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Université de Lille II – Droit et santéFaculté de sciences juridiques, politiques et sociales
L’APPLICATION DES TECHNIQUES CIVILISTES
AUX VALEURS MOBILIERES
Antoine DESPINOYDEA de Droit des Contrats option Droit des Affaires
Année universitaire 2000-2001
Septembre 2001
Mémoire de DEA sous la direction de Madame Marie-Christine MONSALLIER
L’APPLICATION DES TECHNIQUES CIVILISTES
AUX VALEURS MOBILIERES
Liste des principales abréviations utilisées
Al. AlinéaANSA Association Nationale des Sociétés par
ActionsArt. ArticleAss. Plén. Assemblée plénière de la Cour de cassationBull. Civ. Bulletin des arrêts de la Cour de cassation,
chambre civileBull. Joly Bulletin JolyCA Cour d’appelCass. Cour de cassationCass. Civ. Chambre civile de la Cour de cassationCass. Com. Chambre commerciale de la Cour de cassationCf. confèrec. civ. Code civilc. com. Code de commerceCJ Comité JuridiqueCom. Chambre commercialeD. Recueil DallozDefrénois Répertoire du notariat DefrénoisDP Dalloz PériodiqueDr. Sociétés Droit des sociétéséd. EditionFasc. FasciculeG.P. ou Gaz. Pal. Gazette du PalaisI.R. ou Inf. Rap. Informations RapidesJ.C.P., éd. E. Jurisclasseur Périodique, édition entrepriseJ.C.P., éd. G. Jurisclasseur Périodique, édition généraleJ.C.P., éd. N. Jurisclasseur Périodique, édition notarialeJO Journal officielJour. Soc. Journal des sociétésL.G.D.J. Librairie Générale de Droit et de
JurisprudenceLoc. cit. Loco citatoObs. ObservationsOp. cit. opus citatum (ouvrage cité)P.A. Petites AffichesRép. RépertoireReq. Chambre des RequêtesRev. RevueRev. Jurisp. Com Revue de Jurisprudence CommercialeRev. Soc. Revue des SociétésR.J.D.A. Revue de Jurisprudence de Droit des AffairesR.T.D. Civ. Revue Trimestrielle de Droit CivilR.T.D. Com. Revue Trimestrielle de Droit CommercialS. SireyS.A. Société AnonymeS.A.R.L. Société à Responsabilité LimitéeSpéc. Spécialementt. 1 ou t. 2 Tome 1 ou Tome 2Trib. Tribunal
Sommaire
Introduction
1ère partie : Les finalités des techniques civilistes appliquées aux valeurs
mobilières
A – L’aménagement des prérogatives de l’associé
§ 1. Les caractères de la qualité d’actionnaire
§ 2. L’aménagement de la participation à la vie sociale
B - La mise à disposition d’actions à des administrateurs ou à des membres
du conseil de surveillance
§ 1. Le prêt d’actions
§ 2. La vente à réméré et la cession d’actions « en blanc »
2ème partie : La limitation des aménagements conventionnels
A – L’inadaptation des techniques civilistes classiques
§ 1. L’imperfection des techniques civilistes visant à la mise à
disposition d’actions
§ 2. La faveur de la pratique pour le portage ou une convention sui
generis
B – Les limites posées par les règles issues du droit des sociétés
§ 1. L’ordre public sociétaire§ 2. L’intérêt social
Conclusion
INTRODUCTION
Depuis toujours on a discuté sur le point de savoir si la nature des sociétés
commerciales ressortait plutôt de la théorie de l’institution ou plutôt de la liberté
contractuelle laissée aux parties. La nature de la société oscille entre ces deux
conceptions. Le débat emporte de nombreuses conséquences pratiques. Si dans un
premier temps c’est la théorie institutionnelle qui a dominé, on constate depuis
quelques années un regain de faveur pour la théorie contractuelle en réaction à une
législation jugée trop contraignante1. La pratique ainsi qu’une grande partie de la
doctrine se montre extrêmement favorable à l’aménagement du fonctionnement des
sociétés, en particulier des sociétés par actions, qui le permettent plus aisément.
C’est dans ce cadre de regain de contractualisation de la vie de la société que
s’inscrit la question de l’application de techniques civilistes aux valeurs mobilières,
éléments spécifiques aux sociétés commerciales, au droit des sociétés. La
contractualisation des valeurs mobilières est un des éléments les plus utiles à
l’assouplissement de la vie sociétaire, favorisant l’activité des affaires.
La contractualisation des valeurs mobilières par l’application de techniques
proprement civilistes marque une volonté de liberté contractuelle qui doit
s’accommoder des spécificités du droit des sociétés. Deux courants s’affrontent
donc.
Les rédacteurs du Code civil comme du Code de commerce envisageaient la société
comme un contrat. L’article 1832 du code civil disposait (jusqu’à la loi du 11 juillet
1985) que « La société est un contrat… ». Le code de commerce n’avait consacré
que 46 articles aux sociétés, la loi du 24 juillet 1867 en comprenait une soixantaine.
Selon cette conception d’essence anglo-saxonne, c’est la liberté contractuelle qui
doit dominer, sous réserve de l’ordre public des articles 6 et 1134 du Code civil. Tout
ce qui n’est pas expressément interdit doit être autorisé. Comme tout contrat, elle
doit donc avoir, par exemple, un objet licite. La loi de 1994 instaurant la société par
actions simplifiée marque le regain de la théorie contractuelle ces dernières années
en laissant une très grande liberté aux parties.
1 Monsallier (M.-C.) : L’aménagement contractuel du fonctionnement de la société anonyme, L.G.D.J, 1998 ;Guyon (Y.) : Traité des contrats, Les sociétés, Aménagements statutaires et conventions entre associés, L.G.D.J.,4ème édition, 1999, n° 8.
La conception de la société peut aussi être d’inspiration légale ou institutionnelle. Elle
suppose alors une subordination des intérêts particuliers aux fins poursuivies par la
société. Selon la définition de l’institution d’Hauriou, la société s’entendrait alors
comme une organisation emprunte d’autorité visant à la satisfaction d’une idée mère.
Cette conception germanique a inspiré la loi de 1966 qui a instauré un système d’une
grande rigidité et laisse une large place à l’ordre public et à l’intérêt alors que ce
système peut aussi être plus ou moins marqué et seulement fixer les règles
générales en laissant une place à la liberté des parties. Ainsi s’explique que la
société et le droit des associés ne soient pas figés par l’acte constitutif de la société,
mais puissent être modifiés par une décision ultérieure. L’article 24 de la loi du 8 août
1994 abaissant le quorum des assemblées générales extraordinaires est une
manifestation de cette théorie. Cette conception justifie les nombreuses interventions
législatives visant à surveiller l’activité des sociétés dans la vie économique. La loi du
11 juillet 1985 est la consécration officielle de cette théorie. La société est
maintenant « instituée » et non plus constituée. Selon Monsieur le Professeur
Guyon, cette modification terminologique doit s’expliquer par l’apparition de la société
unipersonnelle plutôt que par une véritable volonté de faire triompher la théorie
institutionnelle.
Face à cette rigidité des règles, la pratique a tenté de réintroduire des espaces de
liberté contractuelle pour faciliter la rapidité et la souplesse de la vie des affaires.
Cette place laissée à la liberté peut passer par des aménagements statutaires ou par
des conventions extra-statutaires, comme les conventions de vote, les
aménagements dans l’organisation interne des organes des sociétés, la conclusion
de conventions visant à augmenter la stabilité des dirigeants… c’est dans cet esprit
que se développent les techniques envisagées appliquées aux valeurs mobilières.
La pratique a, pour ce faire, utilisé les valeurs mobilières qui permettent entre autres
d’acquérir la qualité d’actionnaire d’une société, de participer à la vie sociétaire et
d’accéder aux fonctions électives, en leur appliquant un certain nombre de
techniques connues. C’est cette application de techniques civilistes aux valeurs
mobilières qui sera l’objet de notre étude ; il convient d’en définir les contours avec
précision.
1) Définition des termes du sujet
L’intitulé du sujet de cette étude comprend deux expressions qui méritent d’être
définies afin de mieux les cerner et de mieux envisager les frontières de ce mémoire.
• Les valeurs mobilières
- Eléments de définition des valeurs mobilières
Les valeurs mobilières – expression que nous devons au préalable définir- sont très
nombreuses et reçoivent des applications variées. Toutes ne font pas l’objet de la
contractualisation des sociétés telle que nous l’envisageons. Il convient donc d’en
dresser un rapide inventaire et de ne se concentrer que sur celles intéressant notre
matière.
Selon la doctrine - qui reprend la définition donnée par le règlement général de la
SICOVAM et par la circulaire du 8 août 1983 relative au régime des valeurs
mobilières, « Le terme de valeurs mobilières s’entend d’un ensemble de titres de
même nature, cotés ou susceptibles de l’être, issus d’un même émetteur et conférant
par eux-mêmes, des droits identiques à leurs détenteurs ; et tous les droits détachés
d’une valeur mobilière, négociables ou susceptibles de l’être (droits de souscription
ou d’attribution) sont assimilés à une valeur mobilière »2. Ou encore plus simplement
ce sont « les titres de capital ou de créance, négociables conférant des droits
identiques par catégorie ». Et pour conclure, la vision du romancier que cite Monsieur
le Professeur Cozian :
- « Qu’est-ce que ces actions, je ne comprends pas bien ? demanda Ivan
Matvéevitch.
- C’est une invention allemande ! dit Tarantiev, agressif. Par exemple, un
arnaqueur trouve un procédé pour construire des maisons qui résistent au feu. Il
décide de bâtir toute une ville : il a besoin d’argent. Alors, il met en vente des
bouts de papier, disons de cinq cent roubles chacun ; une foule d’imbéciles les
achète et les revend les uns aux autres. Le bruit court que l’entreprise marche
bien, le prix des papiers monte ; ou qu’elle marche mal, et tout s’effondre. Il te
reste des bouts de papier, mais ils ne valent plus rien. Tu demandes : où est la
ville ? On te dit qu’elle a brûlé, qu’elle n’a pas été achevée et que l’inventeur s’est
2 Merle (Ph.) : Droit commercial, les sociétés commerciales, Dalloz, 7ème édition, 2000, n° 267.
sauvé avec ton argent. Voilà ce que c’est que les actions ! » (I. Gontcharov,
Oblomov, L’âge d’homme, p. 382)3.
La loi n°88-1202 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement
collectif en valeurs mobilières et création de fonds communs de créances dispose,
en son article 1er, que « Sont considérées comme valeurs mobilières (…) les titres
émis par des personnes morales publiques ou privées, transmissibles par inscription
en compte ou tradition, qui confèrent des droits identiques par catégorie et donnent
accès, directement ou indirectement, à une quotité du capital de la personne morale
émettrice ou à un droit de créance général sur son patrimoine ».
La nouvelle catégorie des « instruments financiers », introduite par la loi du 2 juillet
1996 regroupe « les actions et autres titres donnant accès, directement ou
indirectement, au capital ou aux droits de vote, transmissibles par inscription ou
tradition » et « les titres de créance qui représentent chacun un droit de créance sur
la personne morale qui les émet, transmissibles par inscription en compte ou
tradition, à l’exclusion des effets de commerce et des bons de caisse ». Il apparaît
donc que les valeurs mobilières existantes sont des instruments financiers4.
- Les caractéristiques des valeurs mobilières
Les éléments de définition nous permettent de déterminer les caractéristiques des
valeurs mobilières, ce qui est important de déterminer pour bien comprendre dans
quel cadre se fera l’application de techniques proprement civilistes. Ce sont des
biens meubles. Elles sont incorporelles puisque n’ayant pas d’existence matérielle. Il
est aussi admis, et c’est là une qualité sur laquelle nous aurons l’occasion de revenir
et qui pose problème pour l’application aux actions du prêt de consommation, que ce
sont des biens non consomptibles, c’est à dire qui ne se consomment pas par le
premier usage. Les valeurs mobilières sont des titres négociables facilement
transmissibles par virement de compte à compte, et des titres fongibles, c’est à dire
interchangeables contre des titres de même catégorie et valeur. Elles sont
susceptibles de procurer des revenus : soit parce que leur titulaire est un associé ;
soit parce qu’il est un créancier.
3 Cozian (M.), Viandier (A.) et Deboissy (Fl.) : Droit des sociétés, Litec, 13ème édition, 2000, n°1067.4 Ripert (G.) et Roblot (R.), par Delebecque (Ph.) et Germain (M.) : Traité de droit commercial, tome 2, L.G.D.J,15ème édition, 1996, n°1734 et s.
- Liste et classifications des valeurs mobilières
Il est impossible de dresser une liste exhaustive des valeurs mobilières existantes
depuis la loi n° 85-1321 du 14 décembre 1985 qui a consacré la liberté d’émettre des
valeurs mobilières hors des cadres prévus par la loi, en autorisant l’émission de
valeurs innomées.
La plupart des valeurs mobilières sont les actions émises par les sociétés anonymes
qui ne peuvent se constituer sans. La plupart des sociétés anonymes n’émettent
d’ailleurs que des actions. On distingue donc les actions sous toutes leurs formes,
les parts de fondateurs, les obligations, les certificats d’investissement, les valeurs
mobilières composées et les bons de souscription autonomes, et enfin, les titres
participatifs.
Les parts de fondateurs ou parts bénéficiaires sont des titres négociables émis par
les sociétés par actions, destinées à faire participer certaines personnes aux
bénéfices réalisés par la société en contrepartie de services rendus généralement au
moment de la constitution de la société ou d’une augmentation de capital. La loi du
24 juillet 1966 a interdit l’émission de parts de fondateurs nouvelles à compter du 1er
avril 1967.
La loi du 3 janvier 1983 a créé un nouveau produit financier en fractionnant l’action
en deux titres différents : le certificat d’investissement et le certificat de droit de vote.
Les droits pécuniaires et politiques sont séparés. Toutes les sociétés par actions
peuvent émettre ce type original de valeurs mobilières sans toutefois dépasser le
quart du capital social. Les certificats d’investissement sont des titres négociables.
Leurs titulaires ont droit à toutes les sommes mises en distribution par l’assemblée
générale. Ils peuvent obtenir communication des documents sociaux dans les
mêmes conditions que les actionnaires5.
Le certificat de vote quant à lui n’est pas une valeur mobilière. Il ne peut être cédé
qu’avec un certificat d’investissement ou au porteur d’un certificat d’investissement.
L’action est alors reconstituée. C’est le titulaire du certificat de vote qui est le titulaire
des droits politiques attachés à l’action. Il peut notamment participer aux assemblées
d’actionnaires et y voter, obtenir la communication des documents sociaux,
demander la désignation d’un expert de gestion.
5 Article L. 283-2 de la loi de 1966 et art. L. 228-32 du Code de commerce.
La loi du 3 janvier 1983 a instauré un cadre très souple pour régir les valeurs
mobilières composées et les bons de souscription autonomes. Selon l’article L. 228-
91 al. 1 du Code de commerce reprenant l’ancien article L. 339-1 al. 1 de la loi de
1966, les valeurs mobilières composées sont celles qui donnent « droit par
conversion, échange, remboursement, présentation d’un bon ou de toute autre
manière, à l’attribution à tout moment ou à date fixe de titres qui, à cet effet, sont ou
seront émis en représentation d’une quotité du capital de la société émettrice ».
Les titres participatifs sont aussi issus de la loi du 3 janvier 1983. Ce sont des titres
négociables à revenu variable, ne pouvant être émis que par les sociétés par actions
du secteur public, les sociétés anonymes coopératives, les banques coopératives ou
mutualistes, les établissements publics à caractère industriel et commercial, les
sociétés coopératives agricoles. Les porteurs de titres participatifs sont, comme les
obligataires, regroupés de plein droit dans une masse dotée de la personnalité
morale dont la finalité est la défense de leurs intérêts. Ils peuvent obtenir
communication des documents sociaux.
Ces titres sont moins répandus que les actions et les obligations.
Les obligations sont des titres négociables émis par une société qui emprunte un
capital important, à long terme, et divise sa dette en un grand nombre de coupures6.
L’obligataire n’est pas associé mais des droits dans la société lui sont reconnus.
L’obligation s’oppose à l’action en ce que l’actionnaire est un associé de la société
alors que l’obligataire est un créancier. La défense des intérêts de l’obligataire est
assurée par une masse à laquelle il est intégré de plein droit. Leur mode
d’intervention dans la vie sociale de la société dont ils sont créanciers est donc très
particulier. L’assemblée constituée de la masse des obligataires délibère sur les
décisions prises par la société pouvant les concerner. L’évolution législative récente
a créé de nouveaux types d’obligations, les obligations composées, dont le régime
les rapproche des actions. A l’inverse des obligations dites simples, certaines
obligations composées peuvent offrir la possibilité à leur titulaire d’acquérir la qualité
d’actionnaire : il s’agit des obligations convertibles en actions et des obligations
6 Ripert (G.) et Roblot (R.) par Germain (M.) et Vogel (L.) : Traité de droit commercial, Tome 1, L.G.D.J., 17ème
édition, 1998, n° 1779.
échangeables en actions. Les obligations convertibles en actions permettent à leur
titulaire de devenir actionnaire dans les conditions fixées lors de l’émission. Ce type
d’obligations est très intéressant pour les obligataires qui pourront devenir
actionnaire si la situation de la société est florissante. Les obligations échangeables
contre des actions ont été introduites par la loi de 1966. Ce type d’obligations n’a que
très peu de succès en raison des lourdes contraintes lors de leur émission. Enfin, les
obligations avec bons de souscription d’actions (O.B.S.A), introduites par la loi du 3
janvier 1983. Les bons de souscription sont détachables de l'obligation et
négociables indépendamment de celle-ci. Ces obligations donnent ouvrent la
possibilité à leur titulaire de souscrire aux actions émises par la société dans les
conditions fixées par le contrat d’émission.
Sans conteste la catégorie la plus importante de valeurs mobilières est représentée
par les actions. Le plus souvent ce sont les seules valeurs mobilières émises par les
sociétés. C’est la catégorie qui retiendra le plus notre attention. Le terme action
désigne le droit de l’associé dans une société anonyme ou dans une société en
commandite par actions et désigne aussi le titre négociable qui représente ce droit.
La valeur nominale de chaque action représente une quote-part du capital social. Les
actions peuvent être nominatives ou au porteur. On distingue une grande variété
d’actions que l’on peut classer suivant leur forme, la nature de l’apport qu’elles
représentent ou l’étendue des droits qu’elles confèrent : les actions nominatives ou
au porteur, les actions de numéraire ou d’apport, les actions de capital et les actions
de jouissance, les actions ordinaires et actions de priorité, les actions à dividende
prioritaire sans droit de vote. Cette dernière catégorie d’actions est soumise à un
régime très particulier. Pécuniairement, les actionnaires détenteurs de ces titres ont
une priorité sur les actionnaires ordinaires pour la distribution d’un premier dividende.
Cette catégorie d’actionnaires voit ses prérogatives extra-pécuniaires réduites. Ils
sont en effet privé du droit d’assister aux assemblées d’actionnaires et d’y voter. Une
réserve toutefois, ils peuvent, à certaines conditions, retrouver ce droit si les
dividendes prioritaires dus au titre de trois exercices n’ont pas été intégralement
versés. Les porteurs d’actions à dividende prioritaire sans droit de vote bénéficient du
droit à l’information, du droit de demander la désignation d’un expert de gestion ou
encore de mettre en œuvre une procédure d’alerte.
Les actionnaires ordinaires voient leurs droits très étendus, nous ne les reprendrons
pas tous ici pour mieux y revenir plus tard, quand nous examinerons les prérogatives
des actionnaires. Les droits des actionnaires se divisent en droits politiques et
pécuniaires.
Quelques précisions ont été apportées par la jurisprudence7, certains titres posant
problème. Les billets à ordre émis par les banques8, les bons de capitalisation émis
par une société (simples contrats individuels dont la valeur diffère d’un bon à
l’autre)9, les bons de récupération attribués aux créanciers chirographaires d’une
société en faillite par le repreneur10, ne sont pas des valeurs mobilières. Alors qu’au
contraire et de façon assez surprenante sont considérés comme des valeurs
mobilières les grosses notariées créées en série11 et les bons de trésorerie émis en
série12.
Une catégorie de titres ne fait pas partie des valeurs mobilières, il s’agit des parts
sociales. Les parts sociales sont « le droit que l’associé reçoit en contrepartie de son
apport. Ce droit représente une fraction du capital social et détermine les
prérogatives de l’associé »13. Les parts sociales ne sont pas des valeurs mobilières,
il est d'ailleurs interdit aux SARL d’émettre des valeurs mobilières. Les droits des
associés dans le capital social, c’est-à-dire les parts sociales, ne peuvent pas être
représentés par des titres négociables14. Cependant il s’agit bien là de « titres
donnant ou pouvant donner accès, directement ou indirectement, au capital ou aux
droits de vote… » tel que la loi du 2 juillet 1996 peut l’entendre. Les associés, ont
des droits et des obligations proches des actionnaires. Les parts peuvent dans une
certaine mesure faire l’objet de certains aménagements contractuels communs avec
les actions pour obtenir un résultat semblable. Les conventions portant transfert
temporaire de parts sociales sont très rares et sans intérêt. Pour le cas de la
convention de portage, par exemple, la nécessité d’obtenir un agrément de
7 La jurisprudence en question est citée par : Cozian (M.), Viandier (A.) et Deboissy (Fl.) : op. cit, nous enindiquerons les références.8 Cass. Req., 17 août 1869 : D.P. 1870, I, 33.9 Cass., 7 mai 1912 : S. 1914, I, 489, note Wahl (A.).10 Cass. Req., 19 juin 1945 : S. 1947, I, 145, note Bastian (D.).11 Cass. Com., 11 janv. 1954 : Bull. Civ., III, n°11.12 Cass. Crim., 15 juin 1954 : J.C.P., 1955, 8724, note D.B.13 Lexique de Termes juridiques, Dalloz, 10ème édition.14 Ancien article 43 de la loi de 1966, article L. 223-12 du Code de commerce.
l’assemblée générale, à l’unanimité dans les sociétés en nom collectif, à la double
majorité des trois quarts des parts sociales et de la moitié des associés de la SARL,
va rendre très hasardeuse la pratique du portage des droits sociaux émis par ces
personnes morales. A supposer que le porteur obtienne l’agrément lors de la cession
de titres qui lui est faite par le donneur d’ordre, la convention de portage risque de se
voir paralysée par le jeu de la procédure d’agrément lors de la rétrocession des titres
du porteur au bénéficiaire. La contractualisation des parts sociales peut aussi servir à
devenir associé et à accéder aux fonctions de gérance.
Notre étude s’attachera aux valeurs mobilières permettant l’acquisition de la qualité
d’actionnaire dans les sociétés de capitaux et d’aménager le fonctionnement des
sociétés. Il s’agira donc des actions.
Après avoir cerné examiné quelles valeurs mobilières seront étudiées, il convient de
savoir ce qu’il se cache derrière l’expression « techniques civilistes ».
• Les « techniques civilistes »
Par techniques civilistes il faut tout d’abord entendre les techniques contractuelles
tirées du Code civil, autres que les contrats classiques, et permettant d’aménager le
fonctionnement de la société. Beaucoup des contrats prévus par le Code civil ne
retiendront pas notre attention en raison de leur absence de spécificité : la vente, la
donation, les testaments, le dépôt et le séquestre, les sûretés. Retiendront donc
notre attention : l’usufruit, les règles gouvernant l’indivision, le prêt, la vente à
réméré, le prêt et, dans une certaine mesure, parce qu’il permet d’aménager le
fonctionnement du vote, le mandat.
D’autres techniques contractuelles créées par la pratique et d’inspiration civiliste
doivent être envisagées. Il s’agit du portage, de la pension livrée et de la
convention de croupier.
- Essai de classifications
Il est nécessaire de s’essayer à regrouper ces techniques pour mieux en comprendre
les utilités, ce qui sera une bonne méthode pour les étudier. Il est possible de les
examiner au regard des conséquences qu’elles emportent quant à la propriété des
valeurs mobilières15. La plus grande catégorie se compose des contrats emportant
transfert temporaire des titres : il s’agit de la vente à réméré, du prêt, du crédit-bail,
du portage et de la pension livrée. La convention de croupier emportant quant à elle
« aliénation partielle ». L’usufruit et l’indivision sont des techniques pour lesquelles
des personnes ont des droits concurrents sur le même bien.
- Définition des termes employés
Il est important de bien définir ces techniques pour mieux en cerner les mécanismes.
Elles se rassemblent en plusieurs groupes : ceux emportant transfert temporaire de
valeurs mobilières et ceux pour lesquels plusieurs personnes exercent des droits
concurrents sur ces titres.
- Le plus important est celui des contrats emportant transfert temporaire de
valeurs mobilières.
Le plus connu de ces contrats est le prêt. La première chose que nous enseigne
l’examen de l’article 1874 du Code civil, est qu’il existe deux sortes de prêts : celui
des choses dont on peut user sans les détruire, il s’agit du « prêt à usage », aussi
appelé commodat, et celui des choses qui se consomment par l’usage qu’on en fait,
il s’agit du « prêt de consommation », appelé plus simplement prêt. Une section du
Code civil est consacrée à chaque prêt, chacun ayant son propre régime. L’article
1875 du Code civil définit le prêt à usage comme le « contrat par lequel l’une des
parties livre une chose à l’autre pour s’en servir, à la charge par le preneur de la
rendre après s’en être servi ». Contrairement à ce qui est disposé pour le prêt de
consommation, essentiellement gratuit en ne pouvant porter que sur des choses
consomptibles, « le prêteur demeure propriétaire de la chose prêtée »16. Ce type de
prêt n’implique donc aucun transfert de possession ni de propriété. Nous verrons que
cette caractéristique est fondamentale pour décider que le prêt à usage n’est pas
applicable aux actions. On lui préférera le prêt de consommation, régi par les articles
1892 et suivants du Code civil qui le définit comme « un contrat par lequel l’un des
parties livre à une autre une certaine quantité de choses qui se consomment par
l’usage, à la charge par cette dernière de lui en rendre autant de même espèce et
quantité ». Ce type de prêt emporte transfert de propriété comme en dispose l’article
15 Guyon (Y.) : Traité des contrats, Les sociétés, Aménagements statutaires et conventions entre associés,L.G.D.J., 4ème édition, 1999, n° 251 et s.16 Article 1877 c. civ.
1893 : « Par l’effet de ce prêt, l’emprunteur devient propriétaire de la chose
prêtée… ». Pour une partie de plus en plus importante de la doctrine le prêt de
consommation serait inadapté au prêt d’actions17. Ainsi pour M. le professeur
Guyon18, « ni le prêt à usage ni le prêt de consommation ne conviennent
véritablement au prêt de titres ». M. Lucas est aussi sévère, « Le contrat de prêt
emprunté du Code civil pour organiser des transferts temporaires de valeurs
mobilières est manifestement inadapté… »19. Pour ces auteurs, la vente à réméré
n’est pas plus adaptée20.
La vente à réméré ou réméré est une forme de vente avec faculté de rachat pour le
vendeur. Elle est régie par les articles 1659 à 1673 du Code civil. Il s’agit d’un
« pacte par lequel le vendeur se réserve de reprendre la chose vendue, moyennant
la restitution du prix principal et le remboursement » des frais. Le réméré doit
s’analyser comme une vente sous condition résolutoire, en effet, l’exercice du réméré
annule rétroactivement la vente. On distingue le réméré de la pension livrée en ce
que la pension implique une obligation réciproque de racheter et de revendre les
titres alors que le réméré n’offre qu’une option en faveur du vendeur.
Enfin, le portage, qui a la faveur de la doctrine. Trois approches du portage peuvent
être envisagées. Il peut s’agir, d’une part, de la convention par laquelle un
emprunteur cède à son prêteur, en garantie du prêt, la propriété d’actions ou
d’obligations, étant convenu que les titres seront transférés à l’échéance et après
remboursement du prêt. D’autre part, le portage peut être entendu comme la
convention par laquelle le titulaire de titres, actions ou obligations, les cède à un
tiers, lequel s’oblige à les rétrocéder à un prix et à un terme convenu21. Enfin, M.
Guyon nous donne une définition limpide du portage, celle que nous retiendrons pour
17 Ainsi par exemple : Huguet (H.) : Mise à disposition d’actions au profit de personnes physiques afin de leurpermettre d’exercer des fonctions d’administrateurs ou de membres du conseil de surveillance dans les filialesnon cotées d’un groupe, Dr. Sociétés, mars 1999, p. 5 ; Lucas (F.-X.) et Neau-Leduc (P.) : Mise à dispositiond’actions à des administrateurs ou à des membres du conseil de surveillance, Actes Pratiques, Sociétés, nov.-déc.1999, p. 7.18 Guyon (Y.) : op. cit. n° 259.19 Lucas (F.-X.) : Les transferts temporaires de valeurs mobilières, pour une fiducie de valeurs mobilières,L.G.D.J., 1997, n° 471 et s.20 Par exemple : Perrot (A.) : La vente à réméré de valeurs mobilières, R.T.D. com., 1993, p. 1, pour qui lapension-livrée serait un bon substitut au réméré.21 Schmidt (D.) : Les opérations de portage de titres de sociétés, in Les opérations fiduciaires, Feduci-L.G.D.J.,1985, p. 29.
notre étude. « Le portage est une convention par laquelle une personne (le porteur)
accepte, sur demande d’une autre personne (le donneur d’ordre) de se rendre
actionnaire d’une société, par acquisition ou souscription d’actions, étant convenu
qu’après un certain délai ces actions seront transférées à une personne désignée,
pour un prix fixé dès l’origine »22. Le porteur est donc un propriétaire temporaire qui
doit transférer la propriété au terme convenu à la personne désignée, elle-même
tenue d’acquérir, à des conditions fixées ab initio. Le bénéficiaire peut être le
donneur d’ordre lui-même.
Très proche du portage, la pension-livrée ne concerne que les titres cotés et n’est
accessible qu’aux personnes morales. Cet instrument n’a fait l’objet d’aucune
définition légale. Il s’agit d’un « instrument de trésorerie permettant au détenteur de
titres de se procurer un financement ou à un détenteur de liquidités de réaliser un
placement, contre une remise temporaire de titres »23. La Banque de France a rédigé
une « convention de place » qui définit la pension comme « une opération par
laquelle, une personne (le cédant) cède à une autre personne (le cessionnaire), des
effets publics ou privés, les valeurs mobilières ou les titres de créances négociables
(…) et par laquelle le cédant et le cessionnaire s’engagent réciproquement, le
premier à les reprendre, le second à les rétrocéder, pour un prix et à une date
convenus ». Cette technique ne concernant qu’exclusivement le droit boursier et
financier ne sera pas abordé dans le cadre de cette étude.
- L’usufruit et l’indivision sont les techniques contractuelles pour lesquelles
différentes personnes ont des droits concurrents sur les mêmes biens.
L’usufruit, définit par l’article 578 du Code civil, « est le droit de jouir des choses dont
un autre à la propriété, comme le propriétaire lui-même, mais à charge d’en
conserver la substance ». L’usufruit est un droit réel, au maximum viager, conférant à
son titulaire l’usage et la jouissance d’une chose qui appartient à autrui, ou d’un droit
dont une autre personne est titulaire24. Deux personnes ont des droits concurrents
sur les titres démembrés : l’usufruitier et le nu-propriétaire. L’usufruitier a l’usage de
22 Guyon (Y.) : op. cit., n° 254.23 Auckentaler (F.) : Les transferts temporaires de titres sur les marchés de l’argent, Thèse Montpellier, 1993,n°340 et suivants.24 Mazeaud (H.) et (L.), Mazeaud (J.) et Chabas (F.) : Les biens, Droits de propriété et ses démembrements,Montchrétien, 5ème édition, 1994, n°1646 et suivants.
la chose (usus) et le droit d’en percevoir les fruits (fructus), mais il n’a pas le pouvoir
d’en disposer, l’abusus est la prérogative du propriétaire. L’usufruit peut résulter d’un
événement indépendant de la volonté des parties ou d’une convention entre elles. Il
peut porter sur des valeurs mobilières, mais cette transposition aux droits incorporels
se fait malaisément. Si le droit de l’usufruit ne fait aucun cas de l’usufruit de valeurs
mobilières, le droit des sociétés s’y est fortement intéressé. La répartition des droits
politiques et pécuniaires entre l’usufruitier et le nu-propriétaire est organisée par la loi
mais une part de liberté est laissée. Des difficultés ont pu naître sur le point de savoir
lequel des deux avait la qualité d’associé, lequel pouvait assister et voter aux
différentes assemblées. Nous examinerons ces difficultés à l’occasion de l’étude plus
approfondie de l’usufruit.
Les valeurs mobilières peuvent être soumises à un régime d’indivision. Plusieurs
personnes, les indivisaires, ayant toutes la qualité de propriétaire sur une quote-part.
Un des caractères fondamentaux de l’indivision, telle qu’organisée par les articles
815 et suivants du Code civil est d’être temporaire, c’est pour cela que la loi n° 76-
1286 du 31 décembre 1976 a organisé aux articles 1873-1 et suivants le régime de
l’indivision conventionnelle, qui permet à ceux qui exercent des droits sur des biens
indivis de se maintenir en indivision et de passer des conventions relatives à
l’exercice de ses droits. On peut alors s’interroger sur le point de savoir qui a la
qualité d’associé ou d’actionnaire, qui donc participe aux assemblées, y vote…
Une dernière technique sera envisagée, la convention de croupier, qui depuis la loi
du 4 janvier 1978 ayant abrogé l’article 1861 du Code civil est un contrat innomé
s’apparentant à la société en participation. Il s’agit d’un contrat emportant aliénation
partielle de valeurs mobilières. La convention de croupier est l’accord par lequel un
associé partage avec un tiers les bénéfices et les pertes qui résultent de sa
participation à une société. Elle permet à un associé de partager avec un tiers à la
société les résultats positifs ou négatifs des droits sociaux sans avoir à obtenir le
consentement des autres actionnaires ou associés. La convention de croupier peut
aussi servir pour un actionnaire à obtenir un prêt dont le principal et les intérêts
seront payés par les dividendes. Ainsi les pouvoirs politiques et pécuniaires font
l’objet d’un aménagement entre les parties.
Ces techniques contractuelles peuvent recevoir différentes applications, autres que
celles d’accéder au statut d’associé et de participer activement à la vie sociale.
2) L’aménagement conventionnel des valeurs mobilières
Deux types d’aménagements sont possibles. Les conventions étudiées peuvent
servir à répondre à des besoins financiers ou à aménager le fonctionnement de la
société.
- Applications pratiques ressortant de nécessités financières
Les autres applications réservées à ces techniques sont d’ordre financier. Les
motivations des parties répondent à des soucis de sécurité et de liberté25.
Le réméré, le prêt et la pension peuvent servir à répondre à un besoin de sécurité,
afin de recomposer son actif, pour placer des liquidités en bénéficiant d’une garantie
ou encore faire face à un besoin de livraison 26.
Certains organismes de placement ou d’assurance sont soumis à des contraintes
relatives à la composition de leurs actifs. Recourir à ces techniques leur permet de
les respecter. Le recours à des techniques emportant transfert temporaire de valeurs
mobilières peut servir à assurer la livraison de titres qu’une partie s’est engagée à
livrer mais dont elle ne dispose pas, à l’occasion par exemple d’une opération
d’arbitrage ou de contrepartie. L’arbitrage peut être défini comme l’opération qui
consiste à tirer parti d’un écart de prix existant entre deux marchés27. Selon le
vocabulaire Capitant la contrepartie est « le fait, par celui auquel il est donné mandat
de vendre ou d’acheter une marchandise, de se porter lui-même acquéreur ou
vendeur de cette marchandise ». La contrepartie vise à améliorer la liquidité en
permettant aux intermédiaires d’acheter ou de vendre pour leur propre compte, les
titres offerts ou demandés par leurs clients.
25 Auckentaler (F.) : Les transferts temporaires de titres sur les marchés de l’argent, thèse Montpellier, 1993, p.48 et s.26 Lucas (F.-X.) : Les transferts temporaires de valeurs mobilières, pour une fiducie de valeurs mobilières,L.G.D.J, 1997, n° 30 et s.27 Auckentaler (F.) : op. cit., p. 82.
La remise de titres par le biais d’un transfert temporaire peut servir dans l’opération
où l’essentiel est la réalisation d’un prêt ou d’un placement. Le transfert de propriété
permet la constitution d’une garantie, en conférant au créancier un droit de propriété
dépendant du remboursement de la dette28. Cette technique a été mise au point pour
pallier les imperfections du nantissement de titres qui n’opère pas de transfert de
propriété29. Les délais de réalisation du gage sont aussi incompatibles avec
l’impératif d’efficacité des opérations financières.
Les transferts temporaires de valeurs mobilières servent aussi à pallier les risques de
liquidité, que sont pour un acheteur de titres, de ne pas être livré à l’échéance
convenue parce que son vendeur ne dispose pas des titres. Un tiers va donc fournir
au vendeur la provision de titres nécessaire à la livraison, à charge pour lui de
restituer des titres semblables à terme. Dans cette hypothèse, le transfert de titres
n’est pas la contrepartie d’un prêt ou d’un placement d’espèces mais vise à gérer le
risque de défaillance du vendeur de titres dans sa livraison. Ces solutions sont les
plus adaptées aux exigences de ce type d’opérations. La solution du rachat en
bourse des actions à livrer se montre défavorable au vendeur de titres. Si le vendeur
s’avère défaillant, l’acheteur peut demander à sa société de bourse la mise en route
de la procédure de rachat pour les livrer à l’acheteur. Si le prix est inférieur à celui
convenu entre les parties, le manque à gagner sera supporté par le vendeur
défaillant. On comprend l’intérêt de transferts temporaires de titres.
Les transferts temporaires de titres s’inscrivant dans le cadre financier permettent de
suivre des objectifs de rentabilité ou de gestion fiscale. Le transfert temporaire de
titres peut servir, pour les investisseurs institutionnels disposant d’importants stocks
de titres, à améliorer la rentabilité de leur portefeuille. Ils percevront ainsi les coupons
et autres droits attachés aux titres et les intérêts propres rémunérant leur mise à
disposition. L’intérêt fiscal d’un transfert temporaire de titres attrait à l’imputation du
crédit d’impôts attachés aux titres et à l’alternative entre la perception d’un revenu ou
la réalisation d’une plus value30.
28 Malaurie (Ph.) et Aynès (L.) : Droit civil, Les sûretés, La publicité foncière, 8ème édition, 1997, Editions Cujas,p. 287 et s.29 Fasquelle (D.) : Le nantissement des valeurs mobilières, R.T.D. com., 1995, p. 1.30 Pour des détails sur les intérêts fiscaux des transferts temporaires de valeurs mobilières : Lucas (F.-X.) : op.cit., n° 34 et Auckentaler (F.) : op. cit., p. 96 et s..
De leur côté l’indivision et l’usufruit, quand ils ne sont pas la conséquence
d’événements dépendants de la volonté des parties, ne sont pas utilisés pour des
opérations financières. Les parts sociales et les actions présentent des aspects
politiques et pécuniaires, ils représentent donc la valeur des apports réalisés, se
prêtant ainsi aisément aux situations comportant concurrence de droit, mais aussi
des prérogatives attachées à la personne qui s’accommodent moins bien avec la
coexistence d’une pluralité de personnes ayant des droits identiques ou différents sur
un même titre31.
L’aménagement contractuel du fonctionnement des sociétés n’est pas intéressé en
premier lieu par les applications financières de ces techniques.
- Plan
Quand des personnes utilisent ces techniques c’est avec le dessein d’éviter de
requérir des agréments pour devenir associé d’une société, ou encore pour
aménager l’accès d’une personne aux assemblées, son droit de vote. Plus
intéressant encore sont les aménagements des valeurs mobilières visant à la mise à
disposition d’actions à des administrateurs ou à des membres du conseil de
surveillance. Là se situe le grand enjeu de ces dernières années où les fonctions de
direction des sociétés des grands groupes se sont professionnalisées. Ces
mécanismes ne sont d’ailleurs pas sans évoquer pour nous la théorie économique
de l’agence32 et ses systèmes d’incitation. La relation d’agence, qui se propose de
donner une vision contractuelle de la firme, peut être définie comme un contrat par
lequel une ou plusieurs personnes (le principal) engage une autre personne (l’agent)
pour exécuter en son nom une tâche quelconque qui implique une délégation d’un
certain pouvoir de décision à l’agent. Selon cette théorie, dont les principaux auteurs
sont Charreaux, Fama, Jensen et Meckling, la forme la plus efficiente d’organisation
sociétaire est la société par actions, dont la forme la plus aboutie serait, en droit
français la société anonyme à directoire et conseil de surveillance, car elle permet la
mise en place efficace des dispositifs de hiérarchie, de surveillance, l’aménagement
du droit de vote et le contrôle des mandataires (1ère partie).
31 Lecene (M.) : Les parts et actions d’une société commerciale qui appartiennent à plusieurs personnes, ThèseBordeaux, 1992, n° 7.
Ce courant contractualiste, fortement soutenu par la pratique des affaires en réaction
à un système rigide, et par la loi depuis l’apparition de la SAS, aussi séduisant soit-il,
n’est pas sans limites.
L’application de techniques civilistes à des outils propres au droit des sociétés ne se
fait pas sans heurt. Ces techniques se révèlent le plus souvent inadaptées. La
doctrine a pu proposer des types de conventions sui generis pour chaque but
recherché. Les limites à la liberté contractuelle sont aussi posées par les règles
impératives du Code civil, les grands principes du droit des sociétés, ou encore et
surtout par l’ordre public et l’intérêt social. La doctrine peut peut-être nous proposer
des solutions plus adaptées pour contourner ces différents obstacles (2ème partie).
Plan :
1ère partie : Les finalités des techniques civilistes appliquées
aux valeurs mobilières
2ème partie : La limitation des aménagements conventionnels
32 Coriat (B.) et Weinstein (O.) : Les nouvelles théories de l’entreprise, in Droits de propriété et relationd’agence. La nouvelle orthodoxie néoclassique, pp. 77-107.
1ère partie : Les finalités des techniques civilistes appliquées
aux valeurs mobilières
La plupart des techniques contractuelles énumérées peuvent intervenir à différents
stades de la vie sociale en fonction du but recherché dans l’opération, tandis que
d’autres sont réservées à des usages plus spécifiques. Une personne qui veut
participer à la vie d’une société, doit d’abord en devenir actionnaire. Le nouvel
actionnaire (par exemple la personne qui ne devient actionnaire que dans le but de
devenir administrateur) comme l’actionnaire plus ancien utilisent les mêmes
techniques quand ils souhaitent organiser leur participation à la vie sociale.
La personne déjà actionnaire va utiliser ces différentes techniques contractuelles
pour aménager sa participation à la vie sociale en aménageant les prérogatives
politiques et pécuniaires accordées par les actions, concernant l’accès aux
assemblées, le droit de vote, la représentation, la perception des dividendes… (A).
Pour une personne qui n’est pas encore actionnaire, l’accession à cette qualité a le
plus souvent comme fin l’accession aux fonctions de direction de la société. Afin de
permettre à cette personne d’exercer ces fonctions, tout en conservant la possibilité
de récupérer les actions à lui confiées. La mise à disposition d’actions à un
administrateur ou à un membre du conseil de surveillance se fait le plus souvent par
le biais de techniques emportant transfert temporaire de valeurs mobilières (B).
A – L’aménagement des prérogatives de l’associé
Les droits et devoirs des associés sont nombreux. La participation à une société se
révèle souvent complexe et nécessite parfois l’aménagement des droits dont le titre
est le support (2). Ces aménagements ne peuvent se comprendre qu’en étudiant la
teneur des prérogatives conférées par les valeurs mobilières (1).
§ 1. Les caractères de la qualité d’actionnaire
Les prérogatives de l’actionnaire sont nombreuses (a), et présentent certaines
particularités lorsque les actions font l’objet d’aménagements conventionnels (b).
a) Les prérogatives de l’associé
L’associé bénéficie de droits politiques et pécuniaires. Les droits de l’actionnaire sont
d’autant plus importants que celui-ci est majoritaire ou fait partie d’un regroupement
d’actionnaires.
L’étude des caractères fondamentaux communs à toutes les sociétés commerciales
nous permet d’identifier les associés. Mais peut-on utiliser le terme d’associé pour les
sociétés par actions ? S’attacher aux critères donnés par M. Viandier33 sur les
associés en matière de société anonyme peut surprendre à la lecture du traité de
Ripert et Roblot34, « le mot associés n’est jamais employé pour désigner les
actionnaires, car ce qui les lie à la société ce n’est pas le contrat de société, mais la
détention d’un titre négociable ». Mais quand M. Viandier définit la notion d’associé,
c’est bien ce qu’il y a de commun aux associés des sociétés de personne et aux
actionnaires qu’il étudie. Pour M. Merle l’actionnaire est bien un associé : « les droits
des actionnaires sont en revanche multiples, étant liés à sa qualité d’associé »35.
L’étude de M. Viandier sur la notion d’associé nous permet de mieux définir
l’actionnaire, de mieux en identifier les éléments qui lui attribuent cette qualification.
Deux théories s’affrontent au sujet de la définition classique de la notion d’associé :
la théorie classique et celle de M. Viandier qui se propose d’actualiser les critères de
définition.
Le rappel de ces grands principes nous sera utile pour examiner la validité des
techniques contractuelles que nous étudierons.
Selon la théorie classique, l’associé est l’apporteur ayant vocation aux pertes et aux
bénéfices, il est caractérisé par un certain affectio societatis.
Cette théorie considère que la qualité d’apporteur, essentielle, se confond avec celle
d’associé. Chaque associé doit obligatoirement faire un apport, même si la société à
laquelle il appartient n’est pas dotée de la personnalité morale. L’apport est le bien,
(somme d’argent, immeuble, fonds de commerce…) dont l’associé confère la
propriété ou la jouissance à la société et en contrepartie duquel il reçoit des parts ou
actions. L’article 1843-2 al. 1 du Code civil dispose aussi que « Les droits de chaque
associé dans le capital social sont proportionnels à ses apports lors de la constitution
33 Viandier (A.) : La notion d’associé, Thèse Paris, 1978.34 Ripert (G.) et Roblot (R.) par Germain (M.) et Vogel (L.) : Traité de droit commercial, Tome 1, L.G.D.J.,17ème édition, 1998, n° 1504.
de la société ou au cours de l’existence de celle-ci ». Les apports peuvent se diviser
en trois catégories selon leur nature : les apports en numéraire, en nature ou en
industrie.
Les associés partagent les bénéfices ou profitent de l’économie résultant de
l’exploitation de la société. En contrepartie ils s’engagent à contribuer aux pertes36.
Par application de ce principe, l’article 1844-1 alinéa 2 du Code civil prohibe les
clauses léonines en disposant que « La stipulation attribuant à un associé la totalité
du profit procuré par la société ou l’exonérant de la totalité des pertes, celle excluant
un associé totalement du profit ou mettant à sa charge la totalité des pertes sont
réputées non écrites ». Cette exigence participe aussi de l’affectio societatis, souvent
présenté comme une volonté de collaborer intéressée. Le sens du mot bénéfice a
subi une double évolution. De bienfait, son premier sens, il est devenu « gain réalisé
dans une opération ou une entreprise »37, et, lorsque Pothier écrit qu’ « il est de
l’essence du contrat de société que les parties se proposent…de faire un gain ou un
profit… »38, il exprime ainsi la nécessité, pour chacune des parties, d’avoir vocation
aux bénéfices. L’idée de gain s’est ensuite diluée pour absorber celle d’économie, ce
que consacre l’article 1832 dans sa rédaction postérieure à 1978. Le concept de
perte a subi la même évolution, celle-ci ayant toujours été considérée comme le
contraire du bénéfice.
Un autre élément caractérise le contrat de société même s’il ne figure pas
expressément à l’article 1832 : l’affectio societatis, qui est l’intention de s’associer. Il
s’agit plus d’un sentiment que d’un concept juridique.
M. Viandier ne se satisfait plus des critères classiques que sont la pluralité
d’associés, la vocation aux bénéfices, la contribution aux pertes et l’affectio
societatis, pour définir l’associé alors que ces critères sont ceux du contrat de
société39. Pour M. Viandier les nouveaux critères déterminants sont les apports et le
droit d’intervention de l’associé dans la vie sociale.
35 Merle (P.) : op. cit. n°293.36 Article 1832 du Code civil dans sa rédaction modifiée par la loi n° 78-9 du 4 janvier 1978.37 Définition courante de dictionnaire.38 Pothier : Traité du contrat de société, n° 12.39 Viandier (A.) : op. cit., n° 153.
M. Viandier relève certaines discordances entre la qualité d’apporteur et celle
d’associé, notamment en cas d’indivision40 et d’usufruit41 ou de prêt d’actions42. Nous
aurons l’occasion d’examiner plus précisément ses griefs.
- Les droits politiques de l’actionnaire
Une série de droits extra-pécuniaires est attribuée à l’actionnaire.
Un des droits fondamentaux de l’actionnaire est celui de faire partie de la société, et
de rester associé. L’actionnaire a le droit de participer aux assemblées générales et
d’y voter afin de prendre part aux décisions collectives, c’est ce qu’a récemment
affirmé la Cour de cassation dans l’arrêt Château d’Yquem du 9 février 199943 :
« tout associé a le droit de participer aux décisions collectives et de voter et les
statuts ne peuvent déroger à ces dispositions ». Ce principe n’est pas sans susciter
de difficultés dans les situations où des personnes exercent des droits concurrents
sur des valeurs mobilières. La Cour de cassation distingue le droit de participer aux
assemblées du droit de vote. En cas d’usufruit, le nu-propriétaire et l’usufruitier sont
convoqués aux assemblées mais seul l’un d’entre eux vote.
L’actionnaire bénéficie d’un droit à l’information permanent qu’il exerce lors des
assemblées générales. Cette information émane surtout du commissaire aux
comptes et attrait aux résultats et aux comptes sociaux.
L’actionnaire a le droit de négocier ses actions, support de droits pécuniaires.
- Les droits pécuniaires de l’actionnaire
Ce sont le droit au dividende et le droit à une part de l’actif social. Le dividende est la
part de bénéfices que la société distribue à chacun des actionnaires et dont le
montant est fixé par l’assemblée générale ordinaire annuelle. L’actionnaire n’a pas le
droit d’exiger que chaque année un dividende lui soit versé mais simplement il ne
peut être privé indûment de son droit sur les bénéfices et sur les réserves. Lors de
l’augmentation du capital de la société en numéraire, les actionnaires disposent d’un
40 Viandier : op. cit., n° 19.41 Viandier : op. cit., n° 20.42 Viandier : op. cit., n° 24.
droit préférentiel de souscription aux actions nouvelles afin de réparer le préjudice
que l’actionnaire subit du fait de cette augmentation de capital.
Ce sont la répartition de ces droits que les parties cherchent à aménager en
appliquant aux valeurs mobilières certaines techniques civilistes.
b) Le sort des prérogatives de l’associé lors d’aménagements conventionnels
Les prérogatives pécuniaires comme politiques de l’actionnaire subissent quelques
aménagements quand sont appliquées aux valeurs mobilières les techniques
étudiées.
- le sort des prérogatives pécuniaires
Les prérogatives pécuniaires de l’associé peuvent faire l’objet d’aménagements par
l’instauration d’une convention de croupier qui faisait l’objet des dispositions de
l’ancien article 1861 du Code civil : « Chaque associé peut, sans le consentement de
ses coassociés, s’associer une tierce personne relativement à la part qu’il a dans la
société ; il ne peut pas, sans ce consentement, l’associer à la société, lors même
qu’il en aurait l’administration ». Si cette disposition a été abrogée en 1978, il ne fait
pas de doute que la convention de croupier est valable, ne serait ce qu’en raison de
l’autonomie de la volonté. La convention de croupier permet donc à un associé de
partager avec un tiers les bénéfices et les pertes qui résultent de sa participation à la
société. Pour cette opération, l’associé n’a pas à requérir le consentement des autres
associés comme ce pourrait être le cas pour une cession de titres. La convention de
croupier revêt le plus souvent la forme d’une société en participation, elle n’a aucun
effet à l’égard de la société qui est tiers à la convention. La participation de l’associé
est partagée avec le croupier mais l’actionnaire demeure toujours l’associé, le
croupier, qui « monte en croupe derrière l’associé »44, n’a aucune autre prérogative
attachée à la qualité d’actionnaire et n’a donc aucun droit à l’information ni
d’immixtion dans les affaires sociales. A l’inverse, il n’est tenu à l’égard de la société
à aucune des obligations qui incombent normalement aux associés.
43 Cass. Com., 9 févr. 1999, SCA du Château d’Yquem c/ de Chizille et a : J.C.P., éd. E., 1999, p. 724, noteGuyon (Y.) ; Bull. Joly 1999, p. 566, n° 122, obs. Daigre (J.-J.) ; Rev. Sociétés 1999, p. 81, note Le Cannu (P.) ;Dr. Sociétés 1999, n° 67, note Bonneau (Th.).44 Merle (Ph.) : op. cit., n° 46, p. 69.
La convention de croupier ne permet pas tous les aménagements et ne doit pas
conduire à contourner les règles statutaires gouvernant la vie sociale et concernant
l’entrée de nouveaux actionnaires dans la société. Par exemple, il a été jugé qu’une
convention de croupier portant sur la majorité des parts d’une S.N.C. peut, en raison
des droits conférés au croupier, aboutir à une cession déguisée de parts, laquelle
serait nulle en raison de l’absence d’autorisation des autres coassociés45.
Ce type de convention est donc valable dans la limite où il ne permet pas de
contourner les règles légales ou statutaires de la société. Elle est une illustration de
la dissociation qu’il est possible d’opérer entre le titre qui demeure à l’associé et les
prérogatives pécuniaires cédées au croupier.
Les aménagements des prérogatives des actionnaires sont marquants en cas
d’usufruit ou de copropriété d’actions, ce sont alors les droits politiques de l’associé
qui font l’objet de spécificités que nous allons examiner brièvement.
- Le sort des prérogatives politiques de l’associé
Les prérogatives de l’associé les plus importantes en la matière sont le droit à
l’information et le droit d’exercer des actions sociales.
L’article L. 225-117 du Code de commerce46 et l’article 1855 du Code civil47 prévoient
que tous les actionnaires ont droit d’obtenir communication des documents sociaux
et de poser des questions sur la gestion sociale. Ce droit appartient à chacun des
copropriétaires d’actions indivises, au nu-propriétaire et à l’usufruitier d’actions48.
Le droit d’exercer les actions sociales49, c’est à dire d’exercer des actions en justice
contre les dirigeants sociaux, appartient à tout associé : aux indivisaires et au nu-
propriétaire. L’usufruitier, privé de cette qualité, peut en revanche exercer l’action
individuelle rendant à la réparation du préjudice personnel qu’il pourrait tirer de
45 CA Paris, 19 février 1979 et Trib. de com. Paris, 12 mars 1979, Rev. Sociétés, 1980, p. 284, note Randoux(D.).46 Article L. 225-117 du Code de commerce, codifiant l’article L. 170 de la loi de 1966 : « Tout actionnaire a ledroit, à toute époque, d’obtenir communication des documents visés à l’article L. 225-115 et concernant les troisderniers exercices, ainsi que des procès-verbaux et feuilles de présences des assemblées tenues au cours de cestrois derniers exercices ».47 Art. 1855 du code civil : « Les associés ont le droit d’obtenir, au moins une fois par an, communication deslivres et des documents sociaux, et de poser par écrit des questions sur la gestion sociale auxquelles il devra êtrerépondu par écrit dans le délai de un mois ».48 Lecene (M.) : Les actions et parts d’une société commerciale qui appartiennent à plusieurs personnes,Thèse Bordeaux I, 1992, n° 433, p. 397.49 Lecene (M.) : op. cit., n°494-509, pp. 457-472.
l’action ou de l’omission d’un dirigeant. L’usufruitier et les indivisaires peuvent agir
pour le préjudice subi par la société du fait des dirigeants, s’ils remplissent les
conditions requises pour exercer ces actions, à savoir le pourcentage de titres
minimum exigé.
§ 2. L’aménagement de la participation à la vie sociale
Deux techniques civilistes sont principalement utilisées pour l’aménagement
conventionnel des valeurs mobilières dans le cadre de la participation à la vie
sociale : la copropriété d’actions et l’usufruit. Par l’application de ces conventions,
plusieurs personnes ont des droits concurrents sur les mêmes titres, il est alors
délicat de déterminer avec précision laquelle d’entre elles a accès aux assemblées
générales et laquelle peut y exercer son droit de vote. Le mandat est utilisé pour
l’exercice du droit de vote d’actionnaires souhaitant le déléguer.
a) Les aménagements conventionnels organisant l’accès aux assemblées générales
La copropriété, l’usufruit et le gage de valeurs mobilières ont des incidences sur le
droit d’accès aux assemblées générales. La détermination de la personne pouvant
assister aux assemblées suppose la détermination préalable de celle ayant la qualité
d’associé.
- La copropriété d’actions
La copropriété d’actions est une indivision organisée par deux régimes : le régime
légal de l’indivision de droit commun faisant l’objet des dispositions des articles 815
et suivants du Code civil, et le régime de l’indivision prévu aux dispositions des
articles 1973-1 et suivants du même code50. La copropriété d’actions peut avoir soit
une origine involontaire et subie, c’est le cas notamment quand des héritiers
recueillent des actions dans une succession, soit une origine volontaire et avoir fait
l’objet d’une convention, c’est par exemple l’hypothèse d’un club d’investissement. Il
est possible aux indivisaires dont la copropriété n’est pas voulue mais subie
50 Storck (M.) : Les groupements de copropriétaires d’actions, Rev. Sociétés 1983, p. 293.
d’organiser son fonctionnement par une convention en définissant avec une grande
souplesse le régime qui leur sera applicable.
Dans les sociétés anonymes, les actionnaires n’ont qu’un poids proportionnel à la
part d’actif qu’ils détiennent. Ils peuvent désirer se regrouper avec d’autres pour
poursuivre trois objectifs. Ils peuvent souhaiter se rassembler pour exercer en
commun leurs prérogatives et constituer ainsi un pouvoir stable au sein des
assemblées générales. Ils peuvent aussi désirer se regrouper afin de gérer en
commun leurs droits sociaux en faisant appel à un professionnel qui tirera une
rentabilité optimum de leur participation en capital. Les actionnaires peuvent enfin
chercher à donner à la société un caractère fermé en restreignant les possibilités de
négociation des actions.
Les actionnaires pourraient opter pour un autre mode de regroupement que la
copropriété. La constitution d’une association, d’une société écran revêtant la forme
d’une société anonyme ou la constitution d’un syndicat pourrait aussi donner à leur
groupement le caractère stable et organisé qu’ils désirent. Cependant ces types de
groupements se heurtent à trois principes fondamentaux du droit des sociétés :
l’incessibilité du droit de vote qui doit être exercé individuellement, la libre cessibilité
des actions que contrarie l’engagement des actionnaires à ne pas céder leurs
actions afin d’assurer la stabilité du groupement, et l’intérêt social que doivent suivre
les actionnaires, intérêt social qui risque de ne pas s’accorder avec celui du
groupement.
Pour ces raisons, la copropriété, qui au contraire de ces regroupements n’a pas la
personnalité morale51, a la faveur des actionnaires tendant à se réunir. Celle-ci leur
permet de donner au groupement un caractère fermé, permet l’exercice en commun
de leurs prérogatives d’actionnaires. La copropriété d’actions ne rencontre pas les
problèmes de licéité des autres types de regroupement. Elle est aussi un moyen
d’action rapide, discret et secret, d’une grande simplicité et d’un faible coût.
L’organisation conventionnelle de l’indivision permet aux copropriétaires de prévoir à
l’avance le régime des relations qu’ils auront entre eux ou qu’il existera entre eux et
la société anonyme.
51 Elle doit cependant remplir de nombreuses conditions de validité pour ne pas courir le risque d’unerequalification en société en participation ou société créée de fait : Storck (M.) : op. cit. n° 11 et s.
L’indivision d’actions pose la délicate question de la personne pouvant accéder aux
assemblées, ce qui revient à s’interroger sur qui détient la qualité d’actionnaire,
puisque l’article L. 225-113 du nouveau Code de commerce (ancien article 166 de la
loi de 1966) suppose la qualité d’actionnaire pour accéder aux assemblées
générales. La question a été tranchée par la jurisprudence en 1980, dans une
décision rendue par la première chambre civile de la Cour de cassation le 6 février
198052. L’intérêt pratique de la détermination de la personne ayant la qualité
d’actionnaire apparaît notamment pour le décompte du nombre minimum de sept
actionnaires53, dans l’application d’une clause d’agrément aux cessions d’actions
consenties à des copropriétaires d’actions, dans la désignation d’un indivisaire
comme administrateur de la société anonyme54…
Deux possibilités avaient été proposées par la doctrine55. La première solution
consistait à dénier aux indivisaires la qualité d’associé au nom du principe
d’indivisibilité des droits sociaux, les indivisaires avant le partage n’ayant de droits
que sur une quote-part déterminée et une vocation à devenir associé56. Cette
solution n’était pas satisfaisante, elle aboutissait à reconnaître la qualité d’associé à
l’indivision qui n’a pas la personnalité juridique. Une seconde solution avait été
proposée par MM. Mercadal et Janin, qui préconisaient de reconnaître la qualité
d’associé à tous les indivisaires. M. Viandier s’est ensuite rallié à cette opinion de
bon sens, opinion cependant critiquée par une partie non négligeable de la doctrine
qui estimait qu’elle heurtait le principe d’indivisibilité des droits sociaux.
52 Cass. 1ère Civ., 6 févr. 1980 : Rev. Soc., 1980, p. 521, note Viandier (A.) ; R.T.D. Com., 1980, p. 353, obs.Alfandari et Jeantin (M.) ; Rev. Soc., 1981, p. 346, note J.G. ; D., 1981, Inf. Rap., p. 36, obs. Bousquet.53 Article L. 225-1 du nouveau Code de commerce (ancien article 73).54 Nous le verrons en détail, l’article L. 225-25 du nouveau Code de commerce, ancien article 95 de la loi de1966, impose d’être actionnaire pour être administrateur.55 Lecene (M.) : Les parts et actions d’une société commerciale qui appartiennent à plusieurs personnes, ThèseBordeaux I, 1992, n° 355 et s.56 Lecene (M.) : op. cit. n° 356 qui cite Marin (X.) : Rep. Soc., v. Actions, n° 38 et Champaud (M.) : R.T.D.Com., 1969, p. 509, n° 8 ;Flour (Y.) : La qualité d’actionnaire et l’indivision, Rev. Soc., 1999, p. 569 qui cite Escarra et Rault : Lessociétés commerciales, Sirey, 1951, n° 588 ; Hamel et Lagarde, Traité de droit commercial, D. 1954, n° 588 ;Ripert et Roblot : Traité élémentaire de droit commercial, t. 1, n° 1152.
C’est fort logiquement que la jurisprudence, attachée au principe d’indivisibilité des
droits sociaux, s’est dans un premier temps refusée à reconnaître aux indivisaires la
qualité d’associé57.
La décision rendue par la première chambre civile de la Cour de cassation le 6
février 1980 marque un revirement de jurisprudence, revirement jugé partiel58. Cet
arrêt, qui dissocie le titre d’associé d’une société de l’exercice des prérogatives qui y
sont attachées59, décide que chaque indivisaire doit être investi de la qualité
d’associé, ce qui est une nouveauté en jurisprudence, mais maintient les anciennes
restrictions relatives à l’exercice des droits attachés à cette qualité.
En l’espèce, une société civile immobilière avait été créée par quatre frères à laquelle
ils ont fait apport d’un immeuble indivis entre eux. Une clause statutaire prévoyait
qu’en cas de décès de l’un des frères, la société se continuerait entre le ou les
survivants et les héritiers des associés décédés. Les quatre frères décèdent. Les
parts sociales se trouvent en indivision entre les héritiers des associés fondateurs.
Certains d’entre eux demandent la dissolution de la société en justice. Les juges du
fond rejettent leur demande au motif que la succession du défunt n’était ni liquidée,
ni partagée, « que ses droits dans la société civile immobilière étaient représentés
par un administrateur judiciairement commis et que (ses héritiers) n’étaient donc pas
membres de la société, leurs droits indivis dans la succession ne leur conférant pas
la qualité de coassociés ». Un pourvoi est formé contre l’arrêt de cour d’appel. La
Cour de cassation rejette le pourvoi en décidant que « si contrairement à ce qu’a
retenu l’arrêt attaqué, les héritiers d’un associé décédé ont lorsqu’il a été stipulé que
la société continuerait entre eux, la qualité d’associé, il n’en résulte pas pour autant
que tant que dure l’indivision entre ces héritiers chacun d’eux puisse exercer
librement les droits attachés à cette qualité ; et attendu que la Cour d’appel énonce à
bon droit que les cohéritiers, avant le partage, ne peuvent disposer de tout ou partie
des choses communes, les liquider ou en changer la destination sans l’accord de
tous les intéressés et que l’action tendant à la dissolution de la société civile
immobilière dépasse le domaine des simples actes d’administration ».
57 Cass. Com., 9 oct. 1972 : D., 1973, p. 273, note Burste (J.-J.), cité par Lecene (M.) : op. cit., n° 359.58 Lecene (M.) : op. cit., n° 361.59 Monsallier (M.-C.) : L’aménagement contractuel du fonctionnement de la SA, L.G.D.J., 1998, n° 325 et s.,spéc. N° 331.
Cette solution concilie le droit de l’indivision et les exigences du droit des sociétés,
respectant ainsi l’indivisibilité des droits sociaux. Par cet arrêt la qualité d’associé ou
d’actionnaire est reconnue à chacun des indivisaires. Cependant les copropriétaires
d’actions n’en ont pas toutes les prérogatives, ils sont en quelque sorte des
« actionnaires diminués »60. L’arrêt de 1980 ne reconnaît pas, par exemple, à
l’indivisaire la possibilité de demander la dissolution de la société. Les actes
d’administration et de disposition nécessitent une action commune, ils ne pourront
être exercés que par le mandataire unique de l’indivision ; les actes conservatoires
pourront l’être de chacun des indivisaires. Individuellement, ils ont un droit à
l’information, ont la possibilité d’exercer seul un contrôle de la gestion sociale en
effectuant des actes conservatoires.
Il convient de distinguer le droit d’accès des indivisaires aux assemblées générales
et leur droit de vote. En vertu de l’article 125 alinéa 2 du décret du 23 mars 1967,
chacun des copropriétaires d’actions indivises doit être convoqué aux assemblées
générales et peut y assister. Le droit de vote n’appartient pas, lui, individuellement à
chaque indivisaire.
La même question relative à l’accès aux assemblées générales se pose en cas
d’usufruit d’actions.
- L’usufruit d’actions
Au contraire de l’indivision résultant d’une copropriété d’actions, l’usufruitier et le nu-
propriétaire ont des droits inégaux et indépendants. Longtemps négligée par la
doctrine la question de savoir qui a la qualité d’associé en cas d’usufruit d’actions
n’est apparue en France qu’en 1970 avec la publication du Mémento des Editions
Francis Lefebvre rédigé par messieurs Mercadal et Janin et consacré aux sociétés
commerciales. La qualité d’associé n’a pas fait l’objet de sérieuses contestations et il
est admis en doctrine61 comme en jurisprudence qu’elle est attribuée au nu-
propriétaire des actions.
60 Expression de Madame Monsallier (M.-C.) : op. cit., n° 332.61 A titre d’exemples : Monsallier (M.-C.) : op. cit., spéc. n°341 et 344 ; Merle (Ph.) : op. cit., n° 27 et 278 ;Mercadal (B.) et Janin (Ph.) : Sociétés commerciales, Mémento Francis Lefebvre, n° 117 ; Viandier (A.) : Lanotion d’associé, L.G.D.J, 1978, n° 478 et s.
Si nous pouvons admettre que l’usufruitier a l’affectio societatis et qu’il participe aux
bénéfices et aux pertes, nous ne pouvons nier qu’il n’a pas la qualité d’apporteur, or
il est généralement admis que c’est cette qualité qui permet de déterminer qui est
l’associé. Seul le nu-propriétaire peut être considéré comme apporteur car il est
réputé seul propriétaire des droits sociaux. A l’appui de ces arguments, un argument
textuel tiré de l’article 1844-5 alinéa 2 du Code civil. Ce texte est relatif à la réunion
en une seule main des parts sociales d’une société et dispose que « l’appartenance
de l’usufruit de toutes les parts sociales à la même personne est sans conséquence
sur l’existence de la société ». Pour les auteurs favorables à ce courant, si les parts
ou actions devaient se trouver réunies dans les mains d’un seul nu-propriétaire, la
société devrait alors être considérée comme n’ayant plus qu’un seul associé, peu
importe alors le nombre d’usufruitier62.
Les décisions reconnaissant au nu-propriétaire la qualité d’associé sont plus ou
moins explicites. Un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en
date du 5 juin 197363 avait décidé « qu’en cas de reprise par une société d’un
immeuble donné à bail rural, la loi exige seulement que l’exploitant soit membre de
cette société ; la cour d’appel… a retenu à bon droit qu’un nu-propriétaire avait cette
qualité ». De la même manière un arrêt de la cour d’appel de Paris en date du 22
janvier 197164 avait pu décider que peu importe que l’intéressé n’ait pas l’usufruit des
parts, car en tant que nu-propriétaire il n’en reste pas moins le véritable associé et le
seul propriétaire des parts.
Cependant certains auteurs comme Monsieur Cozian65, Monsieur Derrupé66 ou
Madame Regnaut-Moutier67 plaident en faveur de la reconnaissance de la qualité
d’associé à l’usufruitier. Ces auteurs retiennent que dans certains cas l’usufruitier
peut être apporteur lui-même, ce qui ne justifie pas forcément que la qualité
62 Lamy Sociétés commerciales, n° 220, cité par Lecene (M.) : op. cit. n° 360.63 Cass. 3ème Civ., 5 juin 1973, Bull. Civ., 1973, III, n° 403, p. 291, cité par Merle (Ph.) : op. cit., n° 278.64 Paris, 22 janvier 1971 : D., 1971, p. 571, note Guyon (Y) ; Rev. Soc., 1971, p. 413, note D.B.T., cité parLecene (M.) : op. cit., n° 374.65 Cozian (M.) : Du nu-propriétaire ou de l’usufruitier, qui a la qualité d’associé ?, J.C.P., éd. E, n° 28-29, n°374, p. 339.66 Derrupé (J.) : Un associé méconnu : l’usufruitier de parts ou actions, Les Petites Affiches, 13 juillet 1994, n°83, p. 15 ; Derrupé (J.) : De l’ineptie de refuser à l’usufruitier la qualité d’associé, Defrénois, 1997, art. 36514, p.290.67 Regnaut-Moutier (C.) : Vers la reconnaissance de la qualité d’associé à l’usufruitier de droits sociaux ?, Bull.Joly, 1994, § 320, p. 1155.
d’associé lui soit reconnue mais qui justifie qu’on remette en question le seul critère
des apports. Dans d’autres cas il peut arriver que l’usufruitier soir lui-même investi
de certaines prérogatives normalement dévolues au nu-propriétaire. L’usufruitier a
ainsi droit aux dividendes, il peut se substituer au nu-propriétaire en cas de
défaillance de celui-ci dans l’exercice du droit préférentiel de souscription.
L’usufruitier peut demander communication des documents sociaux en vertu de
l’article L. 225-18 du nouveau Code de commerce reprenant l’ancien article 171 de la
loi de 1966, enfin les articles L. 225-110 du Code de commerce et l’article 1844
alinéa 3 du Code civil organisent son droit de vote.
La qualité d’associé appartient donc au nu-propriétaire ce qui conditionne l’accès aux
assemblées générales. L’alinéa 1er de l’article 1844 est impératif comme le laisse
supposer l’alinéa 4 qui n’autorise de déroger qu’aux alinéas 2 et 3 de l’article. Il
apparaît que seuls la répartition du droit de vote entre le nu-propriétaire et l’usufruitier
et le droit d’accès de l’associé aux assemblées peuvent faire l’objet d’aménagements
contractuels. Il y a bien une distinction entre le droit de vote et l’accès aux
assemblées. La Cour de cassation s’est prononcée sur la portée de l’article 1844 du
Code civil à l’occasion de son arrêt De Gaste du 4 janvier 199468. Dans l’espèce
soumise aux juges, les usufruitiers et les nus-propriétaires de parts d’un groupement
forestier s’opposaient au sujet d’une clause statutaire. Deux époux avaient créé un
groupement forestier et avaient donné la nue-propriété des droits sociaux à leurs
enfants, tout en conservant l’usufruit. Afin d’organiser le fonctionnement des
assemblées, une clause statutaire prévoyait « la représentation du nu-propriétaire
par l’usufruitier qui avait seul le droit de participation et de vote à toutes les
assemblées générales, même extraordinaires ou modificatives des statuts, quelle
que soit la nature de la décision à prendre ». Les enfants, nus-propriétaires,
contestèrent la validité de cette clause en s’appuyant sur l’article 1844 alinéa 1er du
Code civil. Les premiers juges accédèrent à leur demande, la cour d’appel rendit un
arrêt infirmatif contre lequel un pourvoi en cassation fut formé. La Cour de cassation
casse l’arrêt de cour d’appel sur le visa de l’article 1844 du Code civil aux motifs
68 Cass. Com., 4 janvier 1994 : Bull. civ., IV., n° 10 ; Dr. Sociétés, mars 1994, n° 45, note Bonneau (Th.) ;J.C.P., 1994, éd. E., Conseils fidal, p. 131, obs. Guengant (A.) ; Defrénois 1994, art. 35786, p. 556, obs. LeCannu (P.) ; Rev. Soc., 1994, p. 278, note Lecene-Marenaud (M.) ; Daigre (J.-J.) : Un arrêt de principe : le nu-propriétaire de droits sociaux ne peut pas être totalement privé de son droit de vote (A propos de l’arrêt de Cass.Com., 4 janvier 1994, Bull. Joly, § 62, p. 249.
qu’ « en statuant ainsi, alors que si selon l’article 1844 alinéa 4 du Code civil, il peut
être dérogé à l’alinéa 3 du même article qui est relatif au droit de vote, et qu’il était
donc possible aux statuts litigieux de prévoir une dérogation sur ce point, aucune
dérogation n’est prévue concernant le droit des associés et donc du nu-propriétaire
de participer aux décisions collectives tel qu’il est prévu à l’alinéa premier dudit
article, la cour d’appel a violé le texte susvisé ».
Deux interprétations de cet arrêt sont possibles en fonction de l’interprétation donnée
de l’expression « participation aux décisions collectives ». Il est permis de penser
que la solution édictée par cet arrêt signifie que les statuts peuvent attribuer
l’intégralité des droits de vote à l’usufruitier mais ne sauraient priver le nu-propriétaire
du droit de participer aux assemblées, voire d’y exprimer ses idées. Il est aussi
permis d’en déduire que la Cour de cassation a entendu réserver au nu-propriétaire
son droit de voter aux assemblées extraordinaires. Si l’arrêt rendu dans l’affaire de
Gaste ne concernait pas les sociétés par actions il est permis de penser que cette
solution peut leur être étendue. Selon certains, la prudence commanderait de
convoquer automatiquement le nu-propriétaire aux assemblées même s’il n’y exerce
pas de droit de vote. Pour le comité juridique de l’ANSA69, une telle interprétation va
au-delà des textes. L’article 125 du décret du 23 mars 1967 relatif à la convocation
des actionnaires nominatifs précise que « lorsque les actions sont grevées d’usufruit,
le titulaire du droit de vote est convoqué… » et le comité juridique en déduit que seul
le titulaire du droit de vote doit être convoqué. Nous ne nous rangeons pas à cette
opinion et estimons que les droits du nu-propriétaire doivent faire l’objet d’une
protection particulière en toutes circonstances.
Ainsi en cas d’usufruit d’actions, l’accès aux assemblées, ordinaires ou
extraordinaires, ne peut jamais être refusé au nu-propriétaire, il n’en est pas de
même de l’usufruitier qui n’a pas la qualité d’actionnaire.
La remise d’actions en gage présente quelques particularités.
- La remise d’actions en gage
69 Comité juridique de l’ANSA avis du 1er juin 1994.
Le gage portant sur des actions est le contrat par lequel un débiteur remet à son
créancier la possession d’actions pour garantir le paiement d’une dette. Par le gage
seule la possession des actions est transmise au créancier et non la propriété. Or
c’est la propriété des actions, la qualité d’actionnaire, qui conditionne l’accès d’un
individu à l’assemblée d’actionnaires. C’est la solution qu’il est permis de déduire
implicitement de l’article L. 225-110 du Code de commerce dispose que « Le droit de
vote est exercé par le propriétaire des titres remise en gage… ». Dans une opération
de gage, le débiteur ayant transféré la possession de ses actions en est toujours
propriétaire, il peut donc seul participer aux assemblées d'actionnaires.
Nous pouvons maintenant déterminer quelles personnes ont accès aux assemblées
dans les différentes hypothèses envisageables, mais qui exerce réellement le droit
de vote au sein de ces assemblées ?
b) Les aménagements conventionnels de l’attribution du droit de vote
En présence d’une copropriété d’actions, tous les indivisaires ont la qualité
d’actionnaire, ils ne peuvent en revanche pas tous exercer leur droit de vote, qui
dans cette situation peut faire l’objet d’un aménagement conventionnel. Dans une
situation d’usufruit d’actions, l’accès aux assemblées peut être aménagé dans la
limite où le nu-propriétaire ne peut se le voir interdire. Il est donc possible que nu-
propriétaire et usufruitier soient présents à la même assemblée ou que l’un
seulement y soit. Ce type de situation entraîne des difficultés quant à l’attribution du
droit de vote.
- La copropriété d’actions
Les copropriétaires d’actions ne peuvent pas tous exercer leur droit de vote dans les
assemblées, c’est ainsi que l’on justifie la règle édictée par l’article L. 225-110 alinéa
2 du Code de commerce, codifiant l’article 163 de la loi de 1966, qui dispose que
« Les copropriétaires d’actions indivises sont représentés aux assemblées générales
par l’un d’eux ou par un mandataire unique. En cas de désaccord, le mandataire est
désigné en justice à la demande du copropriétaire le plus diligent ». Cette règle est
jugée impérative : l’alinéa 4 de cet article prévoit la possibilité de déroger à l’alinéa
premier, à contrario aucune dérogation à l’alinéa 2 n’est possible.
Les dispositions de la loi envisagent deux possibilités : soit les indivisaires
choisissent un représentant parmi eux, soit ils le choisissent parmi les autres
actionnaires ou désignent une personne étrangère à la société. Le choix du
représentant mandataire des indivisaires parmi eux ne pose pas de difficultés. Par
contre on peut penser que la seconde hypothèse entre en contrariété avec l’article L.
225-106 du Code de commerce70 qui organise ainsi la représentation de
l’actionnaire : « Un actionnaire peut se faire représenter par un autre actionnaire ou
par son conjoint ». Cette disposition est d’ordre public tel qu’il ressort de l’alinéa 5
dudit article71. Il serait excessif de retenir que les dispositions de l’article L. 225-106
et L. 225-110 sont incompatibles. En effet les deux formes de représentation en
question ne sont pas de même nature. Ainsi dans l’hypothèse de la désignation d’un
mandataire en cas d’indivision d’actions, la représentation mise en place « ne doit
pas être appréhendée comme un mandat ordinaire, mais comme une manière de
pallier l’absence de personnalité morale de l’indivision. Il en résulte que le
représentant des copropriétaires d’actions peut être un actionnaire ou une personne
étrangère à la société »72.
Il convient d’examiner quels seront les pouvoirs du mandataire ainsi désigné en
fonction qu’il aura reçu une mission de représentation générale et durable ou qu’il
aura reçu une mission ponctuelle limitée à la réunion d’une assemblée. Dans le
premier cas, le mandataire de l’indivision sera considéré comme un organe de
décision, ayant un rôle actif, dans le second cas, il sera plus un organe d’exécution
au mandat plutôt impératif, remplissant ainsi une mission passive.
Le mandataire peut exercer son droit de vote de manière active, il sera considéré
comme un organe de décision. Les actionnaires peuvent nommer un gérant de
l’indivision qui peut ne pas être choisi parmi eux ni parmi les actionnaires. Ce gérant
fera seul usage du droit de vote des indivisaires pendant non pas une seule
assemblée mais pour toute la durée de la convention d’indivision. Il aura, en effet,
pendant toute cette durée les pouvoirs que la loi accorde aux époux sur l’indivision
communautaire. Le représentant des indivisaires pourra donc accomplir, sans
70 Article 161 de la loi de 1966.71 Il s’agissait de l’alinéa 3 de l’article 161.72 Monsallier (M.-C.) : op. cit., n° 390, p. 159.
autorisation particulière, les actes d’administration et de disposition à titre onéreux73,
or le droit de vote n’a jamais été considéré comme un acte de disposition à titre
gratuit. Le gérant de l’indivision doit défendre les intérêts de l’indivision même si
ceux-ci sont en contradiction avec l’intérêt social.
Le mandataire peut à l’inverse être considéré comme un organe d’exécution, n’ayant
pas dans ce cas de pouvoirs généraux et durables. Cette mission est plus passive.
Dans cette configuration, le vote se décompose en deux étapes. Dans un premier
temps, les actionnaires membres de l’indivision se regroupent pour discuter et
adopter à la majorité ou à l’unanimité une décision qui sera exécutée dans un
second temps par leur représentant. Le représentant des actionnaires siégera à
l’assemblée générale où il ne fera que transmettre le vote des actionnaires
copropriétaires.
Il convient d’examiner la question plus délicate de l’attribution du droit de vote en cas
d’usufruit d’actions.
- L’usufruit d’actions
La difficulté en matière d’usufruit est de savoir comment, entre l’usufruitier et le nu-
propriétaire, se fait la répartition du droit de vote. La clef de répartition du vote entre
les deux intervenants fait l’objet de dispositions textuelles. Le droit commun prévoit à
l’article 1844 du Code civil que « si une part est grevée d’usufruit, le droit de vote
appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des
bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier ». L’article L. 225-113 du Code de
commerce codifiant l’ancien article 166 de la loi de 196674, issu de la loi du 5 janvier
1988 dispose en son alinéa 1er que « Le droit de vote attaché à l’action appartient à
l’usufruitier dans les assemblées générales ordinaires et au nu-propriétaire dans les
assemblées générales extraordinaires ». L’alinéa 4 de ce texte, ajouté par la réforme
de 1988 prévoit la possibilité pour les statuts de déroger à ce premier alinéa. Ainsi le
législateur a supprimé la rigidité qui caractérisait jusqu’alors l’article 166 de la loi en
73 Article 1873-6 civ. alinéa 2 : « Le gérant administre et exerce, à cet effet, les pouvoirs attribués à chaqueépoux sur les biens communs ». L’article 1421 civ. dispose que : « Chacun des époux a le pouvoir d’administrerseul les biens communs et d’en disposer, sauf à répondre des fautes qu’il aurait commises dans sa gestion…. »74 Pour un commentaire de ce texte : Koering-Joulin (R.) et Schmidt (D.) : L’article 163, alinéa 1, de la loi n° 66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales, Mélanges Bastian, p. 135.
laissant une possibilité d’aménager la répartition du vote par une stipulation
statutaire. Les parties pourront donc convenir ensemble d’un aménagement du vote
mais la liberté contractuelle n’est pas totale. L’article L. 225-110 semble s’attacher à
un critère organique, le droit de vote est attribué en fonction de l’assemblée qui se
réunit alors que l’article 1844 du Code civil privilégie un critère substantiel : la teneur
des décisions adoptées en distinguant celles qui ont trait à l’affectation des bénéfices
et les autres.
Les intérêts du nu-propriétaire et de l’usufruitier sont souvent contradictoires. Par
exemple, le nu-propriétaire cherche à valoriser la société, à la rendre rentable, à
favoriser son développement en mettant par exemple les bénéfices en réserve ou en
les investissant. L’usufruitier cherchera de son côté à rentabiliser au maximum le
démembrement de propriété à son profit en augmentant le montant des dividendes
au préjudice de la mise en réserve.
La répartition de l’article L. 225-110 ne respecte pas ce qu’auraient commandé les
règles classiques de l’indivision attribuant compétence à l’usufruitier pour ce qui
ressortait de l’usus et du fructus et au nu-propriétaire pour ce qui ressortait de
l’abusus. En effet, si l’usufruitier peut voter à toutes les assemblées générales
ordinaires il aura à se prononcer sur des décisions n’ayant pas trait à la distribution
des fruits, c’est à dire des dividendes. L’usufruitier, à l’occasion de ces assemblées,
aura par exemple à se prononcer sur la désignation et la révocation des dirigeants
sociaux, sur leur rémunération et les conventions réglementées. L’usufruitier sera
amené à voter des décisions affectant le sort des réserves, or il est admis que les
réserves n’ont pas le caractère de fruit et sont la propriété du nu-propriétaire. A
l’inverse ce sont les compétences attribuées par la loi au nu-propriétaire qui peuvent
porter atteinte aux droits de l’usufruitier. Le nu-propriétaire, à l’occasion de la réunion
d’une assemblée générale extraordinaire pourra voter dans le sens d’une
modification des statuts visant par exemple « à augmenter la capacité
d’autofinancement de la société », ce qui pourra « entraîner une diminution de la
distribution revenant à l’usufruitier »75. Les empiétements des prérogatives de
l’usufruitier sur celles du nu-propriétaire et inversement peuvent être limités par
75 Monsallier (M.-C.) : op. cit., n° 404, p. 166.
l’obligation faite à l’usufruitier par l’article 578 du Code civil de maintenir la substance
de la chose et par la contrainte imposée au nu-propriétaire de ne pas nuire à la
jouissance de la chose par l’usufruitier édictée par l’article 618 du Code civil.
Ces problèmes peuvent trouver une solution dans l’aménagement conventionnel des
règles légales. L’alinéa 4 de l’article L. 225-110 du Code de commerce offre la
possibilité de prévoir des dérogations statutaires. Il eut été plus heureux que la
rédaction de cet article prévoie aussi la possibilité de dérogations extra-statutaires.
Deux thèses se sont affrontées quant à l’interprétation qui devait être faite de ces
dispositions. La première est considérée comme restrictive tandis que l’autre est
libérale.
La thèse libérale qui a la faveur de la doctrine propose trois types de situations
possibles : la clause peut attribuer le droit de vote exclusivement au nu-propriétaire,
ou, au contraire, exclusivement à l’usufruitier, ou encore organiser un partage entre
eux. En ce sens le comité juridique de l’ANSA76 a pu s’exprimer dans son avis du 1er
février 1989 en faveur d’une liberté totale dans la répartition du droit de vote par les
statuts. De la même manière, MM. Mercadal et Janin estiment que les statuts
peuvent prévoir « une répartition différente du droit de vote entre l’usufruitier et le nu-
propriétaire (par exemple, attribution du droit de vote au nu-propriétaire pour toutes
les décisions autres que celles concernant l’affectation des bénéfices ou attribution
du droit de vote à l’usufruitier pour toutes les assemblées), soit en laissant aux
intéressés le soin de procéder eux-mêmes à cette répartition sauf à en informer la
société dans un délai et selon des formes déterminées »77. On croit comprendre à la
lecture de ces lignes que ces auteurs souhaitent aller plus loin que le texte même de
la loi qui ne prévoit de dérogation que par les statuts, quand ils écrivent : « soit en
laissant aux intéressés le soin de procéder eux-mêmes… ».
Selon la thèse restrictive, les aménagements possibles n’autoriseraient qu’à priver
l’usufruitier du droit de vote dans les assemblées tout en laissant entier le droit de
vote du nu-propriétaire. La loi édicte une règle facultative : le nu-propriétaire vote aux
76 Mémento Francis Lefebvre, op. cit., n° 1805 ; cf. aussi Lamy Sociétés, n°3328.77 Mercadal (B.) et Janin (Ph.) : Mémento pratique Francis Lefebvre, Sociétés commerciales, Editions FrancisLefebvre, 1999, n° 1805, p. 573.
assemblées générales extraordinaires et l’usufruitier aux assemblées ordinaires. La
loi n’ouvrirait qu’une faculté d’aménagement, celle de prévoir le vote du nu-
propriétaire à toutes les assemblées. La jurisprudence n’a eu que peu l’occasion de
se prononcer sur ce point. On note toutefois un jugement rendu par le tribunal de
commerce de Lyon en date du 27 septembre 1993 qui a réputé non écrite la clause
de statuts d’une SARL selon laquelle à défaut d’entente ou de convention contraire
les parts pouvaient valablement être représentées par l’usufruitier quelle que soit la
nature des décisions à prendre. Le tribunal a essentiellement justifié sa décision en
décidant que « la qualité d’associé ne peut être reconnue qu’au nu-propriétaire seul
concerné par les droits et obligations liés aux apports et s’il est possible par une
clause statutaire de priver l’usufruitier, qui n’est pas associé, de son droit de vote,
cette possibilité n’existe pas au détriment du nu-propriétaire, hormis le cas où l’alinéa
3 de l’article 1844 du Code civil peut recevoir application »78. Ce jugement se
méprend en confondant le droit d’accès aux assemblées et le droit de vote. En effet
s’il n’est pas permis d’interdire au nu-propriétaire d’assister aux assemblées, il est
permis d’aménager le droit de vote.
Si la thèse libérale souffre quelques critiques, la jurisprudence la fait triompher dans
un arrêt qui a été très remarqué rendu dans l’affaire de Gaste le 4 janvier 1994 par la
chambre commerciale de la Cour de cassation79 rendu en matière d’usufruit de parts
sociales mais transposable à l’usufruit d’actions. Nous avons déjà présenté
succinctement les faits de cette espèce mais il est important de rappeler les motifs
déterminants de cette décision qui se prononce sur trois points : la qualité d’associé
du nu-propriétaire, l’aménagement de l’accès aux assemblées et l’aménagement du
droit de vote. L’attendu de principe décide que « Si selon l’article 1844, alinéa 4, du
Code civil, il peut être dérogé à l’alinéa 3 du même article qui est relatif au droit de
vote et qu’il est donc possible aux statuts litigieux de prévoir une dérogation sur ce
point, aucune dérogation n’est prévue concernant le droit des associés et donc du
78 Trib. Commerce de Lyon, 27 sept. 1993 : Dr. Sociétés, n° 217, note Bonneau (Th.), cité par Guengant (A.) :L’attribution du droit de vote en cas de démembrement de la propriété d’actions ou de parts sociales, J.C.P., éd.E, n° 12, Les conseils Fidal, p. 131 et Monsallier (M.-C.) : op. cit., n° 411, p. 169.79 Cass. Com., 4 janvier 1994 : Bull. civ., IV., n° 10 ; Dr. Sociétés, mars 1994, n° 45, note Bonneau (Th.) ;J.C.P., 1994, éd. E., Conseils fidal, p. 131, obs. Guengant (A.) ; Defrénois, 1994, art. 35786, p. 556, obs. LeCannu (P.) ; Rev. Soc., 1994, p. 278, note Lecene-Marenaud (M.) ; Daigre (J.-J.) : Un arrêt de principe : le nu-propriétaire de droits sociaux ne peut pas être totalement privé de son droit de vote (A propos de l’arrêt de Cass.Com., 4 janvier 1994, Bull. Joly, § 62, p. 249.
nu-propriétaire de participer aux décisions collectives tel qu’il est prévu à l’alinéa 1er
dudit article ». Cet arrêt affirme avec netteté que la qualité d’associé revient au nu-
propriétaire et qu’il ne peut être empêché au nu-propriétaire d’assister aux
assemblées générales. Il précise en outre le domaine de dérogation de l’alinéa 4 de
l’article 1844 du Code civil. A la lecture de l’arrêt « l’aménagement de la répartition
du droit de vote entre le nu-propriétaire et l’usufruitier (…) semble totalement
libre »80. L’arrêt de Gaste laisse planer quelques incertitudes. Que faut-il
comprendre ? Que les statuts peuvent attribuer l’intégralité des droits de vote à
l’usufruitier mais ne peuvent priver le nu-propriétaire du droit de participer aux
décisions collectives ou bien qu’il ne peut être porté atteinte au droit de vote du nu-
propriétaire dans les assemblées extraordinaires81. Il faut en fait déterminer ce que la
cour entend par « participation aux décisions collectives ».
L’arrêt de Gaste se comprend mieux à la lumière d’un arrêt plus récent, celui rendu le
9 février 1999 par la chambre commerciale de la Cour de cassation dans l’affaire
Château d’Yquem82. Dans un attendu de principe la Cour affirme que « Tout associé
a le droit de participer aux décisions collectives et de voter, et les statuts ne peuvent
déroger à cette disposition ». Selon un certain nombre d’auteurs cet arrêt condamne
la thèse selon laquelle le nu-propriétaire peut être privé de l’exercice de la totalité de
son droit de vote, y compris aux assemblées générales extraordinaires, au profit de
l’usufruitier, pourvu que le nu-propriétaire puisse « participer » à toutes les
assemblées, même s’il ne vote pas et n’est que simplement présent83. Pour d’autres
auteurs la Cour de cassation ne fait que rappeler que les statuts ne peuvent
supprimer le droit de vote en dehors des cas prévus par la loi.
Le comité juridique de l’ANSA84 conclut qu’en matière d’usufruit, la répartition
conventionnelle consistant à confier l’ensemble de l’exercice du droit de vote à
l’usufruitier est licite, pourvu que le nu-propriétaire puisse entrer au sein des
80 Monsallier (M.-C.) : op. cit., n° 415, p. 171.81 Bonneau (Th.) : Dr. Sociétés, mars 1994, n° 45.82 Cass. Com., 9 février 1999, SCA du Château d’Yquem c/ de Chizille et a. : Bull. Joly, 1999, p. 566, n° 122,obs. Gaigre (J.-J.) ; Rev. Sociétés, 1999, p. 81 et s., obs. Le Cannu (P.) ; J.C.P., éd. E., 1999, p. 724, note Guyon(Y.).83 Bonneau (Th.) : op. cit.84 ANSA, CJ du 15 septembre 1999, n° 526.
assemblées, voire participer aux débats qui s’y déroulent. C’est ainsi le triomphe de
la conception libérale.
L’exercice du droit de vote peut faire l’objet d’aménagements conventionnels dans le
cadre d’un usufruit ou d’une copropriété d’actions. La représentation de l’actionnaire
peut passer en dehors de ces hypothèses par l’utilisation du mandat.
c) L’exercice indirect du droit de vote par le mandat85
Le mandat est une modalité individuelle d’exercice indirect du droit de vote. L’autre
type de représentation indirecte est la convention de vote où la représentation se fait
collectivement. Le mandat est le contrat par lequel une personne, le mandant, donne
à une autre, le mandataire, le pouvoir de faire quelque chose pour le mandant et en
son nom. Son utilité est importante car bien souvent dans les grandes sociétés les
actionnaires, empêchés du fait de l’éloignement ou d’un manque de disponibilité, ne
peuvent assister aux assemblées. Ce procédé permet de sauvegarder le caractère
démocratique de la société. En droit des sociétés, aucune disposition n’était prévue
pour organiser le mandat qui fait désormais l’objet des dispositions de l’article L. 225-
106 codifiant l’article 161 de la loi de 1966 et des articles 132 et 133 du décret de
1967. « L’actionnaire peut se faire représenter au sein de l’assemblée par un autre
actionnaire ou par son conjoint ». Alors que la loi de 1867 permettait, comme le droit
commun du mandat, de choisir une personne de son choix, le législateur de 1966 a
restreint la possibilité de se faire représenter à un autre actionnaire ou au conjoint, il
a ainsi entendu éviter l’accès à l’assemblée d’agitateurs, maîtres chanteurs, et aux
cabinets d’affaires faisant profession de l’état de mandataire86. Ce droit pour
l’actionnaire d’être représenté est d’ordre public87. L’alinéa 2 de l’article L. 225-106
permet à tout actionnaire de recevoir les pouvoirs émis par d’autres actionnaires
sans autres limites que celles qui résultent des dispositions statutaires fixant le
85 Malaurie (Ph.) et Aynès (L.) : Droit civil, Les contrats spéciaux, Editions Cujas, 11ème édition, 1998, pp. 285-337 ; Mercadal (B.) : Mémento Pratique, Contrats et droits de l’entreprise, Editions Francis Lefebvre, 1999, pp.837-846 ; Mercadal (B.) et Janin (Ph.) : op. cit., n° 1823 et s. ; Monsallier (M.-C.) : op. cit., n° 420 et s., p. 173 s.86 Ripert (G.) et Roblot (R.) par Germain (M.) et Vogel (L.) : Traité de droit commercial, tome 1, L.G.D.J., 17ème
édition, 1998, n°1561, p. 1142.87 Article L. 225-106 al. 5 du Code de commerce : « Les clauses contraires aux dispositions des alinéasprécédents sont réputées non écrites ».
nombre maximum des voix dont peut disposer une même personne, tant en son nom
personnel que comme mandataire.
Pour être valable le mandat doit remplir des conditions de validité de fonds et de
forme.
• Les conditions de fonds
Les conditions de fonds du contrat de mandat, relatives au negotium, portent sur la
qualité des personnes concernées, le mandant et le mandataire, et sur l’étendue du
mandat, quant à son objet et sa durée.
- Les conditions relatives au mandant et au mandataire
Pour pouvoir donner mandat à un autre actionnaire, le mandant doit avoir lui-même
la qualité d’actionnaire. Il peut arriver comme le permet l’article L. 225-112 alinéa 1er
du Code de commerce que « Les statuts [exigent] un nombre minimal d’actions, sans
que celui-ci puisse être supérieur à dix, pour ouvrir le droit de participer aux
assemblées générales ordinaires ». La validité de ces clauses est soumise aux
conditions suivantes : la limitation du droit d’entrée n’est possible que pour les
assemblées générales ordinaires, le nombre minimum d’actions requis ne peut être
supérieur à dix.
Si l’actionnaire ne dispose pas du nombre d’actions que les statuts exigent pour
assister aux assemblées, il ne pourra pas donner mandat à une autre personne pour
y assister à sa place. Il ne peut pas transmettre plus de droit qu’il n’en a lui-même :
« Nemo plus juris ad alium transfere potest quam ipse habet ».
L’actionnaire peut alors choisir de se regrouper comme l’article L. 225-112 alinéa 2
du Code de commerce lui en offre la possibilité : « Plusieurs actionnaires peuvent se
réunir pour atteindre le minimum prévu par les statuts et se faire représenter par l’un
d’eux ou par le conjoint de l’un d’eux ». Ce droit offert aux petits actionnaires leur
était déjà reconnu, sous l’empire de l’article 27 de la loi du 24 juillet 186788 : « Tous
propriétaires d’un nombre d’actions inférieur à celui déterminé pour être admis dans
88 Dans sa rédaction issue de la modification apportée par la loi du 1er août 1893.
l’assemblée pourront se réunir pour former le nombre nécessaire et se faire
représenter par l’un d’eux ».
Comme nous avons pu l’indiquer, le législateur de 1966 a entendu limiter la
représentation de l’actionnaire à un autre actionnaire ou à son époux. La situation
dans laquelle l’actionnaire est représenté par son conjoint ne pose pas de difficulté.
L’actionnaire désirant être représenté peut choisir de désigner un autre actionnaire.
Cette désignation est libre, l’alinéa 2 de l’article L. 225-106 disposant que « Tout
actionnaire… ». Les statuts ne peuvent donc pas prévoir que le mandataire serait lui-
même en mesure de participer aux assemblées en lui imposant de détenir un
minimum d’actions. Deux situations sont possibles, soit le mandant, dans le pouvoir
qu’il a rédigé, a désigné la personne qui le représentera, soit, il a rédigé ce qu’on
appelle un « mandat en blanc ». Si le mandataire a été nommément désigné, celui-ci
n’a pas la faculté de se faire remplacer par quelqu’un d’autre, le mandat est
personnel, « l’intuitus personae est de la nature du mandat 89», et du fait de cet
intuitus personae, « le mandataire ne devrait pas pouvoir se substituer un tiers dans
l’accomplissement de sa mission sans l’accord du mandant »90.
Si le mandataire n’a pas été désigné, nous sommes alors en présence d’un mandat
en blanc91. Cette pratique est courante pour faire face à l’absentéisme des
actionnaires et quand même atteindre le quorum suffisant. Les sociétés envoient,
avec la convocation à l’assemblée générale, une formule de procuration que
l’actionnaire renvoie signée mais sans indication de mandataire, accompagnée de
l’ordre du jour de l’assemblée, du texte du projet de résolutions.... L’envoi du pouvoir
en blanc est organisé par l’article L. 225-106 alinéa 6 du Code de commerce. « Pour
toute procuration d’un actionnaire sans indication de mandataire, le président de
l’assemblée générale émet un vote favorable à l’adoption des projets de résolution
présentés ou agréés par le conseil d’administration ou le directoire, selon le cas, et
un vote défavorable à l’adoption de tous les autres projets de résolution. Pour
émettre tout autre vote, l’actionnaire doit faire choix d’un mandataire qui accepte de
89 Malaurie (Ph.) et Aynès (L.) : op. cit., n° 551, p. 305.90 Malaurie (Ph.) et Aynès (L.) : op. cit., n° 561, p. 313.91 Sur ce point précis : Guyon (T.) : Traité des contrats, Les sociétés, Aménagements statutaires et conventionsentre associés, L.G.D.J., 4ème édition, 1999, n° 85 p. 148; Merle (Ph.) : Droit commercial, Sociétéscommerciales, Dalloz, 7ème édition, 2000, n° 470, p. 532 ; Monsallier (M.-C.) : op. cit., n° 439 et 440, p. 179.
voter dans le sens indiqué par le mandant ». Lorsqu’il reçoit des mandats en blanc,
le président de l’assemblée est lié par le sens donné par la loi. Si cette méthode met
le mandant à l’abri de toute mauvaise surprise, on perçoit tout de suite les dangers
des mandats envoyés en blanc. Par ce moyen, le mandataire ne peut que conforter
la politique des dirigeants de la société, se rallier au bloc majoritaire. Une difficulté
surgit quand il apparaît nécessaire de modifier le texte d’une résolution. Il est
suggéré dans ce cas de réunir de manière impromptue le conseil ou le directoire
pour qu’il agrée l’amendement et qu’on puisse utiliser les pouvoirs en blanc92.
- Les conditions relatives à la durée du mandat
Le mandat prend fin par son expiration, la renonciation du mandataire ou par sa
révocation, le mandataire est normalement toujours révocable. En principe, comme
en dispose l’article 132 alinéa 2 du décret de 1967, le mandat est donné pour une
seule assemblée. Le mandat permanent est ainsi indirectement prohibé. Deux
exceptions toutefois : d’une part, il est possible de donner mandat pour deux
assemblées, l’une ordinaire, l’autre extraordinaire, qui se tiendraient le même jour ou
dans un délai de 15 jours. Il semblerait que cette dérogation ne puisse être étendue
au cas où deux AGO ou deux AGE se réuniraient le même jour. Il faut tenir compte
de la date de réunion des assemblées et non de leur date de convocation. D’autre
part, le mandat donné en blanc pour une assemblée vaut aussi pour les assemblées
successives convoquées avec le même ordre du jour. Dans ce cas aucune limite de
temps n’est fixée.
Une difficulté peut survenir lorsque les parties ont convenu d’un mandat irrévocable.
En droit civil, le principe est que le mandat est toujours révocable. L’article 2004 du
Code civil s’exprime en termes énergiques : « Le mandant peut révoquer sa
procuration quand bon lui semble ». La révocation peut être dite ad nutum, elle peut
intervenir à tout moment même si la durée est déterminée. Cependant ce principe de
libre révocabilité n’est pas d’ordre public93, il peut donc être prévu un mandat
irrévocable. Pour être valable un tel mandat doit être spécial et limité dans le temps.
92 Guyon (Y.) : op. cit., n° 85, p. 150 ; Monsallier (M.-C.) : op. cit., n° 444.93 Req., 8 avril 1857, D.P., 1858, I, p. 134 : « Aucune disposition de la loi ne défend de modifier le contrat demandat par des conventions particulières ; ainsi, il est loisible aux parties de stipuler que la procuration ne pourraêtre révoquée sans que le mandataire reçoive une indemnité », cité par Malaurie (Ph.) et Aynès (L.) : op. cit., n°556.
En droit des sociétés le mandat irrévocable n’est accepté qu’avec beaucoup de
réticence. MM Mercadal et Janin ont pu écrire que « s’il n’a pas un caractère
impératif, le mandat irrévocable est pratiquement une convention de vote puisque le
mandant s’en remet à la volonté du mandataire pour l’expression de son vote ». On
distingue trois périodes : sous l’empire du décret-loi du 31 août 1867, la
réglementation du décret-loi du 31 août 1937 et depuis la loi de 1966. Avant
l’intervention du décret-loi de 1937, la jurisprudence et la doctrine validaient le
mandat irrévocable. L’article 10 du décret-loi de 1937 mit fin à la pratique des
mandats irrévocables en disposant que « sont nulles et de nul effet dans leurs
dispositions, principales et accessoires, les clauses ayant pour objet ou pour effet de
porter atteinte au libre exercice du droit de vote dans les assemblées générales des
sociétés commerciales ». La jurisprudence eu l’occasion d’interpréter ce texte et
d’annuler des clauses instaurant un mandat irrévocable, la plus célèbre étant l’affaire
dite du Journal de l’Œuvre qui fit l’objet d’un jugement du tribunal de commerce de la
Seine le 11 janvier 193894. Le tribunal décida que le pouvoir irrévocable donné par
un actionnaire en vue de sa représentation aux assemblées générales d’une société,
pendant une période de plusieurs années, viole les dispositions de l’article 10 du
décret-loi du 31 août 1937 et a annulé la clause.
La loi de 1966 ne contient aucune disposition prohibant les mandats irrévocables. La
doctrine est divisée sur la position à adopter face au silence des textes : rester sur la
position antérieure à la loi de 1966 et découlant du décret-loi de 1937 ou adopter le
principe selon lequel tout ce qui n’est pas interdit est autorisé. Madame Monsallier
rejette l’admission du mandat irrévocable parce que celui ci se confond avec une
cession du droit de vote. Madame Monsallier justifie la prohibition de la cession du
droit de vote en recourant aux principes généraux du droit. Trois principes peuvent
être avancés. Tout d’abord une cession du droit de vote dépouille l’actionnaire de la
possibilité de défendre ses intérêts pécuniaires. Un principe tiré de la nature de
l’action et posé par un arrêt de la Cour de cassation du 7 avril 1932 interdit à
l’actionnaire de disposer comme il l’entend de son droit de vote. Enfin, l’égalité des
actionnaires peut être soutenue. La réunion entre les mains d’une même personne
94 Trib. Com. de la Seine, 11 janvier 1938 : Journ. Soc., 1938, p. 301, note Bosvieux (H.).
de droits de vote attachés à un nombre d’actions supérieur à celles qu’il détient porte
atteinte à l’égalité des actionnaires.
Il ne nous apparaît pas choquant de pouvoir démembrer une action entre ces droits
politiques et ses droits pécuniaires et que le droit de vote puisse faire l’objet d’une
cession, et donc reconnaître que le mandat irrévocable emporte cession (temporaire
parfois) du droit de vote. Le droit des sociétés connaît des certificats
d’investissements et des certificats de vote qui résultent du fractionnement d’une
action en deux titres, librement négociables, et qui, une fois réunis, forment une
action. Si l’opération peut avoir lieu dans ce sens, il n’est pas trop choquant qu’elle
puisse se faire dans le sens inverse si les parties s’entourent de certaines mesures
de publicité. De la même manière la convention de croupier permet une sorte de
démembrement des droits de l’actionnaire. Celui-ci conserve ses prérogatives
politiques et son droit de vote, tandis qu’il cède les prérogatives pécuniaires au
croupier. La pratique n’est pas plus choquante et sa validité ne fait aucun doute.
Peut-être que ce qu’il y a de choquant est de dépouiller l’actionnaire de sa
prérogative essentielle : le droit de vote, mais lorsqu’il ne porte d’intérêt qu’aux
dividendes, doit-on s’opposer à sa volonté ?
Ainsi étudiées les conditions de fond mandat, il convient d’examiner plus
succinctement les conditions de forme de l’acte.
• Les conditions relatives aux formes du mandat
Contrairement aux règles du mandat civil, pour lequel l’article 1985 alinéa 1er du code
civil dispose que le mandat peut être donné sous forme verbale ou écrite, l’article 132
du décret de 1967 précise que le mandat de vote doit être passé en la forme écrite et
revêtir la signature du mandant. L’écrit doit indiquer les nom, prénom et domicile du
mandant, et, éventuellement le nom du mandataire choisi.
Puisque le mandat est écrit, la preuve de celui-ci doit normalement se faire par la
fourniture de cet écrit. Si le mandat ne peut être prouvé par écrit, il se prouve selon
les règles du droit commun prévues aux articles 1841 et suivants du Code civil, par la
preuve testimoniale. Conformément à la célèbre règle de l’article 1315 du Code civil,
il appartient au mandat qui reproche au mandataire de n’avoir pas exécuté le mandat
ou d’avoir outrepassé ses prérogatives de le prouver.
La copropriété d’actions, l’usufruit et le mandat permettent d’aménager l’accès aux
assemblées générales et l’exercice du droit de vote au sein de celles-ci. Ces
techniques permettent ainsi d’organiser le pouvoir au sein des assemblées à
vocation démocratique. Si la liberté laissée aux parties n’est pas totale, place leur est
faite pour de nombreux et très souples aménagements.
Les techniques civilistes, lorsqu’elles sont appliquées aux valeurs mobilières,
permettent d’aménager le pouvoir pour non pas seulement organiser le
fonctionnement des assemblées mais accéder aux fonctions dirigeantes des
sociétés. Obligation est faite aux membres du conseil d’administration ou du conseil
de surveillance d’être actionnaires pour accéder à ces fonctions. Afin de faciliter ces
prises de fonctions, la pratique a recours à des techniques visant à la mise à
disposition d’actions au profit de ces personnes.
B - La mise à disposition d’actions à des administrateurs ou à des
membres du conseil de surveillance
L’accession aux fonctions dirigeantes d’une société se fait traditionnellement par des
techniques contractuelles emportant transfert temporaire de valeurs mobilières. Mais
qu’en est-il des autres techniques civilistes que nous envisageons dans le cadre de
cette étude ? Examinons-les rapidement avant de nous attarder plus longuement sur
les contrats ad hoc.
Trois textes principaux nous intéressent au premier chef dans cette partie de notre
étude : les articles
- L. 225-25 com. codifiant l’article 95 : « Chaque administrateur doit être propriétaire
d'un nombre d'actions de la société déterminé par les statuts. Si, au jour de sa
nomination, un administrateur n'est pas propriétaire du nombre d'actions requis ou si,
en cours de mandat, il cesse d'en être propriétaire, il est réputé démissionnaire
d'office, s'il n'a pas régularisé sa situation dans le délai de trois mois.
Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas aux actionnaires salariés
nommés administrateurs en application de l'article L. 225-23 »,
- L. 225-59 com. codifiant l’art. 120 : «Les membres du directoire sont nommés par le
conseil de surveillance qui confère à l'un d'eux la qualité de président. Lorsqu'une
seule personne exerce les fonctions dévolues au directoire, elle prend le titre de
directeur général unique. A peine de nullité de la nomination, les membres du
directoire ou le directeur général unique sont des personnes physiques. Ils peuvent
être choisis en dehors des actionnaires » ,
- L. 225-72 codifiant l’art. 130 : « Chaque membre du conseil de surveillance doit être
propriétaire d'un nombre d'actions de la société déterminé par les statuts. Si, au jour
de sa nomination, un membre du conseil de surveillance n'est pas propriétaire du
nombre d'actions requis ou si, en cours de mandat, il cesse d'en être propriétaire, il
est réputé démissionnaire d'office, s'il n'a pas régularisé sa situation dans le délai de
trois mois. Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas aux actionnaires
salariés nommés membres du conseil de surveillance en application de l'article L.
225-71. »
L’examen de ces textes dans leur rédaction issue de la loi du 15 mai 200195 fait
apparaître une chose importante. L’ancienne exigence de la loi de 1966 imposant
aux administrateurs et aux membres du conseil de surveillance de détenir au
minimum le nombre d’actions fixé par les statuts pour ouvrir le droit aux actionnaires
d’assister aux assemblées générales a disparu.
Le problème posé dans des situations d’indivision ou d’usufruit tient à ce que le droit
des sociétés exige généralement que la personne devant accéder à la fonction de
dirigeant soit un actionnaire à part entière. L’accès aux fonctions d’administrateur ou
de membre du conseil de surveillance est impossible pour les indivisaires et les
titulaires de droits démembrés. L’indivisaire est propriétaire d’une quote-part
déterminée qui pourrait être remise en cause si l’opération de partage intervenait en
cours de mandat et que les actions n’étaient pas été attribuées dans son lot. Pour
95 Loi n° 2001-420 du 15 mai 2001 relative aux nouvelles régulations économiques : JO du 16 mai 2001 p. 7776; La revue fiduciaire, Feuillet-Hebdo : Réforme des sociétés et du droit économique, 29 mai 2001, n° 2, p. 3.
l’usufruit, M. Viandier96 estime que le nu-propriétaire pourrait seul être nommé
administrateur, ce que contredit Madame Lecene97 qui s’appuie sur l’article 95 de la
loi de 1966 et estime que le nu-propriétaire, s’il est actionnaire ne peut être considéré
comme propriétaire au sens de la loi. Ainsi pour cet auteur, « il convient d’admettre
que la fonction d’administrateur ne pourra être remplie ni par le nu-propriétaire ni par
l’usufruitier d’actions tant que dure le démembrement de propriété », la loi lierait
étroitement la qualité de membre du conseil d’administration ou du conseil de
surveillance à la pleine propriété d’actions.
Si l’accès à ces fonctions leur est interdit, il est possible aux indivisaires ou aux
titulaires de droit démembrés d’accéder aux fonctions de membre du directoire ou de
directeur général unique. L’accès à ces fonctions ne nécessite pas la qualité
d’actionnaire, « … les membres du directoire ou le directeur général unique…
peuvent être choisis en dehors des actionnaires »98. De la même manière, dans les
sociétés anonymes à conseil d’administration, le directeur général peut être choisi en
dehors des actionnaires99. Toutefois si la société est cotée en bourse, les
dispositions de l’article L. 225-109 alinéa 1er nuancent ces règles : « Le président, les
directeurs généraux, les membres du directoire d'une société, les personnes
physiques ou morales exerçant dans cette société les fonctions d'administrateur ou
de membre du conseil de surveillance ainsi que les représentants permanents des
personnes morales qui exercent ces fonctions sont tenus, dans les conditions
déterminées par décret en Conseil d'Etat, de faire mettre sous la forme nominative
ou de déposer les actions qui appartiennent à eux-mêmes ou à leurs enfants
mineurs non émancipés et qui sont émises par la société elle-même, par ses filiales,
par la société dont elle est la filiale ou par les autres filiales de cette dernière société,
lorsque ces actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ». Ces
dispositions obligent les dirigeants à être propriétaires d’actions.
L’acquisition de la qualité d’associé dans le but de devenir membre du conseil
d’administration ou du conseil de surveillance peut se faire par l’utilisation de
96 Viandier (A.) : thèse précitée, n° 225, p. 218.97 Lecene (M.) : thèse précitée, n° 480, p. 443.98 Article L. 225-59 du Code de commerce.
techniques emportant transfert temporaire de valeurs mobilières, il s’agit du prêt, de
la vente à réméré et de la cession avec bordereau en blanc, de la pension et enfin du
portage d’action, technique ayant plus la faveur de la doctrine.
§ 1. Le prêt d’actions100
Le prêt d’actions a longtemps été exclusivement utilisé pour prêter des actions aux
administrateurs ou aux membres du conseil de surveillance qui n’étaient pas
actionnaires. Les anciens articles 95 et 130 de la loi de 1966, codifiés aux articles L.
225-25101 et L. 225-72, imposent à l’administrateur et au membre du conseil de
surveillance d’être propriétaire de ses actions. Quand on désire éviter de céder des
actions aux administrateurs, on peut recourir au prêt pour leur permettre d’exercer
leurs fonctions. Plus récemment la pratique a adapté le régime de prêt d’actions aux
titres négociés sur les marchés réglementés. Le prêt est réglementé par les
dispositions des articles 1874 et suivants du code civil. On distingue deux types de
prêt : le prêt à usage ou commodat et le prêt de consommation.
- Les deux types de prêt prévus par le Code civil
Le prêt à usage est « le contrat par lequel l’une des parties livre une chose à l’autre
pour s’en servir, à la charge par le preneur de la rendre après s’en être servi ». Ce
type de prêt n’implique aucun transfert de possession, ni de propriété102. Il est
essentiellement gratuit et ne peut porter que sur des choses non consomptibles.
Le commodat est distingué du prêt de consommation, défini à l’article 1892 du code
civil comme « le contrat par lequel l’une des parties livre à l’autre une certaine
quantité de choses qui se consomment par l’usage, à la charge pour cette dernière
de lui en rendre autant de même espèce et quantité ». Le trait original de ce prêt est
de transférer la propriété de la chose prêtée. Il implique cependant une obligation de
restitution à son terme.
99 Mercadal (B.) et Janin (Ph.) : op. cit., n° 1467.
100 Spécialement sur cette question : Urban (Q.) : Les prêts d’actions à des administrateurs dans les stratégies desgroupes de sociétés, une pratique juridique périlleuse, J.C.P., éd. G., 2000, I, 232 ; Couret (A.) : « Le prêt detitres consenti par une société à un futur administrateur de filiale », Bull. Joly, 2000, p. 477.101 Article L. 225-25 c. com. Al. 1er : « Chaque administrateur doit être propriétaire d’un nombre d’actions de lasociété déterminé par les statuts. Ce nombre ne peut être inférieur à celui exigé par les statuts pour ouvrir auxactionnaires le droit d’assister à l’assemblée générale ordinaire ».Article L. 225-72 c. com. Al. 1er : « Chaque membre du conseil de surveillance doit être propriétaire…idem… ».102 Art. 1877 c. civ. : Le prêteur demeure propriétaire de la chose prêtée.
- Le prêt d’actions est un prêt de consommation
Le prêt à usage est inadapté aux actions, il ne confère pas la propriété des titres et
ne peut permettre de remplir les conditions des anciens articles 95 et 130 de la loi de
1966. L’emprunteur ne pourrait donc pas participer aux assemblées d’actionnaires ni
devenir membre du conseil d’administration ou du conseil de surveillance. D’autre
part, le prêt à usage est essentiellement gratuit ce qui interdit toute stipulation
d’intérêt.
Le prêt de consommation semble mieux adapté mais les actions ne sont pas des
biens consomptibles. Il est admis qu’on puisse leur reconnaître cette qualité dès lors
que l’emprunteur a le droit d’en disposer librement. Par un arrêt de la chambre civile
du 8 mai 1950103, la jurisprudence a implicitement admis que le prêt de valeurs
mobilières était un prêt de consommation. La doctrine est divisée sur la question et
M. GUYON en particulier estime que le prêt de consommation est inadapté au prêt
d’actions parce que précisément celles-ci ne sont pas consomptibles.
Le prêt d’actions posait des problèmes quant à sa validité au regard des dispositions
de l’article 106 de la loi de 1966 (a) mais son régime ne fait désormais plus de doute
(b).
a) La validité des prêts d’actions à des administrateurs
La doctrine s’est interrogée104 sur la validité de ces prêts au regard de l’article 106 de
la loi de 1966, maintenant codifié à l’article L. 225-43 du code de commerce. Cet
article dispose qu’ « il est interdit aux administrateurs autres que les personnes
morales de contracter, sous quelque forme que ce soit, des emprunts auprès de la
société…etc. ». Cet article prohibe, à peine de nullité, les prêts consentis par la
société à un administrateur. Or, dans les groupes de sociétés, la société mère prête
souvent des actions détenues par elle dans une de ses filiales à un de ses
administrateurs pour qu’il devienne administrateur de la filiale. L’article ne distingue
pas la nature du prêt. Une partie de la doctrine105 refuse la validité de ces
103 Cass. Civ., 8 mai 1950 : J.C.P., éd. G., 1950, II, 5602, note Delaire (J.).104 Sur les divergences doctrinales : Couret (A.) : op. cit. ; Reigne (P.) : Bull. Joly, décembre 2000, p. 1187.105 Cette partie de la doctrine est illustrée par M. Urban (Q.) : op. cit.
conventions au motif que la loi interdit tout type de prêts, aussi bien à usage que de
consommation. Pour les autres auteurs, les termes d’« emprunt » et de « découvert »
employés par l’article L. 225-43 sont relatifs à l’argent et ne peuvent s’appliquer aux
prêts d’actions sauf si l’administrateur se fait prêter des actions qu’il revendrait
ensuite pour se procurer de l’argent. Il s’agirait alors d’un emprunt déguisé dont la
prohibition ne fait aucun doute.
Le comité juridique de l’Association nationale des sociétés par actions recommande
d’éviter le prêt de consommation même si certains de ses membres en
reconnaissent la validité en raison du caractère essentiellement financier de l’article
L. 225-43 c. com.
La commission des études juridiques de la Compagnie Nationale des Commissaires
aux Comptes adopte aussi une position nuancée. Selon la commission, l’opération
doit être annulée si sa finalité est de procurer de l’argent à l’emprunteur. Si tel n’est
pas le cas elle relèverait de la procédure des conventions réglementées106. Le prêt
d’actions à un administrateur ne sera pas prohibé car cette opération comporte un
intérêt pour la société. On peut considérer que le prêt d’actions est un acte usuel de
la gestion d’une société et qu’il ne doit donc pas être soumis au régime de l’ancien
article 101 de la loi, codifié à l’article 225-38 du code de commerce.
Très récemment, une réponse ministérielle du Garde des Sceaux107 s’est prononcée
en faveur de la validité de l’opération sous réserve de l’appréciation des cours et
tribunaux qui n’ont pas encore statué sur la question. Même si cette pratique du prêt
d’actions est contra legem, c’est une coutume que les tribunaux ne peuvent plus
annuler.
Il est recommandé pour éviter toute remise en cause de l’opération de prêter à
l’administrateur des titres détenus par une autre société du groupe, dans laquelle
l’intéressé n’est pas administrateur.
La validité du prêt de consommation de titres ne fait pas de doute. Son régime ne
présente que peu de difficultés, il résulte de l’application des dispositions du code
civil.
106 Conventions des articles 50 et 101 de la loi de 1966.107 JO Sénat Q n°42, 26 octobre 2000, p. 3710 ; Reigne (P.) : Bull. Joly, décembre 2000, p. 1187 ; R.T.D.. Com.,2001, p. 147.
b) Le régime du prêt d’actions
Le prêt de consommation opère transfert de propriété, l’emprunteur peut ainsi
disposer de l’action comme un propriétaire. Certaines conséquences marquent la
formation et la vie du contrat tandis que d’autres sont plus spécifiques à sa fin.
- Formation et exécution du contrat
Le prêt doit intervenir dans les 3 mois de la nomination de l’administrateur à son
poste à défaut de quoi il sera réputé démissionnaire d’office. Le prêt de droit
commun, par opposition à celui instauré par la loi de 1987, est le seul applicable aux
valeurs non cotées. Si la société était cotée, l’opération n’aurait que peu d’intérêt.
Par le prêt on évite que l’administrateur soit propriétaire des actions. Si la société
était cotée sur un marché réglementé, il n’aurait qu’à se fournir en bourse.
L’écrit n’est pas nécessaire pour la formation du prêt mais il est recommandé pour
des questions de preuve. Si le prêt comporte une stipulation d’intérêt, il devra faire
l’objet d’un écrit108. L’administrateur pourra devoir prouver sa qualité d’actionnaire.
Pour que le transfert de propriété soit opposable, la remise des titres se fera par
l’inscription en compte.
La propriété des actions donnera au futur administrateur la qualité d’actionnaire, le
droit de participer aux assemblées générales et le droit d’y voter. Toute convention
de vote aurait pour effet de requalifier le prêt en prêt à usage109. Lorsqu’il existe une
clause d’agrément, elle doit être respectée. Quant aux dividendes, les coupons sont
normalement dévolus au propriétaire des titres donc à l’emprunteur.
- La fin du prêt
Le contrat prend fin au terme prévu ou par la fin des fonctions de mandataire social.
Si le prêt est stipulé pour une durée indéterminée, il prend fin sur décision d’une des
parties après un préavis. A la fin de son mandat, l’emprunteur doit restituer les
actions prêtées. Il est en fait tenu de restituer une chose de même qualité et de
même quantité. C’est la particularité du prêt de consommation. L’emprunteur n’est
108 L’article 1907 c. civ. exige que le taux d’intérêt soit fixé par écrit.109 Huguet (H.) : op. cit.
pas tenu de restituer les choses qu’il a reçues mais des choses identiques. Il pourra
très bien avoir vendu les actions et en avoir racheté d’autres qu’il restituera.
La restitution doit se faire en nature, mais elle pourra exceptionnellement se faire en
valeur quand l’emprunteur sera dans l’impossibilité absolue et indépendante de sa
volonté de restituer les titres empruntés.
On remarque que le mécanisme du prêt de consommation opère deux translations
de propriété, ce qui donne donc lieu à la double perception d’un droit
d’enregistrement et à une éventuelle imposition sur les plus-values. La loi du 17 juin
1987 est intervenue pour éviter ces inconvénients lors d’opérations plus importantes
sur les marchés financiers en élaborant un régime de faveur.
Une autre technique, qui a la faveur d’une partie de la doctrine sur le prêt110, est
utilisée pour mettre à disposition des actions aux administrateurs, plus complexe, il
s’agit de la vente à réméré. Certains, pour plus de sécurité lui préfèrent la cession
accompagnée d’un bordereau de transfert en blanc.
§ 2. La vente à réméré et la cession d’actions « en blanc »
Comme le prêt, la vente à réméré, ou réméré, et la cession « en blanc » sont
choisies parce qu’elles permettent de transférer temporairement les actions pour les
mettre à disposition des dirigeants. Nous avons déjà pu l’indiquer, il est imposé aux
administrateurs et aux membres du conseil de surveillance d’être propriétaire de
leurs actions. Avant la loi sur les Nouvelles Régulations Economiques de mai 2001, il
leur était imposé d’être propriétaire du nombre d’actions nécessaire aux actionnaires
pour pouvoir accéder aux assemblées générales. Cette disposition a disparu. Ils ne
sont donc contraints que d’être propriétaires du nombre d’actions fixé par les statuts.
Ces techniques étaient choisies quand les administrateurs ou membres du conseil ne
pouvaient ou ne voulaient, en raison du coût élevé, se porter définitivement
propriétaires du nombre d’actions requis par les statuts, ou encore quand les
110 Couret (A.) : Le prêt de titres consenti par une société à un futur administrateur d’une filiale, Bull. Joly, 2000,p. 477, spéc. n° 14.
membres de la société ne voulaient pas que le dirigeant ne puisse conserver les
actions à la fin de son mandat.
La vente à réméré permet le transfert temporaire d’actions et répond à ces
exigences. Pour certains, elle manque cependant de garanties, c’est pourquoi il lui
est parfois préféré la cession d’actions accompagnée d’un acte de cession en blanc.
a) Le réméré
Le réméré est un pacte par lequel le vendeur se réserve de reprendre la chose
vendue, moyennant la restitution du prix en principal et le remboursement des frais.
La faculté de rachat ne peut être stipulée pour un terme excédant cinq années.
L’analyse de la nature du réméré permet de mieux comprendre son régime juridique.
- La nature du réméré
Le terme réméré vient du latin redimere111 qui signifie racheter. Le vendeur bénéficie
d’une option, et non d’une obligation, de reprendre les biens transférés pendant le
temps prévu. Le terme de rachat n’est pas adapté à la description de l’opération. La
vente est conclue sous condition résolutoire112. Si l’option est exercée, la vente sera
annulée rétroactivement et les parties seront remises dans l’état dans lequel elles
étaient avant la vente. Il s’agit d’avantage d’une faculté de résolution, car le terme
« condition » ressort plutôt de l’événement indépendant de la volonté des parties, ou
encore d’une condition résolutoire potestative dérogeant à l’article 1174 du Code civil
car prévue par un texte spécial. Les parties ont une totale liberté dans l’organisation
de la vente, la seule véritable contrainte est le délai de cinq ans pendant lequel le
vendeur peut exercer son option de reprise. Les titres repris ne seront pas forcément
ceux qui auront été vendus. La solution est la même que pour le prêt de
consommation d’actions, en présence de choses fongibles, incorporelles et non-
individualisables, la reprise de la chose vendue s’entend de celle d’une chose
parfaitement interchangeable. La faculté de réméré offerte au vendeur doit figurer
dans l’acte d’origine, elle peut faire l’objet d’un acte séparé, mais elle risque alors
d’être requalifiée en vente simple assortie d’une promesse d’une promesse de
revente.
111 Redimo, ere, emi, emptum : racheter, Dictionnaire latin français, Gaffiot abrégé, Livre de Poche.112 Cass. Civ., 24 octobre 1951 : J.C.P., II, 5835, note R.C.
- Le régime du réméré
Deux hypothèses sont envisageables : soit le vendeur exerce son option ; soit il ne
l’exerce pas ou l’exerce au-delà du délai de 5 ans.
Si le vendeur n’exerce pas son option et ne reprend pas les actions cédées, la
condition ne se réalise pas, la vente sera parfaite entre les parties dès la date de
cession. La faculté de réméré n’est pas une obligation pour le vendeur, il n’y a pas
de défaillance de sa part à ne pas l’exercer. Le vendeur perd la propriété des titres
dès la vente et l’acheteur devient propriétaire au même moment. Si la faculté de
reprise n’est pas exercée dans le délai prévu par l’acte de vente, ou dans les cinq
ans de la cession, la vente sera aussi parfaite. Il est important de noter que si les
parties ont prévu un délai supérieur à cinq ans, celui-ci sera ramené au délai légal.
Ce délai de cinq ans est d’ordre public. Si les parties n’ont fixé aucun délai, elles
seront réputées avoir voulu stipuler pour cinq années. Quant au délai on peut
s’interroger sur le point de savoir si le vendeur peut exercer son option à n’importe
quel moment durant ce délai ou s’il doit en attendre le terme. Là encore la liberté des
parties est grande. La doctrine distingue ce que l’on appelle les « options
européennes » qui ne peuvent être exercées qu’à l’échéance et les « options
américaines » qui peuvent être exercées à tout moment. A défaut de stipulation, le
Code civil prévoit que la clause est conclue « à l’américaine », le vendeur peut
exercer son option à tout moment.
Le vendeur peut aussi décider d’abandonner ses droits sur les titres et céder à un
tiers son option. Le vendeur peut céder son droit de réméré sous réserve de
l’exécution des formalités d’information prévues à l’article 1690 du Code civil. Le
vendeur peut aussi vendre les titres à un tiers mais cette vente pour être valable ne
peut qu’être conditionnelle, sous réserve d’exercice du réméré.
L’acheteur est propriétaire et exerce sur les titres tous les droits qu’exerçait l’ancien
propriétaire, il fait sien les fruits qu’il peut tirer des actions et perçoit donc les
dividendes, sauf si la convention en a décidé autrement. Il est possible aux parties
de prévoir que les dividendes seront perçus par le vendeur113. Le droit de vote est
113 M. Auckentaler (F.) : Vente à Réméré, Juris-classeur Sociétés, n° 66, estime que « si la convention prévoitque le titulaire des fruits est le vendeur, on est, selon nous, en présence d’une vente de la seule nue-propriété des
exercé par le propriétaire des titres, l’acheteur, aussi bien pour les assemblées
générales ordinaires qu’extraordinaires.
Mais c’est surtout lorsque la faculté de réméré est exercée que ce mécanisme rend
compte de toute sa complexité.
L’exercice par le vendeur de sa faculté de réméré annule rétroactivement la vente,
les parties seront donc remises dans la situation dans laquelle elles étaient avant la
cession des actions. La jurisprudence114 s’est prononcée dans ce sens en termes
clairs : « Attendu que la faculté réservée au vendeur, lors du contrat de vente, de
reprendre la chose vendue, exercée conformément à la loi, ne donne pas lieu à une
seconde vente, dans laquelle le vendeur primitif deviendrait à son tour acheteur ; que
son exercice constitue seulement l’exercice d’une condition résolutoire replaçant les
parties dans le même état où elles se trouvaient avant la vente sans opérer une
nouvelle mutation… ».
Il faut opérer les restitutions : le vendeur restitue le prix et les intérêts sur cette
somme, sans toutefois que le montant de ces intérêts n’entraînent une requalification
de l’opération en prêt d’argent, ainsi que les frais et loyaux coûts de la vente prévus
par l’article 1673 du Code civil. Le prix peut être majoré pour tenir compte du
désagrément subi par le cessionnaire. Le montant du prix majoré ne devra pas être
disproportionné pour éviter la requalification en prêt usuraire. L’acheteur restitue les
actions, du moins des actions identiques à celles qui lui ont été vendues. S’il les a
vendues et qu’il ne peut les restituer, le vendeur bénéficie d’un droit de suite contre
les sous-acquéreurs. Nous avons examiné le sort des fruits perçus, ceux-ci peuvent
être conservés par l’acheteur. On peut se demander si les accessoires au titre,
comme les actions attribuées à titre gratuit au titulaire pendant qu'il en était
propriétaire doivent être restitués. En l’absence de clause spéciale sur ce point, M.
Auckentaler estime que les titres attribués gratuitement doivent être restitués au
vendeur. Nous adoptons cette vision, en effet à la fin du contrat de mise à disposition
d’actions, le plus souvent le vendeur des actions ne souhaite pas que l’acheteur
titres ». Nous ne nous rangeons pas à cette opinion, ce serait oublier que l’usufruitier, le vendeur selon M.Auckentaler, n’exercerait que des prérogatives pécuniaires, et même que la perception des dividendes. Lesprérogatives de l’usufruitier ne se limitent pas qu’à cela.114 Cass., Civ., 24 octobre 1950 : J.C.P., éd. G., 1950, II, 5835, note R.C.
conserve la qualité d’actionnaire. La restitution des accessoires et donc de ces
actions permet d’atteindre cet objectif.
L’annulation de la vente ne remet pas en cause les décisions auxquelles l’acheteur a
pu prendre part au sein des assemblées. La principale difficulté concerne les
décisions prises par l’administrateur dans le cadre de ses fonctions. Si l’exercice du
réméré annule rétroactivement la vente, l’administrateur est censé ne jamais avoir
été propriétaire des actions et se voit donc réputé démissionnaire d’office trois mois
après sa nomination. Les décisions qu’il a prises encourent donc l’annulation, dans
une mesure que nous examinerons ultérieurement en détails. Contrairement au prêt
d’actions, le réméré n’entraîne pas de double mutation des actions. Il n’y a pas de
mutation du tout devrait-on dire, puisque la seule qui était intervenue est annulée.
Il a aussi été suggéré de recourir à la technique de la cession d’actions
immédiatement accompagnée d’un bordereau de transfert en blanc.
b) La cession d’actions accompagnée d’un bordereau de transfert en blanc
Cette opération consiste à céder les actions à celui qui se destine à devenir
administrateur ou membre du conseil de surveillance en exigeant dans le même
temps qu’il signe un ordre de transfert de titres en blanc, c’est à dire, ne contenant ni
date, ni prix, ni le nom du bénéficiaire. A la fin des fonctions du dirigeant, il suffira au
cessionnaire de remplir le bordereau de cession. Les tribunaux qui n’ont eu que peu
à connaître de cette pratique, ont qualifié l’opération soit de mandat de vente, soit de
promesse de cession. Elle s’analyse en fait comme une modalité de cession
conférant au porteur de l’acte le choix du cessionnaire et de la date de cession. Elle
procure une certaine sécurité.
Les techniques civilistes aménageant les prérogatives de l’actionnaire et l’exercice
de ses droits se révèlent plutôt bien adaptées à l’usage qu’il en est fait. La
jurisprudence a su, par touches ponctuelles, organiser rigoureusement leur
fonctionnement. Il n’est pas nécessaire de chercher à remplacer ces techniques ni
même à envisager une réforme de profondeur. Il n’en est pas de même des
conventions aménageant l’accès aux fonctions dirigeantes.
Ces techniques emportant transfert temporaire de valeurs mobilières afin de mettre à
disposition des actions à un dirigeant ne sont pas exemptes de critiques. Leur
adaptation aux valeurs mobilières ne se fait pas sans mal.
Le droit civil révèle ses limites quand il est appliqué à des outils propres au droit des
sociétés. Celui-ci gouverné par ses règles limite la part de liberté contractuelle
laissée aux parties. Il faut prendre en compte ces limites pour trouver les nouveaux
outils que la pratique privilégiera peut-être dans l’avenir.
2ème partie : La limitation des aménagements conventionnels
2ème partie : La limitation des aménagements conventionnels
La liberté laissée aux parties dans l’utilisation de conventions pour organiser leurs
relations et leur intervention dans la société s’inscrit dans un cadre législatif assez
rigide. La conception contractuelle de la société ne progresse que lentement, par
touches successives, pour assouplir le régime instauré par la loi de 1966 aujourd’hui
codifiée. Les difficultés sont apparues à l’occasion de l’utilisation de techniques de
mise à disposition d’actions à des administrateurs ou à des membres du conseil de
surveillance. Les limites à la liberté laissée aux parties et aux aménagements
possibles sont de deux ordres : certaines tiennent à des raisons d’efficacité et
révèlent l’inadaptation des techniques civilistes envisagées (A), tandis que d’autres
sont plus spécifiques au droit des sociétés qui pose le filtre de l’ordre public et de
l’intérêt social (B).
A – L’inadaptation des techniques civilistes classiques
Face à l’inadaptation des techniques civilistes classiques (§1), la doctrine115 propose
d’utiliser d’autres solutions qu’elle juge plus appropriées pour mettre à dispositions
des actions aux dirigeants : la convention de portage ou la conclusion d’une
convention sui generis (§ 2).
§ 1. L’imperfection des techniques civilistes visant à la mise à
disposition d’actions
Tous les contrats étudiés et utilisés par la pratique apparaissent pour un certain
quelques auteurs comme peu satisfaisants. De récents articles jugés sulfureux, écrits
sous les plumes de Messieurs Lucas et Neau-Leduc, de Monsieur Huguet et de
Monsieur Urban, sont parus, fustigeant le prêt de consommation et la vente à
115 Couret (A.) : Le prêt de titres consenti par une société à un futur administrateur d’une filiale, Bull. Joly 2000,p. 477 ; Huguet (H.) : Mise à disposition d’actions au profit de personnes physiques afin de leur permettred’exercer des fonctions d’administrateurs ou de membres du conseil de surveillance dans les filiales non cotéesd’un groupe, Dr. Sociétés mars 1999, p. 4 ; Lucas (F.-X.) : Les transferts temporaires de valeurs mobilières, Pourune fiducie de valeurs mobilières, L.G.D.J., 1997 ; Lucas (F.-X.) et Neau-Leduc (P.) : Mise à dispositiond’actions à des administrateurs ou à des membres du conseil de surveillance, Dr. Sociétés, Actes Pratiques, nov.-déc. 1999, p. 7 ; Urban (Q.) : Les prêts d’actions à des administrateurs dans la stratégie des groupes de sociétés,Une pratique juridique périlleuse, J.C.P. 2000, éd. G., I, 232.
réméré. Sous réserve de l’appréciation souveraine des juges du fond, ces critiques,
même si elles peuvent paraître excessives, sont intéressantes en ce qu’elles mettent
en avant des arguments juridiques précis et rigoureux qui avaient pu être négligés.
Le but de cette étude n’est pas de relayer ces thèses mais d’en examiner la
pertinence des arguments juridiques, de voir de quelle manière elles pourraient ou
non mettre en péril des pratiques bien ancrées.
• Le respect des clauses d’agrément
Que l’on utilise le prêt ou la vente à réméré, les deux techniques emportent transfert
de propriété. Si les statuts de la société ont prévu une clause d’agrément ou que la
société a un caractère fermé très marqué, elle risque de devoir jouer dans différentes
hypothèses. Le futur administrateur ou le futur membre du conseil de surveillance,
par hypothèse, n’est pas actionnaire. Pour mettre à disposition une ou des actions à
son profit, la cession devra recevoir l’agrément de l’organe habilité à le donner. C’est
la cession d’action qui est agréée et non la personne du dirigeant, ainsi, la
nomination à un poste d’administrateur ou de membre du conseil de surveillance ne
peut valoir agrément tacite de la cession.
De la même manière, lors de l’exercice du réméré ou de la restitution des actions au
terme du prêt, si le vendeur à réméré ou le prêteur n’est plus actionnaire, la cession
devra recevoir l’agrément.
Cette situation n’est qu’une hypothèse d’école. En effet le vendeur ou le prêteur ne
se dépouillera pas de toutes ses actions pour les mettre à disposition. S’il n’est
propriétaire que d’une action, ce n’est pas à lui qu’il sera demandé de céder son
action au futur dirigeant. Enfin, la loi du 15 mai 2001 sur les nouvelles régulations
économiques a abrogé les dispositions de la loi de 1966 imposant aux membres du
conseil d’administration ou du conseil de surveillance de détenir le nombre minimal
d’actions fixé par les statuts pour qu’un actionnaire puisse accéder aux assemblées
générales. Ainsi, un futur dirigeant pourra n’être propriétaire que du nombre d’actions
que les statuts lui imposent. Les problèmes d’agrément lors de la restitution des
actions ne devraient donc pas exister. En tout état de cause, il est à conseiller au
prêteur ou au vendeur à réméré de toujours conserver une action afin d’éviter à
devoir solliciter l’agrément de la cession ou de conserver le nombre minimum
d’actions fixé par les statuts pour qu’un actionnaire puisse accéder aux assemblées
générales ordinaires si, en tant qu’actionnaire, il souhaite pouvoir accéder aux
assemblées.
• Les inadaptations propres à chaque technique
A côté de ce problème d’agrément commun aux techniques de mise à disposition
d’actions tirées du Code civil, le prêt de consommation comme le réméré présentent
des failles qui conduisent certains à désirer écarter ces conventions.
a) L’inadaptation du prêt de consommation
La principale critique qui s’est élevée à l’encontre du prêt de consommation tient au
caractère non consomptible des actions. Pour que le régime du prêt de
consommation s’applique, il faut que les biens qui en soient l’objet « se consomment
par l’usage ». Comme l’a fait justement remarquer Monsieur le Professeur Guyon, tel
n’est assurément pas le cas des actions. Le dictionnaire Capitant nous enseigne que
la consomptibilité (du latin consumptibilis : périssable) peut se manifester de deux
façons. Est consomptible une « chose dont on ne peut faire l’usage sans la
détruire (boisson, denrée) ou l’aliéner (la monnaie) ». La consomptibilité peut donc
être soit naturelle, lorsque l’utilisation du bien nécessite sa destruction, soit civile,
lorsque l’utilisation du bien suppose son aliénation.
Pourtant une partie non négligeable de la doctrine se prononce en faveur de
l’application du prêt de consommation aux actions. Pour Monsieur Auckentaler par
exemple, « il n’est pas nécessaire que l’objet d’un prêt de consommation soit un bien
consomptible par nature »116. Ou alors, il serait nécessaire de revoir la notion de
consomptibilité et la déterminer non pas en considération de la chose mais en
considération de la volonté des parties. Ainsi une chose non consomptible par
l’usage pourrait le devenir par la volonté des parties. Il s’agit là de faire prospérer la
thèse de Monsieur le Professeur Terré qui écrit que le caractère consomptible ou non
d’un bien dépend de la volonté de l’homme et qu’il est possible de qualifier par
convention un bien de consomptible alors qu’il ne l’est pas par nature117. Messieurs
116 Auckentaler (F.) : Les transferts temporaires de titres sur les marchés de l’argent, Thèse Montpellier I, 1993,n° 606, p. 363.117 Terré (F.) : L’influence de la volonté individuelle sur les qualifications, L.G.D.J., 1956, n° 24, p. 27 ; dans lemême sens : Grimaldi (M.) et Roux (J.-R.), Dalloz, 1994, p. 221, cité par Guyon (Y.) : Traité des sociétés, op.cit., n° 259, p. 358.
Mercadal et Janin118 sont aussi favorables à cette application du prêt de
consommation aux actions. Pour eux, si en principe ce type de prêt n’est appliqué
qu’aux choses qui se consomment par l’usage, telles les denrées ou la monnaie, ils
estiment que par la volonté des parties, il peut porter sur des choses non
consomptibles lorsque l’emprunteur a le droit de les « consommer », c’est-à-dire d’en
disposer librement, à charge d’en rendre la même quantité et la même espèce.
Si les valeurs mobilières sont sans conteste fongibles, elles ne sont pas
consomptibles, elles ne se consomment pas par l’usage qu’on en fait, on n’utilise pas
les valeurs mobilières en les détruisant ou en les aliénant. Les actions ne sont pas
des biens consomptibles naturellement. Elles ne se consomment pas par leur
premier usage, mieux, elles ne s’usent pas même si l’on s’en sert. Il n’est pas non
plus possible de reconnaître une consomptibilité civile aux actions. Dans ce cas ce
n’est pas la nature du bien qui détermine sa consomptibilité mais l’usage qui en est
fait par les parties. Le meilleur exemple de consomptibilité civile est l’argent qui n’a
d’intérêt pour son propriétaire que s’il en dispose. Les actions ne sont pas utilisées
uniquement pour être aliénées. Les actions sont utilisées pour être aliénées
lorsqu’elles le sont uniquement pour faire face à des obligations de contrepartie, mais
tel ne peut être le cas lorsque les actions sont mises à la disposition d’un
administrateur, puisqu’il est stipulé que les actions seront restituées quand le
dirigeant sortira de fonctions. Dès lors, il est impossible de reconnaître le caractère
consomptible aux valeurs mobilières, et c’est dans ce sens que se prononce la
jurisprudence en décidant que les actions ne sont pas des choses naturellement ou
civilement consomptibles119.
Nous nous rangeons à l’opinion de Josserand qui, au contraire de Monsieur le
Professeur Terré, relevait que le caractère consomptible ou non consomptible d’une
chose est une donnée objective sur laquelle la volonté de l’homme est sans effet120.
La volonté des parties ne doit pas conduire à remettre en cause la nature même des
choses. Si la fongibilité d’une chose peut dépendre de l’usage que les parties en font
118 Mercadal (B.) et Janin (Ph) : Mémento Sociétés commerciales, Editions Francis Lefebvre, 1999, n° 1253,réédité annuellement.119 Cass. 1ère Civ., 1er avril 1991, R.T.D. Civ., 1994, p. 381, obs. Zenati (F.).120 Josserand (L.) : Cours de droit civil positif français, 3ème édition, 1940, tome 1, n° 1324, cité par Lucas (F.-X.) : thèse précitée, n° 473, p. 242.
et donc de leur volonté, il n’en est pas de même de la consomptibilité. Accepter que
la volonté des parties influe sur la nature même de la chose pourrait conduire,
pourquoi pas, à reconnaître une nature immobilière à un bien mobilier ou
inversement. Si l’usage que les parties font d’un bien, par exemple d’une cuisine
équipée, peut conduire à en changer la nature et le faire passer de l’état de meuble à
celui d’immeuble, la seule volonté humaine ne doit pas pouvoir conduire à de tels
résultats. Le caractère consomptible ou non d’un bien touche à sa nature et force est
de reconnaître qu’il est des qualifications sur lesquelles la volonté de l’homme ne
peut rien. La jurisprudence ne décide rien d’autre lorsqu’elle retient que la nature
immobilière ou mobilière d’un bien est définie par la loi et que la convention des
parties ne peut avoir d’incidence à cet égard121. Ce problème de qualification « nous
fait…songer à une fameuse scène d’un roman d’Alexandre Dumas, La Dame de
Monsoreau, qui voit Frère Gorenflot baptiser carpe la poularde que le bouffon Chicot
tient à manger un jour de vendredi de carême »122. Il ne suffit pas de stipuler qu’un
bien devient consomptible par le premier usage pour qu'il le devienne. Cet exemple
montre bien qu’il est dangereux de martyriser les qualifications.
En réalité, il apparaît qu’un prêt d’actions est un prêt de choses fongibles et non
consomptibles. Le critère de la consomptibilité doit être complété par celui de la
fongibilité qui est fondé sur la volonté des parties. Il a été écrit que « le prêt de
consommation est celui qui a pour objet des choses fongibles (c’est-à-dire les choses
que les parties considéraient au point de vue de leur espèce plutôt qu’à celui de leur
individualité) ; l’emprunteur deviendra propriétaire de la chose reçue et en restituera
une semblable »123.
Les auteurs opposés au prêt de consommation d’actions proposent de le requalifier
en prêt à usage en acceptant toutes les conséquences qui en découlent, à savoir
que l’administrateur n’aura jamais été propriétaire des actions, qu’il aura donc été
réputé démissionnaire au bout de trois mois et que les décisions prises seront
annulées.
121 Cass. 3ème Civ., 26 juin 1992 : Bull. Civ. III, n° 197 ; R.T.D. Civ., 1992, p. 144, obs. Zénati (F.).122 Lucas (F.-X.) et Neau-Leduc (P.) : op. cit., n° 21.123 Guillouard (L.) : Traité du prêt, du dépôt, du séquestre, 2ème édition, Paris, 1892, n° 80, cité par Reichardt(A.) : Le prêt d’actions, Thèse Strasbourg, 1981.
Le législateur a tranché et, en dépit des critiques, la loi du 17 juin 1987 sur l’épargne
qui réglemente le régime juridique, comptable et fiscal du prêt de titres cotés a
appliqué à ces prêts le régime du prêt de consommation en opérant un renvoi aux
dispositions des articles 1892 et suivants du code civil. Le prêt de la loi de 1987 est
passé entre un prêteur (personnes disposant d’un portefeuille de titres important, des
investisseurs institutionnels tels les compagnies ou les prestataires de services
d’investissement) et un emprunteur (personnes morales soumises de plein droit à un
régime d’imposition réel, des OPCVM -SICAV et fonds commun de placement, ou
encore des personnes, sociétés ou institutions non-résidentes, ayant un statut
comparable) qui passent obligatoirement par un intermédiaire : la Banque de France
ou la SICOVAM. Pour Messieurs Lucas et Neau-Leduc124, cette intervention
législative était indispensable pour conforter la pratique du prêt qui n’allait pas de soi.
Une autre critique peut être élevée à l’encontre du prêt de consommation. Il entraîne
transfert de propriété avec, à son terme, restitution des valeurs mises à disposition. Il
est opéré deux transferts de propriété, ce qui excepté en cas d’application du régime
de la loi de 1987, est fiscalement lourd si le prêt est constaté dans un acte, car il
donnera lieu à deux perceptions de droits d’enregistrements. En outre, le cas
échéant, l’emprunteur sera imposé sur les plus-values qu’il a réalisées.
Enfin, nous avons vu que l’argument tiré de l’article L. 225-43 du Code de commerce
n’était pas valable pour contester la validité du prêt de consommation en arguant de
la prohibition des prêts consentis par la société en faveur des dirigeants. Ce texte a
bien pour but d’empêcher le dirigeant de profiter du crédit de la société qu’il dirige.
C’est pour cela que la validité du prêt de consommation d’actions doit être reconnue
puisque le but de la convention est de permettre à une personne de devenir
dirigeant, le plus souvent administrateur d’une filiale. L’argument perd cependant de
sa pertinence si le nombre d’actions prêtées est élevé ou que la valeur de celles-ci
l’est. Le dirigeant pourra s’enrichir aux dépens de la société en profitant des
dividendes versés, ou en réalisant des plus-values…
124 Lucas (F.-X.) et Neau-Leduc (P.) : op. cit., n° 16.
A notre avis, si le prêt de consommation d’actions dans le but de mettre à disposition
des titres au profit d’un administrateur ou d’un membre du conseil de surveillance,
n’est pas nécessairement nul, il peut être considéré comme inadapté. Malgré les
critiques aussi bien théoriques que pratiques, le prêt de consommation est utilisé
tous les jours sans inquiétude par la pratique. Une autre technique fait l’objet des
critiques de la doctrine, la vente à réméré.
b) L’inadaptation de la vente à réméré
La principale critique que l’on peut élever à l’encontre de la vente à réméré tient à sa
durée, limitée à cinq années. L’article 1660 du Code civil dispose que la faculté de
réméré ne peut être stipulée pour une durée supérieure à cinq ans. La difficulté vient
de ce que les mandats des dirigeants sociaux sont rarement d’une durée inférieure
ou égale à cinq ans. La durée du mandat d’administrateur est en principe de six ans
ce qui interdit le recours à une vente à réméré pour mettre à disposition des actions à
un administrateur pour toute la durée de son mandat. La seule solution serait, en
cours de mandat, que le vendeur exerce sa faculté de rachat et conclue,
immédiatement après, avec l’administrateur une nouvelle vente à réméré. Si cette
difficulté n’est pas rédhibitoire, cela complique sensiblement l’opération.
L’intérêt pour l’administrateur ou le membre du conseil de surveillance est qu’il
restituera les titres à l’issue de son mandat en récupérant les sommes avancées.
Seulement, puisque l’exercice du réméré n’est qu’une faculté et non une obligation
pour le vendeur à réméré, l’acheteur court le risque de demeurer définitivement
propriétaire des actions alors que tel n’est pas sa volonté. C’est une autre raison
pour laquelle le réméré a pu être écarté.
L’exercice de la faculté de reprise annule rétroactivement la vente qui a eu lieu entre
les parties. Celles-ci sont replacées dans la situation dans laquelle elles étaient avant
que la vente ne soit intervenue ; sont alors opérées restitution des actions par
l’acheteur au vendeur et inversement, sont restitués le prix et les frais par le vendeur
à l’acheteur. Si la vente est réputée n’être jamais intervenue, l’acheteur à réméré
n’est jamais devenu propriétaire des actions à lui cédées, n’est donc jamais devenu
actionnaire, et n’a jamais pu exercer les prérogatives attachées à cette qualité, que
sont par exemple le droit de vote, le droit de contrôle, et surtout, car c’est l’objet
même de la mise à disposition d’actions à un futur dirigeant, accéder aux fonctions
dirigeantes. Les termes des articles L. 225-25 et L. 225-72 sont très précis : si au jour
de sa nomination, ce qui est le cas dans l’hypothèse de l’exercice du réméré, le
dirigeant, administrateur ou membre du conseil de surveillance, n’est pas propriétaire
du nombre d’actions requis, ou si au cours de son mandat, il cesse d’être
propriétaire, il est réputé démissionnaire d’office s’il n’a pas régularisé sa situation
dans un délai de trois mois. Il faut donc, mais la condition est sous-entendue dans
nos développements, que le dirigeant n’ait pas régularisé sa situation. Les conditions
d’exercice des fonctions ne sont plus réunies. Il faut distinguer deux types de
décisions parmi celles qu’aurait pu prendre le dirigeant démissionnaire : celles prises
dans le délai de trois mois entre le moment où le dirigeant n’est plus propriétaire de
ses actions et le moment à partir duquel il est réputé démissionnaire d’office, et
celles prises après l’expiration de ce délai de trois mois. Il conviendra de considérer
qu’au bout de trois mois le dirigeant n’a pas participé aux décisions collectives et
recalculer les conditions de quorum et de majorité au sein des conseils, car le
dirigeant sera considéré comme ayant participé aux décisions sans droit ni titre. En
application des dispositions des articles L. 225-37 et L. 225-82 du Code de
commerce125, le conseil n’a pu délibérer valablement pour les décisions prises après
l’expiration du délai de trois mois. Il est alors possible que les décisions ainsi prises
fassent l’objet d’une action en nullité qui se prescrit par trois ans126. Si en retranchant
la présence du dirigeant du nombre de personnes présentes et que le quorum et la
majorité requis sont toujours atteints, la décision ne sera pas remise en cause. Elle le
sera si les règles de quorum et de majorités ne sont pas remplies en retirant du
nombre de personnes présentes et votantes le dirigeant en cause. L’administrateur
ou le membre du conseil de surveillance conserve sa qualité jusqu’à l’expiration du
délai de trois mois et les décisions prises durant ce délai sont valables et ne seront
pas remises en cause. Lorsqu’une délibération ou un acte est annulé, il faut annuler
tous les effets qu’il a produit sauf à l’égard de ceux contre qui la nullité ne peut être
invoquée. Il a ainsi été jugé à plusieurs reprises par la Cour de cassation que doit
être annulée l’assemblée générale d’actionnaire convoquée au cours d’une réunion
125 Codifiant respectivement les anciens articles 100 et 139 de la loi de 1966.126 Article L. 235-9 du Code de commerce codifiant l’ancien article 367 de la loi de 1966.
du conseil d’administration irrégulière et que toutes les résolutions adoptées par cette
assemblée doivent être annulées127.
La condition de reprise prévue par le Code civil est une condition purement
potestative. Le vendeur à réméré est libre de l’exercer ou de ne pas l’exercer.
L’acheteur à réméré ne dispose d’aucun moyen de contrainte pour le faire opter dans
un sens ou dans un autre. L’incertitude entourant l’exercice de la faculté de réméré
s’accommode mal de la prévisibilité nécessaire à l’opération et à l’indispensable
retour des titres qui la caractérise. Pour contourner cette difficulté, il est courant que
les parties prévoient une obligation pour le vendeur d’exercer sa faculté de reprise128.
On peut se demander si la vente à réméré conclue dans le but de mettre à
disposition des actions à un futur dirigeant ne stipule pas implicitement une obligation
de reprise qui ferait l’objet d’une engagement moral. L’usage d’une clause de reprise
obligatoire se heurte à l’essence même de la vente à réméré.
La technique de la « cession en blanc » doit aussi être écartée. Utiliser un acte de
cession en blanc s’analyse en promesse de cession qui ne peut être valable que si le
prix est déterminé ou déterminable au jour de la signature de l’acte. Il a ainsi été jugé
par la cour d’appel de Versailles que si « une cession en blanc peut s’analyser en
une promesse de cession et être pourvue comme telle d’efficacité juridique, encore
faut-il qu’au moment où le cédant a signé l’acte, y ait figuré le prix de cession ou, à
tout le moins, une méthode de calcul permettant de la déterminer ». La cession doit
être annulée si le prix a été déterminé après la signature de l’acte. La cession sera
donc annulée si le promettant, en l’occurrence le dirigeant qui promet de rétrocéder
les actions à l’issue de son mandat, parvient à prouver que lors de la signature, le
prix ne figurait pas dans l’acte. Cependant cette preuve ne sera pas facile à apporter.
Mais il suffit que l’acte à signer ait été laissé à la disposition du dirigeant et que celui-
ci, avant de le rendre signé, le fasse enregistrer pour qu’il ait ainsi date certaine et
que son contenu soit incontestable. Le risque pour la personne qui voudrait utiliser
l’acte serait d’être prévenu d’abus de blanc seing.
127 Cass. Com., 22 déc. 1969 : Bull. Civ., IV, n° 391 ; Cass. Com., 30 avril 1968 : Bull. Civ., IV, n° 143 ; D.,1969, p. 89, note Lacombe ; J.C.P., éd. G., 1968, II, 15695, note Bernard (N.).128 Perrot (A.) : La vente à réméré de valeurs mobilières, RTD. Com., 1993, p. 1, n° 49.
Un autre écueil conduit peut être à écarter l’utilisation d’une promesse de cession en
blanc. Celle-ci doit s’analyser comme une promesse de vente à durée indéterminée,
puisque la date de la rétrocession n’est pas indiquée, or, comme pour tout contrat à
durée indéterminée, il est possible de résilier à tout moment pour chacune des
parties.
L’inadaptation de ces techniques civilistes conduit la pratique à leur préférer d’autres
types d’aménagements conventionnels : le portage ou l’élaboration d’une convention
sui generis.
§ 2. La faveur de la pratique pour le portage ou une convention sui
generis
Deux types de contrats peuvent être utilisés pour mettre à dispositions des titres au
bénéfice de futurs dirigeants et souffrent de moins de critiques, il s’agit du portage
d’actions (a) et de la rédaction d’une convention sui generis de mise à disposition
d’actions (b).
a) La convention de portage
Le portage n’est pas une technique à proprement parler civiliste. C’est un contrat né
de la pratique, à usage plutôt financier qui met en œuvre la combinaison de
techniques civilistes. On peut, en fait, le décomposer en plusieurs contrats connus :
un mandat et une promesse unilatérale de vente. La convention de portage est la
convention par laquelle une personne, le porteur, acquiert des titres sur instruction
d’un donneur d’ordre, les détient puis les rétrocède à un bénéficiaire pour un prix et à
une date fixée. Il est courant que le donneur d’ordre et le bénéficiaire ne soient
qu’une seule et même personne. La technique du portage a été proposée par la
doctrine afin de contrecarrer les inconvénients du prêt de titres et de la vente à
réméré. Deux questions doivent être envisagées : le mécanisme du portage qui nous
permettra d’en analyser la validité.
- Le mécanisme du portage
Le portage est une technique emportant transfert temporaire de valeurs mobilières.
Le portage est une sorte de « trinité », un ensemble de trois conventions. La
première permet au porteur de devenir titulaire des actions, la seconde va organiser
le retour des titres dans le patrimoine du bénéficiaire ou du donneur d’ordre, la
troisième organisera les obligations du porteur en cours de portage. Il est convenu,
dans le cadre d’une mise à disposition d’actions au profit d’un administrateur, le
porteur, que la fin des fonctions de celui-ci entraînera automatiquement la levée
d’option d’achat et de vente et le transfert immédiat de la propriété des actions.
Le porteur acquiert la propriété des actions et acquiert ainsi la qualité d’actionnaire et
le droit d’exercer toutes les prérogatives aussi bien politiques que pécuniaires
attachées à cette qualité. Le porteur perçoit les dividendes et les actions gratuites qui
peuvent être attribuées. La liberté contractuelle laissée aux parties est grande et il
est possible à celles-ci de prévoir le remboursement des dividendes perçus et la
restitution des actions gratuites reçues en les considérant comme accessoires et non
comme fruits des actions mises à dispositions. Le porteur vote aux assemblées. Si
dans la plupart des applications retenues pour le portage, il existe une convention de
vote entre le donneur d’ordre et le porteur qui s’engage à voter dans le sens que lui
indiquera le donneur d’ordre, tel n’est pas le cas dans l’hypothèse d’une mise à
disposition d’actions au profit d’un dirigeant, l’objet de la convention est ailleurs.
Mais ce transfert de propriété est nécessairement temporaire, ce qui distingue le
portage du réméré. Si le réméré peut être temporaire, le portage doit l’être. La faculté
de réméré est une faculté, la reprise des actions dans le cadre du portage est une
obligation. Pour que le portage soit réellement efficace et s’assurer que le porteur
restituera les actions à l’issue du contrat il est judicieux de placer une clause
d’inaliénabilité des actions par laquelle le porteur s’interdit de les céder pendant toute
la durée du portage à un tiers indésirable autre que le bénéficiaire ou le cas échéant
le donneur d’ordre. Ce type de stipulation est valable dans la mesure où il n’est pas
contraire à l’intérêt social. Si ce type de clause n’était pas prévu le seul recours que
pourrait utiliser le bénéficiaire, si le porteur cédait les actions et se voyait dans
l’impossibilité d’en restituer de semblables, est la responsabilité civile mais les effets
indésirables de la cession à un tiers n’auront pu être évités. Pour pouvoir être
opposable aux tiers la clause devra avoir été préalablement publiée.
Le mécanisme du portage est relativement peu complexe, mais la question de sa
validité est attaquée de toutes parts.
- La validité du portage
L’utilisation de la convention de portage dans ses applications courantes n’est pas
exempte de critiques. Ces critiques sont connues et la validité du portage peut être
remise en cause sur plusieurs fondements, qui dans l’usage auquel nous destinons
le portage ne sont pas décisifs. Les griefs tirés du droit civil que l’on peut porter à
l’encontre du portage sont la simulation et la prohibition des pactes commissoires.
La simulation est un mensonge concerté entre les contractants qui dissimulent le
contrat qui renferme leur volonté réelle derrière un contrat apparent. On se trouve
donc en présence de deux conventions, l’une ostensible mais mensongère, l’autre
est sincère mais secrète129. Souvent le portage est utilisé pour dissimuler une
situation réelle et réalise bien une simulation. Aux yeux des tiers le porteur est
l’actionnaire et le donneur d’ordre n’apparaît pas, alors que c’est bien lui qui organise
l’opération. Le porteur est en apparence actionnaire, en exerce toutes les
prérogatives, mais en réalité c’est le donneur d’ordre qui exerce tous les pouvoirs, en
donnant des instructions au porteur, en percevant les dividendes et en tirant profit
des autres avantages financiers. La simulation est en principe permise et ce qui est
vrai pour les autres contrats l’est aussi pour le portage. La limite réside dans la
situation d’une simulation frauduleuse, lorsque la fraude a été la cause déterminante
de la simulation. Le portage peut être annulé lorsqu’il permet aux parties de réaliser
une opération illicite, en fraude à la loi, « Fraus omnia corrumpit ». Tel serait le cas si
le donneur d’ordre demandait au porteur d’acquérir des titres que la loi lui interdit de
détenir ou dans le dessein de se soustraire à des obligations légales. Lorsque la
simulation est frauduleuse, le subterfuge sera inefficace et il ne sera tenu compte
que de la réalité qui a été dissimulée. Il peut s’agir d’une fraude à la loi mais aussi
une fraude aux droits des tiers quand le portage est par exemple utilisé pour tenir en
échec une clause de préemption ou d’agrément. C’est par exemple l’hypothèse dans
129 Terré (F.), Simler (Ph.), Lequette (Y.) : Droit Civil, Les obligations, Dalloz, 6ème édition, 1996, n° 512.
laquelle le donneur d’ordre, afin de ne pas rencontrer l’hostilité des actionnaires qui
lui refuseraient l’agrément, fait acheter par une personne déjà actionnaire les actions
qu’il entend détenir. Ainsi il n’est pas nécessaire de requérir l’agrément de la cession.
La sanction encourue dans ces hypothèses peut aller de l’inopposabilité aux tiers à
l’annulation pure et simple de l’opération dans son ensemble, de la cession et du
portage. Si ces risques de remise en cause de la validité de la convention de portage
ne sont pas nuls, ils sont presque inexistants lorsque celle-ci est utilisée dans le but
de mettre des actions à disposition d’un futur administrateur. Dans cette hypothèse,
le but de l’opération n’est pas masqué, il s’agit de faire accéder une personne aux
fonctions dirigeantes.
Toutefois, le rôle de ce dirigeant peut n’être que celui d’un écran cachant en réalité
un dirigeant de fait, le donneur d’ordre, exerçant réellement les fonctions de dirigeant
et recourant à ce procédé afin, par exemple, d’échapper à une interdiction de gérer.
La personne qui dirige de fait l’entreprise peut avoir fait l’objet, dans le cadre d’une
procédure de redressement ou de liquidation judiciaire, de la sanction prévue aux
anciens articles 185 et suivants de la loi n° 85-98 du 25 janvier 1985 qui permettent
au tribunal de prononcer soit la faillite personnelle qui emporte interdiction de gérer
soit seulement l’interdiction de gérer. Le tribunal peut ainsi décider « l’interdiction de
diriger, de gérer, administrer ou contrôler directement ou indirectement,…une
entreprise commerciale… » à l’encontre d’un dirigeant130. Ces mesures sont fixées
pour un délai ne pouvant être inférieur à cinq années et en dépit des lourdes
sanctions prévues par la loi en cas de violation de ces mesures, un dirigeant peut
vouloir les contourner. Il cherchera alors un « homme de paille » à qui il fera acquérir
la qualité d’actionnaire, qu’il placera à la tête de la société mais exercera lui-même
les fonctions de directions. La fraude à la loi est évidente dans cette situation.
L’interdiction vise à empêcher de gérer directement ou indirectement, le portage
n’autorise donc pas à contourner la loi.
130 Ripert (G.) et Roblot (R.) par Delebecque (Ph.) et Germain (M.) : Traité de droit commercial, L.G.D.J., t. 2,15ème édition, 1996, n°3302 et s., p. 1310 et s. ; Saint-Alary-Houin (C.) : Droit des entreprises en difficulté,Montchrétien, 2ème édition, 1996, n° 1115, p. 663.
Le problème de validité de la convention de portage peut porter sur l’argument tiré de
la prohibition des pactes commissoires131. Le portage peut servir à masquer un prêt
d’argent dont la remise des titres sert de garantie de paiement. Ce montage
s’apparente alors à une remise en gage, or l’article 2078 du Code civil dispose que
« Le créancier ne peut, à défaut de payement, disposer du gage : sauf à lui à faire
ordonner en justice que ce gage lui demeurera en payement et jusqu’à due
concurrence, d’après une estimation faite par experts, ou qu’il sera vendu aux
enchères. Toute clause qui autoriserait le créancier à s’approprier le gage ou à en
disposer sans les formalités ci-dessus est nulle ». Ce texte prohibe la clause
permettant au créancier gagiste de s’approprier le bien gagé en cas de défaut de
paiement. Le problème est que le portage peut se voir requalifier en contrat
pignoratif. Le contrat pignoratif est le contrat organisant l’opération consistant à
dissimuler un prêt sous une vente avec faculté de rachat pour un prix correspondant
à la somme prêtée, le bien vendu, qui est en fait remis en gage, étant acquis de droit
à l’acquéreur (le prêteur) à défaut de rachat, c’est-à-dire à défaut de remboursement.
Ce type de montage permet de contourner la prohibition des pactes commissoires en
dissimulant une sûreté derrière un contrat tel une vente à réméré ou une convention
de portage. La convention de portage peut se voir requalifier en contrat pignoratif
lorsqu’elle a pour finalité de procurer à l’une des parties des fonds tout en conférant
au cocontractant la garantie que constitue le transfert de propriété des titres. Le
portage d’actions en vue de mettre à disposition des actions au profit d’un futur
administrateur ou membre du conseil de surveillance a peu de risques de se voir
requalifier en contrat pignoratif, les actions dont la propriété est transférée pour la
durée des fonctions du dirigeant ne sont pas remises en contrepartie d’un prêt
d’argent, et n’ont certainement pas vocation à rester dans le patrimoine du dirigeant,
puisqu’il est souvent prévu qu’au terme de son mandat, les actions seront restituées
sans délai au donneur d’ordre ou à un autre bénéficiaire.
Enfin, mais sans succès, on pourrait soutenir à l’encontre de la convention de
portage que si le prix de rachat des actions est fixé à l’avance, la clause de prix est
131 Treille (B.) : Les conventions de portage, Rev. Sociétés, 1997, p. 721, spéc. p. 744, qui observe que la mêmecritique peut être formulée à l’encontre de la vente à réméré : Cass. Civ., 24 oct. 1956, Gaz. Pal., 1957, 1, p.128 ; Sur l’impignoration de la vente à réméré : Heinrich (J.-B.) : La vente à réméré d’obligations : J.C.P., éd.E., 1984, II, 14282.
une clause léonine. Il s’agirait d’une clause léonine puisque si la valeur des actions
était largement inférieure au prix fixé (que l’on suppose le même que celui de vente
par exemple), le porteur ne participerait pas aux pertes, et si le prix était, à l’inverse,
inférieur à la valeur des actions, le porteur ne participerait pas aux bénéfices. Bien
que ce type de clauses puisse constituer une clause léonine pour la Chambre civile,
qui sur ce point n’adopte pas la même jurisprudence que la Cour de cassation, la
Chambre commerciale s’est prononcée en estimant qu’un tel mécanisme ne
contrevenait pas aux dispositions de l’article 1844-1 du code civil et ne constituait
pas une clause léonine ayant une incidence sur la participation aux bénéfices et aux
pertes132. L’idéal serait quand même de prévoir que la fixation du prix soit faite sur
estimation d’un expert indépendant des parties.
Les griefs tirés des règles du droit civil à l’encontre des conventions de portage à fin
de mise à disposition d’actions ne sont pas pertinents. Les griefs tirés du droit des
sociétés le sont beaucoup plus, nous les examinerons plus tard.
Si le portage peut se révéler adapté au but recherché, certains praticiens et auteurs
prônent de recourir à une convention sui generis de mise à disposition d’actions.
b) Le recours à une convention sui generis de mise à disposition d’actions
Ces auteurs et praticiens suggèrent de tirer profit au maximum de la liberté
contractuelle pour aménager de toutes pièces la convention qui répondra le mieux à
leurs attentes, en s’affranchissant des modèles civilistes classiques qui ont chacun
montré leurs limites et qu’il convient de ne plus martyriser. La convention pourrait
s’inspirer de tous les modèles connus, et prévoir les clauses contractuelles
nécessaires au but recherché en évitant les écueils des contrats que la doctrine
critique. Messieurs Lucas et Neau-Leduc133 proposent soit de faire un renvoi aux
dispositions régissant le prêt de consommation, mais en les adaptant aux nécessités
des parties pour pouvoir bénéficier d’un régime légal supplétif de volonté, soit de
132 Cass. Com., 24 mai 1994, Chicot c. SDBO : Bull. Joly, 1994, p. 797, note Le Cannu (Ph.) ; D., 1994, p. 503,note Couret (A.) ; Dr. Sociétés, 1994, n° 141, obs. Le Nabasque (H.) ; Rev. Sociétés, 1994, p. 708, note Reinhard(Y.) : RTD. Com., 1994, p. 720, obs. Champeaud (Cl.) et Danet (D.).133 Lucas (F.-X.) et Neau-Leduc (P.) : op. cit., n° 44 et s.
construire de toutes pièces une convention adaptée. La complétude des stipulations
d’une convention construite de toutes pièces est nécessaire puisque aucune loi
n’organisera de régime supplétif de volonté ni de règles d’interprétation spécifiques.
Il faudra que les parties prévoient la durée de la mise à disposition des actions, leurs
droits et obligations respectifs, le sort des fruits et accessoires des actions, les
modalités de restitution…etc. Il sera nécessaire aux parties de se constituer un écrit,
car même si celui-ci n’est pas obligatoire, il leur permet de se préconstituer une
preuve dans une opération dont les modalités ne sont pas courantes. Cette
convention devrait s’attacher à éviter les écueils des contrats connus. Il n’est pas
possible de prévoir un aménagement du prêt de consommation, il faut aussi éviter un
système proche de la vente à réméré puisqu’elle entraîne annulation rétroactive de la
vente en emportant les conséquences que nous connaissons, même si elle permet
d’éviter la double taxation. Le point le plus délicat est l’organisation de la restitution
des actions. Pour s’assurer que le dirigeant sera en mesure de les restituer, il est
judicieux d’insérer une clause d’inaliénabilité pour toute la durée de la mise à
disposition. L’événement devant entraîner la restitution des valeurs mobilières doit
être défini de manière suffisamment large pour inclure toutes les hypothèses
possibles : le terme du mandat, la révocation, la démission, le décès… et prévoir une
restitution automatique et immédiate. Le plus simple est de prévoir
conventionnellement quel sera le sort des dividendes versés (ils peuvent être laissés
au dirigeant en raison de leur montant modique), des actions attribuées à titre
gratuit…
La liberté contractuelle laissée aux parties qui souhaiteraient sortir des schémas
civilistes traditionnels pour élaborer une convention sui generis plus adaptée à leurs
besoins est grande et il faut en tirer pleinement parti pour contourner les risques
éventuels d’annulation ou d’inefficacité des techniques civilistes envisagées, limites
elles-mêmes tirées du droit civil, en raison de l’adaptation malaisée qui peut être fait
à des outils propres au droit des sociétés.
Les limites à la liberté contractuelle ne résident pas que dans le droit civil.
L’élaboration d’aménagements des techniques civilistes ou d’une convention sui
generis de mise à disposition d’actions nécessite aussi de prendre en compte les
règles spécifiques au droit des sociétés, qui en gouvernent le fonctionnement, qu’il
s’agisse des grands principes du droit des sociétés ou de l’ordre public.
B – Les limites posées par les règles issues du droit des sociétés
Les limites posées par le droit des sociétés à la liberté contractuelle laissée aux
parties dans leurs aménagements conventionnels tiennent aux principes d’ordre
public (§1) et à l’intérêt social (§2).
§ 1. L’ordre public sociétaire
Trois principes, surtout, sont malmenés dans les aménagements visant les valeurs
mobilières et que peuvent faire les parties pour organiser leur intervention dans les
sociétés. Les conventions concernées ne sont pas celles organisant l’accès aux
assemblées, l’exercice et l’attribution du droit de vote, mais celles dont le but est de
permettre à une personne de devenir actionnaire afin d’accéder aux fonctions
électives. Il s’agit donc des conventions emportant mise à disposition d’actions, et en
particulier le portage, technique sui generis. La mise en place de techniques
conventionnelles appliquées aux valeurs mobilières peut heurter, d’une part, le
principe de prohibition des clauses léonines, la nécessité d’affection societatis,
affectant la validité même de la convention (a), et d’autre part, le principe de
hiérarchie des organes et de séparation des pouvoirs, perturbant le fonctionnement
normal de la société (b).
a) Les principes touchant à la validité de la convention
La conclusion de la convention peut emporter des conséquences en affectant sa
validité en portant atteinte au principe de prohibition des clauses léonines ou en
révélant un défaut d’affectio societatis.
- La participation aux bénéfices et aux pertes : la prohibition des clauses léonines
Nos développements vont traiter de la participation aux pertes et aux bénéfices dans
le cadre d’un transfert temporaire de titres, mais il convient d’évoquer la situation
curieuse qui se rencontre en matière d’indivision et d’usufruit, même il ne s’agit pas
là de risques de clauses léonines. En cas d’indivision chaque indivisaire contribue
aux pertes à proportion de sa quote-part dans l’indivision. En cas d’usufruit, on se
retrouve dans une situation plus insolite où seul le nu-propriétaire est tenu du passif -
il est l’actionnaire -, alors que dans le même temps, l’usufruitier perçoit seul les
dividendes si aucun aménagement n’a été prévu. Il est envisageable que le nu-
propriétaire bénéficie d’une action contre l’usufruitier afin de rétablir une situation
curieuse.
L’article 1832 du Code civil dispose que les associés conviennent de partager les
bénéfices ou de profiter de l’économie qui pourra résulter de l’entreprise dans
laquelle ils font des apports en contrepartie de quoi ils s’engagent à contribuer aux
pertes. Si les statuts ne contiennent pas de stipulation contraire, ce qu’ils peuvent,
l’article 1844-1 du Code civil prévoit que la part de chaque associé dans les
bénéfices et sa contribution aux pertes se déterminent en proportion de ses apports.
Il est donc possible aux statuts ou aux conventions extra-statutaires de déroger au
principe de l’article 1844-1 mais la liberté n’est pas totale. Il est interdit aux parties de
pousser trop loin l’aménagement de la répartition des bénéfices et des pertes en
stipulant que la totalité du profit serait attribuée à un associé ou qu’un associé serait
totalement exclu de la participation aux bénéfices ou aux pertes. La prohibition des
clauses léonines incluses dans les statuts ne fait pas de doute, il n’en est pas de
même pour les clauses incluses dans des pactes extra-statutaires. Le champ
d’application de l’articles 1844-1 du Code civil est restreint dans la mesure la
prohibition ne vise que les stipulations convenues entre associés et ne s’étendent
pas à « l’assurance par un tiers de toute chance de perte d’un associé dans la
société »134. Si le bénéficiaire qui garantit le porteur contre tout risque de pertes,
n’est pas lui-même associé135, la convention n’est pas conclue entre associés et le
grief tiré de son caractère léonin ne peut être retenu136. Il n’en est pas de même des
conventions conclues entre deux personnes actionnaires au moment de la
rétrocession. La jurisprudence a pu valider, dans certaines conditions, les clauses
134 Terré (F.) et Viandier (A.), Juris-classeur Sociétés, Fasc. 17, Théorie des bénéfices et des pertes, n° 62.135 C’est l’hypothèse dans laquelle, par exemple, le prêteur, le vendeur à réméré ou le donneur d’ordre, se seradépouillé de sa ou ses actions en faveur du dirigeant. Lors de la reprise des actions, la clause fixant le prix nepourra être qualifiée de léonine. En revanche, si une clause d’agrément est prévue, comme nous avons pul’indiquer, le cessionnaire devra solliciter l’agrément.136 Schmidt (D.) : Les opérations de portage de titres de sociétés, in Les opérations fiduciaires, Fiduci-LGDJ,1985, p. 50.
léonines incluses dans des pactes extra-statutaires dans la mesure où ceux-ci
n’empiétaient pas sur le domaine réservé des statuts, étaient conformes à la loi, et
ne portaient pas atteinte au pacte social.
Les conventions de mise à disposition d’actions organisant ainsi un transfert
temporaire de titres, sont les techniques civilistes concernées au premier chef par les
limites posées par le droit des sociétés. Elles ont pour effet d’exonérer l’actionnaire
temporaire de sa contribution aux pertes et de l’exclure des profits. En effet, ces
conventions organisent le retour des actions dans le patrimoine du donneur d’ordre,
du vendeur ou du prêteur, sur la base d’un prix fixé dès l’origine et indépendant de la
valeur réelle des actions au jour où elles seront rendues.
La situation de la jurisprudence ne semble pas simple en raison d’une entre la
Chambre civile et la Chambre commerciale de la Cour de cassation. La question
opposant les deux chambres est celle de savoir si les parties à un pacte extra-
statutaire peuvent convenir que l’un s’engage à acheter à l’autre ses droits sociaux
moyennant un prix plancher et à un terme qu’ils fixent au départ. Ce type de situation
se rencontre aussi bien en matière de prêt, que de réméré ou encore de portage. A
l’origine, la Chambre des Requêtes137 ne distinguait pas selon que la clause léonine
était « contenue dans les statuts ou dans un acte séparé, ni si elle oblige la société
entière ou seulement quelques-uns uns de ses membres, ni si elle est temporaire ou
faite pour un temps déterminé », elle les annulait dans tous les cas. La jurisprudence
s’est ensuite divisée entre l’interprétation stricte de l’article 1844-1 du Code civil faite
par la première Chambre civile, et l’interprétation plus libérale de la Chambre
commerciale dont la jurisprudence semble triompher.
Ce principe de prohibition a progressivement été remis en cause par la position de la
Chambre commerciale, qui a affiné sa jurisprudence par touches successives, en
passant d’un critère de localisation de la clause (dans les statuts ou non) à la
recherche de la finalité de l’opération. Un arrêt de la Chambre commerciale de la
137 Cass. Req., 14 juin 1882, D.P. 1884, 1, p. 222, cité par Lucas (F.-X.) : thèse précitée, n° 194.Cette jurisprudence de la Cour de cassation s’est maintenue jusqu’à une période récente : Cass. Com., 10 février1981, Perrier c. Daubanay : Rev. Sociétés, 1982, p. 98, note Merle (Ph.).
Cour de cassation en date du 15 juin 1982138 a refusé d’appliquer l’ancien article
1855 du Code civil139 au motif que la clause léonine était extra-statutaire et a décidé
que « la clause dont les promettants contestaient la validité se trouvait contenue
dans une convention portant sur les conditions dans lesquelles devaient leur être
cédées les actions de la société et non dans les statuts de celle-ci ». L’arrêt rendu
dans l’affaire Bowater en 1986140 validant les promesses de cession de valeurs
mobilières à un prix plancher décida que « la cour d’appel n’avait pas à vérifier si la
fixation, au jour de la promesse d’un prix minimum, avait pour effet de libérer le
cédant de toute contribution aux pertes sociales dès lors qu’elle constatait que la
convention litigieuse constituait une cession ». Dans le même temps la Chambre
civile de la Cour de cassation résistait en maintenant avec rigueur le principe posé à
l’article 1844-1 du Code civil141. Ainsi, la Chambre civile décidait encore dans un arrêt
de 1987 qu’ « est nulle au regard de l’ancien article 1855 du Code civil, qui interdit
les clauses léonines, la convention conclue entre un associé et des sociétés civiles
de gestion de patrimoine concernant la cession de ses parts sociales ainsi que la
promesse de leur rachat, qui avait pour effet d’affranchir ces sociétés en leur
assurant le remboursement intégral des sommes par elles versées pour l’achat des
parts sociales … »142.
La dernière tendance de la jurisprudence de la Chambre commerciale portait
particulièrement sur les conventions de portage. Par un premier arrêt rendu dans
l’affaire Société Go International, la Chambre commerciale143, refuse d’annuler la
convention par laquelle une partie cède des actions à une autre en s’engageant à les
lui racheter pour au moins le même prix que celui de cession. La Cour décide dans
cet arrêt que « La promesse d’achat n’avait pas d’autre objet, en l’absence de toute
fraude, non alléguée par la société Go international, que de permettre, moyennant un
prix librement débattu, la rétrocession d’actions (…) à des conditions visant à assurer
138 Cass. Com., 15 juin 1982, Soc. GS Nord c. Recapet : Gaz. Pal., 1983, 1, Pan. Jur., p. 23.139 Ancien article 1855 civ. : « La convention qui donnerait à l’un des associés la totalité des bénéfices est nulle.Il en est de même de la stipulation qui affranchirait de toute contribution aux pertes, les sommes ou effets misdans le fonds de la société par un ou plusieurs associés ».140 Cass. Com., 20 mai 1986, Soc. Bowater Corporation Limited c. Bertrand du Vivier : Rev. Sociétés, 1986, p.587, note Randoux (D.).141 Cass. Civ., 22 juillet 1986 : J.C.P., 1987, éd. E., I, 16342, n° 1, obs. Viandier (A.) ; Cass. Civ., 7 avril 1987,Lévêque-Houist c. SOPROGEPA, J.C.P., 1988, éd. G., II, 21006, note Germain (M.).142 Cass. 1ère Civ., 7 avril 1987, op. cit.143 Cass. Com., 19 mai 1992, Soc. Go International c. Soc. IGF : Bull. Joly, 1992, p. 779, note Le Cannu (P.).
l’équilibre des conventions conclues entre les parties… la convention litigieuse
n’avait pas porté atteinte, dans les termes de l‘article 1844-1 du Code civil, aux
statuts de la société dont les titres étaient ainsi cédés ».
La dernière étape de la jurisprudence est celle de la Chambre commerciale qui s’est
prononcée dans des termes clairs sur la validité d’une convention de portage par un
arrêt du 24 mai 1994144. En l’espèce, des actionnaires majoritaires d’une société
anonyme avaient cédé 25% du capital à un établissement de crédit en recourant à
une convention de portage. Parallèlement il a été conclu une promesse de rachat
des actions cédées au profit de l’établissement porteur, pour le montant du prix de
cession majoré d’un intérêt. Quelques années plus tard l’établissement de crédit lève
l’option de rachat mais les promettants ne s’exécutent pas, ce qui conduit le porteur à
les assigner en exécution. L’arrêt de la cour d’appel de Poitiers du 5 février 1992 a
réputé non écrite la clause de promesse relative au prix de rachat en retenant qu’elle
avait pour but de garantir l’établissement porteur de toute évolution défavorable des
actions et de le soustraire à tout risque de contribution aux pertes sociales. La Cour
de cassation a cassé cet arrêt en décidant que : « …Attendu que la cour d’appel a
déclaré nulle et réputée non écrite la clause relative à la définition du prix de rachat
en retenant que la clause litigieuse avait eu pour but de garantir la SDBO contre
toute évolution défavorable des actions et de la soustraire à tout risque de
contribution aux pertes sociales ; Attendu qu’en statuant ainsi, alors qu’elle avait
constaté que la cession initiale avait été complétée par des promesses croisées de
rachat et de vente des mêmes actions en des termes identiques au profit de chacune
des parties contractantes, ce dont il résultait que celles-ci avaient organisé,
moyennant un prix librement débattu, la rétrocession des actions litigieuses sans
incidence sur la participation aux bénéfices et la contribution aux pertes dans les
rapports sociaux, la cour d’appel a violé le texte susvisé… ». La jurisprudence
actuelle de la Chambre commerciale145 valide donc les conventions de portage dont
144 Cass. Com., 24 mai 1994, Chicot c. SDBO : Bull. Joly, 1994, p. 797, note Le Cannu (Ph.) ; D., 1994, p. 503,note Couret (A.) ; Dr. Sociétés, 1994, n° 141, obs. Le Nabasque (H.) ; Rev. Sociétés, 1994, p. 708, note Reinhard(Y.) : RTD. Com., 1994, p. 720, obs. Champeaud (Cl.) et Danet (D.).145 Cass. Com., 19 mai 1998, Soc. Lyonnaise de banque c. Lombard : R.J.D.A., 1998, n° 986 ; Cass. Com. 12mars 1996 : Bull. Civ. IV, n° 88 ; CA Paris, 10 oct. 1997, SARL Soparet c. S.A. CIE BTP : R.T.D. Com., 1998, p.159, obs. Champeaud (C.) et Danet (D.) ; CA Paris, 18 oct. 1996, de Fontgalland c. Hales : Bull. Joly, 1997, p.11, §2, note Rontchevsky (N.) ; CA Paris, 13 févr. 1996 : Dr. Sociétés, 1996, n° 172, obs. Vidal (D.) ; CA Paris,17 avril 1996, Azar c. Inovelf : Bull. Joly, 1996, p. 807, § 283, note Couret (A.) ; Dr. Sociétés, 1996, comm. 172,
le prix de rétrocession des actions est fixé dès l’origine, en refusant de les annuler
sur le fondement des clauses léonines, même si elles sont conclues entre
actionnaires, dans la mesure où elles ne portent pas atteinte aux statuts et ne sont
pas conclues en fraude à la loi ou aux droits des tiers. La doctrine, dans sa très
grande majorité, et la pratique, ont accueilli très chaleureusement ces décisions qui
ont permis de sauver des contrats utilisés presque quotidiennement. Nous pouvons
nous satisfaire de cette situation tout en regrettant qu’une divergence demeure entre
la Chambre civile et la Chambre commerciale de la Cour de cassation. Il est permis
d’espérer qu’une unification de la jurisprudence interviendra dans un soucis de
sécurité juridique, se rangeant sans nul doute à la position de la Chambre
commerciale. Cette jurisprudence de la Chambre commerciale rendue en matière de
portage146 est valable pour toutes les conventions emportant mise à disposition
d’actions, excepté bien sur pour le réméré où il n’y a qu’une cession qui se voit
rétroactivement annulée. Il n’y a donc pas de problème de validité au regard de la
prohibition des clauses léonines pour la vente à réméré. Pour Monsieur le Professeur
Guyon147, cette opposition de jurisprudence entre les deux chambres est plus
apparente que réelle. Cet auteur relève à juste titre que les espèces soumises à la
chambre commerciale concernaient des opérations de portage où la pratique du prix
plancher est courante et nécessaire à la sécurité de ce type d’opération. Les
espèces soumises à la Chambre civile concernaient des montages plus complexes
qui aménageaient de manière plus flagrante, et là étaient plus certainement les
motifs déterminants de la conclusion de l’opération, la répartition des bénéfices.
Tandis que la chambre commerciale sauverait des opérations courantes et utiles, la
Chambre civile sanctionnerait une véritable intention de se soustraire au principe de
prohibition des clauses léonines. Pourquoi alors ne pas estimer que la jurisprudence
de ces deux chambres est cohérente et qu’elles recherchent quel a été le véritable
projet des cocontractants ? Monsieur Guyon148 relève enfin qu’un arrêt de la
Chambre civile non publié au Bulletin et datant de 1990149 marque un fléchissement
par rapport à la rigueur de la jurisprudence antérieure.
obs. Vidal (D.) : jurisprudence citée par Lucas (F.-X.) : Conventions de portage : Juris-classeur Sociétés Traité,Fasc. 2128, n° 102, p. 18.146 Treille (B.) : Les conventions de portage, Rev. Sociétés, 1997, p. 721, spéc. p. 753 et s. sur « le risqued’annulation de la convention et la participation du porteur aux résultats sociaux ».147 Guyon (Y.) : Traité des contrats, op. cit., n°209.148 Guyon (Y.) : loc. cit.149 Cass. 1ère Civ., 29 oct. 1990 : Bull. Joly, 1990, 1053.
Il est à conseiller, comme nous l’avons indiqué, de prévoir que le prix de rétrocession
des actions sera fixé à dire d’expert au moment de la rétrocession.
La participation aux bénéfices et aux pertes de la société est étroitement liée à
l’intention de l’actionnaire de se comporter comme tel, à son affectio societatis.
- La nécessité d’un affectio societatis
L’affectio societatis est l’intention de s’associer qui caractérise les associés, les
actionnaires d’une société, leur volonté de collaborer. La doctrine classique voit dans
l’affectio societatis une collaboration volontaire, active et égalitaire. La jurisprudence
en retient une conception pluraliste et s’attache aux aspects par lesquels l’affectio
societatis se manifeste : la participation à la conduite des affaires sociales sur un
pied d’égalité et le pouvoir de contrôle, l’absence de lien de subordination entre les
parties ou la convergence d’intérêts150. Selon Madame Treille, « l’évolution du droit
positif marque incontestablement un déclin de l’affectio societatis dans le
fonctionnement de la société comme dans la personne même de l’associé »151. A
défaut d’affectio societatis la société ne saurait exister. La jurisprudence prononce
toujours la nullité de la société s’il est constaté un défaut d’affectio societatis
entraînant l’inexistence de tout lien véritable d’association entre les pseudo-
associés152. De la même manière, lors d’une cession de valeurs mobilières, le défaut
d’affectio societatis du cessionnaire peut entraîner l’annulation de la cession, ce qui
est un risque non négligeable dans les conventions de mise à disposition d’actions
au profit d’un futur administrateur. Monsieur le Professeur Lucas, qui ne tarie jamais
de critiques à l’égard des techniques appliquées aux valeurs mobilières, estime que
le porteur n’a pas d’affectio societatis, et que « c’est même à cela qu’on le
reconnaît » et cite un arrêt, inquiétant à l’encontre de la pratique du portage, de la
cour d’appel de Paris en date du 22 juin 1996153. Cet arrêt dénie la qualification de
portage à une opération au motif que le prétendu porteur avait joué pleinement son
150 Guyon (Y.) : Droit des affaires, t. 1, Droit commercial général et sociétés, Economica, 9ème édition, n° 124.151 Treille (B.) : Les conventions de portage, Rev. sociétés, 1997, p. 721.152 Cass. 3ème Civ., 8 janv. 1975 : Rev. Sociétés, 1976, p. 301, I, note Balensi ; Cass. 3ème Civ., 22 juin 1976, D.,1977, p. 619, note Diener (P.), jurisprudence citée par Merle (Ph.) : op. cit., n° 43, p. 62.153 CA Paris, 22 juin 1996, Gontard c. Papelier : Bull. Joly, 1997, p. 15, § 3, note Le Cannu (P.).
rôle d’associé et s’était impliqué « dans la gestion de la société allant jusqu’à
accepter les fonctions de président du conseil de surveillance ». Monsieur le
Professeur Guyon écrit, en étudiant le portage, à propos du bénéficiaire que celui-ci
« n’apparaît pas : il n’est connu ni du vendeur des actions ni de la société émettrice.
Pourtant c’est lui le véritable actionnaire, c’est lui qui a l’« affectio societatis »154 ». A
notre connaissance cette jurisprudence n’a pas été reprise par la Cour de cassation
mais si c’était le cas, cela signifierait qu’il ne serait plus possible de recourir aux
conventions de portage pour mettre à disposition des actions au profit d’un dirigeant.
Il nous est permis de penser que cette espèce est isolée et ne devrait pas se
renouveler. La pratique du portage, même imparfaite, répond à beaucoup des
exigences de la pratique.
Les obstacles tirés du droit des sociétés et affectant la validité des conventions sont
sérieux mais pas rédhibitoires. Il est possible de les contourner par des habiletés de
rédactions. Les conventions de mise à disposition d’actions peuvent être remises en
cause sur le fondement d’un principe dont le respect s’observe durant l’exécution de
la convention : la hiérarchie des organes et la séparation des pouvoirs.
b) Le respect du principe de hiérarchie des organes et de séparation des pouvoirs
Les conventions mettant à disposition des actions au profit d’un dirigeant peuvent
prendre fin, dans certaines conditions, à tout moment, et ce, sans que le dirigeant ne
puisse s’y opposer. Le prêt, nous l’avons indiqué, quand il est conclu pour une durée
indéterminée, peut prendre fin sur décision de l’une des parties en respectant un
délai de préavis. La vente à réméré, si elle est conclue « à l’américaine »155, permet
au vendeur à réméré d’exercer sa faculté de reprise à tout moment. Dans le cas
d’une convention de portage recourant à des promesses croisées de vente et de
rachat, l’élément déclencheur de la cession est la levée d’option de l’acheteur. S’il
lève l’option, la rétrocession des actions devra avoir lieu. Plus arbitraire encore est le
système établi par la cession d’actions accompagnée d’un bordereau de cession en
blanc. Le bordereau en blanc n’est pas rempli, par définition, et ne contient ni le prix
ni le bénéficiaire de la cession, ni la date de celle-ci. Il suffit au détenteur de l’acte de
154 Guyon (Y.) : Traité des contrats, op. cit., n° 256, p. 354.155 A L’inverse de la clause dite « européenne » qui prévoit que l’option ne peut être levée qu’au terme prévu.
cession en blanc d’y apposer la date qu’il souhaite pour faire prendre effet à la
cession. Quelle que soit la technique utilisée, le dirigeant est placé dans une
situation de dépendance.
Si le prêteur décide de résilier le contrat, le vendeur à réméré d’exercer sa faculté, le
donneur d’ordre d’exercer son option, le porteur de la cession en blanc d’écrire, le
dirigeant se verra privé de la propriété de ses actions dans un délai plus ou moins
court selon qu’il aura ou non un préavis. Perdant la propriété de ses actions, et dans
l’impossibilité de régulariser sa situation dans les trois mois, l’administrateur ou le
membre du conseil de surveillance se verrait réputé démissionnaire d’office, par le
jeu des articles L. 225-25 et L. 225-72 du Code de commerce. Le dirigeant serait en
quelle que sorte « démissionné » d’office sur décision de la personne qui met les
actions à disposition et, qui détiendrait de ce fait un pouvoir de révocation. La
difficulté vient de ce que les administrateurs et les membres du conseil de
surveillance ne peuvent être révoqués156 que par l’assemblée générale des
actionnaires157, cette règle est d’ordre public. Ces possibilités de révocation donnent
compétence à un autre organe que l’assemblée générale pour révoquer, organe qui
peut même ne pas avoir la qualité d’actionnaire. Il y a là une atteinte grave au
principe de hiérarchie des organes et de séparation des pouvoirs. Cette atteinte peut
servir de fondement à l’annulation de la rétrocession.
Le principe de hiérarchie des organes et de la séparation des pouvoirs n’a pas de
fondement textuel mais jurisprudentiel. Sous l’empire de la loi de 1867, ce principe
avait été affirmé par le célèbre arrêt Motte rendu par la Cour de cassation le 4 juin
1946158. Le principe a été réaffirmé par la jurisprudence sous l’empire de la loi de
1966 par un arrêt de la Cour d’appel d’Aix du 28 septembre 1982159, qui a décidé
que « les textes fixent de manière impérative les pouvoirs et prérogatives des
différents organes de la société ; que si les statuts peuvent aménager, au mieux des
intérêts sociaux, les modalités de l’administration et de la direction, cette liberté
s’exerce sous la condition expresse d’absence de bouleversement des principes
156 Leur révocation se fait ad nutum, sur simple hochement de tête, sans avoir à apporter de justes motifs.157 Article L. 226-18 com. pour les administrateur ; L. 225-47 com. pour le président du conseild’administration ; L. 225-75 com. pour les membres du conseil de surveillance.158 Cass. Com., 4 juin 1946 : J.C.P., 1946, II, 3518, note Bastian (D.).159 CA Aix, 28 septembre 1982 : Rev. Sociétés, 1983, p. 773 et s., note Mestre (J.).
généraux de hiérarchie et de compétence des divers rouages institués par la loi ».
Ces principes relèvent « d’un ordre public absolu »160 ne pouvant faire l’objet d’aucun
aménagement conventionnel, même en invoquant l’intérêt social, qui ne peut être
assez fort pour justifier une dérogation à ces règles d’ordre public. Seule l’assemblée
générale peut révoquer les administrateurs, le président du conseil d’administration
et les membres du conseil de surveillance. Le président peut aussi se voir révoquer
par le conseil d’administration. Il est donc impossible de permettre, directement ou
indirectement, à un autre de ces organes, et à fortiori à un tiers à la société, d’avoir le
pouvoir de révoquer un de ces dirigeants. S’il le faisait, il conviendrait de prononcer
la nullité de la rétrocession et la nullité de la révocation.
La validité des aménagements conventionnels, la marge de manœuvre laissée aux
parties dans leur liberté, sont limitées et soumises au respect de l’intérêt social
§ 2. Le respect de l’intérêt social
Le respect de l’intérêt social est une condition de validité des aménagements
conventionnels utilisés dans le cadre de l’activité de la société. Le concept d’intérêt
social est souvent utilisé par les textes, mais ne fait l’objet d’aucune définition légale,
les auteurs se divisent donc sur la définition à donner à cette notion. Deux courants
doctrinaux s’affrontent. Pour certains, l’intérêt social peut être appréhendé comme
l’intérêt propre d’une entité et s’entendre comme l’intérêt de la personne morale ou
de celui l’entreprise. L’intérêt de la personne moral ne saurait se confondre avec
celui des associés dont il convient de le distinguer. L’intérêt social peut être entendu
comme celui de l’entreprise, moyen d’agréger des capitaux et des hommes en vue
de produire des biens et des services. On prend en compte la dimension
économique en envisageant aussi les intérêts des associés, des salariés, des
créanciers, fournisseurs et clients, voire même de l’Etat. Cette conception n’a pas
prospéré en jurisprudence et on ne compte qu’une espèce ayant mis en relief cette
vision161.
160 Monsallier (M.-C.) : thèse précitée, n° 928, p. 375.161 Il s’agit de l’affaire Fruehauf : Monsallier (M.-C.) : thèse précitée, n° 765, p. 319.
Une autre approche peut être envisagée, en tenant compte de l’intérêt économique.
Cette conception défendue par les professeurs Champaud et Paillusseau qui
incarnent ce qu’on appelle « l’école de Rennes » et prône la défense de la pérennité
de l’entreprise. Cette conception de l’intérêt social a été reprise par le rapport Viénot
d'avril 1995 rédigé au nom de l'Association française des entreprises privées (Afep)
et du Conseil national du patronat français (CNPF)162, qui le définit comme « l’intérêt
supérieur de la personne morale elle-même, c’est-à-dire de l’entreprise considérée
comme un agent économique autonome, poursuivant des fins propres, distinctes
notamment de celles de ses actionnaires, de ses salariés, de ses créanciers dont le
fisc, de ses fournisseurs et de ses clients, mais qui correspondent à leur intérêt
général commun qui est d’assurer la prospérité et la continuité de l’entreprise ».
Cette conception a été critiquée car elle est perçue comme favorisant les intérêts des
dirigeants.
A côté de cette conception s’est développée une autre approche attachée à la
défense des intérêts des associés et en particulier des actionnaires minoritaires des
sociétés cotées, défendue par Dominique Schmidt. Cet auteur est le promoteur de la
redécouverte de l’article 1833 du Code civil qui dispose que toute société doit être
constituée dans l’intérêt commun des associés. Il a été écrit par Monsieur le
Professeur Schmidt que « la société serait constituée dans l’intérêt des associés :
elle n’est pas constituée en vue de satisfaire un autre intérêt que celui des associés,
qui ont seuls vocation à partager entre eux le bénéfice social »163.
La jurisprudence se sert souvent de cette notion soit pour annuler une convention qui
y serait contraire, soit pour valider une convention dont la validité est contestée alors
qu’elle satisfait l’intérêt social. Le recours à l’intérêt social permet d’infléchir la rigidité
et la sévérité des dispositions issues de la loi de 1966. Ainsi le droit de révoquer les
dirigeants laissé à un organe externe à la société est contraire à l’intérêt social. Seuls
sont possibles les aménagements interorganiques visant à satisfaire l’intérêt social.
L’arrêt Motte du 4 juin 1946 posait deux conditions à la validité des aménagements
162 Médina (A.) : L’abus de biens sociaux , site Internet Les Echos, http://www.lesechos.fr/formations/management/articles/article_9_1.htm163 Schmidt (D.) : De l’intérêt social, Revue Droit bancaire, juillet-Août 1995, n° 50.
contractuels. Il faut, d’une part, que ceux-ci servent à aménager au mieux les intérêts
sociaux, et que, d’autre part, ils ne bouleversent pas le principe de hiérarchie des
organes et la séparation de pouvoirs. Le respect ou la recherche de la satisfaction de
l’intérêt social est une condition nécessaire mais pas suffisante, elle doit être
invoquée à l’appui de règles d’ordre public tirées de la loi de 1966 ou de principes
non écrits du droit des sociétés.
Il est possible d’annuler des cessions ou rétrocessions d’actions quand elles
contrarient l’intérêt social. Il peut être contraire à l’intérêt social de lever l’option de
reprise d’actions si par exemple la personne du dirigeant en place est compétente
mais que le vendeur à réméré ou le prêteur est en désaccord avec lui. Dans cette
hypothèse, le recours à l’intérêt social associé à la violation du principe de hiérarchie
des organes permettrait d’annuler la rétrocession, ce qui aurait pour conséquence de
maintenir en place le dirigeant social. On peut envisager que l’intervention du juge
annulant la reprise des actions permette la continuation des fonctions jusqu’au terme
du mandat et de reporter la prise d’effet de la rétrocession à cette date.
La violation d’une règle d’ordre public de droit des sociétés peut être atténuée par le
recours à l’intérêt social lorsque celui-ci est celui-ci est satisfait. Ainsi si le dirigeant
cause un trouble manifeste, perturbe le bon fonctionnement de la société, la met en
péril… et que le tiers à la société, prêteur, vendeur à réméré ou bénéficiaire d’une
convention de portage met en jeu sa faculté de rétrocession, les juges pourront
décider de ne pas annuler la rétrocession bien qu’il y ait violation du principe de
hiérarchie des organes. Les juges pourront estimer qu’il est de l’intérêt de la société
que le dirigeant soit démissionné de cette façon même si elle est peu orthodoxe. La
satisfaction de l’intérêt social, entendu comme celui de la continuation de la société
et de sa pérennité, peut prévaloir dans certaines situations où il est mis en balance
avec une violation de l’ordre public. On fait alors prévaloir un critère fonctionnel,
l’intérêt défendu est celui de l’entreprise. L’intérêt commun des associés peut aussi
être satisfait si la gestion calamiteuse du dirigeant mettait en péril la survie de la
société, et, dans une mesure moins prioritaire, la distribution des dividendes. Mais il
est permit d’estimer que l’assemblée générale qui aurait connaissance d’une
mauvaise gestion d’un dirigeant le révoquerait en respectant les formes dictées par
la loi.
En fonction de la satisfaction ou non de l’intérêt social, l’issue de l’aménagement
conventionnel appliqué aux valeurs mobilières, lorsqu’il sert à mettre à disposition
des actions d’administration, sera différente. L’intérêt social peut donc soit servir de
limite aux aménagements conventionnels, soit servir à valider des pratiques qui
seraient à priori prohibées.
Les aménagements des techniques utilisées sont le fruit de la pratique qui cherche
toujours à tirer profit au maximum des mécanismes civils connus. Les techniques
civilistes présentent des imperfections tenant à leur nature même, issues d’un Code
civil dont les contrats fondamentaux n’ont pas été modifiés en profondeur depuis
1804, désuètes quand elles sont appliquées à des outils modernes que sont les
valeurs mobilières, dont il est impossible de dresser une liste exhaustive. Par ailleurs,
quand les techniques utilisées ne souffrent pas de leurs propres limites, elles se
révèlent inadaptées face aux règles issues du droit des sociétés. Elles
s’accommodent assez mal des règles gouvernant le fonctionnement des sociétés. Le
seul fléchissement possible des règles impératives issues de la loi de 1966 ou de
principes non écrits est le recours à l’intérêt social. Celui-ci, mis en balance avec les
règles dont la violation serait invoquée, peut permettre de sauver des opérations qui
seraient normalement annulées.
Conclusion
Le recours aux techniques civilistes pures ou inspirées des mécanismes civilistes
appliquées aux valeurs mobilières permet d’aménager le fonctionnement de la
société. L’application de techniques civilistes aux valeurs mobilières permet de
réaliser des opérations financières ou des opérations de marchés, mais elles
permettent aussi d’organiser entre les parties toutes les étapes de leur intervention
au sein d’une société. Bien que la loi de 1966 maintenant codifiée ait donné à la
société une essence résolument institutionnelle, la liberté contractuelle est toujours la
règle. Il est possible d’aménager l’accès aux assemblées générales, l’exercice du
droit de vote au sein de ces assemblées ou encore la représentation des
actionnaires. Par la mise à disposition d’actions à des futurs dirigeant, il est possible
de permettre à une personne d’exercer les fonctions d’administrateur ou de membre
du conseil de surveillance.
Les aménagements du droit de vote en général lors de démembrement de valeurs
mobilières ou d’indivision ont permis de contourner les difficultés que posait
l’application de règle parfois contradictoires et confuses issues du Code civil ou de la
loi de 1966. Ainsi l’exercice du droit de vote du nu-propriétaire et de l’usufruitier peut
être organisé. Il est possible aux associés, en indivision ou pas, d’aménager leur
représentation lors des décisions collectives. L’accès aux fonctions électives se fait
par le recours de techniques emportant la mise à disposition temporaire de valeurs
mobilières. Celles-ci se révèlent inadaptées à leur application aux actions. Même les
techniques issues de la pratique comme le portage ou la cession d’action
accompagnée d’un bordereau en blanc sont imparfaites. Le droit des sociétés édicte
aussi des règles impératives, écrites ou non, auxquelles les parties ne peuvent
déroger. La jurisprudence valide dans l’ensemble le recours à ces techniques. Les
griefs invoqués par une partie de la doctrine sont pertinents mais peu entendus par
les juges à qui sont soumis ces contrats et qui continuent le plus souvent à valider
des pratiques bien ancrées. Peut-être faudrait-il favoriser encore plus le recours des
conventions sui generis pour pallier aux limites des techniques connues.
L’intérêt social est une notion multiforme qui peut aussi bien servir de fondement à
l’annulation d’une opération qui semblerait à priori autorisée ou de fondement à la
permission d’une opération à priori prohibée. Les juridictions peuvent recourir à
souhait à cette notion pour infléchir les règles d’ordre public, ou au contraire leur
donner une dimension plus importante. L’intérêt social semble être l’outil idéal aux
juges désirant une marge de manœuvre à l’interprétation des montages qui leur sont
soumis.
ANNEXES
Annexe n°1
Formule de contrat de prêt de consommation d’actions164
Entre les soussignés :XXXX
Ci après dénommé « le Prêteur »D’une partEtYYYY
Ci-après dénommé « l’Emprunteur »D’autre part
Il a été convenu ce qui suit :La prêteur prête à l’emprunteur, qui accepte, n actions de la société ZZZZ, SociétéAnonyme, au capital de….F, dont le siège social est situé à …… et immatriculéesous le numéro au registre du commerce et des sociétés de ….Ces actions,représentées sous la forme nominative, ont été mises à la disposition del’Emprunteur au siège de la société émettrice, ainsi qu’il résulte d’un ordre demouvement établi ce jour au profit de l’Emprunteur.Ce prêt sera régi par les dispositions des articles 1892 et suivants du Code civil etpar les conditions spéciales ci-après.
Article 1er – Durée
Le prêt est consenti pour une durée indéterminée. L’Emprunteur pourra, à toutmoment, restituer les titres en faisant l’objet.Le Prêteur pourra, à tout moment, en exiger la restitution, l’emprunteur s’obligeant àsatisfaire cette exigence à la première demande du prêteur.
Article 2 – La jouissance des titres
L’Emprunteur des titres en aura la jouissance. Il exercera le droit de vote attaché auxactions, percevra les dividendes annuels et les acomptes sur dividendes, recevra lesactions nouvelles provenant d’augmentation de capital par incorporation desréserves ; il présentera ses titres à l’échange et recevra les actions nouvelles devantlui revenir en cas de regroupement ou de division d’actions ou de fusion, apportspartiels, scissions, etc.…Toutefois, les actions gratuites émises dans le cadre de l’augmentation de réservesdevront être rendues au Prêteur sans indemnité.
164 Extrait de : Baffoy (G.) : Le prêt de consommation de titres de sociétés, J.C.P., éd. N, 1996, I, p. 572.
De façon générale, l’Emprunteur aura l’obligation d’exercer tous les droits luiappartenant en sa qualité de propriétaire des titres créés, de la même façon qu’unactionnaire diligent.Dans tous les cas où l’exercice de ces droits supposerait le versement de fonds(acquisition de droits d’attribution, souscription à une augmentation de capital ennuméraire), l’Emprunteur devra transférer gratuitement au Prêteur tous les droitsnécessaires à la réalisation de ces opérations que le Prêteur aura la faculté derésilier ou non ; en particulier, le Prêteur pourra vendre les droits d’attribution ou lesdroits de souscription et conserver, pour son propre compte, le produit de laréalisation.
Article 3 – Restitution des titres
A la fin du présent prêt, l’Emprunteur devra remettre au Prêteur les actions prêtéesou des actions de la même espèce, ainsi que tous leurs accessoires oucompléments : actions nouvelles reçues à la suite d’échanges des titres prêtés enraison d’opérations de fusion, d’apport partiel ou de scission, de regroupement ou dedivision d’actions, distribution exceptionnelle de réserves, l’Emprunteur ne devantconserver que les dividendes annuels mis en distribution.
Article 4 – Election de domicile
Pour l’exécution des présentes les parties font élection de domicile en leursdemeures respectives.
Fait en triple original, dont un pour le siège de la Société et deux pour chacune desparties.
A …., le ….
Le Prêteur L’emprunteur
Annexe n°2
Formule de convention de portage165
La convention est conclue entre celui qui met les actions à disposition (le donneurd’ordre, lequel est généralement un actionnaire majoritaire) et la personne pressentiepour être désignée aux fonctions d’administrateur ou de membre du conseil desurveillance (le porteur).Cette convention de portage doit prendre la forme de promesses croisées de venteet d’achat des mêmes actions rédigées dans des termes identiques. Le porteur devraprendre l’engagement ferme et irrévocable de vendre et le donneur d’ordrel’engagement ferme et irrévocable d’acheter. Il sera judicieux d’indiquer dans unpréambule les circonstances qui ont conduit à la mise en place de cette conventionde portage. Ce préambule indiquera que le porteur devenu pleinement propriétairedes actions qui lui ont été cédées jouit de tous les droits attachés à sa qualitéd’actionnaire. En particulier, il exerce les droits politiques conférés par les actions etperçoit les dividendes qui lui sont éventuellement dus.Trois stipulations sont essentielles dans cette convention de portage. Il doit êtreprécisé en premier lieu sur quoi porte la promesse : le porteur promet de vendre et ledonneur d’ordre promet de lui racheter les actions qui ont été mises à sa dispositionainsi que les titres que le porteur aurait pu recevoir à titre gratuit ou en exerçant undroit préférentiel de souscription.Il convient ensuite de s’entendre sur le prix auquel ces actions devront êtrerachetées. Pour échapper aux griefs tirés de l’atteinte à la prohibition des clausesléonines, il est judicieux de prévoir que le prix sera fixé par accord entre les parties lejour de la levée de l’option ou, qu’à défaut d’accord, ce prix sera laissé à l’arbitraged’un tiers comme il est dit à l’article 1592 du Code civil. Autrement dit, les actionsdevront être rachetées au porteur à leur valeur vénale au terme du portage.Enfin il est essentiel de préciser dans la convention que le terme du portage est celuide la cessation des fonctions occupées par le porteur au sein du conseild’administration ou de surveillance. Il est opportun de convenir que la démission, larévocation ou le décès du membre du conseil d’administration ou du conseil desurveillance (le porteur) entraîne la levée d’option automatique des promessesd’achat et de vente ainsi que le transfert immédiat de la propriété des actions objetde ces promesses et l’obligation de payer au porteur le prix de rachat.
Préambule à une convention de portage destinée à réaliserune mise à disposition d’actions de fonction
Ce préambule devra précéder la convention de portage prenant la forme depromesses croisées de vente et d’achat
Les actionnaires de la société YYYY envisagent de nommer XXXX en qualité demembre du conseil d’administration (ou du conseil de surveillance) de la société
165 Lucas (F.-X.) : Mise à disposition d’actions à des administrateurs ou à des membres du conseil desurveillance, Dr. Sociétés, Actes pratiques, n° 48, nov.-déc. 1999, p. 7.
YYYY. Les statuts de la société YYYY imposent d’être propriétaire de n actions pourêtre désigné à de telles fonctions.XXXX ne détenant pas d’actions de la société YYYY, ZZZZ accepte, par la présenteconvention de portage, de mettre à sa disposition n actions entièrement libérées, defaçon à lui conférer la qualité d’actionnaire pendant toute la période au cours delaquelle il occupera un poste d’administrateur (ou de membre du conseil desurveillance) de la société.XXXX exercera seul les prérogatives attachées à la qualité d’actionnaire conféréepar les actions qu’il porte. C’est ainsi qu’il exercera librement les prérogativespolitiques conférées par les actions et percevra tous les dividendes éventuellementdistribués, lesquels lui demeureront acquis à l’issue du portage.Il est convenu entre les parties que XXXX n’a pas vocation à demeurer actionnaireau terme du portage et qu’il s’engage à restituer à ZZZZ les actions portées ainsi quecelles qu’il aurait pu acquérir au cours du portage, à titre gratuit ou par l’exercice d’undroit préférentiel de souscription.
Article 1er : Promesse de venteA l’expiration de son mandat d’administrateur (ou de membre du conseil desurveillance), XXXX s’engage à vendre à ZZZZ les actions qui lui ont été cédéesainsi que toutes celles qu’il aurait pu recevoir à titre gratuit ou en exerçant un droitpréférentiel de souscription depuis qu’il a acquis la qualité d’actionnaire.
Article 2 : Promesse d’achatA l’expiration de son mandat d’administrateur (ou de membre du conseil desurveillance) de XXXX, ZZZZ s’engage à lui racheter les actions qui lui ont étécédées ainsi que toutes celles qu’il aurait pu recevoir à titre gratuit ou en exerçant undroit préférentiel de souscription depuis qu’il a acquis la qualité d’actionnaire.
Article 3 : Modalités de rétrocessionLa levée d’option des présentes promesses sera automatique et résultera de lacessation des fonctions de XXX au sein du conseil d’administration (ou desurveillance). Cette cessation de fonctions de XXXX emportera transfert de lapropriété des actions qu’il porte et obligation de la part de ZZZZ d’en payer le prix.Les actions seront rachetées moyennant un prix correspondant à leur valeur vénaleau jour de la levée d’option, prix qui sera, à défaut d’accord entre les parties,déterminé par un tiers comme il est dit à l’article 1592 du Code civil.
Annexe n°3
Formule de convention de mise à disposition d’actions166
Trois clauses sont essentielles. Celle qui définit l’objet de la convention, celle quidéfinit les droits et obligations des parties et celle qui détermine l’étendue desrestitutions devant s’opérer au terme du contrat.D’autres clauses peuvent être ajoutées (il peut par exemple être précisé quellesseraient les conséquences de l’inexécution de l’obligation de restitution des actionsmises à disposition) mais il est important de ne pas transformer ce contrat de mise àdisposition d’actions en « usine à gaz ». L’opération à mettre en place est simple,elle doit prendre la forme d’un contrat simple.
Convention de mise à disposition d’actions de fonction
Préambule
La présente convention a pour objet d’organiser la mise à disposition d’actions defonction à XXXX, lequel est pressenti pour être désigné en qualité de membre duconseil d’administration (ou de surveillance) de la société YYY. Les statuts de lasociété YYYY imposent d’être propriétaire de n actions pour être désigné à des tellesfonctions.XXXX ne détenant pas d’actions de la société, ZZZZ accepte de mettre à sadisposition n actions entièrement libérées de façon à lui conférer la qualitéd’actionnaire pendant toute la période au cours de laquelle il occupera un posted’administrateur (ou de membre du conseil de surveillance) de la société YYYY.XXXX exercera seul les prérogatives attachées à la qualité d’actionnaire conféréepar les actions mises à sa disposition par l’effet de la présente convention. C’est ainsiqu’il exercera librement les prérogatives politiques conférées par les actions etpercevra tous les dividendes éventuellement distribués, lesquels lui demeurerontacquis.Il est convenu entre les parties que XXXX n’a pas vocation à demeurer actionnairelorsque prendront fin ses fonctions au sein du conseil d’administration (ou desurveillance) et qu’il s’engage à restituer à ZZZZ les actions mises à disposition ainsique celles qu’il aurait pu acquérir depuis qu’il est devenu actionnaire.
Article 1er : Mise à disposition des actions
La présente convention emporte transfert de la propriété de n actions de la sociétéYYYY que ZZZZ accepte de mettre à disposition de XXXX en vue de lui permettred’accéder à des fonctions de membre du conseil d’administration (ou desurveillance).
166 Lucas (F.-X.) : Mise à disposition d’actions à des administrateurs ou à des membres du conseil desurveillance, Dr. Sociétés, Actes pratiques, n° 48, nov.-déc. 1999, p. 7.
Ce transfert de propriété intervient sans versement d’une quelconque contrepartie. Iltrouve sa cause dans la volonté qu’à ZZZZ de permettre à XXXX de devenirmandataire social de la société YYYY.
Article 2 : Droits et obligations des parties
ZZZZ s’oblige à livrer les actions dont la propriété lui est transmise par l’effet de laprésente convention. Il s’engage à laisser XXXX jouir paisiblement de la propriété deces actions. XXXX pourra exercer tous les droits, tant de nature politique (droit àl’information, droit de vote, etc…) que de nature pécuniaire (droit aux dividendes, àdes actions gratuites, etc…) attachés aux actions mises à disposition.XXXX s’oblige à restituer à ZZZZ les actions qui sont mises à sa disposition ainsi quetoutes celles qui ont pu lui être attribuées gratuitement ou qu’il a pu acquérir depuisqu’il est devenu actionnaire. Seuls lui demeureront acquis les dividendes qu’il a pupercevoir au cours de la période de mise à disposition des actions.
Article 3 : Restitution des actions
Lorsque prendront fin les fonctions occupées par XXXX au sein du conseild’administration (ou du conseil de surveillance) de la société YYYY, la propriété desactions mises à disposition sera immédiatement et de plein droit transférée à ZZZZ,et ce quelle que soit la cause de cessation desdites fonctions.Il est convenu que la cessation des fonctions et que la présente convention vaudraordre de mouvement de ces actions retransférées par XXXX à ZZZZ.
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Jurisprudence :
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éd. G., 1968, II, 15695, note Bernard (N.).- Cass. Com., 22 déc. 1969 : Bull. Civ., IV, n° 391.- Cass. Com., 9 oct. 1972 : D., 1973, p. 273, note Burste (J.-J.).- Cass. 3ème Civ., 5 juin 1973, Bull. Civ., 1973, III, n° 403, p. 291.- Cass. 3ème Civ., 8 janv. 1975 : Rev. Sociétés, 1976, p. 301, I, note Balensi.
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- Cass. Com., 10 février 1981, Perrier c. Daubanay : Rev. Sociétés, 1982, p. 98, note Merle(Ph.).
- Cass. Com., 15 juin 1982, Soc. GS Nord c. Recapet : Gaz. Pal., 1983, 1, Pan. Jur., p. 23.- Cass. Com., 20 mai 1986, Soc. Bowater Corporation Limited c. Bertrand du Vivier : Rev.
Sociétés, 1986, p. 587, note Randoux (D.).- Cass. Civ., 22 juillet 1986 : J.C.P., 1987, éd. E., I, 16342, n° 1, obs. Viandier (A.) - Cass. Civ., 7 avril 1987, Lévêque-Houist c. SOPROGEPA, J.C.P., 1988, éd. G., II, 21006,
note Germain (M.).- Cass. 1ère Civ., 29 oct. 1990 : Bull. Joly, 1990, 1053.- Cass. 1ère Civ., 1er avril 1991 : R.T.D. Civ., 1994, p. 381, obs. Zenati (F.).- Cass. Com., 19 mai 1992, Soc. Go International c. Soc. IGF : Bull. Joly., 1992, p. 779,
note Le Cannu (P.).- Cass. 3ème Civ., 26 juin 1992 : Bull. Civ., III, n° 197 ; R.T.D. Civ., 1992, p. 144, obs.
Zenati (F.)- Cass. Com., 4 janvier 1994 : Bull. civ., IV., n° 10 ; Dr. Sociétés, mars 1994, n° 45, note
Bonneau (Th.) ; J.C.P., 1994, éd. E., Conseils Fidal, p. 131, obs. Guengant (A.) ;Defrénois, 1994, art. 35786, p. 556, obs. Le Cannu (P.) ; Rev. Soc., 1994, p. 278, noteLecene-Marenaud (M.) ; Daigre (J.-J.) : Un arrêt de principe : le nu-propriétaire de droitssociaux ne peut pas être totalement privé de son droit de vote (A propos de l’arrêt de Cass.Com., 4 janvier 1994, Bull. Joly, § 62, p. 249.
- Cass. Com., 24 mai 1994 : D., 1994, p. 503, note Couret (A.) ; Rev. Sociétés, 1994, p. 708,note Reinhard (Y.).
- Cass. Com. 12 mars 1996 : Bull. Civ. IV, n° 88.- Cass. Com., 19 mai 1998, Soc. Lyonnaise de banque c. Lombard : R.J.D.A., 1998, n°986.- Cass. Com., 9 février 1999 : J.C.P., éd. E., 1999, p. 724, note Guyon (Y.) ; Bull. Joly
1999, p. 566, n° 122, obs. Daigre (J.-J.) ; Rev. Sociétés, 1999, p. 81, note Le Cannu (P.) ;Dr. Sociétés, 1999, n° 67, note Bonneau (Th.)
• Cours d’appel et Tribunaux de première instance
- CA Paris, 22 janvier 1971 : D., 1971, p. 571, note Guyon (Y.) ; Rev. Soc., 1971, p. 413,note D.B.T.
- CA Paris, 19 févr. 1979 : Rev. Sociétés 1980, p. 284, note Randoux (D.)- Trib. de Com. Paris, 12 mars 1979 : Rev. Sociétés 1980, p. 284, note Randoux (D.)- CA Aix, 28 septembre 1982 : Rev. Sociétés, 1983, p. 773 et s., note Mestre (J.).- Trib. Commerce de Lyon, 27 sept. 1993 : Dr. Sociétés, n° 217, note Bonneau (Th.)- CA Paris, 13 févr. 1996 : Dr. Sociétés, 1996, n° 172, obs. Vidal (D.)- CA Paris, 17 avril 1996, Azar c. Inovelf : Bull. Joly, 1996, p. 807, § 283, note Couret
(A.) ; Dr. Sociétés, 1996, comm. 172, obs. Vidal (D.) - CA Paris, 22 juin 1996, Gontard c. Papelier : Bull. Joly, 1997, p. 15, § 3, note Le Cannu
(P.).- CA Paris, 18 oct. 1996, de Fontgalland c. Hales : Bull. Joly, 1997, p. 11, §2, note
Rontchevsky (N.).- CA Paris, 10 oct. 1997, SARL Soparet c. S.A. CIE BTP : R.T.D. Com., 1998, p. 159, obs.
Champeaud (C.) et Danet (D.)
TABLE DES MATIERES
Table des matières
Introduction
1) Définition des termes du sujet…………………………………………………..……p. 3• Les valeurs mobilières……………………………………………………………..…p. 3- Eléments de définition des valeurs mobilières…………………………………..…p. 3- Les caractéristiques des valeurs mobilières……………………………………….p. 4- Liste et classifications des valeurs mobilières…………………………………..…p. 5• Les « techniques civilistes »………………………………………………………....p. 9- Essai de classifications……………………………………………………………….p. 9- Définition des termes employés……………………………………………………p. 10
2) L’aménagement contractuel des valeurs mobilières……………………………...p. 14- Applications pratiques ressortant de nécessités financières………………….. p. 14- Plan……………………………………………………………………………………p. 16
1ère partie : Les finalités des techniques civilistes appliquées aux valeursmobilières ……………………………………………………………………………….p. 18
A – L’aménagement des prérogatives de l’associé……………………………...p. 18§ 1. Les caractères de la qualité d’actionnaire……………………………………….p. 18a) Les prérogatives de l’associé……………………………………………………….p. 19- Les droits politiques de l’actionnaire………………………………………………p. 21- Les droits pécuniaires de l’actionnaire…………………………………………….p. 21b) Le sort des prérogatives de l’associé lors d’aménagements conventionnels…..p.22- Le sort des prérogatives pécuniaires……………………………………………...p. 22- Le sort des prérogatives politiques de l’associé………………………………….p. 23
§ 2. L’aménagement de la participation à la vie sociale…………………………….p. 24a) Les aménagements conventionnels organisant l’accès aux assemblées générales- La copropriété d’actions…………………………………………………………….p. 24- L’usufruit d’actions…………………………………………………………………..p. 28- La remise d’actions en gage………………………………………………………..p. 31b) Les aménagements conventionnels de l’attribution du droit de vote……………p. 32- La copropriété d’actions…………………………………………………………….p. 32- L’usufruit d’actions…………………………………………………………………..p. 34c) L’exercice indirect du droit de vote par le mandat………………………………...p. 39• Les conditions de fonds……………………………………………………………..p. 40- Les conditions relatives au mandant et au mandataire………………………….p. 40- Les conditions relatives à la durée du mandat…………………………………...p. 42• Les conditions relatives aux formes du mandat………………………………….p. 44
B - La mise à disposition d’actions à des administrateurs ou à des membresdu conseil de surveillance……………………………………………………………p. 45§ 1. Le prêt d’actions……………………………………………………………………p. 48
- Les deux types de prêts prévuspar le code civil…………………………….p. 48
- Le prêt d’actions est un prêt deconsommation ……………………………..p. 48
a) La validité des prêts d’actions à des administrateurs…………………………….p. 49b) Le régime du prêt d’actions………………………………………………………….p. 49- Formation et exécution du contrat…………………………………………………p. 51- La fin du prêt…………………………………………………………………………p. 51
§ 2. La vente à réméré et la cession d’actions « en blanc »………………………..p. 52a) Le réméré……………………………………………………………………………...p. 53- La nature du réméré…………………………………………………………………...p. 53- Le régime du réméré…………………………………………………………………..p. 54b) La cession d’actions accompagnée d’un bordereau de transfert en blanc…….p. 56
2ème partie : La limitation des aménagements conventionnels………………..p. 58
A – Les inadaptations des techniques civilistes classiques…………………..p. 58§ 1. L’imperfection des techniques civilistes visant à la mise à disposition d’actions• Le respect des clauses d’agrément………………………………………………..p. 59• Les inadaptations propres à chaque technique…………………………………..p. 60a) L’inadaptation du prêt de consommation…………………………………………..p. 60b) L’inadaptation de la vente à réméré ……………………………………………….p. 64
§ 2. La faveur de la pratique pour le portage ou une convention sui generis…… p. 67a) La convention de portage……………………………………………………………p. 67- Le mécanisme du portage………………………………………………………….p. 68- La validité du portage……………………………………………………………….p. 69b) Le recours à une convention sui generis de mise à disposition d’actions……...p. 72
B – Les limites posées par les règles issues du droit des sociétés………….p. 74§ 1. L’ordre public sociétaire……………………………………………………………p. 74a) Les principes touchant à la validité de la convention……………………………..p. 74- La participation aux pertes et aux bénéfices : la prohibition des clauses léonines- La nécessité d’un affectio societatis……………………………………………….p. 80b) Le respect du principe de hiérarchie des organes et de séparation de pouvoirs
§ 2. L’intérêt social………………………………………………………………………p. 83- L’intérêt social comme limite……………………………………………………….p. 83- L’intérêt social envisagé comme permettant de valider des conventions qui
seraient a priori nulles………………………………………………………………p. 83
Conclusion ……………………………………………………………………………..p. 87
Annexe n°1 : Formule de contrat de prêt de consommation d’actions…………….p. 90Annexe n°2 : Formule de convention de portage…………………………………….p. 92Annexe n°3 : Formule de convention de mise à disposition d’actions…………….p. 94
Bibliographie……………………………………………………………………………..p. 97
Table des matières…………………………………………………………………….p. 102