La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un...

487
© Michele Patricia Akiobe Songolo, 2019 La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des créances Thèse Michele Patricia Akiobe Songolo Doctorat en droit Docteure en droit (LL. D.) Québec, Canada

Transcript of La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un...

Page 1: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

© Michele Patricia Akiobe Songolo, 2019

La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation

des créances

Thèse

Michele Patricia Akiobe Songolo

Doctorat en droit

Docteure en droit (LL. D.)

Québec, Canada

Page 2: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

ii

RÉSUMÉ DE LA THÈSE

La titrisation des créances est une opération qui permet aux banques de se financer sur les

marchés financiers à moindre coût et sans trop de risques. Pour réaliser l’opération, les

banques cèdent les prêts qu’elles ont octroyés à une structure qui se chargera ensuite de les

placer auprès des investisseurs. De plus, la titrisation permet également aux banques de gérer

les risques liés aux prêts. Avec l’avènement de cette opération, les banques se soucient moins

de la qualité et de la capacité financière des emprunteurs. Une fois le prêt accordé, les banques

vont créer des portefeuilles de créances qui seront cédés par la suite. Une autre forme de

titrisation permet de transférer uniquement le risque lié aux prêts sans toutefois sortir ces

prêts du bilan de la banque : c’est la titrisation synthétique. Ces deux formes de titrisation,

classique et synthétique, ont été utilisées aux États-Unis et ont contribué à l’explosion de la

bulle immobilière qui a entraîné une crise financière en 2008 : la crise des subprimes. La

titrisation a donc occasionné le mouvement de contagion des risques qui s’en est suivi sur les

marchés financiers. Les subprimes sont des prêts hypothécaires à risque accordés à un taux

variable aux ménages américains à faible capacité financière. Le taux est bas les premières

années, mais augmente progressivement. Titriser ce type de prêts revient à propager le risque

de non-remboursement des emprunteurs à tous les différents intervenants de la chaîne. Et

c’est ce qui s’est produit : les taux ont été relevés et les emprunteurs n’ont pas été capables

d’assurer le paiement des différentes mensualités entraînant un blocage de tout le circuit. Les

choses se sont passées de cette façon parce que, sur les marchés à cette période, l’appât du

gain l’avait emporté sur le respect des règles d’encadrement des marchés, quasi inexistantes.

Cette thèse propose des solutions d’encadrement du marché financier et de l’opération de

titrisation en particulier. Entre la loi du marché, le droit et l’éthique, les recommandations

faites dans cette dissertation se veulent complémentaires aux actions des différents

régulateurs, nationaux et internationaux.

Page 3: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

iii

ABSTRACT

Securitization of receivables is an operation that allows banks to finance themselves on the

financial markets at a lower cost and without too much risk. To carry out the operation, the

banks sell the loans they have granted to a structure which will then be responsible for placing

them with investors. In addition, securitization also allows banks to manage the risks

associated with loans. With the advent of this operation, banks are less concerned about the

quality and financial capacity of borrowers. Once the loan is granted, they create portfolios

of receivables that will be transferred later. Another form of securitization is to transfer only

the risk associated with the loans without taking these loans out of the bank's balance sheet :

It’s a synthetic securitization. These two forms of securitization, traiditional and synthetic,

were used in the United States and contributed to the explosion of the housing bubble that

led to a financial crisis in 2008: the subprime crisis. Securitization has, therefore, caused the

risk-spreading movement that has followed on the financial markets. The subprimes are

variable risk mortgage loans to low-income US households. The rate is low the first years

but increases gradually. Securitizing this type of loan is to propagate the risk of non-

repayment of borrowers to all the various stakeholders in the chain. And that's what

happened: the rates were raised, and the borrowers were not able to ensure the payment of

different monthly payments causing a blockage of the entire circuit. Things happened this

way because in the markets at that time, the lure of gain prevailed over the respect of almost

nonexistent rules. This thesis proposes solutions for financial market supervision and for

securitization operations specifically. Between the law of the market, the rule of law and

ethics, the recommendations made in this dissertation are complementary to the actions of

the various regulators, national and international.

Page 4: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

iv

TABLE DES MATIÈRES

Résumé de la thèse ...................................................................................................................... ii

Abstract .......................................................................................................................................... iii

Table des matières ...................................................................................................................... iv

Table des abréviations .............................................................................................................. ix

Liste des figures ........................................................................................................................... xi

Dédicaces...................................................................................................................................... xii

Remerciements ......................................................................................................................... xiii

Introduction ................................................................................................................................... 1

Première partie : Analyse des différentes approches de la régulation financière

et présentation de l’opération de titrisation ................................................................... 19

Chapitre I : Le cadre théorique de la thèse ................................................................................. 20

Section I : La précision du terme « régulation » dans la thèse ..................................................... 21

Section II : L’analyse des différentes théories de dérégulation et de régulation des

marchés ............................................................................................................................................................... 26

Sous-section I : Les théories qui encouragent la dérégulation financière ............................................ 26

Sous-section II : Les théories qui soutiennent la régulation financière ................................................. 31

Sous-section III : La position du droit ................................................................................................................... 35

Section III : Le choix du cadre théorique qui sous-tend la présente thèse .............................. 42

Chapitre II : Le rôle de la régulation dans l’encadrement des marchés financiers ...... 50

Section I : La notion de crises financières ............................................................................................. 51

Section II : Les crises boursières ............................................................................................................... 55

Sous-section I : La grande dépression des années 1929............................................................................... 55

A. Le déclenchement de la crise ......................................................................................................................... 55

B. La gestion de la crise .......................................................................................................................................... 57

C. Les failles observées ........................................................................................................................................... 60

Sous-section II : Le lundi noir de 1987 ................................................................................................................. 61

A. Le déclenchement de la crise ......................................................................................................................... 62

B. La gestion de la crise .......................................................................................................................................... 63

C. Les failles observées ........................................................................................................................................... 64

Section III : Crises de changes et crises bancaires ............................................................................. 65

Sous-section I : La crise du peso mexicain dite de crise « Tequila » ........................................................ 67

A. Le déclenchement de la crise ......................................................................................................................... 67

B. La gestion de la crise .......................................................................................................................................... 68

Page 5: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

v

C. Les failles observées ........................................................................................................................................... 69

Sous-section II : La crise en Asie du Sud-Est ...................................................................................................... 70

A. Le déclenchement de la crise ......................................................................................................................... 70

B. La gestion de la crise .......................................................................................................................................... 71

C. Les failles observées ........................................................................................................................................... 72

Sous-section III : La chute progressive du Japon ............................................................................................. 73

A. Le déclenchement de la crise ......................................................................................................................... 73

B. La gestion de la crise .......................................................................................................................................... 75

C. Les failles observées ........................................................................................................................................... 76

Sous-section IV : Analyse synthétique .................................................................................................................. 76

Chapitre III : L’opération de titrisation : origines et propagation ...................................... 80

Section I : Naissance de l’opération de titrisation ............................................................................. 81

Sous-section I : La naissance de l’opération aux États-Unis. ....................................................................... 81

Sous-section II : L’expansion de l’encadrement de l’opération de titrisation dans le reste du

monde .................................................................................................................................................................................. 87

Section II : Définition de l’opération de titrisation .......................................................................... 100

Sous-section I : Titrisation et notions voisines .............................................................................................. 100

Sous-section II : Initier pour céder ...................................................................................................................... 102

Sous-section III : Les principaux intervenants et leur rôle ....................................................................... 106

A. Le particulier (emprunteur) ........................................................................................................................ 106

B. L’initiateur ........................................................................................................................................................... 107

C. L’émetteur des titres ....................................................................................................................................... 107

D. Les investisseurs .............................................................................................................................................. 110

E. La société de gestion et le dépositaire .................................................................................................... 112

F. Les rehausseurs de crédit ............................................................................................................................. 112

G. Les agences de notation ................................................................................................................................ 114

Sous-section IV : Les avantages et les risques liés à l’opération de titrisation ................................ 126

A. Les avantages de l’opération de titrisation ........................................................................................... 126

B. Les risques de l’opération de titrisation ................................................................................................ 127

Section III : La crise des subprimes, résultat de la dérégulation de l’opération de

titrisation .......................................................................................................................................................... 134

Sous-section I : Les signes précurseurs de la débâcle ................................................................................. 135

Sous-section II : La partition de la titrisation jouée dans le déroulement et changement de

dimension de la crise des subprimes ................................................................................................................. 139

Sous-section III : Les retombées de la crise ..................................................................................................... 144

Sous-section IV : La période postcrise ........................................................................................................... 154

Page 6: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

vi

Deuxième partie : Contour des risques juridiques associés à l’opération de

titrisation et analyse de la réponse règlementaire ..................................................... 161

Chapitre I : Articulation de l’opération de titrisation de créances et opérations

parallèles ............................................................................................................................................. 163

Section I : La structure juridique de l’opération .............................................................................. 164

Sous-section I : Le contrat de prêt ....................................................................................................................... 164

A- La formation du contrat .......................................................................................................................... 164

B. Les sûretés du prêt et les sûretés liées aux créances cédées ........................................................ 172

1. L’hypothèque ................................................................................................................................................ 173

2. La garantie bancaire .................................................................................................................................. 175

3. Le surdimensionnement .......................................................................................................................... 176

4. La subordination des tranches émises par le véhicule de titrisation .................................. 176

5. Les contrats d’assurance ......................................................................................................................... 176

C. La cession des prêts dans une opération de titrisation ................................................................... 183

Sous-section II : Le surendettement du consommateur ............................................................................ 189

Section II : Les instruments de transmission de créances et de risques lors de la crise . 201

Sous-section I : Les instruments de transmission de créances : les titres adossés à des créances.

............................................................................................................................................................................................. 202

A. Comment sélectionner la créance à titriser? ........................................................................................ 203

B. L’émission des titres de créances (tranchéisation) .......................................................................... 205

C. Flux financiers générés par la créance titrisée .................................................................................... 207

Sous-section II : Les instruments de transmission de risques les dérivés de crédit ..................... 210

A. La notion de dérivés de crédit .................................................................................................................... 210

1- Les contrats à terme. ................................................................................................................................ 210

2- Une option .................................................................................................................................................... 211

3- Les contrats d’échange (swaps) .......................................................................................................... 212

B. Fonctionnement des instruments dérivés ............................................................................................ 215

C. Le CDS dans une opération de titrisation synthétique .................................................................... 222

Section III : La titrisation et les structures financières intermédiaires .................................. 230

Sous-section I : Le système bancaire parallèle : une problématique réelle ...................................... 230

Sous-section II : Le système bancaire parallèle et le marché de l’assurance hypothécaire ....... 237

Sous-section III : Le système bancaire parallèle et la fiducie .................................................................. 243

Chapitre II : L’analyse de la réponse règlementaire sur le plan international et dans

différentes juridictions ................................................................................................................... 250

Section I : L’adaptation de la règlementation internationale de la titrisation après la crise

des subprimes .................................................................................................................................................. 252

Page 7: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

vii

Sous-section I : Le nouvel accord de Bâle : Bâle III ...................................................................................... 252

Sous-section II : Les recommandations du G20 ............................................................................................. 260

Sous-section III : Les réformes du Fonds monétaire international (FMI).......................................... 262

Sous-section IV : Les recommandations du Conseil pour la Stabilité financière (Financial

Stability Board, FSB) .................................................................................................................................................. 263

Section II : L’harmonisation des règles. Une solution complémentaire à la concurrence

règlementaire ................................................................................................................................................. 266

Section III : Le rapport entre libéralisme et encadrement de la titrisation aux États-Unis :

la crise des subprimes .................................................................................................................................. 276

Section IV : Un cadre règlementaire pour la titrisation moins libéralisée pour les

autorités régulatrices internationales : La réplique des droits nationaux européens et

canadiens .......................................................................................................................................................... 284

Sous-section I : L’Europe .......................................................................................................................................... 284

Sous-section II : Le Canada...................................................................................................................................... 300

Troisième partie : Une vision prospective de l’encadrement d’une opération de

titrisation ................................................................................................................................... 318

Chapitre I : La fiducie revisitée et adaptable à une opération de titrisation ............... 321

Section I : Usages du trust en droit civil et dans la common law ............................................... 323

Sous-section I : Le trust dans la common law .................................................................................................. 323

Sous-section II : La fiducie en droit civil ........................................................................................................... 326

Section II : Un modèle de trust adapté et adéquat à l’opération de titrisation des créances

.............................................................................................................................................................................. 335

Sous-section I : Le patrimoine d’affectation pour mieux encadrer une opération de titrisation

de créances ..................................................................................................................................................................... 341

Sous-section II : L’attribution des responsabilités dans une opération de titrisation selon le

droit québécois de la fiducie .................................................................................................................................. 350

A. L’acte constitutif de la fiducie ou encore le contrat entre la banque et le véhicule de

titrisation. ................................................................................................................................................................. 350

B. Le constituant ou la banque......................................................................................................................... 351

C. Le fiduciaire ou le gestionnaire du véhicule de titrisation ............................................................. 353

D. Les bénéficiaires ou les investisseurs ..................................................................................................... 356

E. Le patrimoine affecté ...................................................................................................................................... 361

Chapitre II : L’éthique, garante d’une titrisation « responsable » ................................... 364

Section I : Le Sens donné au mot éthique dans notre analyse .................................................... 365

Section II : L’importance de la responsabilité éthique en finance ............................................ 373

Page 8: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

viii

Sous-section I : Les manquements éthiques lors de la crise .................................................................... 373

Sous-section II : La nécessité d’une responsabilité éthique ..................................................................... 379

Section III : De la finance responsable à la titrisation responsable : Utilisation et

application des concepts de l’Investissement Socialement Responsable (ISR) à

l’opération de titrisation ............................................................................................................................ 394

Conclusion générale ............................................................................................................... 409

Bibliographie ............................................................................................................................ 418

Traités et ouvrages (Généraux et spécialisés) ....................................................................... 418

Thèses et Mémoires ......................................................................................................................... 425

Communications et Rapports et Divers .................................................................................... 426

Articles et Chroniques ..................................................................................................................... 439

Lois, Directives, Conventions Internationales, Lois Types ................................................ 462

Jurisprudence nationale et internationale .............................................................................. 472

Dictionnaires et ouvrages de références .................................................................................. 473

Page 9: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

ix

TABLE DES ABRÉVIATIONS

ABS : Titre adossé à des actifs

ALENA : Accord de libre-échange nord-américain

APEC : Coopération économique Asie-Pacifique

BSIF : Bureau du Surintendant des Institutions Financière

Cc.Q. : Code civil du Québec

CDO : Obligations adossées à des créances

CDS : Credit default swaps (couvertures de défaillance)

FCT : Fonds commun de titrtisation

FHA : Federal Housing administration (agence gouvernementale américaine chargée

d’améliorer les conditions de logement et de gérer le financement des logements (prêts

hypothécaires, etc.)

FHLB : Federal Home Loan Banks (réseau de banques régionales parapubliques)

FHLMC : Federal Home Loan Mortgage Corporation, agence américaine (GSE) chargée

d’augmenter la taille des marchés hypothécaires

FNMA : Federal National Mortgage Association (GSE), agence américaine chargée

d’augmenter la liquidité du marché des prêts hypothécaires.

FMI : Fonds monétaire international

Page 10: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

x

GSE : Gorvernment sponsored enterprise, entreprise parrainée par le gouvernement

américain

LCTM : Le Long Term Capital Management est un fonds spéculatif créé en 1994

OCDE : Organisation de coopération et de développement économiques

OHC : Obligations hypothécaires du Canada

PCAA : Papier commercial adossé à des actifs

RMBS : Residential Mortgage Backed Securities (produit financier issu de la titrisation de

crédits hypothécaires résidentiels).

SCHL : Société canadienne d’hypothèques et de logement

SPV : Special vehicle purpose (véhicule de titrisation)

TAA : Titres adossés à des actifs

TH LNH : Titres hypothécaires émis en vertu de la Loi nationale sur l'habitation

Page 11: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

xi

LISTE DES FIGURES

Figure 1 : Mécanisme simplifié de l’opération de titrisation

Figure 2 : Cession du prêt au véhicule de titrisation

Figure 3 : Titres émis selon la nature du sous-jacent

Figure 4 : Les étapes du placement

Figure 5 : contrat d’échange sur taux d’intérêt

Figure 6 : Couverture de risques

Figure 7 : Couverture de risque dans une opération de titrisation synthétique

Figure 8 : Application des règles de la fiducie aux intervenants dans une opération de

titrisation.

Page 12: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

xii

DÉDICACES

À mon père,

à mon fils Hermès Nathan.

Page 13: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

xiii

REMERCIEMENTS

La rédaction d’une thèse requiert des capacités académiques notamment la recherche et

l’écriture. Toutefois, au-delà de ces capacités, ce dont nous avons plus besoin est

l’accompagnement facultaire, l’encadrement du directeur et le soutien de nos proches. C’est

la raison pour laquelle il me tient à cœur de remercier les différentes personnes-ressources

qui ont aidé à la réalisation de ce travail.

Je ne saurais commencer cette tribune sans remercier la faculté de droit de l’université Laval

qui m’a permis de réaliser mes études doctorales dans cette belle université francophone de

l’Amérique du Nord. Je remercie également toute l’équipe administrative de la faculté pour

le soutien et pour l’accompagnement dans nos divers dossiers d’inscription et autres dossiers

divers.

Par la suite, je souhaiterais remercier mon directeur, Marc Lacoursière, qui a accepté de

diriger cette thèse. Je le remercie particulièrement pour sa rigueur et sa disponibilité qui

m’ont permis de rédiger une dissertation de qualité. Je remercie aussi les professeurs de la

faculté qui m’ont donné des conseils au détour d’un couloir ou à l’occasion de certains

évènements facultaires. Je remercie particulièrement les professeurs avec qui j’ai eu

l’occasion de travailler au Centre d’études en Droit Économique. Dans le même ordre d’idée,

j’exprime ma profonde gratitude pour le professeur Serge Kablan qui a été un mentor en ce

qui concerne les activités d’enseignement. Je ressors donc de cette faculté avec une

expérience riche en enseignement et en recherche.

Je pense également à mes collègues lancés dans cette aventure avec moi; je suis

reconnaissante pour tous ces bons mots d’encouragement échangés, fussent-ils furtifs.

Je suis reconnaissante envers l’accueil reçu au sein de la communauté catholique de

l’université Laval qui a facilité mon intégration dans ce pays.

Je remercie mes parents sans qui ce projet ne serait pas réalisable; je pense particulièrement

à ma mère qui m’a toujours soutenu par ses prières et ses conseils. Je pense également à mon

père, quoiqu’absent aujourd’hui, pour son encouragement à poursuivre les études aussi loin

que pouvaient m’emmener mes capacités intellectuelles.

Je remercie mes frères pour leurs encouragements. Je remercie mon conjoint d’avoir été mon

exutoire pendant les moments difficiles.

Page 14: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

xiv

Je voudrais également remercier ces amis qui sont devenus pour moi une seconde famille.

Merci d’avoir toujours été présents, dans les bons comme dans les mauvais moments. Je vous

en suis sincèrement reconnaissante.

Je ne saurais terminer sans rendre grâce à Dieu pour son soutien indéfectible à toute épreuve.

Page 15: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

1

INTRODUCTION

Mise en contexte

Après l’agitation causée par la crise financière de l’été 2007 vient le moment

de retracer les évènements afin d’en extirper les préoccupations réelles. Au regard, de

l’histoire économique, nous pouvons avancer que cette crise est dans une certaine

mesure le fruit d’une politique libérale exacerbée1. En effet, lorsque l’on fait une

rétrospection dans le temps, nous constatons qu’après la Première Guerre mondiale,

bien qu’il y ait eu une montée des inégalités sociales2 due à l’endettement des États

partis à la guerre, une période de croissance s’est installée touchant quasiment tous les

secteurs. La production était en hausse et la croissance avait augmenté. Les États-Unis

qui ont été les moins endettés lors de cette Première guerre avaient renforcé leur

puissance économique et avaient maintenu une croissance économique 3 . Cette

croissance était soutenue en partie par le Président de l’époque, Calvin Coolidge, qui

n’a eu de cesse de dérèglementer l’économie pour faire place à l’épanouissement des

marchés. Le président Herbet Hoover qui l’a suivi appliquait la même politique. Par la

suite, le Président Franklin D. Roosevelt viendra avec des réformes règlementaires pour

mettre fin à ce vent de dérégulation. Mais, l’arrivée au pouvoir du Président Ronald

Reagan va rétablir le libéralisme, idée soutenue par l’économiste Milton Friedman.

D’ailleurs, une des citations célèbres de Reagan : « L’État n’est pas la solution. Il est

le problème »4 va être le slogan en prélude aux différentes crises qui vont suivre par la

suite. Une révolution conservatrice était donc ouverte aux États-Unis, et celle-ci,

orchestrée en Angleterre par Margaret Thatcher et menée par Paul Adolph Volker, va

mettre fin au vent antilibéraliste de l’après-guerre5.

Ce changement d’ambiance institutionnelle6 aux États-Unis témoigne d’une

fragilité du système règlementaire étasunien d’où la progression dans le temps d’une

dérèglementation à l’origine même de la crise financière de 2008.

1 Robert BOYER, « Feu sur le régime d’accumulation tiré par la finance », (2009) 5 Revue de la

régulation 2. En ligne :< http://regulation.revues.org/7367?&#quotation>, (consulté le 20 septembre

2016). 2 Christian CHAVAGNEUX, Une brève histoire des crises financières. Des tulipes aux subprimes, Paris,

Ladécouverte/Poche, 2013, p.78. 3 Éric BOSSERELLE, « Guerres, transformation du capitalisme et croissance économique » (2008) 170-

171/4 L'Homme et la société 219. 4 Connue sous le terme de Reaganomics, la politique de relance du Président Reagan était basée sur

l’économie de l’offre, une école de pensée libérale qui explique le frein de la croissance économique par

la régulation des marchés et les prélèvements fiscaux excessifs. 5 Samba DIOP, « La crise du crédit à risque américain : Une interprétation par l’hypothèse d’instabilité

financière de Minsky », (2009) 5 Revue de la régulation 4. En ligne : <

http://regulation.revues.org/7510 >, (consulté le 15 février 2015). 6 Ce changement institutionnel était également accompagné de la pression des groupes d’intérêts

financiers (lobbies). Aux États-Unis, le poids des lobbies est tel qu’ils peuvent influer sur les décisions

politiques. Par exemple ayant pour cheval de bataille la défense des intérêts particuliers, les lobbies

financiers étasuniens se sont toujours opposés à un trop-plein de règles, arguant qu’elles pourraient

diminuer la profitabilité sur les marchés. Lire à ce sujet Jean-François GAYRAUD, La grande fraude.

Crise, subprimes et crises financières, Paris, Odile Jacob, 2011.

Page 16: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

2

Ce passage historique nous permet donc de voir que ce qui est arrivé aux États-

Unis en 2007 avait commencé bien avant avec la prédominance des politiques libérales

et l’absence ou encore la faible présence des règlementations.

Par ailleurs, la croissance économique susmentionnée allait de pair avec la

consommation. Pour encourager cette consommation, les banques vont mettre sur pied

le crédit à la consommation pour inciter les consommateurs à consommer davantage,

et ceci, quelle que soit leur capacité financière. Ce qui devait arriver arriva. Plus tard,

nous remarquons que le recouvrement des crédits se dégrade de plus en plus et les

créances font l’objet de plusieurs contentieux7. Le crédit incitatif qui a soutenu la

consommation pendant ces années n’arrive plus à assumer ses promesses, car la

distribution de crédit était libre et banalisée. Par corrélation, cette situation de

surendettement pourrait être également à l’origine des crises financières8.

En ce qui concerne la crise financière de 2008 que l’on a surnommée de crise

des subprimes à l’image des prêts à risque octroyés aux ménages américains, nous

constatons que les racines de cette crise sont également les différentes politiques

monétaires mises en place par Alan Greenspan, alors gouverneur de la banque fédérale

des États-Unis, afin de maîtriser les innovations financières, qui en fin de compte, ne

l’étaient pas vraiment9. En effet, lors de la récession qui a suivi l'éclatement de la bulle

d’internet10 en mars 2000, la Réserve fédérale a abaissé son taux directeur jusqu'à 1 %,

puis l'a maintenu à un niveau trop bas, provoquant une création monétaire trop forte et

un gonflement des bulles sur les marchés immobiliers et sur les matières premières.

Les économistes Demyanyk Yuliya et Van Hemert Otto11 rapportent d’ailleurs que la

négligence quant à la surveillance des conditions de prêts depuis l’an 2000 a fortement

agi sur l’avènement de la crise.

Par la suite, entre 2003 et 2004, la Réserve fédérale tente de relancer

l’économie. Elle encourage le crédit en octroyant des prêts à taux variable à des

ménages peu solvables afin de leur permettre d’avoir un logement. Cette pratique du

crédit a été qualifiée de « prêt hypothécaire à haut risque » (subprimes)12. En effet, ces

7 Lire David CAPLOVITZ, Consumers in trouble: A study of debtors in default, New York, Free Press,

1974. Lire également Hilliard M. STERLING et Philip G. SCHRAG, « Default Judgments against

Consumers: Has the System Failed? », (1990) 67 DENV. U. L. REV. 357-59. 8 Philippe MEYER, « Surendettement et crise financière », (1992) 22/3 R.E.F. 185. 9 Paul JORION, La crise. Des subprimes au séisme financier planétaire, Paris, Fayard, 2008 pp.37 et suiv. 10 Il s’agit d’une bulle spéculative qui a touché le domaine de l’informatique et des télécommunications

à la fin des années quatre-vingt-dix. Avec le boom des Technologies de l’information et de la

Communication (TIC), la valeur boursière des entreprises du secteur a augmenté sur les marches

d’actions créant ainsi cette bulle. 11 Voir Yuliya DEMYANYK et Otto VAN HEMERT, « Understanding The Subprime Mortgage Crisis »,

(2011) 24/6 Rev. Financ. Stud. 1848. 12 Les subprimes sont des « crédits hypothécaires accordés aux ménages américains risqués », voir le

rapport de Patrick ARTUS, Jean-Paul BETBEZE, Christian DE BOISSIEU et Gunther CAPELLE-BLANCARD,

la crise des subprimes, Paris, La Documentation Française, 2008, p.5. En ligne : < http://www.cae-

eco.fr/IMG/pdf/078.pdf > (consulté le 4 février 2016). À son niveau, la Réserve fédérale des États-Unis

définit les prêts subprimes comme ceux qui « consistent à accorder des prêts hypothécaires à des

emprunteurs qui présentent des caractéristiques indiquant un risque plus élevé de défaut que des

emprunteurs traditionnels11 », dans Commercial Bank Examination Manual. Phrase originale:

«Subprime lending involves extending credit to borrowers who exhibit characteristics that indicate a

significantly higher risk of default than traditional bank lending customers.», DIVISION OF BANKING

REGULATION SUPERVISION AND REGULATION, Commercial Bank Examination Manual,

Page 17: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

3

prêts à haut risque étaient généralement accordés à un taux d’intérêt bas pendant les

premières années, mais révisé fortement à la hausse par la suite. En outre, les taux

d’intérêt dépendaient plus de la valeur du bien immobilier : plus le bien immobilier

avait de la valeur, plus le taux était bas, et vice versa. Ainsi, les emprunteurs pouvaient

bénéficier des taux d’intérêt fixes « séduisants » (appelés Teaser Rate), en vigueur

temporairement pour une courte durée13. Les modalités de remboursement étaient telles

que les emprunteurs avaient parfois la possibilité de ne rembourser que les intérêts au

cours des premières années (trois ans par exemple) puis le prêt passait inéluctablement

à un taux variable. Le système a commencé à se détériorer lorsque la réserve fédérale

des États-Unis a relevé progressivement son taux directeur14.

Entre 2005 et 2006, les prix de l’immobilier n’ont cessé d’augmenter créant

ainsi une bulle spéculative, appelée bulle immobilière. Au départ, cette expansion

rapide des prix était financée en grande partie par l’endettement massif des ménages et

l’effet de levier causé par la variabilité des taux. Encouragées par ces facteurs, les

institutions prêteuses ont pris de plus en plus de risques afin de se faire de plus en plus

de profits. Cette prise de risque se traduisait, entre autres, par l’augmentation des prêts

à risque.

Cependant, les risques n’ont pas été bien expliqués aux emprunteurs dont

beaucoup ont cru qu’ils pouvaient aisément refinancer leurs créances en quelques

années pour conserver leur taux d’intérêt toujours bas. Donc, l’une des raisons de

l’effondrement du marché immobilier est le caractère peu solvable des emprunteurs;

ces derniers n’étaient plus à mesure de rembourser leur crédit mettant ainsi leurs

maisons en garantie. Normalement, en cas de défaillance de l’emprunteur, comme dans

ce cas précis, la banque peut se payer en saisissant la maison acquise et mise en

hypothèque. Mais, le marché de l’immobilier américain, qui fonctionnait sous la base

de l'hypothèse selon laquelle les prix de l'immobilier ne baisseraient pas 15 , s’est

retourné à un moment. Les maisons ont perdu leur valeur initiale entraînant la faillite

des établissements prêteurs (banques et institutions financières). Une autre raison de

l’effondrement du marché immobilier est le financement hypothécaire à 100 %. Aux

Federal Reserve Bank, 2007, section 2133 1, p. 1. En ligne : <https://www.federalreserve.gov/boarddo

cs/supmanual/cbem/200904/0904cbem.pdf >, (consulté le 12 mars 2014). 13 Katalina M. BIANCO, The Subprime Lending Crisis: Causes and Effects of the Mortgage Meltdown,

CCH, Wolters Kluwer Law & Business, 2008, p.7. 14 Entre 2004 et 2006, la Réserve Fédérale américaine a augmenté ses taux d’intérêt de 1,25% à

5,25%, voir FEDERAL RESERVE, Open Market Operations. En ligne :< http://www.federalreserve.gov/

monetarypolicy/openmarket.htm#calendars> (consulté le 11 juillet 2016). 15 Didier DUFAU, L'étrange désastre. Le saccage de la prospérité, Paris, Cercle des Économistes E-toile,

2015, p. 172. En ce qui concerne les saisies judiciaires des maisons, elles ont fait l’objet d’une

règlementation de la Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection act: Pub. L. N° 111-

203, 124 Stat 1376, votée pour apporter une réponse à la crise, et ceci, afin de protéger le consommateur.

Sec.1413 : «Notwithstanding any other provision of law, when a creditor, assignee, or other holder of a

residential mortgage loan or anyone acting on behalf of such creditor, assignee, or holder, initiates a

judicial or nonjudicial foreclosure of the residential mortgage loan, or any other action to collect the debt

in connection with such loan, a consumer may assert a violation by a creditor of paragraph (1) or (2) of

section 129B(c), or of section 129C(a), as a matter of defense by recoupment or set off without regard

for the time limit on a private action for damages under subsection (e).»

Page 18: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

4

États-Unis, des institutions proposaient des prêts non conformes financés à 100 %16.

Les emprunteurs étaient alors soustraits de l’obligation de fournir des fonds pour

obtenir un prêt hypothécaire. Cette situation a augmenté le risque de solvabilité, qui a

eu pour effet de gonfler la bulle un peu plus17.

La bulle immobilière éclate en 2007 : c’est le krach immobilier. Les valeurs des

biens immobiliers avaient connu une augmentation rapide, mais avaient atteint un

niveau insoutenable par rapport à la solvabilité des emprunteurs. Pour que le système

ne déraille pas, il aurait fallu combiner la progression des prix de l’immobilier à la

stabilité des taux d’intérêt, et ceci à des niveaux modestes. Avec la hausse des taux, la

banque centrale américaine a dérogé à l’une de ces conditions d’où la survenance de la

crise18.

La crise aurait dû se limiter sur le sol américain; seulement, la mondialisation et

l’interconnexion des marchés financiers et des systèmes bancaires ont facilité

l’internationalisation de la crise et celle-ci est devenue systémique 19 . Une autre

explication à cette internationalisation serait l’avènement du système bancaire

parallèle. En effet, dans un souci de gestion de risques et de refinancement, les

établissements prêteurs ont utilisé l’opération de titrisation20 pour faire sortir de leur

bilan les prêts à risque afin de les transférer à d’autres institutions et ainsi profiter du

prix de leur vente sur les marchés financiers. Ce transfert de risque s’est effectué par le

système bancaire parallèle21. En effet, « [l] es canaux de propagation des risques de la

titrisation vers le système bancaire sont multiples. Il peut s’agir des garanties de crédit

ou des lignes de liquidité accordées par les banques aux conduits de titrisation. »22

Seulement, les entités du système bancaire parallèle sont alors peu ou pas du tout

16 OFFICE OF THE COMPTROLLER OF THE CURRENCY, Residential Real Estate Lending, Comptroller’s

Handbook, juin 2015, p.4. En ligne : < https://www.occ.gov/publications/publications-by-

type/comptrollers-handbook/pub-ch-a-rre.pdf >, (consulté le 20 janvier 2016). 17 Id., p.40 18 S. DIOP, préc. note 5, p.16. 19 Un risque systémique est le risque qu’un «event will trigger a loss of economic value or confidence

in, and attendant increases in uncertainly about, a substantial portion of the financial system that is

serious enough to quite probably have significant adverse effects on the real economy», GROUP OF TEN,

Report on Consolidation in the financial sector, Bank For International Settlements, 2001, p.126. En

ligne : < http://www.bis.org/publ/gten05.pdf > (consulté le 4 février 2016). Si en Europe, c’est le

Comité Européen du Risque Systémique qui a été mis en place, aux États-Unis, c’est le Trésor

americain qui a mis en place le Consolidated supervision and regulation of large interconnected

financial firms, 2009. En ligne : < http://www.llsdc.org/assets/DoddFrankdocs/adm-bill-t02.pdf >,

(consulté le 4 février 2016). 20 Plusieurs ont donné une définition à cette technique de financement. Daniel SCHMIDT, dans son article

intitulé « La titrisation des créances », (1989) Rj.com. spé.114, définit la titrisation des créances comme

une opération qui : « (…) consiste à donner à cette créance la forme d’un titre incorporant le droit qu’il

constate ou transformer cette créance en un titre.»; pour Gérard CORNU (dir.), vocabulaire juridique, 9e

éd., Paris, PUF, 2009,v°Titrisation : « nom donné dans la pratique financière à la transformation, en

titres négociables, de créances ( de prêts) détenues par un établissement de crédit (ou la Caisse des

Dépôts et Consignations), opération réalisée par la cession de ces créances à un fonds commun, , créé

ad hoc pour les acquérir moyennant l’émission de parts représentatives (de créances) lesquelles sont

offertes aux investisseurs sur le marché financier comme valeurs mobilières.» 21 Il existe un groupe d’entités qui évoluent parallèlement aux institutions bancaires traditionnelles sans

pour autant observer les règles d’encadrement déjà en place, nous pensons notamment aux règles

prudentielles. 22 Danièle NOUY, « Les risques du shadow banking en Europe : Le point de vue du superviseur

bancaire », (2013) 109 R.E.F. 224.

Page 19: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

5

régulées; elles ne sont pas comprises dans le périmètre de supervision des régulateurs

et ne se soucient pas de la surveillance prudentielle.

C’est par la titrisation que les fameuses hypothèques subprimes américain

es ont été lancées sur les marchés financiers globalisés et se sont retrouvés

dans les bilans d’entités aussi disparates que les grandes banques

européennes, les fonds de pension nord-américains comme la Caisse de

dépôt et placement du Québec et dans la trésorerie de grandes entreprises

manufacturières. Comme l’affirme André Orléan, « la titrisation constitue

une étape décisive du processus visant à promouvoir la liquidité

financière »; elle « s’analyse comme la dernière étape en date d’une

transformation en profondeur des systèmes financiers qui a commencé à la

fin des années 1970 » et qui participe à l’émergence du capitalisme

financiarisé23.

De plus, les titres de créances hypothécaires (créances titrisées) 24 étaient

complexes et divisés en tranches selon qu’ils étaient de bonnes qualités ou pas25. Ils

étaient ensuite constitués en portefeuilles. Puis, ces portefeuilles sont devenus opaques

et variés si bien qu’il était quasiment impossible de connaître la composition exacte de

ce qui était vendu. En effet, au départ, les portefeuilles étaient composés de créances

hypothécaires de même type. Seulement, certaines créances étaient devenues douteuses

à la suite de l’effondrement du marché immobilier et l’insolvabilité des ménages. Afin

de déjouer l’attention des investisseurs et pour obtenir une bonne note de la part des

agences de notation, les banques ont mélangé les créances de bonne qualité et celles de

mauvaise qualité.

Au regard de ce qui précède, nous constatons que la crise des subprimes est la

résultante d’une politique monétaire qui a favorisé une surliquidité sur le marché, d’un

levier d’endettement26 très élevé encouragé par la titrisation et des lacunes au niveau

de la règlementation de certains pans du système financier. Elle pourrait donc être

qualifiée, dans une approche réductionniste, de crise de la titrisation.

Les effets de la crise sont immédiats. Tout d’abord, nous assistons à une crise de

confiance qui pousse les banques à ne plus se prêter mutuellement, ce qui entraîne un

resserrement du crédit et une crise de liquidité. Par la suite, plusieurs banques se

retrouvent avec des actifs toxiques27 dans leur bilan. Les différents gouvernements sont

intervenus pour sauver quelques établissements dont l’effondrement représentait une

menace pour le pays. Parmi ces établissements aux États-Unis qu’on a surnommés

« trop gros pour faire faillite » (Too Big To Fail), nous pouvons citer : Freddie Mac et

Fanny Mae crées par le gouvernement fédéral américain, Lehman Brothers, le géant de

l’assurance AIG, Northern Rock au Royaume-Uni ou Fortis et Dexia en Belgique.

23 Éric PINEAULT, « Quand la finance réinvente l’aliénation et la réification », (2015) 1 Terrains/Théories

3. En ligne : < http://teth.revues.org/369 >, (consulté le 20 janvier 2016). 24 Une créance hypothécaire titrisée est un titre adossé à un actif sous-jacent. Le détenteur final du titre

est payé grâce à l’hypothèque et les intérêts payés sur celle-ci. 25 Infra, p.106. 26 Cette thèse n’abordera pas la question des dettes souveraines des États. 27 Terme utilisé pour signifier des créances qui n’ont plus de valeur.

Page 20: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

6

Cette crise financière est considérée comme la plus importante jamais connue

depuis celle de 1929. Elle a commencé par la détérioration des prêts au logement, s’en

est suivie la dérèglementation du marché hypothécaire causée en partie par la hausse

des taux d’intérêt et manifestée particulièrement par la mauvaise gestion des opérations

de titrisation, l’innovation dans les créances hypothécaires titrisées, les difficultés de

communication entre les différents intervenants et enfin l’éclatement d’une bulle

immobilière aux États-Unis. Par la suite, la crise s’est propagée dans le monde entier

en raison des liens qu’entretiennent les différentes institutions financières mondiales,

créant ainsi un sérieux marasme financier. De plus, cette crise des subprimes s’est muée

en crise bancaire et boursière pour finalement toucher l’économie réelle. Ainsi, nous

pensons qu’il est nécessaire de faire une synthèse des failles observées lors de la crise;

cela va schématiser un canevas pour la suite de notre analyse.

Les failles observées à la suite de l’éclatement de la bulle immobilière

Il convient donc de répertorier les différents mécanismes qui ont fait défaut lors

de la crise des subprimes dans l’optique d’entrevoir un meilleur encadrement

règlementaire. En effet, plusieurs facteurs sont à l’origine de la crise des subprimes. De

façon générale, nous pouvons citer la mise en place d’une politique de dérégulation

abrogeant les règles strictes pour la libéralisation financière et favorisant la baisse des

taux d’intérêt; le non-respect par les banques des règles prudentielles proposées par le

Comité de Bâle (notamment les exigences de qualité et du niveau de fonds propres) et

l’inefficacité des méthodes et des outils des autorités prudentielles28. En effet, alors que

toute l’attention des autorités régulatrices est portée sur le capital, les difficultés sont

venues de la liquidité, pour cause, les banques sont de plus en plus dépendantes des

financements à court terme qui leur permettent d’améliorer leur trésorerie et de

diminuer le risque de contrepartie des emprunteurs. Comme autres facteurs, nous avons

le développement de prêts à risque octroyés à des emprunteurs peu solvables, la

mauvaise politique de gestion de risque, l’expansion du système bancaire parallèle, la

dérèglementation des agences de notation, la faiblesse de la gouvernance de certaines

institutions financières et la montée fluorescente de la technique de titrisation qui se

réalise grâce à des produits financiers complexes et opaques.

Plus précisément, la crise des subprimes est née du changement du paradigme

de l’endettement; les conditions du contrat de prêt tel que conçu par le droit commun

n’ont pas été observées; nous pensons notamment aux conditions d’octroi et aux

conditions de remboursement. Pour aller dans le même sens, les économistes Bucks et

Pence29 dénoncent la complexité des contrats de prêts. En effet, les emprunteurs ne

28 François FACCINI, « Retour sur la crise et les politiques mises en oeuvre : une perspective

autrichienne », (2014) MPRA paper. En ligne : < https://mpra.ub.unimuenchen.de/52984/1/MPRA_pa

per_52984.pdf> , ( consulté le 04 juillet 2018). 29 Brian BUCK et Karen PENCE, « Do Borrowers Know Their Mortgage Terms? », (2008) 64/2 J. Urban

Econ. 218.

Page 21: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

7

comprenaient pas forcément les termes des contrats et donc ne pouvaient pas saisir à

quelle vitesse les remboursements pouvaient s’accroître en contractant un crédit à taux

variable. Le paradigme évoqué plus haut a donc été mis à mal avec l’apparition des

prêts dits subprimes, qui à leur tour ont fortement contribué au développement de la

titrisation. En effet, c’est parce que les prêts étaient à risque que les banques ont réfléchi

à les faire sortir de leur bilan par souci de gestion des risques. Néanmoins, la titrisation

reste un bon instrument de gestion de bilan; cependant, il faut éviter que les transferts

d’actifs qu’elle occasionne dénaturent l’objet concerné à l’origine et les différents liens

contractuels30.

Par ailleurs, l’utilisation de l’opération de titrisation et ses effets ont dévoilé

certaines failles à savoir l’utilisation abusive des produits financiers exotiques et

ésotériques, l’utilisation aveugle des évaluations produites par les agences de notation

et la naissance d’un système bancaire parallèle. Les produits financiers dont nous avons

fait mention sont généralement issus des marchés de gré à gré et jouent le rôle

d’instruments de couverture de risques. Ils ont eu pour conséquence de permettre le

relâchement des efforts consacrés à l’évaluation des risques à cause de la cession des

actifs de l’originateur vers les autres intervenants du processus de titrisation. Ainsi, la

conséquence immédiate est la baisse du niveau de rigueur et du niveau de vigilance des

banques et des autorités régulatrices.

Le système bancaire parallèle est un système d’intermédiation de crédit qui

implique des entités et des activités extérieures au système bancaire classique. La

dépendance croissante des banques aux marchés financiers pour les placements et pour

le financement a favorisé le développement de ce système bancaire parallèle au sein du

système financier31. Les institutions financières qui appartiennent au système bancaire

parallèle occupent une place prépondérante dans les opérations de transfert des risques

c'est-à-dire dans le partage du risque dans le système financier. C’est en effet à ces

dernières que l’essentiel des risques issus de l’activité des banques va être transféré

dans l’espérance d’en obtenir un profit. En théorie, le transfert des risques était censé

augmenter la résilience des systèmes bancaires en permettant d’éviter la concentration

des risques sur le seul secteur bancaire. Mais, ces opérations ont en réalité entraîné une

concentration des risques qui était occultée par le fait que ces risques étaient transférés

à des acteurs et à des secteurs non régulés ou opaques. Cela était d’autant plus

pernicieux que les acteurs se croyant protégés étaient incités à prendre des risques

supplémentaires. Cela illustre bien un des paradoxes de la crise financière récente qui

veut que les innovations qui sont à l’origine de la crise financière récente fussent

conçues pour renforcer la résilience du système bancaire et financier. Un autre

problème réside dans le fait que les entités de ce système bancaire parallèle, comme

30 Roland PEREZ, « Analyse de la crise financière ou crise de l'analyse financière ? », (2010) 35

R.M.A.180. 31 Andrew CROCKETT, « The Evolution and Regulation of Hedge Funds », (2007) 10 Financial Stability

Review 19.

Page 22: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

8

nous l’avons dit, sont peu ou pas régulées. Nous ignorons donc si elles disposent d’une

surface financière suffisante pour contenir ce risque. Elles obéissent en effet à des

règles32 relativement souples et ne sont pas comprises dans le périmètre de supervision

des régulateurs.

Il y a certes beaucoup à ajouter sur les causes de la crise et sur l’encadrement

règlementaire des opérations financières, cependant dans le cadre de notre thèse, le

facteur que nous avons décidé d’analyser est la titrisation et avec elle, les autres risques

financiers qu’elle peut engendrer. C’est fort de ce qui précède que nous avons choisi

d’intituler notre travail comme suit : La régulation de la titrisation des créances, vers

un meilleur encadrement des risques financiers. En effet, avec l’avènement de la

titrisation, les banques se sont rendu compte, depuis longtemps, qu'elles avaient à leur

bilan de nombreuses créances et pour lesquelles des investisseurs pouvaient avoir de

l'intérêt : créances hypothécaires, crédits à la consommation, financements de voitures,

encours des cartes de crédit, etc. Elles ont donc développé une technique leur

permettant de vendre ces créances à des investisseurs, en en faisant des titres

négociables, parfois sur des bases étroitement encadrées sur le plan légal. Moyennant

quoi, elles allégeaient leur bilan et pouvaient recommencer à prêter. À travers la

titrisation, les banques ont trouvé un moyen de détourner les exigences en fonds propres

recommandées par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, s’adonnant ainsi au culte

de la profitabilité. La titrisation est donc l’un des phénomènes les plus marquants de

ces vingt dernières années dans le domaine de la finance internationale et l’une des

formes les plus évoluées de la finance moderne. De sa fonction principale qui était de

répartir le risque, elle l’a accru au contraire. Ceci nous interpelle sur la question de la

gestion des innovations financières et des responsabilités de ceux qui les utilisent ou

les initient.

L’importance de la prise en compte des innovations financières

Le monde de la finance connaît une évolution progressive. Au cours de ces

dernières années, cette évolution a occasionné d’innombrables initiatives, les unes plus

surprenantes que les autres. L’économiste Minsky souligne d’ailleurs que « le

changement et l’évolution ne sont nulle part plus évidents que dans les activités

32 Par exemple, au Canada, les institutions qui ne sont pas assujetties à des règles prudentielles peuvent

tout de même être encadrées par une règlementation efficace et spécifique. Ainsi, c’est l’Organisme

Canadien de Règlement du Commerce et des Valeurs Mobilières (OCRCVM) qui veille sur la conduite

des actes des courtiers en valeurs mobilières et la protection des investisseurs. L’OCRCVM établit des

normes règlementaires (de liquidités et de fonds propres) et veille à la conformité de ces normes. La

vulnérabilité des courtiers en valeurs mobilières qui ne sont pas des filiales de banques est

particulièrement surveillée par l’OCRCVM. Pour plus de précision, lire Bo YOUNG CHANG, Michael

JANUSKA, Gitanjali KUMAR et André USCHE, « La surveillance du secteur bancaire parallèle au

Canada : une approche hybride », (2016) Revue du système financier 30. En ligne :

< http://www.banqueducanada.ca/wp-content/uploads/2016/12/rsf-decembre-2016-chang.pdf>

(consulté le 12 février 2017).

Page 23: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

9

bancaires et financières et nulle part ailleurs que dans le secteur bancaire la recherche

de profits n’est à ce point un facteur en faveur de l’innovation. »33

L’innovation que nous avons choisie d’analyser est le crédit subprime et la

titrisation bancaire qui en est faite. Avec les prêts subprimes, nous assistons à une

dérogation de la notion de prêt à l’origine qui veut d’une part que les institutions

financières divulguent le calcul du taux de crédit afin que l’emprunteur sache

exactement la somme qu’il doit rembourser34. Et d’autre part, que la situation financière

de l’emprunteur soit étudiée. En effet, pour prévenir les désagréments dus au défaut

des emprunteurs, les établissements prêteurs doivent normalement s’assurer de la

capacité de remboursement de ces derniers35 ; ce qui n’a pas été le cas des prêts

subprimes qui ont été accordés aux ménages sans tenir compte de leur capacité à

rembourser ces prêts. Nous assistons alors à une réelle démocratisation du prêt.

Pour ce qui de la notion de titrisation, elle représente, pour le juriste, une

opération à étudier tant ses imbrications juridiques peuvent être nombreuses. La

titrisation des créances est l’une des innombrables innovations financières qui animent

le quotidien du secteur bancaire. Elle a vu le jour parce que les banques ont multiplié

les innovations pour contourner les exigences en capital règlementaire. Seulement, les

règles établies après le contournement deviennent inaptes à garantir la résilience des

banques. En somme, les subprimes et la titrisation sont nées de la déresponsabilisation

des intermédiaires financiers.

Nous pouvons définir une innovation comme « la mise en œuvre d’un produit

(bien ou service) ou d’un procédé nouveau ou sensiblement amélioré, d’une nouvelle

méthode de commercialisation ou d’une nouvelle méthode organisationnelle dans les

pratiques de l’entreprise, l’organisation du lieu de travail ou les relations

extérieures. »36 Généralement, les innovations voient le jour sous l’impulsion de l’offre

ou à la demande. Par analogie, dans le cadre de notre étude, nous pouvons dire que la

titrisation est une innovation financière qui est née en réponse aux besoins de gestion

des institutions financières. Nous dirons alors que c’est une innovation née sous

l’impulsion de la demande, car les institutions l’ont utilisée pour les besoins de gestion

de trésorerie.

Par ailleurs, l’innovation financière s’entend, au sens large du terme, comme

« tout développement dans un élément du système financier (marchés, institutions,

33 Hyman P. MINSKY, « Schumpeter and Finance », dans Salvatore BIASCO, Alessandro RONCAGLIA et

Michele SALAVATI (dir.), Market and Institutions in Economic Development: Essays in HONOR of Paolo

Sylos Labini, London: Macmillan, 1992, chapitre 7, p. 103. 34 Au Québec, ce principe est consacré par le Règlement d’application de la Loi sur la protection du

consommateur, 2012, RLRQ c. P-40.1, r.3, article 61.1. 35 Voir par exemple AUTORITE DES MARCHES FINANCIERS (Québec), Lignes directrices sur l’octroi

des prêts hypothécaires résidentiels, mars 2018. En ligne : < https://lautorite.qc.ca/fileadmin/lautorite/r

eglementation/lignes-directrices-assurance/ligne-directrice-pretshypothecaires-

residentiels_fr.pdf > (consulté le 2 juin 2018). 36 MANUEL D’OSLO, Principes directeurs pour le recueil et l’interprétation des données sur l’innovation,

3e édition, Paris, OCDE, 2005, p. 54.

Page 24: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

10

instruments et régulations). » 37 Nous distinguons alors trois formes d’innovations

financières : les innovations financières de produits, les innovations financières de

processus et les innovations financières de transferts de risque. L’opération de

titrisation est une innovation financière dans laquelle nous retrouvons les trois formes :

elle ne peut se réaliser sans l’apport des produits financiers; c’est une opération qui suit

plusieurs étapes; enfin, elle permet le transfert et la gestion de risques.

Les innovations financières rythment ainsi le quotidien de la finance. Toutefois,

elles sont toujours en avance par rapport aux règles qui sont censées les régir. Elles

illustrent parfaitement ce phénomène de détournement de la finance de son rôle

premier. Cela se remarque d’ailleurs dans les crises financières passées38; la plupart

d’entre elles ont été causées par la volonté des acteurs à toujours vouloir contourner la

règlementation en place afin de maximiser les profits39.

Ainsi, la mauvaise gestion du processus de libéralisation et d’innovation peut

être l’élément déclencheur d’une crise financière. Le cas de figure de la titrisation en

est un bon exemple. Le régulateur, n’ayant qu’une vue microprudentielle de la

situation, n’avait pas prévu un certain nombre de conséquences. En effet,

« En encourageant les banques à se défaire de la totalité des créances

qu’elles titrisaient (…), les régulateurs visaient à réduire le risque de défaut

de ces banques. Mais ce faisant, les régulateurs ont réduit les incitations de

celles-ci à contrôler la qualité de ces créances et ont probablement accru de

façon sensible le risque de défaut des titres émis en contrepartie de ces

créances. Ils ont ainsi pénalisé les acheteurs de ces titres. »40

Par ailleurs, l’innovation financière s’est également démarquée par la création de

plusieurs produits financiers utilisés pour titriser les créances. Le risque était alors très

bien dissimulé dans ces produits de plus en plus ésotériques.

Aussi, en raison d’un défaut d’encadrement, les innovations financières sont

parfois détournées de leur fonction première. Comme le souligne Élie Cohen à propos

des couvertures de défaillances41, « on bascule de fait de l’innovation utile et créatrice

à son dévoiement spéculatif. »42

Cependant, malgré toutes les difficultés qu’elle peut engendrer, l’innovation

37 Christian IONESCU, « Financial Instability and Financial Innovations », (2012)15/2 ECONOMY

TRANSDISCIPLINARITY COGNITION 30, p. 3. 38 Paul KRUGMAN, Pourquoi les crises reviennent toujours ? Nouvelle édition, Paris, Seuil, 2009 et

Joseph Kenneth GALBRAITh, Brève histoire de l'euphorie financière, Paris, édition du Seuil, 1992. 39 « Les crises précédentes, en particulier celle découlant de la bulle Internet puis de l’affaire Enron, ont

été suivies d’un surcroît de régulation : loi Sarbanes-Oxley aux États-Unis, loi sur la sécurité financière

en France par exemple. Ces nouvelles règles ont été impuissantes à éviter la crise actuelle. Il est classique

qu’en réponse à toute régulation, les acteurs de marché cherchent à élaborer des réponses techniquement

sophistiquées afin de s’affranchir des contraintes ainsi posées. Tout arbitrage règlementaire profitable

sera aussitôt utilisé par les professionnels. Les régulateurs et les acteurs de marché font ainsi une course

à la créativité qui ne peut être freinée que par le dialogue et la recherche de consensus entre eux. »,

Monique BOURVEN et Yves ZEHR, « La crise bancaire et la régulation financière », Conseil économique,

social et environnemental, 2009. p.33. En

ligne : < http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapportspublics/094000123.pdf >, (consu

lté le 5 juin 2018). 40 Jean-Charles ROCHET, « Le Futur de la règlementation bancaire », (2008) 2 TSE Notes.7 41 Infra, pp. 218 et suiv. 42 Élie COHEN, Penser la crise. Défaillance de la théorie du marché de la régulation, Paris, Fayard, 2010,

p. 326.

Page 25: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

11

financière ne doit pas être ralentie ou interrompue : c’est elle qui permet aux agents de

profiter de possibilités accrues de placement et de couverture, améliorant l’allocation

des capitaux au sein d’une économie43. L’innovation est également le véritable moyen

de se rendre compte que le monde évolue, et il faudrait nécessairement évoluer avec ce

dernier. Toutefois, l'économiste Joseph Schumpeter nuance cet argument quand il

dit que : « les innovations en économie ne sont pas, en règle générale, le résultat du fait

qu'apparaissent d'abord chez les consommateurs de nouveaux besoins, dont la pression

modifie l'orientation de l'appareil de production, mais du fait que la production procède

en quelque sorte à l'éducation des consommateurs, et suscite de nouveaux besoins, si

bien que l'initiative est de son côté.»44 De plus, il traduit bien cette pensée lorsqu’il

compare l’innovation à une destruction créatrice45. Destruction parce que les nouvelles

idées mettent en branle les anciennes; et créatrice parce que l’innovation draine avec

elle un souffle nouveau. Cela peut même éventuellement constituer un nid pour la

concurrence sur les marchés et pour la concurrence règlementaire dans ce sens où les

acteurs financiers et les investisseurs chercheront à aller s’installer où les conditions

d’exercice de leurs activités seraient moins rigides. D’où le sens de cette citation très

connue de Schumpeter : « Le nouveau ne sort pas de l’ancien, mais apparaît à côté de

l’ancien, lui fait concurrence jusqu’à le ruiner et modifie toutes les situations de sorte

qu’un processus de mise en ordre est nécessaire. »46

Il est néanmoins nécessaire d’améliorer certaines règles visant à assurer la stabilité

du système. Ainsi, pour avoir une longueur d’avance, il faut non seulement se baser sur

des estimations récentes du produit, mais également se référer au passé de la finance

afin de rechercher des épisodes équivalents et s’en inspirer. « Si donc l’histoire du

capitalisme nous enseigne qu’il y a récurrence d’un certain nombre de phénomènes,

cela signifie qu’il est possible de leur trouver une logique commune. »47

Enfin, lorsqu’une innovation financière débouche sur une crise, plusieurs actions

des pouvoirs publics ou encore du marché se mettent en place afin de rétablir un

sentiment de confiance48 sans laquelle les marchés ne peuvent fonctionner.

Il ne reste plus qu’à choisir le bon mode de régulation qui va prendre en compte le

système dans sa globalité. Nous déterminerons ce qu’il en est dans le chapitre consacré

à notre cadre théorique.

43 Pour Alain COURET, « les diverses innovations financières caractéristiques des dernières années, loin

d’être un phénomène marginal ou anecdotique, constituent un facteur d’évolution que personne ne peut

plus ignorer. De même que la sphère financière s’est agrandie au point de concerner quasiment chacun

d’entre nous, l’innovation financière est un processus qui ne peut laisser aucun juriste indifférent », dans

« Innovation financière et règle de droit », (1990) 21 Dalloz 135. 44Joseph SCHUMPETER, Théorie de l’évolution économique. Recherche sur le profit, le crédit, l'intérêt et

le cycle de la conjoncture, Paris, Dalloz, 1935, (traduction française 1935), p. 67. 45 Lire, Joseph SCHUMPETER, Capitalisme, socialisme, démocratie, Paris, Petite bibliothèque Payot,

1951. 46 Id., p. 40 47 Michel AGLIETTA, La crise. Les voies de sortie, 2e édition, Paris, Michalon, 2010, 128 pages. 48 Pour l’analyse de la notion de la confiance, voir pp.376 et suiv.

Page 26: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

12

Les failles observées lors de la crise, la place des innovations financière et de la

confiance sur les marchés nous rappellent l’importance de la rédaction cette thèse.

L’importance de la thèse

Un cadre règlementaire efficace est l’une des conditions nécessaires au

maintien de la stabilité financière. Aussi, il est impératif de s’assurer en permanence

de l’aptitude des lois et des règles en vigueur, à réellement modifier les incitations des

agents financiers dans le sens d’une réduction des risques pris, mais aussi, de s’assurer

que ces règles sont effectivement respectées par l’industrie régulée. Cette exigence

repose sur le fait qu’en l’absence de toute forme de régulation, les institutions

financières ont naturellement tendance à opter pour des investissements plus risqués,

car ces derniers sont assortis de rendements plus importants.

Une régulation efficace se doit donc de contenir le niveau des risques pris par

les institutions financières, de détecter la formation des crises financières qui ne sont

que l’expression de la généralisation des comportements à risque et, dans le cas où la

crise aurait tout de même lieu, elle doit être en mesure d’en limiter la portée. Or, la

crise financière de 2008 a, comme nous l’avons rappelé, mis en lumière d’importantes

lacunes dans le cadre règlementaire en vigueur et révélé l’incapacité de ce cadre à

contenir et à gérer les risques des institutions financières. Les failles relevées dans le

cadre règlementaire quel que soit leur ampleur, ne doivent cependant pas être

surinterprétées et ne doivent en aucun cas remettre en question l’utilité de la régulation.

Au-delà de ces interrogations ponctuelles, face à cette crise, ne faudrait-il pas

prendre du recul et se demander en quoi elle illustre, non pas des failles dans la

règlementation, mais, dans l’ensemble, une faillite du droit? Pour cela, il conviendrait

de redonner au droit tout son sens, et de mieux analyser son rapport à l’économie.

L’étude dans laquelle nous nous lançons nous invite, non pas à considérer que le droit

est un droit exclusivement positif, mais à mettre ce dernier face à ses imperfections et

aux réalités de la société. Cela nous emmène à préciser l’objectif de la thèse.

L’objectif de la thèse

L’objectif général de la thèse est de mieux comprendre et de mieux penser la

régulation des marchés financiers. De manière plus spécifique, la dissertation que nous

rédigeons va préciser des moyens d’atteindre le meilleur en matière d’encadrement des

risques liés à l’opération de titrisation et de compléter les divers chantiers de régulation

déjà en cours et à venir. Cela passera nécessairement par l’amélioration de la

transparence de l’information fournie; par la responsabilisation des acteurs financiers;

et par la standardisation de l’opération qui mettrait en place des règles uniformes pour

l’ensemble du processus. Cette standardisation devrait aussi, dans une certaine mesure,

interpeller les régulateurs à une action concertée. Afin de réaliser cet objectif, il faudrait

se poser de bonnes questions de recherche.

Page 27: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

13

La problématique et l’hypothèse

La prévention des crises bancaires et financières s’était jusqu’à présent

largement focalisée sur la régulation du capital des établissements. Or, la dépendance

croissante des banques aux financements à court terme sur les marchés de gros a été

identifiée comme une des causes majeures de la vulnérabilité des banques. À la base,

la titrisation bancaire a été mise en place tout d’abord pour pallier le financement des

banques, mais également pour gérer le risque du point de vue micro. Mais l’effet a été

inverse. La faible présence des règles dans le processus de titrisation a laissé place à un

laisser-aller des intervenants. Alors, c’est une longue réflexion essentiellement

théorique qui se déroule derrière le choix du titre de notre thèse. En effet, nous nous

interrogeons sur les mesures à prendre et les actions à poser afin de bonifier de façon

constante, voire permanente, le cadre règlementaire actuel de la titrisation. Cette

interrogation est d’autant pertinente que les produits financiers, sous l’impulsion des

nouvelles technologies, naissent à une fréquence assez soutenue et sont souvent très

complexes. Telle est notre problématique : comment résoudre le problème de

l’inadéquation des règles de droit à la titrisation et à la gestion des risques financiers

qui lui sont afférents? Autrement dit, est-ce possible d’anticiper la survenance des

crises financières à l’aide des règles de droit, ou alors à tout le moins les juguler avec

ces mêmes règles? En effet, plusieurs pans de l’opération de titrisation souffrent d’une

faiblesse règlementaire, notamment en ce qui concerne la circulation des titres et les

différentes responsabilités, contractuelles ou extracontractuelles, qui naissent de leur

échange. Résoudre le problème d’inadéquation des règles pourrait ainsi pousser les

acteurs financiers à conserver un intérêt économique dans les risques liés aux créances

titrisées.

En outre, les lacunes dans le processus se doivent d’être comblées dans le sens

où aujourd’hui la titrisation ne concerne plus uniquement les banques ou les marchés

financiers en général, mais elle s’étend sur d’autres secteurs tels que la propriété

intellectuelle ou encore les fusions et acquisitions49.

Par ailleurs, le risque a toujours fait partie du quotidien de la finance. En effet,

dès qu’il y a un investissement, le risque zéro n’existe pas. De plus, le goût du risque

et l’esprit d’entreprise vont de pair et participent au développement social50. C’est cette

proéminence du risque qui a d’ailleurs poussé les acteurs financiers à innover et à faire

évoluer la finance jusqu’ici. Cependant, avec la succession des différentes crises

financières, la population de manière générale, et les banquiers de manière particulière

ont développé une aversion poussée au risque51. De plus, il est de nature chez les gens

de sécuriser leur existence au maximum. Ainsi, « c’est une réalité bien connue que le

49 Lire par exemple Alain QUIQUEREZ, La titrisation des actifs intellectuels : Au prisme du droit

luxembourgeois, Bruxelles, Primento, 2013. Ou encore Josée THIBODEAU, « La titrisation de la propriété

intellectuelle au Canada » (2003) 48 R.D. McGill 477. 50 Thibaut VINCENT, Oser entreprendre. Les voies du succès, Bruxelles, Racine, 2007, p.294. 51 Philippe ITHURBIDE, « Le grand retour de l’aversion pour le risque », (2003) 645 B. Mag. 12

Page 28: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

14

goût du risque se perd; chacun cherche à s’assurer contre tout. »52 Certes, les banquiers

prennent toujours les devants et innovent, mais, la plupart du temps, dans l’optique de

se prémunir contre un risque futur. Mais jusqu’à présent, l’effet escompté par tous ces

nouveaux produits de couverture de risques est très souvent inverse à l’attente

originale. Ce qui nous pousse à dire, à la suite du sociologue Ulrich Beck, que « la

société du risque a tendance à générer un totalitarisme légitime de la prévention qui

sous couvert d’empêcher que ne se produise le pire, finit par créer (…) les conditions

d’apparition de ce qui est encore pire. » 53 En effet, l’expérience nous a montré,

précisément en ce qui concerne la titrisation, que la gestion de risques en soi permet de

générer d’autres risques. Lors de la crise financière de 2008, les banques en voulant

gérer le risque l’ont transféré à d’autres établissements. Le problème n’a pas été résolu

pour autant; au contraire, il a été décuplé. Il faut, pour ce faire, améliorer les techniques

de gestion des risques jusqu’ici élaborées, et ce, de façon permanente.

Alors, nous partons du constat selon lequel les règles de droit d’encadrement

des marchés financiers, en ce qui concerne l’opération de titrisation, ne sont pas encore

assez adaptées aussi bien à l’évolution rapide de mondialisation, qu’à la prolifération

des innovations financières et la responsabilité des acteurs face à ces innovations. Nous

formulons donc l’hypothèse qu’il est possible de fournir, à l’aide des règles de droit

adaptées et adaptables, un encadrement règlementaire adéquat qui circonscrit

l’opération de titrisation. De plus, la régulation bancaire d’avant crise était réactive et

non proactive. Il serait important de penser à un moyen permanent d’adaptation de la

régulation bancaire aux innovations financières en général, mais à l’opération de

titrisation en particulier. En d’autres termes, il faudrait élaborer des règles durables

dans le temps et dans l’espace. Dans la recherche de cette solution permanente, nous

allons également prendre en compte les implications sociales de l’adéquation des

règles. Ainsi, la solution ne se cantonnera pas uniquement sur l’aspect financier ou

juridique de la chose, mais elle prendra aussi en compte l’aspect social et humain; d’où

l’importance de confronter l’éthique à la finance, et l’importance d’associer cette

éthique au droit également. Ceci nous permet d’avancer que l’apport majeur de notre

thèse réside dans la coordination des différents droits et la prise en considération de

l’éthique dans l’encadrement de l’opération de titrisation. Autrement dit, nous

soutenons l’idée selon laquelle la matérialisation de la convergence règlementaire des

différents droits combinée à l’intégration des règles visant la responsabilisation des

acteurs aura pour avantage de bonifier la régulation de l’opération de titrisation.

Nous exposerons le cadre théorique qui nous permettra de répondre à la question

posée dans la première partie de cette thèse. Une fois fait, le choix du cadre théorique

nous aidera à matérialiser la régulation adaptée que nous voulons pour l’opération de

titrisation. Mais avant précisons notre stratégie de recherche.

52 Patrick SERLOOTEN, « L’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée », (1985) chr. xxxiii

Recueil Dalloz 187. 53 Ulrich BECK, La société du risque, sur la voie d’une autre modernité, Paris, Flammarion, 2001 p.145.

Page 29: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

15

La stratégie de recherche

Notre méthodologie de recherche consiste dans un premier temps à circonscrire

notre champ d’analyse et dans un deuxième temps, à déterminer les outils dont nous

aurons besoin. Mais avant, il convient de préciser que notre travail est purement

théorique et déductif dans la mesure où nous partons d’un fait (la crise financière) pour

arriver à comprendre une situation particulière qui, dans notre thèse, est l’utilisation de

l’opération de titrisation. De plus, la thèse que nous rédigeons en est une systématique

dans le sens où nous nous adonnons à la technique d’exclusion/inclusion afin de se

focaliser uniquement sur ce qui, fondamentalement, est l’objet de la rédaction de celle-

ci.

En ce qui concerne notre champ d’analyse, nous tenons à préciser, qu’en raison du

caractère complexe de l’opération de titrisation, nous avons pris mis l’accent sur la

description : description des évènements qui ont précédé la crise et description détaillée

de l’opération de titrisation. Cette description s’accompagne d’une analyse élaborée

des différents points présentés. Après cette mise en contexte, nous allons présenter une

analyse des dispositifs règlementaires mis en place après la crise de 2008. Pour les

dispositifs nationaux, nous analyserons ceux des États-Unis, de l’Europe, du Canada et

Québec 54 . Nous justifions ce choix par le fait que les crises financières,

particulièrement la toute dernière, prennent naissance la plupart du temps aux États-

Unis; c’est la raison pour laquelle il serait important de bien analyser le cadre

règlementaire des banques américaines. L’Europe pour sa part, représente l’une des

extensions de la crise financière. La crise, lorsqu’elle n’est pas maîtrisée à temps,

s’étend facilement et rapidement dans d’autres régions. Aussi, il serait donc intéressant

d’analyser les démarches entreprises par l’Europe, le Luxembourg en particulier au

regard de l’évolution de l’encadrement juridique de la titrisation qui y est fait55. La

place du Canada n’est pas moins importante dans l’analyse au regard de la résilience

dont ses banques font preuve. Il faudra donc recenser les points à mettre en avant et

ceux à améliorer. Ainsi, la maîtrise du dispositif règlementaire canadien sur les

banques, la titrisation et les produits dérivés serait un atout.

Les principaux outils à notre disposition seront essentiellement la loi, la

jurisprudence et la doctrine. La tendance internationale actuelle est pro régulation.

Après la crise financière, et comme habituellement, le libéralisme s’estompe peu à peu

pour laisser place à l’encadrement règlementaire de la finance. En plus des normes

internationales, nous analyserons dans cette étude les actions posées par le législateur

de trois principales juridictions à savoir : les États-Unis, l’Europe, le Canada et le

Québec. Pour mémoire, rappelons que les États-Unis56, contrairement aux deux autres

54 Nous avons entrepris pour mener notre recherche une analyse comparative. Plus précisément, nous

avons procédé à une confrontation et une mise en concurrence utile des systèmes de droits. Cela permet

aux uns de puiser dans les éléments des autres, et inversement. Cette approche téhmatique que nous

avons choisie a permis de citer les références revêtant un intérêt pour les thèmes abordés. 55Voir la Loi du 22 mars 2004 relative à la titrisation, Mémorial A n°46. 56 Il serait aussi important de mentionner que l’élection de Donald Trump a un impact sur les mesures

d’encadrement de la finance prises en 2008. En effet, le 3 février 2017, il a signé un décret visant le

Page 30: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

16

juridictions, sont très libéraux en ce qui concerne l’encadrement de la finance57. Une

part de notre analyse se cantonnera donc à étudier les textes législatifs sur la régulation

de la titrisation et des différents risques financiers qui l’entourent. Il s’agit notamment

d’analyser les lois de trois juridictions afin de relever les nuances et les possibilités

d’amélioration58. L’analyse de ces trois juridictions est importante pour une opposition

entre l’approche des pays anglo-saxons majoritairement pros libéraux (États-Unis et

Angleterre) et l’approche pro règlementaire des pays de l’Europe. Le Canada s’inscrit

dans une approche pro règlementaire; cela justifie d’ailleurs le succès de ses banques

lors de la crise financière de 2008.

Pour les dispositifs internationaux, nous étudierons les recommandations du

Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, le Fonds monétaire international (FMI), le

Conseil de stabilité financière (CSF), l’Organisation internationale des commissions

des valeurs (OICV) et le G20.

Le plan de la thèse

Il est important de rappeler que cette dissertation se veut être une contribution à un

débat qui n’est pas tranché. Multiples interrogations nous assaillent. La réponse à ces

questions va nous permettre de structurer notre argumentaire en trois parties.

- La première partie va, dans un premier chapitre, expliquer le choix de

notre cadre théorique. Entre la dérégulation, et la régulation des marchés, il

faudra effectuer un choix justifié. Ce choix nous donnera une base qui nous

permettra de répondre à la question de recherche posée. Dans le deuxième

chapitre, nous allons exposer les difficultés rencontrées dans le processus

de régulation, et ce, en effectuant un retour sur les crises passées et en

évaluant l’action du gouvernement et des régulateurs. Avant de commencer

l’analyse des différentes crises, nous allons présenter la notion même de

crise financière. Comment se produit-elle? Quelles sont les différentes

formes de crises financières? Par ailleurs, l’analyse des crises passées nous

réexamen de Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection act: Pub. L. N° 111-203, 124

Stat 1376, (2010), élaborée par l'administration Obama et adoptée par le Congrès en réponse à

l'effondrement de 2008. Plus précisément, il remet en cause l’efficacité du Bureau de la concurrence. Il

a également signé un mémorandum qui ouvre la voie à l'inversion d'une politique, connue sous le nom

de règle fiduciaire (fiduciary rule), qui oblige les courtiers à agir dans le meilleur intérêt du client, plutôt

que de rechercher les profits les plus élevés pour eux-mêmes. Cette règle est une protection

fondamentale pour le consommateur, car elle empêche les courtiers de profiter des clients vulnérables.

Voir « Presidential Executive Order on Core Principles for Regulating the United States Financial

System », THE WHITE HOUSE OFFICE OF THE PRESS SECRETARY, 3 février 2017. En ligne :

<https://www.whitehouse.gov/presidential-actions/presidential-executive-order-core-principles-

regulating-united-states-financial-system/> (consulté le 20 mars 2017). Lire également Ben PROTESS et

Julie HIRSHFELD DAVIS, «Trump Moves to Roll Back Obama-Era Financial Regulations»,New

York Times, 3 février 2017. En ligne : < https://www.nytimes.com/2017/02/03/business/dealbook/trum

p-congress-financial-regulations.html?_r=0 >, (consulté le 20 mars 2017). 57 Lire Joseph E. STIGLITZ, The Roaring Nineties. A New History Of The World's Most Prosperous

Decade, 1ère édition, London, Norton paperback, 2004. 58 Il s’agit des États-Unis à travers principalement la Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer

Protection act: Pub. L. N° 111-203, 124 Stat 1376 (2010), le Canada avec sa Loi canadienne sur les

banques, L.C. 1991, ch. 46; Loi sur les instruments dérivés, chapitre I-14 (et entre autres les lignes

directrices de l’Autorité des Marchés Financiers du Québec) et l’Europe avec sa directive n° 2010- 1249

sur la régulation bancaire et financière et les autres textes connexes.

Page 31: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

17

permet, entre autres, d’observer les causes des crises, leur étendue et enfin,

les moyens utilisés par le régulateur et le gouvernement pour gérer ces crises

et leurs effets. À la fin de cette analyse, nous aurons les outils nécessaires

pour entamer l’analyse de la crise des subprimes. L’analyse des crises se

veut comparative. C’est la raison pour laquelle nous avons délibérément

choisi d’analyser cinq crises (deux crises boursières et trois crises de

changes et crises bancaires) : La grande dépression des années 1929, le

lundi noir de 1987, la crise du peso mexicain, la crise en Asie du Sud-Est et

la chute du Japon. Ces crises présentent des similitudes, dans le

déclenchement et la gestion de la crise, avec la crise des subprimes. C’est

la raison pour laquelle nous avons choisi de les analyser.

Dans un troisième chapitre, nous procèderons à la définition de la titrisation,

son origine et son implication lors de la crise des subprimes. La précision

conceptuelle est très importante, car en droit il peut arriver que plusieurs

notions présentent des similitudes. Il est donc nécessaire de définir, au

préalable, les notions; ensuite, il est également nécessaire de circonscrire le

sujet. À cette étape, nous présenterons les différentes étapes de l’opération,

les intervenants, les techniques financières et les produits financiers utilisés.

Par la suite, nous présenterons le rôle joué par la titrisation lors de la crise

des subprimes tout en décrivant la crise en question : son déclenchement,

son évolution et son encadrement par les régulateurs et le gouvernement.

La présentation de l’opération étant faite, nous discuterons de la technicité

et des nuances juridiques de l’opération dans la deuxième partie. Nous

passerons également en revue les différentes réponses règlementaires, tant

internationales que nationales, déjà effectives pour l’encadrement de

l’opération de titrisation et de tous les autres aspects sous-jacents à

l’encadrement de cette opération.

- La deuxième partie : dans le premier chapitre de cette partie, nous allons

analyser le squelette de l’opération en faisant ressortir les différents

concepts juridiques qui y sont utilisés : nous pensons notamment au contrat

de prêt, à la cession des créances et au surendettement. Puisque nous

sommes en faveur de l’encadrement des marchés, nous pensons que traduire

l’opération en un langage juridique que l’on connaît pourrait aider à la

tâche. Dans ce chapitre, nous allons également présenter les produits

financiers qui sont les créances titrisées et les dérivés de crédit. Enfin, nous

aborderons également la question du système bancaire parallèle qui est la

technique financière qui a été utilisée lors de la crise et qui met en exergue

la désintermédiation des marchés financiers.

Dans le deuxième chapitre, nous allons analyser les différentes actions des

régulateurs et les différents chantiers de règlementation. Nous réaliserons

Page 32: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

18

cette tâche en effectuant une analyse dialectique : la règlementation sur le

plan internationale d’une part; et la règlementation nationale d’autre part.

Les régulateurs internationaux interviennent très souvent pour émettre des

recommandations que les différentes juridictions assujetties devraient

incorporer dans leur corpus législatif national. Sur le plan national, nous

allons présenter les actions menées par les États-Unis, l’Europe et le

Canada. L’approche règlementaire de ces juridictions étant différente (les

États-Unis sont pros libéralistes), l’analyse permettra d’avoir une vision

d’ensemble des actions qui ont été posées dans l’ensemble. Pour finir,

puisque dans ce chapitre nous parlons de règlementation, nous avons choisi

d’analyser la question de la convergence règlementaire. Cette analyse

constitue, dans une certaine mesure, l’introduction à la troisième partie qui

traite des recommandations.

- La troisième partie est plus une démarche prospective qu’autre chose. Ce

n’est ni une prophétie, ni une prévision, mais une anticipation de l’action.

Nous nous focaliserons essentiellement sur les laisser pour compte de la

régulation. Il s’agit donc d’une réponse à la question de savoir ce qui a été

négligé dans les différentes règlementations déjà en place. Rappelons notre

thèse : la conjonction des différents modes de régulation pour la

règlementation de la finance. Au regard de ce qui a déjà été fait sur le plan

règlementaire, notre contribution dans ce sens est, d’une part, d’encourager

la convergence règlementaire sur la question de la fiducie-titrisation, et

d’autre part, de mettre en place un encadrement parallèle de l’opération par

l’éthique qui, en plus de l’encadrement juridique, va responsabiliser les

intervenants dans une opération de titrisation.

Le premier chapitre de cette partie va porter sur l’encadrement de la fiducie-

titrisation. Nous allons analyser le trust anglo-saxon et la fiducie du droit

romano-germanique pour évaluer les différences. Et à la fin du chapitre,

nous allons proposer une solution pour règlementer le véhicule de titrisation

qui prend en compte les deux notions.

Dans le deuxième chapitre, nous allons revenir sur la place qu’occupe

l’éthique dans la règlementation financière. Ensuite, nous allons porter

notre attention sur la responsabilisation éthique des intervenants de

l’opération de titrisation et enfin sur la possibilité de rendre cette opération

responsable, et tout ceci en nous inspirant de la théorie de l’investissement

socialement responsable et des notions de développement durable.

Page 33: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

19

PREMIÈRE PARTIE : ANALYSE DES DIFFÉRENTES APPROCHES DE LA

RÉGULATION FINANCIÈRE ET PRÉSENTATION DE L’OPÉRATION DE

TITRISATION

La survenance d’une crise n’est pas l’unique faiblesse du système financier; la

régulation qui cause cette crise et qui, par la suite, tente de la juguler en est une autre.

Généralement, c’est la régulation qui crée les conditions de l’autorégulation des

marchés financiers dans la période avant-crise dans le sens où elle pousse les acteurs

du marché à contourner les règles pour améliorer leur profitabilité. Par la suite, cette

régulation s’attèle à trouver des moyens d’encadrement des effets de l’affolement des

marchés. C’est la raison pour laquelle le système financier est généralement taxé

d’incapable à s’autoréguler. De plus, depuis un moment déjà, la régulation des marchés

donne à réfléchir. Elle est au centre des critiques parfois sévères et les solutions, qui

sont données pour résoudre le problème de la défaillance des marchés, sont souvent

contradictoires. Avant de passer à la présentation de l’opération de titrisation et du rôle

qu’elle a joué lors de la crise des subprimes (chapitre III), nous allons dans un premier

temps préciser notre cadre théorique (chapitre I) et par la suite nous présenterons

l’approche régulatoire adoptée après les crises financières qui ont marqué l’histoire de

la finance (chapitre II).

Page 34: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

20

CHAPITRE I : LE CADRE THÉORIQUE DE LA THÈSE

Le cadre théorique de la thèse remet au goût du jour le débat sur l’importance de

réguler les marchés financiers. Et quand bien même l’on choisit l’une ou l’autre option,

il faut encore donner des précisions sur la forme et les moyens de mise en œuvre. Avant

de présenter les différentes théories, nous allons tout d’abord préciser ce que l’on

entend par le terme « régulation » dans la thèse (section I). Ensuite, nous analyserons

tour à tour les différentes théories qui s’opposent autour de la question de

l’encadrement des marchés, les théories libéralistes et les théories qui encouragent la

régulation des marchés (section II); et enfin nous déterminerons le choix de cadre

théorique tout en mettant l’accent sur l’importance de l’éthique dans la finance (section

III).

Page 35: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

21

Section I : La précision du terme « régulation » dans la thèse

« Réguler la société consiste à rechercher les mécanismes d'ajustement mutuel qui

permettent aux hommes de survivre, et à formaliser ensuite ces conventions. Dernier

avatar de l'organicisme, la régulation ne laisse aucune place à l'hétéronomie, hors celle

qui se trouve à l'œuvre dans la science des experts ès régulation. »59

Il règne un certain flou sémantique en ce qui concerne la régulation financière60.

Le terme de régulation, rappelons-le, est plus ambigu en français qu’en anglais. En

anglais, il est l’équivalent de notre règlementation. En acculturant le terme de

régulation au droit français, les autorités de régulation ont voulu traduire l’idée

d’autorégulation des acteurs économiques à peine corrigée par un régulateur et une

autorité administrative indépendante du secteur donné.

Les notions de régulation et de règlementation sont donc souvent employées

indistinctement, les unes des autres, alors qu’elles renvoient à des modalités de contrôle

différentes qui ne se recouvrent pas totalement. La régulation financière est la notion

la plus large. Selon le Conseil économique et social français, elle est « l’exercice d’une

relation pacifiée entre les acteurs économiques s’appuyant sur une autorité reconnue,

permettant de surmonter les conflits d’intérêts dans différents domaines et secteurs

d’activités. »61 Le professeur Jean-Paul Valette le dit d’ailleurs si bien :

En matière économique et financière, on peut appréhender l’activité de

régulation à partir de trois paramètres : une intervention fondamentalement

publique (mais indépendante du gouvernement), une action sur un ou

plusieurs marchés, la création d’un cadre loyal et sécurisé de concurrence.

59 Alain SUPIOT, « Contractualisation de la société » (2001) 43 Courrier de l'environnement de l'INRA

52. 60 Le terme « régulation » peut avoir plusieurs assertions. Sa définition et tout ce qu’elle englobe peuvent

alors totalement changer selon que l’on soit francophone ou anglophone. La régulation est un mot

d’origine anglaise et en français il signifie « règlementation ». Toutefois, en ce qui concerne la régulation

économique, le terme « régulation » une fois francisé correspond le mieux à son utilisation anglaise,

surtout lorsqu’il dépasse le cadre de la règlementation pour englober celui de la supervision également.

Ainsi, la référence au concept de régulation peut donner une fausse impression de concept « mystérieux,

fourretout et catalogué. », Jérôme GALLOT, « Qu’est-ce que la régulation ? » (2003) 33 cahiers français

56. 61 Jean-Pierre MOUSSY, « Des autorités de régulation financière et de concurrence : pourquoi, comment

?» (2003) Rapport du Conseil économique et social 1-2

Page 36: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

22

Ainsi, la notion de régulation est plus large que celle de règlementation –

qui se réfère à la seule édiction de règles générales- afin de prendre en

compte avec pragmatisme le besoin de concertation permanente des

pouvoirs publics avec les acteurs du marché, d’associer le law making

process et le fine tuning of the market62.

Vue sous cet angle, la régulation englobe l’ensemble des règles et des

mécanismes légaux imposés par le législateur pour influer sur le comportement des

banques et sur les marchés de manière à préserver la stabilité financière, ainsi que la

surveillance du respect de ces règles par les différentes autorités compétentes. Dans la

hiérarchie des normes, elle vient après la constitution. La règlementation financière

quant à elle est un sous ensemble de la régulation financière. Elle représente un

ensemble de lois ou encore un ensemble de textes inférieurs aux lois et édictés pour

appliquer les règles et les lois imposées aux établissements financiers par le législateur

afin de garantir la stabilité financière. « Il n’y a pas de régulation au sens strict sans un

corpus législatif et règlementaire qui l’encadre. »63 Par ailleurs, l’on ne pourrait parler

uniquement de « règlementation », car ce terme trahit une approche interventionniste

de l’État.

La règlementation financière va ainsi permettre de64 :

- Assurer l’équité entre consommateurs, épargnants, investisseurs et

institutions financières;

- Instaurer un climat de confiance en garantissant l’intégrité et la solvabilité

du système;

- Maintenir la concurrence et l’innovation sur les marchés en faisant la

promotion de l’efficience et de l’efficacité du système.

62 Jean-Paul vALETTE, Droit de la régulation des marchés financiers, Paris, Gualino éditeur, mémento

LMD, 2005, p.18. 63 André DELION, « Notion de régulation et droits de l'économie » (2006) 1/3 annale de la régulation 6. 64 Jean ROY, La règlementation du secteur financier: Pour une évolution dynamique et prudente,

Mémoire présenté au Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers canadien, 9 octobre

1997 p.10. En ligne: < http://neumann.hec.ca/~p119/public/GTSFJROY.pdf > (consulté le 11 janvier

2016).

Page 37: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

23

En somme, pour mieux atteindre ses objectifs, la règlementation financière

devrait éviter deux écueils : une dérèglementation excessive et une stagnation

règlementaire qui représente un frein aux innovations65.

Que ce soit la régulation ou la règlementation, il faut, après un processus de

législation, surveiller la mise en œuvre. Ce rôle est dédié à la supervision financière,

qui est aussi un sous-ensemble de la régulation financière, mais, qui désigne cette fois-

ci uniquement la surveillance du respect des règles par les autorités compétentes. Ces

autorités ont un rôle et des tâches qui leur sont spécifiques. En effet, elles n’existent

pas pour imiter l’administration classique ni pour plagier le juge, « mais précisément

pour construire une méthodologie d’action publique originale qui emprunte à ces deux

genres classiques. »66

Toutefois, nous notons une tendance à minimiser cet aspect de la surveillance

et de la supervision des marchés. « Les autorités de régulation disposent d’un pouvoir

règlementaire subordonné et limité qui leur permet d’apporter des précisions sur des

matières techniques limitativement énumérées par le législateur. »67 Cela est juste le

reflet de ce que nous vivons actuellement. La conscience populaire est plus portée sur

la multiplication des règles plus strictes les unes après les autres. L’on se dit ultimement

que la modification ou la mise en place d’une règle nouvelle est plus concrète et qu’elle

pourrait rapidement générer une réaction chez le public. Comme exemple de règle

stricte, prenons le cas des exigences de fonds propres qui, à première vue, pourrait créer

un sentiment de sécurité. Un établissement financier n’aura jamais de fonds propres

suffisants s’il y a des failles importantes dans la gestion quotidienne des risques;

autrement dit, à cause du défaut de supervision, les règles édictées ne pourraient être

totalement complètes et efficaces. Prenons par exemple le cas du Comité de Bâle sur

le contrôle bancaire (CBCB) qui se concentre plus sur les règles et les principes de

gestion des banques que sur les approches de supervision. Dans un texte du CBCB,

nous pouvons lire : « The Core Principles are neutral with regard to different

65 Id. p.23 66 Jean MARIMBERT, « L’office des autorités de régulation », (2002) 110 L.P.A.73. 67 Pierre-Alain JEANNENEY, « Le régulateur producteur de droit », dans Marie-Anne FRISON-ROCHE,

Règles et pouvoirs dans les systèmes de régulation, Paris, Presses de Sciences-Po/Dalloz, 2004, p.44.

Page 38: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

24

approaches to supervision, so long as the overriding goals are achieved…»68 Cette

neutralité est vue comme une lacune qui se doit d’être remplie.

Ainsi, étant donné qu’il devient visiblement difficile d’envisager la régulation

dans une perspective strictement nationale 69 au regard de l’internationalisation de

l’économie mondiale, il devient donc important d’exhorter la communauté

internationale à apporter une attention égale aux règles et à la supervision de celles-ci.

Julie Dickson, superviseure du Bureau du Surintendant des Institutions Financières du

Canada (BSIF), traduit bien cette idée quand elle affirme: « So in crafting new

international rules for the financial sector, we need to start focusing on the role that

day-to-day supervisory oversight plays, because rules are just one part of the equation.

A financial sector with strong regulatory rules, but with weak supervisory oversight, is

not a safe and sound financial sector. »70

Dans le cadre de notre thèse, nous nous intéresserons à la régulation financière

dans son sens le plus large, c'est-à-dire aux dispositifs légaux et non légaux, mais aussi

à l’application de ces textes. Nous pensons que la qualité de la surveillance des

établissements est aussi importante que la qualité des règles établies. De plus, les

notions de régulation et de surveillance sont essentielles et indissociables pour obtenir,

in fine, une régulation financière efficace.

Après cet exercice de précision des termes, la question que l’on se pose est celle

de savoir si la régulation bride l’innovation ou alors si elle la favorise. L’on sait que la

nature humaine est définie par la volonté de toujours créer. La finance n’est pas en

reste. En effet, dans le but de toujours accroître la croissance, les acteurs financiers

innovent et créent de nouveaux produits71. Généralement, ils le font pour contourner

les contraintes règlementaires souvent trop strictes. Les « régulés » ont donc toujours

une longueur d’avance par rapport aux régulateurs. Ce n’est en effet qu’une fois les

68 BASEL COMMITTEE ON BANKING SUPERVISION, The Basel Core Principles for Effective Banking

Supervision, septembre 2012, p.13. En ligne : < http://www.bis.org/publ/bcbs230.pdf >, (consulté le 20

mars 2017). 69 Jean-Paul VALETTE, « La régulation des marchés financiers » (2005) Revue du Droit Public 186. 70 Julie DICKSON, « Too Focuses On The Rule: The Importance Of Supervisory Oversight In Financial

Regulation », Discours prononcé le 16 mars 2010 au Heyman Center on Corporate Governance (New-

York), p.3-4. En ligne: < http://www.osfi-bsif.gc.ca/eng/docs/jdickson_ny_heyman_center.pdf >,

(consulté le 06 janvier 2016). 71 Marie-Françoise DELAITE, « Les fonds propres bancaires au coeur de la crise financière » (2012)

4/160 Mondes en développement 121.

Page 39: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

25

produits créés, et après qu’ils aient atteint une certaine diffusion, que leurs limites ou

leurs défauts apparaissent pleinement.

Ainsi, pour répondre à la question préalablement posée sur les conséquences de

la régulation sur les innovations financières, deux groupes doctrinaux s’opposent :

d’une part, les partisans de la dérégulation, et d’autre part, ceux de la régulation. Mais

avant d'analyser les différentes théories, attardons-nous sur l’évolution de la régulation,

avec en miroir, quelques crises qui ont, chacune à leur tour, ébranlé le monde à un

moment donné.

Les différentes crises qui se sont produites jusqu’à ce jour ont été, la plupart du

temps, une résultante de la mise en application de certaines théories de régulation. Par

ailleurs, elles ont permis d’orienter les réflexions sur la mise en place d’un meilleur

paradigme de régulation bancaire et financière. Ces différentes réflexions s’opposent.

La première opposition que nous avons est celle des pays de droit civil et les pays de

common law. À la différence des pays de common law, dans les pays de droit civil les

règles sont plus précises et plus strictes si bien que l’autorégulation se soit moins

développée. Des sanctions sont imposées à ceux qui contreviennent à ces règles.

Cependant, l’inconvénient des règles précises est l’incitation des acteurs à les

contourner. Dans notre thèse, l’opposition que nous allons inclusivement analyser est

celle des libéraux et des antilibéraux. Ainsi, d’une part, il y a le clan des libéraux, et

d’autre part les partisans de l’interventionnisme du droit ou d’un pouvoir public. « Les

arguments libéraux suggèrent que l'intervention publique doit être limitée et sans doute

significativement réformée pour être plus opératoire. Les arguments interventionnistes

soulignent que, même s'il faut faire confiance aux acteurs et à la puissance incitative et

réformatrice des forces concurrentielles, l'action collective a besoin de régulations

externes de nature politique. »72 Nous allons présenter successivement les différentes

théories de régulation et leurs limites. Par la suite, nous allons retenir celles qui sont à

même de pouvoir encadrer les marchés financiers.

72 Éric BROUSSEAU, « Les marchés peuvent-ils s’autoréguler ? », (2003) 313 cahiers français 70.

Page 40: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

26

Section II : L’analyse des différentes théories de dérégulation et de

régulation des marchés

Nous allons analyser tour à tour les théories en faveur de la dérégulation financière et

les théories qui encouragent la régulation. Par la suite, nous allons déterminer le cadre

théorique qui sous-tendra notre dissertation.

Sous-section I : Les théories qui encouragent la dérégulation financière

Il s’agit, pour la plupart, des théories économiques (des théories libérales plus

précisément), car « depuis son apparition dans les sciences, il y a deux siècles environ,

l’économie s’est toujours déclinée comme la science du marché. » 73 Les théories

économiques prônant une autorégulation et une efficience des marchés ont montré

maintes fois leurs limites. Mais ils sont toujours plusieurs74 à penser que la maîtrise du

système financier échappe à l’État, au bonheur des régulés, qui contribuent à le rendre

ésotérique. Adam Smith préconise la régulation du marché par la main invisible et la

rencontre de l’offre et de la demande75. La théorie de la main invisible démontre que

la structure adversative du marché, libre de toute contrainte morale, aide à canaliser la

compétition des acteurs et produit de façon spontanée l’équilibre favorable. Cette

image d’un marché moralement neutre ne tient pas compte de l’ensemble des normes

légales et professionnelles qui permettent notamment au marché de gérer les asymétries

d’information et de combattre les incitatifs aux crimes et fraudes financiers. Cependant

comme Arthur Applbaum76, nous déconstruisons cette forme d’éthique adversative car

elle ne devrait pas justifier d’écart de la moralité ou de la norme. Précisons tout de

même que l’autorégulation n’est pas en soi nocive pour la finance. Bien que l’analyse

rétrospective de la crise de 2008 ait exposé négativement la théorie de l’autorégulation

73Hervé DEFALVARD, « Les théories du marché après le modèle arrow-debreu : un essai de synthèse »

(1994) 9/12 Économies et sociétés, série théorie de la régulation 28. 74 Il s’agit des économistes issus de l’école de Chicago : nous pouvons citer entre autres George Joseph

Stigler et Ronald Coase. 75 La loi de l’offre et de la demande vient d’une théorie, la main invisible, développée par Adam Smith

dans son ouvrage, Recherches sur la richesse des nations, éd. William Strahan, 1776. Smith est considéré

comme le père de la pensée libérale, mais aussi comme le père de l'économie. 76 Arthur Isak APPLBAUM, Ethics for adversaries. The Morality of Roles in Public and Professional life,

Princeton University Press, New-Jersey, 1999.

Page 41: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

27

des marchés77, cette théorie peut être perçue dans un certain sens comme un atout pour

le marché. En effet, l'autorégulation ne signifie en aucun cas l’inexistence de crises ou

encore l’absence de défaillances sur les marchés. Le marché est un lieu où interagissent

produits, services (très souvent négociés de gré à gré), financement et innovations.

Ainsi, l'économie de marché serait une économie d'expérimentation et un processus

d'apprentissage : nous apprenons des erreurs du passé.

L’autorégulation promeut également l’idée de responsabilisation de la finance

que nous abordons plus loin dans notre analyse. En outre, du point de vue de l'état,

l'autorèglementation comporte plusieurs avantages entre autres, elle permet :

1- de réduire les coûts d'opération en déplaçant l'activité de surveillance au

deuxième niveau, c’est-à-dire surveiller l'organisme d'autorèglementation

plutôt que de surveiller chacun de ses membres;

2- de responsabiliser le secteur et de faire utiliser directement l'information

que possèdent les professionnels d'une activité pour établir des règles de

conduite de cette activité;

3- d'obtenir des règles de conduite, qui seront plus facilement acceptées par

les intéressés puisqu'elles viendront d'eux-mêmes et plus faciles à faire

évoluer, puisqu'elles n'ont pas le statut de loi;

4- de favoriser une relation de collaboration entre le gouvernement et le

secteur concerné.

À ces avantages certains, il faut opposer certaines limites :

1- l'organisme d'autorèglementation est dans une position difficile pour

faire l'arbitrage lorsque les intérêts de l'ensemble de ses membres et ceux

du public sont en conflit;

2- l'autorèglementation réduit, jusqu'à un certain point, le pouvoir

d'intervention du gouvernement, étant donné la délégation consentie à

l'organisme privé78.

On distingue deux principaux courants économistes de la dérégulation

financière. Il s’agit respectivement du courant libéral et du courant marxiste79.

Le courant libéral a connu une évolution dans le temps. Nous distinguons le

77 La théorie de la régulation par les marches prône l’efficience économique comme loi unique. Voir

Vincent CHATILLON, Le droit dans les crises bancaires et financières systémiques, coll. «Droit &

Économie», Paris, L.G.D.J. Lextenso éditions, 2011, p.37. 78 J. ROY, préc. note 63, p.12 79 L’histoire de la pensée économique permet de mettre en évidence trois principaux courants : le courant

libéral, le courant marxiste et le courant keynésien. Autour de ces trois courants gravitent plusieurs

théories économiques et écoles de pensée fournissant des explications alternatives aux problèmes

économiques contemporains. Lire également le cours de Mr Arnaud DIEMER, Économie

générale, IUFM Auvergne, Économie Gestion. En ligne : < http://www.oeconomia.net/private/cours/e

conomiegenerale/CAPET/01.theorieseconomiques.pdf >, (consulté le 16 janvier 2016).

Page 42: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

28

courant classique et le courant néoclassique. Au sujet de la régulation des marchés, le

postulat principal de la théorie classique est l’affirmation de la liberté économique. En

effet, l’efficience du marché n’est pas à remettre en doute; il est capable de

s’autoréguler. L’argument mis en avant est la recherche de l’intérêt individuel, cet

intérêt individuel qui va ainsi permettre de réaliser l’intérêt général, car il existe une

main invisible (le marché) : « Ce n’est pas la bienveillance du boucher, du marchand

de bière et du boulanger, que nous attendons notre dîner, mais bien du soin qu’ils

apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons pas à leur humanité, mais à leur

égoïsme; et ce n’est jamais de nos besoins que nous leur parlons, c’est toujours de leur

avantage. »80 Dans ce schéma, le rôle de l’État se trouve considérablement amoindri.

Pour l’économiste Von Mises, l’essentiel du rôle de l’État est de « garantir le

fonctionnement sans heurts de l’économie de marché contre la fraude et la violence,

tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. »81 L’État doit donc éviter de porter atteinte

aux libertés économiques en respectant les limites par lui assignées par cette théorie

des marchés efficients. En fait, les libertés économiques représentent un terreau

favorable pour les autres libertés. La meilleure garantie des libertés serait alors la

propriété privée des moyens de production. En effet,

« notre génération a oublié que la meilleure garantie de la liberté est la

propriété privée non seulement pour ceux qui la possèdent, mais presque

autant pour ceux qui n’en ont pas. C’est parce que la propriété des moyens

de production est répartie entre un grand nombre de gens agissant

séparément, que personne n’a un pouvoir complet sur nous et que les

individus peuvent agir à leur guise. » 82

La pensée néoclassique, quant à elle, aborde la question sous un autre angle, celui

de l’économie de marché. Pour elle, le marché est déterminé par la rencontre entre

l’offre et la demande; le marché est, dans la même logique, déterminé par l’équilibre

des prix. Le défenseur principal de cette théorie est Léon Walras83.

80 Adam SMITH, Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Paris, Flammarion,

1991, p. 82. 81 Ludwig VON MISES, Politique économique. Réflexions et pour aujourd’hui et pour demain, Paris,

Éditions de l’Institut Économique de Paris, 1983, p.39 82 Friedrich August HAYEK, La route de la servitude, Paris, Éd. M. Th. Génin, 1947, p 77-79. 83 Léon WALRAS, Éléments d’économie politique pure ou théorie de la richesse sociale, Lausanne, L.

Corbaz & cie, 1874, 208 pages

Page 43: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

29

L’école de Chicago est l’une des écoles qui s’inscrit dans la logique du courant

libéral en économie. Constitué par les économistes rattachés au département

d’économie de l’université de Chicago, ce groupe d’économistes contemporains84

partage, autant qu’Adam Smith, partisan de l’école classique, un point de vue jugé

quelque peu extrême. Selon eux, seul le libre jeu de la concurrence représente la forme

adéquate de la régulation économique, car elle assure une meilleure allocation des

ressources. La concurrence participe donc à l’action du libéralisme. Ronald Coase

affirme d’ailleurs qu’« il n’y aurait rien de bon à attendre des règlementations: « what

the regulatory commissions are trying to do is difficult to discover; what effect the

commission actually have is, to a large extent, unknown; when it can be discovered it

is often absurd»85. »86 En outre, un autre économiste s’est également prononcé au sujet

de la régulation des marchés et de l’intervention de l’État. Il s’agit de Milton Friedman.

Selon lui, dans une économie de marché, la réduction du rôle de l’État est la seule

manière d’atteindre la liberté politique et économique87. Dans un autre ouvrage, « Free

to Choose » (1980)88, rédigé conjointement avec sa femme Rose, Milton Friedman

défend la thèse de la supériorité du système libéral sur tous les autres systèmes.

L’école de la régulation, quant à elle, regroupe dans les années 70 et 80 des

économistes nés après la Deuxième Guerre mondiale, tels que le chef de file Boyer,

Michel Aglietta, Alain Lipietz, André Orléan, Jacques Mistral. Elle est un

prolongement du courant marxiste. Le courant marxiste, dont le père fondateur est Karl

Marx, s’intéresse essentiellement au développement et à l’essor du capitalisme. La

théorie de la régulation pour sa part, fixe à l’économie deux nouveaux objectifs pour

une meilleure régulation : rendre compte du mouvement de l’économie et exprimer le

contenu social des relations économiques pour révéler les conflits dont l’économie est

l’enjeu, intégrant pour cela les apports des sciences sociales au sens large pour

84 Lire George J. STIGLER, « The Theory Of Economic Regulation», (1971) 2/1 The Bell Journal of

Economics and Management Science 3; et Sam PELTZMAN, «Towards a more general theory of

regulation», (1976) 19/ 2 Conference on the Economics of Politics and Regulation 211. 85 Ernest W. WILLIAMS et Ronald COASE, « Discussion », (1964) 54 The American Economic Review

194. 86Jean-Charles ROCHET, « Dérèglementation et risque du secteur bancaire », (1991) R.E.F.59. 87 Milton FRIEDMAN, Capitalism And Freedom, Chicago university of Chicago press, 1962, 202 pages 88 Milton FRIEDMAN et Rose FRIEDMAN, Free to choose, New York, Éd. Osler, Hoskin et Harcourt, 338

pages.

Page 44: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

30

comprendre le changement économique et social. En effet, les régulationnistes à la

différence des marxistes purs à qui ils sont généralement assimilés innovent

radicalement sur le plan méthodologique; ils misent beaucoup plus sur la confrontation

de leurs concepts à la réalité empirique89. En d’autres termes, ils s’intéressent aux

raisons de la survenance d’une crise ainsi qu’aux raisons de la déstabilisation des

marchés. Dans le même ordre d’idées, la théorie de la régulation s’oppose radicalement

à l’idée de la capacité des marchés à s’autoréguler. Pour elle, le marché devra faire

affaire avec des forces extérieures. Les partisans de cette théorie pensent que la logique

institutionnelle compte pour beaucoup dans la résolution d’une crise. Cette théorie met

donc en place une organisation sociale où le marché répond soit à la logique de la

concurrence soit à celle de l’interventionnisme étatique, tout en prenant en compte la

monnaie, également le rapport salarial et les relations économiques internationales. Les

économistes Boyer et Aglietta développent cette théorie sous différents angles dans

chacun de ces ouvrages respectifs : la théorie de la régulation, une analyse critique90;

et l’École de la régulation et critique de la raison économique91, ou encore Régulation

et crises du capitalisme92. Ce dernier ouvrage, qui est en fait la thèse de Michel

Aglietta, est considéré comme l’acte fondateur de la théorie de la régulation. Dans cet

ouvrage, il défend l’idée selon laquelle la théorie des marchés efficients est en partie

responsable des crises des années 70. Ainsi, contrairement aux libéraux, Michel

Aglietta pense que le marché ne peut pas être le seul mode de régulation; nous

pourrions également penser à la monnaie comme instrument de régulation des marchés.

En effet, les autorités monétaires d’un pays peuvent par exemple décider de dévaluer

la monnaie nationale afin d’encourager la croissance économique par la relance des

exportations, comme ç’a été le cas du yuan chinois93.

89 Michel HUSSON, « L’école de la régulation, de Marx à la fondation Saint-Simon : un aller retour »,

dans Jacques BIDET et Eustache KOUVELAKIS, Dictionnaire Marx Contemporain, Paris, PUF, 2001, p.2 90 Robert BOYER, La théorie de la régulation, une analyse critique, coll. « Div Science Soc », Paris, La

Découverte, 1986. 91 Michel AGLIETTA et al. (Dir.), École de la régulation et critique de la raison économique, coll. « futur

antérieur », Paris, L’Harmattan, 1994. 92 Michel AGLIETTA, Régulation et crises du capitalisme, coll. « Opus », Paris, éd. Odile Jacob, 1997. 93 Luc VALLEE, « Impact de la dévaluation du yuan sur l’économie canadienne », Valeurs mobilières

Banque Laurentienne, Recherche économique et stratégie, 2015. En ligne :< https://www.vmbl.ca/Eco

nomics/1/Impact%20de%20la%20devaluation%20du%20yuan_08112015.pdf > (consulté le 12

septembre 2015). La Banque centrale chinoise baissé le taux de référence du Yuan à la suite d’une forte

Page 45: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

31

Toutefois, cette école, partisane de la régulation, brille par l’absence des règles

juridiques concrètes censées encadrer la concurrence ou l’intervention d’un pouvoir

public.

Il existe d’autres théories, qui cette fois, vont en l’encontre de la libéralisation

financière. Avec la répétition des crises dans le passé, l’hypothèse des marchés

efficients a été sérieusement remise en cause et a soulevé beaucoup d’interrogations.

En effet, le marché s’autodétruit. Il existe donc d’autres théories qui permettent de

réorganiser le système en resserrant la supervision et l’encadrement des marchés94.

Sous-section II : Les théories qui soutiennent la régulation financière

L’objectif principal des défendeurs de la régulation est la nécessité d’avoir un

marché financier (bancaire) stable qui instaure un climat de confiance propice à la

réalisation des affaires. Alors, un groupe de penseurs soutient qu’une régulation

adéquate nécessite l’intervention de l’État95. Le chef de file de ce courant antilibéraliste

est John Maynard Keynes96. Keynes promeut une économie de marché moderne qui

passe forcément par l’intervention régulatrice de l’État. Il s’inscrit donc complètement

en faux sur la théorie d’une économie de marché libre.

Comme nous l’avons mentionné précédemment, l’économie de marché en soi

n’est pas nocive pour l’épanouissement des marchés. Elle permet au marché de se

développer et d’explorer encore et toujours de nouvelles façons de se bonifier. En effet,

il faut l’admettre, c’est en exploitant les innovations scientifiques, techniques et

intellectuelles que le marché se développe, crise ou pas crise. Toutefois, cette liberté

d’entreprendre, principe d’ailleurs reconnu par la Déclaration universelle des Droits de

baisse des exportations en juillet 2015. L’objectif était de relancer les activités du commerce extérieur

du pays. La dévaluation de la monnaie a donc été utilisée pour réguler les exportations en Chine. 94 Laurence BOY, « Réflexions sur le droit de la régulation », (2001) 37 Dalloz 3031. 95 Voir notamment Charles-Albert MORAND, « La contractualisation du droit dans l’État Providence »,

dans François CHAZEL et Jacques COMMAILLE, Normes juridiques et régulation sociale, Paris, LGDJ,

1991, p.139. 96 Les travaux de l’économiste anglais John Maynard Keynes portent entre autres sur la macroéconomie

moderne, l’intervention des pouvoirs publics et la question de l’emploi et des salaires.

Page 46: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

32

l’Homme 97 , mériterait d’être nuancée, car elle donne une certaine latitude aux

institutions financières et plus tard, l’État est contraint d’intervenir, afin de maintenir

et canaliser les pouvoirs de ces dernières. Et c’est donc à ce niveau qu’interviennent

Keynes et sa théorie. Il avait déjà mis en valeur le fait que les crises n’étaient pas le

fruit d’évènements exogènes aux marchés, mais endogènes 98 . Alors, pour cet

économiste, l’État se doit d’intervenir afin de relancer l’économie et de stabiliser les

marchés. Comme illustration, l’on pourrait prendre l’exemple du quart de siècle qui a

suivi la Deuxième Guerre mondiale; il s’est distingué par l’absence de crise financière

et la raison est à peu près certaine : les règlementations du New Deal et des autres du

même type au lendemain de la grande dépression. Le New Deal est l’ensemble de

programmes à dominante interventionniste, institués par le Président Delano Roosevelt

au lendemain de la grande dépression de 192999. « Reducing competition and raising

wages and prices were the main goals of New Deal industrial and labor policies. »100

Le New Deal inaugurait l’ère de l’État providence. Comme exemple de mesures prises

du type New Deal, nous pouvons citer la Glass Steagall Act 101 qui a permis de

distinguer les banques commerciales des banques d’investissement. Une autre réforme

d’urgence a été l’Emergency Banking Relief Act102 qui, en plus de garantir les dépôts,

a mis en place un processus de gestion des banques en difficultés. Cette loi a également

élargi le contrôle fédéral sur l’ensemble des banques américaines.

Pour aller dans le même sens, la théorie de l’intérêt public critiquée par les

économistes de l’école de Chicago et élaborée par Arthur Pigou et Paul Samuelson

souligne le rôle joué par le gouvernement pour chercher les imperfections du marché

dans le but de les corriger au moyen d’instruments régulateurs. Elle suppose que

l’intervention du gouvernement par le biais de la régulation externe se fait dans le but

97 Alinéa 1 de l’article 23 de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme : «1. Toute personne a

droit au travail, au libre choix de son travail, à des conditions équitables et satisfaisantes de travail et à

la protection contre le chômage. » 98 John Maynard KEYNES, The End of Laissez Faire. The Economic Consequences of The Peace,

Californie, Prometheus Books, 2004. 99 E. COHEN, préc. note 42, p.137-138. 100 Harold L. COLE et Lee E. OHANIAN, « New Deal Policies and the Persistence of the Great Depression:

A General Equilibrium Analysis», (2004) 112 (4) J. Polit. Economy 784. 101The Banking Act de 1933, Pub.L. 73–66, 48 Stat. 162. 102 Emergency Banking Relief Act, Pub.L.73-1, 48 Stat. 1.

Page 47: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

33

de servir l’intérêt public et donc de maximiser la fonction du bien-être social103. Ainsi

pour ces défenseurs de l’antilibéralisme, pour un meilleur fonctionnement du système

financier « il ne faut pas moins d’État, mais il faut mieux d’État. »

Par ailleurs, le droit s’inscrit dans un territoire donné; un ordre juridique est donc

rattaché à un État, qui dispose du pouvoir, non seulement d’édicter les règles, mais

aussi d’un pouvoir de répression. Aussi, pour Hobbes, le droit ne peut se concevoir

sans État, c'est-à-dire sans instance supérieure susceptible d’assurer un pouvoir de

sanction en cas de méconnaissance des règles104. Cependant, nous pensons qu’il ne

faudrait pas que l’État intervienne uniquement pour établir des règles strictes à travers

son appareil législatif, car le droit positif a montré ses limites. « Pour conduire une

politique, pour encourager des comportements, l’État a à sa disposition bien d’autres

outils que l’édiction d’une règle nouvelle (…) »105 Quoi qu’il en soit, il serait important

d’avoir un cadre législatif en place. En effet, notre société actuelle se caractérise par un

phénomène de mondialisation, c'est-à-dire par une interaction de plus en plus grande

entre les différentes économies. Pour éviter un arbitrage législatif entre les différentes

économies, les droits nationaux doivent donc être fortement mis en place. Il serait

important de toujours garder à l’esprit que les marchés ont été construits par les

hommes et ne devraient pas leur échapper.

Friedrich Von Hayek, fidèle opposant de Keynes et de sa théorie de

l’interventionnisme de l’État, reconnaît tout de même à celui-ci un rôle important.

Selon lui, « seul l’État est en mesure de garantir le cadre juridique nécessaire pour

permettre le libre jeu des forces du marché. »106 De plus, lorsque les auteurs Schwartz

et al.107 affirment que la notion d’instabilité est caractérisée par le risque systémique :

« a systemic risk is as situation where shocks to one part of the financial system lead

103 Darlena TARTARI, La régulation des marchés des capitaux, Thèse de doctorat en sciences

économiques et sociales, Faculté des sciences économiques et sociales de l’université de Fribourg

(Suisse), 2002, p.57. 104 Dominique WEBER, Leviathan de Hobbes, Paris, éditions Bréal, 2003, p. 49. 105 Pierre ALBERTINI, « Les Échelles de l’État : permanences et changements », dans L’État

interventionniste : le rôle de la puissance publique dans l’économie, Actes de colloque organisé par le

GREDFIC, l’Harmattan, 2010, p.182. 106 Gilles DOSTALER, « Hayek et sa reconstruction du libéralisme », (1999) 32 Cahiers de recherche

sociologique 131. 107 Michael D. BORDO, BRUCE MIZRACH et Anna J. SCHWARTZ, «Real Versus Pseudo-International

Systemic Risk: Some Lessons From History», (1995) 5371 National Bureau of Economic Research 2.

Page 48: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

34

to shocks elsewhere, in turn impinging on the stability of the real economy, unless

offset by a intervention of the monetary authorities », ils veulent signifier toute

l’importante et l’indispensabilité de l’intervention des autorités régulatrices afin

d’éviter une paralysie totale du système108.

Notons cependant que l’interventionnisme étatique peut donner lieu à l’aléa

moral. Il suffit d’observer la période postcrise aux États-Unis avec le programme

Trouble Asset Relief Program (TARP). Le TARP est un plan d’aide au secteur

financier. Il fait partie de l’une des mesures prises aux États-Unis après la crise de 2008.

Le trésor américain a établi plusieurs programmes dans le cadre du TARP pour aider à

stabiliser le système financier américain et relancer la croissance économique.

Initialement, le Secrétaire du Trésor était autorisé à acheter ou assurer jusqu'à 700

milliards de dollars les actifs en souffrance détenus par les institutions financières. Ce

montant a été réduit à 475 milliards de dollars avec la Loi Dodd-Frank109 . Ledit

montant a été réparti comme suit 110 : environ 250 milliards de dollars dans des

programmes visant à stabiliser les institutions bancaires ; 27 milliards de dollars afin

de redémarrer les marchés du crédit ; 82 milliards de dollars pour stabiliser l'industrie

automobile américaine ; 70 milliards de dollars pour stabiliser le groupe American

International Group (AIG) ; 46 milliards de dollars pour des programmes d’aide aux

familles en difficulté afin de les aider à éviter la forclusion. Au regard de tout ceci, les

institutions financières et les marchés de manière générale étaient par exemple plus

tentés de prendre davantage de risques parce qu’elles escomptaient dans une moindre

mesure l’intervention du Gouvernement.

À la fin de cette brève analyse sur les théories économiques, il serait tout de

même important de préciser que « [la] plus belle théorie financière ne peut donner que

ce qu’elle a. »111 Autrement dit, à travers les enseignements qu’elle donne, la théorie

économique ne saurait être l’unique responsable des mauvaises pratiques sur le marché.

108 D. TARTARI préc. note 103, p.39. 109Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection act: Pub. L. N° 111-203, 124 Stat 1376. 108 U.S DEPARTMENT OF THE TREASURY, Tarp Programs.

En ligne : < http://www.treasury.gov/initiatives/financial-stability/TARP-

Programs/Pages/default.aspx# >, (site consulté le 22 février 2015). 111 Michel ALBOUY, « La plus belle théorie financière ne peut donner que ce qu’elle a. », (2012) 228-

229 Revue de gestion 9-10.

Page 49: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

35

Les comportements individuels ou collectifs de certains acteurs irrationnels devraient

être à considérer également.

Sous-section III : La position du droit

Il est particulièrement difficile pour un juriste de s’engager dans la régulation des

marchés financiers sans toutefois rester perplexe. Cela est certainement dû à la

complexité des marchés en question, à la dématérialisation des instruments financiers,

au flux d’informations données sur ces marchés, à l’enchevêtrement des opérations, et

surtout à la mondialisation financière. Face à ces difficultés, le juriste se pose

généralement ces questions : pourquoi réguler? Comment réguler? Quand réguler?

Quel est l’objet à réguler ? Et enfin, qui doit réguler, l’État ou le marché?

Une autopsie rapide du fonctionnement des institutions nationales laisse

entrevoir l’ampleur des lacunes en ce qui concerne la règle juridique. L’on observe

alors au quotidien une économie abandonnée à elle même; une économie régie par la

loi de l’offre et de la demande, ce qui n’est pas une règle juridique tant qu’elle ne

s’appuie pas sur un droit de la concurrence. Le droit a tout intérêt à s’associer à

l’économie de marché afin de produire l’ordre112. À travers les règles qu’il met en

place, le droit doit pouvoir rétablir l’équilibre au bénéfice du faible. « C’est en cela que

le droit peut prétendre être à la fois la source d’une régulation juste et sa forme

d’expression.»113 Le droit du marché a quitté la sphère d’une idée, pour n’être, ni plus

ni moins, une réalité dans la conception même de l’efficience des marchés. Par ailleurs,

dans un article114, la professeure Marie-Anne Frison Roche explique qu’« un droit

boursier réussi est un droit pleinement intégré dans le système financier ». Cependant,

112 Voir notamment René SAVATIER qui évoque le droit comme réponse au double mouvement de

technicisation et de socialisation du monde dans son ouvrage, Le creux du Droit positif au rythme des

métamorphoses d’une civilisation, Bruxelles, Éd. Bruylant, 1968, p.521-535. 113 Marie-Anne FRISON ROCHE, « Droit, source et forme de la régulation mondiale », dans Pierre

JACQUET, Jean PISANI FERRY et Laurence TUBIANA, Gouvernance mondiale : Rapport de synthèse,

Conseil d’Analyse économique, Paris, La Documentation française, 2002, p.314. En ligne : <

http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/024000230.pdf >, (consulté le 17

janvier 2016). 114Marie-Anne FRISON ROCHE, « Esquisse d’une sociologie du droit boursier », dans Sociologie du Droit

économique, L’année sociologique, 42 Troisième série 1999, p.457; lire également Marie-Anne FRISON

ROCHE, « Comment fonder juridiquement le pouvoir des autorités de régulation ? », (2000) 60 R.E.F.

85; l’auteure présente l’importance du droit dans l’organisation des pouvoirs des autorités de régulation.

Page 50: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

36

cette intégration pose un défi au droit : celui de faire disparaître la distance qui sépare

la normativité de la loi et la réalité sociale. En effet, le droit deviendrait ainsi un objet

de la concurrence, car en servant les objectifs du marché, il suit la logique de la

concurrence et du monopole; or une place financière attractive se doit d’être dotée de

dispositifs juridiques et fiscaux favorables 115 . Par ailleurs, dans un autre article,

« Définition du droit de la régulation économique », M-A Frison Roche affirme que la

régulation, bien qu’incertain en droit, fournit le socle sur lequel se construisent de

nouveaux corpus unifiés de règles116. Cela va sans dire que le droit est capable de gérer

son rapport de force à l’économie grâce à son appareillage juridique. Pour appuyer ce

raisonnement, Jean Marimbert écrit que « le droit est pour le régulateur toujours un

repère, souvent un levier et parfois une contrainte » et qu’il « répugnera en tout état de

cause à devoir conclure que l’état du droit lui impose une solution contraire à l’exigence

du développement du marché dont il se sent le dépositaire, sinon le garant en vertu de

la loi. »117

La professeure Frison-Roche va plus loin en mettant en avant l’idée selon

laquelle le droit, à travers le contrat, qu’elle assimile à une « petite loi », est le garant

virtuel et permanent de l’effectivité des règles, le moyen de rappeler à l’ordre les parties

qui s’en écarteraient118. En effet, avec la mondialisation des relations marchandes, tout

est lié; il faudrait bien trouver un moyen de régir ces différences d’où l’importance du

contrat. L’exemple de crise contractuelle que nous avons vécue est la crise des

subprimes. Elle a mis en avant non seulement le dysfonctionnement des conditions des

prêts, mais également la dénaturation de la fonction traditionnelle des banques

commerciales, qui était celle d’uniquement prêter et conserver les fonds. À cela s’est

ajoutée la spéculation. De plus, l’on se rend compte de plus en plus que les contrats ne

sont plus lus et de moins en moins bien rédigés. Comme autre exemple, il faut souligner

le problème de l’asymétrie d’informations. Nous aurons l’occasion de nous rendre

compte que dans l’opération de titrisation, les banques ont généralement plus

115 Beinan XUE-BACQUET, « Une régulation complexe dans l’intégration financière », (2000) 46 Rev.

dr. soc. 458. 116 Marie-Anne FRISON-ROCHE, « La régulation objet d’une branche de droit », dans Marie-Anne

FRISON-ROCHE « Droit de la régulation : questions d’actualité », (2002) Les Petites affiches 3. 117 Jean MARIMBERT, « L’office des autorités de régulation », (2002) 110 Les petites affiches 73. 118 M-A FRISON ROCHE, préc. note 113, p.318.

Page 51: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

37

d’informations que ce soit par rapport aux emprunteurs, au véhicule de titrisation ou

aux investisseurs. C’est la raison pour laquelle il faudrait instaurer un modèle de

transparence selon lequel le rôle du droit consisterait

à faire en sorte que tous les investisseurs aient accès sur le même pied à de

l'information complète, véridique et à jour relativement aux émetteurs.

Armés de ces informations, les investisseurs peuvent alors prendre des

décisions d'investissements éclairées au moyen des outils de la finance

moderne, demander des comptes aux émetteurs et détecter les fraudes et les

malversations119.

Outre l’idée du contrat comme moyen de régulation dans un monde où

l’internationalisation des banques est de plus en plus poussée, certains juristes

proposent une plus grande coopération entre les nations en matière de stabilité

financière. Il est bien vrai que chaque pays répond à une écologie règlementaire qui lui

est propre; n’empêche qu’il serait intéressant de trouver une règlementation fédératrice,

car la finance est par essence universelle. C’est dans cette logique que le Comité de

Bâle sur le contrôle bancaire (CBCB)120 a été institué. Suite à la faillite de la banque

allemande Herstatt en 1974121, le Comité Cooke122 a été créé; les acteurs principaux

sont les gouverneurs des banques centrales du « groupe des dix » (France, Belgique,

Canada, Italie, Japon, Luxembourg, Allemagne, Pays-Bas, Suisse, Espagne, Suède,

Royaume-Uni, États-Unis). Le Comité a pour objectif principal l’harmonisation de la

supervision bancaire en établissant et en promouvant des normes mondiales pour la

règlementation et la supervision des banques ainsi que des lignes directrices et des

pratiques saines; en surveillant la mise en œuvre des normes du CBCB dans les pays

membres et au-delà afin d'assurer leur application cohérente et efficace et de contribuer

à des conditions de concurrence équitables entre les banques actives à l'international;

en consultant les banques centrales et les autorités de surveillance bancaire qui ne sont

pas membres du CBCB pour bénéficier de leur contribution au processus de

119 Ejan MACKAAY et Stéphane ROUSSEAU, Analyse économique du droit, 2e éd., Paris/Montréal,

Éditions Dalloz/Thémis, 2008, p.559. 120 Pour plus amples informations, voir la charte du Comité de Bâle sur contrôle bancaire, janvier 2013. 121 Herstatt est une banque allemande dont la faillite a fortement ébranlé le marché des changes.

Généralement une référence à ce cas d’espèce pour désigner le risque d’asymétrie d’informations et le

risque de contrepartie dans le dénouement des opérations interbancaires. 122 Infra, p.250.

Page 52: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

38

formulation des politiques du CBCB; et en coordonnant et coopérant avec d'autres

normalisateurs et organismes internationaux du secteur financier, en particulier ceux

qui participent à la promotion de la stabilité financière123. Comme l’affirme Danièle

Nouy, la Présidente du conseil de supervision à la Banque centrale européenne (BCE)

: « L’essentiel des travaux du Comité de Bâle depuis sa création, il y a une trentaine

d’années, a eu pour objet principal d’assurer un traitement homogène des activités

bancaires transfrontalières. »124 Ce comité, sous l’égide de la Banque des Règlements

Internationaux (BRI), propose donc des recommandations dont les plus importantes

sont les différents accords de Bâle (Bâle 1, 2 et 3). Par ailleurs, nous notons également

la présence effective du Conseil de Stabilité Financière (CSF)125 qui regroupe vingt-

six autorités financières internationales et plusieurs autres organisations internationales

qui élaborent des normes dans le domaine de la supervision. Cependant, les différentes

recommandations et décisions par le CBCB ou le CSF n’ont pas force exécutoire. Nous

ne pouvons alors que faire confiance aux engagements des différents membres qui se

chargeront d’infléchir ce comportement au niveau national. Danièle Nouy fait une

surenchère sur cette idée lorsqu’il dit : « L’enjeu pour les superviseurs européens est

de réussir à l’échelle européenne ce que le Comité de Bâle a réussi au à l'international :

faire émerger de la confrontation des divers systèmes de supervision les “’meilleures

pratiques” » qui s’imposent à tous par consentement mutuel, et adopter une approche

commune des problèmes. »126 Il rajoute plus loin :

(…) La vérification dans chaque pays du respect des exigences

opérationnelles et quantitatives qu’impose l’utilisation d’approches

notations internes suppose qu’une information détaillée soit disponible à

tous les niveaux du groupe bancaire. Les superviseurs doivent s’accorder

préalablement à l’exercice de validation (via des « études de cas » par des

collèges de superviseurs) sur le périmètre d’application des modèles et

s’entendre sur la nature centralisée ou décentralisée du modèle. Un défaut

de communication et une coopération insuffisante entre les autorités du

pays d’origine risquent de générer des incohérences voire une

incompatibilité entre les processus de décision des différents contrôleurs,

qui pourraient aboutir à une duplication des travaux et des demandes auprès

123 COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, Charte, Banque des Règlements Internationaux,

janvier 2013. En ligne :< http://www.bis.org/bcbs/charter_fr.pdf> (consulté le 20 janvier 2016). 124 Danièle NOUY, «La coopération entre superviseurs bancaires nationaux», (2007) 87 R.E.F. 2. 115 FINANCIAL STABILITY BOARD, About The FSB. En ligne : < http://www.financialstabilityboard.org/

about/overview.htm>, (consulté le 30 octobre 2013). 126 D. NOUY préc. note 124, p.5.

Page 53: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

39

de la banque, ce que la communauté européenne des superviseurs vise

précisément à éviter. La réussite de la mise en œuvre de Bâle II suppose

donc un travail conjoint des différentes autorités impliquées dans la

surveillance d’un groupe transnational.

Prenons le cas de la concurrence. Si nous partons du postulat selon lequel

la concurrence participe à l’action du libéralisme, parler d’une régulation de la

concurrence s’apparente plus à vouloir associer deux éléments de nature

différente. L’opposition qui existe entre ces deux notions est pérenne. D’aucuns

pensent que pour une concurrence parfaite, la régulation devrait être limitée,

voire absente; et d’autres pensent le contraire127. Mais ce qu’il faut reconnaître

en fin de compte, c’est que ces deux notions ont une histoire commune : « In this,

the two concepts are different, since competition is the end goal of regulation,

but not opposed, because regulation is intended to disappear when it has fulfilled

its mission (in other words, when competition has reached maturity). »128La

régulation contribue ainsi à l’équilibre du marché.

Enfin, quelques juristes formalistes129 associés aux économistes de l’école de

Chicago militent également pour une régulation exogène de la finance. La théorie qu’ils

soutiennent est donc celle de l’analyse économique du droit. La relation entre le droit

et l’économie a toujours été ambigüe; l’économie étant plus pragmatique, le droit quant

à lui étant plus théorique. C’est cette diachronie qui a poussé Coase à élaborer la théorie

selon laquelle il faut penser économie en édictant des règles de droit.

127 Pour en savoir plus sur cette opposition lire : Yves POIMEUR, « Théorie de la concurrence et

conception de l’État», (2015) 63 Le Courant juridique 20 ; Yves CROISSANT et Patricia VORNETTI, «

État, marché et concurrence : les motifs de l’intervention publique », dans Yves CROISSANT, Patricia

VORNETTI, Daniel DELALANDE et Michel GLAIS, Concurrence et régulation des marchés, Paris, La

Documentation française, Cahiers Français n° 313, 2003, 88 pages; Kenneth ARROW J. et Gerard

DEBREU, « Existence of an Equilibrium for a Competitive Economy », (1954) 22/3 Econometrica 265. 128 Marie-Anne FRISON-ROCHE, «Regulation versus concurrence», (2011) 7 The Journal of Regulation

550. En ligne : <http://mafr.fr/IMG/pdf/regulation_v-_competition.pdf >, (consulté le 3 février 2016). 129 René SAVATIER, Les Métamorphoses économiques et sociales du droit privé d’aujourd’hui, 2e série :

l’universalisme renouvelé des disciplines juridiques, 3e série : approfondissement d’un droit renouvelé,

Paris, Dalloz, 1959; Paul DURAND, « La connaissance des phénomènes juridiques et les tâches de la

doctrine moderne du droit privé » (1956) Dalloz Chr.73; Jean CARBONNIER, Théorie sociologique des

sources du droit, Association corporative des Étudiants en Droit, Paris, Cours 1960-1961, p. 133. En

ligne : < http://cujas-num.univ-paris1.fr/ark:/45829/pdf0606082840 >, (consulté le 16 janvier 2016);

Jean BRETHE DE LA GRESSAYE, « De la connaissance pratique du droit et de ses difficultés », (1952)

Chr. 89 Recueil Dalloz.

Page 54: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

40

C’est grâce à la synthèse faite par Posner dans son ouvrage Economic Analysis

of Law 130que la mise en place de l’économie du droit comme paradigme au sein de

l’école de Chicago prend véritablement forme. Posner reprend ainsi l’idée de Coase à

savoir « qu’il faut étudier les règles de droit comme des modes de coordination

spécifiques lorsque le marché est défaillant (…). À ce titre, les règles de droit ne

fournissent pas simplement des cadres à l’action économique, mais sont d’authentiques

moyens pour résoudre les problèmes de coordination. »131 L’analyse économique du

droit donc est une discipline qui cherche à expliquer les phénomènes juridiques grâce

aux méthodes et concepts de la science économique. Ainsi, il s’agit là de rompre avec

la dogmatique positiviste du droit qui a toujours caractérisé la science juridique.

Dorénavant, bon nombre de matières juridiques se voient influencer par ce nouveau

mouvement : le droit civil, le droit de la concurrence (concentration, liberté de prix),

droit bancaire, etc. Le juge également est emmené à aller plus loin dans son

raisonnement; il ne pourra plus juste se contenter des textes, mais de tous les aspects

pratiques de la chose. Le droit ne fait donc que mimer le marché. Il mime le marché

tout en prenant en compte les aspects institutionnels et juridiques; d’où la citation de

Posner132, le droit ne fait que « mimer le marché ». L’analyse économique du droit

cherche à améliorer les règles déjà existantes, tout en évaluant et en prenant en compte

les incidences économiques. L’un des apports majeurs de l’analyse économique du

droit serait donc assurément de parvenir à contribuer à l’amélioration du travail

législatif.

En outre, l’analyse économique du droit promeut l’intervention du droit dans

l’encadrement de l’économie. Elle propose la formulation de règles destinées à

produire tel ou tel résultat économique par hypothèse voulue et recherchée; elle offre

donc au législateur les moyens d’augmenter son action, voire sa maîtrise sur

l’économie.

Cependant, l’analyse économique du droit travaille sur le droit certes, mais

quelle serait la méthode à adopter pour réguler le système financier par exemple?

130 Richard POSNER, Economic Analysis of Law, 1ère edition, Boston, Little, Brown, 1972. 131 Samuel FEREY, Une histoire de l’analyse économique du droit, calcul rationnel et interprétation du

droit, coll. « Droit et économie », Bruxelles, Bruylant, 2008, p.4. 132 Richard A. POSNER, Economic analysis of law, Boston, Litlle, Brown, 1986, p. 230.

Page 55: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

41

Quand l’on sait qu’il y’aura éventuellement une autre crise financière dans les années

à venir, il serait nécessaire de savoir quel comportement adopter. La vision d’un droit

extérieur telle que préconisée par cette approche a pour seul but l’ajustement de la

teneur des règles juridiques afin de modifier les incitations des acteurs à adopter un

comportement quelconque et de maximiser la richesse de la société; les acteurs

choisiront donc de respecter ou non une règle de droit au terme d’un calcul intégrant

coût d’application et probabilité d’être sanctionné133. Le droit est utilisé ici comme un

moyen au service de l’économie de marché.

Toute la grande question du système de mise en application des règles

juridiques est remise en question. En définitive, l’on retient que la légitimité du droit

repose essentiellement sur l’efficacité de son application et non uniquement sur la

légitimité de ses sources.

Après avoir exposé ces différentes théories, il est temps de choisir celle qui

sous-tendra la thèse.

133 Christian BESSY, Thierry DELPEUCH et Jérôme PELISSE, Droit et régulations des activités

économiques : perspectives sociologiques et institutionnalistes, Vol. n°24, Coll. « Droit et Société »,

Paris, L.G.D.J., 2011.

Page 56: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

42

Section III : Le choix du cadre théorique qui sous-tend la présente

thèse

Dans l’optique de la validation de notre hypothèse de recherche, nous allons

opter pour la théorie de l’encadrement règlementaire prônée par les théoriciens de

l’interventionnisme étatique et par certains juristes. En effet, pour nous, il est difficile

d’accepter la mythologie de la science économique, celle d’affirmer notamment que le

marché a tendance à s’autoréguler. L’économie de marché n'a jamais signifié un espace

de non-droit. « De nombreux responsables ont assimilé libéralisme à « laissez-faire »

plutôt qu’à son vrai sens, « responsabilisation », c’est-à-dire la mise en place

d’institutions et d’incitations appropriées pour faire coïncider les intérêts privés avec

l’intérêt général. »134 Cette économie de marché est « née du droit et demeure encadrée

par ses instruments et exigences. »135 La tendance actuelle est pour ainsi dire à la

« mondialisation du droit. »136 Les règles juridiques sont donc omniprésentes dans la

sphère économique (comme dans toutes les autres sphères sociales d’ailleurs) et

doivent sans cesse s’adapter aux réalités économiques. Un effort de règlementation a

déjà été fait concernant l’opération de titrisation; mais notre souci à travers cette thèse

est de pousser la réflexion un peu plus loin afin de fournir une règlementation plus ou

moins complète qui engloberait la vaste étendue des risques financiers qui entourent

cette opération financière. Cependant, les auteurs qui défendent la régulation par les

normes juridiques établies par l’État n’ont pas vraiment décortiqué la question de

l’adaptation de ces règles à la sphère financière137. Une règlementation complète est

celle qui épousera au mieux les objectifs du sujet à règlementer, à savoir, la finance.

En effet, il existe un problème d’ajustement qui vient de la non-coïncidence entre les

territoires de la normativité juridique et les marchés économiques dont nous voudrions

134 Jean TIROLE. « Leçons d’une crise », (2008) 1 TSE Note 7. 135 Marie-Anne FRISON ROCHE, « Définition du droit de la régulation économique », dans Marie-Anne

FRISON ROCHE (Dir.), Les régulations économiques : légitimité et efficacité, Paris, Presses de Sciences

Po et Dalloz, 2004, P. 9. 136 Charles-Albert MORAND (Dir.), Le droit saisi par la mondialisation, vol. 46, Bruxelles, Bruylant,

2001 137 Lire André-Jean ARNAUD, « De la régulation par le droit à l’heure de la globalisation. Quelques

observations critiques » (1997) 35 Droit et société 11.

Page 57: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

43

réguler le fonctionnement; cette explosion de territoire n’est associée à autre chose

qu’au phénomène très préoccupant de la mondialisation 138 . C’est cette faille sur

l’ajustement des règles de droit au marché économique que nous allons utiliser pour

développer notre thèse de recherche.

En outre, « qui prétend observer les ressorts de l’activité humaine doit

nécessairement réintégrer la discipline juridique dans les sciences sociales, en la faisant

ainsi sortir du splendide isolement dans lequel les traditions académiques continentales

l’ont placée de longue date et que les raffinements des théories systémiques contribuent

à entretenir. » Sur ces propos introductifs, les professeurs Thierry Kirat et Évelyne

Serverin, dans l’ouvrage le droit dans l’action économique 139 , proposent une

perspective pluridisciplinaire centrée sur l’usage social du droit et ses enjeux

économiques. Telle est également notre approche. Le droit devrait être capable de

s’adapter aux transformations de l’économie140. Envisager cette perspective revient à

élaborer un discours renouvelé entre juristes et économistes141.

Si nous revenons un moment sur l’hypothèse d’un vide juridique, nous

constatons que dans notre travail de recherche, il ne peut pas s’agir d’un vide juridique.

Cette notion, complexe, laisserait notre analyse dubitative si elle n’est pas clarifiée. En

effet, comme le dit Anne-Marie Ho Dinh (2007), le vide juridique n’existe pas, car il

n’est pas une situation que le juriste « ne puisse pas situer juridiquement hors ou dans

le champ d’une disposition légale et règlementaire, ou d’un principe général dégagé

par la jurisprudence. Si un fait n’est pas sanctionné, il est juridiquement permis et s’il

n’est pas saisi par une législation particulière, on lui applique le droit commun. »142

Au contraire, nous parlerions plutôt dans notre cas de lacune de la loi parce

qu’il se situe sur le plan de l’opinion sur l’opportunité du droit. En effet, la règle existe,

138 M-A FRISON ROCHE, préc. note 135. 139 Thierry KIRAT et Évelyne SERVERIN (dir.), Le Droit dans l'action économique, Paris, CNRS Éditions,

2000, p.4. 140 Lire Yves CHAPUT, Le droit au défi de l’économie, coll. « Droit économique », Paris, Publications de

la Sorbonne, 2002. 141 Lire dans ce sens les articles suivants : Ejan MACKAAY, « Le juriste a-t-il le droit d’ignorer

l’économie ? » (1987) Revue jurassienne de Jurisprudence 419 ; Antoine JEAMMAUD, « Les règles

juridiques et l'action » (1993) Dalloz chr.207 ; Georges VEDEL, « Le droit économique existe-t-il? »,

dans Mélanges offerts à Pierre Vigreux, Toulouse, I.P.A/I.A. E, 1981, p.776. 142 Anne-Marie HO DINH, « Le “vide juridique” et le “’besoin de loi”. Pour un recours à l’hypothèse de

non-droit », (2007) 57 L’Année sociologique 424.

Page 58: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

44

mais n’apporte pas de solution acceptable par rapport à une certaine idée de justice ou

d’intérêt social.

Cependant, il existe également un espace sans solution que Jean Carbonnier a

nommé non-droit. Pour lui, le non-droit est un phénomène sociologique observable. En

effet, il existe des situations où le droit se retire alors qu’il aurait vocation à être présent

conformément à sa finalité dogmatique. Toutefois, l’auteur précise que ce non droit ne

devrait pas être opposé au droit : « il y a à côté du droit, le non-droit.»143 Cette notion

signifie de l’extériorité par rapport au droit et non l’exclusion de celui-ci. La titrisation

bancaire révèle une situation où le droit et le non-droit sont observables. En effet,

l’acteur financier va contourner le droit en créant du non-droit à l’intérieur d’une

situation de droit. Pour Jean Carbonnier, le droit devient facultatif dans cette situation;

l’acteur financier peut choisir de vivre celle-ci juridiquement ou non. Vu sous cet angle,

nous sommes en totale opposition avec l’hypothèse du non droit, car il expose la

régulation des comportements sociaux à l’arbitraire; une société ne peut se concevoir

sans droit, car il permet de lutter contre les inégalités sociales.

Cependant, nous aimerions rajouter à l’efficience de la science juridique, le

facteur sociologie afin de renforcer au mieux la régulation de l’économie.

La méthode dominante de la science juridique, la dogmatique juridique,

consiste à étudier, sur un plan théorique ou doctrinal, le droit de l’intérieur; c’est

davantage la règle que l’usage qui en est fait dans les pratiques sociales144. Elle véhicule

une autonomie du discours sur le droit par rapport aux autres sciences sociales, peu

propice à l’émergence de questionnements sur les effets économiques ou sociaux du

droit, que pourrait adresser la sociologie du droit. L’on se rend donc compte que la

pensée des juristes positivistes est dominée par un discours purement normatif et par

un monisme juridique qui ne reconnaît comme seul droit que celui qui est relié à

l’État145 . En effet, la plupart des juristes privatistes demeurent contraints par une

conception du droit au sein de laquelle prime toujours l’étude des textes; « ils paraissent

tenir pour suspect tout ce qui, à titre ou à un autre, pourrait pervertir le droit en

143 Jean CARBONNIER., Flexible droit, Textes pour une sociologie du droit sans rigueur, 10e éd., Paris,

LGDJ, 2001, p.25. 144 T. KIRAT et É. SERVERIN, préc. note 139, p.44. 145 Guy ROCHER, Études de sociologie du droit et de l’éthique, Montréal, Éditions Thémis, 1996, p.126.

Page 59: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

45

transformant les grands acquis qui le structurent en instruments de politique

économique. »146 Or, comme nous l’avons précédemment analysé, l’État, au nom de

l’autorégulation, était marginalisé et absent de la sphère financière. Avec la crise des

subprimes, nous avons redécouvert un État plus présent, interventionniste et avant-

gardiste avec des projets de loi qui vont dans le sens de l’encadrement des marchés et

des produits financiers.

Cependant, il ne faudrait pas que l’État intervienne uniquement pour établir des

règles strictes à travers son appareil législatif, car comme nous l’avons dit plus haut, le

droit positif a montré ses limites. Ainsi, dans la recherche de l’efficacité des règles, il

serait pertinent de s’inscrire dans la logique d’un État post-moderne, c’est-à-dire passer

à un État où l’on parle non plus de droit imposé, mais de droit négocié147. « Pour

conduire une politique, pour encourager des comportements, l’État a à sa disposition

bien d’autres outils que l’édiction d’une règle nouvelle (…) »148 Cela pose donc le

problème de l’adéquation et de l’efficacité de ses missions face aux attentes sociales,

surtout que l’on sait qu’il est le garant de l’intérêt général. Si nous prônons le droit,

nous déplorons cependant le caractère exigu des normes qui en découlent.

Le droit doit arrêter de résister aux pressions des réalités sociales et ainsi sortir

de la pureté de son processus autopoïétique dans laquelle les juristes positivistes-

normativistes l’ont enfermé. Le droit devrait considérer la pluralité des contextes

normatifs de la régulation sociale149. La vie du droit ne procède plus ainsi de la logique,

mais de l’expérience150; il faut donc confronter les règles à la logique de l’action. Nous

sommes convaincues que c’est uniquement de cette manière que nous retrouverons

l’éthique que nous avons perdue dans la finance. Dans ce sens, le juriste sociologue

G.Teubner dans son ouvrage, Droit et réflexivité151, est l’un de ses juristes positivistes

146 Thierry KIRAT et Laurent VIDAL, « Le droit et l’économie : Étude critique des relations entre deux

disciplines et ébauches de perspectives renouvelées », Annales de l'Institut André Tunc, Université de

Paris I, 2005, p.15. 147 Lire Jacques CHEVALLIER, L’État post-moderne, 2e Édition, Paris, LGDJ, 2004. 148 Pierre ALBERTINI, « Les Échelles de l’État : permanences et changements », dans L’État

interventionniste : le rôle de la puissance publique dans l’économie, Actes de colloque organisé par le

GREDFIC, l’Harmattan, 2010, p.182. 149 André-Jean ARNAUD « Le droit trahi par la sociologie. Une pratique de l’histoire », coll. « Droit et

sociétés.» (1998) 42 Recherches et travaux 521. 150 Oliver WENDELL HOLMES, The Common Law, 1881 (édité par Mark DeWolfe Howe, Back Bay

Books, 1963). 151 Günther TEUBNER, Droit et réflexivité, Bruxelles-Paris, E., Stroy-Scientia, L.G.D.J, 1994.

Page 60: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

46

qui s’interrogent sur le processus par lequel le droit retraduit dans ses propres

catégories une réalité sociale. Il encourage, non pas l’externalisation du droit, mais

plutôt son internalisation afin de coloniser le monde. Or, pour le faire, le droit devrait

considérer la pluralité des contextes normatifs de la régulation sociale152. Ainsi, selon

la doctrine de l’analyse économique du droit (normative law and economics), une

norme est souhaitable, et donc juste, si elle contribue à augmenter le bien-être social.

Dans cette hypothèse, le caractère souhaitable d’une norme repose sur l’existence, dans

toute société, d’un système de taxation des revenus et de transferts aptes à corriger les

éventuels effets distributifs non souhaitables (c’est-à-dire injustes) d’une norme

juridique efficace153.

En outre, l’éthique doit faire partie intégrante des initiatives de régulation des

marchés. Elle permet de dépasser la dimension des règles, et de prendre en

considération ceux qui produisent ces règles et ceux qui les mettent en pratique.

L’éthique pourrait donc être associée au droit et à la finance. En effet, l’incitation d’une

banque à contourner ou à enfreindre une règle donnée augmente avec le fardeau que la

mise en conformité totale menace d’imposer à ses efforts pour créer de la valeur et

gérer les risques. Les règles viennent donc réviser les incitations des banques en

récompensant la conformité, en punissant les fraudeurs, en recherchant et en

supprimant les échappatoires que les régulés pourraient utiliser pour contourner les

règles. De plus, selon l’économiste Edward J. Kane154 la théorie économique suppose

que, sous réserve de contraintes externes, les individus s’engagent dans des innovations

et choisissent une série de comportements qui nourrissent des objectifs personnels.

Pour limiter ces choix, les règles doivent être flexibles155 et sauvegardées par une

supervision. C’est à ce niveau qu’intervient l’éthique. Les parties réglementées doivent

donc être surveillées lorsque (et dans la mesure où) leurs objectifs les incitent à se

prendre en charge en désobéissant à l'esprit ou à la lettre de règles particulières.

Dans le cadre de cette thèse, le droit fait face à l’économie. Le droit est à la base

152 A-J ARNAUD, préc., note 147. 153 Guido SMORTO, « Justice contractuelle » (2008) Revue internationale de droit comparé 4 154 Edward J. KANE, « Regulation and Supervision: an ethical review», NBER working paper 13895,

2008. En ligne : https://www.nber.org/papers/w13895.pdf (site consulté le 20 mars 2019). 155 Christie FORD, «Financial Innovation and Flexible Regulation: Destabilizing the Regulatory State"

(2014) 18 NC Banking Inst J 27.

Page 61: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

47

de toutes les transactions; il permet de penser l’économie. C’est un droit qui doit savoir

allier libéralisme et normativité. Ce droit néolibéral va donc permettre de réorganiser

la société. Pour cela, les règles juridiques doivent faire l’objet d’un contrôle périodique

afin d’évaluer l’atteinte de leur objectif. De plus, ces règles doivent viser

l’optimisation. En d’autres termes, pour être utiles, les règles d’encadrement de la

finance devront participer au développement et à l’efficience des marchés, ainsi qu’à

la maximisation des richesses. La professeure Katharina Pistor156 par exemple pense

que la finance ne peut se construire en dehors de la sphère du droit. Pour cela elle

propose un nouvel ordre juridique où la norme de droit serait élastique, élasticité qui

ne doit pas uniquement s’appliquer au sommet de la chaîne lors de sa conception, mais

qui doit également considérer la périphérie (propriétaires immobiliers et

intermédiaires). Dans ce nouvel ordre, la norme ne doit pas être neutre, mais au

contraire elle doit clairement afficher des objectifs ou le formalisme juridique doit être

abandonné pour privilégier une responsabilité individuelle et où l’utilitarisme de la

norme doit être procrit au bénéfice de l’intérêt général157.

Par ailleurs, pour l’expression du droit néolibéral, les règles de droit doivent

être prévisibles, claires et sans ambiguïté afin de permettre aux acteurs de prévoir des

réponses aux cas auxquels ils sont confrontés. Aussi, le contrat, qui exprime

généralement la volonté des parties, doit avoir une place prépondérante dans la

régulation des rapports des différents intervenants.

Il y a tout de même un autre point qu’il ne faudrait pas négliger. Dans une société

à transformation accélérée, le système juridique est souvent confronté à une situation

qui biaise son action. Si le droit change trop rapidement, les normes juridiques perdent

de leur crédibilité et n’assurent plus leur fonction de stabilisation. Il doit donc soit

s’adapter en temps réel au risque de perdre sa crédibilité, soit se stabiliser au risque de

perdre le contact avec l’environnement mouvant. C’est à ce niveau que l’analyse des

juristes sociologues constituerait un plus, car le droit n’est pas une matière qui se décrit

dans l’abstrait; les règles de droit doivent prendre en considération la dimension

156 Katharina PISTOR, « A Legal Theory of Finance», (2013) 41/2 Journal of Comparative Economics

315 157 Lire Bruno DEFFAINS et Éric LANGLAIS, L’analyse économique du droit. Principes, Méthodes,

Résultats, Coll. «Ouvertures économiques», Bruxelles, De Boeck, 2009, p.29.

Page 62: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

48

ontologique et sociologique.

La sociologie, contrairement au droit positif, échappe à toute idéologie moniste

pour embrasser le phénomène juridique dans sa totalité. La notion qui peut mieux servir

la sociologie juridique dans cette situation est la notion d’ordre juridique. Pour Max

Weber, « L'ordre économique et l'ordre juridique sont en rapport l'un avec l'autre de la

manière la plus intime, à condition que le second soit envisagé non dans son sens

juridique, mais dans son sens sociologique, c'est-à-dire dans son application réelle. Le

sens de l'expression “ordre juridique” change alors complètement. Elle ne signifie plus

un cosmos de normes dont la logique peut établir la “justesse”, mais un complexe de

motifs agissant sur l'activité réelle de l'homme.»158 L’auteur se place du côté de l’action

humaine, plus précisément à côté des acteurs sociaux. Il présente ainsi la

pluridisciplinarité comme la constitution d’un espace commun de recherche159.

Nous retenons que la sociologie du droit de Weber est une sociologie de l’action.

Dans le cadre de notre recherche, la pensée wébérienne va nous permettre d’expliquer

le phénomène de titrisation non pas sous l’angle de la conscience juridique, mais sous

celui du sociologue. La titrisation va nous apparaître donc comme un phénomène, non

plus purement social, mais comme un phénomène légal. Le professeur Anthony T.

Kronman l’explique d’ailleurs si bien dans son ouvrage, Max Weber, quand il dit :

« Dans ses investigations, le sociologue du droit met un accent particulier sur les

facteurs juridiques et cherche à expliquer les autres aspects de la vie culturelle et sociale

de ce point de vue. Ainsi, même si les normes en question apparaissent relativement

peu importantes au point de vue de l’acteur lui-même (…), le comportement de l’acteur

constitue un phénomène légal si le sociologue choisit de le traiter en tant que tél.160».

Nous remarquons que les institutionnalistes rejoignent également le point de vue

des sociologues. En effet, les institutionnalistes pensent qu’il est impossible de

158 Max WEBER, Économie et société, traduction française de Julien FREUND et al. sous la direction de

Jacques CHAVY et Éric de DAMPIERRE, Paris, Plon, 1971, p.322. 159Pour plus de détails, lire J-G BELLEY, « L’État et la régulation juridique des sociétés globales : pour

une problématique du pluralisme juridique », (1986) 1 Sociologie et Société 18. 160 Anthony T. KRONMAN, Max WEBER, Stanford University Press, 1983, p.33.

Page 63: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

49

dissocier la dimension juridique d’une activité économique de sa dimension

économique; elles sont encastrées l’une dans l’autre161.

Il n’est pas de modes de régulation omniscients. Chaque mode (économie de

marché et l’encadrement étatique) pris séparément est faillible. Il serait donc plus

approprié d’articuler ces deux modes régulation en les adaptant à chaque acteur, à

chaque situation et à chaque environnement. L’éthique serait l’outil approprié pour

parvenir à prendre en compte la réalité qui entoure les marchés. À la fin, nous

obtiendrons comme résultat une régulation qui va infléchir la prise de risques et qui

serait beaucoup moins rigide afin de permettre l’évolution des marchés financiers.

La présentation et la précision de notre cadre théorique sont significatives dans le

sens où, étant fixé sur ce que l’on attend de la régulation financière, il sera plus aisé

pour nous de prévoir de manière prospective ce qui a lieu de faire en ce qui concerne

l’opération de titrisation et ses différents risques, objet principal de cette thèse. Mais

avant, analysons le rôle joué par la régulation dans l’encadrement des marchés

financiers.

161 Lire Christian BESSY, Thierry DELPEUCH et Jérôme PELISSE, Droit et régulations des activités

économiques : perspectives sociologiques et institutionnalistes, Coll. « Droit et Société », Paris,

L.G.D.J., 2011.

Page 64: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

50

CHAPITRE II : LE RÔLE DE LA RÉGULATION DANS L’ENCADREMENT DES MARCHÉS

FINANCIERS

Dans le chapitre introductif de cette première partie, nous avons abordé la

question de la régulation financière et les différentes théories qui gravitent autour

d’elle. Dans ce présent chapitre, nous analysons les différents procédés de régulation

nés après les différentes crises de l’histoire de la finance. En d’autres termes, quelles

sont les leçons à tirer des régulations appliquées après les crises financières? Pour les

crises que nous allons préalablement identifier, nous allons analyser le déclenchement

de ces crises, la gestion de celles-ci et les failles observées au niveau de la régulation

(section II et III). Mais avant, nous ferons un point sur la notion de crises financières

(section I).

Page 65: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

51

Section I : La notion de crises financières

Le mot crise peut avoir plusieurs sens selon les domaines d’études. Dans la

science économique, il est généralement employé pour désigner « des durées brèves

pendant lesquelles la santé de l’économie est en bascule, de ces journées décisives qui

vont faire qu’une longue période de déclin commence, ou bien que le redressement

durable s’amorce. »162 Très souvent, les crises financières sont étroitement liées aux

structures économiques et sociales dans lesquelles elles prennent naissance163. Elles

fonctionnent de manière cyclique : une fois qu’une crise est passée, une autre se

prépare. Cependant, ces crises se suivent certes, mais ne se ressemblent pas. Chacune

d’elles survient avec sa spécificité. Voilà certainement pourquoi l’économiste Joseph

Galbraith a mentionné qu’il faudrait se référer aux leçons que l’histoire nous

enseigne164, ce qui n’est pas toujours le cas des acteurs financiers, assoiffés par la

recherche du gain facile. Tout se passe comme si une fois les crises passées, elles s’en

vont avec leur lot de soucis. Il n’en est rien. Les autorités régulatrices et les acteurs

financiers souffrent de myopie chaque fois qu’une crise s’annonce; ils feignent de ne

jamais percevoir les signaux d’alarme.

Si nous suivons la logique de l’économiste Kindleberger (1996)165, les crises sont

cohérentes, car elles se produisent toutes par l'enchaînement de cinq phases.

- La phase de l’essor : à ce niveau, les données sur le crédit et l’investissement

reflètent la réalité.

- La phase d’euphorie : à cette étape, il y a déconnexion avec la réalité. Les prises

de risque deviennent excessives, et le surendettement des consommateurs

abusif.

- La phase du pic : à ce niveau, la bulle est formée. C’est le moment de se rendre

compte des failles du système.

- La phase du manque de liquidités : Cela entraîne généralement l’éclatement de

la bulle.

162 Jacques PAVOINE, Les trois crises du 20e siècle, Paris, Éd. Ellipses, 1994, p.8. 163 Isabelle WAQUET, Crises et politiques économiques, Paris, PUF, 1998, p.2. 164 Lire J.K. GALBRAITH, préc. note 38. 165 Charles P. KINDLEBERGER, Manias, Panics, And Crashes: An History Of Financial Crisis, 3e éd.,

New-York, Wiley, 1996.

Page 66: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

52

- La phase des conséquences : Nous dénombrons des faillites, l’intervention

étatique et la restauration des bilans.

Par ailleurs, les crises financières, comme nous l’avons dit plus haut, sont

spécifiques les unes après les autres. Elles mettent en évidence le risque ou les risques

qui ont été mal gérés. Ainsi nous aurons par exemple :

- Les crises bancaires qui mettent en avant le risque de crédit, le risque de

liquidité, le risque opérationnel et le risque systémique;

- Les crises de change et les crises monétaires mettent généralement en avant le

risque du taux de change récurrent depuis l’effondrement des accords de Bretton

Woods166, le risque du taux d’intérêt et le risque systémique;

- Les crises boursières mettent en évidence le risque du taux d’intérêt, le risque

de marché, le risque de contrepartie et le risque systémique.

Ainsi, bien qu’il y ait une pléthore d’exemple de crises que nous pouvons

analyser, dans cette section, l’on s’est proposé de revenir uniquement sur les principales

crises qui ont ébranlé le monde avant 2008. Nous étudierons donc exclusivement le

krach boursier de 1929, le lundi noir, les différentes crises asiatiques et celles de

l’Amérique latine. Ce choix se justifie par le fait que ces crises et celle de 2007 ont des

points communs à savoir : la libéralisation financière, la désintermédiation financière,

les ruées au guichet, la transformation d’une crise bancaire en une crise boursière et le

problème de solvabilité des banques traduit par la méfiance sur les marchés. Aussi,

l’analyse de ces crises nous permettra de mieux comprendre la raison pour laquelle les

effets de la crise de 2008 ont été difficiles à juguler. Toutefois, bien avant la grande

crise de 1929, l’on notait déjà plusieurs crises dans l’industrie financière à savoir, la

166 Signés le 22 juillet 1944 à Bretton Woods (États-Unis), les Accords de Bretton woods ont pour

principal objectif de mettre en place une organisation monétaire mondiale et de favoriser la

reconstruction et le développement économique des pays touchés par la guerre. La rupture de ces

Accords (de facto en 1968, de jure en 1976) va entraîner un mouvement de désintermédiation et de

décloisonnement des établissements financiers. Nous assistons à l’instabilité des taux de change et des

taux d’intérêt. Face à ce nouveau contexte, les établissements bancaires vont réagir. La première parade

sera de réclamer la diversification de leurs activités. Suite à cela, le système bancaire mondiale sera

décloisonné et dérèglementé. Par exemple au Canada, les banques pourront maintenant faire du courtage,

de la fiducie et de l’assurance. De simples banques, elles vont se transformer en groupes financiers. Lire

à ce sujet Barry EICHENGREEN et Peter B.KEREN, « L’organisation de l’économie internationale depuis

Bretton Woods un panorama» (1994) 59 Économie Internationale 11.

Page 67: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

53

crise de la tulipe167. Cette dernière s’est étendue en Hollande de 1634 à 1637. En effet,

les tulipes étaient produites dans la méditerranée et introduites en Europe par l’ouest

du continent. Elles représentent à l’époque un signe de puissance pour les monarques.

Mais l’euphorie aidant, les bulbes ont fait l’objet d’une surproduction donnant ainsi

l’occasion aux investisseurs financiers de pouvoir spéculer sur le prix de celles-ci : en

1637, les prix grimpaient monstrueusement. Seulement, étant donné que tout bien

transigé sur le marché actif peut être emporté par une vague d’optimisme exagéré, la

bulle éclata entraînant avec elle, la chute libre des prix des bulbes.

L’année 1907 a été également marquée par une crise financière. Elle a été

surnommée de panique bancaire. Cette crise168 est née aux États-Unis pour ensuite se

propager au Canada et en Angleterre. Elle débuta par l’incapacité des banques à fournir

de la liquidité à leurs déposants, limitant ainsi leur offre de crédit. Ensuite, les ruées

aux guichets se sont accentuées, car les déposants étaient inquiets. Ce qui a eu pour

conséquence d’assécher encore plus les caisses des banques. Faute de pouvoir se

refinancer, beaucoup de banques ont fait faillite et le pays tout entier est tombé en

récession. Le besoin d’une régulation s’est fait ressentir après cette crise, d’où la

création en 1913 de la Federal Reserve Bank (la Banque centrale américaine) et la

notion de prêteur en dernier ressort.

Pour ce qui est des crises que nous avons choisi d’analyser, il s’agira

essentiellement d’une description et d’une narration chronologique des différentes

étapes que l’industrie financière a traversées jusqu’ici et de la stratégie de régulation

adoptée pour rétablir l’ordre sur les marchés.

Avant de commencer notre description, mettons-nous d’accord sur l’idée reçue

selon laquelle la finance se construit au fil du temps; à la fin du chapitre, nous ferons

donc le bilan pour savoir si évolution il y a réellement eu dans la gestion des risques

financiers ou alors si, après chaque crise, l’on revient toujours à la case départ. Nous

167 François DUPUIS et Philippe ARNAU, « Dossier spécial sur les crises financières, l’euphorie

financière : l’histoire se répètera-t-elle? » (2000) Études économiques, Communiqué Hebdomadaire 10.

En ligne: < https://www.desjardins.com/ressources/pdf/crise01-f.pdf?resVer=1385155688000> (20

août 2016). Lire également Jacques GRAVEREAU et Jacques TRAUMAN, Crises financières, Paris,

Economica, 2001. 168 Julien MENDEZ et Christian TUTIN, « De la crise bancaire à la régulation : l'expérience américaine

de 1907 » (2010) 4/48 L'Économie politique 42.

Page 68: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

54

emboîtons donc le pas à l’économiste américain Paulson Samuelson dans l’étude de

l’histoire de la finance: « Well, I'd say, and this is probably a change from what I would

have said when I was younger: Have a very healthy respect for the study of economic

history (…) ».169

Aussi, d’après les professeurs Calomiris et Gorton170, les crises du 20e siècle

ont apporté aux États-Unis, des changements significatifs sur la régulation bancaire au

niveau national. Nous aurons alors l’occasion de voir si ces changements étaient tels

que les acteurs financiers ont pu renoncer à la dérégulation financière.

Afin de mieux percevoir l’importance de l’analyse de ces crises et de démontrer

que celles-ci sont assez communes, les unes après les autres, nous insisterons sur leur

enchevêtrement.

169 Paul SAMUELSON, « An Interview With Paul Samuelson, Part Two», The Atlantic, 18 juin 2009. En

ligne :<http://www.theatlantic.com/politics/archive/2009/06/an-interview-with-paul-samuelson-part-

two/19627/>, (consulté le 22 janvier 2016). 170 Charles W. CALOMIRIS, et Gary GORTON, « The Origins of Banking Panics: Models, Facts, and Bank

Regulation», dans NATIONAL BUREAU OF ECONOMIC RESEARCH, Financial Markets and Financial

Crises, Chicago, éd. R. Glenn Hubbard, 1991, p.117.

Page 69: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

55

Section II : Les crises boursières

Les crises boursières sont généralement la conséquence de changement des

indices boursiers. En effet, lorsque durant la variation des cours, le seuil de base est

dépassé, l’on remarque une baisse de valeurs des actions signalant ainsi un

resserrement éventuel du marché boursier.

Tout au long de l’histoire de la finance, nous dénombrons plusieurs crises

boursières, des petites et des grandes. Nous étudierons spécifiquement les plus

connues; il s’agit, entre autres, du krach boursier de 1929, du lundi noir de 1987, des

deux chocs pétroliers et des crises en Asie.

Sous-section I : La grande dépression des années 1929

Toujours surnommée la « grande crise », la crise de 1929 restera gravée dans la

conscience des acteurs financiers mondiaux. Ses effets furent

catastrophiques (déflation, chômage et resserrement économique), essaimant avec elle

des problèmes psychologiques, socioculturels et politiques. Ayant pris son envol aux

États-Unis à un moment où la révolution industrielle battait son plein, cette crise due

principalement à l’effondrement brusque des cours boursiers s’est peu à peu étendue

dans tout le continent pour s’attaquer progressivement à l’Asie et à l’Europe.

L’importance de cette crise réside dans le fait qu’elle ait permis d’exposer au grand

jour les réalités du système capitaliste. Par ailleurs, cette crise est aussi importante

parce que toutes les crises qui se sont produites jusqu’ici contiennent en elles le spectre

de cette dernière171. Que s’est il donc réellement passé en 1929?

A. Le déclenchement de la crise

Après la Première Guerre mondiale, les États-Unis d’Amérique ont connu une

période de vache grasse pendant laquelle, grâce à la révolution industrielle, le pays a

accru sa production. En effet, cette production industrielle avait essentiellement crû

pour répondre au besoin de reconstruction d’une Europe ruinée après la guerre. À partir

de 1922, les États-Unis deviennent alors très actifs dans les échanges commerciaux

avec l’étranger. L’économie est stable. Plus tard, l’Europe reconstruite n’a plus besoin

171 Bernard GAZIER, La crise de 1929, coll. «Que sais-je? », Paris, PUF, 2009, p.6.

Page 70: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

56

de production extérieure. Il y a donc surproduction industrielle aux États-Unis. De plus,

le pouvoir d’achat des consommateurs à l’intérieur du pays est insuffisant pour

absorber cette production excédentaire. Les mesures protectionnistes172 adoptées par

les républicains aux États-Unis à cette période ne permettent pas d’exporter cette

production et elles empêchent les marchés extérieurs d’absorber cette production

toujours plus grande. Cette surproduction et le déséquilibre entre la production et la

consommation vont encourager la spéculation boursière. Ainsi, les profits de

l’investissement productif seront négociés en Bourse afin de donner une marge de

manœuvre aux entreprises. C’est la naissance de la bulle spéculative.

C’est un jeudi, 24 octobre 1929, que la nouvelle est tombée. Ce jeudi,

surnommé de noir, est juste la somme d’une période d’emballement de la finance. En

effet, juste après la Première Guerre mondiale, les États-Unis ont connu des années

folles. Peu avant la crise, vers 1920, le pays a été le terreau des fraudeurs tels que Carlos

Ponzi ou Ivar Kreuger qui ont profité de l’euphorie de l’après-guerre pour mettre en

place des innovations financières plus osées les unes après les autres.

Par ailleurs, durant cette même période faste, la spéculation boursière battait

son plein avec la montée du taux de production industrielle. L’économie américaine

est, pour ainsi dire, stable et prospère; « de 1922 à 1929, le PNB croît à une hauteur

annuelle de 4,7 % et le chômage est en moyenne de 3,7 %. »173

Ces nouvelles entreprises industrielles dans une recherche effrénée de

financement vont faire face à un gros obstacle : les banques commerciales. À l’époque,

les banques commerciales ne pouvaient qu’effectuer les activités traditionnelles d’une

banque à savoir : recevoir les fonds, octroyer des crédits à court et à moyen terme. En

gros, elles effectuaient les fonctions de simples intermédiaires. Afin de contourner cet

obstacle, les entreprises ont pris la voie de l’autofinancement en émettant des actions

et des obligations pour financer leurs investissements. Les banques commerciales

défièrent la règlementation en créant des filiales d’investissement afin de pouvoir

172 Voir la Loi Merchant Marine (Jones Act) de 1920, P.L. 66-26; la Loi Emergency Tariff de 1921,

Pub.L. 67-10; la Loi Fordney-McCumber Tariff de 1922, 19 USC § 127; et la Loi Hawley-Smoot (Smoot-

Hawley Tariff Act) Pub.L- 71-361 qui, promulguée aux États-Unis le 17 juin 1930, a été plus sévère en

augmentant les droits de douane à l'importation sur plusieurs biens. 173 Gérard Marie HENRY, La crise de 1929, coll. « cursus économie », Paris, Armand Colin, 2000, p.58.

Page 71: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

57

négocier les actions sur le marché des obligataires. Ces filiales contrôlées à cent pour

cent par les banques permirent ainsi de satisfaire les entreprises; ainsi, la séparation

entre les banques commerciales et les banques d’investissements n’existait presque

plus. Le cumul des activités de spéculation174 d’avec les activités traditionnelles d’une

banque fut en quelque sorte le déclenchement du compte à rebours de la crise. À la fin

de 1926, près de 160 établissements identifiés comme sociétés d’investissements sont

créés. Une concurrence bancaire est née et celle-ci encourage l’émission des actions

sans vérification du statut de l’émetteur. En effet, avec la disparition de la fonction

d’intermédiation essentielle à une bonne allocation des richesses, nous notons une

réelle asymétrie d’informations entre les différents acteurs financiers.

Une autre innovation, les buildings & Loan associations (caisses d’épargne dans

l’immobilier) s’imposent dans le financement du crédit immobilier.

Le jeudi noir du 24 octobre 1929 va ainsi mettre fin à toute cette agitation

d’après-guerre. La chute des valeurs du Dow Jones sera donc considérée comme le

signal d’alarme. Par la suite, le pays fera face à une déflation due à la politique

monétaire chancelante de la Réserve fédérale. En plus, le taux de chômage se verra

élever.

En plus du krach boursier, nous notons également plusieurs petites crises

financières et faillites bancaires entre 1930 et 1933. Cette succession de frasques

s’explique par le phénomène « dominos ». L’effet « dominos » a orchestré la chute de

plusieurs banques du seul fait de la chute d’autres banques débitrices. Nous notons

également comme autres éléments initiateurs les ruées au guichet qui ont causé une

crise de liquidités et le surendettement des emprunteurs175.

B. La gestion de la crise

Le 1er novembre, la Banque centrale américaine va amorcer un mouvement de

baisse du taux d’intérêt qui va durer jusqu’en juin 1930 (6 à 2,5 %). Elle va également

174 La vente à découvert (short selling) était déjà une pratique courante à cette époque. La vente à

découvert est une technique spéculative qui consiste à vendre un actif que l’on ne possède pas encore,

dans l’optique d’une baisse du cours permettant de racheter l’actif plus tard à un prix plus bas. 175 Pierre-Cyrille HAUTCŒUR, « La crise de 1929 et ses enseignements », 2001, p.2. En ligne :

<http://www.parisschoolofeconomics.com/hautcoeur-pierre-cyrille/crise-financiere-29.pdf>, (consulté

le 6 janvier 2016).

Page 72: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

58

fournir de la liquidité au marché en augmentant les achats de ses bons de trésor176.

Cependant, pour réellement pallier les différents effets néfastes de la guerre, il a fallu

attendre l’arrivée du président Roosevelt au pouvoir en 1933177. Ce dernier institua le

New Deal. Ce New Deal avait pour mission essentielle d’augmenter le taux de liquidités

sur les marchés financiers et de lutter contre le chômage qui avait atteint un taux de

25 %. Cet interventionnisme étatique a permis de relever le pays et de relancer

l’économie par la mise en place d’infrastructures spécialisées pour le développement

du pays. Bien que les programmes New Deal de Franklin Roosevelt n'aient pas mis fin

à la dépression, ils ont amélioré certaines conditions économiques. Le New Deal a

diminué le taux de chômage, a réduit le nombre de fermetures de banques et le nombre

de faillites d'entreprises178. Ayant essaimé le maximum d’avis positifs à cette époque,

le New Deal recevait 8 ans plus tard des fléchettes avec le déclenchement de la

Deuxième Guerre mondiale. En effet, certains économistes 179 arguent que

l’intervention du gouvernement a été à l’origine de la crise avec la création de la bulle

spéculative, et la gestion désordonnée de la politique monétaire par la Réserve fédérale.

Les effets de la crise passés, 8 ans après, le pays n’était pas toujours financièrement

stable.

À côté du New Deal, il était également important de redresser le système

bancaire américain. Étant donné que la règlementation bancaire pendant la crise était

assez hésitante et presque inexistante, il y a eu un mélange de genre qui a fait en sorte

que les établissements bancaires ne connaissaient plus de limites dans l’exercice de

leurs activités. Ainsi, afin de pouvoir instituer un cadre légal qui décanterait le système

176 C. CHAVAGNEUX, préc. note 2, p.92. 177 Le Président Francklin Delasso Roosevelt remplaça le Président Herbert Hoover à la tête du

gouvernement des États-Unis. Ce dernier n’avait pas pu gérer la crise et était surnommé par les

Américains de «do Nothing, voir Steven HORWITZ, « Herbert Hoover, Father of the new Deal », (2011)

122 Cato Institute 1. En ligne :< http://object.cato.org/sites/cato.org/files/pubs/pdf/bp122.pdf> (consulté

le 14 mars 2016). 178 Sylvain ZINI, « Du New Deal au Fair Deal (1933-1953) : commerce, plein-emploi et normes de

travail », Note de synthèse, CEIM, 2009, p.2. En ligne : < http://www.ieim.uqam.ca/IMG/pdf/NewDea

l-FairDeal.pdf> (consulté le 5 juin 2018) 179 Nous pouvons citer comme exemple l’économiste Milton FRIEDMAN dans son ouvrage Capitalisme

et liberté (1962). Dans cet ouvrage, il défend le capitalisme et critique l’interventionnisme de l’État

pendant le New Deal. Pour lui, le New Deal faisait partie du problème et non de la solution.

Page 73: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

59

en place, la Loi Glass-Steagall180 a été promulguée. Elle institue un nouveau souffle

aux établissements bancaires : la séparation des banques commerciales d’avec les

banques d’investissement. Ainsi, une banque commerciale, contrairement à la période

pendant la crise, ne pourra plus cumuler des activités traditionnelles d’une banque

d’avec les activités de spéculation (vente et achat d’actions). Et inversement, les

banques d’investissement et les assurances ne devaient plus s’engager dans des

activités de banques commerciales.

Seulement, cette loi ne faisait pas l’unanimité; si certains la trouvent propice pour

règlementer le système bancaire, pour d’autres, au contraire, elle constitue un frein à

l’investissement.

Ainsi, plusieurs acteurs financiers ont eu tendance à toujours contourner cette

loi. Ce phénomène est représentatif du niveau de dérégulation qui régnait à cette époque

aux États-Unis. Plusieurs lois et accords vont ainsi naître plus tard pour favoriser cet

arbitrage règlementaire. Nous pouvons citer entre autres : L’Accord entre le Trésor

américain et la Réserve fédérale américaine de 1951181, le Community Reinvestment

act en 1977182, le Depository Institutions Deregulation and Monetary Control Act

(DIDMCA) en 1980183 , l’Alternative Mortgage Transaction Parity Act (AMTPA)

180 The Banking Act de 1933, Pub.L. 73–66, 48 Stat. 162. La doctrine Germain du nom du banquier

(Henri Germain) qui l’a élaboré avait préconisé la séparation des banques de dépôt et des banques

d’investissement bien avant la Loi Glass-Steagall des États-Unis. Par la suite, la Loi française du 2

décembre 1945 a également suivi la tendance et fait une réelle distinction entre les banques de dépôt et

les banques d’affaires. Mais plus tard en France, la loi bancaire de 1984 autorise la banque universelle

et la Loi dite de modernisation des activités financières de 1996 entérine la disparition de la barrière

entre les métiers de la banque et les métiers du titre (aux États-Unis, l’équivalent de cette loi est la Loi

Gramm-Leach-Bliley ou la Financial modernization Act de 1999, Pub.L.106-102, 113 Stat.1338).

Comme un effet d’engrenage, il y a un retour aux fondamentaux : l’ère est maintenant à la séparation

des activités avec la règle Volcker, la règle Vickers et le Rapport Liikanen. 181 Cet Accord va libérer la Réserve fédérale de son engagement de tenir les taux d’intérêt à des niveaux

bas. Afin de contrer l’inflation, elle pouvait ainsi relever son taux directeur. Voir, Robert L. HETZEL et

Ralph F. LEACH, «The Treasury-Fed Accord: A New Narrative Account» (2001) 33-87/1Federal

Reserve Bank of Richmond Economic Quarterly. En ligne: <

https://www.richmondfed.org//media/richmondfedorg/publications/research/economic_quarterly/2001/

winter/pdf/hetzel.pdf > (consulté le 7 janvier 2016). 182 Community Reinvestment act, Pub.L. 95-128, 91 Stat. 1147 (1977), « introduisait la possibilité pour

les banques de prêter à des unités économiques qui ne sont pas très solvables. Sont ainsi présentées deux

lois qui rendaient possible des prêts à des agents risqués et des hausses de taux d’intérêt pour enrayer

une spirale inflationniste. Deux éléments qui seront aussi présents dans la crise des subprimes. », S.

DIOP, préc. note 5, p.8 183Depository Institutions Deregulation and Monetary Control Act, Pub.L. 96–221, 94 Stat.132 (1980).

Page 74: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

60

adopté en 1982 184 et le Tax Reform act (TRA) 185 qui a implicitement permis le

développement des subprimes186. Ce relâchement règlementaire vient donc préciser

clairement le libéralisme du système bancaire américain.

Fort de tout ce qui précède, la Loi Glass-Steagall187 va être abrogée en 1999 au

profit de la Loi Gramm-Leach-Bliley188 qui est une loi de modernisation des services

financiers. Elle mettait fin à la séparation des activités avec pour argument qu’il fallait

permettre aux banques nationales les moyens de concurrencer les banques étrangères.

La Loi Glass-Steagall a revu le jour sous une autre forme après les évènements

du printemps 2008. La nouvelle loi, Vockler Rule189, est tirée de l’article 619 de la

Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act190 et pose un principe

général, selon lequel « a banking entity shall not (A) engage in proprietary trading; or

(B) acquire or retain any equity, partnership, or other ownership interest in or sponsor

a hedge fund or a private equity fund. »191L’instabilité financière et règlementaire rend

bien compte du climat qui règne sur les marchés financiers américains; et ce constat,

nous pouvons également le faire aujourd’hui.

C. Les failles observées

La crise de 1929 a laissé des traces indélébiles dans l’esprit des populations. À

sa suite, nous ne notons que misère, famine, chômage, etc.; malgré la déflation, le seuil

de pauvreté avait atteint un niveau tel qu’il fallait, pour les populations, se peiner afin

de se procurer des denrées qui étaient d’ailleurs relativement moins chères. Quelle est

la leçon à tirer de tout ceci?

184 Alternative Mortgage Transaction Parity Act, Pub.L.114-38 (1982). 185 Tax Reform Act, Pub.L. 99–514, 100 Stat. 2085 (1986). 186 La demande de prêts hypothécaires a augmenté sous la TRA parce qu’avec l’avènement de la loi, les

intérêts sur les prêts hypothécaires étaient déductibles d’impôt ce qui diminuait considérablement le

montant des intérêts à payer. 187 The Banking Act de 1933, Pub.L. 73–66, 48 Stat. 162. 188 Financial Services Modernization Act of 1999, Pub.L. 106–102, 113 Stat. 1338. 189 La Volcker Rule porte le nom de Paul Volcker, ancien directeur de la Réserve fédérale des États-Unis

de 1979 à 1987. C’est lui qui a initialement parlé de cette loi dans le passé. 190 Dodd–Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act, Pub.L. 111-20, sec.211. 191 En français : «une entité bancaire ne devra pas (A) s'impliquer dans une activité de spéculation pour

compte propre et (B) acquérir ou conserver tout lien en capital, partenariat ou autre intérêt propriétaire

ni sponsoriser un hedge fund ou un fonds de capital-investissement. »

Page 75: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

61

De prime abord, la crise est venue du fait que la politique monétaire de la

Réserve fédérale n’était pas assez bien ficelée. Enfin de prévenir soit la déflation soit

l’inflation, la Banque centrale américaine devait être plus entreprenante et maîtriser la

circulation de la monnaie sur toute l’étendue du territoire; et d’ailleurs, c’est son rôle

premier. Cela éviterait, par exemple, aux acteurs financiers de spéculer à tort et à

travers.

En outre, la règlementation à cette époque était clignotante dans le sens où on

passait du resserrement au relâchement de la supervision des activités. Le gain facile

semblait être l’apanage des acteurs de la finance. Ainsi, quand la bulle s’est créée,

personne ne s’est dit qu’une répression s’ensuivrait. Par ailleurs, il n’y avait aucune

visibilité par rapport au plan de sauvetage de l’économie qui se désintégrait à vue d’œil

et aucun plan d’encadrement financier. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle la crise

n’a pas eu du mal à se répandre dans les quatre coins du monde; d’une crise boursière,

elle s'est transformée en crise bancaire par le canal de la crise de liquidité et la crise de

crédit avant de finalement devenir une crise économique.

Ces lacunes observées ne seront pas renflouées; elles seront même négligées.

Certes, par la suite le gouvernement américain sous la direction de Roosevelt va mettre

sur pied un certain nombre de réformes. Seulement, celles-ci s’avéreront, en partie.

Insuffisantes et inefficaces, car plus tard, cette crise reviendra dans les esprits et va

jouer un très grand rôle dans les crises en Asie. Ainsi, même si le New Deal a posé les

jalons d’une croissance soutenue, il aurait fallu déterminer les causes de la crise et y

apporter des solutions adaptées.

Après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, il y a eu une période surnommée

« les trente glorieuses ». Cette période, qui va de 1945 à 1975, représente la longue

phase de croissance d’après-guerre. L’économie est prospère et l’on espère des

lendemains toujours meilleurs. Cette période d’accalmie présageait déjà une nouvelle

crise.

Sous-section II : Le lundi noir de 1987

Page 76: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

62

Les différents chocs pétroliers 192 ont laissé place à une succession de crises

inflationnistes à partir de 1980.

A. Le déclenchement de la crise

Juste après le deuxième choc pétrolier, l’économie américaine fait face à une baisse

considérable de la production. « Le taux d’inflation atteignait les 15 %

annuellement »193 et le dollar flirt avec le risque de voir sa monnaie dévaluée par

rapport aux autres grandes monnaies.

Afin de faire face à cette tendance inflationniste, la Réserve fédérale opte pour

l’augmentation des taux d’intérêt afin de gérer au mieux la masse monétaire. La

confiance s’installe peu à peu, mais à partir de 1982, l’économie se resserre de nouveau.

La récession étant plus forte, une politique expansionniste se met en place. La Réserve

fédérale entre une nouvelle fois en jeu, mais cette fois pour réduire les taux d’intérêt

dans le but de permettre la stabilisation de l’économie. Toute chose étant égale par

192 Parmi les crises boursières qui ont ébranlé l’économie mondiale, nous notons les chocs pétroliers des

années 70. Deux grands chocs pétroliers ont meublé l’histoire de la finance, intitulés respectivement

Premier Choc pétrolier et Deuxième Choc pétrolier. Nous notons un troisième choc pétrolier entre 2008;

seulement celui-là n’a rien à voir avec une crise politique, mais est né du fait que la production avait

atteint son maximum. Afin donc de lutter contre la rareté du produit et de conserver les capacités

présentes, le prix du baril augmente subitement pour chuter pendant la crise financière de 2008-2010.

Entre crises politiques (la guerre en Israël et la révolution iranienne) et baisse considérable de la valeur

du dollar, le prix du baril du pétrole connaît une augmentation importante (les prix du baril ont doublé).

Cette hausse des prix est appliquée dans l’ensemble des pays membres de l’Organisation des Pays

Exportateurs de Pétrole (OPEP). Le premier Choc pétrolier définit en quelque sorte la fin d’une longue

période de croissance. Après la Seconde Guerre mondiale, les trente années qui ont suivi étaient

glorieuses (expression popularisée par Jean FOURASTIE, Les trente glorieuses : ou la Révolution invisible

de 1946 à 1975, Paris Fayard, 1979) et la croissance suivait son petit bonhomme de chemin. Nous

relevons une légère variation des prix entre 1950 et 1960. Mais en 1973, les pays membres de l’OPEP

annoncent une hausse des prix du pétrole avec pour objectif initial la compensation des pertes

enregistrées dans le passé. Seulement, là n’était pas la seule raison de cette augmentation brutale. C’est

également l’occasion pour les pays producteurs d’imposer un nouvel ordre mondial tout en garantissant

leurs intérêts. À côté de ces producteurs, les grandes compagnies pétrolières ont également tiré profit de

cette augmentation. En effet, en plus de l’augmentation appliquée par les pays membres de l’OPEP, ces

compagnies tirent également profit du fait de leur position stratégique d’intermédiaires dans le schéma

de production, de raffinerie et de distribution. Finalement, ce sont ces compagnies pétrolières qui ont

davantage tiré profit de cette hausse. « On a beaucoup parlé des milliards de dollars revenus aux États

producteurs. (…). En 1973, les bénéfices d’Exxon ont augmenté de 60 % par rapport à 1972, et des son

côté la British Petroleum reconnaissait une progression de 370 % du bénéficie net», CONVERGENCES

REVOLUTIONNAIRES, «Les

« chocs pétroliers » : mais qui a donc été heurté ?», 22 novembre 2002. En ligne : <http://www.conver

gencesrevolutionnaires.org/Les-chocs-petroliers-mais-qui-a-donc-ete-heurte> (consulté le 20 mars

2017). 193 F. DUPUIS et P. ARNAU, préc.note 167, p.13.

Page 77: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

63

ailleurs, la masse monétaire par la même occasion connaît une grande croissance. Les

prix des matières premières augmentent causant ainsi une hausse des importations.

L’inévitable finit par arriver, la valeur du dollar chute considérablement.

Tous ces évènements sont tout simplement les signes annonciateurs du prochain

Krach boursier : la crise boursière de 1987. La récession avait atteint son maximum un

lundi, surnommée le lundi noir en référence au jeudi noir du krach boursier de 1929.

Ce lundi 19 octobre 1987 est un coup dur asséné une nouvelle fois au libéralisme

économique. La dérèglementation était telle que l’on ne parvenait plus à faire la

différence entre l’économie réelle et l’économie de spéculation. « Le recul de plus de

22 % du Dow Jones en une seule séance, celle du Black Monday du 19 octobre, reflète

un mouvement d’une ampleur sans précédent. »194 Cette chute du Dow Jones a entraîné

une perte d’environ 1000 milliards de dollars à Wall Street. Et bien que les jours qui

ont suivi l’éclatement de cette bulle spéculative la Bourse soit rentrée un tant soit peu

dans ses fonds, il s’avère néanmoins que les pertes ont été énormes et ne peuvent donc

pas être annulées.

La crise débutée aux États-Unis se répand peu à peu à l’international créant

ainsi des perturbations financières des principales Bourses de valeurs. Ces places

boursières assistent donc à la dégradation de leurs performances : 9,3 % à Paris; 10,2 %

à Londres; 10,4 % à Bruxelles et 15 % à Tokyo195. L’internationalisation de la crise est

due au fait que les places financières sont extrêmement liées. C’est d’ailleurs l’une des

conséquences immédiates de la mondialisation des marchés. Est-ce que cette courroie

de transmission de crises peut-elle être détruite? La réponse est négative, car les

techniques financières d’arbitrage sont généralisées et très souvent les Bourses se

partagent la présence des acteurs financiers influents.

B. La gestion de la crise

La crise ne s’est pas répandue dans d’autres secteurs en dehors du secteur

financier. L’économie réelle a ainsi été peu touchée. Cela s’explique par l’action de la

Banque Fédérale américaine qui a été immédiate (et ce, contrairement à ce qui va se

194 Marie-Christine ADAM et Ariane SZAFARZ, « Crises boursières. Bulles spéculatives et rationalité

économique» (1989) 20 Études Internationales 781. 195 Id.

Page 78: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

64

produire plus tard en 2007 avec la crise des subprimes). Elle est intervenue en baissant

ses taux directeurs et en injectant massivement des liquidités sur le marché, garantissant

aux banques en difficulté tout le refinancement qu’elles demandaient.

C. Les failles observées

Une fois de plus, la question de la politique monétaire refait surface. La Réserve

Fédérale américaine n’a pas su gérer la circulation monétaire sur les marchés. De plus,

la politique des taux d’intérêt n’était pas encadrée et ces derniers fluctuaient selon les

tendances du marché. Aussi, la grande présence de la spéculation qui a contribué à faire

grossir la bulle qui est déjà formée.

Les crises boursières que le monde a connues jusqu’ici n’ont jamais été des cas

isolés. Elles ont pour dénominateur commun une spéculation boursière fortement

aveuglée. Faut-il alors condamner la spéculation? 196 Elle est inévitable dans une

économie de marché puisque l’avenir est incertain. De plus, elle est, dans bien des cas,

nécessaire à la fonction d’échanges de risques que doivent pouvoir remplir les marchés.

Tout au plus, peut-on, dans les cas où son rôle déstabilisant est avéré, trouver des modes

de régulation étatiques spécifiques qui permettraient d’en limiter les dégâts197.

Le déroulement des crises de change est différent de celui des crises boursières.

Il reste important de voir si la gestion de ces crises est identique.

196 Pierre-Noël GIRAUD, « Faut-il condamner la spéculation?» (2002) 204 Cerna, Alternatives

Économiques. En ligne : < https://www.alternatives-economiques.fr/faut-condamner-

speculation/00025445 > (consulté le 12 mai 2014). 197 Id.

Page 79: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

65

Section III : Crises de changes et crises bancaires

Dans le passé, les crises de change avaient cette particularité de toucher

majoritairement les pays moins développés, et plus récemment les pays émergents.

Très souvent, une crise de change se combine facilement à une crise bancaire créant

ainsi une crise jumelle. Une crise jumelle est une crise qui nait de la spéculation sur le

taux de change de la monnaie nationale et également, de la capitalisation financière

défaillante d’une banque (manque de liquidité ou encore insuffisance de fonds

propres). Il peut également s’agir d’une crise de change qui entraîne une crise bancaire;

soit une crise bancaire au départ qui donne naissance à une crise de change. C’est le

dernier cas qu’on retrouve le plus souvent. Ainsi, lorsque la banque centrale intervient

pour financer une banque en faillite, il peut s’avérer que la monnaie mise en circulation

est plus excessive que ce dont le système a réellement besoin : la crise bancaire se

transforme donc en crise de change, car la monnaie est dévaluée. Cet angle de

démonstration de la survenance d’une crise jumelle a été développé par le modèle

Velasco (1987)198.

Toutefois, dans cette analyse, nous avons choisi délibérément d’étudier

distinctement ces deux crises. Ainsi, à quoi reconnaît-on une crise de change ou une

crise bancaire? Quelles sont les différentes crises bancaires et crises de change? Et

comment venir à bout d’une telle crise?

Plusieurs traits de ressemblance sont observables entre une crise de change et

une crise bancaire. Une crise de change se définit comme une variation soudaine et

brutale du taux de change, accompagnée d’une grosse perte des capitaux en devises;

cela amène, outre mesure, la monnaie à flotter continuellement entraînant ainsi sa

dévaluation. Cette dévaluation n’est pas très appréciée, car elle joue négativement sur

la portée du commerce intérieur. En effet, lorsqu’une monnaie perd sa valeur, les

transactions avec les monnaies voisines deviennent inégales poussant ses monnaies

198 André VELASCO, « Financial Crises and Balance of Payments Crisis: A Simple Model of The

Southern Cone Experience » (1987) 27 J.DEV. ECON. 263. Velasco pense que la crise bancaire

engendre la crise de change. En effet, très souvent les banques centrales émettent de la monnaie pour

sauver et financer les banques en période de crise bancaire. Lorsque l’émission monétaire est excessive,

elle peut déclencher une crise de change.

Page 80: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

66

voisines à se dévaluer à tour. Pour faire face à cette situation, l’une des solutions des

banques centrales est de relever le taux directeur ce qui poussera les banques à relever

également leurs taux d’intérêt. Les spéculateurs qui envisageraient alors une perte de

valeur de la devise afin de la vendre quand elle est élevée pour la racheter une fois

dévaluée ne pourront plus facilement emprunter à cause des taux d’intérêt élevés.

Cependant, le revers de l’augmentation du taux directeur peut durablement affecter

l’économie : les ménages vont se retrouver en incapacité d’emprunter, de rembourser

et de prêter; les investissements sont freinés; la croissance est ralentie et certaines

banques peuvent alors faire faillite : c’est ce que l’on appelle une crise bancaire.

Les crises bancaires, quant à elles, ont un lien direct avec la gestion de la

banque. Elles sont pour la plupart causées soit par une mauvaise gouvernance199 interne

d’une banque importante et appartenant à un réseau de banques; soit par le fait que la

banque centrale ou alors l’autorité régulatrice a manqué à son devoir de vigilance et de

supervision. En outre, les crises bancaires surviennent généralement lorsque le risque

de liquidité de la banque a été mal géré ou lorsque celle-ci n’a plus suffisamment de

capitaux propres en réserve pour apaiser le choc d’une mauvaise gestion. Elles ont

également un lien avec les crises de change. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle,

pour analyser ce type de crise, nous userons du même schéma adopté pour l’analyse

des crises de change.

L’on reconnaît une crise bancaire par l’insuffisance de liquidités, par le nombre

d’actifs toxiques200 en circulation, par la circulation d’un très grand nombre de dérivés

199 La mauvaise gouvernance fait référence à la négligence des dirigeants d’une banque. Cette négligence

se manifeste très souvent par la non-observation des ratios prudentiels et du niveau légal requis pour les

fonds propres dans les caisses. Voilà pourquoi, très souvent, enclines au gain facile, les banques prêtent

à tort et à travers, sans même tenir compte de la capacité financière du client et de la règlementation

bancaire en vigueur. Tout cela a facilité la naissance de bulles spéculatives, découplé par la naissance de

nouveaux produits dérivés censés gérer le risque, mais qui finalement, l’ont accentué. C’est ce qui a

d’ailleurs été le cas avec la crise des subprimes. Ces nouveaux produits financiers suivent en effet le

rythme du perpétuel changement de la finance sans toutefois qu’une régulation spécifique en fasse

autant. Les banquiers, sceptiques à un blocage éventuel dans le déroulement de leurs activités, préfèrent

mieux ne pas en entendre parler; ils s’occupent exclusivement de l’expansion de leur établissement sur

le plan national et international. Avec l’expansion de la libéralisation des marchés, les banques ont

continué à se contenter d’un minimum de capitaux tout en favorisant l’octroi abusif de crédit à l’intérieur

comme à l’extérieur. L’autre problème soulevé par cette gouvernance laxiste est la rémunération des

dirigeants. Ces derniers ne se gênent pas à toujours recourir au partage des dividendes même quand la

situation de la banque s’annonce précaire ou alors ne s’y prête pas. Cela n’est pas pour résoudre le

problème de liquidités des banques, au contraire c’est un moyen d’en perdre une bonne quantité. 200 Les actifs « toxiques » sont des actifs qui n’ont plus de valeur sur les marchés.

Page 81: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

67

de crédit ou de papiers commerciaux associés à des actifs (PCAA) qui permettent aux

banques de se financer facilement sur le marché interbancaire, par la faillite des

établissements bancaires, par l’augmentation du taux d’intérêt, par le retrait massif des

fonds par les épargnants insatisfaits, et enfin par l’écroulement de tout un système

bancaire par effet de contagion.

Avec cette dérégulation manifestée dans le secteur bancaire, les banques se

sentent invincibles, mais tant s’en faut. C’est ce que nous allons voir par la suite en

présentant succinctement les différentes crises bancaires que le monde a connu. Pour

les besoins d’analyse de ces crises, rappelons que l’on ne fera mention que des grandes

crises qui ont marqué l’histoire afin de relever les spécificités de chacune d’elle.

Nous dénombrons plusieurs crises de ce type, petites ou grandes. Mais les plus grandes

sont celles de l’Amérique latine et celle du Japon.

Sous-section I : La crise du peso mexicain dite de crise « Tequila »201

A. Le déclenchement de la crise

Après les différents chocs pétroliers, une crise de dette, touchant plus les pays en

voie de développement, est née et ceci dû au fait que plusieurs pays peinaient à

rembourser les emprunts qu’ils avaient contractés pour investir dans le pétrole. Le

Mexique faisait partie de ces pays; alors, de 1988 à 1993, le pays a bénéficié du soutien

du Fonds monétaire international (FMI) qui lui a permis de se stabiliser sur le plan

macroéconomique et structurel202. C’est donc dans une sérénité économique que le

Mexique aborde l’année 1994.

Cependant, les politiques mises en œuvre à la fin des années quatre-vingt se sont

efforcées d'accroître la compétitivité de l'économie par la libéralisation et elles étaient

connues comme El Pacto. « Le pacte », voté par le Président Salinas, est un accord

entre le secteur privé du gouvernement et les organisations syndicales pour libéraliser

le commerce et l'investissement et lutter contre l’inflation. Ce pacte a ainsi permis la

201 Comme cette crise a eu pour épicentre l'Amérique latine, ses conséquences ont reçu le nom de l'effet

Tequila. 202 Michel CAMDESSUS, « La crise financière mexicaine, ses origines, la réponse du FMI et les

enseignements à en tirer » (1995) 33/2 R.E.F. 35.

Page 82: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

68

dérèglementation de l’économie nationale203. Nous pouvons donc dire que dans une

certaine mesure, cette crise financière de 1994, surnommée de crise Tequila, peut être

considérée comme un produit de la crise de la dette des années quatre-vingt.

Par ailleurs, la crise mexicaine, comme toutes les autres crises, était également

liée à la libéralisation économique. Cette libéralisation a conduit le Mexique à une

augmentation directe des investissements, et ce, depuis que le pays a connu une

expansion économique internationale204. En outre, les banques dans le pays s'étaient

livrées à des pratiques de prêt à des personnes en situation précaire, négligeant les

garanties exigées contre les risques de crédit.

La crise mexicaine, lorsqu’elle a éclaté, a légèrement brossé Brésil à 1994, mais

a durement touché l’Argentine en 2001. Les dépôts bancaires et les réserves

internationales de la banque centrale ont diminué de façon spectaculaire. Le peso a

connu des attaques spéculatives et la situation est devenue désastreuse à partir de

février 1995205. En réponse, les autorités monétaires ont été autorisées à utiliser l'excès

des réserves pour aider les institutions à surmonter les problèmes de liquidité. Le FMI

a accordé un prêt pour le pays en difficulté en 1995.

B. La gestion de la crise

Rappelons-le, le plan de sauvetage du Mexique était essentiellement constitué

par le renflouement du FMI; ce qui a d’ailleurs rendu le FMI complètement dépendant

des exigences politiques. La conséquence immédiate de tout ceci est que ce type plan

de sauvetage a encouragé l’aléa moral 206 dans d'autres pays, qui à leur tour, ont

203 Arturo GUILLEN, « Mexique : Régime de change et intégration monétaire dans l’Alena », dans Alain

MUSSET et Victor M. SORIA, ALENA-MERCOSUR. Enjeux et limites de l'intégration

américaine, Paris, Éditions de l’IHEAL, 2001. En ligne : < http://books.openedition.org/iheal/546?lang

=en#authors >, (consulté le 16 mars 2015). 204 En effet, le Mexique a négocié l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA); il est également

devenu membre à part entière du forum de la Coopération économique Asie-Pacifique (APEC) et de

l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). L’ALENA est un traité qui a

créé une zone de libre-échange entre le Canada, les États-Unis et le Mexique. Il vise entre autres une

concurrence équitable dans la zone et en éliminant les barrières douanières. L’accord est entré en vigueur

le 1er janvier 1994. Voir le site internet de l’Organisation pour plus amples informations :

<http://www.alenaaujourdhui.org/about/default_fr.asp> (consulté le 16 mars 2015). 205 M. CAMDESSUS, préc. note 202, p.38. 206 « L’aléa moral (ou risque moral) qualifie une situation où les dispositions d’un contrat incitent un

mandataire à prendre plus de risques au détriment du mandant (ou émetteur). À titre d’exemple, la

décision des pouvoirs publics de secourir certaines entreprises peut pousser d’autres firmes à s’exposer

davantage si elles se sentent fondées à croire que leur probabilité d’être renflouées a augmenté. (…) On

Page 83: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

69

commencé à s’appuyer sur des renflouements du FMI en réponse aux crises créées par

excès d’emprunts et de dépenses207.

Le Mexique a alors demandé un prêt au FMI supplémentaire pour consolider les

ressources. À Washington, la crise a été perçue comme un problème de liquidités à

court terme. Mais le problème n'était pas juste ça. Le Mexique a commencé à souffrir

d'une crise bancaire à partir de septembre 1995, et le nombre de prêts improductifs a

presque doublé depuis l'année qui a précédé. Les pertes des banques ont été socialisées

dans les politiques gouvernementales qui ont suivi. Le gouvernement des États-Unis a

eu un vif intérêt à atténuer cette crise, surtout depuis que l'Amérique était désormais un

partenaire commercial du Mexique. Mais la crise financière mexicaine a compromis la

condition essentielle de l’ALENA et celle des marchés financiers soumis à la

libéralisation (Morales 1997)208.

La situation de l'Argentine a été résolue plus facilement que celle du Mexique,

car le pays a mis en place des politiques monétaires et de taux de change plus cohérents

et son déséquilibre externe était inférieur. En outre, la réponse du gouvernement en

Argentine, contrairement à celle du Mexique, a été plus rapide, ce qui a contribué à une

plus grande stabilisation209.

C. Les failles observées

La libéralisation financière a été l’élément déclencheur de la crise Tequila.

parle d’antisélection quand une des parties à une transaction est mieux informée que l’autre. Par exemple,

si entre deux groupes d’actifs, un seul présente des défauts, que le vendeur est en mesure de connaître

contrairement à l’acheteur, alors il y a antisélection dès lors que l’acheteur finit par douter de la qualité

de l’ensemble des actifs et par tous les déprécier.», dans Teodora PALIGOROVA, «Les conflits de type

mandant-mandataire dans le processus de titrisation» (2009) Revue de la Banque du Canada 35, 36.

Ainsi, une personne alors assurée contre un risque peut se comporter de manière plus risquée que si elle

était totalement exposée au risque. Prenons l’exemple d’une personne qui vient d’acheter un téléphone.

Elle assure ce téléphone contre le vol ou la perte. Cette personne sera négligente au prétexte que si son

téléphone est volé elle sera remboursée. Dans la finance, l’aléa moral pousse les acteurs financiers à

prendre plus de risques, car ils savent qu’ils seront secourus si leurs défaillances génèrent un risque

systémique. 207 Sara HSU, Financial crisis, 1929 to present, Cheltenham, Edward Elgar Pub. 2013, p.80. 208Id. p.78. 209 Id. p.79. Bien qu’ayant connu le même type de crise à partir de 1997, l’Argentine s’en est sorti

autrement. Étant donné que la solution de la dévaluation lui était interdite par le régime de change ultra-

rigide de currency board qu’elle a adopté en 1991, l’Argentine, pour sortir de la crise va mettre en place

un modèle de référence qui va combiner le dynamisme des exportations et le développement du marché

interne soutenu par une forte intervention de l’État.

Page 84: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

70

L’interventionnisme poussé du FMI n’a pas arrangé la situation, et a encouragé cette

libéralisation sur les marchés.

Sous-section II : La crise en Asie du Sud-Est

Pendant la période allant de 1980-1990, le continent a connu une certaine accalmie

économique et politique. L’économie est stable et cette partie du continent est plutôt

épanouie financièrement. Seulement, aveuglés par cette croissance et cette stabilité

économique, les acteurs financiers ne se sont pas rendu compte à temps qu’une grosse

bulle spéculative était en train de se créer. Ainsi, la crise financière en Asie a été

inattendue et personne n’aurait pu imaginer son ampleur.

A. Le déclenchement de la crise

La crise qui a commencé en 1997 a été à la fois une crise bancaire et une crise

de change. Comme le début de plusieurs situations de crise, l’Asie a emprunté le

chemin de la libéralisation financière. Tout a commencé avec la dévaluation de la

monnaie thaïlandaise. La Thaïlande en fait est un pays agricole. Sa stabilité

économique attire beaucoup d’investisseurs étrangers210 « (…) et la Thaïlainde connût

dès lors une croissance de 8 % au moins par an ». Ces investissements contribuent pour

beaucoup à l’épanouissement de l’économie. Étant dans cette sphère, les transactions

bancaires se font facilement avec l’extérieur. Les flux des capitaux augmentent211. Et

dans cette ambiance, il est plus question de monnaie nationale contre une monnaie

étrangère. Ainsi, plus la demande en baht augmente, plus son cours augmente

également. La Thaïlande a subi la dérèglementation bancaire en 1989 avec la

suppression des contrôles des taux d'intérêt. Avant la libéralisation, les contrôles de

capitaux nationaux et internationaux exigeaient une limite maximale pour les taux

d’intérêt à l’intérieur du pays. Les restrictions sur le rapatriement des investissements

directs et de portefeuilles étrangers, les restrictions sur les emprunts à l'étranger, et les

restrictions sur les investisseurs étrangers pour l'acquisition de la propriété de certains

types d'entreprises étaient également en vigueur. Mais, la libéralisation financière a

210 P. KRUGMAN, préc. note 38, p.84. 211 Précisons que les transactions se faisaient sous l’aspect d’un capitalisme de connivence. Les sociétés

financières thaïlandaises qui participent à ces transactions le font tout simplement sous le couvert du

gouvernement.

Page 85: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

71

levé ces contrôles et a entraîné la convertibilité des monnaies 212 . Mais jusque-là

personne ne semblait pas inquiet et, comme le dit Sara Hsu: « At the time, it seemed to

work miracles; economic growth was as high as 11 percent in the early nineties in

Singapore and Thailand. » 213

Cependant, il y avait trop de bahts en circulation. Le gouvernement, pour lutter

contre ça, a augmenté en parallèle les réserves en devises et l’offre du baht. Avec la

bulle spéculative, c’était l’explosion du crédit entraînant le développement de plusieurs

secteurs dans le pays. Seulement le déficit thaïlandais s’est élevé par la même occasion.

Les réserves s’épuisent. La bulle spéculative se dégonfle tout doucement. C’est la

méfiance.

B. La gestion de la crise

Une solution s’impose : celle de baisser la valeur du baht. Le gouvernement

hésite un instant, car cela causerait un ralentissement des exportations. La valeur du

baht est dévaluée et c’est la crise en Thaïlande. Par la force des choses, c’est tout le

continent asiatique dans son ensemble qui est touché. Cela s’explique par le simple fait

qu’étant dans la même zone, nous notons plusieurs imbrications financières entre la

Corée, l’Indonésie et la Malaisie. Avec les mauvaises nouvelles qui proviennent de la

Thaïlande, c’est toute la zone qui est concernée, car les investisseurs paniquent.

Le secteur financier de la Malaisie a été libéralisé au début des années 90,

permettant aux investisseurs étrangers d'acheter des actions dans des sociétés

malaisiennes jusqu'à trente pour cent214.

Enfin, en Indonésie, la libéralisation a eu lieu à travers une variété de réformes

bancaires faisant place en une augmentation de trois fois le nombre de banques privées

(plutôt que publiques) entre 1988 et 1996, ce qui a rendu la supervision du

Gouvernement difficile. Pour résoudre la crise, l’Indonésie a créé l'Agence

indonésienne de restructuration des banques (Indonesian Bank Restructuring Agency)

en 1998 pour récupérer les crédits de liquidité que la Banque d'Indonésie a prêtés aux

banques en difficulté. Le gouvernement a fermé 38 banques privées nationales,

212 S. HSU, préc. note 207, p.81. 213 Id. p.75. 214 Id. p.81.

Page 86: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

72

nationalisé sept banques nationales et recapitalisé neuf banques. Les banques devaient

également rembourser tous les crédits commerciaux en souffrance. Par ailleurs, les

fermetures de banques en Indonésie, requises par le FMI, ont provoqué des paniques

bancaires et presque dissous l’ensemble du secteur bancaire. En raison de l'incertitude

politique, la reprise de l'Indonésie a été longue à venir215.

Le prêteur en dernier ressort, le FMI, a été blâmé pour avoir aggravé la crise.

Les politiques du FMI liées aux prêts aux pays en difficulté étaient quasiment des

échecs216.

La Malaisie, pour sa part, a réalisé une série de réformes. Elle a mis en œuvre

des contrôles de capitaux en septembre 1998 : elle a fixé le taux de change, réduit le

taux d’intérêt, et élargi la politique budgétaire. Les transactions courantes ont été

règlementées; maintenant, les importations doivent être payées en devises, et les

recettes d'exportation doivent être ramenées dans les six mois et converties en

monnaies locales217.

C. Les failles observées

La première chose que l’on retient de cette crise a trait, comme le précise

l’économiste Philippe Trainar dans son article « Les Leçons de la crise asiatique », « à

l’étendue de notre ignorance sur l’économie des crises. Non seulement la crise asiatique

n’a pas été prévue, mais, en outre, en dépit des instruments d’analyse développés depuis

deux ans, nous aurions toujours des difficultés à la prévoir aujourd’hui. »218 Cela

justifierait en quelque sorte le comportement attentiste qu’a affiché la banque centrale

de la Thaïlande. Elle n’a pas été très réactive sur ce coup et aurait dû, afin de stabiliser

la monnaie, faire intervenir le taux d’intérêt. Le taux d’intérêt est un instrument très

souvent utilisé, car il est à géométrie variable. Il aurait pu donc dans ce cas stabiliser la

monnaie, en créant une inflation certes, mais la stabiliser tout de même parce que, du

moment où l’on décide de laisser une monnaie à son plus bas niveau, la déchéance ne

tarde jamais à venir.

215 Id., p.89. 216 Id., p.90. 217 Id. 218 Philippe TRAINAR, « Les leçons de la crise asiatique » (1999) 88 Revue Commentaire 871.

Page 87: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

73

Sous-section III : La chute progressive du Japon

Le Japon, pays dévasté par la Seconde Guerre mondiale, connaît un succès

économique et financier dans les années 80. Dans les années quatre-vingt, son

organisation monétaire et financière lui permet de faire partie des plus grandes

puissances mondiales219. L’archipel ne connaissait presque pas de déficit. Le pays avait

des excédents dans son PIB et la capitalisation financière de sa Bourse (la Bourse de

Tokyo) était plus importante que celle de New York si bien que la crise de 1987 n’a eu

aucune influence sur le pays.

L’importance de l’étude de cette crise réside tout simplement dans le fait que la

crise bancaire au Japon en est une assez exceptionnelle eut égard au nombre d’années

(huit années) qu’elle a mis et surtout en raison de la grande différence que l’on peut

noter entre le Japon des années quatre-vingt et le Japon des années quatre-vingt-dix.

A. Le déclenchement de la crise

Jusqu’en 1990, le Japon applique une règlementation stricte sur ses marchés

financiers. Les politiques macroéconomiques appliquées à cette époque sont

essentiellement d’inspiration keynésienne220 . Le principal élément remarquable de

cette politique de régulation est la notion de banque principale221. Cette banque est née

de la nécessité de renforcer la production et de réparer les dommages causés par les

deux guerres mondiales. Ce système de règlementation bancaire visait également à

limiter autant que faire se peut la concurrence dans le marché financier. L’on distinguait

ainsi les banques commerciales des banques financières. Calquée sur le modèle

219 Stéphanie GUICHARD, La défaite financière du Japon, Paris, Economica, 1999, p.1. 220 John Maynard Keynes est un économiste anglais qui confie à l’État le rôle de soutien à l’économie,

à la consumation et à l’investissement. Pour plus de détails sur ses politiques, lire Bernard GAZIER, John

Maynard Keynes, coll. «Que Sais-je», Paris, PUF, 2014. Lire également John Maynard KEYNES, The

collected writings of John Maynard Keynes, New York, St. Martin's Press, for the Royal Economic

Society, 1971. 221 L’avantage du système de banque principale est qu’il est réducteur de risques ; aussi bien le risque

du taux d’intérêt que les risques de liquidité. De plus, dans ce système les banques évoluent à peu près

au même rythme ; sur le plan économique, les entreprises grâce à ce système font rarement face au défaut

de financement ou encore de liquidités. Les différents projets d’investissement avaient une visibilité

dans le long terme. D’ailleurs, ce système a été fortement conseillé aux pays en voie de reconstruction

et de développement. « Cela a notamment été le cas pour le Mexique à la suite des privatisations dans le

secteur bancaire (Reynolds, 1994), pour la Chine (Qian, 1994) et pour les économies en transition (voir

Geoffron et Rubinstein, 1996 pour une synthèse). », S. GUICHARD, préc. note 207, p.18.

Page 88: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

74

américain de la Loi Glass-Steagall de 1933, la Loi nippone de 1948 sur les valeurs

mobilières222 matérialise au mieux cette cloison entre d’une part les activités bancaires

et d’autre part les activités financières. Nous distinguons donc 223 : les banques

commerciales, les sociétés de fiducie, les banques régionales et les mutuelles de crédit.

Toujours dans une optique de limitation de la concurrence, les taux d’intérêt

étaient fortement règlementés. Ce contrôle des taux d’intérêt avait également pour

objectif de les maintenir assez bas afin de pouvoir permettre à tout un chacun la

possibilité de trouver du financement. Ce cadre règlementaire assez protecteur gardait

les marchés financiers fermés à l’extérieur afin d’éviter la concurrence étrangère.

Cependant, ces politiques déployées dans le système de banque principale se

sont avérées inefficaces à partir de 1990. Obnubilé par sa croissance économique, le

Japon ne se rendait pas compte que ce système le gardait en arrière par rapport aux

puissances économiques. Fortement conservateur, ce système a maintenu le profit des

banques au beau fixe; du fait de l’actionnariat bancaire, ces dernières ne maximisaient

pas les profits. Par ailleurs, le rôle des banques principales dans le financement des

entreprises poussait ces dernières au surendettement afin de mieux conserver la relation

qu’elles entretenaient avec ces banques en question. Sous un autre également, le

sentiment de protection que garantissait le ministère des Finances fragilisait davantage

le marché bancaire et posait le problème du risque moral. « Faible Rentabilité des

banques, insuffisante capacité d’analyse du risque de crédit, surendettement des

entreprises, pratique omniprésente de la collatérisation, sous-capitalisation, garantie

quasi explicite de l’État, opacité apparaissent comme autant de sources de fragilité du

système… »224

Ainsi, dans son effort pour rattraper les autres puissances, le Japon est donc

passé à une politique de libéralisation financière. Cette libéralisation se manifeste entre

autres par l’ouverture à l’international. Désormais, les Japonais prêtent et empruntent

en devises. Nous observons également la libéralisation des taux d’intérêt et

l’omniprésence des asymétries d’informations. L’incitation à prendre les risques

s’intensifie et vu que la prévention des risques ne faisait pas partie du champ de bataille

222 Loi nippone n° 25 de 1948 sur les valeurs mobilières et les bourses. 223 S. GUICHARD, préc. note 207, p.14. 224 Id., p.21

Page 89: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

75

au départ, les autorités japonaises se sont difficilement adaptées aux nouvelles règles

de concurrence et aux risques qui s’y sont attachés. Nous notons également une forte

croissance des crédits; cela crée une course au crédit, les prêts immobiliers, la plupart

du temps, réduisant par la même occasion les taux d’intérêt. Les banques étrangères, à

la recherche de nouveaux capitaux, viennent investir au Japon. Peu à peu, le

resserrement de la politique monétaire se produit. Le prix de l’immobilier ne tarde pas

à chuter également, laissant en circulation des créances douteuses225. Les banques sont

obligées de faire face aux exigences prudentielles recommandées par la Banque des

Règlements internationaux. Ce faisant, le pays entre dans une longue phase de

déchéance financière. Elle va donc connaître l’une des plus grandes crises bancaires de

l’histoire de la finance.

B. La gestion de la crise

La gestion de la crise au Japon se résume en trois grandes phases : l’attentisme

des autorités de supervision, la défaillance de plusieurs institutions financières et la

mise en place d’une politique de régulation bancaire vers la fin des années quatre-vingt-

dix pour la stabilisation du marché.

En effet, les effets de la crise ont commencé à être perceptibles à partir de 1990;

seulement, les réponses données pour résoudre la crise étaient très indirectes. Elles se

limitaient uniquement à l’aspect structurel sans toutefois aller en profondeur.

L’apurement des comptes bancaires qui est censé être l’objectif premier des autorités

de supervision était négligé. Les différents plans de relance joints aux politiques

monétaires ont relancé la croissance sans pour autant redresser le système bancaire

comme c’est le cas lors des crises financières en Amérique du Nord. Eut égard de tout

ceci, l’on se rend compte que ce comportement attentiste a ralenti l’activité à la limite

même de la stagnation.

C’est à partir de 1995 que les banques ont commencé à respecter les différentes

politiques de régulation prudentielle. Cela n’a pas permis pour autant de résorber toutes

les créances douteuses. Ainsi, dans cet effort d’apurement, un décloisonnement des

banques se produit; d’une part, les grandes banques mieux approvisionnées, et de

225 Comme cela a été le cas avec la crise des Subprimes.

Page 90: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

76

l’autre, les institutions de petite taille. À côté de cela, nous notons également la

liquidation régulière de certaines institutions sous la pression des déposants. En effet,

« la défiance vis-à-vis du système financier est venue non seulement des marchés

financiers, mais aussi des ménages qui ont progressivement retiré une partie de leurs

dépôts hors du système bancaire.» 226 Au même moment, nous constatons une fuite

d’argent du système bancaire (épargne) vers le système postal, plus sécuritaire pour la

population. En effet, la crise a pris de l’ampleur à tel point que l’intermédiation du

secteur public apparaît comme relais au secteur privé. En outre, en plus de ces ruées

bancaires, la bourse de Tokyo chute en 1996 entraînant par la même occasion la chute

du Yen.

Suite à cela, le réveil des autorités de supervision (Financial Supervisory

Agency et la Financial Reconstruction Commission) ne s’est pas fait attendre. Elles ont

procédé, à partir de 1998, à une série de nationalisation, en particulier celle de la Long

Term Credit Bank et de la Nippone Credit Bank. Désormais, tous les pouvoirs reconnus

au ministère des Finances à l’époque sont entre les mains de ces autorités-là. À partir

de 1999, nous notons une certaine accalmie. L’on remarque un bref retour de confiance

avec le retour des investisseurs étrangers et des dépôts vers le système bancaire.

C. Les failles observées

L’accumulation des mauvaises créances de la banque principale se traduisant

par le surendettement des entreprises, l’asymétrie d’informations, la méconnaissance

des règles de concurrence et la mauvaise gestion de risques représentent l’essentiel des

lacunes qui ont accentué la crise. Alors, nous nous demandons s’il était nécessaire que

le Japon passe d’une politique économique majoritairement encadrée par le

Gouvernement à une politique de libéralisation financière, car c’est cette dernière qui

a visiblement sonné le glas de la défaillance au Japon.

Sous-section IV : Analyse synthétique

Au terme de cette analyse, le constat est clair : dans chacune des crises

financières passées, les mêmes causes produisent les mêmes effets. Nous retrouvons

226 S. GUICHARD, préc. note 207, p. 71.

Page 91: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

77

toujours les mêmes causes, quoique ces dernières varient selon les crises : le défaut de

liquidité, la cupidité prédatrice des acteurs financiers, les innovations financières,

l’arbitrage règlementaire, l’arbitrage de taux d’intérêt, une mauvaise supervision et

l’effet systémique des crises.

- Crise de 1929 et crise de 2008 : En plus du fait que les deux crises soient nées

aux États-Unis, la ressemblance s’observe également au niveau de la période

qui a précédé la crise. Le crédit était facile et l’économie du pays (États-Unis)

était prospère. Cette prospérité a encouragé des activités spéculatives. En 1929,

la spéculation se faisait sur des titres boursiers; en 2008, elle se faisait sur les

prêts immobiliers. Cette spéculation a créé une bulle spéculative. Après

l’éclatement de la bulle, les deux crises ont été diffusées à l’ensemble de

l’économie. La défiance sur les marchés interbancaires et le resserrement du

crédit sont également les conséquences communes aux deux crises.

- Crise de 1987 et crise de 2008 : c’est la hausse des taux d’intérêt réels qui a

engendré la crise boursière de 1987 et la crise des subprimes de 2008.

- Crise du Mexique de 1994 et crise de 2008 : En plus de la hausse des taux

d’intérêt, avant la crise au Mexique, les prêts bancaires étaient accordés aux

emprunteurs sans évaluer leur capacité de remboursement. C’est également ce

qui s’est produit lors de la crise de 2008. Les emprunteurs peu fiables ont eu

accès au crédit et les taux accordés étaient bas à l’octroi, puis ont connu une

hausse considérable.

- Crise en Asie du Sud-Est et crise de 2008 : les deux crises ont été causées par

la libéralisation des taux d’intérêt. Si en Thaïlande le taux d’intérêt a été utilisé

pour spéculer sur sa monnaie, aux États-Unis il a été utilisé pour spéculer sur

les prêts bancaires afin de relancer l’économie et de faciliter l’accès à la

propriété.

- Crise du Japon et crise de 2008 : Pour les deux crises, la forte augmentation de

l'offre de prêts des banques a conduit à la formation de bulles sur les prix des

actifs boursiers et immobiliers. L’éclatement de la bulle a eu un impact négatif

sur la liquidité des banques et sur l’offre de crédit.

Page 92: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

78

Comment serait-il donc possible de pouvoir retrouver encore des lacunes

financières lors de la crise des subprimes; ces lacunes auparavant mises à jour par les

précédentes crises? Il est bien vrai que les crises ne se produisent pas de la même

manière, mais les effets sont quasi identiques : éclatement de la bulle spéculative,

climat de méfiance sur les marchés, crise économique, etc. Seulement, les instruments

financiers élaborés pour résoudre les failles révélées n’ont pas su prévenir la crise

suivante qui se préparait déjà depuis. Au contraire, grâce à l’arbitrage règlementaire

effectué par les innovations financières, ces nouvelles résolutions représentent

généralement le socle de la future crise. Tout ceci justifie la nécessité de se poser la

question à savoir, comme Paul Krugman l’a fait à l’occasion de la rédaction de l’un de

ses ouvrages, « [p]ourquoi les crises reviennent toujours. »227 Nous nous rendons

compte que toutes les crises ont été précédées par une période de libéralisation

financière. Ce constat remet à l’ordre du jour la pertinence et l’importance de la

régulation des marchés. Faut-il réguler ou déréguler les règles des marchés? Réguler,

ce petit mot lourd de sens. La régulation devrait être maniée habilement vu son double

sens. Son acception limite considérablement son champ; il faudrait donc également

tenir compte de tout ce qui est règlementation et supervision. Pour revenir sur la

question préalablement posée ci-dessus, nous remarquons qu’avec la survenance des

crises, la première grande épreuve de légitimité de la révolution libérale a été mise à

mal. Pour ma part, aucun mode de régulation n’est omniscient. Aucun mode de

régulation n’a jusqu’à ce jour montré sa capacité à contenir les aléas du marché. Le fait

de réguler en vrac après une crise ne signifie pas pour nous réguler. Car les régulations

présentes permettent certes d’apporter des réponses à la crise, mais contiennent

également la semence pour la prochaine crise qu’elles ne pourront pas contenir juste

parce qu’elles seront désuètes, parcellaires ou incomplètes. En effet, « chaque crise

apporte son lot de rupture, mais chaque crise stimule l’innovation. »228 Les crises, on

en aura toujours, car « l’histoire des crises financières et bancaires est aussi ancienne

227 P. KRUGMAN, préc. note 38. 228 Michel ROUX, « Sortie de crise ou crise de sortie: quelles leçons pour les modèles de banques» (2012)

65 R.H.D.I. 39.

Page 93: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

79

que l’histoire du secteur financier lui-même. »229Pour ce faire, il faudrait être avant-

gardiste sur ce coup et peut-être penser à associer simultanément régulation étatique et

régulation de marché pour avoir un meilleur rendement. Enfin, les juristes doivent avoir

un esprit ouvert afin d’apprivoiser le secteur de la finance. Avec des règles trop strictes

et non progressives, ils n’y parviendront pas, pour cause, le secteur financier est

caractérisé par sa liberté. Les innovations financières sont les fruits de cette liberté.

Celle que nous avons choisi d’étudier, la titrisation, repose sur une technicité qu’il

faudrait mieux appréhender avant d’aborder la question de son encadrement

règlementaire.

229Rakesh MOHAN, « Émergence d’une ébauche de la régulation financière : défis et dynamique» (2009)

13 Revue de la stabilité financière. Quel avenir pour la régulation financière? 113.

Page 94: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

80

CHAPITRE III : L’OPÉRATION DE TITRISATION : ORIGINES ET PROPAGATION

L’analyse des crises que nous avons faite dans le chapitre précédent va nous

permettre de mieux comprendre la mécanique derrière la crise des subprimes et partant,

de comparer l’attitude des autorités de régulation avant et après la débâcle. Mais avant,

étant donné que l’opération de titrisation est l’un des catalyseurs de la crise et l’élément

que nous avons choisi d’analyser, il serait intéressant de revenir sur son origine, et

surtout de bien la définir. La titrisation est une opération qui, progressivement, a

conquis une grande partie des marchés financiers. Fidèle outil de la financiarisation230

de l’économie, cette opération fera l’objet d’une présentation pour en déterminer les

différentes nuances (section I et II). Par la suite, nous étudierons l’impact qu’elle peut

avoir sur les marchés financiers, et ce, à travers l’analyse de la crise financière de 2008

(section II).

230 « La financiarisation de l'économie traduit le développement des marchés financiers qui au-delà de

ce que l'on continue à qualifier d'économie réelle traduit la création d'une sphère marchande où

s'échangent des produits financiers (tels que les produits dérivés) qui ne sont pas rattachés aux activités

de production, de commercialisation ou de consommation. Cette conception du marché est née

parallèlement à la vague de dérèglementation qui s’est produite dans les 80. La titrisation quant à elle

consiste à rendre liquide ce qui ne l’est pas. Elle participe donc de la financiarisation. », LEXINTER, «

Financiarisation de l’économie ». En ligne : <http://www.lexinter.net/JF/financiarisation_de_l'economi

e.htm> (consulté le 16 janvier 2016).

Page 95: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

81

Section I : Naissance de l’opération de titrisation

Les premiers pays à pratiquer la titrisation ont été les pays de tradition de droit

anglo-saxon. Dans ces pays (et en premier lieu aux États-Unis), la possibilité de

constituer des fiducies (trusts) facilite grandement le transfert de la propriété des titres

vers une entité juridique capable de protéger les droits des détenteurs d’actifs.

Initialement de juridiction anglo-saxonne, la pratique de la titrisation va être

progressivement adoptée par les juridictions civilistes. Malgré la survenance de la crise

des subprimes, il faudrait reconnaître que la titrisation n’est pas en soi foncièrement

nocive pour l’économie. Bien au contraire, c’est parce qu’au départ elle a été initiée

pour la bonne cause, c’est-à-dire la gestion de la liquidité des institutions financières,

qu’elle a connu cette rapide expansion. Mais, son utilisation abusive, ajoutée à cela la

cupidité des acteurs financiers, va transformer cette expansion en un défi règlementaire

pour les autorités de régulation. La technique a été importée dans plusieurs pays afin

de multiplier la liquidité sur les marchés financiers

Sous-section I : La naissance de l’opération aux États-Unis.

Connue sous le vocable securitization 231 , la titrisation est apparue dans un

environnement de droit coutumier où la liberté de contracter ne connaît que peu

d’exception. Favorisée par les difficultés financières des caisses d’épargne américaines

(savings loans associations) distributrices de crédits hypothécaires, elle leur a apporté

une solution de marché232.

La situation économique, majoritairement teintée de libéralisme, a favorisé le

développement de l’opération de titrisation comme moyen de financement

supplémentaire pendant une certaine période.

231 Le mot titrisation est construit dans la logique même du mot securitization. En anglais, securities

signifie titres ou valeurs mobilières et securitization est le mot utilisé pour traduire la transformation de

ces titres. Il est apparu pour la première fois en 1977 dans la chronique « Heard on the street » du Wall

Street journal. Voir Lewi S. RANIERI, « The Origins of Securitization, Sources of Its Growth, and Its

Future Potential », dans Leon T KENDALL, Harald HIRSCHHOFER, et Michael J. FISHMAN (dir.), A Primer

On Securitization, Cambridge, MIT press, 1996, p.31 et suiv. 232 Thierry GRANIER et Corynne JAFFEUX, La titrisation. Aspect juridique et financier, 2e édition, Paris,

Economica, 2004, p. 8.

Page 96: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

82

Après la grande dépression de 1930, plusieurs solutions ont été proposées par le

gouvernement américain afin de restructurer l’économie comme nous l’avons expliqué

plus haut233. En effet, avant la crise, les caisses d’épargne « finançaient le logement en

collectant des dépôts à court terme, et en prêtant en long terme.»234 Après la crise, cette

façon de faire a été remise en question au regard des caisses vides des banques lors des

ruées aux guichets pendant la récession. C’est ainsi que l’administration Roosevelt, à

travers la résolution trust corporation235, a permis la création de trois organismes :

- La Federal Home Loan Bank (FHLB), créée en 1932, est chargée de faciliter le

refinancement des prêts immobiliers par le biais d’un marché secondaire des

hypothèques tenues par les savings and loan (Sociétés d’épargne et de crédit).

- La Federal Housing Authority (FHA), créée en 1934, est chargée de

standardiser les modalités de prêts dans le secteur immobilier et offrir des systèmes de

garantie contre le risque de non-paiement sur le marché hypothécaire. En outre, la

couverture offerte par la FHA est semblable à celle qu’offrent les assureurs

hypothécaires canadiens (que nous verrons dans la suite de cette analyse)236, c’est-à-

dire qu’elle protège les prêteurs pour le montant total du prêt et jusqu’à l’échéance du

prêt.237

- La Federal National Mortgage Association (FNMA), créée en 1938 à la suite

de la FHA, est une agence gouvernementale offrant des prêts hypothécaires. Elle est

généralement connue sous le nom de Fannie Mae. Cette association dont la fonction

principale est de stabiliser le marché hypothécaire et d’augmenter la liquidité sur le

marché des prêts hypothécaires achète des prêts immobiliers auprès des établissements

financiers en se finançant sur le marché obligataire. Ainsi, cela a favorisé l’accession

des foyers modestes à la propriété immobilière. Les prêts rachetés étaient alors garantis

233 Supra, pp.55-58. 234 T. GRANIER et C. JAFFEUX, préc. note 232, p.14. 235 Cette résolution a permis de sauver les caisses d’épargne en favorisant ainsi la titrisation. Voir

notamment John K. THOMPSON, La titrisation. Une perspective internationale, Paris, OCDE, 1995, p.10. 236 Infra, pp. 87 et suiv. 237 Voir SOCIETE CANADIENNE D’HYPOTHEQUES ET DE LOGEMENT, « Comparaison des systèmes de

financement de l’habitation du Canada et des États-Unis. Politiques de logement au Canada et aux États-

Unis». En ligne : < http://www.cmhc-schl.gc.ca/fr/inso/sapr/famy/famy_018.cfm >, (consulté le 28

novembre 2014.)

Page 97: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

83

à l’époque par l’administration fédérale du logement (Federal Housing

Administration).

Par la suite, d’autres organismes tels que la Federal Home Loan Mortgage

Corporation (Freddie Mac) et la Government National Mortage Assoaciation (Ginnie

Mae) ont également vu le jour avec les réformes du lendemain de la crise de 1930. Ils

sont donc venus renforcer Fannie Mae sur le marché du logement. Ils étaient

respectivement spécialisés dans le financement hypothécaire et dans les garanties de

paiement sur le marché hypothécaire. Seulement, ces organismes n’ont pas le droit

d’acheter des prêts hypothécaires non assurés lorsque la mise de fonds de l’emprunteur

est inférieure à 20 %; c’est la raison pour laquelle les banques américaines exigent

souvent une assurance de prêt hypothécaire même si elles n’y sont pas tenues

légalement238. Le constat rapide que l’on peut faire est que les intervenants sur le

marché des créances hypothécaires sont nombreux et tous sont financés par les dépôts

des épargnants. De plus, l’État n’est pas très présent dans la sphère immobilière, car il

n’assure pas forcément tous les prêts rachetés. Nous remarquons aussi que le marché

bancaire est menacé par ces différentes institutions gouvernementales qui bénéficient

du soutien de l’État en plus de ne pas être soumis aux règles prudentielles de fonds

propres.

Toutes ces institutions enfantées lors de ce que nous avons précédemment

appelé le New Deal ont permis une nouvelle structuration du marché immobilier

américain. Et, malgré leur statut d’entreprises privées, elles avaient une relation

particulière nouée avec l’administration fédérale; ce qui leur a d’ailleurs valu le titre de

government-sponsored enterprises (GSE), 239 car elles bénéficiaient d’une garantie

gouvernementale. Cependant, « elles avaient des coûts de financement importants

malgré le volume considérable des fonds qu’elles drainaient. »240 C’est dans le but

d’alléger leur gestion financière que ces institutions se sont lancées à partir de 1970,

dans le développement des opérations de titrisation. C’est Ginnie Mae qui lance le

premier produit financier: les prêts immobiliers résidentiels (Residential Mortage-

238 Id. 239Ce sont les entreprises parrainées par le Gouvernement. 240 Paul LE CANNU, Thierry GRANIER et Richard ROUTIER, Instruments de paiement et de crédit,

Titrisation, 8e édition, Paris, Dalloz, 2010, p.470.

Page 98: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

84

backed security, RMBS)241. Il s’agissait de titres permettant de détenir une part des

portefeuilles de prêts immobiliers pour en tirer une rente régulière et ainsi de réduire le

risque de perte en cas de défaut des emprunteurs. En 1971, Freddie Mac a lancé son

premier RMBS, et Fannie Mae fit de même en 1981242.

Par ailleurs, un autre fait marquant est la montée de la désintermédiation. En effet,

les banques et les caisses d’épargne s’occupaient de recevoir les dépôts et d’octroyer

les prêts. Mais la faillite de ces caisses 243 a engendré la naissance des

intermédiaires tels que : les banquiers hypothécaires, les courtiers en hypothèque, les

émetteurs des titres adossés à des hypothèques, les banques d’investissement

structurées autour des titres adossés à des hypothèques et les assureurs hypothécaires.

Plus précisément, aux États-Unis, le mouvement de désintermédiation a été visible à

partir des années 1980-1990. Les principaux facteurs de cette désintermédiation

bancaire américaine sont les suivants :

- Le cadre règlementaire et juridique élaboré dans les années 1930-1940. Parmi

les lois adoptées dans les années 1930, nous pouvons citer : la Régulation Q244,

née afin de plafonner les taux d’intérêts bancaires, va encourager la création de

proches substituts aux dépôts bancaires; et la réforme des fonds de pension245

qui va allonger la maturité moyenne de l’épargne des ménages.

- La politique du logement qui a considérablement changé le mode de

financement de l’économie américaine. Ce changement s’observe par la

création par le gouvernement fédéral d’agences chargées de stabiliser le

financement du marché immobilier, et de faciliter l’accès au crédit des ménages

à revenus modestes. En effet, les agences Fannie Mae, Freddie Mac et Ginnie

Mae vont être le trait d’union entre le marché des prêts au logement et les

marchés de capitaux. Les garanties offertes par les GSE et les agences fédérales,

241 Infra, pp.202-203. 242 Benoît TOUSSAINT, « Le scandale de Fannie Mae et de Freddie Mac continue» (2011) Le Bulletin

d’Amérique. En ligne: < http://lebulletindamerique.com/2011/08/11/etats-unis-le-scandale-fannie-mae-

et-freddie-mac-continue/ > (consulté le 08 janvier 2014). 243 Voir Albert HAYEM, « Les faillites des caisses d’épargne aux États-Unis » (1989) 10/2 R.E.F.125 244 Cette régulation est tirée de la section 11 de la The Banking Act de 1933, Pub.L. 73–66, 48 Stat. 162. 245 Voir La Social Security Act (SSA), Pub.L. 74–271, 49 Stat. 620 et la loi ERISA (Employee Retirement

Income Security Act) de 1974, Pub.L. 93-406, 88 Stat.829.

Page 99: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

85

placées sous la protection implicite ou explicite de l’État fédéral, vont soutenir

le développement de la titrisation de créances. Ainsi, le point de départ de la

titrisation aux États-Unis est l’histoire de la politique du logement des années

1930 à 1980.

Il serait également pertinent de préciser qu’à la différence des banques

commerciales, les banquiers hypothécaires ne sont pas soumis aux règles fédérales

d’encadrement bancaire. Ils sont juste soumis à une procédure de licence (chartered)246

qui est une sorte d’agrément d’exercice. De plus, ils ne reçoivent pas de dépôt donc ;

par conséquent, ils n’ont pas de ressources nécessaires en matière de fonds propres.

Tout cela a contribué à encourager les opérations de titrisation. Comme nous

l’avons dit, la titrisation, née aux États-Unis en 1970, est la résultante de

l’épanouissement du marché du logement. Son principe est simple. Elle a pour objectif

de permettre à une banque détenant des actifs, peu ou pas liquides, de les regrouper, de

les vendre à une entité spécialisée (un véhicule) souvent créée spécialement pour

l’opération. Ce véhicule finance l’achat des actifs grâce à l’émission de titres de

créances négociables, garantis par les actifs rachetés par le véhicule. Sous réserve de la

validation de certaines conditions comptables et juridiques, la banque cédante peut

sortir de son bilan les actifs titrisés, transférant ainsi la propriété et les risques afférents

au véhicule, ou plus précisément, aux investisseurs ayant acheté les titres de créances

émis par le véhicule.

La titrisation a également conquis le secteur privé grâce à l’administration

Reagan avec sa réforme surnommée le Tax Reform Act de 1986247. En effet, l’objectif

de cette réforme était d’alléger l’intervention de l’État pour garantir les prêts

hypothécaires et d’encourager les émissions de titres garanties dans le privé. Ainsi,

après cette réforme, le marché de la titrisation s’est développé dans des structures

privées, hors du champ d’action des agences gouvernementales. Petit à petit et au fur

et à mesure que ces banques d’investissements se sont lancées dans le marché de la

titrisation, ce dernier s’est complexifié pour donner naissance à une gamme diversifiée

246 OFFICE OF THE COMPTROLLER OF THE CURRENCY, «Licensing».

En ligne: < http://www.occ.treas.gov/topics/licensing/index-licensing.html > (consulté le 14 mars

2016). 247 Tax Reform Act de 1986, Pub. L.99-514, 100 Stat. 2085.

Page 100: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

86

de produits d’innovations financières.

Par ailleurs, l’opération de titrisation a connu une aussi rapide évolution parce

qu’il existait déjà aux États-Unis une forme de financement semblable à la titrisation

appelée financement structuré (structured financing)248. Le financement structuré est

un entre-deux entre le financement par capital et le financement par l’emprunt (la

dette). Il « consiste à regrouper des actifs et à vendre ensuite à des investisseurs des

droits, structurés en tranches, fondés sur les flux de revenus générés par ces actifs sous-

jacents. Il se développe comme outil de transfert du risque de crédit.»249

De plus, le structured financing, comme une opération de titrisation,

s’accompagne également de la création d’un trust. Le trust, comme nous le verrons par

la suite, est une institution anglo-saxonne par laquelle une personne, le « constituant »

(settlor), transfère tout ou partie de son patrimoine à une autre personne, le trustee, qui

doit le gérer et en disposer dans l’intérêt des bénéficiaires. Dans le cadre spécifique

d’un transfert de patrimoine (structured financing), le trust est une structure dont le

rôle est de réceptionner les paiements en capital et intérêts générés par des actifs sous-

jacents et de redistribuer les flux rémunérant les investisseurs en titres de dette250.

Après son succès auprès de l’immobilier, cette méthode a été étendue à divers

actifs tels que les crédits à la consommation, les prêts automobiles, les découverts sur

cartes de crédit, les prêts aux étudiants, etc.

En ce qui concerne les opérations de titrisation aux États-Unis, c’est la Securities

Exchange Commission qui est en partie responsable de les règlementer. Cet organe

fédéral américain s’occupe de la règlementation et de la surveillance des marchés

financiers. Elle veille également à protéger les intérêts des investisseurs.

Qu’en est-il du développement de l’opération de titrisation dans les autres

juridictions ?

248 Mounir JAOUDI, Gestion des résultats à travers les montages financiers de titrisation : Cas des

sociétés françaises cotées, thèse de doctorat, Nice, Sciences comptables, Université de Nice Sophia

Antipolis, 2011 p.29. 249 Ingo FENDER et Janet MITCHELL, « Financement structuré : complexité, risque et recours aux

notations », Rapport trimestriel BRI, juin 2005, p.67. 250 Lire Michèle CERESOLI et Michel GUILLAUD, Titrisation et gestion financière de la banque,

Coll. « Économie contemporaine », Paris, éditions Eska, 1992.

Page 101: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

87

Sous-section II : L’expansion de l’encadrement de l’opération de

titrisation dans le reste du monde

À partir des années 80, la titrisation hors bilan instituée par les États-Unis a

commencé à être introduite dans plusieurs pays. Au regard du succès qu’avait cette

opération à venir au bout de problèmes rencontrés par des institutions financières,

plusieurs institutions financières privées ont manifesté l’intérêt de la développer dans

leurs pays respectifs. Nous passerons en revue le cas du Canada, du Royaume-Uni, de

la France et du Luxembourg. Le choix de ces juridictions se justifie par l’évolution

significative de leur corpus législatif en matière de titrisation.

Au Canada

Les banques canadiennes ont connu une fuite de dépôts 251 avec l’entrée des

banques étrangères dans le paysage économique canadien en 1980252. Pour multiplier

251 La fuite de dépôts témoigne l’idée de la sortie des dépôts bancaires des banques traditionnelles pour

les banques d’investissements. Progressivement, au Canada nous sommes passés d’un système de

conservation dans lequel les services financiers étaient segmentés (les services bancaires commerciaux

d’une part, et les services de fiducies, d’assurance et de courtage d’autre part) à un système de

libéralisation. « (…) [L]es révisions apportées à la Loi sur les banques en 1980 () ont permis aux

institutions bancaires de créer des filiales dans divers marchés de services financiers tels que le capital-

risque et le prêt hypothécaire. Les filiales de prêt hypothécaire pouvaient mobiliser des dépôts auxquels

ne s’appliquaient pas les exigences en matière de réserves obligatoires (qui existaient encore à l’époque).

Les banques ont ainsi été à même de concurrencer plus efficacement les sociétés de fiducie, dont les

dépôts n’étaient pas soumis à ces exigences, sur le marché des prêts hypothécaires. Les révisions de

1980 ont aussi permis aux banques étrangères de créer des filiales bancaires au Canada. En 1967, des

modifications à la Loi sur les banques avaient supprimé la possibilité pour les banques étrangères

d’entrer sur le marché canadien. Néanmoins, entre 1967 et 1980, celles-ci ont exercé des activités

limitées au Canada par l’intermédiaire d’établissements non bancaires affiliés qui émettaient des effets

de commerce portant la garantie de la banque mère, ce qui leur permettait de financer leurs activités de

vente et de financement d’entreprises. Par suite de la révision de 1980, tous les établissements affiliés

ont été convertis en filiales assujetties aux dispositions de la Loi sur les banques et capables de mener

l’éventail complet des activités bancaires. Ces changements législatifs ont donné lieu à la création de

nombreuses filiales de banques étrangères au Canada; au milieu des années 1980, le nombre de ces

filiales culminait à environ 50. En 1987, on autorisait les banques canadiennes (d’origine canadienne

comme étrangère) à investir dans des maisons de courtage de valeurs et à distribuer des obligations

d’État. Par la suite, toutes les grandes banques ont fait de gros investissements dans le commerce des

valeurs mobilières et ont acquis une participation majoritaire dans la plupart des maisons de courtage.

Les modifications de 1987 autorisaient également les intermédiaires financiers à se livrer à des

opérations de courtage. Par suite des révisions législatives de 1992, les banques canadiennes avaient

désormais le droit de participer au marché des activités fiduciaires par la création ou l’achat de sociétés

de fiducie.», Jason ALLEN et Walter ENGERT, «Efficience et concurrence dans le secteur bancaire

canadien» (2007) Revue de la Banque du Canada, pp.37-38.

En ligne :<http://www.banqueducanada.ca/wp-content/uploads/2010/06/allen-engert_f.pdf>, (consulté

le 20 mars 2017). 252 En effet, au Canada, à la suite du Rapport Mackay de 1998, nous distinguons maintenant deux types

de banques étrangères : les banques étrangères de l’annexe II et celle de l’annexe III. Si les banques de

l’annexe II n’exercent que peu d’activités au Canada, celles de l’annexe III « à service complet peuvent

Page 102: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

88

leurs sources de financement, ces banques canadiennes vont intégrer la titrisation dans

leurs activités253. Suivant cette logique, le Gouvernement a lancé en décembre 1986 un

programme pour les titres adossés à des créances immobilières. En effet, dans les

années 80, le volume de prêts à court terme avait augmenté élevant ainsi le risque

d’inadéquation que les banques peinaient à accepter. C’est donc pour remédier à la

situation que ce programme fédéral de création d’un marché de titres a été décidé. Le

programme, similaire à celui de la Federal National Mortgage Association (Fannie

Mae) aux États-Unis, a pour objectif d’une part d’offrir d’autres sources de fonds pour

le financement des créances immobilières, et d’autre part, d’encourager les prêts

immobiliers à plus long terme et à des taux plus faibles254. Ce programme a également

permis, aux institutions financières, la possibilité de titriser ces créances immobilières.

Cependant, elles doivent prioritairement être enregistrées à la Société canadienne

d’hypothèques et de logement (SCHL)255 et selon les dispositions de la loi qui la

constitue. La SCHL est l’assureur public de la plupart des emprunts hypothécaires256.

Cela dénote la présence permanente de l’État dans la sphère immobilière. En 1987, les

premiers produits de titrisation sont offerts sur les marchés financiers canadiens, sous

forme de titres adossés à des créances immobilières. Les créances autres

qu’immobilières, les ABS, ont vu le jour en 1989257.

exercer presque les mêmes activités que les banques canadiennes (Annexe I), sous réserve de certaines

conditions», Marc LACOURSIÈRE, « La règlementation des banques virtuelles au Canada», (2004) 49 RD

McGill 703-709. 253 Raymond SILSA, Comment l’Accord de Montréal a-t-il permis de restaurer la confiance des acteurs

de marché dans le modèle d’affaires du PCAA? Mémoire de maîtrise, Paris, Master 2 recherche Politique

générale et Stratégie des Organisations, Université Dauphine 2013/2014, p.25. 254 Georges DIONNE et Tarek M.HARCHAOUI, « Bank’s Capital, Securitization and Credit Risk : An

Empirical Evidence for Canada », (2003) 03-01 Les cahiers du CREF 5. 255 La SCHL octroie des prêts en vertu de la Loi nationale sur l’habitation (L.R.C. (1985), ch. N-11

(LNH)) à des organismes de parrainage de logements sociaux subventionnés par le gouvernement

fédéral, aux Premières Nations, aux provinces, aux territoires et aux municipalités. Le portefeuille de

prêts de la SCHL comprend des prêts renouvelables et non renouvelables aux fins de la production de

logements du marché et de logements sociaux. La SCHL a la possibilité d’emprunter des fonds auprès

du gouvernement du Canada aux termes du Programme d’emprunt des sociétés d’État. Grâce à ces

emprunts, la SCHL peut offrir des prêts à des taux inférieurs à ceux du marché, ce qui permet de réduire

les coûts assumés par l’État pour subventionner les logements sociaux. En ligne : < https://www.cmhc-

schl.gc.ca/fr/index.cfm > (consulté le 16 janvier 2016). 256 «À la fin 2010, la proportion était de 25,74 % au Canada, et de 7,67 % aux États-Unis», James

CHAPMAN, Stéphane LAVOIE et Lawrence SCHEMBRI, « Le financement de marché au Canada sort de

l’ombre », (2011) Revue du système financier 36. 257 « The initial transaction was undertaken by manulife as a Commercial Paper based program with

mortgages sold to a trust and short-term securities sold by the trust to the public. », CANADIAN BOND

Page 103: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

89

La majeure partie des créances titrisées canadiennes sont des titres hypothécaires

émis en vertu de la Loi nationale sur l’habitation (les « TH LNH ») 258 et des

obligations hypothécaires du Canada (OHC). Elles sont garanties par l’État, et ce

dernier assure également les hypothèques résidentielles sous-jacentes. Ces différentes

garanties sont les raisons pour lesquelles les créances titrisées n’ont pas entraîné de

fuite des investisseurs comme cela a été le cas du secteur des titres adossés à des

créances hypothécaires aux États-Unis qui ne bénéficient pas d’un tel système de

garanties.

Ainsi, « la SCHL est l’instigatrice de deux programmes de titrisation visant à offrir

aux prêteurs hypothécaires canadiens une source de financement économique : le

Programme des titres hypothécaires émis en vertu de la Loi nationale sur l’habitation

(titres hypothécaires LNH), dont la création remonte à 1986, et le Programme des

Obligations hypothécaires du Canada (OHC), lancé en 2001. »259

Les titres hypothécaires LNH sont des titres adossés à des blocs de prêts

hypothécaires à l’habitation assurés par la SCHL ou par des assureurs privés.

L’institution financière, émetteur agréé, va donc vendre un bloc ou plusieurs blocs de

prêts, qui seront transformés en titres hypothécaires LNH et vendus aux investisseurs.

Les acquéreurs des titres hypothécaires LNH bénéficient de la caution explicite du

gouvernement du Canada (donnée par l’intermédiaire de la SCHL), puisque les actifs

sous-jacents sont assurés contre le défaut de paiement de l’emprunteur. En outre, le

paiement ponctuel des intérêts et du principal des titres adossés aux blocs de créances

est garanti par le gouvernement du Canada. Malgré ces protections, les acquéreurs des

titres hypothécaires LNH restent tout de même exposés au risque de remboursement

RATING SERVICE, CBRS CMBS update. Real Estate securitization in Canada, Toronto, CBRS Inc., 1999,

p.1. 258Loi nationale sur l’habitation (L.R.C. (1985), ch. N-11. La LNH a été modifiée afin de mettre en

place un cadre juridique pour les programmes canadiens d’obligations sécurisées. L’objectif de ce cadre

est de créer un régime solide d’obligations sécurisées au Canada visant à favoriser la divulgation de

l’information appropriée et la continuité des paiements et le remboursement final des obligations

sécurisées émises, et sans toutefois impliquer le gouvernement fédéral par l’octroi d’une garantie. Voir

le Guide des programmes inscrits canadiens d’obligations sécurisées de la SCHL. 259Allan CRAWFORD, Césaire MEH et Jie ZHOU, « Introduction au marché des prêts hypothécaires à

l’habitation au Canada », Banque du Canada, (2013) Revue du système financier 65. En ligne:

<http://www.cmhc-schl.gc.ca/fr/inso/sapr/famy/famy_018.cfm > (consulté le 12 octobre 2015).

Page 104: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

90

anticipé260 des prêts261, car les flux financiers qu’ils reçoivent diminuent lorsque les

emprunteurs remboursent par anticipation une partie ou l’intégralité de leur prêt

hypothécaire.

Lancé en 2001, le programme des OHC a été conçu pour compléter le programme

des titres hypothécaires LNH262. Les OHC sont émises par la Fiducie du Canada pour

l'habitation (FCH). Pour l’émission des OHC, la FCH acquiert les créances

hypothécaires regroupées dans des titres hypothécaires LNH. Ensuite, elle va vendre

ces obligations aux investisseurs. Un placement dans des OHC offre à l'investisseur

des paiements semestriels de coupons et un remboursement global du capital à

l'échéance. Les OHC sont assorties d'une garantie de paiement ponctuel, du principal

et des intérêts, consentie par le gouvernement du Canada, par l'intermédiaire de la

SCHL.

Les personnes qui investissent dans les titres hypothécaires LNH achètent des

intérêts indivis dans des blocs de créances hypothécaires et touchent des paiements

260 « Le remboursement anticipé permet de limiter les coûts d’emprunt. En effet, le débiteur va épargner

les intérêts qui restent à courir sur son prêt. Ainsi, pour un emprunt standard de 300 000 $, à un taux

d’intérêt de 5 p. 100 sur une période d’amortissement de 25 ans, le coût total des intérêts payés se chiffre

à environ 225 000$. » Marc LACOURSIERE et Frédéric LEVESQUE, « Le remboursement par anticipation

d’un prêt hypothécaire par un consommateur: enjeux et perspectives de réforme », (2016) 57/4 Cahiers

de droit 593. 261 Au Danemark par exemple, et contrairement au Canada, l’emprunteur a la possibilité de rembourser

son prêt par anticipation et à tout moment. Les établissements hypothécaires au Danemark, répondant à

un certain principe d’équilibre et se dissociant de la pratique courante qui veut qu’une institution se

finance à court terme afin de prêt à long terme, émettent des obligations hypothécaires dont la maturité

est équivalente aux prêts hypothécaires sous-jacents ; ces prêts sont généralement octroyés aux

emprunteurs à un taux unique pour toute la durée du prêt, et ce, sur une longue période. Il existe donc

un lien permanent entre l’emprunteur et l’investisseur : toujours selon ce principe d’équilibre, le prêt

hypothécaire est financé par l’émission des obligations hypothécaires. En d’autres termes, l’emprunteur

reçoit le produit de l’émission en guise de prêt. Les mensualités qui seront payées par l’emprunteur

(capital et intérêts), iront chez l’investisseur. Alors, tout en se fiant à la volatilité des taux d’intérêt,

l’emprunteur pourrait rembourser le prêt par anticipation et à tout moment lorsque les taux sont fixes et

à des dates prédéterminées lorsque les taux sont variables. Pour demeurer dans l’esprit du refinancement

hypothécaire, l’emprunteur qui rembourse son prêt par anticipation va, en quelque sorte, racheter ce prêt

en acquérant les obligations hypothécaires à l’investisseur et les revendre à la banque, qui à son tour, va

les rétrocéder au nouvel investisseur. L’emprunteur réalisera une plus-value lorsque les taux sont à la

hausse ; et lorsqu’ils sont bas, il va racheter le prêt à une valeur inférieure à celle du marché. Par ailleurs,

l’emprunteur danois va en plus devoir payer une prime qui représente la contrepartie de son droit de

rembourser par anticipation. Pour plus de détails, voir M. LACOURSIERE et F. LEVESQUE, Id. p.583. 262 Les Obligations hypothécaires du Canada (OHC) sont émises par la fiducie du Canada pour

l’habitation, une entité ad hoc créée par la SCHL pour vendre ces titres à des investisseurs et affecter le

produit de l’émission à l’achat de titres hypothécaires LNH. Grâce à leur faible niveau de risque et à leur

caractère avantageux, les OHC attirent un vaste cercle d’investisseurs au Canada et à l’étranger.

Page 105: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

91

mensuels (capital et intérêts) provenant des flux de trésorerie relatifs aux créances

hypothécaires sous-jacentes.

Les prêteurs hypothécaires ont à leur disposition plusieurs sources de fonds : ils

peuvent utiliser les dépôts que leur confient les particuliers ou encore solliciter le

marché en émettant des obligations sécurisées ou en recourant à la titrisation. Au

Canada, les institutions de dépôts ont traditionnellement utilisé les dépôts des

particuliers pour financer des prêts hypothécaires vu que ces derniers sont assurés en

grande partie par la Société d’assurance-dépôts du Canada. Grâce aux programmes des

titres hypothécaires LNH et des obligations hypothécaires du Canada (OHC) de la

SCHL, la titrisation des créances hypothécaires s’est répandue au Canada.

À côté du marché canadien de la titrisation publique (TH LNH et obligations

hypothécaires du Canada) se trouve la titrisation privée qui, malgré la petite taille de

son marché, est effectuée de manière prudente, en plus d’être assujettie à une

surveillance prudentielle263. Cette titrisation effectuée par les banques canadiennes

repose sur deux instruments financiers : le Papier commercial adossé à des actifs

(PCAA) et les Titres adossés à des actifs (TAA). Les PCAA et les TAA « résultent

d’une opération de transformation de la liquidité, dans le cadre de laquelle des actifs

relativement peu liquides (créances sur cartes de crédit, prêts hypothécaires, prêts et

crédit-bail automobiles, etc.) sont regroupés pour créer des titres à revenu fixe pouvant

se négocier sur les marchés.»264

Le PCAA constitue une créance à court terme adossée à une variété d’instruments

financiers. Plus précisément, il représente l’ensemble de petits actifs homogènes tels

que les prêts hypothécaires, les créances sur cartes de crédit, les prêts (et crédit-bail)

automobiles et les créances clients265. Les PCAA sont généralement par des fonds

(véhicule de titrisation) constitués par les banques et les institutions non bancaires. La

263 La titrisation privée est réalisée par les banques canadiennes, elles-mêmes règlementées par le Bureau

du Surintendant des Institutions Financières (BSIF). Pour plus amples informations concernant

l’encadrement de cette forme de titrisation, consulter le chapite 7 de la ligne directrice sur les normes

de fonds propres du BSIF. 264 Toni GRAVELLE, Timothy GRIEDER et Stéphane LAVOIE, « Surveillance et évaluation des risques

émanant du secteur bancaire parallèle au Canada », Banque du Canada, (2013) Revue du système

financier 64. En ligne : < http://www.banqueducanada.ca/wp-content/uploads/2013/06/rsf-0613.pdf >,

(consulté le 20 juin 2014). 265 Paula TOOVEE et John KIFF, « Le marché canadien du papier commercial adossé à des actifs :

Évolution et enjeux », Banque du Canada, (2003) Revue du système financier 45.

Page 106: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

92

principale différence entre ces deux entités est la nature des actifs sous-jacents : si pour

les banques les actifs sous-jacents comprenaient les actifs conventionnels, c’est-à-dire

les prêts hypothécaires, les prêts automobiles, etc.; pour les entités non bancaires, les

actifs sous-jacents étaient des actifs synthétiques (dérivés de crédit).

Le rendement des PCAA s’avérait alléchant au regard d’autres formes de titres à court

terme. En 2007, le marché des PCAA s'est effondré. Certaines institutions québécoises

et canadiennes ont englouti des milliards dans les PCAA et ont vu leurs résultats

financiers tourner fortement au rouge au plus fort de la crise des PCAA266. Si aux États-

Unis, la crise est venue du marché des prêts subprimes, au Canada, le PCAA a joué un

rôle majeur dans la crise. En effet, la crise des subprimes a impacté les marchés

internationaux au point de créer une crise de confiance et une crise de liquidités du

marché canadien du PCAA émis par des entités non bancaires. En effet, la crise du

PCAA et la crise des subprimes sont étroitement liées, car la deuxième a contribué à

créer une perte de confiance aux investisseurs canadiens de papier commercial adossé

à des actifs. Et l’on sait le poids de la méfiance sur les marchés. En effet, quand les

investisseurs canadiens ont appris ce qui se passait aux États-Unis, ils ont commencé à

avoir des doutes sur la qualité des sous-jacents des PCAA qu’ils détenaient ou qu’ils

comptaient acheter. Les entités non bancaires qui émettaient les PCAA ne pouvaient

pas octroyer des prêts, et par conséquent n’avaient pas accès aux actifs; le PCAA émis

par ces entités était alors adossé à des dérivés de crédit. Lorsque la bulle a éclaté aux

États-Unis, les entités non bancaires ont eu du mal à trouver les liquidités nécessaires

pour remplir leurs obligations et payer les PCAA émis en circulation auprès des

investisseurs267.

En ce qui concerne le Québec, il n’existe pas une loi spéciale en matière de

titrisation. Cependant, par analogie, le Québec règlemente la fiducie268, qui est l’organe

juridique par excellence de l’opération de titrisation. En effet, cette fiducie peut jouer

le rôle du trust anglo-saxon dans la mesure où les deux techniques se recoupent. D’un

266 François-Éric RACICOT et al., « La titrisation aux États-Unis et au Canada », (2016)280/4 La Revue

des Sciences de Gestion 21.32. 267 Voir Paul HALPERN, Caroline CAKEBREAD, Christopher C. NICHOLLS et Poonam PURI., Back from

the brink : lessons from the Canadian asset-backed commercial paper crisis, University of Toronto

Press, Toronto, 2016. 268 Infra, pp. 329 et suiv.

Page 107: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

93

autre côté, le Québec a également une Loi sur les valeurs mobilières269. L’analogie ici

vient du fait que dans une opération de titrisation, nous avons des investisseurs et

lorsque ces derniers souscrivent à des parts émises par le véhicule de titrisation, ils le

font par un contrat d’investissement. Selon l’article 1(9°) de la Loi sur les valeurs

mobilières, « [l]e contrat d'investissement est un contrat par lequel une personne

s'engage, dans l'espérance du bénéfice qu'on lui a fait entrevoir, à participer aux risques

d'une affaire par la voie d'un apport ou d'un prêt quelconque, sans posséder les

connaissances requises pour la marche de l'affaire ou sans obtenir le droit de participer

directement aux décisions concernant la marche de l'affaire. »270 En plus de cela, les

différentes lignes directrices de l’Autorité des marchés financiers participent également

à l’encadrement des institutions financières dans la province du Québec. Pour

l’encadrement des opérations de titrisation, nous pouvons citer la ligne directrice sur

la gestion des risques liés à l’opération de titrisation271, la ligne directrice sur la

gestion du risque de liquidité272 et la ligne directrice sur les normes relatives à la

suffisance du capital de base273. Pour les articulations de l’opération, le Code civil, la

Loi sur les banques274 ou la Loi sur les assurances 275 apportent des éléments de

réponses. La Loi sur les valeurs mobilières276, quant à elle, veille au-delà de tout à la

protection des épargnants277.

En France

L’idée de l’introduction de la titrisation en France est née en 1985 en réponse au

niveau élevé de concurrence entre les banques. De plus, les difficultés liées à la mise

en œuvre des recommandations prudentielles de Bâle ont poussé les établissements de

269 Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ c. V-1.1. 270 Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ c. V-1.1, article 1(9°). 271AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS (Québec), Ligne directrice sur la gesrtion des risques liés à

l’opération de titrisation, mars 2019. 272 AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS (Québec), Ligne directrice sur la gestion du risque de liquidité,

mars 2019. 273 AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS (Québec), Ligne directrice sur les normes relatives à la

suffisance du capital de base, mars 2019. 274 Loi sur les banques, L.C. 1991, ch. 46. 275 Au Québec, Loi sur les assurances, RLRQ chapitre A-32. 276 Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ c. V-1.1. 277 AUTORITE DES MARCHES FINANCIERS (Québec), Les fonds communs de placement : la protection des

épargnants au Québec, Mémoire préparé dans le cadre de la consultation publique de la Commssion des

finances publiques, 14 avril 2006,

Page 108: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

94

crédit à chercher de nouvelles structures de financement afin d’améliorer leur ratio de

solvabilité278. Avec ses réflexions sur la question de l’intermédiation des marchés,

Yves Ullmo, conseiller à la Cour des comptes en France, lance les premières analyses

sur la possibilité d’opter pour la titrisation comme moyen de financement279.

Par la suite, et à l’inverse des États-Unis où aucun régime spécifique n’a été

consacré pour la titrisation, le législateur français est intervenu avec une loi créant le

fonds commun de créance, premier organisme de titrisation. En effet, le fait que le

système juridique et règlementaire américain de titrisation soit complètement différent

de celui de la France a emmené les autorités de régulation françaises à penser à un

système propre à eux. C’est ainsi qu’en 1988, la loi instituant le transfert de créances

au fonds commun de créances (aujourd’hui appelé fonds commun de titrisation) a vu

le jour280. L'objectif de la loi portait essentiellement sur la titrisation des créances

hypothécaires. Avant cette loi, la titrisation était sous l’empire du droit commun de la

cession de créances et de la Loi bancaire du 24 janvier 1984281 qui restreignait la

cession à des créances professionnelles non échues.

Le texte de 1988 fait l’objet de quelques révisions entre 1992 et 1993 manifestants

ainsi le besoin de développement de l’opération. En 1993, plusieurs aménagements ont

été apportés à la loi de 1988 : les créances des entreprises d’assurances étaient à présent

concernées par la titrisation ; le fonds commun de créances pouvait acquérir des

créances après l’émission des parts ; la simple remise du Bordereau Dailly282 assurait

désormais l’opposabilité aux tiers des différents transferts et hypothèques ; plusieurs

mesures ont également été prises en ce qui concerne la constitution et la liquidation des

fonds communs de créances283.

Ce cadre juridique a évolué : il y a eu plusieurs précisions terminologiques ; le

fonctionnement des fonds communs de créances a été amélioré ; l’extension des

278 P. LE CANNU, T. GRANIER et R. ROUTIER, préc. note 240, p.476. 279 Yves ULLMO, « Intermédiation et marché : quelques remarques », (1990) 41/5 Revue économique

939. 280 Loi 88-1201 du 23 décembre 1988 portant création des fonds communs de créances. 281 La Loi 93-06 du 4 janvier 1993 relative aux sociétés civiles de placement immobilier, aux sociétés de

crédit foncier et aux fonds communs de créances. 282 C’est un document qui retrace les créances qu’une entreprise cède à une banque afin de garantir les

prêts qui lui ont été accordés par celle-ci ; dès lors que le bordereau est conforme aux exigences de la

loi, il opère à lui seul la cession. Voir l’article L313-23 du Code monétaire et financier en France. 283 P. LE CANNU, T. GRANIER et R. ROUTIER, préc. note 240, p.488.

Page 109: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

95

créances titrisables ; l’instauration du mécanisme de protection des créances cédées en

cas de liquidation et l’instauration des organismes de titrisation. Aujourd’hui, la Loi n°

88-1201284 a été complètement modifiée, le fonds commun de créances a disparu. Le

Code monétaire et financier et le règlement général de l’Autorité des marchés

financiers représentent le cadre général des opérations de titrisation285.

Par ailleurs, « la titrisation a véritablement commencé en 1989 avec une émission

adossée à des créances de la Société des Bourses française sur des intermédiaires du

marché financier (CAC-Titrisation). »286 Ce sera la seule opération jusqu’en 1993;

pour cause, à cette époque, de nombreux prêts hypothécaires sont consentis en France

à des taux d’intérêt très faibles rendant une titrisation de ce type de créances très risquée

pour les banques. Rajoutons que la titrisation française finance principalement

l’immobilier résidentiel national287. En France, la titrisation est sous la supervision de

la Commission des Opérations de Bourse et de la Banque de France.

Royaume-Uni

Le Royaume-Uni est la deuxième juridiction qui a instauré l’opération de titrisation

bien après les États-Unis. Les établissements spécialisés dans le financement

hypothécaire (Specialist Mortgage Lenders) y ont vu le jour dans les années 80 et

avaient pour rôle d’organiser les opérations de crédit hypothécaire. La naissance de ces

établissements a contribué à l’expansion du marché des titres adossés à des créances

hypothécaires entre 1985 et 1986. Cependant, avec la chute du prix de l’immobilier, la

valeur des titres a considérablement baissé ce qui a causé le ralentissement des activités

sur le marché. Mais la reprise en 1994 a vu le volume d’émissions progressivement se

redresser. Le Royaume-Uni est le pays où se trouve le deuxième plus grand marché

d’actifs titrisés dans le monde; Londres reste d’ailleurs le principal centre européen de

titrisation288.

Avant 1986, seules les sociétés de construction étaient autorisées à octroyer des

prêts hypothécaires aux consommateurs au Royaume-Uni. À partir de 1986, l’entrée

284 Loi 88-1201 du 23 décembre 1988 portant création des fonds communs de créances. 285 P. LE CANNU, T. GRANIER et R. ROUTIER, préc. note 240, p.494. 286 J. K. THOMPSON, préc., note 235, p.38. 287 Omar BIROUK et François DARVES, « La titrisation en France : évolutions récentes », (2013) 194

Bulletin de la Banque de France. 288 J. K. THOMPSON, préc., note 235, p.6-37.

Page 110: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

96

en vigueur de la loi sur les services financiers (Financial Services Act)289 va permettre

aux banques et à quelques prêteurs centralisés d’être présents sur les marchés des prêts

hypothécaires. Ainsi, la Financial Services Act va encadrer les transactions

d'investissement et à cet effet, va mettre en place le Bureau des titres et de

l'investissement (Securities and Investrnent Board » (SIB)) qui sera remplacé en 1997

par l’actuel Financial Services Authority.

Toujours en 1986, la Building Societies Act290 va démutualiser les sociétés de

constructions; elles deviendront des banques. Cette dérégulation de l’activité

hypothécaire aura deux principales incidences : premièrement elle va permettre aux

banques d’investissement américaines d’établir leurs filiales de prêts hypothécaires au

Royaume-Uni. En étendant leurs activités au Royaume-Uni, ces banques

d’investissements vont introduire de nouveaux produits financiers tels que la titrisation.

Salomon Brothers est l’un des premiers établissements financiers à réaliser des

opérations de titrisation en mettant en place le Mortgage Corporation, une structure qui

émettait des prêts hypothécaires, structurés par Salomon, pour être ensuite revendus

aux investisseurs anglais291. La deuxième incidence de la dérégulation précédemment

mentionnée se rapporte aux banques de détails anglaises qui vont commencer, à leur

tour, à émettre des prêts hypothécaires.

Par ailleurs, la Financial Services Act de 1986, afin d‘éviter les externalités, va

mettre en place une procédure d’examen des créances à titriser et des établissements

qui les émettent. En effet, dans ses articles 142 et suivants, la loi dispose que les

établissements de crédit qui souhaitent titriser des créances de leur bilan doivent les

faire enregistrer sur une liste officielle (Official List). Pour mettre cette disposition en

pratique, un document qui établit les règles de cotation en bourse (Listing Rules292) a

été élaboré. Ce document contient la règlementation de la Bourse de Londres (London

Stock Exchange) à laquelle sont soumis les établissements de crédit. Cette

289 Financial services act, 1986, Chapter 60. 290 Building Societies act, 1986, Chapter 53. 291 Thomas WAINWRIGHT, « Transferring Securitization, Bond-Rating, and a Crisis from the US to the

UK », dans Manuel Aalbers, Subprime Cities: The Political Economy of Mortgage Markets, vol. n° 72,

New-Jersey, John Wiley & Sons, 2012, p.97. 292 LONDON STOCK EXCHANGE, A guide to listing on the London Stock Exchange, 2010. En ligne :

< https://www.londonstockexchange.com/home/guide-to-listing.pdf >, (consulté le 30 mars 2017).

Page 111: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

97

règlementation détermine les conditions d’admission d’une créance sur la liste

officielle, la demande d’inscription des créances présentée par les établissements

financiers, et les obligations qui incombent à ces établissements. La responsabilité de

l'approbation des prospectus et de l'admission des sociétés à la liste officielle incombe

à l'UKLA (UK Listing Authority293). La Bourse, quant à elle, est responsable de

l'admission à la négociation des sociétés sur le marché principal. L'adhésion au marché

principal comporte donc deux niveaux d’évaluation : l'une à l'UKLA et l'autre à la

Bourse.

Outre la législation précitée, il existe des lois qui concernent indirectement la

titrisation. « II y a, par exemple, la loi sur les compagnies votée en 1985 et amendée en

1989294 qui interdit à la direction générale d'une compagnie d'émettre des titres sans

l'autorisation des autres associés. Toute infraction à cette obligation peut entraîner des

sanctions pénales et civiles. »295

Luxembourg

C’est la Loi sur la titrisation du 22 mars 2004296 introduite par le Grand-Duché qui

a mis en place un cadre légal et fiscal au processus de titrisation au Luxembourg.

L’alinéa 1 du premier article de la loi définit la titrisation comme étant : « l’opération

par laquelle un organisme de titrisation acquiert ou assume, directement ou par

l’intermédiaire d’un autre organisme, les risques liés à des créances, à d’autres biens,

ou à des engagements assumés par des tiers ou inhérents à tout ou partie des activités

réalisées par des tiers en émettant des valeurs mobilières dont la valeur ou le rendement

dépendent de ces risques. » D’après cet article, toute créance susceptible de générer des

revenus est titrisable. Et même qu’il est possible de titriser soit le risque lié à la créance,

soit l’intégralité ou une partie des activités d’une société.

293 L'UK Listing Authority («UKLA») est le nom utilisé par la Financial Services Authority («FSA»)

lorsqu'elle agit en tant qu'autorité compétente en cotation. 294 Companies act, 2006, Chapter 46. 295 Rachel AHOYO, La titrisation des créances bancaires : une étude en droit comparé, Mémoire pour

l’obtention d’une maîtrise en droit (LL.M), université Laval, 1997, p.34. 296 Loi sur la titrisation du 22 mars 2004, Mémorial A n°46.

Page 112: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

98

Plus loin, le deuxième alinéa de l’article 1er de la loi qui porte sur les organismes

de titrisation définit celles-ci tout en leur donnant un cadre juridique spécifique pour

l’exercice de leur activité. Il les définit comme des

[o]rganismes qui accomplissent entièrement la titrisation et ceux qui

participent à une telle opération par la prise en charge de tout ou partie des

risques titrisés - les organismes d'acquisition - ou par l'émission des valeurs

mobilières destinées à en assurer le financement - les organismes

d'émission, et dont les statuts, le règlement de gestion ou les documents

d'émission prévoient qu'ils sont soumis aux dispositions de la présente loi.

Afin d’offrir la possibilité de choisir le véhicule le mieux adapté à l’opération

visée, le législateur a retenu deux catégories de véhicule :

Une société de capitaux de droit luxembourgeois dotée de la personnalité

morale et soumise à aucun capital minimum. Ses bénéfices sont imposables.

Un fonds de titrisation géré par une société de gestion (une ou plusieurs

copropriétés, un ou plusieurs patrimoines fiduciaires) : le fonds de titrisation

n’a pas la personnalité morale et la société de gestion, qui doit être une société

commerciale, est appelée à administrer et à gérer les actifs titrisés.

Quelle que soit la forme adoptée, chaque véhicule bénéficie d’une réelle autonomie

patrimoniale.

Article 71. 1.

Le représentant-fiduciaire peut également se voir reconnaître par des

investisseurs et des créanciers le pouvoir d'agir dans leur intérêt en qualité

de fiduciaire, conformément à la législation sur les trusts et les contrats

fiduciaires. Les droits et les biens qu'il acquiert au bénéfice des

investisseurs et des créanciers forment un patrimoine fiduciaire distinct du

sien, comme de tout autre patrimoine fiduciaire dont il serait titulaire.

Par ailleurs, la constitution d’un organisme de titrisation ne requiert l’agrément du

Conseil de Surveillance du Secteur Financier que si cet organisme émet « en continu »

des valeurs mobilières à destination du public. En effet, la loi assimile l’émission de

valeurs mobilières « en continu » à destination du public à l’activité d’un établissement

de crédit et la soumet en conséquence à l’obtention d’un agrément et une surveillance

de la part du régulateur.

Page 113: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

99

Avec cette législation souple et compréhensive, le Luxembourg tend à devenir un

centre majeur de la titrisation à travers l’Europe.

La titrisation s’est répandue dans toute l’Europe par la suite. « Le Royaume-Uni

occupe la première place en Europe avec une part de marché d’environ 40 % devant

l’Allemagne, l’Italie et l’Espagne. En France, la place et le rôle de la titrisation sont

très modestes. »297

La titrisation a également fait son apparition en Asie et en Amérique latine où elle est

encore très récente298.

Après avoir décrit la naissance et l’expansion de l’opération de titrisation, il est

nécessaire, afin de mieux entrevoir son importance et le rôle qu’il a joué dans la crise

des subprimes, de la définir, et ce, en la qualifiant juridiquement et en expliquant son

procédé et les acteurs qui y interviennent.

297 Delphine LAUTIER et Yves SIMON, Finance internationale, 9e édition, Paris, Economica, 2005, p.720.

Le 29 mars 2017, le Royaume-Uni a officiellement notifié la mise en œuvre de la procédure prévue à

l’article 50 du Traité sur l’Union européenne, engageant le processus de retrait du Royaume-Uni de

l’Union européenne communément appelé « Brexit ». A compter de la prise d’effet de ce retrait, le

Royaume-Uni cessera d’être directement soumis aux règles édictées par les institutions européennes,

sous réserve des termes finaux de l’accord à intervenir entre le Royaume-Uni et l’Union européenne.

Nous assistons au départ du plus grand centre financier européen de l’UE. Ce départ a un impact sur le

marché européen de la titrisation. Parti pour être la première victime du retrait du Royaume-Uni, le projet

de directive sur les opérations de titrisation en Europe a finalement abouti. Dans ce scénario, l’Autorité

réglementaire britannique devrait rester en étroite collaboration avec l'Autorité européenne des marchés

financiers (AEMF) afin que les normes réglementaires évoluent parallèlement dans le temps. Et toujours

dans cette même perspective, des règles d'équivalence pourraient également s'appliquer à la titrisation,

dans la mesure où les sociétés financières non européennes pourraient être autorisées à créer des prêts

conformes aux normes simples, transparentes et comparables, à condition que leur pays d'origine dispose

d'une réglementation et d'une supervision strictes. Lire Miranda XAFA, « European Capital Markets

Union Post-Brexit », 140 CIGI papers 2017. 298 Voir Michel SCATIGNA et Camilo E. TOVAR, « Securitization in Latin America », (2007) BIS

Quarterly Review 71; Jacob GYNTELBERG et Eli M. REMOLONA, « Asie–Pacifique : implications de la

titrisation pour la liquidité et les risques de crédit », (2006) Rapport trimestriel BRI 69.

Page 114: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

100

Section II : Définition de l’opération de titrisation

Sous-section I : Titrisation et notions voisines

Une société, une fois constituée, a besoin, en plus des différents apports de ses

actionnaires, d’autres sources de financement qu’elle ira généralement chercher en

interne, auprès des banques, ou encore sur les marchés financiers. Parmi les sources de

financement dont dispose une société, nous trouvons, entre autres :

- L'émission de nouvelles actions et obligations : en augmentant son capital, la

société pourra alors utiliser cet argent et le prêter. Cependant, une augmentation

de capital va diluer les actions existantes et diminuera la rentabilité de cette

société. Les obligations quant à elles assurent une certaine stabilité du

portefeuille, mais leur rendement est faible par le risque est également moins

élevé;

- L'emprunt (auprès d'une banque ou d'investisseurs institutionnels). Seulement,

la société peut ne pas être éligible à l’emprunt au regard de sa capacité

financière; ou alors, le coût de l'emprunt, notamment le taux d'intérêt à payer

aux prêteurs, peut être trop élevé;

- Les garanties bancaires. Elles permettent à la société de mobiliser des fonds

importants. Cependant, elles n’offrent pas de liquidités;

- Le financement participatif. Destiné généralement aux PME, ce type de

financement peut prendre la forme d’un don, d’un prêt ou d’une participation

au capital. Pour rassembler un maximum d’investisseurs, il faut présenter son

projet sur une plateforme spécialisée et en faire la promotion notamment.

Toutefois, l’obtention du financement dépend de l’intérêt que les investisseurs

ont pour le projet présenté;

- Et la titrisation, qui ne représente pas une situation à risque pour la banque. En

effet, la titrisation représente une nouvelle source de financement pour la

banque; son coût de financement est plus faible et elle garantit un traitement

hors bilan : une titrisation allège le bilan et améliore la qualité des fonds propres

de la banque.

Tout d’abord, il serait approprié de revenir brièvement sur la définition de

l’opération de titrisation. C’est une opération de gestion de risques de crédit et de

Page 115: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

101

refinancement qui permet à un établissement de crédit de céder des créances (prêts

hypothécaires, encours de cartes de crédit, etc.) à une structure indépendante créée

spécialement pour l’opération. Cette structure va émettre des parts qui seront souscrites

plus tard par des investisseurs. Le produit de cette souscription va permettre à la

structure de financer l’acquisition de ces créances. Les investisseurs quant à eux, seront

rémunérés grâce aux flux générés par les créances cédées, c’est-à-dire par le

remboursement de l’emprunteur de l’établissement de crédit.

À la lecture de cette définition, le premier quiproquo que nous voulons lever est

celui de la comparaison de l’opération de titrisation des créances et la défaisance. La

défaisance299 est également un outil de gestion du risque de crédit; mais contrairement

à la titrisation, c’est la dette de l’entreprise qui est cédée à une structure indépendante

et non les créances. La cession de la dette s’accompagne de la cession d’un portefeuille

d’actif qui viendra garantir l’opération puisqu’à la base, la structure d’accueil qui sera

créée n’a aucun actif pour remplir son obligation. Une autre différence à relever se

trouve au niveau de l’initiateur de l’opération. Dans une opération de crédit, c’est le

créancier qui est à l’origine de l’opération et dans la défaisance, le débiteur. Ainsi, c’est

le débiteur qui gère son risque d’insolvabilité. L’obligation de remboursement pèse

toujours sur le débiteur, mais ce qui est exactement transféré c’est le service de la dette.

Autrement dit, c’est la structure qui sera donc tenue de payer la dette sans qu’il faille

libérer le débiteur initial de son obligation de remboursement. Donc nous nous

retrouvons dans un cas de pluralité de débiteurs. Cette technique, qui s’apparente à

celle de la délégation en droit québécois300, ne fera pas partie de la présente analyse.

Une autre notion voisine à la titrisation des créances est l’affacturage 301 . La

technique de l’affacturage permet à une entreprise de transférer la gestion de ses

créances à une société d’affacturage. Cette dernière va donc gérer le recouvrement des

299 Alain GAUVIN, « La défaisance, comment ça marche?» L’Économiste, Le Premier Quotidien

Économique du Maroc, Édition n°1756 du 27/04/2004. En ligne :< http://www.leconomiste.com/articl

e/la-defaisance-comment-ca-marchebrpar-me-alain-gauvin-specialiste-en-droit-financier >, (consulté le

3 février 2015). 300 Article 1667 Code civil du Québec, L.Q. 1991, c. 64 (ci-après « C.c.Q.»). Lire également Michelle

CUMYN, « La délégation du Code civil du Québec : une cession de dette ?» (2002) 43 Les cahiers de

droit 601. En ligne :< http://id.erudit.org/iderudit/043726ar >, (consulté le 3 février 2015). 301 Cette technique est appelée factoring en anglais.

Page 116: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

102

créances pour le compte de l’entreprise302. Ici, les créances ne sortent pas du bilan de

l’entreprise, contrairement à une opération de titrisation. Une autre différence entre

cette technique et l’opération de titrisation réside dans le processus et le but :

« l’affacturage est un moyen de financement des entreprises par les banques, alors que

la titrisation est un moyen de financement des entreprises et des banques par le marché

financier. »303

Sous-section II : Initier pour céder

Auparavant, l’existence des banques reposait implicitement sur un modèle dans

lequel elles octroyaient des crédits pour les conserver dans leur bilan jusqu’à échéance.

Ce modèle, qualifié de originate-to-hold (initier pour conserver), a visiblement trouvé

ses limites avec le développement de la titrisation : l’activité des banques s’est en effet

modifiée au cours des dernières décennies, avec le glissement progressif vers un

modèle originate-to-distribute (initier pour céder). Celles-ci ont pu s’affranchir de

certaines contraintes relatives à la production, la distribution et la commercialisation

de crédits : grâce à la titrisation, l’octroi d’un crédit n’implique plus de le conserver au

bilan de l’institution financière. L’économiste américain Barry Eichengreen le dit

d’ailleurs très bien : « [a]vec la titrisation, celui qui octroie le prêt est moins incité à

évaluer la qualité du crédit contrairement au bon vieux temps, lorsque les banques

inscrivaient leurs prêts au bilan. »304 Étant donné que les banques gardaient les prêts

dans leurs bilans, elles étaient plus motivées à surveiller la qualité de ces prêts et à

mieux évaluer les risques qui les entouraient. Avec la titrisation, les banques cèdent ces

prêts et transfèrent par la même occasion les différents risques qui leur sont afférents.

La cession des prêts a donc pour effet de diminuer les incitations des banques à

surveiller la qualité des prêts qu’elles octroyaient. « En effet, alors que les prêts à taux

variables et les ventes de prêts participatifs permettent à un prêteur de partager les

risques avec l'emprunteur, la titrisation des créances bancaires lui permet d'extraire la

302 T. GRANIER et C. JAFFEUX, préc. note 232, p.8. 303 M. JAOUDI, préc. note 248, p.26. 304 Barry EICHENGREEN, «Dix questions à propos de la crise des prêts subprimes», (2008) 11 Revue de

la Stabilité Financière 20.

Page 117: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

103

créance titrisée de son bilan réduisant ainsi la maturité moyenne du portefeuille de

créances et éliminant le risque de variation des taux d'intérêt qui y est associé. »305

Avec la titrisation, la banque cède et fait sortir de son bilan les prêts qu’elle juge

économiquement peu ou non rentables et ne conserve que les prêts dont la gestion lui

permet de réaliser des économies. C’est exactement ce qui s’est passé avec les

subprimes, qui sont des prêts à risque. La titrisation évite également à la banque de

solliciter un emprunt interbancaire. Cet emprunt est généralement assorti d’un taux

d’intérêt. Il commence à devenir problématique lorsque la banque est endettée, et n’est

plus à mesure de rembourser son emprunt créant ainsi un blocage sur le marché

interbancaire. Alors, la titrisation va lui permettre de contourner les variations des taux

à la hausse, car elle permet de détenir une source de financement direct par le marché,

et non un financement intermédié par l’endettement interbancaire. Nous entendons par

endettement interbancaire le fait pour une banque d’emprunter auprès d’une autre

banque à travers le marché interbancaire. Les banques sont constamment à la recherche

de liquidités et de placements pour leurs liquidités; ce marché interbancaire (réservé

aux banques) va leur permettre de s’échanger entre elles des actifs financiers de court

terme.

En outre, les banques peuvent même racheter des crédits octroyés par d’autres

intermédiaires financiers, pour les assembler et les transférer ensuite à des véhicules

hors bilan306 pour les titriser; les titres ainsi émis étant ensuite achetés par d’autres

banques, par des fonds spéculatifs ou d’investissement, par des entreprises ou par des

sociétés d’assurance. Cela permet de voir combien cette innovation peut être

complexifiée par les acteurs financiers dans le but de créer plus de ressources.

Une autre forme de titrisation qui consiste pour la banque à transférer uniquement

les risques liés aux créances. Il s’agit de la titrisation synthétique des créances. Ainsi,

l’établissement de crédit qui veut se protéger contre le risque de crédit va conclure un

contrat avec le véhicule de titrisation qui est la structure d’accueil en utilisant un

instrument dérivé appelé un credit default swap ou couverture de défaillance307. Ce

305 R. AHOYO, préc. note 295, p.3. 306 Ce sont des structures créées pour abriter les produits financiers émis par les banques. 307 Infra, p.218. Par ailleurs, si la titrisation, classique ou synthétique, est généralement hors bilan (Off-

balance sheet), il existe une titrisation bilantaire (on balance sheet) qui permet à une banque d’émettre

Page 118: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

104

contrat va permettre à l’établissement de crédit de se couvrir contre des évènements de

crédit moyennant le paiement d’une prime. Le véhicule de titrisation va en quelque

sorte vendre la protection contre le risque de crédit. Si l’évènement de crédit se produit,

c’est le véhicule de titrisation qui va payer à la place de l’établissement de crédit. C’est

une opération qui, par la force des choses, s’est trouvée mêlée aux opérations de

titrisation classiques lors de la crise des subprimes. Ainsi, afin de mieux analyser les

rapports juridiques mis en exergue dans l’opération, il est important d’effectuer une

différenciation sur les produits financiers utilisés selon qu’ils transfèrent les créances

de manière effective ou synthétique :

- La titrisation synthétique qui permet à la banque de transférer le risque

lié aux actifs à un véhicule de titrisation qui se chargera d’émettre des

titres adossés au risque de ces créances. Ces titres permettent à la

banque d’obtenir de la liquidité tout en gérant le risque. Dans cette

opération, le sous-jacent est un instrument dérivé, généralement un

CDS (credit default swaps)

- La titrisation classique qui donne lieu à la création d’une entité ad hoc

(véhicule de titrisation) et permettra l’externalisation des actifs

titrisés308. Dans ce cas, c’est le véhicule de titrisation qui va émettre

des titres pour financer l’acquisition des créances. Ces titres sont

appelés asset backed secutities309 , c’est-à-dire titres adossés à des

créances.

Avec la titrisation, les banques ne sont plus donc exposées aux défauts des prêts.

En effet, leurs revenus ne dépendent plus de la qualité des emprunteurs et leur capacité

des titres garantis par un portefeuille de créances qui demeurent inscrites à son actif. Le flux (intérêts et

remboursements des créances) réalisé par le portefeuille va permettre de rembourser les obligations

financières émises préalablement (covered bonds). 308 Souvent, les ménages emprunteurs initiaux ignorent que leurs créances ont changé de mains, ils

restent en relation avec la banque qui leur a accordé le crédit et c’est à elle qu’ils servent les intérêts, la

banque transmettant alors simplement ces intérêts vers le véhicule de titrisation, et comme elle rend un

service au véhicule de titrisation, elle prend une commission à cette occasion. 309 La pratique anglo-saxonne consiste cependant à parler de MBS (Mortgage Backed Securities) lorsque

les créances titrisées sont des crédits hypothécaires, et à n’utiliser le terme ABS (Assets Backed

Securities) que pour les autres opérations, par exemple la titrisation de prêts à la consommation ou de

prêts automobile.

Page 119: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

105

à rembourser leurs prêts, mais plus de la vente des portefeuilles de prêts aux différents

intermédiaires sur le marché. Seulement, comme nous l’avons précisé ci-dessus, cette

situation peut conduire les banques dans un laxisme en ce qui concerne de l'analyse des

prêts de moins bonne qualité. Elles octroient donc facilement ce type de prêts; ce qui

leur permettra d’avoir plus de portefeuilles à titriser, et par ricochet, plus de

financement. En fin de compte, la titrisation peut être un mauvais incitatif.

Par ailleurs, pour se réaliser, la titrisation utilise le canal de la désintermédiation

bancaire. La désintermédiation traduit l’idée de l’accès direct aux financements par

émission de titres plutôt que par endettement auprès des acteurs institutionnels, à

l’occurrence, les banques. En d’autres termes, avec la désintermédiation le système

financier n’est plus porté sur les banques, mais sur les marchés financiers. Véritable

instrument de dématérialisation de l’intermédiation financière, la titrisation permet

donc à une banque de se séparer d’actifs tout en obtenant immédiatement des capitaux

en échange, ce qui constitue pour elle un nouveau moyen de financement.

Si la titrisation favorise le mouvement de désintermédiation de bilan et

l’interdépendance croissante des banques et des marchés financiers, elle vise, par la

même occasion, à mieux diffuser les risques et élargir la quantité de fonds disponibles

pour les prêts. Aussi, le risque induit par le prêt initial est ainsi transmis successivement

à différents investisseurs sous forme de titres difficiles à identifier 310 . Nous

comprenons la dimension de l’étendue du problème lorsque l’on sait que le détenteur

final de la créance n'est plus celui qui l'a accordée et lorsque les banques ont une

incitation moins forte à s'assurer de la solvabilité des emprunteurs ou à limiter la

quantité des crédits à risque.

De plus, la désintermédiation dont il est question dans l’opération de titrisation

a fait naître le système bancaire parallèle 311 (encore appelé système bancaire de

l’ombre). Le Conseil de la Stabilité Financière312, le définit comme suit: « the system

310André PRÜM et Jean-Pierre MATTOUT, « Juillet-décembre 2007 : subprime… but the show must go

on !», (2008) 168 Droit et Patrimoine 73. En ligne : < http://orbilu.uni.lu/bitstream/10993/11443/1/Dt

%26Pat_2008-168_AP-JPM_chron-banc.pdf > (consulté le 20 mars 2017). 311 Infra, pp.225 et suiv. 312 Le Conseil de la Stabilité Financière est un organisme international qui surveille et fait des

recommandations sur le système financier mondial. Il a pour principal mandate la stabilité financière

internationale; il le fait en coordonnant les autorités financières nationales et les organismes de

normalisation internationaux qui travaillent pour le développement de politiques de règlementation du

Page 120: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

106

of credit intermediation that involves entities and activities outside of the regular

banking system. »313 Il peut s’agir des fonds spéculatifs ou encore des véhicules ou des

conduits hors bilan que nous avons mentionnés plus haut. Contrairement aux banques

traditionnelles, les établissements qui constituent le système bancaire parallèle ne sont

pas limités par des ratios prudentiels; ils sont également très peu surveillés et très peu

encadrés. Ils peuvent alors prêter et emprunter sans se soucier de la situation du marché.

Le succès de ce système parallèle vient du fait que les investisseurs intéressés par

les titres adossés à des créances se soucient plus de la qualité des actifs sous-jacents

que de la réputation de l’émetteur de titres, car ce dernier peut être juste une structure

créée pour accueillir ces titres, d’où l’important rôle que les agences de notation314 ont

joué dans le gonflement de la bulle spéculative. L’autre raison qui peut être évoquée

est qu’en cas de défaut de l’émetteur (dans un système bancaire parallèle),

l’investisseur peut, à tout le moins, se prévaloir de la créance qu’il détient sur l’actif

sous-jacent.

Par ailleurs, la titrisation est une opération qui comporte beaucoup de risques, car

elle met en scène différents intervenants.

Sous-section III : Les principaux intervenants et leur rôle

Pour un montage classique de l’opération de titrisation, nous retrouvons : un

particulier (le titulaire de la créance), une banque (cédant), un arrangeur, une société

ad hoc (émettrice des titres), des rehausseurs de crédit, des autorités de régulation, une

ou plusieurs agences de notation et des investisseurs.

A. Le particulier (emprunteur)

Le particulier (un ménage par exemple) va contracter son prêt auprès de

l’établissement de crédit. Le prêt, qui sera octroyé à un ménage ou un emprunteur

moyen, va donner un droit de créance à la banque. C’est grâce à ce droit que les banques

vont se permettre de monter des opérations de titrisation de créances. Il faut néanmoins

secteur financier. Par ailleurs, le CSF assure la mise en œuvre cohérente de ces politiques dans tous les

secteurs et juridictions. En ligne: < http://www.fsb.org/about/>, (consulté le 20 mars). 313 Définition en français : « système d’intermédiation du crédit qui implique des entités et des activités

extérieures au système bancaire ordinaire. » 314 Infra, p. 112 et suiv.

Page 121: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

107

préciser que, malgré la titrisation des créances, l’obligation du débiteur n’est pas

éteinte. Il devra toujours rembourser son prêt comme convenu avec la banque; c’est ce

remboursement qui va permettre de désintéresser monétairement les investisseurs. En

bref, il ne peut y avoir de titrisation sans l’étape préalable du crédit.

B. L’initiateur

L’établissement de crédit est l’initiateur. Il va alors céder les créances à un

arrangeur qui peut être une structure indépendante de la banque 315ou alors une équipe

d’ingénierie financière à l’intérieur de la banque 316 . L’établissement de crédit va

sélectionner des actifs pour constituer un portefeuille. Celui-ci peut être composé de

créances hypothécaires, de prêts bancaires, de prêts automobiles, de prêts adossés à des

biens immobiliers, de prêts étudiants ou de prêts pour l’achat de matériel; il peut aussi

comprendre des obligations, des prêts à la consommation, des créances clients ou des

contrats de crédit-bail.

Ce lot d’actifs est cédé à un véhicule ad hoc. Les actifs ainsi cédés deviennent

alors des sûretés sur lesquelles seront adossés des titres qui seront émis plus tard par le

véhicule de titrisation. Avant l’intervention du véhicule ad hoc, c’est l’arrangeur317 qui

est chargé de la structuration globale de l’opération. Il va ainsi créer un véhicule de

titrisation tout en respectant les objectifs du cédant (initiateur) concernant les créances

à attribuer à ce véhicule. L’arrangeur émet également des obligations et leur découpage

en tranche d’émission. Lorsque l’opération est structurée, le portefeuille de créances

est transféré au véhicule de titrisation qui est l’émetteur de titres.

C. L’émetteur des titres

L’émetteur des titres adossés aux créances est une structure financière créée pour

l’occasion par la banque initiatrice. Cette structure qui porte le nom de véhicule ad hoc,

315 L’établissement de crédit à la base de l'opération est appelé l'«originateur» (entreprise qui a été à

l’origine de la création des créances ou des actifs cédés, c’est-à-dire le prêteur originel) ou le « cédant »

(entreprise qui cède son droit sur les flux futurs, ou autres actifs, aux véhicules de titrisation) ou enfin

l’« initiateur ». 316 Lors de la crise des subprimes, les banques ont été généreuses dans l’octroi de crédits aux ménages

parce qu’elles espéraient retrouver rapidement de la liquidité. De plus, en se débarrassant des créances,

elles écartent le risque de défaut de remboursement. 317 Le cédant peut également jouer ce rôle.

Page 122: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

108

de Special Purpose Vehicule (SPV), ou conduit acquiert des créances de la banque

initiatrice et émet des parts représentatives de ces créances généralement appelées titres

qui ont le statut de valeurs mobilières318. L’acquisition sera financée plus tard par cette

émission de tranches ou titres représentatifs de créances. « Credit protection is designed

to shield the tranche securities from the loss of interest and principal due to defaults of

the loans in the pool. »319

Les créances transférées au véhicule de titrisation sont le plus souvent

structurées avant d’être émises sur le marché sous forme de titres. Cette étape clé du

processus consiste à découper le portefeuille de créances en tranche. Dès lors, chaque

tranche du portefeuille porte un risque et un rendement différent320. Grâce à cette

innovation financière, les investisseurs ont accès à des titres adossés à des créances qui

ont des risques (et donc des rendements) différents. Précisons que les tranches émises

constituent le passif du SPV, son actif étant constitué du portefeuille de créances (dans

le cas d’une titrisation synthétique, l’actif est constitué du portefeuille d’instruments

dérivés).

Par ailleurs, les investisseurs qui ont acquis les titres sont remboursés et

rémunérés sur la base des revenus générés par les actifs sous-jacents. Le véhicule de

titrisation agit donc comme un intermédiaire entre l’établissement prêteur et les

investisseurs, acquéreurs finaux des titres.

Selon la Banque de France321, le fonctionnement des véhicules de titrisation

dépend des placements des investisseurs. Ceci veut simplement dire que la survie des

véhicules de titrisation est soumise à l’existence d’une liquidité continue sur le marché.

Si les investisseurs décident de retirer leurs fonds de ces véhicules, ces derniers doivent

se procurer autrement de la liquidité pour les rembourser. Deux solutions se présentent

318 Dans notre thèse, nous ne ferons mention que des titres qui ont un statut de valeurs mobilières et non

des émissions des billets de trésorerie. Les titres qui ont un statut de valeurs mobilières sont ceux qui ont

été le plus utilisés lors de la crise. 319 SECURITIES AND EXCHANGE COMMISSION, Summary Report Of Issues Identified In The

Commission’s Staff Examinations Of Select Credit Ratings Agencies, juillet 2008, p.6. En ligne :

< https://www.sec.gov/news/studies/2008/craexamination070808.pdf > (consulté le 5 juillet 2018). 320 P. ARTUS et al. Préc. note 12, pp.40 et suiv. 321 BANQUE DE FRANCE, La crise financière, Documents et Débats, n° 2, février, Paris, 2009.

Page 123: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

109

à eux : la première consiste à emprunter auprès des banques via les marges de crédit322.

La seconde consiste à céder une partie de leurs actifs pour rembourser les investisseurs.

Il s’est avéré qu’au moment de l’éclatement de la bulle immobilière en 2008, avec la

révision à la baisse des notations d’une large gamme de titres, les investisseurs ont

décidé unanimement de retirer leurs mises des véhicules de titrisation. Plutôt que de

céder brusquement les titres au risque de ternir leur image, les banques initiatrices de

ces véhicules ont préféré reprendre ces derniers dans leur bilan, subissant ainsi le poids

de tout le passif des bilans des véhicules.

En outre, le véhicule de titrisation diffère selon que l’on se trouve dans une

juridiction anglo-saxonne ou de culture civiliste323.

En droit anglo-américain, le véhicule de titrisation peut revêtir trois formes. Il

peut s’agir de :

- Une personne morale;

- Une fiducie qui est l’instrument le plus couramment utilisé pour la titrisation

dans les juridictions anglo-saxonnes.

Si dans les pays de common law le véhicule de titrisation remplit les fonctions

d’un trust, dans les pays de culture civiliste, cette structure prend la forme d’une

fiducie. Ainsi, en France par exemple, en lieu et place du véhicule de titrisation, nous

avons le Fonds Commun de Titrisation (FCT). Nous trouvons que son rôle et sa

fonction ne sont pas, juridiquement parlant, très bien précisés dans le cadre d’une

opération de titrisation. Est-ce qu’on doit la considérer comme une fiducie, comme

prévu par le Code civil ou alors doit-on trouver un cadre d’adaptation en ce qui

concerne la titrisation? C’est une question à laquelle nous reviendrons plus tard dans

l’analyse324. En outre, le véhicule, afin d’assurer le bon déroulement de l’opération,

doit avoir une ligne alternative de crédit généralement appelé back-up. Cette ligne,

généralement assurée par une banque, va permettre au conduit de rembourser les

322 Une marge de crédit est une autorisation donnée par une banque à un emprunteur afin que ce dernier

prenne des fonds sur un compte bancaire à tout moment, jusqu'à un plafond et pendant une durée qu’il

aura préalablement déterminée avec la banque dans un contrat. 323 Précisons qu’en Europe le droit anglais (Grande-Bretagne) s’apparente plus au droit américain dans

le cas d’espèce. 324 Infra, pp. 315 et suiv.

Page 124: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

110

détenteurs des titres arrivés à terme; et les sommes versées pour les nouveaux titres

vont lui permettre de rembourser la banque, fournisseur de liquidité.

Après la tranchéisation, l’on retrouve généralement une dette senior (qui reçoit

généralement la note supérieure des agences de notation), une dette junior (mezzanine)

et une dette equity. Les revenus de ces titres proviennent des flux financiers des actifs

détenus par le véhicule. Ces flux respectent l’ordre de priorité déterminé par l’ordre

des dettes, de la bonne qualité à la moins bonne. Cet ordre de remboursement s’appelle

la subordination. En effet, le remboursement de la dette est subordonné à une ou

plusieurs autres dettes. Ainsi, la dette senior qui est une dette classique sera remboursée

prioritairement et en totalité. Par la suite, la dette junior, qui est subordonnée325, sera

remboursée après celui de la dette senior. La dernière tranche, la tranche equity, est la

plus risquée et supporte les premières pertes; les autres pertes sont consécutivement

supportées par la dette junior et la dette senior. Les investisseurs de cette dernière

tranche sont remboursés en dernière position. Le véhicule structure ainsi l’opération

parce qu’à la base il ne répond à aucune exigence de fonds propres cela va lui permettre

d’augmenter le prix de cession de l’opération. En outre, cette tranchéisation est d’autant

plus importante que, « [s]auf à être d’une qualité exceptionnelle, tout portefeuille recèle

des créances qui ne seront pas honorées et/ou des actifs qui seront défaillants. »326Ainsi,

le véhicule de titrisation répartit les pertes sur l’ensemble de dettes et le défi est pouvoir

de concentrer les pertes sur certaines tranches qui deviennent alors plus risquées.

Par ailleurs, les actifs transférés au véhicule sont à l’abri des effets d’une faillite

éventuelle de l’entité commerciale ou financière qui l’a créée. C’est cet aspect du

véhicule qui a d’ailleurs attiré de nombreux investisseurs.

L’émetteur (le véhicule) est géré par une personne appelée fiduciaire (trustee

en common law). Le fiduciaire administre les actifs et les met en valeur au bénéfice des

futurs souscripteurs, les investisseurs.

D. Les investisseurs

325 On dit d’une dette qu’elle est subordonnée lorsque son remboursement dépend du remboursement

des autres créanciers notamment les créanciers privilégiés ou les créanciers chirographaires. 326 Yves SIMON et Delphine LAUTIER, « Titrisation : Analyse économique et financière », Ingénierie

financière, fiscale et juridique, (2009) Recueil Dalloz 693.

Page 125: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

111

Vis-à-vis des investisseurs, la rémunération de leurs investissements proviendra

directement des revenus engendrés par les actifs du véhicule de titrisation. Les

investisseurs voient en la titrisation un moyen sûr de faire du profit, car les titres

auxquels ils souscrivent sont a priori « solides » puisqu’ils sont garantis par des

créances. Sauf que, la condition pour que les créances détenues par les banques servent

au refinancement interbancaire par la titrisation est qu’il faut que ces créances soient

de bonne qualité. Auquel cas, leur rôle d’instrument de garantie n’est plus d’actualité.

Or, lors de la crise des subprimes, les créances provenaient des ménages peu solvables,

d’où le caractère précaire de ces créances en question. En plus, les véhicules de

titrisation ne recevant plus d’intérêts provenant des actifs sous-jacents ne peuvent plus

rémunérer les investisseurs qui ont acheté des titres. Le système est alors verrouillé.

Les investisseurs n’étaient pas nécessairement au fait de la constitution réelle des

portefeuilles des créances; au cas contraire, ils n’investiraient pas. Leurs décisions ont

été biaisées par les notes données par les agences de notation, d’où l’importance du

prospectus. Il est exigé par les organismes de règlementation dans le but de fournir aux

investisseurs une information uniformisée sur les parts qu’ils s’apprêtent à acquérir. Ce

document légal prescrit au Québec par la Loi sur les valeurs mobilières327 va permettre

aux investisseurs d’analyser les différents investissements avant de faire un choix.

Dans le cas de la titrisation, les investisseurs auraient alors assez d’informations sur les

portefeuilles des créances (description du portefeuille, garanties, facteurs de risques,

rentabilité, mesures de rehaussement de crédit) avant de passer à l’étape de

souscription. Au Québec, un investisseur qui a souscrit à une part sous la base d’un

prospectus, peut annuler son investisseur après deux jours328. Cela montre le bien fondé

de cette étape dans le processus d’investissement. La rédaction d’un prospectus est

fortement règlementée au Québec, en France et aux États-Unis329. Il serait alors facile

de mettre en œuvre cette proposition en tenant compte du droit des valeurs mobilières

spécifiques à chaque pays.

327Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ c. V-1.1, art.11. Voir également le Règlement 41-101 sur les

obligations générales relatives au prospectus, RLRQ chapitre V-1.1, r. 14. 328 Id. Art.30 329 Voir Règlement Général de l’Autorité des marchés financiers (France), art.212-1 et la Securities Act,

P.L. 112-106, sec.10, 1933.

Page 126: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

112

Précisons également que la titrisation n’entraîne aucune augmentation du

passif 330 dans le sens où les sommes versées par les investisseurs ne sont pas

constitutives de dettes. Les prêts sont donc toujours inscrits dans le bilan de l’institution

financière et cette dernière reçoit le prix de cession des titres transférés (sommes

versées par les investisseurs) pour le financement de ses activités.

E. La société de gestion et le dépositaire

En outre, le véhicule de titrisation peut être géré par une société commerciale

appelée société de gestion. Elle veille aux intérêts des investisseurs, en surveillant

l’exécution des cessions de créances. Elle s’occupe également des flux de trésorerie du

véhicule de titrisation. Cependant, la banque cédante joue souvent le rôle de société de

gestion dans le but d’occulter le processus au maximum. Pour pallier la situation, il

serait important que le mandat de la société de gestion soit bien précisé à la base dans

un contrat331. C’est le dépositaire qui contrôle les activités de la société de gestion. Plus

précisément, le dépositaire s’assure, pour le compte des investisseurs, que l’opération

se déroule bien et qu’ils pourront donc récupérer leur investissement à la fin du

processus332.

F. Les rehausseurs de crédit

Étant donné que le portefeuille de titres constitué peut subir une détérioration de

qualité, le rehausseur intervient afin de procurer une certaine garantie. Il use de son

expertise de spécialiste de la sphère financière pour garantir les titres émis; ils

regroupent des titres risqués avec d’autres titres de bonne qualité afin d’obtenir une

meilleure notation du paquet final de la part des agences de notation. Cela permettra

également que « le risque de défaut associé à un portefeuille de créances soit moins

grand que la somme des risques représentés par chacune d’elle. »333 Par ailleurs,

330 Voir Thomas.W. ALBRECHT et Sarah.J. SMITH, « Corporate Loan Securitization: Selected Legal and

Regulatory Issues », (1998) 8 Duke J. comp. & Int’l L. 411 ; voir également AUTORITÉ des MARCHÉS

FINANCIERS (France), La notation en matière de titrisation, 31 janvier 2006, p.3. 331 Josée THIBODEAU, « La titrisation de la propriété intellectuelle au Canada», (2003) 48 Revue de droit

de McGil 484-485. 332 R.SILSA, préc. note 253. p.40. 333 Voir Pierre-Denis LEROUX, « La titrisation: Dans quelle mesure fait-elle partie du problème ou de la

solution?» dans Marc LACOURSIERE, Geneviève BRISSON, Mario NACCARATO, Raymonde CRETE (dir.),

Page 127: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

113

l’avènement du rehaussement de crédit va permettre de gérer le risque de

recouvrement. En effet, le rehausseur (les assureurs monoline) « garantit explicitement

aux détenteurs des titres le paiement intégral des intérêts et du capital aux dates prévues

par l’échéancier établi lors de l’émission obligataire. L’engagement donné aux

investisseurs est irrévocable, inconditionnel et demeure en vigueur pendant toute la

durée de vie des titres. »334Ainsi, le réhausseur va se substituer à l’émetteur en cas de

défaillance de ce dernier. Comme une sorte d’assurance, il garantit de façon explicite

aux détenteurs des titres (les investisseurs) le paiement intégral des intérêts et du

capital.

Comment expliquer, sinon, que certaines tranches de CDO notées AAA

super senior aient bénéficié des interventions des rehausseurs ? En fait, le

rehaussement de l’émetteur n’était plus le service attendu par les

opérateurs. Les interventions des monolines avaient pour objet de garantir

les investisseurs contre le risque de dégradation potentielle de tranches de

CDO ou de manière plus générale, de produits titrisés adossés à des

créances hypothécaires. Du rehaussement, on était passé à la garantie

financière335.

Le rehaussement peut prendre plusieurs formes à savoir : « irrevocable letters of

credit, third-party insurance, spread accounts, cash collateral accounts, over-

collateralisation and senior subordinated structures. »336

La confiance au cœur de l’industrie des services financiers: actes du colloque tenu à l’université Laval,

le 18 septembre 2009, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009, p.145. 334 Delphine LAUTIER et Yves SIMON, « Les rehausseurs de crédit. Anatomie d’une crise », (2008) 7/1

R.E.F. 305. 335 Id., pp.305-306 336 BANK FOR INTERNATIONAL SETTLEMENT, Asset Transfers and Securitisation, Bâle, Bank for

International Settlements, 1992, p.3. En ligne: < http://www.bis.org/publ/bcbs10a.pdf >, (consulté le 20

mars 2017). Traduction: « la lettre de crédit irrévocable, l’assurance, les écarts de crédit, les comptes de

gage espèces garantissant les engagements du véhicule, le surdimensionnement et les titres prioritaires

ou de second rang. » Rogério SOBREIRA, « Innovation financière et investissement. Le cas de la titrisation

», (2004) 19 Innovations 119. La lettre de crédit irrévocable est une pratique bancaire qui consiste

à l’émission d’un crédit par un émetteur à un bénéficiaire, et ce à la demande d’un donneur d’ordre afin

d’honorer la livraison d’une marchandise ou d’un document de paiement ; il est défini à l’article 5 de

l’Uniform Commercial Code. L’octroi du crédit au bénéficiaire se fait par la présentation d’un document

qui indique que le donneur d’ordre n’a pas respecté ses obligations de paiement (lire également à ce sujet

la Convention des Nations Unies sur les garanties indépendantes et les lettres de crédit stand-by). L’écart

de crédit est l’écart des taux entre une obligation et un emprunt d’État qui a le même flux financier.

Ainsi, cet instrument financier de couverture peut permettre à une institution financière de se couvrir

contre un risque de défaut en achetant des emprunts d’État. Le surdimensionnement est par laquelle

l'établissement de crédit cède au véhicule de titrisation, en guise de garantie, un montant de créances qui

excède le montant des parts qui seront émises. La notion de titre prioritaire ou de second rang fait

référence à la tranchéisation évoquée ci-dessus.

Page 128: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

114

Dans les structures d’émission de PCAA, nous retrouvons généralement un

fournisseur de liquidité chargé de fournir des fonds au véhicule de titrisation pour lui

permettre de rembourser le capital ou de verser les intérêts sur un PCAA arrivant à

échéance.

G. Les agences de notation

Les agences de notation sont des entités privées, chargées d’évaluer les risques liés

à un actif financier. Les auteurs Matthew Richardson et Lawrence J.White l’ont

d’ailleurs affirmé en ces termes : « Credit ratings agencies are firms that offer

judgments about the creditworthiness of bonds –specially, their likelihood of default-

that have been issued by various kinds on entities, such as corporations, governments,

and (most recently) securitizers of mortgages and other debt obligations. ».337

À l’issue de cette évaluation, elles attribuent une note selon que l’actif est de

bonne qualité ou pas. « The best-known scale is that used by Standard & Poor’s and

some other rating agencies: AAA, AA, A, BBB, BB, and so forth (with pluses and

minuses, as well). »338Ainsi, l’agence de notation donne, au travers de la note, une

mesure de la qualité des titres émis: entre AAA et BBB. Elles estiment le taux de perte

pouvant affecter les actifs sous-jacents en élaborant plusieurs hypothèses de défauts

des emprunteurs. Cette notation a le mérite donc d’être un argument d’autorité dans les

marchés financiers. C’est sur cette base que les investisseurs décident ou non de se

procurer des titres. Ainsi, si la note publiée est mauvaise, les investisseurs vont se

rétracter; ou alors, la simple rumeur d’une dégradation d’un actif ou d’un titre peut

aussi influer négativement sur les investissements déjà en cours339.

337 Matthew RICHARDSON et Lawrence J. WHITE, « The Ratings Agencies, Is Regulations the Answer? »

dans Viral V. ACHARYA et Matthew RICHARDSON (sous la direction de), Restoring Financial Stability,

New York, 1ère édition, John Wiley & Sons, Inc., 2009, pp.101-115. 338 Id., p.101. 339 « (…) Or, l’apport d’information lié à une nouvelle notation d’une banque peut également agir sur

les cours boursiers d’autres banques (effet de clustering) pour plusieurs raisons. Compte tenu de

l’importance des relations croisées sur le marché interbancaire, la modification de la notation d’une

banque traduit un risque susceptible d’affecter les conditions de financement et d’activité d’un grand

nombre d’établissements présents sur ce marché et peut donc conduire à une réévaluation rationnelle par

les investisseurs du cours de leurs actions. Dans des cas extrêmes, une très forte détérioration du rating

qui suscite des craintes de faillite de la banque en cause et de ruée de ses déposants peut entraîner une

baisse globale de la capitalisation boursière de l’industrie bancaire expliquée par la peur d’une contagion

de la panique à l’ensemble des établissements. », Daniel GOYEAU, Alain SAUVIAT et Amine TARAZI,

Page 129: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

115

C’est en 1909 que la première évaluation a été effectuée, et ce par John Moody;

il sera suivi par Poor’s Publishing Co. en 1916, en 1922 par Standard Statitics Co. et

en 1924 par The Fitch Publishing Co. À l’époque, ces agences vendaient leurs services

aux investisseurs. Mais aujourd’hui, c’est le contraire : ce sont les émetteurs qui se

payent les services de ces agences de notation. La situation a changé dans les années

1970, et

l’une des principales raisons du changement a été le rôle croissant qu’elles

ont été appelées à jouer dans la régulation des marchés financiers. Ce rôle

de quasi-régulateur a provoqué une demande artificielle de notation

financière dans le sens où les émetteurs ont eu un besoin croissant de notes

élevées pour obtenir des avantages du point de vue de la régulation. Ainsi,

la régulation des marchés financiers a bouleversé le secteur de la notation

financière340.

Aussi, avec l’avènement de l’accord Bâle II, il a été recommandé aux institutions

financières de faire évaluer leurs actifs par des agences de notations externes341; ceci

afin d’avoir une meilleure visibilité pour les placements des actifs en question. Ces

agences de notation ont donc été instituées afin de mettre fin à l’asymétrie

d’information qui a toujours existé entre les banques et les investisseurs. En effet, les

banques ont, de manière générale, une meilleure connaissance des actifs qu’elles

possèdent et peuvent donc jouer sur cette connaissance-là pour emmener les

investisseurs à acheter des actifs à des prix plus élevés que ce qu’ils valent réellement :

(…) Si les banques ont un avantage comparatif dans la résolution des

asymétries d’information, il s’ensuit nécessairement que leur activité est

génératrice d’une information privée sur les crédits qu’elles distribuent ce

qui contribue à une « opacité informationnelle » des actifs bancaires et en

conséquence rend plus difficile une évaluation externe des banques de leur

niveau de risque ou de leurs conditions de profitabilité342.

«Marché financier et évaluation du risque bancaire. Les agences de notation contribuent-elles à améliorer

la discipline de marché ?» (2001), 52/2 Revue économique 265, p. 269. 340 Aline DARBELLAY et Frank PARTNOY, « Agences de notation et conflits d'intérêts », (2012) 105

R.E.F.310. 341 D. GOYEAU, A. SAUVIAT et A.TARAZI, préc. note 339, p.266. 342Id., p.267

Page 130: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

116

Les agences de notation ont été identifiées par certains auteurs343 comme la

principale cause de la crise des subprimes. Or, plusieurs pans du système financier ont

été mis en cause. Néanmoins, les agences de notation ont une grande part de

responsabilité à leur niveau. En effet, plusieurs défaillances dans leur fonctionnement

ont été notées notamment en ce qui concerne l’élaboration des notes attribuées aux

différents acteurs et actifs financiers; cette procédure d’élaboration n’a jamais fait

l’objet d’une règlementation concise et précise. En outre, un autre problème menace

l’efficacité des agences de notation dans l’exercice de leurs fonctions : il s’agit de la

structure concurrentielle de leur marché. En effet, le marché des agences de notation

est assez concentré. Nous dénombrons une centaine d’agences, 344 mais les plus

importantes et les plus présentes sur le marché international sont : Moody’s, Standard

and Poor’s et Fitch (encore que, cette dernière se retrouve à la marge par rapport aux

deux premières). Le marché des agences de notation constitue donc un oligopole (voire

un duopole). Quelle serait la raison de l’existence d’une telle structure concurrentielle?

Si nous revenons légèrement en arrière, pendant le temps où les services des

agences de notation avaient pignon sur rue aux États-Unis, l’autorité chargée de la

règlementation des marchés financiers, la Securities and Exchange Commission (SEC)

décide de créer des barrières afin de rendre plus difficile l’acquisition de la qualité

d’agence de notation. En 1975 elle va mettre sur pied une règlementation345 qui va

instituer la Nationally Recognized Statistical Organization (NRSRO). Cette régulation

dispose essentiellement que pour qu’une agence de notation puisse exercer, il faudrait

qu’elle soit préalablement reconnue comme NRSRO sur la base d’un certain nombre

de critères346.

Avec le déclenchement de la crise asiatique en 1997 et la faillite d’Enron, le

rôle des agences de notation a sérieusement été mis en question. Cela avait-il un rapport

avec sa structure concurrentielle? Voilà la question qui taraudait l’esprit des régulateurs

343 Lire Bertrand DU MARAIS et Philippe FROUTE, « Le droit, les agences de notation et la crise du

crédit », (2008) 7 R.E.F. 2008. 265. 344 «The Basel Committee on Banking Supervision estimated that there were over 130 agencies

worldwide, with about thirty of them playing a prominent role in G10 countries», Stéphane ROUSSEAU,

«Enhancing The Accountability Of Credit Rating Agencies: The Case For A Disclosure-Based

Approach», (2006) 51 McGill L.J. 617,624. 345 Code of Federal Regulations, Title 17 - Commodity and Securities Exchanges. Reference. 346 S. ROUSSEAU, préc. note 344.

Page 131: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

117

et des acteurs financiers. La réponse à cette question est positive, car avec la limitation

des nouvelles entrées sur le marché des agences de notation, il n’y avait pas de réelle

concurrence. Ainsi, afin d’« accroître l’imputabilité, la transparence et la concurrence

dans l’industrie de la notation »347, la Credit Rating Agency Reform Act (CRARA) a

été votée en 2006348. Cette loi apporte de nouvelles dispositions plus souples quant à la

reconnaissance d’une agence à titre de NRSRO et aux obligations qui incombent aux

agences de notation. Suite à cette législation également, la SEC a inscrit cinq autres

agences à titre de NRSRO349.

Current NRSRO Year of Designation

Moody’s 1975

Standard & Poor’s 1975

Fitch 1975

Dominion Bond Rating Services 2003

A.M. Best 2005

Japan Credit Rating Agency 2007

Rating and Information, Inc. 2007

Egan-Jones 2007

Lace Financial 2008

RealPoint 2008

Source : White (2006), SEC press releases350

347 Stéphane ROUSSEAU, « La règlementation des agences de notation de crédit suite à la crise financière:

la longue et tortueuse route vers la responsabilisation », dans Marc LACOURSIERE, Geneviève BRISSON,

Mario NACCARATO et Raymonde CRETE (dir.), La confiance au cœur de l’industrie des services

financiers : actes du colloque tenu à l’université Laval, le 18 septembre 2009, Cowansville, Éditions

Yvon Blais, 2009, p. 195. 348 Credit Rating Agency Reform Act, Pub.L. 109-91, 120 STAT.1327. En 2010, la loi sur la réforme

de Wall Street et la protection des consommateurs, la Dodd–Frank Wall Street Reform and Consumer

Protection Act, Pub.L. 111-20 va améliorer le dispositif mis en place par la SEC, et va ajouter un certain

nombre d'exigences sur les NRSRO qui seront immédiatement effectives. 349 Le schéma final des différentes agences désignées par la SEC se présente alors de la manière

suivante : Moody’s (1975), Standard & Poor’s (1975), Fitch (1975), Dominion Bond Ratting Services

(2003), A.M. Best (2005), Japan Credit Rating Agency (2007), Rating and Iformation, Inc. (2007), Egan-

Jones (2007), Lace Financial (2008), RealPoint (2008). Voir M. RICHARDSON et L.J. WHITE, préc. note

337, p.104. 350 M. RICHARDSON et L.J. WHITE, préc. note 337, p.104.

Page 132: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

118

Il existe une dizaine d’agences désignées de NRSRO. Toutefois, précisons que

le problème de la concurrence des agences de notation n’a pas été résolu pour autant.

En effet, l’on remarque que ce ne sont que les deux premières agences qui se partagent

la part du marché. Quel pourrait donc être l’impact d’un oligopole dans l’industrie de

la notation?

Si nous partons du postulat selon lequel la concurrence participe à l’action du

libéralisme, parler d’une régulation de la concurrence s’apparente plus à vouloir joindre

deux ions diamétralement opposés. L’opposition qui existe entre ces deux notions est

pérenne. D’aucuns pensent que pour une concurrence parfaite, la régulation devrait être

limitée, voire absente; et d’autres pensent le contraire. Mais ce qu’il faut reconnaître

en fin de compte, c’est que ces deux notions ont une histoire commune. Comme nous

l’avons dit, la concurrence est la finalité de la régulation351. Si nous transposons cette

analyse sur la structure du marché des agences de notation, nous pouvons nous

permettre d’affirmer que le déficit de concurrence sur ce marché est la résultante des

lacunes présentes dans les dispositions régulatrices. La concurrence permet une

meilleure allocation des ressources. Ainsi, pour l’améliorer sur le marché il faudrait:

« (…) a large number of suppliers, each with a small share of the market and each

acting independently; the absence of any artificial barriers to entry, defined as

expenditures required to enter the market that must be incurred by some firms but not

by others.»352

En ce qui concerne le marché des agences de notation, ces dernières

fonctionnent dans une ambiance oligopolistique du fait de leur nombre réduit dans

l’industrie. L’oligopole définit une structure concurrentielle dans laquelle un petit

nombre d’entreprises se partagent un marché important. La structure oligopolistique du

marché des agences de notation n’est pas forcément néfaste pour la concurrence. Au

contraire, si elle est bien régulée, cette structure peut permettre d’améliorer les services

offerts par les agences. C’est le cas du secteur bancaire canadien qui doit sa résistance

et son épanouissement à un marché très concentré et à une concurrence oligopolistique.

351 Supra, pp. 29 et suiv. 352 Paul COLLINS, Michael J.TREBILCOCK et Ralph A. WINTER, The Law and Economics of Canadian

Competition Policy, Toronto, University of Toronto Press, 2003, p 47.

Page 133: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

119

Le secret du succès de ce secteur, surtout lors de la récente crise, réside dans la

supervision qui en est faite par les autorités régulatrices nationales. De plus, au Canada

une partie des emprunts hypothécaires sont garantis par la Société canadienne

d’hypothèques et de logement, ce qui n’est pas le cas aux États-Unis353.

Cependant, lorsque l’oligopole est utilisé dans l’intention de faire disparaître

toute concurrence et de servir juste les intérêts des tenants du marché, cela nécessite de

marquer une pause et de remettre en question la structure de ce marché. La première

influence de l’oligopole sur la concurrence est la confiance totale que les banques (les

demandeurs de services) ont envers les agences de notation. Cette fidélité nuit à la

concurrence dans la mesure où, malgré la présence de nouveaux entrants sur le marché,

les demandeurs ont souvent de la peine à se défaire des services des agences de notation

plus expérimentées.

En outre, l’oligopole devient néfaste lorsque ces agences de notation

expérimentées qui se partagent le marché ont la possibilité de conclure des ententes

explicites entre elles afin d’offrir la même qualité d’évaluation et au même prix. Ces

ententes ont pour objectif de dissuader les agences qui s’intéresseraient à intégrer

l’industrie. Aussi, les cartels ainsi formés influent grandement sur la qualité des notes

attribuées et sur l’intégrité du marché. C’est la raison pour laquelle nous remarquons

que, très souvent, les agences de notation attribuent des notes similaires à un même

établissement. Nicolas Petit le mentionne en disant :

The sovereign debt crisis offers daily illustrations of this, with CRAs

repeatedly adjusting their ratings on their competitors. In the same vein,

several scholarly studies record systematic patterns of “mimetism”,

“inertia”, “herd behavior” and “piggybacking effect” in the credit rating

industry: successive credit ratings tend to converge after publication;

upgrade probabilities are much higher, and downgrade probabilities are

much lower, for a sovereign issuer with a recent upgrade by another

agency; rating changes by a rating agency are also significantly more likely

after downgrades than after upgrades by a first rating agency354.

353 Marc LACOURSIERE, «La perspective bancaire canadienne lors de la crise financière de 2007-2009»

(2014) 29/2 Banking and Financial Law Review 293. 354 Nicolas PETIT, «Credit Rating Agencies, The Sovereign Debt Crisis And Competition Law», (2011)

7/3 European Competition Journal 587.

Page 134: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

120

Ces ententes donnent une tout autre structure concurrentielle au marché : la

concurrence monopolistique. Un auteur l’a d’ailleurs clairement exprimé en ces termes:

« Collusion among competing suppliers in a market has the effect of moving the market

from a competitive outcome towards a monopoly outcome. ».355

Par ailleurs, les ententes peuvent également créer ou renforcer une deuxième

pratique prohibée en droit de la concurrence : l’abus de position dominante. À la lecture

de l’article 45 de la Loi sur la concurrence 356 , l’on peut conclure qu’il existe

effectivement un lien entre une entente prohibée et un comportement unitaire que

reflète une position dominante. De plus, ces deux pratiques anticoncurrentielles sont

complémentaires dans la mesure où ils poursuivent l'un et l'autre un objectif général

commun sanctionné par le législateur357. En effet, étant pratiquement les principaux

acteurs du marché, les agences à qui l’on a reconnu le statut de NRSRO profitent de

leur pleine puissance. Conscientes de leur pouvoir, elles ne se soucient plus de la qualité

de leurs évaluations; mais c’est l’expansion de leurs activités qui est leur principale

préoccupation. Afin de maximiser les profits, elles vont pratiquer ce que les

économistes appellent aujourd’hui « la collusion tacite », c'est-à-dire un abus de

position dominante collectif. Comment reconnaître cet abus de position dominante

collectif? Nicolas Petit dit :

Under Article 102 TFEU, a finding of collective dominance requires: a

certain degree of parallel behavior amongst oligopolists (the notion of

“collective entity”); and the satisfaction of the three conditions articulated

by the General Court in Laurent Piau v. Commission, i.e.: “Three

cumulative conditions must be met for a finding of collective dominance:

first, each member of the dominant oligopoly must have the ability to know

how the other members are behaving in order to monitor whether or not

they are adopting the common policy; second, the situation of tacit

coordination must be sustainable over time, that is to say, there must be an

incentive not to depart from the common policy on the market; thirdly, the

foreseeable reaction of current and future competitors, as well as of

consumers, must not jeopardise the results expected from the common

policy. »358

355 P. COLLINS, M.J. TREBILCOCK et R.A. WINTER, préc. note 352, p.90. 356 Au Canada, l’abus de position dominante est régi par les articles 45, 78.1 et 90.1 de la Loi sur la

Concurrence, L.R.C., 1985, ch. C-34. Ces pratiques anticoncurrentielles y sont entièrement

réprimandées. 357 Id., Article 45. 358N. PETIT, préc. note 354, p.31.

Page 135: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

121

Afin de voir si ces trois grandes agences de notation (Moody’s, S&P et Fitch)

répondent à ces critères, l’auteur ajoute plus bas :

(…). First, CRAs can easily monitor each other’s ratings, in light of the

high degree of transparency that prevails on the market. Second, CRAs »

incentives to follow each other’s behavior can be sustained through the

threat of price wars or other retaliation mechanisms (poaching of key

personnel, e.g. internal analysts), etc. Finally, the likelihood of

entry/expansion is presumably low, given the high obstacles that

potential/actual rivals must overcome to penetrate the market. The

persistence of large profit margins in the credit rating industry corroborates

this last proposition. Overall, the collective dominance/tacit collusion

hypothesis is thus plausible359.

Pour résoudre ce problème, les régulateurs devraient créer un marché

concurrentiel en mettant en place des conditions pour faciliter l’agrément de nouvelles

agences par exemple. En effet, avec la présence de plusieurs offreurs et demandeurs de

services sur le marché, les prix ou les méthodes de travail ne seront pas imposés.

Toutefois, la création de ce nouveau marché implique que les agences déjà présentes

sur le marché doivent faire de la place aux nouvelles. Dans ce sens, la régulation aura

de la peine à être impartiale, car elle sera plus préoccupée par l’intégration des

nouvelles agences qu’autre chose.

Le souci majeur est donc d’instaurer une véritable structure concurrentielle, mais

ne perdons pas de vue qu’une concurrence exacerbée peut être néfaste pour le marché.

Elle peut, par exemple, être un obstacle à une bonne discipline du marché, touchant

ainsi la réputation même de certaines agences de notation.

Sur le plan international, Moody’s, S&P et Fitch occupent 94 % des parts de

marché360, conséquence de la règlementation mise en place en 1975 par la SEC361.

Comme nous l’avons dit, cette règlementation disposait que seule l’agence qui avait un

statut de NRSRO pouvait exercer sur le marché de la notation. Après plusieurs

manquements à leur rôle d’évaluateur de risque, les agences de notation ont vu leurs

conditions d’exercice changer. En effet, en 2006 la loi que nous avons mentionnée ci-

359 Id., p.33. 360 S. ROUSSEAU, préc., note 347, p.211. 361 Code of Federal Regulations, Title 17 - Commodity and Securities Exchanges.

Page 136: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

122

dessus, une loi adoptée par le Congrès (aux États-Unis) et la SEC, la Credit Rating

Reform Act362, va mettre en place un système d’inscription qui va permettre aux

nouvelles agences de notation, la possibilité de se voir reconnaître le statut de NRSRO.

L’objectif principal de cette règlementation est d’instaurer une concurrence sur le

marché afin de la rendre un tant soit peu parfaite.

Au Canada, les régulateurs suivent les réformes effectuées aux États-Unis.

Ainsi, les Autorités canadiennes de valeurs mobilières (ACVM) « proposent que la

définition d’agence de notation agréée s’arrime avec la notion de NRSRO. »363

Au niveau de l’Union européenne, l’encadrement règlementaire des agences de

notation est presque inexistant. Le Committee of European Regulators (CESR) n’a pas

trouvé nécessaire de règlementer ces agences au lendemain de la faillite; il s’est

contenté de mettre en pratique le Code de conduite des agences de l’Organisation

Internationale des Commissions de Valeurs (OICV) 364afin de surveiller l’activité des

agences de notation dans la zone.

Cependant, comme son homologue les États-Unis, le CESR a opté pour

l’obligation d’inscription des agences de notation auprès du régulateur national365.

Toutefois, dans leur ouvrage, Fabian Amterbrink et Jacob De Haan dénotent le manque

de précision sur les conditions d’enregistrement; ils trouvent que « it may be preferable

to explicitly state the conditions under which registration will be granted.»366

Une fois l’enregistrement effectué, les agences doivent se conformer au cadre

règlementaire en place; à l’occurrence le Code de conduite de l’OICV et les différentes

362 Credit Rating Agency Reform Act, Pub.L. 109-91, 120 STAT.1327. 363 S. ROUSSEAU, préc., note 338, p.213. Les ACVM ont également élaboré le Règlement 25-101 sur les

agences de notation désignées (RLRQ c. V-1.1, r. 8.1.) afin de mieux encadrer le marché. 364 THE TECHNICAL COMMITTEE OF THE INTERNATIONAL ORGANIZATION OF SECURITIES COMMISSION,

Code of conduct fundamentals for credit for credit rating agencies, mai 2008. En ligne : <

https://www.iosco.org/library/pubdocs/pdf/IOSCOPD271.pdf >, (consulté le 20 mars 2017). 365 Règlement (CE) N° 1060/2009 du parlement européen et du conseil du 16 septembre 2009 sur les

agences de notation de crédit : «Les agences de notation de crédit sont tenues de demander un

enregistrement en vertu du présent règlement pour être reconnues en tant qu’organisme externe

d’évaluation du crédit (OEEC) conformément à l’annexe VI, partie 2, de la directive 2006/48/CE, à

moins qu’elles n’émettent que des notations visées au paragraphe 2», article 2, 3e alinéa. 366 Fabian AMTENBRINK et Jakob DE HAAN, « Regulating Credit Rating Agencies In The European

Union: A Critical First Assessment Of The European Commission Proposal», (2009) 46/6 Common

Market Law Review, 1915, 1929.

Page 137: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

123

lois et règlements adoptés sur le plan national367. Cette surveillance règlementaire

permet l’amélioration de la qualité des analyses et des différentes méthodologies de

notation.

Bien que l’inscription en tant que condition d’exercice des agences de notation soit une

bonne résolution pour corriger la défaillance structurelle de l’industrie de la notation,

l’on ne peut pas s’empêcher de craindre un excès de régulation. En effet, faciliter

l’entrée de nouvelles agences dans le secteur emmène les autorités régulatrices à visser

la régulation par une surabondance de dispositions règlementaires afin de mieux

superviser le marché (surtout en Europe). Ne serait-on pas en train de déplacer le

problème sur un autre angle? Le plus important à notre avis serait de diminuer les règles

concernant les conditions d’entrée et d’assurer une meilleure supervision du marché

par la suite.

Toujours dans l’optique de maintenir une concurrence loyale dans le secteur de

la notation, il serait important que les agences de notation rendent leurs processus de

notation moins opaques. Ces processus prennent très souvent l’apparence d’un secret

de fabrique dont on se méfierait de divulguer de peur d’être copié. La divulgation du

processus permettrait aux investisseurs d’évaluer les méthodologies afin de se diriger

vers celles qui leur semblent plus correctes du point de la logique du raisonnement. De

cette divulgation naît la transparence. Celle-ci doit se refléter même sur les notes qui

sont attribuées par les agences de notation. La SEC soutient cette initiative puisqu’elle

a établi des règles qui préconisent l’accroissement de la divulgation des méthodes et

des procédures empruntées pour effectuer une notation :

Section 932(a)(8) of the Dodd-Frank Act amended Section 15E of the

Exchange Act to add new subsection (q), which contains paragraphs (1)

and (2). Section 15E(q)(1) provides that the Commission shall, by rule,

require each NRSRO to publicly disclose information on the initial credit

ratings determined by the NRSRO for each type of obligor, security, and

money market instrument, and any subsequent changes to such credit

ratings, for the purpose of allowing users of credit ratings to evaluate the

367 Dans le cas le de l’Europe voir par exemple le Règlement (CE) N° 1060/2009 du parlement européen

et du conseil du 16 septembre 2009 sur les agences de notation de crédit: « Une agence de notation de

crédit se conforme à tout moment aux conditions de l’enregistrement initial. », article 14 (parag. 3, 1er

alinéa).

Page 138: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

124

accuracy of ratings and compare the performance of ratings by different

NRSROs368.

Les agences de notation sont ainsi très importantes dans l’architecture financière,

car elles jouent le rôle d’alarme quand il y a un trouble et très souvent créent la panique

à travers les notes qu’elles attribuent. Seulement, plusieurs obstacles s’érigent contre

les agences de notation dans l’exercice de leurs fonctions. C'est la raison pour laquelle

elles sont très souvent désignées comme principal bouc émissaire de la survenance

d’une crise financière. En l’état actuel des choses, la question de la responsabilité des

agences de notation a tout intérêt à être étudiée dans la mesure où celles-ci participent,

à travers l’évaluation qu’elles effectuent des actifs, à la prévention des risques

financiers et à la stabilité financière internationale. Cette responsabilité a été mise en

mal lors de la crise des subprimes aux États-Unis, car les agences de notation ne sont

pas responsables des notes qu’elles produisent. Ces notes sont considérées comme des

opinions; mais des opinions sont tellement fortes qu’elles sont capables d’influencer la

décision des investisseurs. C’est certainement l’une des innombrables causes de la crise

de 2008. Nous pourrions penser à interdire aux agences de notation d’évaluer des

produits sur lesquels elles ont donné leurs avis ou conseils. Ceci pourrait résoudre en

partie cette situation et par la même, résoudre le problème de conflit d’intérêts.

Au-delà de tout ceci, précisons que l’entièreté de l’opération de titrisation est

sur la haute surveillance d’une autorité de supervision.

368 SECURITIES AND EXCHANGE COMMISSION, Proposed Rules For Nationally Recognized Statistical

Rating Organization, 17 CFR Parts 232, 240, and 249, and 249b Release No. 34-64514; File No. S7-18-

11 RIN 3235-AL15, p.54. En ligne : < https://www.sec.gov/rules/proposed/2011/34-64514.pdf>,

(consulté le 15 mai 2013)

Page 139: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

125

Figure 1 : Mécanisme simplifié de l’opération de titrisation

Prêts

Remboursement✱

Cession de

Créances

Produit de l’émission

Capital et intérêts Produit de l’émission

✱ Le remboursement (le paiement des mensualités) du prêt va permettre à la banque

de rembourser les investisseurs par le canal du véhicule de titrisation.

Véhicule de titrisation (émetteur)

Émission des parts/titres :

Dette supérieure

Mezzanine

Equity

Rehausseur

de crédit

Agence de

notation

Notes : AAA,

AA, A, BBB,

B, etc.

1

Emprunteurs :

Automobiles,

hypothèque

résidentielle,

Prêts étudiants,

cartes de crédit,

etc.

Établissement

de crédit

(initiateur)

Investisseurs

Banque,

fournisseur

de liquidité

2

3

4

Page 140: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

126

Sous-section IV : Les avantages et les risques liés à l’opération de

titrisation

A. Les avantages de l’opération de titrisation

La titrisation est une opération de financement bénéfique pour le marché. Outre

le fait qu’elle permet d’améliorer la structure du bilan et de respecter le ratio

prudentiel369, la titrisation permet à la banque de segmenter et de transférer les risques.

Elle lui permet également de trouver de nouveaux investisseurs sur le marché grâce au

véhicule de titrisation. Ainsi, l’opération de titrisation a permis de créer de nouveaux

marchés, qui sont secondaires puisque le prêteur initial ne détient plus la créance370.

Cet élément nouveau va permettre une meilleure allocation des ressources sur le plan

national et international. En effet, bien avant l’avènement de la titrisation, les banques

avaient la possibilité de se financer sur les marchés financiers, mais les marchés

demeuraient peu liquides et les investissements peu nombreux. La titrisation va donc

attirer le plus grand nombre d’investisseurs par le biais d’un marché plus large et

liquide. Elle va permettre, « à partir de créances non liquides et de qualité médiocre,

de créer des instruments relativement liquides et de haute qualité.»371 L’effet immédiat

de la transformation des créances non liquides en créances liquides est l’augmentation

du volume de crédit. Cette croissance du volume des financements va assouplir les

contraintes liées à l’octroi du crédit et partant, accroître la production économique372.

Par ailleurs, l’opération permet également à la banque de se désolidariser des

recommandations du CBCB qui a mis en place des exigences liées aux ratios

369 Le ratio prudentiel est un pourcentage minimum de détention de fonds propres en deçà duquel la

banque présenterait un risque d’insolvabilité. 370 Antoine FRACHOT et Christian GOURIEROUX, Titrisation et remboursements anticipés, Coll. «

Économie et statistiques avancées », Paris, Economica, 1995, p.7. 371 Jacob GYNTELBERG et Eli M. REMOLONA, « Asie–Pacifique : implications de la titrisation pour la

liquidité et les risques de crédit », Rapport trimestriel BRI, juin 2006, p.69. 372 Lire Jack SELODY et Elizabeth WOODMAN, « La réforme de la titrisation », (2009) Revue du

système financier, Rapports. En ligne : < http://www.banqueducanada.ca/wpcontent/uploads/2012/01/r

sf-1209-selody.pdf >, (consulté le 26 mars 2015).

Page 141: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

127

prudentiels. Cela va lui permettre également d’octroyer plus de crédits qu’elle en a le

droit. En effet, en se soustrayant de l’obligation de détenir des fonds propres qui servent

de coussins en cas de pertes sur les prêts, la banque va utiliser ce capital à d’autres fins

productives telles que l’octroi des prêts373.

De plus, puisque les titres sont rattachés à des actifs sous-jacents et non à la

qualité de la banque qui les cède, une banque en situation d’insolvabilité peut

facilement se refinancer sur le marché financier si elle a en sa possession des actifs de

bonne qualité.

Pour un investisseur, l’opération a également quelques avantages. Elle va lui

permettre, en plus d’améliorer sa capacité à prendre plus de risques, d’investir sur des

titres bénéficiant d’une bonne liquidité. L’opération va également permettre à

l’investisseur de diversifier son portefeuille, car la titrisation offre une large gamme de

titres ayant chacune des caractéristiques bien singulières. Un autre avantage réside au

niveau des revenus générés par l’opération de titrisation. Ainsi, l’investisseur sera attiré

par les revenus réguliers374 que génèrent les titres sous-jacents.

Cependant, l’opération contient quelques risques qui lui sont propres. Il s’agit

essentiellement.

B. Les risques de l’opération de titrisation

Parmi les risques financiers, les risques suivants sont les plus présents dans une

opération de titrisation :

- Du risque de remboursement anticipé : c’est un risque lié à la situation du

débiteur et comme nous l’avons plus haut, un débiteur peut être tenté de

rembourser son prêt plus tôt que prévu afin de profiter de la baisse des taux

d’intérêt. Ceci n’est pas bénéfique pour l’investisseur qui s'attendait à recevoir

un remboursement un taux plus élevé. Ce risque peut être également assimilé

au risque de taux d’intérêt. Cependant, ce risque peut être écarté par les

conventions de prêts hypothécaires qui peuvent être dissuasives pour le

débiteur. En effet, un débiteur qui rembourse son prêt avant la fin de son terme

373 Id. 374 Ces revenus sont très souvent mensuels.

Page 142: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

128

peut être exposé à de lourdes pénalités et au paiement d’intérêts à la banque; et

dans certains cas, le remboursement anticipé n’est autorisé que pour une partie

de la dette375.

- Du risque lié retard de paiement : Contrairement au cas précédent, ici le

débiteur ne respecte pas le délai prévu au contrat. Ce retard n’implique en aucun

cas que le débiteur est défaillant; mais pourrait signifier que ce dernier rencontre

quelques difficultés. Normalement, le remboursement du crédit respecte un

terme fixé au préalable dans le contrat. Le créancier se base donc sur ce délai

pour gérer ses activités. Ce retard peut donc lui être préjudiciable et occasionner

des frais de gestion supplémentaires.

- Du risque de faillite de la banque ou du véhicule de titrisation : c’est un

risque majeur pour l’investisseur dans une opération de titrisation. Très

souvent, l’investisseur, qui est un créancier, n’aimerait pas subir le régime de

faillite. Que ce soit aux États-Unis, en Europe ou encore au Canada, l’objectif

du droit de la faillite est de permettre au débiteur insolvable de régler les

créances des différents créanciers sans craindre les actions de ces derniers

contre lui. Ainsi, en cas de faillite, l’investisseur verrait ses titres menacés par

le régime de droit commun de la faillite. Et dans un même temps, ces titres

entreraient en concurrence avec les titres d’autres créanciers.

- Du risque de crédit ou de défaillance du débiteur ou risque de

contrepartie : ce risque peut avoir un rapport avec la situation personnelle du

débiteur ou alors avec un évènement externe (catastrophes naturelles, faillites,

chômage, etc.). Il peut même arriver que le débiteur soit tout simplement de

mauvaise foi. Dans une telle situation de défaillance, si en plus une assurance

qui pourrait servir de garantie n’a pas été souscrite, ce sont les intérêts des

investisseurs qui sont compromis. En effet, la défaillance du débiteur va

engendrer par la force des choses la faillite de l’établissement de crédit. Cette

faillite serait encore plus pénalisante si la cession des créances intervenue entre

l’établissement de crédit et le véhicule de titrisation n’a pas été véritable. En

effet, il va se poser le problème de recours que nous avons soulevé

375 M. LACOURSIERE et F. LEVESQUE, préc. note 260, pp.606-607.

Page 143: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

129

précédemment et celui du recouvrement. Ainsi, pour départager les

investisseurs dans cette situation, le droit des sûretés sera appliqué. Selon les

articles 136 (d) et 178 (f) de la Loi canadienne sur la faillite et l’insolvabilité376,

les investisseurs ayant souscrit des titres adossés à des créances bénéficiant de

sûretés spéciales seront payés, après avoir prouvé leurs réclamations, par

préférence aux autres créanciers, en raison du privilège que leur donnent ces

sûretés. Pour les autres investisseurs, ils seront acquittés au prorata377.

On dénombre plusieurs intervenants dans une opération de titrisation et les

créances cédées ne sont pas à l’abri d’un défaut. Bien qu’elles soient évaluées

et notées par les agences de notation, le risque lié à ces créances reste élevé

occasionnant très souvent la faillite soit du débiteur initial (le titulaire de la

créance), ou de l’investisseur final. Ce risque peut également provenir de la

marchandisation même des instruments dérivés utilisés pendant l’opération de

titrisation. C’est la raison pour laquelle des chambres de compensation ont été

instaurées. Ces chambres de compensation agissent à titre de contrepartie

centrale pour les opérations réalisées entre les participants au marché.

Améliorer les marchés de gré à gré de produits dérivés : tous les

contrats de produits dérivés de gré à gré normalisés devront être

échangés sur des plates-formes d’échanges ou via des plates-

formes de négociation électronique selon le cas et compensés par

des contreparties centrales d’ici la fin 2012 au plus tard. Les

contrats de produits dérivés de gré à gré doivent faire l’objet d’une

notification aux organismes appropriés (« trade repositories »).

Les contrats n’ayant pas fait l’objet de compensation centrale

devront être soumis à des exigences en capital plus strictes. Nous

demandons au CSF et à ses membres d’évaluer régulièrement la

mise en œuvre de ces mesures et de déterminer si celles-ci sont

suffisantes pour améliorer la transparence sur les marchés des

produits dérivés, atténuer les risques systémiques et assurer une

protection contre les abus des marchés378.

376 Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. (1985), ch. B-3. 377 Id., art.141. 378 SOMMET DU G20, Sommet de Pittsburgh : Déclaration des chefs d’États et de gouvernement, 24-25

septembre 2009, p.9 (Traduit de l’anglais). En ligne: < http://www.g20.utoronto.ca/2009/2009commun

ique0925-fr.pdf > (consulté le 15 janvier 2016).

Page 144: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

130

- Du risque de liquidité : La vocation première de la titrisation est la liquidité

des marchés. En effet, le mécanisme de l’opération repose sur la garantie que

les actifs sous-jacents soient à même de conférer aux investisseurs un

rendement sur les titres qu’ils ont souscrit. Or, lorsque les prêts ont été octroyés

à des emprunteurs à risque, la qualité des actifs sous-jacents s’amenuise. Le

risque de liquidité étant fonction de la qualité des actifs, la défaillance des

emprunteurs pourrait éventuellement créer une bulle. Il y a également un risque

de liquidité lorsque le véhicule de titrisation émet des titres à court terme

adossés à des actifs sous-jacents émis pour une longue période. Dans ces

situations, nous constatons très souvent un resserrement du crédit, une défiance

sur les marchés au point où les banques n’arrivent plus à se prêter de l’argent

entre elles et les déposants se ruent sur les guichets pour récupérer leur argent.

- Du risque de défaillance de la notation : Les agences de notation peuvent

revoir la qualité de leurs notes occasionnant ainsi la panique sur les marchés.

Ce risque peut se traduire par la baisse de la valeur de marché d’un

investissement par suite de la détérioration de la qualité du crédit d’une

contrepartie.

- Du risque systémique: Un choc systémique est « the risk that an event will

trigger a loss of economic value or confidence in, and attendant increases in

uncertainly about, a substantial portion of the financial system that is serious

enough to quite probably have significant adverse effects on the real

economy. » 379 Le risque systémique favorise donc la transmission d’un

évènement majeur tel que les faillites bancaires ou les crises financières d’une

institution financière à une autre. Il varie selon la taille de l’institution

financière en cause et selon la taille des activités de ladite institution. Ainsi, la

faillite d’une institution financière importante (too big to fail) peut affecter

l’ensemble du système financier allant jusqu’à toucher l’économie réelle. Pour

encadrer le risque systémique, il faut au préalable réduire le risque de contagion

qui est l’un de ses sous-ensembles importants (le risque de contagion est le

379 GROUP OF TEN, Report on consolidation in the Financial Sector, Bank of International Settlments,

Janvier 2001, p.126. En ligne : <http://www.bis.org/publ/gten05.htm> (consulté le 5 juin 2018).

Page 145: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

131

risque que le choc qui frappe une institution se transmette à d’autres

institutions). L’intermédiation bancaire classique apparaît peu systémique sous

réserve d’un régime efficace de gestion du risque de liquidité. La tarification

des principaux risques associés à l’intermédiation bancaire classique (crédit,

taux, concentration) n’offre pas de possibilités d’arbitrage règlementaire

pouvant conduire à l’accumulation à grande échelle de risque systémique. Cela

ne veut pas dire que les activités de crédit ne peuvent pas être à l’origine d’une

crise. Des erreurs de gestion peuvent conduire une banque à la faillite. De

même, un retournement macroéconomique peut plonger l’ensemble des

activités de crédit dans de graves difficultés. Mais le cadre prudentiel des

activités de crédit, sous réserve qu’il soit rigoureusement appliqué par les

banques sous le contrôle des superviseurs, ne conduit pas à des comportements

à risque au-delà des risques mesurés par la règlementation. En revanche, en

l’absence de règles harmonisées de gestion des risques de liquidité et de

transformation, les activités de crédit présentent une vulnérabilité systémique :

plusieurs institutions financières ont été mises en difficulté pendant la crise

récente du fait d’une mauvaise gestion de ces risques. La titrisation de crédits

en tant qu’alternative sous-tarifée de l’intermédiation bancaire apparaît plus

systémique. Le rendement supérieur dégagé par la titrisation de crédits est un

moteur d’accumulation de risques de crédits imparfaitement mesurés par la

règlementation. Cette dynamique systémique est d’autant plus marquée qu’une

partie importante des risques est, de fait, restée concentrée dans le système

bancaire au lieu d’être transférée à des investisseurs. Les banques souscrivent

en effet pour compte propre les parts de titrisations ou reprennent les parts

souscrites par des investisseurs pour en soutenir la liquidité. De plus, les

banques sont souvent amenées, pour des raisons de réputation, à reprendre aux

investisseurs les parts de titrisation des véhicules non consolidés auxquels elles

ont transféré leurs crédits. La récente crise du subprime a mis en lumière cette

spirale qui a conduit de nombreuses banques à reprendre dans leur bilan les

créances titrisées et à dégrader leurs ratios prudentiels en l’absence de fonds

propres suffisants pour couvrir ces expositions.

Page 146: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

132

- Du risque règlementaire : Le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire définit

le risque règlementaire (risque de conformité) comme :

the risk of legal or regulatory sanctions, financial loss, or loss

to reputation a bank may suffer as a result of its failure to

comply with all applicable laws, regulations, codes of conduct

and standards of good practice (together, “laws, rules and

standards”). Compliance risk is sometimes also referred to as

integrity risk, because a bank’s reputation is closely connected

with its adherence to principles of integrity and fair dealing380.

Aujourd’hui, les règles qui régissent la titrisation sont souples en raison de la

dérèglementation. Mais avec l’ampleur des dégâts causés par la crise des

subprimes, les régulateurs resserrent progressivement les règlementations dans

le but d’assainir le marché. C’est le passage des conditions souples aux

conditions strictes qui pourraient occasionner des situations de risques, car plus

les règles sont strictes, plus l’ingéniosité des acteurs financiers s’aiguise. Ces

derniers vont alors chercher à contourner les règles en innovant et en créant

d’autres formes d’opération, encore plus opaques. De plus, le Comité de Bâle

qui précise que le risque de conformité peut être défini comme le risque de

sanctions légales ou règlementaires, de pertes financières ou de pertes de

réputation auxquelles une banque peut être soumise par suite de manquements

aux lois applicables, aux règlements et codes de conduite.

- Du risque opérationnel : Dans l’opération de titrisation, il y a plusieurs

intervenants. Le risque opérationnel pourrait résulter de l’incapacité de ses

intervenants à faire face à leurs engagements. À chaque étape de l’opération,

les intervenants ont des obligations, et le non-respect de ces obligations peut

engendrer des dysfonctionnements dans l’opération.

Par ailleurs, le système de financement hypothécaire a été fortement influencé

par l’opération de titrisation. En effet, cette opération, en donnant la possibilité aux

banques de faire des actifs de leur bilan, a permis le développement des pratiques hors

bilan échappant à tout contrôle du point de vue règlementaire. Elle a également accru

380 BASEL COMMITTEE ON BANKING SUPERVISION, The Compliance Function In Banks, BANK FOR

INTERNATIONAL SETTLEMENTS, octobre 2003, p.1. En ligne : < http://www.bis.org/publ/bcbs103.pdf >

(consulté le 10 octobre 2015).

Page 147: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

133

l’asymétrie d’information dans la prolifération des intermédiaires entre le détenteur du

titre final et l’émetteur initial du prêt.

Précisons qu’il n’existe pas une définition précise et uniforme de cette

opération. Ainsi, l’exercice de compréhension revient à chaque pays afin de faciliter sa

mise en œuvre. Seulement, elle pose très souvent un problème de qualification

juridique de l’opération. En effet, il existe une dualité dans la détermination du système

sous lequel cette technique financière est régie. Ayant été conçue aux États-Unis et

vulgairement pratiquée au Royaume-Uni, la titrisation est régie dans ces différents

systèmes par la common law; ce qui n’est pas par exemple le cas pour la France où, de

pratiques récentes, elle est soumise au système de droit civil. Nous nous trouvons donc

en face d’une opposition entre deux systèmes, avec, à l’horizon, un risque élevé

d’arbitrage législatif. Toutefois, les États-Unis étant assez avancés dans la maîtrise de

l’opération381, chaque pays s'inspire du modèle américain tout en essayant de l'adapter

à ses propres lois.

Maintenant, nous allons analyser le rôle joué par la titrisation lors de la crise

des subprimes.

381 « La part des hypothèques titrisées aux États-Unis a véritablement pris son envolée au début de la

décennie 1980. Elle s’est accrue de 18% en 1980 à 57% en 1995, puis est entrée dans une phase de

consolidation. Cette part s’est orientée à la hausse dès 2005 et elle s’est même maintenue sur sa lancée

durant la dernière crise. En 2012, la part des hypothèques titrisées avoisine les 68%. (…). Au début de

2000, la part des hypothèques au Canada ne représentait que 12% de l’encours global d’hypothèques.

Cette part a beaucoup augmenté par la suite pour atteindre près de 35% en 2008. », F-É. RACICOT et al,

préc. note 266, pp. 8 et 10.

Page 148: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

134

Section III : La crise des subprimes, résultat de la dérégulation de

l’opération de titrisation

La crise des subprimes, déclenchée aux États-Unis en décembre 2007, est la

plus grande crise économique que le monde n’ait jamais connue après le krach boursier

de 1929. C’est une crise prolifique : de simple crise immobilière au départ, elle a vite

fait de prendre d’autres formes à savoir une crise financière, une crise bancaire, une

crise boursière, une crise économique et une crise sociale382. Grande récession, ses

effets s’étendent sur tous les aspects de l’économie tout en ralentissant le chômage et

encourageant l’inflation. En outre, cette crise a révélé au grand jour les dangers de la

titrisation, conséquence d’une prise de risque excessive.

Les premières défaillances dans le secteur de l’immobilier sont apparues dans

les années 1990. Dans le passé, la spéculation était l’élément central du marché

immobilier et les crédits étaient généralement à court terme. La différence avec la crise

actuelle est donc grande; le remboursement du crédit se fait à long terme et les taux

d’intérêt sont relativement bas, le seuil a d’ailleurs déjà été atteint. Nous pouvons

résumer la crise en trois phases383 :

- Une phase euphorique qui se manifeste par un boom de crédit, le

surendettement de la population, et la sous-estimation du risque. En effet, le principe

veut que le marché de crédit s’emballe en période faste et se contracte en période

difficile.

- Une phase d’ajustement brutal qui se manifeste généralement par le réveil des

régulateurs et la multiplication des règles tantôt strictes et tantôt parcellaires.

- Une phase neurasthénique qui est généralement la longue période de détresse

qui suit la période postcrise

382 Selon le rapport final de la crise de subprimes aux États-Unis, la crise de 2008 et 2008 n'était pas un

évènement unique, mais une série de crises qui ont eu une incidence sur le système financier tout d'abord,

avant de contaminer l'économie réelle. Voir THE FINANCIAL CRISIS INQUIRY COMMISSION, Final report

of the national commission on the causes of the financial and economic crisis in the

United States, janvier 2011. En ligne : < http://fcic-static.law.stanford.edu/cdn_media/fcic-

reports/fcic_final_report_full.pdf> (consulté le 15 juillet 2018). 383 André CARTAPANIS, « Les crises financières», dans Olivia MONTEL-DUMONT, comprendre les

marchés financiers, Paris, cahiers français n° 361, 2011, p.20.

Page 149: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

135

Nous allons analyser ces différentes phases en faisant un retour chronologique sur

ce qui s’est passé avant, pendant et après la crise.

Sous-section I : Les signes précurseurs de la débâcle

Après l’éclatement de la bulle internet, la politique monétaire a été assouplie. En

2002, sous Alan Greenspan les taux directeurs ont été abaissés à 1 % et sont restés

longtemps aussi bas. Le but était de rassurer les marchés et d’inciter à faire appel au

crédit. Cela a entraîné une liquidité excessive et laissant la porte ouverte à l’essor de

l’innovation financière. Ainsi, à partir des années 2000, les États-Unis connaissent une

croissance économique assez stable.

Seulement, le corolaire d’une telle croissance dans la finance est la mondialisation

financière. En effet, avec l’épanouissement économique, les acteurs financiers ne

voulaient qu’une seule chose, faciliter les transactions financières. Et pour ce faire, il a

fallu déréguler au maximum les règles du marché afin de toujours assurer, autant que

faire se peut, la discrétion et la rapidité qui règnent dans la finance.

De plus, cette croissance économique, témoignée au grand jour, cache pourtant une

future situation de détresse. En effet, afin de réaliser le début du rêve américain, le

gouvernement de Georges Bush s’est fixé pour objectif d’attribuer à chaque américain

une maison. Partant de cette promesse, des prêts hypothécaires ont été rendus

accessibles même à des ménages qui ne pouvaient pas se les permettre. La pratique

employée était celle du stated income c'est-à-dire que la banque ne vérifiait forcément

pas la capacité financière et la solvabilité du client384. C’est ce type de prêts qui sont

384 «A stated income loan is a loan where the income that is put on a home loan application is not verified

at all by the banks. The banks simply take your word for it. », Steve KRYSTOFIAK dans un discours

prononcé à la Réserve fédérale des États-Unis en août 2006.

En ligne : < https://www.federalreserve.gov/secrs/2006/august/20060801/op-1253/op-1253_3_1.pdf >

(consulté le 12 janvier 2016).

En ligne : < http://www.federalreserve.gov/secrs/2006/august/20060801/op-1253/op-1253_3_1.pdf >

(consulté le 10 octobre 2015). Avec la Loi Dodd-Frank, cette pratique a été encadrée. Maintenant, « A

creditor making a residential mortgage loan shall verify amounts of income or assets that such creditor

relies on to determine repayment ability, including expected income or assets, by reviewing the

consumer’s Internal Revenue Service Form W–2, tax returns, payroll receipts, financial institution

records, or other third-party documents that provide reasonably reliable evidence of the consumer’s

income or assets. In order to safeguard against fraudulent reporting, any consideration of a consumer’s

income history in making a determination under this subsection shall include the verification of such

income by the use of», section 1411. En ligne: < https://www.sec.gov/about/laws/wallstreetreform-

cpa.pdf > (consulté le 10 octobre 2015).

Page 150: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

136

appelés « subprimes »; ce sont des prêts à risque, car comme nous l’avons dit plus

haut385, ils étaient essentiellement attribués à des ménages à faible revenu et pour un

taux d’intérêt relativement bas au départ. Toutefois, ces taux n’étaient pas à l’abri

d’éventuelles révisions à la hausse et dépendaient surtout de la réaction du marché

(Ajustable Rate Mortgage). Les taux pouvaient ainsi s’avérer à la longue plus couteux

que de simples crédits immobiliers386. De plus, comme le prêt était attribué sur le long

terme, les emprunteurs se sentaient plutôt confiants et n’hésitaient pas à contracter des

prêts auprès des banques387.

Par ailleurs, les subprimes sont devenus légaux dans les années 80 grâce à

plusieurs changements législatifs qui ont autorisé les prêts immobiliers à des taux

variables388. Avant, il n’y avait que des lois sur l’usure qui fixaient le taux d’intérêt

maximum qui pouvait être appliqué sur les prêts389. Les subprimes doivent également

beaucoup aux mutations du secteur bancaire avec l’apparition de l’origination-

distribution et le développement de plusieurs intermédiaires immobiliers.

Jusque-là, tout semblait bien aller. Toutefois, ce que nous avons présenté ci-

dessus ne représente qu’une seule facette du problème; il s’agit exactement de la vue

de la surface de la bulle immobilière qui était en train de se créer. En effet, les dangers

liés à ces prêts à risque n’étaient pas uniquement supportés par les banques émettrices,

mais aussi par d’autres institutions financières vers lesquelles ces dangers étaient

reportés. L’entrée en matière de ces institutions était encouragée par la Securities

Exhange Commission (SEC) qui a offert à celles-ci (il s’agit pour l’essentiel des

banques d’investissement et des entreprises de courtage) de se faire superviser par la

SEC et non par la Réserve fédérale. La supervision et le contrôle de ces institutions

385 Supra., p.4. 386 Les crédits immobiliers sont généralement offerts à un taux fixe et sur une longue période. 387 Tobias ADRIAN, Adam ASHCRAFT, Hayley BOESKY et Zoltan POZSAR, « Shadow Banking », (2012)

1/105 Revue d'économie financière 167. 388 Competitive equaliy banking act, Pub.L. 100-86, title XII, § 1204, 101 Stat.552 ; Pub.L. 100-86, 101

Stat.662. 389 Pour plus de détails voir Angell B. MONTGOMERY, «State Usury Laws and the Federal Reserve

Banks», (1921) 7 VIRG. LAW Rev. 536; et Matthew SHERMAN, « A Short Story Of Financial

Deregulation In The Unisted States», Center for Economic and Policy Research, 2009 15 pages. En

ligne : < http://cepr.net/documents/publications/dereg-timeline-2009-07.pdf > (consulté le 14 octobre

2015).

Page 151: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

137

parallèles étaient donc réduits390. De façon plus concrète, en 2004, la SEC a adopté des

modifications à la Securities exchange act de 1934391. Ces modifications ont mis au

point un régime de surveillance volontaire pour les plus grandes banques

d'investissement, appelé le programme Consolidated Supervised Entities (CSE). Ce

programme permet à la SEC de superviser les sociétés de portefeuille d’un courtier sur

une base consolidée. À ce titre, la surveillance de la SEC s'étend du courtier inscrit,

aux filiales non règlementées du courtier et de la société de portefeuille elle-même. Le

programme du CSE a été conçu pour permettre à la Commission de surveiller la

faiblesse financière ou opérationnelle d'une société de portefeuille ou de ses filiales non

règlementées qui pourrait mettre en péril les courtiers et autres entités règlementées

aux États-Unis 392 . Par ailleurs, la SEC n'avait aucune exigence de capital qui

s'appliquait à ces banques d'investissement. Dans le cadre du CSE, en remplacement

de la règle du capital net, les banques ont accepté de respecter la norme basée sur le

risque de Bâle et de maintenir ce niveau de capital au niveau de la société de

portefeuille. De plus, sur une base volontaire, les entreprises ont accepté d'accorder à

la SEC le pouvoir d'examiner et de surveiller leur conformité, au-delà du statut explicite

celle-ci393.

En ce qui concerne la règlementation prudentielle, l’exigence en fonds propres

des titres de créances hypothécaires garantis par les GSE (Fannie Mae et Freddie Mac)

a été ramenée par les superviseurs prudentiels à 2% alors que les prêts hypothécaires

devaient être couverts par 4% du capital règlementaire394. Comme Crotty le mentionne

très bien, « in the late 1990s, banks were allowed to hold risky securities off their

balance sheets in SIVs with no capital required to support them. »395De cette façon, les

créances les plus risquées ont pu échapper à la vigilance des auditeurs et des

390 Frederic MISHKIN, Christian BORDES, Pierre-Cyrille HAUTCOEUR, Dominique LACOUE-LABARTE et

Xavier RAGOT, Monnaie, banque et marchés financiers, 9e édition, Paris, Pearson, 2010, p.278. 391 Securities Exchange Act, Pub. L. 73-29, 48 Stat. 881. 392 SECURITIES AND EXCHANGE COMMISSION, SEC’s Oversight of Bear Stearns and Related Entities:

The Consolidated Supervised Entity Program, September 25, 2008 Report No. 446-A, p.2. En ligne <

https://www.sec.gov/about/oig/audit/2008/446-a.pdf >, (consulté le 20 mars 2017). 393 Edward V. MURPHY, « Who Regulates Whom and How? An Overview of U.S. Financial Regulatory

Policy for Banking and Securities Markets », 30 January 2015, Congressional Research Service 7-5700,

R43087, pp.25-26. En ligne: < https://fas.org/sgp/crs/misc/R43087.pdf >, (consulté le 20 mars 2017). 394 F. MISHKIN, C. BORDES, P-C. HAUTCOEUR, D. LACOUE-LABARTE et X. RAGOT, préc. note 390, p.277 395 James CROTTY, « Structural causes of the global financial crisis: a critical assessment of the ‘new

financial architecture », (2009) 33 Cambridge Journal of Economics 570.

Page 152: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

138

régulateurs. La technique utilisée pour le faire est la titrisation que nous avons présentée

plus haut. Elle génère beaucoup de profits et devient la panacée des acteurs financiers.

Conséquence, « en 1998, les subprimes représentaient 100 millions de dollars; en 2006,

1300 milliards de dollars! » 396 La table était dressée pour la plus grande crise

immobilière que le monde n’ait jamais connue.

Le virus de mauvaise qualité s’est répandu et a entaché la titrisation qui « a

cessé de fonctionner correctement lorsque les structures ont commencé à recourir à des

actifs de qualité de plus en plus dégradée, notamment à partir de 2006. »397 Le premier

problème qui va se poser ici est la survenance d’une crise immobilière : il n’y a plus

suffisamment de maisons pour satisfaire tous les emprunteurs. En effet, la facilité avec

laquelle l’on pouvait devenir propriétaire d’une maison à pousser beaucoup de

particuliers à contracter des prêts subprimes. Le professeur Bert Ely le dit d’ailleurs si

bien: « One of the most serious underlying causes of the financial crisis has been the

overpromotion of home ownership. »398 Dans un deuxième temps, avec la montée des

prix de l’immobilier, le taux d’intérêt n’a cessé de monter également jusqu’à atteindre

un niveau où les ménages n’arrivent plus à honorer leurs engagements. En fait, toute la

logique de titres adossés à des prêts repose sur le principe selon lequel le taux qui

s’applique aux prêts couvre le risque de non-paiement. C’est une logique d’assurance

qui a été transposée sur le secteur immobilier. La logique assurantielle est basée sur le

principe que le sinistre est aléatoire sur le long terme. De l’autre côté, l’immobilier est

caractérisé par de longues périodes où le risque est nul. 399 Alors, lorsque les

emprunteurs n’arrivent plus à faire à leurs engagements, c’est le début de la débâcle.

Les banques sont donc en difficultés et décident de reprendre les maisons pour les

revendre à un prix plus bas que celui du marché; seulement personne n’est intéressé.

Elles se retrouvent donc avec des maisons sans grande valeur et des titres toxiques400

396 É. COHEN, préc. note 42, p.22 397 RAPPORT MORAL SUR L’ARGENT DANS LE MONDE, Remettre la finance au service de l’homme et de

la société, Paris, Association d’Économie Financière, 2010, p.136. 398 Bert ELY, « Bad Rules Produce Bad Outcomes : Underlying Public Policy Causes Of The US

Financial Crisis », (2009) 29 CATO JOURNAL 110 399 Paul JORION, « Dans l’œil du cyclone : la crise de l’immobilier américain », (2008) 3 Regards croisés

sur l’économie 216. 400 Rappelons qu’il s’agit ici des titres émis par les banques, transférés par la suite sur le marché par la

méthode de titrisation.

Page 153: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

139

censés garantir ces maisons-là. La panique s’installe dans le secteur financier obligeant

les épargnants à s’aligner derrière les guichets automatiques afin de retirer leurs fonds.

Cette panique joue sur le système en général créant ainsi une crise systémique, car par

l’entremise du marché interbancaire, les banques ont été extrêmement liées entre elles.

Ainsi, les banques les plus capitalisées refusent de prêter à celles qui sont en difficultés,

entraînant donc, le mécontentement des épargnants. Ce mécontentement se traduit par

la ruée sur les guichets, cause principale de la faillite de plusieurs banques lors de la

crise.

Plusieurs familles se retrouvent ainsi sans abris et le secteur bancaire est lourdement

endetté : c’est le début de la crise financière de 2008.

Sous-section II : La partition de la titrisation jouée dans le déroulement

et changement de dimension de la crise des subprimes

La titrisation des créances, qui n’est pas la seule ou la principale cause de la crise

des subprimes, est tout de même l’innovation qui somme toute va permettre à cette

crise déclenchée aux États-Unis de s’étendre peu à peu dans le reste du monde.

Ainsi, l’on pouvait noter la multiplication des canaux de titrisation où circulaient

des titres de créances de plus en plus complexes. Les acteurs financiers vont même

aller jusqu’à incorporer les prêts subprimes aux autres types de créances pour pallier la

demande des taux à long terme et à haut rendement401. Les Credit Default Swaps402 ont

également largement été usités avec pour charge principale de garantir les investisseurs

contre les risques de défaut de ces créances titrisées. Et étant donné que la société qui

offrait ce service, American International Group (AIG), avait une bonne note (AAA),

les produits assurés avaient automatiquement un statut AAA : c’est l’arbitrage de la

notation. Avec la circulation de tous ces nouveaux produits dérivés et structurés de la

finance, les établissements bancaires voulaient gérer les risques générés par les actifs

des prêts hypothécaires en les divisant en titres qu’elles transfèrent par la suite à des

sociétés intermédiaires qui s’occupent donc de les garantir afin de les revendre aux

investisseurs403. Par la même occasion, ces établissements bancaires économisent leur

401 En règle générale, plus le terme est long, plus les taux d'intérêt sont élevés. 402 Infra, pp.218 et suiv. 403 C’est la principale fonction de la société AIG.

Page 154: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

140

capital en sortant des crédits de leur bilan; ceci élargit leur marge de crédit. Une

véritable bulle financière spéculative était en train de se créer sous le regard des

banques qui ne se soucient que de leur profit et des régulateurs très souvent absents. En

effet, ce système est tellement bénéfique aux banques, car elles peuvent, en toute

impunité, se débarrasser des actifs toxiques et ne trouvent pas nécessaire de constituer

une réserve dans leurs fonds propres. Selon la Securities Industry and Financial

Markets Association (SIFMA), « there was $7.4 trillion worth of MBSs outstanding in

the first quarter of 2008, more than double the amount outstanding in 2001. Over $500

billion dollars in CDOs were issued in both 2006 and 2007, up from $157 billion as

recently as 2004 (SIFMA website). »404 L’explosion de ces produits financiers a certes

généré de gros profits pour les institutions financières, mais a également détruit le peu

de transparence qui règne sur le marché mettant en mal son efficience. Anne

Meinertzhagen-Limpens appuie ce constat quand elle dit que « l’on ne peut gagner en

souplesse, en moindre coût et en discrétion qu’au détriment de la sécurité juridique et

économique. »405En effet, la valeur des titres qui ne sont pas vendus sur les marchés

règlementés, mais de gré à gré peut excéder la valeur des titres qui le sont. James Crotty,

le macroéconomiste, donne la précision dans son article quand il dit : « Eighty percent

of the world’s $680 trillion worth of derivatives are sold over-the-counter in private

deals negotiated between an investment bank and one or more customers. »406 Pour

illustrer ce propos, précisons que le volume des contrats de dérivés de crédit négociés

de gré à gré est passé de 93 milliards en 1997 à 595 billions en 2007407.

Le marché des PCAA a également connu un resserrement. Au départ, les banques

délivraient le papier commercial à un client contre le versement d’une somme avec la

promesse de lui rembourser ladite somme majorée d’intérêts. Le papier commercial

pouvait alors prendre la forme d’une traite bancaire ou d’un billet à ordre. Par la suite,

l’innovation faisant, les banques ont décidé de garantir le papier émis en l’adossant à

des titres de dette communément appelés actifs, d’où l’acronyme PCAA. Seulement,

404 J. CROTTY, préc. note 395, p.566 405 Anne MEINERTZHAGEN-LIMPENS, « Les engagements de ne pas faire en matière de crédit», (1986) 7

R.DA.I. 675 406Lire également, J. CROTTY, préc. note 395, p.566. 407 Id.

Page 155: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

141

lorsque la qualité de ces actifs s’effrite, les clients qui sont généralement des fonds

d’investissement vont perdre confiance et vont mettre un terme au contrat en réclamant

la somme versée au départ. Les banques ne pourront pas satisfaire à cette demande

puisque la somme réclamée a été mobilisée pour son financement. Les investisseurs se

trouvent avec des PCAA qui n’ont plus de valeur. Le manque de liquidité sur le marché

crée donc le malaise et participe à l’éclatement de la bulle financière. Il est important

de mentionner que les investisseurs se sont rués sur ce produit du marché sans

réellement connaître sa composition ni sa qualité, mais en se référant uniquement sur

la très belle note que les agences de notation l’ont attribué.

Tout le système est devenu vulnérable et plus exposé à un marasme financier.

L’innovation financière avait une fois de plus eu le dessus sur l’éthique de la profession

mettant ainsi en place des mécanismes insoupçonnés auteurs de la défaillance

financière plus tard. En effet, l'innovation financière a tellement progressé au point où

les produits financiers structurés sont devenus plus complexes et de manière

intrinsèque, non transparente. Il devient donc difficile de fixer leur montant, car ils ne

sont pas vendus sur les marchés règlementés et ne sont pas liquides408. Ce manque de

transparence signifie que le risque de contrepartie n'a pas été bien cerné au départ409.

Nous constatons que les crédits subprimes ont été financés par la titrisation, ce qui

a entraîné une explosion de crédit. Au fur et à mesure que les banques faisaient sortir

le crédit en utilisant l’opération de titrisation, elles octroyaient de plus en plus de crédits

subprimes aux ménages. Or, selon les recommandations du Comité de Bâle sur le

contrôle bancaire, les banques sont limitées dans l’octroi du crédit par les ratios

prudentiels; une règle de plus négligée par les institutions financières. De plus, la

pratique de la titrisation s’est traduite par une contamination des risques aux crédits

subprimes. « Certains produits structurés de titrisation étaient conçus de manière à

mélanger crédits toxiques et crédits sains afin de dissimuler la qualité des crédits. Les

structures qui ont acheté les produits de titrisation ne sont pas des absorbeurs de risques,

408 Id. 409 Janis SARRA, «Risk Management, Responsive Regulation And Oversight Of Structured Financial

Product Markets », (2011) 44/3 UBC L. REV. 782.

Page 156: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

142

mais des agioteurs de risques. »410« La dimension éthique de cette contamination de

risques est patente et, toutes choses égales par ailleurs, peut être comparée à celle d’une

infection virale. »411Comme manquement à l’éthique, nous pouvons citer le fait pour

les banques de se décharger totalement ou partiellement du risque, l’opacité au travers

de la complexité des opérations de titrisation et l’asymétrie d’information entre les

emprunteurs, les prêteurs, les véhicules de titrisation et les investisseurs.

La comparaison du système financier américain et canadien peut nous permettre de

voir sous un autre angle les causes de la crise. En effet, aux États-Unis, les agences de

refinancement hypothécaire telles que Fannie Mae et Freddie Mac ont

traditionnellement été à l’origine de la majeure partie des opérations de titrisation de

prêts hypothécaires. Jusqu’à ce qu’elles soient mises sous la tutelle de l’État durant la

crise, ces sociétés privées, exploitées dans un but lucratif, jouissaient d’une garantie

offerte implicitement par le gouvernement américain. Dans ce contexte, ces entités

faisaient l’objet de peu de supervision et étaient donc libres de mener des activités plus

risquées et d’abaisser leurs critères de sélection. De plus, le gouvernement américain

s’étant donné pour objectif de stimuler l’accession à la propriété, Fannie Mae et Freddie

Mac devaient soutenir l’offre de prêts hypothécaires aux emprunteurs à faible revenu.

En comparaison, la SCHL au Canada bénéficie d’une garantie explicite de l’État

et, de ce fait, est soumise à un cadre de surveillance plus rigoureux favorisant la mise

en œuvre de pratiques commerciales prudentes. Par exemple, au Canada, tous les

émetteurs de titres hypothécaires LNH doivent être approuvés par la SCHL sur la base

de certains critères d’admissibilité. En outre, comme les institutions qui émettent des

titres hypothécaires LNH demeurent responsables de l’administration des créances

auxquelles ces titres sont adossés, il est dans leur intérêt d’adopter de saines pratiques

de prêt. Le secteur financier canadien était conditionné pour éviter une décadence. Par

exemple, les initiateurs de prêts américains faiblement règlementés, tels que les

courtiers en prêts hypothécaires, représentaient avant 2007 une part importante du

410 Michel AGLIETTA, « Crise du crédit et faillite de la régulation prudentielle : comment éviter une

reproduction des errements », dans LE RAPPORT MORAL SUR L’ARGENT DANS LE MONDE, La crise de la

finance, L’accès des particuliers aux services bancaires, Les enjeux éthiques, Paris, Association

d’Économie Financière, 2008, p.78. 411 R. PEREZ, préc. note 30, p.183.

Page 157: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

143

marché de la titrisation privée. Comme le crédit octroyé par ces prêteurs peu

règlementés était cédé par la suite, les créances étant éliminées de leur bilan une fois

titrisées, ils étaient moins incités à adopter des pratiques rigoureuses en matière de

sélection et de surveillance. Au Canada, les activités de titrisation privée étaient

modestes avant la crise et le demeurent aujourd’hui 412 . Les prêts hypothécaires

intermédiés par ces courtiers sont émis ou assurés par des institutions financières de

régime fédéral et sont en conséquence soumis à des critères de souscription à l’égard

de l’assurance hypothécaire ainsi qu’à la Ligne directrice B-20 du BSIF qui émet des

règles de prudence à observer pour la souscription des prêts hypothécaires

résidentiels413. En résumé, le cadre prudentiel plus exigeant auquel le marché canadien

de la titrisation était assujetti, par rapport à la situation aux États-Unis, a favorisé le

maintien de la qualité des créances hypothécaires sous-jacentes414.

412 « Au cours des quinze dernières années, la part des prêts titrisés est passée d’environ 10 % à 33 % au

Canada. Pendant cette période, la part de la titrisation publique (c’est-à-dire la titrisation soutenue par

l’État) est passée de 50 % à près de 100 %. », Adi MORDEL et Nigel STEPHENS, « Une analyse de la

titrisation des prêts hypothécaires à l’habitation au Canada », (2015) Revue du Système Financier 43. 413 BUREAU DU SURINTENDANT DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES (BSIF), Lignes directrices B-20 :

Pratiques et procédures de souscription de prêts hypothécaires résidentiels, octobre 2017. En ligne :

< http://www.osfi-bsif.gc.ca/Fra/Docs/B20_dft.pdf > (consulté le 15 juin 2018). Cette ligne s’adresse à

toutes les institutions financières fédérales (IFF) qui souscrivent des prêts hypothécaires résidentiels ou

qui font l’acquisition d’éléments d’actif liés à de tels prêts au Canada. De plus, la ligne directrice

s’applique à tout prêt consenti à un particulier qui est garanti par une hypothèque sur un immeuble

résidentiel (c’est-à-dire un immeuble d’un à quatre logements), aux marges de crédit garanties par un

bien immobilier, aux prêts sur la valeur nette d’une maison et aux autres produits de même genre qui

reposent sur un immeuble résidentiel. Elle énonce cinq principes fondamentaux pour une saine

souscription de prêts hypothécaires résidentiels Principe 1 : Les IFF qui pratiquent la souscription de

prêts hypothécaires résidentiels et/ou l’acquisition d’éléments d’actif liés à de tels prêts doivent

appliquer une politique de souscription de prêts hypothécaires résidentiels (PSPHR). Les pratiques et

procédures des IFF en matière de prêts hypothécaires résidentiels doivent respecter les dispositions de

leur PSPHR. Principe 2 : Les IFF doivent faire preuve de diligence raisonnable en notant et en

confirmant l’identité de l’emprunteur, ses antécédents et sa volonté d’acquitter ses dettes dans les délais

impartis. Principe 3 : Les IFF doivent évaluer correctement la capacité de l’emprunteur d’acquitter ses

dettes dans les délais impartis. Principe 4 : Les IFF doivent disposer de processus solides de gestion et

d’évaluation des sûretés relatives aux biens immobiliers sous-jacents. Principe 5 : Les IFF doivent

disposer de pratiques et procédures efficaces de gestion du risque de crédit et de contrepartie qui appuient

la souscription de prêts hypothécaires résidentiels et la gestion du portefeuille d’éléments d’actif liés à

de tels prêts, notamment l’assurance hypothécaire, le cas échéant. La version finale de cette ligne

directrice parue en octobre 2017 est axée sur le taux minimum admissible pour les prêts hypothécaires

non assurés, sur les attentes relatives aux cadres de gestion et aux limites du ratio prêt-valeur (RPV), de

même que sur les restrictions imposées aux opérations conçues pour contourner les limites du RPV. 414 Rajoutons que le Programme d’achat de prêts hypothécaires assurés (PAPHA) au Canada a permis

aux prêteurs hypothécaires de bénéficier d’un apport additionnel de liquidité durant la crise. En effet,

dans le cadre du PAPHA, le gouvernement a acquis des titres hypothécaires LNH détenus par les

institutions financières canadiennes.

Page 158: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

144

Par ailleurs, il est une clause qui est associée à chaque prêt hypothécaire au

Canada : il s’agit de la clause de « plein recours. » La clause de plein recours

« permet au prêteur de saisir le revenu ou des actifs non résidentiels d’un

emprunteur en situation de défaillance si le produit de la vente de la

propriété n’est pas suffisant pour couvrir le solde du capital et des intérêts

du prêt hypothécaire. Cela pousse les ménages à rembourser leurs prêts. Ce

qui n’est pas le cas aux États-Unis où ce type de clause est interdit dans

certains États américains. »415

Cette clause responsabilise les emprunteurs au Canada ; contrairement aux États-

Unis où, lors de la crise, les emprunteurs dans certains États se sont mis volontairement

en situation de défaillance étant donné que les prêteurs ne pouvaient pas effectuer de

recours hypothécaire. Cette situation juridique affaiblit le système et a contribué, en

partie, à l’éclatement de la bulle financière aux États-Unis.

Sous-section III : Les retombées de la crise

Le 15 septembre 2008, Lehman Brothers, l’une des prestigieuses banques

d’investissement des États-Unis, et la banque Merrill Lynch tombent en faillite, suivie

de l’effondrement du plus grand assureur mondial, AIG. Après l’annonce de la faillite

de Lehmann Brothers, les indices boursiers ont commencé à chuter considérablement.

Le chômage s’est intensifié et la dette publique du pays s’est agrandie. C’est le début

de la grande dépression de 2008.

Les différentes faillites ont incité la baisse du taux directeur jusqu’à 1 % en

novembre 2008 pour se rapprocher du taux zéro avant fin décembre 2008. Dans la

même logique, la Réserve fédérale a créé, en décembre 2007, la Term Auction Facility

(TAF) qui lui permet d’offrir de la liquidité aux banques, non pas par le processus

officiel et nominatif de l’escompte, mais par un processus anonyme d’enchères. En

mars 2008, avec la faillite de Bear Stearns, la Réserve fédérale crée la Term Securities

Lending Facility (TSLF). « Elle acceptait d’échanger des titres hypothécaires devenus

illiquides sur le marché monétaire contre des obligations publiques que les banques

pouvaient ensuite revendre sur le marché. La Réserve fédérale acceptait de prêter

415 A. CRAWFORD, C.MEH et J. ZHOU, préc. note 259, p.70.

Page 159: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

145

jusqu’à 200 milliards de dollars d’obligations de l’État fédéral aux banques

d’investissement pour une durée de 28 jours. »416

Bien avant les faillites, les agences Fannie Mae et Freddie Mac avaient déjà fait

l’objet d’une nationalisation par le gouvernement américain. En effet, selon le journal

le Monde, « les deux sociétés privées, qui garantissent depuis quarante ans la fluidité

du marché du crédit immobilier en rachetant des prêts aux banques, détiennent ou

garantissent 5 200 milliards de dollars de créances hypothécaires, soit plus de 40 % de

l'encours de crédit immobilier du pays. »417 Il s’agit ici de plus de la moitié de crédits

subprime, alors qu'elles ne disposaient pas de fonds propres permettant de s'engager

sur de tels montants. Les banques émettrices de ces crédits se sont montrées moins

regardantes sur les prêts qu'elles consentaient, puisqu'il y avait deux refinanceurs prêts

à racheter ces crédits. Ainsi, au regard de leur importance, le président de la Réserve

fédérale, Ben Bernanke, après la crise, a soutenu fermement dans un communiqué

« la décision de placer Fannie Mae et Freddie Mac sous tutelle, ainsi que

les mesures prises par le secrétaire au Trésor pour assurer la solidité

financière de ces deux organismes; (…) Ces étapes nécessaires vont aider

à renforcer le marché américain de l'immobilier et à promouvoir de la

stabilité sur nos marchés financiers. »418

Les deux institutions Fannie Mae (FNMA) et Freddie Mac (FHLMC) portent une

part des responsabilités dans les dérives financières du système bancaire américain.

Bien qu'étant officiellement privés, les deux établissements ont toujours été considérés,

du fait de leur tutelle publique et de leur rôle social, comme bénéficiant d'une garantie

implicite du Trésor américain. Et puisque la tutelle de l’État, à un moment donné, a été

défaillante, elles ont pris des risques excessifs qui ont conduit au resserrement du

marché du crédit hypothécaire. En effet, pendant plusieurs années, elles ont racheté des

prêts sans faire attention à la solvabilité des emprunteurs d’origines. A contrario, elles

ont plutôt abaissé leurs critères de souscription afin d’augmenter leur part sur le marché

416 Michel AGLIETTA et Sandra RIGOT, Crise et rénovation de la finance, Paris, Édition Odile

Jacob,2009. 417 LE MONDE, « Freddie Mac et Fannie Mae mis sous tutelle gouvernementale ».

En ligne : < http://www.lemonde.fr/economie/article/2008/09/07/freddie-mac-et-fannie-mae-mis-sous-

tutelle-gouvernementale_1092479_3234.html >, (site visité le 08 janvier 2014) 418 Id.

Page 160: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

146

des prêts subprime. Après leur faillite, elles ont bénéficié du sauvetage du

Gouvernement, et ce, par le biais des actions privilégiées (preferred shares). Autrement

dit, elles ont été sauvées en priorité.

En outre, afin d’éviter qu’une autre faillite ait un effet comparable à celle de

Lehman Brothers, la Réserve fédérale a financé le rachat de Bear Stearns par JP

Morgan Chase à hauteur de 29 milliards de dollars. « Ce faisant, elle sortait de son rôle

de prêteur en dernier ressort pour prendre en charge, avec le soutien du Trésor, la

résolution des faillites bancaires. »419 Lorsqu’en juillet 2008 la crise menaçait les deux

principales agences hypothécaires des États-Unis, Fannie Mae et Freddie Mac, la

Réserve fédérale et le Trésor ont réagi de concert420. De manière générale nous pouvons

résumer les différentes actions entreprises comme suit : rapide baisse des taux d’intérêt

et prêteur en dernier ressort, même pour les banques d’investissement ; relance

budgétaire ; prise de contrôle ou nationalisation de multiples institutions financières ;

création d’une institution de défaisance421 et projet de nouvelles règlementations.

Contrairement à ce que nous avons pu remarquer durant la grande récession de

1929, le gouvernement pense rapidement à intervenir pour sauver les établissements

bancaires qui sont au bord du gouffre. En effet, les banques, parce qu’elles jouent un

rôle important dans l’économie, bénéficient d’une garantie implicite de l’État ou de la

banque centrale; voilà pourquoi aujourd’hui, le nombre d’établissements de crédit en

419 Id. 420 « Le Trésor a souscrit pour 187,5 milliards de dollars de titres préférentiels seniors des deux agences

et s’est porté garant de l’ensemble de leurs engagements (titres de dette et titrisations de créances). À

partir de cette date, les titres émis par les deux grandes GSE ont bénéficié d’une garantie « effective »

de l’État fédéral. À l’automne 2008, dans le sillage de la faillite de Lehman Brothers, la résurgence de

tensions a néanmoins rendu plus difficile le renouvellement de leur dette et accru son coût (Frame,

Fuster, Tracy et Vickery, 2015). Confrontée aux limites de la politique monétaire classique et craignant

que ce contexte de « fuite vers la liquidité » ne gonfle les taux des prêts hypothécaires, la Réserve fédérale

a lancé un vaste programme d’achats d’actifs (assouplissement quantitatif). Entre janvier 2009 et octobre

2014, la Fed a, ainsi, fait l’acquisition nette de près de 1 800 milliards de dollars de titres adossés à des

créances hypothécaires (MBS) émis par Fannie Mae et Freddie Mac et de titres de dette des deux GSE3.

Parallèlement, le Trésor s’est porté acquéreur de 220,8 milliards de dollars de MBS de Fannie Mae et

Freddie Mac entre septembre 2008 et décembre 2009. », Céline CHOULET, « Le sort de Fannie Mae et

Freddie Mac n’est pas scellé », (2018) Conjoncture 8.

En ligne : < http://economicresearch.bnpparibas.com/Views/DisplayPublication.aspx?type=document

&IdPdf=30811> (consulté le 5 juin 2018). 421 C’est une institution financière créée pour transférer des actifs toxiques qui pourraient nuire à la

stabilité d’une banque.

Page 161: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

147

situation de faillite diminue progressivement422. Toutefois, cette garantie « permet au

secteur financier de bénéficier d’une situation asymétrique : il engrange les profits

exceptionnels en période favorable et peut mutualiser les pertes en période de crise

grâce aux aides directes ou indirectes de la banque centrale ou de la puissance

publique. »423

D’ailleurs, une question toujours restée sans réponse est celle de savoir

pourquoi l’État a préalablement laissé le Lehman Brothers clamser avant de s’intéresser

au sort de tous ces autres établissements qui s’apprêtaient à tomber tous, les uns après

les autres. Toujours est-il que la première solution à laquelle l’État a pensé fut donc de

renflouer le système financier de fonds afin de le relever. C’est ainsi que AIG, Bear

Stern et City Group ont été rachetés par l’État.

L’on retient que ce sont les contribuables qui supportent l’insolvabilité toujours

à craindre de l’emprunteur dans la mesure où c’est avec leur argent que le

gouvernement organise les différents sauvetages. De plus, ces contribuables sont en

majorité de la classe moyenne. « Le système dérégulé a prouvé qu’il est l’instrument

facilitateur des inégalités sociétales. La crise a mis au grand jour les inégalités

masquées. »424 En définitive, la crise actuelle n’est ni plus ni moins une résultante des

exacerbations des aspirations qui sous-tendent l’économie de marché.

En ce qui concerne les agences de notation, comme nous l’avons dit

précédemment, elles ont également été pointées du doigt lors de la crise. En effet,

l’attitude quelque peu attentiste des agences de notation se justifie par le fait qu’elles

n’ont pas pu avancer à la même vitesse de croissance que les instruments financiers,

supports de la titrisation. Pendant que ces instruments croissaient, ils gagnaient en

complexité. Les erreurs sur leur notation reposent sur la méthodologie bancale qu’elles

ont adoptée: « This data appears to indicate that the methodologies were inadequate

422 AGENCE FRANCE- PRESSE WASHINGTON, « Banques américaines : Faillites en baisse.», Lapresse,

2012. En ligne: < http://affaires.lapresse.ca/economie/etats-unis/201201/01/01-4482152-banques-

americaines-les-faillites-en-baisse.php >, (consulté le 15 janvier 2016). 423 Rapport moral sur l’argent dans le monde, préc. note 397, p.15. 424 Id. p.67

Page 162: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

148

and suggests that the CRAs staff did not have an adequate understanding of the

structured finance market, or at least in the subprime residential mortgage market.425».

Ces dernières se sont butées sur la complexité de ces produits dérivés et n’ont pu

mettre en place un processus de notation adéquat. Il faudrait cependant reconnaître

qu’évaluer les banques n’est pas une tâche aisée parce que, comme le disent si bien

Frank Packer et Nikola Tarashev (2011),

Bank’s role as financial intermediaries and their importance for financial

stability determine the degree of external assistance they receive and shape

the risk factors to which they are exposed. Assessments of bank

creditworthiness thus need to account for the degree of external support,

gauge the degree of systemic risk and address the inherent volatility of

banks » performance426.

Dans l’un de ces rapports, la SEC soulevait également la question du défaut de

la bonne information 427 . En effet, les agences de notation n’ont pas vérifié les

informations transmises par les acteurs de la titrisation. Ce sont donc les analyses nées

de ces informations qui en ont pâti; elles étaient erronées et pas suffisantes.

Tout ceci a levé le voile sur les notes attribuées par les agences de notation.

Elles ne sont pas fiables, car elles ne retranscrivent pas exactement ce qui se passe sur

les marchés. Le professeur Stéphane Rousseau le souligne de manière claire quand il

dit : « Following the recent U.S. scandals, commentators have criticized both the

performance of CRAs and the reliability of their ratings. »428 Par ailleurs, au tout début

de l’histoire des agences de notation, ce sont les investisseurs qui se payaient les

services de ces dernières. Il est en effet logique que les utilisateurs in fine de la note

soient ceux qui payent pour ce service. Dans ce modèle, le risque qu’il y ait conflit

d’intérêts est minime, car le souci premier de l’investisseur est d’avoir une analyse

détaillée des actifs en circulation sur le marché afin d’effectuer de bons placements.

Mais au fil du temps, ce modèle a changé et cette fois, ce sont les émetteurs qui payent

425 EUROPEAN SECURITIES MARKETS EXPERT GROUP, Role of Credit Rating Agencies, Report to the

European Commission, 2008, p.11. 426Frank PACKER et Nikola TARASHEV, « Rating methodologies for banks », (2011) BIS Quarterly

Review 42. 427 SECURITIES EXCHANGE COMMISSION, Summary Report of Issues Identified in the Commission’s

Staff Examinations of Select Credit Rating Agencies, juillet 2008, p.18. 428 S. ROUSSEAU, préc. note 347, p.631.

Page 163: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

149

pour avoir les services des agences de notation429. En effet, les agences de notation

seront tentées d’attribuer de bonnes notes à ces émetteurs dans le souci de garder de

bons rapports et d’assurer les relations futures; ou encore les banques, afin d’avoir

toujours de bonnes notes, gonfleraient leurs rémunérations. L’on pourrait

éventuellement envisager une responsabilité partagée entre les banques et les agences

de notation; les deux y trouvent largement leur compte dans ce nouveau modèle. Ainsi,

durant la crise hypothécaire de 2007-2008, le fait que les agences de notation soient

rémunérées par les banques a contribué à créer un conflit d’intérêts. Les agences de

notation ont donc tout intérêt à attribuer des notes élevées aux actifs de ces

établissements enfin d’attirer le maximum d’investisseurs possible. Et quand rien ne va

plus, et que les mauvaises nouvelles se répandent, elles suivent la cadence en attribuant

de mauvaises notes; l’idée ici est de faire croire aux régulateurs et aux acteurs financiers

qu’elles font bien leur travail. Bref, « elles chantent avec les sirènes et hurlent avec les

loups. »430 Le modèle « émetteur-payeur » s’est révélé clairement biaisé. La Loi Dodd-

Frank 431 a par conséquent demandé au United States Government Accountability

Office (GAO)432 de rendre un rapport sur les « modèles alternatifs de rémunération des

agences de notation. » Les sept modèles alternatifs retenus sont :

La sélection aléatoire des agences de notation agréées

Dans ce modèle économique, les émetteurs continueraient à payer pour les notations,

mais la sélection des agences serait faite de manière aléatoire par un conseil de notation.

Un tel modèle avait été proposé par amendement, adopté au Sénat, au cours des débats

sur la Loi Dodd-Frank433, sans être finalement retenu.

La création d'une agence de notation possédée par les investisseurs

institutionnels.

429 Guillaume GUICHARD, « Les agences de notation décryptées », LeFigaro, novembre 2013. En ligne :

< http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2013/11/08/20002-20131108ARTFIG00293-les-agences-de-

notation-decryptees.php > (site visité le 14 février 2014). 430 LIBÉRATION, « Les agences de notation, comment ça marche ? Avril 2010. En ligne : < http://resultat-

exploitations.blogs.liberation.fr/finances/2010/04/rating.html > (site visité le 14 février 2014). 431 Voir les articles 931 à 939 de la Loi Dodd–Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act,

Pub.L. 111-20, sec.211. 432 Le GAO est un organisme directement rattaché au Congrès américain. Il a pour mission d’examiner

la manière dont l’argent du contribuable est dépensé et conseille les législateurs et les responsables des

organismes publics sur les façons d’améliorer le fonctionnement des pouvoirs publics. 433 Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection act, Pub. L. N° 111-203, 124 Stat 1376.

Page 164: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

150

Dans ce modèle économique, les investisseurs institutionnels devraient créer une

nouvelle agence de notation. Les émetteurs devraient recourir à deux notations, l'une

réalisée par cette nouvelle agence, l'autre par une agence de notation agréée existante.

Ce modèle est très proche de ce que propose en Europe le cabinet de conseil allemand

Roland Berger : une fondation privée dont le capital de 300 millions d'euros serait

réparti entre trente investisseurs institutionnels.

Un financement des agences de notation par une taxe affectée

Dans ce modèle économique, les agences de notation sont libres de noter les émissions

de titres qu'elles souhaitent. Elles ne sont plus financées par les émetteurs, mais par une

taxe sur l'émission de dette sur le marché primaire et par une taxe sur les transactions

du marché secondaire.

Un modèle de désignation des agences

Dans ce modèle économique, les agences de notation seraient libres de noter les

émissions qu'elles souhaitent et les émetteurs seraient tenus de leur fournir toute

information disponible. Les investisseurs désigneraient à un tiers quelles agences

doivent être rémunérées pour leur notation, sur la base de leur perception de la qualité

des notes. Les frais seraient en revanche toujours payés par les émetteurs, sur la base

d'une grille.

Un modèle d'utilisateur-payeur

Dans ce modèle économique, les émetteurs ne paieraient plus pour la notation. Les

utilisateurs, c'est-à-dire, en pratique, toutes les entités détenant des obligations,

paieraient les agences agréées pour leur notation auxquelles ils seraient liés par contrat.

Des « tiers auditeurs » seraient chargés de recenser les utilisateurs concernés pour

assurer le paiement.

Un modèle d'utilisateur-payeur alternatif

Dans ce modèle économique, une taxe collectée sur les utilisateurs des notations est

centralisée par une agence gouvernementale ou un conseil indépendant. L'agence ou le

conseil indépendants sélectionnerait selon une procédure concurrentielle les agences

de notation autorisées à noter chaque émission.

Un modèle d'émetteur et d'investisseur-payeur

Dans ce modèle économique, les frais de la notation pour une nouvelle émission sont

partagés entre les émetteurs et les investisseurs. Au départ, les agences de notation sont

Page 165: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

151

placées dans une file d'attente qui leur permet de noter des émissions chacune à leur

tour. Puis elles se verraient attribuer les notations en fonction de leurs performances

respectives.

Cependant, ces solutions alternatives présentent à leur tour des lacunes non

négligeables. En effet, un paiement par l'investisseur pourrait aussi créer un biais. En

effet, un investisseur peut tout à fait avoir intérêt à la dégradation ou à l'amélioration

d'une note. Par exemple, un émetteur de bonne qualité cherche à placer des obligations.

Pour l'investisseur, « l'affaire » sera d'autant plus intéressante que la note est basse (car

elle conduit à des taux d'intérêt élevés).

À l'inverse, si un investisseur cherche à revendre une obligation de mauvaise

qualité, il cherchera à ce qu'elle soit notée de la manière la plus élevée possible à l'instar

des émetteurs aujourd'hui.

Malgré sa plus grande pertinence, d'un point de vue théorique, la généralisation

d'un modèle « investisseur-payeur » est difficile pour des raisons pratiques. En

revanche, s'agissant des produits financiers structurés, il est nécessaire d'évoluer vers

un modèle plus vertueux, fondé sur l'idée d'une plateforme intermédiaire entre les

émetteurs, les agences de notation et les investisseurs. En tout état de cause, le modèle

« investisseur-payeur » souffre des inconvénients listés plus haut et, en premier lieu,

celui de la probable diffusion de l'information au-delà du seul investisseur qui aurait

demandé la notation.

Il faudrait peut-être penser à la création nécessaire d'une plateforme pour la

notation des instruments dérivés de la finance. Dans la même logique, Adrian Blundell-

Wignall, directeur adjoint de la direction des affaires financières et des entreprises,

conseiller spécial responsable des marchés financiers au cabinet du secrétaire général

de l'OCDE recommande « la création d'un nouveau modèle économique par la création

d'une plateforme servant d'intermédiaire entre les émetteurs, qui verseraient une

redevance sur la base d'un barème préétabli, et l'ensemble des agences, c'est-à-dire pas

seulement les trois grandes, entre lesquelles le nouvel organisme répartirait les

Page 166: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

152

missions. Ceci devrait casser les liens malsains, générateurs de conflits d'intérêts. [...]

La création d'une plateforme briserait l'oligopole sans perturber la concurrence. »434

Même si certains ont prédit cette crise, les autorités régulatrices quant à elles,

vivent dans une incompréhension totale. Comment la survenance de cette crise a pu

leur échapper?435 Telle est la principale question qu’elles se posent. Comme réponse,

la question de la dérégulation des marchés financiers est une nouvelle fois est évoquée.

Le laisser-aller dans le monde de la finance a donc une fois de plus donné naissance à

une crise financière. Impossible de rendre responsable une branche de la finance et de

déculpabiliser une autre; tout le système est souillé. Des agences de notation censées

évaluer la situation financière des banques aux produits financiers mis en place par

celles-ci en passant par les fonds spéculatifs; bref, rien ne va plus.

De crise financière, nous sommes passés à une crise boursière ; ensuite, elle est

devenue économique. Les prix du pétrole augmentent, les investissements baissent et

la pauvreté s’installe peu à peu. Afin de pallier la situation, chaque gouvernement doit

se sentir interpelé et des plans de relance sont proposés. Après l’intervention de l’État,

les régulateurs mettent en place des dispositions règlementaires afin de diminuer

l’appétit des acteurs financiers et de protéger le consommateur. Aux États-Unis par

exemple, sous le règne de Bush, la Emergency Economic Stabilization Act a vu le jour

et a pour but, comme son nom l’indique, de réinstaurer une certaine stabilité à la

finance. Cette loi a donc mis en place les programmes tels que le Troubled Asset Relief

Program (TARP)436 que nous avons mentionné précédemment. Le TARP a été créé

par l’Emergency Economic Stablilization act (EESA) en octobre 2008. L’EESA a été

adoptée pour répondre à la crise financière actuelle qui avait déjà atteint des proportions

assez grandes en septembre 2008.

434 SÉNAT, « Comptes rendus de la MCI agences de notation », Audition devant la mission commune

d'information du Sénat le 27 mars 2012. En ligne : < http://www.senat.fr/compte-rendu-

commissions/20120326/mci_agences.html >, (consulté le 20 mars 2017). 435 Certains économistes avaient vu venir la crise. Lire par exemple Hyman P. MINSKY qui répondait par

l’affirmative à la question posée dans le titre de son ouvrage, Can "it" Happen Again?: Essays On

Instability and Finance, Neaw-York, Sharpe, 1982; Lire également Robert SHILLER, irrational

exuberance, Princeton university press, 2000. Dans cet ouvrage, l’auteur remet en doute la prospérité

des marchés boursiers et prédit la chute de ces marchés. Il revient également sur les facteurs culturels et

psychologiques à l’origine d’une bulle financière ou immobilière. 436 Lire à ce sujet Eugenio A. BRUNO, Global Financial Crisis, Navigating And Undestanding The Legal

And Regulatory Aspects, Londres, Globe law and business publishing ltd, 2009.

Page 167: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

153

La Dodd-Frank437 a été promulguée par la suite. Ce texte recense plusieurs

dispositions qui viennent en quelque sorte renforcer le système. Les acteurs y trouvent

leur compte, et les consommateurs pareillement. Nous notons également la

Reinvestment Act438, décidée par le gouvernement Obama, qui a pour objectif principal

de financer la relance du secteur financier à travers le renflouement des établissements

financiers en faillite, la création d’emplois, la lutte contre l’inflation, la relance de

l’éducation et du secteur de la santé.

La Financial Fraud Enforcement Task Force (FFETF), structure chargée

d’enquêter sur les fraudes susceptibles d’avoir aggravé la crise financière de 2008, a

pour rôle d’identifier, de sanctionner et d’empêcher la survenue de comportements

frauduleux de nature à déstabiliser les marchés. Née après la dissolution de la Corporate

Fraud Task Force en 2009, la FFETF vient appuyer la Loi Dodd-Frank afin de contenter

les contribuables révoltés contre l’injection massive de liquidité sur les marchés par les

pouvoirs publics.

Par ailleurs, l’une des failles dévoilées au grand jour par la crise est le taux de

capitalisation des établissements bancaires. Bâle II est l’exemple type de dispositif qui

a encouragé les banques à se dessaisir d’une partie de leur risque grâce à la titrisation

et les dérivés de crédits439. Avec Bâle II, les banques avaient l’obligation d’avoir

constamment dans les caisses 8 % des capitaux propres afin de contre un orage futur et

éventuel. Bon nombre de banques ne respectaient pas cette disposition, car ce taux était,

soi-disant assez élevé. C’est d’ailleurs une des raisons pour laquelle la crise n’a pas

tardé à s’étendre parce qu’avant la crise, les banques américaines étaient faiblement

capitalisées. Mais en proposant, cette règle, le régulateur, n’ayant qu’une vue

microprudentielle de la situation, n’avait pas prévu un certain nombre de conséquences.

La titrisation est donc l’outil utilisé pour contourner ces exigences en fonds propres.

Le professeur Jean-Charles Rochet le dit très bien quand il précise dans son article

qu’« en encourageant les banques à se défaire de la totalité des créances qu’elles

437 Loi Dodd–Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act, Pub.L. 111-20, sec.211. 438 The American Recovery and Reinvestment Act, 2009 (ARRA) Pub.L. 111–5. 439 RAPPORT MORAL SUR L’ARGENT DANS LE MONDE, préc. note 401, p.14 ; COMITÉ DE BÂLE SUR LE

CONTRÔLE BANCAIRE, Convergence internationale de la mesure et des normes de fonds propres, juin

2016, p.133. En ligne : < http://www.bis.org/publ/bcbs128fre.pdf > (consulté le 20 mars 2017).

Page 168: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

154

titrisaient (voir Franke et Krahnen 2008), les régulateurs visaient à réduire le risque de

défaut de ces banques. Mais ce faisant, les régulateurs ont réduit les incitations de

celles-ci à contrôler la qualité de ces créances et ont probablement accru de façon

sensible le risque de défaut des titres émis en contrepartie de ces créances. Ils ont ainsi

pénalisé les acheteurs de ces titres.»440

Au regard de tout ce qui précède, le comité de Bâle a mis en place une nouvelle

régulation appelée Bâle III avec des dispositions assez strictes dans le but de

contraindre les banques à gérer sainement leur patrimoine. Nous en analyserons les

spécificités de ces réformes par la suite441.

Nous constatons que les lois et règlements nés après la crise et censés régir les

activités et les institutions financières sont potentiellement des occasions d’arbitrage

règlementaire. Il est presque certain que, dans la foulée de la crise actuelle, le Congrès

américain va adopter de nouvelles lois destinées à encadrer les marchés et à prévenir

une autre crise442; toutefois, ces réformes financières seront les plus susceptibles à

contenir, dans leur sein, des graines de la prochaine crise financière443. Mais il faudrait

savoir que la créativité des financiers est plus pour s’affranchir de certaines contraintes.

Ainsi, lorsque les lois sont archaïques, contradictoires ou rigoureuses, il y a risque

d’innovation financière.

Sous-section IV : La période postcrise

Après la crise l’heure est au bilan. « Le monde des affaires avait pris une telle

ampleur qu’il devait être régulé. » 444 Pour cela, des mesures ont été prises, des

règlementations mises sur pied, mais toujours est-il que ces actions ont été, une fois de

plus, entreprises dans le but de réparer les dégâts. La crise a donc eu le temps de se

répandre sur d’autres aspects de l’économie.

440 J-C. ROCHET, préc., note 40, p. 15 441 Infra, pp.246 et suiv. 442 Supra, note 55. 443 B. ELY, préc. note 398, p. 95 444 Gabrielle DURANA « Peut-on encore encadrer les marchés financiers? Wall Street et la Loi Dodd-

Frank » (2011) 12 Esprit 40.

Page 169: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

155

Si les États-Unis ont pu, malgré tout, retrouver de l’équilibre grâce à l’usage de la

planche à billets et d’une politique fiscale assez austère445 au départ, nous ne pouvons

pas en dire autant des autres pays et particulièrement des pays de la zone euro. Étant

donné que l’Union européenne draine un ensemble de pays aux politiques plus ou

moins différentes, la Banque centrale européenne ne pouvait pas prendre toute seule la

décision de frapper la planche à billets446 comme ce qui se fait aux États-Unis. Il a fallu

donc réfléchir à des solutions « prêt-à-porter », car les pays les plus vulnérables de la

zone commençaient à faillir, les uns après les autres. Il s’agit essentiellement de la

Grèce, de l’Italie, de l’Espagne, du Portugal et de l’Irlande. Aussi la récession continue

de battre son plein en Europe. On parle même aujourd’hui de crise de dette souveraine.

Ainsi, la période postcrise ressemble plus à un groupe de pays surendettés et qui

continuent d’ailleurs à s’endetter, car la croissance économique sur le court terme ne

peut permettre d’assurer une bonne convalescence. Il faudra donc miser tout sur le long

terme. Et pour ce faire, la solution généralement envisagée par les différents pays en

détresse est d’augmenter les impôts et de diminuer les dépenses afin de réduire le déficit

trop énorme. À cela, il faudra également concilier une bonne politique inflationniste et

la stabilisation du taux d’intérêt à un bon niveau. Sur le plan juridique, il faudrait se

pencher sur la question de la fraude financière enfin de prévoir un meilleur

encadrement. Difficile de circonscrire juridiquement les limites de la fraude financière.

Il peut s’agir des : « fraudes en matière de prêts immobiliers, fraudes lors de la

structuration et de la production des produits financiers adossés à des prêts immobiliers,

manipulations comptables, manipulations de cours boursiers, délits d’initiés, schémas

de Ponzi, fraudes fiscales, blanchiment, détournement de fonds publics destinés au

sauvetage de l’économie. »447 Pour la crise financière de 2008, le commissaire Jean-

Françcois Gayraud parle de fraude systémique. En utilisant l’approche par le crime,

445 Afin de pouvoir faire face à des risques d’insolvabilité, les États-Unis, à travers la politique fiscale,

vont augmenter les recettes de l’État et réduire les dépenses. Cela va créer un climat d’austérité. Le

Québec est également reconnu pour le caractère austère de ses politiques budgétaires. 446 Expression qui signifie réguler l’inflation par l’injection des fonds sur le marché. La zone euro ne

s'est jamais lancée dans l'aventure d'un «QE» à l'américaine, car le traité de Maastricht -repris dans le

traité de Lisbonne aujourd'hui en vigueur- interdit expressément le «financement monétaire» des États.

Si elle sert à financer les déficits des États membres, la « planche à billets» est proscrite. 447 RAPPORT MORAL SUR L’ARGENT DANS LE MONDE, La lutte contre la criminalité et les délits financiers.

Grands enjeux de la crise financière, Association d’Économie Financière 2011-2012. P.187.

Page 170: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

156

Gayraud cite « de vraies fraudes en série, qui ne furent pas de simples accidents, mais les

symptômes d’un système devenu anomique. » Il cite notamment : la hausse des inégalités

masquée par le recours à l’endettement; les prêts dits « prédateurs »; la titrisation qui a

entraîné une déresponsabilisation juridique et financière; les agences de notation et les

banques d’affaires dont les manœuvres frauduleuses ont contribué à masquer la qualité

réelle des produits et l’hypocrisie de la formule « too big to fail »448.

Par ailleurs, la crise a mis au grand jour le malaise qui règne sur les marchés : il

s’agit du problème de confiance. En effet, avec l’avènement de la crise, trois formes de

relation de confiance ont été brisées449. La première relation de confiance qui a été mise

à mal est celle de la banque et des emprunteurs précaires tels que les ménages. Les

banques sont de plus en plus méfiantes en ce qui concerne la capacité financière de la

classe moyenne. La deuxième forme de défiance est celle des banques entre elles. En

d’autres termes, il existe un réel manque de confiance sur le marché interbancaire. Cela

s’explique aisément vu la circulation des actifs financiers toxiques et les incertitudes

sur la possibilité d’utiliser certains actifs comme garantie (collatéral) pour se

refinancer. Enfin, la troisième relation de défiance est celle qu’entretiennent les

investisseurs et les institutions financières. En effet, avec le nombre croissant des

banques qui enregistrent des pertes avec des sources de financement risquées, les

investisseurs ont de plus en plus de mal à croire à la solvabilité de certaines institutions

financières.

Au demeurant, nous constatons, non sans une certaine inquiétude, que la crise

draine avec elle plusieurs chantiers de régulation à rebâtir.

L’origine première de la crise est, encore et toujours, à rechercher dans les

failles de la régulation. L’expansion de l’opération de titrisation devrait nous interpeller

à plus de vigilance. Ceci est d’autant plus vrai lorsque l’on se rend compte que le

naufrage des instruments financiers complexes est la cause principale de la crise. Ces

instruments ont en effet contribué au boom spéculatif sur le marché immobilier et

facilité l’accès au crédit. Nous pouvons, par illustration, lister un panorama de lacunes

448 Jean-François GAYRAUD, « Subprimes ou subcrimes ? La dimension criminelle des crises

financières », (2017) 3 Silomag. En ligne : < http://silogora.org/subprimes-ou-subcrimes/> (consulté le

5 juin 2018). 449 Christian NOYER, «Régulation et confiance», (2010) 100 R.E.F. 112.

Page 171: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

157

associées à ses instruments financiers: mauvaise appréciation des risques de crédit par

les banques et les agences de notation, insuffisance de transparence sur la nature et

l’évolution des actifs sous-jacents aux opérations de titrisation; incertitudes sur la

liquidité du marché et la formation des prix et enfin absence d’information sur les

détenteurs finals des titres450. Au demeurant, nous comprenons que le réel problème de

ces crises vient essentiellement d’une régulation inadaptée et hésitante. Les instruments

dérivés de la finance, réinventés chaque fois par la titrisation, profitent donc aisément

des imperfections du marché. Élie Cohen présente la crise de crédit débutée en 2007

comme :

(…) La synthèse de tous les dysfonctionnements constatés lors des crises

précédentes. Crise immobilière, crise bancaire et contagion entre marchés

sur le mode asiatique, crise de la finance fantôme qui rappelle LTCM,

problèmes d’informations, de valorisation d’actifs et des sophistications

des acteurs qui renvoient à la bulle des années 2000, problèmes des

véhicules spéciaux de déconsolidation et des bilans comptables qui

rappellent Enron. 451

Par ailleurs, cette crise a mis sous les projecteurs les maux qui minent le marché.

Nous pensons notamment aux agences de notation qui devraient utiliser une technique

pérenne dans le temps, séparer leurs activités et même trouver un label est souhaitable.

Nous pensons également à combler les trous de la règlementation en ce qui concerne

les fonds d’investissement et les fonds souverains, à élargir le périmètre des entités

soumises à la règlementation bancaire et prudentielle et à s’intéresser aussi à la liquidité

qu’à la solvabilité et à privilégier le mécanisme de réserves obligatoires.

Avec le développement rapide des prêts effectués par l’intermédiaire

d’organismes non bancaires (système bancaire parallèle), la leçon que nous tirons est

la suivante: les conditions de crédit immobilier qui se focalisent sur la capacité de

remboursement de l’emprunteur permettent d’éviter certains écueils. En outre, pour

être efficient, le crédit à la consommation devrait observer deux conditions : le

développement du recours au crédit (ouverture du crédit à toutes les différentes couches

de la société même celles qu’ils sont exclues) et la protection du consommateur, contre

lui-même et contre les dangers du crédit facile. Toutefois, il est important de préciser

450 Rapport moral sur l’argent dans le monde, préc. note 397, p.44. 451 E., COHEN, préc. note 42, p.245.

Page 172: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

158

que le consommateur a également une part de responsabilité. Le manque de culture

financière a été l’un des déterminants lors de la crise de 2008. Cette crise marque donc

un moment propice à la pédagogie. Par conséquent, nous pensons qu’il serait nécessaire

que le consommateur s’intéresse davantage à l’éducation financière; et les autorités de

contrôle et de régulation sont invitées à multiplier les initiatives dans ce sens.

Enfin, pendant la crise, ce sont les activités des banques d’investissement et de

marché qui ont été mises en cause. Afin de protéger les banques contre elles même, il

faudrait surveiller étroitement le respect des ratios prudentiels, car au départ les

banques gagnent en prêtant et en redistribuant ces prêts, mais arrive le moment de la

défaillance de l’emprunteur, qui est un évènement à prendre en compte dans la

distribution des prêts.

Page 173: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

Conclusion de la première partie

« "Those who cannot remember the past are condemned to repeat it. » 452

L’essor du capitalisme est jalonné de crises de toutes sortes et d’origines diverses

(krach boursier, chocs pétroliers, scandale d’Enron, crise de LTCM en 1998, dot.com

en 2000, etc..). Il serait nécessaire dans un premier de tirer les leçons du passé afin

d’éviter l’emballement lorsqu’une innovation financière génère beaucoup de profits.

C’est la raison pour laquelle nous avons trouvé nécessaire de revenir sur les crises

passées. De l’analyse de ces crises, il ressort que tous les nouveaux produits de la

finance, couplés à la désintermédiation des marchés et à la libéralisation de l’économie,

répondent au principe de l’effet de levier, qui s’ensuit très souvent de l’éclatement

d’une bulle spéculative. De plus, la théorie de l’efficience des marchés a été

sérieusement ébranlée par les différentes crises que nous avons connues. Malgré la

forte présence de la philosophie libéraliste sur les marchés, nous assistons aujourd’hui

à l’éveil des théories qui encouragent l’encadrement des marchés. De plus en plus, les

théories de l’encadrement des marchés préconisent l’intervention étatique et la

flexibilité du droit. Le droit devrait désormais prendre en considération les innovations

financières et les différents acteurs du marché. Notre choix du cadre théorique s’est

également porté sur ces théories de l’encadrement des marchés.

La deuxième articulation de cette partie revient sur les principales crises que le

monde de la finance a connues. Il était important d’analyser les causes de ces crises et

les résolutions qui ont été prises par la suite. L’objectif était de faire un parallèle avec

la crise de 2008, ceci afin de mieux comprendre le cycle des crises. De l’analyse de

l’ensemble des crises, celles qui sont passées et la plus récente de 2008, nous arrivons

à la conclusion que le droit doit être souple pour s’adapter rapidement aux divers

changements qui surviennent dans le monde de la finance. La libéralisation de la

finance, qui est en quelque sorte son credo, doit, elle aussi, être encadrée afin d’éviter

toute mauvaise surprise. Plus précisément, le droit devrait être présent dans le processus

de conception des produits financiers; la séparation entre les activités traditionnelles et

les activités d’investissement d’une banque devrait être effective; une supervision

452 Georges SANTAYANA, The Life of Reason; Or, The Phases of Human Progress: Introduction, and

Reason in common sense, New-York, Charles Scribner’s Sons, Université du Michigan, 1936, p.284.

Page 174: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

160

continuelle du respect de la régulation prudentielle afin de s’assurer d’avoir toujours

une bonne capitalisation et un bon niveau de liquidités.

La troisième articulation de cette partie a été consacrée à la plus récente des

crises : la crise des subprimes. Comme précisé au départ, nous avons choisi d’analyser

l’impact de l’opération de titrisation lors de cette crise. Pour cela, il a fallu dans un

premier temps définir la titrisation, la qualifier juridiquement et retracer son évolution

dans le temps. Après cette étape de présentation de l’opération de titrisation, le rôle

qu’elle a joué lors de la crise de 2008 a été analysé dans un deuxième temps.

Pour aller plus loin, à l’heure actuelle, l’imprévu est la seule certitude que nous

avons. Cependant, si nous partons de ce que nous avons comme conviction, c’est-à-

dire le fait que la régulation ait échoué dans l’encadrement individuel des institutions

bancaires et des fonds d’investissement lors de la crise immobilière, nous pourrions

alors amorcer la réflexion sur les moyens de remédier à ce défaut, et partant de prévenir

une éventuelle prochaine crise.

Ainsi, afin de détecter les risques, tant individuels que systémiques, et les

encadrer, il serait intéressant « to look at the health of the ‘’forest’’ as a whole, and not

just at the health oh each individual tree. 453» En d’autres termes, il faudrait aussi bien

s’intéresser à la surveillance macroprudentielle du système (système dans son

ensemble) qu’à la supervision microprudentielle, vu que cette dernière a montré ses

limites. La surveillance macro va limiter l’accumulation de risques excessifs

identifiables dans le système financier dans son ensemble; et la surveillance micro

s’attardera sur les spécificités intrinsèques des différentes opérations bancaires, en

l’occurrence l’opération de titrisation, qui grâce à sa forte expansion en 2007 et la

complexité des rapports juridiques entre ses intervenants, a rendu la crise des

subprimes, une crise aussi bien systémique que structurelle.

453 Rosa M. LASTRA et Geoffroy WOOD, «Responses To The Financial Crisis», dans Nick LEPAN , Look

Before you leap: A Skeptical View of Proposals to Meld Macro and Microprudential Regulation, C.D.

Howe Institute n°296, September 2009, Commentary, p.309.

Page 175: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

161

DEUXIÈME PARTIE : CONTOUR DES RISQUES JURIDIQUES ASSOCIÉS

À L’OPÉRATION DE TITRISATION ET ANALYSE DE LA RÉPONSE

RÈGLEMENTAIRE

Le processus de titrisation se résume en trois phases : La première phase est la

contraction d’un prêt hypothécaire par un emprunteur auprès d’un établissement crédit.

Ce prêt doit remplir les conditions d’octroi comme prévu par la règlementation en

vigueur dans un pays donné. Aux États-Unis, la loi sur les prêts hypothécaires

résidentiels454 a vu le jour en 1975 et est chargée principalement de l’encadrement de

la diffusion de ces prêts. Au Canada, chaque province a sa politique de prêt

hypothécaire455. Au Québec, c’est le livre cinq et six du Code civil456 qui traite des prêts

et des hypothèques. En Europe, le Conseil a adopté en janvier 2014 la directive sur les

contrats de crédit relatifs à la propriété immobilière résidentielle457. Cette directive qui

sera mise en œuvre par les États membres de l’Union européenne a pour but de protéger

les consommateurs en décourageant les prêts et emprunts irresponsables et en créant

un marché unique et concurrentiel du crédit hypothécaire. La deuxième phase est la

cession des créances à une structure adaptée, le véhicule de titrisation. L’établissement

de crédit constitue donc un portefeuille de prêt qu’il transfère ainsi à la structure qui

peut être un trust ou une fiducie. Généralement, en droit civil lorsque nous parlons de

cession, nous évoquons parallèlement le transfert de propriété. Au Québec par

exemple, c’est le Code civil (C.c.Q., articles 1708 et suiv.) qui règlemente la vente et

les obligations qu’elle fait naître. La troisième et dernière phase est l’émission des titres

négociables par le véhicule de titrisation et l’acquisition de ces titres par des

investisseurs. La qualité des titres est évaluée par des agences de notation afin de

permettre aux investisseurs de s’engager en connaissance de cause.

La remarque que nous faisons immédiatement est l’imbrication de plusieurs

notions de droit civil et de common law dans l’opération de titrisation : le prêt

hypothécaire, la cession et les sûretés.

454 Home Mortgage Disclosure Act, Pub.L. 94-200, 89. Stat.1124. 455 À l’Ontario, c’est la Loi sur les hypothèques, L.R.O. 1990, chap. M.40 qui est en vigueur. 456 Code civil du Québec, 1991, c-64, (ci-après C.c.Q.). 457 Directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 sur les contrats de crédit

aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel et modifiant les Directives

2008/48/CE et 2013/36/UE et le Règlement (UE) n° 1093/2010.

Page 176: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

162

Ainsi, afin de mieux saisir les enjeux juridiques de l’opération de titrisation,

nous analyserons, dans le premier chapitre de cette partie, l’ossature de l’opération de

la titrisation et son fonctionnement au travers des instruments dérivés. Le deuxième

chapitre est exclusivement dédié à la présentation de la règlementation nationale et

internationale sur l’opération de titrisation, et des différents enjeux de cette

règlementation.

Page 177: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

163

CHAPITRE I : ARTICULATION DE L’OPÉRATION DE TITRISATION DE CRÉANCES ET

OPÉRATIONS PARALLÈLES

La titrisation est une opération, qui comme la plupart des opérations d’ingénierie

financière, reste inconnue du grand public. Les économistes, les mathématiciens et les

financiers ont une plus grande maîtrise de cette technique. Pour le juriste, l’ambigüité est

d’autant plus grande que l’expression titrisation peut, à la fois, avoir plusieurs significations.

Ainsi, généralement confondue à tort aux effets de commerce (ceux-ci sont des moyens de

paiements qui permettent la circulation des créances alors que la titrisation est une technique

financière qui opère une diffusion des créances par le transfert de risques), la titrisation peut

à la fois être considérée comme « l’écrit qui constate un acte juridique ou matériel, la qualité

d’une personne et enfin, le certificat représentatif d’une valeur de bourse ou d’un instrument

financier. »458 Les avenues à explorer qui découlent de cette définition sont donc : l’acte

juridique, le prêt, qui est le point de départ de l’opération; l’instrument financier usité pour

le déploiement du prêt, le placement, les marchés financiers et la notion d’intermédiation. In

fine, nous constaterons avec la présentation de l’opération de la titrisation effectuée jusqu’ici,

qu’elle est, somme toute, le témoignage vivant de la souplesse du droit des obligations et des

contrats. Pour notre analyse, nous avons choisi de ne pas nous étendre sur les aspects

comptables et financiers.

Après avoir revu la structure juridique de l’opération (section I), nous analyserons les

instruments financiers qui interviennent dans le processus et les différentes entités

intermédiaires qui les initient (section II).

458 T. GRANIER et C. JAFFEUX, préc. note 232, p.5.

Page 178: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

164

Section I : La structure juridique de l’opération

L’ossature de l’opération de titrisation est constituée d’un faisceau de contrats qui

participent tous à la réalisation d’un même but. En d’autres termes, dans une opération

de titrisation, les différents rapports entre les intervenants sont essentiellement

contractuels. Nous pouvons citer le contrat qui lie l’emprunteur à la banque ; le contrat

qui lie la banque au véhicule de titrisation ; les différents contrats qui lient le véhicule

de titrisation aux investisseurs ; les contrats d’assurance de défaut ; les contrats qui lient

les émetteurs de titres et les investisseurs aux agences de notation. Certains contrats

sont négociés de façon bilatérale, d’autres sont négociés de gré à gré. Pour notre

analyse, nous avons délibérément choisi de nous intéresser à l’actif sous-jacent c’est-

à-dire le prêt bancaire qui est le point de départ de l’opération (sous-section I). Nous

analyserons son effectivité, sa maturation, ses effets et ses canaux de transmission dans

une opération de titrisation (sous-section II).

Sous-section I : Le contrat de prêt

A- La formation du contrat

Le prêt a vu le jour afin de permettre aux consommateurs de mieux gérer leurs

finances personnelles459. Plusieurs instruments financiers voient ainsi le jour pour

faciliter et inciter la consommation dans la société. Le facteur parallèle est bien

évidemment le problème lié au surendettement de la population. En 2012 au Québec,

l'endettement des ménages a progressé de 11,4 % en un an, passant de 152 % à

163,4 % 460 . Mais avant d’aborder cette problématique de l’augmentation de

l’endettement, revenons sur ce premier contrat financier qui constitue le point

d’ancrage d’une opération de titrisation : le prêt (autrement appelé crédit). Selon

l’article 2314 du Code civil du Québec, « Le simple prêt est le contrat par lequel le

459 Voir Jérôme LASSERE CAPDEVILLE, Michel STORCK et Régis BLAZY, Le Crédit. Aspects juridiques

et économiques, coll. « Thèmes et commentaires. Actes », Paris, Dalloz, 2012. 460 Pierre COUTURE, « Le taux d’endettement des ménages atteint un record», Le Soleil, 16 octobre 2012.

En ligne :< http://www.lapresse.ca/le-soleil/affaires/consommation/201210/15/01-4583623-le-taux-

dendettement-des-menages-atteint-un-record.php >, (consulté le 30 juin 2014).

Page 179: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

165

prêteur remet une certaine quantité d'argent ou d'autres biens qui se consomment par

l'usage à l'emprunteur, qui s'oblige à lui en rendre autant, de même espèce et qualité,

après un certain temps. » En ce qui concerne le prêt d’argent (crédit), l’emprunteur doit

restituer la même somme qui lui a été prêtée en plus des intérêts produits461.

Il est très important d’insister sur la question, car, dans le domaine bancaire,

« le risque de crédit est le risque bancaire de loin le plus important. »462

Ainsi donc, les banques se protègent dans le contrat de prêt. Elles y négocient

des clauses de protection pour se prémunir contre d’éventuelles défaillances des

emprunteurs. Selon l’article 1378 du Code civil du Québec : « [le] contrat est un accord

de volonté, par lequel une ou plusieurs parties s’obligent envers une ou plusieurs autres

à exécuter une prestation ». Le parallèle en droit français se trouve à l’article 1101 du

Code civil français.

En outre, le prêt est généralement un contrat synallagmatique. Il crée des effets

pour les deux parties. Cependant, dans le cas d’espèces, c’est-à-dire dans le cadre d’une

opération de titrisation, l’on voit très bien que la désintermédiation financière influence

ce rapport juridique entre le débiteur (l’emprunteur) et le créancier (la banque). La

banque va se permettre ainsi de titriser la créance conclue avec l’emprunteur, et très

souvent, sans son consentement. Plus précisément, elle va céder la créance à une entité

ad hoc (véhicule de titrisation). L’emprunteur ignore donc l’itinéraire de son crédit une

fois la transaction passée. Ainsi, en plus du premier lien qui existe entre l’emprunteur

et la banque, un autre lien va naître du fait du nouveau contrat (entre le cédant et le

cessionnaire). Cette opération de cession de créances463 ne crée pas un nouveau lien

entre le cessionnaire et le débiteur. Le débiteur conserve le lien initial avec la banque464.

Toutefois, parce que dans la pratique elle ne nécessite pas forcément le consentement

de l’emprunteur, cette cession de créances rappelle des théories qui existent déjà en

droit civil romain et en droit anglais. En France, nous parlons de cession

conventionnelle du contrat. Cette théorie précise que la cession ne libère pas le cédant

et ne crée pas d’obligations supplémentaires pour l’emprunteur; par conséquent, son

461 Articles 2329 et 2330 C.c.Q. 462 Christian JIMENEZ, « Les dérivés de crédit, outil de pilotage », (1999) 607 Revue Banque 40. 463 Articles 1637 et suiv. C.c.Q. 464 Jean-Louis BAUDOIN, Les obligations, 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1993, p. 509.

Page 180: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

166

consentement n’est pas très utile465. Au Québec, il s’agit de la novation : « Elle s’opère

aussi lorsque, par l’effet d’un nouveau contrat, un nouveau créancier est substitué à

l’ancien envers lequel le débiteur est déchargé. »466 Cependant,

sur le plan juridique, la novation opère la création d'une nouvelle obligation

et l'extinction de l'ancienne. Pour cette raison, la novation n'est pas sans

inconvénient. Elle nécessite la collaboration du créancier ou du débiteur

cédé ; elle entraîne en principe la perte des exceptions et des accessoires

liés à l'obligation d'origine. (…) Ainsi, la créance est transmise non plus

par le moyen détourné d'un nouvel engagement du débiteur envers le

nouveau créancier, mais par un contrat de cession intervenant directement

entre l'ancien et le nouveau créancier et opérant le transfert de l'obligation,

avec ses accessoires et ses exceptions, au nouveau créancier467.

Par conséquent, nous ne pouvons pas l’appliquer à l’opération de titrisation ou

l’emprunteur et la banque maintiennent leurs rapports malgré la cession de créances.

Dans le droit anglo-saxon, cette technique nous rappelle la cession équitable.

En effet,

le système anglais est caractérisé par sa souplesse et les parties sont libres

de choisir entre la « cession légale » (legal assignment) ou la cession

équitable (equitable assignment), cette dernière étant à titre onéreux . Selon

la section 136 (1) de la Law of Property Act de 19257, la cession légale

doit remplir trois conditions : d’abord, elle doit être manuscrite ensuite, elle

doit réaliser un transfert total et non partiel de la créance, et enfin, le

débiteur doit recevoir une notification écrite. Si ces trois conditions ne sont

pas remplies, le législateur anglais ne considère pas le contrat nul, mais la

cession sera qualifiée d’« équitable ». La doctrine distingue deux types de

cessions équitables : l’une est considérée discrète, car la notification au

débiteur n’a pas été faite malgré l’accomplissement des deux autres

conditions et l’autre, par contre, a été notifiée au débiteur, mais l’une ou les

deux autres conditions de la cession légale font défaut468.

465 La jurisprudence s’est inscrite en faux par rapport à cette théorie ; elle met de l’avant la nécessaire

intervention du débiteur cédé. Voir Marc BILLIAU et Christophe JAMIN, « La cession conventionnelle de

contrat exige le consentement du cédé », (1997) 5 Recueil Dalloz 588; Laurent AYNES, « Cession de

contrat : nouvelles précisions sur le rôle du cédé », (1998) Chr.25 Recueil Dalloz. 466 Article 1660 C.c.Q, alinéa 2. 467 Michelle CUMYN, « La délégation du Code civil du Québec : une cession de dette ?», (2002) 43/4 Les

Cahiers de droit 604. 468 Chakroun MAJDI, « La cession de créances en droit international privé québécois », (2008) 60/3

Revue internationale de droit Comparé 665. Lire également Samuel WILLISTON, « Is the Right of an

Assignee of a Chose in Action Legal or Equitable? », (1916) 30/2 Harvard Law Review 97.

Page 181: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

167

Par ailleurs, il n’est spécifié nulle part, que ce soit aux États-Unis, au Canada

ou en France, qu’en plus d’accorder un prêt, les banques pussent en disposer à leur

guise469. En outre, rappelons ici l’exigence des fonds propres minimums mis en place

par le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire470 qui incitent les banques à conserver

de la liquidité dans leurs caisses pour pallier les éventuelles défaillances de

l’emprunteur. Nous notons déjà d’entrée de jeu une négligence juridique qui a participé

à la vulgarisation de la titrisation.

Afin de respecter les exigences en fonds propres, la banque va utiliser

l’opération de titrisation. Ainsi, la titrisation va venir amplifier l’offre de crédit et dans

le même temps, diminuer la qualité. En effet, dans cet engouement nous observons que

lors de la crise des subprimes, les banques ont embrayé dans la distribution des crédits,

sans toutefois évaluer la capacité de financement des différents emprunteurs471. Or,

c’est une disposition qui est expressément consignée dans le Code civil, dans la partie

dédiée au prêt : « [l]e simple prêt est le contrat par lequel le prêteur remet une certaine

quantité d'argent ou d'autres biens qui se consomment par l'usage à l'emprunteur, qui

s'oblige à lui en rendre autant, de même espèce et qualité, après un certain temps. »472

L’emprunteur devrait donc être à mesure de venir à bout de son engagement initial.

Ainsi, c’est une mauvaise distribution qui constitue les premiers fondements de la bulle

financière.

Nous avons mentionné plus haut que le contrat de prêt, qui est une créance, nait

de la rencontre des volontés des deux parties au contrat; donc, même s’il est à la base

un contrat d’adhésion préparé en amont par les banques, le prêt est un contrat

consensuel 473 . En effet, d’après la jurisprudence, pour le prêt accordé par un

469 Voir les articles 66 et suivants de la Loi sur la protection du consommateur au Québec, RLRQ c. P-

40.1 et les articles L311- 1 et suivant du Code de consommation français. 470 Infra, pp.246 et suiv. 471 Néanmoins, nous notons une autre méthode de syndication des prêts qui est plus ou moins mieux

encadrée que la titrisation bancaire. Il s’agit des pools bancaires. Lorsqu’il s’agit des pools révélés,

l’opération se déroule normalement puisque l’emprunteur est au courant de l’opération. La situation se

complique lorsque le pool est occulte et cela fait penser à une opération de titrisation. 472 Article 2314 C.c.Q. 473 Toutefois, nous notons que la formation du contrat de prêt ne résulte pas tant de l’accord des parties

que du versement par le prêteur de la somme empruntée. Par conséquent, il pourrait également être

qualifié de contrat réel, c’est-à-dire formé par la seule remise des fonds à l’emprunteur. Voir, Alain

GAUVIN, Droit des dérivés de crédit, Paris, Revue Banque, 2003, p.129.

Page 182: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

168

professionnel de crédit, seul le consentement des deux parties a de la valeur474. Mais

pour se prévaloir de ce contrat afin de réclamer la restitution des fonds à l’emprunteur,

le professionnel de crédit doit faire la preuve de l’exécution préalable de son obligation

de remise de fonds. La jurisprudence admet donc que c’est l’exécution du contrat par

le créancier (c’est-à-dire la remise de la chose) qui lui concède un droit de créance, et

par conséquent le droit d’en faire des réclamations :

On considère que le prêteur s'engage valablement à faire un prêt. Il y a là

un contrat consensuel unilatéral, c'est-à-dire ne créant d'obligations qu'à la

charge de l'une des parties : le prêteur est seul débiteur (il est tenu de

remettre la chose). Ce premier contrat crée par son exécution un contrat de

prêt, lorsque la chose prêtée est remise à l'emprunteur, contrat réel

unilatéral : l'emprunteur est seul débiteur (il est tenu de restituer la chose).

Il y a donc existence successive de deux contrats distincts475.

Le prêt est également un contrat intuitu personae, car prend en compte la

personnalité du cocontractant. À ce propos, « [le] Code civil définit le contrat comme

un mécanisme créateur d’obligations; il s’ensuit que les créances ne peuvent naître

qu’au moment de la formation du contrat, c’est-à-dire, en ce qui concerne l’hypothèse

du contrat consensuel, au moment de la rencontre des volontés. »476

Dans une opération de titrisation, les banques et les emprunteurs vont s’engager

de manière consensuelle. Par conséquent, c’est un contrat conclut intuitu personae. Les

banques vont elles-mêmes exécuter le contrat. Mais cet engagement consensuel et le

critère intuitu personae de la convention vont se désintégrer puisque les banques vont

faire intervenir plusieurs autres acteurs dans le processus. Il ne s’agira plus uniquement

de la volonté de deux parties. En effet, puisqu’à un moment la banque transfère les

actifs par cession à une autre entité, il faudra alors encadrer la relation que le

cessionnaire pourrait avoir avec le débiteur. Ainsi, tout bien pesé, l’opération de

titrisation est légale dans son fondement, mais ésotérique dans sa mise en œuvre du fait

de l’imbrication des liens juridiques.

Par ailleurs et pour aller plus loin dans l’analyse, avec l’expansion et l’évolution

illimitées de la titrisation nous en venons à nous demander ce qu’il advient des créances

474 Civ. 1re, 7 avr. 2009, D. 2009. AJ. 1203. 475 Centre d'aide aux entreprises Champlain inc. c. Banque royale du Canada, 1996 CanLII 5809 (QC

CA). En ligne : < http://canlii.ca/t/1nggv >, (site consulté le 18 novembre 2014). 476 Gilles ENDREO, « Fait générateur des créances et échanges économiques», (1984) RTd Com. 223.

Page 183: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

169

futures. Le prêt est une créance effective et certaine. Mais il existe un autre groupe de

créances appelé créances futures. Nous entendons par créance future une créance que

les parties au contrat « ont considérée comme susceptible d’entrer un jour dans le

patrimoine du cédant, mais qui ne se trouve pas au moment de la cession, soit parce

que la créance n’a pas encore d’existence juridique, soit parce qu’un tiers en est

titulaire. »477Comment pourrait-on procéder à la titrisation de telles créances? Il est

certain que « [la] cession de créances futures présente d’autant plus d’intérêt, que le

dérivé de crédit permet à un opérateur de céder un risque sur lequel il n’est pas encore

ou ne sera plus exposé. »478Alors l’opération se déroulera comme suit479 : soit un

emprunteur qui veut se financer sur le marché et qui d’un autre côté, a des débiteurs de

qui viendront les créances futures. L’emprunteur (qui est le cédant des créances) va

céder ses créances futures à un véhicule de titrisation créé à cet effet. Ce véhicule va

émettre des titres de créances qui seront souscrits par les investisseurs. Le produit de la

titrisation va servir à payer le cédant. En fin de compte, les investisseurs agissent

comme prêteurs. Les débiteurs désignés vont recevoir l’ordre de payer les créances au

véhicule de titrisation. Une fois en possession des créances, le véhicule pourra

contenter les investisseurs. Cette description du processus fait ressortir la double

fonction de la titrisation des créances futures : en plus d’être un moyen d’obtenir un

prêt, elle peut également servir de technique de financement.

Les différentes transactions adossées à des créances futures sont les suivantes :

les créances sur les exportations de pétrole brut; les créances sur les billets d’avion,

notes de téléphone, cartes de crédit, transferts de fonds (électroniques); les créances sur

les contrats de crédit-bail; les créances sur les redevances et exportations de gaz et de

pétrole; les transferts de fonds (support papier) et les créances sur les recettes

fiscales480.

477 Pierre VAN OMMESLAGHE, Droit des obligations, Tome 3, Bruxelles, Bruylant, 2010, p.1817 478A. GAUVIN, préc. note 473, p.167. 479 Suhas KETKAR et Dilip RATHA, « Titrisation de créances futures. Un bon outil pour les pays en

développement », (2001) Finance et Développement 46. En ligne : < https://www.imf.org/external/pub

s/ft/fandd/fre/2001/03/pdf/ketkar.pdf > (consulté le 02 septembre 2016). Lire également, Cristina

CORGAS, « La cession de créances futures à titre de garantie », (2002) 4 Revue juridique de l'Ouest 467-

478. Pour la common law, lire Vinod KOTHARI, Securitization: The Financial Instrument of the Future,

New-Jersey, John Wiley & Sons, 2006, pp. 475 et suiv. 480 S.KETKAR et D. RATHA, préc. note 479, p.47.

Page 184: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

170

Étant donné que la titrisation des créances futures n’a pas encore fait l’objet d’une

règlementation stricto sensu, nous allons nous intéresser, par analogie, à ce qui se passe

lors d’une cession de ce type de créances pour élaborer un encadrement.

L’article 9.1.5 des principes UNIDROIT dispose qu’« [u]ne créance future est

réputée cédée au moment de la convention, à condition que la créance, lorsqu’elle naît,

puisse être identifiée comme la créance cédée.»481 Selon cet article, une créance future

peut être cédée à la condition qu’elle puisse être identifiée comme la créance à laquelle

la cession se rapporte lorsqu’elle naît. Le présent article prévoit aussi qu’entre le

cessionnaire et le cédant, la cession de créances futures est opposable rétroactivement.

Lorsque la créance vient à naître, le transfert est considéré comme ayant eu lieu au

moment de la conclusion de la convention de cession. Par exemple, une société A cède

à une institution B les redevances qui proviendront des revenus d’un fonds de

commerce. Par la suite, A transfère le fonds de commerce à la société C. Les redevances

dues sont considérées avoir été cédées à B à compter de la date de la convention de

cession, pourvu que de telles redevances puissent se rapporter à cette convention. Il

serait possible d’adapter cette approche lorsqu’il s’agira d’une opération de titrisation.

Les développements règlementaires, jurisprudentiels et doctrinaux sur la question de la

cession des créances futures pourraient donc constituer le point d’ancrage pour le début

de la réflexion sur la faisabilité d’une opération de titrisation sur de telles créances.

Par ailleurs, le crédit implique la remise des fonds, le paiement des intérêts et la

restitution du capital. Plus encore, le crédit implique un engagement par signature tel

qu’un aval, un cautionnement ou une garantie482.

En outre, deux notions constituent l’essence même d’une opération de crédit :

la confiance et le risque. La confiance doit être de mise dans les deux sens. En effet,

l’emprunteur se doit de restituer les fonds au terme prévu par le contrat; la banque,

481 Principes d’UNIDROIT relatifs aux contrats du commerce international, 2004, art.9.15. 482 À cet effet, l’article L313-1 du Code monétaire et financier de la France dispose que : « Constitue

une opération de crédit tout acte pare lequel une personne agissant à titre onéreux met ou promet de

mettre des fonds à la disposition d’une autre personne ou prend, dans l’intérêt de celle-ci, un engagement

par signature tel qu’un aval, un cautionnement, ou une garantie.» Au Québec, nous trouvons des

éléments similaires dans la Loi sur la protection du consommateur,2012, c. P-40.1, r.3 et dans le Code

civil du Québec. Aux États-Unis, le Nouveau Bureau de la protection du consommateur institué par la

Loi Dodd-Frank (Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection act: Pub. L. N° 111-203,

124 Stat 1376, sec.211) organise les questions relatives au crédit et aux sûretés.

Page 185: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

171

quant à elle, a un devoir d’information à remplir. Ainsi, si elle est amenée à céder le

prêt de son client par quelques manières que ce soit, ce dernier doit en être informé en

temps et en heure.

La seconde notion est le risque. La banque prend un gros risque en prêtant des

fonds à ses clients : le risque d’insolvabilité de ces derniers à l’échéance. Pour pallier

la situation, le droit a mis en place des sûretés et des garanties. En plus de ces garde-

fous institués en grande partie par les règlementations, la banque doit également être

vigilante et penser à toujours identifier les clients et analyser leur historique de crédit.

Ce devoir, habituellement utilisé dans le cadre de la lutte antiblanchiment des capitaux,

devrait pendre sur la tête des banques de façon permanente, telle une épée de Damoclès.

Au demeurant, la titrisation, qui est essentiellement une opération de trésorerie, va

donc permettre de mobiliser le crédit pour obtenir des disponibilités sur le long terme.

Mais que serait un crédit sans garanties? Certes, il faut un minimum de confiance entre

les parties pour la mise en œuvre du contrat; mais ce lien de confiance gagnerait à être

renforcé par la mise en place des garanties et sûretés. L’objectif demeure toujours la

bonne exécution des différentes transactions. En gros, « faire crédit c'est faire

confiance, c'est donner librement la disposition d'un bien réel ou d'un pouvoir d'achat,

contre la promesse que le même bien ou un bien équivalent vous sera restitué dans un

certain délai. Le plus souvent avec rémunération du service rendu et du danger couru;

danger de perte partielle ou totale que comporte la nature même de ce service. »483 Le

crédit est donc essentiellement un concours de confiance entre le prêteur et son

débiteur. Cependant, cette confiance ne peut pas constituer une garantie suffisante, car

elle peut être ébranlée par la situation du débiteur.

Figure 2 : Cession du prêt au véhicule de titrisation

483 Georges PETIT-DUTAILLIS, Le crédit et les banques, Paris, L’Économique n°16, Édition Sirey, 1964,

p.42

Page 186: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

172

Contraction du prêt subprime

Cession du prêt subprime

B. Les sûretés du prêt et les sûretés liées aux créances cédées

« Comme la nature a horreur du vide, le monde des affaires a horreur du

doute. »484Voilà pourquoi les acteurs financiers ont toujours à cœur de garantir leurs

relations d’affaires. Ainsi, une fois le prêt accordé, il faudrait s’assurer de la solvabilité

de l’emprunteur485. En effet, aux yeux du créancier, une créance aura d’autant plus de

valeur si elle est garantie par une sûreté; ce critère n’a véritablement pas été respecté

pendant la période qui a précédé la crise, car les prêts étaient essentiellement accordés

aux emprunteurs à risque.

484 Marie-Jeanne CAMPANA, « Le doute et la confiance en droit des affaires », dans François TERRE Le

doute et le droit, Paris, Dalloz, 1994, p.79 485 Pendant la manifestation de la crise, ce critère n’a pas véritablement été respecté.

Contrat du prêt subprime

Emprunteur

(Ex : ménages américains)

Institution financière

(Prêt subprime)

Véhicule de titrisation

Page 187: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

173

De plus, les autorités de règlementation exigent des banques davantage de fonds

propres, la source de capital la plus onéreuse. Pour réduire leurs besoins en capital, les

banques vont donc diminuer leur risque de crédit et de contrepartie en faisant appel à

plusieurs garanties. En général, une sûreté est un accessoire à l’obligation principale.

Ainsi, elle est attachée à une créance déterminée et en dépend pour ce qui touche son

étendue et son existence. Le caractère accessoire de la sûreté est donc une de ses

caractéristiques essentielles. Les types de protection de droit commun que l’on peut

appliquer à l’opération de titrisation sont les suivantes:

1. L’hypothèque

Lors de la crise, la sûreté la plus utilisée a été l’hypothèque immobilière. Les

emprunteurs ont accordé des hypothèques sur leurs propriétés en contractant des prêts

hypothécaires. Cependant, lors de la crise, il aurait également été préférable de prévoir

une sûreté pour les créances titrisées (les titres adossés aux prêts hypothécaires) afin de

protéger l’investissement des investisseurs. Afin d’assurer cette protection,

l’hypothèque mobilière pourrait être une avenue à explorer.

On distingue l’hypothèque sans dépossession et l’hypothèque avec

dépossession encore appelée « gage »486. Dans notre cas, il s’agit du gage parce que les

titres adossés aux prêts hypothécaires ne font plus partie du patrimoine de la banque ou

encore du véhicule de titrisation, mais ils sont destinés aux investisseurs qui les auront

souscrits. Aussi, toujours pour mieux comprendre notre contexte, il faudrait apporter

une autre précision. Au Canada par exemple, dans le droit des valeurs mobilières, nous

distinguons la détention directe ou indirecte des créances par l’investisseur. II y a

détention directe lorsque l’investisseur dispose d’un recours lui permettant d'exercer

lui-même les droits afférents aux titres qu’il a acquis. Il existe donc une relation

juridique directe entre l’investisseur et le constituant. La détention indirecte quant à

elle ne comporte pas de relation apparente entre l'investisseur et le constituant.

« L'investisseur exerce son droit par l'entremise d'un ou plusieurs intermédiaires. »487

Dans une opération de titrisation, nous faisons face à une détention indirecte parce que

486 Aricle 2665 C.c.Q. 487 Michel DESCHAMPS, « Les sûretés sur des titres détenus auprès d'un intermédiaire en droit canadien»,

(2005) 10 Unif. L. Rev.190.

Page 188: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

174

l’investisseur final n’a pas directement un lien avec l’institution financière qui initie

l’opération; c’est le véhicule de titrisation qui assure l’intermédiation. Comme réponse

à cette désintermédiation, l’évolution du droit au Québec a permis de mettre en en place

un régime spécial pour la constitution de l’hypothèque sans dépossession sur les titres

de créances intermédiés. C’est la loi sur le transfert des valeurs mobilières et

l’obtention de titres intermédiés488 qui régit cette constitution. Selon la loi, un titre

intermédié s’obtient lorsqu’une personne, acquéreur de droits sur un actif financier,

obtient ce titre via un intermédiaire en valeurs mobilières489. Plus loin, la loi rajoute

que « [d]es valeurs mobilières ou autres actifs financiers font l’objet d’un titre dit

intermédié lorsqu’ils sont portés dans un compte de titres tenu par un intermédiaire en

valeurs mobilières ou doivent être portés dans un tel compte de titres. »490 Lorsque nous

analysons cet article, nous remarquons qu’un titre intermédié répond à la définition

d’un titre adossé à des prêts hypothécaires ; l’actif sous-jacent est un actif financier.

Alors, puisqu’avec la titrisation nous sommes en présence d’actifs financiers

indirectement détenues, le mode de constitution d’une forme de gage sans dépossession

est l’accord de maîtrise491. Cet accord est un contrat entre le débiteur, l’émetteur et le

créancier hypothécaire. Autrement dit, c’est un accord entre la banque, le véhicule de

titrisation et l’investisseur. Aux termes de ce contrat, le véhicule de titrisation convient

de se conformer aux instructions de l’investisseur sans le consentement additionnel de

488 Loi sur le transfert des valeurs mobilières et l’obtention des titres intermédiés, L.Q. 2008, c. 20,

remplacée par la Loi sur le transfert des valeurs mobilières et l’obtention des titres intermédiés, L.R.Q.,

c. T-11.002. 489 Id., article 6. 490 Id., article 13. 491 Il existe un régime similaire en France. Il s’agit d’un nantissement de compte-titres : «Le

nantissement d'un compte-titres est réalisé, tant entre les parties qu'à l'égard de la personne morale

émettrice et des tiers, par une déclaration signée par le titulaire du compte. Cette déclaration comporte

les énonciations fixées par décret. Les titres financiers figurant initialement dans le compte nanti, ceux

qui leur sont substitués ou les complètent en garantie de la créance initiale du créancier nanti, de quelque

manière que ce soit, ainsi que leurs fruits et produits en toute monnaie, sont compris dans l'assiette du

nantissement. Les titres financiers et les sommes en toute monnaie postérieurement inscrite au crédit du

compte nanti, en garantie de la créance initiale du créancier nanti, sont soumis aux mêmes conditions

que ceux y figurant initialement et sont considérés comme ayant été remis à la date de déclaration de

nantissement initiale. Le créancier nanti peut obtenir, sur simple demande au teneur de compte, une

attestation de nantissement de compte-titres, comportant inventaire des titres financiers et sommes en

toute monnaie inscrits en compte nanti à la date de délivrance de cette attestation. », Code monétaire et

financier, art. L. 211-20, alinéa 1. Voir également la CONVENTION D’UNIDROIT SUR LES RÈGLES

MATÉRIELLES RELATIVES AUX TITRES INTERMÉDIÉS, article 9 et Antoine MAFFEI, « De la nature juridique

des titres dématérialisés intermédiés en droit français», (2005) Rev. D.U. 237.

Page 189: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

175

la banque. L’accord de maîtrise, qui est par ailleurs calqué sur le control agreement de

l’Uniform Commercial Code américain492, permet d’acquérir un droit opposable aux

tiers sur une valeur mobilière ou un titre intermédié.

2. La garantie bancaire

Cette garantie consiste à obtenir, de la part d'une banque, l'engagement de payer

la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci. Cet engagement peut prendre la

forme d'une garantie à première demande, d'un cautionnement ou d'une lettre de

crédit493. La garantie à première demande consiste dans l'engagement pris par une

banque de payer le solde restant de la dette du débiteur, en cas de défaillance de celui-

ci et à la première demande du créancier. Le cautionnement bancaire est une convention

par laquelle une banque appelée caution s'engage envers le créancier à satisfaire à

l'obligation du débiteur si ce dernier n'y satisfait pas lui-même. La lettre de crédit est la

lettre par laquelle une banque, appelée banque émettrice, prend l'engagement au nom

du débiteur, appelé donneur d'ordre, de payer le créancier appelé bénéficiaire sur

présentation, dans un délai déterminé, d'un certain nombre de documents spécifiés dans

ladite lettre. Dans une opération de titrisation, les établissements cédants sont les seuls

qui peuvent vraiment apprécier les risques de défaillance attachés au portefeuille de

créances et proposer un juste prix de garantie. Il serait donc bien qu'ils puissent être les

garants de telles créances494.

En plus des sûretés traditionnelles, il existe également le renantissement.

Puisque le marché se contracte, certaines banques ont dû mettre leurs actifs en gage

afin de pouvoir se refinancer sur les marchés. Le renantissement permet donc à une

banque « de remettre en gage, de réaffecter ou d’investir les sûretés qu’il a reçues pour

492 Voir Uniform Commercial Code, § 9, secured transactions. Lire également Aurore BENADIBA, «La

loi sur le transfert des valeurs mobilières et l’obtention des titres intermédiés ou les excès d’un régime

d’exception en matière de sûretés mobilières», (2012) 53 Les Cahiers de Droit 312. 493 Charles MOUMOUNI, « Le régime juridique et les clauses essentielles du contrat de garantie bancaire

« à première demande » », (1997) 31 R.J.T.785. 494 « (…) le cédant garantit l’existence des droits cédés au moment de la cession : cela signifie qu’il ne

doit y avoir aucun obstacle à la transmission des créances au profit du cessionnaire. Le cédant devra

éventuellement répondre des vices sur les créances, s’il y en a. Néanmoins, cette obligation de garantie

est encadrée : le cédant n’est pas responsable de l’insolvabilité du débiteur ni de l’efficacité des sûretés

sauf s’il s’y est engagé. », Justin HUBERT, Les nouveaux défis juridiques de la titrisation aux États-Unis

et en Europe, Mémoire de Master 2 recherche de droit européen, Paris, Université Paris 2 Panthéon-

Assas, 2013, p.70.

Page 190: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

176

assurer la couverture d’une transaction financière. »495 Cette technique vient résoudre

le problème du besoin supplémentaire de sûretés et aide les banques par la même

occasion à venir à bout des exigences de liquidités. Il faudrait néanmoins poser des

balises à l’utilisation de cette technique afin d’éviter les effets de levier ; en d’autres

termes, l’utilisation de cette technique pourrait aussi bien engendrer des profits, mais

aussi bien des pertes.

3. Le surdimensionnement

C’est la technique par laquelle l'établissement de crédit cède au véhicule de

titrisation, en guise de garantie, un montant de créances qui excède le montant des parts

qui seront émises. Cet excédent va servir à couvrir les éventuels risques de liquidité

dus au retard de paiement ou à la défaillance du débiteur. La détermination de cet

excédent tient compte du risque lié à l’ensemble du portefeuille de créance. Si jamais

il n’y a pas défaillance, l’excédent sera partagé entre les gérants du véhicule de

titrisation au moment de sa dissolution.

4. La subordination des tranches émises par le véhicule de titrisation

Nous l’avons analysé ci-dessus496. Elle accorde à certains créanciers un rang

privilégié. La clause de subordination est donc une convention « en vertu de laquelle

un créancier accepte de n’être remboursé qu’une fois que plusieurs ou tous les autres

créanciers de son débiteur auront été remboursés. »497 Ainsi, comme nous l’avons vu,

dans la titrisation, le véhicule de titrisation émet des tranches et les investisseurs de la

tranche senior seront payés avant ceux de la tranche junior; et par ricochet, les

investisseurs de la tranche junior seront payés avant les investisseurs de la tranche

equity.

5. Les contrats d’assurance

Dans l’opération de titrisation, ces contrats représentent le mécanisme par

495 Voir Jorge CRUZ LOPEZ, Royce MENDES et Harri VIKSTEDT, « Incidence potentielle de la

règlementation financière sur le marché des sûretés », Banque du Canada, (2013) 29 Revue du système

financier 51. 496 Supra, pp.108 et suiv. 497 Alain COURET et André PRÜM, La titrisation, Bruxelles, Anthemis, 2008 p.72.

Page 191: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

177

lequel une société d'assurance s'engage à rembourser une créance lorsque survient un

évènement déterminé (défaut d’une contrepartie par exemple) moyennant le paiement

d'une prime. Cette garantie est, notamment, relative à la couverture du portefeuille de

créances contre les risques de défaillance des débiteurs. L'assurance n'intervient que

dans les limites du niveau de couverture déterminé par l'agence de notation 498 .

Cependant, il peut étendre sa couverture à la totalité des créances acquises par

l'émetteur afin de faciliter le placement de l'émission. L'intervention de l'assurance

permettra ainsi de régler les problèmes de liquidité occasionnés par les impayés.

L'assurance participe donc à la couverture des risques de la titrisation.

En résumé, l’ensemble des sûretés que nous venons de citer ont pour objectif

de garantir les prêts octroyés par la banque. Cependant, il existe également un

mécanisme de garantie pour les dépôts. Ce mécanisme est une réponse aux faillites, car

il dissuade les déposants de se ruer aux guichets pour faire des retraits. Aux États-Unis,

la Loi Glass-Steagall499 a institué un système d’assurance des dépôts bancaires qui a

pour objectif de protéger les fonds des clients. En effet, après la crise, la ruée des

déposants était telle qu’elle causa plusieurs faillites bancaires. Afin de pallier la

situation, la législation américaine a mis en place ce mécanisme de garantie pour

restaurer la confiance sur les marchés. En Europe, c’est la directive relative aux

systèmes de garantie des dépôts 500qui instaure un système pour l’assurance-dépôts.

Cette directive a été refondue en 2014. Depuis l'adoption de la directive 2014/49/UE

en avril 2014501, le système européen d'assurance des dépôts constitue ainsi le troisième

pilier de l'Union Bancaire européenne502. Au Canada, les institutions financières à

498 COMMITTE ON THE GLOBAL FINANCIAL SYSTEM, The role of ratings in structured finance: issues and

implications, janvier 2005, pp.28-29. En ligne : < https://www.bis.org/publ/cgfs23.pdf > (consulté le 5

juin 2018). 499 La Loi Glass-Steagall, (The Banking Act de 1933, Pub.L. 73–66, 48 Stat. 162) a mis en place la

Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) en 1933, à la suite des faillites observées après la crise

boursière de 1929. 500 Directive 94/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 1994, relative aux systèmes de

garantie des dépôts, Journal officiel n° L 135. 501 Directive 2014/49/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative aux systèmes

de garantie des dépôts, Journal officiel n° L 173/149. 502 Le premier pilier est le Mécanisme de Surveillance Unique (MSU). Le second pilier a établi un cadre

pour la résolution des banques défaillantes sous l'égide du Mécanisme de Résolution Unique (MRU).

Pour plus de détails, lire Michel DÉVOLUY, « L’Union Bancaire européenne », (2014) 31/1 Bulletin de

l'Observatoire des politiques économiques en Europe 13-16.

Page 192: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

178

charte fédérale sont membres de la Société d’assurance-dépôts 503 . Au Québec,

l’Autorité des marchés financiers administre le fonds d’assurance-dépôts 504 . La

première limite que l’on pourrait apporter à ce système est les aléas dont il peut faire

l’objet, c’est d’ailleurs le propre de tout produit d’assurance. Avec la garantie des

dépôts, les clients ne s’inquiètent plus de l’avenir des fonds confiés par eux à la banque;

ils ont pleinement confiance au système bancaire, car ils savent que quoiqu’il arrive,

ils rentreront en possession de leurs fonds grâce au mécanisme de garantie. Les banques

à leur tour, profitent de cette garantie pour prendre plus de risques les menant parfois

jusqu’aux faillites. C’est ce qui s’est passé en 2007. Il a donc fallu que l’État

intervienne en dernier ressort pour soutenir les banques en faillite. La deuxième limite

est l’implication de ce mécanisme de garantie lors des crises systémiques. S’il est facile

d’assurer le dépôt d’un client pris individuellement, il est plus laborieux d’assurer

plusieurs dépôts lors d’une crise systémique et la principale raison est le budget limité

des entités qui s’occupe de la gestion de ces fonds de garantie. Pour pallier ces limites,

les régulateurs ont opté pour un mécanisme de recapitalisation interne505.

Par ailleurs, en finance de manière plus spécifique, il existe une garantie appelée

le collatéral506 devenu un produit vedette dans le processus de titrisation. Cette garantie

s’est répandue avec l’introduction d’une distinction entre prêts garantis et prêts en

blanc507. Elle a été encouragée par les recommandations de Bâle dans la mesure où

elles autorisent la réduction des exigences de capital pour les opérations couvertes par

503 Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada, L.R.C. (1985), ch. C-3. 504 Loi sur l’assurance-dépôts (LAD), RLRQ chapitre A-26. Le pouvoir relatif à la recapitalisation

interne applicable aux institutions de dépôt faisant partie du Groupe coopératif Desjardins est prévu par

l’article 40.50 de la LAD. 505 Au Canada par exemple, le BSIF et l’AMF ont mis en place des lignes directrices sur la capacité

totale d’absorption des pertes. À cela s’ajoutent le Règlement sur la recapitalisation interne des banques

(émission) (DORS/2018-58) (2018) au niveau du Canada; et au Québec, le Règlement sur les catégories

de créances non garanties négociables et transférables et sur l'émission de ces créances et de parts

(Québec), le Règlement sur le régime d'indemnisation applicable en raison de certaines opérations de

résolution (Québec) et le Règlement précisant l'application des articles 40.15 à 40.17 de la Loi sur les

institutions de dépôts et la protection des dépôts aux contrats financiers protégés et leur transfert

(Québec), mars 2019. 506 Le collatéral est un terme anglais utilisé en finance qui signifie garantie. 507 Un prêt en blanc est octroyé par la banque sans qu’il ne soit nécessaire pour l’emprunteur de

constituer des garanties. Ce type de prêt se base sur la solvabilité de l’emprunteur. La sélection de ce

dernier est alors rigoureuse et stricte afin de minimiser le profil de risque. Sur le marché interbancaire,

les banques ont l’habitude d’utiliser ce type de prêt lorsqu’elles font des emprunts de courte durée.

Page 193: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

179

un collatéral508. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, le véhicule de titrisation qui ne

remplit pas nécessairement les exigences de fonds propres minimums va se prémunir

de ce type de garantie au moment de la tranchéisation de titres. La tendance se poursuit

avec Bâle III qui vient d’introduire des coussins de liquidité : il s’agit alors pour une

banque de conserver dans son bilan un surplus de collatéraux de bonne qualité.

Nous pouvons définir le collatéral comme une forme de garantie apportée par le

débiteur en contrepartie du prêt qu’il a obtenu auprès d’un créancier (la banque) afin

de prévenir une éventuelle situation d’insolvabilité. Il peut s’agir d’actifs transférables,

d’argent, de lettres de crédit ou des titres de l’État.

Collateral has traditionally been used by financial market participants to

protect against credit exposures, especially for secured lending, repurchase

agreements (repos) and derivatives transactions. Depending on the nature

and risk of the transaction being covered, collateral can take many forms,

ranging from cash or liquid government securities to corporate debt,

equities or even gold509.

Ainsi, en cas de défaillance du débiteur, le créancier a le droit de retenir les actifs

remis en garantie afin de dédommager. L’usage de garantir les opérations bancaires par

le collatéral s’est très vite répandu avec l’opération de titrisation. En effet, les marchés

de gré à gré ont largement contribué au développement du collatéral, car celui-ci est

fait de manière systématique pour égaliser l’absence des chambres de compensation.

En ce qui concerne le processus de collatéralisation, il se remarque lorsque la

dette est garantie (on parle également de dette secured). Une dette ou une créance sera

considérée comme garantie (secured) lorsqu’elle donne au prêteur le droit à un gage;

elle n’est pas garantie (unsecured) dans le cas contraire. Pour les dettes qui bénéficient

d’une base sécurisée, il est utile de faire la nuance entre les créances qui permettent au

prêteur de bénéficier d’un double recours, contre l’emprunteur et contre le gage, et

celles qui ne permettent que la liquidation de l’actif donné en gage. Dans cette dernière

catégorie figurent les ABS (asset-backed securities) et les titres émis par les véhicules

508 COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, Bâle III : Dispositif international de mesure,

normalisation et surveillance du risque de liquidité, Banque des Règlements Internationaux, 2010,

paragraphes 34-37, p. 8. En ligne : < http://www.bis.org/publ/bcbs188_fr.pdf > (consulté le 3 janvier

2016). 509 Jorge CRUZ LOPEZ, Royce MENDES et Harri VIKSTEDT, « The Market For Collateral: The Potential

Impact of Financial Regulation », (2013) 45 Bank of Canada Financial System Review 46.

Page 194: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

180

de titrisation lors des opérations de titrisation 510 . En outre, dans le cadre d’une

réhypothèque, un acteur financier a la possibilité de redonner en garantie, réaffecter ou

investir la garantie qu'elle a reçue pour sécuriser une transaction financière511.

Le collatéral permet également de couvrir le risque dans le cadre de

transactions sur les instruments dérivés. Plus précisément, il sert à couvrir les flux

financiers futurs attendus dans le cadre du contrat dérivé. Si la contrepartie qui devra

payer ces flux à terme fait faillite entre-temps, le collatéral doit pouvoir couvrir les

pertes.

Un climat de méfiance s’est installé sur les marchés dans la période qui a suivi

la fin de la crise. Partant de là, le collatéral semble s’être imposé comme solution à la

prise de risque de contrepartie. En effet, les institutions financières font appel à lui dans

toutes les transactions; et même les banques centrales le requièrent lorsqu’elles sont

sur le point d’injecter de la liquidité sur le marché bancaire. D’un autre côté, nous

remarquons que la situation est gérable sur les marchés négociés avec l’existence des

chambres de compensation qui jouent le rôle d’égalisateur en prenant en charge la

constitution des garanties par l’emprunteur. La situation est plus délicate sur les

marchés de gré à gré, notamment sur les marchés des dérivés de crédit, où le respect

des obligations est uniquement fondé sur une relation de confiance512. C’est la raison

pour laquelle les chambres de compensation ont été conçues pour gérer le risque de

contrepartie dans les transactions des produits financiers négociés de gré à gré en

conformité avec la Loi Dodd-Frank 513 aux États-Unis et le Règlement relatif aux

produits dérivés négociés de gré à gré, aux contreparties centrales et aux référentiels

centraux en Europe (surnommé « EMIR » - « European Market Infrastructure

Regulation »)514. Mais nous remarquons que ces chambres demandent à leur tour aux

510 Vivien LEVY-GARBOUA et Gérard MAAREK, « La contrainte cachée du collatéral », (2013) 109

R.E.F. 198. 511 J. CRUZ LOPEZ, R. MENDES et H. VIKSTEDT, préc. note 509, p.47. 512 Lire à ce sujet, le rapport du COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE (CBCB) et de

l’ORGANISATION INTERNATIONALE DES COMMISSIONS DES VALEURS (OICV, Exigences de marge pour

les dérivés non compensés centralement, 2013, p.2. En ligne :< http://www.bis.org/bcbs/publ/d317_fr.

pdf > (consulté le 20 janvier 2016). 513 Dodd–Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act, Pub.L. 111-20, sec.211. 514 Au Canada, la Loi sur la compensation et le règlement des paiements, L.C. 1996, ch. 6, ann. encadre

les chambres de compensation.

Page 195: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

181

parties prenantes de constituer un collatéral afin de renforcer la gestion du risque de

contrepartie.

Nous remarquons alors que les règlementations qui ont vu le jour après la

débâcle n’ont pas pris en compte l’encadrement juridique de ce contrat de garantie, son

mode de transfert et son dénouement. Nous pensons qu’il serait intéressant de s’attarder

un peu plus sur la question afin de donner un cadre et une place importante au

fonctionnement du collatéral dans une opération de titrisation. Cela permettra de gérer

les risques pouvant surgir aussi bien de l’élément couvert (débiteur) que de l’élément

de couverture (le collatéral). Ainsi, au regard des effets de la crise, il serait important

de décliner la règlementation dans la sphère du droit pour mieux se prémunir contre les

prochaines bulles. Rappelons une fois de plus l’importance de sûretés : elles permettent

aux banques d’éviter des emprunteurs insolvables. Le collatéral fonctionne exactement

comme une hypothèque mobilière. À cet effet, nous pourrions appliquer à chaque partie

les obligations découlant de l’hypothèque mobilière avec ou sans dépossession prévue

par le Code civil. Les dispositions de la Loi sur le transfert de valeurs mobilières et

l'obtention de titres intermédiés pourraient également être appliquées515. Ainsi, lors de

la signature du contrat, il serait plus judicieux d’inclure ces obligations dans les

stipulations; cela faciliterait grandement les recours et permettrait d’allouer

judicieusement les responsabilités.

La troisième recommandation du Comité de Bâle a renforcé les exigences en

matière de fonds propres et elle a également introduit un coussin de capital

contracyclique et un ratio d’effet de levier516. Pour accompagner Bâle III dans ses

recommandations, nous proposons que, dans les pays de tradition civiliste, le collatéral

soit assimilé aux différentes sûretés que l’on retrouve dans le droit civil; et le même

exercice doit être fait dans les pays de common law, c’est-à-dire assimiler

l’encadrement du collatéral à l’encadrement des securities. Nous pensons que

multiplier les textes de loi ne ferait qu’alourdir le système. L’utilisation de l’actif

515 Loi sur le transfert de valeurs mobilières et l'obtention de titres intermédiés, RLRQ c T-11.002 516 COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, Bâle III : finalisation des réformes de l’après-crise,

décembre 2017. En ligne : < https://www.bis.org/bcbs/publ/d424_fr.pdf > (consulté le 5 juin 2018).

Page 196: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

182

législatif déjà en vigueur permettrait de gagner du temps et de discipliner les actions.

Il serait alors aisé de construire un parallélisme. En finance, la priorité est donnée à la

célérité et à la rapidité des opérations; d’où la nécessité d’éviter de s’encombrer avec

les textes législatifs, qui pourraient créer à leur tour un précédent, et partant, une

situation d’arbitrage règlementaire. L’arbitrage règlementaire désigne « toute

distorsion née d’une contrainte règlementaire. La règlementation peut créer une

incitation à la titrisation et au transfert de la propriété juridique de cet actif vers une

structure appartenant au système bancaire de l’ombre. »517

Il est tout de même important de formuler quelques réserves à cette nouvelle

technique financière prisée de tous. En effet, la demande grandissante du collatéral doit

inciter les acteurs financiers à faire plus attention à la qualité des titres mis en garantie.

Avec la rapidité des transactions sur les marchés financiers, c’est un élément qui

pourrait échapper à la vigilance des acteurs; et ceci pourrait très simplement

transformer le risque de crédit que le collatéral est censé éviter en un risque de

liquidité518. De même, un risque juridique pourrait être entrevu. Il faudra alors prêter

une attention à l’efficacité des accords de collatéralisation. Normalement, ces accords

ne sont efficaces que si l’on peut les faire valoir en justice. En cas de litige, il faudrait

que le transfert effectif des titres mis en garantie soit prouvé par le détenteur desdits

titres; et le receveur doit s’assurer de la livraison et de la valeur des titres519.

Nous avons également remarqué que les règlementations prudentielles qui ont

vu le jour après la débâcle insistent pour rendre le collatéral contraignant alors que,

d’un autre côté, l’aversion au risque pousse les banques prêteuses à être plus exigeantes

vis-à-vis des emprunteurs (moyennement solvables) en ce qui concerne les garanties.

Cette contrainte pèse également sur les banques lorsqu’elles font recours à la banque

centrale pour un besoin de refinancement. À leur tour, elles doivent fournir des

garanties pour obtenir des prêts. Tout cela a pour conséquence de rendre l’accès au

517 Axelle ARQUIE, «Le système bancaire de l’ombre : fruit d’une régulation bancaire trop pesante ou

véritable rôle économique ?», (2013) 109 R.E.F. 72. 518 Geneviève GUERTIN et François LEROUX, Le marché des pensions. Les opérations de repo et les prêts

de titres, Paris, Economica, 2001, p.38. 519 Richard COMOTTO, « Les utilisations du collatéral par les marchés financiers », (2012) 299 Banque

stratégie. En ligne : < http://www.revue-banque.fr/banque-investissement-marches-gestion-

actifs/article/les-utilisations-collateral-par-les-marches-fin >, (consulté le 18 novembre 2014).

Page 197: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

183

crédit de plus en plus difficile. L’une des solutions serait, pour les banques centrales,

de « faciliter l’accès à son guichet de refinancement, en accueillant des “papiers” moins

sûrs et en plus grande quantité. Ce que la Federal Reserve Bank et la Banque centrale

européenne ont fait, avec plus ou moins de détermination selon les moments. »520 Nous

pensons que le collatéral ne doit pas être un accessoire, mais une obligation lors de la

contraction d’un prêt. Ainsi, cela permettrait d’éviter dans le circuit de la titrisation,

des actifs qui ont perdu de la valeur.

Au regard de ce qui précède, nous remarquons que les sûretés ne garantissent pas

uniquement les obligations des participants dans l’opération, mais ils participent

également à l’encadrement du risque de liquidité et du risque de crédit. Par conséquent,

elles devraient faire l’objet d’évaluations minutieuses quand il vient le moment de les

utiliser.

C. La cession des prêts dans une opération de titrisation

Après l’analyse du contrat de prêt et des sûretés y afférant, analysons maintenant

la cession des prêts ou créances dans l’opération. Avant tout, nous aimerions préciser

qu’une créance n’est pas liquide. Elle n’est donc pas négociable. La banque doit

normalement attendre que le prêt arrive à terme pour obtenir le remboursement total.

Or, la banque peut décider de céder purement et simplement les créances à une société

qui les transformera en titres, c’est-à-dire en produits financiers négociables. Ainsi, en

vendant ces titres, la banque peut avoir de la liquidité. C’est cette logique qui a précédé

l’usage de la titrisation comme moyen de financement par les banques. La

titrisation permet donc de transformer des prêts bancaires sous-jacents en créances

éventuelles. Une fois les actifs cédés, les émetteurs sont libres d’investir le produit de

l’opération dans la création d’autres prêts, et ainsi de suite.

Dans une opération de titrisation, après l’octroi du prêt, vient l’étape de la

cession de ce prêt au véhicule de titrisation. La banque va alors constituer un

portefeuille de créances, qu’elle va transférer. Les actifs à titriser doivent être transférés

de manière absolue à un véhicule ad hoc. Un transfert absolu est une dépossession

complète : le cédant ne retient aucun droit, aucun intérêt à cette propriété. Il s'agit ici

520 V. LEVY-GARBOUA et G. MAAREK, préc. note 510, p.212.

Page 198: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

184

d'éviter que les actifs cédés puissent être considérés comme appartenant encore au

cédant à la suite du transfert, et notamment d'éviter qu'en cas de défaut du cédant, ces

actifs puissent faire partie de la faillite du cédant.

La principale méthode de transfert d'actifs à un véhicule de titrisation est une vente

ou true sale. Selon que nous nous trouvons dans un pays anglo-saxon ou dans un pays

de droit civil, cette cession est comprise différemment. Chez les Anglo-saxons, il se

pose un problème de qualification de l’acte; pour les pays de droit civil, la

problématique se trouve au niveau de l’application des règles.

Dans les juridictions anglo-saxonnes, le contrat de cession qui oppose la banque

au véhicule de titrisation se fait à travers le « Trust Agreement ». Ce contrat de cession

est-il une vente ou un prêt assorti de sûretés 521?

Aux États-Unis par exemple, la cession gagnerait à être véritable. En ce

moment-là, les créances vendues au véhicule de titrisation ne feront pas l’objet d’une

réclamation si jamais la banque venait à faire faillite. L’idée ici est de préserver les

créances d’une éventuelle faillite de la banque. Par contre, si la cession n’est pas

véritable, le véhicule de titrisation à travers son gestionnaire peut prétendre qu’il

s’agissait d’un prêt. En effet, le risque majeur du droit américain est la requalification

de la cession parfaite en prêt garanti (true sale in secured loan). Ainsi, la vente ne doit

pas constituer un prêt garanti. Si tel est le cas, la transaction sera considérée comme un

prêt octroyé par l’organisme de titrisation au cédant, dans lequel les actifs servent de

collatéral. Ainsi, les créances seront maintenues dans le bilan de la banque. En cas de

faillite, à travers l’action nommée « l’attaque du trustee »522 , les créances seront

partagées au prorata entre le véhicule de titrisation et les autres créanciers de la banque.

Dans les juridictions de droit civil, la problématique, qui est tout autre, est plus

ou moins centrée sur le débiteur de la banque. De plus, le régime de droit commun de

cession n’est pas applicable à la titrisation. En effet, le contrat de cession de créances

521 Le Trust agreement est un document qui contient les règles à suivre pour gérer les biens mis en fiducie

pour d’éventuels bénéficiaires. 522 «The Bankruptcy Code’s “strong arm” clause, 11 U.S.C. §544, puts a bankruptcy trustee in the same

position with respect to real estate title as if he were a bona fide purchaser who bought the property from

the debtor on the filing date and simultaneously recorded a deed. », James Bruce DAVIS, «How To

Defend Avoidance Actions In Bankruptcy Litigation», (2011) The Pratical Real Estate Lawyer 25, 27.

Voir également U.S. Code : Title-Bankruptcy, Pub.L. 114-38.

Page 199: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

185

fait intervenir le cédant et le cessionnaire. Il est supposé être conclu dès l’échange de

volonté et une fois que les deux parties au contrat sont d’accord sur la créance et sur le

prix. Mais que devient le débiteur, qui est également cédé? Le droit français apporte

une solution à travers son article 1690 du Code civil qui précise que la cession ne sera

opposable aux tiers que si elle est préalablement signifiée au débiteur et acceptée par

lui. Cependant, une nuance doit être apportée en ce qui concerne l’opération de

titrisation. Dans ce cas précis, la cession n'entraîne pas le transfert effectif des créances.

Ceci la rend inopposable aux tiers. C’est le bordereau de cession523 qui va finalement

rendre la cession opposable aux tiers524.

De même au Québec en ce qui concerne la cession, elle

Est opposable au débiteur et aux tiers, dès que le débiteur y a acquiescé ou

qu'il a reçu une copie ou un extrait pertinent de l'acte de cession ou, encore,

une autre preuve de la cession qui soit opposable au cédant.

Lorsque le débiteur ne peut être trouvé au Québec, la cession est opposable

dès la publication d'un avis de la cession, dans un journal distribué dans la

localité de la dernière adresse connue du débiteur ou, s'il exploite une

entreprise, dans la localité où elle a son principal établissement525.

Tant que cette condition de notification n’est pas remplie, le débiteur pourra

librement poursuivre le paiement de sa dette directement à la banque. Ainsi, la

signification rend le cessionnaire seul créancier dudit débiteur.

Cependant, ce formalisme s’adapte difficilement à l’opération de titrisation. En

effet, l’opération de titrisation repose sur la cession d’une pluralité de créances. Ce qui

fait qu’un cessionnaire a une multitude de débiteurs. Or, le droit commun imposerait

d’informer chaque débiteur cédé pour lui rendre opposable ladite cession. Compte tenu

du nombre de débiteurs, les mécanismes habituels de cession sont trop onéreux et

523 Le bordereau de cession (Dailly) est un instrument de cession qui répertorie les créances cédées. Voir

également l’arrêt « Coeur Défense », Cour d’appel de Versailles du 28 février 2013, n°12/02755. Nous

retenons de cet arrêt qu’un bordereau de cession Dailly constitue un accessoire de la créance cédée. Un

fonds commun de titrisation cessionnaire d’une créance de prêt garantie par une cession Dailly peut ainsi

valablement se prévaloir du bordereau de cession sans violer les dispositions de l’article L313-26 du

Code monétaire et financier dès lors que la cession de créance Dailly a été initialement consentie à un

établissement de crédit. La cour d’appel de Versailles précise que la cession Dailly est opposable aux

tiers à compter de la date apposée sur le bordereau et non à compter de la date de notification. 524 Voir Loi n°88-1201 du 23 décembre relative aux organismes de placement collectif en valeurs

mobilières et portant création des fonds communs de créances, article 34 alinéa 3. 525 Article 1641 C.c.Q.

Page 200: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

186

complètement inadaptés. Cela alourdit le processus plus qu’autre chose. Par ailleurs, il

faudrait rappeler que dans une opération de titrisation, les parties ne cherchent pas à

« transférer la titularité des créances, mais leur valeur économique aux investisseurs,

qui ne désirent pas entrer en relation avec les débiteurs. »526

Un autre problème qui s’ensuit est le transfert de sûretés. Que ce soit au Québec

ou en France, en droit commun, la cession d’une créance implique automatiquement le

transfert de sûreté de ladite créance. L’article 1638 C.c.Q. dispose que « La cession

d'une créance en comprend les accessoires. » En France, l’article 1692 du Code civil

dispose à ce sujet que : « [l]a vente ou cession d'une créance comprend les accessoires

de la créance, tels que caution, privilège et hypothèque. »

En France, un régime particulier a été créé pour les créances cédées au FCT527.

Selon l'article 34 alinéa 7 de la loi 88-1201, le transfert des sûretés garantissant les

créances est opéré « de plein droit » par la remise du bordereau de cession desdites

créances. Ce qui nous amène à reconnaître que le FCT les acquiert en même temps que

les créances. Or, les hypothèques doivent, répondre à un principe cher au Code civil :

celui de la publicité. Le Code civil québécois dispose dans son article 2699 que

« L'hypothèque mobilière qui grève des biens représentés par un connaissement ou un

autre titre négociable ou qui grève des créances est opposable aux créanciers du

constituant depuis le moment où le créancier a exécuté sa prestation, si elle est inscrite

dans les 10 jours qui suivent. »

Au demeurant, que ce soit en droit de la common law ou en droit civil, le risque

de contestation est omniprésent dans l’opération de titrisation. Par exemple, le cédant

pourrait contester le prix pour lequel il cède ses actifs, le cessionnaire pourrait contester

les actifs. Le plus grand risque serait la contestation par les créanciers de la banque

cédante en cas de faillite de cette dernière. Les créanciers en question gagneraient alors

à ce que les actifs cédés soient dans le patrimoine de la banque cédante. D’un autre

côté, les créanciers du débiteur cédé pourraient également contester l’impossibilité de

recouvrer leur créance avec la dette du débiteur qui a été cédée.

526 Valerio FORTI, La titrisation des créances en droit comparé, coll. « Thèses », Paris, Institut

Universitaire Varenne, 2013, p.286. 527 Voir la Loi n°88-1201 du 23 décembre 1988 relative aux organismes de placement collectif en valeurs

mobilières et portant création des fonds communs de créances, article 34 alinéa 7.

Page 201: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

187

La cession parfaite est une alternative qui permet de pallier le risque lié à la

faillite. Cette cession va donner au véhicule de titrisation et aux investisseurs un

contrôle exclusif sur les actifs; et pour constituer une true sale, il faut un régime

efficace qui protège le transfert des actifs : la fiducie.

En ce qui concerne les effets juridiques, nous constatons que dans le cas d’une

titrisation classique, la cession des créances est suivie d’un transfert automatique des

créances et des responsabilités. Il s’agit de la cession parfaite (true sale)528. Elle est

donc opposable au tiers. Il n’est plus possible d’utiliser les créances cédées comme des

biens saisissables pour rembourser les créanciers en cas de faillite de la banque (le

cédant). Il reste que, comme nous l’avons dit précédemment, il existe un défaut de

précision juridique quant aux différents recours que pourraient avoir les investisseurs

contre les cédants initiaux. Les investisseurs veulent être rassurés sur deux points.

Premièrement, ils aimeraient s’assurer que les actifs sous-jacents sont de bonne qualité.

Pour résoudre ce problème, la banque peut tout simplement fournir des garanties (lettre

de crédit ou CDS). Deuxièmement, les investisseurs aimeraient s’assurer qu’en cas de

faillite du cédant, le véhicule de titrisation pourra prendre la relève aux fins de

recouvrement. La cession parfaite ou true sale 529 serait donc une réponse à ces

inquiétudes. Elle permettrait une meilleure allocation des risques liés à la dépréciation

des actifs sous-jacents. Cependant, nous relevons un quiproquo juridique à la théorie

de la true sale avec l’affaire LTV Steel co530. En date du 29 décembre 2000, LTV Steel

Company, Inc. (ci-après LTV), l'un des trois plus grands producteurs d'acier aux États-

Unis a déposé volontairement son bilan en se prévalant des dispositions du chapitre 11

528 Sur le true sale, voir la décision de justice de 2003 : metropolitan toronto widows and orphans fund

v. telus communications inc., (2003) 30 BLR (3d) 288; OJ No 128 (QL). En ligne :

< https://www.canlii.org/en/on/onsc/doc/2003/2003canlii25909/2003canlii25909.html?searchUrlHash

=AAAAAQBIbWV0cm9wb2xpdGFuIHRvcm9udG8gd2lkb3dzIGFuZCBvcnBoYW5zIGZ1bmQgdi4

gdGVsdXMgY29tbXVuaWNhdGlvbnMgaW5jAAAAAAE&resultIndex=7 > ( consulté le 10 octobre

2015). 529 Pour plus d’informations sur la cession parfaite, voir Hervé TOURAINE et Olivier BERNARD, « La

notion de ‘’true sale ‘’ en droit français : enjeux, sens et problématiques », (2007) 1 R.T.D.F. 97. Lire

également Steven L. SCHWARCZ, Structured Finance. A Guide to The Principles of Asset Securitization,

New-York, Practising Law Institute, 1993, pp 21-48. 530 John A. PEARCE II et Ilya A. LIPIN, « Special Purpose Vehicles in Bankruptcy Litigation », (2011)

40 HOFSTRA L. REV. 200. Voir également l’affaire In re LTV Steel Co., 274 B.R. 278 (Bankr. N.D. Ohio

2002).

Page 202: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

188

du Code de la faillite américain531. Précédemment, cette société avait mis en place deux

opérations de titrisation : l'une sur les créances avec sa filiale LTV Sales Finance co.,

l'autre sur des stocks avec sa filiale LTV Steel Products. LTV a demandé une

ordonnance provisoire du tribunal lui permettant d'utiliser le revenu généré par les

créances et les stocks titrisés détenus par Sales Finance et Steel Products au motif que

ces actifs n'avaient en réalité jamais été cédés aux véhicules de titrisation, mais

uniquement donnés en sûreté du financement qu'elles lui avaient consenti. Dans son

argumentaire, LTV a également fait valoir que s’il n’utilisait pas ce revenu, il serait

contraint de cesser ses activités. Dans une ordonnance provisoire « avant dire droit »,

le juge de la faillite autorisa LTV à utiliser ce revenu. Mais, le tribunal de la faillite a

statué afin de modifier au fond l'ordonnance provisoire qui a permis à LTV d’utiliser

le revenu. L'affaire a été réglée; et le règlement comprenait un résumé constatant que

les titrisations de LTV étaient des cessions parfaites. Cette affaire démontre qu’une

cession parfaite pourrait en réalité être requalifiée par un juge de la faillite en un prêt

gagé sur des créances, et vice versa. Et si, au lieu de procéder à la cession parfaite, le

cédant pouvait se contenter de conserver la pleine propriété des actifs. Il pourra alors

émettre des obligations qui auront pour sûreté des actifs qui viendraient jouer un rôle

de substitution en cas de dégradation de la valeur des obligations. Ce serait, en tout cas,

une avenue à explorer, car ayant une bonne notation, ces obligations sécurisées

viendront résoudre le problème de recours des investisseurs, destinataires finaux de ces

titres.

En revanche, nous ne pouvons pas dire qu’il y a un transfert de propriété avec

la titrisation synthétique 532 puisque la banque peut garder les créances dans son bilan

et reste responsable de celles-ci. Elle transfère uniquement le risque. En cas de défaut

du titulaire de la créance, si l’assureur n’est pas en mesure de payer533, c’est la banque

qui supporte les pertes. Si elle choisit tout de même de transférer l’actif, cet actif jouera

le rôle de collatéral.

531 U.S. Code : Title 11- Bankruptcy, Pub.L. 114-38. 532 Infra, p.221. 533 L’assureur qui a utilisé son profit pendant la période faste pour faire autre chose sera incapable de

faire face à ce nouvel engagement.

Page 203: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

189

Nous pensons que la principale problématique de la cession des créances dans

une opération de titrisation est l’allocation des responsabilités si un ou plusieurs

participants venaient à être défaillants. C’est la raison pour laquelle, la cession parfaite

est une option à considérer afin d’identifier les recours à faire le moment venu.

Par ailleurs, l’une des conséquences significatives de tout ce processus est

l’endettement, voire le surendettement de la population; comment aider le

consommateur à se prémunir contre une telle situation?

Sous-section II : Le surendettement du consommateur

Le processus de titrisation mis en cause lors de la crise de 2008 n’aurait pu exister

qu’avec l’endettement des ménages aux fins de consommation. Il existe donc une

corrélation entre le développement de l’opération de titrisation, l’expansion du crédit

aux ménages et la croissance de la consommation534. Selon nous, le surendettement du

consommateur est la gangrène qui partiellement, ruine la stabilité financière. Le

surendettement apparaît comme la fâcheuse conséquence de la non-observation des

règles de base d’un contrat de prêt par les banques. En effet, le corollaire immédiat de

la notion de crédit est la consommation, et l’endettement est le moteur d’une société de

consommation. Aussi, comme le dit Me Luc Thibaudeau, « [l]e contrat de

consommation existe exclusivement en raison de la présence et de la qualité de ces

deux parties [le consommateur et le commerçant] et du déséquilibre contractuel dont

souffre la première.»535

Comme nous l’avons vu précédemment 536 , c’est parce que le gouvernement

américain a voulu favoriser l’accession à la propriété que la crise des subprimes a surgi.

Il a alors abaissé les taux afin d’inciter l’emprunteur moyen à contracter un prêt

immobilier et la durée de ce prêt a été rallongée. Si l’endettement des ménages participe

du développement économique par l’augmentation de la consommation537, l’inverse a

été remarqué avec la crise. Ce n’est donc pas uniquement les faillites des institutions

534 É. PINEAULT, préc. note 23, p.11. 535 Luc THIBAUDEAU, « L’application de la loi sur la protection du consommateur au secteur

immobilier », dans Pierre-Claude LAFOND et Brigitte LEFEBVRE, Le consommateur immobilier en quête

de protection, Cowansville, Éditions Yvons Blais, 2014, p.23. 536 Supra, p.2 537 Cela pourrait également contribuer à créer des emplois.

Page 204: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

190

qui ont causé la crise, mais à l’origine, c’est la distribution du crédit à des personnes à

faible capacité de financement. Dans plusieurs autres secteurs de l’économie également

nous pouvons observer des incitations sociales pareilles. Le crédit à la consommation

devient alors un moyen de compenser les revenus que l’on n’aurait pas. Avec la

recrudescence de ce crédit facile, le citoyen moyen va être entraîné dans un engrenage

de dettes qui, pour finir, auront raison de lui et par conséquent, de tous les acteurs qui

seront impliqués plus tard dans l’opération de titrisation.

Par ailleurs, l’hypothèque rechargeable est une notion qui a gagné en importance

lors de la crise financière de 2008, car elle a encouragé, dans une certaine mesure, le

besoin de surendettement des emprunteurs. Une hypothèque rechargeable permet de

garantir, en plus du bien immobilier, les autres dettes du consommateur.

« Contrairement à l’hypothèque traditionnelle, l’hypothèque rechargeable ne se

caractérise plus par sa nature accessoire : son existence n’est plus limitée à un prêt

déterminé et peut « garantir l’exécution d’une obligation dont la valeur ne peut être

déterminée ou est incertaine ». »538 Ce type d’hypothèque a un impact sur la situation

de l’emprunteur ou de l’institution financière lorsque les prix immobiliers sont à la

hausse : pour l’institution financière, le défaut de l’emprunteur permet de récupérer

l’hypothèque avec une plus-value; les emprunteurs, quant à eux, peuvent renégocier

leurs conditions de prêts ou alors ou obtenir des capitaux supplémentaires qu’ils

affecteront à la consommation : nous obtenons ainsi un nouveau prêt immobilier d’un

montant plus important que l’ancien539.

For many subprime borrowers, refinancing as prices rose involved not just

getting a new loan for the same amount at a lower interest rate, but the

extraction of some or all of the increase in equity due to house price

appreciation (viz, refinancing a new loan for a higher amount than

originally borrowed)540.

538 Marie Annik GREGOIRE, « Contrat d'hypothèque immobilière de type parapluie: Les consommateurs

sont-ils bien informés », (2017) 119 Rev. Notariat 279. 539 Christopher J. MAYER et Karen PENCE, «Subprime Mortgage : Who, Where, and to Whom», (2008)

NBER Working Papers, p.1. En ligne : <http://www.nber.org/papers/w14083.pdf > (consulté le 10 juillet

2018). Lire également Ingrid NAPPI-CHOULET, « Retour sur la crise immobilière

américaine », (2009) 48 IEIF Réflexions immobilières 6. En ligne : < https://ingridnc.files.wordpress.c

om/2012/12/crise-us.pdf> (consulté le 5 juin 2018). 540 Jason Scott JOHNSTON, «Do Product bans help consumers? Questioning the economic foundations

of Dodd Frank Mortgage regulation», (2016) George Mason Law Review 669. En ligne : < http://geor

gemasonlawreview.org/wp-content/uploads/2017/04/23_3_Johnston.pdf> (consulté le 12 juin 2018).

Page 205: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

191

Dans ce contexte, les prêts sont de plus en plus octroyés et la bulle immobilière grossit.

Aux États-Unis, pour encadrer cette pratique, la Loi Dodd-Frank, en plus d’instaurer

le Consumer Financial Protection Bureau541, exige des banques qu’elles effectuent des

vérifications préalables et documentées qui permettront d’évaluer la capacité de

l’emprunteur à payer les mensualités du prêt 542 . En France 543 , le principe de

l’hypothèque rechargeable est prévu à l’article 2422 du Code civil. Cet article dispose

que : « L'hypothèque constituée à des fins professionnelles par une personne physique

ou morale peut être ultérieurement affectée à la garantie de créances professionnelles

autres que celles mentionnées dans l'acte constitutif pourvu que celui-ci le prévoie

expressément. » Le législateur français, afin de limiter le surendettement, a donc

supprimé l’hypothèque rechargeable pour les crédits à la consommation, et l’a

maintenu pour utilisation à des fins professionnelles en garantie de créances

professionnelles. Au Canada, les banques, en plus de leur obligation de divulgation des

coûts d’emprunt 544 , se sont engagées à respecter l’Engagement à fournir des

renseignements sur la garantie hypothécaire545. Au Québec, la Loi sanctionnée en

novembre 2017 permet aux consommateurs de connaître leur ratio d’endettement avant

de conclure des contrats de crédit à coût élevé :

103.4. Avant de conclure un contrat de crédit à coût élevé avec un

consommateur ou, si le contrat de crédit à coût élevé est un contrat de crédit

variable, de consentir à l’augmentation de la limite de crédit, le

commerçant doit remettre au consommateur par écrit, conformément aux

modalités déterminées par règlement, un exemplaire des documents faisant

état de l’évaluation qu’il a faite en vertu de l’article 103.2 et des

informations relatives à son ratio d’endettement. Même s’il satisfait aux

conditions d’application de la présomption prévue au deuxième alinéa de

l’article 103.2, le commerçant qui ne se conforme pas au premier alinéa est

réputé ne pas avoir fait l’évaluation prévue à l’article 103.2. Un contrat de

crédit est considéré à coût élevé lorsqu’il possède les caractéristiques

541 Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection act: Pub. L. N° 111-203, 124 Stat 1376,

Title X. 542 Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection act: Pub. L. N° 111-203, 124 Stat 1376

(2010). Voir les articles 1411(a)(2), § 129C(a)(1) (Cette disposition est également présente dans le titre

15 du U.S.C. § 1639c(a)(1) (2012)). 543 Code civil français, article 2422. 544 Règlement sur le coût d’emprunt (banques), DORS/2001-101, article 14. 545 ASSOCIATION DES BANQUES CANADIENNES, Engagements et codes de conduite volontaires.

Engagement à fournir des renseignements sur la garantie hypothécaire. En ligne :

< https://www.cba.ca/Assets/CBA/Documents/Files/Article%20Category/PDF/vol-mortgage-security-

fr.pdf> (consulté le 5 juin 2018).

Page 206: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

192

déterminées par règlement. Le ratio d’endettement est l’expression du

passif du consommateur sous la forme d’un pourcentage. Il est calculé de

la manière prescrite par règlement.

« 103.5. Le consommateur qui conclut un contrat de crédit à coût élevé

alors que son ratio d’endettement excède celui identifié par règlement est

présumé avoir contracté une obligation excessive, abusive ou exorbitante

au sens de l’article 8. »546

À la suite de la professeure Marie Annik Grégoire, nous pensons que le Québec devrait

« suivre l’exemple de la France où il est interdit d’offrir ce type d’hypothèque aux

consommateurs.»547 De plus, la professeure Grégoire revient sur la recommandation

que formulait la Chambre des notaires en 2011 selon laquelle « lorsqu’il est prévu que

l’hypothèque sert à garantir des obligations futures, l’hypothèque ne [peut] prendre

effet avant qu’une telle obligation ait pris naissance et avant que le propriétaire de

l’immeuble ait consenti à ce que l’hypothèque garantisse cette nouvelle obligation »548

et rajoute à cette recommandation, « une condition supplémentaire suivant laquelle ce

nouveau consentement devra être donné d’une manière spécifique, distincte et explicite

et ne pas être simplement glissé, parmi une multitude de clauses d’un contrat

d’adhésion signé en même temps que le prêt garanti par l’hypothèque

rechargeable. »549

D’un autre côté, nous pourrions également parler de situation de mal-

endettement. Le mal-endettement décrie la mauvaise allocation qui est faite lors de

l’octroi du crédit. Les institutions financières, avant d’accorder du crédit, devraient

identifier le bon crédit du mauvais crédit. En effet, « il n’y a pas de mauvais crédit en

soi. Le mauvais crédit, c’est le crédit inadapté à la dépense à laquelle ils sont censés

faire face. » 550 Ainsi, très souvent, le manque d’information budgétaire emmène

l’emprunteur à mal gérer son prêt et par conséquent à être surendetté.

546 Projet de loi no 134 (2017, chapitre 24) Loi visant principalement à moderniser des règles relatives

au crédit à la consommation et à encadrer les contrats de service de règlement de dettes, les contrats de

crédit à coût élevé et les programmes de fidélisation (Première session, 41e législature). 547 M.A. GREGOIRE, préc. note 538, p.302. 548 CHAMBRE DES NOTAIRES DU QUEBEC, Mémoire de la chambre des notaires du Québec sur le projet

de loi n°24 intitulée Loi visant principalement à lutter contre le surendettement des consommateurs et à

moderniser les règles relatives au crédit à la consommation, novembre 2011. 549 M.A. GREGOIRE, préc. note 538, p.302. 550 Hélène DUCOURANT, « Crédit à la consommation et endettement des individus : des idées reçues et

des outils pour les combattre », Introduction au dossier, (2012) 9 Revue Française de socio-économie

14.

Page 207: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

193

La notion de prêt du Code civil a montré ses limites dans l’encadrement de ces

débordements; d’où la création du droit de la consommation avec les notions de crédit

à la consommation et de crédit immobilier551. En effet, les dispositions du Code civil

sont curatives; il nous faudrait des dispositions avant-gardistes pour prétendre à une

meilleure protection du consommateur. C’est en partie dans cette logique qu’au Québec

le projet de loi visant principalement à moderniser des règles relatives au crédit à la

consommation552 a été pensé.

Par ailleurs, l’économie influence beaucoup la distribution des crédits. Lorsque

la période est bonne, les banques accordent plus facilement le crédit et inversement en

cas de resserrement du marché. En périodes fastes, la sélection des débiteurs est très

négligée. En cas d’insolvabilité de ces derniers, très souvent une crise de crédit naît

avec tous les travers qu’elle peut ramener y compris la défiance sur les marchés

entraînant les ruées au guichet.

En outre, ce qui a encouragé le surendettement est la politique des taux d’intérêt

appliquée de manière stochastique par les banques centrales. En effet, accorder des

crédits à des taux bas aux ménages précaires semble être une aubaine. Pendant la crise,

les taux bas étaient juste un hameçon lancé par les banques pour se faire une bonne

clientèle, peut-on analyser rapidement. Mais le point est qu’à la base il n’existe pas une

réelle politique d’établissement des taux d’intérêt. Peut-on alors prévoir la variation

des taux d’intérêt? Ce serait idéal dans la mesure où les banques seraient capables de

donner une information complète aux emprunteurs au sujet des taux appliqués. Ainsi,

si le taux est emmené à changer, il revient à l’emprunteur de s’engager s’il pense que

ce changement n’aurait pas un impact sur sa situation financière par la suite553.

551 Stéphane PIEDELIEVRE et Emmanuel PUTTMAN, Droit bancaire, Paris, Economica, 2011 p. 369. 552 Projet de loi no 134 (2017, chapitre 24) Loi visant principalement à moderniser des règles relatives

au crédit à la consommation et à encadrer les contrats de service de règlement de dettes, les contrats de

crédit à coût élevé et les programmes de fidélisation (Première session, 41e législature). 553 Une autre problématique que soulèvent les taux d’intérêt est la fixation des taux d’intérêt de référence

sur le plan international. Le taux interbancaire de référence représente un taux fixé conjointement par

les participants d’un marché interbancaire et qui servira de base pour les prêts interbancaires. Il définit

le prix auquel les banques vont se prêter de l’argent entre elles et le prix auquel les banques vont accorder

du crédit aux ménages et aux entreprises. Nous distinguons le LIBOR (London Interbank Offered Rate)

qui est le taux de référence sur le marché londonien, l’EURIBOR qui est le taux sur le marché européen

et le CDOR (Canadian dealer Offered Rate) qui est le taux de référence au Canada. Récemment, le

LIBOR a été manipulé frauduleusement par certaines banques parmi lesquelles la Banque Royal du

Canada. La Federal Deposit Insurance Corporation (FDIC) a intenté une action en justice contre ces

Page 208: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

194

Selon les résultats du sondage effectué par Manon Lacourse sur l’endettement

et la sollicitation au crédit, 31 % d’emprunteurs ne connaissent pas le taux d’intérêt

annuel appliqué sur la carte de crédit qu’ils utilisent le plus souvent554. Il s’agit là d’un

pourcentage assez important pour évaluer l’ampleur des réformes à faire.

Si nous revenons sur la question du surendettement, nous en distinguons deux types :

- Le surendettement actif : cela se produit généralement par

l’accumulation consciencieuse de dettes. L’exemple type est le crédit

renouvelable (crédit revolving). Ce produit met de façon permanente

à la disposition d'un emprunteur une somme d'argent réutilisable au

fur et à mesure de son remboursement pour financer des achats de

choix555.

- Le surendettement passif : Il est lié aux évènements dont le

consommateur n’a pas de maîtrise (maladie soudaine, perte d’emploi,

etc.). Par exemple, lors de la crise, le consommateur a été surendetté

pour des raisons qui lui sont étrangères telles que le refinancement et

la minimisation du risque par les banques556.

Même si les évènements imprévisibles de la vie sont très souvent à l’origine du

surendettement, il est important de bien redistribuer les cartes en ce qui concerne la

banques, car cette manipulation allait à l’encontre même des dispositions anticoncurrentielles sur le

marché du LIBOR. En effet, « les taux changent chaque jour en fonction des réponses envoyées par les

banques. Puisqu’au final, les taux sont connus de tous, la manipulation pour une banque revient à

proposer soit un taux élevé afin de se prémunir contre certaines vulnérabilités ou alors un taux faible,

pour masquer les difficultés de son établissement. »553 Il serait important de penser à un cadre de

règlementation des données que les banques fournissent à l’égard des indices de référence. FINANCIAL

STABILITY BOARD, Progress in Reforming Major Interest Rate Benchmarks, Interim report on

implementation of July 2014 FSB recommendations, juillet 2015. En ligne : < http://www.fsb.org/wp-

content/uploads/OSSG-interest-rate-benchmarks-progress-report-July-2015.pdf > (consulté le 15

janvier 2015). 554Manon LACOURSE, « Résultats d’un sondage sur l’endettement et la sollicitation au crédit », dans

Monia AUDY et OPTION CONSOMMATEURS, Endettement des consommateurs. Chronique d’une

catastrophe annoncée, actes du colloque, colloque international sur la consommation, les 12 et 13 mars

2009, Cowansville, Éditions Yvon Blais 2009, p.35. 555 Article 118 de la Loi sur la protection du consommateur,2012, c. P-40.1, r.3. 556 Thierry BOURGOIGNIE, « Pour une approche globale et intégrée de la protection du consommateur

surendetté », dans Monia AUDY et OPTION CONSOMMATEURS, Endettement des consommateurs.

Chronique d’une catastrophe annoncée, actes du colloque, colloque international sur la consommation,

les 12 et 13 mars 2009, Cowansville, Éditions Yvon Blais 2009, p.115.

Page 209: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

195

responsabilité de chacun. Carbonnier définit le crédit comme la confiance

contractuelle557. Ceci étant, la responsabilité du prêteur devrait être remise en cause en

cas d’octroi ou de maintien abusif de crédit comme cela a été le cas lors de la crise des

subprimes. Il doit normalement « y avoir une meilleure adéquation entre l’offre et le

besoin de crédit, ce qui signifie que l’offre de crédit de l’institution financière doit

répondre aux besoins financiers actuels de l’emprunteur et non pas l’attacher à vie en

hypothéquant ses obligations futures. »558

Aux États-Unis, la Réserve fédérale a mis en place une règlementation pour

instaurer un climat de confiance dans les transactions de prêt559. Cette règlementation

prévoit des dispositions pour la protection du consommateur dans un contrat de prêt

hypothécaire. L’essentiel de ces dispositions se résume comme suit560:

- Interdiction d’accorder des crédits sans tenir compte de la capacité de

remboursement de l’emprunteur sur la base de ses revenus et de ses

actifs autres que la valeur du bien immobilier pour lequel le prêt a été

accordé.

- Interdiction d’accorder des prêts sans vérifications préalables

- Interdiction d’appliquer des pénalités de remboursement anticipé du

prêt dans le cas où le taux d’intérêt est ajustable pendant les quatre

premières années.

- Interdiction pour un courtier de contraindre ou d'encourager un

évaluateur immobilier à surévaluer la valeur d'une maison.

- Interdiction de réaliser de la publicité mensongère, en particulier celle

vantant des intérêts fixes alors qu’ils sont en effet ajustables.

557 Jean CARBONNIER, Cours de sociologie juridique, Paris II, Université de droit, d’économie et de

sciences sociales de Paris, 1972-1973, p.115. 558 Raymonde CRETE, Geneviève BRISSON, Mario NACCARATO et Audrey LETOURNEAU, « La

prévention dans la distribution de services de placement », dans Marc LACOURSIERE, Geneviève

BRISSON, Mario NACCARATO, Raymonde CRETE (dir.), La confiance au cœur de l’industrie des services

financiers, actes du colloque tenu à l’université Laval, le 18 septembre 2009, Cowansville, Éditions

Yvon Blais, 2009. P.268. 559 The Truth in Lending Act, Pub.L. 90 – 321, 88 Stat. 146. 560 FEDERAL RESERVE, Highlights of Proposed Rule to Amend Home Mortgage Provisions Regulation

Z (Thruth of Lending), 2008. En ligne: < https://www.federalreserve.gov/newsevents/press/bcreg/highl

ightsregz20071218.htm >, (consulté le 11 juillet 2016). Voir également F. MISHKIN, C. BORDES, P-C.

HAUTCOEUR, D. LACOUE-LABARTE et X. RAGOT, préc. note 390, p.354.

Page 210: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

196

Mais nous remarquons qu’au Québec par exemple, aucune obligation légale ne pèse

sur les institutions financières si ce n’est d’être plus prudentes et plus diligentes.

L’essentiel du devoir de conseil repose en partie sur le notaire; mais lorsque le

consommateur arrive chez ce dernier, il est déjà trop tard. Certes, c’est le notaire qui

s’occupe d’informer les parties sur les conséquences juridiques normalement

prévisibles de même que sur les implications économiques et fiscales de l’opération561,

mais bien avant, les institutions financières ont eu le temps de mettre en place des

produits financiers attrayants et porteurs de belles promesses pour les emprunteurs.

Ainsi, il faudrait des mécanismes en amont afin de permettre au consommateur de

contracter son prêt en ayant toutes les informations nécessaires. Il y aurait donc là tout

un travail de précision juridique à apporter. Néanmoins, au Québec nous notons

quelques dispositions dans le Code civil qui permettent de lutter un tant soit peu contre

les prêts abusifs562.

De manière générale, le Canada, avec son cadre règlementaire strict, gère mieux la

situation du consommateur que son homologue américain563. En effet, « lenders in

Canada have perfomed better than U.S. lenders in part due to different bankruptcy

regulations that make borrowers more liable in Canada and in part due to the

561 Pour plus de détails sur la responsabilité du notaire, lire Paul-Yvan MARQUIS, La responsabilité civile

du notaire officier public, Tome I Causes principales, Ottawa, Éd. U. d'Ottawa, 1977. 562 Le Code civil qui permet l’ingérence des tribunaux : article 2332 : « Lorsque le prêt porte sur une

somme d'argent, le tribunal peut prononcer la nullité du contrat, ordonner la réduction des obligations

qui en découlent ou, encore, réviser les modalités de leur exécution dans la mesure où il juge, eu égard

au risque et à toutes les circonstances, qu'il y a eu lésion à l'égard de l'une des parties ; article 1437 : « La

clause abusive d'un contrat de consommation ou d'adhésion est nulle ou l'obligation qui en découle,

réductible. Est abusive toute clause qui désavantage le consommateur ou l'adhérent d'une manière

excessive et déraisonnable, allant ainsi à l'encontre de ce qu'exige la bonne foi; est abusive, notamment,

la clause si éloignée des obligations essentielles qui découlent des règles gouvernant habituellement le

contrat qu'elle dénature celui-ci »; la Loi sur la protection du consommateur , RLRQ, c P-40.1 qui offre

un recours en faveur du consommateur ; article 8 « Le consommateur peut demander la nullité du contrat

ou la réduction des obligations qui en découlent lorsque la disproportion entre les prestations respectives

des parties est tellement considérable qu'elle équivaut à de l'exploitation du consommateur, ou que

l'obligation du consommateur est excessive, abusive ou exorbitante. ». Voir également la décision

suivante : Riendeau c. Cie de la Baie d'Hudson, 2003 CanLII 28871 (QC CS), <http://canlii.ca/t/64ts>,

consulté le 12 février 2016). 563 Cependant, selon une analyse de la BRI, une crise bancaire pourrait survenir dans l’économie

canadienne en raison de la croissance du niveau d’endettement des entreprises et des ménages au Canada.

Cette croissance est renforcée par l’évolution des prix de l’immobilier. Lire Inaki ALDASORO, Claudio

BORIO et Mathias DREHMANN, «Early warning indicators of banking crises : expanding the family»,

(2018) BIS Quaterly Review 40. En ligne : < https://www.bis.org/publ/qtrpdf/r_qt1803e.pdf> (consulté

le 5 juin 2018).

Page 211: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

197

conservative nature and small number of lending institutions and mortgage buyers in

Canada. »564 En ce qui concerne la responsabilisation des institutions financières, le

Bureau du Surintendant des Institutions Financières (BSIF) a mis en place une ligne

directrice (B-20) 565 , qui s’inspire du document Principles for Sound Residential

Mortgage Underwriting Practices du Conseil de stabilité financière (CSF)566. Cette

ligne directrice intitulée Pratiques et procédures de souscription de prêts

hypothécaires résidentiels s’adresse à toutes les institutions financières qui souscrivent

des prêts hypothécaires résidentiels ou font l’acquisition d’éléments d’actif liés à de

tels prêts au Canada. Elle vient compléter les lois suivantes : la Loi sur les coopératives

de services financiers567; la Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d’épargne568;

la Loi sur l’assurance-dépôts569; Loi sur les assurances570; la Loi sur la protection du

consommateur571.

En outre, la ligne directrice exprime clairement cinq principes fondamentaux pour

une saine souscription de prêts hypothécaires résidentiels :

- Principe 1 : La gouvernance des institutions financières,

l’établissement d’objectifs opérationnels, les mécanismes de

supervision fondamentaux visant la souscription de prêts

hypothécaires résidentiels ou l’acquisition d’éléments d’actif liés à

de tels prêts.

- Principe 2 : L’identité de l’emprunteur, la vérification de ses

antécédents de son revenu et de sa situation financière, sa volonté

564 CANADIAN BOND RATING SERVICE, préc, note 252, p.6. 565 BUREAU DU SURINTENDANT DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES (BSIF), Ligne directrice B-20 :

Pratiques et procédures de souscription de prêts hypothécaires résidentiels, octobre 2017. En ligne : <

http://www.osfi-bsif.gc.ca/Fra/Docs/B20_dft.pdf > (consulté le 15 janvier 2018). Le pendant de cette

ligne au Québec est la ligne directrice de l’Autorité des marchés financiers intitulée Ligne directrice

sur l’octroi de prêts hypothécaires résidentiels, mars 2018. En ligne : < https://lautorite.qc.ca/fileadmi

n/lautorite/reglementation/lignes-directrices-assurance/ligne-directrice-pretshypothecaires-

residentiels_fr.pdf > (consulté le 2 juin 2018). 566 FINANCIAL STABILITY BOARD, FSB Principles for Sound Residential Mortgage Underwriting

Practices, avril 2012. En ligne : < http://www.fsb.org/wp-content/uploads/r_120418.pdf> (consulté le

20 juin 2016). 567 Loi sur les coopératives de services financiers, RLRQ c. C-67.3. 568Loi sur les sociétés de fiducie et les sociétés d’épargne, RLRQ c. S-29.01. 569Loi sur l’assurance-dépôts, RLRQ c A-26. 570Loi sur les assurances, RLRQ c A-32. 571Loi sur la protection du consommateur, RLRQ c P-40.1.

Page 212: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

198

d’acquitter ses dettes dans les délais impartis, les sources de sa mise

de fonds, et la vésication des co-emprunteurs et des cautions, le cas

échéant. D’autres recommandations sont également émises afin

d’évaluer la capacité de la capacité de l’emprunteur à s'acquitter de

ses dettes dans les délais impartis.

- Principe 3 : Les garanties associées au prêt et le processus de gestion

de cette garantie.

- Principe 5 : La gestion efficace du risque de crédit et de contrepartie

de l’assurance hypothèque.

Par ailleurs, deux statuts définissent généralement les intermédiaires assurant la

vente des instruments financiers. Ils peuvent soit être prestataires de services

d’investissement, soit être conseillers en investissement financier. Par conséquent, ils

sont soumis à un corpus d’obligations à l’égard des consommateurs572. L’obligation la

plus importante est le partage de l’information 573 . En effet, les conseils des

intermédiaires financiers ont un impact potentiel sur le déroulement des transactions.

En Europe, la Directive de 2008 574 concernant les contrats de crédit aux

consommateurs a d’ailleurs amélioré l’information qui doit être donnée aux

consommateurs.

Quant à l’emprunteur, il doit avoir une rationalité économique nécessaire à

l’usage du crédit. Cette rationalité s’acquiert par le développement de la littératie

572 Edouard VIEILLEFOND « Désintermédiation, protection du consommateur et devoir de conseil»,

(2013) 109 R.E.F.255. 573 Quelques dispositions permettent d’encadrer la responsabilité des intermédiaires : la Loi sur la

distribution des produits et services financiers, RLRQ chapitre D-9.2, voir les articles 27, 28 et 51 ; le

Règlement sur l'exercice des activités des représentants, RLRQ chapitre D-9.2, r. 10, article 6 ; le Code

de déontologie de la chambre de la sécurité financière, article 15 ; la Loi sur les valeurs mobilières,

RLRQ c. V-1.1, art.1(9°), article 161 ; le Règlement sur la déontologie dans les disciplines des valeurs

mobilières (LDPSF D-9.2 A.201), voir les articles 3 et 4, voir Robert LEBEAU, « Politiques et pratiques

en matière de gouvernance. Le cas de l’intermédiaire financier », dans Marc LACOURSIERE, Geneviève

BRISSON, Mario NACCARATO, Raymonde CRETE (dir.), La confiance au cœur de l’industrie des services

financiers, actes du colloque tenu à l’université Laval, le 18 septembre 2009, Cowansville, Éditions

Yvon Blais, 2009, pp. 85-87. 574 Directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats

de crédit aux consommateurs et abrogeant la Directive 87/102/CEE du Conseil du Conseil, du 22

décembre 1986, relative au rapprochement des dispositions législatives, règlementaires et

administratives des États membres en matière de crédit à la consommation. En France, le régulateur a

transposé cette Directive dans la Loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la

consommation.

Page 213: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

199

financière. Au Canada, l’éducation financière a été prise en charge par l’Association

des Banques du Canada (ABC). Ils ont développé des capsules d’information à

l’attention du consommateur canadien. L’Agence de la consommation en matière

financière du Canada (ACFC), ainsi que l’AMF, se sont également investies dans la

littératie financière. À son niveau, le consommateur devrait aller vers l’information. Il

faudrait certes encadrer les institutions financières, mais aussi il faudrait éviter de

déresponsabiliser le consommateur. Seulement, nous ne saurions nous focaliser

uniquement sur la responsabilité du prêteur et de l’emprunteur; il faudrait également

mettre en avant le rôle de la puissance publique qui devrait avoir pour mission d’éviter

l’abus de la vulnérabilité des consommateurs.

Par ailleurs, la France a une approche préventive contre le surendettement des

consommateurs. Par exemple, le législateur français a mis en place un fichier national

qui recense les incidents de paiements575. De ce fait, toutes les institutions financières

sont tenues de déclarer tous les incidents financiers dont elles ont fait l’objet. Et, avant

de consentir un prêt, elles devront également interroger ce fichier afin que « le crédit

proposé soit adapté aux capacités financières de l’emprunteur appréciées au regard de

ses revenus et de son patrimoine, et au risque d’endettement né de l’octroi du prêt. »576

En outre, le Code de la consommation en France, pour lutter contre le surendettement,

dispose en son article L312-8 que le contrat de prêt hypothécaire doit être précédé d’une

offre de prêt qui doit contenir six informations essentielles sur l’identité des parties, les

modalités du prêt, le montant du prêt à consentir et les politiques de garantie577.

Pour finir, la protection du consommateur devrait être d’ordre public afin que

les intéressés ne renoncent pas à leurs droits et que les contrats n’y dérogent pas, ceci

d’autant plus que la crise de 2008 a montré qu’un problème individuel de

575 Au Canada et aux États-Unis, c’est Equifax, une agence privée d’évaluation du crédit à la

consommation, qui s’occupe d’évaluer la cote de crédit des particuliers. Elle établit également un fichier

qui recense l’information obtenue. TransUnion également évalue les crédits à la consommation au

Canada. 576 Daniel GARDNER, « La protection du consommateur immobilier : le casse-tête incomplet », dans

Pierre-Claude LAFOND et Brigitte LEFEBVRE, Le consommateur immobilier en quête de protection,

Cowansville, Éditions Yvons Blais, 2014, p.19. 577 Id.

Page 214: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

200

surendettement pouvait facilement devenir un problème de société en l’absence d’un

encadrement efficace578.

Nous abordons la question du surendettement certes, mais en aucun cas nous ne

le faisons dans le but de nier l’importance du crédit que nous avons préalablement

explicité ci-dessus. L’analyse du contrat de prêt est importante, car il constitue le point

de départ d’une opération de titrisation.

578 Id., p.22

Page 215: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

201

Section II : Les instruments de transmission de créances et de risques

lors de la crise

Pour notre analyse, nous aurions pu étudier cette grande variété d’instruments

dérivés existants. Mais, par souci de concision, nous avons décidé d’analyser

uniquement les instruments mis en cause lors de la crise des subprimes.

Il s’agit essentiellement des instruments de transmissions des créances titrisées et des

instruments de transfert de risque que nous appellerons dérivés de crédit. Ils font partie

de la grande famille d’instruments dérivés579. Ces instruments qui se sont facilement

répandus dans le monde entier grâce à une forte financiarisation des marchés financiers,

peuvent être définis comme des instruments « dont le rendement est le plus souvent lié

à la valeur sous-jacente d’une monnaie ou d’un taux d’intérêt, d’un indice boursier ou

d’autres titres financiers. »580 Le sous-jacent ou l'actif réel fait référence à toutes les

choses dont la valeur est susceptible de varier avec le temps et qui peuvent fournir la

matière d’un dérivé581. Ainsi, les actifs réels peuvent être des obligations, des actions,

des devises, des matières premières, etc.; dans le cas de la crise financière, il s’agissait,

en majorité, des prêts immobiliers accordés aux particuliers.

Il serait également important de rappeler que les instruments dérivés assurent la

couverture des risques des opérations ou des actifs dont ils dérivent et qui leur servent

de sous-jacents582. Par conséquent, ce sont des instruments qui ont été, pour la plupart,

initialement conçus pour la gestion des risques. Nous constaterons plus tard que c’est

la gestion des risques qui inspire l’idée de la marchéisation du risque; autrement dit, le

risque, qui à la base devait se gérer est devenu le produit le plus prisé, et par conséquent

le plus échangé sur les marchés583.

579 Dans la littérature anglo-saxonne, nous retrouvons ce groupe d’instruments sous l’appellation de «

produits dérivés ». 580 Toni GRAVELLE, « Atelier de la Banque du Canada sur les marchés des produits dérivés au Canada

et à l’étranger », (2007) Revue de la banque du Canada 39. 581 Lire Antoine GAUDEMET, Les dérivés, coll. « Recherches Juridiques », Paris, Economica, 2010,

344 pages. 582 Séna AGBAYISSAH, « Aspects juridiques des produits dérivés négociés sur les marches de gré à gré »,

dans Mélanges AEDBF- France II, sous la direction de Hubert DE VAUPLANE et Jean-Jacques. DAIGRE,

Paris, Revue banque éditeur, 1999, p.17. 583 Nous pouvons définir le risque comme une « conséquence financière négative attachée à une situation

objective appelée sinistre, ce dernier terme n’étant pas limité à son acception en droit des assurances »,

voir notamment Sébastien PRAICHEUX et Pierre MOUSSERON, «… Et le risque devint produit», dans

Page 216: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

202

En outre, ces instruments dérivés, contrairement aux dérivés négociés sur les

marchés organisés qui obéissent à une règlementation contraignante élaborée par les

autorités de régulation, sont négociés sur les marchés de gré à gré584 (dont on ne connaît

pas avec exactitude la taille du marché)585 et sont soumis, pour leur part, à la liberté

contractuelle; ils permettent la confrontation de l’offre et de la demande. Cette liberté

contractuelle a laissé la porte ouverte à la création des produits protéiformes. Elle a

également, avec le temps et les relations d’affaires, été quelque peu encadrée; c’est la

raison pour laquelle nous analyserons essentiellement la faiblesse des rapports

juridiques révélée lors de la crise. Cette tâche ne sera pas facile du seul fait du caractère

ésotérique de tout le processus. En effet, l’opacité de l’opération de titrisation rend

illusoire la possibilité de noter véritablement les produits qui la constituent. Or

l’évaluation ici est importante dans le sens où l’essentiel de l’opération se fait de gré à

gré. Ce n’est pourtant pas ce qui se passe dans la réalité; l’évaluation est devenue

impossible, car les titrisations sont généralement empilées « sur des pools de crédits

eux-mêmes déjà structurés avec une composition inconnue. »586

Sous-section I : Les instruments de transmission de créances : les titres

adossés à des créances.

La monnaie est hautement dématérialisée dans une opération de titrisation. En effet,

« [l]a titrisation consiste à transformer en titres, les prêts consentis par les

banques. »587Les titres qui sont émis sont adossés aux prêts en question. La titrisation

Mélanges AEDBF- France V, sous la direction de Hubert DE VAUPLANE et Jean-Jacques DAIGRE, Paris,

Revue banque éditeur, 2008, p.407. 584 Il n’y a pas de définition légale des marchés de gré à gré. La plupart du temps ils se définissent

négativement par rapport aux marchés règlementés qui ont eux, ont une définition légale claire. Par

exemple au Québec, l’article 42 de la Loi sur les instruments dérivés chapitre I-14.01définit un marché

organisé comme «une bourse, un système de négociation parallèle ou tout autre marché de dérivés

qui:1° établit ou administre un système permettant aux acheteurs et vendeurs de dérivés standardisés de

se rencontrer; 2° réunit les ordres de nombreux acheteurs et vendeurs de dérivés; 3° utilise des méthodes

non discrétionnaires selon lesquelles les ordres interagissent et les acheteurs et vendeurs de dérivés

s'entendent sur les conditions d'une opération ». 585 Pour plus d’informations sur les Marchés de gré à gré au Canada, lire Sean O’ CONNOR, « The

development of financial derivtaives markets : the canadian experience », (1993) 62 Rapport technique,

Ottawa, Banque du Canada 586Michel AGLIETTA, Ludovic MOREAU et Adrian ROCHE, « De la crise financière à l’enjeu d’une

meilleure évaluation des crédits structurés », Congrès AFSE, 2008, p.2. En ligne :<

http://congres.afse.fr/docs/629210delacrisefinanciereagliettamoreauroche.pdf >, (consulté le 11 juillet

2016) 587T. GRANIER et C. JAFFEUX, préc. note 232 p. 5.

Page 217: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

203

permet donc de transformer un portefeuille non liquide en des titres liquides. Elle

participe donc à l’exercice de la finance structurée588. En gros, ces titres adossés à des

créances permettent aux investisseurs d’accéder directement à une classe d’actifs qui

était autrefois l’apanage des établissements de crédit. 589 Deux éléments attirent

particulièrement notre attention : la notion de titres comme support de transfert de

créance et la notion des flux financiers qui leur sont attachés.

A. Comment sélectionner la créance à titriser?

Il n’existe pas encore des créances prédestinées à une opération de titrisation. Les

créances (appelées également support dans l’opération de titrisation) seront

sélectionnées parmi les actifs de la banque. L’idéal serait d’avoir le maximum

d’informations sur celles-ci et sur les débiteurs de ces créances pour pouvoir mieux

évaluer les risques éventuels.

En plus, les créances qui seront cédées doivent être libres de tout contentieux

juridique. Par conséquent, elles ne doivent pas être douteuses, encore moins litigieuses.

En auquel cas, il sera alors possible d’engager la responsabilité de la banque en cas de

vices cachés. Puisqu’il s’agit d’une cession, nous pourrons alors appliquer le régime de

la vente tel que conçu par le droit commun. Par exemple, dans l’article 1726 C.c.Q., le

droit québécois dispose que :

Le vendeur est tenu de garantir à l'acheteur que le bien et ses accessoires

sont, lors de la vente, exempts de vices cachés qui le rendent impropre à

l'usage auquel on le destine ou qui diminuent tellement son utilité que

l'acheteur ne l'aurait pas acheté, ou n'aurait pas donné un prix aussi élevé,

s'il les avait connus.

Il n'est, cependant, pas tenu de garantir le vice caché connu de l'acheteur ni

le vice apparent; est apparent le vice qui peut être constaté par un acheteur

prudent et diligent sans avoir besoin de recourir à un expert.

En outre, dans l’affaire SGF Soquia inc. c. Compagnie nationale de forage et

sondage (1991) inc.590, sur la question des créances litigieuses, le juge de première

instance apporte une précision en invoquant l’article 1784 al.1 du Code civil qui dispose

588 I. FENDER et J. MITCHELL, préc. note 249, p.67. 589 François-Louis MICHAUD, « Gestion d’actifs et dérivés de crédit : opportunités et incertitudes »,

(2005) 79 R.E.F. 4. 590 SGF Soquia inc. c. Compagnie nationale de forage et sondage (1991) inc., 2010 QCCA 969 (CanLII).

En ligne : < http://canlii.ca/t/29sjd > (consulté le 20 mars 2017).

Page 218: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

204

que : « Lorsqu’une vente de droits litigieux a lieu, celui de qui ils sont réclamés est

entièrement déchargé en remboursant à l'acheteur le prix de cette vente, les frais et les

intérêts sur le prix, à compter du jour où le paiement a été fait.»

Si les créances sont exemptes de tout doute, elles seront regroupées dans un

portefeuille selon leur homogénéité et ceci afin d’être transférées. Par la suite, les titres

seront émis sur la base de ce portefeuille. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ces

créances représentent la première garantie pour les investisseurs.

Par ailleurs, les agences de notation suivent différentes étapes pour évaluer les créances

et les titres de la titrisation :

a-) premièrement, elles doivent s'assurer de la qualité des créances. Comme nous

n’avons de cesse de le dire, les créances représentent la raison d’être de l’opération de

titrisation. Cette évaluation des créances passe par la crédibilité des emprunteurs et les

performances financières de la banque cédante. Dans cette étape, il serait important

d’évaluer également l’émetteur (trust, véhicule de titrisation), afin de voir si cette

dernière a une structure appropriée pour gérer les créances dédiées à la titrisation sans

pour autant s’adonner à d’autres opérations connexes.

b-) Dans un deuxième temps, il serait important de réviser les différentes étapes à la

titrisation et principalement l’étape du contrat591 entre la banque et le véhicule de

titrisation. Ensuite, il faudrait s’assurer que les différents intervenants ont un moyen de

recours direct en cas d’insolvabilité ou de faillite. Il serait alors important de pouvoir

retracer les titres. En d’autres termes, il faudrait s’assurer que la banque réponde de sa

responsabilité en ce qui concerne la créance cédée. En cas de défaut, l’émetteur devra

répondre aux différents investisseurs. Mais il n’en demeure pas moins vrai que la

banque a également une part de responsabilité dans le processus. De plus, si la créance

cédée est garantie par une hypothèque par exemple, elle devra être mentionnée dans le

contrat.

c-) Enfin, l’agence de notation doit évaluer la crédibilité des intervenants et les

différentes structures mises en place pour l’opération.

Il faudrait savoir qu’en fin de compte, les titres émis sont garantis, non pas par la

591 Comme nous l’avons précédemment mentionné, ce contrat est appelé Trust Agreement en droit anglo-

saxon.

Page 219: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

205

capacité d’une banque à rembourser ses dettes, mais plutôt par la qualité des actifs à

titriser, appelés aussi actifs sous-jacents.

B. L’émission des titres de créances (tranchéisation)

Lorsque la banque cède les créances, le véhicule de titrisation se charge

d’émettre de tranches (titres) de différents profils de rendement revendues aux

investisseurs. Il existe plusieurs catégories de titres issues de la titrisation classique. En

effet, ces créances titrisées, dérivées de la créance initiale appelée communément actif

sous-jacent, sont issues des contrats qui, passés entre un acheteur et un vendeur, fixent

les flux financiers fondés sur ceux d’un actif sous-jacent. Ces titres de créances se

distinguent par le portefeuille de support, et leurs noms varient selon le support en

question. Nous distinguons :

- Les titres adossés à des prêts hypothécaires liés au financement de biens

immobiliers de manière générale (Mortgage-Backed Securities, MBS) ou des prêts

immobiliers résidentiels, dont les subprimes (Residential Mortgage-Backed Security).

Les MBS représentent la forme la plus achevée de la titrisation aux États-Unis.

- Les titres adossés à un portefeuille homogène de créances non hypothécaires

(Asset-Backed Securities, ABS). Il s’agit des marges de crédit, des prêts à la

consommation, des encours de cartes bancaires, des prêts étudiants et des prêts

automobiles.

- Les titres adossés à des portefeuilles divers (Collateralized Debt Obligations,

CDO). Les CDO ont été responsables en grande partie du gonflement de la bulle

financière qui a éclaté en 2008 causant ainsi la crise des subprimes. Nous distinguons

les CDO classiques comprenant les portefeuilles d’obligations ou de prêts

commerciaux; et les CDO synthétiques qui ont comme support les contrats de CDS592.

Ces produits ont connu une évolution échelonnée dans le temps. Les premières

titrisations portaient sur des créances immobilières qui s’étendaient sur le long terme

et qui bénéficiaient d’une hypothèque (MBS). Progressivement, les titrisations furent

592 Infra, p.218.

Page 220: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

206

adossées à des créances à court terme (ABS). En outre, au début les créances cédées

étaient homogènes; aujourd’hui, elles sont de plus en plus hétérogènes (CDO)593.

Au Canada, le produit dérivé qui a été le plus utilisé lors de la crise des

subprimes est le papier commercial adossé à des actifs (PCAA)594. Ce PCAA, encore

appelé billet de trésorerie, est un titre de créance adossée à des actifs qui permet aux

entreprises d’emprunter à court terme auprès des investisseurs sans forcément passer

par le système bancaire595.

Figure 3 : Titres émis selon la nature du sous-jacent.

Dans le but de faciliter l’analyse du risque lié au portefeuille à transférer, les actifs

cédés doivent normalement être de même nature. Nous pourrions par exemple avoir un

portefeuille de crédits hypothécaires résidentiels, un portefeuille de crédits

hypothécaires commerciaux, des crédits automobiles, les encours sur les cartes de

593 Y. SIMON et D. LAUTIER, préc. note 326, p.21 594 Plus précisément PCAC : papier commercial adossé à des créances. 595 « Avant la crise financière, l’encours du papier commercial adossé à des actifs (PCAA) a atteint un

sommet de 120 milliards de dollars, qui représentaient 50% du volume des titres privés du marché

monétaire », J. SELODY et E. WOODMAN, préc. note 372, p.57.

Sous-jacents

Créances

hypothécaires

Créances non

hypothécaires

Obligations

diverses

Véhicule

de

titrisation

Mortgage-

Backed Securities

(résidentielles et

commerciales)

Asset-Backed

Securities

(PCAA)

Collateralized

Debt Obligations

Page 221: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

207

crédit, etc. Cependant, lors de la crise, afin de déjouer la vigilance des autorités de

régulation, des agences de notation et même des investisseurs, les banques ont mélangé

des créances de natures différentes ; ce mélange contenait également des créances de

bonne qualité et des créances de mauvaise qualité596. Cela a biaisé l’évaluation des

agences de notation.

Précisons également que le titre adossé à ces créances confère à son porteur un

droit de propriété sur les créances titrisées.

C. Flux financiers générés par la créance titrisée

En ce qui concerne les flux financiers, les portefeuilles de crédits à partir desquels

sont émis des titres correspondants à différents profils ou tranches de risques

déterminent le niveau de la rémunération. « La valeur des titres émis par un organisme

de titrisation est fonction des actifs auxquels ils sont adossés. »597 En effet, la valeur

des titres émis peut changer à la hausse ou à la baisse et sans véritable relation avec

l’actif dont ils dérivent.

Si nous allons plus loin dans le montage de l’opération, nous distinguons différentes

structures d’émission pour ces créances titrisées dans une titrisation classique : la

technique du pass-through et la technique du pay-through. Le pass- through, créé par

une agence fédérale américaine, Gorvernement National Mortgage Association

(GNMA), a pour objectif de « protéger les prêteurs contre les remboursements

anticipés. »598Les créances hypothécaires sont rassemblées dans un portefeuille par la

banque; ensuite, ce portefeuille est cédé au véhicule hors bilan qui va se charger

d’émettre les titres représentant un droit de propriété indivis. Précisons que les titres

ainsi émis sont affectés par les changements de taux d’intérêt appliqués sur l’actif sous-

jacent. Par la suite, les investisseurs vont acquérir ces titres et les revenus de l’actif

sous-jacent leur seront reversés au prorata de leur participation. Le pass-through est

une véritable cession de créances; le cédant (la banque émettrice) va reverser tous les

596B. MAUREL et P. WAHL, «Éthique ou crises», Extraits d’une communication faite le 31 janvier 2009

à l’Unité de Recherche de l’Institut Sens et Croissance de Sereys (Haute Loire), p.6. En ligne :

< http://www.sensetcroissance.org/wp-content/uploads/2011/10/Ethique-ou-crises-01.2009.pdf>

(consulté le 15 janvier 2016). 597 André PRÜM et al. La titrisation, coll. « Vie du droit bancaire et financier », Louvain La Neuve,

Anthemis, 2008, p.26. 598 J. K. THOMPSON, préc., note 230, p.18

Page 222: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

208

fonds provenant des débiteurs (emprunteurs) au véhicule hors bilan qui les reversera

progressivement aux investisseurs, et ceci, quel que soit le mode de remboursement.

Les investisseurs acquièrent donc une participation directe et sont rémunérés

directement et régulièrement par les flux générés par le portefeuille d’actifs.

Cependant, les emprunteurs ne sont généralement pas au courant que les intérêts qu’ils

versent vont directement aux investisseurs. Ce qui n’est pas normal, car dans une

cession de créances comme prévu par la loi, le cédant, le titulaire de la créance et le

cessionnaire doivent être au courant des détails du contrat. D’ailleurs, l’article 1641 du

Code civil du Québec est très précis sur la question :

La cession est opposable au débiteur et aux tiers, dès que le débiteur y a

acquiescé ou qu'il a reçu une copie ou un extrait pertinent de l'acte de

cession ou, encore, une autre preuve de la cession qui soit opposable au

cédant. Lorsque le débiteur ne peut être trouvé au Québec, la cession est

opposable dès la publication d'un avis de la cession, dans un journal

distribué dans la localité de la dernière adresse connue du débiteur ou, s'il

exploite une entreprise, dans la localité où elle a son principal

établissement.

En cas de remboursement anticipé avec la technique pass-through, l’investisseur

est exposé dans ce sens où il court un risque de baisse du taux d’intérêt. Par contre, en

cas de défaillance des débiteurs, les effets ne sont certes pas répercutés sur les

investisseurs, mais il existe un défaut de précision juridique quant aux différents

recours que pourraient avoir ces investisseurs. De manière générale, précisons que

« [l]'investisseur n'a aucune garantie de dégager un rendement positif de son placement.

Il a seulement la garantie qu'il récupérera la totalité de son placement initial, à condition

de conserver les billets jusqu'à l'échéance. Si l'investisseur demande le rachat des titres

avant l'échéance, il peut réaliser une perte en capital réelle sur son placement. »599

Contrairement au pass-through, avec la technique du pay-through les titres sont

émis par le véhicule de titrisation et alimentés par le titre sous-jacent, mais dont les

caractéristiques ont été adaptées pour répondre aux besoins des investisseurs. Ici, les

investisseurs n’ont pas de participation directe dans le portefeuille titrisé, ils ont

simplement investi dans un instrument de dette adossé à un pool d’actifs. Les flux

599 ASSOCIATION CANADIENNE DES COURTIERS EN VALEURS MOBILIERES, Analyse de la règlementation

des fonds de couverture, Groupe de travail sur les fonds de couverture, 18 mai 2005, p.18.

Page 223: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

209

proviennent des actifs sous-jacents au véhicule de titrisation qui les restructure et les

distribue aux souscripteurs. Avec cette technique, le véhicule de titrisation a la

possibilité de réinvestir les excédents à court terme; ce qui n’est pas possible avec la

technique du Pass-through. Les obligations hypothécaires garanties (collateralized

mortgage obligations, CMO), créées par Freddie Mac, représentent la forme la plus

répandue de la technique pay-through.

Cependant, dans le développement des marchés, les créances titrisées s’éloignent

de plus en plus des actifs qui les sous-tendent600. Par exemple, si la banque vend un

portefeuille de créances à un acheteur qui à son tour le cède après tranchéisation à des

investisseurs. À leur tour, ces investisseurs ont la possibilité de se couvrir contre une

éventuelle défaillance des titres souscrits à l’aide des dérivés de crédit. Nous

remarquons que les liens entre les différents participants ont eu le temps de s’imbriquer.

L’allocation des obligations et des responsabilités s’avère alors difficile. Par

conséquent, si l’une des parties ne respecte pas sa part du contrat, il ne sera pas aisé de

déterminer celui à qui le recours sera adressé.

D’autres instruments permettent non pas de transférer la créance, mais de transférer

le risque qui lui est associé. Il s’agit des dérivés de crédit.

Figure 4 : Les étapes du placement

Portefeuille

de créances

CDO

Fonds Fonds

600 Henri KELADA, Précis de droit privé québécois, Montréal, SOQUIJ, 1986, p.321.

Banque

Créances

Véhicule de

titrisation

CDO

Créances CDO

CDO

Investisseurs

Page 224: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

210

Sous-section II : Les instruments de transmission de risques les dérivés de

crédit

La titrisation peut également permettre à la banque de se défaire uniquement du

risque de certains actifs en le transférant sur le marché, sans pour autant transférer la

propriété de ces actifs. Les actifs demeurent alors dans le bilan de la banque : il s’agit

alors de la titrisation synthétique qui ne permet pas forcément le refinancement de la

banque.

L’option de la titrisation synthétique s’est présentée à la banque comme une

opportunité dans le sens où, avec la titrisation classique, les banques n‘avaient plus

droit à la rémunération des créances sous-jacentes qui étaient cédées au véhicule de

titrisation. Il fallait alors une alternative qui permettrait de se couvrir du risque et de

refinancer sans toutefois se séparer de la créance sous-jacente601. Avant d’analyser

l’instrument financier par excellence de couverture de risque, le dérivé sur évènement

de crédit, encore appelé couverture sur défaillance (Credit Default Swaps), revenons

sur la notion de dérivés de crédit.

A. La notion de dérivés de crédit

De manière générale, ces instruments financiers permettent de couvrir le risque

associé à la variation du prix du sous-jacent. Nous distinguons trois catégories de

dérivés de crédit602 :

1- Les contrats à terme.

On distingue les forwards et les futures. Les forwards sont des contrats qui

engagent une partie à vendre un titre à l’autre partie, à une date ultérieure fixée, et à un

prix fixé. Ils peuvent être utilisés pour se couvrir contre le risque des taux d’intérêt. Ces

contrats sont souples, mais ils sont soumis au risque de défaut de la contrepartie et leur

marché est peu liquide. Prenons l’exemple d’un contrat forward qui consiste pour une

601 La première opération de cette nature a été réalisée par JP Morgan en 1998 avec le CDO dénommé

BISTRO. Lire Mark J. P. ANSON, Frank J. FABOZZI, Moorad CHOUDHRY et Ren-Raw CHEN, Credit

Derivatives: Instruments, Applications, and Pricing, vol. 133, Hoboken, New Jersey, John Wiley &

Sons, 2004, p.150. 602 Voir Juliette D’HOLLANDER, « L’émergence des produits dérivés : Le cas du Québec», (1996) 37 C.

de D. 337.

Page 225: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

211

banque X de vendre dans un an à une autre institution financière Y des titres de dettes

à 100 000 dollars et dont le taux d’intérêt actuel est de 10 %, à un prix défini tel que

ces titres rapportent le même taux d’intérêt que celui d’aujourd’hui, c’est-à-dire 10 %.

Si nous supposons que X ait acheté ces titres à 100 000 dollars au taux de 10 %, il

s’expose à une augmentation du taux d’intérêt, car l’échéance peut être longue. Et si

jamais le taux d’intérêt augmente, le prix des titres va baisser et X va réaliser une perte.

Ainsi, à travers le forward elle est certaine de vendre ces titres dans un an à un prix fixé

aujourd’hui. Pour Y, l’inquiétude est contraire. Elle peut craindre la baisse du taux

d’intérêt de ces titres. Mais grâce au forward, Y a la garantie d’obtenir ces titres au taux

de 10 %. Toutefois, l’inconvénient de cet instrument est le risque de contrepartie. En

effet, si le taux d’intérêt augmente et que le prix des titres chute, Y peut alors décider

de faire défaut au contrat forward proposé par X afin de se procurer ces titres sur le

marché à un prix relativement bas. Afin de prévenir un tel risque, chaque partie

contractante devrait longuement s’informer sur la capacité financière et la bonne foi de

l’autre.

Un future est proche d’un forward dans ses caractéristiques, mais à la différence

qu’il s’échange sur un marché organisé. Il n’est donc pas soumis, au contraire du

forward, au risque de contrepartie, et ne souffre pas de problème de liquidité. Les

futures peuvent être utilisés pour se couvrir contre le risque de taux d’intérêt également.

2- Une option

C’est un contrat qui donne à son détenteur le droit, mais pas l’obligation,

d’acheter (call) ou de vendre (put) l’actif sous-jacent à un prix déterminé (prix

d’exercice) et à une date ou pendant une période déterminée. Le prix d’une option est

désigné sous le terme de prime ou premium. Nous distinguons l’option américaine qui

peut être réalisée en tout temps dans le contrat et l’option européenne qui ne peut être

réalisée qu’à l’échéance. Prenons l’exemple de la société ABC. Le prix d’exercice de

l’action de cette société est de 50 dollars, pour une prime de 10 dollars à échéance de

6 mois. Entre-temps, le cours de l’action passe à 80 dollars. L’acteur financier pourra

ainsi réaliser son option d’achat; il achètera l’action à 50 dollars et le revendra à 80

dollars. Il fera un profit net de 20, c’est-à-dire la différence entre le prix d’achat et le

prix de vente, moins la prime (10 dollars) payée pour l’option.

Page 226: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

212

Pour l’option de vente, considérons le même exemple. Étant donné que le cours

de l’action a augmenté, l’acteur financier a tout intérêt à ne pas réaliser son option de

vente parce que le prix d’exercice de l’option est inférieur au cours de l’action: prix

d’exercice (50 dollars) – la valeur actuelle de l’action (80 dollars) = -30; à ce montant,

il faudra également soustraire la prime payée au départ. Il gagnerait davantage en

vendant directement l’action sur le marché. En revanche, si le cours de l’action baisse

à 20 dollars. Il le vendra à 50 dollars et réalisera un bénéfice de 20 dollars (toujours en

soustrayant la prime).

3- Les contrats d’échange (swaps)

« Un swap est un contrat passé entre deux parties portant sur l’échange de flux

de paiements futurs. »603 Le contrat définit les dates auxquelles les flux de trésorerie

doivent être payés et la manière dont ils doivent être calculés. Généralement, le calcul

des flux de trésorerie implique la valeur future d'un taux d'intérêt ou d'un taux de

change. Prenons l’exemple du swap sur taux d’intérêt : dans un tel contrat, une partie

convient d’échanger avec l’autre un taux d’intérêt fixe ou variable sur un montant

nominal de principal contre un taux d’intérêt variable ou fixe sur le même montant

nominal, et ce, sur une période convenue au départ 604 . Aucune transaction n’est

effectuée sur le capital : sont uniquement échangés les flux d’intérêts. Cette technique

permet de se couvrir contre le risque des taux d’intérêt et de réaliser des opérations de

couverture sur le long terme.

La banque X a contracté un prêt auprès de la banque Y, contracté à un taux fixe.

Si les taux viennent à baisser, la banque X ne pourrait pas profiter de cette baisse et

paierait plus cher son crédit. Généralement, le taux fixe ne peut être modifié qu’en cas

de remboursement anticipé ou de renégociation du prêt. Pour pallier la situation, la

banque X a une autre option : elle va conclure un swap avec une autre contrepartie, la

banque Z (banque de couverture), afin d’échanger le taux variable contre un taux fixe.

603Julian ALWORTH et Jean-Marie KERTUDO, « Les swaps, structure, marché et risques », (1993) 24

R.E.F.91. 604John KIFF, Uri RON et Shafiq EBRAHIM, « L’utilisation des swaps de taux d’intérêt et des swaps de

devises par le gouvernement fédéral », (2001) Revue de la Banque du Canada 26. En ligne :

https://www.banqueducanada.ca/wp-content/uploads/2010/06/kifff.pdf (consulté le 03 mars 2017).

Page 227: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

213

Ce contrat de couverture est indépendant du contrat de prêt initial. Si les prévisions

sont bonnes, la banque X bénéficiera alors d’une réelle protection.

Figure 5 : contrat d’échange sur taux d’intérêt605

Contrat initial

Taux fixe

X paie un taux variable

X reçoit un taux fixe Contrat d’échange (swap)

Banque X ne réalisera un bénéfice uniquement si le taux variable est inférieur

au taux reçu (taux fixe du swap).

Cependant, les swaps exposent les parties contractantes au risque de contrepartie,

car conclus de gré à gré, « ils ne sont assortis d’aucune garantie d’exécution explicite

telle que celle accordée par les chambres de compensation des bourses de contrats à

terme et d’options. »606 Néanmoins, un régime juridique normalisé a été développé afin

d’encourager les instruments conclus de gré à gré. Il s’agit des normes de l’ISDA

(International Swap and Derivatives Association). L’ISDA fournit des contrats-cadres

605 Ceci n’est qu’un exemple parmi tant d’autres de l’utilisation de la couverture d’échange pour les taux

d’intérêt. 606J. KIFF, U. RON et S. EBRAHIM, préc. note 504. p.26.

Banque X Banques Y

Banque Z

Page 228: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

214

standards que les parties vont utiliser comme référence pour encadrer leur transaction.

Ainsi, ce contrat-cadre va conditionner l’exécution des obligations des parties607.

L’analyse de ces différents instruments dérivés nous emmène à définir la notion

de marchés financiers. Les marchés financiers sont des marchés sur lesquels sont

négociés des instruments financiers. Nous distinguons les marchés organisés et les

marchés de gré à gré (« OTC » pour (over the counter). Un marché « organisé » ou

marché « règlementé » est un marché encadré par une autorité organisatrice. Le New

York Stock Exchange (Wall Street) par exemple est un marché organisé. Un marché

« de gré à gré » est un marché où n’intervient pas d’autorité régulatrice. En effet, à

l’inverse des marchés organisés, ces marchés ne sont pas règlementés par une autorité

et permettent des transactions directes entre les acteurs. Ils se sont avérés très opaques

et, en définitive, particulièrement dangereux pour l’économie mondiale. Faut-il donc

règlementer ces marchés de gré à gré? Rappelons que lors du Sommet de Pittsburgh en

2009, les pays du G20 ont décidé de :

Améliorer les marchés de gré à gré de produits dérivés : tous les contrats

de produits dérivés de gré à gré normalisés devront être échangés sur des

plates-formes d’échanges ou sur des plates-formes de négociation

électronique selon le cas et compensés par des contreparties centrales d’ici

la fin 2012 au plus tard. Les contrats de produits dérivés de gré à gré

doivent faire l’objet d’une notification aux organismes appropriés (« trade

repositories »). Les contrats n’ayant pas fait l’objet de compensation

centrale devront être soumis à des exigences en capital plus strictes. Nous

demandons au CSF et à ses membres d’évaluer régulièrement la mise en

œuvre de ces mesures et de déterminer si celles-ci sont suffisantes pour

améliorer la transparence sur les marchés des produits dérivés, atténuer les

risques systémiques et assurer une protection contre les abus des

marchés608.

Le Groupe de travail sur les produits dérivés de gré à gré au Canada a résumé ces

engagements comme suit :

1) Tous les contrats de produits dérivés de gré à gré normalisés devront être

échangés sur des bourses ou des plates-formes de négociation électronique,

lorsqu’il y a lieu, et compensés par des contreparties centrales d’ici la fin

de 2012 au plus tard.

607 Infra, pp. 214 et suiv. 608 SOMMET DU G20, préc.note 378.

Page 229: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

215

2) Les contrats de produits dérivés de gré à gré doivent faire l’objet d’une

notification aux référentiels centraux de données.

3) Les contrats ne faisant pas l’objet d’une compensation centrale doivent

être soumis à des exigences de fonds propres plus strictes609.

Ces engagements ont été adoptés par le Conseil sur la Stabilité Financière qui a

émis des recommandations 610pour aider les différents États à les mettre en œuvre.

B. Fonctionnement des instruments dérivés

Éléments caractéristiques de l’instrument financier à terme, les instruments

dérivés se trouvent cantonnés entre trois métiers de la banque : la banque, l’assurance

et la gestion d’actifs. Le risque de crédit est la courroie de transmission entre ces trois

industries. Seulement, en dehors du risque de crédit, plusieurs autres risques 611

gravitent autour de ce produit à savoir : le risque des taux d’intérêt, le risque de crédit

et de liquidité612, le risque opérationnel et le risque juridique.

Par ailleurs, l’instrument dérivé613, qui n’est pas un produit nouveau sur la sphère

financière puisque son origine remonte aux années soixante-dix, peut se définir

609 GROUPE DE TRAVAIL SUR LES PRODUITS DERIVES DE GRE à GRE, La réforme des marchés des dérivés

de gré à gré au Canada : document de discussion du Groupe de travail sur les produits dérivés de gré à

gré, 26 octobre 2010 p.6. En ligne : < http://www.banqueducanada.ca/wp-

content/uploads/2010/10/reforme.pdf >, (consulté le 15 janvier 2016). 610 Voir notamment: FINANCIAL STABILITY BOARD, To G20 Leaders. Progress and issues on the global

regulatory reform agenda, 24 juin 2010. En ligne: < http://www.fsb.org/wp-

content/uploads/r_100627a.pdf > (consulté le 15 janvier 2016) et FINANCIAL STABILITY BOARD,

Financial Stability Board releases report on improving OTC derivatives markets, 25 octobre 2010. En

ligne: < http://www.fsb.org/wp-content/uploads/pr_101025.pdf >, (consulté le 15 janvier 2016). 611 « Le risque en matière financière est un bien négociable, là où en droit, il n’est que source de

préjudice. Et encore, lorsqu’il n’est pas ignoré du droit. Car aucun texte ne donne une définition du

risque – le droit sait définir la force majeure, non le risque – même si certains articles du Code civil y

font référence. Ainsi, l’article 1138 qui énonce la règle res perit domino. De même, les articles 1383 et

1384 en matière de responsabilité délictuelle et les articles 1583 et 1624 portant sur le contrat de vente

sont utilisés par la jurisprudence pour connaître du risque sans pour autant le définir. Enfin les articles

1386-11 et 1386-12 ont, avec les textes ci-dessus évoqués, le risque pour dénominateur commun sans,

une fois encore, le définir. Le droit des assurances qui, par essence même, est un droit du risque, ne le

définit pas. Aussi bien, y aurait-il des questions qui ne se poseraient pas : la question du risque en serait.

Ou plutôt en fut, car la notion de risque est non seulement consubstantielle du dérivé de crédit (et plus

généralement de tous les produits dérivés), mais encore elle se révèle un critère distinctif essentiel

d’autres techniques juridiques de couverture contre le risque, de sorte que, désormais, une tentative de

définition s’impose », A. GAUVIN, préc., note 473, p.167. 612 Les chambres de compensation ont vu le jour pour pallier les effets du risque de contrepartie, plus

récurrent, s’il venait à se réaliser. 613 La plupart des dérivés de crédit sont habituellement nommés en français par l’expression « à terme »

(contrats à terme, instruments à terme, etc.). En anglais, nous distinguons les term, forward., future, etc.

Page 230: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

216

comme : « tout instrument permettant de valoriser et de transférer le risque de crédit

d’un actif sous-jacent en le désolidarisant des risques de marché à ce même actif. »614

Nous notons plusieurs autres définitions. Nous retiendrons la définition du Bureau du

Contrôle de la Monnaie (the Office of the Comptroller of the Currency, OCC) qui

fournit une définition générique et complète :

Financial derivatives may be broadly defined as financial instruments

which derive their value from the performance of assets, interest or

currency exchange rates, or indexes. Derivative transactions include a wide

assortment of financial contracts, including structured debt obligations and

deposits, swaps, futures, options, caps, floors, collars, forwards, and

various combinations thereof615.

D’après cette définition, l’instrument dérivé est donc un contrat. Ce contrat peut

avoir plusieurs qualifications. C’est :

- Un contrat consensuel. Le master agreement 616 de 2002 élaboré par

l’International Swaps and Derivatives (ISDA) Association le relève en sa section 9 (a)

comme suit :

This Agreement constitutes the entire agreement and understanding of the

parties with respect to its subject matter. Each of the parties acknowledges

that in entering into this Agreement it has not relied on any oral or written

representation, warranty or other assurance (except as provided for or

referred to in this agreement) and waives all rights and remedies which

might otherwise be available to it in respect thereof, except that nothing in

this agreement will limit or exclude any liability of a party for fraud.

La convention-cadre relative aux opérations de marché à terme publiée par la

Fédération bancaire française (FBF) le précise également dans son article 4 relatif à la

conclusion des transactions :

Article 4.1. Les Transactions sont conclues par tout moyen et prennent

effet dès l’échange des consentements des Parties. À cet effet, les Parties

Ce sont les expressions américaines qui sont les plus utilisées par les professionnels. Ainsi, elles sont

plus précises et simplifient la réalité. 614 François HAAS, « Credit derivatives : de nouveaux instruments financiers », (1996) 568 Revue

Banque 48 615 BANKING CIRCULAR 277, COMPTHROLLER OF THE CURRENCY, ADMINISTRATOR OF NATIONAL

BANKS, « Risk management of financial derivatives », 27 octobre 1993, p.4. 616 L’accord-cadre de l’ISDA est un cadre de référence permettant aux dérivés de gré à gré d’avoir une

documentation complète et flexible. Il est généralement convenu entre deux parties et s’applique à toutes

les transactions conclues entre elles. L’accord est généralement utilisé pour les dérivés de gré à gré à

l’international.

Page 231: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

217

(i) s’autorisent mutuellement à procéder à l’enregistrement des

conversations téléphoniques relatives à la conclusion et à l’exécution de

leurs Transactions (ii) fournissent toute notification nécessaire de ces

enregistrements au personnel concerné et (iii) consentent à ce que ces

enregistrements soient produits en justice à titre de preuve au cours de toute

procédure entre les Parties.

- Un contrat synallagmatique

- Un contrat à titre onéreux, car il astreint les parties à donner ou à faire quelque

chose.

- Un contrat aléatoire : les avantages ou les pertes qui résultent de la signature de

ces contrats dépendent d’un évènement incertain, qui est l’évolution d’une variable

économique. Voilà pourquoi ils sont généralement assimilés au contrat d’assurance;

- Un contrat à exécution successive et à durée déterminée : il est conclu pour une

durée déterminée, de sorte que, par principe, les parties n’ayant pas de droit de

résiliation unilatérale soient tenues jusqu’à son terme. Les conventions précédemment

mentionnées du FBF et de l’ISDA prévoient des clauses de défaut ou de résiliation617.

Selon l’article 5 (b) de l’accord-cadre de l’ISDA, une modification législative

invalidant un contrat swap est un cas de résiliation.618

- « OTC derivatives are typically executory contracts »619 : Un dérivé de crédit

est un contrat exécutoire; une fois qu’il a été conclu entre les parties, les obligations

commencent à courir.

La documentation juridique doit jouer le rôle de standardisation des contrats.

Certes, une certaine flexibilité est admise afin de conserver les innovations financières.

Il serait mieux d’appliquer les contrats-cadres de l’ISDA, car il pourrait y avoir une

divergence d’interprétations des clauses 620 . La standardisation contractuelle des

produits dérivés permet de gagner en temps, en argent et en énergie. En effet, « plus

les agences de notation qui analyseront les titres émis retrouveront des documents

standards, meilleure sera la cote accordée et moins les investisseurs réclameront de

617 Voir l’article 7 de la convention-cadre du FBF et la section 5 du Mater Agreement de l’ISDA. 618 J. D’HOLLANDER, préc. note 602, p.395. 619 Mark A. GUINN et william L. HARVEY, « Taking OTC Derivative Contracts as Collateral», (2002) 57

The business lawyer 1137. 620 B. DU MARAIS et P. FROUTE, préc. note 343, p. 267.

Page 232: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

218

prime d’incertitude à l’égard des titres qu’ils achètent. »621 En plus, cela va éviter aux

banques d’innover sur un produit connu des investisseurs.

Les instruments dérivés sont donc des contrats et selon le principe de l’autonomie

de la volonté en droit civil, le contrat est formé dès l’échange du consentement des

parties. Les dérivés de crédit ont été créés dans un environnement où il existe un grand

laxisme règlementaire. Nous relevons alors l’importance de s’attarder sur la rédaction

contractuelle au moment de négocier un dérivé de crédit. Il doit reposer sur une base

solide :

Sur le plan du droit, on voudrait être sûr que tous ces nouveaux produits,

qui voient le jour sans discontinuer, tous ces contrats de gré à gré,

notamment, copiés en certaines de leurs dispositions sur les contrats en

usage aux États-Unis ou en Grande-Bretagne, reposent sur les bases

juridiques solides selon le droit français et ne correspondent pas à des

châteaux de cartes dont une chiquenaude provoquerait l’effondrement622.

L’existence précède l’essence : par leur complexité, les dérivés de crédit ont une

existence nettement marquée, et l’observation des manifestations de leur existence

permet de dégager leur essence juridique623. Le respect de cette complexité et cette

essence juridique pourrait constituer le point de départ pour un meilleur encadrement

du produit.

En outre, ils évoluent sur la sphère internationale, mais sont confrontés au

particularisme des différents ordres juridiques. Par exemple, un tribunal ou une tout

autre autorité règlementaire peut invalider un contrat financier624. Un dérivé de crédit

peut violer une disposition juridique locale; ou encore la modification législative d’une

loi peut remettre en cause la légalité d’un dérivé de crédit625.

L’inventivité associée aux instruments dérivés n’a plus de limites. D’ailleurs,

« il est désormais possible pour les institutions financières de développer les produits

dérivés correspondant aux besoins particuliers de chaque client. »626 Il existe donc une

grande diversité sur les marchés des dérivés de crédit. C’est dire combien la situation

621 P-D. LEROUX, préc. note 333, p.152. 622 Michel VASSEUR, « Sécurité financière et droit », (1991) 18 R.E.F. 113. 623 S. AGBAYISSAH, préc. note 582, p.19. 624 Anatoli KUPRIANOV, « Over the counter interest rate derivatives », (1993) 79 /3 Economic quaterly

65. 625 David SHIRREFF, « Danger-kids at play », (1995) Euromoney 46. 626 J. D’HOLLANDER préc., note 602, p.379-380.

Page 233: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

219

est alarmante et doit interpeller plus d’un. La prolifération de ces dérivés de crédit est

liée au contexte international dans lequel ils évoluent.

À la base conçus pour réguler les risques liés à la fluctuation des marchés, les

instruments dérivés ont eu pour résultat de l’amplifier. En effet, ils améliorent la

liquidité certes, mais faussent le suivi et la gestion des risques.

Remarquons que, puisque les instruments dérivés ont été majoritairement

développés aux États-Unis, ils ont hérité d’une technique contractuelle conçue par des

praticiens anglo-saxons. Les juridictions de droit civil ont eu la laborieuse tâche de

l’adapter à leur contexte. Au Québec par exemple, la Loi sur les instruments dérivés

encadre les dérivés de crédit, contrairement aux provinces de l’Ontario et du Manitoba

qui n’ont que les lois sur les marchés standardisés627. Cette loi couvre au Québec aussi

bien les marchés organisés que les marchés de gré à gré. Par ailleurs, il faudrait préciser

que la Loi sur les instruments dérivés est distincte de la Loi sur les valeurs mobilières

parce que les instruments dérivés sont tellement importants qu’il a fallu les doter d’un

cadre juridique approprié. Aussi, selon la Loi sur les instruments dérivés, un dérivé

signifie « une option, un swap, un contrat à terme ou tout autre contrat ou instrument,

dont le cours, la valeur ou les obligations de livraison ou de paiement sont fonction

d’un élément sous-jacent. »628

Par ailleurs, les instruments dérivés ont rendu négociables des instruments qui

ne l’étaient pas ou peu (prêts bancaires, obligations privées, etc.). Lorsqu’une banque

octroie un prêt à un emprunteur, elle ne reçoit pas de titre matérialisant la transaction.

Le document représentant l’offre de crédit est alors non négociable. L’instrument de

dette devient négociable lorsqu’il passe de la catégorie de prêt à celle de titre de

créance. La requalification d’un prêt en titre de créance survient lorsque, pour se

financer, la banque émet sur les marchés, à travers un véhicule d’investissement, des

titres de créances ayant pour sous-jacent les prêts qu’elle a octroyés. Ces titres seront

souscrits par les investisseurs. Ces derniers vont utiliser des dérivés de crédit pour

627

Loi sur les instruments dérivés, RLRQ chapitre I-14.01, Commodity Futures Act, R.S.O. 1990, c.C.20

(Ontario) et Loi sur les contrats à terme de marchandises, cplm. C. C152. 628 Jean- Francois BERNIER, « La loi sur les instruments dérivés : aperçu et commentaires», dans Marc

LACOURSIERE, Geneviève BRISSON, Mario NACCARATO, Raymonde CRETE (dir.), La confiance au cœur

de l’industrie des services financiers : actes du colloque tenu à l’université Laval, le 18 septembre 2009,

Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009, p.105.

Page 234: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

220

effectuer de bons placements. La banque initiatrice peut également acheter des dérivés

de crédit pour se couvrir contre un défaut de paiement des investisseurs. Ainsi, le

contrat de prêt, qui était initialement conclu entre la banque et son client, devient

négociable sur les marchés.

En outre, les instruments dérivés permettent également : la couverture de

risque; l’accès à des marchés différents, l’arbitrage et la spéculation629. En effet, ce sont

des outils qui permettent aux institutions financières de réduire le risque dans leurs

différentes transactions financières. Concrètement, le titre dérivé permet au

souscripteur soit de se protéger contre l’évolution du cours du sous-jacent (instrument

de couverture) soit de tirer profit de cette évolution (instrument de spéculation)630.

Lorsque la valeur de l’actif sous-jacent baisse, l’acheteur du dérivé de crédit escompte

un profit; aussi, lorsque la valeur de l’actif baisse, le vendeur escompte un profit. Les

dérivés permettent d’une part de se couvrir contre l’éventualité d’une perte ; et d’autre

part de profiter de la fluctuation (à la hausse ou à la baisse) d’un actif sur les marchés.

Par ailleurs, lorsqu’une institution financière s’engage à acheter un actif, elle

est dans une position longue631. Dans ce cas, elle est exposée à un risque de marché

dans le sens où elle flirte avec l’incertitude sur les gains que pourrait apporter cet actif.

Inversement, lorsqu’elle s’engage à vendre un actif et à le livrer à une date ultérieure,

elle est dans une position courte. Et à ce niveau également, elle est exposée à un risque

de marché. Ainsi, les instruments dérivés interviennent pour réduire le risque en

utilisant la technique de la couverture (hedging). La couverture est une opération

financière qui permet donc de compenser une position courte632 par la prise d’une

position longue et vice versa. Les produits types de couverture sont : les forwards et les

futures.

Soit deux banques A et B. si A a acheté un actif (position longue), elle peut se

couvrir en s’engageant à vendre cet actif à B dans le futur, et inversement.

629 S. O’ CONNOR, préc. note 585, p.58. 630 Thierry BONNEAU et France DRUMMOND, Droit des marchés financiers, 3e édition, Paris, Economica,

2010, P.213 631 La position longue correspond à une position d’acheteur. L’acheteur mise sur l’appréciation de la

valeur du titre. 632 La position courte correspond à une position de vendeur. L’acheteur mise sur la baisse du prix du

titre dans le futur.

Page 235: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

221

Figure 6 : Couverture de risques

Exemple : Soit une banque A qui veut se couvrir contre les risques liés à un

portefeuille d’actions qu’elle a acquis.

Ces instruments dérivés sont très complexes parce qu’ils font intervenir

plusieurs acteurs et plusieurs produits; également, plusieurs usages en sont faits. Ainsi,

il existe plusieurs types de dérivés de crédit, dont deux principaux :

Banque A

Achat

Actions

Banque B

1

Couverture

Paiement

du prix

fixé

2

Cède les

actions grâce

au Contrat à

terme :

Forward

ACTIONS

ABC

Page 236: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

222

- Le swap sur défaillance ou credit default swaps (CDS)

- Le titre obligataire lié à la valeur du crédit encore appelé credit linked notes

(CLN). Le CLN est créé à travers un véhicule de titrisation. L'investisseur achète, d’une

valeur nominale, des titres au véhicule. Ce dernier conclut un CDS avec un arrangeur

de transaction (un établissement de crédit). Les deux parties du contrat de CDS sur

l'actif de référence sont donc l'établissement de crédit et le véhicule. Sachant que les

CDS sont des instruments non financés, les flux de capitaux que le véhicule a reçus de

la part de l'investisseur sont réinvestis dans des titres notés généralement AAA. Ces

titres, désormais dans le bilan du véhicule, servent de collatéral : en cas d'évènement

de crédit, les pertes provoquées par l'actif de référence par la vente de ce collatéral. Si

aucun évènement de crédit n'a lieu, l'investisseur reçoit les primes dans le cadre du

CDS et les intérêts payés par le collatéral.

C. Le CDS dans une opération de titrisation synthétique

Lors de la crise, le CDS a été le produit vedette de la couverture de risques. Avec

le CDS, la titrisation est qualifiée de synthétique. Contrairement à la titrisation

classique, dans la titrisation synthétique il n’y a pas de transfert de portefeuille de titres

au véhicule hors bilan; d’ailleurs, il n’y a tout simplement pas de transfert de propriété,

c’est uniquement le risque qui est transféré. Le marché des dérivés de crédit est en

expansion au même titre que l’opération de titrisation. L’instrument principal des

dérivés de crédit est le credit default swap (CDS). Encore appelés couverture de

défaillances ou dérivés sur évènements de crédit, les CDS sont des contrats financiers

bilatéraux de protection entre acheteurs et vendeurs; l’acheteur de couverture se

prémunit en fait contre un défaut de paiement d’un crédit.

Par ailleurs, le credit default swaps (CDS) peut également jouer le rôle d’assurance

sur une dette. À supposer que X prête une certaine somme à Y; X n’étant pas sûr d’être

remboursé, va s’adresser à Z, qui va l’assurer en cas de défaut de Y. X versera donc

une prime tous les mois à Z, et en échange de cette prime, Z paiera l’argent qu’il faut

en cas de défaillance. Si Y ne rembourse qu’une partie de la somme ou alors ne

rembourse pas du tout, Z donnera la somme manquante. Cette transaction est

généralement désignée de position de couverture sur CDS. Le processus devient plus

complexe avec les positions « nues ». « Le CDS permet en effet de s'assurer contre un

Page 237: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

223

risque qu'on ne court pas; celui qui contracte un CDS alors qu'il ne détient pas

l'instrument de dette contre le risque duquel il s'assure prend une position que l'on

appelle “’ nue”. »633 Ce CDS nu est généralement appelé « assurance sur la voiture du

voisin ». Nous notons donc l’arrivée d’une quatrième personne dans la chaîne : X a

prêté 100 $ à Y. W se rend chez Z et lui demande de l’assurer contre le fait que Y ne

remboursera peut-être pas X.

Dans une titrisation synthétique, l’initiateur transfère le risque de crédit associé aux

prêts au véhicule de titrisation en payant une prime de protection CDS. Le véhicule de

titrisation est donc le vendeur de protection et il s’oblige à payer le montant convenu

au moment de la réalisation du risque. Contrairement à la titrisation classique,

l’initiateur ne cherche pas toujours à se financer, mais à gérer le risque. La titrisation

synthétique peut être financée (funded) ou ne pas l’être (unfunded). Lorsqu’elle est

financée, l’acheteur de protection cède le risque et en même temps, fait disparaître de

son bilan l’actif risqué; le vendeur de protection à son tour va inscrire la créance à son

bilan, et cette créance servira de garantie (collatéral). Si l’évènement de crédit pour

lequel la banque a voulu se protéger se concrétise avant la fin de la couverture, le

vendeur de CDS lui verse la valeur nominale des créances défaillantes.

La titrisation est dite non financée lorsqu’il n’y a pas de transfert d’actif et par

conséquent, pas de paiement de prix. L’initiateur achète un CDS et émet des tranches

de CDO. Les primes payées sont distribuées aux investisseurs en fonction de la

séniorité de leur tranche. En cas d’évènement de crédit, les investisseurs devront alors

indemniser l’initiateur en fonction de leur tranche. Cela dépendra toutefois aussi de la

solvabilité des investisseurs.

Cependant, si l’initiateur gère le risque attaché aux prêts, avec la titrisation

synthétique un autre risque est tout de même né : celui de l’incapacité du véhicule de

titrisation à payer le montant de la protection le moment venu.

Le principe est simple. Prenons une banque qui détient un portefeuille de prêts dont

elle sait qu’il est exposé à un risque et pour lequel elle veut se protéger tout en

conservant ce portefeuille dans son bilan. Pour se couvrir, elle va acheter un CDS, une

protection. Elle va transférer le risque au vendeur de protection en contrepartie d’une

633 Paul JORION, Le Capitalisme à l'agonie, Paris, Fayard, 2011, p. 80.

Page 238: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

224

prime d’assurance. Pour illustrer notre propos, prenons par exemple une Banque A qui

prête de l’argent à un emprunteur B. Pour se prémunir contre un éventuel risque de

défaut de paiement et afin de toujours garder la créance dans son bilan634, A va acheter

un CDS à un acteur financier C (le plus souvent dans les assurances) et lui versera une

prime (trimestrielle, semestrielle ou annuelle) jusqu'à la maturité ou jusqu'à

l'évènement de crédit (éventuelle défaillance de B). Si B rembourse son prêt sans tracas

et ne fait pas défaut, rien ne se passe, le contrat suit son cours. En revanche, si B fait

défaut, C se chargera de dédommager A et recevra de celle-ci, l’obligation ayant fait

défaut. Ainsi, le CDS permet donc à la banque d’accorder autant de prêts qu’elle le

souhaite et de ne prendre aucun risque sur les risques de défaut de ses clients. Il joue le

rôle d’un contrat d’assurance635. Avec cette technique, la banque se dédouane de toute

responsabilité; elle ne vérifie plus convenablement les conditions de solvabilité de

l’emprunteur et transfère cette responsabilité aux vendeurs de CDS. De plus, cette

technique est plus souple et économique pour la banque, car il n'y a pas de coûts de

gestion associés au transfert des crédits et nous pouvons y inclure des produits hors

bilan636.

Dans le cas spécifique de la titrisation synthétique, le processus se déroule comme suit :

après que l’initiateur ait payé sa prime de risque et transféré le risque au véhicule, celui-

ci émet des tranches de CDO. Le produit de la vente de ces tranches peut être réinvesti

dans des actifs sans risques (ordinairement des titres d’État) afin de servir de garantie

634 La créance n’est ni transférée au véhicule de titrisation ni au vendeur de CDS. L’initiateur peut donc

bénéficier des flux générés par l’actif sous-jacent. 635 Cependant, Un CDS pourrait apparaître en cela tout à fait conforme à une assurance traditionnelle.

Deux éléments permettent de comprendre qu’il n’en est rien. Il n’est, en premier lieu, pas nécessaire que

B détienne une créance sur C pour acheter un CDS l’indemnisant si un évènement de crédit survient. Le

CDS devient alors un moyen, comme ce fut le cas lors de la crise de la dette grecque, de spéculer sur le

risque de défaut d’un emprunteur. Si ce risque augmente, la valeur du CDS progresse, ce qui pénalise

les investisseurs qui souhaiteraient l’acheter pour se prémunir contre la défaillance de ce dernier. La

spéculation via les CDS peut de plus aggraver la crise d’endettement, car la hausse du prix du CDS

renforce le signal d’une dégradation de la qualité de l’emprunteur. Le spéculateur qui l’aura initialement

acheté pourra quant à lui le revendre par la suite en réalisant un profit. Les CDS sont en second lieu

négociés sur des marchés Over the Counter (OTC) particulièrement opaques, au point où, à la veille de

la faillite de Lehman Brothers, il était particulièrement difficile de savoir qui assurait qui et pour quel

montant, alors que le volume des CDS émis avait explosé entre 2000 et 2008. Loin de favoriser le

transfert efficace des risques comme ils étaient supposés le faire, les CDS ont, en raison de la structure

du marché sur lequel ils sont échangés, favorisé le risque systémique. 636 Le hors bilan désigne les éléments qui devraient se trouver dans le bilan de l’institution financière,

mais qu’ils ne le sont pas en raison de la transaction en cours (investissement) ou du non paiement d’une

dette.

Page 239: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

225

(collatéral). Les flux financiers générés par ces actifs sans risques et les primes perçues

sur les swaps de défaut contractés par le véhicule permettent de payer les investisseurs,

porteurs des tranches. En conclusion, ce sont les investisseurs qui préfinancent en

quelque sorte le montage, étant entendu qu’en cas d’évènement de crédit, le véhicule

est à même d’indemniser l’initiateur en vendant une partie des actifs sans risques

(garantie).

Page 240: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

226

Figure 7 : Couverture de risque dans une opération de titrisation synthétique

Exemple : Soit une Banque A qui veut gérer le risque d’un portefeuille de crédit de

100$.

Garantie de paiement

Garantie de paiement

Banque A

(Portefeuille de crédit de 100$)

Paiement de

protection en

cas de

réalisation du

risque

Dérivé de

crédit

(prime de

protection

de100$)

Véhicule de titrisation

Émission de CDOs

synthétiques (100$)

Investisseurs

Produit de la

cession des

tranches de

CDOs

Cession de

CDOs

(100$)

Titres de l’État

(Actifs sans

risques)

Réinvestissement

du produit de la

cession des

CDOs

Page 241: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

227

L’inquiétude vient du fait que le vendeur de CDS n’a pas de fonds propres à

respecter. En effet, le CDS est un contrat non financé. Cela signifie que pour vendre un

CDS, le vendeur n’est pas obligé de posséder un fonds de garantie ou encore de

respecter l’obligation de détenir les fonds propres minimums. Ainsi, le vendeur de CDS

se contente de recevoir les primes annuelles versées par la banque sans investir aucun

fonds, mais simplement en acceptant de supporter le risque. En d’autres termes, les

CDS permettent d’avoir de l’argent gratuit, ce qui incite les compagnies d’assurances

à se lancer dans la commercialisation de ce produit ésotérique. Lorsque les défauts

s’accumulent, le vendeur de protection n’a pas suffisamment de fonds propres pour

assurer et il ne parvient plus à faire face à ses engagements et fait faillite. Les banques

n’étant plus couvertes, à cause de la faillite de leurs assureurs, réalisent des pertes

pouvant entraîner leurs faillites, et tout s’écroule. Tout le système est donc entaché. Il

est donc nécessaire de rappeler que ce fin produit de la spéculation financière est

négocié de gré à gré et est très peu règlementé. Ils laissent ainsi la porte entrouverte à

plusieurs écueils. Tout commence avec le contrat de prêt. Lorsqu’une banque accorde

un prêt, elle doit s’assurer, comme nous l’avons précédemment mentionné, que

l’emprunteur est bien solvable et qu’il le restera jusqu’à la fin du contrat. Si ce travail

de vérification est bien fait, il n’y aurait plus d’intérêt à s’assurer contre un risque de

défaut.

Cependant, il serait important de préciser que le CDS ne joue pas seulement le

rôle de couverture de défaillance; il permet également à la banque de gérer son bilan

tout en respectant les ratios prudentiels de fonds propres. En effet, une banque possède

une limite au montant global de prêt qu’elle peut faire; limite fixée par les fonds qu’elle

possède (fonds propres), c’est-à-dire l’argent déposé chez elle par les particuliers et les

entreprises. Or en achetant un CDS, elle transfère le risque lié au prêt au vendeur du

CDS, ce qui lui permet de ne plus compter ledit prêt dans le montant global de son

passif. Elle peut donc en proposer de nouveau sans devoir chercher de nouveaux

déposants (fonds propres). Le CDS permet donc à la banque d’accorder autant de prêts

qu’elle le souhaite et de ne prendre aucun risque sur l’éventualité de la défaillance de

ses clients. Autant dire que dans ce cas, les banques vont chercher à accorder le plus de

prêts possible sans se demander si le prêt sera remboursé un jour. Il y a alors un transfert

de responsabilité de la banque vers les vendeurs de protection.

Page 242: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

228

L’affaire Abacus637 est l’histoire qui dévoile au grand jour, de manière fidèle et

réelle, les effets pervers du CDS. Abacus est le nom d’un produit financier complexe

inventé par deux traders de la Goldman Sachs, banque d’affaires au Wall Street. Ce

produit, un CDO à risque qui contenait les subprimes, a été créé à la demande du fonds

spéculatif de John Paulson, Paulson & Co, fidèle client de la banque. Ce produit a été

vendu par la suite à plusieurs investisseurs, qui ne se doutaient pas de l’état critique du

marché hypothécaire, car Goldman Sachs a laissé penser que les actifs étaient

sélectionnés par un gérant indépendant, ACA management ce qui n’était pas le cas.

Officieusement, c’est le fonds spéculatif qui sélectionnait les actifs du produit

financier. Jugeant que le marché immobilier allait s’effondrer, le fonds spéculatif

pariait sur la baisse des CDO Abacus, lesquels avaient déjà été souscrits par plusieurs

investisseurs qui croyaient que ces derniers étaient à la hausse. Pour parier, le fonds

spéculatif a placé des assurances sur Abacus sous forme de CDS. Chaque fois que le

risque se réalisait sur le produit financier, le fonds spéculatif recevait une prime. En un

an, le fonds a rapporté près de 5,7 milliards de dollars. Mais le corollaire, c’est la faillite

d’AIG, assureur mondial, qui s’était lancé dans la vente des CDS sur Abacus. Ceci a

provoqué une ouverture d’enquête par la Securities and Exchange Commission (SEC),

gendarme boursier aux États-Unis. Le 16 avril 2010, elle dépose une plainte contre la

banque d’affaires mettant en cause les pratiques frauduleuses mises en œuvre par celle-

ci afin de tromper la vigilance des investisseurs 638. En juillet 2010, la poursuite a été

abandonnée, car la SEC a conclu un accord avec Goldman Sachs qui s’est engagée à

payer 550 millions de dollars639. Au regard des bénéfices réalisés par la banque, cette

pénalité est mineure. Elle est alors loin d’être dissuasive pour les autres banques qui

seraient tentées d’organiser une fraude financière.

637Jean-François GAYRAUD, Grande Fraude (La): Crime, subprimes et crises financières, Odile Jacob,

2011, pp. 57-59. Claire A. HILL, «Bankers Behaving Badley - The Limits of Regulatory Reform», (2011-

2012) 31 Rev. Banking & Fin. L. 675. 638 Securities and Exchange Commission v. Goldman, Sachs & Co. and Fabrice Tourre, 10 Civ. 3229

(BJ) (S.D.N.Y. filed April 16, 2010). En ligne : < https://www.sec.gov/litigation/complaints/2010/com

p21489.pdf > (consulté le 12 mai 2018). 639 UNITED STATES DISCTRICT COURT, SOUTHERN DISTRICT OF NEW YORK, Consent of

defendant Goldman, Sachs & Co, 14 juillet 2010. En ligne : < https://www.sec.gov/litigation/litrelease

s/2010/consent-pr2010-123.pdf > (consulté le 12 mai 2018).

Page 243: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

229

Faut-il cantonner les dérivés de crédit dans un système comme solution à leurs

effets néfastes ou faut-il tout simplement les interdire? Pour notre part, la première

alternative serait à considérer. Nous pensons qu’il faut les laisser fonctionner librement

comme c’est le cas actuellement, mais d’être prêt à réagir si jamais il y a des

débordements. Nous pensons ici à des sanctions conséquentes aux dommages causés.

Cependant, il faudrait être vigilant : les cantonner dans un système, ils ne produiront

plus les mêmes effets; les interdire privera les acteurs financiers d’un bon outil de

financement et de gestion des risques. Il ne reste plus qu’à encadrer les motivations des

différents acteurs, banquiers et investisseurs.

Lors de la crise, il était également possible pour les investisseurs d’acheter des

CDS afin de se protéger contre la mauvaise qualité des créances sous-jacentes. La

commercialisation de la protection a pris une telle ampleur parce que certaines

institutions financières n’étaient pas assujetties à de fortes exigences de capitalisation

comme c’est le cas pour les banques. Ce manque de rigidité dans la régulation

prudentielle des vendeurs de protection a encouragé la prolifération des institutions

intermédiaires qui fonctionnaient dans l’« ombre ».

Page 244: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

230

Section III : La titrisation et les structures financières intermédiaires

La titrisation vise à mieux répartir les risques et élargir la quantité de fonds

disponibles pour les prêts. Aussi, le risque induit par le prêt initial est ainsi transmis

successivement à différents investisseurs. Nous comprenons la dimension de l’étendue

du problème lorsque l’on sait que le détenteur final de la créance n'est plus celui qui l'a

accordée et lorsque les banques ont une incitation moins forte à s'assurer de la

solvabilité des emprunteurs ou à limiter la quantité des crédits à risque.

De plus, c’est la désintermédiation dont il est question dans l’opération de titrisation

qui est en partie à l’origine du système bancaire parallèle (appelé système bancaire de

l’ombre ou encore shadow banking640). Selon le gouverneur de la Réserve fédérale,

Bernanke (2012), « examples of important component of the shadow banking system

include securititzation vehicles. »641 Quelle est la problématique du système bancaire

parallèle? Et quelles sont les principales structures mises en cause lors de la crise?

Sous-section I : Le système bancaire parallèle : une problématique

réelle

Le besoin de crédit ne faiblit pas sur le plan national. Au contraire, nous notons une

augmentation de la demande dans plusieurs pays642. Il arrive souvent sur les marchés

640 Parler du système bancaire de l’ombre peut tout de suite faire penser à des pratiques irrégulières ou

frauduleuses. Voilà pourquoi la plupart des autorités régulatrices lui ont préféré l’expression « finance

parallèle», «système alternatif» ou encore « système bancaire parallèle». Nous nous inscrivons dans la

logique de ce groupe de régulateurs. 641 Benjamin H. MANDEL, Donald MORGAN et Chenyang WEI, « The role of bank credit enhancements

in securitization », (2012) FRBNY, Economic P. Rev. 35. 642Selon STATISTIQUE CANADA, « De 1984 à 2009, la dette réelle moyenne des ménages canadiens a plus

que doublé, passant de 46 000 $ à 110 000 $. Le grand responsable a été la dette hypothécaire. Pendant

cette période, en général, l'endettement moyen des ménages a été inversement proportionnel à l'évolution

des taux d'intérêt. À mesure qu'ont diminué les taux d'intérêt, la dette moyenne des ménages a augmenté,

l'endettement étant devenu plus abordable. Depuis 2002, la croissance de la dette s'est accélérée. ». Matt

HURST, « Endettement et types de familles au Canada », Catalogue de Statistique Canada, 21 avril 2011.

En ligne : < http://www.statcan.gc.ca/pub/11-008-x/2011001/article/11430-fra.htm#a4 > (consulté le

25 mars 2015).

En France, « De 2005 à 2011, l’endettement total des ménages s’est nettement accru, prolongeant un

mouvement qui a débuté à la fin des années 1990. La hausse est essentiellement portée par la croissance

de l’endettement pour l’habitat : celui-ci est passé de 442 milliards d’euros début 2005 à 800 milliards

d’euros début 2011. », Marie-Émilie CLERC et Pierre LAMARCHE, « Les durées d’emprunts s’allongent

pour les plus jeunes », France, Portrait Social, 2013, p.4.

En ligne : < http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/FPORSOC13c_VE3_endettement.pdf>, (consulté le 11

juillet 2016).

Page 245: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

231

que les banques traditionnelles seules ne parviennent pas à respecter les exigences

prudentielles, notamment en ce qui concerne les ratios de fonds propres. Très souvent,

elles se retournent vers la finance pour trouver plus d’alternatives de financement et de

gestion de risques. Un mélange de genre entre les fonctions traditionnellement

imparties à la banque et à la finance se produit; et ce mélange est facilité par le

décloisonnement règlementaire de ces secteurs. En fait, l’arrivée des banques dans

l’espace financier dérèglementé a causé un développement exceptionnel du système

bancaire parallèle.

La titrisation est une meilleure illustration des fonctions hybrides de la banque et

de la finance643. Au départ, tout se passe dans l’espace bancaire, car le prêt est octroyé

par la banque. Ce sont les banques qui structurent l’opération, car elles sont plus près

de la clientèle. L’emprunteur et la banque ont alors une relation personnalisée.

Seulement, la banque doit attendre l’échéance du prêt pour réaliser un profit, et partant,

elle supporte le risque de contrepartie tout le long de ce processus. Afin de gérer ce

risque, les marchés financiers offrent une alternative aux institutions bancaires par le

biais des instruments de couverture de risque et des titres de créances. Ainsi, la banque

est exonérée de l’attente de la maturation de crédit pour tirer un profit et le risque de

contrepartie est géré, car transféré vers d’autres entités. Les instruments de transfert de

créances et de risques sont mis en place par des intermédiaires; la titrisation doit donc

sa réussite à ces derniers.

Comme il n’est pas nécessaire pour elles d’avoir les fonds propres pour fonctionner,

les institutions du système bancaire parallèle ont profité du succès de l’opération de

titrisation pour acquérir des créances enfin de les céder plus tard. Un problème de

gouvernance se pose avec ces institutions parallèles dans le sens où il n’y a aucun

mécanisme qui puisse les inciter à contrôler les qualités d’actifs qu’elles acquièrent

avant de les céder.

643Laurence SCIALOM etYamima TADJEDDINE, «Banques hybrides et règlementation des banques de

l’ombre», (2014) 1/22 Terre Nova.

En ligne : < http://tnova.fr/system/contents/files/000/000/119/original/17112014__-

_Banques_hybrides_et_re%CC%81glementation_des_banques_de_l_ombre.pdf?1432549161 >,

(consulté le 12 septembre 2016).

Page 246: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

232

Le Conseil de la Stabilité Financière 644 , définit le système bancaire parallèle

comme suit : « the system of credit intermediation that involves entities and activities

outside of the regular banking system »645. Il peut s’agir des fonds spéculatifs ou encore

des véhicules ou des conduits hors bilan que nous avons mentionné plus haut.

Contrairement aux banques traditionnelles, les établissements qui constituent le

système bancaire parallèle ne sont pas limités par des ratios prudentiels; ils sont

également très peu surveillés et très peu encadrés. Ils peuvent alors prêter et emprunter

sans se soucier de la situation du marché. Au Canada par exemple, les institutions qui

reçoivent les dépôts sont : les intermédiaires bancaires (banques, caisses populaires),

les sociétés de fiducie et de prêt, membres de la Société canadienne d’assurance-dépôts

du Canada (ou admissibles au fonds d’assurance-dépôts de l’AMF). Les sociétés

d’assurances peuvent également recevoir des dépôts646. En ce qui concerne l’octroi du

crédit, en plus des institutions de dépôts sus mentionnées, d’autres institutions

financières spécialisées dans le prêt à la consommation et certaines entreprises

commerciales (marchands de meubles, concessionnaires automobiles) distribuent

également le crédit à la consommation647. En France, le crédit a toujours été distribué

par des établissements agréés et surveillés comme les banques648. Aux États-Unis, c’est

différent; la législation bancaire ne concerne que les établissements qui reçoivent les

dépôts et qui sont constitués sous forme de sociétés commerciales. En outre, dans

l’Union européenne, la législation bancaire s’applique à tous les établissements de

crédit qui reçoivent des dépôts et qui octroient des crédits, quelle que soit leur forme

juridique. « Le choix fait par l’Union européenne permet ainsi de soumettre aux mêmes

644 C’est le Conseil de la stabilité financière (CSF) qui est à la charge de la mise en œuvre des orientations

arrêtées par le G20 en la matière. Depuis 2008, il a pris une série d’initiatives, décrites dans les rapports

périodiques qu’il prépare sur ce sujet à l’intention du G20 avant chacune de ses réunions. Il est à cet

égard utile de se référer aux documents publiés les 12 avril 2011, 4 novembre 2011 et 13 mars 2012. 645 FINANCIAL STABILITY BOARD, Strengthening the Oversight and Regulation of Shadow Banking,

Progress Report to G20 Ministers and Governors, avril 2012. En ligne: < http://www.fsb.org/wp-

content/uploads/r_120420c.pdf?page_moved=1 > (consulté le 12 janvier 2016). 646 Loi sur l’assurance-dépôts, RLRQ chapitre A-26, articles 1.2, 24 et 28. 647 Marc LACOURSIÈRE et Arthur OULAÏ, « Le prêt entre particuliers par Internet », (2014) 44 R.D.U.S.

465. 648 Code monétaire et financier français, articles L311-1, L311-2, L511-1 et suiv. Le Code encadre

également les sociétés de financement qui ne reçoivent pas de dépôts ou encore d’autres fonds

remboursables du public, mais qui effectuent à titre de profession habituelle et pour leur propre compte

des opérations de crédit dans les conditions et limites définies par leur agrément.

Page 247: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

233

règles de fonctionnement tous les établissements de crédit, quelle que soit leur forme

juridique. Ce choix évite également les distorsions de concurrence que connaissent

souvent les pays où existent des législations spécifiques pour chaque catégorie

d’établissements.»649 En ce qui concerne les établissements qui ne reçoivent pas de

dépôts, mais qui inversement, octroient des crédits, ils n’ont pas l’obligation de

respecter le ratio prudentiel comme le font les banques traditionnelles. Toutefois, des

exigences sur le capital initial leur sont imposées650 afin de servir de couverture. Ce

succès vient du fait que les investisseurs intéressés par les titres adossés à des créances

se soucient plus de la qualité des actifs sous-jacents que de la réputation de l’émetteur,

car ce dernier peut être juste une structure créée pour accueillir ces titres. L’autre raison

qui peut être évoquée est qu’en cas de défaut de l’émetteur (dans un système bancaire

parallèle), l’investisseur peut, à tout le moins, se prévaloir de la créance qu’il détient

sur l’actif sous-jacent. Pour aller plus loin, nous nous sommes rendu compte que les

investisseurs qui laissent la sphère nationale pour jouer sur la scène internationale

poussent les institutions financières locales à être plus concurrentielles et à faire preuve

d’innovation; ce qui est également l’une des raisons de la prolifération du système

bancaire parallèle. L’innovation et l’internationalisation sont donc plus ou moins liées.

En 2013, le système bancaire parallèle pesait quelque 65 000 milliards (soit plus que le

PIB mondial)651.

L’essentiel des règlementations bancaires qui ont vu le jour jusqu’ici a toujours

eu pour principal fondement le contrôle du crédit. Par exemple au Canada,

conformément à la législation actuellement en vigueur652, les personnes qui effectuent

à titre de profession habituelle des opérations de crédit sont ainsi soumises à un

agrément et à une surveillance et sont d’ailleurs désignées sous l’appellation de

banques (ou caisses populaires dans les provinces)653. Il est par conséquent difficile de

649 Pierre-Henri CASSOU, « La règlementation bancaire européenne », (1995) 22 Bulletin de la Banque

de France 132. 650 Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à

l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des

entreprises d'investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE

et 2006/49/CE, articles 29 et 31. 651 Luc MATHIEU, « Quelles réformes pour le système financier ? », (2013) 57 L'Économie politique 47. 652 Loi sur les banques – L-C, ch, 46, article 22 (1) 653« Lorsque l’emprunteur ne peut obtenir un prêt auprès d’une banque, celui-ci doit alors se tourner vers

des institutions spécialisées dans le prêt à la consommation et des entreprises commerciales qui offrent

Page 248: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

234

concevoir que des activités de crédit puissent être exercées par des entreprises non

soumises à la règlementation bancaire. Les législateurs ont donc la charge de protéger

les déposants et de réguler l’ensemble des activités de crédit. L’enjeu réside donc dans

le choix d’organisation et de régulation des différentes activités bancaires.

Ceci est d’autant plus difficile à concevoir lorsqu’on sait que les entités qui participent

du système bancaire parallèle font courir un risque moral. En effet, très souvent

d’importance systémique, ces compagnies de la finance parallèle prennent des risques,

car, elles espèrent le renflouement par le Gouvernement en cas de faillite. Sinon, « [if]

shadow banking institutions are unstable, why do investors place their money in them?

Why do they exist? One possibility is that they exist only due to the very possibility of

ex post government intervention - that they are, in fact, creatures of perverse

government subsidies. »654

Les paradis fiscaux sont également de véritables nids de la finance parallèle. En

effet, à peu près 50 % des flux internationaux de capitaux y transitent dans l’opacité.

Selon l’OCDE, quatre critères permettent de les définir :

- une fiscalité faible ou nulle;

- le secret bancaire et une absence de transparence;

- l’absence d’échanges d’information avec les pays tiers;

- l’absence d’activité économique réelle655.

Les réalités du système bancaire parallèle sont différentes selon que l’on se

trouve au Canada, aux États-Unis ou en Europe : aux États-Unis et au Royaume-Uni,

« la part des intermédiaires financiers autres que les banques dépasse aujourd’hui le

seuil de 20 % des actifs de leurs secteurs financiers respectifs. »656 Tandis qu’au

Canada et dans le reste de l’Europe les banques dominent le système financier; les

autres intermédiaires financiers représentant moins de 20 %657.

une dernière solution se trouvent dans le crédit alternatif (aussi appelé « crédit parallèle »), ce qui peut

devenir un fardeau financier très lourd pour l’emprunteur. », M. LACOURSIÈRE et A. OULAÏ, préc. note

647, p.478. 654 Morgan RICKS, « Shadow Bnaking and financial regulation », (2010) 370 Columbia Law and

Economics Working Paper. En ligne: < http://ssrn.com/abstract=1571290 >, (consulté le 25 mars 2015). 655 Esther JEFFERS et Dominique PLIHON, « Le shadow banking system et la crise financière », (2013)

375 Cahiers français 57 656 André PRÜM, À l’ombre des banques…, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2014, p.9. 657 Id.

Page 249: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

235

Par ailleurs, les économistes Lavoie, Chapman et Schembri, précisent qu’« [a]u

Canada, les principales formes de financement de marché sont les cessions ou mises en

pension, la titrisation de prêts hypothécaires garantis par l’État, la création de titres

adossés à des actifs à partir de crédits à la consommation et le financement de gros à

court terme.»658 Parmi ces différentes formes de financement, la titrisation de créances

hypothécaires a fortement augmenté ces dernières années, en particulier l’émission de

titres hypothécaires LNH qui sont passés de quelque 5 % de l’encours des prêts

résidentiels en 1998 à près de 20 % en 2007659. Au Canada, il existe deux grands types

de créances titrisées créées à partir des prêts hypothécaires à l’habitation assurés par le

gouvernement : les titres hypothécaires LNH (Loi Nationale sur l’Habitation660) et les

Obligations hypothécaires du Canada (OHC)661. L’une des fonctions principales du

système bancaire parallèle au Canada est donc la titrisation des prêts hypothécaires

garantis par l’État, « qui consiste essentiellement à transformer des actifs illiquides (les

créances hypothécaires) en instruments d’emprunt titrisés plus liquides. Cette forme de

titrisation a plus que doublé depuis cinq ans... »662 L’octroi de crédit hypothécaire

financé par l’émission de titres adossés à des créances hypothécaires assurées marque

un changement par rapport au modèle classique dans lequel les prêts hypothécaires

figurent au bilan et sont financés par les dépôts des particuliers dans les succursales. Il

constitue pour les institutions financières un mode de financement à long terme

relativement peu coûteux.

Aux États-Unis, une grande partie du financement est assurée par les marchés.

La finance parallèle y revêt ainsi une grande importance : 80 % des actifs financiers

sont détenus par des intermédiaires financiers non bancaires, notamment des fonds,

monétaires ou non, des institutions de retraite, des compagnies d’assurance, etc.663.

Nous y retrouvons des placements qui viennent concurrencer les dépôts bancaires. Il

658 J. CHAPMAN, S. LAVOIE et L. SCHEMBRI, préc. note 256, p.34. 659 Id., p. 36 660 Loi nationale sur l’habitation, L.R.C. (1985), ch. N-11. 661 Supra, pp.140 et suiv. 662Timothy LANE, «Tour d’horizon du système bancaire parallèle», Discours prononcé devant la CFA

Society Toronto (Ontario), 26 juin 2013, p.8. En ligne : < http://www.banqueducanada.ca/2013/06/tour

-horizon-secteur-bancaire-parallele/ >, ( le 25 mars 2015.) 663 Pierre-Henri CASSOU, « Réguler le shadow banking : oui, avec discernement », (2012) 752 Revue

Banque. En ligne : < http://www.revue-banque.fr/risques-reglementations/article/reguler-shadow-

banking-oui-mais-avec-discernement > (consulté le 26 novembre 2014.)

Page 250: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

236

peut s'agir : de parts de fonds de titrisation, des fonds d’investissement ou des fonds

monétaires, qui offrent une rémunération supérieure, mais aussi présentent des risques

plus élevés pour les investisseurs664.

Selon les économistes Esther Jeffers et Dominique Plihon, en 2011 en Europe

« le shadow banking system de la zone euro était de taille équivalente (22 trillions de

dollars) à celui des États-Unis (23 trillions de dollars). Et si l’on prend en compte le

système bancaire parallèle du Royaume-Uni (9 trillions de dollars), l’Europe pèse plus

lourd (31 trillions de dollars) que les États-Unis dans le shadow banking system

mondial.»665 Cependant, il faudrait préciser qu’en Europe, contrairement à d’autres

parties du monde, tous les modes de financement, même alternatifs au crédit bancaire,

sont soumis à un encadrement juridique particulier, visant notamment à assurer la

protection des investisseurs. Ce qui signifie que si le système bancaire parallèle n’est

pas soumis à la règlementation bancaire, chacune de ses composantes n’en est donc pas

moins régulée. Au sein de l’Union européenne, nous pouvons voir que les différentes

catégories.

D’institutions qui proposent au public des placements (organismes

d’assurance, institutions de retraite, OPC, etc.) et, plus généralement, toutes

les personnes qui offrent au public des instruments financiers (actions,

obligations, autres titres de créances, contrats à terme, etc.) sont en effet

soumises à une règlementation et à une surveillance particulière, dans des

conditions de plus en plus harmonisées666.

664Suite à une demande du G20, le CSF a évalué l'évolution des activités bancaires parallèles et des

risques de stabilité financière associés à ces activités depuis la crise financière mondiale de 2007-2009

et a déterminé si les politiques et les efforts de surveillance post-crise permettaient d'identifier et de

contenir ces risques. Les résultats de cette évaluation ont été publiés en juillet 2017. Le Constat que le

Conseil de la stabilité fait est le suivant: « The aspects of shadow banking generally considered to have

made the financial system most vulnerable and contributed to the financial crisis have declined

significantly, and are generally no longer considered key financial stability concerns at the current

conjuncture. Many of the most vulnerable parts of shadow banking activities that contributed to the

crisisthat spread throughout the global financial system, such as asset-backed commercial paper (ABCP)

programmes, structured investment vehicles (SIVs), subprime residential mortgage-backed securities

(RMBS), and collateralised debt obligations (CDOs), are no longer conducted at the same scale. Others,

such as money market funds (MMFs) and repurchase agreements (repos), have experienced a

normalisation from elevated pre-crisis levels, and additional policy measures are being implemented for

them. The declines have been attributed to changing risk appetite, rejection of particular products and

funding models, and effective policy measures. », FINANCIAL STABILITY BOARD, Assessment of shadow

banking activities, risks and the adequacy of post-crisis policy tools to address financial stability

concerns, juillet 2017, pp.6-7. En ligne : < http://www.fsb.org/wp-content/uploads/P300617-1.pdf >

(consulté le 12 mai 2018). 665 E. JEFFERS et D. PLIHON, préc. note 655, p.54. 666 P-H. CASSOU, préc. note 663.

Page 251: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

237

La règlementation du système bancaire parallèle, qui vise à un renforcement de

la stabilité financière, ne doit pas faire perdre de vue la nécessité d’assurer un

financement adéquat de l’économie. Plusieurs compagnies ont alimenté ce système.

Le Conseil de la Stabilité financière adopte une double approche pour définir le

système bancaire parallèle :

- L’approche « activités » : Il est possible de détecter la finance parallèle dans les

opérations de titrisation, de prêts et de titres;

- L’approche « entités » : La finance parallèle a besoin de structures pour

fonctionner. Nous pouvons citer les structures ad hoc (SIV ou SPV, OPC), les fonds

d’investissement, les entités d’investissement ou d’intermédiation boursière qui

fournissent du crédit et des garanties sans être régulés comme des banques, les

assurances et réassurances qui émettent ou garantissent des produits liés au crédit667.

Dans le cadre de cette thèse, les deux approches se vérifient. S’il est vrai qu’il existe

plusieurs entités susceptibles de pratiquer l’intermédiation de crédit (en l’occurrence

les différents types de fonds d’investissement), nous allons exclusivement analyser

deux secteurs spécifiques : l’assurance hypothécaire et la fiducie. Ce choix d’analyse

se justifie par le fait que nous pensons que le véhicule de titrisation est l’élément central

de l’opération de titrisation et le secteur des assurances a favorisé la circulation des

instruments dérivés de la finance lors de la crise.

Sous-section II : Le système bancaire parallèle et le marché de

l’assurance hypothécaire

L’assurance intervient dans le secteur bancaire, et plus particulièrement dans une

opération de titrisation, en renfort aux garanties et sûretés usuelles. La plupart du temps,

surtout lorsque les conditions du crédit changent, telles que l’augmentation des taux

d’intérêt, certains emprunteurs se trouvent dans l’incapacité d’honorer leurs

engagements. En ce moment, les sûretés usuelles deviennent insuffisantes.

L’assurance-crédit se présente alors comme l’ingrédient supplémentaire dans la gestion

667 Hubert DE VAUPLANE, « Réguler le shadow banking. Les propositions européennes… et les autres»,

(2012) 751 Revue banque 83.

Page 252: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

238

des risques. C’est depuis la seconde moitié du XIXe siècle que les premières

compagnies d’assurance ont commencé à offrir ce type de service668. « L’assurance-

crédit permet au créancier, qui entend se prémunir contre le risque de défaillance du

débiteur, de s’assurer contre cet évènement. »669 Ainsi, l’assurance rattachée à un prêt

s’avère souvent être la seule protection des banques contre l’insolvabilité des

emprunteurs.

Lors de la crise, le sentiment d’insécurité a poussé les institutions financières à

faire des contrats d’assurance-crédit. Comme nous l’avons déjà dit, le prêt était accordé

à des ménages à faible capacité de financement. De plus, la constitution et l’effectivité

des sûretés habituellement utilisées ont contribué à alourdir le processus. Cela a fait

naître le besoin pour les acteurs financiers d’avoir des garanties supplémentaires.

L’assurance, dans sa conception, crée un climat de confiance. « Elle favorise

l’éclosion d’un grand nombre d’activités qu’on n’oserait, sans elle, entreprendre de

manière individuelle ou collective. »670 Et même si l’assurance ne supprime pas le

risque, elle encadre, le normalise et prévoit les conditions dans lesquelles il sera

compensé671. Ainsi, lorsque l’établissement de crédit possède un contrat d’assurance

cela réduit sa marge d’erreur. En cas de défaillance de l’emprunteur, le contrat

d’assurance viendra pallier le défaut. Nous nous trouvons alors dans le cadre d’une

assurance-crédit.

L’assurance-crédit672 est donc une garantie qui va permettre aux banques de

conforter les crédits qu’elles octroient673. Contrairement donc à la caution du droit civil

où ce sont généralement les débiteurs qui se font garantir contre une éventuelle

défaillance de paiement, ici ce sont les créanciers qui sont les assurés. Lors de la crise,

elle a été largement sollicitée et a, par la même occasion, participé au développement

du système bancaire parallèle. Mécanisme original, l’assurance-crédit est différente de

668 Corinne PORTELLI, L’assurance collective des prêts aux consommateurs, Presses universitaires d’Aix

–Marseille, 1987 p.11. 669 Id. 670 Id., p.30. 671 Id., p.130. 672 Voir Christian DUBREUIL et Patrice DESLAURIERS, « L’assurance : Une protection pour le crédit»,

(1997) 31 R.J.T. 651. 673 Jean BASTIN, L’assurance-crédit dans le monde contemporain, Paris, Éd. Jupiter-Éditions de

Navarre, 1978, p.9

Page 253: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

239

la banque et de l’assurance; seul le risque de crédit est l’élément fédérateur des trois

secteurs. Au Québec, le règlement d’application de la Loi sur les assurances674 traite

brièvement ce sujet dans ses articles 20, 21 et 22 :

20. La catégorie « assurance-crédit » est celle en vertu de laquelle l'assureur

s'engage à indemniser un créancier, à titre d'assuré, de la perte résultant du

défaut de son débiteur de le rembourser. Toutefois, cette catégorie ne

comprend pas une protection relative à une créance garantie par

hypothèque.

21. La catégorie « assurance protection de crédit » est celle en vertu de

laquelle l'assureur s'engage à indemniser un créancier de la perte résultant

du défaut d'une personne physique assurée, débitrice de ce créancier, de le

rembourser en raison de l'insuffisance de son revenu, jusqu'à concurrence

de sa dette.

22. La catégorie « assurance hypothèque » est celle en vertu de laquelle

l'assureur s'engage à indemniser un créancier, à titre d'assuré, de la perte

résultant du défaut d'un débiteur de rembourser un prêt garanti par une

hypothèque mobilière ou immobilier.

D’ailleurs même en France, l’article 1 de la Loi du 13 juillet 1930 (actuellement

c’est l’article 111-1 du Code des assurances) qui régit le contrat d’assurance exclut

l’assurance-crédit de son champ d’application parce que d’une part elle est considérée

comme une opération de banque, et d’autre part elle est un mécanisme tellement

original qu’il serait difficile de les traiter comme de simples assurances.

Il existe tout de même au Canada deux lois qui traitent de l’assurance-crédit. Il

s’agit d’une part de l’assurance-crédit de la Société d’Expansion et

d’Exportation 675 pour garantir les créances étrangères et de protéger les

investissements étrangers676. Et d’autre part de l’assurance-crédit de la SCHL677 qui

assure le prêteur contre le défaut de son débiteur.

674Règlement d’application de la loi sur les assurances, RLRQ chapitre A-32, r. 1. 675 Cette société est régie par la Loi sur l’expansion des exportations, L.R.C. (1985), c E-20. 676 Id. article 23 et 29. 677 Créée en 1946 par le Gouvernement Féderal dans le but de faciliter l’accès à la propriété, la SCHL

participe à l’attribution de crédit et joue également le rôle d’administrateur d’un programme d’assurance

prêt.

Page 254: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

240

Sur la question de l’assurance-crédit, nous avons choisi d’observer

particulièrement le cas de la SCHL678. Au Canada, en vertu de la loi, les prêteurs

assujettis à la règlementation fédérale et la plupart des institutions financières

assujetties à une règlementation provinciale doivent faire assurer les prêts

hypothécaires à l’habitation lorsque les emprunteurs versent une mise de fonds

inférieure à 20 %. En ce qui concerne le secteur public, c’est à la SCHL, société

gouvernementale, que revient la tâche d’offrir l’assurance au prêt hypothécaire. Au

Canada, il existe aussi des assureurs hypothécaires du secteur privé. Le gouvernement

canadien est l’ultime garant de ces prêts hypothécaires. Ainsi, parce qu’elle fournit

l’assurance prêt hypothécaire, la SCHL a participé à la construction du système

canadien du financement de l’habitation et a contribué à la stabilité du système

financier. En tant qu’assureur public, elle fait une différence avec ceux qui exercent

dans le secteur privé dans ce sens où elle fournit aux Canadiens admissibles l’accès à

une gamme d’options de logement, quel que soit leur lieu de résidence. Or, les

assureurs privés ont le moyen de choisir les marchés sur lesquels ils exercent leurs

activités.

En ce qui concerne la procédure d’éligibilité à l’assurance, les normes de

souscription respectent une diligence raisonnable, favorisent l’uniformité, l’équité et la

qualité. Les demandes d’assurance passent tout d’abord par l’étape de l’évaluation par

les prêteurs avant d’être présentées à la SCHL. À la réception d’une demande

d’assurance hypothécaire, la SCHL fait une analyse des risques dans son ensemble

(risques liés à l’emprunteur, à la propriété et au marché). La plupart du temps, le

montant et la source de la mise de fonds représentent des zones à risque chez

l’emprunteur. Pour prévenir de tels désagréments, la SCHL applique des normes de

crédit strictes qui permettent de confirmer la capacité de l’emprunteur à gérer ses

obligations financières.

L’assurance-crédit crée un aléa moral dans le sens où elle va permettre aux

banques d’octroyer plus de prêts aux populations à risque. Et très souvent, les

emprunteurs ne sont pas au courant de cet aspect de la transaction. Afin de réduire

678 SOCIÉTÉ CANADIENNE D’HYPOTHÈQUES ET DE LOGEMENT, « Coup d’œil sur l’assurance prêt

hypothécaire de la SCHL ». En ligne : < http://www.cmhc-

schl.gc.ca/fr/inso/sapr/famy/upload/MLI_Q4_FR_dec4_W.pdf >, (consulté le 20 mars 2017).

Page 255: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

241

l’asymétrie d’informations, nous pourrions penser à instituer un système d’adhésion

obligatoire ou facultatif qui obligerait l’emprunteur à adhérer ou à avoir une chance de

refuser un contrat d’assurance-crédit. En effet, si la banque subordonne l’offre de prêt

à un contrat d’assurance (qui peut être perçu ici comme une sûreté supplémentaire),

l’emprunteur se retrouverait donc avec un contrat de prêt et un contrat d’assurance

parce qu’il sera obligé de payer des primes d’assurance, ce qui n’était pas son but

premier. Cela peut donc être perçu par les emprunteurs comme une vente forcée. Or,

subordonner la vente d’un produit ou la prestation d’un service soit à l’achat d’un

produit ou à la prestation d’un service concomitant est condamné679. De plus, la Loi sur

la protection du consommateur du Québec interdit à la banque de refuser un crédit du

fait de la non-souscription du débiteur à une police d’assurance qu’elle aura

préalablement contractée. Dans son article 111, la loi dispose qu’ « un commerçant ne

peut refuser de conclure un contrat de crédit avec un consommateur pour le motif que

ce dernier ne souscrit pas, par son entremise, une police d'assurance individuelle ou

n'adhère pas, par son entremise, à une police d'assurance collective. » Toutefois, le

débiteur a la possibilité d’utiliser son assurance personnelle si jamais la souscription

est une condition à la conclusion du contrat de crédit680.

Nous avons également remarqué durant la crise que le contrat d’assurance

reposait sur une stipulation que la banque faisait pour les emprunteurs. Selon

l’article 1444 du Code civil du Québec, la stipulation « (…) confère au tiers

bénéficiaire le droit d'exiger directement du promettant l'exécution de l'obligation

promise. »681 La banque va contracter une couverture d’assurance pour d’éventuels

emprunteurs défaillants. Le stipulant ici c’est la banque, le promettant, la société

d’assurance. Seulement, le bénéficiaire c’est encore la banque. Cela pourrait augmenter

le sentiment de lésion chez les emprunteurs.

Rappelons que les CDS, que nous avons préalablement analysés et qui sont des

produits négociés de gré à gré, étaient distribués durant la formation de la bulle

679 Article L. 122-1 du code de consommation (France) : « Il est interdit de refuser à un consommateur

la vente d'un produit ou la prestation d'un service, sauf motif légitime, et de subordonner la vente d'un

produit à l'achat d'une quantité imposée ou à l'achat concomitant d'un autre produit ou d'un autre service

ainsi que de subordonner la prestation d'un service à celle d'un autre service ou à l'achat d'un produit.» 680Loi sur la protection du consommateur, RLRQ, c P-40.1, article 112. 681 Voir l’article 1121 du Code civil français. Stipulation pour autrui en doctrine et en jurisprudence

Page 256: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

242

immobilière par les compagnies d’assurances. C’était également un moyen utilisé par

les banques pour se prémunir contre un risque de défaillance. Puisqu’ils n’étaient pas

règlementés, ils ont donc participé au développement du système bancaire parallèle.

À côté de la problématique du contrat d’assurance-crédit, nous avons celle des

compagnies d’assurances érigées en prêteurs alternatifs. Pendant la formation de la

bulle immobilière, les banques, afin d’alléger leurs bilans et de respecter les ratios

prudentiels, ont cherché des voies alternatives. D’un autre côté, les assureurs jouent

très souvent le rôle de relai dans le financement de l’économie. Déjà là, Loi sur les

assurances leur concède la possibilité d’octroyer des prêts hypothécaires sous certaines

conditions682. Ainsi, les banques vont continuer à octroyer des prêts, mais ils seront

rachetés plus tard par les assureurs. C’est de cette manière que les compagnies

d’assurances ont déjoué la règlementation pour se trouver du côté du système bancaire

parallèle.

Au regard de ce qui précède, nous constatons que plusieurs éléments ont

contribué au développement du contrat d’assurance-crédit qui, ne le nions pas, a été

facteur facilitateur du crédit, lequel crédit est favorable au développement des activités

économiques. Cependant, plusieurs autres éléments ci-dessus analysés placent ce

contrat dans la pléthore des activités du système bancaire parallèle. L’essence même

du système bancaire parallèle est bonne, mais son encadrement et son fonctionnement

sont brinquebalants. Il y aurait donc ici une nécessité de se pencher une nouvelle fois

sur la qualification de cette notion d’assurance-crédit afin de lui trouver un champ

d’application légal. Une avenue à explorer serait l’institution d’un cadre pour la

bancassurance683. Les activités d’assurance d’une banque pourraient alors faire partie

de la règlementation prudentielle à laquelle les banques sont assujetties.

682 Loi sur les assurances, RLRQ c A- 32, article 93.251. 683 Au Canada, la Loi sur les banques (L.C. 1991, ch. 46) et ses règlements d’application contiennent

des règles précises visant les banques à charte et leur participation aux activités d’assurance au Canada.

L’article 2 du Règlement sur le commerce de l’assurance (banques et sociétés de portefeuille bancaires)

DORS/92-330, pris en application de l’article 416 de la Loi sur les banques, autorise les banques à

vendre certains produits d’assurance étroitement liés à leurs activités de prêt dans leurs succursales, y

compris l’assurance carte de crédit ou de paiement, l’assurance-invalidité de crédit, l’assurance-vie de

crédit, l’assurance-crédit en cas de perte d’emploi, l’assurance-crédit pour stocks de véhicules,

l’assurance-crédit des exportateurs, l’assurance-hypothèque et l’assurance-voyage. Les banques peuvent

aussi vendre d’autres types d’assurance par l’intermédiaire de filiales, sous réserve de certaines

restrictions.

Page 257: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

243

Au demeurant, les assureurs ont pour fonction principale la prévision de la

probabilité d’un défaut de paiement; ils sont responsables en partie de la survenance

d’un risque quelconque. D’ailleurs, nous sommes d’avis que « cette crise des

subprimes résulte principalement d’une erreur des acteurs économiques sur

l’appréciation du taux de défaut des remboursements des prêts consentis. Or, apprécier

un taux de sinistration est bien une caractéristique de l’assurance.»684 Cependant et a

contrario, pendant la crise, les banques ont transféré le risque et sa souscription aux

différents intervenants de la chaîne de titrisation (courtiers, rehausseurs de crédits,

véhicules de titrisation) se déresponsabilisant ainsi, en totalité, de tout ou une partie des

effets de ce transfert, mais les assureurs ont également manqué à leurs obligations, et

se sont retrouvés du côté de la finance parallèle en investissant sur des créances

bancaires et en spéculant sur la plupart d’entres elles.

Qu’en est-il du rôle de la fiducie dans ce système bancaire parallèle?

Sous-section III : Le système bancaire parallèle et la fiducie

Le véhicule de titrisation (SPV) est un bon exemple de fuite vers le système

bancaire parallèle en réponse à la régulation prudentielle. La banque cède les créances

au SPV685; celui-ci va financer l’acquisition en émettant des titres obligatoires ou autres

Aux États-Unis, l’article 92 de la National Bank Act (12 U.S.C., Chapter 2) autorise les banques

nationales à vendre des assurances directement dans des villes ou la population n'excède pas 5 000

personnes («exception des petites villes »). 684 Charles DUMARTINET, Jean-René BECKER, Stéphane BLANCHE et Anne MAZZANTI, « Pourquoi le

secteur de l’assurance a-t-il été peu affecté par la crise ?», (2012) 307 Banques stratégie 65. 685 Le fonds commun de placement tel que conçu ici au Québec fonctionne comme des véhicules de

titrisation à la différence que dans ce cas ce sont les investisseurs qui initient le mouvement. L’Autorité

des marchés financiers du Québec (AMF) définit un fonds commun de placement (FCP) comme un

organisme de placement collectif (OPC) « constitué des sommes mises en commun par des investisseurs

et gérées pour leur compte par un gestionnaire de portefeuille. Ce dernier utilise ces sommes pour

acquérir des titres, c’est-à-dire des actions, des obligations ou d’autres valeurs mobilières en fonction de

ses objectifs. En contrepartie des sommes que vous versez dans l’OPC, vous recevez des parts ou des

actions qui représentent votre quote-part de l’avoir de l’OPC. La propriété prendra la forme d’actions si

l’OPC est constitué comme une société par actions. Nous parlons alors d’une société d’investissement à

capital variable. La propriété prendra la forme de parts si l’OPC est constitué comme une fiducie. (…)

Dans le cas d’un OPC constitué en fiducie, le fiduciaire représente l’entité agissant pour le bénéfice des

porteurs de parts. Le fiduciaire est en général responsable de toutes les activités de l’OPC. Il détient en

fiducie les placements de chaque OPC au nom des porteurs de parts. Très fréquemment, le fiduciaire

délègue ses responsabilités à la société de gestion.», AUTOTRITE DES MARCHES FINANCIERS, Organisme

de placement collectif, pp.4-6.

En ligne : <https://www.lautorite.qc.ca/files/pdf/publications/conso/investissement/06-OPC.pdf >,

(consulté le 20 janvier 2016). Voir également à ce sujet le Règlement C-29 sur les organismes de

Page 258: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

244

titres négociables. Le SPV, réceptacle des créances cédées, finance l’acquisition par

l’émission des titres. Les titres émis ressemblent à des obligations : il s’agit des titres

adossés à des actifs. Les flux de paiements associés au pool de créances initial (intérêts

et remboursement du capital) servent au paiement des intérêts et au remboursement des

obligations émises par les véhicules de titrisation. Cette structure est donc équivalente

à une banque non régulée et non supervisée.

Au Québec, la fiducie est une structure qui permet d’administrer les biens

d’autrui 686 . C’est l’équivalent civiliste du trust. La fiducie englobe différentes

catégories d’institutions dépendamment des applications dont elle est sujette. En effet,

elle diffère d’un pays à un autre, d’une juridiction à une autre. Les applications qui en

sont faites sont différentes et les institutions qui la pratiquent jouissent d’un

particularisme lié à cette différence juridictionnelle.

L’opération de titrisation est structurée de telle sorte que les différents contrats

qui vont voir le jour gravitent autour d’un mécanisme fiduciaire visant à affecter les

créances dans l’intérêt des investisseurs. Les créances peuvent être assimilées à des

biens à transmettre à un véhicule de titrisation, gestionnaire du patrimoine, afin qu’il

les transforme en titres financiers, lesquels seront souscrits plus tard par les

investisseurs. « En important la technique financière de la titrisation, les systèmes

romano-germaniques ont donc accueilli la conception anglo-américaine de la

propriété : le gestionnaire exerce la propriété fiduciaire sur les créances considérées

comme des biens, et simultanément les investisseurs exercent la propriété économique

sur le portefeuille de créances grâce auquel celles-ci sont regardées comme des

valeurs. »687 Ainsi, par le biais du trust, le droit des biens de la common law laisse son

empreinte sur l’opération de titrisation.688 Les créances titrisées auront un patrimoine

distinct de celui du véhicule de titrisation, de la banque et du futur investisseur aussi.

Et si, comme nous l’avons dit plus haut, les créances titrisées sont considérées comme

des biens, ceux-ci ne peuvent donc être saisis par les créanciers du véhicule de

placement collectif en créances hypothécaires, RLRQ c. V-1.1, r. 45 et la Loi sur les valeurs mobilières,

RLRQ c. V-1.1. 686 C.c.Q., articles 1260 et suiv. 687 V. FORTI, préc., note 526, p.23. 688 Id.

Page 259: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

245

titrisation ni faire partie de son actif dans le cadre d’une procédure collective. Il nous

semble évident de penser que le véhicule de titrisation doit être juridiquement

autonome et exclusivement dédié à l’opération de titrisation689.

Seulement, lors de la crise, nous nous sommes rendu compte que la fiducie,

véhicule de titrisation, ne supporte pas une partie significative du risque. De plus, le

véhicule de titrisation contourne les règles prudentielles, et se libère de la contrainte

liée aux fonds propres minimum. De manière générale et selon le Président de la

Réserve fédérale américaine, Bernanke (2012), plusieurs « examples of important

component of the shadow banking system include securititzation vehicles. »690 C’est

donc dire que les véhicules de titrisation ont contribué pour beaucoup au

développement de la finance parallèle. Le véhicule de titrisation devrait normalement

être assujetti à la règle du capital minimum comme toutes les sociétés si nous la

considérons comme société à part entière691. Cependant, les véhicules de titrisation ne

sont pas compris dans tout ce qui est sociétés d’investissement ou établissement de

crédit, que ce soit en Europe avec la Directive concernant les marchés d’instruments

financiers692 et la Directive concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit

et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des entreprises

d'investissement 693; ou au Canada avec la Loi sur les banques694 ou encore la Loi sur

les valeurs mobilières695. Les véhicules de titrisation sont donc des sociétés créées

uniquement pour l’opération de titrisation.

En outre, nous voyons que dans la titrisation la fiducie joue un tout autre rôle.

Elle va au-delà d’un transfert de propriété aux fins de garantie. Le véhicule de

titrisation, après la réception de titres, procède à l’émission de ces derniers via les

689 Id., P.33. 690 B. H.MANDEL D. MORGAN et C. WEI, préc. note 641, p.35. 691 Voir l’article L214-49-3 du Code monétaire et financier (France). 692 Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés

d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE. 693Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à

l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des

entreprises d'investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE

et 2006/49/CE. 694 Loi sur les banques, L.C. 1991, ch. 46. 695 Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ c. V-1.1. Au Luxembourg et en Belgique, le véhicule de

titrisation peut être agréé ou pas (selon qu’elle émet en continu) afin de pouvoir mieux le superviser. A.

PRÜM et al. préc., note 597, p.17.

Page 260: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

246

créances titrisées en utilisant accessoirement un collatéral aux fins de garantie.

L’émission se fait donc par tranche de moins bonne qualité de titres à la qualité

suprême. Avec cette forme de fiducie, nous nous éloignons de plus en plus de la source

des titres. La fiducie est donc uniquement une étape supplémentaire dans le processus

et non un outil comme le droit civil l’a toujours présenté jusqu’à ce jour. La relation

entre la banque initiatrice (le cédant) et le véhicule de titrisation est plus libre dans la

mesure où, contrairement au droit civil, le véhicule est totalement autonome du cédant.

En effet, la cession ici est un moyen pour la banque de gérer ses actifs. Généralement,

elle va faire sortir de son capital les portions d’actifs risqués, mais très demandés sur

le marché; c’est également une forme de gestion de risques. À son tour, le véhicule va

vendre ses actifs à des investisseurs. Tout se passe alors comme si chacun se débarrasse

de ces actifs et généralement, c’est le destinataire final, c’est-à-dire l’investisseur qui

en pâtit. Il devient alors difficile d’en appeler à la responsabilité de l’un ou de l’autre

lorsque les actifs de base viennent à se dégrader696. Nous sommes loin de la fiducie qui

joue le rôle de garantie, car les actifs ne sont pas transmis au véhicule pour garantir une

quelconque créance, mais pour rendre ces actifs négociables sur les marchés. Il faudrait

peut-être penser aux recours que pourrait avoir un véhicule de titrisation ou un

investisseur vis-à-vis de la banque initiatrice. Parce qu’en cas de dégradation des actifs

de base, c’est le véhicule qui est seul responsable du recouvrement. Entre la banque

initiatrice et le véhicule, il s’agit alors d’une cession de créances; l’emprunteur, qui est

le débiteur cédé, devient automatiquement débiteur du véhicule. Cela fonctionne dans

un cadre vraiment nébuleux jusqu’ici. D’où la nécessité de prévoir un cadre pour la

cession de créances dans la titrisation. Ce type de cession permet à la banque

d’améliorer sa trésorerie, mais est risqué pour le cessionnaire initial (le véhicule de

titrisation et le cessionnaire final (investisseurs) sur qui pèse la charge du

recouvrement. L’incertain de la nature fiduciaire de la relation entre le véhicule de

titrisation et les investisseurs est un angle à analyser pour mieux encadrer l’opération.

696 Eric FIMBEL et Catherine KARYOTIS, « La titrisation: dispositif emblématique de la financiarisation

irresponsable et facteur de risques sociétaux inédits », (2011) 48/8 Management & Avenir 31-36. En

ligne : https://www.cairn.info/revue-management-et-avenir-2011-8-page-289.htm (consulté le 05 mai

2018).

Page 261: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

247

Cependant, la situation est plus délicate, car il s’agit des marchés de gré à gré,

où le respect des obligations est en grande partie fondé sur une relation de confiance697.

Reconnaissons tout de même que cette relation est balisée, car en cas de faillite de la

banque, une procédure collective sous le contrôle administratif peut être ouverte afin

de discuter du sort des actifs du bilan et des actifs hors bilan. Très souvent, les banques

procèdent aux transferts de créances à l’insu des emprunteurs, car, comme nous l’avons

dit, elles le font dans le seul but de gérer le risque et de faire du profit. Cela vient encore

complexifier la situation. En effet, l’emprunteur pourrait facilement se dédouaner de

toute responsabilité puisque les transactions ont été réalisées à son insu. Comme

solution, le véhicule de titrisation pourrait demander que notification soit faite à

l’emprunteur avec promesse de ce dernier, de payer le véhicule en cas de manquement.

L’investisseur peut quant à lui être directement en contact avec le véhicule. Une autre

solution serait la mise en place d’un testament bancaire. « Le testament bancaire est un

nouveau concept destiné au traitement des banques de taille systémique (too big to fail)

: il consiste en un plan de redressement et de résolution à mettre en place lorsqu’une

banque risque de se trouver en difficulté. Il permet une répartition spécifique de la

charge, institution par institution. »698 Ce testament peut aider à créer un système

résistant aux chocs qui garantit que les banques ne sont pas « trop grandes » ou « trop

interconnectées » pour faire faillite »; il peut également exiger des institutions

financières qu’elles entreprennent des plans de relance bien conçus et bien entretenus

qui réduiraient la probabilité que des résolutions soient nécessaires. Le testament

permettrait ainsi aux institutions d’évaluer plus facilement les solutions de

restructuration par le biais de la législation en vigueur et ainsi éviter les faillites et

faciliter la surveillance pour les organismes de règlementation699.

En ce qui concerne les emprunteurs, ils ne sont généralement pas au courant que les

intérêts qu’ils versent vont directement aux investisseurs. Ce qui n’est pas normal, car

697 Lire à ce sujet, le rapport du COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE et de l’ ORGANISATION

INTERNATIONALE DES COMMISSIONS DES VALEURS, Exigences de marge pour les dérivés non compensés

centralement, septembre 2013, p.2. En ligne :< http://www.bis.org/publ/bcbs261_fr.pdf > (consulté le

20 janvier). 698 Dirk SCHOENMAKER, « Le « partage de la charge » : de la théorie à la pratique », (2010) 100 R.E.F.

164. 699 Nizan Geslevich PACKIN, « The Case against the Dodd-Frank Act's Living Wills: Contingency

Planning following the Financial Crisis», (2012) 9 Berkeley Bus. L.J. 37-38.

Page 262: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

248

dans une cession de créances comme prévu par la loi, le cédant, le titulaire de la créance

et le cessionnaire doivent être au courant des détails du contrat. D’ailleurs,

l’article 1641 du Code civil du Québec est très précis sur la question :

La cession est opposable au débiteur et aux tiers, dès que le débiteur y a

acquiescé ou qu'il a reçu une copie ou un extrait pertinent de l'acte de

cession ou, encore, une autre preuve de la cession qui soit opposable au

cédant. Lorsque le débiteur ne peut être trouvé au Québec, la cession est

opposable dès la publication d'un avis de la cession, dans un journal

distribué dans la localité de la dernière adresse connue du débiteur ou, s'il

exploite une entreprise, dans la localité où elle a son principal

établissement.

En définitive, la fiducie n’est pas encore perçue comme faisant véritablement

partie du droit commun québécois de la même manière que ses institutions

traditionnelles telles que la société ou le mandat700. Ceci est également le cas en Europe.

Partant de là, nous pensons que si la fiducie telle que conçue dans l’opération de

titrisation parvient à s’adapter au trust anglo-saxon, il sera alors plus facile de lui

concevoir une existence juridique qui pourra aussi bien convenir aux juristes de droit

civil qu’à ceux de la common law. Cela est important au regard de la mondialisation

des transactions financières. Une harmonisation serait la solution appropriée.

Parvenus au terme de ce chapitre, le constat que nous faisons est le suivant :

l’opération de titrisation est un terreau favorable au droit des obligations et des contrats.

Mais la réalité est tout autre. Étant donné que les marchés financiers répondent aux

principes de rapidité et de célérité, les acteurs financiers ont toujours tendance à

contourner tout ce qui pourrait alourdir les transactions, dans le cas d’espèce, les

contrats. Nous nous inscrivons en faux avec cette manière de faire et, l’on pourrait

même, dans une certaine mesure, emprunter la théorie du professeur Ejan Mackaay qui

énonce que la formalisation des rapports dans le secteur bancaire est vraiment

importante et représente une créance suffisamment forte pour la bonne marche des

échanges; par conséquent, il serait important d’aussi bien respecter les conditions et les

étapes de la conclusion d’un contrat entre une institution financière, que d’en observer

700 Madeleine CANTIN CUMYN, « Réflexions autour de la diversité des modes de réception ou

d’adaptation du trust dans les pays de droit civil», (2013) 58/4 Revue de droit de McGill 813.

Page 263: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

249

ses effets. Comme nous l’avons expliqué dans cette partie, les liens juridiques se

trouvent imbriqués dans toute l’opération, du début à la fin. D’ailleurs à propos des

conventions, Mackay précise que :

Les conventions sont naturelles. S’imposent et apportent un avantage. Les

conventions qui émergent de façon spontanée dans les situations analysées

sont naturelles en ce qu’elles se produisent dans une gamme très variée de

circonstances, dans des sociétés très simples comme très complexes et sans

que, en apparence, personne n’en prenne l’initiative. Elles définissent un

ordre qui, selon la parole que Hayek emprunte à Ferguson, résulte de

l’action des hommes, mais non de leur dessein. Pourtant elles se distinguent

des simples régularités de fait comme l’alternance entre le jour et la nuit

que les humains ne peuvent que subir. Là où les conventions s’appliquent,

elles résolvent et préviennent des conflits, en infléchissant le comportement

de tous. Généralement, elles apportent à chacun un avantage. En résumé,

les conventions spontanées surgissent naturellement, s’imposent aux

individus et leur apportent à chacun un avantage701.

Aussi, nous pensons que la règlementation à mettre en œuvre n’est pas plus la

structure des instruments dérivés que le comportement des différents acteurs de la

chaîne, car le problème n’est pas les instruments financiers, mais l’utilisation dont ils

ont fait l’objet. L’analyse du système bancaire parallèle nous interpelle sur la question

de la responsabilisation des acteurs de la chaîne dans une opération de titrisation et sur

celle de la supervision des institutions financières dans leur globalité.

Après l’analyse de la structuration de l’opération, il est important d’analyser la

réaction des régulateurs, internationaux et nationaux, au lendemain de la crise. Y a-t-

il moyen pour les régulateurs d’agir de manière concertée afin de bonifier et de

standardiser l’encadrement des marchés?

701 Ejan MACKAAY, « L’ordre spontané comme fondement du droit – un survol des modèles de

l’émergence des règles dans une société civile», (1988) 22 R.J.T, 347, 381 et 382. Cette formalisation

est d’autant plus importante qu regard du cadre spécial dans lequel la titrisation fonctionne, Phillipe

CASTEL dit même que c’est une opération conçue sur mesure : Il s’agit de construire une juridique ad

hoc, qui va accommoder une forme d’arbitrage entre les objectifs des cédants et les exigences des

investisseurs. Les actifs sont dimensionnés, structurés, et renouvelés selon les besoins. Leur cession est

déconsolidante ou non du bilan du cédant. Les dettes sont fabriquées sur mesure, au besoin en plusieurs

tranches subordonnées, chacune dotée d’une notation, d’une maturité, d’une forme de paiement

d’intérêts et de remboursements du principal qui correspondent aux besoins des investisseurs. La liberté

initiale de la structure émettrice est ainsi plus grande que celle dont dispose un émetteur de type banque

ou entreprise.», Phillipe CASTEL, La titrisation et la nouvelle règlementation Bâle II. Aspects techniques

et stratégiques, Mémoire pour l’obtention du Diplôme des Études Supérieures Spécialisées, Paris,

Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), 2003, p.12.

Page 264: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

250

CHAPITRE II : L’ANALYSE DE LA RÉPONSE RÈGLEMENTAIRE SUR LE PLAN

INTERNATIONAL ET DANS DIFFÉRENTES JURIDICTIONS

Contrairement aux entreprises, la banque a un statut particulier dans la

société702. Elle reçoit l’argent de l’épargne des clients déposants. Elle a également la

possibilité de créer, au sens économique du terme, de la monnaie à travers le crédit

qu’elle octroie à ses clients703. La banque est aussi responsable de la diffusion et de la

circulation de la monnaie fiduciaire (les billets) et est responsable (avec les autres

banques du système) des systèmes de paiement scripturaux (carte, chèque, virement,

etc.). En outre, au regard de son importance dans le système financier, la banque

dispose de garanties et de contraintes particulières auxquelles elle est tenue de souscrire

telles que les exigences en fonds propres, l’obligation d’information et de liquidité,

l’assurance des dépôts, les réserves obligatoires, etc. De plus, la banque n’est plus

cantonnée à ses activités traditionnelles, c’est-à-dire celles de collecter l’épargne et

d’octroyer les prêts. Elle intervient également sur les marchés financiers pour avoir

plus de liquidités en spéculant et en investissant sur des produits financiers.

C’est pour toutes ces raisons que la banque a un cadre de supervision en

constante évolution704.

702 Estelle BRACK et Dhafer SAIDANE, « Qu’attend-on de la finance mondiale après la crise? Les quatre

commandements oubliés», 2009, p.2. En ligne:

<https://mpra.ub.uni-muenchen.de/23472/2/MPRA_paper_23472.pdf > (consulté le 20 mars 2017). 703 «De son côté, la banque acquiert en contrepartie une créance sur le client X. Il y a donc création de

monnaie : la banque n'a pas ponctionné dans ses réserves pour prêter le montant M au client X : elle a

inscrit une créance dans son bilan.Mais lorsque le client X rembourse le crédit M, la banque efface la

créance de son bilan : il y a donc à ce moment destruction de monnaie. La création de monnaie n'aura

été que provisoire. Il y a donc "création nette" de monnaie uniquement lorsque les nouveaux crédits

l'emportent sur les crédits remboursés.», Audrey FOURNIER, «Banques et création monétaire : qui fait

quoi ? », Le Monde, 2011. En ligne : < http://www.lemonde.fr/economie/article/2011/09/21/banques-

et-creation-monetaire-qui-fait-quoi_1575164_3234.html >, (consulté le 20 mars 2017). 704 Comme le rappelle le professeur Jean-Paul POLLIN « …il n’existe pas de contrôle prudentiel pour les

entreprises non financières comme il en existe dans le cas des banques. C’est donc que les établissements

de crédit ont des particularités qui confèrent à leur défaillance des conséquences plus graves, sinon de

nature différente », Jean-Paul POLLIN, « La régulation bancaire face au dilemme du « Too Big To Fail » :

Mécanismes et solutions » (2007) 1 Revue économique et Monétaire de la

BCEAO 16. En ligne : https://www.bceao.int/sites/default/files/2017-

12/Revue_economique_et_monetaire_-_juin_2007-2.pdf (consulté le 12 mai 2018).

Page 265: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

251

Ainsi, « [i]l n’y a pas de croissance économique soutenable sans un secteur

bancaire solide. »705 C’est fort de ce constat que les autorités régulatrices, nationales et

internationales, se sont engagées à réinstaurer la norme sur les marchés financiers après

l’éclatement de la bulle immobilière en 2007. Il s’agit ici d’un usage qui se fait sur les

marchés financiers, ou à tout le moins ce que nous avons constaté. En effet, la prise de

conscience des régulateurs intervient toujours après une longue et fructueuse période

de dérégulation; déceler les problèmes a posteriori est une tâche plus aisée puisque la

crise permet de les mettre au grand jour. Pour éviter d’avoir à le faire, nous pensons

que la régulation qui doit être mise en place devrait « être simple dans sa formulation,

incontournable dans sa mise en œuvre et exigeante dans ses résultats. »706 Il est bien

vrai que « les faits économiques se prêtent mal à la conceptualisation juridique », disait

Léon Dabin. Il ajoutait même qu’« ils sont rebels, en raison de leur complexité et de

leur variabilité aux tentatives de classification, à l’emprise d’une norme fixe et

permanente. »707 Il n’en demeure pas moins vrai qu’il est important de construire un

cadre sain et légal dans lequel fonctionneraient les marchés financiers afin d’éviter les

abus et les fraudes comme cela a été le cas lors de la crise de 2008 ou lors des

précédentes crises. Plusieurs régulateurs l’ont compris, mais après l’accalmie. Nous

allons donc analyser la réponse internationale au problème de la titrisation des créances

(section I) pour ensuite voir les singularités des juridictions initialement désignées pour

notre recherche (section II).

705 Éric CHOUINARD et Paulin GRAYDON, « La mise en oeuvre de Bâle III : vers un secteur bancaire plus

sûr», (2014) Revue du système financier 61. 706 Yves SIMON, «Marché au comptant et marchés dérivés. Des interactions complexes», (2009) 275

Banque Stratégie 4. 707 Guillaume ELLIET, «Le droit et la place financière française: quelques remarques», dans Quelles

places financières pour demain? (2000) 57 R.E.F. 95.

Page 266: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

252

Section I : L’adaptation de la règlementation internationale de la

titrisation après la crise des subprimes

Sous l’effet de la mondialisation des marchés financiers708, le droit commercial a

connu une évolution progressive. Ainsi, nous constatons que les États empruntent les

bonnes pratiques pour bonifier le cadre règlementaire. L’internationalisation du droit

bancaire en est un exemple essentiellement au regard de l’évolution de la titrisation

dans le monde.

Montrée du doigt lors de la crise des subprimes en 2007, la titrisation apparaît à

présent comme un recours plébiscité par les banquiers pour le financement et pour la

gestion du risque. La crise pourrait donc avoir du bon : elle va permettre de trier le bon

grain de l’ivraie sur le marché de la titrisation. Si règlementer un produit se fait avec

un décalage dans le temps, cela ne signifie pas pour autant que les autorités

règlementaires soient nécessairement démunies. À l’échelle internationale par

exemple, la réponse des autorités régulatrices a été immédiate. Ainsi, après la crise, le

FMI, le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire, le Conseil de la stabilité financière,

etc. ont émis plusieurs recommandations dans le but de recadrer et les excès de la

finance 709 . Nous relevons notamment l’apport considérable de la troisième

recommandation du Comité de Bâle pour le marché de la titrisation : il s’agit de Bâle

III. Dans cette section, nous analyserons tour à tour la réponse du Comité de Bâle (sous-

section I), les recommandations du G20 (sous-section II), les réformes du FMI (sous-

section III), et les recommandations du Conseil pour la stabilité financière (sous-

section IV).

Sous-section I : Le nouvel accord de Bâle : Bâle III

708 Pierre BEZARD, « La mondialisation des marchés financiers », (2001) 1 Rj.com. 163. 709 Nous pouvons également citer le Panel of Recognised International Market Experts in Finance

(P.RI.M.E.) Le P.R.I.M.E. Finance à La Haye est une plateforme d’arbitrage ouverte en 2012. Cet organe

gère des litiges entre entités et institutions privées (comme les banques, assureurs, institutions de retraite,

clearing houses, bourses, etc.) relatifs aux nouveaux instruments financiers complexes, tels que les

produits dérivés. Cette initiative démontre une volonté pour les acteurs du marché de conserver un

certain contrôle sur la régulation croissante des produits dérivés.

Page 267: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

253

L’étude de la titrisation que nous avons faite ci-haut révèle une défaillance au

niveau de la régulation prudentielle. En effet, avec la libéralisation et la

dérèglementation, les banques sont devenues vulnérables. Elles parviennent

difficilement à éviter la déchéance puisqu’elles se sont lancées dans des activités

spéculatrices sans tenir compte de leur bilan. C’est la raison pour laquelle une

révolution dans ce sens a été nécessaire. Michel Aglietta énonce à cet effet que : « (…)

La régulation prudentielle, étroitement liée au contrôle du crédit par la politique

monétaire, est préventive. L’objectif est de lisser le cycle financier pour que les

retournements déclenchent moins de crises et pour en restreindre la gravité si elles se

produisent quand même. »710 Nous nous intéresserons particulièrement à la régulation

prudentielle édictée par le Comité de Bâle qui, lui, dépend de la Banque des Règlements

Internationaux BRI). Cette régulation impose aux banques de détenir un certain niveau

de fonds propres plus ou moins équivalent aux risques encourus. Par ailleurs, une

banque est dite solvable lorsqu’elle est capable de faire face aux ruées des déposants

dans les guichets, par conséquent, à travers cette régulation prudentielle, les autorités

de régulation s’assurent de la responsabilité face à leurs actions et obligations. La

régulation prudentielle permet dans le même temps la stabilité du système financier.

En ce qui concerne la (BRI), elle a été créée en 1930 et ses objectifs étaient centrés

vers la reconstruction de l’Europe. Par la suite, elle est devenue la banque des banques

centrales. Et depuis lors, elle a toujours été en en faveur de la stabilité financière

internationale et de la coopération des États. Elle veille également à l’assainissement

du secteur bancaire sur le plan international, et même national par voie de transposition

bien que ses recommandations ne soient pas contraignantes juridiquement. Mais la peur

de voir son système bancaire faillir et le souci de prévenir les risques de contagion

incitent moralement les gouvernements à appliquer ces recommandations. En 1997 par

exemple, elle a mis en place les « Principes fondamentaux pour un contrôle bancaire

efficace » (révisés en octobre 2006) visant « l’amélioration de la stabilité financière

nationale et internationale ». Ce document de travail s’inscrit bien dans les travaux que

710 Michel AGLIETTA, « Risque systémique et politique macroprudentielle : une nouvelle responsabilité

des banques centrales », (2011) 101 R.E.F. 200.

Page 268: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

254

le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire711 a conduits depuis sa création en 1974 en

faveur d’un contrôle bancaire efficace et de systèmes bancaires sûrs et solides.

Ce Comité, initialement appelé Comité Cooke du nom de Peter Cooke712, a pour

principale mission d’établir, à travers la coopération internationale, un environnement

concurrentiel sain et le maintien de la stabilité financière mondiale713. Il a pour mandat

« [d’offrir] un cadre de coopération sur les questions liées au contrôle bancaire […]

[et] de renforcer la règlementation, le contrôle et les pratiques des banques à travers le

monde en vue d’améliorer la stabilité financière. »714Il est composé des gouverneurs

des banques centrales et des autorités prudentielles de 27 pays715.

La première recommandation du Comité Bâle est Bâle I ou le ratio Cooke716.

C’est une initiative du Gouverneur de la Réserve fédérale, Paul Volker, qui, face à la

montée des risques dans le système bancaire, a proposé en 1984 aux banquiers centraux

du Comité Bâle, une convergence règlementaire internationale en matière de niveau de

fonds propres. L’accord proposait donc un ratio minimal de 8 % de fonds propres par

rapport à l’ensemble de crédits octroyés par la banque. Autrement dit, si une banque

veut prêter 100 dollars, elle devrait avoir 8 dollars de fonds propres qui lui permettront

de faire face aux risques éventuels. Selon l’accord, l’élément essentiel à prendre en

compte pour la constitution des fonds propres est le capital de base constitué

essentiellement du capital social et des réserves publiés.

Ce ratio a été effectif à partir de 1988. Pour Arnaud De Servigny,

711 Le Comité de Bâle sur le Contrôle bancaire a vu le jour afin de faciliter le traitement homogène des

activités bancaires transfrontalières. Le Comité de Bâle a été créé par les pays du G10 à la suite de la

faillite de la banque privée allemande Herstatt en 1974 (qui avait montré une fois de plus

l’interdépendance du système bancaire international) afin d’améliorer la stabilité du système bancaire

international. 712 Ancien directeur de la Banque d’Angleterre et premier Président du Comité de Bâle. 713 D. NOUY préc. note 123, p.1 714 COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, préc. note 122, article 1. 715 «Le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire se compose de hauts représentants des autorités de

contrôle bancaire et des banques centrales des juridictions suivantes : Afrique du Sud, Allemagne, Arabie

saoudite, Argentine, Australie, Belgique, Brésil, Canada, Chine, Corée, Espagne, États-Unis, France,

Hong-kong RAS, Inde, Indonésie, Italie, Japon, Luxembourg, Mexique, Pays-Bas, Royaume-Uni,

Russie, Singapour, Suède, Suisse et Turquie.», COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, Rapport

aux ministres des Finances et aux gouverneurs des banques centrales du G 20 sur le suivi de la mise en

œuvre de la réforme règlementaire Bâle III, avril 2013, p..1. En

ligne : < http://www.bis.org/publ/bcbs249_fr.pdf >, (consulté le 20 janvier 2016). 716 BANK FOR INTERNATIONAL SETTLEMENTS, Convergence internationale de la mesure et des normes

de fonds propres, BASEL COMMITTEE ON BANKING SUPERVISION, juillet 1988. En

ligne: < https://www.bis.org/publ/bcbsc111fr.pdf > (consulté le 20 janvier 2016).

Page 269: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

255

L'accord de Bâle de 1988, qui a pris effet en 1992, marque un tournant

important sur le plan de règlementation prudentielle internationale.

L'objectif de cet accord était double : il s'agissait, d'une part, de renforcer

la santé et la stabilité du système bancaire international grâce à l'imposition

de critères minimaux de capital et, d'autre part, de consolider la stabilité du

système bancaire international en promouvant un degré élevé de cohérence

entre banques de différents pays, de manière à réduire toute compétition

inéquitable717.

Bâle I a été mis en place pour encadrer la concurrence entre grandes banques dans le

monde qui se traduisait par une diminution des fonds propres. Cependant, malgré son

incontestable succès, ce dispositif ne permettait pas de prendre en compte les

évolutions technologiques dans le domaine de la finance et ne constituait plus qu’une

mesure simplificatrice des risques auxquels une banque est exposée718.

Après Bâle I, la deuxième recommandation est Bâle II ou le ratio McDonough

qui a été mis en place juste après les crises financières des années 90719 où le risque de

crédit a été exposé. La réforme du premier accord a commencé en 1998. Le ratio

McDonough, mis en place en 2004, est devenu effectif à la fin de l’année 2006720. Il

est le même que le ratio Cooke c’est-à-dire 8 %. L’élément nouveau de cette deuxième

recommandation est la définition des actifs pondérés en fonction du risque. Si avec le

ratio Cooke le risque de crédit a été essentiellement encadré, avec le ratio McDonough,

le risque de marché a été visé en plus. En d’autres termes, la solvabilité des banques a

été un enjeu lors de l’établissement de ce second accord.

En outre, l’un des apports de Bâle II a été l’élargissement des sûretés, garanties

et dérivés de crédit qui peuvent être pris en compte par les banques. Selon Bâle II721,

ces instruments sont désignés comme facteurs d’atténuation du risque de crédit. En

717 Arnaud DE SERVIGNY, Le risque de crédit. Nouveaux enjeux bancaires, Coll. « Gestion sup.», Paris,

Éditions Dunod, 2001, p.190. 718 BANQUE DE FRANCE, Rapport de la Commission bancaire pour l’année 2000, p.259. En ligne:

https://www.banque-

france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/archipel/publications/cb_ra/cb_ra_2000.pdf (12 mai

2018). 719 À l’occurrence la crise mexicaine et thaïlandaise que nous avons préalablement analysée dans la

première partie de cette thèse. 720 COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, Convergence internationale de la mesure et des

normes de fonds propres, 2006. En ligne: < https://www.bis.org/publ/bcbs128fre.pdf > (consulté le 16

mars 2017). 721 Id. pp.50 et suiv.

Page 270: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

256

effet, l’approche standardisée permet d’évaluer l’importance de la diminution de fonds

propres en fonction du risque de marché associé à la sûreté. L’opération de titrisation

est également encadrée par le Comité Bâle via Bâle II. La titrisation permet de

transférer, d’une banque à un tiers, les pertes associées à un lot de créances sous-

jacentes. Elle est donc un important moyen de diversification de risques. Ainsi, le

Comité Bâle estime que les opérations de titrisation requièrent des exigences de fonds

propres plus élevées. Plus précisément, selon cette recommandation, le ratio prudentiel

des fonds propres doit varier en fonction des risques liés aux expositions de titrisation.

Bâle II a également insisté d’une part sur la nécessité, pour les banques, d’évaluer

l’adéquation de leurs fonds propres en regard de leurs risques globaux; et d’autre part

sur la vigilance des autorités de contrôle. Ces autorités, pour une bonne surveillance

règlementaire, doivent assurer une bonne gestion des risques sur les marchés. Elles

pourront également, en cas de crise ou de détérioration du capital, augmenter le ratio

minimal qui est de 8 % pour augmenter la résilience des banques. Le dernier pilier de

Bâle II est la discipline de marché. Il insiste sur la transparence des banques afin de

permettre aux acteurs d’évaluer le profil de risque d’une banque ou encore son niveau

de capitalisation722.

Après analyse, nous constatons que les premières recommandations de Bâle

c’est-à-dire Bâle I et II présentent quelques failles. Tout d’abord, les deux accords,

centrés sur l’aspect microprudentiel, ont minimisé les risques pris par les institutions

financières dans leurs activités de marché, notamment celles de la titrisation des crédits

et des activités hors bilan. Le risque vedette est le risque de contrepartie, car les

institutions financières sont nationalement et internationalement connectées. Les

risques de contagion en cas de crise de liquidité sont alors élevés. De plus, ces

régulations prudentielles sont tombées dans l’obsolescence grâce à l’arbitrage

règlementaire, aux innovations complexes et au système bancaire parallèle.

Après la crise des subprimes, Bâle III, qui est le plus récent accord du Comité

de Bâle723, a vu le jour. Il vient renforcer les dispositifs précédents, mais y rajoute des

722 Id. pp.248 et suiv. 723 COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, Bâle III: dispositif règlementaire mondial visant à

renforcer la résilience des établissements et systèmes bancaires, décembre 2010. En ligne:

< https://www.bis.org/publ/bcbs189_fr.pdf >, (consulté le 20 janvier 2016).

Page 271: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

257

coussins supplémentaires afin d’encadrer les risques de liquidités sur le marché. C’est

un ensemble de mesures nouvelles que le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire a

élaboré pour renforcer la règlementation, le contrôle et la gestion des risques dans le

secteur bancaire. Ces mesures ont pour objet 724:

D’améliorer la capacité du secteur bancaire à absorber les chocs résultant des

tensions financières et économiques, quelle qu'en soit la source;

D'améliorer la gestion des risques et la gouvernance;

De renforcer la transparence et la communication des banques.

Ces mesures visent également :

La règlementation au niveau des banques, dite microprudentielle, qui

contribuera à renforcer la résilience des établissements bancaires en périodes de

tensions;

Les risques systémiques macroprudentiels, susceptibles de s'accumuler dans le

secteur bancaire, et leur amplification procyclique dans le temps725.

L’endettement excessif des banques, l’inadéquation et la qualité médiocre des fonds

propres ainsi que l’insuffisance des volants de liquidité constituent, entre autres, les

failles identifiées lors de la crise financière de 2008726. De plus, le risque systémique,

qui contribué à étendre la crise, était faiblement encadré. Au regard de ces failles, nous

nous remarquons que Bâle II a effectivement montré ses limites en ce qui concerne la

surveillance macro-prudentielle. En effet, selon le professeur Acharya, les exigences

du Comité de Bâle (Bâle II) en ce qui concerne l’adéquation des fonds propres ne

prennent en considération que le risque individuel d’une banque; ces exigences ne

s’appliquent pas aux banques qui détiennent des portefeuilles d’actifs fortement

724 BANQUE DES RÈGLEMENTS INTERNATIONAUX, Cadre règlementaire international du secteur

bancaire (Bâle III), 2011. En ligne : http://www.bis.org/bcbs/basel3_fr.htm (consulté le 20 janvier

2016). 725 « La politique macro-prudentielle vise à limiter la procyclicité inhérente du système financier. La

procyclicité peut ainsi s'entendre du mécanisme par lequel le système financier amplifie les cycles

économiques : Soit la prise de risque est trop importante dans les phases d'expansion, à cause d'un

optimisme excessif connu sous le nom de « paradoxe de la tranquillité ». Soit la prise de risque est trop

faible en période de crise à cause d'une aversion excessive au risque qui peut être renforcée par les

asymétries d'informations et les impératifs règlementaires », Thibaut DUPREY, « Qu’est-ce que la

politique macroprudentielle?», BSI Economics, 2014. En ligne : < http://www.bsi-economics.org/264-

definition-politique-macroprudentielle>, (consulté le 20 mars 2017). 726 Supra, p.7

Page 272: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

258

corrélés 727 . Or, chaque banque peut réduire de manière optimale son risque de

défaillance individuel; mais le risque systémique résultant d'une forte corrélation reste

inchangé.

Avec Bâle III, les propositions du Comité de Bâle comblent ce déficit en

s’inscrivant dans une dynamique globale de gestion des risques de la banque en tenant

compte de ses propres risques, mais aussi des risques de son environnement. Ces

propositions incluent le renforcement des mesures microprudentielles, et la mise en

oeuvre de mesures macroprudentielles, notamment par le biais de volants de fonds

propres et des mesures spécifiques pour les établissements financiers ayant une

importance systémique728.

Par ailleurs, un nouveau cadre règlementaire pour les opérations de titrisation729 a

été mis en place par le Comité de Bâle. L’une des principales modifications est

l’élaboration des critères pour les titrisations simples, transparentes et standardisées.

Le but de ce dispositif est de rendre l’opération de titrisation moins opaque en rendant

les actifs sous-jacents homogènes et en accompagnant l’investisseur tout le long du

processus afin qu’il le comprenne parfaitement.

Nous pouvons donc résumer l’apport des trois recommandations comme suit 730 :

- Bâle 1 encadre le risque de crédit et la quantité de fonds propres minimums qui

est de 8 %.

- Bâle II augmente la gamme des risques couverts et améliore le calcul des

coefficients de pondération;

Bâle III augmente des exigences en matière de fonds propres : 8 à 10,5 %. Il introduit

un coussin de capital contracyclique qui sera fixé entre zéro et 2,5 %. Ce coussin vise

727 Viral V. ACHARYA, «A theory of systemic risk and design of prudential bank regulation », (2009) 5

Journal of Financial Stability 227. 728 « Le Comité se sert d’indicateurs qualitatifs et quantitatifs pour identifier les établissements bancaires

d’importance systémique mondiale (EBISm). Outre la satisfaction des exigences de Bâle III en termes

de fonds propres et de ratio de levier, les EBISm doivent disposer d’une plus grande capacité

d’absorption des pertes compte tenu du plus haut degré de risque qu’ils présentent pour le système

financier. Le Comité a également établi des principes méthodologiques pour l’évaluation et l’exigence

de capacité additionnelle d’absorption des pertes applicables aux établissements bancaires d’importance

systémique intérieure (EBISi). ». COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, Les réformes de Bâle

III. En ligne : < https://www.bis.org/bcbs/basel3/b3summarytable_fr.pdf > (consulté le 12 mai 2018). 729 BASEL COMMITTEE ON BANKING SUPERVISION, Revisions to the securitisation framework, 2016. En

ligne: < https://www.bis.org/bcbs/publ/d374.pdf > (consulté le 12 mai 2018). 730 J. SELODY et E. WOODMAN, préc. note 372, p.57.

Page 273: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

259

à conserver des fonds propres supplémentaires dans le bilan afin de prévoir des

périodes de tensions. Enfin, il introduit un ratio d’effet de levier. En plus d’établir des

principes de saine gestion et de surveillance du risque de liquidité 731 , Bâle III a

également instauré des normes pour le ratio de liquidité à court terme et le ratio de

liquidité à long terme732. Par ailleurs, Bâle III a établi une nouvelle hiérarchie des

approches de calcul des exigences en fonds propres et de leur pondération des risques

pour les opérations de titrisation, réduisant le recours aux notations externe et

favorisant l’approche basée sur les notations internes. En la méthode recommandée est

l’approche basée sur les notations internes; s’il n’y a pas assez de données, la méthode

à utiliser sera l’approche basée sur la notation externe, puis l’approche standard, en

l’absence de notation externe733. Les exigences pour les expositions plus risquées ont

également été augmentées.

Bâle III est une réponse aux innombrables failles révélées lors de la crise en

2008. Seulement, la grande préoccupation actuelle est la mise en œuvre de ces règles

par les différentes législations domestiques. Il est en effet important que les

recommandations soient strictement respectées par tous les pays pour assurer une

équité sur le plan règlementaire et pour obtenir les résultats escomptés. Pour ce faire,

le Programme d’évaluation de la concordance des règlementations avec Bâle III734 a

été mis en place pour évaluer les règlementations mises en place dans différents pays

afin de faire ressortir d’éventuelles lacunes. Les résultats de cette évaluation sont

publiés et vont permettre ainsi aux législateurs nationaux d’apporter les solutions aux

failles révélées.

À ce jour, le Comité de Bâle a procédé à des évaluations détaillées des

731 COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, Principes de saine gestion et de surveillance du

risque de liquidité, 2008. En ligne : < https://www.bis.org/publ/bcbs144_fr.pdf> (consulté le 20 mars

2017). 732 COMITÉ DE BÂLE sUr LE CONTRÔLE BANCAIRE, Bâle III: Ratio de liquidité à court terme et outils de

suivi du risque de liquidité, 2013. En ligne : < https://www.bis.org/publ/bcbs238_fr.pdf> (consulté le 20

mars 2017).

COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, Bâle III : Ratio structurel de liquidité à long terme,

2014. En ligne : < https://www.bis.org/bcbs/publ/d295_fr.pdf> (consulté le 20 mars 2017). 733 BASEL COMMITTEE ON BANKING SUPERVISION, préc. note 729. 734 BASEL COMMITTEE ON BANKING SUPERVISION, Regulatory Consistency Assessment Programme

(RCAP) Handbook for jurisdictional assessments, mars 2016. En ligne : < https://www.bis.org/bcbs/pu

bl/d361.pdf> (consulté le 12 mai 2018).

Page 274: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

260

exigences définitives mises en place par six pays — l’Australie, le Brésil,

la Chine, le Japon, Singapour et la Suisse —, et a jugé que ces règles étaient

toutes globalement « conformes » aux normes minimales de Bâle. Les pays

concernés se sont montrés disposés à corriger promptement bon nombre

des écarts relevés. L’évaluation des exigences mises en place au Canada,

aux États-Unis et dans l’Union européenne sera achevée en 2014735.

Le Comité de Bâle ne dispose pas d’un pouvoir règlementaire sur les banques, il ne

donne que des recommandations et des avis et il appartient à chaque État d’adapter ses

lois dans le respect d’un certain nombre d’exigences internationales. Si au départ le

ratio Cooke était destiné aux grandes banques internationales des pays signataires de

l’accord de Bâle I, la norme a été rapidement adoptée dans la plupart des pays du monde

et par l’ensemble des acteurs.

Sous-section II : Les recommandations du G20

Créé en 1999, le Groupe des vingt (G20) est un groupe composé de dix-neuf pays

et de l’Union européenne qui se réunissent pour favoriser la concertation internationale.

Après la crise, lors du Sommet de Pittsburgh en septembre 2009, le groupe des 20 a

formulé des recommandations en ce qui concerne les dérivés de crédit 736. Lors du

Sommet de Cannes en 2011737, d’autres recommandations ont vu le jour concernant la

supervision du secteur financier. L’une des recommandations est la création d'un

identifiant international pour les entités juridiques (legal entity identifier - LEI), qui

identifie de manière unique les contreparties aux transactions financières. Il appartient

alors aux différentes autorités régulatrices de mettre en œuvre un cadre de gouvernance

approprié pour assainir et encadrer le marché des dérivés de crédit.

735 É. CHOUINARD et P. GRAYDON, préc., note 705, p.68. 736 SOMMET DU G20, préc. note 378. Par ailleurs, l'International Accounting Standards Board (IASB) a

publié la norme internationale d'information financière (IFRS) 9 Instruments financiers. Cette norme

vise à améliorer l'information financière sur les instruments financiers en prenant en compte les

préoccupations qui sont apparues dans ce domaine pendant la crise financière. En particulier, la norme

IFRS 9 répond à l'appel du G20 en faveur de l'adoption d'un modèle plus prospectif pour la

comptabilisation des pertes attendues sur les actifs financiers. 737 SOMMET DU G20, Déclaration finale du Sommet de Cannes : Pour bâtir notre avenir commun,

renforçons notre action collective au service de tous, France, 2011. En ligne :

<http://www.g20.utoronto.ca/2011/2011-cannes-declaration-111104-fr.html> (consulté le 12 mai

2018).

Page 275: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

261

En ce qui concerne les lacunes règlementaires sur les agences de notation, en

novembre 2008 à Washington, le G20 a décidé que « les régulateurs doivent prendre

des mesures pour s’assurer que les agences de notation répondent aux normes les plus

exigeantes de l’Organisation internationale des commissions de valeurs (OICV) et

évitent les conflits d’intérêts, qu’elles fassent preuve d’une plus grande transparence à

l’égard des investisseurs et des émetteurs et qu’elles traitent différemment les notations

pour les produits complexes. »738 L’année qui a suivi, c’est-à-dire lors du sommet de

Londres d’avril 2009, le Groupe a décidé que toutes les agences dont les notations sont

utilisées à des fins règlementaires doivent faire l’objet d’une régulation et d’un

agrément739.

De plus, afin de renforcer l’efficacité du contrôle et de la surveillance du secteur

financier, le Groupe des vingt a décidé de créer lors du sommet de Londres en avril

2009, le Conseil de la stabilité financière (CSF) qui est l’organe international par

excellence chargé de la surveillance des risques.

L’un des éléments révélés par la crise a été les établissements d’importance

systémique (les « too big to fail »). Ces derniers n’ont pas fait l’objet d’une attention

spécifique avant la crise financière et la mise en place du G20. C’est la raison pour

laquelle le Groupe a décidé de prendre les mesures suivantes lors du sommet de

Pittsburgh en septembre 2009:

- La mise en place de collèges de superviseurs pour les firmes multinationales

pour juin 2009.

- Les établissements financiers systémiques doivent établir des plans d’urgence

(tels que les plans ordonnés de restructuration et de liquidation) et de règlement

spécifiques et cohérents au niveau international.

- Les autorités nationales doivent mettre en place des groupes de gestion de crise

pour les entités transfrontalières majeures, définir un cadre légal pour les

738 SOMMET DU G20, Sommet de Washington. Déclaration du sommet sur les marchés financiers et

l’économie mondiale, Washington, novembre 2008, p.11. En ligne: <http://www.ituc-

csi.org/IMG/pdf/4GC_F_08_-_Annexe_II_-_Declaration_G20_-_FRENCH.pdf >, (consulté le 20

janvier 2016). 739 SOMMET DU G20, Sommt de Londres. Déclaration des chefs d’État et de gouvernement, avril 2009.

En ligne : < http://www.g20.utoronto.ca/2009/2009communique0402-fr.pdf > (consulté le 20 janvier

2016).

Page 276: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

262

interventions et améliorer l’échange d’informations en période de tensions

- Le développement des outils et des cadres pour un règlement efficace des

faillites.

- L’évaluation prospective des risques effectuée par les banques (les tests de

résistance) qui les aideront à se préparer à un ensemble de scénarios

défavorables740.

Sous-section III : Les réformes du Fonds monétaire international

(FMI)

Lors de la crise, l’on s’est rendu compte que le FMI ne disposait pas de

suffisamment de ressources et d'instruments adaptés pour prévenir les crises

systémiques et les risques de contagion. Pour pallier la situation, le G20 a décidé de

multiplier par trois les moyens dont dispose le FMI741.

Le FMI quant à lui a reformé son cadre de prêt en mars 2009. Il a également mis

en place un instrument de précaution, la Ligne de crédit flexible (LCF) 742 . Cet

instrument de précaution permet aux pays dont les fondamentaux économiques sont

sains d’offrir du crédit sans avoir à remplir au préalable des conditions précises. Plus

tard, en août 2010, une nouvelle réforme du cadre de prêt du FMI a été mise en place

et celle-ci a insisté sur le renforcement de l’offre de précaution existante. En effet,

l’attractivité de la ligne de crédit flexible (LCF) a été renforcée (augmentation des

ressources accessibles et de la durée des emprunts) pour améliorer son efficacité. La

nouvelle réforme a également étendu l’offre de précaution en créant un nouvel

instrument de précaution (la Ligne de Crédit de Précaution) pour les pays dont les

politiques et les fondamentaux sont sains, mais qui connaissent encore des

vulnérabilités743.

740 COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, Recommandations pour la détection et le traitement

des banques fragiles, juillet 2015, p.18. En ligne : < http://www.bis.org/bcbs/publ/d330_fr.pdf >

(consulté le 20 mars 2017). 741 SOMMET DU G20, préc., note 738. 742 FONDS MONÉTAIRE INTERNATIONAL, La ligne de crédit modulable du FMI (LCM), 2016. En ligne :

< https://www.imf.org/fr/About/Factsheets/Sheets/2016/08/01/20/40/Flexible-Credit-Line> (consulté le

20 mars 2017). 743 FONDS MONÉTAIRE INTERNATIONAL, La ligne de précaution et de liquidité (LPL) du FMI, 2016. En

ligne : < https://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/pdf/pllf.pdf> (consulté le 20 mars 2017).

Page 277: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

263

Sous-section IV : Les recommandations du Conseil pour la Stabilité financière

(Financial Stability Board, FSB)

L'objectif des travaux du CSF est de veiller à ce que le shadow banking soit mis

sous surveillance et soumis à la règlementation afin de pouvoir répondre aux risques

bancaires. L'approche conçue met l'accent sur les activités qui sont importantes pour le

système financier, en prenant comme point de départ celles qui ont été une source de

problèmes pendant la crise. Le CSF donne également la conduite à suivre pour la

surveillance du système bancaire de l'ombre afin que toutes les nouvelles activités à

croissance rapide qui présentent des risques bancaires soient identifiées en amont et, si

nécessaire, les risques doivent être encadrés. De plus, compte tenu de l'interdépendance

des marchés et la forte capacité d'adaptation du système bancaire de l'ombre, le CSF

estime que les propositions dans ce domaine doivent nécessairement concerner le

système financier dans sa globalité744.

À l’été 2016, Le CSF a demandé aux leaders du G20 de prendre en charge les

mécanismes de régulation financière, surtout en matière de transactions de dérivés745.

À côté de toutes ces réformes internationales, nous notons plusieurs autres

organisations qui ont alimenté les règles financières d’après-crise. Il s’agit

précisément de l’Organisation de coopération et de développement économique

(OCDE), de l’Association Internationale des Swaps et Dérivés (ISDA) 746 , de

l’Organisation Internationale des Commissions des Valeurs (OICV), du General

744FINANCIAL STABILITY BOARD, Strengthening Oversight and Regulation of Shadow Banking A Policy

Framework for Addressing Shadow Banking Risks in Securities Lending and Repos,

Consultative document, 2012. En ligne : < http://www.financialstabilityboard.org/wp-

content/uploads/r_121118b.pdf >, (consultée le 20 janvier 2016). 745 FINANCIAL STABILITY BOARD, FSB reports to G20 Leaders on financial regulatory reforms, Press

Release, 2016. En ligne: < http://www.fsb.org/wp-content/uploads/FSB-reports-to-G20-Leaders-on-

financial-regulatory-reforms.pdf>, (consulté le 31 août 2016). En ce qui concerne l’identifiant

international pour les entités juridiques (LEI), le CSF, qui s’occupe de coordonner les travaux des

régulateurs dans ce sens, a élaboré des recommandations et des propositions pour la mise en œuvre du

concept LEI : FINANCIAL STABILITY BOARD, A Global Legal Entity Identifier for Financial Markets,

juin 2012. En ligne : < http://www.fsb.org/wp-content/uploads/r_120608.pdf> (consulté le 12 mai

2018). 746 ISDA, ISDA standard terms supplement for use with Credit Derivative Transaction on Collateralized

Debt Obligation with Pay-As-You-Go or Physical Settlement, Juin 2007.

Page 278: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

264

Accounting Office (GAO) 747 . L’OICV a d’ailleurs publié des recommandations

concernant l’introduction d’exigences de compensation centrale pour les dérivés

de crédit 748 . En plus, dans l’un de ces rapports sur la titrisation 749 , l’OICV

recommande que les territoires qui en sont membres évaluent et élaborent des

approches visant à faire coïncider les incitatifs des investisseurs et des initiateurs

dans la chaîne de la titrisation, notamment, s’il y a lieu, par la rétention obligatoire

du risque associé aux produits de titrisation. Elle encourage notamment les

autorités à se coordonner en matière d'obligations de rétention du risque et à

favoriser la standardisation. Elle souhaiterait aussi que les émetteurs soient

contraints de divulguer davantage d'informations sur leurs opérations.

Sur cette question, en Europe, le paragraphe 1 de l’article 455 du règlement

concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux

entreprises d'investissement 750 prévoit que les banques européennes ne peuvent être

exposées au risque de crédit d’une opération de titrisation que si l’initiateur ou le

prêteur initial conserve au moins 5 % du risque de crédit.

Article 405 « 1. Un établissement n'agissant pas en qualité d'initiateur, de

sponsor ou de prêteur initial n'est autorisé à s'exposer au risque de crédit

d'une position de titrisation incluse dans son portefeuille de négociation ou

en dehors de celui-ci que si l'initiateur, le sponsor ou le prêteur initial a

communiqué expressément à l'établissement qu'il retiendrait en

permanence un intérêt économique net significatif qui, en tout cas, ne sera

pas inférieur à 5 %. »

747 Lire également GENERAL ACCOUNTING OFFICE, Financial Derivatives: Action Needed to protect the

Financial System, GAO/GDD 94-113, Washington, (D.C), mai 1994. En

ligne: < http://www.gao.gov/assets/160/154342.pdf > (consulté le 20 janvier 2016). 748 BASEL COMMITTEE ON BANKING SUPERVISION et INTERNATIONAL ORGANIZATION OF SECURITIES

COMMISSION, Margin requirements for non-centrally cleared derivatives, 2013. En ligne :

<https://www.bis.org/publ/bcbs261.pdf > (consulté le 12 mai 2018). 749 INTERNATIONAL ORGANIZATION OF SECURITIES COMMISSION, Global development in securitization

regulation, CR09/12, juin 2012. En ligne :< https://www.iosco.org/library/pubdocs/pdf/IOSCOPD382.

pdf >, (consulté le 20 janvier 2016). 750 Règlement (UE) n ° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les

exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement et

modifiant le règlement (UE) n ° 648/2012.

Page 279: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

265

Comme nous le voyons, plusieurs chantiers ont été lancés afin de resserrer les règles

du fonctionnement des marchés financiers. Nous pensons qu’il est nécessaire

d’indiquer la formule à adopter : doit-on privilégier l’harmonisation des règles, pour

ainsi une certaine convergence? Ou alors, chaque juridiction devrait-elle appliquer une

formule qui lui sied bien?

Page 280: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

266

Section II : L’harmonisation des règles. Une solution complémentaire

à la concurrence règlementaire

L’internationalisation des marchés répond aux exigences du commerce

international. De plus, avec la financiarisation, nous nous sommes rendu compte que

les investisseurs qui laissent la sphère nationale pour jouer sur la scène internationale

poussent les institutions financières locales à être de plus en plus concurrentes et à faire

preuve d’innovation. L’innovation et l’internationalisation sont ainsi plus ou moins

liées.

En outre, la financiarisation et la connexion des juridictions entre elles vont

légitimer la désintermédiation financière. Cette internationalisation de la finance aura

par exemple pour conséquences d’inciter les investisseurs à toujours rechercher le taux

le plus bas. Ainsi, « l’internationalisation des marchés et la possibilité technique

d’intervenir dans le monde entier a favorisé la recherche de financement à moindre

coût quel que soit le marché envisagé. »751 En recherchant les bonnes opportunités de

placement, les investisseurs vont également chercher des territoires où les lois seront

moins rigides ou alors inexistantes en matière de fiscalité. Ce que l’on appelle

couramment concurrence règlementaire.

La concurrence règlementaire signifie qu’il existe une rivalité entre lois et les

règlements nationaux. Il est également possible de parler d’une concurrence

institutionnelle. C’est le cas où les acteurs des marchés financiers usent des stratégies

afin de se soustraire à la règlementation en déplaçant leurs activités ou leurs opérations

à l'étranger. Cette concurrence règlementaire entre les territoires pousse les États à

modérer la production de leurs normes règlementaires752. Elle participe, à sa façon, à

rendre les règles homogènes en limitant celles qui sont excessives753. Ainsi, l’un des

avantages reconnus à la concurrence règlementaire entre États réside dans l'adaptation

751 Pierre-Antoine BOULAT et Pierre-Yves CHABERT, Les Swaps : technique contractuelle et régime

juridique, Paris, Édition Masson, 1992, p.11. 752 Voir Wolf-Georg RINGE, Arbitrage et concurrence règlementaires dans la gouvernance des marchés

des capitaux mondiaux, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2015. 753 «La situation de concurrence en termes de lois des sociétés aux États-Unis semble avoir conduit à

l’émergence de lois relativement uniformes dans les différents États», Jean-Marc SURET et Cécile

CARPENTIER, «règlementation des valeurs mobilières au Canada», Montréal, CIRANO, Document de

travail préparé pour la Commission des valeurs mobilières du Québec, 2003, p.82 En ligne : <

http://www.cirano.qc.ca/pdf/publication/2003RP-11.pdf > (consulté le 20 janvier 2016).

Page 281: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

267

continue du régime applicable aux besoins prévalant dans le monde des affaires.

Par ailleurs, la concurrence règlementaire peut être interne ou internationale.

Les cas de concurrence règlementaire interne754 les plus marquants sont les États-Unis

et l’espace européen. Aux États-Unis par exemple, le droit des sociétés est régi par les

États, et chaque État détermine ses propres lois. Dans cette configuration, certains États

ont des lois plus attrayantes en ce qui concerne les investissements. L’État du

Delaware, par exemple, est le plus prisé en matière de droit des sociétés et près de la

moitié des sociétés américaines inscrites en Bourse y sont incorporées755. En ce qui

concerne la concurrence règlementaire internationale, que nous appellerons aussi

concurrence interjuridictionnelle, elle se définit comme la rivalité qui s’exerce entre

des gouvernements et par laquelle ceux-ci cherchent à attirer certaines ressources rares

ou encore à éviter certains coûts 756 . La juriste Perry a défini la concurrence

règlementaire internationale comme « a contest among regulatory jurisdiction to attract

activity by offering the most efficient regulatory environment in which to operate. A

regulatory environment is efficient if it offers participants precisely the regulation for

which they are willing to pay. »757

La concurrence règlementaire peut donc s’avérer nécessaire lorsqu’elle permet

d’ébranler une situation de monopole règlementaire. En effet, le monopole

règlementaire ne met pas forcément en avant le bien-être collectif. Dans un État fédéral

par exemple, il faut toujours être en alerte afin de ne pas tomber dans un État central

qui monopoliserait la règlementation d’une activité économique précise, car l’absence

de concurrence règlementaire sur les marchés pourrait facilement entraîner

754 Le phénomène de la concurrence règlementaire entre les différentes instances d’une même juridiction

est également bien réel et repose sur un nombre considérable de facteurs. Par exemple « aux États-Unis

(où il est renforcé par la dimension fédérale), au Japon, en Europe, etc. Dans le contexte européen, la

directive sur les services d’investissement (DSI) qui intègre les métiers du crédit et ceux du titre appelle

nécessairement une coordination accrue entre les autorités règlementaires (en France entrent la COB, la

CMF, le Comité de la règlementation bancaire et financière, la Commission bancaire, etc.) » Michel

AGLIETTA et al. « Coordination européenne des politiques économiques », Rapports du Conseil

d’Analyse économique, La Documentation française, 1998, p.67. En ligne : < http://www.cae-

eco.fr/IMG/pdf/005.pdf >, (consulté le 20 janvier 2016). 755 Kent GREENFIELD, «Democracy and the Dominance of Delaware in Corporate Law», (2004) 67 Law

& Contemp. Probs. 135. 756 J-M. SURET et C. CARPENTIER, préc. note 753, p.80. 757 Maura B. PERRY., « A Challenge Postponed: Market 2000 Complacency in Response to Regulatory

Competition for International Equity Markets», (1993-1994) 34 Va. J. Int'l L. 705.

Page 282: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

268

l’inefficience économique et la congélation de l’innovation. Dans le cas plus spécifique

du Canada758 et des États-Unis, il faudrait toujours protéger l’espace règlementaire

concurrentiel entre l’État fédéral et les provinces759.

En ce qui concerne la concurrence règlementaire, le juriste la « perçoit avec

une certaine réticence entre les États fédérés et l'État central et entre les

États fédérés eux-mêmes comme une ‘’race for the bottom’’, l'économiste

y voit la lutte saine des participants à un marché d'où émerge victorieuse la

solution la plus efficiente pour l'économie, soit un ‘’climb to the top’’760.

D’après le passage ci-dessus, nous comprenons que les partisans de l’économie

de marché ont tendance à encourager la concurrence règlementaire, car cela permet de

créer un environnement juridique efficient. Pour s’assurer que la concurrence

règlementaire atteigne cet objectif, ils mettent en avant quatre critères fondamentaux :

a) les justiciables assujettis à un univers juridique particulier doivent être

en mesure de se déplacer d'un territoire à un autre, à un coût économique

relativement faible;

b) chacune des autorités législatives doit être en mesure d'adopter le régime

juridique qui lui apparaît approprié;

c) les impacts d'un régime juridique particulier doivent être entièrement

encaissés à l'intérieur du territoire assujetti à l'autorité publique l'ayant

adopté et mis en œuvre, c'est-à-dire sans effets de débordement; et

d) le législateur doit être sensible aux conséquences négatives de son

activité (décroissance de sa population, de sa part de marché, etc.) 761

Face à des situations qui évoluent rapidement, la concurrence règlementaire

peut donc être un terreau favorable pour permettre aux États de s’adapter aux

changements du marché. Centraliser pourrait sérieusement porter atteinte au système

règlementaire qui trouverait alors des difficultés à s’adapter. La SEC par exemple

détient un monopole en ce qui concerne l’encadrement des valeurs mobilières762. Mais

758 Nicolas ROY, « Le fédéralisme canadien sous l'oeil de la concurrence règlementaire : le cas des

mesures défensives en matière d'offres publiques d'achat », (1990) 31/2 Les Cahiers de droit 335. Lire

également, Roberta ROMANO, « Is Regulatory Competition a Problem or Irrelevant for Corporate

Governance?», New York University Law and Economics Working papers, mars 2005. En ligne : < htt

p://lsr.nellco.org/cgi/viewcontent.cgi?article=1018&context=nyu_lewp >, (consulté le 12 septembre

2016). 759 Id., N. Roy, p.331. 760 Id., p.332. 761 Id., p.331. 762 Cependant, nous notons une différence en ce qui concerne l’encadrement des institutions financières

étatsuniennes. Plusieurs autorités en assurent la supervision : La Réserve Fédéralae assure la supervision

des banques (Sociétés de portefeuilles, banques communautaires, banques à charte) ; l’Office of the

Comptroller of the currency a également compétence pour superviser les banques nationales et des

Page 283: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

269

elle est jugée comme étant peu efficace, lente et en manque de ressources. Ce qui fait

en sorte que les États-Unis ne peuvent pas être considérés comme un modèle de

centralisation règlementaire dans les divers domaines liés au secteur financier. Ainsi,

la concurrence règlementaire favoriserait les innovations. Par exemple, «(…) allowing

issuers to choose among national systems of securities regulation would foster

“regulatory competition” and thereby promote better legal rules than our current legal

structure, which gives the Securities and Exchange Commission (SEC) a “regulatory

monopoly” over securities transactions in the United States.»763 Au Canada764, toujours

dans le secteur des valeurs mobilières765, l’encadrement relève de la compétence des

provinces et jusqu’ici le cadre règlementaire comme tel a été satisfaisant. Nous nous

apercevons donc qu’au Canada, l’organisation des compétences fédérales et

provinciales fait en sorte que le pays s’adapte mieux aux différentes évolutions du

marché et il se réserve, un certain niveau de concurrence règlementaire qui semble

essentiel. À ce sujet, l’économiste Tom Courchesne a fait ce constat :

« In short, I believe that there is little need for a national regulatory body.

Even now, there is at least as much uniformity in Canada as there is in the

United States in terms of the preparation of prospectuses. Moreover, there

is one important feature of the present system that is serving the national

well — the option for the federal government to move into the area if the

provinces are lagging in either developing efficient markets of in not

looking after the interests of investors. This alternative places a substantial

associations d’épargne et de prêt de compétence fédérale ; Le FDIC joue le rôle de superviseur pour les

banques non membres de la Réserve fédérale et les associations d’épargne et de prêt qui ne sont pas de

compétence fédérale ; les coopératives de crédit sont sur la supervision de la National Union Credit

Administration Board pour les entités fédérales. Les coopératives de crédit qui sont des entités étatiques

sont sur la supervision de la National Association of State Credit Union Supervisors. Il existe 7000

banques nationales, sans compter les banques étatiques et les coopératives de crédit. La supervision et

le contrôle des activités peuvent s’avérer difficiles. M. LACOURSIÈRE, préc. note 353, p.275. 763 Jackson HOWELL E. et Eric J. PAN, «Regulatory Competition in International Securities Markets:

Evidence from Europe in 1999 - Part I», (2001) 56/2 The Business Lawyer 653. 764 « La création de programmes tels que le Régime d’Épargne-actions du Québec ou celui des Sociétés

de capital de démarrage (Capital Pools) en Alberta, ou encore le cas des frais de courtage négociés sont

des exemples d’innovation qui ont été menés dans une province puis ont été copiés dans les autres. J-M.

SURET et C. CARPENTIER, préc. note 753, p.80. 765 Le secteur bancaire est très concentré: six grandes banques détiennent 90% du total des actifs confié

aux banques, et 70% des actifs de l’ensemble du système bancaire. Les banques sont de la compétence

du fédéral et les autres institutions financières sont de compétence mixte. La supervision est alors plus

aisée, contrairement aux États-Unis. M. LACOURSIÈRE, préc. note 353, p.277.

Page 284: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

270

pressure on the various provincial securities commissions to work together-

precisely what we would want from system. »766

En outre, la concurrence règlementaire trouve dans la plupart du temps « une

application partout où existent différentes juridictions dotées de pouvoirs parallèles,

que ce soit entre pays (par exemple, la concurrence pour attirer les investissements) ou

entre juridictions, au sein d'une même fédération.»767 Il existe donc un lien entre le

fédéralisme et la concurrence règlementaire. C’est le cas du Canada.

La proximité du gouvernement local avec ses citoyens, sa capacité de

façonner des politiques pour répondre à leurs besoins et la spécialisation

régionale sont souvent mentionnées comme étant des valeurs inhérentes au

fédéralisme; ce sont également les principaux avantages de la concurrence

intergouvernementale768.

Par ailleurs, la concurrence règlementaire est généralement opposée à

l’uniformisation ou la centralisation de la règlementation. L’uniformisation s’appuie

sur l’efficacité immédiate des règlementations. En effet, l’uniformisation des règles

rend la mise en œuvre plus homogène et permet d’encadrer son objet de façon optimale.

Le système est alors plus stable et prévisible, ce qui permettrait aux investisseurs

d’investir en hommes avertis. C’est alors une forme de garantie pour ces derniers. Par

exemple, en Europe nous remarquons une volonté d’uniformiser la règlementation

étant donné que les États ont consenti à laisser une part de leur souveraineté au profit

de l’existence de l’Union. Cette uniformisation règlementaire permet entre autres

d’éviter l’arbitrage règlementaire. Cependant, il existe plusieurs freins à la coopération

en Europe. Nous pouvons par exemple citer les divergences sur les cultures, les

systèmes juridiques comptables et fiscaux et les mécanismes de supervision. Le marché

européen aurait besoin de plus de confiance entre les acteurs financiers. Pour pallier la

situation autrement, il faudrait également que les délais de transpositions des textes

communautaires soient respectés. La transposition des textes prend très souvent en

766 Thomas J. COURCHESNE, Economic Management and the Division of Powers, vol. 67, the Collected

research studies/Royal Commission on the Economic Union and Development Prospects for Canada,

Toronto, University of Toronto Press, 1986, p. 156-157. 767 Cédric SABBAH, Concurrence intergouvernementale et intérêt national dans le domaine des valeurs

mobilières au Canada, Mémoire de maîtrise, Montréal, Faculté de droit, Université de Montréal, 2006,

p.55. 768Id.

Page 285: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

271

compte le contexte économique et sociopolitique d’un pays et cela influe sur

l’application des textes votés sur le plan communautaire.

« L’internationalisation des marchés financiers a amené des avantages

globaux, en particulier aux institutions financières et aux gros prêteurs et

emprunteurs, malgré un certain accroissement des risques. À mesure que

la mondialisation progressera, ces avantages seront renforcés et peuvent

être diffusés plus largement. Néanmoins, beaucoup d’utilisateurs de

services financiers – sur le marché de détail, en particulier- ne profitent pas

de ces avantages et, dans certains cas, ils sont peut-être même exposés à

des risques accrus, parce qu’ils ont par exemple, traité avec des institutions

financières qui étaient elles-mêmes exposées à des risques plus grands.

L’une des principales tâches des gouvernements et des organismes de

règlementation sera d’offrir à tous les utilisateurs de services financiers la

possibilité de profiter pleinement de tous les avantages que comporte la

mondialisation des marchés, tout en limitant les risques qu’elle comporte

pour les utilisateurs et pour l’économie dans son ensemble. »769

Ainsi, l’uniformisation met en avant une approche descendante où le cadre

règlementaire est hiérarchisé. Cette approche a ceci de négatif qu’elle donne une vision

globale du marché sans toutefois tenir compte des spécificités. De plus, la stabilité

qu’un système uniformisé procure s’oppose à la célérité et à l’évolution rapide des

marchés. Et c’est la raison pour laquelle les investisseurs et les institutions financières

choisiront l’option de la concurrence règlementaire.

Le professeur Jean Roy le signifie bien lorsqu’il dit :

Aucun organisme règlementaire n'existe en situation d'isolement, les

organismes provinciaux, nationaux et internationaux cohabitent et doivent

se positionner les uns par rapport aux autres. Deux grandes stratégies de

positionnement sont possibles : l'harmonisation ou la compétition. Avec

l'harmonisation, le but est de réduire les différences de manière à réduire

les coûts des entreprises qui sont sujettes aux deux règlementations. Cette

approche facilite la mobilité du capital. Avec l'approche compétitive, le but

est de différencier, généralement dans le sens d'offrir une règlementation

moins contraignante, et donc de donner un avantage concurrentiel aux

entreprises locales et de favoriser aussi l'innovation. Bien sûr, cet avantage

est obtenu en acceptant un plus haut niveau de risque et des relations plus

tendues avec les partenaires commerciaux. Du point de vue du système

financier mondial, contrairement à ce que l'on pourrait croire,

l'harmonisation totale et l'uniformisation qu'elle entraînerait n'est pas la

769 MINISTERE DES APPROVISIONNEMENTS et SERVICES CANADA, Les marchés financiers canadiens et

la mondialisation, Conseil Économique du Canada, Ottawa, 1989, p.93.

Page 286: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

272

solution optimale. Là comme ailleurs, un certain niveau de compétition

règlementaire est sain et dynamique770.

L’autre pendant de la concurrence règlementaire est l’harmonisation

règlementaire. Ces deux notions ont souvent été vues comme deux façons de faire qui

sont incompatibles. Or, pour qu’il y ait concurrence règlementaire, il faudrait au

préalable une harmonisation minimale. Prenons par exemple le cas où, grâce à la

concurrence règlementaire, la loi de la juridiction d’origine s’applique dans la

juridiction hôte. Cela ne peut se faire sans une harmonisation minimale entre les

régulateurs. Par exemple, même si la communauté européenne (CE) a opté pour une

centralisation, elle aurait tout intérêt à mettre en place un entre-deux, une concurrence

règlementaire compatible avec une harmonisation minimale, afin d’obtenir une

convergence optimale. En effet, dans la zone euro, la concurrence règlementaire serait

un moyen d’atteindre une harmonisation dictée par les besoins des agents. Une

harmonisation suggérée comme celle-ci est un moyen d’homogénéiser la

règlementation en partant des besoins des agents, par opposition à l’harmonisation

imposée mise en avant par l’uniformisation (approche descendante ou top down). Pour

aller dans le même sens, l’économiste Benn Steil veut voir en la concurrence entre les

règlementations un moyen d’avoir un réel espace financier européen771.

Il faudrait alors faire un bon dosage pour éviter que le désir d’atteindre absolument une

harmonisation bloque toute tentative d’innovation. Lannoo soutient cet argument

quand il écrit : « Full harmonization is not realistic, however, nor is it even desirable

since some degree of competition between jurisdictions can do not harm.»772 Le comité

Lamfalussy 773 a également exprimé la nécessité d’avoir une harmonisation qui

770 J. ROY, préc., note 64, p.11. 771 J-M. SURET et C. CARPENTIER, préc., note 753, p.100. 772 Karel LANNOO, « EU Securities Market Regulation; Adapting to the Needs of the Single Capital

Market », Report of a CEPS Task Force, 2001, p.2. En ligne : < https://core.ac.uk/download/pdf/14884

8174.pdf> (consulté le 12 mai 2018). 773 Comité des sages mis en place en 2000 par le Conseil des ministres européens de l’Économie et des

Finances (Rapport Lamfalussy). Le Brexit, qui a marqué la sortie du Royaume-Uni, va porter un coup

sur l’harmonisation règlementaire dans l’Union européenne. En effet, dans la zone euro, les institutions

financières ne peuvent pas exercer sans agrément accordé par un État membre. L’autorisation accordée

par l’État membre est généralement étendue sur l’ensemble de l’UE en vertu d’un passeport européen.

Étant donné que le passeport est désormais réservé aux pays membres, les entreprises du Royaume-Uni

ne pourront plus y avoir accès, voir Matthias LEHMANN et Dirk A. ZETZCHE, «Brexit and the

Page 287: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

273

permette le fonctionnement adéquat du système de reconnaissance mutuelle.

Également, en ce qui concerne les marchés de dérivés de gré à gré, pour la Banque

centrale européenne, « l’infrastructure de ces marchés devrait remplir trois objectifs de

base : la convergence règlementaire, la collaboration entre les autorités et la solidité

macro-prudentielle. »774 Ceci est d’autant plus évident lorsqu’on sait que pour réduire

la complexité des instruments de transfert, il faut utiliser des normes communes et

standards pour le montage de l’opération.

Afin d’atteindre cette convergence règlementaire (concurrence règlementaire et

harmonisation minimale), il va falloir assurer une bonne coordination entre

supervisions internationale et nationale. Pour ce faire, l’on pourrait, en plus de ce qui

se fait déjà (c’est-à-dire édicter des règles communes à l’international qui servent de

socle pour les juridictions), proposer d’encourager une standardisation entre les

différentes juridictions. La problématique est réelle et un régulateur global est pour

ainsi dire l’organe approprié pour gérer cet important panorama. Seulement, une

convergence règlementaire dans le secteur financier et bancaire, telle que nous la

concevons, est-elle possible? Telle est la question qui surgit au coeur de cette analyse.

Les lois nationales naissent de la volonté d’un État souverain. Elles constituent alors

des contraintes pour l’harmonisation des règles à l’échelle mondiale. Or, il s’avère que

les décisions prises en commun (G20) ou par des organisations non

gouvernementales775 (BRI, FMI, etc.) sont capables d’améliorer la règlementation du

secteur bancaire pourvu qu’elles soient relayées par les différents États dans leurs

juridictions. Ainsi, les chefs d’États présents aux différents sommets du G20 peuvent

par exemple, une fois dans leurs pays, veiller à l’application des décisions prises sous

la contrainte que leur imposeront les principes démocratiques.

En outre, la Banque des règlements internationaux, le Conseil pour la Stabilité

financière et le Fonds monétaire international sont des structures internationales qui

normalement participent à l’harmonisation des règles. Les recommandations qu’elles

consequences for commercial and fianncial relations between the EU and the UK», (2016) European

Business Law Review 21. 774 Benoît CURE, « Réforme des marchés de produits dérivés de gré à gré : La position de la Banque

centrale européenne», (2013) 109 R.E.F.166. 775 C’est ce que l’on appelle communément « soft law » (droit mou).

Page 288: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

274

mettent en place relèvent du droit mou (soft law). Cependant, ces recommandations,

qui peuvent être vues comme un obstacle à la souveraineté d’une juridiction donnée,

sont en fait un complément à l’action étatique. Normalement, si elles sont

universellement mises en oeuvre, elles pourraient facilement contrer l’inflation

normative. Par conséquent, nous éviterions de gaspiller les énergies et les coûts liés à

la diversité des chantiers règlementaires. En faisant une étude approfondie des textes,

nous pourrions identifier les points communs et proposer une convergence des

règlementations qui se baserait plus sur les points communs que sur les points

spécifiques. Comme résultat, nous pourrions nous attendre à la réduction des coûts de

mise en conformité. En fin de compte, les recommandations internationales viendraient

uniquement compléter les lois déjà en place. La norme de résolution internationale,

couplée à la concurrence règlementaire minimalement harmonisée, semble alors être

une excellente avenue à explorer pour l’obtention des règles efficientes.

On pourrait également penser à l’éventualité d’une sanction dissuasive garante

de la bonne application des règles. Actuellement, le pouvoir de sanction est faible sur

le plan international (toutefois, nous notons des situations qui peuvent causer un

préjudice sur la réputation); tout a été misé sur la coopération, ce qui n’est pas mauvais

en soi. Mais nous gagnerions à y rajouter cet aspect punitif pour donner aux décisions

prises en commun et au droit mou, la possibilité de se faire appliquer.

Tout ceci soulève également la question du choix du mode de régulation : la

régulation par les règles ou par les principes. Au Canada par exemple, le Bureau du

Superintendant des Institutions Financières, ou encore l’Autorité des marchés

financiers au Québec formulent des recommandations sur la base des principes à

observer. Même si avec les règles juridiques nous avons un système prescriptif et plus

uniformisé, les principes sont moins rigides et souvent adaptés au secteur d’activité

qu’ils sont censés régir. De plus, nous pensons que les sanctions monétaires formulées

par les règles juridiques ne sont pas tant dissuasives dans la mesure où les acteurs sont

sanctionnés, mais l’histoire a montré qu’ils n’arrêtent pas forcément de commettre des

actes frauduleux. Or, les principes incitent les institutions à ne pas uniquement agir,

mais agir dans le bon sens pour, entre autres, se démarquer des autres institutions qui

partagent le même secteur d’activité. C’est d’ailleurs la principale raison de l’existence

des codes éthiques et déontologiques dans les institutions qui retranscrivent, dans la

Page 289: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

275

plupart du temps, les principes prescrits par les autorités régulatrices ; dans ce cas

précis, la mise en œuvre de ces codes dans une institution et l’évaluation qualitative de

cette mise en œuvre sont assurées par son conseil d’administration, organe responsable

de la gouvernance saine et prudente.

Enfin, en ce qui concerne la faisabilité de cette convergence règlementaire que

nous soutenons, l’on se demande bien à qui l'on pourrait confier la coordination du

processus international d'élaboration des normes. Compte tenu de son expérience et de

ses antécédents en tant qu'organisme normatif dans le domaine bancaire, le Comité de

Bâle semble bien placé pour jouer un rôle important dans l'élaboration de normes

adéquates. Toutefois, dans la mesure où plusieurs organismes internationaux

d'élaboration des normes autres que les banques centrales sont concernés par la

règlementation des différents aspects de l'activité financière, nous pourrions penser au

Conseil sur la Stabilité financière, eu égard à son éventail plus large de participants et

de compétences. Il serait le plus à même, moyennant quelques réformes, de coordonner

les travaux des divers organismes internationaux pour assurer la cohérence

internationale de la règlementation.

Parler de l’harmonisation est une préoccupation globale. Or, chaque juridiction

a son histoire qui généralement a une incidence sur son système législatif.

Page 290: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

276

Section III : Le rapport entre libéralisme et encadrement de la

titrisation aux États-Unis : la crise des subprimes

Quelle est la part de responsabilité de la titrisation dans la crise financière de

2008? La crise est liée à des anomalies majeures dans le processus de titrisation, en

particulier sur le marché américain des crédits hypothécaires. Banques

d’investissement, agences de notation, investisseurs institutionnels, mais aussi

régulateurs… Les responsabilités sont multiples dans le processus qui a conduit à

l’effondrement de la titrisation en 2007. Un retour aux fondamentaux est donc

indispensable.

En effet, l’économie américaine varie beaucoup entre régulation et

dérégulation 776 . Généralement quand les régulateurs ont le contrôle, tout semble

tranquille. Toutefois, cette tranquillité n’est pas pérenne parce que les acteurs financiers

ont très vite fait de déceler les failles des règlementations. Cela n’est pas plus mal; l’on

pourrait même dire que cela va de soi, car l’innovation financière a toujours besoin

d’être libre, et pas emprisonnée dans une quelconque sphère légale. Mais le problème

vient du fait qu’aux États-Unis, cet état de dérégulation devient une situation appréciée

du gouvernement et des régulateurs, car elle permet de générer du profit, créant ainsi

une croissance économique fictive. L’on pourrait illustrer notre propos avec l’exemple

du quart de siècle qui a suivi la Deuxième Guerre mondiale. Il s’est distingué par

l’absence de crise financière et la raison est à peu près certaine : les règlementations du

New Deal et des autres du même type au lendemain de la grande dépression. Le New

Deal est l’ensemble de programmes à dominante interventionniste, institués par le

Président Delano Roosevelt en 1933777. « Reducing competition and raising wages and

prices were the main goals of New Deal industrial and labour policies. »778 Comme

776 Randall S. KROSZNER et Philip E. STRAHAN, « Regulation and Deregulation of the U.S. Banking

Industry: Causes, Consequences and Implications for the Future », dans Nancy L. ROSE, Economic

Regulation and Its Reform: What Have We Learned? University of Chicago Press, 2014, p.485. 777 E., COHEN, préc. note 42, p.137-138. 778 Harold L. COLE and Lee E. OHANIAN, « New Deal Policies and the Persistence of the Great

Depression: A General Equilibrium Analysis», (2001) 597 working paper 5, Federal Reserve Bank of

Minneapolis Research Department.

Page 291: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

277

l’exemple de mesures prises du type New Deal, il y a le Glass Steagal Act779 qui a

permis de séparer les banques commerciales des banques d’investissement. Cette loi a

également fixé des limites pour les taux d’intérêt et donné naissance au Federal Deposit

Insurance Corporation (FDIC), entité chargée de protéger les épargnants en

fournissant une assurance fédérale des dépôts bancaires. Pour cause, durant la grande

dépression des années 1930-1933, plusieurs « faillites bancaires ont ruiné les

économies de nombreux déposants auprès des banques commerciales. » 780 C’est

également pendant cette période qu’ont été créées la Security Exchange Commission

(SEC) et la Commodity Futures Trading Commission (CFTC), entités responsables de

superviser respectivement le marché des valeurs et celui des contrats à terme781.

Nous pouvons qualifier la période de 1932 à 1945 comme une période à forte

tendance règlementaire aux États-Unis. Nous notons : La loi Glass-Steagall782 (ou

encore banking act 1933), la Securities exchange act783, la Federal home loan bank

act784, la Federal crédit union act785, la Maloney act786, l’Investment company act787 et

la Mccarran-fergusson act788.

Ces différentes lois ont su prévenir les crises financières aux États-Unis.

Cependant, la contre-révolution néolibérale entamée en 1980 va venir remettre le pays

dans un état de dérégulation avancée. Cette contre-révolution a coïncidé avec l’arrivée

du Président Ronald Reagan, qui va procéder au démantèlement des règlementations

déjà établies afin d’encourager l’expansion des activités du système financier. Il avait

alors misé sur la capacité d’autorégulation des marchés financiers. Les premières

779The Banking Act de 1933, Pub.L. 73–66, 48 Stat. 162. 780 F. MISHKIN, C. BORDES, P-C. HAUTCOEUR, D. LACOUE-LABARTE et X. RAGOT, préc. note 390, p.383. 781 Le marché des valeurs est la Bourse où s’échangent les valeurs mobilières, essentiellement des

actions et des obligations ; un contrat à terme est une opération négociée entre deux contreparties

(l’acheteur et le vendeur) sur un marché organisé et règlementé appelé « marché à terme ». Il constitue

un engagement d’acheter (pour l’acheteur), de vendre (pour le vendeur) un actif sous-jacent à un prix

fixé dès aujourd’hui, mais pour une livraison et un règlement à une date future. 782 The Banking Act de 1933, Pub.L. 73–66, 48 Stat. 162. 783 Securities exchange act ,15 U.S.C. § 78, Pub.L. 73–291, 48 Stat. 881. 784 Federal Home Loan Bank Act, Pub.L. 72–304, 47 Stat. 725. 785 Federal Credit Unions act, 12 U.S. Code Chapter 14, Pub. L. 114-38. 786 La Maloney act a modifié la Securities exchange act en 1938. Cette loi a mis en place la formation et

l’enregistrement des associations nationales de valeurs mobilières chargées de superviser la conduite des

membres soumis à la surveillance de la SEC. 787 Investment Company Act, 15 U.S.C. §§ 80a-1–80a-64, Pub.L. 76–768, 15 U.S.C. §§ 80a-1–80a-64. 788 McCarran–Ferguson Act, 15 U.S.C. §§ 1011-1015.

Page 292: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

278

expériences ont porté sur l’élimination des restrictions sur les taux d’intérêt789 et sur

les caisses de dépôt (Savings and Loans).

Les effets de ce processus de libéralisation ne se sont pas fait attendre. Une bulle

financière s’est formée dans le marché immobilier grâce à la prolifération des caisses

de dépôt. C’est cette bulle qui a débouché sur la crise financière et boursière de 1987

(le lundi noir). Le coût du sauvetage gouvernemental des entités financières en

difficulté entre 1985 et 1989 a été estimé à 152 milliards de dollars790.

Après ce passif, il devient difficile d’évaluer l’apport de la nouvelle

règlementation mise sur pied aux États-Unis après la crise. La règlementation dont il

est question s’appelle la Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act

(Loi Dodd-Frank )791. Elle a été adoptée pour combler les lacunes dans le système de

règlementation qui ont contribué à la crise financière de l'automne 2008. Toutefois,

l’on s’interroge sur la pertinence de cette loi; a-t-elle été suffisamment bien réfléchie

ou alors est-elle juste un acte posé par le gouvernement pour se donner bonne

conscience? Une chose est sûre, ce texte de 2300 pages a ratissé large et a inclus la

majorité des points problématiques de la finance au point d’en diluer même le contenu.

En ce qui concerne la titrisation792, le Titre VII de la Loi Dodd-Frank a modifié le

Commodity Exchange Act 793 de refonte de la structure et de la surveillance du marché

de gré à gré et des produits dérivés qui avaient déjà fait l'objet de peu ou pas de

surveillance. Il a également mis en place un nouveau cadre législatif pour la régulation

complète des institutions financières qui participent au marché des swaps794 qui doivent

s'inscrire et être soumis à une plus grande surveillance. Il ne reste plus qu’à observer la

matérialisation de ces règles, très difficile à apprécier jusqu’à présent.

Article 728 The Commodity Exchange Act is amended by inserting

after section 20 (7 U.S.C. 24) the following:

789 Supra, pp.85-86. 790 Timothy CURRY et Lynn SHIBUT, «The Cost of the Savings and Loan Crisis: Truth and

Consequences», FDIC, 2000. En ligne : < http://www.fdic.gov/bank/analytical >, (site consulté le 25

mars 2015). 791 Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection act, Pub. L. N° 111-203, 124 Stat 1376. 792 La Loi Dodd-Frank a également instauré le système de corégulation c’est-à-dire un partenariat entre

le gouvernement et les plus grands établissements financiers. 793 La Commodity Exchange Act (CEA) 7 U.S.C. § 1 et seq. règlemente le commerce des contrats à terme

de matières premières aux États-Unis. 794 Le swap est une opération financière qui consiste en un échange de flux financiers entre deux

contreparties, selon un échéancier fixé à l'avance.

Page 293: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

279

« (…) It shall be unlawful for any person, unless registered with the

Commission, directly or indirectly to make use of the mails or any means

or instrumentality of interstate commerce to perform the functions of a

swap data repository. (…) A derivatives clearing organization may register

as a swap data repository. »

Aux États-Unis, la surveillance et la mise en œuvre des règlementations sont

mises en mal, car la gestion des institutions financières se fait aussi bien au fédéral

qu’au niveau des États. De plus, nous notons une pléthore d’organismes de régulation

de prêts dans chaque État. Il n’y existe pas de régulateur central; ce qui rend le suivi

des applications des règles difficile. Olson (2002), parle d’un système bancaire qui est

caractérisé par sa dualité, dans le sens où il s’est développé conjointement au niveau

fédéral et au niveau local 795 . « Les marchés bancaires et des valeurs mobilières

américains comportent un très grand nombre d’intervenants, qui se livrent une forte

concurrence. La situation est totalement différente au Canada, où l’activité est très

fortement concentrée. La réponse règlementaire doit tenir compte de cette différence

majeure. »796

En outre, à la différence du Canada ou de la France, aux États-Unis la

supervision est organisée autour d’une dizaine d’organismes fédéraux de

règlementation financière; ceux-ci font partie du Conseil de surveillance de la stabilité

financière. En effet, le système bancaire américain comprend un grand nombre de

banques, et relève d’une multiplicité d’instances règlementaires dont l’autorité se

superpose ainsi que de lois bancaires qui diffèrent entre les États. De plus, la gestion

de la banque centrale américaine est décentralisée, car son autorité est divisée entre

douze banques régionales régies par un conseil d’administration commun composé de

cinq gouverneurs797. En bref, le cadre règlementaire en ce qui concerne le secteur

financier est donc très complexe et jusqu’ici, n’a pas prouvé son efficacité.

795 Mark W. OLSON, «The Dual Banking System and the Current Condition of the Banking Industry»,

Remarks at the Annual Meeting and Conference of the State Bank Supervisors, Salt Lake City, mai,

2002. En ligne : < http://www.federalreserve.gov/BoardDocs/Speeches/2002/20020531/default.htm>

(consulté le 20 mars 2019). 796 J-M. SURET et C. CARPENTIER, préc., note 753, p.124. 797Voir The Federal Reserve Board, «Board members».

En ligne : <http://www.federalreserve.gov/aboutthefed/bios/board/default.htm > (consulté le 5 février

2016).

Page 294: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

280

Le Conseil de surveillance de la stabilité financière est chargé d'identifier et de

répondre aux risques émergents du système financier. Le Conseil est présidé par le

secrétaire au Trésor et comprends, comme nous le disions au départ, le Federal Reserve

Board, la Secuties and Exchange Commision, Commodity Futures Trading

Commission798 , Office of the Comptroller of the Currency799 , la Federal Deposit

Insurance Commission800, Federal Housing Finance Agency801, National Credit Union

Administration802, le Nouveau Bureau de la protection de la consommation en matière

financière803, la Financial stability oversight council créé par la loi Dodd-Frank804.

L’autorité principale de supervision est la SEC. Nous notons également une pléthore

de banques aux États-Unis; le gouvernement pour pouvoir les contrôler et les encadrer,

produit des textes règlementaires. Seulement, l’idée n’est pas de mettre en place le

maximum de règles contraignantes possible, mais de savoir et de pouvoir mettre en

pratique l’existant.

Les nombreuses fusions bancaires805 aux États-Unis ont créé des établissements

gigantesques et le phénomène bancaire du « trop grand pour faire faillite » (too big to

fail)806 bat son plein créant ainsi un risque moral; les établissements bancaires sont plus

tentés à prendre des risques, car, pour eux, de toute façon un plan de sauvetage à leur

égard sera mis en place si jamais ils venaient à connaître des difficultés. Depuis le début

de l'année 2010, le nombre de fermetures de banques est de 149 (140 pour 2009) et les

coûts estimés sont de 22 milliards (14,5 pour 2009)807. Mais avec la Loi Dodd-Frank,

798 Commodity Futures Trading Commission, 7 USC § 2. 799 Pour plus de détails sur les autorités régulatrices, voir : À ce sujet, voir OFFICE OF THE COMPTROLLER

OF THE CURRENCY, «About the OCC», 2013. En ligne : < http://www.occ.gov/about/what-we-

do/mission/index-about.html>; (consulté le 5 février 2016). 800 Federal Deposit Insurance Commission, 12 USC Chapter 16, Pub.L. 114-38. 801 Federal Housing Finance Agency, 12 USC §4511. 802 National Credit Union Administration 12 USC §§1752a, 1756. 803 Le Consumer Financial Protection Bureau US Code établit par le titre X de la Loi Dodd-Frank Wall

Street Reform and Consumer Protection, Pub. L. N° 111-203, 124 Stat 1376, 12 USC § 5491. 804 Dodd–Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act, Pub.L. 111-203, sec.111. 12 USC

§5321. US Department of the Treasury, « Fiinancial Stability Oversight Council- About FSOC», 2013.

En ligne : < http://www.treasury.gov/initiatives/fsoc/about/pages/default/aspx >, (consulté le 5 février

2016). 805 Pour plus d’informations, visiter le site :

< http://www.fdic.gov/bank/individual/merger/2009/rmergers.html >, (consulté le 5 février 2016). 806 Cette expression signifie « Trop grande pour faire faillite ». 807 Pour plus d’informations, visiter les sites :

< http://www.fdic.gov/bank/individual/failed/banklist.html > et < http://faillitesbancairesusa.over-

blog.com/>, (consulté le 5 février 2016).

Page 295: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

281

les gros établissements bancaires sont soumis à une capitalisation différente, c'est-à-

dire plus élevée. Ceci a pour principal objectif de réduire le désir des institutions

financières à vouloir fusionner. Par ailleurs cette loi a mis en place la procédure de

liquidation de ces gros établissements en cas de faillite808.

Une autre loi, la règle Volcker 809 (qui est entrée en vigueur le 21 juillet 2012),

interdit aux établissements bancaires de mélanger les fonctions traditionnelles d’une

banque à celles d’un fonds spéculatif par exemple 810 . La règle Volcker interdit

notamment de faire du négoce à court terme de titres, de produits dérivés et de contrats

sur les matières premières pour leur propre compte. Cette règle du nom de celui qui l’a

808 Titre II de la Dodd–Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act, Pub.L. 111-203,

article 204: Ordely liquidation of covered financial companies

(a) Purpose of orderly liquidation authority. It is the purpose of this title to provide the necessary

authority to liquidate failing financial companies that pose a significant risk to the financial

stability of the United States in a manner that mitigates such risk and minimizes moral hazard.

The authority provided in this title shall be exercised in the manner that best fulfills such purpose,

so that—

(1) creditors and shareholders will bear the losses of the financial company;

(2) management responsible for the condition of the financial company will not be retained; and

(3) the Corporation and other appropriate agencies will take all steps necessary and appropriate

to assure that all parties, including management, directors, and third parties, having responsibility

for the condition of the financial company bear losses consistent with their responsibility,

including actions for damages, restitution, and recoupment of compensation and other gains not

compatible with such responsibility. 809 Volcker Rule, § 619 (12 U.S.C. § 1851) de la Dodd–Frank Wall Street Reform and Consumer

Protection Act, Pub.L. 111-203. 810La Réserve fédérale, le FDIC, l’OCC, la SEC et CFTC ont émis un avis proposant un certain nombre

de modifications afin de simplifier la règle Volcker et la réadapter au contexte des marchés. Cet avis

introduit un nouveau régime de conformité par paliers composé de trois niveaux d'exigences de

conformité, tous basés sur la taille des « actifs et passifs» d'une entité bancaire. Ainsi, les entités

bancaires seront contraintes selon la taille et la complexité de leurs activités spéculatives. L’avis propose

également de rationaliser les exigences du programme de conformité pour les entités bancaires disposant

d'actifs et de passifs de négociation modérés. L’échelle et la nature des activités et des investissements

dans lesquels ces entités bancaires sont engagées peuvent ne pas justifier les coûts supplémentaires liés

à l’établissement des éléments du programme de conformité prévu à l’article 20 b) et e) de la règle finale

de 2014 et peuvent être examinées et supervisées de manière appropriée grâce à un programme de

conformité simplifié et adapté.Voir FEDERAL RESERVE, Proposed Revisions to Prohibitions and

Restrictions on Proprietary Trading and Certain Interests in, and Relationships With, Hedge Funds

and Private Equity Funds, 2018. En ligne: <https://www.federalreserve.gov/newsevents/pressreleases/

files/bcreg20180530a1.pdf > (consulté le 5 juin 2018). Voir la règle finale: OCC, FEDERAL RESERVE,

FDIC, SEC, Final Rule, 2014, p.767. En ligne : <https://www.occ.treas.gov/news-issuances/news-

releases/2013/nr-ia-2013-186a.pdf> (consulté le 5 juin 2018).

Page 296: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

282

proposé, Paul Volcker, ancien directeur de la Réserve fédérale des États-Unis fait partie

intégrante de la Loi Dodd-Frank811.

Le Code des faillites des États-Unis 812 accorde des supériorités aux

contreparties des contrats de créances titrisées sans quoi les situations financières des

entreprises telles que AIG n’auraient pas été facilement viables et les contreparties se

seraient inquiétées plus tôt de la précarité financière et de la possibilité que ces

entreprisses fassent défaut et soient incapables d’honorer leurs obligations813. En effet,

en vertu de la Loi sur les faillites, il est interdit aux créanciers de l’entreprise défaillante

« de chercher à recouvrir les sommes qui leur sont dues par le biais d’une assignation

en justice ou par tout autre moyen. »814 Cette loi, en plus d’empêcher les créanciers de

mettre fin à leur contrat avec l’entreprise en défaut, empêche également les créanciers

privilégiés de jouir des sûretés dont ils bénéficient avant qu’un plan de restructuration

judiciaire soit adapté. Tout ceci se fait dans le seul but de pouvoir mieux réorganiser

l’entreprise en défaut. La loi va loin en précisant même que les débiteurs des créanciers

qui auraient remboursé dans les 90 815 jours précédant l’ouverture de la procédure

judiciaire pourraient être contraints à répéter ces sommes pour permettre une

redistribution équitable entre tous les créanciers.

Ces règles sont inversées lorsqu’il s’agit de créanciers qui sont des contreparties

à des opérations des créances titrisées. Ils peuvent faire des démarches pour recouvrir

les sommes dues et même qu’ils ne sont pas obligés de restituer des sommes déjà

perçues. Tout cela a pour conséquence d’augmenter les opérations financières risquées

et de précipiter la faillite des entreprises en défaut, car les supériorités sont accordées

811 Article 619. Prohibition on proprietary trading and certain relationships with hedge funds and

private equity funds.

The Bank Holding Company Act, 1956 (12 U.S.C. 1841 et seq.) is amended by adding at the end

the following:

« article 13. Prohibition on proprietary trading and certain relationships with hedge funds and

private equity funds..

a (1)Unless otherwise provided in this section, a banking entity shall not

‘‘(A) engage in proprietary trading; or ‘‘(B) acquire or retain any equity, partnership, or other

ownership interest in or sponsor a hedge fund or a private equity fund. 812 U.S. Code : Title 11- Bankruptcy, Pub.L. 114-38. 813 Marc J. ROE « Les marchés de produits dérivés et la loi américaine sur les faillites », (2012) 105

R.E.F. 234. 814 Id., p.235 815 U.S. Code, préc. note 812, § 365 (d) (2).

Page 297: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

283

à certains créanciers qui voudront liquider leurs positions sur les marchés afin de

pouvoir être remboursés.

La Loi Dodd-Frank n’a pas changé le code, mais dans la section applicable aux

opérations sur produits dérivés, il a soustrait plusieurs institutions financières. Celles-

ci sont désormais régies par la FDIC816.

Après avoir analysé le cas des États-Unis, juridiction plus libérale, qu’en est-il

de l’Europe et du Canada où le régime est plus à l’encadrement et à la surveillance du

marché?

816 Voir la Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection act: Pub. L. N° 111-203, 124 Stat

1376, paragraphe 210 (c) (8) (C) (i) et le paragraphe 210 (h) (1) (B). «Antérieurement à l'adoption de la

Loi Dodd-Frank, il n'existait pas de cadre législatif applicable à tous les dérivés. Ces derniers étaient

encadrés en fonction de la catégorie à laquelle ils appartenaient, par exemple, s'il s'agissait d'une valeur

mobilière, ou d'un future, d'après les Securities Acts », Cristina MUSTEANU, La réforme Dodd-Frank

des produits dérivés de gré à gré: vers un modèle mondial?, Mémoire présenté à la Faculté des études

supérieures en vue de l’obtention du grade de Maîtrise en droit, option droit des affaires, Montréal,

Université de Montréal, 2015, p.42.

Page 298: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

284

Section IV : Un cadre règlementaire pour la titrisation moins

libéralisée pour les autorités régulatrices internationales : La réplique

des droits nationaux européens et canadiens

Depuis la fin de la crise financière de 2008, le corpus législatif de plusieurs pays a

connu beaucoup de changements. Les recommandations formulées par les chefs d’État

au G20 ont été retranscrites dans la règlementation de plusieurs. Par exemple en France,

nous notons l’apparition d’une vingtaine de directives sur les banques, les assurances

et les instruments financiers. Pour cette thèse, nous allons exclusivement analyser le

cas de l’Europe pris dans son ensemble et le cas du Canada par la suite.

Sous-section I : L’Europe

Après l’éclatement de la bulle immobilière en 2007, la zone euro a été à la remorque

de l’austérité budgétaire ajoutée à cela la défiance sur les marchés entraînant forcément

une baisse de la demande de crédit. Afin de sortir un tant soit peu de cette nébuleuse,

elle s’est accordée sur les règlementations internationales en tenant compte des réalités

de la zone communautaire.

En Europe, la règlementation prudentielle est basée sur un cadre règlementaire

européen largement harmonisé, placé essentiellement sous la responsabilité de la

Commission européenne. Les autorités nationales de surveillance sont chargées de la

surveillance prudentielle au niveau national. La coopération entre autorités de contrôle

s’exerce actuellement au sein des « comités Lamfalussy de niveau 3 », qui se

réunissent régulièrement pour améliorer la convergence et la coopération en matière de

surveillance à travers l’Union. Ces comités sont :

- Le Comité européen des contrôleurs bancaires (CECB),

- Le Comité européen des régulateurs des marchés de valeurs mobilières

(CERVM), et

- Le Comité européen des contrôleurs des assurances et des pensions

professionnelles (CECAPP)817.

817 COMMISSION DES COMMUNAUTES EUROPEENNES, Communication de la Commission - Réexamen du

processus Lamfalussy, Renforcer la convergence en matière de surveillance, Bruxelles, 2007

Page 299: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

285

Au-dessus de ces différents comités, nous avons la banque centrale européenne.

Tout récemment, la Loi n° 2010-1249 du 22 octobre 2010 sur la régulation bancaire

et financière a été votée et publiée; elle vise à assurer l’encadrement du secteur bancaire

et financier européen.

Prenons le cas spécifique de la France. À la lecture du Code monétaire et

financier818, nous nous rendons compte que l’exercice de l’activité bancaire répond aux

mêmes conditions que les banques canadiennes : il faut un agrément donné par

l’Autorité de contrôle prudentiel (ACP). Et d’après le site de la Fédération bancaire

française, nous dénombrons 430 entreprises bancaires819.

En ce qui concerne la supervision, l’ACP est, avec la Banque de France,

l’autorité régulatrice du secteur bancaire en France. Nous notons là aussi un monopole

dans la supervision bancaire. Voilà pourquoi, comme le Canada, la France a su gérer

la dernière crise financière sans pour autant que l’État intervienne pour réparer les

dégâts. En outre, rajoutons qu’à priori l’AMF donne un avis sur un nouveau produit

avant qu’il ne soit commercialisé ; l’ACP quant à elle fait un contrôle a posteriori.

L’assurance-dépôts est dévolue au Fonds de Garantie des dépôts (FGP) et le

montant maximal est de 100 000 euros. Mais le secteur bancaire français n’a pas

toujours été au mieux de sa forme; entre 1929 et 1935, la France a connu un total de

566 fermetures de banques d’après le Crédit lyonnais à l’époque; pour le ministère de

la Justice, il s’agit de 744 fermetures820. Toutefois, ce qui démarque la France des États-

Unis, est le fait que le gouvernement français et la banque de France sont toujours

intervenus pour renflouer et sauver les banques en détresse.

Avant d’aller en profondeur dans les réalisations règlementaires d’après-crise,

précisons au préalable qu’en 2005, nous avons constaté une pause règlementaire, ce à

la veille de la crise financière ; ce qui a laissé place à une période de dérégulation821.

< http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A52007DC0727 >, (site consulté le 25

mars 2015). 818 Code monétaire et financier (France), article L511-1 et suivants. 819Voir le site internet de la Fédération :

< http://www.fbf.fr/Web/Internet2010/Content.nsf/DocumentsByIDWeb/874KAP?OpenDocument>,

(consulté le 25 mars 2015) 820 Dominique LACOUE-LABARTHE, « La France a-t-elle connu des paniques bancaires inefficientes ?

Une analyse exploratoire de la crise des années trente », (2005) 115 Revue d'économie politique 633. 821 Michel PARADA, « La supervision financière en Union européenne», (2011) 135 Commentaires 682.

Page 300: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

286

Mais l’Europe a su prendre le train des bonnes résolutions à temps. Rappelons d’abord

que, dans la plupart des domaines prioritaires définis par le CSF, il existait déjà une

règlementation spécifique en Europe. Il n’a donc pas été nécessaire de concevoir de

nouveaux cadres. Le défi résidait dans l’adéquation des normes en vigueur aux

nouvelles exigences internationales de stabilité et de transparence.

Ceci étant, pour canaliser la crise et ses effets, les autorités régulatrices

européennes ont tout d’abord transposé les recommandations de Bâle III dans une

directive appelée CRD IV822 (Capital Requirement Directive) et le règlement CRR

(Capital Requirement Regulation) 823 . Le règlement CRR et la directive sur les

exigences de fonds propres CRD IV visent à stabiliser et à renforcer le système bancaire

en contraignant les banques à mettre davantage de capitaux de côté, dont des capitaux

de haute qualité, pour atténuer les effets des crises. Le règlement CRR couvre les

aspects fonds propres, liquidité, ratio de levier, grands risques et risques de crédit de la

contrepartie : ce corpus règlementaire unique (single rule book) s'applique directement

à l'ensemble des établissements des États membres.

Quel ratio de fonds propres une banque européenne devra-t-elle donc respecter

demain? Si l’on considère les fonds propres durs824, les banques devront tout d’abord

satisfaire un ratio de base de 4,5 %, auquel nous pouvons tout de suite ajouter un

822 Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à

l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des

entreprises d'investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE

et 2006/49/CE Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE. Par ailleurs, la directive CRD IV transpose «

dans le droit de l'Union européenne les dispositions de Bâle III et applicables à compter du1er janvier

2014. En choisissant la voie d'un règlement européen, cette nouvelle législation innove par rapport aux

textes précédents en instaurant une harmonisation maximale dans tous les pays européens, ce qui

renforce le marché unique en tant que zone géographique où les meilleurs standards internationaux sont

appliqués de manière homogène et sûre juridiquement. Cette harmonisation se trouve renforcée par le

rôle dévolu à l'Autorité bancaire européenne (ABE) et par l'autorité bientôt confiée à la Banque centrale

européenne (BCE) en matière de supervision bancaire. Désormais, non seulement les règles, mais

également leur mise en œuvre et leur contrôle seront puissamment harmonisés. », Christian NOYER , «

CRD IV est un atout pour les banques françaises et européennes », (2013) 112 R.E.F. 71. 823 La Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant l'accès à

l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des établissements de crédit et des

entreprises d'investissement, modifiant la directive 2002/87/CE et abrogeant les directives 2006/48/CE

et 2006/49/CE Texte présentant de l'intérêt pour l'Espace économique européen (EEE); et le Règlement

(UE) n ° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 concernant les exigences

prudentielles applicables aux établissements de crédit et aux entreprises d'investissement et modifiant

le règlement (UE) n ° 648/2012. 824 Encore appelés le Common Equity Tier1 en langage bâlois.

Page 301: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

287

coussin dit de « conservation du capital » quasi obligatoire de 2,5 %. 7 % apparaissent

donc comme le plus petit dénominateur commun pour les banques européennes. Mais

c’est sans compter l’empilement de coussins plus ou moins laissés à la discrétion des

États membres. Un coussin « contra-cyclique » (fixé par l’autorité nationale avec un

plafond à 2,5 %) permettra d’éviter les phénomènes auto-entretenus de bulles et de

krach. Un coussin « de risque systémique » pourra ensuite ajouter jusqu’à 3 %

supplémentaires, voire plus sous certaines conditions. Enfin, il faudra compter avec des

coussins spécifiques pour les institutions systémiques, en tant que Société Financière

internationale (jusqu’à 3,5 %) et/ou domestiques (2,5 %). Sous certaines conditions,

ces trois derniers coussins ne seront pas cumulatifs d’après la directive825. Une chose

est certaine : l’Europe est encore loin du Single Rule Book 826 ; cette idée de

règlementation harmonisée a été lancée par l'Autorité bancaire européenne (ABE) en

juillet 2013 pour permettre aux institutions, aux superviseurs et aux autres parties

prenantes à soumettre leurs questions sur le paquet CRD IV, sur les normes techniques

connexes élaborées par l'Autorité bancaire européenne et adoptées par la Commission

européenne.

En outre, après quelques années d’atermoiements, l’Europe s’est dotée en 2012

d’une directive sur les produits dérivés. Il s’agit de l’European Market Infrastructure

Regulation (EMIR). L’EMIR met en œuvre l'accord du G20 827 qui propose de

centraliser la compensation des dérivés de crédit dans l'Union européenne. La

compensation centrale est un mécanisme important qui va permettre de réduire le risque

systémique, et aider à protéger contre un effet domino, les défaillances dans le système

financier.

À côté des produits dérivés, la Commission européenne s’est également

attaquée au problème du système bancaire parallèle. Elle a identifié quatre risques

inhérents à cette activité828 :

825 Articles 129 et suiv. de la Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin

2013 concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance prudentielle des

établissements de crédit et des entreprises d'investissement. 826 En français, nous l’appelons le Règlement uniforme. Voir : < http://www.eba.europa.eu/-/eba-

launches-new-single-rulebook-q-a-tool >, (site visité le 25 mars 2015). 827 Cet accord a été pris lors du SOMMET DU G20 du 24 et 25 septembre 2009 (voir préc. note 378). 828 COMMISSION EUROPÉENNE, Livre vert. Le système bancaire parallèle, Bruxelles, 2012, p.5. En ligne :

< http://ec.europa.eu/internal_market/bank/docs/shadow/green-paper_fr.pdf >, (consulté le 25 mars

Page 302: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

288

Des désengagements massifs et brutaux des structures de financement,

similaires au risque de ruées au guichet auquel les banques font face. Étant donné que

certaines activités du système bancaire parallèle reposent sur des financements à court

terme, le risque de retraits brutaux et massifs de fonds par les clients est bien présent.

Ce fut le cas des fonds monétaires américains qui, lors de la crise financière, ont fait

l’objet d’une décollecte massive.

Une accumulation de levier importante notamment grâce à l’activité de prêt de

titres et des accords de pension livrée.

Des arbitrages règlementaires des banques vers les « banques parallèles » pour

échapper à la règlementation. Les banques peuvent être tentées d’avoir recours à des

entités ad hoc traitant les unes avec les autres.

Un risque systémique, car les risques pris par le système parallèle peuvent se

transmettre au système bancaire régulé au travers d’emprunts souscrits par les « non-

banques » auprès d’institutions régulées ou par la vente massive d’actifs et sa

répercussion sur les prix des actifs réels et financiers. Entre 2002 et 2011, la proportion

des dépôts et prêts entre les institutions monétaires régulées et les autres intermédiaires

financiers est passée, selon la BCE, de 12 à 23 %, traduisant une interconnexion

grandissante entre les deux secteurs.

Pour encadrer ces risques, la Commission européenne a publié un Livre Vert en

2012829 sur le système bancaire parallèle. Ce livre est axé sur les risques potentiels du

système bancaire parallèle dans l'UE, ainsi que sur les approches envisageables pour

résoudre ces problèmes grâce à des dispositions règlementaires. Ainsi, il fournit en

temps opportun une analyse des problèmes liés au système bancaire parallèle, en

mettant l'accent, entre autres, sur les questions de transparence et de protection des

consommateurs, sur la nécessité que le système financier soit au service de l'économie

réelle et non de la spéculation, et en indiquant qu'il conviendrait d'éliminer les activités

2015). EUROPEAN CENTRAL BANK, Shadow banking the euro area. An overview, ocasional paper series,

n°133, avril, 2012. En ligne : <http://www.ecb.int/pub/pdf/scpops/ecbocp133.pdf >, (consulté le 25 mars

2015). 829COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN, Livre vert - Le système bancaire parallèle, COM (2012)

102 final, JO C 11 du 15.1.2013, p. 39.

Page 303: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

289

« parallèles » et de faire en sorte que le système bancaire parallèle soit soumis aux

mêmes exigences règlementaires et prudentielles que l'ensemble du système financier.

Après la crise immobilière née aux États-Unis, la crise de la dette souveraine

en Europe s’intensifie. Après la Grèce, c’est l’Espagne qui croule sous l’effet de son

déficit budgétaire. Les plans d’austérité accentuent la misère au lieu de l’endiguer. Afin

de venir à bout de ces effets néfastes de la crise de la dette, plusieurs structures ont été

mises en place pour renforcer la stabilité financière de la zone dont la plus récente est

le Mécanisme européen de stabilité (MES)830. Voté le 12 septembre 2012 et entré en

vigueur le 8 octobre 2012, le MES est en effet un fond de sauvetage de la zone euro

qui a pour but de prêter facilement et rapidement aux États en difficultés financières et

de recapitaliser, directement et sans alourdir la dette des États, les banques défaillantes.

À l’exemple du TARP aux États-Unis, le MES a pour mission de « mobiliser des

ressources financières et [à] fournir, sous une stricte conditionnalité adaptée à

l'instrument d'assistance financière choisi, un soutien à la stabilité à ses membres qui

connaissent ou risquent de connaître de graves problèmes de financement, si cela est

indispensable pour préserver la stabilité financière de la zone euro dans son ensemble

et de ses États membres. »831 À titre préventif, le MES pourra donc mettre en place des

programmes d’aide pour les États qui en ont besoin. Cependant, dans un communiqué

commun rendu public à l’issue d’une réunion de leurs ministres de finances à Helsinki,

l’Allemagne, les Pays-Bas et la Finlande ont fait mention de ce que la recapitalisation

directe ne concerne pas les banques en difficultés avant l’entrée en vigueur du MES.

Parmi les mesures d’instauration de la stabilité dans la zone européenne,

antérieurement prises au traité de MES, nous pouvons citer le Fond européen de

stabilité financière (FESF). Cette structure, mise sur pied au printemps 2010 après le

début de la crise grecque, avait pour principal objectif d’instaurer un climat de

confiance au niveau du système financier de la zone pour enfin assurer la relance de

830 Michèle Patricia AKIOBE SONGOLO, «Le Mécanisme européen de stabilité : La porte de sortie de la

crise de la dette dans la zone euro», (2012) 7-4 Regard Critique, le Journal des Hautes Études

internationales 9. 831 Article 3 du Traité instituant le Mécanisme européen de stabilité, 2011, JO L 91 du 6.4.2011,

p. 1. En ligne : < http://ec.europa.eu/dorie/fileDownload.do;jsessionid=PQlDJnBTQnW1rRgzzkb1NZ

QxGJHHHTxFMJL4HWgKLQV5tyB6XF4f!469751194?docId=1123784&cardId=1123780 >,

(consulté le 27 mars 2017).

Page 304: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

290

l’économie. En addition à cette première structure, nous notons l’existence de plusieurs

autres structures, entre autres le Mécanisme européen de Stabilisation financière.

Seulement, malgré ces différentes structures mises en place, la situation ne s’est pour

autant pas améliorée. En effet, la Banque centrale européenne, ne jouant communément

pas le rôle de prêteur en dernier ressort, ne peut pas intervenir quand la situation d’un

pays se dégrade. Ce sont tous ces détails qui ont occasionné la naissance du MES.

Ainsi, le MES succèdera au FESF. Cependant, les deux structures cohabiteront; le

FESF continuera à assurer la relève de la Grèce, de l’Irlande et du Portugal jusqu’en

2013.

Plus qu’un traité, le MES a des allures de société financière. Selon l’article 4 du

traité, il est doté d’un conseil des gouverneurs et d’un conseil d’administration. Ce sont

ces gouverneurs qui décident, d’un commun accord, de la réponse à donner à la

demande de soutien d’un État membre et dans le cas d’une réponse positive, de lever

des fonds pour le faire. Ils nomment également le directeur général, qui est responsable

de l’organisation des services. Le directeur général est le responsable légal du MES et

il est chargé de la gestion courante en lien avec le conseil d’administration, composé

d’administrateurs nommés par chaque gouverneur.

Ce nouvel instrument de solidarité financière de la zone euro est ratifié par les

dix-sept États membres de la zone. Cela a été l’une des conditions principales de son

entrée en fonction; en effet. Il fallait qu’il soit ratifié par au moins 90 % des États. Son

capital est composé de 80 milliards d'euros de fonds propres. L’essentiel de ces fonds

propres sera apporté par les États (voir Annexe 1 et 2 du traité). Par ailleurs, le capital

sera constitué également de 620 autres milliards d'euros de parts appelables (c'est-à-

dire empruntés selon les besoins sur les marchés). Dans son article publié dans Le

Figaro, la journaliste Alexandrine Bouilhet précise que « les fonds propres du MES

devront toujours représenter au moins 15 % de ses emprunts. En 2012, compte tenu

d'un apport en capitaux propres limité à 32 milliards d'euros, le MES ne pourra

emprunter que 200 milliards d'euros. À tout moment, la force de frappe du MES pourra

être augmentée si les États le décident ». Selon l’alinéa 2 de l’article 8 du Traité, les

fonds directement mis à disposition du MES ne doivent jamais passer sous la barre des

80 milliards d’euros. Sa capacité financière totale est donc de 700 milliards d’euros.

En outre, et selon l’article 21 du Traité, le MES est « habilité à emprunter sur les

Page 305: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

291

marchés de capitaux auprès des banques, des institutions financières ou d’autres

personnes ou institutions afin de réaliser son but ». Ainsi, il utilisera l’effet de levier

pour pouvoir augmenter sa capacité de prêts.

S’agissant de la procédure d’intervention du MES, celle-ci est assez

protocolaire. En effet, dès réception de la demande, la Commission européenne, en

liaison avec la BCE (et en collaboration avec le Fonds monétaire international), vérifie

l’exposition de la zone euro au risque de défaillance de l’État en question. Le niveau

de risque de l’endettement public est également évalué. Au moment de l’adoption de

la décision, le conseil des gouverneurs, toujours en liaison avec la BCE et le FMI,

négocie un protocole d’accord et définit les conditions d’octroi de l’assistance

financière avec le membre du MES concerné.

Pour en bénéficier, plusieurs conditions sont cependant nécessaires. Tout d'abord,

l'État doit avoir ratifié le traité instaurant le mécanisme; aussi, il doit être d’accord avec

l'inscription du MES dans le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne

(article 136). Enfin, le MES subordonne son prêt à une conditionnalité, généralement

sous forme de programme d'ajustement macroéconomique défini dans le protocole

d’accord. Ce programme est un ensemble de réformes économiques que le Fonds

monétaire international met en place afin de permettre à un pays donné de sortir de sa

crise économique.

Cependant, nous notons des limites à ce mécanisme. En effet, comme nous

l’avons mentionné antérieurement, les décisions de sauvetage sont prises par les

gouverneurs. Seulement, nous nous rendons compte qu’en ce qui concerne un pays en

difficulté dans la zone, le comité tripartite formé de la Banque centrale européenne, la

Commission européenne et le Fonds monétaire international se chargeront de discuter

des conditions de négociabilité de l’assistance financière avec les pays en crise. Cette

troïka ne fait l’objet d’aucun contrôle par les citoyens, car représentés par leurs

ministres des finances, les pays de l’eurogroupe ont décidé de charger la Troïka de

contrôler les pays surendettés. Les décisions continueront donc d’être arbitrairement

votées augmentant par la même occasion l’austérité et la récession comme ce qui se

passe actuellement en Grèce et au Portugal. Aussi, le MES a fait face à une forte

opposition lors de son entrée en vigueur. En effet, la Cour Constitutionnelle allemande

Page 306: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

292

de Karlsruhe a désiré valider la légalité du Mécanisme avant de permettre son entrée

en vigueur. En plus de cela, la Cour a décidé de limiter la responsabilité financière de

l’Allemagne à 190 milliards d’euros. Dans le cas où cette limite voudrait être dépassée,

il faudrait au préalable consulter l’assemblée fédérale allemande, le Bundestag.

En l’état actuel des choses, tout porte à croire que le MES est d’ores et déjà prêt

à rétablir un climat de croissance économique dans la zone. Toutefois, il serait

intéressant de mieux clarifier les conditions d’application de ses attributions.

Pour encadrer les agences de notation, le 16 septembre 2009, l’Union

européenne a adopté un règlement communautaire sur les agences de notation de

crédit832. Avec ce règlement, les agences de notation doivent avoir été agréées pour

pouvoir exercer leurs activités dans l’Union européenne et les autorités nationales de

contrôle et de supervision pourront alors sanctionner les manquements au respect des

obligations du règlement communautaire833.

832 Règlement (CE) n° 1060/2009 du Parlement européen et du Conseil du 16 septembre 2009 sur les

agences de notation de crédit. 833 Voir les articles suivants du Règlement : Article 6 : La Commission peut arrêter une décision

d’équivalence conformément à la procédure de règlementation visée à l’article 38, paragraphe 3,

indiquant que le cadre juridique et le dispositif de surveillance d’un pays tiers garantissent que

les agences de notation de crédit agréées ou enregistrées dans ce pays tiers respectent des

exigences juridiquement contraignantes qui sont équivalentes aux exigences découlant du présent

règlement et font l’objet d’une surveillance et d’une mise en application effectives dans ce pays

tiers.

Le cadre juridique et le dispositif de surveillance d’un pays tiers peuvent être considérés comme

équivalents à ceux résultant du présent règlement s’ils remplissent au moins les conditions

suivantes:

a) les agences de notation de crédit dans le pays tiers sont soumises à un agrément ou à un

enregistrement et font l’objet en permanence d’une surveillance et d’une mise en application

effectives;

b) les agences de notations de crédit sont soumises dans ce pays tiers à des règles juridiquement

contraignantes équivalentes à celles établies aux articles 6 à 12 et à l’annexe I;

et c) le régime règlementaire du pays tiers empêche toute ingérence des autorités de surveillance

et d’autres autorités publiques de ce pays tiers dans le contenu des notations de crédit et les

méthodes de notation.

La Commission précise ou modifie les critères établis au deuxième alinéa, points a) à c), afin de

tenir compte de l’évolution des marchés financiers. Ces mesures, qui visent à modifier des

éléments non essentiels du présent règlement, sont arrêtées en conformité avec la procédure de

règlementation avec contrôle visée à l’article 38, paragraphe 2.

Article 38 alinéa 1 : Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables aux

violations des dispositions du présent règlement et prennent toute mesure nécessaire pour assurer

la mise en œuvre de celles-ci. Les sanctions ainsi prévues sont effectives, proportionnées et

dissuasives.

Page 307: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

293

Les principales articulations de ce règlement sont les suivantes :

- Obliger les agences de notation à disposer d’un agrément et les soumettre à un

contrôle. Cet agrément est accordé par les autorités nationales de supervision

des pays dans lesquels les notations sont utilisées. Les régulateurs nationaux

doivent donc veiller à ce que le règlement communautaire soit respecté.

- Empêcher les conflits d’intérêts. Les agences doivent maintenant dissocier

leurs activités de conseils et leurs activités de notation.

- Soumettre les agences de notation à des règles de transparence. Les agences de

notation sont maintenant obligées de publier leur méthodologie, leurs

procédures et leurs hypothèses en ce qui concerne les notations. Enfin, elles

doivent finalement publier leurs notations.

- Renforcer la qualité des notations un service chargé de la vérification de la

conformité des agissements de l’agence de notation avec la règlementation doit

être mis en place. Ce service doit être indépendant. Des systèmes internes de

contrôle de la qualité des notations doivent également être mis en place.

- Doter les autorités nationales de régulation et d’agrément de pouvoirs forts de

contrôle et de sanction. Les régulateurs nationaux doivent pouvoir retirer

l’agrément, interdire aux agences de poursuivre leurs activités de notation,

suspendre l’utilisation des notations d’une agence à des fins règlementaires. Ils

peuvent également exiger toute information supplémentaire, réaliser des

contrôles sur place, au sein des agences de notation, exiger des enregistrements

téléphoniques et appliquer des sanctions pécuniaires.

Plus tard en décembre 2010, un autre règlement a vu le jour et vient modifier le

règlement de 2009. Ce nouveau règlement permet de transférer la compétence de

contrôle et de sanction des agences de notation à la nouvelle Autorité européenne des

Marchés Financiers.

On retrouve également plusieurs autres comités en Europe qui oeuvrent au

quotidien pour la stabilité financière. Nous pouvons citer le Comité européen des

superviseurs bancaires (CEBS) qui réunit des représentants des superviseurs et des

Banques centrales de l’Union européenne, ceux de l’Espace économique européen

(EEE), n’appartenant pas à l’Union européenne, ayant le statut d’observateur. La

Page 308: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

294

Banque centrale européenne est également présente, sans disposer de droit de vote ;

celui-ci est d’ailleurs largement théorique puisque le mode de décision privilégié par

le Comité est le consensus.

Les pays de la zone euro qui ont été touchés se battent continuellement pour

restreindre les effets de la crise en adoptant des politiques qui vont dans le sens de la

reprise économique dans leurs différents gouvernements. Seulement, ces différentes

politiques ne suivent pas forcément le rythme de celles des leaders de la zone834; ce qui

annihile les actions déjà posées pour juguler la crise. La Banque centrale européenne a

donc cette lourde responsabilité de choisir une politique monétaire adéquate et

conforme à la situation économique que vit la zone en ce moment.

Par ailleurs, toujours dans cette optique d’uniformisation, le cadre institutionnel

a été renforcé depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne en décembre 2009, avec

pour la première fois la reconnaissance de l’eurogroupe et de son rôle dans

l’amélioration de la coordination des mesures économiques; oui, parce que le plus

important dans un acte d’uniformisation est la coordination, coordination qui facilite la

mise en œuvre. Le traité de Lisbonne habilite les membres du Conseil de la zone euro

à prendre des décisions formelles relatives à certaines questions touchant la zone euro.

Un cadre efficace de gestion des crises faciliterait les actions de la BCE visant à remplir

sa mission de stabilité des prix dans les situations de crise. Le travail paraîtra inachevé

si jamais l’on s’arrêtait à ce stade. La politique monétaire ne suffit plus à gérer la

situation, car elle ne vise qu’un seul aspect de la question tandis que la crise à un

caractère plus mondial.

Toutefois, un constat se doit d’être fait : dans la plupart des économies de

l’OCDE, la loi n’assigne pas d’objectif clair aux autorités chargées de la supervision

financière ; généralement, il n’existe pas de dispositions précises en vue d’assurer la

responsabilité des banques centrales en matière de stabilité financière ce qui fait que la

diversité des situations nationales est plus forte en matière d’autonomie qu’en matière

de responsabilité.

834 Il s’agit de l’Allemagne, la France et la Suisse.

Page 309: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

295

Enfin, un nouveau règlement est entré en vigueur le 1er novembre 2012835. Il

s’agit du règlement sur la vente à découvert et certains aspects des contrats d’échange

sur risque de crédit836. La vente à découvert et le crédit default swaps sont des pratiques

spéculatives généralement utilisées par les fonds spéculatifs pour faciliter la circulation

des liquidités sur un marché donné837.

Comme nous l’avons présenté plus haut, le contrat d’échange sur risque de

crédit (credit default swaps)838 joue le rôle d’assurance839 sur une dette. À supposer que

X prête une certaine somme à Y; X n’étant pas sûr d’être remboursé, va s’adresser à Z,

qui l’assurera. X versera donc une prime tous les mois à Z, et en échange de cette prime,

Z paiera l’argent qu’il faut en cas de défaillance. Si Y ne rembourse qu’une partie de

la somme ou alors ne rembourse pas du tout, Z donnera la somme manquante. Cette

transaction est généralement désignée de position de couverture sur CDS. Le processus

devient plus complexe avec les positions « nues », objet du présent règlement. « Le

CDS permet en effet de s'assurer contre un risque qu'on ne court pas; celui qui contracte

un CDS alors qu'il ne détient pas l'instrument de dette contre le risque duquel il s'assure

prend une position que l'on appelle “’ nue” », »840 Ce CDS nu est généralement appelé

« assurance sur la voiture du voisin ». Nous notons donc l’arrivée d’une quatrième

personne dans la chaîne : X a prêté 100 $ à Y. W se rend chez Z et lui demande de

l’assurer contre le fait que Y ne remboursera peut-être pas X.

835 Voir Michèle Patricia AKIOBE SONGOLO, « Commentaire juridique sur le Règlement n°236/2012 sur

la vente à découvert et certains aspects d’échange sur risque de crédit», (2012) 2-3 Bulletin de Droit

économique 11. 836 Règlement (UE) n ° 236/2012 du Parlement européen et du Conseil du 14 mars 2012 sur la vente à

découvert et certains aspects des contrats d’échange sur risque de crédit Texte présentant de l'intérêt pour

l'EEE. 837L’article 28 du règlement investit l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) de certains

pouvoirs d’intervention, notamment celui d’interdire les ventes à découvert si cela venait à menacer la

stabilité financière de l’Union. En mai 2012, le Royaume-Uni a introduit un recours devant la Cour de

justice afin d’obtenir l’annulation de l’article 28 du règlement. Dans son arrêt rendu le 22 janvier 2014,

la Cour a estimé que le pouvoir de l’AEMF d’intervenir en urgence sur les marchés financiers des États

membres pour règlementer ou interdire la vente à découvert est compatible avec le droit de l’Union.

CJUE, gde. ch., 22 janvier 2014, Royaume-Uni c/ Parlement et Conseil, aff. C-270/12. 838 Supra, pp.207 et suiv. 839 Cependant, il existe tout de même une différence entre les CDS et les produits d’assurance. « Dans

le cas des swaps sur défaillance, la valeur est intrinsèquement liée à l'occurrence d'un évènement de

crédit, et non pas à la réalisation d'une perte. Le vendeur ne pourra exiger de l'acheteur qu'il fasse la

preuve d'une perte comme condition préalable à au versement du paiement en cas de défaut.», C.

MUSTEANU, préc. note 801, p.15. 840 Paul JORION, Le Capitalisme à l'agonie, Paris, Fayard, 2011, p. 80.

Page 310: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

296

La vente à découvert peut-être définit comme une opération qui consiste pour

un opérateur de marché à céder un actif qu’il possède lorsqu’il anticipe sa baisse. Dans

le cas où il ne possède pas cet actif, il va l’emprunter sur le marché, le vendre, ensuite

le racheter pour enfin le restituer au prêteur841. Mais puisque cette pratique est très peu

règlementée, les opérateurs économiques en profitent souvent pour vendre des actifs

qu’ils ne possèdent pas et qu’ils n’ont pas l’intention d’emprunter. C’est la vente à

découvert nue qui entraîne par conséquent un risque de livraison.

Pour donner suite à la récente déstabilisation des marchés en 2008, la vente à

découvert a été désignée comme le facteur qui a aggravé l’instabilité des marchés dans

la zone euro. Le risque de livraison des titres vendus à découvert a entraîné une cascade

de défauts, avec un risque de propagation systémique. Avec ce règlement sur la vente

à découvert, l’Europe entend donc limiter l’exercice de ces pratiques spéculatives sur

les dettes souveraines des États en difficultés dans la zone.

Le nouveau règlement va jouer un rôle de baliseur notamment par la mise en

œuvre de trois dispositifs d’atténuation qui forme d’ailleurs les grands axes du texte.

Dans le premier axe, le texte mentionne qu’il est possible pour le régulateur, dans

diverses conditions de marché, de restreindre temporairement les ventes à découvert

(voir le premier chapitre du Règlement). Cette « restriction temporaire des ventes à

découvert reprend, en les élargissant au CDS souverain, et en les harmonisant au niveau

européen, des mesures souvent préexistantes dans les droits nationaux. Ce faisant, elle

renforce la cohérence de ces dispositifs, accroissant ainsi leur efficacité et leur équité

vis-à-vis de l’ensemble des acteurs du marché, quel que soit leur localisation ou leur

statut. »842 En outre, dans le deuxième axe, il est fait une obligation aux détenteurs de

positions courtes de déclarer celles-ci auprès de l’Autorité européenne des marchés

financiers, pour dissuader ainsi d’éventuels abus de marché (deuxième chapitre du

Règlement). Enfin, dans la troisième partie, précisément au niveau de l’article 12, le

841 Voir Didier MARTEAU, « Doit-on interdire les ventes «nues» en France? », Le Monde, 14 juin 2010.

En ligne : < http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/06/14/doit-on-interdire-les-ventes-nues-en-

france_1370483_3232.html > (consulté le 12 juillet 2014). 842 Bruno MATHIS et Jérôme SERMADIRAS, « Règlement sur la vente à découvert, un remède

inadapté », Les Échos, 30 octobre 2012. En ligne : < http://archives.lesechos.fr/archives/cercle/2012/10

/30/cercle_57690.htm >, (consulté le 12 mars 2016).

Page 311: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

297

règlement impose aux vendeurs à découvert de prendre des dispositions contractuelles

garantissant la disponibilité des titres nécessaires pour solder leurs positions.

Par ailleurs, le Règlement joue également un rôle préventif en prenant en

compte tous les différents types d’instruments financiers :

- Les positions courtes et longues : le calcul de ces positions « devrait inclure

toutes les formes d’intérêts économiques détenus par une personne physique ou morale

en rapport avec le capital en actions émis par une société ou avec la dette souveraine

émise par un État membre ou l’Union.»843

- Les positions courtes nettes : un modèle de notification à deux niveaux sera mis

en place. À partir du seuil le plus bas (fixé à 0,2 % du capital en actions émis de

l’entreprise, et chaque palier de 0,1 % au-delà de ce seuil), « les positions devraient

faire l’objet d’une notification limitée aux autorités de régulation concernées »844 afin

de prévenir un risque systémique lié à une vente à découvert. Au-delà du seuil le plus

élevé (fixé à 0,5 %), « les positions devraient être publiquement portées à la

connaissance du marché pour donner un maximum d’informations sur les positions

courtes sur le marché.»845

- Les positions sur les dettes souveraines : elles doivent être obligatoirement

notifiées aux autorités compétentes.

- Les ventes à découvert non couvertes d’actions : « il est indispensable qu’une

personne physique ou morale ait conclu un accord avec un tiers aux termes duquel ce

tiers a confirmé que l’action a été localisée, à savoir que le tiers confirme qu’il

considère être en mesure de livrer l’action pour le règlement lorsque celui-ci est dû.»846

C’est à l’Autorité européenne de surveillance des marchés financiers (AEMF)

que revient la tâche de coordonner les mesures prises par les autorités compétentes; le

cas échéant, elle pourra elle-même prendre des mesures qui s’imposent.

Ce règlement vise finalement : « à accroitre la transparence sur les positions

courtes détenues par des investisseurs pour certaines valeurs mobilières dans la zone;

843 Règlement (UE) n° 236/2012 du 14 mars 2012 sur la vente à découvert et certains aspects des contrats

d’échange sur risque de crédit, p.2. 844 Id. p.2 et p.10. 845 Id. p.2 et p.11. 846 Id. p.3.

Page 312: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

298

à s'assurer que les États membres ont des compétences précises pour intervenir dans

des situations exceptionnelles pour réduire les risques systémiques et les risques pour

la stabilité financière et la confiance du marché découlant de la vente à découvert et les

credit default swaps; à assurer la coordination entre les États membres et l'Autorité

européenne des marchés financiers (AEMF) dans des situations exceptionnelles; à

réduire les risques de règlement/livraison et d'autres risques liés à la vente à découvert

nue; et enfin, à réduire les risques de la stabilité des marchés de la dette souveraine

posée par les positions non couvertes des CDS nus, tout en prévoyant la suspension

temporaire de restrictions où les marchés de la dette souveraine ne fonctionnent pas

correctement.»847

Cependant, malgré ses forces, le nouveau texte présente quelques faiblesses.

L’idée générale de ce règlement est d’autoriser les positions nues si et

seulement si l’opérateur est exposé par ailleurs à un risque lié à celui de la dette

souveraine. Autrement dit, l’opérateur de marché, partie à l’opération, doit être exposé

à un risque réel de livraison. Toutefois, le droit à la suspension de ces pratiques accordé

à un pays signataire qui jugerait qu’elles ne sont pas nécessaires pour le marché de la

dette souveraine peut être facilement levé. En effet, si un investisseur possède une dette

espagnole, la restructuration de la dette Grèce va immédiatement placer l’Espagne dans

la ligne de mire comme prochain candidat possible à une restructuration. Par

conséquent, les risques de défaut sur l’Espagne et la Grèce sont bien corrélés. L’acteur

financier ayant une dette espagnole pourra donc aisément contracter un CDS en

position « nue » sur la dette grecque, et donc de spéculer sur le défaut de la Grèce, avec

pour principale raison qu’elle court un risque sur sa dette initiale. Ainsi, l’on se

demande s’il faudrait se contenter de suspendre la spéculation sur la dette souveraine

d’un État ou alors, carrément la prohiber. Le problème avec les interdictions est

qu’elles donnent naissance à l’arbitrage règlementaire, déplaçant ainsi le problème sur

une autre sphère.

847 Voir COMMISSION EUROPÉENNE, Regulation on Short Selling and Credit Default Swaps - Frequently

asked questions, Bruxelles, MEMO 2011. En ligne: < http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-11-

713_en.htm?locale=fr >, (consulté le 25 mars 2015).

Page 313: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

299

Par ailleurs, suite à l’examen du contenu de la loi, quelques observations nécessitent

d’être soulevées.

De prime abord, les dispositions qui se trouvent au chapitre II du règlement et

qui concernent la notification des positions à l’AEMF posent un problème de

faisabilité. En effet, l’application du principe de transparence repose sur la mise en

œuvre d’une communication par les acteurs sur leurs positions courtes. Les modalités

de ce rapport, bien que simplifiées dans une certaine mesure à l’issue de la phase de

consultation, demeurent complexes et requièrent des moyens techniques et humains

couteux, tant chez les investisseurs eux-mêmes que chez leurs teneurs de compte.

« Quel bénéfice attendre en contrepartie de ce coût? Que pourra-t-on déduire de la

lecture de ces positions courtes nettes, publiées à partir d’un seuil bas (0,5 % des titres

émis)? La publication d’une position courte par un acteur notoire ne risque-t-elle pas

de susciter des comportements moutonniers et d’affaiblir davantage la société

attaquée? »848

Par la suite, l’on note plusieurs redites chez le législateur européen. Certes, la

répétition est la mère de l’enseignement, entend-on souvent dire, mais le législateur

européen avait déjà émis une directive sur cette obligation de notification. Il s’agit de

la directive n° 2004/39/CE sur les marchés d’instruments financiers adoptée en 2007

et modifiée en 2011849. Celle-ci avait déjà institué un dispositif de notification des

transactions avec précisément pour objectif de permettre aux régulateurs de surveiller

le bon fonctionnement des marchés, et les transactions de vente à découvert qui leur

sont déjà transmises 850 . Il en est ainsi également du Règlement sur les abus de

marché851qui sanctionne les abus des investisseurs les marchés. Il aurait fallu, à notre

avis, insister sur la portée de l’opinion de l’AEMF. Celle-ci n’est pas suffisamment

contraignante pour emmener les acteurs financiers à la respecter. Afin d’accompagner

l’action de l’AEMF, il faudrait prévoir des sanctions aux contrevenants.

848 D. MARTEAU, Préc., note 826. 849 Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 concernant les marchés

d’instruments financiers et modifiant la directive 2002/92/CE et la directive 2011/61/UE. 850 Lire à cet effet la section 3 sur la « Transparence et intégrité du marché » (article 25) de ladite

Directive. 851 Règlement (UE) n ° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de

marché (règlement relatif aux abus de marché).

Page 314: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

300

On se rend compte que cette règlementation n’est pas en soi un remède, mais de la

surmédication.

Enfin, la situation se complique avec la dérégulation de ces CDS. N’étant pas

règlementés, ces derniers se négocient de gré à gré sur le marché interbancaire. La

gestion du risque à ce stade devient plus délicate. Il serait par exemple difficile pour un

État de la Zone de savoir exactement combien ses banques ont vendu de CDS portant

sur la dette souveraine d’un pays donné. Cet État ne saura donc pas combien ces

banques devraient débourser si ce pays venait à tomber en faillite. Ainsi, il serait d’ores

et déjà souhaitable de peaufiner la régulation de ces instruments financiers sur le plan

national avant de pouvoir mieux l’envisager sur le plan communautaire. La nécessité

d’une coordination et d’une harmonisation des règles se fait donc pressante dans la

zone.

En définitive, nous retenons que les ventes à découvert nues et les CDS nus sont

des pratiques essentielles pour la liquidité sur le marché. Toutefois, il faudrait parvenir

à strictement les prohiber lorsqu’elles ne répondent pas à une nécessité économique.

Le seul problème qui pourrait subvenir à ce niveau est le caractère ingénieux de la

finance, l’innovation financière étant toujours prête à contourner toute interdiction.

Toutefois, nous reconnaissons que ce nouveau règlement démontre la volonté de

l’Europe à lutter contre la dérégulation des innovations financières. Il serait alors

intéressant de ne pas limiter cette règlementation uniquement au CDS souverain, mais

de l’étendre sur le vaste marché des produits dérivés.

Sous-section II : Le Canada

Le Canada n’a pas souffert directement des conséquences de la crise des subprimes

comme son voisin les États-Unis et ceci, grâce à un système de surveillance et de

supervision bancaires très strict. De plus, le Canada a une bonne régulation sur les prêts

hypothécaires contrairement aux États-Unis852 . Toutefois, nous pouvons noter des

852 John KIFF, « Canadian Residential Mortgage Markets: Boring But Effective? », International

Monetary Fund working paper, 2009. En ligne :< https://www.imf.org/external/pubs/ft/wp/2009/wp09

130.pdf >, (consulté le 02 novembre 2015).

Page 315: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

301

conséquences indirectes telles que la baisse des exportations et l’instauration d’un

climat de méfiance chez les épargnants et les investisseurs canadiens853.

En ce qui concerne le Canada, l’angle d’approche est tout autre. Le système

bancaire canadien, à la différence de ses homologues des États unis et de l’Europe, est

hautement régulé et a hérité du caractère conservateur du peuple canadien. Par ailleurs,

un système unique et centralisé de règlementation est plus stable qu’un système de

concurrence854. Il est plus prévisible et cela représente un avantage certain pour les

émetteurs et les investisseurs. C’est la vision qu’a adoptée le Canada. Cependant, dans

les secteurs où la mutation est plus rapide, il faudrait avoir un minimum de concurrence

règlementaire. C’est le cas du secteur des valeurs mobilières. Comme nous l’avons dit

plus haut, le Canada a su s’accommoder en mettant cet aspect de la finance sous la

compétence fédérale et provinciale855. Par ailleurs, la concurrence règlementaire n’est

pas présente dans le système canadien, puisque la règlementation de la province

d’origine n’est valable que dans cette province. Les organismes provinciaux conservent

donc un pouvoir de monopole local856.

Ainsi, le Canada se trouve depuis des années dans un système de concurrence

règlementaire imparfaite. Les diverses juridictions peuvent élaborer des

règlementations différentes, mais les émetteurs et intermédiaires demeurent soumis à

la juridiction des provinces où ils opèrent ou offrent des valeurs.

Au Canada, le financement de l’habitation repose sur trois groupes d’acteurs :

les prêteurs hypothécaires, les assureurs hypothécaires et les fournisseurs de

financement. À côté des banques, nous distinguons une catégorie de détenteurs non

bancaires d’actifs hypothécaires ; il s’agit des sociétés de fiducie ou de prêt

hypothécaire, des caisses populaires et des credit unions, des compagnies d’assurance

vie, des caisses de retraite ainsi que des intermédiaires financiers autres que des

institutions de dépôt (certaines compagnies d’assurances, les fonds alternatifs, les

853 FEDERATION DES CHAMBRES IMMOBILIERES DU QUEBEC, La crise financière : Ses origines

américaines et ses répercussions canadiennes, Québec, 2009, 17 pages. En

ligne :< http://www.fciq.ca/pdf/Fenetre_marche/fr/Crise_financiere.pdf >, (consulté le 04 novembre

2015). 854 J-M. SURET et C. CARPENTIER, préc. note 753, p.84. 855 Id. 856 Id., p.98

Page 316: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

302

sociétés de courtage en valeurs mobilières, etc.). Bien que ces quasi-banques soient

moins présentes que les banques sur le marché 857 , un certain nombre de caisses

populaires et de credit unions sont pourtant à l’origine d’une part appréciable des prêts

hypothécaires sur certains marchés régionaux858.

Le cadre prudentiel fédéral est formé de deux grandes composantes859. La première

est la supervision fondée sur un ensemble de principes (plutôt que sur des règles)

qu’exerce le BSIF et qui met l’accent sur les risques pesant sur les établissements et la

qualité de la gestion de ces risques. Toutes les institutions de régime fédéral sont

soumises à cette supervision, qui complète les normes en matière de fonds propres et

les autres exigences règlementaires à respecter. Cette supervision se fait à base de

publication de lignes directrices dans lesquelles sont précisés les principes que les

établissements doivent observer. Ce type d’approche présente l’avantage d’être plus

facilement adaptable à l’évolution des conditions du marché et de laisser moins de

place à l’arbitrage règlementaire qu’une approche normative, basée sur des règles860.

En 2017, le BSIF a mis à jour sa ligne directrice B-20, qui énonce les principes

fondamentaux sur lesquels devraient s’appuyer les activités de souscription de prêts

hypothécaires des institutions de régime fédéral861. Cette ligne directrice s’inscrit en

857 « Au Canada, le secteur bancaire se compose de six grandes banques canadiennes et de nombreuses

institutions de dépôts (ID) de plus petite taille. Ces six grandes banques représentent environ 90 % de

l’actif total des ID fédérales. Leurs activités diversifiées dépassent largement l’octroi de crédit et

l’acceptation de dépôts – elles englobent l’achat et la vente d’instruments financiers, les services

bancaires d’investissement, la gestion du patrimoine et l’assurance. La tranche restante de 10 % de l’actif

bancaire canadien est détenue par des institutions de moindre envergure, dont les produits de crédit, et

les stratégies sont limités à un nombre restreint de domaines, voire à un seul, par exemple les prêts

hypothécaires, l’immobilier commercial ou les cartes de crédit. », BUREAU DU SURINTENDANT DES

INSTITUTIONS FINANCIERES, Institutions de dépôts. En ligne : < http://www.osfi-bsif.gc.ca/Fra/fi-if/dti-

id/Pages/default.aspx >, (consulté le 20 mars 2017). 858 Selon l’Institut de la statistique du Québec, en 2015, 16,2% des prêts hypothécairessont détenus par

les caisses populaires et les credit union; contre 81,7% pour les banques à charte et 2,2% pour les sociétés

de fiducie ou de prêt hypothécaire. Voir INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUÉBEC, Valeur des prêts

détenus par les institutions de dépôt, Canada, 2010-2017. En ligne :

<http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/secteur-financier/marche/institutions-

depot/prets_inst_depot_can_ann.htm> (consulté le 5 juin 2018). 859 Voir A.CRAWFORD, C.MEH et J.ZHOU, préc. note 259. 860Lire Carol Ann NORTHCOTT, Graydon PAULIN et Mark WHITE, « Lesson For Banking Reform: A

Canadian Perspective», (2009) 19/4 Central Banking 43. 861 BUREAU DU SURINTENDANT DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES (BSIF), Ligne directrice B-20 :

Pratiques et procédures de souscription de prêts hypothécaires résidentiels, octobre 2017. En ligne :

< http://www.osfi-bsif.gc.ca/Fra/Docs/B20_dft.pdf > (consulté le 15 juin 2018). La ligne directrice B-

5 intitulée Titrisation de l’actif suit également un processus de mise à jour. Cette ligne encadre les

opérations de titrisations effectuées par les compagnies d’assurance.

Page 317: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

303

droite ligne des principes publiés en 2012 par le Conseil de stabilité financière sous le

titre Principles for Sound Residential Mortgage Underwriting Practices862. Sa portée

s’étend à tous les prêts (y compris les lignes de crédit) garantis par un bien immobilier

résidentiel ainsi qu’à l’ensemble des activités liées à la souscription de prêts

hypothécaires à l’habitation ou à l’acquisition d’éléments d’actifs liés à de tels prêts.

Cette nouvelle ligne directrice vient compléter les mécanismes de supervision déjà en

place ainsi que les dispositions législatives régissant les activités des prêteurs. Il y est

précisé que la décision de consentir un prêt hypothécaire doit être fondée avant tout

non pas sur la valeur de l’actif immobilier constituant la garantie du prêt, mais sur la

capacité et la volonté de l’emprunteur d’acquitter ses dettes dans les délais impartis863.

S’ajoutent à cela d’autres principes, dont celui d’adopter des pratiques efficaces en

matière de gestion du risque de crédit et de supervision. Par ailleurs, durant et après la

crise, les banques canadiennes, déjà peu nombreuses, n’ont pas eu droit à un plan de

sauvetage comme nous avons pu le remarquer dans plus d’un pays de la zone euro ou

encore aux États-Unis. Cela est dû au fait qu’au Canada le contrôle et la régulation

prudentiels des banques sont monopolisés par le BSIF (Bureau du Surintendant des

Institutions Financières). C’est à cette autorité et seulement à elle qu’est dévolu le

pouvoir de contrôler la prise des risques des banques canadiennes et leur niveau de

capitalisation. Ainsi, nous notons une excellente coordination entre les banques et

l’autorité régulatrice voilà pourquoi elles sont bien gérées. À côté du BSIF, l’ACFC est

présente pour toute question relative à la protection du consommateur. Ce dernier point

m’emmène à parler de la Société d’Assurance Dépôts au Canada (SADC) qui assure

les dépôts assurables effectués auprès des institutions financières membres de la

SADC, en cas de faillite de ces dernières; elle participe alors à la solidité du système

financier canadien.

La seconde composante du cadre prudentiel est l’obligation qui est faite aux

institutions de régime fédéral de souscrire à une assurance lorsque le rapport entre le

862 FINANCIAL STABILITY BOARD, FSB Principles For Sound Residential Mortgage Underwriting

Practices, avril 2012. 863 «Jurisdictions should ensure that lenders, while taking into account data protection rules in their

jurisdiction, appropriately assess borrowers’ ability to service and fully repay their loans without causing

the borrower undue hardship and over-indebtedness. », Id. p.3

Page 318: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

304

montant du prêt et la valeur du logement acquis est supérieur à 80 % (« prêt à rapport

prêt-valeur élevé »). Cette assurance bénéficie de la caution explicite du gouvernement.

En plus de protéger le prêteur en cas de défaut de l’emprunteur, l’assurance en question

constitue pour les autorités un meilleur moyen de gestion de risque, car le prêt et

l’emprunteur doivent satisfaire à des critères de souscription minimaux pour que la

protection d’assurance soit accordée.

Cet ensemble de normes pourrait expliquer dans une certaine mesure la rareté des

faillites bancaires au Canada864. Par ailleurs, le système bancaire canadien s’est bien

tiré de la crise financière de 2008 pour deux autres raisons à savoir une pratique

maîtrisée de la titrisation et une limitation, ou mieux, une absence de fusions et de

concentration des banques. Cette gestion minutieuse du secteur bancaire est assez

remarquable et met le contribuable à l’abri des contributions pour soutenir,

involontairement la plupart du temps, un secteur défaillant.

Bien que les effets de la crise n’aient pas été aussi néfastes au Canada comme

dans les autres parties du globe, reste néanmoins que ce pays n’est pas à l’abri des

surprises des marchés d’autant plus qu’il est financièrement connecté aux États-Unis.

Pour prendre le pas sur la règlementation bancaire, le Canada n’a pas trainé à arrimer

son cadre juridique bancaire à celui de l’international. Cela s’aperçoit avec les

recommandations du Comité Bâle sur le contrôle bancaire ; les règles de Bâle III sur

les fonds propres bancaires ont été mises en oeuvre au Canada au début de l’année

2013, soit au commencement de la période de déploiement graduel convenue à

l’échelle internationale, laquelle doit prendre fin en 2019865.

Le Canada améliore également sa règlementation hypothécaire. En vue d’établir un

marché du logement qui soit solide, concurrentiel et stable pour tous les Canadiens, le

ministre des Finances Bill Morneau a mis en place des mesures préventives qui sont

entrées en vigueur le 17 octobre 2016. Ces mesures sont nées de l’augmentation des

864 Nous notons juste trois faillites bancaires dans l’actif du Canada : celle de la Home bank, de la

Norbanque et ensuite de la Banque Commerciale du Canada (1923-1985). Pour plus d’informations, voir

M. LACOURSIERE, préc. note 353, p.286. 865 BANQUE DU CANADA, Revue du système financier, juin 2013, p.9. En ligne :

< http://www.banqueducanada.ca/wp-content/uploads/2013/06/rsf-0613.pdf >, (consulté le 08 octobre

2014).

Page 319: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

305

prix des maisons entraînant ainsi le surendettement des emprunteurs. Ainsi, afin de

rendre les niveaux d’endettement soutenables, les prêteurs doivent agir avec prudence.

Il faudrait également éviter qu’un risque lié à la stabilité financière ne surgisse dans

l’éventualité d’une augmentation des taux d’intérêt ou d’un ralentissement du marché

du logement. En substance, ces mesures préconisent que866 :

- Uniformiser les règles régissant les prêts hypothécaires assurés. Afin de vérifier la

capacité de l’emprunteur à rembourser son prêt à un taux d’intérêt plus élevé, une

simulation de crise doit être effectuée par les prêteurs en guise d’assurance

hypothécaire. Cela va également permettre de s’assurer que les nouveaux propriétaires

puissent se permettre les paiements de remboursement de leur hypothèque même

lorsque les taux d’intérêt commencent à augmenter. Actuellement, cette exigence ne

s’applique qu’à une catégorie de prêts hypothécaires assurés assortis d’un taux variable

ou fixe et d’une durée de moins de 5 ans. Le 17 octobre 2016, l’exigence a été étendue

à tous les prêts hypothécaires assurés, y compris les prêts à taux fixe de 5 ans ou plus867.

Les propriétaires d’une résidence qui détiennent déjà une hypothèque assurée ou ceux

qui renouvellent un prêt hypothécaire assuré ne sont pas touchés par cette mesure.

- Améliorer l’équité fiscale et éliminer des échappatoires. Lorsque les étrangers

achètent une maison au Canada, ils réclament généralement par la suite une exemption

de taxes sur la vente en la déclarant comme résidence principale868. Dans le but de

rendre les règles équitables, les modifications proposées des règles fiscales à ce sujet

permettraient de contrer le recours abusif à l’exemption pour résidence principale.

866 MINISTERE DES FINANCES, Document d'information : Assurer la stabilité du marché du logement pour

l’ensemble des Canadiens ; et Document d’information technique : Règles de l'assurance hypothécaire

et propositions relatives à l’impôt sur le revenu (révisé le 14 octobre 2016). En ligne :

< https://www.fin.gc.ca/n16/data/16-117_1-fra.asp > et < https://www.fin.gc.ca/n16/data/16-117_2-

fra.asp# >, (consultés le 18 octobre 2016). 867 868 « Le système financier canadien a mieux résisté à la crise financière mondiale que celui de la plupart

des autres pays, mais il demeure que, en raison de cette crise, les banques et les autres prêteurs canadiens

ont eu de la difficulté à obtenir des fonds à un coût raisonnable sur les marchés internationaux. Afin

d’atténuer les répercussions de la crise, la première étape du Plan d’action économique du Canada

prévoyait jusqu’à 200 milliards de dollars destinés à faciliter les prêts aux entreprises et aux ménages

canadiens au moyen du Cadre de financement exceptionnel.» LE PLAN D’ACTION ÉCONOMIQUE, 2e année

conçu pour maintenir la croissance économique, 2010-2011, p.153.

En ligne : <https://www.fin.gc.ca/pub/report-rapport/2011-7/pdf/ceap-paec-fra.pdf> (consulté le 5 juin

2018).

Page 320: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

306

- Gérer le risque et protéger les contribuables. À ce niveau, le gouvernement va étudier

la répartition des risques dans le système canadien de financement du logement pour

déterminer si elle est équilibrée et si elle tient suffisamment compte de la capacité de

toutes les parties à participer à la gestion des risques du marché du logement. Pour ce

faire, le gouvernement lancera cet automne un processus de consultation auprès des

participants au marché sur le partage des risques avec les prêteurs, une option

éventuelle qui obligerait les prêteurs hypothécaires à gérer une partie des pertes sur les

prêts hypothécaires assurés en défaut de paiement. Actuellement, les prêteurs peuvent

transférer la presque totalité de ce risque directement aux assureurs, et indirectement

aux contribuables par l’entremise de la garantie accordée par le gouvernement.

Prenons également le cas du système bancaire parallèle. Au Canada, ce système

vient combler un réel besoin : améliorer l’accès au crédit. Le système bancaire

parallèle, forme d’intermédiation non bancaire, participe au financement de l’économie

en rapprochant emprunteurs, en recherche de financement, et prêteurs, à capacité de

financement. En effet, les institutions issues du système bancaire parallèle permettent

aux particuliers d’obtenir du crédit à des conditions moins contraignantes 869 .

Cependant, afin d’éviter les mauvaises surprises, voire de les anticiper, le Canada s’est

également intéressé à l’encadrement du système bancaire parallèle. Le Bureau du

Surintendant des Institutions Financières et la Banque du Canada en ont d’ailleurs fait

leur cheval de bataille. C’est la raison pour laquelle l’activité du secteur bancaire

parallèle a connu une dégradation depuis la crise financière. Sa taille équivaut

désormais à environ 40 % de celle du secteur classique, alors qu’elle avoisinait les 50 %

en moyenne durant la décennie antérieure à 2008. Par ailleurs, le secteur parallèle

représente quelque 40 % du PIB canadien, tandis qu’il compte pour approximativement

95 % du PIB des États-Unis870. Nous remarquons que le Canada s’attèle à réduire au

maximum l’intermédiation par la finance parallèle contrairement à son homologue

américain.

869 John ANDERSON, « Pourquoi le Canada a besoin de services bancaires postaux », (2013) Centre

canadien de politiques, Alternatives 7. 870 T.GRAVELLE, T.GRIEDER et S. LAVOIE, préc., note 264, pp.59-68.

Page 321: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

307

Par ailleurs, le secteur bancaire parallèle est formé au Canada de cinq princi-

paux marchés (leur part du secteur est précisée en pourcentage)871 :

1. Titres hypothécaires émis en vertu de la LNH (Loi nationale sur l’habitation872)

et OHC (Obligations hypothécaires du Canada), qui ensemble forment le segment de

la titrisation des prêts assurés par l’État (près de 60 %);

2. PCAA (papier commercial adossé à des actifs) et TAA (titres adossés à des

actifs) de plus d’un an, qui constituent le marché de la titrisation privée (10 %);

3. Opérations de mise en pension (10 %);

4. Fonds du marché monétaire (5 %);

5. Acceptations bancaires et papier commercial (15 %).

Afin d’éviter les abus dans les placements, le gouvernement québécois873 a

édicté les articles 236.1 et 236.2 dans le règlement modifiant le règlement de 1988 sur

les valeurs. La modification s’est inspirée des principes appliqués par tous les pays

membres de l’OICV874:

- Honnêteté et loyauté; agir dans le meilleur intérêt, maintenir l’intégrité du

marché

- Diligence : toujours chercher la meilleure exécution possible des ordres du

client

- Obligation de moyens : instaurer et mettre en œuvre les mécanismes et

procédures nécessaires à l’accomplissement de leurs activités

- Reconnaissance du client (article 161 de la Loi sur les valeurs mobilières875

- L’information du client (article 162 Loi sur les valeurs mobilières)876

- Les conflits d’intérêts

- Les règles du marché

871 T.GRAVELLE, T.GRIEDER et S. LAVOIE, préc., note 264, p.64. 872 Loi nationale sur l’habitation, L.R.C. (1985), ch. N-11. 873 Au Canada le droit des valeurs mobilières relève de la compétence des provinces. 874 La modification a eu lieu lors de la 15e conférence de l’OICV à Santiago, tenue du 11 au 15 novembre

1990. Pour plus de détails sur cette conférence, voir AUTORITE DES MARCHES FINANCIERS (France),

Bulletin mensuel d’information de la commission des opérations de bourse, Bulletin CO6 – n° 242,

décembre 1990, p.9. 875 Article 161, Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ c. V-1.1. 876 Article 162, Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ c. V-1.1.

Page 322: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

308

L’essentiel de ces principes se trouve dans les articles 234 et suivants du règlement

québécois cité ci-dessus.

Pour ce qui est des produits dérivés, au Canada, seules les autorités de

règlementation des valeurs mobilières de l’Alberta, de la Colombie-Britannique, du

Manitoba, de l’Ontario et du Québec règlementent les dérivés. Nous pouvons, à cet

égard, regrouper l’Alberta et la Colombie-Britannique, car elles adoptent une approche

similaire. Il en est de même de l’Ontario et du Manitoba, mais leur approche n’est pas

la même que celle des deux premières. En outre, le Québec a adopté pour sa part une

Loi sur les instruments dérivés877. Cette loi régit à la fois les dérivés négociés en bourse

et les dérivés de gré à gré. Elle impose des exigences de reconnaissance et d’inscription

des courtiers et des conseillers. Il faut toutefois préciser que les dérivés de gré à gré et

les opérations auxquelles participent des « contreparties qualifiées » ne sont pas

assujetties à l’application de la plupart des principales dispositions de la loi878.

La tâche de maintenir et de renforcer le bon fonctionnement des marchés

financiers relève ultimement des commissions en valeurs mobilières de chacune des

provinces. Elles sont notamment responsables de l'élaboration des politiques, de

l'examen des documents d'information, de la surveillance des organismes

d'autorèglementation (OAR) ainsi que de l'application de la règlementation pour les

sociétés qui n'adhèrent pas à un OAR au sens de l'article 5 de la Loi sur les valeurs

mobilières879, l'obligation pour l'émetteur d'établir un prospectus sera formellement

déclenchée. Cette obligation fondamentale consiste en la production d'un document en

bonne et due forme relatant une information jugée essentielle à l'intégrité du processus

d'appel public à l'épargne.

En outre, au Canada, les Autorités canadiennes en valeurs mobilières (ACVM)

pensent à mettre en place une plateforme de négociation de dérivés. Un document de

877 Loi sur les instruments dérivés, RLRQ chapitre I-14.01. 878 «Recently, Canadian banks have broadened their activity to include the use of the CDS market to

manage credit risk in their loan portfolios. CDSs are also becoming a source of revenue from

intermediation, since Canadian dealers have increased their participation in trading CDSs.», Christopher

REID, « Credit Default Swaps and the Canadian Context», (2012) Financial Rev. 45, 49. En ligne: <

http://www.bankofcanada.ca/wp-content/uploads/2012/01/fsr-0605-reid.pdf > (consulté le 12 octobre

2014). 879 Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ c. V-1.1.

Page 323: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

309

consultation880 a même été publié dans ce sens. L’objectif est de réunir les acheteurs et

les vendeurs de dérivés de gré à gré. Et, pour certains dérivés de gré à gré qui rempliront

certaines conditions, les ACVM envisagent la possibilité que ces derniers se négocient

exclusivement sur ces plateformes. « Ce projet d’encadrement a pour objet d’élaborer

des règles de négociation des dérivés de gré à gré sur le marché canadien qui soient

conformes aux engagements internationaux. Outre l’élaboration d’instructions et de

règlements harmonisés au Canada, le projet d’encadrement sera harmonisé avec les

pratiques internationales dans la mesure du possible. » 881, a déclaré Bill Rice, président

des ACVM et président-directeur général de l’Alberta Securities Commission.

Par ailleurs, au Canada, le PCAA a été favorisé par une règlementation du

Bureau du Surintendant des Institutions Financières en 1994 qui exemptait les banques,

à certaines conditions, de l'obligation de conserver de capital à titre de provision pour

couvrir l'exposition de la banque à du PCAA, contrairement à un prêt conventionnel.

Ceci permettait aux banques de déployer plus de capital à des fins de profit.

Dans la titrisation, les actifs sous-jacents font l’objet d’une cession parfaite

c’est-à-dire que la cession est opposable aux tiers et les actifs cédés se trouvent hors de

la portée du cédant.

La crise a révélé l’importance systémique de certaines banques. Celles-ci jouent

un rôle à ce point important dans le fonctionnement du système financier et dans

l'économie qu'elles ne pourraient disparaître au terme d'un processus courant de faillite

et de liquidation sans qu'il s'ensuive des coûts inacceptables pour l'économie. Lors de

la crise, les autorités d'autres administrations ont dû injecter des capitaux publics pour

soutenir ces institutions, dans le but d'assurer la stabilité financière et économique en

général. Ces mesures de renflouement sont imposées aux contribuables et augmentent

l’aléa moral882. Ce qui signifie que les banques d’importance systémique sont plus

880 AUTORITÉS CANADIENNES EN VALEURS MOBILIÈRES SUR LES DÉRIVÉS, Document de consultation 92-

401 des ACVM Plateformes de négociation de dérivés, janvier 2015. En ligne :

< https://www.lautorite.qc.ca/files/pdf/consultations/derives/mars-2015/2015janv29-92-401-

consultation-fr.pdf >, (consulté le 23 septembre 2016). 881 AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS (Québec), « Les autorités en valeurs mobilières du Canada

publient un document de consultation sur les plateformes de négociation de dérivés ». En ligne :

< https://www.lautorite.qc.ca/fr/communiques-2015-autre.html_2015_acvm-92-401-plateformes-

negociation-derives.html >, (consulté le 12 février 2015). 882 Supra, p.69.

Page 324: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

310

incitées à prendre des risques excessifs avant qu'une faillite ne survienne. Pour pallier

ce problème, le gouvernement canadien a prévu dans son plan d’action économique de

2013883 , un cadre exhaustif de gestion des risques pour les banques d'importance

systémique canadiennes. On en dénombre six (6) exactement : la Banque de Montréal,

la Banque de la Nouvelle-Écosse, la Banque Canadienne Impériale de Commerce, la

Banque Nationale du Canada, la Banque Royale du Canada et la Banque Toronto-

Dominion884. Par ailleurs, cet encadrement vise essentiellement :

- La surveillance améliorée de la part du Bureau du surintendant des institutions

financières;

- L'élaboration de plans de redressement propres aux institutions ainsi que de

plans de résolution des défaillances, des exigences de fonds propres plus élevées885;

L'établissement d'un régime de protection des contribuables et de recapitalisation

interne des banques. Ce régime de protection des contribuables va permettre la

conversion de certains passifs en fonds propres règlementaires en cas de défaillance

d'une banque. Cela rendrait possible la mise en œuvre d'une stratégie de résolution qui

protégerait les contribuables en faisant en sorte que les pertes soient assumées par les

actionnaires et les créanciers de la banque en faillite, tout en permettant à la banque de

conserver la même entité juridique et les mêmes contrats et de préserver les services

essentiels qu'elle fournit à ses clients. La recapitalisation interne est un outil important

883 Plan d’action économique 2013. Emplois, croissance et prospérité à long terme, Chambre des

communes, 2013. 884 « L’Autorité a pris en considération les critères d’évaluation recommandés par le Comité de Bâle

pour définir l’importance systémique intérieure des institutions de dépôts sous sa juridiction. Ces critères

sont les suivants : la taille, l’interdépendance, la complexité et la substituabilité dans le système

financier. En outre, compte tenu des caractéristiques propres aux institutions opérant sous sa juridiction,

l’Autorité a ajouté un critère de concentration régionale des activités. (…) Les résultats de l’analyse

effectuée par l’Autorité confirment que le Mouvement Desjardins est une institution financière

d’importance systémique intérieure (« IFIS»). Étant ainsi désigné par l’Autorité, le Mouvement

Desjardins devra se conformer à un certain nombre d’orientations et de directives qui sont précisées ci-

après. Ces grandes orientations visent une harmonisation avec les institutions systémiques intérieures

déterminées par le régulateur fédéral tout en tenant compte de la nature coopérative du Mouvement

Desjardins. », AUTORITE DES MARCHES FINANCIERS (Québec), Avis relatif à la désignation du

Mouvement Desjardins à titre d’institution financière d’importance systémique intérieure, 2013. En

ligne : < https://lautorite.qc.ca/fileadmin/lautorite/reglementation/assurances-inst-depot/avis-ifis-d-

cq_desjardins.pdf> (consulté le 5 juin 2018). 885 Les banques d’importance systémiques canadiennes seront assujetties à un supplément de 1 % des

fonds propres pondérés en fonction du risque d'ici le 1er janvier 2016. De plus amples détails sont fournis

dans le préavis suivant du Bureau du Surintendant des Institutions Financières.

Page 325: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

311

qui permet de maintenir une banque en activité tout en réglant la faillite de l'intérieur.

En 2011, le Conseil de la stabilité financière a encouragé les juridictions à mettre en

place des régimes de résolution qui maintiennent la viabilité des établissements en

difficultés. La recapitalisation fait partie de ces recommandations. Plus précisément,

pour le Conseil, le régime de résolution devrait inclure :

(i) stabilization options that achieve continuity of systemically important

functions by way of a sale or transfer of the shares in the firm or of all or

parts of the firm’s business to a third party, either directly or through a

bridge institution, and/or an officially mandated creditor-financed

recapitalization of the entity that continues providing the critical functions;

and

(ii) liquidation options that provide for the orderly closure and wind-down

of all or parts of the firm’s business in a manner that protects insured

depositors, insurance policy holders and other retail customers886.

Quelques pays ont déjà intégré à leur régime ces règles en matière de

recapitalisation interne ; nous pouvons citer : le Danemark, le Royaume-Uni, la Suisse

et les États-Unis 887 . L'Union européenne a mis en œuvre un instrument intitulé

« Directive Redressement et Résolution des Banques »888 qui inclut un régime de

recapitalisation interne qui pourrait entraîner l'adoption de ce principe à l'échelle du

secteur bancaire européen.

886 FINANCIAL STABILITY BOARD, Key Attributes of Effective Resolution Regimes for Financial

Institutions, octobre 2011, pp. 3-4. En ligne : < http://www.fsb.org/wp-

content/uploads/r_111104cc.pdf?page_moved=1 >, (consulté le 20 mars 2017). 887 MINISTÈRE DES FINANCES, « Document de consultation sur le régime de protection des

contribuables et de recapitalisation des banques », 2014. En ligne : < https://www.fin.gc.ca/activty/con

sult/tpbrr-rpcrb-fra.asp#ftn3 >, (consulté le 20 mars 2017). Le titre II de la Dodd-Frank Wall Street

Reform and Consumer Protection act (Pub. L. N° 111-203, 124 Stat 1376) permet aux autorités

américaines d'obtenir des résultats équivalant à ceux de la recapitalisation interne grâce à l'application

de pouvoirs de résolution visant les « institutions-relais ». Au Canada, La Loi n°1 d'exécution du

budget 2016, L.C. 2016, ch. 7, a instauré un régime de recapitalisation interne des grandes banques

canadiennes. Ce régime, qui prévoit la conversion de titres de créances en actions ordinaires, permettrait

à une telle institution, en cas de faillite même improbable, de continuer à servir ses clients et de faire

absorber les pertes par les actionnaires et certains investisseurs, pas par les contribuables ou les

déposants. 888 Directive 2014/59/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant un cadre

pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et des entreprises d’investissement et

modifiant la directive 82/891/CEE du Conseil ainsi que les directives du Parlement européen et du

Conseil 2001/24/CE, 2002/47/CE, 2004/25/CE, 2005/56/CE, 2007/36/CE, 2011/35/UE, 2012/30/UE et

2013/36/UE et les règlements du Parlement européen et du Conseil (UE) n ° 1093/2010 et (UE)

n° 648/2012.

Page 326: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

312

Au Québec, l’Autorité des Marchés Financiers a mis en place une ligne directrice

pour la gouvernance des risques liés à la titrisation. Dans ce document889, l’autorité met

en avant l’importance d’une gouvernance efficace qui passe par la responsabilisation

du Conseil d’administration et de ses différents comités. Il s’agira pour ces derniers

de :

- Faire un suivi approprié des activités de titrisation. En effet, il est essentiel que

le concept de titrisation et ses implications soient bien compris. Autrement, il

serait judicieux de ne pas impliquer l’institution financière dans la titrisation;

- S’assurer que l’institution financière agit avec prudence et diligence sans égard

aux rôles qu’elle assume dans le processus de titrisation.

- Être en lien permanent avec les responsables de la gestion des risques afin d’être

informés à temps d’une possible détérioration des actifs sous-jacents.

En outre, des mécanismes de contrôle interne doivent parallèlement venir parfaire

ces différentes actions.

Pour la gestion de l’opération de titrisation, l’autorité présente la démarche à suivre

en trois volets : Les démarches avant le lancement de l’opération de titrisation,

l’exécution de l’opération et enfin le suivi de l’opération après son exécution.

Avant le lancement de l’opération, la banque initiatrice doit avoir une idée claire

de la performance des intervenants impliqués dans l’opération. Elle devrait également

s’assurer que les créances à titriser sont de bonnes qualités. Au regard de la complexité

de l’opération, elle devrait disposer d’une expertise appropriée.

Pendant l’exécution, la banque devrait essentiellement se concentrer sur la

bonne marche de l’opération en détectant les risques, et ce, avec l’aide des agences de

notation.

Enfin, après la titrisation, la banque doit gérer le risque opérationnel lié à la

multiplicité des intervenants. Elle doit toujours faire une analyse de la performance des

actifs sous-jacents pour prévenir d’éventuelles détériorations. Il en va de sa réputation.

889 AUTORITE DES MARCHES FINANCIERS (Québec), Ligne directrice sur la gestion des risques liés à

l’opération de titrisation, avril 2009. En ligne : < https://www.lautorite.qc.ca/files/pdf/reglementation/l

ignes-directrices-insti-depot/2009juin02-ld-titrisation-fr.pdf> (consulté le 12 février 2015).

Page 327: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

313

La banque doit toujours garder en mémoire qu’elle est le responsable en dernier recours

si l’opération venait à prendre un tournant négatif.

« La transparence doit être la règle, et l’opacité, l’exception. »890 Cela n’a pas

été le cas avant l’avènement de la crise. L’opacité a pris le pouvoir donnant lieu à des

faillites, des ruées au guichet et surtout à l’instauration d’un climat de méfiance sur les

marchés. Toutefois, après l’éclatement de la bulle, la réponse des régulateurs,

nationaux ou internationaux, ne s’est pas fait attendre. Sur le plan international, des

recommandations ont été faites globalement et les différents États ont pris le relai en

adaptant ces recommandations avec leur corpus législatif existant ou à venir.

Cependant, n’oublions surtout pas que « [i]n seeking guidance from comparative law

materials the court must always be alive to structural differences between legal

systems. »891 Mais, malgré les différences juridictionnelles, nous observons que les

régulateurs ont une démarche unique et cohérente. Même les États-Unis qui sont

marqués par le sceau du libéralisme ont pris des initiatives règlementaires dans le but

d’encadrer au maximum la finance et de restaurer minimalement la stabilité sur les

marchés.

Rappelons néanmoins qu’il est certes important d’encadrer, mais un

encadrement souple est préféré. Rigide, la règlementation donne lieu à l’arbitrage

règlementaire. « Tout va vers le règlementé, jusqu’à ce que la rigidité de la

règlementation excède l’avantage de sécurité qu’elle procure, ce qui engendre un

mouvement de balancier de reconstitution de l’informel sur un nouveau produit. Ainsi,

la vague du règlementé gagne, jusqu’au ressac du gré à gré, en intégrant des innovations

reconnues par l’usage.»892 Le dosage est pour ainsi dire très important. Mais il ne

faudrait pas confondre un dosage et un délaissement volontaire de champs

règlementaires. Après la crise, plusieurs chantiers règlementaires ont été entamés au

même moment et avec une grande célérité. Nous pensons que cela a permis de passer

890 É. VIEILLEFOND, PREC. note 572, p.259. 891 Lord STEYN, « The Challenge Of Comparative Law », XVIIe Congrès de l’Académie internationale

de droit comparé, présenté à l’Université d’Utrecht, 22 juillet 2006 ; (2006) 8/1 Eur. J. L. Ref . 7. 892 Marie-Anne FRISON-ROCHE et Maurice NUSSENBAUM, Détermination juridique et financière des

marchés dits de gré à gré, RJDA 8-9/97, Paris, Éditions Francis Lefebvre, p.683.

Page 328: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

314

à côté des éléments tout aussi importants tels que l’encadrement de la fiducie dans une

opération de titrisation et l’instauration, en amont des règles, d’une éthique garante

d’une titrisation responsable.

Par ailleurs, si chaque juridiction veut se mettre à jour sans toutefois aborder la

question de l’harmonisation et de la concurrence règlementaire, cela peut s’avérer peine

perdue en fin de compte. L’auteur Robert C. Merton avait déjà annoncé ce défi

règlementaire lorsqu’il a déclaré que: « The international issue of the trade-off between

the benefits of regulatory co-operation and the benefits of regulatory competition

promises to be among the more important regulatory issues of the 1990. »893.

Enfin, comme nous l’avons dit, la crise financière de 2008 est née aux États-

Unis, mais par la force des choses, elle a eu des répercussions sur d’autres pays. Cela

démontre à quel point les marchés financiers sont connectés. Par conséquent, nous

estimons qu’il faudrait évaluer dans quelle mesure les juridictions pourraient se

rejoindre sur une ou plusieurs règles pour faciliter les transactions.

893 Robert C. MERTON, « A Functional Perspective Of Financial Intermediation », (1995) 24/2 Financial

Management 39.

Page 329: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

Conclusion de la deuxième partie

Nous avons passé en revue le mécanisme fonctionnel d’une opération de

titrisation. Tout au long, nous nous sommes rendu compte de ce que le contexte même

dans lequel les créances titrisées ou les dérivés de crédit sont négociés permet

difficilement une meilleure allocation des responsabilités. Ces produits sont négociés

sur des marchés de gré à gré; autrement dit, les négociations sont placées sous le signe

d’une totale confiance entre les parties. Peut-on réellement parler de confiance

lorsqu’on sait que sur les marchés, chaque partie s’attèle à faire plus de profit? Nous

pensons que pour que la confiance soit de mise sur les marchés, les intermédiaires

financiers devraient être plus intègres. Avec le culte du profit et la prolifération des

innovations, la situation est nébuleuse ce qui peut rendre la tâche des régulateurs plus

difficile. À notre avis, il est important de comprendre le processus dans son entier pour

mieux savoir où et comment intervenir. Cette première étape de compréhension faite,

le juriste pourra alors aisément avoir une maîtrise de la situation.

La grande question qui demeure posée est celle de savoir si, au demeurant, la

titrisation s’inscrit bien dans la légalité et la validité. Nous sommes d’accord sur le fait

que pour que la titrisation fonctionne correctement, il faut des règles claires, capables

d’assurer une bonne transparence et une bonne gestion du risque de contrepartie.

Toutefois, la règlementation ne devrait pas uniquement encadrer la forme de la

titrisation, mais intervenir également dans la substance même du processus tel que

présenté dans le premier chapitre de cette deuxième partie. En d’autres termes, certains

autres éléments, tels que la mentalité des acteurs et l’allocation des responsabilités,

devraient attirer l’attention du législateur.

Tableau récapitulatif des régulateurs et des initiatives de régulation

Entités réglementaires Réponses réglementaires

Comité de Bâle • Titrisation

• Normes du capital

Page 330: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

316

• Encadrement du risque de crédit

(provisions pour pertes sur crédit

attendues, dépréciation des prêts et

mesures de restructuration)

• Liquidité (principes prudentiels,

LCR, NSFR)

• Capacité totale d’absorption des

pertes

• Taux d’intérêt

• Risques de concentration et

expositions importantes

G20/ CSF • Plans de résolution

• Système bancaire parallèle

• Banques d’importance systémique

• Agences de notation

OICV • Chambres de compensation

• Marges de dérivés de crédit non

compensés centralement

IADI • Recapitalisation interne des

banques

États-Unis • Intégration des dispositifs

internationaux

• Loi Dodd-Frank et protection du

consommateur

• Volker Rule

Europe • Intégration des dispositifs

internationaux

• Infrastructure de marchés

Page 331: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

317

Canada

(fédéral et provincial)

• Intégration des dispositifs

internationaux

• Loi sur le crédit à la consommation

(Québec)

• Lignes directrices sur les Prêts

hypothécaires

• Lignes directrices sur la

gouvernance

Page 332: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

318

TROISIÈME PARTIE : UNE VISION PROSPECTIVE DE L’ENCADREMENT

D’UNE OPÉRATION DE TITRISATION

Il est important de rappeler la nécessité d’encadrer juridiquement les marchés

financiers. En effet, l’analyse que nous avons faite de l’opération de titrisation nous a

permis de constater que plusieurs liens mal qualifiés par le droit ont suffi pour mettre

le système en branle. Pour cause, « [l]e droit, c’est ce qui donne de la permanence au

temps, qui assure que demain sera comme aujourd’hui et qu’on répondra aujourd’hui

des fautes et des manquements d’hier. »894 Et s’il fait défaut, il y aura forcément des

répercussions pour l’avenir.

À travers cette thèse, nous voulons appuyer cette théorie qui veut que les marchés

doivent être encadrés. Cependant, l’encadrement tel que nous l’entrevoyons n’a pas

pour objectif d’enfermer les acteurs financiers dans le dogme positif des règles de droit.

Au contraire, les règles de droit, lorsqu’elles sont strictes et rigoureuses, poussent très

souvent les acteurs financiers à opérer un arbitrage règlementaire. Alors, en plus des

règles de droit, nous pensons qu’il est important de considérer l’individu censé

appliquer lesdites règles et son rapport à la société qui l’entoure. Ainsi, l’acteur

financier ne devrait pas se sentir prisonnier des règles, mais devrait être évalué sur

l’importance éthique des actes qu’il pose. Nous pouvons surnommer cette démarche de

libéralisme éthique. C’est la raison pour laquelle nous proposons de mettre en place un

encadrement adapté à l’opération de titrisation qui prendra en compte aussi bien la

singularité des différents instruments financiers en jeu que l’individualité de chaque

acteur partie à l’opération. Plus précisément, nous avons choisi d’analyser d’une part,

la nécessité d’une convergence règlementaire dans la mise en place de la « fiducie-

titrisation ». D’autre part, nous analyserons la jonction de l’éthique au droit pour la

responsabilisation des acteurs de l’opération.

Le choix d’analyser le rôle joué par la fiducie dans la titrisation a été fait après

l’évaluation, ante-crise et post-crise, du cadre règlementaire du secteur bancaire et

financier. De notre analyse, il en ressort que le véhicule de titrisation est l’acteur de la

chaîne de titrisation capable d’assurer la responsabilisation des autres acteurs. Alors

894 Marie-Anne FRISON-ROCHE et Maurice NUSSENBAUM, « Détermination juridique et financière des

marchés dits de gré à gré», (1997) 8-9 R.J.D.A.683.

Page 333: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

319

pour nous, il paraît nécessaire, et même important de trouver un cadre règlementaire

qui va intéresser l’ensemble des acteurs, d’où le choix de la convergence règlementaire.

En effet, la fiducie représente la manivelle de toute l’opération de titrisation et, contre

toute attente, elle a été peu encadrée après la crise. Que représente-t-elle réellement au

sein d’une opération de titrisation? Comment créer une fiducie adaptée et spécifique à

la titrisation des créances, et ce, sans mettre en péril le régime juridictionnel interne.

Les premiers pays à pratiquer la titrisation ont été les pays de tradition de droit anglo-

saxon. Dans ces pays, la possibilité de constituer des fiducies (trusts) facilite

grandement le transfert de la propriété des titres vers une entité qui peut représenter les

droits des détenteurs d’actifs. Ainsi, le montage technique d’une titrisation est une

opération complexe et fortement influencée par le contexte légal et règlementaire du

pays où elle s’effectue. Quel est le droit applicable dans une titrisation impliquant deux

pays? Ne serait-il pas préférable de mettre en place un cadre pour une fiducie uniforme

et unique à laquelle les acteurs devraient se référer pour leurs différentes conventions?

Toujours pour justifier le choix que nous avons porté sur la fiducie, nous nous

sommes rendu compte de l’importance du système bancaire parallèle avec l’avènement

de la crise et de la nécessité de l’encadrer. En effet, comme nous l’avons expliqué plus

haut 895 , ce système est une manifestation de la désintermédiation des activités

bancaires. Étant donné que c’est la fiducie qui assure la désintermédiation dans

l’opération de titrisation, nous avons pensé que l’encadrement du système bancaire

parallèle pourrait également passer par une meilleure redéfinition des fonctions de la

fiducie dans une opération de titrisation896. Les conduits, ou encore les fonds communs

de titrisation, ou encore les special purpose vehicle (SPV) sont-ils de simples entités

parallèles aux banques? Ou alors faudrait-il, dans ce cas, créer une règlementation

adaptée à l’opération de titrisation (« fiducie-titrisation ») dans la mesure où cette

opération s’étend de plus en plus vers d’autres secteurs (finance carbone, propriété

intellectuelle, etc.)?

895 Supra, pp. 226 et suiv. 896 David RAMOS MUNOZ, The law of transnational securitization , Oxford, university press, 2010, p.11.

Page 334: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

320

Par ailleurs, nous pensons que la question de l’intégrité dans les marchés est aussi

préoccupante que la place de la fiducie dans l’opération de titrisation. Nous constatons

bien que cette intégrité a été mise en mal lors de la dernière crise financière de 2008.

Pour nous, parler d’intégrité revient à considérer les aspirations et les motivations de

chaque acteur sur le marché, ainsi que les responsabilités de ces acteurs face aux actions

qu’ils posent. Ceci est d’autant plus important lorsque l’on sait que l’établissement

d’une finance responsable est au cœur des différentes règlementations post-crise897.

Nous nous sommes inspirés de la réflexion sous-jacente à cette théorie de la finance

responsable pour élaborer une recommandation sur la titrisation responsable. Penser à

rendre le processus de titrisation responsable revient à appliquer, autant que faire se

peut, les principes de durabilité à toute l’opération de titrisation et ceci dans l’optique

de rendre les différentes transactions transparentes, et éthiquement et légalement

réalisables.

Les recommandations que nous formulerons représentent un début de réflexion et

l’objectif qui se profile en toile de fond est de tendre vers une titrisation responsable.

Ainsi, l’intérêt de notre thèse n’est pas de dévaloriser cette technique de financement

bancaire, mais bien au contraire, nous voulons la faire sortir du carcan dans lequel sa

complexité et son opacité (opérationnelle et règlementaire) l’ont emprisonné. La

poursuite des recherches et la rédaction vont aboutir à la conception, non pas d’un

nouveau processus d’encadrement de l’opération de titrisation avec de nouvelles règles,

mais d’un processus d’encadrement revu et amélioré. De l’instauration d’une notion

spécifique de la fiducie-titrisation (chapitre I) à la conception d’un prototype de

titrisation des créances « responsable » (chapitre II), nous allons proposer une mixité

entre éthique, droit et finance, convaincues que cela permettra d’obtenir un meilleur

résultat.

897 Le dispositif règlementaire mis en place après la crise de 2008, aussi bien sur le plan international

que national visait à responsabiliser les acteurs financiers sur tous les plans : santé bilancielle;

encadrement des activités spéculatives; la simplification des montages et des produits financiers utilisés

sur les marchés; et les obligations à respecter, tout le long du processus, par les institutions financières,

les consommateurs et les investisseurs. Lire dans ce sens André LACROIX et Allison MARCHILDON,

Quelle éthique pour la finance? Portrait et analyse de la finance socialement responsable, Québec,

PUQ, 2013.

Page 335: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

321

CHAPITRE I : LA FIDUCIE REVISITÉE ET ADAPTABLE À UNE OPÉRATION DE

TITRISATION

« Le mécanisme de la titrisation permet à une entreprise de regrouper des actifs qui

génèrent des revenus (prêts, créances, etc.) et de les transférer à une fiducie qui, par la

suite, émet des titres. »898

Qu’est-ce que la fiducie dans une opération de titrisation? La fiducie pourrait-

elle jouer un rôle autre que celui qui lui est assigné dans l’opération de titrisation?

Telles sont là les questions que nous nous posons en introduisant cette partie. Du droit

anglo-saxon au droit romano-germanique, l’encadrement et les formes de la fiducie

sont très différents. Très souvent, la fiducie est utilisée comme une sûreté, pour ne citer

que cet usage-là. Mais ce rôle est-il le même que celui qu’elle joue dans une opération

de titrisation? Autrement dit, la fiducie aux fins de garantie est-elle compatible avec la

fiducie présente dans une opération de titrisation? Bien que le véhicule de titrisation

détienne une marge de crédit (collatéral) lui permettant de faire face au défaut du

cédant, reste que la fiducie telle que conçue dans l’opération de titrisation ne peut pas

uniquement être une fiducie à titre de garantie. Même si, et comme nous le verrons plus

tard, elle remplit cette fonction de garantie, au-delà de cette fonction, le véhicule de

titrisation a été mis en place pour assurer le commerce des titres. Nous notons à ce

niveau un rôle de gestion et d’administration. Plusieurs effets juridiques peuvent ainsi

naître de sa relation avec les emprunteurs, les banques ou encore les investisseurs.

On comprend donc qu’il est important de bien identifier les fonctions de la

fiducie dans l’opération de titrisation, enfin de lui appliquer les règles adéquates.

L’adéquation que nous évoquons est quelque peu complexe au regard de la

bipolarisation de l’encadrement juridique de la fiducie. En effet, nous avons d’une part

les règles de la common law et d’autre part, celles du droit romano-germanique. La

solution serait alors d’appliquer une convergence règlementaire. Autrement dit, nous

pourrions par exemple établir des règles autour desquels plusieurs pays, de différentes

traditions, se rejoindront. Comme autre solution et dans l’optique de réduire la

prolifération des règles, nous pourrions prendre ce qui existe déjà comme règles et qui

pourrait s’appliquer à toutes les juridictions. Par exemple, l’article 2 de la Convention

898 Sylvio NORMAND, Introduction au droit des biens, Montréal, Wilson & Lafleur ltée, 2000, p.30.

Page 336: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

322

de La Haye899 donne une définition du trust qui se rapproche de la conception anglo-

saxonne sur la question :

Aux fins de la présente Convention, le terme «trust» vise les relations

juridiques créées par une personne, le constituant – par acte entre vifs ou à

cause de mort – lorsque des biens ont été placés sous le contrôle d’un

trustee dans l’intérêt d’un bénéficiaire ou dans un but déterminé. Le trust

présente les caractéristiques suivantes :

a) les biens du trust constituent une masse distincte et ne font pas partie du

patrimoine du trustee;

b) le titre relatif aux biens du trust est établi au nom du trustee ou d’une

autre personne pour le compte du trustee;

c) le trustee est investi du pouvoir et chargé de l’obligation, dont il doit

rendre compte, d’administrer, de gérer ou de disposer des biens selon les

termes du trust et les règles particulières imposées au trustee par la loi.

Le fait que le constituant conserve certaines prérogatives ou que le trustee

possède certains droits en qualité de bénéficiaire ne s’oppose pas

nécessairement à l’existence d’un trust900

À la lecture de cet article, nous pourrions conclure qu’il pourrait s’appliquer à

l’opération de titrisation. En effet, les biens qui constituent une masse distincte vont

permettre de satisfaire les créanciers en cas de défaillance. Le titre établi au nom du

fiduciaire (trustee) permet d’allouer une grande responsabilité au fiduciaire. Et enfin, le

fiduciaire ou le véhicule de titrisation administre les actifs au profit des investisseurs.

Cependant, il faudrait noter que le droit de la fiducie est très spécifique d’une juridiction

à une autre. Il épouse la culture juridique et l’histoire de la région dans laquelle il

s’applique (section I). Pour cette raison, notre défi est de trouver une juridiction qui

pourrait, autant que faire se peut, avoir de la matière pour satisfaire les attentes que l’on

peut avoir vis-à-vis de l’encadrement du véhicule de titrisation (section II). Cela

contribuerait à rendre les opérations internationales de titrisation bien plus faciles à

gérer , surtout en ce qui concerne les droits et les obligations des parties prenantes.

Pour les besoins de notre analyse, nous tenons à préciser que c’est seulement

en tant qu’instrument juridique de la titrisation que la fiducie sera abordée. En d’autres

899 La France a signé la Convention, mais ne l’a pas encore ratifié. Mais sa loi sur les fiducies reprend

les grandes lignes de la Convention. 900 Convention relative à loi applicable au trust et à sa reconnaissance, conclue à La Haye le 1er juillet

1985.

Page 337: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

323

termes, toutes les différentes règles que nous exposerons auront pour but d’analyser la

possibilité qu’il y aurait à les appliquer à l’opération de titrisation.

Section I : Usages du trust en droit civil et dans la common law

Sous-section I : Le trust dans la common law

Afin de mieux comprendre la nature juridique et le fonctionnement du trust, il

faudrait toujours garder en mémoire que le trust de la common law est en concordance

parfaite avec la structure dualiste du droit anglais : common law et equity

(jurisprudence judiciaire et jurisprudence administrative). Il est également mis en place

pour une multiplicité d’applications.

Dans la common law, le trust (fiducie) est régi par le droit de la propriété. Notons

que le droit de la propriété a une tout autre signification dans la juridiction anglo-

saxonne. Par exemple, si nous traduisons l’opération de titrisation en langage « trust »,

cela donnerait ceci : la banque va constituer un trust avec le portefeuille des créances

à titriser. Le fiduciaire (trustee) va émettre des certificats de trust. Par la suite, les

investisseurs (bénéficiaires de l’opération) vont acquérir ces certificats. Les créances

titrisées constituent ce que l’on appelle le véhicule de titrisation (trust fund), qui est

une entité ayant un patrimoine distinct de celui de la banque, du trustee et des

investisseurs901. Ce qui signifie que le bilan de ce trust fund est uniquement composé

de créances acquises dans le cadre de l’opération et de titres émis pour en financer

l’acquisition. En effet, « il est nécessaire que le special purpose vehicle soit un sujet

901 L’exigence selon laquelle le patrimoine d’une fiducie doit être séparé du patrimoine personnel du

fiduciaire n’est pas admise dans toutes les fiducies d’essence civiliste. En Suisse par exemple, le

fiduciaire gère les biens objet de la fiducie au sein de son patrimoine, sans pouvoir constituer de «

patrimoine fiduciaire ». Voir à ce sujet Gaëlle MARRAUD DES GROTTES, « Trust et droit français: les

frères ennemis? », (2006) 25 Revue Lamy droit civil 57; voir aussi David HAYTON, « Préface » dans

Jean-Marc TIRARD, dir, Trust & fiducie : concurrents ou compléments? Genève, Academy & Finance,

2008, p.7 ; et Benoît CHAPPUIS, « L’incidence de la convention de La Haye relative à la loi applicable

au trust et à sa reconnaissance sur la fiducie en droit suisse » dans Le centenaire du Code civil suisse :

colloque du 5 avril 2007, Paris, Société de législation comparée, 2008, 201. La fiducia romaine

n’acceptait pas davantage l’existence d’un patrimoine séparé. Contrairement aux précédents, le droit

luxembourgeois retient l’existence d’un patrimoine fiduciaire autonome (article 6 de la Loi du 27 juillet

2003). Blandine MALLET-BRICOUT, « Le fiduciaire, véritable pivot ou simple rouage de l’opération de

fiducie ?», (2013) 58/4 Revue de droit de McGill 908.

Page 338: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

324

juridiquement autonome, orphan, par rapport à l’entreprise financée et que son activité

soit exclusivement limitée à la réalisation de l’opération de titrisation. »902

Par ailleurs, en droit anglais la création du véhicule de titrisation, incombe à

l'initiateur de l’opération alors que sa gestion incombe au fiduciaire.

Avec tous ces éléments, il devient alors aisé de donner une définition du trust.

Dans son ouvrage Law relating to trusts and trustees, Underhill a su colliger cela en

définissant le trust comme une « obligation équitable, liant une personne, appelée le

trustee, en vue de gérer des biens sur lesquels elle exerce un contrôle, appelés les biens

du trust, au bénéfice de personnes, appelées bénéficiaires ou cestuis que trust, dont il

peut être l’une d’elles et de quiconque peut exiger l’exécution de l’obligation. »903

C’est la legal ownership904 qui va alors autoriser le trustee à gérer cette masse

patrimoniale dans l’intérêt des investisseurs. Les investisseurs, quant à eux, bénéficient

d’une autre propriété qui est l’equitable ownership. Celle-ci leur permet de percevoir

les sommes misées et les intérêts grâce au paiement des créances titrisées (les actifs

sous-jacents) qui est fait par les débiteurs cédés905.

Le trustee est propriétaire des biens qui lui sont transférés906. Il est également

sanctionné et son existence repose par conséquent sur une relation de confiance; et les

bénéficiaires qui sont les investisseurs (the cestius que trust) sont protégés envers les

créanciers personnels du trustee. À l’égard de ceux-ci, « la chose ne fait pas partie du

tout du patrimoine du trustee. »907C’est donc dire que le trustee se retrouve à la tête de

deux patrimoines : le sien et le patrimoine fiduciaire908.

À la base, le trust de la common law n’est pas un contrat909 : c’est l’engagement

902 V. FORTI, préc. note 526, p.33. 903 Arthur UNDERHILL, Law Relating To Trusts And Trustees, London, Butterworth, 1959, p.18. 904 La legal ownership est la propriété légale qui revient au trustee. 905 V. FORTI, préc., note 526, préface p.XIV. 906 René DAVID, Le droit anglais, coll. « Que sais-je ?», Paris, Presses Universitaires de France, 1965,

p.113 907 Claude WITZ, La fiducie en droit privé français, Paris, Economica, 1981, p.5. Lire également Fabien

GIRARD, « La propriété inclusive au service des biens environnementaux. Repenser la propriété à partir

du bundle of rights », (2016) 6 Cahiers Droit, Sciences & Technologies 28. 908 Blandine MALLET-BRICOUT, « Le fiduciaire, véritable pivot ou simple rouage de l’opération de

fiducie ? », (2013) 58/4 McGill Law Journal 908. 909 Jean-Paul BÉRAUDO, Les trust anglo-saxons et le droit français, Paris, LGDJ, 1992 p.8; Lire

également Fredéric William MAITLAND, Equity, also the forms of action at common law, Two Courses

of Lectures, Cambridge, Cambridge university press, 1929, pp.57 et suiv.

Page 339: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

325

unilatéral du constituant qui a transféré des biens à un tiers (véhicule de titrisation dans

notre cas). Ce n’est donc pas un accord entre la banque et le véhicule de titrisation pour

la création de ce dernier comme c’est le cas en droit civil. Cependant, la possibilité

d’avoir des accords par la suite pour les transactions courantes lors du processus n’est

pas exclue. De plus, le trust se distingue du contrat principalement, car la contrepartie,

qui est essentielle dans le contrat de la common law, n’est pas un élément essentiel du

trust, et, contrairement au contrat qui crée des droits personnels entre les parties, le

trust crée des droits de propriété au profit du fiduciaire et du bénéficiaire. Finalement,

le bénéficiaire n’est généralement pas obligé ni envers le settlor (le constituant) ni

envers le trustee (fiduciaire)910.

En outre, dans les pays de la common law, la législation n’a pas été nécessaire

puisqu’il existe des structures appropriées à ce type de financement911. Par exemple,

aux États-Unis le véhicule de titrisation peut prendre diverses formes. Les formes de

véhicule de titrisation les plus mises en œuvre dans les opérations de titrisation sont le

trust et la société à responsabilité limitée (limited liability company) ; ces différents

véhicules vont émettre un certificat aux investisseurs, dont le produit de

l’investissement est reversé au cédant en échange des actifs. Le trustee peut disposer

et administrer les biens du trust. Cependant, ces biens ne font pas partie de son

patrimoine. En d’autres termes, il ne peut en user, en jouir ou tout simplement en

disposer. De plus, ses créanciers ne pourront pas faire de recours contre le trustee et

espérer avoir des droits sur ces biens. Le trust s’adapte alors parfaitement à l’opération

de titrisation : le cédant confie ses créances à un trustee qui les administre et en dispose

dans l’intérêt unique des investisseurs (beneficiaries) selon les règles du trust. Il

finance ainsi l’acquisition des créances par une émission de titres proposés à des

souscripteurs via des groupes d’investisseurs.

De manière générale, l’on s’aperçoit que la titrisation telle qu’elle est pratiquée est

un instrument standardisé sous un modèle de common law. De plus, il faut avouer que

910 Voir Serge GUINCHARD, Essai d’une théorie générale de l’affectation des biens en droit privé

français, thèse de doctorat en droit, Lyon, Université Jean Moulin – Lyon 3, Paris, Librairie générale de

droit et de jurisprudence, 1976. 911 Florian BURNAT et Jessica CHARTIER, « Titrisation à la française et securitisation à l’anglaise : Étude

de droit comparé après l’ordonnance du 13 juin 2008», (2010) 2 I.B.LJ. 144.

Page 340: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

326

l’internationalisation et la standardisation de bon nombre d’instruments financiers se

font très souvent sous l’influence de la finance, mais également sous l’influence du

droit anglo-saxon912. Mais cette pratique rencontre souvent un obstacle en la personne

du droit civil.

En fin de compte, le trust intervient dans les opérations de titrisation dans le but de

sécuriser le montage dans son ensemble. Le trust est une institution fondamentale dans

les pays anglo-saxons. Cet instrument, qui est « peut être la réalisation la plus originale

qu’aient accomplie les juristes anglais »913 , a attiré plusieurs systèmes juridiques

étrangers. Cependant, la nature particulière de l’institution pose de délicats problèmes

pour déterminer la loi applicable dans le cadre d’une titrisation internationale, car entre

la common law et le droit civil, il existe encore des disparités à analyser pour parfaire

l’harmonisation et les transactions transnationales.

Sous-section II : La fiducie en droit civil

D’essence contractuelle, nous pouvons définir la fiducie comme « un acte juridique

par lequel une personne, le fiduciaire, rendue titulaire d’un droit patrimonial, voit

l’exercice de son droit limité par une série d’obligations parmi lesquelles figure

généralement celle de transférer le droit au bout d’une certaine période, soit au

fiduciant, soit à un tiers bénéficiaire. »914

De par sa nature, elle apparaît comme une technique mettant en rapport trois

éléments essentiels : le constituant, les biens affectés à une fin particulière et le

fiduciaire qui s'oblige à les gérer par son acceptation expresse. Ainsi de ce qui précède,

il ressort de cela que la titrisation emprunte également certaines caractéristiques à la

fiducie de droit civil, spécialement le véhicule de titrisation. Tout comme la technique

du trust américain, nous retrouvons dans la technique de la fiducie : un constituant, un

fiduciaire (trustee), puis en vertu de l'article 1269 du Code civil du Québec, elle procure

un avantage au constituant ou aux porteurs de titres (les investisseurs).

912 Voir Alain COURET et Hervé LE NABASQUE et al. Droit financier, Coll. « Précis droit privé », 1re

Édition, Paris, dalloz, 2008. 913 F.W.MAITLAND préc. note 909, p.109. 914 Voir C. WITZ, préc. note 907, p.15. À la différence du trust, la fiducie est un contrat entre fiduciant

et fiduciaire.

Page 341: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

327

Par ailleurs, en Europe, la fiducie a été instituée pour garantir une créance ou pour

structurer des rapports de gestion de biens (il s’agit de la fiducie du droit romain). C’est

l’aliénation fiduciaire. Elle a toujours existé en Europe et elle représente en effet un

héritage de la fiducia romaine. L’aliénation fiduciaire va donc permettre au débiteur

propriétaire d’un bien, quelle que soit sa nature, de transférer la propriété de ce bien à

son créancier, à charge pour ce dernier de la retransférer en cas d’exécution de son

obligation par le débiteur 915 . En cas de non-exécution, le bien sera transmis

définitivement au créancier916. La fiducie du droit romain représente donc un pacte de

transfert de propriété par lequel l’acquéreur s’engage auprès de l’aliénateur à

retransférer le bien aux conditions fixées dans le pacte. L’existence d’une relation de

confiance entre l’aliénateur et l’acquéreur fiduciaire est la condition qui préside cette

fiducie, d’où son nom fiducia917.

Il est évident que nous ne sommes pas en face d’une aliénation fiduciaire avec la

titrisation des créances.

Prenons comme exemple le cas de la France. Dans le système français, le droit

commun, en faisant recours à des notions de droit des contrats et des obligations, s’est

inspiré du trust de la common law. Nous notons alors l’existence d’un contrat fiduciaire

par lequel la banque transfère les créances au véhicule de titrisation qui les gère dans

l’intérêt exclusif des investisseurs. Cependant, la fiducie, telle qu’adoptée par le droit

civil, est restrictive, et plus particulièrement la fiducie française918.

Le sénateur Philippe Marini, auteur de la proposition de Loi instituant la fiducie en

France, décrit la fiducie comme « un contrat synallagmatique translatif de propriété à

titre temporaire et pour une fin déterminée, impliquant une relation triangulaire. Un

constituant transfère ainsi des biens ou droits de son patrimoine à un fiduciaire, qui

s’engage à les gérer au profit d’un bénéficiaire et à les restituer au terme du contrat. Ce

bénéficiaire n'est pas, en tant que tel, partie au contrat, mais peut être le constituant, le

915 Voir Dominique LEGEAIS, Les sûretés, Paris, LGDJ, 1996. 916 Jean-Pierre BORNET, « Marchés financiers vers la fin du monopole de l’aliénation fiduciaire», dans

Mélanges AEDBF-France II, Droit bancaire et financier, Paris, Banque Éditeur, 1999, p.98. 917 C. WITZ, préc. note 907, p.1-2. 918C’est la Loi française no 2007-211 du 19 février 2007 qui institue la fiducie, JO, 21 février 2007, 3052

[Loi no 2007-211].

Page 342: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

328

bénéficiaire ou un tiers.»919 Par ailleurs, c’est la Loi n° 2007-211 du 19 février 2007920

qui a introduit la fiducie en France, s’inspirant du trust anglo-saxon et de la convention

de La Haye. Néanmoins, son application reste limitée et par conséquent ne peut pas

intégrer les opérations de titrisation. Cependant, même si le trust reste inconnu en

France pour les opérations de titrisation, nous notons tout de même une institution qui

à l’instar du trust anglo-saxon est le noyau central et juridique d’une opération de

titrisation; il s’agit du fonds commun de créances. En effet, la France n'ayant pas les

mêmes structures juridiques qu'aux États-Unis, il fallait créer pour ce nouveau produit

un instrument juridique pouvant jouer le rôle du trust. Ainsi, pour les besoins de cette

opération, qui demeure complexe, un véhicule de titrisation appelé fonds commun de

créances921 a donc vu le jour en France. La création du Fonds Commun de Créances

(maintenant Fonds Commun de Titrisation- FCT) a été réformée par l’ordonnance

transposant la directive communautaire relative aux organismes de placement922.

L'article 34 de la Loi 88-1201 définit le Fonds Commun de titrisation comme :

« Une copropriété qui a pour objectif exclusif d'acquérir les créances

détenues par les établissements de crédit, la caisse de dépôts et

consignations ou les entreprises d'assurance et d'émettre, des parts

représentatives de ces créances. Les parts d'un fonds commun de créances

sont émises en une seule fois.

Le fonds n'a pas la personnalité morale. Les dispositions du Code civil

relatives à I'indivision ne s'appliquent pas au Fonds. Il en va de même des

dispositions des articles 1871 à 1873 dudit Code… »

Rajoutons que le patrimoine du FCT, tout comme celui du trust, est constitué

dans l’unique but de le distinguer du patrimoine du créancier cédant. Cependant, en

France, le FCT est propre à la titrisation alors que le trust anglo-saxon a une utilisation

plus large. De manière générale, le Code civil français ne reconnaît pas une autre

fiducie que celle commerciale. Contrairement au trust de la common law qui a un

919 Philippe MARINI, « Enfin la fiducie à la française », (20017) 20 Recueil Dalloz 1347. 920 Loi n° 2007-211 du 19 février 2007 instituant la fiducie, JORF n°44 du 21 février 2007 page 3052,

texte n° 3. 921 Le Fond commun de créances est une structure spécifique mise en place par la France le 23 déc. 1988,

article L214-43 à L214-49 du Code monétaire financier français. 922 Ordonnance n°2008-556 du 13 juin 2008 transposant la directive communautaire 2005/68/CE par la

Loi n° 88-1201 du 23 décembre 2008 relative aux organismes de placement.

Page 343: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

329

domaine d’application extrêmement large923. De plus, nous constatons une différence

entre le concept de copropriété tel que prévu dans un FCT et ce concept dans

l’article 544 du Code civil. En effet, la fiducie française n’a pas de personnalité morale.

En France, le FCT (véhicule de titrisation français) est constitué sous la forme d’une

copropriété924 relevant de la catégorie des organismes de placement collectif925. En

effet, le FCT n'est ni une société, ni une indivision, mais une copropriété926. Son

existence est subordonnée à la cession effective des créances. Remarquons que si le

FCT est une copropriété, les souscripteurs de titres (investisseurs) ont par voie de

conséquence le statut de propriétaire.

En outre, le FCT n’ayant pas la personnalité morale, il ne peut non plus avoir

des organes de direction. En plus de cela, il ne peut pas conclure un acte juridique par

lui-même ou encore moins ester en justice. C’est la raison pour laquelle, à l’instar du

trustee, une société de gestion a été prévue pour le montage. C’est l’article 37 de la Loi

88-1201 927 qui prévoit cette société de gestion, accompagnée d'une personne

dépositaire de ses actifs.

Afin d’éviter de créer un bouleversement dans les régimes juridiques et de parer

à toute éventualité, un second type d'organisme de titrisation en droit français a été

créé, à savoir la société de titrisation, dotée de la personnalité morale. La création d’une

société de titrisation qui jouera le rôle du FCT et ayant la personnalité morale pourrait

être une fenêtre ouverte pour pallier la situation de défaut de la personnalité morale. En

plus de cela, la France était en déficit d’une entité capable de gérer les actifs d’une autre

923 Yaëll EMERICH, « Les fondements conceptuels de la fiducie française face au trust de la common law:

entre droit des contrats et droit des biens », (2009) 61 Revue internationale de droit comparé 51. Par

ailleurs, selon l’article 2013 du Code civil français « Le contrat de fiducie est nul s’il procède d’une

intention libérale au profit du bénéficiaire. Cette nullité est d’ordre public ». En common law, d’un point

de vue historique, c’est au contraire le trust libéralité qui s’est d’abord développé, Frederick POLLOCK

et Frederic William MAITLAND, The History of English Law, 2e édition, Volume 2, Cambridge,

Cambridge University Press, 1968, pp. 228-231. 924 Voir l’article L214-49-4 du Code monétaire financier français. 925 F.BURNAT et J.CHARTIER, préc. note 911, p.145. 926 La copropriété est une « modalité de propriété dans laquelle le droit de propriété sur une même chose

ou un ensemble de choses appartient à plusieurs personnes dont chacune est investie privativement, d'une

quote-part (égale ou inégale) accompagnée, sur le tout, en concurrence avec les autres copropriétaires

de certains droits (droit d’usage, pouvoir de gestion au moins à titre conservatoire) », Gérard CORNU,

Vocabulaire juridique, 5e éd. Paris, Presses Universitaires de France, 1996, p.212. 927 Ordonnance n°2008-556 du 13 juin 2008 transposant la directive communautaire 2005/68/CE par la

Loi n° 88-1201 du 23 décembre 2008 relative aux organismes de placement.

Page 344: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

330

entité, sans les menacer de sa propre faillite et des éventuelles actions de ses créanciers.

La France a fait une différence en prévoyant cette solution. C’est en cela qu’elle innove

vis-à-vis du trust anglo-saxon928.

La France se démarque également à deux autres niveaux :

- L’établissement d’un bordereau de cession de créances qui permet par

exemple une cession de portefeuilles entiers de créances opposables

immédiatement aux tiers, y compris en cas de procédure collective, ce

que l'equitable assignment ne permet pas.

- L’inapplicabilité des procédures collectives aux organismes de

titrisation français, prévue expressément par le Code monétaire et

financier, constitue également un atout majeur face au droit anglais, et

surtout dans le contexte d’une crise financière929.

Ainsi, nous pouvons avoir soit une société de gestion et un dépositaire, soit une

société de titrisation. Si l’on veut résumer l’opération en droit civil français : c’est la

banque (créancier cédant) qui va désigner la société de gestion et la banque dépositaire.

Ces deux entités ont des obligations qui relèvent directement de la loi, contrairement

au trustee dont les obligations reposent sur un trust deed930 et sur la jurisprudence. Le

FCT est alors teinté du régime anglo-saxon du trust. Mais le législateur français y a

rajouté quelques particularités. En effet, son fonctionnement est similaire à celui du

trust : une société gestionnaire et un dépositaire (trustee) qui auront l’initiative

(constituant) et le pouvoir de gestion (administrateur) du fonds dans l’intérêt des

investisseurs. Certainement l’idée derrière a été de s’inspirer d’un système qui a été

durement éprouvé dans le temps et qui a déjà fait ses preuves, l’expérience anglo-

saxonne en la matière n’étant plus à commenter.

Cela ne veut pas dire que la France a assoupli son régime légal en ce qui

concerne la fiducie. Tant s’en faut. Comme nous l’avons précédemment souligné, le

928 « Le droit français rejoint ici aussi le régime anglais, puisqu'en Angleterre, le SPV peut également

être constitué sous forme de société anonyme (public limited company) ou de société et responsabilité

limitée (private limited company) relevant du Companies Act de 2006. Le SPV est même parfois

constitué sous la forme d'une société civile à responsabilité limitée (limited liability partnership) relevant

du Limited Liability Partnership Act de 2000 », F.BURNAT et J.CHARTIER, préc., note 911, p.146. 929 Id., p.157 930 Le trust deed est le document écrit qui matérialise l’acte de fiducie.

Page 345: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

331

FCT a uniquement été conçu dans le but de réaliser l’opération de titrisation, alors que

le trust a une utilisation plus large. En fait, le FCT a été conçu pour résoudre le

problème de la rigidité du Code civil. La France y consacre l’article L214-49-4 du Code

monétaire et financier en présentant le FCT comme un organisme de titrisation

constitué sous la forme d’une copropriété.

Cette transposition du droit anglo-saxon sur le FCT est-elle sans conséquence?

La réponse est négative, car la conséquence directe est la modification d’un cadre

règlementaire qui peut ramener des problèmes de conflits d’intérêts. Par exemple en

France, bien que la définition du FCT donnée par la Loi 88-1201 va dans le même sens

que l’article L214-49-4 du Code monétaire et financier, il n’en demeure pas moins vrai

qu’on note des contradictions dans les dispositions.

Dans ce sens par exemple, comme nous l’avons dit, selon l’article 34 de la

Loi 88-1201 qui introduit le FCT, ce dernier est une copropriété et les parts qu’il émet

ont le rang des valeurs mobilières.

« (…) Les parts sont des valeurs mobilières. Elles ne peuvent donner lieu,

par leurs porteurs, à demande de rachat par le fonds. Le montant minimum

d'une part émise par un fonds commun de créances est défini par décret.

(…)»

Cependant la définition des valeurs mobilières à l’article 1 de la même loi entre en

contradiction avec le fait que le FCT soit une copropriété.

« Sont considérés comme valeurs mobilières […] pour l'application de la

présente loi les titres émis par des personnes morales publiques ou privées,

transmissibles par inscription en compte ou tradition, qui confèrent des

droits identiques par catégorie et donnent accès, directement ou

indirectement, à une quotité du capital de la personne morale émettrice ou

à un droit de créance général sur son patrimoine. »

Par ailleurs, puisque le FCT n’a pas de personnalité morale, il ne devrait pas être

propriétaire selon l’article 544 du Code civil français. Mais le Code monétaire et

financier précise qu’elle possède un actif931. Elle a un patrimoine nommé patrimoine

d’affectation. Avec ce dernier point, même si nous notons une similitude avec le trust,

le settlor et le trustee de la common law, nous remarquons tout de même qu’essayer

931 Voir article L214-36, Code monétaire et financier, France.

Page 346: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

332

d’harmoniser les règlementations ne serait pas une tâche aisée. Il faudrait alors regarder

les nuances d’un peu plus près avant de s’engager dans d’importantes réformes.

La situation est différente au Luxembourg. Contrairement à la France, le

Luxembourg ne s’est pas aligné au système anglo-saxon. Toutefois, la fiducie y est

toujours conçue sous un régime contractuel. Par ailleurs, la législation

luxembourgeoise a ratifié la Convention de La Haye (avec à l’appui des mesures

d’accompagnement) et a rénové son régime des contrats fiduciaires932 . La fiducie

luxembourgeoise est donc comparable au trust tel que conçu par la Convention.

En effet, selon l’article 6 de la loi du 27 juillet 2003 relative aux trusts et aux

contrats fiduciaires :

« (1) [l]e patrimoine fiduciaire est distinct du patrimoine personnel du

fiduciaire, comme de tout autre patrimoine fiduciaire. Les biens qui le

composent ne peuvent être saisis que par les créanciers dont les droits sont

nés à l'occasion du patrimoine fiduciaire. Ils ne font pas partie du

patrimoine personnel du fiduciaire en cas de liquidation ou de faillite de

celui-ci ou de toute autre situation de concours entre ses créanciers

personnels.

(2) Le fiduciaire doit comptabiliser le patrimoine fiduciaire séparément de

son patrimoine personnel et des autres patrimoines fiduciaires. »

En outre, la Loi du 27 juillet 2003 relative aux trusts et aux contrats fiduciaires

ouvre la voie à la reconnaissance des trusts étrangers sur le territoire luxembourgeois

et met en avant les points forts de la fiducie luxembourgeoise. Elle peut donc

concurrencer le trust anglo-saxon. Ceci a d’ailleurs débouché sur l’adoption de la Loi

du 22 mars 2004933 sur la titrisation qui retient également le modèle de la fiducie pour

les fonds de titrisation sans personnalité morale.

Selon la loi luxembourgeoise sur la titrisation, un organisme peut être constitué

sous la forme soit d’une société, soit d’un fonds de titrisation934. En outre, une société

de titrisation doit prendre la forme d’une société anonyme, d’une société en

commandite par actions, d’une société à responsabilité ou d’une société coopérative

932 Voir André PRÜM et Claude WITZ, Trust et fiducie, La Convention de La Haye et la nouvelle

législation luxembourgeoise. Actes du Colloque tenu au Luxembourg le 11 décembre 2003, coll.

« Grands colloques », Paris, Montchrestien, 2005. 933La Loi du 22 mars 2004 relative à la titrisation. En ligne : < http://eli.legilux.public.lu/eli/etat/leg/lo

i/2004/03/22/n1 > (consulté le 12 février 2016) 934 Id. article 2

Page 347: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

333

organisée comme une société anonyme 935 . Elle peut créer un ou plusieurs

compartiments correspondants chacun à une partie distincte de son patrimoine.

Par contre, un fonds de titrisation n’a pas de personnalité morale et doit être géré

par une société de gestion, elle-même société commerciale. Il est formé d’une ou de

plusieurs copropriétés ou d’un ou de plusieurs patrimoines fiduciaires. Dans le premier

cas, le fonds est soumis au régime de la copropriété, dans le deuxième il est assujetti à

la législation sur le trust et les contrats fiduciaires936. Ce que l’on retient ici c’est la

multiplicité de patrimoines qui n’existe pas en droit français.

En ce qui concerne les recours, l’article 17 précise que : « Les créanciers de la

société de gestion ou des investisseurs n'ont pas de recours sur les actifs du fonds de

titrisation. » Comment effectueront-ils les recours dans ce cas? La même loi répond à

la question dans l’article 62 al.1 :« Les droits des investisseurs et des créanciers sont

limités aux actifs de l'organisme de titrisation. » Deux articles qui se contredisent une

nouvelle fois. Cela est-il dû au besoin du législateur d’avoir voulu ratisser large et

inclure toutes les différentes spécificités dans cette loi? En conclusion, l’on retient que

la société de gestion ou la société de titrisation et le patrimoine fiduciaire ou la

copropriété peuvent équitablement répondre en cas de défaillance dans le processus.

Pour finir, nous aimerions préciser que toutes les fiducies d’essence civilistes ne

reconnaissent pas forcément cette notion de patrimoine indépendant comme l’ont fait

la France et le Luxembourg937. C’est le cas de la Suisse où l’on peut voir le fiduciaire

gérer le patrimoine alloué à la fiducie sans toutefois le dissocier de son patrimoine

personnel938.

À la fin de cette section, nous retenons qu’il n’est pas aisé de transposer des règles

935 Id. article 4 936 Id. article 6 al.1 937 Il est une théorie célèbre en droit français, la « théorie d’Aubry et Rau », (du nom des deux auteurs

qui en sont à l’origine) qui réfute l’idée de patrimoine d’affectation. Cette théorie associe le patrimoine

à la personne juridique; par conséquent, toute personne juridique ne peut avoir qu’un seul patrimoine.

Plus tard, certains auteurs (François GENY, Jean CARBONNIER, Paul ESMEIN, etc.) ont critiqué cette

théorie jugée trop dangereuse pour les débiteurs. L’avènement de la notion de fiducie a également mis à

l’épreuve cette théorie de l’unicité du patrimoine. 938 Voir à ce sujet Voir Benoît CHAPPUIS, « L’incidence de la convention de La Haye relative à la loi

applicable au trust et à sa reconnaissance sur la fiducie en droit suisse » dans Le centenaire du Code civil

suisse, colloque du 5 avril 2007, Paris, Société de législation comparée, 2008, p.201.

Page 348: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

334

d’un système juridique à un autre. Pour le trust et la fiducie, la difficulté est encore plus

grande au regard des spécificités culturelles de chaque système. Cependant, en ce qui

concerne la fiducie, un système a su jouer avec les règles. Il s’agit du Québec.

Page 349: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

335

Section II : Un modèle de trust adapté et adéquat à l’opération de

titrisation des créances

Si on parle de Fiducie-gestion et de fiducie-sûreté, pourquoi ne penserait-on pas

à l’éventualité d’une fiducie-titrisation, qui peut être applicable aussi bien en droit

anglo-saxon qu’en droit civil?

Rappelons le rôle du véhicule de titrisation dans l’opération de titrisation. Il est

l’organe de liaison entre la banque et les investisseurs. Il reçoit les actifs et émet des

titres garantis par ces actifs. En outre, comme nous l’avons conclu, l’opération tire son

efficacité du régime du trust grâce auquel les actifs sont isolés dans une masse

patrimoniale affectée dans l’intérêt des investisseurs. En effet, les investisseurs

n’aimeraient pas concourir avec d’autres créanciers. C’est la raison pour laquelle les

agences de notation exigent, pour accorder une cote de crédit aux titres émis dans le

cadre d’une titrisation, que l’émetteur soit un véhicule ad hoc résistant à la faillite

(bankruptcy remote special purpose entity)939.

Cela signifie que l’existence du véhicule de titrisation se justifie par le besoin

de mettre le portefeuille de créances à l’abri de tout risque de faillite940. Ainsi, en cas

de faillite, les créances transférées seront hors de portée des créanciers. Aussi, comme

le véhicule de titrisation est généralement créé pour l’utilisation exclusive de

l’opération de titrisation, il n’a par conséquent pas de créanciers liés à d’autres activités.

La procédure collective sur le véhicule de titrisation serait donc difficilement

envisageable.

Madeleine Cumyn dans son article sur la fiducie, a présenté les catégories de trust

qui seraient les plus susceptibles d’intéresser les civilistes. Ce serait

celles qui apparaissent dans un contexte de relations d’affaires. On peut les

regrouper sous la catégorie générale des business trusts, qui comprend la

constitution et la gestion d’un fonds commun de placement (pooled

investment trust), la constitution et l’administration de régimes de retraite

(pension trust) et de fonds de prévoyance au profit d’employés (profit

sharing trust), les conventions d’achat-vente entre associés (buy-sell

agreement) et d’entiercement d’actions d’une société afin de favoriser une

939 P-D. LEROUX, préc. note 333 p.145. 940 Voir Michael J. COHN, « Asset Securitization : How Remote Is Bankruptcy Remote?», (1998) 26

Hofstra L. Rev. 929 .

Page 350: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

336

gestion cohérente et pérenne de l’entreprise (voting trust), ainsi que

l’émission de titres d’emprunt (debenture trust)941.

Notre choix pour l’application universelle du concept de fiducie dans l’opération

de titrisation s’est porté sur le Canada942, et plus particulièrement le Québec. À notre

sens, la législation québécoise de la fiducie pourrait être un meilleur référentiel en ce

qui concerne l’encadrement du véhicule de titrisation. La fiducie québécoise a été, dès

l’origine, « une institution introduite par le législateur pour recevoir le trust de common

law. » 943 En effet, la fiducie au Québec se rapproche plus du trust944; elle est plus

maniable. C’est la raison pour laquelle l’encadrement universel de la fiducie que nous

proposons pourrait être inspiré de celle du Québec.

Il serait important de faire un petit rappel historique afin de bien évaluer la

recommandation que nous émettons à travers cette analyse. La fiducie québécoise telle

que présentée actuellement par le Code civil n’a pas toujours été comme ça.

Au départ fiducie des libéralités945, la fiducie québécoise peut maintenant avoir

une autre application, et ce, en ce qui concerne la protection des obligataires. Cette

deuxième pratique utilise la fiducie pour l’émission des obligations946. Il s’agit alors

d’une fiducie commerciale. L’opération de titrisation s’envisagerait bien dans ce cas-

là.

Lors de sa création en 1879, l’acte qui la constituait faisait des biens transmis

par le constituant au fiduciaire la propriété de ce dernier. Mais cette disposition était

contradictoire avec d’autres dispositions de la même loi qui faisait du fiduciaire,

941 M. CANTIN CUMYN, préc. note 700, p.817. 942 Le Canada participe aussi à l’encadrement de la titrisation à travers la Loi sur les sociétés de fiducie

et de prêt (L.C. 1991, ch. 45). 943 M. CANTIN CUMYN, préc., note 700, pp.819-820. Voir également Jacques BEAULNE, Droit des

fiducies, 2e éd, Montréal, Wilson et Lafleur, 2005, p.49 : « Un auteur écrit, au sujet de la fiducie du

Code civil du Québec, qu’elle était une « notion plus flexible et plus pratique» que le trust de common

law. Il signale en même temps que, dans les faits, les différences entre les deux institutions sont « assez

mineures » ce qui lui fait conclure par une recommandation de ne pas craindre d’utiliser la fiducie.» 944 Dans un de ces articles, Madeleine CANTIN CUMYN compare la fiducie québécoise à celle de

Louisiane et de l’afrique du Sud. Selon elle, la fiducie québécoise a pour modèle de base le trust anglais.

Madeleine CANTIN CUMYN, « The Quebec trust: a civilian institution with english law roots», dans

Michael MILO et Jan SMITS, Trusts in Mixed Legal Systems, Ars Aequi Cahiers, Privaatrecht 12,

Nijmegen 2001, pp.73-81. 945 Auparavant, la fiducie québécoise était juste une institution d’administration de biens, aujourd’hui

elle est également fondée sur une notion de patrimoine affectation. En France la fiducie nouvellement

permise par la législation demeure une institution d’administration de biens et de gestions successorales.

Voir article 2011 du Code civil français. 946 C. WITZ, préc. note 907, p.7.

Page 351: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

337

l’administrateur des biens d’autrui947. De plus, la propriété que l’on reconnaissait au

fiduciaire n’était pas accompagnée de mesures de faisabilité. En d’autres termes, le

droit civil québécois n’était pas paré d’un mécanisme de protection des bénéficiaires

de la fiducie contre des éventuels abus du fiduciaire. C’est la raison, pour laquelle, avec

la nouvelle conception de la fiducie, le législateur a opté pour la notion de patrimoine

d’affectation et le fiduciaire est administrateur de ce patrimoine qui est indépendant de

ses biens personnels ou des biens de toute autre personne impliquée dans la fiducie.

Cela fait en sorte que le fiduciaire est lié, car les actes qu’il pose, en lien avec ce

patrimoine indépendant, doivent aller de pair avec la finalité de la fiducie, et ceci, telle

que fixée par le constituant (dans notre cas, la banque). Ainsi, la propriété fiduciaire ne

saurait en aucun cas représenter une richesse du fiduciaire, car ce dernier agit pour le

compte des bénéficiaires et non dans son propre intérêt948. La fiducie québécoise se

distingue donc du trust. En effet, dans le trust et comme nous l’avons dit

précédemment, nous notons deux types de propriétés pour le bien : la propriété

juridique ou la legal ownership qui est dévolu au trustee et l’equitable interest

(equitable ownership) qui est la propriété économique appartenant au bénéficiaire.

Au Québec, plusieurs notions sont voisines à la fiducie. Il s’agit essentiellement

du séquestre et de l’administration du bien d’autrui. Cependant, nous n’avons pas

choisi d’appliquer au véhicule de titrisation de l’opération de titrisation le cadre

règlementaire de l’administration du bien d’autrui et du séquestre, et cela pour deux

raisons principales :

- Dans l’administration du bien d’autrui, l’administrateur agit avec prudence,

diligence, honnêteté et loyauté et ceci dans le seul intérêt du bénéficiaire 949 .

L'administrateur, comme un véhicule de titrisation est également tenu de placer les

sommes d'argent qu'il administre950. Par ailleurs, il n’y a pas d’amalgame à faire entre

les biens de l’administrateur et ceux qu’il administre pour autrui ; ces deux catégories

de bien représentent deux patrimoines différents951. Jusqu’ici, tout porte à croire que le

947 M. CANTIN CUMYN, préc. note 700, p.821 ; et René DUSSAULT, « La fiducie dans le droit québécois»,

(1963) 5-2 Les cahiers de droit 57, 64. 948 Voir Y. EMERICH, préc. note 923. 949 Article 1309, C.c.Q. 950 Article 1304, C.c.Q. 951 Article 1313, C.c.Q.

Page 352: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

338

véhicule de titrisation peut être assimilé à l’administration du bien d’autrui. Sauf que,

les autres dispositions viendront compromettre cet argument, par exemple celle qui dit

que l’administration du bien d’autrui peut se faire à titre gratuit. Par contre, l’opération

de titrisation se fait exclusivement à titre onéreux. La fiducie en droit québécois peut

aussi être constituée à titre onéreux952.

Le séquestre quant à lui, donne la possibilité à deux personnes en désaccord de

mettre le bien, objet de la discorde, entre les mains d'une autre personne de leur choix;

cette personne s'oblige à ne restituer le bien qu'à celle qui y aura droit, une fois la

contestation terminée953. Or, le véhicule de titrisation dans une opération de titrisation

n’est pas conçu arbitrer une situation de désaccord, mais pour garantir l’exécution de

l’opération. Il y a donc une différence au niveau de l’usage de la fiducie.

Nous nous focaliserons alors sur la fiducie québécoise qui, moins rigide, contient

des éléments qui pourraient convenir à un véhicule de titrisation. L’élément qui nous a

permis de faire le choix, en plus du caractère souple, est l’aspect contractuel de la

fiducie en droit civil. Avec le régime de la common law, il nous serait alors difficile

d’envisager l’allocation des responsabilités, car le trust est essentiellement sur le droit

de propriété.

Par ailleurs, nous distinguons dans le Code civil québécois la fiducie personnelle,

la fiducie d’utilité sociale et celle d’utilité privée. La fiducie d’utilité privée nous

intéresse et plus précisément, celle à titre onéreux ou encore fiducie commerciale, car,

elle s’apparente plus au véhicule utilisé dans l’opération de titrisation. De plus, son

application est plus large.

« Est aussi d'utilité privée la fiducie constituée à titre onéreux dans le but,

notamment, de permettre la réalisation d'un profit au moyen de placements

ou d'investissements, de pourvoir à une retraite ou de procurer un autre

avantage au constituant ou aux personnes qu'il désigne, aux membres d'une

société ou d'une association, à des salariés ou à des porteurs de titres. »954

Il est d’ailleurs l’équivalent des business trust que l’on retrouve en common law.

Le business trust se démarque du trust ordinaire dans le sens où, au départ, le trust a

952 Voir les articles 1263 et 1269 C.c.Q. 953 Article 2305, C.c.Q. 954 Article 1269, C.c.Q.

Page 353: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

339

été conçu pour conserver et protéger les biens ; il se constitue en un véritable système

destiné à faire des affaires dans le but de tirer un profit955. La fiducie à vocation

commerciale du Québec a également pour but de réaliser un profit ou encore de

procurer un avantage à des personnes déterminées956.

« L’utilisation de la fiducie du Québec dans un contexte commercial

permet notamment d’écarter les contraintes juridiques propres aux

véhicules corporatifs. En outre, la fiducie permet généralement d’éviter les

taxes propres aux sociétés et compte certains avantages fiscaux découlant

de l‘intégration des régimes d’imposition de la fiducie et des

bénéficiaires. »957

Par ailleurs, le régime québécois permet au fiduciaire d’émettre de titres sur les marchés

financiers. Par exemple, dans les pays de la common law, les trusts peuvent émettre des

trusts units remises à chaque investisseur en proportion de la valeur de son

investissement et librement aliénables. Au Québec la fiducie est plus utilisée sous sa

forme commerciale 958 . Cette fiducie est un véhicule d’investissement qui prend

généralement plusieurs formes (les fonds mutuels par exemple), et permet aux petits

investisseurs d’avoir accès aux différents marchés des valeurs mobilières959. Cela est

rendu possible en grande partie grâce à la possibilité de répartition de risque qu’offre

la fiducie. En effet, comme nous l’avons vu, le véhicule de titrisation répartit les risques

des différents actifs sur plusieurs tranches du portefeuille qu’il acquiert. L’autre

avantage de la fiducie sous la forme commerciale qu’on retrouve dans l’opération de

titrisation est qu’elle permet aux investisseurs de souscrire directement aux titres sans,

au préalable, passer par un courtier. Les coûts sont réduits, la procédure également.

De manière plus spécifique, via la fiducie commerciale, les investisseurs peuvent

955 Robert D. FLANNIGAN, « The Nature And Duration Of The Business Trust», (1983) 6 Estates and

Trust Quaterly 185. 956 Id. 957 Lire dans ce sens, André MORISSETTE et Marie-Josée LAPIERRE « L’utilisation des fiducies dans un

contexte commercial », dans Denys-Claude LAMONTAGNE, Droit spécialisé des contrats, vol.3 Les

contrats relatifs à l’entreprise, Cowansville, Les Éditions Yvon Blais Inc. 1999, n°247, p.96 ; Albert

BOHEMIER « Application de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité à la fiducie du Code civil du Québec»,

(2003) 37 R.J.T. 115, p.119. ; Charlaine BOUCHARD, « L’exploitation d’une entreprise par une fiducie :

une alternative intéressante ?» (2000) 102 R. du N. 87. 958 J. BEAULNE, préc., note 943, p.84. 959 Martin CLOUTIER, « La fiducie comme véhicule de fonds communs de placement », (1997) 19-1

Association de planification fiscale et financière 69.

Page 354: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

340

acquérir des « unités de participation » dans la fiducie960, lesquelles sont considérées

comme les valeurs mobilières de cette dernière. Dans l’opération de titrisation, ces

unités de participation sont en effet des titres. Par cette acquisition, les investisseurs

deviennent les bénéficiaires du processus fiduciairement parlant. Cette situation de

bénéficiaire pourrait être également comparée à celle des actionnaires dans une société.

En contrepartie de cet investissement, l’unité de participation confère à chaque

souscripteur la qualité de bénéficiaire dont la situation ressemble alors beaucoup à celle

de l’actionnaire d’une société. En droit luxembourgeois également, « le fiduciaire émet

des titres qui donnent droit à l’investisseur de percevoir les paiements et d’exercer les

droits relatifs à un prorata des avoirs fiduciaires »961

Tableau : les différents types de fiducies commerciales ou fiducies de revenu962

Types de fiducies Objet de la fiducie

Fiducie d’opérations immobilières ou de

placements immobiliers (Real Estate

Investment Trust)

Fiducie utilisée afin de gérer des biens

immobiliers

Fiducie d’investissement ou de

redevances de ressources naturelles

(Royalty Trust)

Fiducie servant à financer l’exploitation

d’avoirs miniers et autres ressources

naturelles

Fiducie de revenu d’entreprise ou

fiducie-entreprise (Busisness Trust ou

Business Income Trust)

Fiducie servant à investir dans le

placement de valeurs mobilières ou

servant à exploiter une entreprise

Pour mieux analyser l’opération de titrisation à la lumière du droit québécois de la

960 La fiducie émet des parts proportionnelles au prix de souscription de chaque investisseur. 961 Paul MOUSEL et Franz. FAYOT, La circulation des titres, in Droit bancaire et financier au

Luxembourg : Larcier, p.1332, 2004, cité par C. BERGER TARARE, préc. note 1010, p.4. 962 Audrey LÉTOURNEAU et Mario NACCARRATO, « La fiducie comme véhicule d’exploitation d’une

entreprise », dans Charlaine BOUCHARD (dir.), Droit des PME, Collection CÉDÉ, Cowansville, Éditions

Yvon Blais, 2011, p.151.

Page 355: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

341

fiducie, nous allons organiser nos idées en deux sections : La première où l’on

expliquera les atouts de la notion de patrimoine d’affectation et la deuxième où l’on

exposera l’allocation des responsabilités dans une titrisation selon le C.c.Q.

Sous-section I : Le patrimoine d’affectation pour mieux encadrer une

opération de titrisation de créances

La fiducie québécoise et le trust anglo-saxon se rejoignent sur plusieurs aspects. La

réforme de la fiducie québécoise avait en effet pour but d’intégrer au droit québécois

plusieurs caractéristiques importantes du trust de la common law sans amenuiser le

régime interne963.

Les importantes controverses doctrinales et jurisprudentielles en rapport avec la

fiducie du Code civil du Bas-Canada et particulièrement les questions relatives à

la nature du droit de propriété sur les biens fiduciaires — et à l’interprétation des

paramètres généraux de l’institution — rendaient urgente l’adoption d’un cadre

solide pour une fiducie qui battait de l’aile en raison de son incapacité de

s’adapter aux besoins modernes d’utilisateurs qui vantaient de plus en plus les

mérites du trust anglo-saxon. Par contre, la nouvelle institution fiduciaire devait

parfaitement s’intégrer à son environnement civiliste. Or, certaines des théories

avancées par la doctrine du Code de 1866 pour expliquer la fiducie avaient

comme “effet secondaire” de dénaturer le droit de propriété, ce qui paraissait

inacceptable compte tenu des objectifs généraux de la réforme. Il fallait donc que

la “nouvelle” fiducie, tout en répondant aux questions soulevées par les

intéressés, réussisse presque l’impossible, c'est-à-dire qu’elle le fasse à la fois en

intégrant parfaitement le mécanisme fiduciaire aux théories patrimoniales

françaises et en évitant l’importation — toujours boiteuse — des principes et des

solutions de la common law. [...] C’est en effet par une définition précise de la

fiducie qu’on pouvait espérer mettre fin aux sempiternelles discussions du passé

sur la véritable nature de la fiducie. Pour ce faire, il fallait évidemment proposer

un cadre solide à la fiducie à partir de ce qui constituerait ses éléments essentiels.

D’où la nécessité d’opter pour une théorie fiduciaire entièrement renouvelée, qui

ferait maison nette des fondations fragiles sur lesquelles reposaient les multiples

systèmes proposés sous le Code civil du Bas-Canada964.

En droit civil québécois, le patrimoine est le gage commun des créanciers. Cependant,

en rendant possible la création d’un patrimoine d’autonome dont nul n’en est

propriétaire, le législateur déconstruit la théorie du patrimoine unique, indivisible et

963 A. BOHEMIER, préc. note 945. 964 Lire Hélène RICHARD, « L’autonomie patrimoniale de la société : Le patrimoine d’affectation, une

avenue possible? », Congrès annuel du Barreau, 2002, p.53. En ligne : <https://www.barreau.qc.ca/pdf

/congres/2002/03-richard.pdf> (consulté le 5 juin 2018).

Page 356: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

342

rattaché à un individu. Il désigne la fiducie comme patrimoine d’affectation965, au

même titre que le trust de la common law dans lequel ni le fiduciaire ni le bénéficiaire

ne possèdent de droit de propriété sur les biens de la fiducie966.

Ainsi, pendant que le trust opère une certaine scission à l’intérieur du droit de

propriété qui est totalement incompatible avec la notion de propriété en droit civil, la

fiducie québécoise y apporte une réponse avec le patrimoine d’affectation.

L’introduction du patrimoine d’affectation est pour ainsi dire la bonne réplique du droit

québécois à la double propriété de la common law. Il s’harmonise alors bien avec les

principes du droit civil967.

Le concept de patrimoine d’affectation 968 est généralement analysé comme

l’équivalent conceptuel le plus proche du trust de la common law969. L’idée est d’abord

venue de Lepaulle, qui voyait dans le trust « une institution juridique qui consiste en

un patrimoine indépendant de tout sujet de droit et dont l’unité est constituée par une

affectation qui est libre dans les limites des lois en vigueur et de l’ordre public. »970

Que ce soit la fiducie française, luxembourgeoise, québécoise ou américaine,

l’idée de tenir le patrimoine séparé de celui du fiduciaire fait allusion indirectement à

cette notion de patrimoine d’affectation, consacré également dans la convention de La

Haye.

Le législateur français parle du patrimoine fiduciaire sans préciser de quelle

nature il est971. De plus, bien qu’il ne fasse pas expressément mention de la théorie du

965 L’expression « théorie du patrimoine d’affectation » peut prêter à confusion, car elle regroupe la

division et l’affectation du patrimoine. La professeure Charlaine BOUCHARD écrit dans « L’exploitation

d’une entreprise par une fiducie : une alternative intéressante ? », (2000) 102 R. du N. 93 : « La

conception québécoise du patrimoine d’affectation se partage ainsi en deux branches : d’une part, les

patrimoines affectés et, d’autre part, les divisions de patrimoine. » Pour notre analyse, nous utiliserons

l’expression « patrimoine d’affection ». 966 A. BOHEMIER, préc. note 957, p.125. 967 Voir MINISTRE DE LA JUSTICE DU QUEBEC, Commentaires. Le Code civil du Québec, Tome 1,

Québec, Les publications du Québec, 1993, p.741. 968 Deux auteurs allemands, BRINZ et BECKER, sont à l’origine de la théorie du patrimoine d’affectation,

voir S. GUINCHARD, préc., note 898, p. 1. 969 Kevin William RYAN, « The reception of the Trust », (1961) 10/02 International and Comparative

Law Quarterly 265. En ligne : <http://journals.cambridge.org/action/displayAbstract?fromPage=online

&aid=1471628>, (consulté le 20 mars 2017). 970 Pierre LEPAULLE, Traité théorique et pratique des trusts en droit interne, en droit fiscal et en droit

international, Paris, Rousseau, 1932, p. 31. Selon lui, la notion de patrimoine d’affectation constitue le

pendant civiliste du trust de la common law. 971 Article 2012 et suiv. du Code civil français.

Page 357: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

343

patrimoine d’affection dans la définition qu’il donne à l’article 2011 du Code civil

français, l’idée de l’indépendance du patrimoine revient toujours.

La fiducie est l'opération par laquelle un ou plusieurs constituants

transfèrent des biens, des droits ou des sûretés, ou un ensemble de biens,

de droits ou de sûretés, présents ou futurs, ou, à un ou plusieurs fiduciaires

qui, les tenant séparés de leur patrimoine propre, agissent dans un but

déterminé au profit d'un ou plusieurs bénéficiaires.

Cette précaution prise par le législateur français dans la qualification du

patrimoine fiduciaire est certainement la raison pour laquelle les créanciers peuvent se

rabattre sur le patrimoine du constituant ou du fiduciaire si le patrimoine fiduciaire est

insuffisant pour pallier une défaillance. En gros, le fiduciaire peut être personnellement

responsable des dettes du patrimoine fiduciaire.

« Sans préjudice des droits des créanciers du constituant titulaires d'un droit

de suite attaché à une sûreté publiée antérieurement au contrat de fiducie et

hors les cas de fraude aux droits des créanciers du constituant, le patrimoine

fiduciaire ne peut être saisi que par les titulaires de créances nées de la

conservation ou de la gestion de ce patrimoine.

En cas d'insuffisance du patrimoine fiduciaire, le patrimoine du constituant

constitue le gage commun de ces créanciers, sauf stipulation contraire du

contrat de fiducie mettant tout ou partie du passif à la charge du fiduciaire.

Le contrat de fiducie peut également limiter l'obligation au passif fiduciaire

au seul patrimoine fiduciaire. Une telle clause n'est opposable qu'aux

créanciers qui l'ont expressément acceptée. »972

Au Luxembourg, le contrat fiduciaire consacre la séparation au sein du

patrimoine fiduciaire. Il existe donc un patrimoine fiduciaire indépendant destiné au

bénéficiaire du contrat de fiducie.

Art. 3. (1) L´actif fiduciaire ne fait pas partie de la masse en cas de

liquidation collective du fiduciaire. Il ne peut être saisi que par les

créanciers dont les droits seraient nés à l´occasion du patrimoine fiduciaire,

à l´exclusion des créanciers personnels du fiduciaire.

Le fiduciaire doit comptabiliser l´actif et le passif fiduciaires séparément

des autres éléments de son patrimoine.

(2) À l´échéance du contrat fiduciaire, le fiduciaire bénéficie d´un privilège

et d´un droit de rétention sur tous les éléments de l´actif fiduciaire jusqu´au

paiement de tout ce qui lui est dû par le fiduciant en exécution du contrat

fiduciaire.

972 Article 2015 Code civil français.

Page 358: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

344

(3) Le contrat fiduciaire ne peut pas conférer au fiduciaire le pouvoir de

représenter le fiduciant. Ni le fiduciant ni les tiers même s´ils ont

connaissance du contrat fiduciaire, ne peuvent s´en prévaloir pour créer un

lien direct entre eux.

(4) Les règles du mandat sont applicables aux relations entre le fiduciant et

le fiduciaire, dans la mesure où elles ne reposent pas sur la représentation

et où il n´y est pas dérogé par le présent règlement ou par la volonté des

parties973.

Dans le trust de la common law, les créanciers personnels du fiduciaire (trustee)

n’ont pas accès aux biens en trust et les créanciers du constituant (settlor), encore moins

d'autant plus que son rôle est très limité suite à la constitution du trust.

La fiducie québécoise innove en ce sens qu’elle se démarque de la théorie

classique d’Aubry et Rau 974 selon laquelle le patrimoine est lié à son titulaire.

Autrement dit, le patrimoine, selon cette théorie, est soumis, de manière absolue et

exclusive, à la volonté d’une personne. La théorie moderne, de laquelle relève la

fiducie, met de l’avant la théorie du patrimoine d’affectation où le patrimoine est

considéré objectivement, en tant que masse de biens dont les éléments sont liés entre

eux par une affectation, une finalité commune, comme c’est le cas dans une opération

de titrisation975 : « La fiducie est constituée dès l'acceptation du fiduciaire ou, s'ils sont

plusieurs, de l'un d’eux »976. « L’acceptation de la fiducie dessaisit le constituant des

biens, charge le fiduciaire de veiller à leur affectation et à l'administration du

patrimoine fiduciaire et suffit pour rendre certain le droit du bénéficiaire.»977

Le patrimoine d’affectation autonome rappelle alors à quelques nuances près le

principe de fiducie en common law. Selon l’article 1261 du Code civil du Québec, « [l]e

patrimoine fiduciaire, formé des biens transférés en fiducie, constitue un patrimoine

d'affectation autonome et distinct de celui du constituant, du fiduciaire ou du

bénéficiaire, sur lequel aucun d'entre eux n'a de droit réel. »

À travers le patrimoine d’affectation, la fiducie créée par le Code civil du

973 Règlement grand-ducal du 19 juillet 1983 relatif aux contrats fiduciaires des établissements de crédit,

article 3. 974 Lire à ce sujet Jean-Michel POUGHON, Aubry et Rau : leurs œuvres, leurs enseignements, Strasbourg,

Presses universitaires de Strasbourg, 2006. 975 J. BEAULNE, préc. note 943, p. 22. 976 Article 1264 al.1, C.c.Q. 977 Article 1265, C.c.Q.

Page 359: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

345

Québec semble avoir évité le lien entre la fiducie et le droit de propriété. En effet, le

fiduciaire n’a pas de droits sur les biens transmis en fiducie. Il doit respecter l’esprit de

l’acte constitutif et l’objectif de ce pour quoi ce patrimoine a été transféré. Nous

pourrions alors conclure que les obligations du fiduciaire se divisent en deux paliers :

d’une part, les obligations prévues par la loi; d’autre part, celles prévues par l’acte de

fiducie978. Le patrimoine fiduciaire serait alors le seul redevable en cas de défaillances,

le fiduciaire étant juste un moyen. Cela va permettre de protéger ces créances, d’où

tout l’avantage de choisir une fiducie.

En outre, dans le patrimoine d’affectation, il n’y a pas de transfert de propriété

parce que le patrimoine fiduciaire n’appartient ni au constituant ni au fiduciaire. La

théorie du patrimoine d’Aubry et Rau979 existe lorsque le patrimoine est encore dans le

bilan de la banque. Mais une fois que la fiducie est constituée, nous passons d’une

théorie de patrimoine lié à la personne (rapport entre sujet de droit et objet de droit), à

une autre théorie qui est le patrimoine d’affectation (en raison de l’affectation de celui-

ci). C’est dans la même logique que le professeur Brierley soutient que la fiducie ne

peut pas être assimilée à un acte translatif de droit980.

Le Code civil du Québec en plus de règlementer la fiducie, apporte aussi des

éléments de réponses à la question de la cession des créances et du patrimoine

d’affectation. Entre autres, l’article 1641 prévoit que pour qu’une cession de créances

soit opposable au débiteur et aux tiers, le débiteur doit avoir reçu une copie de l’acte

de cession ou il doit avoir acquiescé à la cession. Cela permettrait de résoudre un grand

problème, celui de la désinformation de l’emprunteur. Généralement, la banque

procède au regroupement des créances et à leur transfert à titre onéreux à l’insu des

emprunteurs, clients de la banque sans qui toute l’opération de titrisation n’aurait pas

eu lieu.

Le réel problème de la titrisation est l’inexistence de liens juridiques pouvant

faciliter les recours. C’est la principale raison pour laquelle nous avons pensé à la

fiducie pour pallier ce problème. Seulement, la fiducie oppose deux idéologies, deux

978 Article 1308, C.c.Q. 979 J-M. POUGHON, préc. note 961. 980John E.C. BRIERLEY, « Regards sur le droit des biens dans le nouveau Code civil du Québec », 47/1

Revue internationale de droit comparé 33, 44.

Page 360: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

346

systèmes juridiques, qu’il faudrait, en notre sens, réunir si l’on veut ultimement

procéder à une meilleure allocation des responsabilités. Si la fiducie doit régir une

opération de titrisation internationale, il faudrait trouver une solution pour mettre les

différentes juridictions d’accord. Il faudra alors à notre avis trouver un moyen pour

transposer la notion de propriété telle qu’elle est conçue en droit anglo-saxon, et ceci,

sans diluer le particularisme du droit québécois en la matière.

Autre nuance à apporter : le rôle de la personnalité juridique de la fiducie. Est-

ce que nous voulons que la fiducie-titrisation que nous proposons soit juste un

patrimoine d’affectation ou alors une fiducie d’exploitation d’entreprise ayant une

personne morale? La personnalité morale n’est pas aussi avantageuse que le patrimoine

d’affectation981. Effectivement, ce dernier, assimilable au trust, permet d’affecter un

patrimoine séparé à un ou plusieurs bénéficiaires précis. Par ailleurs, constituer un

patrimoine d’affectation est moins onéreux qu’une personne morale, car cela

n’implique pas la création d’un nouveau sujet et tous les coûts inhérents à cette création

(frais de constitution et de gouvernance, etc.). Aussi, avec la fiducie d’exploitation

d’entreprise ayant une personne morale, les flux financiers liés aux actifs sous-jacents

de la fiducie circuleraient dans le patrimoine de la personnalité morale, ce qui les

mettrait à disposition de tous les créanciers de la société, du constituant et des

créanciers des débiteurs cédés. En outre, le risque d’impayé des débiteurs cédés serait

endossé par la société qui serait amenée à rembourser les investisseurs avec son

patrimoine personnel982.

Le patrimoine d’affectation s’avère être l’élément pertinent, car il permettrait

de gérer des actifs cédés dans l’intérêt des investisseurs. Ces derniers seraient rassurés

de l’indépendance du patrimoine ; personne ne pourrait saisir les biens du patrimoine

affecté. De plus, les créances des opérations constitueraient des patrimoines distincts

de celui de la société et des autres opérations et que les flux financiers ne transiteraient

pas dans le patrimoine de la société.

L’autre avantage du patrimoine d’affectation est qu’il est surveillé par le

constituant, le fiduciaire et le bénéficiaire afin qu’il réalise l’objectif pour lequel il a

981C. BOUCHARD, préc. note 965. 982 MINISTRE DE LA JUSTICE DU QUEBEC, préc. note 967, pp. 1378-1379.

Page 361: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

347

été mis en place. L’innovation du Code civil du Québec en matière patrimoniale

consiste donc en la possibilité pour la personne, titulaire d’un patrimoine, de constituer

un patrimoine séparé dans les limites permises par la loi.

Cependant, que ce soit un simple patrimoine d’affectation ou une entreprise

commerciale, le problème de l’allocation des responsabilités et des recours en cas de

défaillance demeure le véritable problème de la fiducie telle que conçue actuellement

en droit québécois, car les biens faisant l’objet de la fiducie n’appartiennent à personne.

L’article 1319 C.c.Q. dispose que :

L’administrateur qui, dans les limites de ses pouvoirs, s’oblige au nom du

bénéficiaire ou pour le patrimoine fiduciaire n’est pas personnellement

responsable envers les tiers avec qui il contracte. Il est responsable envers

eux s’il s’oblige en son propre nom, sous réserve des droits des tiers contre

le bénéficiaire ou le patrimoine fiduciaire, le cas échéant.

Le rôle d’administrateur des biens d’autrui dédié au fiduciaire fait en sorte qu’il agit

uniquement au nom du patrimoine fiduciaire et n’engage en principe aucunement sa

responsabilité, contrairement au fiduciaire du droit anglais. Les créanciers auront donc

un recours direct sur les biens de la fiducie. Il en est de même lorsque le fiduciaire a

agi en son propre nom. Dans ce cas, les tiers ont un recours contre le fiduciaire

personnellement ou contre le patrimoine fiduciaire en poursuivant le fiduciaire en sa

qualité d’administrateur.

Si jamais le patrimoine fiduciaire venait à être déficitaire, les créanciers seront

remboursés selon leur rang. Et, entre les créanciers et le fiduciaire, un ordre de priorité

sera également établi. Le patrimoine fiduciaire insolvable s’apparenterait alors bien au

débiteur insolvable de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité 983 . Cependant, dans

l’article 2 de la loi sur la faillite, le fiduciaire est désigné comme un créancier garanti,

et normalement, les créanciers garantis sont prioritaires. Seulement, comme nous avons

dit que le patrimoine d’affectation ne donnait aucun droit réel au fiduciaire, ce dernier

ne pourrait pas occuper le rang de créancier garanti. En effet, le créancier garanti

s’entend « (…) de la personne titulaire, selon le Code civil du Québec ou les autres lois

983 Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. (1985), ch. B-3.

Page 362: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

348

de la province du Québec, d’un droit de rétention ou d’une priorité constitutive de droit

réel sur ou contre les biens du débiteur ou une partie de ses biens. »984

Le patrimoine affecté qu'est la fiducie est donc, selon Lepaulle985, un patrimoine

dépourvu de volonté. Les biens qui constituent ce patrimoine représentent simplement

des intérêts à protéger, et ces intérêts sont ceux de la fiducie. Mais dans notre cas,

l’importance de la protection des intérêts est plus grande, car il s’agit des prêts de

particuliers. En effet, selon Lepaulle, le fiduciaire doit agir pour protéger les intérêts

du patrimoine lui-même. Le fiduciaire s’oblige donc envers le trust et le patrimoine

autonome et non envers le constituant ou le porteur de titres. Le bénéficiaire

(constituant ou porteur de titres), à son tour, a une créance, donc un droit personnel,

non pas contre le fiduciaire, mais contre le trust. Il serait alors intéressant d’examiner

et d’appliquer les règles qui encadrent le rôle de chaque intervenant dans une fiducie

aux différents intervenants d’une opération de titrisation.

984 Article 2 de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. (1985), ch. B-3 985 P. LEPAULLE, préc.,note 957.

Page 363: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

349

Figure 8 : Application des règles de la fiducie aux intervenants dans une

opération de titrisation

1. L’acte constitutif attribue les rôles de chaque intervenant et définit la

gestion du patrimoine;

2. Le patrimoine fiduciaire est autonome et affecté à un objet précisé dans

l’acte constitutif;

3. Le constituant, le fiduciaire et les différents bénéficiaires veillent aux

intérêts du patrimoine fiduciaire;

Patrimoine

Fiduciaire (créances

titrisées/Tranches)

Le constituant (la

banque)

Le fiduciaire (gestionnaire du

véhicule de titrisation)

Bénéficiaire 1

(investisseur)

Bénéficiaire 2 (investisseur)

L’acte constitutif

(Contrat)

Page 364: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

350

Sous-section II : L’attribution des responsabilités dans une opération

de titrisation selon le droit québécois de la fiducie

A. L’acte constitutif de la fiducie ou encore le contrat entre la banque et le véhicule de

titrisation.

Dans une fiducie, l’instrument par excellence qui permet d’encadrer les rapports

est son acte constitutif. C’est l’article 1260 du Code civil du Québec qui définit la

fiducie; elle « résulte d'un acte par lequel une personne, le constituant, transfère son

patrimoine à un autre patrimoine qu'il constitue, des biens qu'il affecte à une fin

particulière et qu'un fiduciaire s'oblige, par le fait de son acceptation, à détenir et à

administrer. » Quatre éléments ressortent de cette définition : un constituant, un

fiduciaire, un acte translatif, des biens et l’affectation de ces biens à une fin particulière.

En résumé, la fiducie est le résultat de plusieurs opérations juridiques :

- L'affectation d'un bien à une fin particulière;

- Le transfert de ce bien (droit patrimonial) du patrimoine du constituant à un

patrimoine distinct qu'il constitue;

- L'acceptation de la charge administrative par le fiduciaire.

L’acte translatif, qui est en définitive l’acte constitutif de la fiducie, comporte

généralement des dispositions détaillées relatives au mandat de la fiducie et à son

administration ; ce qui implique notamment la nomination d’un fiduciaire pour gérer

les activités de la fiducie conformément aux directives énoncées dans l’acte constitutif.

Pour une opération de titrisation, cet acte translatif pourrait aller plus loin et préciser le

déroulement du processus, du début à la fin, en allouant des obligations et des devoirs

à chaque intervenant. C’est une étape qui a manqué lors des évènements de 2008 et qui

aurait pu limiter certaines externalités.

L’acte constitutif est par ailleurs celui qui détermine l’affectation des biens versés

dans le patrimoine fiduciaire, établit le cadre de la fiducie et en fixe les règles de gestion

particulières, le cas échéant. C’est donc par le biais de l’acte constitutif qu’il est

possible de prévoir, dans le détail, les règles devant gouverner l’administration future

de la fiducie.

Par ailleurs, « pour qu’il y ait fiducie, il est indispensable qu’il y ait un transfert de

Page 365: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

351

propriété par lequel le constituant “déracine” des biens de son patrimoine pour les

projeter dans la dimension du patrimoine d’affectation. »986 Nous avons parlé d’un

changement de paradigme : passer d’une théorie du patrimoine rattaché à la personne

à une théorie du patrimoine autonome. Toutefois, ce transfert n’est possible qu’avec

l’acceptation du fiduciaire de sa charge. L’acceptation du fiduciaire de sa charge est en

effet essentielle à la constitution de la fiducie. Après l’acceptation, la fiducie est alors

constituée.

B. Le constituant ou la banque

C’est du constituant que vient l’idée de constituer une fiducie. Ainsi, le constituant

établit la fiducie, comme la banque met en place le véhicule de titrisation. De plus, les

biens qui figurent dans le patrimoine de la fiducie proviennent du patrimoine du

constituant et c’est lui qui détermine l’affectation, c'est-à-dire la fin particulière à

laquelle les biens transférés sont affectés. En effet, une partie des actifs de la banque

va constituer le patrimoine du véhicule de titrisation. L’objectif final de la constitution

de la fiducie dans l’opération de titrisation est la souscription des tranches par les, car,

en fin de compte, c’est avec le prix de ces souscriptions que le véhicule pourra payer

le prix de la cession des titres. Autrement dit, l’on pourrait penser que l’affectation des

titres aux investisseurs est indirectement déterminée par la banque parce qu’elle est tout

aussi bénéficiaire que les investisseurs.

Il y a une petite nuance à faire en ce qui concerne le constituant. Contrairement à

ce qui est prévu dans l’article 1282 du C.c.Q., dans une opération de titrisation

classique, le cédant ne détermine pas la part des bénéficiaires dans l’acte constitutif;

ceux-ci vont souscrire librement à des titres et selon le niveau de risque qu’ils voudront

prendre. Et c’est là que s’arrête le Code civil pour laisser place à la Loi sur les valeurs

mobilières qui règlemente les placements987.

Comme nous l’avons précédemment soulevé, dans une opération de titrisation la

cession d’actifs qui se passe entre la banque et le véhicule de titrisation est une cession

parfaite. C’est donc dire que les actifs sortent du bilan de la banque et par conséquent,

986 J. BEAULNE, préc. note 943, p. 95. 987 Voir Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ c. V-1.1, Titre II.

Page 366: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

352

ne pourront pas être mis en cause en cas de faillite de cette dernière. Ce trait particulier

de la titrisation trouve sa réponse en droit québécois de la fiducie. En effet, les actifs

dans une opération de titrisation sont assimilés à un patrimoine d’affectation. À travers

la notion du patrimoine d’affection, le droit québécois nous enseigne qu’une fois les

actifs cédés, ils sont affectés à une finalité, celle d’être souscrits par les investisseurs

plus tard. La présence du constituant n'est donc plus techniquement essentielle à son

existence.

Par ailleurs, l’article 1265 du C.c.Q. nous dit que « l'acceptation de la fiducie

dessaisit le constituant des biens, charge le fiduciaire de veiller à leur affectation et à

l'administration du patrimoine fiduciaire et suffit pour rendre certain le droit du

bénéficiaire. » Le constituant n’a donc plus de lien patrimonial avec les biens en

fiducie. Son lien est tout autre et est régi par le régime mis en place par le législateur988.

Cependant, le régime établi dans le Code civil du Québec permet au constituant d’avoir

un droit de regard sur les actifs cédés. En effet, même s'il se dessaisit des biens, ceux-

ci sont administrés selon sa volonté et selon ce qui a été postulé dans l'acte constitutif

de la fiducie. Ainsi, la banque peut par exemple décider des conditions requises pour

devenir bénéficiaires (article 1280 C.c.Q.). Elle peut également établir les modalités

des avantages qui seront versés à ce dernier (article 1284). La banque à travers le Code

civil du Québec pourrait également encadrer les pouvoirs attribués au fiduciaire c’est-

à-dire le gérant du véhicule de titrisation. En effet, bien que l'article 1278 mentionne

que le fiduciaire est chargé de la pleine administration des biens en fiducie, le

constituant peut modeler cette administration à sa guise dans l'acte de fiducie

(article 1299 C.c.Q.). Il peut, par exemple, stipuler des restrictions à l'exercice du

pouvoir du fiduciaire de disposer du bien en accord avec l'article 1212 C.c.Q., il peut

également le soumettre à la simple administration selon le but envisagé. Ce qui fait que

le tribunal peut, en tout temps, appliquer l’intention de la banque si jamais le gérant du

véhicule de titrisation cesse de répondre au but premier de l’opération de titrisation (art.

1294 C.c.Q.). Cependant, si le constituant joue le rôle de fiduciaire ou alors a la

possibilité d’en désigner un, l’article 1275 C.c.Q. dispose qu’il doit y avoir un

deuxième fiduciaire indépendant. C’est une disposition d’ordre public qui permet de

988 Voir l’article 1287, C.c.Q.

Page 367: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

353

s’assurer que le patrimoine fiduciaire est géré de façon objective et transparente989.

Elle permet outre mesure de protéger les intérêts des bénéficiaires. Ainsi, « (…)

L'article 1275 permet au constituant de participer au fonctionnement de la fiducie à

laquelle il a donné l'élan premier, et au bénéficiaire d'exercer un certain droit de regard

dans la prise de décisions qui le concernent, tout en assurant à la gestion fiduciaire un

minimum d'objectivité. »990

Au regard de cette brève analyse du rôle du constituant qui est la banque, nous nous

posons la question de savoir qui peut donc contraindre le constituant à son tour de

répondre de ses actes en cas d’une défaillance dans le processus ? Puisque le constituant

(la banque) a la puissance créatrice de la fiducie, il faudrait qu’il soit toujours prêt à

répondre en cas de défaillance dans le système. C’est la logique qui a présidé la

recommandation de l’OICV sur la rétention de risques par les institutions

financières991. Elle recommande aux émetteurs de conserver une proportion du risque

de crédit lié à la titrisation. Le plus souvent, la proportion du risque à retenir est de 5%.

Le droit qui encadre la fiducie devrait également suivre cette même logique pour une

opération de titrisation. Nous pourrions provisoirement (en attendant une refonte du

droit), s’assurer que l’acte de fiducie comporte des dispositions qui maintiendraient le

constituant responsable en dernier ressort.

Il faudrait s’assurer que la banque cédante continue à s’assurer de la qualité des

actifs cédés. Le Code civil du Québec ne nous dit rien sur la qualité du patrimoine

transféré. Cependant, au regard des effets de la crise, il serait bon que le constituant

continue à faire le suivi auprès des emprunteurs, sur leur capacité financière et sur

l’engagement du prêt qu’ils ont pris au départ.

C. Le fiduciaire ou le gestionnaire du véhicule de titrisation

989 Marc-Antoine DESCHAMPS, « L'affaire Spicer et l'absence du fiduciaire « indépendant » : ordre public

et nullité absolue », La Référence, Les Éditions Yvon Blais, 2013. En

ligne :http://morencyavocats.com/uploads/publications/laffaire-spicer-et-labsence-du-fiduciaire-

independant-ordre-public-et-nullite-absolue-chronique-publiee-en-aout-2013-dans-reperes.pdf

(consulté le 5 juin 2018). 990 Id., p.5. 991 INTERNATIONAL ORGANIZATION OF SECURITIES COMMISSIONS, Peer Review of Implementation of

Incentive Alignment Recommendations for Securitisation: Final Report, septembre 2015, p.16. En

ligne : < http://www.iosco.org/library/pubdocs/pdf/IOSCOPD504.pdf >, (consulté le 20 mars 2017).

Page 368: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

354

Il est une lacune en droit québécois que nous aimerions soulever : celui du défaut

de spécification de la qualité de fiduciaire. En effet, dans l’opération de titrisation on

parle très souvent de véhicule de titrisation, mais on ne mentionne jamais celui qui gère

ce véhicule. En langage de la fiducie, cette personne serait le fiduciaire (trustee).

Aucune disposition ne nous précise exactement qui peut être à même de remplir cette

fonction. C’est après analyse, et surtout par analogie que nous assimilons le véhicule

de titrisation à la fiducie québécoise. Au Luxembourg, par exemple, le législateur a

précisé dans les détails la qualité d’un fiduciaire, et l’a même réservé aux

établissements de crédit, entreprises d'investissement, sociétés d'investissement à

capital variable ou fixe, sociétés de titrisation, sociétés de gestion de fonds commun de

placement ou de fonds de titrisation, fonds de pension, entreprises d'assurance ou de

réassurance, organismes nationaux ou internationaux à caractère publics opérant dans

le secteur financier992.

Au Québec, les pouvoirs juridiques et les prérogatives du fiduciaire sont encadrés

de manière parallèle par les dispositions qui encadrent l’administration du bien d’autrui

dans le Code civil du Québec993. Le véhicule de titrisation et le fiduciaire doivent être

dissociés exactement comme la personne morale l’est dans le cadre d’une société par

actions et le patrimoine du fiduciaire doit être différent de celui du véhicule. Identifier

le fiduciaire va permettre de resserrer la vigilance dans la gestion des titres cédés.

Comme nous l’avons dit, la constitution de la fiducie va permettre à la banque de

transférer son patrimoine. Ainsi, la création du véhicule de titrisation et le transfert des

titres à celui-ci vont libérer la banque des droits et des obligations qu’elle avait sur ses

titres. Pour rendre ce transfert opposable aux tiers, la fiducie doit « être publiée au

registre des droits personnels et réels mobiliers ou au registre foncier, selon la nature

mobilière ou immobilière des biens transférés en fiducie. Le fiduciaire est, en cas de

992 Voir la Loi du 27 juillet 2003, Journal Officiel du Grand-Duché de Luxembourg, 3 septembre 2003,

article 4. Lire également, Philippe HOSS et Patrick SANTER, « Le contrat fiduciaire en droit

luxembourgeois », 31 août 2011. En ligne : http://www.etudes-fiscales-

internationales.com/media/00/00/3818612446.pdf (consulté le 5 juin 2018); Philippe HOSS, « Le contrat

fiduciaire des établissements de crédit », dans Droit bancaire et financier au Grand- Duché de

Luxembourg, Larcier 1994, p. 1077 ; et Marie-Paule GILLEN, « Les contrats fiduciaires des

établissements de crédit. Quelques cas particuliers d'application pratique et difficultés rencontrées »,

dans Droit bancaire et financier au Grand-Duché de Luxembourg, vol. 2, A.L.J.B., Larcier Bruxelles,

1994, p. 1123. 993 M. CANTIN CUMYN, PREC., note 700, p.814.

Page 369: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

355

défaut du constituant, assujetti aux règles relatives à l'exercice des droits hypothécaires

énoncées au livre Des priorités et des hypothèques. »994 Ainsi, nous pouvons conclure

que la fiducie valablement formée crée une relation juridique qui s’impose à tous.

Comme la common law, le Code civil du Québec impose au fiduciaire (trustee) le

devoir d’agir dans le meilleur intérêt de la fiducie et de ses bénéficiaires. En effet,

l’article 1278 dispose que « Le fiduciaire a la maîtrise et l'administration exclusive du

patrimoine fiduciaire et les titres relatifs aux biens qui le composent sont établis à son

nom; il exerce tous les droits afférents au patrimoine et peut prendre toute mesure

propre à en assurer l'affectation. Il agit à titre d'administrateur du bien d'autrui chargé

de la pleine administration. » Agir à titre d’administrateur du bien d’autrui suppose

d’agir avec diligence et loyauté995 . C’est le fiduciaire qui aura alors la charge de

l’affectation et de la gestion de ce nouveau patrimoine. Ainsi, le bénéficiaire pourra

facilement exercer son recours en cas de litige.

Ainsi, les acteurs partis à une opération de titrisation pourront, face à une

lacune, se référer tout d’abord au chapitre sur la fiducie et par la suite, voir le titre de

l’administration du bien d’autrui à titre onéreux. C’est ce que A. Morissette affirme

quand il écrit :

L’administration du bien d’une fiducie est régie d’abord par le régime

d’administration prévu dans l’acte constitutif de la fiducie. Dès que ce

régime souffre d’une lacune, la solution pourra premièrement être

recherchée au chapitre de la fiducie, plus particulièrement aux articles 1274

et suivant C.c.Q., et ensuite sous le titre de l’administration du bien d’autrui

aux articles 1299 et suivant C.c.Q996.

Au demeurant, il faudrait garder en mémoire que le statut juridique du véhicule

de titrisation doit lui permettre de protéger les actifs qui lui ont été cédés ou qu’il a

achetés et d’être protégé contre le risque de défaut du cédant. En d’autres termes, si

celui-ci venait à faire faillite, ses créanciers ne doivent avoir aucun recours sur les actifs

qui sont détenus par le véhicule de titrisation. En droit anglo-saxon, on dit que le

transfert d’actif du cédant au véhicule de titrisation doit être une véritable cession (a

true sale).

994 Article 1263, C.c.Q. 995 Article 1309, C.c.Q. 996 Voir A. MORISSETTE et M-J. LAPIERRE, préc. note 957.

Page 370: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

356

Est-ce que cela peut être possible avec la fiducie telle que conçue par le droit

québécois? Nous répondrons par l’affirmative. En effet, comme nous l’avons dit, le

fiduciaire est personnellement responsable envers les tiers pour les dettes contractées

dans le cadre de l’administration du trust en principe, et même lorsqu’il agit dans le

cadre de la fiducie :

A trustee is personally liable on the contracts into which he enters, unless

he excludes personal liability by express stipulation, and the knowledge of

those who deal with him that he is contracting in his capacity as trustee is

immaterial. Accordingly, where a trustee trades or otherwise deals with

trust property, he is deemed, as against all persons other than the

beneficiaries, to do so on his own account, and is consequently personally

liable for all debts incurred in the course of the trade or dealing and may be

made bankrupt in respect of it997.

Pour sa part, le fiduciaire en droit québécois n’assume aucune

responsabilité personnelle puisqu’il n'est pas titulaire de droits, mais

administrateur du bien d'autrui. Selon l’article 1278 C.c.Q., « [l]e fiduciaire a la

maîtrise et l'administration exclusive du patrimoine fiduciaire et les titres relatifs

aux biens qui le composent sont établis à son nom; il exerce tous les droits

afférents au patrimoine et peut prendre toute mesure propre à en assurer

l'affectation. » C’est la fiducie elle-même, via son patrimoine d’affectation, qui

est engagée. Celle-ci, comme tout autre patrimoine, possède un actif qui est

garant de son passif.

D. Les bénéficiaires ou les investisseurs

Même si le patrimoine d’affectation limite la propriété du fiduciaire, il n’en

demeure pas moins vrai que ce dernier a l’administration du patrimoine fiduciaire par

conséquent, le bénéficiaire « peut, malgré toute stipulation contraire, agir contre le

fiduciaire pour le contraindre à exécuter ses obligations ou à faire un acte nécessaire à

la fiducie, pour lui enjoindre de s'abstenir de tout acte dommageable à la fiducie ou

pour obtenir sa destitution. »998

L’article 1284 du Code civil de Québec nous informe que le droit dont le

997 HALSBURY’S, Law of England, vol. 48, Londres, Butterworths, 2000, p. 652. 998 Article 1290, C.c.Q.

Page 371: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

357

bénéficiaire est titulaire est plutôt le droit à la prestation d'avantages qui lui sont

accordés en accord avec la fiducie. Il est également important de préciser que le recours

des investisseurs est également fonction de la rédaction de l’acte999. L’acte constitutif

doit veiller aux intérêts des investisseurs. Pour ce faire, il devrait alors prévoir les

recours possibles qu’auront les bénéficiaires en cas de défaillance du constituant ou du

fiduciaire.

En outre, « [l]'administration de la fiducie est soumise à la surveillance du

constituant ou de ses héritiers, s'il est décédé, et du bénéficiaire, même éventuel. »1000

Seulement, le bénéficiaire peut surveiller l'administration de la fiducie, mais il n'a

aucun droit direct sur les biens en affectation (article 1287 C.c.Q.). Toutefois, ils ont

un recours judiciaire pour obtenir leur dû.

Normalement, les investisseurs doivent être un tant soit peu responsables et suivre

l’opération de bout en bout. Cependant, il reste que ces derniers se doivent d’être

protégés. Cette protection passe par l’assurance que les titres pour lesquels ils ont

souscrit sont de bonne qualité. L’article 1322 du Code civil du Québec donne un début

de réponse à cette problématique. D’après cet article, les investisseurs ne seraient alors

responsables qu’à la limite de l’avantage qu’ils ont tiré dans la titrisation. Ce qui

pourrait être un véritable atout pour les investisseurs dans une opération de titrisation.

Aussi, par analogie à des actionnaires dans une société par actions, les investisseurs

dans une opération de titrisation pourraient être considérés comme des détenteurs

d’actions ou de valeurs mobilières. Ils pourraient ainsi bénéficier de l’action dérivée,

recours prévu dans les lois canadienne et québécoise sur la société par actions.1001 En

effet, le fiduciaire doit agir dans l’intérêt de la réussite de l’opération de titrisation. L’ensemble

de l’opération serait donc assimilé à une société par actions. Par l’action dérivée, l’investisseur

pourrait intenter au nom et pour le compte de l’opération contre le fiduciaire. Le but étant de

poursuivre le fiduciaire qui ne respecte pas ses obligations envers le patrimoine d’affectation

au détriment de la réussite de l’opération.

999 Article 1284, C.c.Q.; A. LETOURNEAU et M. NACCARATO, préc., note 947, p.160. 1000 Article 1287, C.c.Q. 1001 Voir la Loi canadienne sur les sociétés par actions L.R.C. (1985) ch.C-44, articles 239 240 et 241 ;

et la Loi québécoise sur les sociétés par actions chapitre S-31.1, articles 372-397 et 439-449.

Page 372: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

358

Par ailleurs, la recherche d’un meilleur encadrement du véhicule de titrisation

nous emmène à exposer deux autres risques juridiques associés à l’opération de

titrisation : il s’agit du risque de la faillite du véhicule de titrisation et celui lié à la

banque cédante.

De manière générale, rappelons que le droit de la faillite a pour principal

objectif de permettre au débiteur insolvable de se relever loin des revendications de ses

créanciers. D’un autre côté, l’on sait que les régulateurs qui s’intéressent à

l’encadrement des marchés financiers priorisent toujours les intérêts des épargnants,

des investisseurs et du contribuable. Cependant, dans l’opération de titrisation, le

débiteur insolvable ici serait le véhicule de titrisation et les investisseurs sont

considérés comme les créanciers de ce dernier. Puisqu’ils ont souscrit à des parts

émises par le véhicule de titrisation, les investisseurs se verront donc appliquer les

règles du droit commun de la faillite. Ils seront par conséquent menacés par les autres

créanciers, le fiduciaire et le régime de protection qui entoure le véhicule de titrisation.

En effet, au Canada de même qu’en France et aux États-Unis, l’idée derrière le droit de

la faillite est la protection du débiteur contre ses créanciers pour qu’il puisse se relancer

économiquement. Ainsi, pour permettre au débiteur de réorganiser ses activités, les

législateurs ont prévu une période pendant laquelle ce dernier est protégé des

créanciers. Si cette action peut être acclamée par le débiteur insolvable qui est le

patrimoine d’affectation, elle peut en revanche s’avérer néfaste pour les investisseurs

dans le cadre de la titrisation. Nous avons résumé les règles de protection des débiteurs

insolvables dans trois différentes juridictions :

En France, l’article L. 622-7 I du Code de commerce dispose que :

I.-Le jugement ouvrant la procédure emporte, de plein droit, interdiction de

payer toute créance née antérieurement au jugement d'ouverture, à

l'exception du paiement par compensation de créances connexes. Il

emporte également, de plein droit, interdiction de payer toute créance née

après le jugement d'ouverture, non mentionnée à l'article L. 622-17. Ces

interdictions ne sont pas applicables au paiement des créances

alimentaires.

On comprend donc que les intérêts du créancier sont compromis puisque le

jugement d’ouverture met un terme aux actions des créanciers. Ainsi, les souscriptions

des investisseurs seront considérées comme des prêts ou alors comme une garantie et

Page 373: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

359

ils devront attendre le remboursement par le débiteur une fois que l’actif de ce dernier

sera reconstitué.

Aux États-Unis, le Bankruptcy Code accorde au débiteur insolvable une période

de suspension automatique des poursuites (l’automatic stay) afin de lui permettre de se

redresser. Pendant cette période, les droits des créanciers c’est-à-dire le recouvrement,

la restitution d’un bien par le débiteur, la saisine, sont suspendus. Le Bankruptcy Code

dans son chapitre 362 nous informe donc que mises à part certaines exceptions1002, le

dépôt de la demande de faillite provoque immédiatement la suspension des recours des

créanciers contre le débiteur pendant la durée entière des négociations du plan de

réorganisation1003.

Au Canada, c’est à travers la proposition concordataire1004 que le débiteur

insolvable va bénéficier du régime du droit commun des faillites. Pour déclencher le

processus concordataire, il va alors déposer un avis d’intention. Le dépôt de cet avis a

pour effet d’empêcher les créanciers du débiteur insolvable d’effectuer des recours

contre lui pendant 30 jours1005. Nous dirons alors qu’il s’est mis sous la protection de

la Loi sur la faillite et l’insolvabilité1006. Cet avis d’intention donne la possibilité au

débiteur de résilier certains contrats; il suspend également l’exécution des clauses

contractuelles (clauses de résiliation, de modification ou de déchéance à terme) qui

seraient nées avec l’insolvabilité du débiteur ou le dépôt de l’avis d’intention.

Par la suite, le débiteur va élaborer un document qui va expliquer les modalités

de paiement. Ce document constitue donc la proposition concordataire. Il pourra alors

choisir des délais de remboursement plus long ou même de diminuer le montant à

rembourser. Quoi qu’il en soit, cette proposition concordataire doit être raisonnable et

avantageuse pour les créanciers.

59 (2) « Lorsqu’il est d’avis que les conditions de la proposition ne sont

pas raisonnables ou qu’elles ne sont pas destinées à avantager l’ensemble

1002 11 U.S.C. §§ 362 – Exception de l’automatic stay « (b) The filing of a petition under section 301,

302, or 303 of this title, or of an application under section 5(a)(3) of the Securities Investor Protection

Act of 1970, does not operate as a stay— … » 1003 11 U.S.C. §§ 362 – Automatic stay « (a) Except as provided in subsection (b) of this section, a

petition filed under section 301, 302, or 303 of this title, or an application filed under section 5(a)(3) of

the Securities Investor Protection Act of 1970, operates as a stay, applicable to all entities, of— … » 1004 Nicole LACASSE, Droit de l’entreprise, 9e édition, Québec, les Éditions Narval, 2015, p.438 et suiv. 1005 Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. (1985), ch. B-3, articles 69 (1) et 50.4(8). 1006 Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. (1985), ch. B-3.

Page 374: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

360

des créanciers, le tribunal refuse d’approuver la proposition; et il peut

refuser d’approuver la proposition lorsqu’il est établi que le débiteur a

commis l’une des infractions mentionnées aux articles 198 à 2001007.

On y voit dans cette précision, le besoin du législateur de limiter, un tant soit

peu, les droits de protection dédiés au débiteur insolvable.

Après cette analyse, nous dénotons une réelle inadaptation entre la règle et la

réalité des investisseurs dans une opération de titrisation. Si le véhicule de titrisation

venait à faire faillite, il bénéficierait de tous les pouvoirs que lui confère la loi au

détriment des investisseurs. Que faire alors? Surtout lorsqu’on sait l’importance du

véhicule de titrisation, organe chargé de revoir les actifs et de permettre la circulation

des flux financiers vers les investisseurs. C’est à ce niveau qu’apparaît l’importance de

la théorie du patrimoine d’affectation. Ce patrimoine pourrait être un pas salvateur vers

la résolution du problème. Comme nous l’avons déjà suggéré plus tôt, si le concept de

patrimoine d’affectation est appliqué, les actifs financiers transférés, qui constituent ce

patrimoine, seront ainsi disponibles pour que les investisseurs puissent exercer

d’éventuels recours en cas de faillite de la banque cédante ou du véhicule de titrisation.

À bien regarder, c’est là tout l’intérêt du trust qui est, rappelons-le, d’isoler les actifs

dans une masse patrimoniale affectée dans l’intérêt des investisseurs1008.

De plus, selon l’article 1319 du Code civil du Québec :

L'administrateur qui, dans les limites de ses pouvoirs, s'oblige au nom du

bénéficiaire ou pour le patrimoine fiduciaire n'est pas personnellement

responsable envers les tiers avec qui il contracte.

Il est responsable envers eux s'il s'oblige en son propre nom, sous réserve

des droits des tiers contre le bénéficiaire ou le patrimoine fiduciaire, le cas

échéant.

Ce qui n’est pas le cas dans le trust anglais. En effet, dans le trust anglo-saxon,

cela peut s’avérer difficile de contourner la règle de droit commun en matière de faillite,

car avec la legal ownership que détient le trustee, ce dernier pourrait bénéficier de la

couverture du droit commun de la faillite et ses créanciers avec. En effet, même si le

trustee est responsable envers les tiers des dettes contractées lors de son administration

1007 Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. (1985), ch. B-3. 1008 V. FORTI, préc. note 526, p.77.

Page 375: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

361

et ceci de par sa legal ownership, il a par contre le droit de se faire indemniser à même

les biens de la fiducie. En ce qui concerne les créanciers qui ont contracté avec le

trustee, ils n’ont en principe aucun recours direct contre les biens du trust. Seulement,

puisque le trustee est en droit de se faire indemniser, les créanciers peuvent à leur tour

exercer leurs droits sur les biens fiduciaires. D’ailleurs, si le trustee devient insolvable,

« son droit d’être indemnisé à même les biens de la fiducie est transféré par l’effet de

la loi (subrogation) à l’ensemble des créanciers (« as a whole »). »1009

Une fois de plus, le droit québécois de la fiducie offre une avenue que l’on

pourrait emprunter pour la protection des investisseurs, bénéficiaires du processus de

titrisation.

E. Le patrimoine affecté

La fiducie québécoise à travers son article 1293 du C.c.Q. permet l’acquisition d’actifs

venant renouveler ou augmenter le patrimoine affecté et donc le fonds de titrisation.

Comme nous l’avons vu, il peut arriver que le véhicule de titrisation investisse dans les

actifs de bonne qualité qui serviront de collatéral aux éventuelles situations de défaut.

En France par exemple cette option n’est pas possible car les biens fiduciés, « lorsqu’ils

sont futurs, doivent être déterminés ou déterminables. De ce fait, il ne serait pas

possible de réalimenter le patrimoine fiduciaire qui se trouve dès lors figé. »1010

Nous l’avons vu, le véhicule de titrisation est le berceau d’une partie de

problèmes juridiques révélés par la titrisation. Tant qu’un encadrement clair et

compréhensible par tous ne sera pas décidé pour cet instrument juridique, le problème

de l’allocation des responsabilités dans la titrisation sera toujours d’actualité. Alors,

nous pensons que les différents problèmes juridiques qui naissent de l’opération de

titrisation demandent encore plus d’effort de cohésion de la part des législateurs. Une

coopération dans ce sens serait alors la bienvenue, car si le choix est laissé aux acteurs

de l’opération de choisir leur juridiction d’émission, ils choisiront celle qui est la moins

1009A. BOHEMIER, préc. note 957, p.132. Lire également Madeleine CANTIN CUMYN (dir.), La fiducie

face au trust dans les rapports d’affaires, XVe Congrès international de droit comparé, Bruxelles,

Bruylant, 1999, p. 156. 1010 Célia BERGER TARARE, « La fiducie titrisation : C’est possible! », (2016) 3/14 Revue de Droit

bancaire et financier 4.

Page 376: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

362

exigeante. La concurrence règlementaire conduirait alors à un déplacement vers les

juridictions les moins strictes.

Il n’est pas question de remettre en question des principes fondamentaux, mais

d’harmoniser minimalement les règles en ce qui concerne la fiducie dans une opération

de titrisation afin d’éviter les aspérités. De ce fait, l’universalité que nous proposons se

trouve à aller à l’encontre du droit mou, mais demeure dans l’ordre du possible. En

effet, comme nous l’avons vu, la théorie du patrimoine d’affectation est un terreau

favorable et neutre en ce qui concerne la sacralisation des responsabilités dans un

processus de titrisation. Cette analyse représente donc un début de réflexion dans ce

sens.

Fort de ce qui précède, nous pensons que ce que nous proposons est audacieux et

un conflit de lois a très vite fait d’arriver. En effet, selon l’article 6 de la convention de

La Haye sur la loi applicable au trust :

Le trust est régi par la loi choisie par le constituant. Le choix doit être

exprès ou résulter des dispositions de l’acte créant le trust ou en apportant

la preuve, interprétée au besoin à l’aide des circonstances de la cause.

Lorsque la loi choisie en application de l’alinéa précédent ne connaît pas

l’institution du trust ou la catégorie de trust en cause, ce choix est sans effet

et la loi déterminée par l’art. 7 est applicable1011.

Les parties ont donc la latitude de choisir le droit qui devrait s’appliquer. Cette

disposition pourrait constituer une barrière à nos recommandations. Cependant, et

comme suite logique de ce que nous proposons, la loi universellement suggérée pourrait

alors être la loi québécoise pour tous les arguments que nous avons déjà avancés ci-

dessus. Il ne faut pas oublier que la fiducie d’origine anglo-saxonne diffère de ses

différentes applications dans les autres juridictions. Permettre au constituant de choisir

la loi applicable pourrait créer un déséquilibre dans les rapports financiers. Il faut tenir

compte de ces disparités et c’est la raison pour laquelle la loi québécoise sur la fiducie

1011 Convention relative à loi applicable au trust et à sa reconnaissance, conclue à La Haye le 1er juillet

1985, article 6: « Lorsqu'il n'a pas été choisi de loi, le trust est régi par la loi avec laquelle il présente les

liens les plus étroits. Pour déterminer la loi avec laquelle le trust présente les liens les plus étroits, il est

tenu compte notamment : a) du lieu d'administration du trust désigné par le constituant ; b) de la

situation des biens du trust ; c) de la résidence ou du lieu d'établissement du trustee ; d) des objectifs du

trust et des lieux où ils doivent être accomplis. »

Page 377: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

363

doit être le choix qui doit être fait en premier, car elle sied aussi bien aux juridictions

de droit civil qu’à celles de la common law.

Normalement, le trust représente le principe, et les autres applications civilistes,

représentent l’exception. La mise en parallèle des mécanismes utilisés en France, aux

États-Unis et au Luxembourg dévoile des similitudes dans le fonctionnement : la

structure de l’opération apparaît toujours comme un ensemble de contrats agencés

autour d’un mécanisme fiduciaire visant à affecter les créances dans l’intérêt des

investisseurs; et, lors du déroulement de l’opération, les créances sont considérées

comme des biens à transmettre à un gestionnaire (gestionnaire du véhicule) afin qu’il

les transforme en titres financiers permettant aux investisseurs de souscrire selon le

niveau de risque qu’ils sosuhaitent prendre. En important la technique financière de la

titrisation, les sytèmes romano-germaniques ont dont accueilli la conception anglo-

américaine de la propriété : le gestionnaire exerce la propriété fiduciaire sur les

créances considérées comme des biens (legal ownership) et, simultanément, les

investisseurs exercent la propriété économique sur le portefeuille de créances grâce

auquel celle-ci sont regardées comme des valeurs. La loi québécoise représente un

entre-deux entre le trust anglo-saxon et la fiducie extrêmement exclusive du droit

français; en d’autres termes, elle s’inspire du principe et y rajoute quelques nuances du

civil. La fiducie telle que conçue par le C.c.Q. pourrait devenir non seulement

l’instrument de droit commun de la titrisation, mais une référence pour les autres

juridictions. Les règles applicables peuvent être universelles. Il est toujours mieux de

traiter le trust comme le principe et non l’exception afin de trouver des règles

applicables en cas de vide juridique dans une situation précise1012. C’est cette manière

d’appréhender les choses qui a guidé notre réflexion. Nous sommes bien conscients

qu’une harmonisation ou alors une uniformisation des règles sur la question de la

fiducie est délicate. Cette proposition reste tout de même réalisable avec la volonté des

parties prenantes de standardiser la transaction.

Si la fiducie permet d’avoir la traçabilité des transactions afin de distribuer les

responsabilités, une autre façon de responsabiliser les acteurs financiers serait de

considérer, en plus du droit, un encadrement par l’éthique.

1012 D. RAMOS MUNOZ, préc. note 896, p. 53.

Page 378: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

364

CHAPITRE II : L’ÉTHIQUE, GARANTE D’UNE TITRISATION « RESPONSABLE »

Les conséquences généralement évoquées sur l’ineffectivité du droit sont les

suivantes: l’inadéquation entre les règles juridiques et économiques; les

règlementations plus préoccupées par la gestion des urgences que par l’anticipation; le

manque de souplesse; l’incapacité intrinsèque à se saisir des enjeux éthiques. Dans ce

chapitre, nous avons choisi de nous appesantir sur le dernier point, c’est-à-dire, les

enjeux éthiques. Toutefois, pour faciliter la compréhension de notre analyse, il

important de faire une différence entre l’éthique et la morale. La morale se manifeste

entre autres par la série de questionnements qui survient après une action que nous

venons de poser. Pour le législateur c’est pareil. En effet, la prise de conscience du

législateur qui survient toujours après une crise financière nous emmène à conclure que

l’économie, contre toute vraisemblance, ne peut tenir sans morale. Or, ce qui fait en

sorte que cette morale soit respectée, c’est l’éthique1013. L’éthique est donc différente

de la morale dans le sens où elle permet son application dans un domaine bien précis.

Vue de cette manière, l’éthique se rapproche plus de la loi. En effet, la loi permet de

régir la société qui est constituée d’individus à la moralité et aux mœurs différents.

Pour notre analyse, nous répondrons à deux principales questions : quelle serait

l’importance des considérations éthiques en finance? (Section II) À travers cette

éthique, comment mettre en place une opération de titrisation responsable? (Section

III). Mais avant de répondre à ces questions, nous allons déterminer le sens de

l’expression « éthique » dans notre analyse (Section I).

1013 Michel LELART, « De la finance éthique à l’éthique dans la finance », Laboratoire d’économie

d’Orléans, Document de recherche n°2014 03,p.3. En ligne : < https://hal.inria.fr/file/index/docid/1015

484/filename/dr201403.pdf>, (consulté le 12 janvier 2016).

Page 379: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

365

Section I : Le Sens donné au mot éthique dans notre analyse

Le mot « éthique » et le mot « moral », étymologiquement parlant, signifient la

même chose selon que la langue utilisée est le grec ou le latin. En effet, éthique vient

du grec « ethos » (relatif aux moeurs) tandis que le mot moral vient du latin « moralis »

(relatif aux mœurs également). Ils représentent tous les deux des discours normatifs.

Autrement dit, ces mots comportent chacun des jugements de valeur (approuver,

condamner, louer, blâmer, etc.) qui visent à régler les moeurs (conduite ou actions

humaines). Cependant pour les besoins de notre analyse, il faut faire une distinction

entre ces deux notions1014. La morale est impérative et fait état des valeurs universelles

absolues telles que l’opposition entre le bien et le mal. De plus, la morale, qui se veut

universelle et acquise, préconise le respect des commandements et des devoirs.

L’éthique 1015 quant à elle, est constituée par des recommandations ; elle n’est

pas acquise, mais elle est construite de façon réfléchie. Elle ne s’applique pas de façon

universelle ; mais elle est particulière à un groupe précis. Elle se base sur les valeurs

pour en faire une hiérarchie, et construire des principes. De plus, elle prend en

considération, en plus des aspects moraux, des aspects économiques, sociologiques et

technologiques d’une situation.

La définition de l’éthique que nous retenons est celle qui la présente comme un

ensemble de valeurs normatives, non impératives certes, mais hiérarchisées, construites

de façon réfléchie, particulières à un groupe social et visant le lien avec autrui1016.

Seulement, son rapport avec la finance n’a pas toujours été stable. En effet,

l’éthique n’a pas toujours été présente sur les marchés financiers. D’ailleurs, certains

1014 Thiédjé Gaudens-Omer KOUAKOU, La finance et l'éthique dans un environnement financiarisé : le

cas de la finance solidaire, Thèse de doctorat, Toulouse, Université de Toulouse 2 Le Mirail, 2012, p.22. 1015 Pour Paul RICOEUR, l’éthique est fondée sur une disposition individuelle avec pour finalité le bien

d’autrui dans le respect de la justice. En gros, c’est la recherche du bien vivre et du bien faire. Lire Paul

RICOEUR, Soi-même comme un autre, Paris, Le Seuil, 1990.

Page 380: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

366

manquements éthiques ont commencé avec l’abolition de la Loi Glass-Steagall1017 qui

préconisait, entre autres, de séparer les activités de banques de dépôt et de banques

d’investissement. Avec l’abolition de cette loi, les banques autrefois traditionnelles

ajoutaient à leurs activités habituelles, la spéculation sur les marchés financiers. Elles

ne se contentaient plus de recevoir les dépôts et d’octroyer des prêts. Il devient alors

évident de constater que le législateur, en abolissant cette loi, n’a pas su prévenir les

dérapages et les manquements éthiques. Dans le même sens, nous notons également

d’autres erreurs commises par le régulateur. Tout d’abord, il y a eu une séparation des

activités des banques préconisée par la loi. De ce fait, les banques d’investissement

n’ont plus eu droit aux dépôts bancaires; elles ont développé le financement par

endettement qui lui aussi était non régulé. Plus tard, dans les années 70, la concurrence

entre les banques de dépôt s’intensifie. Elle est encouragée par le gouvernement pour

le bien des déposants. Par la suite, ces banques ont mis les intérêts sur les dépôts des

clients, et pour finir, elles ont fait pression pour pouvoir encore effectuer des activités

de marchés afin d’être plus rentables. À la suite de ces différentes pressions, la Loi

Glass-Steagall1018 a été abrogée; autrement dit, les activités des banques de dépôt et les

banques d’investissement ne sont plus dissociées. À leur tour, pour concurrencer les

banques de dépôt, les banques d’investissements vont en plus de recevoir les fonds du

public, mettre en place des produits structurés. En gros, nous nous rendons compte

qu’il y a eu un enchainement d’erreur et de correction1019.

Par ailleurs, l’on s’aperçoit qu’il est de plus en plus difficile de parler de

l’éthique dans un monde où le profit et le gain facile sont les maîtres mots. En effet, si

nous prenons pour exemple la crise des subprimes, elle « est le résultat de

l’exacerbation des sentiments et des comportements qui sous-tendent l’économie de

marché. Il n’y a pas de développement de l’économie sans volonté de gain. »1020 Nous

voyons que, avec l’avènement de la titrisation, opération très complexe faisant

intervenir des produits protéiformes négociés sur les marchés non règlementés, la

1017 The Banking Act de 1933, Pub.L. 73–66, 48 Stat. 162. 1018 Id. 1019 Agnès BENASSY-QURERE « La crise symptôme, ses enjeux éthiques », dans Éthique et crise

financière, éthique en contextes, Paris, l’Harmattan 2009, Actes de colloque organisé par la fondation

Ostad Elahi- éthique et solidarité humaine et l’IIM-CNAM, p.20. 1020 B. MAUREL et P. WAHL, préc. note 596, p.8.

Page 381: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

367

cupidité a toujours été aussi présente dans l’esprit des acteurs financiers, et ceci avec

une grande acuité. L’opacité grandissante et l’ésotérisme dans lequel fonctionnent ces

nouveaux produits vedettes de la finance méritent que l’on s’y attarde afin de ramener,

autant que faire se peut, l’intégrité dans la sphère financière.

L’éthique en finance peut concerner aussi bien l’ensemble des marchés

financiers que le comportement des institutions financières. Nous trouvons également

l’éthique qui touche les opérations sur les marchés financiers1021. Pour notre analyse,

nous allons nous intéresser à l’éthique dans l’opération de titrisation et nous allons

analyser le comportement des acteurs financiers, auteurs de ces opérations. Ce choix

d’analyse s’explique par le fait que l’Homme est le principal sujet de l’éthique.

Rappelons, à titre d’exemple, le premier principe de la déclaration de Rio qui veut que

les êtres humains soient au centre des préoccupations relatives au développement

durable. « Ils ont droit à une vie saine et productive en harmonie avec la nature. »1022

La déclaration de Stockholm suit également la même logique : « Principe 1 : L’Homme

a un droit fondamental à la liberté, à l’égalité et à des conditions de vie satisfaisantes,

dans un environnement dont la qualité lui permette de vivre dans la dignité et le bien-

être. Il a le devoir solennel de protéger et d’améliorer l’environnement pour les

générations présentes et futures. (…) »1023 Ainsi, l’éthique n’aura de la valeur que si

elle est faite aussi bien par l’Homme en tant que personne physique, que par une

personne morale1024.

Derrière l’idée de l’éthique, nous visons particulièrement la protection de deux

groupes vulnérables, à savoir les clients et les investisseurs. Les acteurs fiduciaires qui

interviennent dans le processus doivent donc faire preuve de bonne gouvernance et de

diligence avec les fonds qu’ils reçoivent et qu’ils sont censés gérer. De plus, au-delà

des fonds qu’ils sont appelés à gérer au quotidien, ces acteurs entretiennent entre eux

1021 Ian C. MORRISSON, « L'Éthique dans les affaires : Quelles singularités dans la banque et la finance?

», dans (1994) 31 R.E.F.288. 1022 DECLARATION DE RIO SUR L’ENVIRONNEMENT ET LE DEVELOPPEMENT, Sommet de Rio de Janeiro du

3 au 14 juin 1992, principe 1. En ligne : <http://www.un.org/french/events/rio92/aconf15126vol1f.htm

> (consulté le 20 mars 2017). 1023 DECLARATION FINALE DE LA CONFERENCE DES NATIONS UNIES SUR L'ENVIRONNEMENT, Sommet

de Stockholm du 5 au 16 juin 1972, principe 1. En ligne : < http://www.unep.org/Documents.Multiling

ual/Default.asp?DocumentID=97&ArticleID=1503&l=fr> (consulté le 20 mars 2017). 1024 Romeo CIMINELLO, « Conflits entre éthique et finance », (1994) 29 R.E.F. 311.

Page 382: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

368

des relations professionnelles qui sont susceptibles d’influer sur leur gestion

patrimoniale. C’est à ce niveau que l’interrelation existant entre les devoirs et les

conséquences prend particulièrement tout son sens dans le cas de l’éthique financière,

et il serait important d’étudier la manière dont ces rapports s’exercent1025. Dans un

certain sens, nous pensons que la mise en place d’indicateurs universels va permettre

de classifier et de comparer ces intermédiaires sur la base de leurs performances

éthiques et fiduciaires1026.

Pour aller plus loin dans la présentation de la notion, d’éthique, il serait

important de préciser qu’elle se matérialise sous deux principales formes1027 :

- L’éthique dite de conviction, qui consiste à respecter des valeurs provenant soit

de la loi naturelle (en grande partie), soit de la religion. Elle rime avec la volonté de

faire le bien, l’obligation que l’on se donne d’y parvenir coûte que coûte. L’on est donc

emmené à choisir le bien à l’aide de notre conscience qui nous permet de faire la

distinction entre le bien et le mal. Notre conduite se trouve grandement influencée par

conscience.

- L’éthique dite de responsabilité encore appelée éthique du comportement a été

analysée par Max Weber1028. Cette éthique consiste en un comportement, une attitude

qui se voudrait exemplaire. Il faut donc prêcher par l’exemple. Dans ce cas, avoir un

comportement éthique reviendrait à donner le meilleur de soi dépendamment du

contexte dans lequel l’on se trouve et des contraintes de ce contexte. C’est également

éviter les excès en ayant le sens de la mesure et en restant maître de soi.

Par souci de concision et au vu de ce qui précède, nous nous limiterons

uniquement à la deuxième acception de l’éthique d’après cette catégorisation, c’est-à-

dire l’éthique de la responsabilité : la responsabilité des intervenants dans le processus

de titrisation.

Par ailleurs, l’éthique a déjà inspiré plusieurs secteurs. Dans le secteur financier,

nous pensons notamment aux coopératives financières. Par exemple, contrairement à

1025 Voir, Amartya SEN, « Éthique et finance », (1992) 20 R.E.F. 259. 1026 Andrée DE SERRES, « La gestion du risque fiduciaire : le maillon manquant entre éthique et finance

», (2007) 32 Gestion 54. 1027 M. LELART, préc., note 1013, p.4. 1028 Voir Max WEBER, Le savant et le politique, Paris, Plon, 10/18, 1995.

Page 383: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

369

d'autres types d'institutions financières, les coopératives de crédit sont à l'origine de

très peu de prêts hypothécaires à risque 1029 et n'ont pas participé aux évènements qui

ont causé la crise financière de 2008 et la crise économique qui s’en est suivie. En effet,

leur faible présence sur les marchés financiers et boursiers, les pratiques de prêt

généralement conservatrices et le mandat philosophique de placer les besoins des

membres avant les profits institutionnels ont en effet empêché les coopératives

financières de s'engager dans des pratiques de prêt imprudentes et les ont distinguées

des banques, plus portées vers la prise excessive de risque. Du point de vue éthique,

l’autre réalisation que nous aimerions mentionner est la finance islamique. Le précepte

connu et le plus utilisé dans la finance islamique est l’interdiction de l’usure qui est

normalement l’application d’un taux d’intérêt excessif. Concrètement, ce précepte se

traduit par une interdiction du prêt à intérêt. Il tire sa source du Coran. La sourate 2 est

claire à ce sujet. « Dieu a permis la vente, il a interdit l’usure » (verset 276) ; « Dieu

exterminera l’usure et fera germer l’aumône » (verset 277) et plusieurs autres versets.

Ainsi, dans la finance islamique l’intérêt est prohibé, et par voie de conséquence, la

recherche exacerbée du profit également. Le créancier et le débiteur représentent alors

une association de deux personnes dans le but de réaliser un projet commun.

Voici des exemples de quelques formes de profit dans la finance islamique :

- Le Murabaha (Contrat achat-vente, en anglais une forme de purchase and sale

contract) est une forme d’instrument de crédit qui permet à un emprunteur

d’acquérir un bien ou un équipement sans avoir à contracter un emprunt à

intérêts. Dans la Murabaha, la banque ne remet à son client aucune somme

d’argent qui serait à restituer avec des intérêts, mais elle va acheter un bien ou

un équipement qu’elle va ensuite revendre à son client. Elle se rémunèrera par

le biais du profit réalisé entre le prix d’achat du bien et le prix de sa revente au

client.

- L’Ijara (en anglais operating lease) est une forme de crédit-bail ou encore de

contrat de location ou de cession-bail dans lequel la banque achète des machines

1029 WORLD COUNCIL OF CREDIT UNIONS, «Cooperative Banks, Credit Unions and the Financial

Crisis», United Nations Expert Group Meeting on Cooperatives, New York, 2009, p.2. En ligne :

<http://www.un.org/esa/socdev/egms/docs/2009/cooperatives/Crear.pdf> (consulté le 15 juin 2018).

Page 384: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

370

ou des équipements puis en transfère l’usufruit au bénéficiaire pour une période

durant laquelle elle conserve le titre de propriété de ces biens. Ce contrat peut

être structuré sous forme de crédit-bail avec promesse d’achat à la fin du

contrat.

- Le Mudaraba est une forme de répartition de profits et de pertes dans lequel

l’investisseur fournit les capitaux requis pour financer un projet particulier et

partage les profits et pertes avec l’entrepreneur selon une règle de partage

préétablie. Dans cette forme de contrat, il n’y a pas de garantie de revenu, ce

qui implique que les deux parties contractantes sont sujettes aux pertes et profits

émanant dudit projet.

- Le Musharaka est également un instrument de répartition de profits et de pertes

qui se manifeste sous forme de partenariat entre des investisseurs et pourrait

être assimilé à l’actionnariat dans le système financier conventionnel. Dans ce

type de financement, les investisseurs apportent chacun des montants de

financement pour la mise en place du projet et s’entendent sur une règle de

partage prédéterminée de partage des profits. Ici aussi, nous constatons que

toutes les parties sont sujettes aux pertes potentielles pouvant résulter du

projet1030.

En outre, il convient de préciser que la finance islamique est bien une finance

éthique, car les investissements ne sont pas autorisés dans certains secteurs tels que

l’industrie du jeu, du tabac, de l’alcool ou de l’armement ; au contraire, elle est au

service de l’Homme et de son environnement1031. Cela rapproche ce concept de finance

islamique au développement durable dont la finalité première est la protection de l’être

humain, de la famille, de l’harmonie sociale et même de l’environnement. Ce respect

de l’environnement, associé au respect des générations futures, rapproche la finance

islamique des objectifs du développement durable1032.

1030 Issouf SOUMARE, « La pratique de la finance islamique par Issouf Soumaré », (2009) 77 Insurance

and Risk Management 66-67. 1031 Kaouther JOUABER et Elyès JOUINI, « La finance islamique est-elle une finance durable?», dans

Pascal GRANDIN et Dhafer SAIDANE (dir.), La finance durable : une nouvelle finance pour le XXIème

siècle ? Paris, Revue Banque Editions, 2011, pp.137-152. 1032 M. LELART, préc., note 1013, p.6 et 8.

Page 385: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

371

Précisons que la finance islamique n’est pas éthique au regard de sa destination,

elle l’est par son inspiration, qui n’est autre que la charia, la loi de la religion

musulmane, basée essentiellement sur le Coran.

En se basant sur la théorie de l’éthique de destination, l’opération de titrisation

doit avoir pour finalité l’Homme. Ainsi, nous prônons une éthique de destination au

travers de laquelle le statut du contribuable, de l’investisseur, et dans une certaine

mesure celui des générations futures seront pris en compte dans les décisions

d’investissements. Dans le cas d’une éthique d’inspiration, l’opération de titrisation

gagnerait à s’inspirer de la théorie de l’Investissement Socialement Responsable. En

conclusion, l’opération de titrisation pourrait non seulement être éthique du fait de sa

destination (les ménages, contribuable, les générations futures), mais également du fait

de son inspiration (concept de l’Investissement Socialement Responsable). Dans ce

travail, nous obtiendrons alors ce que l’on a nommé plutôt de titrisation dite de

responsable.

Par ailleurs, nul besoin de rappeler une nouvelle fois les différentes crises qu’a

connues la finance. Toutes ces crises ont eu pour dénominateur commun la

minimisation des risques financiers par les acteurs financiers. Les réactions des

régulateurs, au lendemain des crises, ont essentiellement consisté à multiplier les textes

règlementaires. Ces textes n’ont pas eu l’effet escompté, mais au contraire, a aiguisé

chez les acteurs financiers un esprit d’innovation qui passe forcément par le

contournement des règles.

Mais est-ce suffisant pour interdire aujourd’hui l’utilisation de la titrisation

comme source de financement? Comme toute technique financière, la titrisation

n’échappe pas au principe de Lavoisier qui veut que rien ne se perd, rien ne se crée.

Tout se transforme1033. Autrement dit, la titrisation fait partie, comme plusieurs autres

instruments, des moyens utilisés par les acteurs financiers pour contourner le système.

Par conséquent, nous pensons qu’il est encore possible de transformer la titrisation en

une opération « responsable ».

1033 Antoine LAVOISIER, Traité élémentaire de chimie, Paris, Cuchet, 1789, pp,140-141.

Page 386: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

372

Au-delà des règlementations et des politiques diverses, nous aimerions ajouter

qu’une opération de titrisation « responsable », comme la plupart des activités

humaines, dépend largement du comportement des individus qui y participent; si

chacun exerce son jugement et assume pleinement ses responsabilités, la stabilité

financière sera certainement consolidée, du moins en partie.

En résumé, l’éthique est inséparable de l’action humaine. Si les acteurs

s’imprègnent de l’éthique dans la finance, cela équivaudrait à un engagement implicite

et pourrait conduire à la modération (ou autolimitation), sans laquelle aucun système

ne saurait tenir à long terme. Thiédjé le résume bien dans sa thèse lorsqu’il dit que :

La régulation de la finance par l’éthique repose sur une conception de

l’éthique comme une recherche du bien vivre et du bien faire, fondée sur

une disposition individuelle à agir de manière constante en vue du bien

d’autrui et dans des institutions justes (Ricoeur, 1990) et une conception de

la finance comme un bien commun (Dembinski, 2008)1034.

1034 T. KOUAKOU, préc., note 1014, p.18.

Page 387: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

373

Section II : L’importance de la responsabilité éthique en finance

La relation fiduciaire est omniprésente sur les marchés financiers1035. Nous

l’avons vu à travers les interactions entre les intervenants dans une opération de

titrisation. Le maintien de cette relation est indispensable pour le développement du

marché financier et de la société de manière générale. Au quotidien, dans l’exercice de

leurs fonctions, les intermédiaires financiers, et les intervenants dans une opération de

titrisation en particulier, prennent des décisions sur l’argent et sur les biens des clients.

C’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils sont appelés des acteurs fiduciaires1036. Il est

donc nécessaire de se préoccuper de l’intégrité des marchés et de la confiance qui doit

régner entre les acteurs fiduciaires. Cependant, avec toutes les crises que le monde a

déjà connues, nous nous sommes rendu compte que cette confiance a été mise en mal.

Cela est essentiellement dû à l’asymétrie d’informations. En effet, lors de la crise par

exemple, certains intermédiaires financiers avaient des informations qu’ils ne

divulguaient pas à leurs clients. Cela a par la suite créé un conflit d’intérêts et a joué à

la défaveur du client. L’instauration de l’éthique va donc permettre de structurer le

comportement de ces acteurs fiduciaires à travers un processus de responsabilisation.

Cependant, il ne faut pas s’arrêter là. Il faudrait non seulement incriminer les

comportements, mais également développer une culture éthique sur le long terme

(sous-section II). Avant toute chose, revenons brièvement sur ce qui a le moins bien

fonctionné en ce concerne l’éthique lors de la crise des subprimes (sous-section I).

Sous-section I : Les manquements éthiques lors de la crise

Après la crise financière, il est maintenant temps de penser à une nouvelle approche

du capitalisme qui prendrait appui sur l’éthique. Il faudrait de prime abord identifier et

dénoncer les comportements irresponsables. Pour ce faire, deux éléments essentiels

sont à recenser après la crise : l’endettement des ménages et la prise excessive des

1035 Nous retrouvons cette relation à travers : le conseiller en planification financière, le courtier de titres,

le gestionnaire de portefeuille, la banque (par extension à notre sujet : l’arrangeur, le rehausseur, le

véhicule de titrisation, les agences de notation, etc.) 1036 Rappelons-le, un fiduciaire c’est une personne qui est temporairement propriétaire d’un patrimoine

qui ne lui appartient pas, à charge pour lui de le gérer, séparément du sien, pour le bénéfice d’une

personne.

Page 388: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

374

risques des banques et des autres institutions financières. Nous pourrions accuser les

banques qui ont failli à leur devoir d’identification de la crédibilité de leurs clients. Le

manque de modération en matière d’octroi de crédits et de bonus aux dirigeants peut

également être considéré comme une forme de déficit éthique dans la finance1037.

D’un autre côté, nous pourrions mettre le dévolu sur les ménages qui connaissaient

leur propre situation, mais n'ont pas pu s’empêcher d’emprunter et « consommaient

plus que leurs moyens financiers ne le permettaient. »1038 Par la suite, il y a eu les

arrangeurs, les rehausseurs de crédit, les vendeurs de CDS, les agences de notation, les

véhicules de titrisation qui, eux aussi, n’ont pas poussé la réflexion plus loin en termes

d’investissement responsable. Cet exercice aurait certainement permis de connaître les

incitations et la circulation des titres, leur origine, leur qualité et pour finir, l’objectif

même de la titrisation.

Nous pouvons regrouper ces manquements éthiques en six points :

- La montée en puissance des établissements du système bancaire parallèle. En

effet, les subprimes étaient certes distribués par les banques, mais d’autres

institutions financières tels que les fonds spéculatifs, peu régulés, participaient

également aux différentes transactions sur le marché. Cela représente un faux

pas éthiquement parlant parce que les subprimes reflétaient très bien le niveau

de risque encouru. C’étaient des prêts à risque accordés à des personnes peu

solvables. La question de la régulation ne se posait même pas : elle était de

mise.

- La culture du crédit par les banques, le surendettement et la non-règlementation

de la fluctuation des taux d’intérêt;

- La répartition du risque, qui était inéquitable. Normalement, dans l’opération

de titrisation, les banques devaient conserver une part du risque jusqu’au

dénouement de l’opération. Cela n’a pas été le cas, car elles étaient préoccupées

à se décharger totalement du risque tout en tirant profit du fruit de la cession

d’actifs;

1037 Voir William OSSIPOW, « Deux pistes pour penser les relations entre éthique et finance », (2010) 36

Revue Finance et bien commun 124. 1038 M. LACOURSIERE, préc. note 353, p. 294.

Page 389: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

375

- La composition des produits financiers utilisés lors de l’opération. Michel

Aglietta pense que « certains produits structurés de titrisation étaient conçus de

manière à mélanger crédits toxiques et crédits sains afin de dissimuler la qualité

des crédits. Les structures qui ont acheté les produits de titrisation ne sont pas

des absorbeurs de risques, mais des agioteurs de risques. »1039 Il devenait alors

impossible de connaître la composition exacte de ce qui était vendu;

- Le manque de vigilance des investisseurs. Ces derniers ont trop fait confiance

au système et aux notations sans prendre la peine de mener leur propre analyse.

Ils voulaient également, comme tous les autres intervenants de l’opération, tirer

profit au maximum et à court terme; et

- le manque de transparence des agences de notation et le lien étroit qu’elles

avaient avec les entreprises qu’elles devaient évaluer.

Par ailleurs, en restaurant l’éthique, il faudrait penser particulièrement au principal

acteur fiduciaire de l’opération : le véhicule de titrisation. Il prend des décisions sur les

biens qui ne lui appartiennent pas. Il doit donc être digne de confiance, ce qui n’a pas

été le cas pendant. En dehors du véhicule de titrisation, d’autres intervenants jouent

également le rôle de courroie de transmission. La route vers l’éthique va permettre

d’analyser les incitations qui influencent leurs prises de décisions.

Nous remarquons que les mêmes manquements que nous avons reprochés à la

règlementation reviennent sensiblement lorsqu’on parle de manquement éthique. La

loi et l’éthique ont donc intérêt à fonctionner de pair.

En résumé, le déficit éthique lors de la crise allait de la simple tromperie du client

à la prise excessive des risques dans l’octroi des prêts et la circulation des titres. Les

intervenants ont également brillé par leur manque de professionnalisme, qui n’est rien

d’autre que l’aveu frappant d’un manque d’éthique. En effet, ces intervenants

financiers n’avaient pas pris le temps de mesurer les conséquences des actes qu’ils

posaient. C’était là le début de l’immoralité. Nous pensons, et ce, avec Ignace de

1039 M. AGLIETTA, préc. note 416.

Page 390: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

376

Loyola1040 dans son livre Exercices spirituel « qu’une décision avant d’être prise doit

être précédée de la réflexion sur le choix qui va être fait :

- Quels avantages et quels profits pour soi, mais aussi pour les autres?

- Quels inconvénients immédiats et quels dangers pour le futur »?

En d’autres termes, le processus doit être transparent. C’est dans la même logique

que la BRI (1998) définit la transparence « comme la diffusion d’informations fiables

et actuelles donnant à leurs utilisateurs la possibilité d’évaluer correctement la situation

et les résultats financiers d’une banque, ses activités, son profil de risque et ses

méthodes de gestion des risques. »1041

Avec l’opération de titrisation, les avantages et les profits étaient

vraisemblablement destinés à la banque et aux établissements du système bancaire

parallèle. Les inconvénients qui se profilaient à l’horizon semblaient être destinés aux

emprunteurs (incapacité de venir à bout du crédit, surendettement, etc.) et aux

investisseurs (mauvaise qualité des actifs sous-jacents et problèmes de recours en cas

de défaillance).

Quoi qu’il en soit, la crise, avant d’être financière, est d’abord une crise des valeurs

morales (comportement cupide, aléa moral). La recherche du profit a été

momentanément déconnectée de l’économie réelle, d’où l’inévitable opposition entre

l’éthique et la finance. En effet, les activités du système financier ne relèvent pas de

critères moraux, en ce sens qu’elles ne sont pas forcément orientées vers le bien

d’autrui ou vers le bien commun. Au contraire, l’objectif premier du système financier

est la rentabilité des opérations et la création de nouvelles opportunités de rentabilité.

D’ailleurs, un tour d’horizon rapide des marchés financiers nous permet de voir une

forte prééminence de la transaction au détriment de la relation.

De manière générale, l’irresponsabilité et l’apparente impunité des différents

acteurs fiduciaires ont contribué à complexifier l’opération de titrisation. En fait, la

titrisation part d’une bonne volonté; par la suite, les acteurs du processus s’emballent

1040 B. MAUREL et P. WAHL, Préc., note 596, p.5. 1041 COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, Renforcement de la transparence bancaire.

Contribution de la communication financière et de l’information prudentielle à des systèmes bancaires

sûrs et solides, septembre 1998, p.7. En ligne : < http://www.bis.org/publ/bcbs41fr.pdf > (consulté le 14

mars 2016).

Page 391: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

377

et le législateur laisse faire. Résultat : plusieurs produits financiers, en marge de la

règlementation, mais en accord avec la théorie de l’autorégulation des marchés, voient

le jour, plus complexes les uns après les autres. Si les acteurs financiers étaient

conséquents avec leur démarche, ils répondraient de leurs actes, ce qui aurait pour effet

de rendre durables l’opération et les relations créées. Mais c’est tout le contraire qui se

passe; non seulement ils ne font pas face à leurs obligations, mais ces acteurs financiers

y dérogent en créant d’autres produits financiers pour couvrir les risques des

opérations, et faire plus de profit. Un enchevêtrement d’opérations opaques et pas

saines légalement parlant se produit. À un moment donné, le système est devenu tel

qu’il ne fallait que l’explosion de la bulle spéculative pour remettre le compteur à zéro.

Pour pallier le fait que la régulation arrive toujours en retard, ou le fait qu’elle

soit inadaptée, l’éthique serait une solution intemporelle et durable1042. L’éthique va

venir en quelque sorte pérenniser l’action règlementaire en revoyant l’objectif même

des marchés financiers de manière générale. À la fin, nous sommes arrivés à la

conclusion que pour préparer l’avenir, il faut avoir un débat sur les finalités du système.

La question que l’on se pose tout juste après est celle de savoir s’il est possible

d’envisager une norme internationale en matière de pratique financière. Ce serait

possible, si jamais elle puise son inspiration dans la démarche éthique. L’éthique est

neutre et elle est le concept le plus partagé actuellement dans la finance, même si sa

mise en œuvre reste encore nébuleuse. La crise financière donne une formidable

opportunité historique de réfléchir sur le type de régulation de la finance par l’éthique

que nous aimerions avoir.

De son côté, l‘auteur Ossipow 1043 s’est essayé et avance deux pistes de

régulation de la finance par l’éthique : l’éthique comme guide et l’éthique critique.

L’éthique comme guide encadre les comportements financiers tout au long du

processus de financiarisation. Elle emmène les acteurs financiers à sortir du cadre

financier et de s’intéresser à d’autres normes telles que la justice sociale ou encore la

protection de l’environnement. C’est là une vision participative du système financier

1042 Jean-Francis PECRESSE, et Jean-Christophe LE DUIGOU, « Vers une éthique de la finance?» dans «

Éthique et crise financière, éthique en contextes, Paris, l’Harmattan 2009, Actes de colloque organisé

par la fondation Ostad Elahi- éthique et solidarité humaine et l’IIM-CNAM, p.55. 1043 W.OSSIPOW, préc., note 1037.

Page 392: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

378

et social. En ce qui concerne l’éthique critique, elle arrive après les faits et a pour rôle

de sensibiliser les acteurs du marché sur les comportements à risque. Elle permet

également d’interroger les théories économiques mises en œuvre sur les marchés.

L’éthique comme guide s’inscrit bien dans la logique conçue derrière le concept de

« titrisation responsable ».

Signalons tout de même qu’adjoindre l’éthique à la règlementation ne doit pas

être aperçu comme inutile. Cela doit au contraire être pris dans un sens positif, c’est-à-

dire comme un ajout pour prévenir un dysfonctionnement. Les lois reflètent plus les

problèmes du passé que ceux de l’avenir. La loi ne peut pas tout prévoir; aussi elle ne

peut remplacer la conception morale des individus, mais elle doit leur servir de point

de référence. En gros, « [l]a contrainte règlementaire ne peut y suffire seule, car la loi

a des effets très limités lorsqu’il s’agit non plus de protéger un ordre donné, mais de le

faire évoluer. »1044 L’éthique va donc permettre de reconsidérer l’aspect temporel de la

prise de conscience. Autrement dit, avec l’éthique, les problèmes seront évalués au fur

et à mesure. Plusieurs auteurs, dont Ossipow, plaident d’ailleurs pour une redondance

de la régulation par l’éthique et de la régulation par la loi (cadres légaux et

règlementaires). Dans sa thèse, Thiédjé Gaudens-Omer Kouakou reprend bien l’idée

de ces auteurs quand il dit :

De ce dernier point de vue, Ossipow pense que la régulation de la finance

par l’éthique doit être renforcée par la régulation par la loi. Dembinski

(2008) montre également qu’une régulation efficace de la finance requiert

un couplage de la régulation par l’éthique et de la régulation par la loi. Pour

lui, la régulation par la loi, reposant sur le principe d’externalisation des

contrôles qui tente d’appliquer la surveillance publique pour contenir les

vices privés, ne suffit pas pour réguler la finance1045.

Ainsi donc, « l’éthique permet de raffiner ces normes légales en leur donnant un

sens compatible avec leur finalité. Finalement, une approche strictement légaliste

entraîne nécessairement une inflation règlementaire alors que de nouvelles règles sont

adoptées pour préciser ou compléter les précédentes.»1046Alors que les lois laissent peu

1044 Cyril DEMARIA, Développment durable et finance, Paris, Éditions Maxima, 2004, p.11. 1045 T. KOUAKOU, préc., note 1014, p.19. 1046 Réal LABELLE et Stéphane ROUSSEAU, « règlementation financière, éthique et gouvernance », (2007) 32/1Gestion 45.

Page 393: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

379

de place à la discussion, l’éthique se veut libre et instaure par le fait même un espace

de discussion entre les parties prenantes. Nous voyons l’éthique comme le canevas à

suivre pour une bonne gouvernance. Elle use des règles juridiques et y ajoute sa

spécificité afin que les intervenants du marché, les dirigeants et les associés d’une

société puissent discuter sur une même longueur d’onde et en ayant en tête l’intérêt

commun, dans notre cas, le dénouement positif de l’opération de titrisation.

Même s’il est facile de conclure que dans un système d’autorèglementation,

l’éthique est plus importante et atteint son plein potentiel sur le plan de la discipline,

de convergence d’intérêts et de responsabilisation des intervenants (en absence de

règles, les intervenants pourraient effectivement se rabattre sur l’éthique pour gérer les

comportements individuels), nous pensons néanmoins que cette éthique serait plus à

même de produire un résultat positif si elle est associée au système légal plus

contraignant. En effet, en s’inspirant uniquement de l’éthique, les acteurs financiers ne

seraient pas en mesure d’assumer les responsabilités du régulateur dans le cas où il y

aurait des contraventions aux règles établies. Par ailleurs,

Le rôle de l'éthique, sur le plan social, consiste aussi à critiquer le droit

afin de le faire évoluer. Le droit prescrit et force l'adhésion, l'éthique

questionne, sensibilise et favorise la recherche du consensus. Une vie

collective harmonieuse ne peut reposer que sur un équilibre entre l'éthique

et le droit et c'est dans cette perspective que l'on peut parler de convergence

entre les deux concepts1047.

Le recensement du déficit éthique lors de la crise financière que nous venons

de faire dévoile en quelque sorte l’aveu de déresponsabilisation des acteurs

financiers.

Sous-section II : La nécessité d’une responsabilité éthique

C’est parce qu’elles ont un pouvoir sur la société que les banques devraient avoir

une responsabilité sur celle-ci. En effet, le principal rôle de la banque est d’assurer

l’allocation des richesses dans la société. Elle participe ainsi au développement de la

1047 Carmen LAVALLÉE, « À la frontière de l'éthique et du droit », (1993) 24 R.D.U.S. 31.

Page 394: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

380

société (responsabilité économique). Pour ce faire, elle doit respecter les obligations

légales, législatives et règlementaires (responsabilité juridique) même si elles ne sont

pas codifiées; nous parlons alors d’obligations morales (responsabilité éthique)1048.

Le premier pas vers le développement d’une compétence éthique chez les acteurs

fiduciaires serait de les emmener à accepter la responsabilité des initiatives prises par

eux lors des opérations sur les marchés. À la suite du professeur Carroll (1979)1049,

nous constatons que la responsabilité éthique1050 fait partie des quatre responsabilités

de tout agent économique. Carroll distingue essentiellement :

- La responsabilité discrétionnaire

- La responsabilité éthique

- La responsabilité légale

- La responsabilité économique

L’éthique est aussi importante que les théories économiques et les

règlementations. Si, les règles de droit sont obligatoires, le respect de la loi ne rend pas

une pratique financière morale ou éthique.

De plus, toutes les responsabilités sus-citées doivent se compléter afin d’atteindre

le résultat escompté, c’est-à-dire parvenir, finalement, à mettre en place une opération

plus encadrée et génératrice de financement sain et durable. Comme le résument assez

bien David Weitzner et James Darroch, la crise a dévoilé l’importance de la prise en

compte de la réforme éthique dans l’élaboration de la règlementation1051. L’éthique

s’inscrit donc comme troisième mode de régulation juste après la régulation du marché

et la régulation étatique.

En outre, avec l’avènement de la crise, le lien de confiance entre les banques et les

différents protagonistes du processus de titrisation s’est effrité. En effet, la question de

1048 Lire Archie B. CARROLL, «A Three-Dimensional Conceptual Model Of Corporate Performance»,

(1979) 4 Acad. Manage. Rev. 499. 1049 Id. 1050 Lire également Philippe MARINI, Pour un nouvel ordre financier mondial : responsabilité, éthique

et efficacité, Rapport d’information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire

et des comptes économiques de la nation sur la régulation financière et monétaire internationale, n°284,

1999-2000, coll. « Les rapports du Sénat ». 1051 David WEITZNER et James DARROCH, « Why Moral Failures Precede Financial Crisis?», (2009) 5

Critical perspectives on international business 6.

Page 395: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

381

la confiance entre les intervenants sur les marchés financiers reste une préoccupation

d’actualité. Le lien de confiance accru apparaît généralement lorsqu’une personne

confie un bien ou une partie de son patrimoine à une autre personne qui agira au nom

ou pour le compte du client1052. C’est le premier aspect touché par l’éclatement d’une

bulle spéculative. En effet, avec la panique, un climat de méfiance s’installe

généralement entre les différents acteurs du marché.

Ainsi, la confiance créerait l’assurance1053. Sur les marchés, la collaboration des

différents intervenants repose sur cette assurance. Nous notons également la notion de

crédibilité. Des intervenants crédibles réduisent la méfiance sur le marché; ce qui

permet de se consacrer à toute autre chose que la surveillance des actes des autres

acteurs. De plus, une confiance affermie renforce les relations d’affaires et concourt à

la célérité sur les marchés.

La confiance est donc un élément essentiel sur le marché. Aussi, les travaux de la

professeure Lynn G Zucker permettent d’identifier trois formes de confiance :

- « La confiance intuitu personae (characteristic based trust) qui est

attachée à une personne en fonction de caractéristiques propres comme

l’appartenance à une famille, une ethnie ou un groupe donné;

- La confiance relationnelle (process based trust) qui repose sur les

échanges passés ou attendus en fonction de la réputation ou d’un

don/contre don;

- La confiance institutionnelle (institutional based trust). Dans ce cas, la

confiance est attachée à une structure formelle qui garantit les attributs

spécifiques d’un individu ou d’une organisation. »1054

Normalement, le but premier de la confiance est de rendre les marchés plus

efficients. Cependant, elle peut s’avérer néfaste pour les marchés si cet objectif est

détourné. En effet, ce but est généralement détourné pour la quête du gain facile.

1052 Mario NACCARATO, « Partie I: la juridicité de la confiance dans le contexte des contrats de services

de conseils financiers et de gestion de portefeuille », (2009) 39 Revue Générale de droit 512. 1053 Voir « Confiance, transparence et marchés financiers Confiance, transparence et marchés financiers

», Allocution prononcée par David DODGE, Gouverneur de la Banque du Canada devant le Greater

Halifax Partnership Halifax, Nouvelle-Écosse le 11 juin 2002. En

ligne : < http://www.banqueducanada.ca/wp-content/uploads/2010/01/sp02-14f.pdf >, (consulté le 20

mars 2017). 1054 Vincent MANGEMATIN, « La confiance : un mode de coordination dont l’utilisation dépend de ses

conditions de production. », dans Denis HARRISSON, Vincent MANGEMATIN et Christian THUDEROZ

(dir.), Confiance. Approches économiques et sociologiques, Paris, Gaetan Morin, 1999, p.36.

Page 396: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

382

Autrement dit, les institutions financières, pour rechercher du profit, peuvent se baser

sur la confiance des épargnants ou des investisseurs sur des produits financiers qu’elles

mettent en place. Nous pouvons par exemple le voir avec l’affaire Madoff1055 qui a

construit son empire sur la confiance que les investisseurs ont placée sur le schéma

d’investissement qu’il avait mis en place.

En ce qui concerne la crise de 2008, nous notons trois relations de confiance qui

ont cédé1056. La première est la relation des acteurs financiers avec le crédit bancaire.

Les banques ont progressivement perdu confiance à la capacité de remboursement des

emprunteurs qui souscrivaient au crédit hypothécaire subprimes. Ce durcissement du

crédit a entraîné une réduction forte de l’offre de crédit. La deuxième relation de

confiance qui a cédé dans la crise est celle qui unit les banques entre elles. En effet,

plusieurs éléments ont participé à la défiance des banques dans leurs contreparties sur

le marché interbancaire. Il s’agit notamment de l’accroissement des risques sur les

crédits hypothécaires subprimes, la complexité et l’opacité des produits financiers

adossés à ces crédits et la faiblesse des garanties et sûretés utilisées pour se couvrir. La

troisième à avoir été touché est celle de la confiance des investisseurs dans les

institutions financières. Les pertes que les banques ont enregistrées sur les créances

hypothécaires risquées ont accentué les doutes des investisseurs sur leur solvabilité.

Comment donc maintenir ce climat de confiance sans que les éléments externes

tels que la mondialisation des transactions, la célérité sur les marchés, la recherche du

profit ou encore la concurrence ne viennent sans cesse la remettre en question?

1055 Bernard Madoff est un financier qui a construit son empire sur la base des actes frauduleux. Il a su

profiter de la confiance qu’il jouissait, particulièrement auprès de la communauté juive, pour créer un

fonds d’investissement qui fonctionnement comme une pyramide : les intérêts des investisseurs étaient

payés avec les apports de capital des nouveaux entrants. Pour en savoir plus sur cette fraude financière,

lire Peter SANDERS, Bernard Madoff. L’escroc du siècle, Champs-sur-Marne, Music & Entertainment

Books, 2009. Le Québec va vivre un scandale pareil en 2005 avec l’affaire Norbourg. Vincent Lacroix

alors dirigeant de l’entreprise Norbourg, va abuser de la confiance des investisseurs pour s’approprier

frauduleusement leurs fonds, et ce, à leur insu. Lire l’article du journaliste François DESJARDINS,

« Norbourg : premier exemple de violence financière », Le Devoir, 2008/2009. En ligne :

<http://bibnum2.banq.qc.ca/bna/etatqc/src/2009/3699110_2009-006-003-002.pdf> (consulté le 12 juin

2018). 1056 Christian NOYER, « Régulation et confiance », (2010) 100 R.E.F. 112.

Page 397: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

383

La régulation serait la réponse à cette question, car elle a pour but de protéger les

acteurs les plus vulnérables. Cette protection peut prendre plusieurs formes. L’une des

plus importantes est la garantie des dépôts dont bénéficient les déposants qui confient

leurs avoirs aux établissements de crédit1057. Avant ce système d’assurance-dépôts, l’on

pouvait facilement déterminer la survenance d’une crise, et partant, la naissance de la

défiance des déposants, à travers les ruées au guichet.

[...] le projet de loi C-261 établissant la Société d’assurance-dépôts du

Canada, repose [...] sur une doctrine [...] qui se résume en disant que la

mesure à l’étude a pour objet de garantir la sécurité de l’épargne des

particuliers lesquels, comme déposants, recourent aux services des

institutions financières du pays. Elle vise également à stimuler la confiance

envers nos institutions qui acceptent des dépôts, dans un pays où, grâce à

une saine administration des affaires, l’expansion de l’activité des

entreprises et la multiplication des services bancaires et d’acceptation des

dépôts progresseront sans doute très rapidement, à mesure que notre

économie croîtra1058.

Alors, l’avènement de l’assurance-dépôts produit deux effets : la protection des

épargnants contre le risque de perdre leur épargne et la protection des banques contre

le risque des ruées au guichet. Le corollaire de l’assurance-dépôts devrait être le respect

des règles prudentielles par les banques. Cependant, le système de garantie des dépôts

emporte avec lui le risque moral. « On dit qu’il y a risque moral dès que le fait d’assurer

un évènement accroît sa probabilité de réalisation. En effet, l’assurance-dépôts assure

en fait les institutions financières contre la faillite et, ce faisant, elle accroît le domaine

de vraisemblance à l’intérieur duquel une faillite peut survenir. » 1059 Aussi étant

1057 Au Québec par exemple, il existe des programmes qui favorisent la confiance. Nous pouvons citer le

fonds de sécurité pour les coopératives de services financiers (Loi sur les coopératives, RLRQ

chapitre C-67.2, art. 487), le fonds de garantie pour les sociétés d’assurance (Loi sur les assurances,

RLRQ chapitre A-32, art.93.219) et le fonds réservé à l’éducation des investisseurs et à la promotion de

la gouvernance (Loi sur l’Autorité des Marchés Financiers, RLRQ chapitre A-33.2, art. 38.1.). 1058 Débats du Sénat, 16 février 1967, 1re session, 27e législature vol.2, p. 1447 (deuxième lecture du

projet de Loi C-261 visant à établir la SADC).

En ligne : < http://parl.canadiana.ca/view/oop.debates_SDC2701_02/438?r=0&s=1> (consulté le 12

février 2017). 1059 Nathalie POTHIER, « La protection des dépôts au Canada: la société de l’assurance-dépôts du

Canada », BP 312F, Division de l'économie, octobre 1992. En ligne : < http://www.publications.gc.ca/

Collection-R/LoPBdP/BP/bp312-f.htm>, (consulté le 20 mars 2017).

Page 398: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

384

assurés et confiants d’être indemnisés, les déposants ne fournissent plus assez d’efforts

pour surveiller leurs dépôts.

Dans la recherche de l’établissement d’un bon seuil de confiance, le deuxième

but de la régulation serait, entre autres, de réduire au maximum l’asymétrie

d’information sur les marchés1060. En d’autres termes, l’information partagée sur le

marché devrait être uniforme et disponible. Or, avant l’éclatement de la bulle en 2007,

nous relevons déjà deux niveaux d’asymétrie d’information. À l’échelle des

opérateurs et à l’échelle des instruments financiers. Dans le premier cas, nous notons

un environnement d’informations imparfaites entre la banque et les déposants, la

banque et les emprunteurs, la banque et les investisseurs. À l’échelle des instruments

financiers, il était difficile pour un non-professionnel d’appréhender le contenu

informationnel des créances hypothécaires titrisées et des différents produits dérivés

utilisés lors des différentes transactions. Les institutions financières, qui ont orchestré

la distribution de ces créances, ont profité de ce climat de désinformation pour les

vendre. Par exemple, plusieurs investisseurs ont acheté des actifs de mauvaise qualité

à haut risque sans au préalable connaître leur constitution exacte. À ce propos, le

Conseil de la stabilité financière prône l’accroissement de la transparence. Nous

pouvons le voir dans l’un de ses rapports qui traitent des normes révisées pour une

meilleure consolidation et une divulgation des entités hors bilan et les risques connexes

notamment les risques portant sur les instruments financiers complexes utilisés dans la

titrisation1061. Par ailleurs, il faudrait expliquer aux investisseurs et aux épargnants la

mesure du risque de chaque transaction financière. Selon l’Organisation de coopération

et de développement économiques (OCDE) qui a mis en place un dispositif

d’information du consommateur et de littératie financière, l’éducation et la

sensibilisation financière permettraient de mieux comprendre la mesure du risque des

1060Conceptualisée par George Akerlof en 1970, « l’asymétrie d’information désigne une situation où un

individu détient plus d’informations qu’un autre sur un bien » Bernard Guerrien, Dictionnaire d’analyse

économique, coll. « Repères », Paris, La Découverte, 2002. 1061 FINANCIAL STABILITY BOARD, Report of the financial stability forum on enhancing market and

institutional resilience : update on implementation, 2009, 18 pages. En ligne : < http://www.fsb.org/wp-

content/uploads/r_0904d.pdf?page_moved=1 >, (consulté le 20 janvier 2016)

Page 399: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

385

produits financiers, et de prendre des décisions plus adaptées1062. De manière générale,

il faudrait mettre fin aux inégalités entre les intervenants. Chacun devrait pouvoir agir

en connaissance de cause. Pour ce faire, la confiance doit être une action concertée du

législateur, des organismes de régulation, des investisseurs et des consommateurs.

La responsabilité éthique apparaît donc être le meilleur moyen de rétablir l’ordre

dans les marchés en empêchant les déviances. Le Rapport de Larosière vient également

renforcer tout cela en décriant les maux nés du processus de titrisation et en exposant

les moyens d’y remédier via une approche éthique et responsable. Les maux en

question sont : l’opacité et la complexité des structures financières, les exigences

faibles pour l’octroi de crédits (qui est l’origine des subprimes, les prêts à risque

accordés à des ménages peu solvables), les activités hors bilan des banques et une faible

gouvernance :

40) Un système financier robuste et concurrentiel doit assurer

l’intermédiation entre ceux qui disposent de ressources financières et ceux

qui ont des besoins en matière d’investissement. Il faut pour cela que toutes

les parties puissent se fier au bon fonctionnement des institutions et à la

continuité des marchés. « Cette confiance, qui semblait aller de soi lorsque

les systèmes financiers fonctionnaient bien, a disparu lors de la crise

actuelle, en grande partie parce qu’ils sont récemment devenus complexes

et opaques… des exigences faibles pour l’octroi de crédits, une mauvaise

évaluation des asymétries des échéances, une utilisation très excessive du

levier de bilan et hors bilan, des lacunes dans la surveillance règlementaire,

des pratiques procycliques en matière comptable et de gestion des risques,

un système déficient de notation du crédit et une gouvernance faible.1063

Par ailleurs, comme nous l’avons dit précédemment, plusieurs intervenants, pour

le moins qualifiés, transigent dans une opération de titrisation. Cela peut complexifier

l’identification des responsabilités des différents acteurs en cas de problème. En effet,

« est-il envisageable d’identifier des responsabilités et donc des responsables à qui

1062 Voir ORGANISATION DE COOPERATION ET DE DEVELOPPEMENT ECONOMIQUES, Culture et protection

des consommateurs : les oubliés de la crise. Recommandation sur les bonnes pratiques de sensibilisation

et d’éducation aux questions financières dans le domaine du crédit, 2009. En ligne :

< https://www.oecd.org/fr/daf/fin/education-financiere/43140001.pdf > (consulté le 20 janvier 2016). 1063Extraits du Rapport de Larosière, Bruxelles 2009 p.16.

En ligne : < http://ec.europa.eu/internal_market/finances/docs/de_larosiere_report_fr.pdf > (consulté le

14 mars 2016).

Page 400: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

386

demander des comptes dans ce pliage technique complexe? »1064 Le processus de

responsabilisation des acteurs de l’opération de titrisation devra alors non seulement

respecter les quatre responsabilités suscitées, mais devrait également inclure d’autres

formes de responsabilité que nous avons résumées en trois grandes articulations.

- La responsabilité des vices cachés dans l’opération de titrisation.

La responsabilité en cas de vices cachés du contrat de vente pourrait être également

assimilée sur le marché de titrisation. Attendons par vices cachés ici les « actifs

toxiques » ou « actifs pourris »1065. En effet, pour être négociables, les instruments

titrisés doivent satisfaire à un critère fondamental : « la qualité du crédit des actifs sous-

jacents doit être certaine et prévisible afin que les investisseurs sachent ce qu’ils

achètent et détiennent. (…) »1066 Ainsi, la banque émettrice, l’arrangeur, le rehausseur

de crédit ou encore les agences de notation pourraient voir leur responsabilité engagée

dans le cas où l’un d’eux encouragerait l’émission de titres de mauvaise qualité. Dans

ce cas, nous pourrions tout simplement appliquer la responsabilité du vendeur tel que

prévu dans un contrat de vente)1067. Les banques transfèrent le portefeuille de créances

qu’elles estiment le moins bon ou le plus à risque. Puisqu’il s’agit d’un transfert à titre

onéreux, le véhicule de titrisation a la possibilité de faire un recours en argüant que

l’institution financière n’a pas été suffisamment translucide lors du transfert des titres.

Nous ne voulons aucunement entacher l’opération de titrisation, ou encore l’interdire.

Mais la banque devrait jouer sa partition pour éviter que l’on n’ait pas l’impression

qu’elle veut juste se débarrasser des actifs risqués. Elle devra alors être regardante sur

la capacité financière des emprunteurs et leur accorder un prêt qui tiendra compte de

cette capacité. L’identification du client est donc une étape essentielle, non pas pour

détecter uniquement les cas de blanchiment d’argent, mais pour avoir une longueur

d’avance sur les situations qui pourraient surgir plus tard telle que l’incapacité de

paiement des emprunteurs. Elle doit également informer l’emprunteur des transactions

qui sont faites sur son prêt. Et pour finir, bien que le transfert du portefeuille confère la

1064 Éric FIMBEL et Catherine KARYOTIS, « La titrisation: dispositif emblématique de la financiarisation

irresponsable et facteur de risques sociétaux inédits.», (2011) 8/48 Management et Avenir 301. 1065 Apparus avec la crise des subprimes de 2007, ces actifs désignent en réalité des actifs financiers que

leurs détenteurs ne peuvent plus vendre. 1066 J. SELODY et E. WOODMAN, préc. note 372, p.57. 1067 Voir le Code civil du Québec en la matière.

Page 401: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

387

pleine propriété au véhicule de titrisation, la banque doit néanmoins, et

exceptionnellement, être à mesure d’assumer une part de responsabilité en cas de

litiges.

Conformément aux recommandations du Comité concernant

l’évaluation du risque de crédit, ainsi qu’aux paragraphes 733 à 735 du

dispositif de Bâle II, les banques doivent appliquer des procédures de

vérification préalable pour bien comprendre le profil de risque et les

caractéristiques de leurs contreparties, dès le montage d’une opération

et régulièrement par la suite. Lorsque des notations sont utilisées, une

vérification préalable est nécessaire pour évaluer le risque présenté par

l’exposition aux fins de la gestion des risques et pour déterminer si la

pondération de ces risques est adéquate et prudente. Le degré de

sophistication de cette vérification dépendra de la taille et de la

complexité des activités de la banque concernée. Les banques doivent

mettre en œuvre, en fonction de chaque contrepartie, des mesures

satisfaisantes et suffisantes pour évaluer les niveaux de performance

opérationnelle et financière, ainsi que leurs tendances, en menant une

analyse de crédit interne et, éventuellement, en confiant à un tiers

externe d’autres types d’analyse. Les banques doivent être en mesure

d’accéder régulièrement aux informations relatives à leurs contreparties

afin d’effectuer ces vérifications préalables1068.

- La responsabilité sur la désinformation derrière les variations des taux

d’intérêt.

Au-delà de l’encadrement économique des taux d’intérêt, nous pourrions penser à un

encadrement éthico-règlementaire qui va non seulement allouer les responsabilités,

mais aussi éviter les errements des contribuables en leur donnant le maximum

d’informations avant la contraction d’un prêt. Nous pensons que les emprunteurs et les

investisseurs devraient avoir le maximum d’informations, compréhensibles,

concernant la variation des taux, et les risques qui y sont attachés1069. Les variations

des taux d’intérêt étant inévitables, il n’en demeure pas moins qu’il y a toujours un

moyen de réduire les externalités. La mise en place d’une politique de révision des taux

d’intérêt doit être envisagée dans le but de réguler l’endettement des populations. Cette

proposition n’est pas étroitement liée à l’opération de titrisation, mais pourrait

1068 COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, « Bâle III : finalisation des réformes de l’après-

crise », décembre 2017, p.4. En ligne : < https://www.bis.org/bcbs/publ/d424_fr.pdf > (site consulté le

12 janvier 2018). 1069 Voir l’annexe 2 du BASEL COMMITTEE ON BANKING SUPERVISION, préc. note 729.

Page 402: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

388

éventuellement jouer un rôle dans la réduction des effets néfastes de l’opération dans

le long terme dans la mesure où, la baisse du taux d’endettement impliquerait la

diminution de la titrisation des créances douteuses sur le marché. Ainsi, le rôle de la

banque centrale dans une opération de titrisation devrait également bien être défini1070.

- Les différents acteurs fiduciaires de l’opération, les banques y comprises,

devraient développer une conscience et une culture éthique au sein des

organisations1071.

En outre, en plus des quatre responsabilités, nous rajoutons la responsabilité

sociale qui touche le cœur du métier dans la banque c’est-à-dire les activités. Ces

activités se doivent d’être novatrices et porteuses de projets sociaux pour la société,

dans le présent comme dans le futur. C’est à ce niveau qu’intervient l’équité

intergénérationnelle. L’équité intergénérationnelle est en d’autres termes « l’exercice

du sens de la justice à travers le temps »1072; les efforts d’aujourd’hui doivent être

bénéfiques aux générations futures. En gros, il faudrait penser dans le long terme. Il

faudrait donc instaurer des incitations à la durée en emmenant les investisseurs à penser

pour les générations futures.

Il faut donner une voix aux besoins de ces générations à venir. Le

développement durable, qu’on verra par la suite, « est un développement qui répond

aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de

répondre aux leurs »1073, et ceci même dans le domaine de la finance.

La banque 1074 est généralement représentée comme un outil de croissance

économique dans un pays. Elle n’est donc pas comme toutes les autres entreprises.

Toutefois, les étapes qu’elle traverse pour atteindre ce summum économique sont

1070 Lire Stéphane PIEDELIÈVRE et Emmanuel PUTTMAN, « Droit bancaire », Paris, Economica, 2011,

Pp. 399 à 420. 1071 P. MARINI, préc. note 1050. 1072 C. DEMARIA, préc., note 1044, p.41 1073 COMMISSION MONDIALE SUR L’ENVIRONNEMENT ET LE DEVELOPPEMENT, Notre avenir à tous,

Montréal, Éditions du Fleuve, 1988, 432, p.51; voir également Marie-Claire CORDONIER SEGGER et

AShfaq KAH, Sustainble Development Law: Principles, Practices, And Prospects, Oxford, Oxford

University Press, 2004, p.365 : « Sustainable development law is an emerging body of legal principles

and instruments, as well as an « interstitial norm ,» a concept that serves to reconcile conflicting

environmental, social and economic developement norms in international law, in the interest of present

and future generations.» 1074 Michèle Patricia AKIOBE SONGOLO, « Le développement durable et les banques au service de

l’éthique financière. », (2012) 3-2 l’Interdisciplinaire, Journal Étudiant de l’institut EDS 6.

Page 403: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

389

souvent décousues, entraînant ainsi l’éphémérité de sa finalité. En effet, avec

l’innovation financière naissent des techniques de financement aussi complexes les

unes que les autres. Pour l’heure, l’une des innovations a été la titrisation. Les acteurs

financiers misent beaucoup sur cette complexité, car, en utilisant des canaux opaques

(à l’occurrence les produits structurés de la finance, entre autres les obligations

adossées à des actifs, le Credit Default Swaps, etc.), ces techniques, jusqu’ici

ésotériques pour la plupart, leur permettent de se faire rapidement du profit au

détriment des consommateurs ou des investisseurs. Ces derniers n’ont pas alors la

totalité de l’information pouvant leur permettre soit de finaliser la transaction, soit alors

de se rétracter. L’on se rend malheureusement compte que « la sphère financière s’est

lancée manifestement à l’aveugle dans la voie débridée de la dérégulation tous

azimuts. »1075

D’un autre côté, les principes qui sous-tendent le développement durable sont

fondamentalement opposés à ceux précédemment exposés des banques. En effet, les

enjeux du développement durable sont de quatre ordres : social, économique, éthique

et de gouvernance, environnementale1076.

L’on remarque également que les principes du droit de l’environnement

s’imposent de plus en plus aujourd’hui aux entreprises, et plus particulièrement aux

banques, parce que ces dernières ne parviennent pas, seules, à régler, les effets négatifs

externes de leurs activités1077. Ainsi, le développement durable se veut interpellateur

en recommandant la participation et la négociation, c'est-à-dire la prise de parole des

parties prenantes1078.

Somme toute, les aspirations des banques et du développement durable

s'opposent dans la mesure où, jusqu'ici, les banques n'ont pas encore manifesté un grand

intérêt pour le social. Ce qui justifie d'ailleurs le manque d'éthique dans leurs

1075 Alain GRANDJEAN, « Crise financière et développement durable », (2008) 50 Responsabilité et

environnement 8. 1076 Id., p.7 1077 Daniel MAINGUY, « Le problème posé par le théorème de Coase, le droit de l’environnement et

l’intérêt général environnemental », dans Droit et sentiment, Rencontres Montpellier Sherbrooke, Ed ;

CNRS, 2012. En ligne : < http://data.over-blog-kiwi.com/0/93/50/08/20141031/ob_41899c_le-

probleme-pose-par-le-theoreme-d.pdf> (consulté le 20 mars 2017). 1078 Thierry THEURILLAT, « Le développement durable : un antidote à la crise financière ? », (2009) 167

Revue économique et sociale 67.

Page 404: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

390

différentes transactions, entraînant la plupart du temps les crises financières. Très

souvent, elles ne prennent en compte que leurs intérêts, négligeant alors ceux de leurs

principaux créanciers, les déposants.

Si nous partons du postulat selon lequel l’économie de marché à elle seule n’a

pas su réguler le marché, nous pouvons donc facilement conclure que la résolution de

la crise financière reposerait bien sur une interdisciplinarité. Ainsi, partant des

principes du développement durable succinctement mentionnés plus haut, quelques

éléments de réponse se profilent à l’horizon. Les banques, par analogie, pourraient ainsi

emprunter au développement durable des idées pour une gestion rationnelle de la

finance. Il faut donc réorienter l’idée du profit financier à tout prix vers l’idée du bien-

être des générations futures. Ainsi, la responsabilité sociale des banques devrait faire

l’objet d’une étroite surveillance. En effet, jusqu’ici, une banque qui ne respecte pas

une politique sociale ne voit pas sa responsabilité juridique engagée pour autant; mais

sa réputation en cas de manquement peut en prendre un coup; lorsque la réputation est

touchée, la performance financière en pâtit. Aussi, la principale obligation qui découle

de cette responsabilité sociale est la divulgation d’un bilan social à la fin de chaque

exercice. Cette divulgation est déjà effective au Canada où le Gouvernement exige des

institutions de dépôt une publication des rapports sur leurs responsabilités envers le

grand public1079; les informations divulguées peuvent porter par exemple sur les dons

et les produits adaptés aux particuliers.

En résumé, le véritable défi des banques en matière de responsabilité sociale et

environnementale (RSE) est d’intégrer des valeurs sociales dans leurs activités

quotidiennes1080. Par ce terme (RSE),

On entend en général désigner l’engagement volontaire des entreprises à

faire plus et mieux que la loi dans les domaines sociaux et

1079 MINISTÈRE DES FINANCEs DU CANADA, La réforme du secteur des services financiers, un cadre pour

l’avenir, 25 juin 1999. En ligne : < http://publications.gc.ca/collections/Collection/F2-136-1999F.pdf >,

(consulté le 14 mars 2016). 1080 Andrée DE SERRES, « Aux confins de la responsabilité sociale des banques: les défis et les enjeux de

la gestion des risques éthiques et fiduciaires », Groupe international de recherche en éthique financière

et fiduciaire (GIREFϕ), École des sciences de la gestion, Université du Québec à Montréal.

En ligne :< http://www.strategie-aims.com/events/conferences/6-xviieme-conference-de-l-

aims/communications/1677-aux-confins-de-la-responsabilite-sociale-des-banques-les-defis-et-les-

enjeux-de-la-gestion-des-risques-ethiques-et-fiduciaires/download>, (site consulté le 12 septembre

2016).

Page 405: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

391

environnementaux, en matière d’éthique inter et intratemporelle. Avec

l’émergence de cette pratique, les plus naïfs observateurs annoncent le

nouveau et définitif mariage de l’entreprise et de l’éthique, l’éclatement du

traditionnel conflit entre capital et travail, la fin de la méfiance réciproque

entre entreprise et société civile…1081

En effet, le problème de la crise actuelle n’est pas uniquement financier1082, mais

repose également sur la rupture du lien social. Cette rupture se matérialise par la

dissociation des fonctions d’entrepreneurs et d’investisseurs et la croyance en de

meilleurs rendements ailleurs considérant alors comme dépassés les activités bancaires

traditionnelles et les investissements régionaux1083 . La conciliation des notions de

rentabilité et d’éthique devra donc être le cheval de bataille des banques. Néanmoins,

il faudrait éviter que cette quête de bonnes pratiques ne tue toutes réflexions

d’innovation.

Au demeurant, il faudrait développer une éthique autre que celle de la recherche

de profit à tout temps. L’éthique doit permettre d’intégrer des valeurs autres

qu’économiques dans les décisions de recherche de financement ou d’investissement.

En d’autres termes, il faut humaniser autant que faire se peut les décisions financières.

Et pour cela, la responsabilisation des intervenants sur les marchés doit être de mise.

Cette responsabilisation doit être centrée vers le social, car à la base, l’objectif premier

d’un investissement est le développement; et qui dit développement, dit société. Ainsi,

l’appareil économique et financier devrait ultimement viser les collectivités, tout en

éradiquant les individualités. C’est là le but principal de la finance responsable.

« L’intérêt de cette finance responsable est qu’elle tend à resocialiser une économie

qu’on a longtemps cherché à émanciper de son ancrage social. »1084 Pour continuer

dans la même logique, l’OCDE définit la notion d’entreprise sociale comme « toute

activité privée, d’intérêt général, organisée à partir d’une démarche entrepreneuriale et

n’ayant pas comme raison principale la maximisation des profits, mais la satisfaction

1081 Nicolas POSTEL, « Sur les relations entre l'éthique et le capitalisme », (2009) 2/ 4, Revue Française

de Socio-Économie 9. 1082 Prenons l’exemple de John Pierpont Morgan (J-P. Morgan), l’un des banquiers les plus véreux de

l’histoire de la finance. 1083 T. THEURILLAT, préc. note 1078. 1084 Corinne GENDRON et Gilles L. BOURQUE, « Une finance responsable à l’ère de la mondialisation

économique », (2003) 18 L’Économie politique 59.

Page 406: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

392

de certains objectifs économiques et sociaux, ainsi que la capacité de mettre en place

par la production de biens de services des solutions innovantes aux problèmes

d’exclusion et de chômage. »1085

Cependant, il n’est pas encore possible de contraindre les acteurs financiers à

respecter cette responsabilité sociale. Elle doit se faire sur une base volontaire. Cette

notion du volontariat a d’ailleurs été reprise par le livre vert de la CEE : « L'intégration

volontaire de préoccupations sociales, environnementales des entreprises à leurs

activités commerciales... et leurs relations avec toutes les parties prenantes internes et

externes... et ce afin de satisfaire pleinement aux obligations juridiques applicables,

investir dans le capital humain et respecter son environnement. »1086

Dans le processus d’intégration de cette notion de responsabilité sociale chez

les acteurs financiers, il faudrait adopter leur langage. En d’autres termes, il faudrait

toujours se demander ce qu’un acteur fiduciaire gagnerait à être socialement

responsable? La réponse à cette question permettrait certainement d’en convaincre plus

d’eux.

En outre, avec la pénalisation du droit des affaires, une autre forme de

responsabilité sociale est mise en oeuvre. Reste maintenant à savoir comment

l’appliquer à notre situation. Ce qui peut poser une opposition est le mode de faisabilité.

La responsabilité pénale est prescrite par la loi, alors que la responsabilité sociale

comme nous l’avons dit est volontaire; cette dernière s’assimile à un engagement

unilatéral.

La question qui se pose alors est celle du mode de règlementation. Faut-il voir

en la règlementation un instrument punitif pavé de sanctions; ou alors faut-il

l’envisager comme un instrument d’accompagnement qui viendrait alors réguler et

encadrer les actions des intermédiaires financiers ainsi que leur course à l’innovation.

Selon nous, nous pourrions les associer pour avoir un meilleur résultat. De toute

manière, le fait que la RSE se fait sur une base volontaire et unilatérale n’empêche pas

1085 ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, Les entreprises sociales,

OCDE, Paris, 1999, p.11. 1086 Livre vert - Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises,

COM/2001/0366 final. En ligne : < http://eur-lex.europa.eu/legal-

content/FR/TXT/?uri=CELEX:52001DC0366> (consulté le 12 janvier 2016).

Page 407: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

393

cette dernière d’être source d’obligations juridiques à travers le droit mou dans lequel

elle est définie.

Après cette analyse sur l’importance de la responsabilité éthique, passons

maintenant à l’étape de matérialisation de ce que l’on entend par « titrisation

responsable ». En effet, au lieu de nous contenter d’une règlementation qui protège une

fois le dommage causé, nous pensons qu’il serait approprié de mettre en place un

dispositif à même d’interpeller les différents acteurs sur les différentes zones à risque.

Autrement dit, au lieu de porter notre attention sur les produits, il serait peut-être temps

de mettre en lumière ceux qui les créent. De plus, il faudrait promouvoir la

responsabilisation des investisseurs en leur donnant les outils nécessaires à leur

autonomie.

Page 408: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

394

Section III : De la finance responsable à la titrisation responsable :

Utilisation et application des concepts de l’Investissement Socialement

Responsable (ISR) à l’opération de titrisation

Le mot d’ordre à donner aux acteurs financiers serait de respecter, autant que

faire se peut, le dytique innovation financière et finalité sociale. C’est d’ailleurs dans

ce sens que nous envisageons la notion de titrisation responsable.

Une opération de titrisation est mise en place pour optimiser le financement d’une

institution financière. Qui dit financement, dit investissement, car la demande de

financement est adressée à de potentiels investisseurs. Par conséquent, parler de la

titrisation responsable revient à parler de l’investissement socialement responsable et

par ricochet, du développement durable. Le rapport Bundtland définit le

développement durable comme « un développement qui répond aux besoins du présent

sans compromettre la capacité de satisfaire ceux des générations futures. » 1087

Aujourd’hui il devient presque impossible de trouver des domaines d’activités qui se

construisent sans l’intervention du développement durable. D’ailleurs, nous observons

de plus en plus un grand intérêt pour les questions de développement durable de la part

des institutions financières et des régulateurs. Cela est certainement dû à la crise

financière. Simon Zadek et Zhang Chenghui abondent dans ce sens quand ils disent

que :

« The global financial crisis has highlighted the weaknesses in the financial

system that favours capital allocation, increasing both specific and

systemic risks. Policy interventions into the workings of financial markets

to reduce systemic risks, have focused on addressing short-term biases,

misaligned incentives and better stewardship of assets, as well as improved

transparency, governance and accountability. »1088

Mais le populisme de cette notion n’a pas eu une bonne influence sur la

compréhension de son objet dans la société. Beaucoup de gens n’ont qu’une

compréhension partielle de la chose. La plupart du temps, nous l’associons à la

1087 Rapport Brundtland, 1987, p.37. En ligne : < http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/sites/odyssee-

developpement-durable/files/5/rapport_brundtland.pdf > (consulté 12 janvier 2016). 1088 Simon ZADEK et Zhang CHENGHUI, «Greening China’s Financial System. An Initial Exploration »,

International Institute for Sustainable Development (IISD), Canada, 2014, p.2. En ligne :

< http://www.iisd.org/pdf/2014/greening_china_financial_system_en.pdf>, (consulté le 12 janvier

2016).

Page 409: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

395

protection de l’environnement, alors qu’il englobe bien plus que ça. « Il s’agit de

produire plus, au service du plus grand nombre, de mieux répartir les richesses et de

lutter contre la pauvreté, tout en préservant la nature. »1089

Lorsqu’on observe une opération de crédit par exemple, l’on peut tout de suite

se dire qu’elle ne s’inscrit pas dans la durée, car l’opération prend fin lorsque l’actif

sous-jacent cesse de produire les intérêts pour les investisseurs. Cependant, il faudrait

avoir une vue holistique de la chose. La durabilité ici s’observe plus sur les

conséquences de cette opération. Ainsi, nous nous référons aux principes de

développement durable non pas pour forcément multiplier la doctrine à ce sujet, mais

pour extirper de cette notion, celle de responsabilité. En étant plus responsable, en

amont et en aval, l’on évite plusieurs désagréments.

Nous n’avons donc pas la prétention de refaire une étude approfondie sur le

développement durable ou encore sur l’investissement socialement responsable. Dans

cette partie de la thèse, il s’agit du développement durable appliqué spécifiquement

parlant à l’opération de titrisation. La question que l’on se pose actuellement est celle

de savoir comment mettre efficacement en œuvre les considérations éthiques dans le

processus de titrisation. En d’autres termes, comment emmener les intervenants de

l’opération de titrisation à adopter un comportement responsable? Si, comme nous

l’avons dit, les acteurs ont manqué d’éthique personnelle en contournant les règles

régissant le système bancaire et financier, c’est certainement parce que ces règles

correspondent à des valeurs d’une éthique propre à elle, c’est-à-dire l’éthique des

législateurs.

Les lois et les règlements constituent déjà un bon mécanisme de protection ou de

sanction, garante, outre mesure de l’éthique et de l’intégrité financière. C’est sûr, la

rationalisation en finance prend la forme des lois. Cependant, « le licite n’est pas

toujours moral. »1090 Ainsi, en plus de ces mécanismes légaux, il faudrait concevoir des

1089Élisabeth FORGET, « Le développement durable dans la finance éthique et la finance islamique »,

Finance éthique et finance islamique : quelle convergence ? Actes du séminaire Finance éthique et

finance islamique, organisé par l’École de Management Strasbourg, le 11 février 2009. (2009) 1 Les

cahiers de la finance islamique 1. En ligne : < http://www.ifso-asso.com/wp-

content/uploads/2013/06/cahiers_fi_01.pdf >, (consulté le 14 mars 2016). 1090 Louise LALONDE, « Les « lois éthiques », un défi pour le droit », (2011) 13/1 Éthique publique

118. En ligne : < http://ethiquepublique.revues.org/394 >, (consulté le 27 mars 2017).

Page 410: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

396

organismes et des fonds chargés de la diffusion et de la mise en œuvre de ces

considérations. Cependant, la loi prescrit. Or, l’éthique, pour faire la différence, doit

être un processus réflexif sur les valeurs qui doivent sous-tendre l’action des personnes

et leurs différentes conséquences. La tâche est moins aisée lorsqu’on sait qu’il est

difficile pour un investisseur de mettre en place ce processus réflexif en raison de la

rapidité des marchés et du besoin d’être toujours à la hauteur de la concurrence.

L’éthique ne devrait en aucun cas remplacer la règlementation. Elle vient pour la

compléter. Les pays ont donc la lourde tâche de se mettre à jour sur la règlementation

du secteur financier avant d’entreprendre la sensibilisation sur la responsabilisation et

l’éthique sur les marchés. Ainsi, avoir une opération de financement responsable

comme la titrisation signifierait que les acteurs du processus doivent satisfaire

pleinement aux obligations juridiques applicables, mais aussi aller au-delà et investir

« davantage » dans le capital humain, l'environnement et les relations avec les parties

prenantes. Ce n’est qu’en allant plus loin que le respect de la législation que les

institutions financières pourront accroître leur compétitivité avec ce petit plus et avoir

des retombées directes sur la productivité. Dans le même sens, le livre vert précise que

:

Il est difficile d'évaluer avec précision ce qui détermine la rentabilité

financière d'une entreprise socialement responsable. Les études (Industry

Week, 15 janvier 2001) montrent que 50 % des excellents résultats des

entreprises socialement responsables sont imputables à leur engagement

social, tandis que l'autre moitié s'explique par les performances de leur

secteur. Une entreprise socialement responsable est censée enregistrer des

bénéfices supérieurs à la moyenne puisque son aptitude à résoudre avec

succès des problèmes écologiques et sociaux peut passer par une mesure

crédible de qualité de la gestion1091.

En outre, le but ultime du développement durable est de corriger les effets pervers

de l’action politique et bien plus, de l’individualisme dans lequel les marchés financiers

nous ont plongés. En effet, les acteurs financiers sont trop portés sur la recherche du

profit facile afin d’assurer leur bien-être. Cette façon de faire va rapidement les mettre

1091 Livre vert - Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des entreprises,

COM/2001/0366 final, parg.25 p.8.

En ligne : < http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX:52001DC0366>

Page 411: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

397

dans une situation où l’égo prime au-delà de tout. Le développement durable, qui

intervient après la cure de base donnée par les régulateurs, assure et milite plus pour un

ordre social construit et spontané. En notre sens, il faudrait voir le développement

durable comme la finalité d’un système financier. Il ne vient pas avant le système ou

son encadrement, mais il est construit progressivement, et ceci bien après avoir stabilisé

le système financier. Cyril Demaria le spécifie bien lorsqu’il dit que « le

développement durable est une conséquence de la stabilité économique et politique

d’un pays, et non une cause. Le voir comme un remède à l’instabilité des marchés

financiers est un leurre, même si ce sont les investisseurs à long terme, et

principalement les fonds de pension, qui ont jusqu’à présent porté son essor. »1092

Ainsi, qui dit développement durable, dit également transformation progressive de

l'économie et de la société1093. De plus, investir sous le sceau du développement durable

signifie, entre autres, investir dans le long terme, et cela entraîne une grande implication

pour les investisseurs.

En prélude à la mise en place de la durabilité d’une opération ou d’un produit, il

faudrait donc travailler à cette stabilité en revoyant avec l’œil du régulateur les zones

grises de la structure du marché financier. Et c’est seulement après la réalisation de cet

exercice préalable qu’il faudra penser à encadrer cette notion de développement

durable. Nous parlons d’encadrement, car malgré toute la littérature sur la question, la

notion de développement durable reste vague et imprécise, à tout le moins

juridiquement parlant. De plus, plusieurs définitions ont été attribuées à cette notion. À

laquelle se fier en fin de compte?

La gouvernance d’entreprise peut participer également de la responsabilisation

de la finance. Cependant, il y a une nuance à faire entre le développement durable et la

gouvernance d’entreprise; c’est l’allégorie de l’œuf et du poussin. Nous ne savons pas

toujours qui vient avant ou après. Il ne faudrait pas oublier que l’entreprise et le

développement durable se base sur la durabilité. Le développement durable peut être

un moyen emprunté par l’entreprise pour atteindre cette durabilité. La gouvernance

d’entreprise, quant à elle, prend appui sur une bonne structure interne de l’entreprise;

1092 C. DEMARIA, préc. note 1044, p.5. 1093 COMMISSION MONDIALE SUR L’ENVIRONNEMENT ET LE DEVELOPPEMENT, préc. note 1073.

Page 412: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

398

c’est une forme de démocratie participative qui implique de façon responsable tous les

services de l’entreprise. Ainsi, les enjeux économiques, environnementaux et sociaux

ne peuvent être considérés séparément.

Par ailleurs, puisque l’objectif final est d’obtention d’une opération

« responsable » de bout en bout (par analogie à la finance responsable), nous pourrions

nous servir de la méthodologie de l’investissement socialement responsable (ISR) pour

y parvenir aisément. L’ISR est l’application des principes du développement durable à

tout placement financier. Pour cette analyse, nous n’allons pas nous appesantir sur la

question du développement durable, mais sur les moyens d’atteindre le meilleur en

matière de titrisation « responsable ».

Plus précisément, l’ISR est l’étude « de produits d'épargne (comptes courants,

comptes à fort rendement, livrets d'épargne, dépôts structurés), de produits

d'investissement (institutions d'investissement collectif : fonds et sociétés

d'investissements; pensions et assurances : plans et fonds de pension, plans de retraite,

assurances- vie ou unit linked; fonds thématiques), d'instruments de financement du

crédit et de mécanismes de soutien financier (microcrédits, fonds de roulement, fonds

de garantie mutuelle et capital-risque), qui comprennent dans leur conception des

critères environnementaux, sociaux et de bonne gouvernance, sans négliger

aucunement les objectifs nécessaires en matière de risques et de rentabilité

financière. »1094

L’investissement socialement responsable est apparu pour la première aux

États-Unis, où les valeurs morales et religieuses ont pris le pas dans les décisions

d’investissement. À ce stade, il s’agit uniquement d’un investissement éthique. Par la

suite, avec l’internationalisation du mouvement, les impacts sociaux et

environnementaux ont été intégrés dans les décisions d’investissements; nous parlons

donc d’investissement socialement responsable1095.

1094 COMITE ECONOMIQUE ET SOCIAL EUROPEEN, Produits financiers socialement responsables (2011/C

21/06) avis d'initiative, point 3.1.1. 1095 Marc SOLHINAC, L’ISR: un processus de destruction créatrice, Thèse de doctorat, Saint-Quentin-

en-Yvelines, Laboratoire Centre d’études sur la mondialisation, les conflits, les territoires et les

vulnérabilités, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, 2015, p.172.

Page 413: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

399

L’investissement socialement responsable vient donc « reconstruire le lien

entre l’investisseur et le projet de développement, en se préoccupant de la question de

la cohésion sociale. »1096 Il rapproche tout simplement l’investissement de sa fonction

première qui est le développement. Il optimise alors l’allocation d’actifs en prenant en

compte des critères autres que financiers à savoir les critères sociaux, éthiques et

environnementaux1097. Dans cette perspective, les profits à long terme sont préférés

aux attentes individuelles à court terme. Très souvent ce sont les investisseurs

institutionnels qui sont plus aptes à s’adonner à l’investissement socialement

responsable1098.

Cependant, pour se réaliser, l’investissement socialement responsable va

s’appuyer sur la bonne gouvernance et sur la capacité des investisseurs à rendre compte

de leurs actions. Pour ce faire, il prend trois formes; il peut s’agir1099 :

- Des fonds qui prennent en compte les facteurs Environnementaux, sociaux et

de gouvernance (ESG) 1100 : les facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance,

encore appelés community investment : Ils vont donc faire un croisement entre le profit

financier et les facteurs ESG, afin d’atteindre la durabilité en matière de placement.

- Des fonds d’inclusion ou d’exclusion, screening : Ils sont encore dénommés

placements éthiques et consistent à exclure ou inclure des entreprises sur la base des

critères sociaux et environnementaux (Alcool, jeu, nucléaire, OGM, etc.).

Généralement, les investisseurs soucieux socialement vont chercher les placements

positifs pour la société. Dans le cadre de l’opération de titrisation, les placements

positifs devraient exclure les actifs toxiques.

- De l’activisme actionnarial, shareholder advocay : Les investisseurs vont

exiger de la part des entreprises une responsabilité sociale très forte. Très souvent, les

1096 C.GENDRON et G. L. BOURQUE, préc., note 1070. 1097 Ivan TCHOTOURIAN, « L'investissement socialement responsable imposé aux gérants de portefeuille

: vraie réforme ou faux semblant de la loi "Grenelle II" en faveur de l’ISR ? », (2010) 3 Papyrus. En

ligne < http://hdl.handle.net/1866/4162 >, (consulté le 17 novembre 2014). 1098 César DE BRITO, L’investissement socialement responsable, Paris, Economica 2005, p. 32. 1099 Steve SCHUETH. « Socially Responsible Investing In The United States », (2003) 43/3 Journal Of

Business Ethics 190-191. 1100 Les Fonds éthiques ont été créés à la base (dans les années 20) pour permettre d’investir selon les

principes religieux. Aujourd’hui ils sont appelés fonds socialement responsable, voir Alan LEWIS,

Morals, Markets And Money. Ethical, Green And Socially Responsible Investing, Londres, Prentice Hall/

Financial Times, 2002, p.144.

Page 414: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

400

actionnaires sont interpelés sur leur exercice du droit de vote et sur le dialogue direct.

Ce qui implique que les résolutions environnementales et sociales figurent à l’ordre du

jour. Dans le cadre d’une opération de titrisation, il serait important de promouvoir, en

plus, de saines pratiques de gouvernance.

L’opération de titrisation est certes un moyen de financement pour la banque,

mais il n’en demeure pas moins vrai que les différentes étapes du processus

s’apparentent à des placements : la banque qui place ses actifs, le véhicule de titrisation

qui place des titres et pour finir l’investisseur qui place son argent. En gros, les

différents acteurs de l’opération sont en quelque sorte des investisseurs; ils escomptent

minimalement un bénéfice avec le dénouement de l’opération. Le prototype d’un

placement « responsable » prendrait donc en compte les différents éléments de ces trois

formes d’investissement socialement responsable. Il ne restera plus qu’à codifier

légalement le résultat afin qu’il soit opposable à tous. L’investissement socialement

responsable implique également d’intégrer des dimensions sociales dans la

composition des portefeuilles alloués à l’opération de titrisation et qui reflètent les

valeurs de l’investisseur, destinataire final du placement.

Par ailleurs, dans le but de restaurer la confiance envers les nombreux produits

financiers qui ont vu le jour lors de la crise, il serait important de sécuriser les

investissements et de maintenir durablement la stabilité financière. La titrisation sera

dite de « responsable » si elle se construit sur les différents éléments qui suivent :

- La responsabilisation de tous les intervenants, en particulier les banques. Le

seul intérêt de celles-ci est de réaliser un résultat financier positif sur chaque opération.

Pour une titrisation, nous pensons que les banques devraient davantage se préoccuper

du dénouement du processus de titrisation et du sort des emprunteurs, sans qui

l’opération n’aurait même pas eu lieu. Pour cette raison, elles devraient obligatoirement

garder une partie des risques à chaque fois qu’elles doivent s’adonner à du financement

via l’opération de titrisation. De plus, la protection des intérêts de l’épargnant participe

du développement durable des institutions financières. C’est dans ce sens que l’article

1457 du Code civil du Québec impute une responsabilité civile au banquier :

Article 1457 : Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite

qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de

manière à ne pas causer de préjudice à autrui. Elle est, lorsqu’elle est douée

de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle

Page 415: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

401

cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit

corporel, moral ou matériel.

Ainsi, il est un devoir de prudence et de diligence de la part du banquier qui doit

être respecté. De plus, ce dernier doit exercer ses fonctions sans négligence et dans le

respect de la règlementation et des usages du marché1101. Cette perception change

lorsque nous nous trouvons du côté de la common law, où, pour qu’il faille sanctionner

le banquier, il faudrait qu’un lien juridique (un contrat par exemple) existant entre lui

et l’emprunteur ait été démontré1102, ce qui n’est pas le cas au Québec1103. Or, dans

l’opération de titrisation, la matérialisation des rapports entre les intervenants par des

conventions serait un élément indispensable pour allouer les responsabilités. Alors,

même si la négligence du banquier peut être punie au Québec sans au préalable

démontrer le lien causal, nous aimerions toutefois rajouter qu’en ce qui concerne

l’opération de titrisation, l’importance de ce lien causal est de mise. Nous y voyons

alors une juxtaposition des exigences des juridictions civiles et de common law.

En plus de la responsabilité civile reconnue aux banquiers par l’article 1457 du

C.c.Q., les banques devraient considérer la mise en place des trois lignes de défense1104.

En effet, parler de responsabilisation de la banque revient à parler du rôle, non pas

seulement du rôle du Conseil d’administration et des dirigeants, mais des obligations

et de la mise en place des différentes fonctions de contrôle : contrôle interne, gestion

des risques, conformité, audit interne (et l’audit externe qui est le régulateur).

Ainsi, l’approche systématique fondée sur trois lignes de défense, réparties comme

suit :

1101 Pour le juge, L’Heureux-Dubé « [l]es banques ne sont pas différentes des autres membres de la société

qui doivent se conformer à la règle de la bonne foi implicite dans une relation contractuelle et s'abstenir de

toute action qui pourrait violer une obligation légale de diligence indépendante de toute relation contractuelle

(…) », Houle c. Banque Canadienne Nationale, [1990] 3 RCS 122, 1990 CanLII 58 (CSC), p.187. Voir

également la Loi sur les banques, articles 441 et 445; la Loi sur les coopératives de services financiers,

RLRQ chapitre C-67.3, articles 102, 103 et 468. 1102 Jean-Louis BAUDOIN, « Responsabilité civile comparée : droit civil et common law. Tous les

chemins mènent à.… la responsabilité? Commentaires sur la convergence des méthodes civiliste et de

common law dans l'affaire Castor Holdings », (2014) 48-2 R.J.T.n.s. 683. Lire également Marc

LACOURSIÈRE, « La fraude dans un compte en fidéicommis », (2016) 46 R.G.D.466,467 et 502. 1103 Article 2283 C.c.Q.: « Le dépositaire est tenu, si le dépôt est à titre gratuit, de la perte du bien déposé

qui survient par sa faute; si le dépôt est à titre onéreux ou s’il a été exigé par le dépositaire, celui-ci est

tenu de la perte du bien, à moins qu’il ne prouve la force majeure ». 1104 THE INSTITUTE OF INTERNAL AUDITORS, Leveraging COSO across the three lines of defense, Juillet

2015.

Page 416: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

402

La première ligne correspond aux fonctions liées aux contrôles et aux

mesures correctives assumées par les unités opérationnelles responsables

d’accepter et de gérer les risques au quotidien.

La deuxième ligne se compose de toutes les fonctions chargées de

surveiller les risques, notamment la finance, la gestion des risques, la

conformité et le cas échéant, l’actuariat.

La troisième ligne, l’audit interne, fournit une évaluation indépendante et

une assurance objective quant à l’efficacité globale de la gouvernance, de

la gestion des risques et du contrôle interne 1105.

- Le contrôle interne et la gouvernance d’entreprise

La gouvernance bancaire et financière a deux dimensions : une dimension externe qui

est le respect de la règlementation prudentielle par les institutions financières et une

dimension interne qui repose sur le mode d’administration de ces institutions. En effet,

les banques devraient appliquer une gouvernance prudentielle adaptée aux

recommandations internationales sur la solvabilité et les fonds propres. Nous pensons

notamment aux recommandations du Comité de Bâle sur le contrôle bancaire. Le

Comité de Bâle sur le contrôle bancaire et l’Organisation internationale des

commissions des valeurs ont établi des critères qui rejoignent, à certains égards,

l’essence de notre proposition, à savoir, la mise en place d’une titrisation responsable.

Il s’agit des critères pour la réalisation des titrisations simples, transparentes et

standards1106. En plus de la gouvernance prudentielle, les banques devraient appliquer

une gouvernance interne de l’entreprise. S’il est vrai que le contrôle organisationnel

(structures et politiques d’entreprise) favorise une bonne gouvernance d’entreprise, il

n’en est tout de même pas le garant. Les comportements et les valeurs corporatives

attribuables aux dirigeants et administrateurs de l’entreprise peuvent avoir un plus gros

impact sur la gouvernance. Cela fait donc du conseil d’administration un garant de la

bonne gouvernance de l’entreprise. Selon L’OCDE, « le gouvernement d’entreprise

fait référence aux relations entre la direction d’une entreprise, son conseil

1105 AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS, Ligne directrice sur la gouvernance, 2016, p.7. 1106 COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, ORGANISATION INTERNATIONALE DES COMMISSIONS

DE VALEURS. Criteria for identifying simple, transparent and comparable securitisations, juillet 2015.

COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, ORGANISATION INTERNATIONALE DES COMMISSIONS DE

VALEURS. Criteria for identifying short-term “simple, transparent and comparable” securitisations,

Mai 2018.

Page 417: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

403

d’administration, ses actionnaires et d’autres parties prenantes. Il détermine également

la structure par laquelle sont définis les objectifs d’une entreprise, ainsi que les moyens

de les atteindre et d’assurer une surveillance des résultats obtenus. Un gouvernement

d’entreprise de qualité doit inciter le conseil d’administration et la direction à

poursuivre des objectifs conformes aux intérêts de la société et de ses actionnaires et

faciliter une surveillance effective des résultats obtenus. »1107 Toujours dans la même

lancée, dans sa ligne directrice sur la gouvernance d’entreprise, le BSIF a rappelé

l’important rôle du conseil d’administration dans la gestion interne des institutions

financières1108. Les dirigeants des banques doivent donc agir avec prudence et diligence

en ce qui concerne toutes les implications liées aux opérations de titrisation. Ils devront

également agir avec transparence afin de faciliter la supervision des autorités de

régulation, et ceci, en améliorant leurs communications financières. À cet effet, un

comité doit être mis en place pour la surveillance des opérations de titrisation. Dans la

même logique, le rapport Walker publié au printemps 2009 recommande aux banques

d’avoir un comité des risques 1109 . Le comité des risques sera constitué

d’administrateurs ayant de solides compétences en surveillance de la gestion des

risques et une bonne connaissance des programmes de titrisations et les instruments

utilisés par l’institution financière. Il recommande également d’accroître la proportion

des administrateurs non exécutifs ayant une expérience financière et d’améliorer leur

connaissance de la société et leur relation avec les actionnaires institutionnels1110 et,

enfin, de surveiller la distribution des bonus1111.Ce comité des risques sera constitué

d’administrateurs ayant de solides compétences en surveillance de la gestion des

risques et une bonne connaissance des programmes de titrisations et les instruments

utilisés par l’institution financière.

1107 OCDE, Principes de gouvernement d’entreprise de l’OCDE, avril 2004, p. 11. 1108 BUREAU DU SURINTENDANT DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES, Gouvernance d’entreprise, septembre

2018. En ligne : <http://www.osfi-bsif.gc.ca/Fra/Docs/CG_Guideline.pdf> (consulté le 21 septembre

2018). 1109 WALKER REPORT, A review of corporate governance in UK banks and other financial industry

entities, 16 juillet 2009, Recommandation 23. En ligne : <http://www.ecgi.org/codes/documents/walke

r_review_consultation_16july2009.pdf> (consulté le 20 septembre 2018). 1110 Id., Recommandation 4. 1111 Id., Recommandation 31.

Page 418: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

404

- Le renforcement des sanctions pécuniaires et pénales en cas de fraude ou

délit en lien avec les opérations de titrisation.

- La simplicité des produits financiers vedettes dans la titrisation. Élaborer des

produits qui permettraient de retracer aisément les débiteurs et les créanciers tout le

long du processus. En effet, une trop forte complexité des produits financiers peut

engendrer de la part des acheteurs une mauvaise appréhension des risques sous-jacents.

- L’implication des organismes de régulation nationaux. Ils pourraient plus

s’impliquer dans le suivi et le contrôle de l’opération de titrisation en instaurant

l’obligation de recevoir une licence avant la titrisation. Le régulateur aurait ainsi la

possibilité d’évaluer la faisabilité de la transaction avant de l’autoriser.

- La diminution de l’asymétrie d’information. L’asymétrie d’information peut

complexifier les décisions d’investissement. Les investisseurs en particulier ont besoin

d’une information claire. Le mandat du patrimoine d’affectation devrait être géré dans

leurs intérêts. C’est la raison pour laquelle, et afin de compléter notre analyse sur le

véhicule de titrisation, nous avons pensé que la rédaction, par le véhicule de titrisation,

du prospectus avant l’émission des titres financiers pourrait servir à diminuer

l’asymétrie d’information, même si cela va impliquer, dans une certaine mesure, une

perte de temps pour les acteurs de l’opération en quête de capitaux. Cette obligation

pourrait être exigée pour les placements des titres financiers à long terme. Au Québec,

le véhicule de titrisation n’est pas obligé de rédiger un prospectus pour les titrisations

à court terme (PCAA). Toutefois, bien qu’ils bénéficient de cette dispense-là pour les

placements à court terme, le véhicule de titrisation a tout de même des obligations

d’information envers l’investisseur1112.

- L’élaboration d’un plan d’urgence : « ce plan doit décrire les sources de

financement de rechange et tenir compte du fait que le retrait complet du marché de la

titrisation ou les compressions dans le financement pourraient nuire à la viabilité et à

la réputation de l’institution financière. »1113

1112 Règlement 45-106 sur les dispenses de prospectus, RLRQ chapitre V-1.1, r.21, article 2.35.4. Lire

également J. SELODY et E. WOODMAN, préc. note 372, p.61. 1113 SOCIÉTÉ ONTARIENNE D’ASSURANCE-DÉPÔTS, Guide d’application : Titrisation, p.10. En ligne :

< https://www.dico.com/design/Publications/Fr/Securitization/Guide_d_application_Titrisation_2018.

pdf >, (consulté le 14 avril 2018).

Page 419: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

405

Par ailleurs, la titrisation « responsable » pourrait être appliquée à la

microfinance. Elle serait une bonne alternative aux faibles investissements réalisés par

les entreprises, particulièrement les petites et moyennes entreprises (PME), influant

négativement sur la durabilité de leur survie. Une titrisation « responsable », sans pour

autant fragiliser le système financier, offrirait en conséquence de belles perspectives de

financement à la moyenne économie. Étant donné que l’octroi des prêts est conditionné

à la situation financière des petits et moyens entrepreneurs, le financement responsable

des PME via la titrisation viendra alléger le processus et donner plus de marge aux

PME pour l’octroi des prêts. Comme illustration, prenons le cas des États-Unis, qui, à

travers le Community Reinvestement Act1114, exige des banques, des actions sociales de

proximité surtout dans les milieux défavorisés : le droit pour tous au crédit bancaire.

Enfin, si à travers la titrisation nous pouvons avoir une finalité sociale et une

gouvernance participative, il est cependant difficile d’envisager la limitation de la

lucrativité. Il pourrait par exemple s’agir d’interdire les titrisations spontanées. Chaque

opération doit être autorisée par une autorité compétente, et ce, sur la base du bilan de

l’institution qui veut se lancer dans la titrisation. Nous pourrions penser également à

limiter l’opération à la seule vente des actifs à un véhicule de titrisation et à leur

souscription par les investisseurs. Nous éviterions alors d’inclure d’autres opérations

telles que les ventes des CDS de protection, qui viennent complexifier l’opération de

titrisation. Les banques auront leur financement, et les investissements, leur retour.

Une titrisation « responsable », sans pour autant fragiliser le système financier,

offre en conséquence de belles perspectives de financement de l’économie. Elle

faciliterait ainsi une sortie de crise et le retour de la croissance tant espérée.

Qui est le sujet responsable? Devant qui est-il responsable? Comment se

manifeste la relation de responsabilité? Tout au long de cette partie, nous avons analysé

l’importance du partage des responsabilités. Il conviendrait donc de ne pas limiter la

réflexion sur la responsabilité des acteurs, mais de l'étendre aussi aux institutions. Ces

deux ordres de responsabilité sont complémentaires.

Ne l’oublions pas, le but ultime de notre démarche est d’encadrer les marchés

financiers et intéresser le plus grand monde à cet encadrement. Pour ce faire, il faudrait

1114 Community Reinvestment act, Pub.L 95-128, 91 Stat. 1111.

Page 420: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

406

au préalable restaurer la confiance sur les marchés. En effet, la confiance peut

réorienter durablement et de manière responsable les activités financières vers leur

finalité première. La confiance restaurée sur les marchés si l’éthique est réellement

mise en œuvre. Il nous faut alors dépasser la limite imposée par les textes législatifs

pour atteindre le nec plus ultra en matière de régulation. Nous pensons que pour plus

d’efficacités les risques fiduciaires de chaque intermédiaire dans l’opération de

titrisation devraient être recensés et faire l’objet d’une recommandation par un

régulateur international, le Comité de Bâle sur le contrôle bancaire1115. L’objectif de

cette démarche est de permettre aux acteurs d’évoluer sur une base règlementaire

uniformisée.

Tableau récapitulatif : Les critères choisis sont largement inspirés de la

théorie de l’investissement socialement responsable

Prise en compte des

facteurs de gouvernance

Recherche des

placements positifs

Activisme

actionnarial

La responsabilisation

de tous les

intervenants, en

particulier les

banques

L’implication des

organismes de

régulation nationaux

La composition des

portefeuilles alloués

à l’opération de

titrisation

La simplicité des

produits financiers

vedettes dans la

titrisation

La

diminution de

l’asymétrie

d’information

Aujourd’hui, les contrats financiers sont trop évasifs : qui est vendeur ou

créancier? Et qui est acheteur ou débiteur? De quoi est-on vendeur ou acheteur et

quelles sont les responsabilités que chacun des agents doit assumer au moment où le

1115 A. DE SERRES, préc., note 1080, p.50.

Page 421: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

407

respect des engagements contractuels pose problème? À l’occasion de la mise en place

d’une opération de titrisation internationale impliquant des cédants (banques) localisés

dans l’un ou l’autre de ces pays, il peut donc être tentant de recourir à des véhicules

locaux qui présentent souvent de nombreux avantages eu égard à leur régime juridique

et fiscal, largement dérogatoire du droit commun. Afin d’éviter un tel arbitrage, les

régulations nationales doivent s’harmoniser, ou sinon, il faudrait désigner le droit

applicable dans le cadre d’une titrisation internationale.

Au demeurant, adjoindre l’éthique aux règles ne peut être que meilleur pour la

santé des marchés 1116 . D’ailleurs, l’on s’est rendu compte qu’il existe des

investissements et des placements dits « éthiques » qui n’ont pas été touchés par la

crise. Il s’agit de l’Investissement Socialement Responsable (ISR) et la finance

islamique. Ces deux concepts sont moins vulnérables de par la manière dont ils sont

structurés.

Une solution dans le long terme serait pour l’éthique de transcender les

comportements individuels, pour s’attaquer au système financier dans sa globalité afin

d’avoir un changement vers le bas (une approche bottom up, une approche

ascendante). Autrement dit, passer une éthique individuelle à une éthique collective.

Par analogie, c’est le même exercice que le droit devrait faire dans la codification des

règles, c’est-à-dire tendre vers une uniformisation sur le plan international, en se

laissant tout de même une marge de manoeuvre qui tiendra compte des aspérités de

chaque juridiction.

1116 Cyril Demaria propose même la mise en place de préambules législatifs (à l’image de la constitution)

et norme éthique complémentaire à la loi. Voir C. DEMARIA, préc. note 1044, pp.238-239.

Page 422: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

Conclusion de la troisième partie

Cette troisième partie nous a permis de faire des propositions afin de bonifier le cadre

règlementaire de la titrisation. Bien qu’il existe des organismes internationaux qui émettent

des recommandations permettant aux juridictions de meubler leur droit interne, nous ne

pouvons pas passer outre le fait que chaque juridiction à un corpus de règles juridiques qui

épouse en premier lieu sa culture et son environnement. Les spécificités sont pour ainsi dire

changeantes d’un pays à un autre. C’est la raison pour laquelle nous avons choisi d’analyser

la fiducie dans l’opération de titrisation. La fiducie est un outil dont les règles changent selon

qu’elle est utilisée en droit romano-germanique ou en droit anglo-saxon. Il était important

pour nous de proposer une certaine uniformisation qui, en fin de compte, va contribuer à

améliorer l’encadrement de la titrisation, l’objectif étant de permettre aux différents acteurs

financiers de contracter sur le même pied d’égalité.

Par ailleurs, chaque acteur, pris individuellement, a une spécificité qui lui est propre.

Mais puisqu’il est appelé à transiger avec d’autres sur les marchés financiers, nous avons une

fois de plus estimé qu’il fallait que ces différents acteurs financiers se rejoignent à leur tour.

L’éthique nous a semblé être l’outil approprié, car non seulement elle améliore les

comportements en responsabilisant chaque action posée, mais elle est également un

instrument de convergence vers une qualité de vie meilleure et mieux partagée.

Au demeurant, nous proposons la standardisation comme un moyen d’encadrer

l’opération de titrisation. Universellement mises en œuvre, les recommandations que nous

avons formulées pourraient facilement contrer l’inflation normative. Prenons l’exemple des

instruments dérivés : par-delà la grande diversité de leurs caractéristiques financières, ils ont

la particularité d’avoir été l’objet d’un important travail de standardisation contractuelle, si

bien qu’ils sont presque tous conclus sur la base d’un même contrat type, le Master agreement

publié par l’ISDA.

Page 423: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

409

CONCLUSION GÉNÉRALE

L’objectif de cette étude doctorale est de démontrer dans quelle mesure le droit peut

se réinventer afin d’anticiper les effets d’une crise financière de manière générale, et

les effets de la crise des subprimes, objet de l’étude, de façon particulière. De manière

spécifique, l’objectif était d’élaborer des moyens d’atteindre le meilleur en matière

d’encadrement des risques liés à l’opération de titrisation, et ceci, en améliorant la

transparence de l’information fournie et en uniformisant les règles d’exercices de

l’opération de titrisation. Pour atteindre cet objectif, il était important, dans un premier

temps, de mettre en lumière les différentes failles qui ont contribué à la survenance de

la crise de 2008. Il s’agit à l’occurrence : d’une politique de dérégulation abrogeant les

règles strictes pour la libéralisation financière et favorisant la baisse des taux d’intérêt,

du non-respect par les banques des règles prudentielles proposées par le comité de Bâle,

de l’inefficacité des méthodes et des outils des autorités prudentielles, du

développement de prêts à risque octroyés à des emprunteurs peu solvables, de la

mauvaise politique de gestion de risque, de l’expansion et du manque d’encadrement

du système bancaire parallèle, de la dérèglementation des agences de notation et

finalement, de la montée fluorescente de la technique de titrisation qui se réalise grâce

à des produits financiers complexes et opaques. La question du rapport de l’innovation

au droit a également été analysée, ainsi que celle de l’importance de la confiance sur

les marchés. Par la suite, notre sujet étant la crise des subprimes, et plus précisément

l’opération de titrisation, nous nous sommes posé la question de savoir quelles

démarches effectuer pour résoudre le problème de l’inadéquation des règles de droit à

la titrisation et à la gestion des risques financiers qui lui sont afférents. Nous reposant

sur notre cadre théorique, qui est la règlementation de la finance par un droit renouvelé

et négocié qui épouse les réalités sociales et les aspirations des différents acteurs, nous

avons émis l’hypothèse selon laquelle l’éthique pourrait être un moyen complémentaire

et alternatif de penser le droit sur les marchés financiers. Notre méthodologie de

recherche a donc été de circonscrire notre champ d’analyse (qui est la crise des

subprimes et le rôle que la titrisation y a joué) et d’élaborer les outils dont nous aurons

besoin pour l’analyse des faits. Nous avons alors essentiellement exploité les dispositifs

règlementaires, nationaux et internationaux, mis en place après la crise de 2008. De

Page 424: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

410

manière plus précise, nous avons analysé les lois nationales de quatre juridictions

(l’Europe, les États-Unis, le Canada et le Québec), les normes internationales en la

matière, la doctrine et la jurisprudence. Afin de présenter nos idées, nous avons

structuré ce travail en trois parties. Nous avons opté pour ce plan parce qu’il nous a

permis d’expliquer l’historique des défaillances du marché. Après cette explication, il

était alors plus facile d’aborder la crise actuelle et ses déviances, et enfin analyser et

envisager les moyens qui permettraient l’occurrence des crises de même type.

La première partie, après avoir précisé ce qui signifie le mot « régulation » dans

la thèse, a défini le cadre théorique de la thèse. Pour la rédaction de cette thèse, nous

avons choisi la théorie de l’encadrement des marchés. Pour nous, l’encadrement

optimal des marchés doit prendre en compte les besoins du marché, les règles de droit

et la responsabilité des différents acteurs du marché et de chaque maillon de la chaîne

social. Nous avons ensuite présenté les crises financières passées et les différents

processus de résolution, ce qui a permis de se rendre compte que celles-ci se

déclenchaient sensiblement de la même façon : le défaut de liquidité, la cupidité

prédatrice des acteurs financiers, les produits dérivés dérégulés, l’arbitrage

règlementaire, l’arbitrage de taux d’intérêt, l’attentisme des agences de notation, une

mauvaise supervision et l’effet systémique des crises. Et elles produisaient également

les mêmes effets : éclatement de la bulle spéculative, climat de méfiance sur les

marchés, resserrement du crédit, crise économique, etc. Alors, il a été légitime de

s’interroger sur ce perpétuel retour des crises. L’analyse des faits nous a permis de

comprendre que la libéralisation financière y était pour beaucoup, d’où l’importance

d’opter encore plus pour la régulation des marchés. Par la suite, nous avons abordé la

crise des subprimes. Pour mieux la cerner, nous avons trouvé intéressant de présenter

l’opération de titrisation et la complexité de son processus. Par la suite, nous avons

analysé le rôle joué par l’opération lors de la crise. En effet, les instruments dérivés

utilisés dans l’opération de titrisation ont créé une bulle spéculative. Et, puisqu’ils

étaient complexes et ésotériques, ils ont profité de la méconnaissance des emprunteurs

et des investisseurs et des imperfections du marché. Le constat que nous faisons est que

leur encadrement règlementaire, pendant la formation de la bulle spéculative, était

inadapté et hésitant. À la fin de cette première partie, nous avons retenu que le présent

avait beaucoup à apprendre du passé. La nouveauté, avec toute l’exaltation qu’elle

Page 425: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

411

suscite et tous les profits qu’elle peut générer, ne devrait pas occulter les effets pervers

de son effet de levier. De plus, nous avons constaté, une fois de plus, que la théorie de

l’efficience des marchés a été ébranlée. À l’avenir, il faudrait renforcer la

règlementation; et afin que les règles d’encadrement des marchés soient plus

efficientes, il faudrait prendre en compte non seulement les risques systémiques, mais

également les risques individuels, c’est-à-dire les rapports juridiques entre les

différents intervenants de l’opération.

La deuxième partie a été dédiée à la présentation de la technicité et des nuances

juridiques de l’opération de titrisation. Nous avons déduit après analyse que la

titrisation est un processus jonché de contrats. Seulement, avec la rapidité et la célérité

des marchés, les obligations et les responsabilités généralement attachées à ces contrats

ne sont pas totalement respectées. Or, la formalisation des rapports est un élément

important dans les échanges sur les marchés financiers. Celle-ci permet une meilleure

allocation des responsabilités. Ainsi, l’encadrement règlementaire devrait prendre en

compte aussi bien la structuration juridique de l’opération et des instruments dérivés,

que les comportements des différents intervenants. À côté de la technicité juridique, la

croissance de la taille du système bancaire parallèle incite une réflexion sur la

responsabilisation des acteurs de la chaîne dans une opération de titrisation et sur celle

de la supervision des institutions financières dans leur globalité. Par ailleurs, les

différentes réponses règlementaires, tant internationales que nationales, pour

l’encadrement de l’opération de titrisation et de tous les autres aspects sous-jacents à

l’encadrement de cette opération ont également été analysées. Ces réponses

interviennent dans une ambiance d’opacité généralisée sur les marchés. Qui dit opacité,

dit méfiance après l’éclatement de la bulle spéculative. En outre, sur le plan

international, plusieurs chantiers de régulation ont été lancés au lendemain de la crise.

Les recommandations émises ont été intégrées, ou sont en voie de l’être, dans le corpus

législatif des différents États. L’on se rend compte que, malgré les différences

juridictionnelles, les régulateurs ont une démarche unique et cohérente; ils ont tous

pour objectif le retour de la stabilité sur les marchés. La question de la règlementation

soulève également celle de la mesure : il faudrait règlementer, mais une règlementation

souple est préférée afin d’éviter l’arbitrage règlementaire. Toutefois, une

règlementation souple ne signifie pas un délaissement volontaire de certains champs

Page 426: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

412

éprouvés lors de la crise tels que la qualification juridique de la fiducie dans la

titrisation. Toujours dans l’optique de trouver une réponse au phénomène d’arbitrage

règlementaire, la question de la concurrence règlementaire est soulevée. En effet, la

mondialisation crée une forte connexion entre les différentes juridictions. Une

coordination des chantiers règlementaires, sur le plan national ou international, s’avère

nécessaire aussi bien pour décourager les actes de contournement de la loi, que pour

permettre une mise à jour constant du support législatif. Au terme de cette partie, nous

sommes on ne peut plus d’accord sur la nécessité d’avoir les règles claires pour

l’encadrement de l’opération de titrisation. La confiance, qui est ici le gage d’un

investissement durable, ne devrait plus seulement se baser sur les relations d’affaires,

car sur les marchés l’intérêt individuel prime sur les intérêts collectifs. Mais cette

confiance devrait plutôt se focaliser sur la légalité de ces relations. Pour restaurer la

confiance, la première étape serait de réintégrer le droit dans le processus de titrisation

pour un meilleur partage des responsabilités. Les juridictions nationales et les instances

internationales ont la responsabilité de mettre ce droit à jour et à la disposition de

chaque acteur.

La troisième partie nous a permis d’apporter notre pierre à l’édifice en

proposant des éléments à considérer pour améliorer la régulation de l’opération de

titrisation. Notre attention s’est essentiellement portée sur le rôle joué par la fiducie

dans une opération de titrisation. Aujourd’hui avec l’utilisation des instruments dérivés

de la finance qui sont de plus en plus complexes, les contrats financiers sont de plus en

plus nébuleux. Dans le cadre de l’opération de titrisation, l’internationalisation des

échanges rend les engagements contractuels encore plus flous. Le véhicule de

titrisation est pour nous l’organe qui est à même d’égaliser tous les acteurs financiers

partis à une opération de titrisation. Ces acteurs ont souvent recours à l’arbitrage

règlementaire et choisissent les juridictions qui proposent un régime juridique et fiscal

plus souple. Afin d’encadrer l’opération, nous avons pensé à la mise en place d’une

fiducie-titrisation qui sera le référentiel pour toute opération de titrisation. Le régime

juridique applicable à cette fiducie-titrisation sera celui du Québec qui innove avec son

patrimoine d’affectation. Cette autonomie patrimoniale repose sur deux éléments

essentiels : la cession parfaite et le fait que le véhicule de titrisation doit être

juridiquement établi de façon à être uniquement en mesure de participer aux opérations

Page 427: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

413

de titrisation. La proposition de ce référentiel (Québec) rejoint l’idée d’harmonisation

évoquée ci-dessus. Nous pensons qu’en standardisant les règles applicables aux

véhicules de titrisation, cela pourrait faciliter leur gouvernance. Par ailleurs, la

responsabilisation éthique des intervenants de l’opération de titrisation est pour nous

essentielle dans la mesure où celle-ci va permettre de dépasser les intérêts individuels

et d’impulser un changement vers le bas. C’est là notre deuxième recommandation.

Nous ne parlerons plus d’une éthique individuelle, mais d’une éthique collective. Cette

impulsion va permettre d’aboutir à une « titrisation responsable » dans sa globalité.

Cette troisième partie a permis de dépasser les réponses règlementaires jusqu’ici

élaborées. Il était important de relever les inégalités qui existent entre les différentes

juridictions. Alors, afin de permettre aux acteurs financiers d’échanger sur une base

égalitaire, nous avons trouvé nécessaire de penser à un régime qui épouserait les

spécificités des différentes juridictions et qui permettrait d’assurer une meilleure

allocation des responsabilités. Cette partie a également permis de comprendre

l’importance du partage des responsabilités. Un acteur financier sera toujours appelé à

transiger avec d’autres acteurs sur le marché. L’éthique serait alors l’outil approprié

pour permettre à ceux-ci d’améliorer leurs comportements et leurs rapports au profit à

tous les prix. Elle est également un outil qui pourrait être utilisé pour une meilleure

convergence règlementaire.

Notre avis conclusif est que les crises passées ont trouvé leur origine dans les

processus de libéralisation et de mondialisation financières entamées à différentes

périodes, mais les retombées sur les systèmes bancaires ont pris pratiquement la même

forme. La crise des subprimes n’est pas en reste. Toutefois, c’est probablement la

première crise résultant des risques des acteurs. En effet, si dans le passé l’origine des

crises était plutôt industrielle (bulle internet) ou encore spéculative (crises de 1930 et

de 1987 par exemple), la crise actuelle s’est nourrie directement des risques des acteurs

grâce à la titrisation qui a contribué à complexifier la traçabilité des risques avec

l’utilisation des instruments financiers ésotériques. De plus, c’est à la suite des

défaillances prises individuellement (Chute du prix de l’immobilier, mauvaise

politique des taux d’intérêt, diminution de la valeur des hypothèques, insolvabilité des

emprunteurs, insolvabilité des acteurs financiers) qu’est née la systémique crise des

subprimes. C’est la raison pour laquelle nous avons pensé à un paradigme

Page 428: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

414

d’encadrement règlementaire qui prendrait en compte l’éthique des acteurs partis à une

transaction complexe, dans notre cas, à une opération de titrisation.

Cependant, tout cela ne doit pas mettre en cause le bien-fondé même des

marchés financiers. Il y a certes du mauvais, mais il y a du bon également. Les marchés

financiers contribuent largement à la croissance économique. À titre d’exemple, la

titrisation, fin produit de la finance, est montrée du doigt aujourd’hui, mais elle reste

un moyen pour les banques d’améliorer leur liquidité; elle est également un excellent

outil de gestion de bilan et de gestion de risques.

Il est bien vrai que les innovations financières sont difficiles à prendre en

compte, car elles défient les prévisions et l’analyse prospective. Par exemple, la

titrisation est une innovation qui a franchi beaucoup de frontières et qui évolue, dans

chaque pays, dans un cadre précis et selon des normes déterminées répondant aux

besoins qui lui sont propres. Du montage de la structure à sa réalisation, la titrisation

est une opération longue et complexe. Pour la complexité, il nous suffit de voir le

nombre des intervenants dans l'opération, l'organisation des structures juridiques, la

multiplicité des étapes à franchir et les divers problèmes juridiques qui en découlent.

Cependant, cela n’occulte pas ses avantages et mérite que l’on se penche un peu plus

sur son encadrement.

En abordant la question de son encadrement règlementaire, nous avons amorcé

la réponse à notre problématique posée au départ. En effet, nous sommes conscients de

l’importance de l’harmonisation règlementaire sur le plan international. Nous sommes

également conscients des polémiques qui entourent nos recommandations dans ce sens.

Au droit mou, nous préférons la rigueur. Ainsi, choisir uniquement l’option de la

concurrence règlementaire ne produira aucun impact. En effet, la concurrence

règlementaire est ce qui est recommandé actuellement aux différentes. À travers le droit

mou, il est possible de changer les choses à condition qu’une assimilation des

recommandations par les législateurs nationaux se fasse par la suite. Toutefois, il

faudrait reconnaître que le problème de la spécificité juridique de la fiducie, propre à

chaque juridiction, ne serait pas réglé avec de simples recommandations, du moins en

ce qui concerne l’opération de titrisation des créances.

Ainsi, au-delà de l’harmonisation minimale que nous préconisons, nous pourrions alors

suggérer d’envisager l’approche de la réciprocité transférable (portable reciprocity) de

Page 429: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

415

Choi et Guzman (1998)1117 qui est en soi une forme de concurrence règlementaire.

Cette approche est une extension de la notion d’accord de reconnaissance bilatérale.

Par exemple, deux institutions de deux juridictions différentes, parties à une opération

de titrisation, peuvent s’entendre pour que celle qui satisfait aux exigences dans la

juridiction d’origine puisse opérer dans le pays hôte. C’est le principe utilisé entre le

Canada et les États-Unis dans le cadre du Multijurisdictional Disclosure System

(MJDS). Afin de faciliter les transactions transfrontalières de valeurs mobilières, la

Commission des valeurs mobilières des États-Unis (SEC) et les autorités canadiennes

en valeurs mobilières (Canadian Securities Administrators) ont adopté récemment un

système de divulgation multijuridictionnelle (MJDS) à utiliser entre les États-Unis et

chacun des provinces et territoires du Canada. Le MJDS vise à alléger les difficultés

rencontrées par ceux qui cherchent à financer des projets transfrontaliers et à

encourager les autres à envisager un financement transfrontalier1118.

La réciprocité transférable permet la rapidité des opérations et la limitation de la

surrèglementation. Cela représente un bon point pour les marchés financiers dans la

mesure où une surabondance de règles est parfois pénalisante pour la célérité des

transactions. Cependant, cette approche de la concurrence règlementaire ne peut

fonctionner que si les diverses juridictions s’entendent sur des normes minimales.

Néanmoins, nous pensons que la reconnaissance mutuelle a des chances raisonnables

de succès si elle ne concerne qu’un plus petit nombre de pays (par exemple ceux qui

ont un système règlementaire semblable.). Sur la question de la fiducie, il est difficile

d’avoir une conformité au niveau du système règlementaire. Mais, comme nous l’avons

dit, nous pourrions nous référer au droit québécois qui propose une mixité parfaite entre

le droit civil et la common law.

La réponse à la problématique continue avec la mention de l’apport de l’éthique

dans la régulation des marchés. En effet, l’analyse des différentes théories de

1117 J-M. SURET et C. CARPENTIER, préc. note 742, pp.92-93. 1118 Anna T. DRUMMOND, « Securities Law Internationalization of Securities Regulation -

Multijurisdictional Disclosure System for Canada and the U.S.», (1991)36 Vill. L. Rev. 775. En ligne :

< http://digitalcommons.law.villanova.edu/vlr/vol36/iss3/2 >, (consulté le 20 mars 2017). Voir

également le National instrument 71-01 The Multijurisdictional disclosure system. En ligne :

< https://www.bcsc.bc.ca/Securities_Law/Policies/Policy7/PDF/NI_71-101/ > (consulté le 20 mars

2017).

Page 430: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

416

règlementation des marchés financiers nous a inspiré l’idée d’une nouvelle théorie qui

se veut complémentaire à celles existantes : celle de l’économie de la confiance. Pour

nous, l’économie de la confiance sera celle où la croissance des marchés dépendrait en

partie de la saine relation entre les acteurs financiers. Au-delà des différentes positions

adoptées par les théoriciens, qui encouragent ou qui sont contre la régulation, nous

pensons que la confiance est l’élément principal de la stabilité des marchés : c’est un

actif immatériel qu’il faudrait dorénavant considérer dans l’élaboration des mesures

d’encadrement. La confiance ne se décrète pas, elle se construit et se gagne avec le

temps, entre les acteurs. La confiance est donc un résultat. Et dans l’optique d’atteindre

ce résultat, les acteurs financiers doivent respecter les règles, et surtout, ils doivent

transcender la recherche du profit en mettant les rapports humains et sociaux au centre

des échanges sur les marchés. Ainsi, la construction de la confiance pourrait participer,

dans une certaine mesure, de la régulation des marchés financiers. Eloi Laurent1119

pense même que la confiance, l’autorité et la légitimité constituent les trois piliers qui

permettent aux hommes de construire une société. À notre avis, la valorisation de cette

théorie passe par la promotion et la mise en œuvre de l’éthique dans les structures et

les transactions financières. Plus précisément, l’économie fondée sur la confiance

implique donc la reconnaissance de l’importance accordée aux générations futures et à

la prise en compte des rapports humains et sociaux dans la réalisation des

investissements financiers. Selon Lalonde qui s’exprimait au sujet de la régulation par

le droit, « en aucun cas dans l’approche positiviste du droit, la détermination de la

norme se construit par rapport à ses destinataires, dans le monde vécu, sans médiation

et réception par le droit étatique et ses acteurs assignés. Or, la normativité éthique

semble intrinsèquement devoir se construire dans ce monde vécu.»1120 L’hypothèse

formulée par nous au départ se vérifie donc amplement.

Nous finirons en citant Winston Churchill qui disait que « les pessimistes

considèrent les opportunités comme des contraintes et les optimistes, les contraintes

comme des opportunités. » À notre tour, nous voulons agir comme des optimistes en

considérant la crise des subprimes comme une contrainte qui nous permettra de

1119 Laurent ÉLOI, Économie de la confiance, Paris, La Découverte, « Repères », 2012, 128 pages. 1120 L. LALONDE , préc. note 1090, p. 117.

Page 431: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

417

développer davantage d’opportunités vues ici en termes de résilience. Que ce soit à

travers la loi, ou la règlementation, l’éthique ou même des modèles financiers, l’idée

est de toujours être à mesure d’optimiser sous contraintes de disponibilité. Ainsi

l’après-thèse sera consacrée essentiellement à améliorer le mécanisme de

responsabilisation des acteurs financiers, et ce, en explorant l’avenue de

l’uniformisation et de la durabilité des règles qui régissent les marchés financiers. Dans

cette perspective, si le système juridique est plutôt autonome dans la gestion de ses

règlementations et dispose de mécanismes pour diligenter leur mise en œuvre, la

question de la force obligatoire des règles d’éthique dans l’encadrement des marchés

financiers pourrait représenter une problématique intéressante à analyser à profondeur.

Page 432: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

418

BIBLIOGRAPHIE

TRAITÉS ET OUVRAGES (GÉNÉRAUX ET SPÉCIALISÉS)

AGLIETTA, M. et S., RIGOT, Crise et renovation de la finance, Paris, Edition Odile

Jacob, 2009.

AGLIETTA, M., La crise. Les voies de sortie, 2e édition, Paris, Michalon, 2010.

ANSON, M. J. P., F. J., FABOZZI, M., CHOUDHRY et R.-R., CHEN, Credit Derivatives:

Instruments, Applications, and Pricing, vol. 133, Hoboken, New Jersey, John

Wiley & Sons, 2004.

APPLBAUM, A. I., Ethics for adversaries. The Morality of Roles in Public and

Professional life, Princeton University Press, New-Jersey, 1999.

ATAPATU, S., Emerging Principles of International Environment Law, Ardsley,

Transnational Publishers, 2006.

BASTIN, J., L’assurance-crédit dans le monde contemporain, Paris, Éd. Jupiter-

Éditions de Navarre, 1978.

BAUDOIN, J-L., Les obligations, 4e éd., Cowansville, Éditions Yvon Blais, 1993.

BEAULNE, J., Droit des fiducies, 2e éd, Montréal, Wilson et Lafleur, 2005.

BECK, U., La société du risque, sur la voie d’une autre modernité, Paris, Flammarion,

2001.

BÉRAUDO, J-P., Les trusts anglo-saxons et le droit français, Paris, LGDJ, 1992.

BESSY, C., T., DELPEUCH et J., PÉLISSE, Droit et régulations des activités

économiques : perspectives sociologiques et institutionnalistes, Coll. « Droit et

Société », Paris, L.G.D.J., 2011.

BIANCO, K-M., The Subprime Lending Crisis: Causes and Effects of the Mortgage

Meltdown, CCH, Wolters Kluwer Law & Business, 2008.

BONNEAU, T. et F. DRUMMOND, Droit des marchés financiers, 3e édition, Paris,

Economica, 2010.

BOULAT, P-A. et P-Y. CHABERT, Les Swaps : technique contractuelle et régime

juridique, Paris, Édition Masson, 1992.

BRUNO, E. A., Global Financial Crisis, Navigating And Undestanding The Legal And

Regulatory Aspects, Londres, Globe law and business publishing ltd, 2009.

Page 433: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

419

CAPLOVITZ, D., Consumers in trouble: A study of debtors in default, New-York, Free

Press, 1974.

CARBONNIER, J., Flexible droit, Textes pour une sociologie du droit sans rigueur, 10e

éd., Paris, LGDJ, 2001.

CATILLON, V., Le droit dans les crises bancaires et financières systémiques, coll. «

Droit & Économie », Paris, L.G.D.J. Lextenso éditions, 2011.

CHAPUT, Y., Le droit au défi de l’économie, coll. « Droit économique », Paris,

Publications de la Sorbonne, 2002, 256 pages.

CHAVAGNEUX, C., Une brève histoire des crises financières. Des tulipes aux subprimes,

Paris, Ladécouverte/Poche, 2013.

CHAZEL, F. et J., COMMAILLE, Normes juridiques et régulation sociale, Paris, LGDJ,

1991.

CHEVALLIER, J., L’État post-moderne, 2e Édition, Paris, LGDJ, 2004.

COHEN, É., Penser la crise. Défaillance de la théorie du marché de la régulation, Paris,

Fayard, 2010.

COLLINS, P., M., J. TREBILCOCK et R., A. WINTER, The Law and Economics of

Canadian Competition Policy, Toronto, University of Toronto Press, 2003.

CORDONIER SEGGER, M-C.et A. KAH, Sustainble Development Law: Principles,

Practices, And Prospects, Oxford, Oxford University Press, 2004COURCHESNE,

T.J., Economic Management and the Division of Powers, vol. 67, the Collected

research studies/Royal Commission on the Economic Union and Development

Prospects for Canada, Toronto, University of Toronto Press, 1986.

COURET, A. et A., PRÜM, La titrisation, Bruxelles, Anthemis, 2008.

COURET, A. et H., Le NABASQUE et al., Droit financier, Coll. « Précis droit privé», 1ère

Édition, Paris, dalloz, 2008.

DAVID, R., Le droit anglais, coll. « Que sais-je ? », Paris, Presses Universitaires de

France, 1965.

DE BRITO, C., L’investissement socialement responsable, Paris, Economica 2005.

DE SERVIGNY, A., Le risque de crédit. Nouveaux enjeux bancaires, Coll. « Gestion sup

», Paris, Éditions Dunod, 2001.

DEFFAINS, B. et É., LANGLAIS, L’analyse économique du droit. Principes, Méthodes,

Résultats, Coll. « Ouvertures économiques », Bruxelles, De Boeck, 2009.

Page 434: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

420

DEMARIA, C., Développment durable et finance, Paris, Éditions Maxima, 2004, 255

pages.

DUFAU, D., L'étrange désastre. Le saccage de la prospérité, Paris, Cercle des

Économiste E-toile, 2015, p. 172.

ÉLOI, L., Économie de la confiance, Paris, La Découverte, « Repères », 2012,

128 pages.

FEREY, S., Une histoire de l’analyse économique du droit, calcul rationnel et

interpretation du droit, coll. « droit et économie », Bruxelles, Bruylant, 2008.

FORTI, V., La titrisation des créances en droit comparé, coll. « Thèses », Paris, Institut

Universitaire Varenne, 2013.

FRACHOT, A. et C., Gourieroux, Titrisation et remboursements anticpés, coll. «

Économie et statistiques avancées », Paris, Economica, 1995.

FRIEDMAN, M. et R., Friedman, Free to choose, New-york, Éd. Osler, Hoskin et

Harcourt, 338 pages.

FRIEDMAN, M., Capitalism And Freedom, Chicago university of Chicago press, 1962,

202 pages.

FRISON-ROCHE, M-A., (Dir.), Les régulations économiques : légitimité et efficacité,

Paris, Presses de Sciences Po et Dalloz, 2004.

FRISON-ROCHE, M-A., Règles et pouvoirs dans les systèmes de régulation, Paris,

Presses de Sciences-Po/Dalloz, 2004.

GALBRAITH, J. K., Brève histoire de l'euphorie financière, Paris, édition du Seuil, 1992.

GAUDEMET, A., Les dérivés, coll. « Recherches Juridiques », Paris, Economica, 2010,

344 pages.

GAUVIN, A., Droit des dérivés de crédit, Paris, Revue Banque, 2003.

GAYRAUD, J-F., Grande Fraude (La): Crime, subprimes et crises financières, Paris,

Odile Jacob, 2011, 272 pages.

GAZIER, B., John Maynard Keynes, coll. «Que Sais-je», Paris, PUF, 2014.

GAZIER, B., La crise de 1929, coll. « Que sais-je? », Paris, PUF, 2009.

GRANIER, T. et C., JAFFEUX, La titrisation. Aspect juridique et financier, 2e édition,

Paris, Economica, 2004.

GRAVEREAU, J. et J., Trauman, Crises financières, Paris, Economica, 2001.

Page 435: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

421

GUERTIN, G. et F. LEROUX, Le marché des pensions. Les opérations de repo et les prêts

de titres, Paris, Economica, 2001.

GUICHARD, S., La défaite financière du Japon, Paris, Economica, 1999.

HALPERN, P., C. CAKEBREAD, C.C. NICHOLLS et P. PURI., Back from the brink : lessons

from the Canadian asset-backed commercial paper crisis, University of

Toronto Press, Toronto, 2016

HARRISSON, D., V. MANGEMATIN et C. THUDEROZ (dir.), Confiance. Approches

économiques et socioloagiques, Paris, Gaetan Morin, 1999.

HAYEK, F. A., La route de la servitude, Paris, Éd. M. Th. Génin, 1947.

HENRY, G.M., La crise de 1929, coll. « cursus économie », Paris, Armand Colin, 2000.

HSU, S., Financial crisis, 1929 to present, Cheltenham, Edward Elgar Pub., 2013.

JORION, P., La crise. Des subprimes au séisme financier planétaire, Paris, Fayard,

2008.

JORION, P., Le Capitalisme à l'agonie, Paris, Fayard, 2011.

KELADA, H., Précis de droit privé québécois, Montréal, SOQUIJ, 1986.

KEYNES, J.M., The collected writings of John Maynard Keynes, New York, St. Martin's

Press, for the Royal Economic Society, 1971.

KEYNES, J.M., The End of Laissez Faire. The Economic Consequences Of The Peace,

Californie, Prometheus Books, 2004.

KINDLEBERGER, C.P., Manias, Panics, And Crashes: An History Of Financial Crisis,

3e éd., New-York, Wiley, 1996.

KIRAT, T.et É., SERVERIN (dir.), Le Droit dans l'action économique, Paris, CNRS

Éditions, 2000.

KOTHARI, V., Securitization: The Financial Instrument of the Future, New-Jersey,

John Wiley & Sons, 2006.

KRONMAN, A. T., Max Weber, Stanford University Press, 1983, 214 pages.

KRUGMAN, P., Pourquoi les crises reviennent toujours? Nouvelle édition, Paris, Seuil,

2009.

LACASSE, N., Droit de l’entreprise, 9e édition, Québec, les Éditions Narval, 2015.

LACOURSIÈRE, M., G., BRISSON, M., NACCARATO, R., CRÊTE (dir.), La confiance au

cœur de l’industrie des services financiers : actes du colloque tenu à l’université

Laval, le 18 septembre 2009, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009.

Page 436: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

422

LACROIX, A., et A., MARCHILDON, Quelle éthique pour la finance? Portrait et analyse

de la finance socialement responsable, Québec, PUQ, 2013.

LAUTIER, D. et Y., SIMON, Finance internationale, 9e édition, Paris, Economica, 2005.

LAVOISIER, A., Traité élémentaire de chimie, Paris, Cuchet, 1789.

LE CANNU, P., T., GRANIER et R., ROUTIER, Instruments de paiement et de crédit,

Titrisation, 8e édition, Paris, Dalloz, 2010.

LE HIR. C., Le fonds communs de créances. La titrisation (loi du 23 décembre 1988),

vol. n°2, Paris, Revue Banque, 1994.

LE RAPPORT MORAL SUR L’ARGENT DANS LE MONDE, La crise de la finance. L’accès

des particuliers aux services bancaires. Les enjeux éthiques, Paris, Association

d’Économie Financière, 2008.

LEGEAIS, D., Les sûretés, Paris, LGDJ, 1996.

LEPAULLE, P., Traité théorique et pratique des trusts en droit interne, en droit fiscal et

en droit international, Paris, Rousseau, 1932.

LEWIS, A., Morals, Markets And Money. Ethical, Green And Socially Responsible

Investing, Londres, Prentice Hall/ Financial Times, 2002.

MACKAAY, E. et S., ROUSSEAU, Analyse économique du droit, 2e éd., Paris/Montréal,

Editions Dalloz/Thémis, 2008.

MAITLAND, F. W., Equity, also the forms of action at common law, Two Courses of

Lectures, Cambridge, Cambridge university press, 1929MANUEL D’OSLO,

Principes directeurs pour le recueil et l’interprétation des données sur

l’innovation, 3e édition, Paris, OCDE, 2005.

MARQUIS, P-Y., La responsabilité civile du notaire officier public, Tome I Causes

principales, Ottawa, Éd. U. d'Ottawa, 1977.

MISHKIN, F., C., BORDES, P.-C. HAUTCOEUR, D. LACOUE-LABARTE et X. RAGOT,

Monnaie, banque et marchés financiers, 9e edition, Paris, Pearson, 2010.

MORAND, C-A., (Dir.), Le droit saisi par la mondialisation, vol. 46, Bruxelles,

Bruylant, 2001.

NORMAND, S., Introduction au droit des biens, Montréal, Wilson & Lafleur ltée, 2000

PAVOINE, J., Les trois crises du 20e siècle, Paris, Éd. Ellipses, 1994.

PETIT-DUTAILLIS, G., Le crédit et les banques, Paris, L’Économique n°16, Édition

Sirey, 1964.

Page 437: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

423

PIEDELIÈVRE, S. et E. PUTTMAN, « Droit bancaire », Paris, Economica, 2011.

POLLOCK, P. et F.W., MAITLAND, The History of English Law, 2e édition, Volume 2,

Cambridge, Cambridge University Press, 1968

PORTELLI, C., L’assurance collective des prêts aux consommateurs, Presses

universitaires d’Aix –Marseille, 1987.

POSNER, R.A., Economic analysis of law, Boston, Litlle, Brown, 1986.

POUGHON, J-M, Aubry et Rau : leurs œuvres, leurs ensiegnements, Strasbourg, Presses

universitaires de Satrasbourg, 2006.PRÜM, A. et C., WITZ, Trust et fiducie. La

Convention de La Haye et la nouvelle législation luxembourgeoise. Actes du

Colloque tenu au Luxembourg le 11 décembre 2003, coll. « Grands colloques

», Paris, Montchrestien, 2005, 274 pages.

PRÜM, A. et al. La titrisation, coll. « Vie du droit bancaire et financière », Louvain La

Neuve, Anthemis, 2008.

PRÜM, A., À l’ombre des banques…, Québec, Éditions Yvon Blais, 2014.

QUIQUEREZ, A., La titrisation des actifs intellectuels: Au prisme du droit

luxembourgeois, Bruxelles, Primento, 2013.

RAMOS MUNOZ, D., The law of transnational securitization, New-York, Oxford

university press, 2010

RAPPORT MORAL SUR L’ARGENT DANS LE MONDE, La lutte contre la criminalité et les

délits financiers; Grands enjeux de la crise financière, Paris, Association

d’Économie Financière 2011-2012.

RAPPORT MORAL SUR L’ARGENT DANS LE MONDE, Remettre la finance au service de

l’homme et de la société, Paris, Association d’Économie Financière, 2010.

RICOEUR, P., Soi-même comme un autre, Paris, Le Seuil, 1990.

RINGE, W-G., Arbitrage et concurrence règlementaires dans la gouvernance des

marchés des capitaux mondiaux, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2015.

ROCHER, G., Études de sociologie du droit et de l’éthique, Montréal, Éditions Thémis,

1996.

ROSE, N.L., Economic Regulation and Its Reform: What Have We Learned? University

of Chicago Press, 2014.

SANDER, P., Bernard Madoff. L’ecroc du siècle, Champs-sur-Marne, Music &

Entertainment Books, 2009, 285 pages.

Page 438: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

424

SANTAYANA, G., The Life of Reason; Or, The Phases of Human Progress:

Introduction, and Reason in common sense, New-York, Charles Scribner’s

Sons, Université du Michigan, 1936.

SAVATIER, R., Le creux du Droit positif au rythme des métamorphoses d’une

civilisation, Bruxelles, Éd. Bruylant, 1968.

SAVATIER, R., Les Métamorphoses économiques et sociales du droit privé

d’aujourd’hui, 2eme série : l’universalisme renouvelé des disciplines juridiques,

3eme série : approfondissement d’un droit renouvelé, Paris, Dalloz, 1959.

SCHUMPETER, J., Capitalisme, socialisme, démocratie, Paris, Petite bibliothèque Payot,

1951.

SCHUMPETER, J., Théorie de l’évolution économique. Recherche sur le profit, le crédit,

l'intérêt et le cycle de la conjoncture, Paris, Dalloz, 1935, (traduction française

1935).

SCHWARCZ, S. L., Structured Finance, A Guide to The Principles of Asset

Securitization, New-York, Practising Law Institute, 1993.

SHILLER, R., irrational exuberance, Princeton university press, 2000

SMITH, A., Recherches sur la nature et les causes de la richesse des nations, Paris,

Flammarion, 1991.

STIGLITZ, J.E., The Roaring Nineties. A New History Of The World's Most Prosperous

Decade, 1ère édition, London, Norton paperback, 2004.

THOMPSON, J.K., La titrisation. Une perspective internationale, Paris, OCDE, 1995.

UNDERHILL, A., Law Relating To Trusts And Trustees, London, butterworth, 1959.

VALETTE, J-P., Droit de la régulation des marchés financiers, Paris, Gualino éditeur,

mémento LMD, 2005.

VAN OMMESLAGHE, P., Droit des obligations, Tome 3, Bruxelles, Bruylant, 2010.

VINCENT, T., Oser entreprendre. Les voies du succès, Bruxelles, Racine, 2007.

VON MISES, L., Politique Économique. Réflexions et pour aujourd’hui et pour demain,

Paris, Éditions de l’Institut Économique de Paris, 1983.

WALRAS, L., Éléments d’économie politique pure ou théorie de la richesse sociale,

Lausanne, L. Corbaz & cie, 1874, 208 pages.

WAQUET, I., Crises et politiques économiques, Paris, PUF, 1998.

WEBER, D., Leviathan de Hobbes, Paris, éditions Bréal, 2003.

Page 439: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

425

WEBER, M., Économie et société, traduction française de Julien Freund et al. sous la

direction de Chavy, J., et É., de Dampierre, Paris, Plon, 1971.

WEBER, M., Le savant et le politique, Paris, Plon, 10/18, 1995.

WENDELL HOLMES, O., The Common Law, 1881 (édité par Mark DeWolfe Howe, Back

Bay Books, 1963).

WITZ, C, La fiducie en droit privé français, Paris, Economica, 1981.

THÈSES ET MÉMOIRES

AHOYO, R., La titrisation des créances bancaires : une étude en droit comparé,

Mémoire pour l’obtention d’une maîtrise en droit (LL.M), université Laval,

1997.

CASTEL, P., La titrisation et la nouvelle règlementation Bâle II. Aspects techniques et

stratégiques, Mémoire pour l’obtention du Diplôme des Études Supérieures

Spécialisées, Paris, Conservatoire National des Arts et Métiers (CNAM), 2003.

GUINCHARD, S., Essai d’une théorie générale de l’affectation des biens en droit privé

français, thèse de doctorat en droit, Lyon, Université Jean Moulin – Lyon 3,

Paris, Librairie générale de droit et de jurisprudence, 1976.

HUBERT, J., Les nouveaux défis juridiques de la titrisation aux États-unis et en Europe,

Mémoire de Master 2 recherche de droit européen, Paris, Université Paris 2

Panthéon-Assas, 2013.

JAOUDI, M., Gestion des résultats à travers les montages fnanciers de titrisation : Cas

des sociétés françaises côtées, thèse de doctorat, Nice, Sciences comptables,

Université de Nice Sophia Antipolis, 2011.

KOUAKOU, T.G-O., La finance et l'éthique dans un environnement financiarisé : le cas

de la finance solidaire, Thèse de doctorat, Toulouse, Université de Toulouse 2

Le Mirail, 2012.

MUSTEANU, C., La réforme Dodd-Frank des produits dérivés de gré à gré : vers un

modèle mondial ? Mémoire présenté à la Faculté des études supérieures en vue

de l’obtention du grade de Maîtrise en droit, option droit des affaires, Montréal,

Université de Montréal, 2015

Page 440: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

426

SABBAH, C., Concurrence intergouvernementale et intérêt national dans le domaine

des valeurs mobilières au Canada, Mémoire de maîtrise, Montréal, Faculté de

droit, Université de Montréal, 2006.

SILSA, R., Comment l’Accord de Montréal a-t-il permis de restaurer la confiance des

acteurs de marché dans le modèle d’affaires du PCAA? Mémoire de maîtrise,

Paris, Master 2 recherche Politique Générale et Stratégie des Organisations,

Université Dauphine 2013/2014.

SOLHINAC, M., L’ISR: un processus de destruction créatrice, Thèse de doctorat, Saint-

Quentin-en-Yvelines, Laboratoire Centre d’études sur la mondialisation, les

conflits, les territoires et les vulnérabilités, Université de Versailles Saint-

Quentin-en-Yvelines, 2015.

TARTARI, D., La régulation des marchés des capitaux, Thèse de doctorat en sciences

économiques et sociales, Faculté des sciences économiques et sociales de

l’université de Fribourg (Suisse), 2002.

COMMUNICATIONS ET RAPPORTS ET DIVERS

AGENCE FRANCE- PRESSE WASHINGTON, « Banques américaines: Faillites en baisse.»,

Lapresse, 2012. En ligne: <http://affaires.lapresse.ca/economie/etats-

unis/201201/01/01-4482152-banques-americaines-les-faillites-en-

baisse.php >, (consulté le 15 janvier 2016).

AGLIETTA, M. et al. « Coordination européenne des politiques économiques »,

Rapports du Conseil d’Analyse Économique, La Documentation française,

1998. En ligne : < http://www.cae-eco.fr/IMG/pdf/005.pdf >, (consulté le 20

janvier 2016).

AGLIETTA, M., L., MOREAU et A., ROCHE, « De la crise financière à l’enjeu d’une

meilleure évaluation des crédits structurés », Congrès AFSE, 2008. En

ligne :< http://congres.afse.fr/docs/629210delacrisefinanciereagliettamoreauro

che.pdf>, (Consulté le 11 juillet 2016).

ALDASORO, I., C. BORIO et M. DREHMANN, «Early warning indicators of banking

crises: expanding the family», (2018) BIS Quaterly Review 40. En ligne :

< https://www.bis.org/publ/qtrpdf/r_qt1803e.pdf> (consulté le 05 juillet 2018).

Page 441: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

427

ARTUS, P., J-P. BETBÈZE, C. DE BOISSIEU et G. CAPELLE-BlANCARD, La crise des

subprimes, Rapport du conseil d’analyse économique Paris, La

Documentation Française, 2008. En ligne : < http://www.cae-

eco.fr/IMG/pdf/078.pdf >, (consulté le 4 février 2016).

ASSOCIATION DES BANQUES CANADIENNES, Engagements et codes de conduite

volontaires. Engagement à fournir des renseignements sur la garantie

hypothécaire. En ligne : < https://www.cba.ca/Assets/CBA/Documents/Files/

Article%20Category/PDF/vol-mortgage-security-fr.pdf> (consulté le 05 juillet

2018).

ASSOCIATION CANADIENNES DES COURTIERS EN VALEURS MOBILIÈRES (Canada),

Analyse de la règlementation des fonds de couverture, Groupe de travail sur les

fonds de couverture, 18 mai, 2005.

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS (Québec), Avis relatif à la désignation du

Mouvement Desjardins à titre d’institution financière d’importance

systémique intérieure, 2013. En ligne : < https://lautorite.qc.ca/fileadmin/lauto

rite/reglementation/assurances-inst-depot/avis-ifis-d-cq_desjardins.pdf>

(consulté le 05 juin 2018).

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS (France), Bulletin mensuel d’information de la

commission des opérations de bourse, Bulletin CO6 – n° 242, Décembre 1990.

AUTORITÉ des MARCHÉS FINANCIERS (France), La notation en matière de titrisation, 31

janvier 2006.

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS (Québec), Avis relatif à la désignation du

Mouvement Desjardins à titre d’institution financière d’importance

systémique intérieure, 2013. En ligne : < https://lautorite.qc.ca/fileadmin/lauto

rite/reglementation/assurances-inst-depot/avis-ifis-d-cq_desjardins.pdf>

(consulté le 5 juin 2018).

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS (Québec), « Les autorités en valeurs mobilières

du Canada publient un document de consultation sur les plateformes de

négociation de dérivés ». En ligne : < https://www.lautorite.qc.ca/fr/communi

ques-2015-autre.html_2015_acvm-92-401-plateformes-negociation-

derives.html >, (consulté le 12 février 2015).

Page 442: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

428

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS (Québec), Les fonds communs de placement : la

protection des épargnants au Québec, Mémoire préparé dans le cadre de la

consultation publique de la Commssion des finances publiques, 14 avril 2006.

AUTORITÉS CANADIENNES EN VALEURS MOBILIÈRES (Canada), Document de

consultation 92-401 des ACVM Plateformes de négociation de dérivés, 29

janvier 2015. En ligne : < https://www.lautorite.qc.ca/files/pdf/consultations/d

erives/mars-2015/2015janv29-92-401-consultation-fr.pdf >, (consulté le 23

septembre 2016).

AUTOTRITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS (Québec), Organismes de placement collectif.

En ligne : <https://www.lautorite.qc.ca/files/pdf/publications/conso/investisse

ment/06-OPC.pdf >, (consulté le 20 janvier 2016).

BANK FOR INTERNATIONAL SETTLEMENT, Asset Transfers and Securitisation, Bâle,

Bank for International Settlements, 1992. En ligne: <

http://www.bis.org/publ/bcbs10a.pdf >.

BANQUE DE FRANCE, La crise financière, Documents et Débats, n° 2, Février, Paris,

2009.

BANQUE DE FRANCE, Rapport de la Commission bancaire pour l’année 2000, p.259.

En ligne:< https://www.banque-

france.fr/fileadmin/user_upload/banque_de_france/archipel/publications/cb_ra

/cb_ra_2000.pdf (12 mai 2018).

BANQUE DU CANADA, Revue du système financier, juin 2013. En ligne :

< http://www.banqueducanada.ca/wp-content/uploads/2013/06/rsf-0613.pdf >,

(consulté le 08 octobre 2014).

BOURVEN, M. et ZEHR, Y., « La crise bancaire et la régulation financière », Conseil

économique, social et envrionnemental, 2009. p.33. En ligne :

< http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-

publics/094000123.pdf >, (consulté le 05 juillet 2018)

CANADIAN BOND RATING SERVICE, CBRS CMBS update. Real Estate securitization in

Canada, Toronto, CBRS Inc., 1999, 7 pages.

CARBONNIER, J., Cours de sociologie juridique, Paris II, Université de droit,

d’économie et de sciences sociales de Paris, 1972-1973.

Page 443: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

429

CARBONNIER, J., Théorie sociologique des sources du droit, Association corporative

des Étudiants en Droit, Paris, Cours 1960-1961. En ligne : < http://cujas-

num.univ-paris1.fr/ark:/45829/pdf0606082840 >, (consulté le 16 janvier 2016).

CLERC, M.É. et P., LAMARCHE, « Les durées d’emprunts s’allongent pour les plus

jeunes », France, Portrait Social, 2013, p.4. En ligne :

< http://www.insee.fr/fr/ffc/docs_ffc/FPORSOC13c_VE3_endettement.pdf>,

(consulté le 11 juillet 2016).

COLE, H.L. et L. E. OHANIAN, « New Deal Policies and the Persistence of the Great

Depression: A General Equilibrium Analysis», (2001) 597 working paper 5,

Federal Reserve Bank of Minneapolis Research Department.

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN, Produits financiers socialement

responsables, (2011/C 21/06) avis d'initiative, point 3.1.1.

COMITÉ ÉCONOMIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN, Livre vert - Le système bancaire parallèle,

COM (2012) 102 final, JO C 11 du 15.1.2013.

DIVISION OF BANKING REGULATION SUPERVISION AND REGULATION, Commercial

Bank Examination Manual, Federal Reserve Bank, 2007, section 2133 1, p. 1.

En ligne : <https://www.federalreserve.gov/boarddocs/supmanual/cbem/2009

04/0904cbem.pdf >, (consulté le 12 mars 2014).

COMMISSION DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES, Réexamen du processus Lamfalussy.

Renforcer la convergence en matière de surveillance, Bruxelles,

2007, < http://eur-lex.europa.eu/legal-

content/FR/TXT/?uri=celex%3A52007DC0727 >, (site consulté le 25 mars

2015).

COMMISSION EUROPÉENNE, Livre vert. Le système bancaire parallèle, Bruxelles,

2012. En ligne : < http://ec.europa.eu/internal_market/bank/docs/shadow/gree

n-paper_fr.pdf >, (consulté le 25 mars 2015).

COMMISSION EUROPÉENNE, Regulation on Short Selling and Credit Default Swaps -

Frequently asked questions, Bruxelles, MEMO 2011. En

ligne: < http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-11-

713_en.htm?locale=fr >, (consulté le 25 mars 2015).

COMMISSION MONDIALE SUR L’ENVIRONNEMENT ET LE DÉVELOPPEMENT, Notre avenir

à tous, Montréal, Éditions du Fleuve, 1988, 432.

Page 444: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

430

COMMITTE ON THE GLOBAL FINANCIAL SYSTEM, The role of ratings in structured

finance: issues and implications, janvier 2005. En ligne : < https://www.bis.or

g/publ/cgfs23.pdf > (consulté le 05 juillet 2018).

CONVERGENCES RÉVOLUTIONNAIRES, «

Les « chocs pétroliers » : mais qui a donc été heurté ?», 22 novembre 2002. E

n ligne : <http://www.convergencesrevolutionnaires.org/Les-chocs-petroliers-

mais-qui-a-donc-ete-heurte> (consulté le 20 mars 2017).

COUTURE, P., « Le taux d’endettement des ménages atteint une record », Le Soleil, 16

octobre, 2012. En ligne :< http://www.lapresse.ca/le-

soleil/affaires/consommation/201210/15/01-4583623-le-taux-dendettement-

des-menages-atteint-un-record.php >, (consulté le 30 juin 2014).

CURRY, T. et L. SHIBUT, «The Cost of the Savings and Loan Crisis: Truth and

Consequences», FDIC, 2000. En ligne : < http://www.fdic.gov/bank/analytica

l >, (consulté le 25 mars 2015).

DE SERRES, A., « Aux confins de la responsabilité sociale des banques: les défis et les

enjeux de la gestion des risques éthiques et fiduciaries», Groupe international

de recherche en éthique financière et fiduciaire (GIREF), École des sciences de

la gestion, Université du Québec à Montréal. En ligne :< http://www.strategie-

aims.com/events/conferences/6-xviieme-conference-de-l-

aims/communications/1677-aux-confins-de-la-responsabilite-sociale-des-

banques-les-defis-et-les-enjeux-de-la-gestion-des-risques-ethiques-et-

fiduciaires/download>, (consulté le 12 septembre 2016).

DICKSON, J., « Too Focuses On The Rule: The Importance Of Supervisory Oversight

In Financial Regulation », Discours prononcé le 16 mars 2010 au Heyman

Center on Corporate Governance (New-York). En ligne : < http://www.osfi-

bsif.gc.ca/eng/docs/jdickson_ny_heyman_center.pdf >, (consulté le 06 janvier

2016).

DIEMER, A., Économie générale, IUFM Auvergne, Économie-Gestion. En

ligne :< http://www.oeconomia.net/private/cours/economiegenerale/CAPET/0

1.theorieseconomiques.pdf>, (consulté le 16 janvier 2016).

Page 445: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

431

DINGLE, J.F., « Une évolution planifiée : L’histoire de l’Association canadienne des

paiements de 1980 à 2002 », la Banque du Canada et l’Association Canadienne

des Paiements, Mai 2003.

DODGE, D., « Confiance, transparence et marchés financiers Confiance, transparence

et marchés financiers », Allocution prononcée par David DODGE, Gouverneur

de la Banque du Canada devant le Greater Halifax Partnership Halifax,

Nouvelle-Écosse le 11 juin 2002.

DUPREY, T., « Qu’est-ce que la polique macroprudentielle?», BSI Economics, 2014.

En ligne : < http://www.bsi-economics.org/264-definition-politique-

macroprudentielle>, (consulté le 20 mars 2017).

EUROPEAN CENTRAL BANK, Shadow banking the euro area. An overview, ocasional

paper series, n°133, avril, 2012. En ligne : <http://www.ecb.int/pub/pdf/scpop

s/ecbocp133.pdf >, (consulté le 25 mars 2015).

EUROPEAN SECURITIES MARKETS EXPERT GROUP, Role of Credit Rating Agencies,

Report to the European Commission, 2008.

FEDERAL RESERVE, Highlights of Proposed Rule to Amend Home Mortgage

Provisions Regulation Z (Thruth of Lending), 2008. En ligne: < https://www.f

ederalreserve.gov/newsevents/press/bcreg/highlightsregz20071218.htm >,

(Consulté le 11 juillet 2016).

FÉDÉRATION des CHAMBRES IMMOBILIÈRES DU QUÉBEC, La crise financière : Ses

origines américaines et ses répercussions canadiennes, Québec, 2009, 17

pages. En ligne : < http://www.fciq.ca/pdf/Fenetre_marche/fr/Crise_financiere

.pdf >, (consulté le 04 novembre 2015).

FENDER, I. et J., MITCHELL, « Financement structuré : complexité, risque et recours aux

notations », dans Rapport trimestriel du Banque des Règlements Internationaux,

FINANCIAL STABILITY BOARD, Assessment of shadow banking activities, risks and the

adequacy of post-crisis policy tools to address financial stability concerns,

juillet 2017. En ligne : < http://www.fsb.org/wp-content/uploads/P300617-

1.pdf > (consulté le 12 mai 2018).

FINANCIAL STABILITY BOARD, FSB Principles For Sound Residential Mortgage

Underwriting Practices, avril 2012.

Page 446: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

432

FINANCIAL STABILITY BOARD, Financial Stability Board releases report on improving

OTC derivatives markets, 25 octobre 2010. En ligne: < http://www.fsb.org/wp-

content/uploads/pr_101025.pdf >, (consulté le 15 janvier 2016).

FINANCIAL STABILITY BOARD, FSB reports to G20 Leaders on financial regulatory

reforms, (2016) Press Release. En ligne: < http://www.fsb.org/wp-

content/uploads/FSB-reports-to-G20-Leaders-on-financial-regulatory-

reforms.pdf>, (consulté le 31 août 2016).

FINANCIAL STABILITY BOARD, Key Attributes of Effective Resolution Regimes for

Financial Institutions, octobre 2011. En ligne : < http://www.fsb.org/wp-

content/uploads/r_111104cc.pdf?page_moved=1 >, (consulté le 20 mars

2017).

FINANCIAL Stability BOARD, Progress in Reforming Major Interest Rate Benchmarks,

Interim report on implementation of July 2014 FSB recommendations, juillet

2015. En ligne : < http://www.fsb.org/wp-content/uploads/OSSG-interest-rate-

benchmarks-progress-report-July-2015.pdf >, (consulté le 15 janvier 2015).

FINANCIAL STABILITY BOARD, Report of the financial stability forum on enhancing

market and institutional resilience: update on implementation, 2009, 18

pages. En ligne : < http://www.fsb.org/wp-

content/uploads/r_0904d.pdf?page_moved=1 >, (consulté le 20 janvier 2016).

FINANCIAL STABILITY BOARD, Strengthening the Oversight and Regulation of Shadow

Banking, Progress Report to G20 Ministers and Governors, avril

2012. En ligne : < http://www.fsb.org/wp-

content/uploads/r_120420c.pdf?page_moved=1 > (consulté le 12 janvier

2016).

FINANCIAL STABILITY BOARD, Strengthening Oversight and Regulation of Shadow

Banking A Policy Framework for Addressing Shadow Banking Risks in

Securities Lending and Repos, Consultative document, 2012.

< http://www.financialstabilityboard.org/wp-

content/uploads/r_121118b.pdf >, (consultée le 20 janvier 2016).

FINANCIAL STABILITY BOARD, To G20 Leaders. Progress and issues on the global

regulatory reform agenda, 24 juin 2010. En ligne: < http://www.fsb.org/wp-

content/uploads/r_100627a.pdf >, (consulté le 15 janvier 2016).

Page 447: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

433

FOURNIER, A., « Banques et création monétaire : qui fait quoi ? », Le Monde, 2011. En

ligne : < http://www.lemonde.fr/economie/article/2011/09/21/banques-et-

creation-monetaire-qui-fait-quoi_1575164_3234.html >, (consulté le 20 mars

2017).

FRISON ROCHE, M-A., « Droit, source et forme de la régulation mondiale», dans

JACQUET, P., J., PISANI FERRY et L., TUBIANA, Gouvernance Mondiale :

Rapport de synthèse, Conseil d’Analyse Économique, Paris, La

Documentation française, 2002. En ligne : < http://www.ladocumentationfranc

aise.fr/var/storage/rapports-publics/024000230.pdf >, consulté le 17 janvier

2016).

GAUVIN, A., « La défaisance, comment ça marche? » L’Économiste, Le Premier

Quotidien Économique du Maroc, Édition n°1756 du 27/04/2004. En ligne :

< http://www.leconomiste.com/article/la-defaisance-comment-ca-

marchebrpar-me-alain-gauvin-specialiste-en-droit-financier >, consulté le 3

février 2015).

GENERAL ACCOUNTING OFFICE, Financial Derivatives: Action Needed to protect the

Financial System, GAO/GDD 94-113, Washington, (D.C), mai 1994. En ligne:

< http://www.gao.gov/assets/160/154342.pdf >, (consulté le 20 janvier 2016).

GROUP OF TEN, Report on Consolidation in the financial sector, Bank For

International Settlements, 2001. En ligne : < http://www.bis.org/publ/gten05.p

df >, (consulté le 4 février 2016).

GROUPE DE TRAVAIL SUR LES PRODUITS DÉRIVÉS DE GRÉ À GRÉ, La réforme des marchés

des dérivés de gré à gré au Canada : document de discussion du Groupe de

travail sur les produits dérivés de gré à gré, 26 octobre 2010. En

ligne : < http://www.banqueducanada.ca/wp-

content/uploads/2010/10/reforme.pdf >, (consultéle 15 janvier 2016).

GUICHARD, G., « Les agences de notation décryptées », LeFigaro, 2013. En

ligne : < http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2013/11/08/20002-

20131108ARTFIG00293-les-agences-de-notation-decryptees.php > (consulté

le 14 février 2014).

GYNTELBERG, J. et E. M. REMOLONA, « Asie–Pacifique : implications de la titrisation

pour la liquidité et les risques de crédit », Rapport trimestriel BRI, juin 2006.

Page 448: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

434

HURST, M., « Endettement et types de familles au Canada », Catalogue de Statistique

Canada, 21 avril 2011. En ligne : < http://www.statcan.gc.ca/pub/11-008-

x/2011001/article/11430-fra.htm#a4 > (consulté le 25 mars 2015).

INSTITUT DE LA STATISTIQUE DU QUÉBEC, Valeur des prêts détenus par les institutions

de dépôt, Canada, 2010-2017.

En ligne : <http://www.stat.gouv.qc.ca/statistiques/secteur-

financier/marche/institutions-depot/prets_inst_depot_can_ann.htm> (consulté

le 05 juin 2018).

INTERNATIONAL ORGANIZATION OF SECURITIES COMMISSIONS, Global development in

securitization regulation, CR09/12, juin 2012. En ligne :

<https://www.iosco.org/library/pubdocs/pdf/IOSCOPD382.pdf >, (consulté le

20 janvier 2016).

INTERNATIONAL ORGANIZATION OF SECURITIES COMMISSIONS, Operational and

Financial Risk Management Control Mechanisms For The Over-The Counter

Derivatives Activities Of Regulated Securities Firms, juillet 2014. En ligne:

< https://www.iosco.org/library/pubdocs/pdf/IOSCOPD35.pdf >, (consulté le

20 janvier 2016).

INTERNATIONAL ORGANIZATION OF SECURITIES COMMISSIONS, Peer Review of

Implementation of Incentive Alignment Recommendations for Securitisation:

Final Report, septembre 2015. En ligne : < http://www.iosco.org/library/pubd

ocs/pdf/IOSCOPD504.pdf >, (consulté le 20 mars 2017).

JACQUET, P., J., PISANI FERRY et L., TUBIANA, « Gouvernance Mondiale : Rapport de

synthèse », Conseil d’Analyse Économique Paris, La Documentation française,

2002. En ligne : < http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapport

s-publics/024000230.pdf >, (consulté le 17 janvier 2016).

KIFF, J., « Canadian Residential Mortgage Markets: Boring But Effective? »,

International Monetary Fund working paper 2009. En ligne :

< https://www.imf.org/external/pubs/ft/wp/2009/wp09130.pdf >, (consulté le

02 novembre 2015).

LANNOO, K., « EU Securities Market Regulation; Adapting to the Needs of the Single Capital

Market », Report of a CEPS Task Force, 2001. En ligne

< https://core.ac.uk/download/pdf/148848174.pdf> (consulté le 12 mai 2018).

Page 449: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

435

LE MONDE, « Freddie Mac et Fannie Mae mis sous tutelle gouvernementale »,

< http://www.lemonde.fr/economie/article/2008/09/07/freddie-mac-et-fannie-

mae-mis-sous-tutelle-gouvernementale_1092479_3234.html >, (consulté le 08

janvier 2014)

LIBÉRATION, « Les agences de notation, comment ça marche ?» avril 2010. En ligne :

< http://resultat-

exploitations.blogs.liberation.fr/finances/2010/04/rating.html > (site visité le

14 février 2014).

LONDON STOCK EXCHANGE, A guide to listing on the London Stock Exchange, 2010.

En ligne : < https://www.londonstockexchange.com/home/guide-to-

listing.pdf >, (consulté le 30 mars 2017).

MARINI, P., « Pour un nouvel ordre financier mondial : responsabilité, éthique et

efficacité», Rapport d’information fait au nom de la commission des finances,

du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur la

régulation financière et monétaire internationale, n°284, 1999-2000, collection

les rapports du Sénat.

MARTEAU, D., « Doit-on interdire les ventes « nues » en France? », Le Monde, 14 juin

2010. En ligne : <http://www.lemonde.fr/idees/article/2010/06/14/doit-on-

interdire-les-ventes-nues-en-france_1370483_3232.html > (consulté le 12

juillet 2014).

MATHIS, B. et J., SERMADIRAS, « Règlement sur la vente à découvert, un remède

inadapté », Les Échos, 30 octobre 2012. En ligne :

< http://archives.lesechos.fr/archives/cercle/2012/10/30/cercle_57690.htm >,(c

onsulté le 12 mars 2016).

MAUREL, B. et P., WAHL, « Éthique ou crises », Extraits d’une communication faite le

31 janvier 2009 à l’Unité de Recherche de l’Institut Sens et Croissance de

Sereys (Haute Loire). En ligne : < http://www.sensetcroissance.org/wp-

content/uploads/2011/10/Ethique-ou-crises-01.2009.pdf>, (Consulté le 15

janvier 2016).

MINISTRE DE LA JUSTICE DU QUÉBEC, Commentaires. Le code civil du Québec, Tome

1, Québec, Les publications du Québec, 1993.

Page 450: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

436

MINISTÈRE DES APPROVISIONNEMENTS ET SERVICES CANADA, Les marchés financiers

canadiens et la mondialisation, Conseil Économique du Canada, Ottawa, 1989.

MINISTÈRE DES FINANCES DU CANADA, Document de consultation sur le régime de

protection des contribuables et de recapitalisation des banques, 2014. En

ligne : < https://www.fin.gc.ca/activty/consult/tpbrr-rpcrb-fra.asp#ftn3 >,

(consulté le 20 mars 2017).

MINISTÈRE DES FINANCES DU CANADA, Document d'information : Assurer la stabilité

du marché du logement pour l’ensemble des Canadiens ; et Document

d’information technique : Règles de l'assurance hypothécaire et

propositions relatives à l’impôt sur le revenu (révisé le 14 octobre 2016). En

ligne : < https://www.fin.gc.ca/n16/data/16-117_1-

fra.asp > et < https://www.fin.gc.ca/n16/data/16-117_2-fra.asp# >, (consultés

le 18 octobre 2016).

MINISTÈRE DES FINANCES DU CANADA, La réforme du secteur des services financiers,

un cadre pour l’avenir, 25 juin 1999. En ligne :

< http://publications.gc.ca/collections/Collection/F2-136-1999F.pdf >,

(consulté le 14 mars 2016).

MOUSSY, J-P., « Des autorités de régulation financière et de concurrence : pourquoi,

comment? » (2003) Rapport du Conseil Économique et Social 1.

MURPHY, E.V., « Who Regulates Whom and How? An Overview of U.S. Financial

Regulatory Policy for Banking and Securities Markets », 30 January 2015,

Congressional Research Service 7-5700 www.crs.gov R43087. En ligne:

<https://fas.org/sgp/crs/misc/R43087.pdf >, (consulté le 20 mars 2017).

NATIONAL INSTRUMENT 71-01 THE MULTIJURISDICTIONAL DISCLOSURE SYSTEM. En

ligne : < https://www.bcsc.bc.ca/Securities_Law/Policies/Policy7/PDF/NI_71-

101/ > (consulté le 20 mars 2017).

OFFICE OF THE COMPTROLLER OF THE CURRENCY, Residential Real Estate Lending,

Comptroller’s Handbook, juin 2015. En ligne : < https://www.occ.gov/publica

tions/publications-by-type/comptrollers-handbook/pub-ch-a-

rre.pdf >, (consulté le 20 janvier 2016).

ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUES, Culture et

protection des consommateurs : les oubliés de la crise. Recommandation sur

Page 451: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

437

les bonnes pratiques de sensibilisation et d’éducation aux questions financières

dans le domaine du crédit, 2009. En ligne :

< https://www.oecd.org/fr/daf/fin/education-

financiere/43140001.pdf >, (consulté le 20 janvier 2016).

ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVLOPPEMENT ÉCONOMIQUE, Les entreprises

sociales, OCDE, Paris, 1999.

ORGANISATION DE COOPÉRATION ET DE DÉVLOPPEMENT ÉCONOMIQUE, Principes de

gouvernement d’entreprise de l’OCDE, avril 2004.

POTHIER, N., « La protection des dépôts au Canada: la société de l’assurance-dépôt du

Canada », BP-312F, Division de l'économie Octobre 1992. En ligne :

< http://www.publications.gc.ca/Collection-R/LoPBdP/BP/bp312-f.htm>,

(consulté le 20 mars 2017).

PROTESS, B. et J., HIRSHFELD DAVIS, «Trump Moves to Roll Back Obama-Era

Financial Regulations », New-York Times, 3 février 2017. En ligne :

< https://www.nytimes.com/2017/02/03/business/dealbook/trump-congress-

financial-regulations.html?_r=0 >, (consulté le 20 mars 2017).

RAPPORT BRUNDTLAND, 1987. En ligne : < http://www.diplomatie.gouv.fr/fr/sites/od

yssee-developpement-durable/files/5/rapport_brundtland.pdf >, (consulté 12

janvier 2016).

ROY, J., La règlementation du secteur financier: Pour une évolution dynamique et

prudente, Mémoire présenté au Groupe de travail sur l'avenir du secteur des

services financiers canadien, 9 octobre 1997. En ligne:

< http://neumann.hec.ca/~p119/public/GTSFJROY.pdf >, (consulté le 11

janvier 2016).

SAMUELSON, P., « An Interview with Paul Samuelson, Part Two», The Atlantic, 18 juin

2009. En ligne : <http://www.theatlantic.com/politics/archive/2009/06/an-

interview-with-paul-samuelson-part-two/19627/>.

SECURITIES AND EXCHANGE COMMISSION, Proposed Rules For Nationally Recognized

Statistical Rating Organization, 17 CFR Parts 232, 240, and 249, and 249b

Release No. 34-64514; File No. S7-18-11 RIN 3235-AL15, p.54.

En ligne : < https://www.sec.gov/rules/proposed/2011/34-

64514.pdf>, (consulté le 15 mai 2013)

Page 452: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

438

SECURITIES AND EXCHANGE COMMISSION, SEC’s Oversight of Bear Stearns and

Related Entities: The Consolidated Supervised Entity Program, September 25,

2008 Report No. 446 A. En ligne < https://www.sec.gov/about/oig/audit/2008/

446-a.pdf >, (consulté le 20 mars 2017).

SECURITIES AND EXCHANGE COMMISSION, Summary Report Of Issues Identified In The

Commission’s Staff Examinations Of Select Credit Ratings Agencies, juillet

2008.

SÉNAT, « Comptes rendus de la MCI agences de notation », Audition devant la mission

commune d'information du Sénat le 27 mars 2012. En ligne :

< http://www.senat.fr/compte-rendu-

commissions/20120326/mci_agences.html >, (consulté le 20 mars 2017).

SHERMAN, M., « A Short Story Of Financial Deregulation In The Unisted States»,

Center for Economic and Policy Research, 2009, 15 pages. En ligne :

< http://cepr.net/documents/publications/dereg-timeline-2009-07.pdf >,

(consulté le 14 octobre 2015).

SOCIÉTÉ CANADIENNE D’HYPOTHÈQUES ET DE LOGEMENT, « Comparaison des systèmes

de financement de l’habitation du Canada et des États-Unis. Politiques de

logement au Canada et aux États-Unis ». En ligne : < http://www.cmhc-

schl.gc.ca/fr/inso/sapr/famy/famy_018.cfm >, (consulté le 28 novembre 2014).

SOCIÉTÉ CANADIENNE D’HYPOTHÈQUES ET DE LOGEMENT, « Coup d’œil sur l’assurance

prêt hypothécaire de la SCHL ». En ligne : < http://www.cmhc-

schl.gc.ca/fr/inso/sapr/famy/upload/MLI_Q4_FR_dec4_W.pdf >, (consulté le

20 mars 2017.).

SOCIÉTÉ ONTARIENNE D’ASSURANCE-DÉPÔTS, Guide d’application : Titrisation. En

ligne : < https://www.dico.com/design/Publications/Fr/Securitization/Guide_d

_application_Titrisation_2018.pdf >, (consulté le 14 avril 2018).

STEYN, L., « The Challenge Of Comparative Law », XVIIe Congrès de l’Académie

internationale de droit comparé, présenté à l’Université d’Utrecht, 22 juillet

2006 ; (2006) 8/1 Eur. J. L. Ref .3, 7.

SURET, J-M. et C. CARPENTIER, « règlementation des valeurs mobilières au Canada »,

Montréal, CIRANO, Document de travail préparé pour la Commission des

Page 453: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

439

valeurs mobilières du Québec, 2003. En ligne : < http://www.cirano.qc.ca/pdf/

publication/2003RP-11.pdf >, (consulté le 20 janvier 2016).

THE FINANCIAL CRISIS INQUIRY COMMISSION, Final report of the national commission

on the causes of the financial and economic crisis in the

United States, janvier 2011. En ligne : < http://fcic-

static.law.stanford.edu/cdn_media/fcic-reports/fcic_final_report_full.pdf>

(consulté le 15 juillet 2018).

THE INSTITUTE OF INTERNAL AUDITORS, Leveraging COSO across the three lines of

defense, Juillet 2015.

TOUSSAINT, B., « Le scandale de Fannie Mae et de Freddie Mac continue », (2011)

Le Bulletin d’Amérique. En ligne : < http://lebulletindamerique.com/2011/08/

11/etats-unis-le-scandale-fannie-mae-et-freddie-mac-continue/ >, (consulté le

08 janvier 2014).

VALLÉE, L., « Impact de la dévaluation du yuan sur l’économie canadienne », Valeurs

Mobilières Banque Laurentienne, Recherche économique et stratégie,

2015. En ligne :< https://www.vmbl.ca/Economics/1/Impact%20de%20la%20

devaluation%20du%20yuan_08112015.pdf >, (consulté le 12 janvier 2015).

WALKER REPORT, A review of corporate governance in UK banks and other financial

industry entities, 16 juillet 2009. En ligne : <http://www.ecgi.org/codes/docu

ments/walker_review_consultation_16july2009.pdf> (consulté le 20 septembre

2018).

WORLD COUNCIL OF CREDIT UNIONS, «Cooperative Banks, Credit Unions and the

Financial Crisis», United Nations Expert Group Meeting on Cooperatives,

New York, 2009. En ligne : <http://www.un.org/esa/socdev/egms/docs/2009/c

ooperatives/Crear.pdf> (consulté le 15 juin 2018).

ZINI, S., « Du New Deal au Fair Deal (1933-1953) : commerce, plein-emploi et

normes de travail », Note de synthèse, CEIM, 2009. En ligne : < http://www.ie

im.uqam.ca/IMG/pdf/NewDeal-FairDeal.pdf> (consulté le 05 juillet 2018).

ARTICLES ET CHRONIQUES

ACHARYA, V.V., «A theory of systemic risk and design of prudential bank regulation »,

(2009) 5 Journal of Financial Stability 227.

Page 454: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

440

ADAM, M-C. et A., SZAFARZ, « Crises boursières. Bulles spéculatives et rationalité

économique », (1989) 20 Études Internationales 781.

ADRIAN, T., A., ASHCRAFT, H., BOESKY et Z., POZSAR, « Shadow Banking », (2012)

1/105 Revue d'économie financière 167.

AGBAYISSAH, S., « Aspects juridiques des produits dérivés négociés sur les marches de

gré à gré », dans Mélanges AEDBF- France II, sous la direction de Hubert DE

VAUPLANE et Jean-Jacques, DAIGRE, Revue banque, éditeur, 1999.

AGLIETTA, M., « Risque systémique et politique macroprudentielle : une nouvelle

responsabilité des banques centrales », (2011) 101 R.E.F. 200.

AGLIETTA, M., « Crise du crédit et faillite de la régulation prudentielle: comment éviter

une reproduction des errements », dans LE RAPPORT MORAL SUR L’ARGENT

DANS LE MONDE, La crise de la finance. L’accès des particuliers aux services

bancaires. Les enjeux éthiques, Paris, Association d’Économie Financière,

2008.

AKIOBE SONGOLO, M. P., « Le développement durable et les banques au service de

l’éthique financière. », (2012) 3-2 l’Interdisciplinaire, Journal Étudiant de

l’institut EDS 6.

AKIOBE SONGOLO, M. P., « Commentaire juridique sur le Règlement n°236/2012 Sur

la vente à découvert et certains aspects d’échange sur risque de crédit », (2012)

2-3 Bulletin de droit Économique 11.

AKIOBE SONGOLO, M. P., « Le Mécanisme européen de stabilité : La porte de sortie de

la crise de la dette dans la zone euro », (2012) 7-4 Regard Critique, le Journal

des Hautes Études internationales 9.

ALBERTINI, P., « Les Échelles de l’État : permanences et changements », dans L’État

interventionniste : le rôle de la puissance publique dans l’économie, Actes de

colloque organisé par le GREDFIC, l’Harmattan, 2010.

ALBOUY, M., « La plus belle théorie financière ne peut donner que ce qu’elle a. »,

(2012) 228-229 Revue de gestion 9-10.

ALBRECHT, T.W. et S., J. SMITH, « Corporate Loan Securitization: Selected Legal and

Regulatory Issues », (1998) 8 Duke J. comp. & Int’l L. 411.

ALLEN, J. et W., ENGERT, « Efficience et concurrence dans le secteur bancaire canadien

», (2007) Revue de la Banque du Canada. En ligne :

Page 455: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

441

<http://www.banqueducanada.ca/wp-content/uploads/2010/06/allen-

engert_f.pdf>, (consulté le 20 mars 2017).

ALWORTH, J. et J-M., KERTUDO, « Les swaps, structure, marché et risques », (1993) 24

R.E.F.91.

AMTENBRINK, F. et J. DE HAAN, « Regulating Credit Rating Agencies In The European

Union: A Critical First Assessment Of The European Commission Proposal»,

(2009) 46/6 Common Market Law Review 1915, 1929.

ANDERSON, J., « Pourquoi le Canada a besoin de services bancaires postaux », (2013)

Centre canadien de politiques, Alternatives 7.

ARNAUD, A-J., « Le droit trahi par la sociologie. Une pratique de l’histoire », coll. «

Droit et sociétés. », (1998) 42 Recherches et travaux 521.

ARNAUD, A-J., « De la régulation par le droit à l’heure de la globalisation. Quelques

observations critiques », (1997) 35 Droit et société 11.

ARQUIÉ, A. « Le système bancaire de l’ombre : fruit d’une régulation bancaire trop

pesante ou véritable rôle économique ? », (2013) 109 R.E.F. 72.

ARROW J. K., et G., DEBREU, « Existence of an Equilibrium for a Competitive

Economy », (1954) 22/3 Econometrica 265.

AYNES, L., « Cession de contrat : nouvelles précisions sur le rôle du cédé », (1998)

Chr.25 Recueil Dalloz.

BAUDOIN, J-L., « Responsabilité civile comparée : droit civil et common law. Tous les

chemins mènent à.… la responsabilité? Commentaires sur la convergence des

méthodes civiliste et de common law dans l'affaire Castor Holdings », (2014)

48-2 R.J.T.n.s. 683.

BELLEY, J-G., « L’État et la régulation juridique des sociétés globales : pour une

problématique du pluralisme juridique », (1986) 1 Sociologie et Société 18.

BENADIBA, A., « La loi sur le transfert des valeurs mobilières et l’obtention des titres

intermédiés ou les excès d’un régime d’exception en matière de sûretés

mobilières », (2012) 53 Les Cahiers de Droit 312.

BÉNASSY-QURÉRÉ, A., « La crise symptôme, ses enjeux éthiques », dans « Éthique et

crise financière, éthique en contextes, Paris, l’Harmattan 2009, Actes de

colloque organisé par la fondation Ostad Elahi- éthique et solidariyé humaine

et l’IIM-CNAM.

Page 456: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

442

BERGER TARARE, C., « La fiducie titrisation : C’est possible! », (2016) 3/14 Revue de

Droit bancaire et financier 4

BERNIER, J., « La loi sur les instruments dérivés : aperçu et commentaires », dans

LACOURSIÈRE, M., G., BRISSON, M., NACCARATO, R., CRÊTE (dir.), La

confiance au cœur de l’industrie des services financiers : actes du colloque

tenu à l’université Laval, le 18 septembre 2009, Cowansville, Éditions Yvon

Blais, 2009.

BÉZARD, P., « La mondialisation des marchés financiers », (2001) 1 Rj.com. 163.

BILLIAU, M., et JAMIN, C., « La cession conventionnelle de contrat exige le

consentement du cédé », (1997) 5 Recueil Dalloz 588.

BIROUK, O. et F., DARVES, « La titrisation en France : évolutions récentes », (2013) 194

Bulletin de la Banque de France.

BOHEMIER, A., « Application de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité à lla fiducie du

Code civil du Québec », (2003) 37 R.J.T. 115, p.119.

BORDO, M.D., B., MIZRACH et A.J., SCHWARTZ, «Real Versus Pseudo-International

Systemic Risk: Some Lessons From History», (1995) 5371 National Bureau of

Economic Research 2.

BORNET, J-P., « Marchés financiers vers la fin du monopole de l’alienation fiduciaire »,

dans Mélanges AEDBF-France II, Droit bancaire et Financier, Paris, Banque

Éditeur, 1999.

BOSSERELLE, É., « Guerres, transformation du capitalisme et croissance

économique », (2008) 170-171/4 L'Homme et la société 219.

BOUCHARD, C., « L’exploitation d’une entreprise par une fiducie : une alternative

intéressante ? », (2000) 102 R. du N. 87.

BOY, L., « Réflexions sur le droit de la régulation », (2001) 37 Dalloz 3031.

BOYER, R., « Feu sur le régime d’accumulation tiré par la finance », (2009) 5 Revue

de la régulation 2009. En ligne :< http://regulation.revues.org/7367?&#quotati

on>, (consulté le 20 septembre 2016).

BRACK, E. et D., SAIDANE, « Qu’attend-on de la finance mondiale après la crise? Les

quatre commandements oubliés », 2009. En ligne: < https://mpra.ub.uni-

muenchen.de/23472/2/MPRA_paper_23472.pdf >, (consulté le 20 mars 2017).

Page 457: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

443

BRETHE DE LA GRESSAYE, J., « De la connaissance pratique du droit et de ses

difficultés », (1952) Chr. 89 Recueil Dalloz.

BRIERLEY, J.E.C., « Regards sur le droit des biens dans le nouveau Code civil du

Québec », 47/1 Revue internationale de droit comparé 33, 44.BROUSSEAU, É.,

« Les marchés peuvent-ils s’autoréguler? », (2003) 313 cahiers français 70.

BUCK, B. et K. PENCE, « Do Borrowers Know Their Mortgage Terms? », (2008) 64/2

J. Urban Econ. 218.

BURNAT, F. et J. CHARTIER, « Titrisation à la française et securitisation à l’anglaise :

Étude de droit comparé après l’ordonnance du 13 juin 2008 », (2010) 2 I.B.LJ.

144.

CALOMIRIS, C.W., et G., GORTON, « The Origins of Banking Panics: Models, Facts,

and Bank Regulation», dans NATIONAL BUREAU OF ECONOMIC RESEARCH,

Financial Markets and Financial Crises, Chicago, éd. R. Glenn Hubbard, 1991.

CAMDESSUS, M., « La crise financière mexicaine, ses origines, la réponse du FMI et

les enseignements à en tirer. », (1995) 33/2 R.E.F. 35

CAMPANA, M-J., « Le doute et la confiance en droit des affaires », dans Terré, F., Le

doute et le droit, Paris, Dalloz, 1994.

CANTIN CUMYN, M. « Réflexions autour de la diversité des modes de réception ou

d’adaptation du trust dans les pays de droit civil », (2013) 58/4 Revue de droit

de McGill 811, 813.

CANTIN CUMYN, M., « The Quebec trust: a civilian institution with english law roots»,

dans Michael MILO et Jan SMITS, Trusts in Mixed Legal Systems, Ars Aequi

Cahiers, Privaatrecht 12, Nijmegen 2001, pp.73-81.

CARROLL, A.B., «A Three-Dimensional Conceptual Model Of Corporate

Performance», (1979) 4 Acad. Manage. Rev.

CARTAPANIS, A., « Les crises financières », dans MONTEL-DUMONT, O., comprendre

les marchés financiers, Paris, cahiers français n° 361, 2011.

CASSOU, P-H., « La règlementation bancaire européenne », (1995) 22 Bulletin de la

Banque de France 132.

CASSOU, P-H., « Réguler le shadow banking : oui, avec discernement », (2012) 752

Revue Banque. En ligne : < http://www.revue-banque.fr/risques-

Page 458: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

444

reglementations/article/reguler-shadow-banking-oui-mais-avec-

discernement >, (consulté le 26 novembre 2014.)

CHAPMAN, J., S., LAVOIE et L., SCHEMBRI, « Le financement de marché au Canada sort

de l’ombre », (2011) Revue du système financier 33.

CHAPPUIS, B., « L’incidence de la convention de La Haye relative à la loi applicable

au trust et à sa reconnaissance sur la fiducie en droit suisse », dans Le centenaire

du Code civil suisse : colloque du 5 avril 2007, Paris, Société de législation

comparée, 2008.

CHOUINARD, É. et P. GRAYDON, « La mise en oeuvre de Bâle III : vers un secteur

bancaire plus sûr », (2014) Revue du système financier 61.

CHOULET, C., « Le sort de Fannie Mae et Freddie Mac n’est pas scellé », (2018)

Conjoncture 8. En ligne : < http://economicresearch.bnpparibas.com/Views/Di

splayPublication.aspx?type=document&IdPdf=30811> (consulté le 05 juillet

2018).

CIMINELLO R., « Conflits entre éthique et finance », (1994) 29 R.E.F. 311.

CLOUTIER, M., « La fiducie comme véhicule de fonds communs de placement », (1997)

19-1 Association de planification fiscale et financière 69.

COHN, M.J., « Asset Securitization: How Remote Is Bankruptcy Remote? », 26 Hofstra

L. Rev. 929 (1998)

COLE, H. L. et L.E., OHANIAN, « New Deal Policies and the Persistence of the Great

Depression: A General Equilibrium Analysis», (2004) 112 (4) J. Polit.

Economy 784.

COMOTTO, R., « Les utilisations du collatéral par les marchés financiers », (2012) 299

Banque stratégie. En ligne : < http://www.revue-banque.fr/banque-

investissement-marches-gestion-actifs/article/les-utilisations-collateral-par-

les-marches-fin >, (consulté le 18 novembre 2014).

CORGAS, C., « La cession de créances futures à titre de garantie », (2002) 4 Revue

juridique de l'Ouest 467-478.

COURET, A., « Innovation financière et règle de droit », (1990) 21 Dalloz 135.

CRAWFORD, A., C., MEH et J., ZHOU, « Introduction au marché des prêts hypothécaires

à l’habitation au Canada», Banque du Canada, (2013) Revue du système

Page 459: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

445

financier 61, 65. En ligne: <http://www.cmhc-

schl.gc.ca/fr/inso/sapr/famy/famy_018.cfm >, (consulté le 12 octobre 2015).

CRÊTE, R., G. BRISSON, M., NACCARATO et A., LÉTOURNEAU, « La prévention dans la

distribution de services de placement », dans LACOURSIÈRE, M., G. BRISSON,

M., NACCARATO, R., CRÊTE (dir.), La confiance au cœur de l’industrie des

services financiers : actes du colloque tenu à l’université Laval, le 18 septembre

2009, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2009.

CROCKETT, A., « The Evolution and Regulation of Hedge Funds », (2007) 10 Financial

Stability Review 19.

CROISSANT, Y. et P., VORNETTI, « État, marché et concurrence : les motifs de

l’intervention publique », dans CROISSANT, Y., P., VORNETTI, D., DELALANDE

et M., GLAIS, Concurrence et régulation des marchés, Paris, La Documentation

française, Cahiers Français n° 313, 2003, 88 pages.

CROTTY, J., «Structural causes of the global financial crisis: a critical assessment of the

‘new financial architecture », (2009) 33 Cambridge Journal of Economics 570.

CRUZ LOPEZ, j., R., MENDES et H., VIKSTEDT, « The Market For Collateral: The

Potential Impact of Financial Regulation », (2013) 45 Bank of Canada Financial

System Review 46.

CRUZ LOPEZ, J., R., MENDES et H., VIKSTEDT, « Incidence potentielle de la

règlementation financière sur le marché des sûretés », Banque du Canada,

(2013) 29 Revue du système financier 51.

CUMYN, M., « La délégation du Code civil du Québec : une cession de dette ? »

(2002) 43 Les cahiers de droit 601. En ligne :< http://id.erudit.org/iderudit/043

726ar >, (consulté le 3 février 2015).

CURÉ, B., « Réforme des marchés de produits dérivés de gré à gré : La position de la

Banque centrale européenne », (2013) 109 R.E.F.164.

DESJARDINS, F., « Norbourg : premier exemple de violence financière », Le Devoir,

2008/2009. En ligne : <http://bibnum2.banq.qc.ca/bna/etatqc/src/2009/369911

0_2009-006-003-002.pdf> (consulté le 12 juin 2018).

D’HOLLANDER, J., « L’émergence des produits dérivés : Le cas du Québec », (1996)

37 C. de D. 337.

Page 460: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

446

DARBELLAY, A. et F., Partnoy, « Agences de notation et conflits d'intérêts », (2012)

105 R.E.F.310

DAVIS, J.B., «How To Defend Avoidance Actions In Bankruptcy Litigation», (2011)

The Pratical Real Estate Lawyer 25.

DE SERRES, A., « La gestion du risque fiduciaire : le maillon manquant entre éthique

et finance », (2007) 32 Gestion 47.

DE VAUPLANE, H., « Réguler le shadow banking. Les propositions européennes… et les

autres », (2012) 751 Revue banque 83.

DEFALVARD, H., « Les théories du marché après le modèle arrow-debreu : un essai de

synthèse », (1994) 9/12 Économies et sociétés, série théorie de la régulation 28.

DEFRAIGNE, J-C., «Du démantèlement de l’intervention de l’Etat à la crise financière

des subprime : mythe et réalité du modèle économique américain », dans

Vincent DUJARDIN, La crise économique et financière de 2008-2009 : l’entrée

dans le 21ème siècle?coll. «Relations financières internationales. International

Financial Relations.», Bruxelles, P.I.E. Peter Lang, 2009, pp. 147-174.

DELAITE, M-F., « Les fonds propres bancaires au coeur de la crise financière », (2012)

4/160 Mondes en développement.121.

DELION, A., « Notion de régulation et droits de l'économie », (2006) 1/3 Annales de la

régulation 6.

DEMYANYK, Y., et O.VAN HEMERT, « Understanding The Subprime Mortgage Crisis

», (2011) 24/6 Rev. Financ. Stud. 1848.

DESCHAMPS, M., « Les sûretés sur des titres détenus auprès d'un intermédiaire en droit

canadien », (2005) 10 Unif. L. Rev.190.

DÉVOLUY, M., « L’Union Bancaire Européenne », (2014) 31/1 Bulletin de

l'Observatoire des politiques économiques en Europe 13-16.

DIONNE, G. et T., M. HARCHAOUI, « Bank’s Capital, Securitization and Credit Risk :

An Empirical Evidence for Canada », (2003) 03-01 Les cahiers du CREF 5.

DIOP, S., « La crise du crédit à risque américain : Une interprétation par l’Hypothèse

d’Instabilité Financière de Minsky », (2009) 5 Revue de la régulation. En ligne :

< http://regulation.revues.org/7510 >, (consulté le 15 février 2015).

DOSTALER, G., « Hayek et sa reconstruction du libéralisme », (1999) 32 Cahiers de

recherche sociologique 131.

Page 461: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

447

DRUMMOND, A.T., «Securities Law Internationalization of Securities Regulation -

Multijurisdictional Disclosure System for Canada and the U.S.», (1991)36

Vill. L. Rev. 775. En ligne : < http://digitalcommons.law.villanova.edu/vlr/vol

36/iss3/2 >, (consulté le 20 mars 2017).

DU MARAIS, B. et P., FROUTÉ, « Le droit, les agences de notation et la crise du crédit

», (2008) 7 R.E.F. 2008. 267

DUBREUIL, C. et P., DESLAURIERS, « L’assurance : Une protection pour le crédit »,

(1997) 31 R.J.T. 651.

DUCOURANT, H., « Crédit à la consommation et endettement des individus : des idées

reçues et des outils pour les combattre », Introduction au dossier, (2012) 9

Revue Française de socio-économie 14.

DUMARTINET, C., J-R., BECKER, S. BLANCHE et A. MAZZANTI, « Pourquoi le secteur

de l’assurance a t-il été peu affecté par la crise ? », (2012) 307 Banques stratégie

65.

DUPUIS, F. et P., ARNAU, « Dossier spéciale sur les crises financières, l’euphorie

financière : l’histoire se répètera t-elle? », (2000) Études économiques,

Communiqué Hebdomadaire 10. En ligne: < https://www.desjardins.com/ress

ources/pdf/crise01-f.pdf?resVer=1385155688000>, (20 août 2016).

DURANA, G., « Peut-on encore encadrer les marchés financiers? Wall Street et la Loi

Dodd-Frank » (2011) 12 Esprit 40.

DURAND, P., « La connaissance des phénomènes juridiques et les tâches de la doctrine

moderne du droit privé », (1956) Dalloz Chr.73.

DUSSAULT, R., « La fiducie dans le droit québécois », (1963) 5-2 Les cahiers de droit

57.

EICHENGREEN, B. et P.B., KEREN, « L’organisation de l’économie internationale depuis

Bretton Woods un panorama », (1994) 59 Économie Internationale 11.

EICHENGREEN, B., « Dix questions à propos de la crise des prêts subprimes », (2008)

11 Revue de la Stabilité Financière 20.

ELLIET, G., « Le droit et la place financière française: quelques remarques », dans

Quelles places financières pour demain? (2000) 57 R.E.F. 95

ELY, B., « Bad Rules Produce Bad Outcomes: Underlying Public Policy Causes Of The

US Financial Crisis », (2009) 29 Cato Journal 110.

Page 462: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

448

EMERICH, Y., « Les fondements conceptuels de la fiducie française face au trust de

la common law: entre droit des contrats et droit des biens », (2009) 61 Revue

internationale de droit comparé 53.

ENDRÉO, G., « Fait générteur des cérances et échange économique », (1984) RTd Com.

223.

FACCINI, F., « Retour sur la crise et les politiques mises en oeuvre : une perspective

autrichienne », (2014) MPRA paper. En ligne : < https://mpra.ub.uni-

muenchen.de/52984/1/MPRA_paper_52984.pdf> (site consulté le 04 juillet

2018).

FIMBEL, É. et C. KARYOTIS, « La titrisation: dispositif emblématique de la

financiarisation irresponsable et facteur de risques sociétaux inédits.», (2011)

8/48 Management et Avenir.

FLANNIGAN, R.D., « The Nature And Duration Of The Business Trust», (1983) 6

Estates and Trust Quaterly 181.

FORD, C., «Financial Innovation and Flexible Regulation: Destabilizing the Regulatory

State" (2014) 18 NC Banking Inst J 27.

FORGET, É., « Le développement durable dans la finance éthique et la finance islamique

», Finance éthique et finance islamique : quelle convergence ? Actes du

séminaire Finance éthique et finance islamique, organisé par l’Ecole de

Management Strasbourg,11 juillet 2009. (2009) 1 Les cahiers de la finance

islamique 1. En ligne : < http://www.ifso-asso.com/wp-

content/uploads/2013/06/cahiers_fi_01.pdf >, (consulté le 14 mars 2016).

FRISON-ROCHE, M-A. et M., NUSSENBAUM, « Détermination juridique et financière des

marchés dits de gré à gré », (1997) 8-9 R.J.D.A.683.

FRISON-ROCHE, M-A., « Comment fonder juridiquement le pouvoir des autorités de

régulation? », (2000) 60 R.E.F. 85.

FRISON-ROCHE, M-A., « Définition du droit de la régulation économique », dans

FRISON-ROCHE, M-A., (Dir.), Les régulations économiques : légitimité et

efficacité, Paris, Presses de Sciences Po et Dalloz, 2004.

FRISON-ROCHE, M-A., « Droit de la régulation : questions d’actualité », (2002) Les

Petites affiches 3.

Page 463: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

449

FRISON-ROCHE, M-A., « Esquisse d’une sociologie du droit boursier », dans Sociologie

du Droit économique, L’année sociologique, 42 Troisième série 1999.

FRISON-ROCHE, M-A., « La régulation objet d’une branche de droit », dans FRISON-

ROCHE, M-A., « Droit de la régulation : questions d’actualité », (2002) Les

Petites affiches 3.

FRISON-ROCHE, M-A., «Regulation versus concurrence», (2011)7 The Journal of

Regulation 550. En ligne : < http://mafr.fr/IMG/pdf/regulation_v-

_competition.pdf >, (consulté le 3 février 2016).

GALLOT, J., « Qu’est-ce que la régulation ? », (2003) 33 cahiers français 56.

GARDNER, D., « La protection du consommateur immobilier : le casse-tête incomplet

», dans LAFOND. P-C. et B., Lefebvre, Le consommateur immobilier en quête

de protection, Cowansville, Éditions Yvons Blais, 2014.

GAYRAUD, J-F., « Subprimes ou subcrimes ? La dimension criminelle des crises

financières », (2017) 3 Silomag. En ligne : < http://silogora.org/subprimes-ou-

subcrimes/> (consulté le 05 juiillet 2018).

GENDRON, C., et G., L. BOURQUE, « Une finance responsable à l’ère de la

mondialisation économique », (2003) 18 L’Économie politique 59.

GILLEN, M-P., « Les contrats fiduciaires des établissements de crédit. Quelques cas

particuliers d'application pratique et difficultés rencontrées », dans Droit

bancaire et financier au Grand-Duché de Luxembourg, vol. 2, A.L.J.B., Larcier

Bruxelles, 1994.

GIRARD, F., « La propriété inclusive au service des biens environnementaux Repenser

la propriété à partir du bundle of rights », (2016) 6 Cahiers Droit, Sciences &

Technologies 1.

GIRAUD, P-N., « Faut-il condamner la spéculation? », (2002) 204 Cerna, Alternatives

Économiques. En ligne : < https://www.alternatives-economiques.fr/faut-

condamner-speculation/00025445 > (consulté le 12 mai 2014).

GOYEAU, D., A. SAUVIAT et A., TARAZI, « Marché financier et évaluation du risque

bancaire. Les agences de notation contribuent-elles à améliorer la discipline de

marché ? » (2001), 52/2 Revue économique 265.

GRANDJEAN, A., « Crise financière et développement durable », (2008) 50

Responsabilité et environnement 8.

Page 464: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

450

GRAVELLE, T., T., GRIEDER et S., LAVOIE, « Surveillance et évaluation des risques

émanant du secteur bancaire parallèle au Canada », Banque du Canada, (2013)

Revue du système financier 64. En ligne : < http://www.banqueducanada.ca/w

p-content/uploads/2013/06/rsf-0613.pdf >, (consulté le 20 juin 2014).

GRAVELLE, T., «Atelier de la Banque du Canada sur les marchés des produits dérivés

au Canada et à l’étranger», (2007) Revue de la banque du Canada 39.

GREENFIELD, K., «Democracy and the Dominance of Delaware in Corporate Law»,

(2004) 67 Law & Contemp. Probs. 135.

GRÉGOIRE, M.A., « Contrat d'hypothèque immobilière de type parapluie : Les

consommateurs sont-ils bien informés », (2017) 119 Rev. Notariat 279.

GUILLEN, A., « Mexique : Régime de change et intégration monétaire dans l’Alena »,

dans MUSSET, A., et V. M., SORIA, ALENA-MERCOSUR. Enjeux et limites de

l'intégration américaine, Paris, Éditions de l’IHEAL, 2001. En ligne:

< http://books.openedition.org/iheal/546?lang=en#authors>, (consulté le 16

mars 2015)

GUINN, M.A. et W.L., HARVEY, « Taking OTC Derivative Contracts As Collateral»,

(2002) 57 The business lawyer 1137.

HAAS, F., « Credit derivatives : de nouveaux instruments financiers », (1996) 568

Revue Banque 48

HAUTCŒUR, P-C., « La crise de 1929 et ses enseignements », 2001. En ligne :

<http://www.parisschoolofeconomics.com/hautcoeur-pierre-cyrille/crise-

financiere-29.pdf >, (consulté le 6 janvier 2016)

HAYEM, A., « Les faillites des caisses d’épargne aux États-Unis », (1989) 10/2

R.E.F.125.

HAYTON, D., « Préface » dans Jean-Marc Tirard, dir, Trust & fiducie : concurrents ou

compléments? Genève, Academy & Finance, 2008.

HETZEL, R.L. et R., F. LEACH, «The Treasury-Fed Accord: A New Narrative Account»,

(2001) 33-87/1Federal Reserve Bank of Richmond Economic

Quarterly. En ligne: < https://www.richmondfed.org/-

/media/richmondfedorg/publications/research/economic_quarterly/2001/winte

r/pdf/hetzel.pdf >, (consulté le 7 janvier 2016).

Page 465: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

451

HILL, Claire A., «Bankers Behaving Badley - The Limits of Regulatory Reform»,

(2011-2012) 31 Rev. Banking & Fin. L. 675.

HO DINH, A-M., « Le “vide juridique” et le “’besoin de loi”. Pour un recours à

l’hypothèse de non-droit », (2007) 57 L’Année sociologique 424.

HORWITZ, S., « Herbert Hoover, Father of the new Deal», (2011) 122 Cato Institute 1.

En ligne : < http://object.cato.org/sites/cato.org/files/pubs/pdf/bp122.pdf>,

(consulté le 14 mars 2016).

HOSS, P. et P., SANTER, « Le contrat fiduciaire en droit

luxembourgeois », 31 août 2011. En ligne : < http://www.etudes-fiscales-

internationales.com/media/00/00/3818612446.pdf> (consulté le 5 juin 2018).

HOSS, P., « Le contrat fiduciaire des établissements de crédit », dans Droit bancaire et

financier au Grand- Duché de Luxembourg, Larcier 1994.

HOWELL E. J. et E. J. PAN, «Regulatory Competition in International Securities

Markets: Evidence from Europe in 1999—Part I», (2001) 56/2 The Business

Lawyer 653.

HUSSON, M., « L’école de la régulation, de Marx à la fondation Saint-Simon : un aller

retour », dans BIDET, J. et E., KOUVELAKIS, Dictionnaire Marx Contemporain,

Paris, PUF, 2001.

IONESCU, C., « Financial Instability and Financial Innovations », (2012)15/2 ECONOMY

TRANSDISCIPLINARITY COGNITION 30, p. 3.

ITHURBIDE, P., « Le grand retour de l’aversion pour le risque », (2003) 645 B. Mag. 12

JEAMMAUD, A., « Les règles juridiques et l'action », (1993) Dalloz chr.207.

JEANNENEY, P-A., « Le régulateur producteur de droit », dans Marie-Anne

Frison-Roche, Règles et pouvoirs dans les systèmes de régulation, Paris,

Presses de Sciences-Po/Dalloz, 2004.

JEFFERS E. et D., PLIHON, « Le shadow banking system et la crise financière », (2013)

375 Cahiers français 57.

JIMENEZ, C., « Les dérivés de crédit, outil de pilotage », (1999) 607 Revue Banque 40.

JOHNSTON, J.S., «Do Product bans help consumers? Questioning the economic

foundations of Dodd Frank Mortgage regulation», (2016) George Mason Law

Review 669. En ligne : < http://georgemasonlawreview.org/wp-

content/uploads/2017/04/23_3_Johnston.pdf> (consulté le 12 juin 2018).

Page 466: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

452

JORION, P., « Dans l’œil du cyclone : la crise de l’immobilier américain », (2008) 3

Regards croisés sur l’économie 216.

JOUABER, K. et E. JOUINI, « La finance islamique est-elle une finance durable? », dans

GRANDIN, P. et D., SAIDANE (dir.), La finance durable : une nouvelle finance

pour le XXIème siècle ? Paris, Revue Banque Editions, 2011.

KANE, E.J., « Regulation and Supervision: an ethical review», NBER working paper

13895, 2008. En ligne : https://www.nber.org/papers/w13895.pdf (site consulté

le 20 mars 2019).

KETKAR, S. et D., RATHA, « Titrisation de créances futures. Un bon outil pour les pays

en développement », (2001) Finance et Développement 46. En ligne :

< https://www.imf.org/external/pubs/ft/fandd/fre/2001/03/pdf/ketkar.pdf >.

KIFF, J., U.RON et S. EBRAHIM, « L’utilisation des swaps de taux d’intérêt et des

swaps de devises par le gouvernement fédéral », (2001) Revue de la Banque du

Canada 26. En ligne : < https://www.banqueducanada.ca/wp-

content/uploads/2010/06/kifff.pdf> (consulté le 03 mars 2017).

KIRAT, T. et L., VIDAL, « Le droit et l’économie : Étude critique des relations entre

deux disciplines et ébauches de perspectives renouvelées », Annales de l'Institut

André Tunc, Université de Paris I, 2005.

KUPRIANOV, A., « Over the counter interest rate derivatives », (1993) 79 /3 Economic

quaterly 65

LABELLE, R. et S., ROUSSEAU, « règlementation financière, éthique et gouvernance »,

(2007) 32/1Gestion 39

LACOUE-LABARTHE, D., « La France a-t-elle connu des paniques bancaires

inefficientes ? Une analyse exploratoire de la crise des années trente », (2005)

115 Revue d'économie politique 633.

LACOURSE, M., « Résultats d’un sondage sur l’endettement et la solliciatation au crédit

», dans AUDY, M. ET OPTION CONSOMMATEURS, Endettement des

consommateurs. Chronique d’une catastrophe annoncée, actes du colloque,

colloque international sur la consommation, les 12 et 13 mars 2009,

Cowansville, Éditions yvon Blais 2009.

LACOURSIÈRE, M., « La perspective bancaire canadienne lors de la crise financière de

2007-2009 », (2014) 29/2 Banking Financial Law Review 271.

Page 467: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

453

LACOURSIÈRE, M., « La règlementation des banques virtuelles au Canada », (2004) 49

RD McGill 683.

LACOURSIÈRE, M. et A. Oulaï, « Le prêt entre particuliers par Internet », (2014) 44

R.D.U.S. 465.

LACOURSIÈRE, M. et F., LÉVESQUE, « Le remboursement par anticipation d’un prêt

hypothécaire par un consommateur : enjeux et perspectives de réforme »,

(2016) 57/4 Cahiers de droit 583.

LACOURSIÈRE, M., « La fraude dans un compte en fidéicommis », (2016) 46

R.G.D.341.

LALONDE, L., « Les « lois éthiques », un défi pour le droit », (2011) 13/1 Éthique

publique 118. En ligne : < http://ethiquepublique.revues.org/394 >, consulté le

27 mars 2017).

LANE, T., « Tour d’horizon du système bancaire parallèle », Discours prononcé devant

la CFA Society Toronto (Ontario), 26 juin 2013. En ligne :

< http://www.banqueducanada.ca/2013/06/tour-horizon-secteur-bancaire-

parallele/ >, (le 25 mars 2015).

LASSERE CAPDEVILLE, J., M., STORCK et R., BLAZY, Le Crédit. Aspects juridiques et

économiques, coll. « Thèmes et commentaires. Actes », Paris, Dalloz, 2012,

202 pages.

LASTRA., R.M. et G., WOOD, «Responses To The Financial Crisis», dans LEPAN, N.,

Look Before you leap: A Skeptical View of Proposals to Meld Macro and

Microprudential Regulation, C.D. Howe Institute n°296, September 2009,

Commentary.

LAUTIER, D., et Y., Simon, « Les rehausseurs de crédit. Anatomie d’une crise », (2008)

7/1 R.E.F. 305.

LAVALLÉE, C., « À la frontière de l'éthique et du droit », (1993) 24 R.D.U.S. 31.

LEBEAU, R., « Politiques et pratiques en matière de gouvernance. Le cas de

l’intermédiaire financier », dans Lacoursière, M., G., Brisson, M., Naccarato,

et R., Crête (dir.), La confiance au cœur de l’industrie des services financiers :

actes du colloque tenu à l’université Laval, le 18 septembre 2009, Cowansville,

Éditions Yvon Blais, 2009.

Page 468: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

454

LEHMANN, M. et D. A., Zetzche, «Brexit and the consequences for commercial and

fianncial relations between the EU and the UK», (2016) European Business

Law Review 21.

LELART, M., « De la finance éthique à l’éthique dans la finance », Laboratoire

d’économie d’Orléans, Document de recherche n°2014 03, p.3. En ligne : < ht

tps://hal.inria.fr/file/index/docid/1015484/filename/dr201403.pdf>, (consulté

le 12 janvier 2016).

LEROUX, P-D., « La titrisation: Dans quelle mesure fait-elle partie du problème ou de

la solution? » dans Lacoursière, M., G., Brisson, M., Naccarato et R., Crête

(dir.), La confiance au cœur de l’industrie des services financiers: actes du

colloque tenu à l’université Laval, le 18 septembre 2009, Cowansville, Éditions

Yvon Blais, 2009.

LÉTOURNEAU, A. et M., NACCARRATO, « La fiducie comme véhicule d’exploitation

d’une entreprise », dans BOUCHARD, C. (dir.), Droit des PME, Collection

CÉDÉ, Cowansville, Éditions Yvon Blais, 2011.

LEVY-GARBOUA, V. et G., MAAREK, « La contrainte cachée du collatéral », (2013) 109

R.E.F. 198.

MACKAAY, E., « L’ordre spontané comme fondement du droit – un survol des modèles

de l’émergence des règles dans une société civile », (1988) 22 R.J.T. 347.

MACKAAY, E., « Le juriste a-t-il le droit d’ignorer l’économie? », (1987) Revue

Jurassienne de Jurisprudence 419.

MAFFEI, A., « De la nature juridique des titres dématérialisés intermédiés en droit

français », (2005) Rev. D.U. 237.

MAINGUY, D., « Le problème posé par le théorème de Coase, le droit de

l’environnement et l’intérêt général environnemental », dand Droit et

sentiment, Rencontres Montpellier Sherbrooke, Ed; CNRS, 2012. En ligne :

< http://data.over-blog-kiwi.com/0/93/50/08/20141031/ob_41899c_le-

probleme-pose-par-le-theoreme-d.pdf> (consulté le 20 mars 2017)

MAJDI, C., « La cession de créances en droit international privé québécois », (2008)

60/3 Revue internationale de droit Comparé 665.

MALLET-BRICOUT, B., « Le fiduciaire, véritable pivot ou simple rouage de l’opération

de fiducie ? », (2013) 58/4 Revue de droit de McGill 908.

Page 469: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

455

MANDEL, B.H., D., MORGAN et C., WEI, « The role of bank credit enhancements in

securitization », (2012) FRBNY, Economic P. Rev. 35.

MANGEMATIN, V., « La confiance : un mode de coordination dont l’utilisation dépend

de ses conditions de production. », dans HARRISSON, D., V., MANGEMATIN et

C., THUDEROZ (dir.), Confiance. Approches économiques et socioloagiques,

Paris, Gaetan Morin, 1999.

MARIMBERT, J., « L’office des autorités de régulation », (2002) 110 L.P.A.73.

MARINI, P., « Enfin la fiducie à la française », (20017) 20 Recueil Dalloz 1347.

MARRAUD des Grottes, G., « Trust et droit français: les frères ennemis? », (2006) 25

Revue Lamy droit civil 2006.57.

MATHIEU, L., « Quelles réformes pour le système financier ? », (2013) 57 L'Économie

politique 47

MEINERTZHAGEN-LIMPENS, A., « Les engagements de ne pas faire en matière de crédit

», (1986) 7 R.DA.I. 675.

MENDEZ, J. et C., TUTIN, « De la crise bancaire à la régulation : l'expérience américaine

de 1907 », (2010) 4/48 L'Économie politique 42.

MEYER, M. et M., OHANA, « Les entreprises sociales dans un monde marchand : A la

recherche d'un management efficace des hommes. », (2007) 11 Management &

Avenir 1.

MEYER, P., « Surendettement et crise financière », (1992) 22/3 R.E.F. 185.

MICHAUD, F-L., « Gestion d’actifs et dérivés de crédit : oppotunités et incertitudes »,

(2005) 79 R.E.F. 4.

MINSKY, H. P., « Schumpeter and Finance », dans Salvatore BIASCO, Alessandro

RONCAGLIA et Michele SALAVATI (dir.), Market and Institutions in Economic

Development: Essays in HONOR of Paolo Sylos Labini, London: Macmillan,

1992, chapitre 7, p. 103

MOHAN, R., « Émergence d’une ébauche de la régulation financière : défis et

dynamique », (2009) 13 Revue de la stabilité financière 113.

MONTGOMERY, A.B., «State Usury Laws and the Federal Reserve Banks», (1921) 7

Virg. Law Rev. 536

MORAND, C-A., « La contractualisation du droit dans l’État Providence », dans Chazel,

F. et J., Commaille, Normes juridiques et régulation sociale, Paris, LGDJ, 1991.

Page 470: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

456

MORDEL, A. et N. STEPHENS, « Une analyse de la titrisation des prêts hypothécaires à

l’habitation au Canada », (2015) Revue du Système Financier 43.

MORISSETTE, A. et M.-Josée LAPIERRE « L’utilisation des fiducies dans un contexte

commercial », dans LAMONTAGNE, D-C., Droit spécialisé des contrats, vol.3

Les contrats relatifs à l’entreprise, cowansville, Les Éditions Yvon Blais Inc.

1999, n°247.

MORRISSON, I.C., « L’Éthique dans les affaires : Quelles singularités dans la banque

et la finance? », dans (1994) 31 R.E.F.288.

MOUMOUNI, C., « Le régime juridique et les clauses essentielles du contrat de garantie

bancaire « à première demande » », (1997) 31 R.J.T.785.

NACCARATO, M., « Partie I: la juridicité de la confiance dans le contexte des contrats

de services de conseils financiers et de gestion de portefeuille », (2009) 39

Revue Générale de droit 457.

NAPPI CHOULET, I., « Retour sur la crise immobilière américiane », (2009) 48 IEIF R

éflexions immobilières 6. En ligne : < https://ingridnc.files.wordpress.com/20

12/12/crise-us.pdf> (consulté le 05 juillet 2018).

NORTHCOTT, C.A., P., GRAYDON et M., WHITE, « Lesson for Banking Reform: A

Canadian Perspective», (2009) 19/4 Central Banking.

NOUY, D., « Les risques du shadow banking en Europe : Le point de vue du superviseur

bancaire », (2013) 109 R.E.F. 221.

NOUY, D., « La coopération entre superviseurs bancaires nationaux », (2007) 87 R.E.F.

2.

NOYER, C., « CRD IV est un atout pour les banques françaises et euorpéennes », (2013)

112 R.E.F. 71.

NOYER, C., « Régulation et confiance », (2010) 100 R.E.F. 112.

O’ CONNOR, S., « The development of financial derivtaives markets: the canadian

experience », (1993) 62 Rapport technique, Ottawa, Banque du Canada.

OLSON, M.W., «The Dual Banking System and the Current Condition of the Banking

Industry», Remarks at the Annual Meeting and Conference of the State Bank

Supervisors, Salt Lake City, mai, 2002.

En ligne : < http://www.federalreserve.gov/BoardDocs/Speeches/2002/200205

31/default.htm> (consulté le 20 mars 2019).

Page 471: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

457

OSSIPOW, W., « Deux pistes pour penser les relations entre éthique et finance », (2010)

36 Revue Finance et bien commun 2010 124.

PACKER, F. et N., TARASHEV, « Rating methodologies for banks », (2011) BIS

Quarterly Review 42.

PACKIN, N. G., « The Case against the Dodd-Frank Act's Living Wills: Contingency

Planning following the Financial Crisis», (2012) 9 Berkeley Bus. L.J. 37-38.

PALIGOROVA, T., « Les conflits de type mandant-mandataire dans le processus de

titrisation », (2009) Revue de la Banque du Canada 35, 36.

PARADA, M., « La supervision financière en Union européenne », (2011) 135

Commentaires 682.

PEARCE II, J.A. et I.A., LIPIN, « Special Purpose Vehicles in Bankruptcy Litigation »,

(2011) 40 Hofstra L. Rev. 200.

PÉCRESSE, J-F. et J-C., LE DUIGOU, « Vers une éthique de la finance?» dans « Éthique

et crise financière, éthique en contextes, Paris, l’Harmattan 2009, Actes de

colloque organisé par la fondation Ostad Elahi- éthique et solidariyé humaine

et l’IIM-CNAM.

PELTZMAN, S.,«Towards a more general theory of regulation», (1976) 19/ 2 Conference

on the Economics of Politics and Regulation 211-240.

PEREZ, R., « Analyse de la crise financière ou crise de l'analyse financière? », (2010)

35 R.M.A. 180.

PERRY., M. B., « A Challenge Postponed: Market 2000 Complacency in Response to

Regulatory Competition for International Equity Markets», (1993-1994) 34 Va.

J. Int'l L. 705.

PETIT, N., «Credit Rating Agencies, The Sovereign Debt Crisis And Competition

Law», (2011) 7/3 European Competition Journal 587.

PINEAULT, É., « Quand la finance réinvente l’aliénation et la réification », (2015) 1

Terrains/Théories 3. En ligne : < http://teth.revues.org/369 >, consulté le 20

janvier 2016).

PISTOR, K., « A Legal Theory of Finance», (2013) 41/2 Journal of Comparative

Economics 315

POIMEUR, Y., « Théorie de la concurrence et conception de l’État », (2015) 63 Le

Courant juridique 20.

Page 472: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

458

POLLIN, J-P., « La régulation bancaire face au dilemme du « Too Big To Fail » :

Mécanismes et solutions » (2007) 1 Revue Économique et Monétaire de la

BCEAO 13. En ligne : <https://www.bceao.int/sites/default/files/2017-

12/Revue_economique_et_monetaire_-_juin_2007-2.pdf> (consulté le 12 mai

2018).

POSTEL, N., « Sur les relations entre l'éthique et le capitalisme », (2009) 2/ 4), Revue

Française de Socio-Économie 9.

PRAICHEUX, S. et P. mousseron, « … Et le risque devint produit », dans Mélanges

AEDBF- France V, sous la direction de Hubert DE VAUPLANE, H. et J-J

DAIGRE, Paris, Revue banque éditeur 2008.

PRÜM, A. et J.-P., MATTOUT, « Juillet-décembre 2007 : subprime… but the show must

go on !», (2008) 168 Droit et Patrimoine 73, en ligne :

< http://orbilu.uni.lu/bitstream/10993/11443/1/Dt%26Pat_2008-168_AP-

JPM_chron-banc.pdf >, (consulté le 20 mars 2017).

RACICOT, F-É., et al., « La titrisation aux États-Unis et au Canada », (2016)280/4 La

Revue des Sciences de Gestion 21

RANIERI, L. S., « the origins of securitization, sources of its growth, and its future

potential », dans T Kendall, L., H., Hirschhofer, et M., J. Fishman (dir.), A

Primer On Securitization, Cambridge, MIT press, 1996.

REID, C., « Credit Default Swaps and the Canadian Context», (2012) Financial Rev.

45, 49. En ligne : < http://www.bankofcanada.ca/wp-

content/uploads/2012/01/fsr-0605-reid.pdf > (consulté le 12 octobre 2014).

RICHARD, H., « L’autonomie patrimoniale de la société : Le patrimoine d’affectation,

une avenue possible ? », Congrès annuel du Barreau, 2002. En ligne : <https://

www.barreau.qc.ca/pdf/congres/2002/03-richard.pdf> (consulté le 05 juin

2018).

RICHARDSON, M. et L., J. WHITE, « The Ratings Agencies, Is Regulations the

Answer? » dans ACHARYA., V. V. et M., RICHARDSON (dir.), Restoring

Financial Stability, New-York, 1ère edition, John Wiley & Sons, Inc., 2009.

RICKS, M., « Shadow Bnaking and financial regulation », (2010) 370 Columbia Law

and Economic Working Paper. En ligne: <http://ssrn.com/abstract=1571290>,

(consulté le 25 mars 2015).

Page 473: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

459

ROCHET, J-C., « Le Futur de la règlementation bancaire », (2008) 2 TSE Notes.

ROCHET, J-C., « Dérèglementation et risque du secteur bancaire », (1991) R.E.F.59.

ROE, M. J., « Les marchés de produits dérivés et la loi américaine sur les faillites »,

(2012) 105 R.E.F. 234

ROMANO, R., « Is Regulatory Competition a Problem or Irrelevant for Corporate

Governance? », New-York University Law and Economics Working papers,

mars 2005. En ligne : < http://lsr.nellco.org/cgi/viewcontent.cgi?article=1018

&context=nyu_lewp >, (consulté le 12 septembre 2016).

ROUSSEAU, S., « La règlementation des agences de notation de credit suite à la crise

financière: la longue et tortueuse route vers la responsabilisation », dans

LACOURSIÈRE, M., G., BRISSON, M., NACCARATO et R., CRÊTE (dir.), La

confiance au cœur de l’industrie des services financiers : actes du colloque tenu

à l’université Laval, le 18 septembre 2009, Cowansville, Éditions Yvon Blais,

2009.

ROUSSEAU, S., «Enhancing the Accountability Of Credit Rating Agencies: The Case

For A Disclosure-Based Approach», (2006) 51 McGill L.J. 617,624.

ROUX, M., « Sortie de crise ou crise de sortie: quelles leçons pour les modèles de

banques », (2012) 65 R.H.D.I. 39

ROY, N., « Le fédéralisme canadien sous l'oeil de la concurrence règlementaire : le cas

des mesures défensives en matière d'offres publiques d'achat », (1990) 31/2 Les

Cahiers de droit 321.

RYAN, K.W., « The reception of the Trust », (1961) 10/02 International and

Comparative Law Quarterly 265. En ligne :

<http://journals.cambridge.org/action/displayAbstract?fromPage=online&aid=

1471628>, (consulté le 20 mars 2017).

SARRA, J., «Risk Management, Responsive Regulation And Oversight Of Structured

Financial Product Markets », (2011) 44/3 UBC L. Rev. 782.

SCATIGNA, M. et C., E. TOVAR, « Securitization in Latin America», (2007) BIS

Quarterly Review 71

SCHMIDT, D. « La titrisation des créances », (1989) Rj.com. spé. p.114.

SCHOENMAKER, D., « Le « partage de la charge » : de la théorie à la pratique », (2010)

100 R.E.F. 164.

Page 474: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

460

SCHUETH, S., « Socially Responsible Investing In The United States », (2003) 43/3

Journal Of Business Ethics 190.

SCIALOM, L. et Y., TADJEDDINE, « Banques hybrides et règlementation des banques de

l’ombre », (2014) 1/22 Terre Nova. En ligne : < http://tnova.fr/system/content

s/files/000/000/119/original/17112014__-

_Banques_hybrides_et_re%CC%81glementation_des_banques_de_l_ombre.p

df?1432549161>, (consulté le 12 septembre 2016).

SELODY, J. et E., WOODMAN, « La réforme de la titrisation », (2009) Revue du système

financier, Rapports. En ligne : < http://www.banqueducanada.ca/wp-

content/uploads/2012/01/rsf-1209-selody.pdf >, (consulté le 26 mars 2015).

SEN, A., «Éthique et finance», (1992) 20 R.E.F. 259.

SERLOOTEN, P., « L’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée », (1985)

chr.xxxiii Recueil Dalloz 187.

SHIRREFF, D., « Danger-kids at play », (1995) Euromoney 46.

SIMON, Y. et D., LAUTIER, « Titrisation : Analyse économique et financière »,

Ingénierie financière, fiscale et juridique, (2009) Recueil Dalloz 693.

SIMON, Y., « Marché au comptant et marchés dérivés. Des interactions complexes »,

(2009) 275 Banque Stratégie 4.

SMORTO, G., « Justice contractuelle », (2008) Revue internationale de droit comparé 4.

SOBREIRA, R., « Innovation financière et investissement. Le cas de la titrisation »,

(2004) 19 Innovations 119.

SOUMARÉ, I., « La pratique de la finance islamique par Issouf Soumaré », (2009) 77

Insurance and Risk Management 66-67.

STERLING, H.M., et SCHRAG, P.G., « Default judgments against consumers: Has the

System Failed? », (1990) 67 DENV. U. L. REV. 357, 357-59.

STIGLER, G. J., « The Theory Of Economic Regulation», (1971) 2/1 The Bell Journal

of Economics and Management Science 3-21.

SUPIOT, A., « Contractualisation de la société », (2001) 43 Courrier de l'environnement

de l'INRA 52.

TCHOTOURIAN, I., « L’investissement socialement responsable imposé aux gérants de

portefeuille: vraie réforme ou faux semblant de la loi "Grenelle II" en faveur de

Page 475: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

461

l'ISR? », (2010) 3 Papyrus. En ligne < http://hdl.handle.net/1866/4162 >,

(consulté le 17 novembre 2014).

TEUBNER, G., Droit et réflexivité, Bruxelles-Paris, E., Stroy-Scientia, L.G.D.J, 1994.

THEURILLAT, T., « Le développement durable, un antidote à la crise financière? », Le

développement durable : un antidote à la crise financière ? », (2009) 167 Revue

économique et sociale 67.

THIBAUDEAU, L., « L’application de la loi sur la protection du consommateur au secteur

immobilier », dans LAFOND, P-C. et B. LEFEBVRE, Le consommateur

immobilier en quête de protection, Cowansville, Éditions Yvons Blais, 2014.

THIBODEAU, J., « La titrisation de la propriété intellectuelle au Canada » (2003) 48 R.D.

McGill 477.

TIROLE, J., « Leçons d’une crise », (2008) 1 TSE Note 7.

TOOVEE, P. et J., KIFF, « Le marché canadien du papier commercial adossé à des actifs

: Évolution et enjeux », Banque du Canada, (2003) Revue du système financier

45.

TOURAINE, H., et O., BERNARD, « La notion de ‘’true sale ‘’ en droit français : enjeux,

sens et problématiques », (2007) 1 R.T.D.F. 97.

TRAINAR, P., « Les leçons de la crise asiatique », (1999) 88 Revue Commentaire 871.

ULLMO, Y., « Intermédiation et marché : quelques remarques », (1990) 41/5 Revue

économique 939.

VALETTE, J-P., « La régulation des marchés financiers », (2005) Revue du Droit Public

186.

VALLAGEAS, B., « Analyse de la crise financière actuelle », (2009) 5 Revue de la

régulation. En ligne : < http://regulation.revues.org/7544 >, (consulté le 15

octobre 2014).

VASSEUR, M., « Sécurité financière et droit », (1991) 18 R.E.F. 113.

VEDEL, G., « Le droit économique existe-t-il? », dans Mélanges offerts à Pierre

Vigreux, Toulouse, I.P.A/I.A. E, 1981.

VELASCO, A, « Financial Crises and Balance of Payments Crisis: A Simple Model of

The Southern Cone Experience », (1987) 27 J.DEV. ECON. 263.

VIEILLEFOND, E., « Désintermédiation, protection du consommateur et devoir de

conseil », (2013) 109 R.E.F.255.

Page 476: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

462

WAINWRIGHT, T., « Transferring Securitization, Bond-Rating, and a Crisis from the

US to the UK », dans AALBERS, M., Subprime Cities: The Political Economy

of Mortgage Markets, vol. n° 72, New-Jersey, John Wiley & Sons, 2012.

WEITZNER, D. et J., DARROCH, « Why Moral Failures Precede Financial Crisis? »,

(2009) 5 Critical perspectives on international business 6.

WILLIAMS, E.W et R., COASE, « Discussion », (1964) 54 The American Economic

Review 194.

WILLISTON, S., « Is the Right of an Assignee of a Chose in Action Legal or

Equitable? », (1916) 30/2 Harvard Law Review 97.

XAFA, M., « European Capital Markets Union Post-Brexit », 140 CIGI papers 2017.

XUE-BACQUET, B., « Une régulation complexe dans l’intégration financière », (2000)

46 Rev. dr. soc. 458.

YOUNG CHANG, B., M. JANUSKA, G. KUMAR et A. USCHE, « La surveillance du secteur

bancaire parallèle au Canada : une approche hybride », (2016) Revue du

système financier 30. En ligne : < http://www.banqueducanada.ca/wp-

content/uploads/2016/12/rsf-decembre-2016-chang.pdf>, (consulté le 12

février 2017).

ZADEK, S. et Z., CHENGHUI, «Greening China’s Financial System. An Initial

Exploration», International Institute for Sustainable Development (IISD),

Canada, 2014. En ligne : < http://www.iisd.org/pdf/2014/greening_china_fina

ncial_system_en.pdf>, (consulté le 12 janvier 2016).

LOIS, DIRECTIVES, CONVENTIONS INTERNATIONALES, LOIS TYPES

Alternative Mortgage Transaction Parity Act, Pub.L.114-38 (1982).

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS (Québec), Lignes directrices sur l’octroi des

prêts hypothécaires résidentiels, mars 2018. En ligne : < https://lautorite.qc.ca

/fileadmin/lautorite/reglementation/lignes-directrices-assurance/ligne-

directrice-pretshypothecaires-residentiels_fr.pdf > (consulté le 2 juin 2018).

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS (Québec), Ligne directrice sur la gestion des

risques liés à l’opération de titrisation, mars 2019.

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS (Québec), Ligne directrice sur la gestion du

risque de liquidité, mars 2019.

Page 477: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

463

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS (Québec), Ligne directrice sur la gouvernance,

2016.

AUTORITÉ DES MARCHÉS FINANCIERS (Québec), Ligne directrice sur les normes

relatives à la suffisance du capital de base, mars 2019.

BANK FOR INTERNATIONAL SETTLEMENTS, Convergence internationale de la mesure

et des normes de fonds propres, BASEL COMMITTEE ON BANKING

SUPERVISION, juillet, 1988. En ligne: < https://www.bis.org/publ/bcbsc111fr.p

df >, (consulté le 20 janvier 2016).

The Banking Act de 1933, Pub.L. 73–66, 48 Stat. 162.

Banking circular 277, COMPTHROLLER OF THE CURRENCY, ADMINISTRATOR OF

NATIONAL BANKS, « Risk management of financial derivatives », 27 octobre

1993.

BANQUE DES RÈGLEMENTS INTERNATIONAUX, Cadre règlementaire international du

secteur bancaire (Bâle III), 2011. En ligne:

< http://www.bis.org/bcbs/basel3_fr.htm >, (consulté le 20 janvier 2016).

BASEL COMMITTEE ON BANKING SUPERVISION, The Basel Core Principles for Effective

Banking Supervision, septembre 2012. En ligne:

< http://www.bis.org/publ/bcbs230.pdf >, (consulté le 20 mars 2017).

BASEL COMMITTEE ON BANKING SUPERVISION, The Compliance Function In Banks,

BANK FOR INTERNATIONAL SETTLEMENTS, octobre 2003. En ligne :

< http://www.bis.org/publ/bcbs103.pdf >, (consulté le 10 octobre 2015).

BASEL COMMITTEE ON BANKING SUPERVISION, Regulatory Consistency Assessment

Programme (RCAP). Handbook for jurisdictional assessments, mars 2016. En

ligne : < https://www.bis.org/bcbs/publ/d361.pdf> (consulté le 12 mai 2018).

Building Societies act, 1986, Chapter 53.

BASEL COMMITTEE ON BANKING SUPERVISION, Revisions to the securitisation

framework, 2016. En ligne: < https://www.bis.org/bcbs/publ/d374.pdf >

(consulté le 12 mai 2018).

BASEL COMMITTEE ON BANKING SUPERVISION et INTERNATIONAL ORGANIZATION OF

SECURITIES COMMISSION, Margin requirements for non-centrally cleared

derivatives, 2013. En ligne : <https://www.bis.org/publ/bcbs261.pdf >

(consulté le 12 mai 2018).

Page 478: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

464

BUREAU DU SURINTENDANT DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES (BSIF), Gouvernance

d’entreprise, septembre 2018. En ligne : <http://www.osfi-

bsif.gc.ca/Fra/Docs/CG_Guideline.pdf> (consulté le 21 septembre 2018).

BUREAU DU SURINTENDANT DES INSTITUTIONS FINANCIÈRES (BSIF), Ligne directrice

B-20 : Pratiques et procédures de souscription de prêts hypothécaires

résidentiels, octobre 2017. En ligne : < http://www.osfi-

bsif.gc.ca/Fra/Docs/B20_dft.pdf > (consulté le 15 janvier 2018).

Code civil du Québec, 1991, c-64.

Code de déontologie de la chambre de la securité financière (Québec).

Code monétaire et financier (France).

Code of Federal Regulations, Title 17 - Commodity and Securities Exchanges.

COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, Bâle III : Dispositif international de

mesure, normalisation et surveillance du risque de liquidité, Banque des

Règlements Internationaux, 2010. En ligne :< http://www.bis.org/publ/bcbs18

8_fr.pdf >, (consulté le 3 janvier 2016).

COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, Bâle III: dispositif règlementaire

mondial visant à renforcer la résilience des établissements et systèmes

bancaires, Décembre 2010. En ligne: < https://www.bis.org/publ/bcbs189_fr.

pdf >, (consulté le 20 janvier 2016).

COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, Bâle III : finalisation des

réformes de l’après-crise Décembre 2017.

En ligne : < https://www.bis.org/bcbs/publ/d424_fr.pdf > (site consulté le 12

janvier 2018).

COMITÉ DE BÂLE sUr LE CONTRÔLE BANCAIRE, Bâle III: Ratio de liquidité à court terme

et outils de suivi du risque de liquidité, 2013. En ligne :

< https://www.bis.org/publ/bcbs238_fr.pdf> (consulté le 20 mars 2017).

COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, Bâle III : Ratio structurel de liquidité

à long terme, 2014. En ligne : < https://www.bis.org/bcbs/publ/d295_fr.pdf>

(consulté le 20 mars 2017).

COMITÉ de BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, Charte, Banque des Règlements

Internationaux, janvier 2013. En ligne :< http://www.bis.org/bcbs/charter_fr.p

df>, Consulté le 20 janvier 2016).

Page 479: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

465

COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, ORGANISATION INTERNATIONALE DES

COMMISSIONS DE VALEURS. Criteria for identifying simple, transparent and

comparable securitisations, juillet 2015.

COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, ORGANISATION INTERNATIONALE DES

COMMISSIONS DE VALEURS. Criteria for identifying short-term “simple,

transparent and comparable” securitisations, Mai 2018.

COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, Convergence internationale de la

mesure et des normes de fonds propres, juin 2006. En ligne :

< http://www.bis.org/publ/bcbs128fre.pdf >, (consulté le 20 mars 2017).

COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, Les réformes de Bâle III. En ligne :

< https://www.bis.org/bcbs/basel3/b3summarytable_fr.pdf > (consulté le 12

mai 2018).

COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, Prinicpes de saine gestion et de

surveillance du risque de liquidité, 2008Enligne:< https://www.bis.org/publ/b

cbs144_fr.pdf> (consulté le 20 mars 2017).

COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, Rapport aux ministres des Finances et

aux gouverneurs des banques centrales du G 20 sur le suivi de la mise en œuvre

de la réforme règlementaire Bâle III, avril 2013. En ligne :

< http://www.bis.org/publ/bcbs249_fr.pdf >, (consulté le 20 janvier 2016).

COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, Recommandations pour la détection et

le traitement des banques fragiles, Juillet 2015. En ligne :

< http://www.bis.org/bcbs/publ/d330_fr.pdf >, (consulté le 20 mars 2017).

COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE, Renforcement de la transparence

bancaire. Contribution de la communication financière et de l’information

prudentielle à des systèmes bancaires sûrs et solides, septembre 1998. En

ligne : < http://www.bis.org/publ/bcbs41fr.pdf >, (consulté le 14 mars 2016).

COMITÉ DE BÂLE SUR LE CONTRÔLE BANCAIRE (CBCB) ET DE L’ORGANISATION

INTERNATIONALE DES COMMISSIONS DES VALEURS (OICV), Exigences de

marge pour les dérivés non-compensés centralement, 2013. En

ligne :< http://www.bis.org/bcbs/publ/d317_fr.pdf > (consulté le 12 mai 2018).

Commodity Futures Trading Commission, 7 USC § 2.

Commodity Futures Act, R.S.O. 1990, c.C.20 (Ontario).

Page 480: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

466

Community Reinvestment act, Pub.L. 95-128, 91 Stat. 1147 (1977).

Companies act, 2006, Chapter 46.

Competitive equaliy banking act, Pub.L. 100-86, title XII, § 1204, 101 Stat.552 ; Pub.L.

100-86, 101 Stat.662.

Convention d’Unidroit sur les règles matérielles relatives aux titres intermédiés,

Genève, 2009.

Convention relative à loi applicable au trust et à sa reconnaissance, conclue à La Haye

le 1er juillet 1985.

Credit Rating Agency Reform Act, Pub.L. 109-91, 120 STAT.1327.

Débats du Sénat, 16 février 1967, 1ère session, 27e législature vol.2, p. 1447 (deuxième

lecture du projet de loi C-261 visant à établir la SADC.). En ligne :

< http://parl.canadiana.ca/view/oop.debates_SDC2701_02/438?r=0&s=1>

(consulté le 12 février 2017)

Déclaration de Rio sur l’environnment et le développement, Sommet de Rio de

Janeiro du 3 au 14 juin 1992. En ligne : <http://www.un.org/french/events/rio

92/aconf15126vol1f.htm >, (consulté le 20 mars 2017).

Déclaration finale de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement, Sommet

de Stockholm du 5 au 16 juin 1972. En ligne :

<http://www.unep.org/Documents.Multilingual/Default.asp?DocumentID=97

&ArticleID=1503&l=fr> (consulté le 20 mars 2017).

Déclaration Universelle des Droits de l’Homme.

Depository Institutions Deregulation and Monetary Control Act, Pub.L. 96–221, 94

Stat.132 (1980).

Directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008

concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive

87/102/CEE du Conseil.

Directive 2013/36/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013

concernant l'accès à l'activité des établissements de crédit et la surveillance

prudentielle des établissements de crédit et des entreprises d'investissement.

Directive 2014/17/UE du Parlement européen et du Conseil du 4 février 2014 sur les

contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage

résidentiel.

Page 481: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

467

Directive 2014/49/UE du Parlement Européen et du Conseil du 16 avril 2014 relative

aux systèmes de garantie des dépôts, Journal officiel n° L 173/149.

Directive 2014/59/UE du Parlement europeen et du Conseil du 15 mai 2014 établissant

un cadre pour le redressement et la résolution des établissements de crédit et

des entreprises d’investissement.

Directive 2014/65/UE du Parlement européen et du Conseil du 15 mai 2014

concernant les marchés d’instruments financiers et modifiant la directive

2002/92/CE et la directive 2011/61/UE Texte présentant de l'intérêt pour l'EEE.

Directive 94/19/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 1994, relative aux

systèmes de garantie des dépôts, Journal officiel n° L 135.

Directive n° 2010- 1249 sur la régulation bancaire et financière.

Dood-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection act, Pub. L. N° 111-203,

124 Stat 1376 (2010).

Extraits du Rapport De Larosière, Bruxelles, 2009, p.16. En ligne : < http://ec.europa.

eu/internal_market/finances/docs/de_larosiere_report_fr.pdf > (consulté le 14

mars 2016).

Federal Credit Unions act, 12 U.S. Code Chapter 14, Pub. L. 114-38.

Federal Deposit Insurance Commission, 12 USC Chapter 16, Pub.L. 114-38.

Federal Home Loan Bank Act, Pub.L. 72–304, 47 Stat. 725.

Federal Housing Finance Agency, 12 USC §4511.

FEDERAL RESERVE, Proposed Revisions to Prohibitions and Restrictions on Proprietary Trading

and Certain Interests in, and Relationships With, Hedge Funds

and Private Equity Funds, 2018. En ligne: <https://www.federalreserve.gov/new

sevents/pressreleases/files/bcreg20180530a1.pdf > (consulté le 05 juin 2018).

Financial services act, 1986, Chapter 60.

Financial Services Modernization Act, 1999, Pub.L. 106–102, 113 Stat. 1338.

FINANCIAL STABILITY BOARD, FSB Principles for Sound Residential Mortgage

Underwriting Practices, avril 2012. En ligne : < http://www.fsb.org/wp-

content/uploads/r_120418.pdf> (consulté le 20 juin 2016).

FINANCIAL STABILITY BOARD, A Global Legal Entity Identifier for Financial Markets,

juin 2012. En ligne : < http://www.fsb.org/wp-content/uploads/r_120608.pdf>

(consulté le 12 mai 2018).

Page 482: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

468

FONDS MONÉTAIRE INTERNATIONAL, La ligne de crédit modulable du FMI (LCM),

2016. En ligne : < https://www.imf.org/fr/About/Factsheets/Sheets/2016/08/01

/20/40/Flexible-Credit-Line> (consulté le 20 mars 2017).

FONDS MONÉTAIRE INTERNATIONAL, La ligne de précaution et de liquidité (LPL) du

FMI, 2016. En ligne : < https://www.imf.org/external/np/exr/facts/fre/pdf/pllf.

pdf> (consulté le 20 mars 2017).

Glass-Steagall, Pub.L. 7366, 48 Stat. 162.

Hawley-Smoot (Smoot-Hawley Tariff Act) Pub.L- 71-361 qui, promulguée aux États-

Unis le 17 juin 1930, a été plus sévère en augmentant les droits de douane à

l'importation sur plusieurs biens.

Home Mortgage Disclosure Act, Pub.L. 94-200, 89. Stat.1124.

Investment Company Act, 15 U.S.C. §§ 80a-1–80a-64, Pub.L. 76–768, 15

U.S.C. §§ 80a-1–80a-64.

ISDA, ISDA standard terms supplement for use with Credit Derivative Transaction on

Collateralized Debt Obligation with Pay-As-You-Go or Physical Settlement,

Juin 2007.

Livre vert - Promouvoir un cadre européen pour la responsabilité sociale des

entreprises, COM/2001/0366 final. En ligne : < http://eur-lex.europa.eu/legal-

content/FR/TXT/?uri=CELEX:52001DC0366>.

Loi Fordney-McCumber Tariff de 1922, 19 USC § 127

Loi 88-1201 du 23 décembre 1988 portant création des fonds commun de créances.

Loi 93-06 du 4 janvier 1993 relative aux sociétés civiles de placement immobilier, aux

sociétés de crédit foncier et aux fonds communs de créances.

Loi canadienne sur les banques, L.C. 1991, ch. 46.

Loi canadienne sur les sociétés par actions L.R.C. (1985) ch.C-44 ; Loi québébcoise

sur les sociétés par actions chapitre S-31.1.

Loi du 22 mars 2004 relative à la titrisation. En ligne :< http://eli.legilux.public.lu/eli

/etat/leg/loi/2004/03/22/n1 > (consulté le 12 février 2016).

Loi du 22 mars 2004 relative à la titrisation, Mémorial A n°46.

Loi du 27 juillet 2003, Journal Officiel du Grand-Duché de Luxembourg, 3 septembre

2003, 2620

Loi Emergency Tariff de 1921, Pub.L. 67-10

Page 483: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

469

Loi ERISA (Employee Retirement Income Security Act) de 1974, Pub.L. 93-406, 88

Stat.829.

Loi française no 2007-211 du 19 février 2007 qui institue la fiducie, JO, 21 février

2007, 3052 [Loi no 2007-211]

Loi Gramm-Leach-Bliley ou la Financial modernization Act de 1999, Pub.L.106-102,

113 Stat.1338

Loi Merchant Marine (Jones Act) de 1920, P.L. 66-26

Loi n°1 d'exécution du budget 2016, L.C. 2016, ch.7

Loi japonaise n° 25 de 1948 sur les valeurs mobilières et les bourses

Loi n° 2007-211 du 19 février 2007 instituant la fiducie, JORF n°44 du 21 février

2007 page 3052, texte n° 3. ».

Loi n°88-1201 du 23 décemebre relative aux organismes de placement collectif en

valeurs mobilières et portant création des fonds communs de créances.

Loi sur l’assurance-dépôts, RLRQ chapitre A-26.

Loi sur l’Autorité des Marchés Financiers, RLRQ chapitre A-33.2

Loi sur l’expansion des exportations, L.R.C. (1985), c E-20.

Loi sur la compensation et le règlement des paiements, L.C. 1996, ch. 6, ann.

Loi sur la Concurrence, L.R.C., 1985, ch. C-34.

Loi sur la distribution des produits et services financiers, RLRQ chapitre D-9.2

Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. (1985), ch. B-3

Loi sur la protection du consommateur, RLRQ c. P-40.1.

Loi sur la Société d’assurance-dépôts du Canada (L.R.C. (1985), ch. C-3)

Loi sur la titrisation du 22 mars 2004, Mémorial A n°46.

Loi sur le transfert de valeurs mobilières et l'obtention de titres intermédiés, RLRQ c

T-1.1.002.

Loi sur les contrats à terme de marchandises, cplm. C. C152. (Manitoba)

Loi sur les hypothèques, L.R.O. 1990, chap. M.40 (ontario).

Loi sur les banques, L.C. 1991, ch. 46.

Loi sur les coopératives, RLRQ C-67.2.

Loi sur les instruments Dérivés, RLRQ chapitre I-14.

Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt (L.C. 1991, ch. 45).

Loi sur les valeurs mobilières, RLRQ c. V-1.1, a. 331.1

Page 484: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

470

Maloney act a modifié la Securities exchange act en 1938.

Mater Agreement de l’ISDA.

McCarran–Ferguson Act, 15 U.S.C. §§ 1011-1015.

OCC, FEDERAL RESERVE, FDIC, SEC, Final Rule, 2014, p.767. En

ligne : <https://www.occ.treas.gov/news-issuances/news-releases/2013/nr-ia-

2013-186a.pdf> (consulté le 05 juin 2018).

Projet de loi no 134 (2017, chapitre 24) Loi visant principalement à moderniser des

règles relatives au crédit à la consommation et à encadrer les contrats de

service de règlement de dettes, les contrats de crédit à coût élevé et les

programmes de fidélisation (Première session, 41e législature).

Règlement (CE) N° 1060/2009 du parlement européen et du conseil du 16 septembre

2009 sur les agences de notation de crédit.

Règlement (UE) n ° 575/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013

concernant les exigences prudentielles applicables aux établissements de crédit

et aux entreprises d'investissement.

Règlement (UE) n ° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014

sur les abus de marché (règlement relatif aux abus de marché).

Règlement (UE) n° 236/2012 du 14 mars 2012 sur la vente à découvert et certains

aspects des contrats d’échange sur risque de crédit.

Règlement 25-101 sur les agences de notation désignées, RLRQ c. V-1.1, r. 8.1.

Règlement 41-101 sur les obligations générales relatives au prospectus, RLRQ

chapitre V-1.1, r.14.

Règlement 45-106 sur les dispenses de prospectus, RLRQ chapitre V-1.1, r.21

Règlement C-29 sur les organismes de placement collectif en créances hypothécaires,

RLRQ c. V-1.1, r. 45.

Règlement d’application de la Loi sur la protection du consommateur, chapitre P-40.1,

r.3.

Règlement d’application de la loi sur les assurances, RLRQ chapitre A-32, r. 1.

Règlement Général de l’Autorité des Marchés Financiers (France)

Règlement grand-ducal du 19 juillet 1983 relatif aux contrats fiduciaires des

établissements de crédit.

Page 485: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

471

Règlement sur la déontologie dans les disciplines des valeurs mobilières (LDPSF D-

9.2 A.201).

Règlement sur la recapitalisation interne des banques (émission) (DORS/2018-58)

(2018) au niveau du Canada; et au Québec,

Règlement sur le commerce de l’assurance (banques et sociétés de portefeuille

bancaires) DORS/92-330.

Règlement sur le coût d’emprunt (banques), DORS/2001-101.

Règlement sur le régime d'indemnisation applicable en raison de certaines opérations

de résolution (Québec) et le Règlement précisant l'application des articles

40.15 à 40.17 de la Loi sur les institutions de dépôts et la protection des dépôts

aux contrats financiers protégés et leur transfert (Québec), mars 2019.

Règlement sur les catégories de créances non garanties négociables et transférables et

sur l'émission de ces créances et de parts (Québec),

Règlement sur l'exercice des activités des représentants, RLRQ chapitre D-9.2, r. 10.

Securities Act, P.L. 112-106, sec.10, 1933.

Securities exchange act, 15 U.S.C. § 78, Pub.L. 73–291, 48 Stat. 881.

Social Security Act (SSA), Pub.L. 74–271, 49 Stat. 620.

SOMMET DU G20, Déclaration finale du Sommet de Cannes : Pour bâtir notre avenir

commun, renforçons notre action collective au service de tous, France, 2011.

En ligne : <http://www.g20.utoronto.ca/2011/2011-cannes-declaration-

111104-fr.html> (consulté le 12 mai 2018).

SOMMET DU G20, Sommet de Londres. Déclaration des chefs d’État et de

gouvernement, Avril 2009. En ligne : < http://www.g20.utoronto.ca/2009/200

9communique0402-fr.pdf >, (consulté le 20 janvier 2016).

SOMMET DU G20, Sommet de Pittsburgh. Déclaration des chefs d’États et de

Gouvernement, 24-25 septembre 2009 (Traduit de l’anglais). En ligne:

< http://www.g20.utoronto.ca/2009/2009communique0925-fr.pdf >, (consulté

le 15 janvier 2016).

SOMMET DU G20, Sommet de Washington. Déclaration du sommet sur les marchés

financiers et l’économie mondiale, Washington, Novembre 2008. En ligne:

<http://www.ituc-csi.org/IMG/pdf/4GC_F_08_-_Annexe_II_-

_Declaration_G20_-_FRENCH.pdf >, (consulté le 20 janvier 2016

Page 486: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

472

Tax Reform Act de 1986, Pub. L.99-514, 100 Stat. 2085.

THE TECHNICAL COMMITTEE OF the INTERNATIONAL ORGANIZATION OF SECURITIES

COMMISSION, Code of conduct fundamentals for credit for credit rating

agencies, May 2008. En ligne : < https://www.iosco.org/library/pubdocs/pdf/I

OSCOPD271.pdf >, (consulté le 20 mars 2017)

THE WHITE HOUSE OFFICE OF THE PRESS SECRETARY, « Presidential Executive Order

on Core Principles for Regulating the United States Financial System », 3

février 2017. En ligne : <https://www.whitehouse.gov/presidential-

actions/presidential-executive-order-core-principles-regulating-united-states-

financial-system/> (consulté le 20 mars 2017)

Truth in Lending Act, Pub.L. 90 – 321, 88 Stat. 146.

Traité instituant le Mécanisme Européen de Stabilité, 2011, JO L 91 du 6.4.2011, p.

1. En ligne : < http://ec.europa.eu/dorie/fileDownload.do;jsessionid=PQlDJnB

TQnW1rRgzzkb1NZQxGJHHHTxFMJL4HWgKLQV5tyB6XF4f!469751194

?docId=1123784&cardId=1123780 >, (consulté le 27 mars 2017).

Uniform Commercial Code, § 9, secured transactions.

U.S. Code: Title 11- Bankruptcy, Pub.L. 114-38.

Volcker Rule, § 619 (12 U.S.C. § 1851) de la Dodd–Frank Wall Street Reform and

Consumer Protection Act.

JURISPRUDENCE NATIONALE ET INTERNATIONALE

CANADA

Houle c. Banque Canadienne Nationale, [1990] 3 RCS 122, 1990 CanLII 58 (CSC)

Riendeau c. Cie de la Baie d'Hudson, 2003 CanLII 28871 (QC CS),

<http://canlii.ca/t/64ts>, (consulté le 12 février 2016).

Metropolitan toronto widows and orphans fund v. telus communications inc., (2003)

30 BLR (3d) 288; OJ No 128 (QL).

Centre d'aide aux entreprises Champlain inc. c. Banque royale du Canada, 1996

CanLII 5809 (QC CA). En ligne : < http://canlii.ca/t/1nggv >, (consulté le 18

novembre 2014).

SGF Soquia inc. c. Compagnie nationale de forage et sondage (1991) inc., 2010 QCCA

969 (CanLII). En ligne : < http://canlii.ca/t/29sjd >. (Consulté le 20 mars 2017).

Page 487: La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des ... · La crise des subprimes: vers un meilleur encadrement des risques financiers et juridiques liés à la titrisation des

473

ÉTATS-UNIS

In re LTV Steel Co., 274 B.R. 278 (Bankr. N.D. Ohio 2002)

Securities and Exchange Commission v. Goldman, Sachs & Co. and Fabrice Tourre,

10 Civ. 3229 (BJ) (S.D.N.Y. filed April 16, 2010). En ligne : < https://www.se

c.gov/litigation/complaints/2010/comp21489.pdf > (consulté le 12 mai 2018).

UNITED STATES DISCTRICT COURT, SOUTHERN DISTRICT OF NEW YORK, Consent of

defendant Goldman, Sachs & Co, 14 juillet 2010. En ligne : < https://www.sec

.gov/litigation/litreleases/2010/consent-pr2010-123.pdf > (consulté le 13 mai

2018).

EUROPE

CJUE, gde. ch., 22 janvier 2014, Royaume-Uni c/ Parlement et Conseil, aff. C-270/12.

FRANCE

L’arrêt « Coeur Défense », Cour d’appel de Versailles du 28 février 2013, n°12/02755.

Civ. 1re, 7 avr. 2009, (2009) D. AJ. 1203.

DICTIONNAIRES ET OUVRAGES DE RÉFÉRENCES

BIDET, J. et E., KOUVELAKIS, Dictionnaire Marx Contemporain, Paris, PUF, 2001.

CORNU, G. (dir.), Vocabulaire juridique, 8e éd., Paris, PUF, 2009.

GUERRIEN, B., Dictionnaire d’analyse économique, coll. « Repères », Paris, La

Découverte, 2002.

Gérard CORNU, Vocabulaire juridique, 5e éd. Paris, Presses Universitaires de France,

1996.