site internet
qui offrira de nombreuses informations sur l’agrile du frêne (Godmaire, 2013).
1.4 Rôles des municipalités
Au Québec, les municipalités ont des compétences d’intervention assez large dans divers
domaines en vertu de la Loi sur les compétences municipales, notamment en ce qui concerne
l’environnement. En effet, selon les articles 4 et 19 de cette même loi, les municipalités peuvent
adopter des mesures relatives à l’environnement en autant que celles-ci ne contreviennent pas aux
lois provinciales et fédérales en vigueur. Par conséquent, comme bien d’autres problématiques
environnementales, les municipalités doivent s’occuper de la gestion des espèces exotiques
22
envahissantes et des conséquences qui en découlent sans pour autant obtenir de financement
proportionnel aux efforts qu’elles doivent déployer dans de telles circonstances.
Considérant leurs responsabilités et l’étendue de leur territoire, les municipalités sont aux
premières lignes en matière de détection précoce et de gestion de ces espèces problématiques.
Chaque espèce envahissante possède des particularités distinctes et leur gestion demande un bon
niveau de connaissance et d’expérience. Dans le cas des grandes villes ou des grandes
municipalités, celles-ci possèdent les infrastructures, le personnel, le financement et souvent
l’expérience nécessaires pour gérer efficacement ces envahisseurs sur leur territoire. Par exemple,
la ville de Québec est une des seules villes nanties d’un programme de soutien à l’abattage
d’ormes affectés par la maladie hollandaise de l’orme. Le Règlement de l’agglomération sur le
programme de soutien à l’abattage des ormes atteints de façon incurable de la maladie
hollandaise de l’orme prévoit un remboursement de 50 % des frais d’abattage jusqu’à
concurrence de 350 $ par arbre. Dans le dossier de la gestion de l’agrile du frêne par la ville de
Montréal, une stratégie avant-gardiste de gestion de ce ravageur a été déployée et des outils
technologiques avancés ont pu être utilisés. En revanche, les petites municipalités n’ont souvent
pas les moyens d’offrir un tel soutien à leurs citoyens et ne possèdent pas les ressources
nécessaires pour développer une stratégie d’intervention élaborée. C’est pourquoi les prochains
chapitres visent à aider ces municipalités face à une espèce exotique envahissante causant
actuellement de lourdes pertes économiques au Québec, soit l’agrile du frêne.
23
2. GESTION DE L’AGRILE DU FRÊNE EN MILIEU URBAIN
Actuellement, aucun moyen efficace et économiquement rentable permettant d’éradiquer l’agrile
du frêne n’existe. Pour cette raison, l’approche de gestion du ravageur consiste à contrôler et à
ralentir la progression de celui-ci (United States Department of Agriculture (USDA), 2013).
Ainsi, en attendant que des outils d’éradication efficaces soient mis au point, la meilleure
approche consiste à suivre un plan de gestion intégrée rigoureux visant à ralentir la propagation
de ce ravageur.
Pour une municipalité, il existe typiquement deux façons d’aborder cette problématique; soit par
l’adoption d’une approche « ne rien faire et laisser aller » ou par le biais d’un plan de gestion de
l’agrile du frêne visant à limiter les impacts négatifs et à ralentir la progression de l’insecte. Il est
important de comprendre que dans le cas de la première approche consistant à ne rien faire, les
frênes succomberont tous éventuellement aux attaques du ravageur et chaque municipalité et
propriétaire foncier auront à abattre ceux-ci. En plus de causer la perte de tous les frênes, cette
façon de faire engendra des risques pour la santé publique. En effet, comme l’agrile peut tuer un
frêne en l’espace de 3 à 5 ans, l’inaction obligera rapidement la coupe de ces arbres en perdition
pour des raisons de sécurité (branches ou parties de l’arbre pouvant tomber). De plus, si aucun
travail d’abattage n’a été prévu préalablement, une surcharge de travail pour les entreprises
d’élagage et pour les services de foresterie municipaux pourrait empêcher ceux-ci d’abattre au
même rythme que la peste cause la perte des frênes sur le territoire. Le dépassement de la capacité
d’abattage constitue une situation favorisant la propagation de l’agrile du frêne. Effectivement,
face à l’urgence d’abattre les frênes constituant des dangers pour le public, une mauvaise gestion
du bois contaminé peut survenir et mettre à risques d’autres régions encore non infestées.
Connaissant ces risques, il convient que chaque municipalité se prépare adéquatement en
élaborant un plan gestion intégrée du ravageur prenant en considération l’ensemble des facteurs
environnementaux, économiques et sociaux. À cet effet, le présent chapitre décrira les grandes
étapes à considérer lors de l’élaboration d’un plan de gestion de l’agrile du frêne en milieu urbain.
Pour ce faire, les différents outils permettant de réaliser un inventaire d’arbres et d’organiser une
campagne de dépistage du ravageur seront présentés. Puis, les différentes approches de contrôle
de l’agrile présent sur un territoire urbain seront détaillées, soit le traitement des frênes à
l’insecticide et la planification d’un abattage stratégique. Finalement, une stratégie de gestion
intégrée de lutte contre le ravageur nommée « SLow Ash Mortality » (SLAM) sera présentée dans
un contexte urbain et régional.
24
2.1 Inventaire de frênes
La connaissance d’un territoire constitue un excellent moyen pour faire face à tout évènement qui
pourrait le menacer, que ce soit une catastrophe naturelle ou une espèce exotique qui ravage les
arbres d’une région. Dans le cas de l’agrile du frêne, la connaissance du territoire commence par
un inventaire des populations de frênes qui y sont présentes. Cette démarche s’applique bien
entendu aux régions du Québec qui sont ou seront touchées incessamment par l’agrile.
Cependant, force est de constater que présentement, la majorité des régions québécoises n’ont pas
entamé ce processus. Dans ces circonstances, la problématique causée par l’agrile peut constituer
une excellente occasion pour réaliser l’inventaire des frênes et des différentes espèces d’arbre
présentes sur le territoire. Les informations recueillies dans le cadre de cette activité permettront
de mieux gérer ce ravageur et d’anticiper d’autres problématiques similaires pouvant émerger
dans le futur. En effet, il est fort probable que d’autres ravageurs spécifiques surgiront dans le
futur. À titre d’exemple, avant l’arrivée de l’agrile du frêne au Canada, la maladie hollandaise de
l’orme (Ophiostoma ulmi), le longicorne asiatique (Anoplophora glabripennis) ravageur de
certaines essences de feuillus dont l’érable ainsi que le longicorne brun de l’épinette (Tetropium
fuscum) ont affecté les milieux forestiers et urbains du Canada (ACIA, 2013b). Dans cette
perspective, il s’avère indispensable de mieux connaître le couvert forestier, en particulier en
milieu urbain, là où les arbres fournissent directement à la population une multitude de services
écologiques (diminue le volume des eaux de ruissellement, favorise la biodiversité, abaisse la
température ambiante en milieu urbain, dépollue l’air). Les avantages d’une bonne connaissance
des ressources en frêne sont nombreux pour se préparer à l’arrivée de l’agrile sur un nouveau
territoire :
Établissement d’un portrait de l’ampleur que la problématique peut atteindre et de
l’importance d’agir.
Estimation des pertes économiques probables reliées au ravageur.
Identification des avantages économiques et sociaux liés à l’établissement d’une stratégie
de gestion intégrée de l’agrile du frêne.
Estimation des besoins en frais d’abattage de frênes anticipés en cas d’infestation.
Localisation des zones d’intervention prioritaires et à risques pour la sécurité publique en
cas d’infestation.
Réaliser un inventaire de frênes sur un territoire permet de mieux anticiper l’arrivée du ravageur
et les besoins que la gestion de celui-ci engendrera. Il permet aux gestionnaires du territoire d’être
25
proactifs et de limiter les impacts négatifs causés par l’agrile. L’inventaire d’arbres constitue la
première étape avant d’entreprendre les autres actions nécessaires pour l’élaboration d’un plan de
gestion intégrée. Ainsi, si l’insecte est détecté alors qu’aucune connaissance des arbres du
territoire n’a été acquise au préalable, un temps précieux sera conséquemment perdu pour réagir.
Une bonne connaissance des différentes espèces d’arbres sur le territoire apporte d’autres aspects
positifs, tels que :
L’identification des zones potentielles pour planter des arbres en vue d’augmenter la
couverture arborée de la municipalité.
La détermination d’un indice de couverture arborée, ce qui permet de fixer des objectifs
d’augmentation de celui-ci. Par exemple, la ville de Montréal vise à augmenter sa
couverture forestière de 20 % à 25 % (Direction des grands parcs et du verdissement
(DGPV), s.d.a.).
L’estimation de la valeur économique des arbres en fonction des services écologiques
qu’ils rendent tels que le contrôle de l’eau de ruissellement, la séquestration de carbone et
de polluants, la prévention de la création d’îlots de chaleur, les économies d’énergie pour
les maisons, l’augmentation de la biodiversité, la mise en valeur d’un site ou d’un
quartier (Ville de Montréal, 2005).
La capacité d’affronter les maladies ou les espèces exotiques envahissantes menaçant le
patrimoine arboricole.
Dans tous les cas, que ce soit pour les frênes ou d’autres espèces d’arbres, il existe plusieurs
outils d’inventaire pour les milieux urbain et forestier. Deux types d’approche d’inventaire
forestier peuvent être employés, soit les méthodes ascendantes et descendantes qui seront
respectivement décrites en détails dans les sections 2.1.2 et 2.1.3. Toutefois, en raison de
l’importance d’agir immédiatement en milieu urbain dans le cas de l’agrile du frêne, ces sections
seront consacrées davantage aux outils d’inventaire applicables à ces milieux.
2.1.1 Frênes privés et publics
Toute d’abord, il est important de souligner que la réalisation d’un inventaire d’arbres en milieu
urbain présente certaines subtilités par rapport à un inventaire de milieu forestier. Ainsi, en milieu
urbain, il est essentiel de faire la distinction entre un arbre situé sur une propriété publique et un
arbre situé sur une propriété privée, car la gestion de ceux-ci diffère dans une perspective de
gestion intégrée d’une espèce envahissante comme l’agrile du frêne. Les arbres publics sont ceux
retrouvés en bordure de route, dans les parcs, dans les espaces verts et dans les places publiques.
26
Par opposition, les arbres situés sur terrain privé correspondent à tous les arbres qui ne se trouvent
pas sur des terres publiques et qui appartiennent par conséquent à des citoyens, des commerçants,
des industries ou des institutions. Il est à noter que les arbres privés sont entièrement et
légalement sous la responsabilité des propriétaires. Évidemment, les gestionnaires municipaux
sont davantage intéressés à connaître de façon exhaustive l’emplacement et la quantité des arbres
publics, car ils sont responsables de tout dommage ou tort que pourrait causer ceux-ci. Sachant
que l’agrile peut causer la mort d’un frêne en quelques années, il est de la responsabilité des
municipalités de prévenir toute situation pouvant compromettre la sécurité des voies publiques et
de ses citoyens. Néanmoins, il demeure tout de même nécessaire de bien connaître les arbres
situés sur les terrains privés afin de pouvoir appliquer une stratégie de gestion efficace contre
l’agrile du frêne à l’échelle du territoire.
2.1.2 Approche ascendante d’inventaire
La méthode ascendante, également nommée « Bottom-up approach » s’effectue par des relevés de
terrain afin de comptabiliser les différentes essences d’arbres et de collecter plusieurs
informations spécifiques comme le diamètre à hauteur de poitrine (DHB), la hauteur,
l’emplacement par coordonnées GPS et l’état de santé des arbres. Il existe deux façons distinctes
de procéder à un inventaire de terrain. La première consiste à recenser tous les arbres sans
exception tandis que la deuxième vise à échantillonner des parcelles de terrain déterminées au
hasard au sein d’une zone d’étude (United States Department of Agriculture Forest Services
(USDA FS), s. d.).
Un inventaire de l’entièreté des arbres d’une zone d’étude permet évidemment d’obtenir un
niveau de détail très élevé. Dans ce type d’inventaire, chaque arbre est recensé, ce qui demande
beaucoup de temps et de ressources humaines. De ce fait, cette approche d’inventaire peut
devenir très onéreuse si appliquée à grande échelle. Par conséquent, cet outil s’applique mieux à
des zones d’étude réduites tel que des espaces verts qui revêtent une grande valeur économique,
patrimoniale ou sociale au sein d’une municipalité.
Quant à elle, l’approche d’inventaire par parcelle cherche à établir un portrait général de la
distribution et de l’abondance des arbres à partir de la caractérisation de plusieurs parcelles
représentatives de la zone d’étude. La plupart du temps, les emplacements des parcelles à
inventorier sont déterminés de façon aléatoire. Le type d’information recueillie sur le terrain ainsi
que la façon de déterminer le nombre de parcelles à échantillonner varient en fonction du type
d’information recherchée et de la précision désirée. Il est à noter que plus l’inventaire est précis
27
(grand nombre de parcelles et d’informations recueillies), plus celui-ci sera dispendieux. Un
compromis doit être réalisé afin d’obtenir un maximum d’informations tout en limitant les efforts
et les dépenses. Certaines dispositions peuvent être prises afin de réduire les coûts reliés aux
travaux de collecte de données sur le terrain, notamment en utilisant des étudiants en formation
ou des bénévoles plutôt que des entrepreneurs ou des professionnels (USDA FS, s. d.).
Donc, en milieu urbain, l’inventaire peut être réalisé en utilisant un mélange des deux techniques
(complète et par parcelle) ou seulement une des celles-ci. Cependant, par souci d’économie de
temps et d’argent, l’inventaire par parcelle est généralement priorisé.
Pour réaliser un inventaire par parcelle en milieu urbain, Ressources naturelles Canada (RNCan)
propose un outil simple permettant d’estimer la proportion des différentes espèces d’arbres
présentes en bordure des voies publiques d’une ville ou d’une agglomération. Cet outil est
accessible gratuitement sur internet et un support technique est également proposé par RNCan
afin d’assister les usagers dans l’élaboration de l’inventaire. La méthode proposée consiste
d’abord à établir aléatoirement un nombre déterminé de parcours de 0.5 km de longueur dans les
rues du centre urbain à l’étude. Le préposé à l’inventaire doit ensuite parcourir ces segments de
0.5 km afin d’y identifier le genre et si possible l’espèce ou l’essence des arbres qu’il voit dans
les 10 premiers mètres des terrains à partir de la rue. Pour assurer une bonne représentativité des
informations collectées sur le terrain, 10 % de la longueur totale des rues du centre urbain doit
être inventorié. Par exemple, si un centre urbain possède au total 60 km de rue, au moins 6 km de
rue doivent être inventoriés. Le protocole d’inventaire à suivre, les formulaires à remplir sur le
terrain, des informations pour identifier les espèces d’arbres et les outils de calcul sont
disponibles sur le site internet (RNCan, 2013). Le tableau 2.1 présente les avantages et
désavantages de cette technique.
Tableau 2.1 Avantages et désavantages de l’outil d’inventaire proposé par RNCan
Avantages Désavantages
Compromis avantageux entre la précision de
l’inventaire obtenu et les coûts (faible coût)
Incertitude moyenne sur la précision des
estimations
Fournit une bonne estimation de la quantité d’arbres situés près des voies publiques, donc
les arbres potentiellement à abattre ou à traiter
pour des raisons de sécurité publique en cas
d’infestation
Se limite aux arbres situés près des voies publiques, ne prend pas en compte les arbres
entre les rues
Ne demande pas de main-d’œuvre spécialisée
et est à la portée d’un inspecteur municipal ou
d’un étudiant
Ne permet pas de localiser les différentes
essences d’arbres sur le territoire étudié
28
Ce type d’inventaire est idéal pour les petites municipalités ou agglomérations, car les ressources
financières et le personnel y sont généralement limités. Toutefois, pour de plus grandes
municipalités ou villes susceptibles d’être affectées par un ravageur, un inventaire plus exhaustif
et précis peut se révéler essentiel. En effet, dans les grands centres urbains, la valeur économique
des arbres est souvent plus élevée en raison de leur importance comme élément structurant du
paysage et des biens et services écologiques qu’ils procurent. Afin d’assurer le maintien du
patrimoine forestier de ces milieux urbains, une approche ascendante permettant d’avoir un
niveau de détail élevé associée à des outils technologiques issus d’une approche descendante
peuvent s’avérer nécessaire à la gestion intégrée d’un ravageur comme l’agrile.
2.1.3 Approche descendante d’inventaire
La méthode descendante fait appel à des outils informatiques et géomatiques pour évaluer la
couverture arborée d’un territoire à partir d’images satellites et de photos aériennes.
Comparativement à l’approche ascendante, l’approche descendante est plus complexe
(technologie plus élaborée) et demande une main-d’œuvre plus spécialisée. Néanmoins, les deux
approches peuvent être utilisées conjointement ou séparément selon les besoins recherchés par
l’inventaire. Trois méthodes descendantes différentes seront présentées dans la présente section,
chacune possédant des niveaux de résolution, de précision et de coûts variables (USDA FS, s. d.).
Tout d’abord, il est possible d’utiliser les images disponibles auprès des banques de données
nationales afin d’estimer l’abondance générale de la couverture arborée. Ces images ont
l’avantage d’être accessibles gratuitement, toutefois, elles ont une faible résolution ne permettant
pas de distinguer individuellement les arbres. Ainsi, cette approche est davantage utilisée à
l’échelle régionale, car le manque de résolution des images ne convient pas au niveau de détail
recherché en milieu urbain (USDA FS, s. d.).
L’utilisation d’images satellites ou aériennes de haute résolution constitue un autre outil
d’interprétation disponible. Ces images procurent des informations beaucoup plus précises et
permettent une analyse plus détaillée du territoire à l’étude. Par contre, l’acquisition et
l’interprétation de ces images demandent de la main-d’œuvre spécialisée et exigent
conséquemment des investissements financiers importants (USDA FS, s. d.).
Finalement, la photo-interprétation à partir d’images « Google Maps » peut également être
utilisée pour définir la couverture arborée. Il s’agit d’interpréter le type de couverture arborée
pour une série de points aléatoires déterminée et d’estimer de façon statistique la couverture de la
29
zone d’étude. Bien qu’économique et accessible, la précision de cette méthode varie grandement
en fonction de la qualité des images disponibles (USDA FS, s. d.).
Par exemple, la Oakville en Ontario a utilisé une approche d’analyse d’image de haute résolution
pour localiser les frênes dans le cadre de l’élaboration d’une stratégie de lutte contre l’agrile du
frêne. Plus précisément, cette ville a utilisé des images hyperspectrales du territoire prises à bord
d’un avion. Ce type d’image permet de décortiquer la lumière du visible en de nombreuses
bandes différentes, contrairement à l’œil humain qui ne détecte que trois bandes, soit le rouge, le
vert et le bleu. De cette façon, une abondance d’images représentant différentes régions du
spectre du visible est disponible, ce qui permet d’isoler la signature spectrale correspondant aux
frênes. Par l’identification de cette signature spécifique au frêne, il devient possible de déterminer
la quantité et l’emplacement précis des frênes sur le territoire à partir de ces images. Toutefois,
l’acquisition de données sur le terrain est nécessaire afin de valider la signature spectrale
individuelle du frêne. Cette technique sophistiquée permet de distinguer les frênes par rapport aux
autres espèces d’arbres avec un niveau d’assurance légèrement supérieur à 80 %. De plus, il est
même possible d’estimer le niveau d’infestation des frênes par l’agrile, car ceux-ci possèdent une
signature spectrale légèrement différente en raison de la perte de feuilles engendrée par le
ravageur (AMEC, 2011). Ainsi, cet outil a permis de créer une carte interactive disponible sur le
site internet de d’Oakville et sur laquelle on y retrouve l’emplacement des arbres et des frênes
situés près des voies publiques et dans les parcs (voir figure 2.1).
Figure 2.1 Carte interactive de l’emplacement des arbres de rues et de parcs de la ville
d’Oakville (tiré de : Ville d’Oakville, s. d.a.)
= Frênes
30
Une autre approche permettant d’atteindre un niveau de précision supplémentaire en matière
d’inventaire de la couverture arborée consiste à utiliser des outils de télédétection par laser
(LiDAR). Au lieu de capter la lumière réfléchie par les surfaces comme c’est le cas avec
l’imagerie hyperspectrale, cette méthode utilise un laser qui émet de l’énergie qui est ensuite
réfléchie par les surfaces et retournée aux capteurs. Les principaux avantages de cette approche
sont les suivants :
Meilleure estimation de la hauteur des arbres
Permet d’identifier individuellement les petits comme les grands arbres avec plus de
précision
Permet de voir au travers des zones ombragées, par exemple, les arbres situés dans
l’ombre des bâtiments (O’Neil-Dunne, s. d.)
Ce niveau de précision n’est évidemment pas nécessaire dans les petites villes pour lesquelles des
approches plus simples pour réaliser un inventaire peuvent convenir. Cependant, pour des villes
comme Montréal, l’utilisation de cet outil peut être justifiée en raison de la grandeur du territoire,
de l’importance des zones ombragées et de la disponibilité de la main-d’œuvre spécialisée.
2.1.4 Outils i-Tree
Que ce soit par la méthode ascendante ou descendante, les informations acquises sur l’abondance
des arbres sur un territoire doivent être interprétées. Puisqu’il est trop long et onéreux de recenser
tous les arbres au sein d’une zone d’étude, il est utile de faire appel à des logiciels spécialisés afin
d’extrapoler et d’estimer les ressources arboricoles. À cet effet, en 2006, le « United States
Department of Agriculture Forest Services » (USDA-FS) a mis au point un logiciel moderne et
gratuit nommé i-Tree permettant d’interpréter les ressources arboricoles présentes sur un territoire
donné. Ce logiciel qui en est à sa 5e édition peut être utilisé autant à l’échelle d’arbres individuels,
de parcelles, d’un quartier, d’une municipalité que d’une région (i-Tree, s. d.). De plus, i-Tree est
également disponible et applicable à d’autres pays que les États-Unis. Une version adaptée pour
le Canada et l’Australie est également disponible afin de faciliter l’utilisation du logiciel par ces
pays. Plusieurs applications i-Tree différentes ont été développées afin de permettre aux usagers
de mieux quantifier les différents services écologiques rendus par les arbres en milieux urbains.
Ainsi, l’utilisation de ces applications aide les dirigeants d’un territoire à évaluer la capacité des
arbres à dépolluer l’air, à gérer les eaux de ruissellement, à séquestrer le carbone et par
conséquent à mieux juger de la valeur réelle de ceux-ci (i-Tree, s. d.). Cet outil est
31
particulièrement utile afin de conseiller les dirigeants sur une stratégie appropriée pour faire face
à des ravageurs qui menacent de décimer une partie des arbres d’une municipalité.
Il est à noter que des applications spécifiques ont été développées afin de pouvoir utiliser les
informations issues des inventaires d’arbres réalisés avec une approche ascendante et
descendante. Par exemple, l’application « i-Tree Eco » utilise les informations recueillies lors
d’un inventaire de terrain par parcelle ou de l’entièreté des arbres d’une zone. Tandis que les
applications « i-Tree Canopy » et « i-Tree Vue » permettent d’évaluer la couverture arborée
respectivement à partir d’images « Google Maps » et d’images disponibles auprès des banques de
données nationales (i-Tree, s. d.).
La ville d’Oakville en Ontario a notamment utilisé le logiciel i-Tree pour réaliser leur inventaire
d’arbres et pour les aider dans l’élaboration d’une stratégie pour faire face à l’agrile du frêne. Les
résultats obtenus ont permis de statuer que les 177 300 frênes représentent 9.6 % de la canopée
urbaine et qu’ils engendrent des économies annuelles de 108 300 $ et de 67 000 $ respectivement
en frais de services de dépollution et d’économie d’énergie (Ville d’Oakville, s. d.).
2.1.5 Identification des zones à risques
Afin de se préparer à une invasion potentielle de l’agrile du frêne, il est important de connaître
l’abondance et la localisation des ressources en frênes sur un territoire, mas il est tout aussi
important de situer les zones à risques. C'est-à-dire, les zones pouvant facilement être peuplées
par le ravageur et représentant des vecteurs de déplacement efficaces de celui-ci en cas
d’infestation. Puisque le principal vecteur de déplacement de l’agrile du frêne est le transport du
bois de chauffage, les sites présentés dans le tableau 2.2 constituent les zones à risque à surveiller.
Tableau 2.2 Zones à risque (inspiré de : Lyons et autres, 2007, p.43)
Zones à haut risque Zones à risque modéré
Scieries de bois de feuillus Tout site de camping
Distributeurs de bois de chauffage Parcs privés, provinciaux et nationaux
Terrains permanents de caravaning Pépinières
Petites collectivités rurales où les habitants
chauffent principalement au bois
Fermes forestières et jardineries
Lorsqu’une région est déclarée en quarantaine par l’ACIA, les zones à risque devraient
rapidement être repérées sur le territoire, car celles-ci feront l’objet d’une surveillance accrue lors
des efforts de dépistage de l’agrile du frêne. En préparation à une infestation potentielle du
ravageur, les régions en périphérie des zones en quarantaine devraient également procéder à
32
l’identification de ces sites à risque, car ils représentent une porte d’entré privilégiée pour le
ravageur. Le repérage de ces sites ne constitue pas une tâche très ardue, il s’agit de consulter les
annuaires Pages Jaunes afin de contacter les différentes entreprises citées dans le tableau 2.2
(Lyons et autres, 2007). Cette information constitue un bon point de départ pour organiser les
prochaines mesures à entreprendre dans le cadre d’un plan de gestion intégrée de l’agrile du
frêne.
2.1.6 Participation du public
Les citoyens peuvent être interpellés afin d’aider à la réalisation de l’inventaire d’arbres de leur
communauté. C’est notamment l’approche de la ville de Sainte-Anne-de-Bellevue au Québec qui
invite ses citoyens à communiquer avec le Service des Travaux publics s’ils possèdent un frêne
sur leur terrain ou encore s’ils remarquent des signes d’infestation (Ville de Sainte-Anne-de-
Bellevue, 2010). Puisque la plupart des inventaires d’arbres en milieu urbain s’intéressent
principalement aux arbres de rue, cette contribution de la part des citoyens permet d’apporter un
niveau de connaissance supplémentaire en ce qui a trait aux arbres privés. De plus, cette approche
permet également de sensibiliser les citoyens aux actions qu’ils peuvent prendre afin de protéger
leur frêne contre l’agrile. D’autres moyens visant à encourager la participation du public au
niveau de l’inventaire seront détaillés dans la section 2.6.
2.2 Dépistage
Lorsqu’une municipalité est menacée d’être infestée par l’agrile du frêne d’une année à l’autre et
qu’elle est située hors d’une zone règlementée, des efforts de dépistage peuvent être déployés,
dans certains cas, par l’ACIA sur son territoire. Toutefois, cette agence s’intéresse principalement
à la progression de l’agrile du frêne à la grandeur du Canada. Ses efforts de dépistage sont
réalisés dans le but de mettre à jour les frontières de la zone réglementée de quarantaine (ACIA,
2013c). Ainsi, les municipalités ne peuvent pas compter automatiquement sur l’ACIA pour
détecter la présence du ravageur sur leur territoire Il appartient donc à chaque municipalité de
détecter l’insecte et d’établir une stratégie de gestion de celui-ci. Dans cette perspective, les
municipalités ont tout intérêt à se prémunir d’une stratégie de dépistage efficace afin de pouvoir
réagir promptement quand la présence du ravageur sera confirmée.
La présente section s’attarde à décrire les différentes méthodes couramment utilisées pour
détecter l’agrile au Canada et aux États-Unis. La détection visuelle, les pièges attractifs,
l’écorçage de branches, l’annélation de frênes et la biosurveillance seront présentés.
33
2.2.1 Détection visuelle
La première méthode de dépistage de l’agrile du frêne consiste simplement à observer l’état des
frênes afin d’y relever des signes et symptômes d’infestation.
Tout d’abord, il est essentiel que le personnel réalisant l’inspection visuelle soit en mesure de
reconnaître toutes les essences de frênes présentes dans la zone d’étude, car l’agrile s’attaque à
toutes les espèces de frêne sans exception. Dépendamment du milieu inspecté, il peut y avoir plus
ou moins d’espèces différentes de frênes à discerner. En milieu forestier ou encore dans les boisés
naturels, seulement cinq espèces de frênes indigènes peuvent être retrouvées dans l’est du
Canada. Tandis qu’en milieu urbain, en plus des cinq espèces indigènes présentes, de nombreuses
espèces de frêne exotiques utilisées en horticulture ornementale sont retrouvées (Lyons et autres,
2007). Le tableau 2.3 résume l’ensemble des espèces de frêne indigènes et exotiques retrouvées
dans l’Est du Canada.
Tableau 2.3 Espèces de frêne indigènes et exotiques présentes dans l’Est du Canada (inspiré
de : Lyons et autres, 2007, p.30-33)
Espèces indigènes Espèces exotiques
Frêne rouge/vert (Fraxinus pennsylvanica) Frêne commun (Fraxinus excelsior)
Frêne blanc (Fraxinus americana) Frêne de Mandchourie (F. mandshurica)
Frêne noir (Fraxinus nigra) Frêne à fleurs (F. ornus)
Frêne anguleux (Fraxinus Quadrangulata) Frêne à feuilles étroites (F. angustifolia)
Frêne pubescent (Fraxinus profunda) F. bungeana
Frêne de Chine (F. chinensis)
Frêne de l’Oregon (F. latifolia)
Il est à noter que les espèces de frêne exotiques présentées dans le tableau 2.3 correspondent aux
espèces les plus communes pouvant être rencontrées lors des inspections visuelles.
Par ailleurs, il est important de connaître et d’identifier aisément les signes et les symptômes d’un
frêne affecté par l’agrile du frêne. Un signe correspond à un dommage physique apparent causé
par le ravageur tandis qu’un symptôme correspond à une réaction physiologique de l’arbre
engendrée par la présence du ravageur. Toutefois, lors d’une inspection sur le terrain, il faut être
très attentif aux petits détails, car il est très difficile de détecter la présence de l’agrile dans les
34
arbres nouvellement infestés. En effet, lorsque ce ravageur s’attaque à un frêne, les signes et
symptômes sont rares et peu visibles au cours des premières années de l’infestation (Lyons et
autres, 2007). Ils deviennent apparents seulement lorsque l’arbre est gravement infesté, soit 2 à 3
années ou plus après le début de l’infestation (Ryall et autres, 2010). Le tableau 2.4 présente les
signes et symptômes qu’un frêne ravagé par l’agrile peut montrer.
Tableau 2.4 Signes et symptômes (inspiré de : Lyons et autres, 2007, p.12-20)
Signes et
symptômes Aspect biologique Description du signe ou du symptôme
Dépérissement
terminal /
chlorose
Les larves d’agrile présentes sous
l’écorce endommagent le système
vasculaire de l’arbre. Ce qui nuit au
transport d’éléments nutritifs vers la
cime et les branches.
Décoloration (chlorose) et éclaircissement
du feuillage de la cime de l’arbre.
Branches mortes, feuillage jauni et
rameaux dégarnis peuvent être observés.
Pousses
adventives
Des pousses adventives peuvent
apparaître sur le tronc lorsque le
frêne est stressé par la présence de
l’agrile.
Ces pousses correspondent à des petites
branches poussant à la hauteur du tronc de
l’arbre lorsque celui-ci est stressé par un
bris physique ou une maladie.
Alimentation de
pics-bois et
écureuils
Les pics-bois sont des oiseaux
insectivores qui se nourrissent
d’insectes xylophages présents sous
l’écorce comme l’agrile. Tandis que
l’écureuil grignote à l’occasion
l’écorce pour se nourrir de larves de
xylophages.
L’activité accrue des pics -bois dans un
frêne peut démontrer la présence
d’insectes xylophages. Des trous brun
pâle de forme irrégulière laissés par un
pic bois peuvent être un bon signe
d’infestation. L’écureuil laisse quant à lui
des lambeaux d’écorce déchiquetés sur le
tronc.
Production
d’excès de
graines
Les arbres stressés par des insectes
ravageurs ou une maladie produisent
souvent des excès de graines.
Une quantité plus élevée de graines
(samares) est observée dans les frênes.
Dégât de
nutrition
Les adultes d’ADF doivent se nourrir
de feuilles de frênes pendant
plusieurs semaines avant d’être
sexuellement actifs.
L’agrile du frêne découpe des encoches
sur la bordure des feuilles de frêne.
L’observation de l’état des feuilles est un
signe à surveiller.
Trous de sortie L’agrile adulte fore un trou en forme
de « D » dans l’écorce pour sortir de
sa loge nymphale.
La présence de trous en forme de « D »
mesurant entre 3.5 et 4.1 mm est un bon
signe de la présence de l’agrile ou
d’autres Buprestides.
Déformation de
l’écorce
Lorsque la larve d’agrile creuse des
galeries sous l’écorce, l’arbre-hôte
peut réagir en produisant des tissus
de cicatrisation autour de la blessure,
résultant en une décoloration ou un
renflement de l’écorce.
Ce symptôme est souvent le plus facile à
détecter dans les premières années
d’infestation. Des fissures verticales de 5
à 10 cm d’où un suintement, une
coloration ou un renflement peuvent être
observés.
Galeries
larvaires sous
l’écorce
Lorsque les larves se nourrissent des
tissus vasculaires du frêne, elles
laissent des galeries serpentiformes
en forme de « S » sous l’écorce.
Les galeries larvaires sont généralement
pleines de sciures de bois et d’excréments
laissés par la larve. Les galeries
zigzagantes s’élargissent graduellement
jusqu’à atteindre 6 mm de largeur et entre
20 à 30 cm de longueur.
35
Il faut toutefois être vigilant lors de l’inspection visuelle, car tous ces signes et symptômes ne
sont pas exclusivement causés par l’agrile du frêne. D’autres maladies ou atteintes peuvent
également causer des dommages similaires à l’arbre et par conséquent se manifester selon les
mêmes signes et symptômes (Lyons et autres, 2007).
Ainsi, la détection visuelle de l’agrile consiste principalement à inspecter visuellement l’écorce
(tronc et branches) et le feuillage de la cime des frênes à la recherche de tout signe et symptôme
décrit dans le tableau 2.4. L’inspecteur peut même aller jusqu’à relever l’écorce d’un arbre
suspecté d’être infesté afin de vérifier la présence de galeries laissées par les larves du ravageur.
Une attention particulière doit cependant être portée pour ne pas trop blesser l’arbre. De plus, il
est conseillé d’écorcer celui-ci du côté exposé au soleil, car les larves et les galeries qu’elles
laissent vacantes après leur départ vont davantage se situer du côté le plus chaud de l’arbre.
Les méthodes employées pour réaliser l’enquête varient en fonction des types de milieux que
l’inspecteur doit couvrir (haie, arbres ornementaux, zone riveraine, boisé, parc et forêt). À ce
sujet, le « Guide pour les enquêtes de dépistage de l’agrile du frêne » du Gouvernement du
Canada (Lyons et autres, 2007) fournit toutes les informations nécessaires pour mener une
enquête de dépistage de l’insecte. Il contient notamment des consignes pour mener les enquêtes
dans les différents milieux rencontrés sur le terrain, des formulaires en cas de détection ou de
soupçons de la présence du ravageur, des clés d’identification de frêne, des images explicatives et
bien d’autres informations utiles (Lyons et autres, 2007).
Les efforts de dépistage de l’agrile par le biais de l’inspection visuelle connaissent cependant
certaines limitations. Tout d’abord, tel que mentionné précédemment, cette approche ne permet
pas de détecter de façon précoce la présence de l’agrile, souvent l’insecte est déjà établi depuis
plusieurs années lorsque des indices peuvent finalement être détectés visuellement (Ryall et
autres, 2010). Puis, ce mode de dépistage permet d’avoir une image de la situation aux moments
de l’enquête et sa précision varie selon les budgets et les ressources disponibles. Ainsi, cette
approche ne permet pas de dépister de façon continue la présence de l’envahisseur. C’est
pourquoi il est également nécessaire de faire appel à d’autres outils de dépistage présentés dans
les prochaines sections.
2.2.2 Piège dans les arbres
Le dépistage de l’agrile au moyen de pièges est largement utilisé, car il est abordable, simple à
employer et permet une détection précoce du ravageur. Le fonctionnement de ces pièges est fort
36
simple, il s’agit d’accrocher un prisme en plastique muni d’un attractif et de surfaces collantes
dans un frêne et de vérifier par la suite si des spécimens du ravageur y ont été attirés. Le prisme
en question est constitué d’une feuille de plastique pliée en trois pour former un prisme
triangulaire (environ 0.5 m de haut par 0.5 m de large) et d’une pochette d’attractif attirant
spécifiquement l’agrile du frêne suspendu au centre de celui-ci. Le principe est que l’agrile est
attiré par le (Z)-3-hexanol contenu dans la pochette et plus il s’en approche, plus il a de chance de
se coller aux surfaces collantes situées à l’intérieur du prisme. Puis, lors d’inspections
subséquentes des pièges, les spécimens prisonniers des surfaces collantes sont récoltés pour être
identifiés par un spécialiste (ACIA, 2013d).
Les pièges doivent être installés à la cime de frênes ayant au moins 20.3 cm (8 pouces) de
diamètre en début de la saison estivale, soit avant le 1e juin. Puisqu’il est connu que les frênes de
grande taille attirent plus d’agriles adultes, il est conseillé de prioriser le choix de ces arbres lors
de l’installation des pièges. En plus de relever les coordonnées GPS de l’arbre accueillant le
piège, il est conseillé de coller une affiche décrivant le but de l’enquête afin d’informer la
population et de sensibiliser celle-ci. Puis, une inspection des pièges doit être faite avant le 15
juillet afin de collecter les spécimens prisonniers du piège et de nettoyer ceux-ci pour leur
utilisation ultérieure, soit pour le reste de la saison estivale. Il est important de bien désobstruer
les pièges de tout débris et d’appliquer une nouvelle couche de colle sur les parois internes du
prisme. Enfin, la collecte finale des pièges doit être réalisée avant le 31 août. À ce moment, une
enquête visuelle doit être faite sur au moins 20 frênes situés dans un rayon de 100 mètres autour
de l’emplacement du piège (ACIA, 2013d). Bien que les enquêtes visuelles puissent être réalisées
tout au long de l’année, la fin de l’été et l’automne représente le meilleur moment pour observer
tous les signes et symptômes. Les résultats obtenus avec les pièges et les enquêtes visuelles
guideront les choix d’emplacements des pièges pour l’année suivante.
L’emplacement du piège dans un arbre est important, car l’efficacité du dispositif varie en
fonction de la hauteur à laquelle il est accroché et de la face nord, sud, est ou ouest de l’arbre sur
laquelle il est disposé. En ce qui a trait à la hauteur des pièges, il a été prouvé que plus le piège est
placé haut dans la canopée de l’arbre, plus celui-ci capturera de spécimens. En effet, une étude de
Francese et collaborateurs a démontré qu’un plus grand succès est observé avec des pièges placés
à une hauteur de 13 mètres par rapport à un piège placé à une hauteur de 6 mètres. Il a aussi été
démontré dans cette étude que les pièges placés à une hauteur de 1.5 mètre connaissent un
moindre succès par rapport à ceux placés à 6 mètres. Cette relation de succès proportionnelle avec
la hauteur s’explique par le fait que les adultes fréquentent davantage les hautes strates de la
37
canopée pour se nourrir de feuilles avant la période de reproduction. Toutefois, l’installation de
pièges à une hauteur de 13 mètres demande une logistique plus élaborée (camion avec nacelle et
équipement pour grimper dans les arbres). Étant donné le succès de capture de l’agrile 4 fois
supérieur à une hauteur de 13 mètres en comparaison à 6 mètres et de l’importance de détecter
l’insecte rapidement, il peut tout de même être justifié de déployer cette logistique afin
d’augmenter l’efficacité des efforts de dépistage (Francese et autres, 2008).
Selon le « Protocole d’enquête sur l’agrile du frêne - 2013 » de l’ACIA, il est conseillé
d’accrocher les pièges à une hauteur supérieure à 5 mètres et préférablement le plus haut possible
(ACIA, 2013d). Ainsi, un compromis doit être fait entre la complexité logistique d’accrocher un
piège à une grande hauteur et celle à une hauteur moyenne. Dans une perspective d’optimisation
des coûts, la majorité des pièges pourrait être installés à hauteur moyenne tandis qu’une minorité
de pièges seraient placés à une plus grande hauteur dans des frênes situés près de zones à risque.
En ce qui concerne l’emplacement du piège par rapport aux points cardinaux, des études ont
démontré que les galeries de larves d’agrile se trouvent surtout sur le côté sud et ouest de l’arbre,
soit sur les côtés les plus exposés au soleil de l’arbre (Francese et autres, 2008). Connaissant cette
attirance pour ces faces de l’arbre, il est préférable de placer le piège du côté sud ou ouest de
l’arbre pour augmenter ses chances de capture (ACIA, 2013d).
Pour ce qui est du choix des frênes dans la zone d’étude qui accueilleront les pièges, l’étude du
comportement de l’agrile du frêne a permis de prouver que cet insecte est davantage attiré par les
arbres situés en bordure de forêt, dans les zones ouvertes ou dans des peuplements d’arbres
ouverts tels que des parcs. C’est encore une fois l’attirance envers les zones plus chaudes qui
amène l’agrile à fréquenter ces arbres. En plus de prendre en considération le comportement de
l’insecte dans le choix de l’emplacement des pièges, il est important de couvrir toutes les zones à
risques énoncées dans la section 2.1.5 ainsi que les zones suspectes ou connaissant un
dépérissement des frênes (ACIA, 2013d). En ce qui concerne l’espacement des pièges, le comité
scientifique canadien chargé d’étudier l’agrile du frêne conseille d’éloigner les pièges d’une
distance de 3 km (Gagné, 2013). De plus, avant d’installer tout piège, il est important de
communiquer avec l’ACIA pour synchroniser les efforts de dépistage, car cette agence pose
également des pièges dans les milieux urbains et les zones à risques afin de suivre la progression
du ravageur (ACIA, 2013d).
38
2.2.3 Écorçage de branches
En plus de l’utilisation de pièges attractifs pour dépister la présence de l’agrile, une autre méthode
de dépistage consistant à couper des branches de frêne pour les écorcer peut être utilisée. Cette
approche consiste à écorcer les branches collectées afin d’y distinguer la présence de galeries
laissées par les larves de l’agrile sous l’écorce. Si le but de la campagne de dépistage est de
détecter la présence du ravageur, l’écorçage des branches peut cesser dès la détection d’une
première galerie. Par contre, si l’évaluation de la densité de la population du ravageur est
recherchée, il faut alors écorcer l’ensemble de la branche et comptabiliser le nombre de galeries
distinctes retrouvé. Évidemment, cette dernière activité demande deux à trois fois plus de temps
que le simple relevé de la présence de larves (Ryall et autres, 2010).
En ce qui concerne le choix des frênes à échantillonner et le choix des branches à prélever, les
mêmes principes que pour le positionnement des pièges attractifs s’appliquent. C'est-à-dire que
les arbres de grande taille et positionnés en milieu ouvert sont à prioriser. De surcroît, les
branches situées sur la face sud ou ouest et localisées à une hauteur moyenne par rapport à l’arbre
constituent les meilleurs échantillons (Ryall et autres, 2011).
Cette méthode permet donc de détecter la présence de l’agrile alors que l’infestation en est encore
à ses débuts. En effet, une étude dans laquelle un échantillonnage intensif de branches de
différents frênes ne présentant aucun signe et symptôme d’infestation a démontré qu’environ
75 % des spécimens échantillonnés étaient en fait infestés. Il a également été prouvé que cette
technique permet de détecter trois fois plus efficacement la présence de l’agrile qu’une approche
consistant à prélever l’écorce d’une surface correspondante au quart de la circonférence du tronc
à hauteur de poitrine. En plus d’être moins destructif et dommageable pour l’arbre, le
prélèvement de branches offre une meilleure efficacité de détection de l’agrile du frêne (Ryall et
autres, 2011). Voici d’autres avantages que procure cette approche :
Détecte des populations d’agrile de faible densité.
Les branches à écorcer peuvent être prélevées en même temps que les activités normales
d’entretien des arbres (élagage, abattage).
Procure de l’information directe sur l’état de santé des arbres.
Donne une idée plus précise de l’ampleur de l’infestation dans la zone d’étude.
Méthode assez facile à utiliser.
L’écorçage de branches peut être utilisé en combinaison avec des pièges attractifs.
39
La détection précoce de l’agrile du frêne procure du temps précieux aux dirigeants du
territoire pour préparer une stratégie de gestion adéquate (Ryall et autres, 2011).
Les branches peuvent être collectées n’importe quand entre septembre et mai (Ryall et
autres, 2010).
Les principales différences entre la pose de pièges attractifs et la collecte de branches sont
l’obtention d’une meilleure information sur l’état de santé des arbres ainsi qu’une plus longue
période d’utilisation de la technique dans le cas de l’écorçage. Toutefois, la collecte de branches
peut s’avérer plus dispendieuse et demander plus de temps au personnel effectuant les travaux.
Une bonne façon de réduire les coûts reliés à la collecte de branches est d’assurer une bonne
coordination avec les élagueurs municipaux et du secteur privé afin de collecter des branches de
frêne coupées lors des opérations normales d’entretien des arbres. Ainsi, l’utilisation d’un
mélange d’écorçage et de pièges peut se révéler judicieuse pour augmenter la justesse de la
campagne de dépistage.
Finalement, il est à noter que l’ACIA n’utilise pas la méthode d’écorçage de branches lors de
leurs opérations de dépistage, néanmoins, l’agence offre des formations pour des intervenants
voulant utiliser cette technique. Le même genre de formation est également offert pour la pose de
pièges attractifs (Gagné, 2013).
2.2.4 Dépistage par annélation de frênes
L’annélation est une technique utilisée dans le domaine de la sylviculture consistant à retirer une
bande d’écorce sur la totalité de la circonférence de l’arbre dans le but de tuer ou d’affaiblir celui-
ci. Cette opération a pour conséquence de détruire les tissus transportant la sève de l’arbre. En
réaction à ces blessures, le frêne émet un composé volatil dans l’air ambiant pour lequel l’agrile
du frêne est sensible. Bien que le mécanisme de sélection des arbres-hôtes pour la reproduction
du ravageur ne soit pas parfaitement connu, il a été démontré que les frênes annelés attirent
davantage l’agrile que les frênes en santé (Michigan State University (MSU), 2008). Cette
technique s’appuie donc sur ce constat pour créer des « arbres-pièges » attirant le ravageur à
choisir ce frêne plutôt qu’un autre pour y pondre ses œufs. De cette façon, au lieu d’installer des
pièges attractifs ou de collecter des branches dans des endroits pouvant être occupés par le
ravageur, un frêne est annelé afin de détecter la présence de l’agrile dans un secteur donné.
Les frênes peuvent être annelés durant l’automne, l’hiver ou au début du printemps. Toutefois,
afin de faciliter l’opération d’écorçage, il est conseillé d’anneler les arbres au début du printemps,
car l’écorce est plus facile à retirer qu’à l’automne ou en hiver. Les arbres doivent
40
impérativement être annelés avant la fin du mois de mai pour assurer l’efficacité de cette
approche, car il est important que l’arbre soit bien stressé et qu’il soit pleinement attirant au
moment de la reproduction de l’insecte (MSU, 2008).
Dépendamment de la profondeur de l’incision faite pour retirer l’écorce, les vaisseaux
responsables de transporter la sève brute en provenance des racines (xylème) ainsi que les
vaisseaux responsables du transport de la sève élaborée acheminée des feuilles vers les racines
(phloème) peuvent être endommagés. Dans cette dernière situation, l’arbre peut mourir en moins
de quatre mois, ce qui augmente les signaux volatils de stress émis par celui-ci. Tandis que si
l’incision est faite dans le but de couper uniquement le phloème situé entre le xylème et l’écorce
extérieure de l’arbre, ce dernier dépérira plus lentement et survivra probablement pendant deux
années (MSU, 2008). Puisque les arbres annelés sont voués à une mort certaine, il est important
de tenir compte du type d’incision pratiqué, car cela influera le moment où l’arbre devra être
abattu (durant la même année ou l’année suivante). Cependant, il est conseillé d’abattre les
arbres-pièges avant l’été de l’année suivante, sans quoi la prochaine génération de l’insecte
présente dans ces arbres pourra continuer son œuvre destructrice. Au moment de l’abattage de
l’arbre-piège, il faut inspecter visuellement celui-ci afin de détecter des signes et symptômes
(déformation de l’écorce, alimentation de pics bois et d’écureuils et dégâts typiques liés à
l’alimentation de la larve) permettant ainsi de mieux identifier les zones de l’arbre à écorcer.
C’est cette activité d’écorçage du frêne abattu qui permet de confirmer s’il y a bel et bien
présence d’agrile du frêne et d’évaluer au besoin la taille de la population présente dans le secteur
à partir du nombre de galeries retrouvé (MSU, 2008).
En ce qui concerne le choix de frênes à anneler sur le territoire, il est encore une fois préférable
de choisir des individus placés favorablement au soleil et situés dans des milieux ouverts (près
des routes, dans des parcs, en bordure de forêt). Toutefois, comme l’arbre devra être abattu
quelque temps après l’annélation, il importe de considérer la facilité d’accès à l’arbre quand
viendra le temps d’en disposer. La taille du frêne devrait également être considérée, car s’il est
trop petit, les risques qu’il brise sous l’influence de forts vents sont plus grands et s’il est trop
gros, ce dernier sera plus difficile à écorcer et à éliminer. Des spécimens ayant un diamètre à
hauteur de poitrine (DHP) entre 10 et 25.4 cm (4 et 10 pouces) devraient être priorisés. De plus,
puisque l’annélation affaiblit l’arbre jusqu’à le faire mourir, celui-ci peut représenter un danger
pour des infrastructures situées à proximité ou pour des passants. Il est donc préférable d’anneler
des frênes éloignés de tout endroit sensible, soit à une distance équivalente à au moins deux fois
la hauteur de l’arbre-piège (MSU, 2008). Finalement, l’espèce de frêne est à considérer dans le
41
choix de l’individu à anneler, car l’agrile montre une préférence envers certaines essences de
frêne pour y pondre ses œufs. En effet, des recherches ont montré que lorsque plusieurs essences
de frêne sont présentes dans un même secteur, l’agrile préfère avant tout le frêne rouge/vert
(Fraxinus pennsylvanica), puis le frêne noir (Fraxinus nigra), suivi du frêne blanc (Fraxinus
americana) et finalement du frêne anguleux (Fraxinus quadrangulata). Le choix des arbres-
pièges devrait donc être guidé de façon à prioriser les frênes les plus prisés par l’agrile (MSU,
2008).
Dans une étude récente de Mercader et collaborateurs, il a été démontré que l’utilisation de
l’arbre-piège (annelé) est significativement plus efficace que l’utilisation de pièges attractifs afin
de détecter la présence du ravageur. En effet, dans des sites où la population d’agrile était faible,
la probabilité de détecter celui-ci était supérieure à 50 % avec l’utilisation d’un seul arbre-piège.
Tandis que dans une zone à faible et à forte densité d’agrile du frêne, la probabilité de détecter
l’insecte était tout de même inférieure à 35 % avec l’utilisation d’un piège attractif. De surcroît,
toujours dans des zones de faible densité d’agrile, la probabilité de détection augmentait à 90 %
avec l’utilisation de trois arbres-pièges alors que la probabilité de détection augmentait seulement
à 40 % avec l’utilisation de cinq pièges attractifs (Mercader et autres, 2013). À la lumière des
résultats obtenus, il est préférable d’utiliser au moins trois arbres-pièges ou plus dans un secteur
surveillé afin d’augmenter les probabilités de détecter l’insecte.
Néanmoins, même si cette approche démontre d’excellents résultats en matière de détection et
qu’elle permet d’évaluer la taille des populations du ravageur, il n’en demeure pas moins que
l’application de celle-ci est coûteuse et demande beaucoup de temps (SLAM, 2010). Ce sont
principalement les opérations d’abattage et d’écorçage qui augmentent la facture et qui
demandent beaucoup de temps en main-d’œuvre. Par contre, l’abattage de ces arbres empêche la
prochaine génération de l’insecte de voir le jour, ce qui permet de diminuer significativement la
population du ravageur. L’annélation de frênes est également considérée comme un outil de
gestion permettant de ralentir la progression de l’agrile (voir section 2.5.3). Enfin, cette approche
destructrice s’applique moins bien en milieu urbain ou encore dans des milieux où l’abattage des
arbres-pièges serait compliqué. Néanmoins, si l’abattage de frênes en milieu urbain est déjà
prévu, il peut être intéressant d’anneler ceux-ci avant de les récolter, ce qui permettrait à la fois de
mieux détecter la présence de l’agrile et de ralentir sa progression. C’est notamment ce que la
ville de Kansas City dans l’état du Missouri a décidé de faire avec 700 de ses frênes public prévus
à l’abattage (Kansas City Parks, 2014).
42
Si le but de la campagne de dépistage est simplement de détecter la présence de l’agrile du frêne,
l’utilisation de pièges attractifs accrochés à des arbres-pièges peut constituer une alternative
intéressante et à la fois économique. Le frêne annelé aurait tout de même besoin d’être abattu, par
contre, une économie de temps et d’argent pourrait être réalisée en évitant l’étape d’écorçage, la
détection de l’agrile étant assurée par le piège attractif. Dans l’éventualité où aucun agrile n’est
détecté dans le piège, qu’aucun signe évident d’infestation dans le secteur n’est décelé et que le
frêne annelé semble suffisamment en santé pour survivre une année de plus, cet arbre pourrait
servir d’appât pour une année supplémentaire. Dans ces circonstances, le frêne serait encore plus
attirant pour l’agrile durant la deuxième année, car l’arbre serait plus stressé et émettrait plus de
signaux volatils. Il est cependant à noter que cette dernière approche n’est pas documentée et
qu’elle devrait être utilisée avec précaution.
2.2.5 Biosurveillance
Cette approche de surveillance de l’agrile du frêne fait appel aux capacités d’un prédateur à
capturer ce ravageur pour s’en nourrir. Le prédateur en question est une guêpe indigène de la
famille des Crabonidés nommée Cerceris fumipennis se nourrissant exclusivement de proies de la
famille des Buprestides (ACIA, 2013d). Cet insecte solitaire se construit des galeries dans le sol
où il y loge ses proies capturées durant la saison estivale afin de nourrir ses descendances. Bien
que solitaire, la guêpe installe son nid à proximité d’autres nids de la même espèce, si bien que
des colonies informelles de C. fumipennis sont retrouvées. Ce prédateur établit son nid
préférentiellement dans des endroits où le sol est compacté, composé principalement de sable et
garni à moitié d’herbacées et de sol à nu. De plus, comme les proies de cette guêpe fréquentent
les arbres, les nids sont rarement situés à plus de 200 mètres d’une zone boisée (Cerceris, 2013).
Ainsi, on retrouve surtout l’insecte dans des zones où le sol est perturbé par les activités
humaines, telles que les :
Terrains de baseball
Stationnements informels sur terre battue
Routes en terre battue peu fréquentées
Bordures de route sableuses
Sentiers piétonniers
Sols autour d’un emplacement de feu de camping ou d’un site de camping (Cerceris,
2013)
43
Pour détecter l’agrile à l’aide de cette guêpe, il faut tout d’abord trouver un site actif occupé par
la guêpe. Pour ce faire, les emplacements potentiels de colonies peuvent facilement être repérés
en étudiant des images « Google Maps » et en considérant les sites énumérés ci-dessus. Puis, une
fois qu’un site actif a été localisé sur le terrain, il s’agit de surveiller celui-ci pendant un minimum
de trois après-midi ensoleillés du mois de juillet afin de collecter les proies ramenées au nid par la
guêpe. Il est à noter que la surveillance des nids peut se faire durant le mois d’août, mais le mois
de juillet est préférable, car les guêpes sont surtout actives durant les périodes chaudes de ce
dernier mois. Le but de l’exercice est de voler les proies de la guêpe qui retourne à son nid avant
que celle-ci ne puisse les entreposer dans son nid. La guêpe peut capturer entre 15 à 20 proies par
jour. Finalement, les proies volées à la guêpe doivent être recueillies dans une fiole pour ensuite
être envoyées pour identification auprès de spécialistes (Cerceris, 2013). Toutes les informations
nécessaires afin qu’une personne non familière avec les insectes puisse utiliser ce moyen de
détection de l’agrile du frêne sont disponibles sur le site internet :
http://www.cerceris.info/index.html
Cette méthode de dépistage possède plusieurs points forts et points faibles détaillés dans le
tableau 2.5. Néanmoins, la grande force de cette approche est la possibilité d’impliquer
facilement et économiquement les citoyens dans une démarche originale de dépistage de l’agrile
du frêne.
Tableau 2.5 Avantages et désavantages de la biosurveillance de l’agrile du frêne avec
Cerceris fumipennis (inspiré de : Careless, 2009, p. 19)
Avantages Désavantages
Méthode de détection plus sensible que les
pièges attractifs
La disponibilité limitée de la guêpe ne permet
pas de couvrir un grand territoire
Demande peu de matériel, il suffit de
surveiller, le travail est fait par la guêpe
Méthode de détection dépendante de
l’emplacement des nids trouvés
La surveillance peut être assurée par des
bénévoles ou des membres d’une association d’entomologistes amateurs
L’efficacité de la guêpe à capturer l’agrile est
influencée par les conditions météorologiques
Les informations recueillies peuvent guider les
activités de collecte de branches afin d’évaluer
la situation
Le début de la saison de chasse de la guêpe ne
coïncide pas avec l’émergence de l’agrile
La guêpe cherche activement l’agrile et peut
aller à des endroits qui ne peuvent être
couverts par d’autres méthodes de dépistage
Situe approximativement les foyers
d’infestation de l’agrile (la guêpe chasse en
moyenne à 750 mètres de son nid, mais peut aller jusqu’à une distance de 2 km)
44
Il est à noter qu’une approche consistant à utiliser des nids de Cerceris fumipennis mobiles (tubes
de terre avec nid) a été testée et comparée à l’utilisation de pièges attractifs et il s’est avéré que
bien que cette méthode alternative offre une plus grande précision, elle demeure plus coûteuse et
demande plus de temps à déployer (Careless, 2009). Étant donné la complexité liée à la création
et à l’entretien des nids mobiles, il est préférable pour les dirigeants d’une municipalité de
s’attarder aux nids déjà présents sur le territoire à l’état naturel.
2.2.6 Formation du personnel et sensibilisation de la population
Au Canada, une grande proportion des foyers d’infestation de l’agrile du frêne ont été détectés de
façon visuelle. La plupart du temps, ce sont des personnes qui signalent des frênes en déclin dans
un secteur, après quoi des enquêtes plus approfondies sont menées afin de confirmer la présence
de l’envahisseur (Careless, 2009). La contribution que chaque individu (citoyen ou travailleur)
peut apporter dans les efforts de dépistage de l’agrile est importante.
Du point de vue d’une municipalité, la formation du personnel constitue un atout pour favoriser
une détection précoce de l’agrile du frêne. Plus précisément, le personnel amené à travailler à
l’extérieur devrait recevoir une formation sur l’identification des différentes espèces de frênes et
sur la reconnaissance des signes et symptômes d’un frêne affecté par l’agrile. Les employés
concernés représentent autant ceux directement (élagueurs, employés participant aux activités de
dépistage) en contact avec les frênes qu’indirectement en contact (jardiniers, urbanistes,
inspecteurs et tout autre employé pertinent). Des guides complets ou des aides mémoires visuels
d’identification des frênes et des signes et symptômes à surveiller peuvent également être remis
au personnel concerné. À ce sujet, plusieurs documents complets préparés par le Gouvernement
du Canada peuvent être utilisés. De plus, il est aussi conseillé aux municipalités d’offrir cette
même formation aux entrepreneurs privés (élagueur, jardinier, horticulteur et autres entrepreneurs
pertinents). Cette initiative permet d’augmenter significativement le nombre d’intervenants
pouvant éventuellement repérer la menace. Finalement, pour le personnel dédié aux activités liées
à la gestion du ravageur, des inspections visuelles à chaque sortie ou à chaque emplacement de
travail devraient être systématiquement réalisées.
Étant donné que la majorité des frênes se situe sur des terrains privés, le citoyen est un
intervenant de première ligne à ne pas négliger. En effet, il est important d’informer la population
de la problématique et de lui donner les outils nécessaires afin qu’elle puisse reconnaître les
signes et symptômes d’un frêne affecté par l’agrile.
45
2.3 Plan de gestion de l’agrile du frêne
Une fois qu’un inventaire des frênes présents sur le territoire a été réalisé et que les efforts de
dépistage ont été organisés, il importe de s’attarder à l’approche de gestion du ravageur à adopter
lorsque celui-ci sera présent sur le territoire. Il existe typiquement deux approches de gestion de
l’agrile du frêne sur un territoire municipal, soit l’abattage et le traitement des frênes avec un
insecticide systémique. Les sections 2.4 et 2.5 présentent de façon détaillée ces deux méthodes de
gestion de l’insecte. La présente section s’attarde à présenter une étude comparant trois outils de
gestion visant à ralentir la progression de l’agrile ainsi qu’un programme permettant de calculer
les impacts économiques liés à différents modes de gestion.
2.3.1 Outils de gestion ralentissant la progression de l’agrile
Dans le cadre d’une étude de Mercader et collaborateurs, la capacité à ralentir l’infestation de
l’agrile du frêne avec trois outils potentiels de lutte a été évaluée à l’aide d’un modèle de
simulation. Il est à noter que la simulation a été réalisée dans un contexte de milieux forestiers
enclavés. Le premier outil considéré consiste à éliminer des frênes afin de réduire les ressources
nécessaires pour la reproduction et l’alimentation de l’agrile, soit le phloème et les feuilles de
frêne (section 2.5). Le deuxième outil de gestion s’appuie sur l’efficacité des frênes annelés à
attirer la femelle durant la période d’oviposition pour ensuite abattre ces arbres-pièges, réduisant
ainsi la population du ravageur de l’année suivante (section 2.5.3). Finalement, la troisième
approche consiste à appliquer un insecticide systémique tuant les larves se trouvant dans l’arbre
traité ainsi que les adultes qui s’en nourrissent (section 2.4). Plus d’informations sur chacune des
trois techniques présentées ci-dessus sont détaillées dans une perspective de gestion des territoires
urbains dans les prochaines sections.
L’étude a démontré que parmi les trois méthodes analysées, l’approche démontrant la meilleure
capacité à ralentir la propagation territoriale de l’insecte correspond à l’application d’insecticide.
Pour chaque outil analysé, l’application de celui-ci a été faite dans un rayon de 300 m à partir
d’un point d’origine de l’infestation par l’agrile. Dans ces conditions, les résultats de la
simulation ont montré une réduction de la propagation radiale du ravageur de 30 % ainsi qu’une
réduction de 40 % de l’alimentation dans le phloème du frêne par les larves d’agrile au-delà de la
zone traitée avec l’application d’insecticide systémique. Dans le cas de frênes annelés, une
diminution de 15 % de la propagation radiale de l’agrile et une réduction de 20 % de
l’alimentation dans le phloème du frêne par les larves ont été remarquées au-delà de la zone
traitée (Mercader et autres, 2011). En ce qui a trait à l’approche visant à éliminer les frênes pour
46
réduire le phloème disponible, aucune réduction de la propagation radiale, de la taille de la
population et de l’alimentation dans le phloème n’a été constatée au-delà de la zone traitée.
Toutefois, une diminution de la population du ravageur a été observée au sein de la zone traitée
en réponse au manque de disponibilité de la nourriture et des sites de reproduction. Le faible
succès de l’élimination des frênes à ralentir la progression radiale s’explique principalement par
la bonne capacité de l’insecte à se déplacer (moyenne de 1.3 km/jour) lorsque les conditions d’un
milieu ne sont pas favorables (Mercader et autres, 2011).
Bien que cette étude ait été réalisée en milieux forestiers, les conclusions de celle-ci s’appliquent
tout de même au milieu urbain.
2.3.2 Évaluation économique d’une bonne stratégie de gestion
D’un point de vue économique, l’évaluation des coûts qu’une stratégie de gestion de l’agrile du
frêne engendrera pour une municipalité doit être faite avant d’aller de l’avant avec toute action.
Évidemment, l’approche apportant les plus grands bénéfices environnementaux et sociaux pour
un meilleur prix sera priorisée. Le but est donc de choisir l’option permettant de sauver le plus de
frênes possibles tout en optimisant les coûts relatifs par frêne ($ / frêne). Que la municipalité soit
active ou non face à la problématique, ce ravageur engendrera des pertes économiques soit par le
biais de la coupe et le remplacement de frênes dépérissants ou par l’application d’insecticide
systémique. Alors, comment déterminer si une démarche visant à laisser les arbres mourir pour
ensuite les abattre serait plus avantageuse économiquement qu’une approche consistant à
conserver des frênes en les traitant. À ce sujet, l’Université de Purdue propose un outil gratuit,
facile à utiliser et disponible sur internet afin de comparer les coûts annuels et cumulatifs sur un
horizon de 25 ans de n’importe quelle stratégie de gestion de l’agrile incluant un mélange
d’application d’insecticide, d’abattage et de remplacement des frênes (Purdue University, 2008).
Cependant, pour utiliser cet outil, les informations suivantes sont nécessaires :
Inventaire des arbres de la zone d’étude (nombre et taille des frênes).
Estimation des coûts d’abattage et d’application d’insecticide en fonction de la taille
des frênes.
Estimation des coûts de remplacement par frêne abattu (Purdue University, 2008).
Cet outil permet entre autre de comparer les coûts relatifs à trois scénarios de gestion différents,
ce qui permet aux gestionnaires de choisir l’option qui convient au budget et aux valeurs de la
municipalité. Ce calculateur de coûts permet aussi d’évaluer les dépenses relatives à l’application
47
d’une approche expérimentale de gestion intégrée de l’agrile du frêne nommée SLow Ash
Mortality (SLAM) et présentée à la section 2.7.2 (Purdue University, 2008).
2.4 Application d’insecticide systémique
En plus d’être une excellente approche pour ralentir la progression du ravageur, l’application
d’insecticide systémique constitue également une bonne façon de garder des frênes vivants et en
santé. Par conséquent, cette approche a été reconnue comme étant particulièrement adaptée aux
milieux urbains où les arbres peuvent avoir une grande valeur (Mercader et autres, 2011).
Cette section présente le TreeAzin® comme l’insecticide systémique utilisé au Canada ainsi que
son utilisation pour traiter des frênes publics et privés.
2.4.1 Traitement des frênes au biopesticide
Il existe plusieurs insecticides spécifiques pour lutter contre l’agrile du frêne, mais au Canada, un
seul a été homologué pour cette application. Il s’agit du TreeAzin® qui a été mis au point dans le
cadre d’une collaboration entre le Service canadien des forêts (SCF) et une entreprise ontarienne
nommée BioForest Technologies inc. spécialisée en recherche et développement de solution de
lutte intégrée contre les espèces exotiques envahissantes. Cet insecticide est dérivé d’un composé
organique connu sous le nom d’azadirachtines et retrouvé dans les graines du margousier, un
arbre originaire de l’Inde (Thompson, 2013). Cet arbre est bien connu pour ses nombreuses
propriétés médicales et ses capacités à éloigner une grande variété d’insectes qui affectent les
plantes, les animaux et les humains (Info Naturel, 2014). Après de nombreuses années de
recherche en laboratoire et sur le terrain afin de valider le devenir du produit dans
l’environnement et l’efficacité du produit comme agent de lutte contre l’agrile, le TreeAzin® a
reçu une homologation d’urgence en 2008 pour qu’il puisse être utilisé en Ontario et au Québec
dans le cadre de la lutte contre le ravageur. Et finalement, l’insecticide a reçu la pleine
homologation nationale en octobre 2012 (Thompson, 2013).
L’insecticide s’applique au moyen d’un dispositif de micro-injection perfectionné par BioForest
Technologies inc. permettant d’injecter le TreeAzin® de façon sécuritaire directement dans le
frêne. Il s’agit simplement d’insérer des microbuses temporaires dans l’arbre à la hauteur du tronc
sur lesquelles des cartouches scellées et réutilisables d’insecticide sont fixées. Ce dispositif est
connecté directement au système de transport de la sève de l’arbre, si bien que l’on peut comparer
celui-ci à un système d’injection intraveineuse couramment utilisé en médecine. Pour obtenir un
meilleur rendement en frais de réduction des populations d’agrile du frêne, il est recommandé de
48
procéder à l’injection de l’insecticide avant le début de l’été, soit avant l’émergence de la
nouvelle génération d’adultes. Ce moment est idéal pour que les ingrédients actifs soient
dispersés dans l’ensemble des tissus de l’arbre (feuille, phloème et xylème). De cette façon, les
adultes se nourrissant des feuilles du frêne seront affectés par le TreeAzin®, ce qui inhibera la
reproduction de ceux-ci et la capacité des larves à croître et à s’alimenter des tissus conducteurs
de l’arbre traité. Le fait que les adultes ayant consommé des feuilles de frênes traités produisent
très peu d’œufs viables contribue à diminuer les populations de l’insecte au sein de l’arbre, mais
aussi dans le secteur environnant celui-ci (Thompson, 2013). C’est d’ailleurs en partie pourquoi
une meilleure réduction de la propagation radiale du ravageur est observée avec le traitement des
frênes à l’insecticide systémique (Mercader et autres, 2011).
La durée de l’injection varie en fonction de l’état de santé, du milieu de croissance et de l’activité
de transpiration de l’arbre. Néanmoins, un temps d’injection évalué à 15 ou 20 minutes par arbre
est requis. Le coût du traitement varie quant à lui entre 150$ et 250$ pour des arbres de grande
taille (30 cm de DHP). Si l’arbre est plus petit et qu’il est facilement accessible, les coûts de
traitement peuvent être moindres. Il est évalué qu’une injection du TreeAzin® protège l’arbre
pour une durée de deux années. Il est donc conseillé de renouveler le traitement pour une période
de 6 à 10 années, ce qui représente des coûts équivalents à l’abattage et au remplacement du
frêne. Cette estimation s’appuie sur le fait que durant cette période, l’infestation sur le territoire
aura significativement diminué et que des moyens de lutte biologique permettant l’éradication de
l’agrile auront été déployés (Thompson, 2013).
Du point de vue environnemental, plusieurs études ont été réalisées et il a été démontré que
l’insecticide est peu toxique pour les mammifères, les oiseaux et les espèces non ciblées par le
composé actif. De plus, les composés d’azadirachtines sont non persistants dans l’environnement,
car ils sont soumis à des mécanismes naturels favorisant leur dégradation. Enfin, des recherches
sont actuellement en cours afin d’évaluer la possibilité d’utiliser le TreeAzin®
pour traiter
d’autres arbres contre d’autres ravageurs exotiques perceurs de bois tel que le longicorne
asiatique. Ce dernier insecte s’attaque à tout arbre à feuilles caduques, y compris l’érable qui
représente une ressource économique importante dans le sud-est du Canada et le nord-est des
États-Unis (Thompson, 2013).
2.4.2 Compromis entre traitement et abattage
Pour les municipalités, l’application d’insecticide demeure une excellente façon de sauver les
frênes publics et de réaliser de bonnes économies. Toutefois, pour qu’une stratégie d’application
49
d’insecticide systémique soit pleinement efficace et permette de sauver un maximum de frênes, il
est essentiel que l’agrile du frêne ait été détecté à un stade peu avancé de l’infestation, idéalement
au plus tard la quatrième année suite au début de l’infestation (Mercader et autres, 2011). Dans la
situation où un frêne est lourdement infesté, l’application de l’insecticide n’est pas conseillée.
Afin de faciliter l’identification et la sélection des frênes éligibles au traitement, une liste de
critères spécifiques correspondant aux objectifs et cibles de la municipalité devrait être fixée afin
de guider le repérage de ceux-ci par l’inspecteur. Par exemple, la Ville de Toronto a établi une
liste de critères qu’un frêne doit rencontrer afin d’être considéré comme apte à recevoir le
traitement :
L’arbre est localisé sur un territoire public souvent fréquenté
L’arbre doit être situé dans un parc ou un parcours de golf
L’arbre doit avoir une bonne santé générale avec une quantité limitée de branches mortes
(moins de 30 % de branches mortes)
L’arbre doit se trouver dans un endroit où les frênes constituent une portion élevée de la
canopée (Ville de Toronto, s.d.).
Pour l’application de l’insecticide, il est à noter que le personnel doit être formé et doit porter les
équipements de protection individuelle recommandés (Thompson, 2013).
Puisque certains frênes sont trop jeunes, trop endommagés ou encore déjà trop infestés pour qu’il
soit économiquement avantageux de les traiter, les municipalités doivent se préparer à abattre une
certaine quantité de ceux-ci. En général, l’approche conventionnelle de gestion priorisée est de
faire un certain compromis entre l’abattage et le traitement de frênes publics. La plupart du
temps, les municipalités choisissent de traiter une certaine proportion de frênes (ceux ayant le
plus de valeur) et d’abattre la balance restante. Par exemple, Oakville a décidé de traiter 75 % des
frênes publics admissibles à recevoir le traitement, ce qui représente 5450 frênes situés en
bordure de rues et dans les parcs urbains. Pour les années 2012 et 2013, respectivement 3039 et
2400 frênes ont été traités, certains d’entre eux seront traités pour la deuxième fois (insecticide
efficace pendant 2 années). Dans cette ville, le traitement des frênes a débuté en 2009 et depuis ce
temps, 321 frênes traités ont été suivis de près afin de valider l’efficacité du programme de
traitement. En 2012, le suivi de ces arbres a révélé que 99 % des candidats sont encore en bonne
santé et ne démontrent aucun signe et symptôme d’infestation de l’agrile, ce qui prouve
l’efficacité de l’insecticide et encourage du même coup la continuité du programme de traitement.
50
En ce qui concerne le 25 % des frênes qui n’ont pas été sélectionnés pour la campagne de
traitement, car trop petits ou déjà endommagés, il est prévu de les abattre (Oakville, 2013).
La Ville de Toronto quant à elle a jugé que le traitement de frênes représentait de trop grandes
dépenses, elle n’a donc pas priorisé un traitement des frênes à grande échelle comme la Ville
d’Oakville. Entre 2007 et 2010, la Ville de Toronto a traité seulement 450 frênes de grande
valeur. Tandis que le reste des 32 400 frênes en bordure de rue (sans compter les individus
présents dans les parcs et boisés) devront être abattus au courant des prochaines années (Ville de
Toronto, 2011).
Finalement, en dehors de l’approche conventionnelle de gestion de l’agrile du frêne, il existe une
autre approche de gestion expérimentale que la Ville de Montréal emploie présentement. La
section 2.7.2 s’attarde à présenter cette approche de gestion intégrée.
2.4.3 Traitement d’arbres privés
En général, sur les territoires municipaux, les frênes situés sur des terrains privés représentent une
grande proportion des individus à considérer. En effet, l’inventaire exhaustif des frênes sur le
territoire d’Oakville a permis de déterminer qu’il y a approximativement 44 000 frênes situés sur
des propriétés privées, ce qui représente environ la moitié des frênes de la ville (Oakville, 2013).
Toutefois, comme mentionné à la section 2.1.1, les municipalités n’ont aucun pouvoir sur ces
arbres, car il est de l’entière responsabilité des propriétaires privés de s’occuper de ceux-ci. Les
municipalités peuvent néanmoins sensibiliser les propriétaires à la situation et les orienter vers
des solutions et des outils leur permettant de décider du sort qu’ils veulent réserver à leur frêne,
soit le traitement ou l’abattage. À ce sujet, RNCan propose un outil d’aide à la décision
disponible gratuitement sur internet à l’intention des propriétaires privés de frênes
(http://gmaps.nrcan.gc.ca/apm/index.php?lang=f). Essentiellement, l’outil établit un comparatif
des coûts récurrents du traitement à l’insecticide d’un frêne et de ceux reliés à l’abattage et au
remplacement de celui-ci. Ce programme offre la flexibilité d’inclure divers coûts et bénéfices
additionnels associés aux arbres urbains, tels que la valeur ajoutée à la propriété, les économies
d’énergie réalisées, la réduction du ruissellement et de la pollution et les coûts d’entretien
récurrents de l’arbre. Les propriétaires peuvent ainsi calculer les gains ou les pertes nettes
associés au traitement de leur arbre sur un horizon de 30 ans (RNCan, s.d.).
2.4.4 Accord de traitement d’arbres publics par un citoyen
Selon l’approche conventionnelle de traitement des frênes publics décrite à la section 2.4.2, les
municipalités déterminent les arbres qui seront traités selon différents critères et selon la volonté
51
politique de conserver ou non les ressources en frênes sur le territoire. Dans cette situation, il est
possible que certains frênes publics situés à proximité d’un terrain privé soient abattus au lieu
d’être traités. Or, les propriétaires peuvent être attachés à ces frênes en raison des services
écologiques qu’ils rendent et de la valeur sentimentale qu’ils représentent. Afin d’offrir la chance
aux citoyens de sauver ces frênes publics qui leur sont chers, les municipalités peuvent autoriser
le traitement de ces arbres aux frais du requérant dans le cadre d’un accord de traitement d’arbres
publics officiel. C’est notamment ce que la Ville de Toronto et d’Oakville proposent à leurs
citoyens.
La procédure mise de l’avant par ces deux villes est sensiblement comparable (Ville de Toronto,
2013). Dans les deux cas, avant de pouvoir procéder au traitement de l’arbre public au TreeAzin®,
il faut d’abord faire la demande au service de foresterie de la ville et qu’un inspecteur évalue si
l’arbre en question respecte les critères de traitement établis par la ville. Puis, un formulaire
d’engagement doit être rempli et soumis aux autorités compétentes de la ville afin que celle-ci
signe l’entente en guise d’approbation pour débuter les travaux de traitement (Oakville, s.d.b.).
La Ville d’Oakville a débuté son programme « Adopt-an-ash program » en 2010 et depuis ce
temps, 37 frênes publics ne satisfaisant pas les critères de traitement de la ville (moins de 20 cm
de DHB) ont été traités aux frais de citoyens impliqués. Cette initiative représente une excellente
façon d’engager la communauté dans la sauvegarde des frênes et de la gestion de l’agrile du
frêne. La gestion de cette problématique est un réel fardeau économique pour les municipalités, si
bien que chaque petit geste permettant de réduire les coûts d’abattage des frênes et d’impliquer la
population dans leur sauvegarde en vaut la chandelle. Cependant, cet accord de traitement
demande du temps aux inspecteurs municipaux pour examiner les arbres sujets à une telle
demande et pour rappeler aux citoyens que leur frêne adopté nécessite un renouvellement de
traitement deux années plus tard. Avant de mettre en place un tel programme, la municipalité doit
s’assurer d’avoir le personnel nécessaire pour administrer celui-ci (MacInnes, 2013).
2.5 Plan de coupe des arbres
Comme mentionné dans la section 2.4.2, face à cette problématique qu’est l’agrile, des frênes
vont inévitablement devoir être abattus, et ce même si l’on désire traiter un maximum d’arbres
avec un insecticide systémique. Ainsi, les municipalités doivent impérativement planifier
l’abattage des frênes infestés et dans certaines situations, anticiper l’abattage préventif de frênes
non infestés. Qui plus est, les municipalités doivent également prévoir une seine gestion des
résidus de frênes publics et privés engendrés par les activités d’abattage de ceux-ci.
52
2.5.1 Planification de l’abattage
La planification stratégique de l’abattage des frênes constitue une importante partie dans la
gestion de l’agrile et une obligation pour chaque municipalité afin d’assurer la sécurité des voies
publiques et des espaces verts. Un manque de planification de la part d’une municipalité par
rapport à l’arrivée du ravageur et des impacts qu’il engendre peut engendrer des bris ou des torts
pour lesquels la municipalité pourrait être légalement tenue responsable. En effet, si certaines
parties d’un arbre public affecté par l’insecte venaient qu’à tomber et causer des bris physiques de
matériel ou encore des lésions corporelles, la municipalité pourrait en être tenue responsable si
aucune action raisonnable ou minimale n’a été portée au préalable pour éviter une telle situation.
Afin de bien planifier l’abattage des arbres et d’identifier les zones à risques où les frênes sont
plus nombreux, il est encore une fois nécessaire de disposer d’un inventaire des ressources en
frênes sur le territoire.
Puis, avec les informations de l’inventaire en main, les dirigeants de la municipalité doivent
déterminer la proportion de frênes publics qu’elle désire traiter et celle qu’elle devra abattre.
Deux façons distinctes de planifier l’abattage de ces arbres sont à considérer, soit un abattage
préventif ou réactif. L’abattage préventif consiste à récolter les frênes avant que ceux-ci soient
infestés par l’agrile, tandis que l’abattage réactif se réalise à mesure que les frênes montrent des
signes d’infestation (Michigan Department of Natural Resources (MDNR), 2008). Dans le cas de
l’abattage réactif, il est essentiel d’avoir un bon programme de dépistage du ravageur afin de
pouvoir intervenir rapidement. Car il a été démontré qu’un frêne infesté peut produire
approximativement 90 à 100 adultes par mètre carré de surface. Un frêne de 50 cm de diamètre
peut par conséquent produire entre 3600 et 4000 agriles avant de mourir (Poland et McCullough).
Le tableau 2.6 présente les avantages et désavantages liés à chacun des deux modes de
planification des travaux d’abattage présentés ci-dessus.
53
Tableau 2.6 Avantages et désavantages de l’approche d’abattage préventive et réactive (inspiré de : MDNR, 2008, p. 9)
Abattage préventif Abattage réactif
Avantages Avantages
Possibilité de répartir les coûts d’abattage de
façon régulière sur plusieurs années
Aucune perception négative de la population
en lien avec l’abattage d’arbres seins
Réduction des problèmes engendrés par la
gestion de nombreux frênes dépérissant au même moment
Retarde le moment où les impacts esthétiques
et sur la couverture arborée apparaîtront
Opportunité de commencer les opérations de
plantation d’arbres de remplacement
Retarde le fardeau économique lié à l’abattage
jusqu’au moment où l’agrile du frêne sera
détecté
Meilleure flexibilité pour organiser l’horaire
d’abattage
Procure du temps pour que le fruit des
recherches scientifiques identifie des
alternatives de gestion du ravageur minimisant les besoins d’abattage
Possibilité de valoriser plus facilement le bois
récolté, car non contaminé
Permet de réduire la population d’agrile
Désavantages Désavantages
Impacts esthétiques et sur la couverture
arborée immédiats
De fortes contraintes économiques peuvent
survenir lorsque l’agrile est détecté
Ne prend pas en considération les avancées
scientifiques potentielles qui pourraient aider à
mieux contrôler le ravageur
Les fonds pour replanter les arbres peuvent
être indisponibles en raison des coûts élevés
liés à l’abattage des arbres infestés
L’abattage de frênes en santé peut engendrer des frustrations de la part des citoyens
Le type d’abattage priorisé dépend directement de la quantité de frênes présents sur le territoire
considéré. Pour de grands territoires comme ceux des villes de Toronto et d’Oakville, la quantité
de frênes situés en bordure de voies publiques, dans les parcs et dans les boisés urbains est trop
grande pour adopter un mode de gestion uniquement par abattage réactif. Bien souvent, un
mélange d’abattage réactif avec des activités d’abattage préventives est employé. Dans le cas de
la Ville de Toronto, en 2011, 4 % des 32 400 frênes situés en bordure des voies publiques avaient
succombé suite aux assauts du ravageur. En cette même année, le département de foresterie
urbaine de la ville estimait qu’en raison du fort établissement de l’insecte, le reste des frênes (96
%) connaîtrait le même sort d’ici 2017-2018 (Ville de Toronto, 2011) tel que démontré sur le
graphique de la figure 2.2.
54
Figure 2.2 Prédiction de la mortalité des frênes de la Ville de Toronto (tiré de : Ville de
Toronto, 2011, p. 7)
Face à ce constat, les autorités de la ville ont adopté une approche d’abattage par zone infestée
au-delà d’une certaine proportion afin de réduire les coûts d’opération. Ainsi, au lieu d’abattre les
frênes individuellement selon leur état de santé apparent, la ville a décidé de procéder à l’abattage
systématique des arbres infestés et non infestés au sein de la zone déterminée, ce qui permet de
réduire les coûts liés à la mobilisation et la démobilisation des équipes d’abattage (Ville de
Toronto, 2011). Malgré cette approche par zone infestée, la Ville de Toronto applique tout de
même un programme d’abattage réactif dans lequel il deviendra de plus en plus difficile de
récolter tous les frênes dépérissants sous l’influence du ravageur. D’autant plus qu’en marge de
l’abattage des nombreux frênes de rues, une quantité encore plus grande de frênes situés dans les
parcs et dans les forêts urbaines auront également besoin d’être récoltés. Cette situation de
rattrapage occasionne de fortes contraintes économiques et logistiques sur les services d’élagage
municipaux et privés en plus de compromettre la capacité de la ville à sécuriser ses espaces
publics.
Dans le cas d’Oakville, une approche d’abattage préventive a été adoptée afin de prendre en
charge les 40 000 frênes situés dans les zones boisées de la ville (Oakville, 2013). Ces zones
correspondent à des milieux forestiers situés en bordure de cours d’eau, à des boisés urbains et à
des grands espaces verts. Le traitement de ces frênes à l’insecticide n’a pas été considéré en
raison de leur trop grande quantité et de la moindre valeur individuelle de ceux-ci par rapport aux
frênes de rues. Ainsi, la ville a évalué qu’il n’était pas opérationnellement faisable d’attendre que
les frênes succombent aux attaques de l’agrile avant de débuter la récolte. Ce plan d’abattage
préventif vise donc à éviter que les capacités d’abattage de la ville et du secteur privé soient
55
dépassées dans l’éventualité ou un trop grand nombre de frênes dépérissants et dangereux seraient
à récolter durant la même année. Oakville évalue que la récolte des 40 000 frênes situés dans les
quelques 281 terrains boisés de la ville s’étendra sur une période approximative de 10 années
(Oakville, 2013).
2.5.2 Gestion des boisés urbains
Pour une municipalité, la planification de l’abattage des frênes de rue et ceux situés dans les petits
parcs récréatifs (légèrement boisés) est très importante étant donné la proximité de ceux-ci avec
les citoyens. Toutefois, la planification de l’abattage des frênes situés dans les boisés urbains doit
également faire partie d’un plan de gestion pouvant se mettre en route suite à l’arrivée de l’agrile
du frêne. Avant toute chose, il faut vérifier si ces espaces verts possèdent déjà un plan de gestion
forestière. S’il est déjà doté d’un plan de gestion, il peut être utile de le réviser afin d’y inclure les
considérations relatives à l’agrile du frêne. Dans le cas où aucun plan de gestion forestière n’est
disponible pour ces milieux boisés, il est conseillé que la municipalité fasse affaire avec un
consultant forestier afin d’en établir un. De plus, il peut être utile de consulter ces spécialistes
forestiers afin de déterminer les meilleures options de valorisation et de commercialisation de ces
ressources. Évidemment, si les milieux boisés contiennent peu de frênes, aucune modification au
plan de gestion forestière n’est nécessaire pour s’adapter à l’insecte. En présence d’une bonne
abondance de frênes, les plans de gestion forestière devraient inclure des mesures pour limiter les
impacts reliés à l’agrile, des démarches à suivre pour contrôler les risques reliés au déclin des
frênes et un plan de remplacement des frênes perdus (MDNR, 2008).
Il est à noter qu’en 2012, la Ville de Montréal travaillait en collaboration avec l’Université de
Québec à Montréal au développement d’une stratégie d’intervention dans les parcs-nature, les
grands parcs et les boisés urbains. Le projet devrait être effectif en 2014 et pourrait servir
d’exemple pour les autres municipalités (DGPV, s.d.b.).
2.5.3 Annélation
L’annélation de frênes peut représenter une alternative intéressante au simple abattage des frênes
situés dans les boisés urbains ou encore pour ceux situés en bordure de rues et dans les parcs
récréatifs qui n’ont pas satisfaits les critères de sélection pour le traitement à l’insecticide. Au lieu
d’abattre de façon préventive, il est judicieux de prendre avantage de la perte de frênes en les
annelant. De cette façon, l’annélation de ces arbres prévus à l’abattage pourrait contribuer à
détecter la présence de l’agrile et à réduire la propagation radiale de celui-ci (Mercader et autres,
2011). Le fait d’anneler quelques frênes au printemps dans la zone où l’abattage est prévu à
56
l’automne ou à l’hiver suivant ne compliquerait pas beaucoup les opérations prévues au plan de
gestion. De plus, les arbres-pièges peuvent être utilisés pour d’attirer l’agrile à fréquenter une
zone où les frênes sont prévus au calendrier d’abattage. L’utilisation de cette méthode permet
d’abattre un minimum de frênes par année tout en ralentissant de façon optimale la progression
du ravageur. À long terme, si des outils d’éradication efficace de l’agrile émergent, l’utilisation
de l’annélation dans ces boisés urbains pourrait engendrer des économies d’argent en plus de
sauver une certaine quantité de frênes.
Avant de procéder à l’annélation de frênes dans des milieux forestiers, il est important de
considérer certains aspects afin d’optimiser l’utilisation de cet outil. D’abord, il est à noter que
tous les principes guidant l’annelage d’un arbre pour des fins de dépistage s’appliquent également
lorsque le but est de ralentir la progression de l’agrile (voir section 2.2.4). Toutefois, comme il est
possible que l’annélation s’opère en condition d’infestation confirmée, il faut considérer l’état de
stress des frênes autour de la zone ciblée pour les opérations d’annelage. En effet, l’efficacité des
arbres-pièges pouvant attirer l’insecte diminue si ceux-ci se trouvent dans une zone infestée par le
ravageur. Dans cette situation, les arbres infestés sont déjà stressés par la présence du ravageur et
émettent déjà des composés volatils perçus par l’agrile, ce qui dilue les signaux émis par l’arbre-
piège et diminue conséquemment sa capacité à attirer l’insecte (Mercader et autres, 2011). Ainsi,
il est conseillé de placer ces appâts dans des zones faiblement infestées ou en marge des zones
fortement infestées. Aussi, afin d’augmenter l’efficacité des arbres-pièges à attirer l’insecte, il est
conseillé d’établir des groupements de plusieurs frênes annelés plutôt que de les séparer
individuellement. Des groupements de trois ou quatre frênes annelés sont conseillés afin d’obtenir
un pouvoir attractif supérieur (SLAM, 2010). Finalement, il est important de rappeler qu’il est
essentiel que les arbres-pièges soient récoltés au plus tard au début du printemps suivant
l’annélation des individus afin d’assurer la pleine efficacité de cet outil.
Dans le cas où les frênes sont difficiles d’accès pour les opérations d’abattage, une autre
alternative d’utilisation d’arbres-pièges consiste à traiter ceux-ci avec l’insecticide systématique.
Cette approche créant des pièges attractifs mortels convient particulièrement pour les frênes que
l’on ne veut pas abattre la saison suivante tels que des frênes situés dans des milieux accidentés
ou inaccessibles pour les équipements d’abattage. Pour ce faire, il faut d’abord injecter
l’insecticide au frêne sélectionné avant la fin du mois de mai et ensuite l’anneler trois semaines
plus tard. L’arbre-piège n’a donc pas besoin d’être récolté avant l’été suivant, cependant, l’arbre
doit être situé à un endroit ne posant aucun risque pour la population (SLAM, 2010). La
combinaison de ces deux outils (annélation et insecticide) permet d’attirer l’agrile à consommer
57
le feuillage d’un frêne qui rendra les adultes stériles et empêchera les œufs pondus dans celui-ci
de donner suite à une nouvelle génération du ravageur.
Même si l’efficacité de l’annélation à attirer le ravageur est reconnue, cette approche est encore
expérimentale à bien des niveaux, il est donc conseillé d’établir des partenariats avec des centres
de recherche afin de raffiner l’utilisation de cet outil.
2.5.4 Disposition des frênes contaminés et réglementation
Lorsqu’un frêne est abattu, il est essentiel que les résidus de celui-ci soient neutralisés et gérés
avec soin, car ces résidus sont les meilleurs vecteurs anthropiques de déplacement de l’agrile (ex :
bois de chauffage). Afin d’éviter toute propagation indésirable du ravageur lors des opérations
d’élagage et d’abattage, il faut tout d’abord s’assurer de ne pas réaliser ces tâches durant la
période active de l’agrile, soit entre le mois d’avril et septembre. Chaque municipalité aux prises
avec l’agrile doit impérativement limiter les travaux d’élagage et d’abattage des frênes au
minimum, soit uniquement pour les arbres dangereux, les projets de construction et l’élagage
cyclique (dégagement des lignes à haute-tension). Une municipalité peut facilement contrôler ses
opérations internes d’élagage et d’abattage, toutefois, pour mieux contrôler les activités du
secteur privé, des réglementations peuvent être mises en place. Par exemple, un règlement
limitant les opérations d’abattage et d’entretien des frênes durant la période active du ravageur
constitue un bon outil (DGPV, s.d.b.). De plus, si la municipalité n’exige pas encore qu’un permis
d’abattage soit obligatoire avant d’éliminer un arbre, il pourrait être judicieux de mettre cette
structure en place. Cette dernière mesure est un excellent outil afin de contrôler les activités
d’élagage et d’abattage de frênes se déroulant sur les terrains privés.
Cependant, puisqu’il faut tout de même abattre des frênes durant la période active de l’agrile, il
est important de mettre en place une structure de gestion permettant de gérer les résidus de frênes
produits autant par le secteur privé que public. Dans un premier temps, il faut s’assurer de limiter
autant que possible le déplacement des résidus de frênes et chercher à neutraliser ceux-ci
directement sur le site des travaux. La méthode priorisée pour neutraliser les résidus consiste à
déchiqueter le bois. Par exemple, la Ville de Montréal exige que les branches soient déchiquetées
directement sur place et pour ce qui est des billes ou des grandes branches de plus 20 cm de
diamètre, la ville demande qu’elles soient acheminées à un site de dépôt temporaire identifié dans
chaque arrondissement (DGPV, s.d.b.). Puis, ces résidus de grande taille sont neutralisés par des
équipements de déchiquetage plus puissants gérés par la ville. Ce site de dépôt temporaire doit
58
idéalement avoir une position centrale au sein de la communauté et ne pas se trouver à proximité
de ressources en frêne.
Pour la disposition des résidus en dehors de la période active de l’insecte, il est important de
centraliser ceux-ci à un seul endroit afin d’éviter une disposition inadéquate. À ce sujet, la Ville
de Montréal propose à ses citoyens d’accueillir sans frais les billes et les branches de frênes trop
grandes pour être déchiquetées sur place au Complexe environnemental Saint‐Michel. Ainsi, en
2012, ce complexe a accueilli 150 tonnes de bois de frêne qui ont été neutralisées avant le début
de la prochaine période active de l’agrile du frêne. Afin d’assurer qu’aucune autre essence de bois
mise à part celle du frêne soit accueillie gratuitement au complexe, ce dernier exige un certificat
d’autorisation qui est remis par la ville en même temps que le permis d’abattage. De surcroît, la
Ville de Montréal propose à ses citoyens une collecte spéciale afin de séparer les branches
d’arbres laissées à la rue par les citoyens de la collecte des ordures ménagères et des résidus verts
(DGPV, s.d.b.). Bien que cette collecte ne fasse pas de distinction entre les branches de frêne et
les branches d’autres espèces d’arbres, elle assure quand même que les résidus à risque potentiel
soient acheminés au bon endroit.
Tous les moyens proposés ci-dessus consistent à limiter la dispersion de résidus de frênes
contaminés et par le fait même à éliminer toutes dispersions inutiles du ravageur. À cet effet,
toute initiative visant à mieux contrôler les activités d’abattage, d’élagage et de déplacement des
résidus de frêne sont à considérer.
2.5.5 Plan de remplacement des frênes abattus
Puisque des frênes vont inévitablement devoir être abattus, les municipalités affectées par l’agrile
du frêne doivent penser à un plan de remplacement de ces arbres défunts. Pour établir les bases
d’un tel plan, il est important de considérer les différentes proportions des espèces, des genres et
des familles d’arbres présentes sur le territoire. Idéalement, des proportions de 10 % d’espèces, de
20 % de genres et de 30 % de familles d’arbres différents devraient être retrouvées sur un
territoire urbain (Cornell University, 2010). Autant que possible, un plan de remplacement devrait
veiller à respecter ces proportions afin de limiter les dégâts que pourraient causer d’autres
ravageurs ou maladies menaçant l’intégrité des arbres de la municipalité. Cependant, il ne suffit
pas d’équilibrer les proportions des différentes espèces d’arbres retrouvées, il faut aussi prendre le
soin de les répartir également sur le territoire. Plus spécifiquement, il faut éviter de planter une
seule espèce d’arbres le long d’une rue ou encore de retrouver le même genre d’arbres dans un
secteur de la municipalité. Évidemment, pour identifier les espèces d’arbres à prioriser et localiser
59
ceux-ci sur le territoire, il faut avoir en main un inventaire des ressources arborescentes de la
municipalité.
Un plan de gestion de l’agrile du frêne devrait prévoir le remplacement des frênes abattus et
inclure cette activité dans les considérations budgétaires de la stratégie. Un remplacement rapide
des frênes suite à leur abattage est nécessaire afin de maintenir la couverture arborée de la ville et
les services écologiques qu’elle procure. Par exemple, dans le cadre du « Plan d’action canopée
2012-2021 », la Ville de Montréal vise à augmenter son indice canopée (couverture végétative
déterminée par photographie aérienne) de 20 % à 25 % (DGPV, s.d.a.). La métropole a donc tout
intérêt à se doter d’une stratégie de remplacement rapide des frênes perdus afin de respecter ses
objectifs internes. Bien que le remplacement des frênes puisse représenter un fardeau
administratif supplémentaire pour une municipalité, il existe de nombreuses façons économiques
de réaliser ces opérations essentielles. Des subventions peuvent être obtenues pour acheter des
arbres et pour ce qui est de la main d’œuvre, plusieurs alternatives existent. En effet, une bonne
façon d’économiser sur la main d’œuvre et de sensibiliser la population en même temps est de
faire appel aux bénévoles, voici quelques exemples de sources de bénévolat :
Maison des jeunes
Milieux scolaires
Participation citoyenne
Travaux communautaires
Association à but non lucratif (environnement, biodiversité…)
Travaux compensatoires (réinsertion sociale par le biais du YMCA)
Enfin, il faut voir le remplacement des frênes comme une opportunité d’impliquer la population
afin de construire collectivement un milieu urbain plus diversifié et plus résilient face aux
prochaines attaques de ravageurs ou de maladies menaçant la végétation.
2.6 Sensibilisation et communication
Même si la municipalité possède un excellent plan de gestion de l’agrile du frêne, si la population
n’approuve pas celui-ci ou affiche une certaine indifférence, les retombées positives ne seront pas
aussi importantes. Il est donc essentiel que le plan de gestion soit accompagné d’une solide
stratégie de communication permettant de rejoindre l’ensemble de la population.
60
Cette section survole les efforts de communication interne et externe à déployer pour assurer le
succès d’une stratégie de gestion de l’agrile du frêne et présente des initiatives d’implication de la
population à promouvoir.
2.6.1 Communication interne et réglementation
En préparation à l’arrivée de l’agrile du frêne sur un territoire municipal, il est primordial qu’une
bonne communication de l’information soit faite auprès des dirigeants. Cette communication peut
prendre la forme de rapports internes sur l’état de la progression de l’insecte et de conseils sur des
avenues de gestion à considérer pour la municipalité. Beaucoup de renseignements peuvent être
obtenus directement auprès de l’Agence canadienne d’inspection des aliments (ACIA) afin
d’alimenter ces rapports. De plus, l’expérience d’autres municipalités aux prises avec l’agrile
depuis maintenant plusieurs années peut également contribuer à soutenir ces communiqués
internes. Par exemple, dès le début de l’infestation en 2002, la Ville de Toronto a produit des
rapports annuels à l’intention des dirigeants afin de préparer les autorités compétentes à l’arrivée
de ce ravageur. Le premier rapport sur l’état de la situation contenait notamment de l’information
sur les actions entreprises par l’ACIA, le cycle de vie du ravageur, les impacts économiques
potentiels liés au ravageur ainsi que des recommandations sur des stratégies de communication et
sur la localisation de sites potentiels d’élimination du bois de frêne contaminé (Ville de Toronto,
2003).
Au travers de ces démarches de communication interne, il est important de chercher à stimuler
l’implication des dirigeants de la municipalité envers une stratégie de gestion de l’agrile. Pour ce
faire, l’élaboration de nouveaux règlements permettant de faciliter la gestion du ravageur
constitue une excellente étape préparatrice à son arrivée. Voici quelques exemples d’aspects de la
gestion de l’insecte à réglementer :
Autorisation d’inspection des frênes situés sur des propriétés privées
Autorisation d’abattage de frênes privés (RNCan, 2009)
Interdiction d’élaguer ou d’abattre durant la période active du ravageur afin de mieux
gérer les résidus de frêne (voir la section 2.5.4)
Sanction en cas de mauvaise gestion des résidus de frênes (DGPV, s.d.b.).
Permis d’abattage obligatoire
Le fait d’encadrer de façon réglementaire les activités de gestion de l’agrile du frêne avant son
infestation permet d’économiser du temps et d’améliorer les retombées positives d’un plan de
gestion.
61
2.6.2 Communication externe
Le support de la part de la population est essentiel au succès de l’application de toute stratégie de
gestion de l’agrile du frêne. Il est donc important que la population soit bien informée de la
stratégie de gestion adoptée par la municipalité et que les rôles que les citoyens ont à jouer soient
clairement identifiés. Pour ce faire, un plan de communication doit avoir des objectifs précis, des
messages clés à transmettre, des outils de diffusion efficaces et permettre d’informer les citoyens
de l’évolution des mesures prises. Une stratégie de communication devrait également avoir la
flexibilité nécessaire pour répondre aux besoins et aux demandes d’informations individuelles des
citoyens. De plus, il ne suffit pas de bien communiquer l’information, il faut aussi chercher des
moyens créatifs d’impliquer la population à participer au plan de gestion de l’agrile. Somme
toute, il faut que la municipalité démontre de la transparence et de l’honnêteté dans ses
communications (RNCan, 2009).
En dehors de la communication avec les citoyens, il faut aussi assurer la sensibilisation d’autres
intervenants clés tels que les propriétaires de lots à bois, les entreprises privées pertinentes et le
milieu associatif. Les propriétaires de lots à bois doivent impérativement être rejoints, car la
majorité des frênes se trouvent en milieux forestiers. Ainsi, la collaboration de ces intervenants
est très importante afin d’éviter que les populations du ravageur croissent dans ces milieux
souvent situés en marge des villes. Même si les options de gestion sont plus limitées, il faut
inviter ces propriétaires à réviser leur plan de gestion forestière pour éviter qu’ils subissent des
pertes économiques au profit de l’agrile. Puis, les entreprises privées constituent un autre
intervenant incontournable à cibler dans un plan de communication. Les entreprises privées à
considérer sont les entreprises d’arboriculture (pépinière, horticulteur) et d’élagage ainsi que les
établissements représentant des milieux à risques pour la propagation de l’insecte (terrains de
camping, scieries, distributeurs de bois de chauffage). Un bon moyen de rejoindre ces
intervenants est d’offrir des formations gratuites sur les techniques de dépistage de ravageur et de
leur expliquer de quelle façon ils peuvent contribuer au plan de gestion de l’agrile. C’est
d’ailleurs ce que la Ville de Montréal a fait auprès de 32 employés d’entreprises d’élagage et
d’arboriculture en plus d’offrir la formation à tous les employés pertinents de la ville (DGPV,
s.d.b.). Enfin, le plan de communication devrait considérer le milieu associatif représenté par des
associations de propriétaires, des associations de quartiers ou toutes autres associations
environnementales ou sociales pertinentes. Ces associations peuvent devenir d’excellents alliés et
de très bonnes sources de main-d’œuvre bénévole pour l’application de certains volets du plan de
62
gestion de l’insecte. Le tableau 2.7 suggère plusieurs sujets de sensibilisation et différents médias
pour diffuser l’information.
Tableau 2.7 Sujets de sensibilisation et médias de diffusion de l’information (inspiré de :
DGPV, s.d.b., Oakville, 2013 et RNCan, 2009)
Sujets de sensibilisation Média de diffusion de
l’information Intervenants
1. Actions posées par la ville pour
gérer l’agrile du frêne 2. Disposition des résidus de
frêne
3. Déplacement de bois de chauffage
4. Période d’élagage limitée pour
le frêne 5. Collecte de branches par la
ville
6. Nouvelle réglementation en
vigueur permettant de contrôler la problématique
7. Informations générales sur
l’insecte 8. Informations afin de
reconnaître les frênes
9. Info sur comment dépister un frêne affecté par l’agrile
10. Informations sur les
alternatives de traitement des
frênes au TreeAzin®
11. Informations sur les essences à
considérer pour remplacer un
frêne 12. Considération à ajouter à un
plan de gestion forestière
13. Valorisation du bois de frêne
1. Multimédia (Télévision, radio,
journaux) 2. Site internet
3. Capsule vidéo disponible sur
internet 4. Réseaux sociaux Facebook et
Twitter (voir section 2.6.5)
5. Affichage sur les abris d’autobus et dans les autobus
6. Dépliant envoyé par la poste et
disponible dans des lieux publics
7. Fiche d’information délivrée en même temps que les factures
municipales
8. Comité de bénévoles (voir sections 2.6.3 et 2.6.4)
9. Table de concertation
10. Séance d’information publique 11. Séances de formation
(professionnels et forestiers)
12. Application pour téléphone
intelligent 13. Numéro d’assistance information
sans frais
14. Matériel promotionnel (T-shirt, cartes d’affaires, affiches,
brochures)
15. Sensibilisation dans les écoles
1. Citoyens
2. Propriétaires de forêt privée
3. Entreprises
privées 4. Milieu
associatif
2.6.3 Dépisteur bénévole de première ligne
Parmi les activités importantes d’un plan de gestion de l’agrile, l’identification de frênes et le
dépistage de la présence du ravageur tiennent un rôle central. Or, ces activités peuvent facilement
être réalisées en partie par des bénévoles. En effet, la détection visuelle des signes et symptômes
d’un frêne infesté ne demande pas d’outils spécialisés comme ceux utilisés par les municipalités
(pièges attractifs, collectes de branches, annélation), il faut seulement disposer de certaines
connaissances. C’est basé sur ce fait que le programme « Forest Pest First Detectors » (FPFD) a
63
été mis sur pieds dans l’état du Vermont aux États-Unis. Le but de cette initiative multi-
gouvernementale est de créer des groupes de bénévoles formés pour chaque communauté afin de :
Former des experts locaux en détection de l’agrile du frêne.
Sensibiliser la population sur les menaces liées aux pestes forestières.
Aider à coordonner des activités de bénévoles locaux.
Assister leur municipalité à se préparer et à répondre aux menaces posées par les
ravageurs forestiers (Vermont Invasives, s.d.a).
Essentiellement, n’importe quel citoyen voulant devenir un dépisteur de ravageur forestier de
première ligne (Forest Pest First Detectors) n’a qu’à contacter les gestionnaires du programme et
suivre une formation en ligne et en personne. Le dépisteur bénévole se voit ensuite remettre une
trousse d’équipement de détection (manuel de détection, jumelle, kit d’échantillonnage, guide
d’identification en DVD, montage d’échantillon d’agrile du frêne et une certaine quantité de
matériel de sensibilisation). Comme illustré à l’annexe 2, approximativement la moitié des
municipalités de l’état ont déjà trouvé un ou plusieurs dépisteurs de première ligne, ce qui
témoigne du succès de cette initiative (Vermont Invasives, s.d.a).
2.6.4 Association de voisins
Une autre excellente initiative permettant d’impliquer la population est proposée par l’Université
de Purdue dans l’état d’Indiana aux États-Unis. Cette initiative nommée « Neighbors Against Bad
Bugs » (NABB) vise à encourager la formation d’associations locales de voisins afin de
conscientiser la population à la présence de frênes dans leur environnement immédiat. La plupart
des gens ne savent pas à quoi ressemble un frêne et n’ont par conséquent aucune idée de ce que
leur quartier ou leur municipalité a à perdre suite à l’arrivée du ravageur (Purdue University,
2009).
Une fois qu’une association de propriétaires voisins (NABB) est créée, celle-ci contacte un
représentant du programme NABB de l’Université de Purdue afin que le groupe de bénévoles
reçoive une courte formation sur l’identification de frênes. Puis, la première activité consiste à
identifier tous les frênes présents (publics et privés) dans le quartier au moyen d’étiquettes
apposées aux frênes. Le groupe de bénévoles peut utiliser des étiquettes fournies par le
programme sur lesquelles on retrouve un avertissement comme quoi le frêne identifié est à risque
et des coordonnées internet pour avoir plus d’informations sur les meilleures options de gestion
de l’agrile (voir le modèle d’étiquette en annexe 3).
64
Après cette activité d’identification, l’association de voisins possède une estimation de la quantité
de frênes présents dans le quartier et peut ensuite négocier des ententes avec des entrepreneurs
certifiés afin de réduire le coût de traitement à l’insecticide ou encore les coûts d’abattage et de
remplacement. Globalement, le programme NABB permet de responsabiliser les citoyens par
rapport aux décisions qu’ils auront à prendre pour gérer leurs frênes tout en sensibilisant la
population en général par le biais des étiquettes posées sur les frênes (Purdue University, 2009).
2.6.5 Réseaux sociaux
Les réseaux sociaux comme « Facebook » et « Twitter » sont d’excellents moyens pour diffuser
de l’information et pour organiser des événements de toutes sortes. En plus d’être gratuits, ces
outils rejoignent une clientèle toujours croissante et différente de celle rejointe par les outils de
communication conventionnels. Il faut cependant que le département des communications de la
ville entretienne ces pages web en y diffusant de l’information de façon régulière et en y
soulignant les bons coups. Oakville a notamment utilisé ces réseaux afin de créer en 2011, le
« Oakville Canopy Club » qui a pour objectif d’encourager la population à sauver les arbres de la
ville. L’idée est simple, pour devenir membre du Canopy Club, il suffit d’aller « aimer » la page
Facebook ou suivre le club sur Twitter. Le but de cette initiative est d’accroître l’engagement
social envers la protection des frênes et des arbres urbains en général (Oakville, 2013).
Depuis la mise en place du Canopy Club par le biais des réseaux sociaux, c’est plus de 174
« j’aime » qui ont été collectés sur Facebook et 260 suivis sur Twitter. Au total, incluant les
membres qui sont inscrits à la liste d’envoi de courriels, le club comptait 657 membres en date du
22 mai 2013 (Oakville, 2013).
2.7 Approche de gestion intégrée de l’agrile du frêne
Les sections 2.3 à 2.5 se sont attardées à décrire une approche de gestion de l’agrile du frêne
conventionnelle visant à faire un compromis entre le traitement d’une proportion de frênes et
l’abattage de la portion restante. Toutefois, la présente section décrit une autre alternative de
gestion intégrée nommée « SLow Ash Mortality » (SLAM) visant à ralentir la progression du
ravageur pour sauver le plus de frênes possible. Ainsi, une description détaillée du SLAM sera
faite, puis un exemple d’application en milieu urbain et à l’échelle régionale de cette approche
sera présenté.
65
2.7.1 Approche Slow Ash Mortality (SLAM)
Selon l’agence « Animal and Plant Health Inspection Service » des États-Unis, qui est
l’équivalent de l’ACIA au Canada, le programme de gestion de l’agrile est passé d’un programme
d’éradication à un programme de contrôle de gestion intégrée. Actuellement, les outils
technologiques pour éradiquer l’agrile ne sont pas suffisamment performants et économiquement
accessibles pour être appliqués à grande échelle. Alors, l’approche préconisée en attendant de
trouver un moyen d’éradication efficace et rentable est de ralentir le plus possible la propagation
de l’insecte (USDA, 2013). C’est dans cette perspective que la stratégie de gestion intégrée de
l’agrile du frêne « Slow Ash Mortality » (SLAM) a été mise au point dans l’état du Michigan aux
États-Unis. L’objectif de cette initiative est d’intercepter l’agrile du frêne le plus tôt possible,
alors que les colonies sont moins abondantes, afin de mettre en place une suite d’actions
préventives qui aura pour effet de modérer l’expansion du ravageur et ainsi la mortalité des
frênes. Le SLAM est le fruit d’une collaboration exceptionnelle entre plusieurs paliers
gouvernementaux ainsi que le secteur associatif et universitaire. En effet, dans un contexte
d’urgence, des ministères fédéraux responsables des forêts et de l’inspection de la santé des
animaux et des plantes ont collaboré avec les ministères de l’état du Michigan responsables de
l’agriculture et des ressources naturelles pour élaborer et appliquer cette stratégie (SLAM, 2009).
L’approche SLAM vise à utiliser une combinaison d’outils à la fine pointe de la technologie et de
connaissances scientifiques. Toutefois, afin d’appliquer efficacement cette stratégie et de
maximiser les efforts, certains principes doivent être appliqués. Dans un premier temps, le succès
de cette stratégie s’appuie sur une détection précoce de la présence de l’agrile du frêne, car c’est
dans cette situation que l’application de celle-ci aura la meilleure portée. En d’autres mots, si le
ravageur est implanté dans un secteur depuis un certain temps et que sa population est
considérable, la stratégie SLAM connaîtra un moindre succès. Il est donc primordial d’avoir un
programme de dépistage suffisamment performant pour détecter les plus petits foyers
d’infestation du ravageur (SLAM, 2010).
Pour dépister la présence de l’agrile du frêne efficacement, plusieurs outils détaillés à la section
2.2 peuvent être utilisés. Puis, lorsqu’une zone d’infestation a été identifiée, un effort de dépistage
rapide doit être réalisé afin de délimiter l’ampleur de la zone d’infestation, soit la zone sur
laquelle les différents outils de gestion et de suppression de l’envahisseur seront utilisés. Il est
généralement suggéré de quadriller la zone d’étude en plusieurs sections et d’utiliser des outils de
détection simples, tels que la détection visuelle, les pièges et la collecte de branches pour
l’écorçage. Enfin, suite à cette délimitation initiale de la zone d’intervention, un dépistage plus fin
66
doit être mis en place dans cette zone et en périphérie de celle-ci. L’objectif de cette dernière
activité de dépistage est de s’assurer de l’efficacité des mesures de contrôle entreprises et de
détecter tout débordement du ravageur en dehors de la zone d’intervention (SLAM, 2010).
La détection précoce du ravageur est très importante pour que l’approche SLAM soit pleinement
efficace. Cependant, un autre élément est également essentiel au succès de cette stratégie, soit
celui d’avoir une bonne connaissance des ressources de frênes présentes sur le territoire concerné.
Sans aller jusqu’à connaître tous les arbres de la zone d’étude individuellement, une estimation
avec un degré de certitude raisonnable de l’abondance, de la distribution et de la taille des
populations de frênes est très utile pour l’application du SLAM. Ces informations permettent
d’estimer les quantités de nourriture disponible pour l’agrile du frêne et de mieux orienter les
prochaines actions à entreprendre au sein de cette stratégie. De plus, une bonne connaissance des
frênes sur le territoire combinée à une bonne évaluation des populations du ravageur par
dépistage procurent des informations essentielles pour modéliser la croissance et la progression
de l’infestation. Ces modèles permettent ensuite d’évaluer l’efficacité de l’application de
certaines mesures de gestion ou de suppression de l’agrile comme l’application d’insecticide ou
encore l’annélation (voir section 2.4 et 2.5.3 respectivement) de frênes comparativement à un
scénario de référence sans mesure de contrôle (SLAM, 2010).
Après avoir bien délimité les zones d’infestation, plusieurs outils de gestion peuvent être
appliqués afin de ralentir la propagation de l’agrile du frêne. Voici les principaux outils de gestion
ou de suppression mis de l’avant dans l’approche SLAM:
Application d’insecticide tuant les adultes et les larves d’agrile du frêne
Collecte d’arbres infestés avant que les adultes puissent émerger après l’hiver
Collecte commerciale des ressources en frêne afin de réduire la source de nourriture du
ravageur
Utilisation de frênes annelés afin d’attirer l’agrile à y déposer ses œufs, puis collecter ces
arbres avant que la prochaine génération du ravageur ne puisse émerger (SLAM, 2010).
Toutefois, l’application de la stratégie SLAM et de ses nombreux outils est différente en fonction
du milieu concerné, celle-ci ne sera pas la même en milieu forestier ou en milieu urbain. En zone
forestière, l’abattage préventif et l’annélation seront davantage utilisés afin de réduire les
populations d’agrile. En contrepartie, en raison de la valeur esthétique, économique et
environnementale (dépollution) plus élevée des frênes en milieu urbain, les approches
destructives comme l’annélation sont moins conseillées. Le traitement des frênes avec un
67
insecticide combiné à un abattage stratégique et sélectif sera davantage priorisé dans ce dernier
milieu (SLAM, 2010).
Finalement, tel que mentionné ci-dessus, il est important de comprendre que l’approche SLAM
ne permet pas d’éradiquer et d’éliminer complètement l’agrile. Cependant, en ralentissant la
croissance des populations de cet insecte, l’application de cette stratégie permet de concéder plus
de temps aux dirigeants des territoires affectés pour se préparer adéquatement à faire face à cet
envahisseur. Globalement, cette stratégie permet également d’offrir plus de temps pour avancer
les recherches et développer des outils plus performants de lutte contre l’agrile du frêne (SLAM,
2009). Voici d’autres bénéfices que cette approche permet de récolter :
Limiter les pertes économiques et permettre à des propriétaires de forêts privées de
garder leurs frênes plus longtemps avant de les récolter;
Garder l’intégrité des frênes le plus longtemps possible, ce qui permet à la communauté
et aux propriétaires de jouir des biens et services écologiques liés à ces arbres plus
longtemps
Retarder les besoins d’utilisation de produits chimiques pour le traitement des frênes de
haute valeur dans les municipalités
Retarder le moment où les frênes seront décimés par la forte présence de l’agrile et
deviendront par le fait même dangereux (branches tombantes)
Permettre de supporter les industries dépendantes du frêne en leur fournissant un
approvisionnement constant de matière, ce qui permet également d’éviter de surcharger
indûment la capacité de marché (New York State Department of Environmental
Conservation (NYSDEC), 2011).
2.7.2 Application du SLAM en milieu urbain
Comme mentionné dans la section 2.7.1, l’application de l’approche SLAM est différente en
milieu urbain et en milieu forestier en raison de la valeur économique et esthétique des arbres
urbains. Ainsi, l’outil de suppression de l’agrile du frêne priorisé est l’application d’un insecticide
systémique combiné à un abattage stratégique des frênes trop infestés ou endommagés pour être
traités. Une étude de McCullough et Mercader a démontré qu’en traitant 20 % de tous les frênes
urbains annuellement, 99 % de ceux-ci seraient encore vivants après 10 années. De plus, cette
même étude a démontré qu’en appliquant cette stratégie de traitement, les frais d’opération étaient
significativement inférieurs en comparaison à une approche visant à abattre les frênes infestés
(McCullough et Mercader, 2012). Selon l’outil de calcul des coûts de la gestion du ravageur
68
décrit à la section 2.3.2, sur une période de 25 ans, les coûts du traitement de 20 % des frênes
annuellement tel que proposé ci-dessus sont équivalents aux coûts de l’abattage et du
remplacement de tous les frênes d’un territoire donné (Purdue University, 2008).
Concrètement, pour appliquer le SLAM en milieu urbain, il faut d’abord arriver à détecter
l’insecte au plus tard quatre ans après le début de l’infestation, soit au moment où les signes et
symptômes commencent à apparaître. Puis, à partir du centre du foyer d’infestation, il s’agit de
traiter 20 % de tous les frênes retrouvés dans une zone d’intervention équivalente à deux blocs
résidentiels (environ 340 par 640 mètres) la première année après la découverte du foyer, puis un
autre 20 % de tous les frênes durant la deuxième année et ainsi de suite jusqu’à la cinquième
année où 100 % des frênes de la zone auront été traités. L’étude de McCullough et Mercader a
également montré que sur une période de 10 années, le fait de cibler le traitement des frênes
spécifiquement à proximité du foyer d’infestation où le ravageur a été détecté apportait autant
sinon moins de bénéfices que de traiter aléatoirement les frênes dans la zone d’intervention (340
par 640 mètres). Ce qui signifie que du point de vue d’un gestionnaire des forêts urbaines,
l’application aléatoire d’insecticide annuellement à raison de 20 % de tous les frênes se trouvant
dans un rayon variant de 340 à 640 mètres à partir d’un foyer d’infestation conviendrait
parfaitement pour obtenir des résultats optimaux. Toutefois, il est conseillé de cibler les frênes de
grande valeur pour les injections d’insecticide de la première année. La raison pour laquelle cette
approche montre de si bons résultats réside dans le fait que presque 100 % des ravageurs s’étant
nourris minimalement des feuilles d’un frêne traité ne pourront pas engendrer de nouvelles
générations viables (McCullough et Mercader, 2012). Ainsi, même si 100 % des frênes ne sont
pas traités immédiatement après la détection de l’insecte, l’effet de réduction des populations
demeure important.
Il est à noter que malgré les avantages économiques liés à l’approche suggérée dans cette étude,
la simulation n’a pas pris en compte les biens et services écologiques que procurent ces arbres.
L’étude ne prend donc pas en compte le maintien et les pertes des services écologiques engendrés
par ces deux approches (traitement vs abattage systématique). Rappelons que les arbres
contribuent à la diminution des eaux de ruissellement, à rafraîchir les maisons en été et à
l’augmentation de la valeur économique des propriétés. Par ailleurs, l’abattage de 3 000 frênes
publics dans une ville de l’état du Michigan a mené à des augmentations de 33 % de la
consommation d’eau pour des usages extérieurs, ce qui a forcé les autorités de la ville à
augmenter les taxes sur l’eau de 10 %. Il est évident que si la valeur des services écologiques était
incluse dans l’évaluation économique des approches de gestion de l’agrile, l’approche d’abattage
69
serait encore plus à discréditer. Finalement, pour la gestion d’un budget municipal, l’approche de
traitement des frênes permet de régulariser les dépenses au lieu d’engendrer des dépenses
intensives sur une période de plusieurs années, tel qu’illustré par la figure 2.3 (McCullough et
Mercader, 2012).
Figure 2.3 Comparaison économique de différentes approches de gestion des frênes en
milieu urbain sur un horizon de 10 ans en fonction de l’âge du foyer d’infestation (tiré de :
McCullough et Mercader, 2012, p.17)
La Ville de Montréal est la première ville canadienne à avoir appliqué une approche SLAM dans
le but de ralentir la progression du ravageur. Au lieu de choisir l’approche conventionnelle
consistant à faire un compromis entre les frênes à traiter et les arbres à abattre (section 2.4.2), la
ville a adopté une approche de gestion par foyer d’infestation. La stratégie priorisée par la
métropole consiste à établir un périmètre d’opération variant entre 200 et 500 mètres de rayon
autour de chaque nouveau foyer d’infestation détecté dans lequel tous les arbres publics sont
systématiquement traités à l’insecticide. Le rayon de la zone d’intervention est déterminé en
fonction de l’ampleur de l’infestation et de la densité de frênes retrouvée autour du frêne positif.
Plus l’infestation est jugée importante et la densité de frênes environnante est faible, plus la zone
d’intervention sera grande. En 2011 et 2012, ce sont respectivement six et sept foyers
d’infestation détectés qui ont été gérés avec cette approche pour un total de 1102 frênes de rue
70
traités (DGPV, s.d.b.). Idéalement, pour garantir un meilleur succès, les frênes situés sur des
propriétés privées devraient également être traités (Daniel, 2014). Toutefois, selon l’étude de
McCullough et Mercader décrite ci-dessus, le traitement de seulement 20 % des frênes
annuellement dans un rayon de 340 à 640 mètres procure une protection optimale des individus
(McCullough et Mercader, 2012). Dans le cadre de la stratégie de la Ville de Montréal, ce sont
100 % des frênes publics qui ont été traités à l’intérieur de la zone d’intervention, ce qui peut
représenter de façon générale plus de 20 % des frênes traités dès la première année. Ainsi, la ville
dispose d’au moins une à deux années afin de sensibiliser les propriétaires concernés à traiter leur
frêne ou à songer à l’abattre.
2.7.3 Application SLAM à l’échelle régionale
En 2010, l’état de New York a décidé de mettre au point une stratégie de gestion de l’agrile du
frêne à l’échelle du territoire basée sur l’approche SLAM. Le but de cette stratégie élaborée par le
Service des terres et des forêts de l’état de New York est de maintenir en vie le plus de frênes
possible tout en confinant l’envahisseur dans les limites du territoire le plus longtemps qu’il est
faisable de le faire. Cet objectif ambitieux nécessite une détection rapide des nouveaux foyers
d’infestation ainsi qu’une réponse rapide suite à la détection de l’insecte. Pour ce faire, des efforts
de dépistage sont organisés à la grandeur de l’état, plus précisément au pourtour des zones
délimitées de la présence du ravageur, dans les zones de quarantaine désignées et près des zones à
haut risque (camping, bordure de boisé, lieux de vente de bois) situées dans les zones non
désignées en quarantaine. De plus, une emphase spéciale est mise sur le dépistage des zones
susceptibles de laisser l’envahisseur atteindre les états voisins (Vermont, Massachusetts,
Connecticut) ou la ville de New York (NYSDEC, 2011).
Il est à noter que ce plan d’action vise principalement les intervenants touchés directement par
l’agrile du frêne, soit les propriétaires de forêts privées, les industries dépendantes du frêne et les
municipalités afin de les préparer à détecter la menace et gérer les impacts économiques,
environnementaux et sociaux associés.
Ce plan d’action présente une approche basée sur trois critères d’évaluation d’une zone infestée
permettant d’orienter les actions à déployer pour faire face à ce ravageur. Ainsi, le premier critère
correspond à la détection initiale de l’agrile, il peut s’agir d’un seul insecte détecté par l’une des
méthodes de dépistage décrites à la section 2.2. Le deuxième critère s’appuie sur la relation
proportionnelle entre le nombre de frênes morts et la taille de la population satellite du ravageur.
Ce critère évalue donc la quantité de frênes tués par l’agrile du frêne, ce qui permet d’apprécier
71
indirectement l’âge de la population. Finalement, le troisième critère se base sur les informations
obtenues par les efforts de dépistage ayant permis de délimiter la zone d’infestation. Ce critère
mesure donc la taille du foyer d’infestation, soit la plus grande distance séparant la localisation
des endroits les plus éloignés où l’envahisseur a été détecté (NYSDEC, 2011). Le tableau 2.8
présente les trois critères détaillés précédemment en fonction de trois niveaux d’intensité
différents :
Tableau 2.8 Critères de caractérisation des zones infestées par l’ADF et les niveaux
d’importance associés (inspiré de : NYSDEC, 2011, p. 9-10)
Critère 1 – Détection
initiale
Critère 2 – Quantité de
frênes tués
Critère 3 – Taille du foyer
d’infestation
Niveau 1 Détection d’au moins un
agrile du frêne
0 frêne tué par l’ADF dans
la zone d’étude
Entre 0 et 150 mètres (0 à
500 pieds)
Niveau 2 N/A < 25 frênes tués par l’ADF
dans la zone d’étude
Entre 150 mètres et 10 km
(500 pieds à 6 miles)
Niveau 3 N/A > 25 frênes tués par l’ADF
dans la zone d’étude
> 10 km (6 miles)
N/A : Non applicable
Lorsqu’une zone infestée a été délimitée avec précision et que celle-ci a été classée selon les
niveaux d’importance du tableau 2.8, le plan d’action de l’état de New York prévoit
l’établissement de différentes zones d’intervention autour du foyer d’infestation. L’intensité des
mesures d’intervention au sein de ces zones varie afin d’apporter l’information, le support et
l’assistance nécessaires aux différents intervenants (propriétaire forestier, municipalité et
l’industrie). Cette approche de zonage du territoire permet d’organiser une réponse adaptée à
l’envergure de l’infestation. Ainsi, le plan d’action prévoit la mise en place de trois zones
différentes autour d’un foyer d’infestation délimité préalablement. Il s’agit d’une zone rouge,
orange et jaune (décrite ci-dessous) qui délimite les types d’intervention à entreprendre
(NYSDEC, 2011).
Tout d’abord, il est important de comprendre que ces zones de différentes couleurs vont épouser
la zone d’infestation délimitée initialement, il est donc important de connaître précisément ce
noyau et l’évolution temporelle de celui-ci. Pour ce faire, le périmètre du noyau devrait être
redéfini minimalement sur une base annuelle à l’aide d’un système d’acquisition d’informations
géographiques (SIG). S’il s’agit d’une infestation de niveau 1, les actions à entreprendre dans
72
cette zone correspondraient à des activités de dépistage plus intensives et à l’utilisation de frênes
annelés comme pièges pour l’agrile. Par contre, dans le cas d’une infestation de niveau 2 et 3, des
frênes sont déjà morts et certains lourdement infestés. Des mesures d’abattage de frênes infestés
et pouvant potentiellement constituer un danger pour la sécurité publique doivent être prises, car
ces ravageurs peuvent venir à bout d’un frêne en aussi peu qu’une à trois années. La figure 2.4
illustre bien l’établissement des zones d’intervention en fonction des différents niveaux
d’intensité décrits précédemment. D’autres figures présentées dans les annexes 4, 5 et 6 montrent
plus précisément l’établissement des zones d’intervention en fonction des trois niveaux
d’intensité d’infestation respectifs (1, 2 et 3).
Figure 2.4 Emplacement des foyers d’infestation et des zones d’intervention dans l’état de
New York (tirée de : NYSDEC, 2011, p.30)
La première zone d’intervention de couleur rouge s’étend de 0 à 8 km (0 à 5 miles) autour du
noyau d’infestation délimité. Les frênes dans ce secteur sont considérés comme étant à haut
risque et puisqu’il est difficile de détecter des petites populations de ce ravageur, certains frênes
pourraient déjà être infestés dans cette zone. Des actions immédiates devraient être prises
(NYSDEC, 2011).
73
La deuxième zone d’intervention de couleur orange s’étend de 8 à 16 km (5 à 10 miles) autour
des limites du noyau d’infestation, soit en périphérie de la zone rouge. Cette zone se situe en
dehors de la portée de vol annuel de l’insecte et aucune présence du ravageur n’a encore été
détectée. Il est peu probable que des frênes soient déjà infestés par l’agrile et il est estimé que la
propagation naturelle de l’envahisseur n’atteindra pas cette zone avant 2 à 5 années. Toutefois,
ces frênes sont considérés comme étant à haut risque et des actions préventives et préparatrices
d’une invasion future doivent être mises en place (NYSDEC, 2011).
La troisième zone d’intervention de couleur jaune s’étend à plus de 16 km (10 miles) autour du
noyau d’infestation, elle s’étend jusqu’à ce qu’elle rencontre les limites d’une autre zone orange
issue d’un autre foyer d’infestation. Donc, cette zone couvre littéralement le reste du territoire de
l’état ne possédant pas un statut de zonage plus sévère et peut même s’étendre au-delà des
frontières de l’état. Étant donné la distance séparant le noyau d’infestation de cette zone, les
forêts et les communautés sont considérées à faible risque d’infestation. Il est estimé que les
communautés et les propriétaires forestiers situés dans cette zone disposent d’environ 5 à 10
années pour se préparer à une invasion potentielle (NYSDEC, 2011).
Une liste d’actions spécifiques pour les différents intervenants concernés est détaillée dans le plan
d’action de l’état de New York en fonction des zones d’intervention de couleur et du niveau
d’intensité du foyer d’infestation. Ainsi, trois approches liées à trois secteurs d’intervenants
distincts sont établies, soit une approche axée sur le secteur municipal, une autre s’attardant
davantage à la gestion des forêts en général et une autre s’adressant aux industries dépendantes
des ressources en frênes. Les annexes 7, 8 et 9 exposent sous forme de tableau les actions à
entreprendre pour les trois différents secteurs d’intervenants identifiés. Ce plan d’action
représente une excellente approche pour faire face à la problématique de l’agrile du frêne dans
son ensemble, soit d’un point de vue régional. Ainsi, l’outil de gestion régional décrit dans les
prochaines sections s’inspire de la méthodologie de gestion de cet état américain.
74
3. OUTIL QUÉBÉCOIS DE GESTION ET GOUVERNANCE
Depuis sa découverte en 2002, l’agrile du frêne s’est propagé vers le sud des États-Unis et vers le
nord du Canada en passant par Toronto, Ottawa et finalement par la région de Montréal. Ce
patron de propagation semble suggérer une attirance du ravageur à fréquenter les centres urbains
où la température y est favorable et où une source abondante de nourriture y est disponible. En
effet, en raison de l’artificialisation des territoires urbanisés au détriment des espaces verts, les
températures enregistrées dans ces milieux sont plus élevées que dans les milieux naturels
environnants (Lessard et Boulfroy, 2008). D’un autre côté, les frênes sont une essence abondante
dans les milieux urbains du Canada. Il est estimé qu’environ 6 % des arbres situés en bordure de
rues (10 premiers mètres) sont des frênes (SCF, s.d.). Pour certaines grandes villes comme
London, Oakville et Toronto, les frênes représentent environ 10 % des arbres du territoire, donc
pratiquement un arbre sur dix (Ville de Gatineau, 2012). De plus, les vecteurs de déplacement de
l’agrile du frêne entre les centres urbains sont nombreux, ce qui explique en partie la dispersion
du ravageur d’une ville à une autre. Cependant, c’est le déplacement du bois de chauffage qui
représente le plus grand vecteur de déplacement anthropique du ravageur (Godmaire et Galvez,
2013).
Lorsque l’agrile est bien implanté dans une ville ou une municipalité, ce sont ensuite les milieux
forestiers environnants qui sont menacés. En effet, que ce soit par la propagation naturelle de
l’insecte ou par des modes de dissémination anthropique, tôt ou tard, les frênes en milieux
naturels seront affectés par ce ravageur. Toutefois, des études ont démontré que les pertes
économiques engendrées par l’agrile du frêne sont significativement plus élevées pour les
gouvernements municipaux et les propriétaires de maison. Les pertes de ressources en frêne pour
les propriétaires de terre à bois représentent moins de 4 % des pertes économiques totales
engendrées par ce ravageur (Aukema et autres, 2011).
Pour ces raisons, le contexte de la gestion de l’agrile du frêne en milieu urbain sera abordé sous
plusieurs thèmes. Premièrement, les limites nordiques de la propagation du ravageur seront
décrites afin de comprendre la portée que cette problématique peut atteindre. Puis, un regard
critique sur la gouvernance des instances provinciales du Québec en matière de gestion des
espèces exotiques envahissantes en général et de l’agrile du frêne en particulier sera porté dans le
but d’y déceler des pistes d’amélioration. Finalement, un outil de gestion régional de l’agrile sera
présenté.
75
3.1 Limites de propagation de l’agrile
En raison des hivers rigoureux du Québec, il pourrait être raisonnable de penser que la
propagation de l’agrile serait éventuellement limitée par un obstacle climatique. Présentement, la
limite de propagation nordique de l’insecte n’est pas encore bien connue, c'est-à-dire la latitude à
partir de laquelle le climat devient trop rigoureux en hiver pour permettre la survie des larves de
l’agrile. Bien que les larves soient tolérantes au gel, un taux de mortalité est observé à partir
d’une certaine température hivernale critique. Selon Crosthwaite et collaborateurs, les larves
d’agrile du frêne résistent à des températures allant jusqu’à -30 °C grâce à leur capacité à
accumuler de fortes concentrations de glycérol et à synthétiser des agents antigels (glycoprotéine
et glycolipide) (Crosthwaite et autres, 2010). Toutefois, puisque les larves se trouvent sous
l’écorce des frênes, celles-ci bénéficient d’une certaine protection contre le froid extérieur. Ainsi,
il est difficile d’évaluer précisément à partir de quelle température extérieure les larves ne
peuvent survivre, car de nombreux facteurs peuvent influencer cette réalité. Notamment,
l’exposition du frêne par rapport au soleil, la localisation de celui-ci (milieu urbain, ouvert ou
forestier) et le diamètre à hauteur de poitrine des individus sont autant de facteurs qui affectent la
température ressentie sous l’écorce, soit dans la loge hivernale de la larve d’agrile (Vermunt et
autres, 2012). De plus, des facteurs génétiques propres à l’agrile du frêne peuvent faire varier la
résistance des larves au froid (taux de glycérol et de protéines antigel) (Crosthwaite et autres,
2010). Pour ces raisons, il est estimé que l’aire de répartition de ce ravageur dépendrait davantage
de la disponibilité des arbres-hôtes (frênes) que des températures hivernales d’une région (Sobek-
Swant et autres, 2011).
Cependant, dans le cas d’évènements climatiques extrêmes telle qu’une période de chaleur
hivernale de plusieurs journées suivie d’un épisode de froid intense pourrait désacclimater les
larves et causer une certaine mortalité (Sobek-Swant et autres, 2011). De surcroît, des périodes
prolongées de froid extrême comme celles qui ont frappé l’est du Canada et le nord-est des États-
Unis en janvier 2014 pourraient avoir causé la mortalité d’une certaine proportion de larves. Bien
que le froid puisse avoir contribué à diminuer la population d’adultes pour l’été 2014, il est
certain que l’agrile du frêne n’a pas été exterminé par cet évènement climatique (Mcauliffe,
2014).
Face au constat que la propagation du ravageur ne sera pas limitée par les hivers rigoureux du
Québec, le gouvernement provincial doit donc considérer tous les milieux naturels et urbains
comme étant menacés par l’agrile. Dans cette perspective, même les municipalités et les milieux
naturels de l’est de la province sont à risque. Comme illustrées à la figure 3.1, les régions du
76
Saguenay-Lac-Saint-Jean et du Bas-Saint-Laurent sont également concernées par la
problématique.
Figure 3.1 Carte de répartition du frêne noir en pourcentage au Québec (tiré de : Noreau,
2014)
3.2 Pour une meilleure gouvernance provinciale
La gestion des espèces exotiques envahissantes établies et la prévention des futures introductions
ne sont pas la responsabilité d’un seul ministère, elle implique de près ou de loin les compétences
de plusieurs ministères fédéraux. Reconnaissant cette responsabilité commune, le Gouvernement
du Canada a mis en place une stratégie nationale et un plan d’action afin de mieux coordonner et
unir les efforts de ces diverses organisations gouvernementales (voir les sections 1.2.1 et 1.2.2).
Ces documents officiels ont donné la structure dont le Canada avait besoin pour répondre
efficacement aux nombreuses menaces économiques, environnementales et sociales que
représentent les arrivées d’espèces exotiques envahissantes. Un des plus gros gains issus de cette
stratégie nationale est l’amélioration de la collaboration entre les différents ministères face à une
problématique complexe. Dans le cas de l’agrile du frêne, c’est l’Agence canadienne d’inspection
des aliments (ACIA) qui coordonne les efforts de détection et de sensibilisation des intervenants
et de la population. Cependant, cette agence a besoin de la collaboration de Ressources naturelles
Canada - Service canadien des forêts (RNCan-SCF) pour le volet scientifique. En effet, les efforts
de recherches déployés par RNCan-SCF afin de perfectionner les outils de dépistage et de lutte
contre l’agrile du frêne sont nécessaires pour appuyer et diriger les interventions de l’ACIA.
Pour assurer une meilleure gestion de l’agrile du frêne, la synergie observée entre plusieurs
ministères fédéraux doit également être retrouvée au sein des ministères provinciaux. Les
77
responsabilités de l’ACIA consistent principalement à détecter la présence de l’agrile afin d’y
établir les frontières de la zone de quarantaine réglementée. La gestion des problématiques
engendrées par l’insecte (pertes de ressources forestières, pertes économiques, perte de
biodiversité) est donc de la responsabilité des autorités provinciales et municipales.
3.2.1 Organisation de la gouvernance
Au Québec, plusieurs ministères peuvent être interpellés par la gestion de l’agrile du frêne, soit le
Ministère des Ressources naturelles (MRN), le Ministère du Développement durable, de
l’Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP), le Ministère des Affaires municipales, des
Régions et de l’Occupation du territoire (MAMROT) ainsi que l’Institut national de la santé
publique du Québec (INSPQ). En raison des menaces pour les milieux forestiers, le MRN est
directement impliqué. De plus, ce ministère possède une grande expertise en matière de gestion
de ravageurs forestiers. Cependant, la perte de frênes dans les milieux urbains et les impacts que
les communautés subissent rejoignent davantage le mandat du MAMROT. Quant à l’INSPQ, il
peut être concerné dans l’éventualité où des enjeux en lien avec la santé publique émergent. La
perte de frênes en milieu urbain peut favoriser la création d’îlots de chaleur susceptibles
d’affecter directement la santé publique. Finalement, le MDDEFP pourrait être appelé à intervenir
à cause des menaces pour la biodiversité québécoise et pour contrer la dégradation des milieux
naturels protégés comme les parcs nationaux.
Présentement, aucun de ces ministères ne s’implique activement pour gérer cette problématique
émergente, très probablement en raison des responsabilités partagées entre plusieurs ministères.
L’inaction et le manque de communication sur le sujet des instances provinciales fait perdre un
temps précieux pour mettre en place des moyens visant à ralentir la progression de l’agrile du
frêne et par le fait même à éviter des pertes économiques substantielles. Depuis la découverte de
l’agrile en 2002 dans le sud-ouest de l’Ontario, le Québec a disposé de six années avant que
l’insecte soit détecté pour la première fois dans la ville de Carignan, soit en 2008 (Godmaire et
Galvez, 2013). Or, en 2014, plusieurs dizaines de villes et municipalités du Québec sont
maintenant aux prises avec ce ravageur sans pour autant bénéficier d’un support économique ou
technique de la part du gouvernement provincial.
Ce manque d’implication ne fait qu’illustrer le manque d’organisation globale du gouvernement
face à la gestion de risques touchant les espèces exotiques envahissantes. Tout comme le
Gouvernement du Canada s’est doté d’une stratégie nationale pour mieux gérer cette
problématique, la province de Québec devrait faire le même exercice. Malheureusement, la
78
publication des Orientations gouvernementales en matière de diversité biologique en 2013
représente une occasion manquée de mettre sur pieds une telle stratégie. Comme détaillé dans la
section 1.3.1, le sujet du contrôle des espèces exotiques envahissantes n’est que très brièvement
abordé dans ce document. Néanmoins, que ce soit par le biais de nouvelles orientations en
matière de diversité biologique ou par le biais d’une stratégie provinciale spécifique, des efforts
de concertation et de collaboration entre les différents ministères québécois doivent
impérativement être faits afin de faciliter la prise en charge des espèces exotiques envahissantes
affectant les communautés et la survie des espèces indigènes de la province.
Pour mettre en place un mécanisme de réponse rapide, la première étape consisterait à déterminer
les responsabilités individuelles de chaque ministère. Cette étape peut être réalisée par le biais
d’une revue complète des lois et règlements pertinents dans le but de mettre en place un cadre
législatif couvrant toute nouvelle introduction d’espèces exotiques envahissantes, qu’elles soient
végétales ou animales. Cet exercice permettrait d’évaluer la performance actuelle des lois et
règlements du Québec à encadrer la gestion des espèces envahissantes et d’identifier les
modifications à apporter pour accroître leur étendue de responsabilité. L’objectif de cette revue
serait d’assurer que chaque nouvelle espèce exotique entrant au Québec soit couverte par une loi
ou un règlement et que les rôles et responsabilités de chaque ministère soient rapidement désignés
dans de telles circonstances.
Ensuite, étant donné que la gestion des espèces envahissantes fait appel aux compétences de
plusieurs ministères à la fois, un mécanisme de communication efficace entre ceux-ci devrait être
mis en place. Pour éviter qu’une menace économique et environnementale importante comme
l’agrile du frêne ne soit ignorée, des rencontres entre les différents ministères concernés par les
espèces exotiques envahissantes devraient être régulièrement organisées. À cet effet, un des rôles
principaux du Conseil québécois sur les espèces exotiques envahissantes (CQEEE) est de réunir
tous les intervenants pertinents afin de mieux coordonner les efforts de gestion.
Une bonne façon d’assurer la participation de tous les intervenants concernés par les espèces
envahissantes (gouvernement, industrie, organisme à but non lucratif, université) est d’obliger la
présence de ces parties prenantes au conseil par le biais d’une réglementation. C’est notamment
ce qu’a fait l’état d’Indiana pour former son conseil sur les espèces exotiques envahissantes. Dans
cette réglementation, les objectifs, le financement, le nombre de rencontres annuelles obligatoires
ainsi que la provenance des membres qui doivent siéger sur le conseil sont détaillés (Indiana
Invasive Species Council (IISC), 2012). Ainsi, si l’équivalent des membres du conseil de l’état
d’Indiana était réuni au Québec, on retrouverait :
79
Un membre du MAPAQ
Un vétérinaire en chef du Québec (MAPAQ)
Un membre du Ministère des Transports du Québec (MTQ)
Un membre du MRN
Un membre du MDDEFP
Un membre d’une université québécoise
Un membre d’un institut de recherche sur les espèces exotiques envahissantes
Deux membres de l’industrie forestière, agricole, horticole ou aquacole
Deux membres représentant des organismes publics, parapublics ou communautaires de
conservation des milieux naturels ou de la biodiversité (IISC, 2012)
L’exemple du conseil de l’état d’Indiana est un modèle pour le Québec, car il assure une
coordination adéquate des actions et une communication efficace entre les différents intervenants.
De plus, un conseil comprenant toutes ces parties prenantes pourrait déterminer les priorités et le
financement nécessaire ainsi que les modifications à apporter aux lois et règlements afin d’assurer
une meilleure planification des actions de prévention des introductions et de contrôle des espèces
envahissantes établies.
3.2.2 Possibilités d’amélioration
Dans le contexte de la gestion de l’agrile du frêne, plusieurs actions peuvent être réalisées par les
différentes instances gouvernementales de la province. Premièrement, un plan de préparation à
l’arrivée du ravageur à l’intention des municipalités et des propriétaires forestiers pourrait être
mis au point par ces instances. C’est ce que les ministères responsables des ressources naturelles
et de l’agriculture ont fait dans plusieurs états américains. Par exemple, les états du Michigan et
de New York ont mis au point un modèle de gestion à suivre pour les milieux urbains et les
milieux forestiers (Emerald Ash Borer, s.d.). De plus, un tel plan de préparation détaille
également les actions qui seront réalisées par les instances gouvernementales locales afin de gérer
l’agrile. Ce plan doit avoir pour objectif de réduire les risques de propagation, de minimiser les
impacts et de répondre rapidement et efficacement suite à la première détection du ravageur.
Une autre action prioritaire à déployer au Québec consiste à allouer des subventions aux
municipalités afin qu’elles puissent réaliser un inventaire des arbres présents sur leur territoire.
L’inventaire des frênes représente la base sur laquelle s’appuient toutes les autres étapes de
gestion de l’agrile. Présentement, la majorité des municipalités du Québec n’ont jamais réalisé
d’inventaires d’arbres et n’ont aucune connaissance spécifique concernant la présence de frênes
80
sur leur territoire. Ainsi, il serait probablement du ressort du MAMROT d’encourager
financièrement les municipalités à réaliser cette activité essentielle en préparation de l’arrivée du
ravageur. Ces subventions montreraient aux municipalités que la problématique est reconnue par
le gouvernement et que ce dernier sera présent pour supporter les communautés du Québec. De
plus, ce message serait encore plus positif en ce sens qu’il sensibiliserait les dirigeants
municipaux sur l’importance de se préparer à faire face à l’agrile du frêne. Finalement, ces
financements aideraient grandement à diminuer les contraintes économiques que les petites
communautés disposant de ressources limitées subiront suite à l’arrivée du ravageur.
En termes de sensibilisation et d’éducation dans le dossier de l’agrile du frêne, le gouvernement
du Québec fait très peu de choses. En effet, bien que chaque ministère concerné dispose d’une
plate-forme internet élaborée, aucune information sur le ravageur n’est diffusée. Or, même si
beaucoup d’information est disponible sur le sujet, la très grande majorité de la documentation est
en anglais. Ainsi, afin de faciliter l’accès à l’information, une plus grande diffusion
d’informations et de documentations francophones sur les sites internet gouvernementaux serait
nécessaire. Par exemple, le Ministère des Richesses naturelles de l’Ontario (MRNO) offre
beaucoup d’informations sur sa plate-forme internet et a produit plusieurs guides et documents en
collaboration avec des ministères fédéraux sur l’agrile du frêne. Notamment, ce ministère a
participé à la rédaction d’un recueil de textes très complets traitant des différentes méthodes de
gestion de l’agrile et des leçons apprises suite à d’autres épidémies de ravageurs forestiers
(RNCan, 2009). De surcroît, le MRNO a également collaboré à l’élaboration d’un guide de
détection visuelle de l’agrile du frêne (SCF, 2006).
3.2.3 Synergie entre les intervenants
Afin de lutter contre l’agrile du frêne, une bonne synergie entre les différents intervenants doit
être entretenue pour permettre le développement de grands projets. L’association des efforts entre
différents paliers gouvernementaux et intervenants (organismes et universités) peut mener à
l’élaboration d’initiatives et à des projets très intéressants. Par exemple, aux États-Unis,
l’approche de gestion intégrée « Slow Ash Mortality » (SLAM) visant à ralentir la progression de
l’agrile du frêne et décrite à la section 2.7.1 a été développée avec la participation de deux
ministères fédéraux, de deux ministères de l’état du Michigan, d’une université et d’un organisme
de conservation. Un autre exemple illustrant la force d’une bonne collaboration multisectorielle
est la mise en place du programme « Forest Pest First Detector » (FPFD) dans l’état du Vermont
(voir section 2.6.3). Une fois de plus, ce programme a vu le jour grâce à la collaboration des
instances fédérales, étatiques ainsi qu’avec la participation de l’Université du Vermont.
81
En plus de la contribution aux efforts de recherches, les universités peuvent participer au
développement de plusieurs initiatives intéressantes. Par exemple, aux États-Unis, de nombreuses
universités possèdent des « extensions » qui sont en réalité des programmes d’application des
connaissances scientifiques au service de la communauté et des entreprises locales. L’Université
du Vermont possède notamment une extension visant à aider les agriculteurs et les serriculteurs à
détecter et contrôler les ravageurs et les maladies affectant les plantes (University of Vermont,
2014). Le projet d’implication sociale « Neighbors Against Bad Bugs » (NABB) a notamment été
créé par une extension de l’Université de Purdue (voir section 2.6.4) (Purdue University, 2009).
Les extensions de l’Université du Minnesota et de l’état d’Iowa dédient quant à elles une section
de leurs sites internet à la gestion de l’agrile du frêne (Iowa State University, 2012). On y
retrouve de nombreux outils d’aide à la décision, plusieurs documents sur les options de gestion
et une bonne quantité d’informations sur ce ravageur (University of Minnesota, 2013). Ces
extensions représentent une bonne façon pour les universités de s’impliquer au sein de la
communauté et de transmettre leur savoir-faire ainsi que leurs connaissances au travers de
services spécialisés, d’ateliers de formation et de différents moyens de sensibilisation.
Malheureusement, le concept d’extension n’est pas très bien exploité par les universités
québécoises.
Le Conseil québécois sur les espèces exotiques envahissantes (CQEEE) détient un rôle central
dans la mise en place d’une bonne synergie entre les différents intervenants. Présentement, le
CQEEE est en train de développer une stratégie de gestion de l’agrile du frêne en milieu urbain et
fait de son mieux pour rassembler le plus d’intervenants possible. Toutefois, il est certain que
sans la collaboration du Gouvernement du Québec, des organismes de conservation et des
universités, aucun projet d’envergure ne peut être déployé, ce qui est malheureusement le cas.
Actuellement, aucune stratégie québécoise de gestion de l’agrile n’a été développée et très peu
d’initiatives ont été lancées.
3.3 Outils de gestion régionale
En attendant une meilleure prise en charge gouvernementale, le CQEEE s’efforce de combler les
besoins les plus urgents au Québec. Étant donné que les impacts sont significativement plus
importants en milieu urbain, l’attention du conseil est orientée vers les besoins des municipalités.
Ainsi, comme qu’il fut détaillé à la section 1.3.3, cet organisme a consulté plus de 33
municipalités dans le but de mettre sur pied une stratégie de gestion adaptée. Afin d’aider le
conseil dans ses démarches d’assistance auprès des municipalités, un outil de gestion visant à
82
ralentir la progression de l’agrile du frêne à l’échelle régionale est proposé. L’objectif de cet outil
est d’apporter une vision provinciale de la problématique qui ne tient pas compte des frontières
administratives séparant les territoires municipaux et régionaux.
L’outil développé présente des séquences d’actions que les municipalités doivent idéalement
mettre en place selon la proximité de celle-ci par rapport à un foyer d’infestation de l’agrile du
frêne. De cette façon, ces listes d’actions aideraient le CQEEE à approcher les municipalités
concernées afin de les préparer à l’arrivée du ravageur. Pour préciser la suite d’actions à présenter
aux municipalités, des zones d’intervention de couleurs différentes seraient établies autour des
emplacements où la présence de l’agrile a été confirmée. Évidemment, les interventions seraient
plus urgentes dans les zones situées à proximité des foyers d’infestation. L’approche
d’établissement de zones d’intervention de couleur rouge, orange et jaune autour des foyers
d’infestation est similaire à la stratégie de gestion régionale développée par l’état de New York
(voir section 2.7.3). Toutefois, l’outil proposé est un peu plus simple, car il est impossible de faire
autant d’actions et de couvrir autant d’aspects sans une collaboration exceptionnelle de la part des
ministères provinciaux (MRN, MAMROT et MDDEFP) et fédéraux (ACIA et RNCan-SCF).
Dans cette perspective, l’outil a été développé afin qu’il puisse être aisément modifié et adapté à
tout changement de réalité.
Afin de favoriser la sensibilisation des dirigeants municipaux, une carte disponible en ligne et
mise à jour régulièrement sur le site du CQEEE permettrait d’informer dans quelle zone
d’infestation se situe chacune des municipalités. Puis, les listes d’actions spécifiques pour chaque
zone d’intervention ayant une couleur différente pourraient également figurer sur le site internet
afin que les municipalités puissent consulter ces informations en tout temps.
3.3.1 Établissement des zones d’intervention
Un plan de gestion de l’agrile du frêne permettant de sauver un maximum de frênes et
d’économiser de l’argent nécessite une bonne préparation. Le but de l’établissement des zones
d’invention est justement d’encourager les municipalités à se préparer adéquatement à l’arrivée
du ravageur. Il est à noter que la taille des zones d’intervention est la même que celle déterminée
dans le cadre de la stratégie régionale de l’état de New York. Une description plus détaillée de
chaque zone d’intervention est disponible ci-dessous.
La zone rouge s’étend sur une distance de 8 km autour de la zone infestée. Des actions
immédiates doivent être prises dans cette zone, car il est possible que ces municipalités soient
déjà infestées ou qu’elles le soient dans un futur rapproché. Par exemple, si aucun inventaire
83
d’arbres n’a été réalisé par une municipalité située dans cette zone, la priorité sera évidemment
d’accomplir cette tâche essentielle. Puis, un dépistage actif de l’agrile devra être mené sur le
territoire de la municipalité situé dans cette zone. Il sera important qu’un plan de gestion de
l’agrile du frêne ait été élaboré au préalable.
La zone orange quant à elle s’étend entre 8 et 16 km en périphérie de la zone rouge. Les
municipalités situées dans cette zone disposent encore de quelques années avant que le ravageur y
parvienne par voie naturelle. Toutefois, puisqu’un des plus importants vecteurs de déplacement
de l’agrile est le déplacement du bois de chauffage entre les régions, ces municipalités ne sont pas
à l’abri de l’arrivée précoce du ravageur. Ainsi, les frênes situés dans la zone orange sont
considérés à haut risque et devraient être surveillés de près par les municipalités concernées. Les
municipalités devraient avoir commencé à mettre en place une structure de gestion du ravageur.
La zone jaune s’étend au-delà d’une distance de 16 km à partir du foyer d’infestation, celle-ci
couvre donc l’ensemble du territoire n’étant pas déjà situé en zone rouge ou orange. En fonction
du contexte et des ressources, cette zone peut correspondre à une municipalité régionale de
compté (MRC), à une région administrative ou encore à la grandeur du Québec où des frênes sont
retrouvés. Les municipalités disposent encore de plusieurs années avant que l’agrile affecte le
territoire. Cependant, ces municipalités ne sont pas à l’abri d’une introduction anthropique (bois
de chauffage) et doivent entreprendre certaines étapes préparatoires à l’arrivée de l’agrile.
3.3.2 Outils de gestion par zone d’intervention
Le tableau 3.1 détaille les actions que les municipalités devraient entreprendre en fonction de la
zone d’intervention dans laquelle elles se trouvent. Il est à noter que les municipalités situées dans
les zones rouges auraient préalablement déjà fait partie d’une zone jaune ou orange. Par
conséquent, les actions à entreprendre en zone jaune et orange et détaillées dans le tableau 3.1
devraient minimalement avoir été réalisées. En effet, plus l’infestation de l’agrile du frêne
progresse, plus les limites de chaque zone d’intervention sont repoussées, ce qui fait également
monter d’un cran de couleur la zone dans laquelle chaque municipalité se retrouve.
Deux lignes différentes sont retrouvées dans le tableau 3.1 : la première correspond aux activités
de formation et de préparation qui peuvent être menées par le CQEEE et la deuxième correspond
aux actions que les municipalités devraient entreprendre afin de se préparer à l’arrivée de l’agrile
du frêne.
84
Le tableau fait souvent référence aux différentes informations contenues dans le chapitre 2. Donc,
afin de s’y retrouver facilement et de bien comprendre l’outil développé dans la présente section,
il est important que le lecteur ait pris connaissance de toutes les sections concernées.
85
Tableau 3.1 Outils de gestion de l’agrile du frêne en fonction des zones d’intervention
Zone rouge
0 à 8 km
Zone orange
8 à 16 km
Zone jaune
> 16 km
CQEEE - Assistance technique pour aider les
municipalités dans la préparation et
l’application de leur stratégie de gestion
- Formation sur les outils de dépistage
- Assistance pour faire des demandes
de subventions
- Formations visant à aider les
municipalités à préparer un plan de
gestion de l’agrile
- Assistance pour faire des demandes
de subventions
Milieux
urbains
- Dépistage actif faisant appel à tous les
outils disponibles (section 2.2).
- Communication active auprès des
propriétaires de terrains privés
(citoyens, institutions, entreprises)
(section 2.6.2).
- Communication active auprès de la
population (affiche, dépliant, séance
d’information, site internet, etc.)
(section 2.6.2).
- Identification des frênes à traiter à
l’insecticide (sections 2.4.1 et 2.4.2).
- Identification des frênes à abattre et à
anneler (section 2.4.2).
- Négociation des contrats de travail
pour le traitement et l’abattage des
frênes dans le but d’obtenir des prix
avantageux.
- Réalisation d’un inventaire des frênes
publics et privés dans un futur proche
(section 2.1).
- Formation des employés du secteur
privé à la détection visuelle (élagueurs,
horticulteurs) (sections 2.2.1et 2.2.6).
- Sensibilisation active des propriétaires
privés aux choix de gestion de leurs
frênes s’offrant à eux (section 2.4.3).
- Implication de la population par le
biais d’associations de voisins (section
2.6.3).
- Révision du cadre réglementaire de la
municipalité pour donner la flexibilité
nécessaire pour bien gérer l’agrile
(sections 2.5.4 et 2.6.1).
- Dépistage visuel actif (section 2.2.1).
- Planification d’un inventaire des
frênes publics et privés (section 2.1).
- Formation des employés municipaux
à la détection visuelle (sections 2.2.1et
2.2.6).
- Installation de pièges attractifs à des
endroits stratégiques (section 2.2.2)
- Sensibilisation de la population
(section 2.6.2).
- Implication de la population dans les
activités de dépistage (dépisteur
bénévole de premières lignes, section
2.6.4).
- Communication interne pour tenir les
dirigeants informés de la progression de
l’agrile du frêne (section 2.6.1).
86
Tableau 3.1 Outils de gestion de l’agrile du frêne en fonction des zones d’intervention (suite)
Zone rouge
0 à 8 km
Zone orange
8 à 16 km
Zone jaune
> 16 km
Milieux
urbains
- Désignation d’un ou des lieux de
disposition du bois contaminé (section
2.5.4).
- Établissement de partenariats avec
l’industrie de transformation du bois
pour obtenir un profit sur la vente des
frênes de rues et de boisés abattus
(options de valorisation).
- Répartition du budget alloué au plan
de gestion sur un horizon de plusieurs
années.
- Prévision budgétaire pour le
remplacement immédiat des frênes
abattus (section 2.5.5).
- Interdiction d’élaguer des frênes
durant la période active de l’agrile
(section 2.5.4).
- Organisation de la collecte des frênes
dans les boisés urbains par abattage et
annélation (sections 2.5.1 à 2.5.3).
- Pause de pièges et écorçage de
branches utilisés stratégiquement sur le
territoire (sections 2.2.2 et 2.2.3).
- Élaboration d’un plan de
communication externe (section 2.6.2).
- Sensibilisation des entreprises
présentes dans les zones à haut risque et
à risque modéré pour les sensibiliser
(section 2.1.5).
- Élaboration d’un plan de gestion de
l’agrile du frêne (sections 2.4, 2.5 et
2.7.2).
- Établissement de critères de sélection
des arbres à traiter et les objectifs de
traitement (section 2.4.2).
- Évaluation de partenariats potentiels
pour valoriser le bois de frêne généré
par les opérations d’abattage.
- Élaboration d’un plan de
remplacement des frênes abattus
(section 2.5.5).
- Élaboration ou mise à jour des plans
de gestion forestière des boisés urbains.
- Identification des voies de
propagation naturelle potentielles de
l’agrile (c.-à-d. corridors de végétation
liant des municipalités ensemble).
-Identification des zones à haut risque
et à risque modéré sur le territoire
(section 2.1.5).
- Évaluation des impacts économiques
potentiels
- Réalisation d’exercices financiers
pour évaluer les coûts des différentes
alternatives de gestion (section 2.3.2).
- Identification des grandes lignes du
plan de gestion de l’agrile du frêne (but
et objectifs).
- Identification des boisés urbains et les
ressources en frênes qu’ils contiennent.
- Vérification de l’existence de plans de
gestion forestière pour les boisés
urbains (section 2.5.2).
87
3.3.3 Modèle de plan de gestion
Un plan de gestion de l’agrile du frêne en milieu urbain est essentiel pour limiter les pertes
économiques et réduire les dégâts environnementaux. L’expérience de plusieurs villes
américaines a montré que les communautés ne s’étant pas préparées à l’arrivée du ravageur ne
disposent pas des fonds nécessaires pour remplacer les arbres perdus, ce qui augmente
considérablement les impacts environnementaux ressentis (Vermont Invasives, s.d.b.). Cette
réalité s’explique par le fait que lorsque les frênes commencent à mourir en grand nombre, les
dangers pour la population et l’urgence d’abattre ces arbres augmentent parallèlement aux coûts
de disposition. En effet, l’abattage de frênes morts coûte environ deux à trois fois plus cher par
rapport à l’abattage d’arbres vivants. De surcroît, le bois d’arbres mort est plus difficile à
déchiqueter et offre peu d’options de valorisation (Vermont Invasives, s.d.b.).
Il existe plusieurs façons de faire un plan de gestion de l’agrile du frêne, il faut seulement
respecter certains principes de base. Tout d’abord, il faut s’assurer d’avoir les ressources
humaines pour mener à bien les opérations. Puis, les prévisions budgétaires doivent être établies
sur un horizon d’au moins 10 ans. Finalement, le plan doit demeurer suffisamment flexible pour
qu’il puisse être ajusté selon les besoins, les résultats des campagnes de dépistage et les nouvelles
informations scientifiques disponibles (Vermont Invasives, s.d.b.).
À la lumière des informations scientifiques actuelles, l’approche « SLow Ash Mortality » (SLAM)
en milieu urbain représente l’option de gestion la plus économique, environnementale et
socialement responsable. En effet, tel que détaillé dans la section 2.7.2, le traitement d’un
maximum de frênes au pesticide coûte moins cher qu’abattre ceux-ci. En plus d’être
économiquement avantageuse, cette approche permet de sauver une plus grande quantité de
frênes matures et de conserver les services écologiques qu’ils procurent. De plus, le fait de
préserver les frênes donne un bon exemple aux citoyens, car cela montre à la population
l’importance de la place de l’arbre urbain. Ainsi, les paragraphes ci-dessous expliquent
brièvement les grandes étapes à considérer pour appliquer une approche SLAM en milieu urbain.
Tout d’abord, un inventaire des frênes publics situés en bordure de rue, dans les parcs et dans les
boisés urbains doit impérativement être réalisé. L’essence, le diamètre à hauteur de poitrine
(DHP) et la localisation avec les coordonnées GPS de chacun des frênes devraient être collectés
lors de l’inventaire de terrain (méthode ascendante, section 2.1.2). Ces informations sont
indispensables pour identifier le nombre d’arbres publics qui satisferont les critères de sélection
pour le traitement par insecticide. Ensuite, sur la base de ces informations, les municipalités
88
peuvent évaluer les coûts des différentes alternatives de gestion qui s’offrent à elles, c'est-à-dire
l’abattage et le remplacement de tous les frênes, le traitement d’un maximum de frênes ou encore
un compromis entre ces deux dernières activités. Une bonne connaissance du nombre de frênes
situés sur des propriétés privées (résidentiels, industries, institutions) est également importante
afin d’augmenter l’efficacité d’une stratégie de gestion de l’agrile du frêne. Cette information
permet de guider les interventions qui devront être faites auprès des citoyens.
Ensuite, des activités de dépistage doivent être réalisées en utilisant un mélange de plusieurs
outils de détection présentés à la section 2.2. En effet, il n’existe pas une approche meilleure que
les autres à tous les niveaux, chacune d’elle ayant des particularités spécifiques qui les
distinguent. Ainsi, une bonne stratégie de dépistage fait appel à plusieurs outils à la fois. Par
exemple, l’inspection visuelle peut être faite à chaque sortie du personnel de la ville pour les
opérations d’élagage ou toute autre activité liée à la gestion de l’agrile (pose de pièges attractifs et
collecte de branches pour écorçage). Les pièges attractifs représentent un moyen simple, efficace
et économique de détecter la présence du ravageur. La collecte de branches pour écorçage
possède une meilleure capacité de détection précoce et peut être réalisée en même temps que les
opérations d’élagage normales, ce qui réduit les coûts d’utilisation de cette approche. Pour ce qui
est de l’utilisation de guêpes prédatrices, cette approche est une excellente façon d’impliquer la
population et d’obtenir des résultats à faibles coûts. Finalement, l’annélation de frênes peut être
particulièrement utile lorsque des arbres sont prévus à l’abattage. Le fait d’anneler ces arbres ne
demande pas beaucoup d’efforts supplémentaires et possède une double utilité, soit celle de
détecter et de réduire les populations d’agrile du frêne.
Avant de planifier les opérations d’abattage et de traitement à l’insecticide des frênes, la
municipalité doit déterminer les critères qu’un frêne doit satisfaire afin d’être considéré comme
apte à recevoir le traitement. Si la municipalité désire traiter un maximum de frênes, ses critères
de sélection seront évidemment moins restrictifs.
Puis, lorsque la présence de l’agrile est confirmée dans un secteur de la municipalité, l’approche
SLAM consiste à mettre en place un périmètre d’intervention d’un rayon variant de 300 à 600
mètres autour des lieux où l’agrile a été détecté. La grandeur du périmètre est déterminée en
fonction du nombre de ravageurs estimé dans le foyer d’infestation et de la quantité de frênes
retrouvée autour de celui-ci. Dans le cas où la quantité d’agriles estimée est grande et que la
densité de frênes autour du foyer d’infestation est faible, le périmètre d’intervention sera plus
grand. Dans cette dernière situation, la compétition entre les adultes pour la nourriture et les sites
de reproduction sera plus grande, ce qui forcera inévitablement le ravageur à se disperser plus
89
rapidement à partir du foyer d’infestation. Au contraire, si le nombre de ravageurs est faible et
que la densité de frêne est élevée, la dispersion de l’agrile devrait être limitée. Ensuite, dès la
première année suivant la détection, la municipalité devrait procéder au traitement aléatoire d’un
nombre de frênes équivalent à au moins 20 % du total des frênes retrouvés au sein de cette zone
d’intervention. Puis, un autre 20 % des frênes devrait être traité l’année suivante et ce jusqu’à
avoir traité 100 % des individus présents dans la zone. Il est à noter que les frênes infestés situés
dans le foyer d’infestation doivent impérativement être abattus et neutralisés avant le début de
l’été suivant afin d’éviter l’émergence d’une nouvelle génération d’adultes. Toutefois, certains
points sont à considérer lors de l’application de ce modèle de gestion. D’abord, une certaine
proportion de frênes du domaine privé sur lesquels la municipalité n’a pas de contrôle se trouve
dans la zone d’intervention. Puis, des boisés urbains et des arbres ne satisfaisant pas les critères
de sélection pour le traitement peuvent se situer dans la zone d’intervention.
Pour ce qui est des frênes privés situés dans la zone d’intervention, la meilleure stratégie pour la
municipalité est de traiter tous les frênes publics de la zone dans les deux à trois années suivant la
détection de façon à réduire la population du ravageur, ce qui laisse plus de temps aux
propriétaires privés pour faire un choix de traitement ou d’intervention. Pendant ces deux à trois
années, la municipalité doit sensibiliser directement les propriétaires situés dans la zone
d’intervention sur les alternatives de gestion qui s’offrent à eux, soit l’abattage ou le traitement de
leurs frênes. Cela peut se faire par le biais d’une lettre explicative remise aux propriétaires
concernés afin de les avertir de l’état de la situation et de les guider vers des ressources
compétentes.
Pour les frênes ne satisfaisant pas les critères de sélection pour le traitement à l’insecticide, un
abattage stratégique doit être prévu. C'est-à-dire qu’au lieu de simplement abattre ces arbres dans
la zone d’intervention, l’annélation de ceux-ci est conseillée afin de réduire du même coup la
population de l’agrile. En effet, puisque les frênes annelés favorisent leur sélection par le
ravageur pour y pondre ses œufs, l’abattage de ceux-ci après la saison de reproduction de
l’insecte contribue à diminuer significativement la population. Pour ce qui est de la gestion des
boisés urbains, une approche d’abattage stratégique avec annélation de certains frênes est à
planifier (voir la section 2.5.3). De plus, les options de commercialisation de ces ressources en
frênes doivent être étudiées afin d’amoindrir les coûts d’intervention.
Finalement, pour des municipalités possédant de petits territoires, l’application de l’approche de
gestion par foyer d’infestation proposée ci-dessus n’est peut-être pas adaptée à leurs réalités. En
général, la quantité de frênes sur un territoire urbain est proportionnelle à la longueur totale des
90
voies publiques. Ainsi, la méthode de gestion proposée pour ces petites communautés consisterait
à considérer l’entièreté du territoire de la petite municipalité comme une seule zone
d’intervention. De cette façon, lorsque la présence du ravageur serait détectée, l’approche décrite
dans la présente section s’appliquerait tout de même.
91
CONCLUSION
Les échanges commerciaux entre les pays sont certainement très profitables du point de vue
économique, mais ils amènent aussi d’autres problèmes non négligeables. En effet, l’introduction
d’espèces végétales et animales exotiques par le biais du transport des produits de consommation
ou des matières premières représente une conséquence indirecte de ces échanges. Heureusement,
ce ne sont pas toutes les espèces exotiques déplacées hors de leur zone naturelle de reproduction
qui deviennent envahissantes. Cependant, tel que démontré tout au long du présent document
avec l’exemple de l’agrile du frêne, une seule espèce peut engendrer d’importants impacts
économiques, environnementaux et sociaux. Tant qu’il y aura des échanges commerciaux entre
les pays, il y aura des échanges d’espèces exotiques. Néanmoins, des efforts internationaux visant
à mieux réglementer les échanges de marchandises et à favoriser une meilleure collaboration
entre les dirigeants nationaux peuvent contribuer à réduire le nombre d’introductions.
L’objectif principal du présent essai est de développer un outil de gestion régionale de l’agrile du
frêne permettant de mieux coordonner les efforts de sensibilisation et d’assistance auprès des
municipalités du Québec qui seront éventuellement aux prises avec ce ravageur. Cet objectif a été
atteint en décrivant d’abord le contexte de gouvernance nationale et provinciale des espèces
exotiques envahissantes au Canada. À ce sujet, plusieurs recommandations pour une meilleure
gouvernance globale de ces espèces envahissantes ont été formulées. De plus, d’autres
recommandations à l’intention des instances gouvernementales du Québec spécifiques à l’agrile
du frêne ont été décrites. Puis, une description détaillée des différents outils à considérer dans
l’élaboration d’un plan de gestion de l’insecte en milieu urbain a été faite. Ces dernières
informations ont ensuite servi pour élaborer un outil de gestion sur une base régionale.
La Stratégie nationale sur les espèces exotiques envahissantes est un premier engagement du
Canada envers une meilleure prévention des nouvelles introductions et à l’égard d’une gestion
structurée des espèces exotiques établies. Cette stratégie permet entre autres de coordonner les
actions des différents ministères fédéraux impliqués dans les activités de prévention et de gestion
de ces envahisseurs. Toutefois, face à la grande complexité liée à la gestion des espèces exotiques
envahissantes, l’implication des gouvernements provinciaux est essentielle. Au Québec, force est
de constater que le gouvernement s’occupe très peu de cette problématique. Dans le cas de
l’agrile du frêne, six années après son introduction, les instances gouvernementales de la province
n’ont encore porté aucune action. Ce manque d’implication reflète des lacunes flagrantes en
termes de communication et d’organisation entre les différents ministères provinciaux concernés.
92
Pour pallier à ce manque, le Gouvernement du Québec devrait mettre au point une stratégie
énonçant des objectifs clairs et les responsabilités des différents ministères en matière de gestion
des espèces envahissantes. Pour ce faire, le Conseil québécois sur les espèces exotiques
envahissantes pourrait réunir les représentants des ministères pertinents pour mettre sur pieds une
telle stratégie.
Face à l’agrile du frêne, ce sont les municipalités et les propriétaires de maison qui subissent les
plus grandes pertes économiques. Afin de limiter ces pertes, les municipalités doivent se préparer
adéquatement en élaborant un plan de gestion de l’agrile. Cependant, préalablement à
l’élaboration d’un plan de gestion, un inventaire des frênes présents sur le territoire concerné doit
impérativement être fait. Les informations recueillies dans le cadre de cet inventaire sont
nécessaires à la conception d’un plan de gestion et aux calculs des prévisions budgétaires
permettant l’application de celui-ci. Un plan de gestion doit prévoir les activités de dépistage du
ravageur, de traitement de frênes à l’insecticide, d’abattage ainsi qu’un bon plan de
communication et de sensibilisation. Cette planification devrait permettre à une municipalité
d’enclencher une suite d’actions structurée dès que la présence du ravageur est détectée sur le
territoire. À cet effet, l’approche « SLow Ash Mortality » en milieu urbain représente la meilleure
stratégie d’intervention disponible à ce jour. Effectivement, cette approche visant à gérer le
ravageur par foyer d’infestation constitue l’option la plus économique tout en limitant les impacts
environnementaux et sociaux.
Puisque la dispersion de l’agrile du frêne ne tient pas compte des frontières administratives, il est
important d’aborder la problématique en considérant cette réalité. C’est dans cette perspective
que l’outil de gestion régionale du ravageur développé dans le présent travail a été élaboré. Cet
outil a été conçu afin qu’il puisse être utilisé par une organisation dont les responsabilités
couvrent l’ensemble du territoire de la province, tel que le Conseil québécois sur les espèces
exotiques envahissantes. Ainsi, il permettra au conseil d’organiser les interventions d’assistance
technique auprès des municipalités selon leur proximité avec les foyers d’infestation connus.
Ultimement, l’application de cet outil permettra de préparer les municipalités à bien gérer l’agrile
sur leur territoire, ce qui contribuera globalement à ralentir la progression du ravageur au sein de
la province.
Cette approche de gestion régionale demeure suffisamment flexible pour intégrer et prendre en
compte des initiatives qui seraient éventuellement mises en place par le Gouvernement du
Québec ou d’autres organisations. Par exemple, l’allocation de subventions provinciales pour
assister les municipalités dans la réalisation de leur inventaire d’arbres et dans l’élaboration d’un
93
plan de gestion de l’agrile du frêne serait très bénéfique pour appuyer cette méthode. De surcroît,
les recommandations d’un éventuel plan de préparation à l’arrivée du ravageur préparé par les
instances gouvernementales du Québec pourraient aisément être intégrées à l’outil. Ces deux
dernières initiatives gouvernementales seraient autant plus bénéfiques en ce sens qu’elles
souligneraient aux municipalités l’importance d’être proactif face à l’agrile.
En conclusion, le fait que l’agrile du frêne soit le ravageur le plus destructeur que l’Amérique du
Nord ait connu sera peut-être le son de cloche nécessaire pour que les autorités provinciales du
Québec s’impliquent davantage dans la gestion et la prévention des introductions d’espèces
exotiques envahissantes. Certains dossiers non couverts dans le présent essai pourraient faire
l’objet d’études supplémentaires. Notamment, des avenues intéressantes en ce qui a trait à la
valorisation du bois de frênes abattus en milieu urbain seraient à étudier afin de réduire le fardeau
économique vécu par les municipalités infestées. Finalement, bien que la gestion de l’agrile du
frêne en milieu urbain soit primordiale, il est aussi important de prévoir une stratégie adaptée à la
gestion du ravageur en milieu forestier. Car une fois que l’insecte est bien implanté dans une
ville, il s’attaque habituellement après coup aux frênes des milieux forestiers adjacents, ce qui
consolide davantage l’épidémie.
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367-393.
104
ANNEXE 1 - LOIS FÉDÉRALES RÉGISSANT LA GESTION DES ESPÈCES
EXOTIQUES ENVAHISSANTES (inspiré de : Environnement Canada, 2004, p. 30)
Loi Descriptif
Agence canadienne d’inspection des aliments
Loi sur la protection des
végétaux
Vise la protection de la vie végétale et des secteurs agricoles et
forestiers en empêchant l’importation, l’exportation et la propagation de parasites.
Loi sur les semences Établit et contrôles les semences qui peuvent ou pas être
commercialisées au Canada
Agriculture et Agroalimentaire Canada
Loi sur les stations
agronomiques
Autorise l’établissement de stations agronomiques au Canada dans
lesquelles diverses activités de recherche reliées à la productivité
et la conservation de l’agriculture sont menées.
Loi sur le rétablissement agricole des prairies
Loi mettant en place un comité consultatif chargé de donner au ministre des avis sur les meilleures méthodes à suivre pour assurer
le rétablissement agricole des zones de sécheresse et d’érosion
éolienne des terres dans les provinces du Manitoba, de la Saskatchewan et de l’Alberta.
Ressources naturelles Canada – Service canadien des forêts
Loi sur le ministère des
ressources naturelles
Prévoit l’utilisation des sciences et de la technologie pour
améliorer l’accès aux ressources naturelles et la protection de l’environnement.
Loi sur les forêts Prévoit la réalisation de recherches en lien avec la protection, la
gestion et l’utilisation des ressources forestières (ex : recherche
sur la biologie et le contrôle des parasites).
Environnement Canada
Loi canadienne sur la
protection de
l’environnement
Favorise le développement durable par la protection de
l’environnement et la prévention de la pollution. Cette loi permet
entre autres de réglementer l’importation d’une nouvelle espèce afin qu’une évaluation environnementale et des risques pour la
santé y soit menée au préalable.
Loi sur les espèces en péril
Vise à protéger les espèces en péril. Les plans de redressement des espèces en péril comprennent des mesures d’éradication et de
contrôle d’espèces exotiques envahissantes menaçant leur
rétablissement.
Loi sur la protection d’espèces animales ou
végétales sauvages
Régit l’importation et le transport interprovincial d’animaux sauvages, en particulier les espèces reconnues comme nuisibles à
la faune indigène.
105
Agence Parcs Canada
Loi sur les parcs
nationaux du Canada
Vise à maintenir l’intégrité écologique des milieux naturels. Pour
y parvenir, des programmes de gestion des espèces exotiques envahissantes sont mis en place dans les parcs.
Agence des services frontaliers du Canada
Loi sur les douanes Régit l’importation de marchandises au Canada et habilite les
agents de douanes à procéder à des inspections. La loi prévoit la communication de renseignements aux autres ministères.
106
ANNEXE 2 - DÉPISTEURS DE PREMIÈRE LIGNE DANS L’ÉTAT DU VERMONT (tiré
de : Vermont Invasives, s.d)
107
ANNEXE 3 - ÉTIQUETTE D’IDENTIFICATION DE FRÊNES (tiré de : Purdue University,
2009)
108
ANNEXE 4 - ÉTABLISSEMENT DES ZONES D’INTERVENTION NIVEAU 1 (tiré de :
NYSDEC, 2011, p.31)
109
ANNEXE 5 - ÉTABLISSEMENT DES ZONES D’INTERVENTION NIVEAU 2 (tiré de :
NYSDEC, 2011, p.33)
110
ANNEXE 6 - ÉTABLISSEMENT DES ZONES D’INTERVENTION NIVEAU 3 (tiré de :
NYSDEC, 2011, p.35)
111
ANNEXE 7 - PLAN D’ACTION MUNICIPALITÉ (traduction libre de : NYSDEC, 2011,
p.20)
Zone rouge
0 à 8 km
Zone orange
8 à 16 km
Zone jaune
> 16 km
Niveau 1 - Sensibilisation et éducation
- Formation de préparation
à l’invasion
-Sensibilisation et éducation
- Formation de préparation
à l’invasion
- Sensibilisation et éducation
Niveau 2 - Même que niveau 1, plus :
- Inventaire de frênes
- Assistance technique
auprès du personnel de la municipalité
- Assistance pour les
demandes de subvention
- Critère pour déterminer si le traitement des frênes est
approprié
- Formation et assistance avec l’utilisation ou la
disposition de bois de frêne
contaminé
Même que zone rouge, niveau 2
- Sensibilisation et éducation
- Formation de préparation
à l’invasion
Niveau 3 Même que niveau 2 Même que zone rouge niveau 3
- Sensibilisation et éducation
- Formation de préparation
à l’invasion
112
ANNEXE 8 - PLAN D’ACTION MILIEUX FORESTIERS (traduction libre de : NYSDEC,
2011, p.12-14)
Zone rouge
0 à 8 km
Zone orange
8 à 16 km
Zone jaune
> 16 km
Niveau 1 - Augmenter les efforts de dépistage (arbres annelés, pièges en forme de
prisme, bio-surveillance et surveillance
visuelle)
- Cibler 10 à 25 frênes à anneler pour en faire des pièges pour l’ADF
- Séparer les 10 à 25 arbres annelés de
façon équidistante dans une zone tampon de 800 mètres autour de la zone infestée
- Maintenir l’effort de dépistage pendant
au moins 3 ans ou jusqu’à ce que le noyau soit qualifié niveau 2 ou 3
- Dépistage actif à l’aide de pièges en forme de
prisme et d’arbres
annelés.
- Déploiement des pièges dans les endroits à risque
(camping, halte routière,
industrie du bois, etc.)
Mêmes mesures que la
zone orange,
niveau 1
Niveau 2 - Mêmes mesures que la zone rouge,
niveau 1
- Collaborer et participer aux efforts de recherche (bio-contrôle, insecticides, etc.)
- Réduire les populations d’ADF en
abattant les frênes infestés (prioriser les arbres infestés de grande taille)
- Les résultats obtenus avec les arbres
sentinelles serviront à orienter les besoins
d’abattage
- Créer des grappes d’arbres annelés pour
attirer et détruire l’ADF
- Encourager l’abattage des arbres infestés avant le printemps (saison
d’émergence des larves en adultes)
Anneler des arbres afin de
mesurer l’évolution des
populations d’ADF et suivre le mouvement de
ceux-ci.
Mêmes
mesures que
celles de la zone orange,
niveau 2
Niveau 3 Mêmes mesures que dans la zone rouge,
niveau 2
Mêmes mesures que dans
la zone orange, niveau 2
Mêmes
mesures que dans la zone
jaune, niveau 2
113
ANNEXE 9 - PLAN D’ACTION FORÊTS PRIVÉES ET INDUSTRIES (traduction libre de :
NYSDEC, 2011, p.15-16)
Zone rouge
0 à 8 km
Zone orange
8 à 16 km
Zone jaune
> 16 km
Niveau 1 Contacter les propriétaires de forêts
privées et les dirigeants municipaux par
le biais de lettres postales, présentations
publiques ou conférences de presse
pour :
- Sensibiliser à reconnaître les signes et
symptômes d’un frêne infesté
- Encourager la déclaration d’arbres
suspectés d’être infestés aux autorités
désignées
- Sensibiliser par rapport à l’approche
SLAM
- Encourager une inspection annuelle
des frênes dans les forêts
- Expliquer les rôles des lois et
ordonnances locales en matière de
gestion des activités forestières
Diffusion d’informations
via différents médias
orientés vers le public en
général et les dirigeants
municipaux pour :
- Sensibiliser à
reconnaître les signes et
symptômes d’un frêne
infesté
- Véhiculer de
l’information par rapport
à l’approche SLAM
- Fournir des contacts
d’assistance spécialisée
pour les propriétaires de
terrains forestiers
Mêmes mesures que
celles de la zone
orange, niveau 1
Niveau 2 Mêmes mesures que celles de la zone
rouge, niveau 1.
Fournir de l’assistance technique pour
les propriétaires forestiers pour:
- Développer une stratégie de récolte des
frênes de façon à tirer profit de ces
ressources et à réduire la nourriture
disponible pour l’ADF
- Donner accès à des professionnels afin
d’élaborer une stratégie d’abattage des
frênes
- Réaliser des inventaires des arbres sur
des propriétés boisées privées
- Développer un plan d’intendance des
forêts pour chaque propriétaire
- Procurer de l’information sur les
possibilités de commercialiser le bois de
frêne dans les zones en quarantaine
Même mesures que celles
de la zone rouge, niveau
1
Mêmes mesures que
celles de la zone
orange, niveau 1
Niveau 3 Mêmes mesures que celles de la zone
rouge, niveau 2
Mêmes mesures que
celles de la zone rouge,
niveau 2
Mêmes mesures que
celles de la zone
orange, niveau 1