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PP 40070230 1200, avenue McGill College, bureau 800, Montréal (QC) H3B 4G7 Volume 57 – n° 4 Juillet-août 2010 À VOS SOINS Interaction entre le tamoxifène et les ISRS PLACE AUX QUESTIONS AINS et lithium DE LA MÈRE AU NOURRISSON Traitement de l’insomnie chez la femme enceinte WWW.PROFESSIONSANTEQUEBEC.CA La maladie de Crohn

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PP 40070230 1200, avenue McGill College, bureau 800, Montréal (QC) H3B 4G7

Volume 57 – n° 4Juillet-août 2010

À vos soins

interaction entre le tamoxifène

et les isRs

Place aux questions

ains et lithium

de la MÈRe au nouRRisson

traitement de l’insomnie

chez la femme enceinte

www.professionsantequebec.ca

la maladie de crohn

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ÉditoRial

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Directrice de la rédactioncaroline baril

rédactrice en chefhélène-m. blanchette, b. pharm.

rédacteur en chef adjointJean-françois Guévin, b. pharm., m.b.a., pharm. D.

adjointe à la directrice de la rédaction mélanie alain

Direction artistiqueDino peressini

GraphisteJocelyne Demers

Directeur des rédactions, Groupe santé rick campbell

comité de rédactionaVez-Vous entenDu parler De...isabelle Giroux, b. pharm. m. sc.Dominique harvey, b. pharm.

À Vos soinssonia Lacasse, b. pharm.sophie Grondin, b. pharm. m. sc.

À Votre serVice sans orDonnancenancy Desmarais, b. pharm.Julie martineau, b. pharm.

De la mère au nourrissoncaroline morin, b. pharm., m. sc.

D’une paGe À l’autreisabelle boisclair, b. pharm., m. sc.nicolas paquette-Lamontagne, b. pharm., m. sc., m.b.a.

inforouteJean-françois bussières, b. pharm., m. sc., m.b.a.

les paGes bleueschantal Duquet, b. pharm., m. sc.ingrid Wagner, b. pharm.

pharmacoViGilancemarie Larouche, b. pharm., m. sc.christine hamel, b. pharm., m. sc.

place aux questionsélyse Desmeules, b. pharm.

santé publiquesuzie Lavallée, b. pharm.

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nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du canada par l’entremise du fonds du canada pour les périodiques (fcp) pour nos activités d’édition.

changement d’huileL’autre jour, lorsque j’ai démarré mon auto, j’ai vu s’afficher sur le tableau de bord, une petite note mentionnant qu’un entretien mécanique était dû dans 100 jours ou 1000 km. Bon, une visite au garage à ajouter à ma liste toujours délirante de choses à faire en ce début d’été. Vous savez déjà combien je raffole des concessionnaires automobiles (voir l’édito de décembre 2004), je me faisais donc une joie, vous vous en doutez bien, d’aller y faire un tour. Je me disais que j’avais quand même encore quel-ques semaines devant moi. Évidemment, un aller-retour à Chicoutimi a entre-temps accéléré le processus. Et le message s’est fait un peu plus pressant, du genre « ser-vice maintenant ! » avec en prime, en perma-nence, une espèce de cer-cle avec un point d’exclama-tion à l’intérieur ressemblant vaguement à une bombe à retar-dement…

Parfois, j’ai cette petite alarme du même genre dans un recoin de mon cerveau. Un signal qui clignote : tu serais due pour un entretien ! Le signal varie : un nouveau médi-cament que je ne connais pas, une question sur une interaction plus pointue qui me laisse perplexe, une nouvelle indication ou le souvenir lointain du nom d’un vieux médi-cament. J’ai tout aussi la tentation d’ignorer le signal. Je fais allègrement de la procrasti-nation : j’ai un édito à écrire, il fait trop chaud, j’ai fini tard à la pharmacie, il y a d’autres choses dans ma vie que la pharma-cie. Et pourtant, la base de l’entretien de notre pratique, c’est la formation continue. Relire, revoir, apprendre, c’est ce qui nous permet de faire de meilleures interventions auprès de nos patients. Nos logiciels d’aide à la décision sont fantastiques, mais ils ne remplacent pas complètement une révision périodique de notions plus fondamentales. Loin de moi l’idée de vous conseiller de refaire des cours de chimie ou de physiopa-thologie, mais pourquoi pas un survol des lignes directrices sur des maladies qui tou-chent notre population ou une revue d’une classe de médicaments avec ses effets secon-daires. Mon gérant de service me dit par-fois : « Ah, ah ! Vous êtes rendue à un entre-tien numéro 1 » ou alors « à un entretien numéro 2 », selon le kilométrage de mon auto. Il y a des points précis à vérifier selon

le temps et l’usure des pièces : changement d’huile, plaquettes de freins, filtres, etc. Un entretien adéquat permet de prévenir des bris importants et plus coûteux, tant du côté financier que du côté de la sécurité.

Peut-être que cela devrait être pareil pour nous. Garder le rythme sur les nouveaux traitements, mais aussi conserver nos notions de base. Et il y a tous les domaines qui sont un peu en dehors de nos pratiques

quotidiennes. La moyenne d’âge des patients que je vois chaque jour

est d’environ 85 ans. Croyez-moi, je suis une pro de la

constipation ! Mais pour ce qui est des doses pédiatriques ou des ITS, à moi les bouquins et les références ! En fait, je paniquerais légèrement

si je devais demain matin me retrouver dans une

pharmacie située dans un quartier résidentiel peuplé de

jeunes familles. De plus, j’ai des patients très majoritairement québécois et francophones. Je n’ai donc aucune idée de la façon de prendre soin de patients qui arri-vent d’un autre pays, avec leur culture et leurs coutumes.

Au-delà de mes responsabilités déontolo-giques, comme professionnelle de la santé, j’ai le devoir de m’assurer que je sais ce qui se passe dans le monde pharmaceutique. Je suis consciente de ne pas tout savoir sur tout et je dois avoir la sagesse de ne pas répondre tout de go aux questions sur des sujets plus incertains. Et il m’appartient aussi de choisir mon mode d’entretien : lecture, cours, con-férences, Internet…

C’est vrai que ce serait pratique la petite lumière qui clignote… Mais encore faut-il savoir réagir à son signal.

Bon été ! n

PhaRMacienne indigne ! lisez le blogue d’hélène Blanchette sur

Professionsanté.ca

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pour toute information1200, avenue mcGill college, bureau 800montréal (québec) h3b 4G7Téléphone : 514 845-5141Télécopieur : 514 [email protected]

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Vous trouverez les questions de formation continue à la fin de chacun des articles.

3 Éditorial changement d’huile

7 À VoS SoiNS interaction entre le tamoxifène et les isRs

11 PlaCe aux QueStioNS ains et lithium

17 de la MÈre au NourriSSoN le traitement de l’insomnie

chez la femme enceinte

24 iNforoute impact des sites de réseau social

en pratique pharmaceutique

29 leS PaGeS BleueS la maladie de crohn

et les thérapies biologiques

37 À Votre SerViCe SaNS ordoNNaNCe les oméga-3

42 d’uNe PaGe À l’autre Revue systématique de l’impact

du pharmacien à l’urgence

Risque de contamination dans les préparation de médicaments par voie parentérale

soMMaiReVolume 57 – n° 4 – juillet-août 2010

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juillet–août 2010 vol. 57 n° 4 Québec Pharmacie 7www.professionsante.ca

interaction entre le tamoxifène et les iSrSPrésentation de casMme T.N., 48 ans, est une patiente préménopausée en rémission d’un cancer du sein hormono-dépendant. Elle prend du tamoxifène depuis quelques mois, mais souffre de bouffées de chaleur très incommodantes pour lesquelles elle vient de consulter son médecin. Elle précise de plus être d’humeur plutôt dépressive à la suite des épreuves qu’elle a subies durant ces derniers mois. Elle se présente à la pharmacie avec une nouvelle ordonnance de PaxilMD 20 mg die.

Discussion Le tamoxifène est un modulateur sélectif des récepteurs des œstrogènes administré par voie orale et utilisé dans le traitement adju-vant des cancers du sein hormono-dépen-dants chez les femmes pré et périménopau-sées. Il est métabolisé dans le foie par le système enzymatique du cytochrome P450 en plusieurs métabolites actifs, dont le 4-hydroxytamoxifène et l’endoxifène (4-hydroxy-N-desméthyltamoxifène) qui ont tous deux une affinité de 30 à 100 fois supérieure pour les récepteurs des œstrogè-nes que la molécule mère1. Il est à noter que, chez la majorité des femmes prenant du tamoxifène, l’endoxifène est présent à des concentrations plasmatiques 10 fois supé-rieures à celles du 4-hydroxytamoxifène2.

Le tamoxifène est transformé en N-desmé-thyltamoxifène essentiellement par le CYP3A4/5 (et en moindre partie par le CYP2C9). Par la suite, ce métabolite est transformé par le CYP2D6 en endoxifène. De plus, le CYP2D6 est la principale enzyme responsable de la transformation du tamoxi-fène en 4-hydroxytamoxifène. Compte tenu qu’il a été démontré que l’endoxifène et le 4-hydroxytamoxifène inhibent la croissance des cellules cancéreuses du sein de manière plus efficace que le tamoxifène in vitro2, il ne serait pas surprenant qu’une diminution de leur concentration plasmatique ait un impact négatif sur la thérapie.

Les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS) sont des médicaments antidépresseurs fréquemment prescrits chez les femmes prenant du tamoxifène. En effet, la fréquence des dépressions majeures chez les patientes atteintes de cancer du sein dépasse les taux observés dans la population générale et se chiffrerait aux alentours de 10 à 25 %, en fonction de la méthode de détec-tion utilisée3. De plus, les ISRS démontrent une efficacité dans le traitement des bouffées de chaleur, effet secondaire affec-tant jusqu’à 80 % des patientes prenant du tamoxifène4,5.

La coadministration de tamoxifène et d’ISRS est un élément préoccupant dans la

mesure où plusieurs agents de cette classe sont aussi des substrats d’affinité variable du CYP2D6. Par exemple, la paroxétine et la fluoxétine sont des substrats ayant une forte affinité pour le CYP2D66, entraînant ainsi une inhibition de la biotransformation du tamoxifène en métabolites actifs. À l’opposé, la venlafaxine, un inhibiteur du recaptage de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN), ainsi que le citalopram sont des substrats de faible affinité6. Il a été démontré dans une première étude que la concentration plasma-tique d’endoxifène était réduite en moyenne de 56 % (31 à 81 %) dès le début d’un traite-ment par la paroxétine chez les patientes pre-nant du tamoxifène2. Dans une seconde étude, les concentrations plasmatiques d’en-doxifène chez des patientes avec un génotype de métaboliseur rapide du CYP2D6 et pre-nant de la paroxétine étaient similaires aux concentrations observées chez les patientes avec un génotype de métaboliseur lent7.

Une étude de cohorte récemment publiée a montré une augmentation significative de la

À vos soins

s la patiente souffre de bouffées de chaleur et d’une humeur dépressive.

o patiente de 48 ans. pas d’allergies. atcD : cancer du sein hormono-dépendant. Médication actuelle : tamoxifène 20 mg die, ordonnance de paxil 20 mg die.

A le tamoxifène est métabolisé par le cYp3a4 en n-desméthyltamoxifène qui est par la suite métabolisé en endoxifène par le cYp2D6. De plus, le cYp2D6 est la principale enzyme responsable de la transformation du tamoxifène en 4-hydroxytamoxifène. l’endoxifène et le 4-hydroxytamoxifène sont les principaux métabolites actifs du tamoxifène. en tant que substrat de forte affinité pour le cYp2D6, le paxil pourrait réduire les concentrations plasmatiques d’endoxifène et de 4-hydroxytamoxifène et, par le fait même, l’efficacité du traitement par le tamoxifène. lorsqu’un isrs ou irsn doit être prescrit chez une patiente prenant du tamoxifène, le choix devrait s’arrêter sur le citalopram ou la venlafaxine, substrats de faible affinité pour le cYp2D6.

P n remplacer le paxil 20 mg die par du celexa 10 mg die x 7 jours, puis 20 mg die. n Donner des conseils sur le celexa. n appeler la patiente dans sept jours pour vérifier s’il y a présence d’effets indésirables, tels que nausées et somnolence. n vérifier l’amélioration de l’humeur et des bouffées de chaleur dans un mois. n vérifier l’observance du traitement à chaque renouvellement.

Texte rédigé par François Blondin, M.Sc., candidat au B. Pharm., Pharmacie Patrick Messier.

Texte original soumis le 18 avril 2010.

Texte final remis le 21 avril 2010.

Révision : Sophie Grondin, B. Pharm., M.Sc.

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8 Québec Pharmacie vol. 57 n° 4 juillet–août 2010

mortalité des patientes prenant du tamoxi-fène et de la paroxétine, comparativement aux patientes ne prenant pas de paroxétine5. Cette augmentation de la mortalité était directement proportionnelle à la durée de la prise concomitante de paroxétine, augmen-tant avec une hausse de la durée de copres-cription. Par exemple, la prise de paroxétine durant 41 % du temps de traitement par le tamoxifène résulterait en un décès supplé-mentaire au cours des cinq ans suivant la fin du traitement par le tamoxifène, pour un ensemble de 19,7 femmes traitées5. Il est important de mentionner que, bien qu’aucun autre ISRS n’ait augmenté la mortalité de manière significative dans cette étude, il faut demeurer prudent en matière de coadmi-nistration de tamoxifène et de fluoxétine, substrat de forte affinité pour le CYP2D6, et éviter cette association d’ici à ce que des données supplémentaires soient disponibles8.

Lorsqu’un ISRS ou un IRSN doit être pres-crit chez une patiente prenant du tamoxi-fène, le choix devrait s’arrêter sur celui qui

constitue un substrat de faible affinité pour le CYP2D6, tel que le citalopram et la venlafaxine4,9.

inhibiteurs puissants du CYP2D6Bien qu’aucune étude n’ait évalué l’impact spécifique de la majorité des inhibiteurs du CYP2D6 sur le métabolisme du tamoxifène, il s’avère judicieux d’éviter la coadministra-tion de tamoxifène et de tout inhibiteur ou substrat fort du CYP2D6 par mesure de pru-dence. La liste des inhibiteurs et substrats des différentes voies métaboliques peut être consultée sur le site intermed-rx.ca. Voici une liste non exhaustive des principaux inhi-biteurs et substrats forts du CYP2D6 : amio-darone, chloroquine, cinacalcet, flécaïnide, fluoxétine, orphénadrine, paroxétine, propa-fénone, propoxyphène, quinidine et terbina-fine6. n

Acte pharmaceutique facturableOpinion pharmaceutique : substituer un produit à un autre pour cause d’interaction (DIN : 00999601).

opinion pharmaceutiqueDocteur, Vous trouverez ci-joint un résumé de notre conversation téléphonique concernant Mme T.N. afin de l’ajouter à son dossier. Mme T.N. prend du tamoxifène à la suite d’un cancer du sein hormono-dépendant. Vous lui avez prescrit du Paxil 20 mg die puisqu’elle souffrait de bouffées de chaleur et d’une humeur dépressive. Cependant, ce médicament diminue le métabolisme du tamoxifène en métabolites plus actifs, ce qui peut diminuer l’efficacité du traitement et pourrait occasionner une récurrence du can-cer. Lorsqu’un antidépresseur non tricycli-que doit être prescrit chez une patiente pre-nant du tamoxifène, le choix devrait s’arrêter sur le CelexaMD ou l’EffexorMD. Tel que convenu, nous avons remplacé le Paxil 20 mg die par du Celexa 10 mg die x 7 jours, puis 20 mg die. Soyez assuré que nous suivrons l’efficacité du traitement avec le Celexa.

En toute collaboration,Le pharmacien

À vos soins

références1. Johnson mD, Zuo h, Lee Kh, et coll. pharmaco-

logical characterization of 4-hydroxy-n-desmethyl tamoxifen, a novel active metabolite of tamoxifen. Breast Cancer Res Treat 2004; 85: 151-9.

2. Sterns V, Johnson mD, rae Jm, et coll. active tam-oxifen metabolite plasma concentrations after coad-ministration of tamoxifen and the selective serotonin reuptake inhibitor paroxetine. J Natl Cancer Inst 2003; 95(23): 1758-64.

3. Fann Jr, Thomas-rich am, Katon WT, et coll. Major depression after breast cancer : a review of epidemi-ology and treatment. Gen Hosp Psychiatry 2008; 30: 112-26.

4. henry NL, Stearns V, Flockhart Da, hayes DF, riba m. Drug interactions and pharmacogenomics in the treatment for breast cancer and depression. Am J Psychiatry 2008; 165(10): 1251-5.

5. Kelly cm, Juurlink DN, Gomes T, et coll. selective serotonin reuptake inhibitors and breast cancer mor-tality in women receiving tamoxifen : a population based cohort study. BMJ 2010; 340: c693 doi: 10.1136/bmj.c693.

6. intermeD-rX. (page consultée le 18 avril 2010.) www.intermed-rx.ca

7. Jin Y., Desta Z, Stearns V, et coll. cYp2D6 genotype, antidepressant use, and tamoxifen metabolism dur-ing adjuvant breast cancer treatment. J Natl Cancer Inst 2005; 97(1): 30-9.

8. anderson F, Willich SN. interaction of serotonin reuptake inhibitors with tamoxifen. BMJ 2010; 340: c783.

9. Lash TL, Pedersen L, cronin-Fenton D, et coll. tam-oxifen’s protection against breast cancer recurrence is not reduced by concurrent use of the ssri citalo-pram. Br J Cancer 2008; 99: 616-21.

Question De FormAtion Continue

Veuillez reporter votre réponse dans le formulaire de la page 70

1) Lequel des énoncés suivants est faux ?a. la présence de bouffées de chaleur est l’un des effets secondaires les plus fréquents chez les patientes prenant du tamoxifène.b. l’endoxifène et le 4-hydroxytamoxifène inhibent la croissance des cellules cancéreuses du sein de manière plus efficace

que le tamoxifène in vitro.c. il a été démontré que la coprescription de tamoxifène et de paxil peut augmenter la mortalité des patientes.D. lorsqu’un isrs ou un irsn doit être prescrit chez une patiente prenant du tamoxifène, le choix devrait s’arrêter

sur le citalopram ou la fluoxétine. e. le tamoxifène est considéré comme un promédicament dont l’efficacité tient majoritairement aux métabolites actifs.

Les inhibiteurs sélectifs du recaptage de la sérotonine (ISRS) sont des médicaments antidépresseurs fréquemment prescrits chez les femmes prenant

du tamoxifène. En effet, la fréquence des dépressions majeures chez les patientes atteintes de cancer du sein dépasse les taux observés dans la population générale.

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juillet–août 2010 vol. 57 n° 4 Québec Pharmacie 11www.professionsante.ca

aiNS et lithium : qu’en est-il au juste ?Depuis son introduction en psychiatrie en 1949, le lithium est devenu un médicament largement utilisé. Cet ion monovalent augmenterait la libération de la sérotonine, d’où son intérêt en tant que modulateur de l’humeur1,2. Nous porterons ici notre attention sur les interactions du lithium avec les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) les plus courants.

Le lithium possède un index thérapeutique étroit et une toxicité peut apparaître à des concentrations très proches de la fenêtre thé-rapeutique3,4. L’impact de cette interaction est majeur puisqu’elle peut entraîner des troubles neurologiques persistants (nausées, confusion, ataxie, stupeur, tremblements, etc.). Elle peut même se produire chez les patients avec une fonction rénale normale3,4. Plusieurs études ont rapporté différentes for-mes de toxicité rénale, telles que des domma-ges tubulo-interstitiels et glomérulaires chez les patients traités par le lithium5. Puisque les AINS sont fréquemment prescrits et que certains d’entre eux sont facilement accessi-bles en vente libre, la vigilance du pharma-cien est de mise.

Pharmacocinétique du lithiumPuisqu’il s’agit d’un sel, le lithium est distri-bué dans toute l’eau du corps et son élimina-tion est principalement rénale (95-99 %), par filtration glomérulaire (80 %)3,4. Il est réabsorbé au niveau du tubule proximal (avec le Na+) et une quantité significative se diffuserait dans le tubule distal, selon cer-tains auteurs3,4. Le taux d’excrétion du lithium correspond à environ 25 % de la clai-rance à la créatinine. Sa pharmacocinétique est influencée par l’âge, la fonction rénale et les variations pharmacodynamiques indivi-duelles6. Les principaux facteurs précipitant une intoxication sont la déshydratation, la perte excessive de sodium (p. ex., diarrhées, vomissements), l’insuffisance rénale et les interactions médicamenteuses7.

Interaction pharmacodynamique lithium/AINSBien que le mécanisme exact de cette interac-tion demeure inconnu, la théorie la plus répandue est la suivante : l’inhibition de la synthèse des prostaglandines par les AINS provoquerait une diminution de la filtration glomérulaire2,4,6,8. Cela entraînerait une dimi-nution de la perfusion rénale et, par le fait même, une augmentation de la lithémie (25-50 %)9. En bref, les AINS créent une contrac-tion de l’artère afférente et augmentent la réabsorption du sodium et du lithium4. L’effet de cette interaction varie grandement d’un individu à l’autre, ainsi qu’entre les différents AINS eux-mêmes2,4,6,8. En effet, certains AINS interagissent peu avec le lithium4,6.

IndométhacineL’administration de 150 mg d’indométhacine par jour durant sept jours augmente la lithé-mie de plus de 59 % et diminue la clairance du lithium de 31 %7. En 1983, Reimann, Die-ner et Frolich ont étudié l’effet de l’indomé-thacine (50 mg TID) en comparaison avec l’acide acétylsalicylique (AAS) (1000 mg QID) lors d’une coadministration avec le lithium. Ils ont observé une augmentation de la concentration sérique du lithium de 40 % avec l’indométhacine, mais aucune variation n’a été notée avec l’AAS. La littérature médi-cale a aussi montré que l’indométhacine aug-mente la réabsorption de la fraction libre du lithium chez les sujets sains. De plus, il est avancé qu’elle augmenterait la réabsorption tubulaire du lithium au niveau rénal7.

DiclofénacL’administration de diclofénac à une dose de 250 mg par jour durant 7 à 10 jours aug-mente la concentration sérique du lithium de 26 % et réduit son élimination de 23 %. Les taux reviennent à la normale après l’arrêt du traitement7.

NaproxèneL’administration de naproxène à une dose de 750 mg par jour pour une période de 7 à 10 jours augmente la concentration sérique du lithium d’environ 16 %. Par contre, c’est avec cet anti-inflammatoire qu’on remarque le plus de variations interindividuelles7,10. En effet, l’augmentation de la lithémie peut varier entre 0 et 41,6 % en cinq jours, en fonction des individus7,10.

IbuprofèneLes études réalisées avec l’ibuprofène à une dose de 1800 mg par jour ont montré une aug-

Texte rédigé par Sandra Bélanger, pharma-cienne, et Ève Boulanger, interne en pharmacie, Pharmacie Higgins et Blais, région de Québec.

Texte original soumis le 17 avril 2010.

Texte final remis le 31 mai 2010.

Révision : Geneviève Duperron, B. Pharm., et Élyse Desmeules, B. Pharm.

place Aux queStIoNS

L’inhibition de la synthèse des prostaglandines par les AINS provoquerait une diminution de la

filtration glomérulaire. Cela entraînerait une diminution de la perfusion rénale et, ainsi,

une augmentation de la lithémie.

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12 Québec Pharmacie vol. 57 n° 4 juillet–août 2010

mentation de la concentration sérique de lithium d’environ 34 %. De plus, des varia-tions interindividuelles marquées ont été observées. En effet, des variations de lithémie entre 12 et 66,5 %, pour une période de traite-ment de six jours, étaient accompagnées d’une réduction correspondante de la clairance du lithium7. Puisque cet anti-inflammatoire est en vente libre, le pharmacien a le devoir d’infor-mer ses patients du risque associé à cette inter-action et d’intervenir au besoin.

CélécoxibUne administration de 400 mg BID de célé-coxib augmenterait la concentration sérique de lithium de 99 à 133 %. Cela entraînerait des symptômes de toxicité, tels que confu-sion, nystagmus et anomalies à l’élec-troencéphalogramme4,7,9. On rapporte aussi 18 cas d’élévation de la lithémie à la suite de l’ajout d’un inhibiteur de la COX-29.

SulindacLe sulindac à raison de 300 mg par jour n’aurait pas d’effet significatif sur la lithé-

mie, selon une étude réalisée auprès de patients âgés en moyenne de 59 ans4,7,11. Par contre, il existe deux rapports de cas qui signalent une augmentation de la lithémie avec l’ajout de sulindac4,11. D’autres facteurs pourraient expliquer cette variation, notam-ment la déshydratation6. Par ailleurs, l’ad-ministration de sulindac (200 à 400 mg/jour) a été associée à une réduction tempo-raire de la lithémie chez deux patients10. Le sulindac aurait des effets minimaux sur la clairance du lithium, selon la documenta-tion médicale10.

Acide acétylsalicylique (AAS) L’administration d’AAS à raison de 3,9 g par jour durant six jours n’a pas affecté de façon significative la lithémie ni la clairance du lithium. L’AAS diminue de 70 % la prosta-glandine E2 (PGE2), mais ne semble pas diminuer la filtration glomérulaire (aucune explication). À ce jour, il n’y a aucune don-née convaincante selon laquelle l’AAS pour-rait augmenter les taux sériques de lithium de façon significative4,7,11.

ConclusionLes antécédents médicaux, la fonction rénale et l’état pathologique sont à prendre en considération avant tout ajout d’AINS chez un patient prenant du lithium de façon chro-nique12. En général, il est fortement conseillé d’éviter cette association, si possible. Par contre, si un AINS doit absolument être uti-lisé, on devrait privilégier le sulindac ou l’AAS. Une surveillance de la lithémie tous les quatre à cinq jours et des symptômes cli-niques du patient est recommandée jusqu’à l’arrêt de l’anti-inflammatoire. Une réduc-tion des doses de lithium peut s’avérer néces-saire dans certains cas. Un rappel au patient des symptômes de toxicité à surveiller est primordial (polyurie, nausées, vomisse-ments, diarrhée, faiblesse, ataxie, tremble-ments, vision trouble, confusion, étourdisse-ments, tinnitus cérébral, etc.)3,11. n

place Aux queStIoNS

références1. rif S. em. the na, K-atpase hypothesis for manic-

depression. ii. the mechanism of action of lithium. Medical Hypotheses 12, 1983; 269-82.

2. Wilting, i. et coll. Drug-drug interactions as a deter-minant of elevated lithium serum levels in daily clin-ical practice. Bipolar disorders, mai 2005, vol. 7(3); 274-80.

3. compendium des produits pharmaceutiques 2010.4. Phelan, K, mosholder, a, Lu, S. lithium interaction

with the cyclooxygenase 2 inhibitors rofecoxib et celecoxib and other nonsteroidal anti-inflammatory drugs. J Clin Psychiatry, 2003,64(11); 1328-34.

5. Lepkifker e, Sverdlik a, iancu i, et coll. renal insufficiency in long-term lithium treatment, J Clin Psychiatry, 65: 6, june 2004; 850-6.

6. Stein, G. S. toxic interactions between lithium and non-steroidal anti-inflammatory drugs. Psychological Medicine, 1988, 18; 535-43.

7. ragheb, mohamed. the clinical significance of lith-ium-nonsteroidal anti-inflammatory drug inter-actions. J Clin psychopharmacol, octobre 1990, vol.10 (5); 350-4.

8. Wilting i, movig KLL, moolenaar m, et coll. Drug-drug interactions as a determinant of elevated lith-

ium serum levels in daily clinical practice. Bipolar dis-orders 2005, vol. 7; 274-80.

9. Letters to the editors. a life-threatening interaction between lithium and celecoxib. J Clin Pharmacol, 2003, s5; 413-6.

10. hansten and horn. Drug interactions analysis and management, 1997; 365-72.

11. monji, a, et coll. interactions between lithium and non-steroidal anti-inflammatory drugs. Clinical neuropharmacology, 2002, vol. 25(5); 241-2.

12. burton D. r. renal toxicity of lithium. (Mise à jour en ligne, consultée le 20 janvier 2007.) www.uptodate.com

queStIoN De formAtIoN CoNtINue

Veuillez reporter votre réponse dans le formulaire de la page 70

2) Parmi les énoncés suivants, lequel est faux ?a. les principaux facteurs précipitant une intoxication avec du lithium sont la

déshydratation, la perte excessive de sodium, l’insuffisance rénale et les interac-tions médicamenteuses.

b. le mécanisme exact de l’interaction entre le lithium et les ains est connu depuis longtemps et facilite la gestion de celle-ci.

c. lors de la prescription d’un ains associé au lithium, une surveillance de la lithémie tous les quatre à cinq jours et des symp tômes cliniques du patient est recommandée jusqu’à l’arrêt de l’anti-inflammatoire.

D. l’administration d’aas à raison de 80 mg par jour semble sécuritaire.e. l’administration de naproxène à une dose de 750 mg par jour durant 7 à 10 jours

fait augmenter la concentration sérique du lithium d’environ 16 % et on remarque de grandes variations interindividuelles.

ERRATUM

À votre service sans ordonnance – juin 2010

la question 4 de la chronique À votre service sans ordonnance du numéro de juin 2010 de Québec Pharmacie était inexacte. elle aurait dû se lire comme suit :

« chez lequel de ces patients la prise du mVL spécifié Ne devrait PaS être évitée pour soulager la dyspepsie ? »

nous nous excusons des inconvénients que cela aurait pu vous causer.

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juillet–août 2010 vol. 57 n° 4 Québec Pharmacie 17www.professionsante.ca

Le traitement de l’insomnie chez la femme enceinteDes troubles du sommeil sont fréquemment observés chez la femme enceinte, bien que leur incidence exacte demeure inconnue1. Les modifications hormonales, physiologiques, physiques et comportementales peuvent affecter à la fois la qualité et la durée du sommeil durant la grossesse1,2. Outre les impacts de la grossesse sur le sommeil, les données d’efficacité de différentes options pharmacologiques dans le traitement de l’insomnie de la population générale seront également explorées, ainsi que les données d’innocuité reliées à l’utilisation de ces mêmes agents pharmacologiques durant la grossesse.

Cas cliniqueUne femme de 29 ans se présente à la phar-macie pour renouveler son ordonnance de zopiclone qu’elle utilise de façon occasion-nelle lorsqu’elle éprouve des difficultés à s’endormir. Elle vient d’appendre qu’elle est enceinte de huit semaines. Elle ne souffre d’aucun autre problème de santé et ne prend pas d’autre médicament. Elle est inquiète à l’idée d’avoir exposé son futur enfant à la zopiclone. Elle vous demande des conseils au sujet des options qu’elle pourrait utiliser afin de favoriser son sommeil puisqu’elle se sou-vient d’avoir entendu ses sœurs se plaindre d’insomnie durant leurs grossesses.

Influence de la grossesse sur le sommeilChez la plupart des femmes, la grossesse s’ac-compagne de perturbations de leurs habitudes de sommeil1-3. L’accroissement des concentra-tions sanguines d’œstrogènes et de progesté-rone affecte les cycles normaux du sommeil. L’augmentation du taux d’œstrogènes réduirait le sommeil paradoxal et la progestérone sem-blerait promouvoir le sommeil à ondes lentes1,2. L’influence de ces changements hormonaux n’est toutefois pas bien comprise et différerait d’un individu à l’autre1.

Lors du premier trimestre, les femmes rap-portent une augmentation de la somnolence diurne combinée à de fréquents réveils noctur-nes et à des difficultés à trouver le sommeil lors du coucher2. Parmi les causes communes d’in-terruption du sommeil, on note les nausées, les vomissements et les mictions plus fréquentes1,3. Au deuxième trimestre, plusieurs femmes observent une amélioration de leur sommeil. Toutefois, des perturbations persistent pour un bon nombre d’entre elles2. Durant le troisième trimestre, certaines femmes rapportent qu’elles se réveillent trois à cinq fois par nuit2. Les raisons fréquemment évoquées sont l’inconfort général lié à des maux de dos, à des douleurs abdomina-les, à des difficultés de positionnement, à des mouvements fœtaux, à des crampes musculai-res aux jambes et parfois à des brûlures d’esto-mac1-3. En plus de ces problèmes, un bon pour-centage de femmes développerait un syndrome

des jambes sans repos durant le troisième tri-mestre, alors qu’elles n’en ont jamais souffert avant la grossesse1. Mais le traitement de ce pro-blème diffère de celui de l’insomnie et ne sera pas discuté dans cet article.

L’impact des fréquentes perturbations du sommeil, ainsi que les effets de l’insomnie sur la femme enceinte et son fœtus sont peu connus2,3. Cependant, certaines angoisses peuvent être associées à un important manque de sommeil qui persiste depuis plusieurs semaines durant la grossesse. De plus, il est connu qu’une restric-tion chronique à environ cinq heures de som-meil par nuit affecte négativement l’humeur

dans la population générale3.

Mesures non pharmacologiquesLes interventions non pharmacologiques sont souvent efficaces pour la prise en charge des troubles du sommeil et devraient être proposées en premier lieu en l’absence de pathologie sous-jacente2. Les mesures non pharmacologiques concernant l’hygiène du sommeil ne seront pas revues ici, car elles ont déjà fait l’objet d’une éva-luation dans un article récent de Québec Phar-macie4. Pour soulager l’inconfort physique de la femme enceinte, on peut suggérer l’utilisation d’un oreiller offrant un meilleur soutien, l’appli-cation locale de chaleur et les massages.

Mesures pharmacologiquesLorsque les mesures non pharmacologiques ne suffisent pas à favoriser le sommeil, certaines femmes se tournent vers leur pharmacien afin d’obtenir des conseils sur les options pharma-cologiques. Il importe donc de bien connaître les données d’efficacité des médicaments les plus fréquemment utilisés dans le traitement de l’insomnie, ainsi que leur innocuité durant la grossesse. Les médicaments ayant l’indication officielle pour le traitement de l’insomnie seront abordés en premier, puis les autres molécules seront présentées selon l’importance des don-nées probantes appuyant leur utilisation.

Le tableau I résume les résultats des principa-les études publiées sur les effets d’une exposition in utero à ces différents médicaments pour l’em-bryon, le fœtus et le nouveau-né. Comme l’in-nocuité des antidépresseurs durant la grossesse

Texte rédigé par Jessica McMahon, B. Pharm., M.Sc., CHU Sainte-Justine, Montréal.

Texte original soumis le 1er octobre 2009.

Texte final remis le 8 juin 2010.

Révision : Caroline Morin, B. Pharm., M.Sc., CHU Sainte-Justine, Montréal, et Nancy Légaré, B. Pharm., M.Sc., BCPP, BCPS, Pharm. D., Institut Philippe-Pinel de Montréal.

De La mère au nourrIsson

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18 Québec Pharmacie vol. 57 n° 4 juillet–août 2010

Tableau I Innocuité durant la grossesse de certains médicaments pour les troubles du sommeil

Médicament ou classe Tératogenèse structurelle (exposition au premier trimestre de la grossesse) Complications néonatales et développement psychomoteur antihistaminiques n taux de malformations chez les nourrissons exposés similaire à celui observé chez les enfants de groupes de n une seule notification de cas rapporte la de première génération comparaison dans une méta-analyse menée chez plus de 200 000 femmes (incluant les femmes du groupe témoin)18,19. survenue de trémulations et de diarrhées (aNTi-h1) n les molécules les mieux documentées durant la grossesse incluent la chlorphéniramine (n ≈ 1000), la diphénhydramine au cinquième jour de vie d’un nouveau-né (n > 1500), la doxylamine (n > 17 000), l’hydroxyzine (n > 1000) et la méclizine (n > 16 000)18. exposé in utero à 150 mg par jour de n lien suggéré entre l’exposition aux anti-H1 durant les deux dernières semaines de grossesse et une rétinopathie du diphenhydramine durant toute la grossesse18. prématuré : la fibroplasie rétrolentale20. plusieurs limites à cette étude (p. ex., agents utilisés non relevés et analyse statistique non ajustée en fonction de divers facteurs confondants)21. l’association observée semble donc plutôt improbable et ne restreint pas l’utilisation d’un antihistaminique en fin de grossesse. n longue expérience clinique attestant l’innocuité de cette classe pharmacologique18. benzodiazépines (bZD) n pas d’augmentation du risque de malformations majeures décelée dans plusieurs études de cohorte totalisant plus de n syndrome d’imprégnation (floppy infant deux milliers d’expositions18,22-27. syndrome) caractérisé par l’apparition de n la majorité des données d’innocuité portent sur le diazépam et le chlordiazépoxide18,24. toutefois, on compte, entre complications transitoires et généralement autres, plus de 100 expositions au lorazépam et au clonazépam, et près de 550 à l’oxazépam, sans observation peu graves (léthargie, hypotonie, de risque tératogène majeur26,27. hypothermie, cyanose, apnée, difficultés n association possible entre l’exposition aux BZD et les fentes orales et/ou palatines dans une méta-analyse : risque presque alimentaires) dès la naissance chez les doublé lors de l’analyse de sous-groupes dans les études cas-témoins24. le risque absolu d’anomalies labio-palatines enfants exposés à des doses importantes en est estimé à 0,2 % lors d’une exposition au moment de l’organogenèse. la période la plus critique correspondant à la fin de grossesse. ces complications perdurent formation du palais se situe entre la 8e et la 11e semaine de gestation18. durant la phase d’élimination de la BZD chez l’enfant18,23,29. n plus récemment, une augmentation du risque d’atrésies du tractus alimentaire à la suite de l’exposition aux BZD a été n plus rarement, un syndrome de retrait est suggérée dans une étude de cohorte prospective27. cette découverte vient s’ajouter à l’association entre l’exposition décrit chez les nourrissons exposés de façon au lorazépam et les atrésies anales soulevée dans une étude exploratrice d’un registre français28. il faut nuancer ces régulière à la fin de la grossesse et se résultats en fonction de la rareté des atrésies anales, soit 1/5000 dans la population générale28. De plus, ces résultats manifeste dans les jours suivant la naissance devront être confirmés par d’autres études avant de pouvoir établir un lien de causalité. (trémulations, hypertonie, hyperactivité, irritabilité, tachypnée, etc.). ces symptômes de sevrage transitoires sont généralement contenus à l’aide de mesures de confort (emmaillotement, exposition limitée à la lumière et au bruit)18,23,29. n peu de preuves à ce jour d’un effet néfaste majeur sur le développement issu de petites cohortes d’enfants exposés durant la grossesse19,23,25. Zopiclone n risque de malformations congénitales similaire à celui de la population générale observé dans deux études de cohorte n aucune donnée disponible prospectives comptant 555 expositions; données encore insuffisantes pour exclure tous les risques27,30. Trazodone n absence d’effet tératogène majeur mis en évidence jusqu’ici parmi 400 expositions; données insuffisantes pour exclure n aucune donnée disponible tous les risques5. Quétiapine n taux de malformations congénitales majeures similaire à celui d’un groupe de comparaison chez 36 femmes exposées32. n certains auteurs suggèrent une observation n absence de patron dans les anomalies rapportées à la compagnie pharmaceutique parmi 298 expositions pour lesquelles pour d’éventuels effets indésirables chez l’issue de la grossesse est connue. toutefois, l’absence de publication et le manque d’information sur le moment les nourrissons durant les deux jours qui d’exposition limitent l’interprétation de ces données31. suivent la naissance, bien que des complications néonatales ne soient pas clairement associées à l’exposition in utero à des antipsychotiques en fin de grossesse33. n aucune donnée sur le développement à long terme des enfants exposés in utero31. mélatonine n Données suggérant le transfert de la mélatonine exogène de la circulation maternelle à la circulation fœtale34. n aucune donnée disponible n craintes de certains auteurs quant à la possibilité qu’une exposition in utero affecte l’expression et le déroulement du cycle circadien durant la période postnatale; présence de récepteurs au niveau du nsc dès la 18e semaine de gestation22,33. L-tryptophane n aucune donnée épidémiologique publiée n 1 rapport de cas d’éosinophilie chez le nouveau-né d’une femme ayant consommé 1000 mg/jour de l-tryptophane n aucune donnée disponible durant les quatre premiers mois de gestation16.

NSC : noyau suprachiasmatique

De La mère au nourrIsson

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www.professionsante.ca juillet–août 2010 vol. 57 n° 4 Québec Pharmacie 19

le traitement de l’insomnie chez la femme enceinte

a déjà été discutée dans un précédent article de cette même chronique, le lecteur est invité à le consulter pour obtenir les données relatives à ces agents5. Nous n’avons inclus que les données concernant le trazodone dans le tableau I. Il n’existe actuellement pas d’algorithme pour la prise en charge des troubles du sommeil chez la femme enceinte. Toutefois, nous discuterons d’une approche clinique à la fin de cet article.

Les antihistaminiquesLes antihistaminiques de première génération offerts en vente libre, comme la diphenhydra-mine et la doxylamine, sont fréquemment achetés par les consommateurs afin de pro-mouvoir le sommeil. Toutefois, leur efficacité est soutenue par un nombre de données pro-bantes plutôt limité6. Ces médicaments ont amélioré le sommeil dans certains essais clini-ques réalisés auprès d’un petit nombre de patients et ayant utilisé des méthodes subjecti-ves pour l’évaluation de leur effet6. Selon cer-tains auteurs, les antihistaminiques auraient une efficacité minimale pour induire le som-meil et celle-ci serait liée à leurs propriétés séda-tives initiales7,8. De plus, une tolérance à leur effet sédatif se développerait rapidement7.

Les benzodiazépines Les benzodiazépines sont les hypnotiques les plus fréquemment utilisés pour le traitement de l’insomnie dans la population générale. L’effica-cité de cette classe pharmacologique dans le traitement à court terme a été démontrée dans plusieurs essais cliniques randomisés et contrô-lés6. Les benzodiazépines augmenteraient la durée totale du sommeil, diminueraient le délai d’endormissement et le nombre de réveils noc-turnes et amélioreraient globalement la qualité du sommeil6. Toutefois, une méta-analyse d’étu-des visant à évaluer l’efficacité des benzodiazé-pines dans l’insomnie n’a pu démontrer de baisse significative du délai d’endormissement associée à cette classe pharmacologique8. Notons qu’aucune étude avec groupe de comparaison n’a évalué l’efficacité des benzodiazépines dans le traitement des troubles du sommeil pour une période d’utilisation de plus de 12 semaines8. Enfin, une des principales réserves relatives à l’emploi des benzodiazépines concerne leur potentiel à créer une dépendance physique chez les utilisateurs. Parmi les facteurs de risque pou-vant influer sur le développement d’une dépen-dance, on compte l’utilisation régulière pour une période de plus de quatre mois, l’usage de doses importantes, une consommation anté-rieure d’agents hypnotiques et l’emploi d’une benzodiazépine puissante à courte durée d’ac-tion9. Toutefois, des patients n’ayant recours aux benzodiazépines que pour quelques jours ne sont pas nécessairement à l’abri d’une éven-tuelle dépendance physique8.

ZopicloneLa zopiclone est un hypnotique à courte durée d’action qui possède un profil pharmacologi-que similaire à celui des benzodiazépines. Elle réduirait le délai d’endormissement7,10. Tout comme la plupart des agents appartenant à la même classe pharmacologique, la zopiclone augmenterait la durée totale du sommeil tout en ayant peu d’incidence sur les différents sta-des du sommeil9,10. Aucune donnée sur son efficacité à traiter l’insomnie à la suite d’une utilisation pendant plus de 16 semaines n’est toutefois disponible.

Les antidépresseursCertains antidépresseurs sont largement utilisés dans le traitement de l’insomnie, et ce, bien sou-vent en l’absence de comorbidités de troubles anxieux ou dépressifs6,11,12. Il existe peu de don-nées probantes soutenant leur efficacité pour traiter un trouble d’insomnie primaire6,11,12. Parmi les antidépresseurs à effet sédatif les plus souvent utilisés pour aider les insomniaques, on compte la trazodone, l’amitriptyline, la doxé-pine et la mirtazapine8,10,12. Seuls trois essais cli-niques randomisés et contrôlés ont évalué l’effi-cacité des antidépresseurs pour le traitement de l’insomnie à la suite d’une courte période d’uti-lisation variant entre deux et quatre semaines12. Les agents utilisés dans ces études sont le trazo-done, la doxépine et la trimipramine.

Dans une étude multicentrique menée sur 589 sujets, les patients recevant 50 mg/jour de trazodone ont rapporté une baisse significative du délai d’endormissement, comparativement au groupe placebo, après une semaine de traite-ment8,12. Ils jugeaient également que le trazo-done était efficace pour prolonger la durée de leur sommeil pendant cette période8,12. Cepen-dant, cette différence significative disparaissait après une deuxième semaine de traitement12. Un effet positif sur le sommeil a également été observé avec la doxépine et la trimipramine12. Le manque de données rigoureuses nous empêche d’évaluer le rôle de la mirtazapine dans le traite-ment de l’insomnie primaire6,10,12.

Mélatonine La mélatonine est une neurohormone sécrétée par la glande pinéale qui a un effet modulateur sur le noyau suprachiasmatique (NSC), respon-sable du synchronisme interne des rythmes cir-cadiens. L’efficacité de la mélatonine exogène dans le traitement de l’insomnie reste contro-versée6. Les données en faveur de son utilisation dans la population générale sont limitées et pro-viennent d’études avec une méthodologie peu rigoureuse et un faible nombre de sujets6-8,13.

QuétiapineBien qu’elle ne soit pas officiellement indiquée pour le traitement de l’insomnie, la quétiapine

Tableau I Innocuité durant la grossesse de certains médicaments pour les troubles du sommeil

Médicament ou classe Tératogenèse structurelle (exposition au premier trimestre de la grossesse) Complications néonatales et développement psychomoteur antihistaminiques n taux de malformations chez les nourrissons exposés similaire à celui observé chez les enfants de groupes de n une seule notification de cas rapporte la de première génération comparaison dans une méta-analyse menée chez plus de 200 000 femmes (incluant les femmes du groupe témoin)18,19. survenue de trémulations et de diarrhées (aNTi-h1) n les molécules les mieux documentées durant la grossesse incluent la chlorphéniramine (n ≈ 1000), la diphénhydramine au cinquième jour de vie d’un nouveau-né (n > 1500), la doxylamine (n > 17 000), l’hydroxyzine (n > 1000) et la méclizine (n > 16 000)18. exposé in utero à 150 mg par jour de n lien suggéré entre l’exposition aux anti-H1 durant les deux dernières semaines de grossesse et une rétinopathie du diphenhydramine durant toute la grossesse18. prématuré : la fibroplasie rétrolentale20. plusieurs limites à cette étude (p. ex., agents utilisés non relevés et analyse statistique non ajustée en fonction de divers facteurs confondants)21. l’association observée semble donc plutôt improbable et ne restreint pas l’utilisation d’un antihistaminique en fin de grossesse. n longue expérience clinique attestant l’innocuité de cette classe pharmacologique18. benzodiazépines (bZD) n pas d’augmentation du risque de malformations majeures décelée dans plusieurs études de cohorte totalisant plus de n syndrome d’imprégnation (floppy infant deux milliers d’expositions18,22-27. syndrome) caractérisé par l’apparition de n la majorité des données d’innocuité portent sur le diazépam et le chlordiazépoxide18,24. toutefois, on compte, entre complications transitoires et généralement autres, plus de 100 expositions au lorazépam et au clonazépam, et près de 550 à l’oxazépam, sans observation peu graves (léthargie, hypotonie, de risque tératogène majeur26,27. hypothermie, cyanose, apnée, difficultés n association possible entre l’exposition aux BZD et les fentes orales et/ou palatines dans une méta-analyse : risque presque alimentaires) dès la naissance chez les doublé lors de l’analyse de sous-groupes dans les études cas-témoins24. le risque absolu d’anomalies labio-palatines enfants exposés à des doses importantes en est estimé à 0,2 % lors d’une exposition au moment de l’organogenèse. la période la plus critique correspondant à la fin de grossesse. ces complications perdurent formation du palais se situe entre la 8e et la 11e semaine de gestation18. durant la phase d’élimination de la BZD chez l’enfant18,23,29. n plus récemment, une augmentation du risque d’atrésies du tractus alimentaire à la suite de l’exposition aux BZD a été n plus rarement, un syndrome de retrait est suggérée dans une étude de cohorte prospective27. cette découverte vient s’ajouter à l’association entre l’exposition décrit chez les nourrissons exposés de façon au lorazépam et les atrésies anales soulevée dans une étude exploratrice d’un registre français28. il faut nuancer ces régulière à la fin de la grossesse et se résultats en fonction de la rareté des atrésies anales, soit 1/5000 dans la population générale28. De plus, ces résultats manifeste dans les jours suivant la naissance devront être confirmés par d’autres études avant de pouvoir établir un lien de causalité. (trémulations, hypertonie, hyperactivité, irritabilité, tachypnée, etc.). ces symptômes de sevrage transitoires sont généralement contenus à l’aide de mesures de confort (emmaillotement, exposition limitée à la lumière et au bruit)18,23,29. n peu de preuves à ce jour d’un effet néfaste majeur sur le développement issu de petites cohortes d’enfants exposés durant la grossesse19,23,25. Zopiclone n risque de malformations congénitales similaire à celui de la population générale observé dans deux études de cohorte n aucune donnée disponible prospectives comptant 555 expositions; données encore insuffisantes pour exclure tous les risques27,30. Trazodone n absence d’effet tératogène majeur mis en évidence jusqu’ici parmi 400 expositions; données insuffisantes pour exclure n aucune donnée disponible tous les risques5. Quétiapine n taux de malformations congénitales majeures similaire à celui d’un groupe de comparaison chez 36 femmes exposées32. n certains auteurs suggèrent une observation n absence de patron dans les anomalies rapportées à la compagnie pharmaceutique parmi 298 expositions pour lesquelles pour d’éventuels effets indésirables chez l’issue de la grossesse est connue. toutefois, l’absence de publication et le manque d’information sur le moment les nourrissons durant les deux jours qui d’exposition limitent l’interprétation de ces données31. suivent la naissance, bien que des complications néonatales ne soient pas clairement associées à l’exposition in utero à des antipsychotiques en fin de grossesse33. n aucune donnée sur le développement à long terme des enfants exposés in utero31. mélatonine n Données suggérant le transfert de la mélatonine exogène de la circulation maternelle à la circulation fœtale34. n aucune donnée disponible n craintes de certains auteurs quant à la possibilité qu’une exposition in utero affecte l’expression et le déroulement du cycle circadien durant la période postnatale; présence de récepteurs au niveau du nsc dès la 18e semaine de gestation22,33. L-tryptophane n aucune donnée épidémiologique publiée n 1 rapport de cas d’éosinophilie chez le nouveau-né d’une femme ayant consommé 1000 mg/jour de l-tryptophane n aucune donnée disponible durant les quatre premiers mois de gestation16.

NSC : noyau suprachiasmatique

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20 Québec Pharmacie vol. 57 n° 4 juillet–août 2010

est de plus en plus utilisée pour ses propriétés sédatives et anxiolytiques dans la prise en charge des troubles du sommeil. Lorsqu’utilisé à faible dose, cet antipsychotique atypique possède une activité antagoniste significative sur les récep-teurs histaminiques et alpha-adrénergiques14. Comme pour les agents antihistaminiques, une tolérance à l’effet sédatif de la quétiapine pour-rait s’installer rapidement15. De plus, l’utilisation des antipsychotiques atypiques pour favoriser le sommeil ne paraît pas bénigne lorsqu’on consi-dère les effets métaboliques qui leur sont asso-ciés, tels que le gain de poids, la résistance à l’in-suline et les dyslipidémies15.

L-tryptophaneLe L-tryptophane n’est désormais offert que sur ordonnance médicale puisque, dans les années 1980, de nombreux cas de myalgie éosi-nophile ayant mené à 38 décès ont été attribués au tryptophane ou à un contaminant retrouvé dans certains lots du supplément. Comme le lien de causalité entre ces événements indésira-bles et le L-tryptophane n’a pas été clairement établi, il est préférable de ne pas recommander son utilisation durant la grossesse16. Les tisanesAfin de favoriser la détente, plusieurs personnes préfèrent consommer des breuvages chauds juste avant d’aller au lit. Dans le Guide pratique d’une grossesse en santé, conçu par l’Agence de santé publique du Canada, les tisanes de pelures d’agrumes ou d’orange, de fleurs de tilleul, de gingembre, de mélisse officinale et d’églantier sont considérées comme inoffensives chez la femme enceinte qui en consomme trois tasses ou moins par jour17. Les données sur les autres produits sont trop limitées pour permettre leur recommandation durant la grossesse.

L’approche thérapeutiqueIl importe de s’assurer que les troubles du som-meil de toute femme enceinte souffrant d’in-somnie ne sont pas dus à une maîtrise sous-optimale des problèmes fréquemment rencontrés durant la grossesse, tels que nausées, vomissements et reflux gastro-œsophagien. L’inconfort général lié au poids du fœtus contri-buerait-il principalement à la mauvaise qualité du sommeil ou bien la polyurie et les crampes musculaires seraient-elles responsables des fré-quentes interruptions de sommeil ? Quand aucune cause sous-jacente n’a pu être identifiée, des mesures non pharmacologiques devraient être tentées en premier lieu. Par la suite, l’utilisa-tion d’un agent pharmacologique pourra être envisagée.

Les antihistaminiques de première généra-tion, comme la doxylamine et la diphenhydra-mine, constituent une option pharmacologi-que de premier recours chez la femme enceinte

souffrant d’insomnie en raison d’un nombre important de données d’innocuité durant la grossesse et d’un bon recul d’utilisation, notam-ment dans la prise en charge des nausées et des vomissements. De façon générale, les antihista-miniques peuvent être utilisés à chaque trimes-tre de la grossesse18. Afin d’éviter l’apparition d’une tolérance à l’effet sédatif de ces agents, il est important de proposer leur utilisation de façon occasionnelle et pour une courte durée.

Les benzodiazépines sont également une option thérapeutique de première intention à partir du deuxième trimestre de la gros-sesse. Leur emploi devrait être limité, si possible, durant le premier trimestre. Dans certaines étu-des, on a observé une association entre la prise de benzodiazépines au premier trimestre et un risque accru de fentes labiopalatines. La période la plus à risque pour les anomalies du palais serait entre la 8e et la 11e semaine de gestation (tableau I)18. Toutefois, il incombe de rassurer les femmes qui doivent prendre des benzodiazé-pines durant cette période, puisque le risque absolu de fentes labiopalatines est d’environ 0,2 % (comparativement à environ 0,1 % dans la population générale)18. La prise de benzodia-zépines n’a pas été associée à d’autres anomalies. Les benzodiazépines sans métabolites actifs qui possèdent une demi-vie d’élimination courte ou intermédiaire, comme le lorazépam et l’oxa-zépam, pourraient être favorisées particulière-ment en fin de grossesse pour minimiser le ris-que de symptômes d’imprégnation chez le nourrisson, associé à une prise régulière près de l’accouchement18. Néanmoins, si le nouveau-né subissait des effets secondaires, on s’attendrait à ce qu’ils soient réversibles et sans séquelle.

L’utilisation d’antidépresseurs tricycliques à effet sédatif, comme l’amitriptyline, pourrait être envisagée en seconde intention chez la femme enceinte pour promouvoir le sommeil, puisqu’on note plusieurs milliers d’expositions au premier trimestre de la grossesse, sans preuve d’une hausse du risque d’anomalies majeures par rapport au risque de base18. Toutefois, une somnolence diurne résiduelle et des effets indé-sirables anticholinergiques associés aux antidé-presseurs tricycliques limitent leur utilisation. Tout comme pour les antihistaminiques, ces agents ne devraient être employés que pour une courte période afin d’éviter de développer une tolérance à leurs propriétés sédatives.

Le manque d’information sur l’innocuité de la zopiclone et du trazodone durant la gros-sesse nous empêche de recommander leur uti-lisation comme traitement de premier et de second recours chez la femme enceinte, bien que les données cumulées à ce jour ne suggè-rent pas un potentiel tératogène. Toutefois, il n’est pas toujours nécessaire de modifier la prise de trazodone chez une femme enceinte qui prenait déjà ce médicament avant sa gros-

sesse compte tenu des données rassurantes cumulées. Par contre, il faut évaluer la possibi-lité d’utiliser une des autres options de traite-ment mieux connues durant la grossesse et d’en discuter avec sa patiente.

Enfin, la mirtazapine et la quétiapine chez la femme enceinte souffrant de troubles du som-meil devraient être prises en dernier recours en raison du manque de données rigoureuses concernant leur efficacité dans le traitement de l’insomnie primaire et du nombre limité de données sur leur innocuité durant la grossesse. Encore une fois, si la patiente prenait de la mir-tazapine ou de la quétiapine avant de tomber enceinte, il incombe de procéder à une analyse au cas par cas. Après avoir envisagé la possibilité d’utiliser une médication mieux documentée durant la grossesse, il se pourrait que les bien-faits à poursuivre le traitement soient supérieurs aux risques potentiels pour certaines femmes.

Enfin, l’absence de données sur l’innocuité de la mélatonine et du L-tryptophane durant la grossesse et les résultats conflictuels concer-nant leur efficacité dans le traitement de l’in-somnie nous empêchent de recommander ces produits chez la femme enceinte.

retour sur le cas cliniqueVous expliquez à la patiente que les connaissan-ces actuelles sur l’innocuité de la zopiclone durant la grossesse sont limitées, mais rassuran-tes. L’utilisation de ce traitement n’a pas été associée à des risques supérieurs au risque de base d’anomalies dans la population générale. Elle a donc 97 à 98 % de chances que son enfant naisse sans malformation majeure, soit un ris-que équivalent à celui d’une femme qui n’aurait pas pris de médicament. De plus, vous lui indi-quez qu’il existe d’autres options de traitement pour lesquelles on dispose d’un bon recul d’uti-lisation durant la grossesse. Vous lui conseillez plutôt d’essayer la diphenhydramine à l’occa-sion, quand les mesures non pharmacologiques que vous lui proposez aussi ne suffisent plus. Vous insistez sur l’importance d’adopter une bonne hygiène de sommeil. Vous l’invitez égale-ment à vous consulter à nouveau si les mesures que vous préconisez s’avèrent insuffisantes. Enfin, vous lui conseillez de prendre quotidien-nement une multivitamine contenant 1 mg d’acide folique jusqu’à la fin de la grossesse, et ce, après avoir éliminé les facteurs de risque d’anomalie du tube neural ou d’autres anoma-lies pouvant être prévenues par ce supplément.

ConclusionOn observe fréquemment des troubles du som-meil chez la femme enceinte, mais leur impact sur elle et son enfant est peu documenté dans la littérature médicale. L’emploi de mesures non pharmacologiques est souvent efficace pour favoriser le sommeil durant la grossesse. Dans

De La mère au nourrIsson

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le traitement de l’insomnie chez la femme enceinte

bien des cas, le pharmacien doit faire face à une quantité limitée de données sur l’innocuité de plusieurs options pharmacologiques utilisées pour traiter l’insomnie durant la grossesse. Le

recours à un traitement médicamenteux devrait se faire sur une base occasionnelle et pour une courte période, si possible. Il faut aussi garder en tête que l’efficacité de la plupart des médica-

ments utilisés pour favoriser le sommeil dans la population générale s’appuie sur peu de don-nées probantes, et leur effet à long terme n’est pas encore établi. n

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QuesTIons de forMaTIon ConTInue

Veuillez reporter vos réponses dans le formulaire de la page 70

3) Parmi les énoncés suivants, lequel est faux ?a. les mesures non pharmacologiques sont souvent efficaces

pour améliorer la qualité du sommeil chez la femme enceinte.

b. une seule étude a évalué l’efficacité de la prise chronique de benzodiazépine pour le traitement de l’insomnie sur une période maximale de 12 semaines dans la population générale.

c. les perturbations du sommeil lors de la grossesse pourraient être attribuées, en partie, à la hausse du taux d’œstrogène qui entraînerait une réduction du sommeil paradoxal.

D. santé canada recommande d’éviter la consommation de tisane à base de pelures d’agrumes, d’orange, de fleurs de tilleul et de gingembre durant la grossesse puisque des effets néfastes ont été observés chez les nouveau-nés de mères ayant pris aussi peu que deux tasses par jour.

e. le manque de données rigoureuses appuyant l’efficacité de la mirtazapine dans le traitement de l’insomnie et le nombre limité de données sur son innocuité durant la grossesse font de l’utilisation de ce produit une option de dernier recours pour la prise en charge des troubles du sommeil durant la grossesse.

4) Parmi les énoncés suivants, lequel est faux ?a. les benzodiazépines prises durant l’organogenèse ont été

associées à un risque accru de fentes labiopalatines, mais le risque absolu demeure faible (0,2 %).

b. le syndrome de retrait observé chez les nouveau-nés ayant été exposés de façon régulière aux benzodiazépines à la fin de la grossesse est généralement contenu à l’aide de mesures de confort.

c. les antihistaminiques constituent une première option de traitement des troubles du sommeil chez la femme enceinte. un usage occasionnel devrait être conseillé afin d’éviter le développement d’une tolérance à leur effet sédatif.

D. la zopiclone ne constitue pas une option de première ni de seconde intention chez la femme enceinte en raison des données insuffisantes quant à son innocuité durant la grossesse.

e. Des complications respiratoires, de l’hypotonie et des difficultés alimentaires ont été observées chez une proportion de 25 à 30 % des nouveau-nés ayant été exposés aux antipsychotiques atypiques près de leur naissance.

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impact des sites de réseau social en pratique pharmaceutiqueL’implantation du Web depuis les années 1990 a bouleversé la gestion de l’information, les échanges entre les personnes et les entreprises. Si le courriel demeure un véhicule de communication privilégié, les internautes recourent de plus en plus aux réseaux sociaux, aux blogues, aux wikis et autres outils Web facilitant le travail en équipe. L’objectif de cet article est de discuter de l’impact des outils de réseau social en pratique pharmaceutique.

Un réseau social est une communauté d’in-dividus ou d’organisations reliés de manière directe ou indirecte en fonction de leurs cen-tres d’intérêt, de leurs points de vue ou de leurs besoins communs. Sur Internet, plu-sieurs sites permettent la création de réseaux1. Alors que Stanley Milgram établissait, dans les années 1960, que deux personnes choisies aléatoirement sur la terre sont reliées par tout au plus six connaissances1, le recours aux outils Web ne fait que renforcer cette probabilité.

Petite histoire des réseaux sociauxOn recense l’émergence d’outils de réseautage dès la création de la Toile, au milieu des années 1990. Des sites comme Geocities.com (1994), Tripod.com (1995) ou Classmates.com (1995)

ont permis aux internautes de partager des adresses électroniques, des fiches de rensei-gnements personnels et des hyperliens. La deuxième génération de ce type de sites a per-mis à chaque usager de participer à la création de son réseau social en acceptant, en invitant ou en refusant des personnes à le joindre. De plus, ces sites ont aussi permis aux usagers d’interagir en émettant des opinions en réac-tion à celles des autres, en plus de partager dif-férents types de documents (par exemple, des textes, de la musique, des photos et des vidéos). Des sites comme Epinions.com (1999), Friendster.com (2002), Delicious.com (2003), Myspace.com (2003) Facebook.com (2004) et Twitter.com (2006) sont nés. Alors que Face-book permet le partage de renseignements, de documents et de messages, Twitter est avant tout un microblogue permettant la diffusion de messages de 140 caractères et moins. D’autres sites ciblant davantage des profes-sionnels ont aussi été créés, tels que LinkedIn (2003) et BiomedExpert (2006). Plus récem-ment, des sites profitant de la capacité de géo-localisation de téléphones intelligents ont per-mis d’associer les messages diffusés à leur provenance (par exemple, localisation sur une carte géographique) et à leur contexte (par exemple, événement et date). On pense à Foursquare.com (2009) et à Gowalla.com (2009).

Parce que Google.com ne peut indexer assez vite les propos publics diffusés sur les réseaux sociaux, de nouveaux moteurs émergent afin d’optimiser la consultation. Des sites comme Oneriot.com, Tweetmeme.com, Topsy.com, Collecta.com et Scoopler.com indexent le contenu de plusieurs réseaux sociaux. Enfin, aux usagers désireux de rester branchés et à jour quant à l’évolution des réseaux sociaux, le site Mashable.com est incontournable pour suivre cet univers.

On estime que plus de 1,7 milliard de person-nes avaient accès à Internet au 30 septembre 20092. En ce qui concerne les réseaux sociaux, on estimait à plus de 490 millions le nombre d’uti-lisateurs de FacebookMD, à plus de 80 millions ceux de MySpaceMD ou TwitterMD et à 41 mil-lions ceux de LinkedInMD, au 1er avril 20103.

Par Jean-François Bussières, B. Pharm., M.Sc., M.B.A., F.C.S.H.P., CHU Sainte-Justine,

et Denis Lebel, B. Pharm., M.Sc., F.C.S.H.P., CHU Sainte-Justine, adjoint aux soins pharmaceuti-

ques, à l’enseignement et à la recherche, et coordonnateur du service pharmaceutique de support à la recherche au CHU Sainte-Justine.

Texte soumis le 15 mars 2010.

Texte remis le 20 mars 2010.

Révision : Denis Lebel, B. Pharm., M.Sc., F.C.S.H.P., CHU Sainte-Justine.

inforOuTe

Figure 1 Topographie des contacts scientifiques liés aux activités de publication de Denis Lebel

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impact des sites de réseau social en pratique pharmaceutique

Utilité en pratique pharmaceutiqueQuel intérêt un pharmacien peut-il avoir pour ces outils de réseautage social ? Nous pensons que la participation au Web 2.0 est incontour-nable pour les professionnels de la santé, notamment parce que de nombreux patients interagissent et s’informent par l’intermé-diaire de ces réseaux. Aussi, parce que la diffu-sion de connaissances populaires et scientifi-ques n’y échappe pas et qu’une majorité d’étudiants en pharmacie, comme tous les autres de leur âge, ont adopté les réseaux sociaux comme outils de communication. Enfin, parce que le Web est là pour rester !

Ainsi, un pharmacien pourrait profiter de LinkedIn.com pour diffuser son profil profes-sionnel et rester en contact avec d’autres phar-maciens et professionnels de la santé. Un deuxième pourrait se servir de Delicious.com pour organiser et partager des hyperliens choisis pour sa clientèle. Un troisième pour-rait recourir à Biomedexpert.com pour y insé-rer ses publications professionnelles et établir une carte de ses contacts, en lien avec ses acti-vités scientifiques (figure 1). Un quatrième pourrait utiliser Facebook pour organiser un rassemblement de pharmaciens, partager des photos mémorables de son passage à l’univer-sité et communiquer les photos de cette soirée de retrouvailles. Un cinquième pourrait lancer un message Twitter pour tenir sa clientèle au courant de ses activités de formation continue sur différentes maladies chroniques (par exemple, consultation de URPP sur Twitter afin de suivre les activités de son unité de recherche). Un sixième pourrait profiter de Foursquare.com pour signaler la présence de sa pharmacie en y publiant notamment une photo dans une zone touristique. Enfin, un pharmacien pourrait utiliser Scoopler afin de vérifier ce qui se dit en réaction aux manchet-tes de l’actualité pharmaceutique.

Enjeux professionnelsBien que la croissance de ces réseaux sociaux soit très rapide, elle s’accompagne de plusieurs enjeux de société, notamment la protection des renseignements tant personnels que pro-fessionnels, la productivité au travail et la redéfinition des échanges sociaux.

Par exemple, Facebook a accepté, en 2009, de se plier aux exigences du Canada en matière de protection des données personnelles, à la suite des recommandations de la commissaire Stoddart4. Ainsi, ce réseau a modifié sa politi-que de confidentialité en décembre, afin de respecter les recommandations canadiennes. Toutefois, l’usager doit être attentif aux para-mètres de confidentialité qu’il accepte ou refuse.

L’auteur Raymond Morin relate dans son ouvrage Comment entreprendre le virage 2.0

que les entreprises ne peuvent ignorer les outils Web 2.0 tant pour leur développement que pour tisser et maintenir un lien de fidélité avec la clientèle5. Par ailleurs, on sait que plu-sieurs employeurs utilisent ces outils dans le cadre du processus de sélection ou de sur-veillance de leurs employés actuels ou futurs. Que dites-vous de votre entreprise ? Avez-vous déjà tenu des propos pouvant menacer votre emploi ? L’utilisation de ces outils est-elle une menace à la productivité de ceux qui y travaillent ? S’il est vrai que les outils du Web 2.0 sont incontournables, employeurs et employés doivent définir ensemble les règles du jeu pour qu’un cadre de gestion applicable soit mis en place.

Aussi, on reconnaît qu’il existe des enjeux dans l’utilisation de ces réseaux sociaux pour

les professionnels de la santé, par exemple l’at-teinte à l’image d’une profession, la perte d’occasions professionnelles (par exemple, une non-embauche liée à des propos inappro-priés), le bris de confidentialité de données relatives à des patients et la perte de confiance de patients à l’égard de leur professionnel traitant6-7.

Chretien et coll. ont mené une enquête auprès de 130 facultés de médecine aux États-Unis et ont constaté que 60 % des per-sonnes interrogées avaient rapporté des inci-dents relatifs à la publication sur ces sites de contenus non professionnels par des étu-diants. Entre autres, des propos diffamatoi-res (52 %), un langage discriminatoire (48 %), de l’intoxication/ébriété (39 %) et une documentation à caractère sexuel (38 %)8; 13 % des facultés interrogées ont rapporté des bris de confidentialité pour cer-tains patients traités par ces étudiants. Seule-ment 38 % des personnes interrogées ont indiqué avoir un code de conduite sur le comportement en ligne pour les étudiants en médecine. Les répondants ayant un tel code étaient plus enclins à déclarer des comporte-ments inappropriés (51 % contre 18 %; p = 0,006).

En pharmacie, Cain et coll. se sont intéres-sés à ces outils dans le cadre d’activités d’ap-prentissage9-10. Outre le risque de bris de pro-tection de renseignements professionnels et

la permanence relative des renseignements publiés sur ces réseaux (un étudiant en phar-macie n’est pas forcément conscient de la pérennité des renseignements et des com-mentaires qu’il publie sur ces sites), les auteurs soulignent que l’accès à ces outils constitue une source de diversion et peut nuire à l’apprentissage, en classe ou indivi-duellement. Ainsi, des professeurs et des conférenciers en pharmacie ont souvent noté l’impact parfois défavorable de l’utilisation d’ordinateurs portables sur le niveau d’écoute en classe depuis leur emploi systématique à l’université. Cain et coll. ont aussi évalué les perceptions et les opinions de 299 étudiants en pharmacie à partir d’un questionnaire portant sur 21 sujets, après une présentation sur l’e-professionnalisme11. Les auteurs

notent que les étudiants de sexe masculin s’opposent davantage à l’utilisation de ces contenus par des figures d’autorité, notam-ment les professeurs ou leurs futurs employeurs. Plus de la moitié des étudiants ont envisagé de modifier leur comportement sur le Web et la nature des renseignements qu’ils publient à la suite de cette présenta-tion. Les auteurs concluent que les étudiants en pharmacie utilisent beaucoup ces réseaux sociaux et sous-estiment les impacts de leur navigation sur leur vie professionnelle.

À partir de cette brève revue documen-taire, nous formulons quelques recomman-dations quant à l’utilisation responsable du Web 2.0 par les étudiants en pharmacie, le personnel technique et les pharmaciens : 1) le code d’éthique des étudiants, le code de

déontologie des pharmaciens et l’engage-ment dans la protection des renseigne-ments personnels signé par le personnel technique devraient intégrer des disposi-tions spécifiques en ce qui concerne le comportement en ligne responsable;

2) les principes d’un comportement en ligne responsable devraient être enseignés dès les premiers jours de présence dans un programme universitaire de pharmacie;

3) l’étudiant et le pharmacien devraient s’as-surer que le comportement en ligne, à titre personnel et professionnel, est compatible à court, moyen et long termes avec l’exer-

Plusieurs employeurs utilisent ces outils dans le cadre du processus de sélection ou de surveillance

de leurs employés actuels ou futurs. Que dites-vous de votre entreprise ? Avez-vous déjà tenu

des propos pouvant menacer votre emploi ?

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26 Québec Pharmacie vol. 57 n° 4 juillet–Août 2010

cice de la profession. Par exemple, la publi-cation de photos ou de propos inappro-priés au cours de sa formation pourrait entacher la réputation du professionnel durant sa carrière;

4) la personne ayant connaissance de la publication non autorisée de renseigne-ments personnels devrait veiller au retrait de ces renseignements publiés illégalement;

5) le pharmacien doit utiliser avec prudence les médias écrits (courriels, blogues, micro-blogues) dans le cadre de sa pratique parce qu’une réponse à une question est suscep-tible de nuire à la protection des renseigne-

ments personnels et qu’elle peut être utili-sée plus facilement comme preuve en cas de litige;

6) les règles d’un comportement en ligne res-ponsable reposent sur les principes établis par les chartes canadienne et québécoise des droits et libertés, et par le code de déontologie des pharmaciens.

ConclusionLes outils de réseau social sont utilisés par les pharmaciens, le personnel technique et les étu-diants en pharmacie. Une utilisation responsa-ble est toutefois essentielle à une prestation professionnelle des soins pharmaceutiques. n

références1. anonyme. réseau social. (cité le 30 avril 2010; site

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QUEsTion DE FormaTion ConTinUE

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5) Parmi les énoncés suivants entourant les sites de réseau social, lequel est vrai ?

a. un réseau social est une communauté d’individus ou d’organisations reliés uniquement de manière directe en fonction de leurs centres d’intérêt.

b. parmi les enjeux de l’utilisation de ces sites de réseau social, notons l’atteinte à l’image d’une profession, le bris de confidentialité de données relatives à des patients et le gain de confiance de patients à l’égard de leur professionnel traitant.

c. les principes d’un comportement en ligne responsable devraient être enseignés dès les premiers jours de présence dans un programme universitaire de pharmacie.

D. la personne ayant connaissance de la publication non autorisée de renseignements personnels ne peut demander le retrait de ces renseignements publiés illégalement.

inforOuTe

Les principes d’un comportement en ligne responsable devraient être enseignés dès les

premiers jours de présence dans un programme universitaire de pharmacie.

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La maladie de crohn et les thérapies biologiquesLa maladie de Crohn est une maladie inflammatoire intestinale chronique et progressive pouvant affecter tout le tube gastro-intestinal. Cependant, elle touche davantage l’iléon terminal (30 %), la région iléo-colique (50 %) et le côlon seul (20 %). Les causes exactes des maladies inflammatoires intestinales ne sont pas connues. La rémission est généralement difficile à obtenir. ainsi, la majorité des patients devront prendre leur médication toute leur vie, d’où l’importance de l’arsenal thérapeutique. en cas d’échec du traitement, la chirurgie demeure une option de rechange. Voici une revue de la pathophysiologie de la maladie de Crohn et les divers traitements associés.

ÉpidémiologieL’incidence des maladies inflammatoires intesti-nales augmente partout dans le monde1. Cepen-dant, la maladie de Crohn est plus courante dans les pays industrialisés. Au Canada, en 2008, près de 201 000 Canadiens auraient été touchés par une maladie inflammatoire intestinale, soit 112 000 cas de maladie de Crohn et 88 500 cas de colite ulcéreuse2. Le Canada fait partie des pays où la prévalence et l’incidence de la maladie de Crohn sont les plus élevées. Certaines popu-lations sont prédisposées à cette maladie; les Caucasiens, les Occidentaux et les Juifs sont plus à risque de contracter la maladie, contraire-ment aux Asiatiques3. La maladie de Crohn tou-che autant les femmes que les hommes et le dia-gnostic est généralement établi au début de la vingtaine et de 50 ans à 70 ans4. Enfin, les patients atteints de cette maladie auraient un risque accru de cancer colorectal5 et de mort prématu-rée6. Cependant, certaines études se contredi-sent quant à ce risque accru.

Pathophysiologie Les maladies inflammatoires de l’intestin com-prennent la colite ulcéreuse et la maladie de Crohn7,8. Ces pathologies idiopathiques se caractérisent par des lésions chroniques ou intermittentes résultant d’une activation immu-nologique non régulée et d’une réponse inflam-matoire exagérée, prolongée et non limitée7,8.

La maladie de Crohn est une inflammation généralement transmurale qui peut atteindre tout le tube gastro-intestinal8,9. L’étiologie pré-cise n’est pas connue, mais différents facteurs contribuent à l’induction et/ou à l’intensifica-tion des manifestations. Ces facteurs sont immunologiques, génétiques et environnemen-taux7-9.

Facteurs immunologiquesL’inflammation débute par une infiltration des cellules inflammatoires. Elle est entretenue par un influx de cellules leucocytaires recrutées par les molécules d’adhésion dans les vaisseaux san-guins du site inflammatoire et par la libération des cytokines7-10. La pathogenèse de cette inflam-mation s’explique par un déséquilibre entre les différentes cytokines. Les cytokines proinflam-

matoires (TNF-alpha et IL-1) sont impliquées dans les lésions intestinales. De plus, il y a une surproduction des cytokines immunorégulatri-ces INF-gamma et IL-2 et une réaction chroni-que à médiation cellulaire et non humorale7,9,11. Pour ce qui est des chimiokines, on retrouve l’interleukine-8 (IL-8), cytokine la plus étudiée, dont la production corrèle avec l’importance de l’inflammation7. La réaction inflammatoire pro-longée peut s’expliquer par une altération de la barrière intestinale favorisant l’exposition aux antigènes, par une augmentation de la perméa-bilité observée lors des périodes de rechute, ou par une réponse exagérée à l’altération de la fonction apoptotique8,9,11; le tout impliquant une interaction constante entre les lymphocy-tes T et les macrophages8,9,12.

Facteurs génétiquesOn rapporte que le risque relatif (RR) d’un parent au premier degré d’un sujet atteint de la maladie de Crohn est de 10-157,8. On observe qu’une mutation des deux allèles du gène NOD2 présent sur le chromosome 16 aug-

Texte rédigé par Feriel boumedien, B. Pharm., candidate à la maîtrise en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), et Marie-Pierre Nolet, B. Pharm., candidate à la maîtrise en pratique pharmaceutique, Centre hospitalier de l’Université de Montréal (CHUM), Pharmacie Sonia Guimont.

Texte original soumis le 7 avril 2010.

Texte final remis le 4 juin 2010.

Révision : Kelley Cuffley, B. Pharm., et la Dre Catherine Dussault, gastroentérologue, CHUL du CHUQ.

Tableau I Manifestations cliniques de la maladie de Crohn8,9,12,17,18

Manifestations communes

■Douleurs abdominales

■Diarrhée■fièvre■fatigue■saignements

rectaux■perte de poids■anorexie■nausées

À l’examen physique

■sensibilité abdominale

■Masse palpable■test guaiac-

positif

Résultats de laboratoire et radiographiques■légère anémie■légère leucocytose■augmentation

du taux de sédimentation érythrocytaire

■altération de l’intestin grêle

■fistules

Manifestations cliniques extraintestinales Manifestations articulaires (25 %) arthralgie arthriteManifestations cutanées (15 %) ■Erythema nodosum ■Pyoderma

gangrenosum ■aphtes ulcérés de la bouche Manifestations oculaires (5 %) Épisclérite uvéiteirite récurrent

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mente le risque relatif jusqu’à 40 fois7,8. Clini-quement, cette mutation se traduit par une hausse du risque de résection intestinale et de rechute après chirurgie7,8. D’autres gènes ont été cités8, mais leur importance et leur rôle n’ont pas été déterminés.

Facteurs environnementaux non infectieuxIl a été établi que le tabac pourrait doubler le ris-que de contracter la maladie de Crohn. Il accroît aussi les risques de rechute après la résection d’un segment intestinal atteint7-9,12. L’allaitement a été associé à une baisse du risque de maladie de Crohn chez le nourrisson8. L’impact de l’alimen-tation n’est pas bien établi et l’effet néfaste d’un régime faible en fibres, riche en sucres raffinés et en additifs chimiques est controversé 7,9. On a rapporté une corrélation entre le stress et l’exa-cerbation de la maladie, mais sans lien de causa-lité prouvé8. Enfin, les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) ont été impliqués, sans que l’on ait noté une association franche dans le développement de nouveaux cas et l’exacerba-tion chez quelques patients7,8.

Facteurs environnementaux infectieuxLe rôle de ces facteurs a mené à des recherches plus approfondies. Selon une des hypothèses, la présence d’aliments entraîne une inflammation de faible niveau, en réaction aux pathogènes et au contenu alimentaire. La maladie de Crohn surviendrait à la suite d’une réactivité accrue à ces pathogènes non spécifiques7,8,11,15. Selon une autre hypothèse, chez des patients génétique-ment prédisposés, il y a susceptibilité d’une réac-tion contre la flore intestinale. Dans ce cas, la réaction est dirigée contre la flore bactérienne intestinale qui colonise l’intestin7-9,11. Les méca-nismes avancés dans ce type de réaction sont l’augmentation de la perméabilité de la paroi intestinale, facilitant le recrutement des cellules inflammatoires, la formation d’un superanti-gène, la pathogénicité des bactéries intestinales et la mauvaise clairance bactérienne7,8,15,16. Enfin, d’autres hypothèses ont été proposées, impli-quant d’autres bactéries, principalement Myco-bacterium paratuberculosis, le virus de la rou-geole, et Listeria monocytogenes7-9.

En somme, bien que l’étiologie exacte de la maladie de Crohn ne soit pas connue, on recon-naît qu’une association entre un déséquilibre immunologique et une prédisposition généti-que déclenche ou précipite le phénotype de cette maladie en présence de facteurs environnemen-taux infectieux ou non infectieux.

Manifestations cliniquesContrairement à la colite ulcéreuse qui n’atteint que le côlon, la maladie de Crohn produit une inflammation qui peut se manifester tout au

long du tractus gastro-intestinal, de la bouche à l’anus. Il y a hétérogénéité des signes et symptô-mes selon le site, l’âge, l’importance de l’inflam-mation, la présence de complications intestina-les ou non9,12,17,18. Le tableau I résume les manifestations cliniques. Il est à noter que les présentations extra-intestinales de la maladie de Crohn sont considérées comme des complica-tions. Lors de l’évaluation des symptômes, la dénutrition est un facteur important à considé-rer en raison de la baisse d’appétit et de la malab-sorption. Lorsque l’iléon est atteint, il peut y avoir des diarrhées, dont l’importance dépend de l’étendue de l’inflammation, mais qui sont rarement accompagnées de saignements8-10,12,17. L’atteinte de la région périanale se traduit par des douleurs, des fissures anales, des fistules et des abcès périanaux12,17. Contrairement à la colite ulcéreuse, les saignements importants sont rares, mais ils sont à surveiller si le côlon distal est atteint, le rectum étant souvent épargné dans la maladie de Crohn8,9,12,17. Les enfants peuvent présenter de l’anémie, un retard de croissance, un retard du développement sexuel et une carence vitaminique en raison de la baisse d’ap-pétit et de la malabsorption8,9.

Complications intestinalesOn peut citer les obstructions intestinales secon-daires à des sténoses inflammatoires ou fibreu-ses et le mégacôlon toxique, les deux pouvant nécessiter une intervention chirurgicale8,12. Les fistules sont des complications assez fréquentes (20 % à 40 %) qui peuvent se présenter entre différents segments du tractus gastro-intestinal (grêle et côlon), et qui sont entérocutanées, enté-rovésiculaires ou rectovaginales8,9,12,15,17. Des abcès périanaux et le cancer du côlon sont d’autres complications pouvant survenir.

Complications extra-intestinalesElles comprennent des présentations articulai-res, oculaires et cutanées, ainsi que des compli-cations de la malabsorption : anémie, cholangite sclérosante, cholélithiase, néphrolithiase ou maladies osseuses8,12,17.

DiagnosticLe diagnostic est basé sur des signes et des symp-tômes, dont la diarrhée chronique, résultats des recherches endoscopiques, radiologiques et pathologiques (atteinte focale, asymétrique, transmurale ou granulomateuse)9,12,19. Des tests de laboratoire sont nécessaires : tests de la fonc-tion hépatique, taux de sédimentation érythro-cytaire, protéine C réactive et autres tests pour évaluer l’état général du patient12,19. Ces recher-ches approfondies sont entreprises non seule-ment à la suite des symptômes cliniques, le plus souvent des diarrhées et des douleurs abdomi-nales, mais également des symptômes décrits précédemment9,12. Comme les manifestations

cliniques de la maladie de Crohn ne sont pas spécifiques, le diagnostic peut être retardé, en moyenne trois ans après le début de la maladie9. La biopsie endoscopique utilisée aide à établir le diagnostic différentiel entre colite ulcéreuse, maladie de Crohn, dysplasie et cancer gastro-intestinal12.

À la suite du diagnostic, la classification de la maladie dépend de la gravité de la présenta-tion9,12 : Maladie légère à modérée : les patients sont

en ambulatoire, tolèrent une alimentation orale et ne manifestent pas de signes de dés-hydratation, de signes systémiques graves (fièvre importante, tremblements et fris-sons) ou de symptômes tels que masse abdo-minale, obstruction intestinale ou perte de poids de plus de 10 %.

Maladie modérée à grave : les patients pré-sentent un échec à un traitement de pre-mière ligne ou des signes cliniques impor-tants (exclus dans la maladie légère à modérée nommée précédemment), sans présence d’obstruction intestinale ou d’anémie signi-ficative.

Maladie grave à fulminante : les patients présentent un échec aux traitements conven-tionnels avec corticostéroïdes et/ou agents biologiques ou des signes importants, dont fièvre élevée, cachexie, obstruction, vomisse-ments persistants, abcès ou autres symptô-mes réfractaires.

Mis à part les différents niveaux de gravité, la maladie peut présenter des périodes de rémis-sion avec une absence de symptômes clini-ques9,12.

La détermination objective du niveau d’acti-vité et de la gravité de la maladie est compliquée par l’hétérogénéité de la présentation, la localisa-tion et la présence de complications. Un des outils proposés est l’index d’activité de la mala-die de Crohn, ou CDAI. Cet index calcule la somme de huit critères représentant chacun un signe ou symptôme de la maladie20. Chaque cri-tère a une importance relative déterminée par un coefficient. Le score obtenu reflète l’état de la maladie. Ainsi, un score inférieur à 150 indique une rémission et un score supérieur à 450 indi-que une maladie grave12,20. Cependant, l’utilisa-tion de cet outil se limite aux études cliniques et son application dans la pratique courante reste peu commune.

TraitementLes traitements utilisés dans la maladie de Crohn ne permettent pas de guérir la maladie, mais d’obtenir une rémission, de la maintenir, et ainsi d’améliorer la qualité de vie des patients. Les stratégies utilisées sont un soutien nutri-tionnel ainsi que le recours à l’acide 5-amino-salicylique (5-AAS), aux corticostéroïdes, aux immunosuppresseurs, aux antibiotiques, aux

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la maladie de crohn et les thérapies biologiques

thérapies biologiques et à la chirurgie. Le choix d’une stratégie dépend de la gravité de la mala-die, de sa localisation et des complications qui y sont associées12.

soutien nutritionnelIl n’y a pas de régime alimentaire particulier à adopter dans le cas de la maladie de Crohn, sauf lors de la maladie sténosante. Il faut éviter les résidus alimentaires dans les cas de subocclu-sion. Par contre, il est évident que les patients doivent repérer les aliments exacerbant leurs symptômes et les éviter. Lorsque le cas est modéré à grave, les patients peuvent présenter une dénutrition étant donné le processus inflammatoire de la maladie. La nutrition enté-rale (gavage) ou, ensuite, parentérale, peut alors être utilisée pour atteindre un statut nutrition-nel adéquat. Enfin, l’usage des probiotiques a suscité de l’intérêt pour l’induction et le main-tien de la rémission, mais les résultats ne sont pas concluants. L’usage des probiotiques ne peut donc être recommandé pour cette indication22.

Traitements médicamenteuxacide 5-aminosalicylique (5-aas)Le 5-AAS est relativement efficace dans le traite-ment de la maladie de Crohn. Le tableau II pré-sente les médicaments commercialisés de cette classe. La sulfasalazine (Salazopyrin) est moins efficace pour traiter la maladie de Crohn. Par contre, lorsque la maladie est localisée au niveau du côlon, ce produit pourrait contribuer à induire une rémission. Lorsque l’iléon est atteint, les dérivés de la mésalamine sont préférés (Pen-

tasa, Asacol). Bien que ces dérivés soient large-ment utilisés cliniquement pour maintenir la rémission, les études ne montrent pas d’effica-cité supérieure et constante par rapport au pla-cebo12,23. Une méta-analyse de trois études ran-domisées rapporte une supériorité de la mésalamine, bien que l’importance clinique de cette supériorité soit peu significative52. Ainsi, le 5-AAS est recommandé pour induire la rémis-sion chez les patients atteints de la maladie de Crohn légère à modérée. Bien que ces médica-ments soient souvent utilisés en pratique pour maintenir la rémission, les études ne montrent pas d’efficacité du 5-AAS à le faire12,25.

corticostéroïdesLes corticostéroïdes sont efficaces pour induire la rémission de la maladie modérée à sévère ou dans le cas de maladie légère si le 5-AAS n’a pu y parvenir26. Ils ne devraient pas être utilisés pour le traitement de maintien étant donné les effets indésirables qui leur sont associés à long terme27. Le tableau III présente les médica-ments commercialisés de cette classe. Les corti-costéroïdes sont utilisés durant 12 à 16 semai-nes26. Ensuite, ils doivent être cessés graduellement. Il n’y a pas de consensus clair quant au schéma posologique à favoriser lors de la cessation des corticostéroïdes. Néan-moins, la plupart du temps, la dose de predni-sone est réduite de 5 à 10 mg/semaine, jusqu’à 20 mg. Ensuite, elle est réduite de 2,5 à 5 mg/semaine de prednisone jusqu’à cessation com-plète12,27. Par contre, certains patients sont inca-pables de cesser les corticostéroïdes et les reçoi-

vent à long terme12,25. Les traitements par voie orale peuvent être utilisés pour une maladie légère à modérée, tandis que la forme intravei-neuse est réservée à la maladie grave. Mais, théoriquement, la forme orale s’avère tout aussi efficace que la forme intraveineuse. Les formes topiques sont utilisées pour les atteintes distales. Lorsque les corticostéroïdes ne par-viennent pas à induire une rémission après 12 à 16 semaines de traitement, l’emploi d’immu-nosuppresseurs est souhaitable. Dans la mala-die grave, ils peuvent être administrés plus tôt. Le budésonide pour induire la rémission est une solution de rechange à la prednisone, sur-tout dans les cas de maladie de Crohn iléo-coli-que, car il agit au niveau du côlon proximal. En effet, la prednisone n’est pas plus efficace que le placebo pour maintenir la rémission après une année d’utilisation et ne peut donc être recom-mandée27,28. Il est à noter que les corticostéroï-des ne sont pas efficaces pour le traitement des fistules périanales27.

antibiotiquesL’utilisation des antibiotiques dans le traitement de la maladie de Crohn est plutôt controversée en raison du nombre limité d’études. Néan-moins, ils pourraient être utiles au niveau coli-que, des fistules périanales non compliquées et des abcès périanaux et périrectaux. Le métroni-dazole (Flagyl) et la ciprofloxacine (Cipro) sont les plus souvent utilisés. La dose de métronida-zole utilisée est de 250 mg à 500 mg tid-qid durant trois à six mois29. La dose de ciprofloxa-cine est de 500 mg bid pour la même durée29.

Tableau II Formes commerciales de l’acide 5-aminosalicylique et de sulfasalazine9,34

Produits Présentation et teneur Doses/jr site d’action utilisation salazopyrinMD (sulfasalazine) comprimé 500 mg 4 à 6 g/jr côlon -Maladie légère-modérée apo-sulfasalazineMD, -induction rémission pMs-sulfasalazineMD salazopyrinMD en-taBs, comprimé entérosoluble 500 mg pMs-sulfasalazineMD ec asacolMD (5-aas) comprimé entérosoluble 400 mg 2-4,8 g/jr iléon terminal -Maladie légère-modérée jusqu’au côlon -Maintien rémission asacol 800MD (5-aas) comprimé à libération retardée 800 mg 2-4,8 g/jr iléon terminal jusqu’au côlon MesasalMD (5-aas) comprimé entérosoluble 500 mg 2-4,8 g/jr iléon terminal jusqu’au côlon novo-5asa-etcMD (5-aas) comprimé entérosoluble 400 mg 2-4,8 g/jr iléon terminal jusqu’au côlon pentasaMD (5-aas) comprimé à libération prolongée 500 mg 2-4,8 g/jr Duodénum, jéjunum, pentasaMD lavement lavement 1 g/100 ml, 4 g/100 ml iléon et côlon pentasa® suppositoire suppositoire de 1 g salofalkMD (5-aas) comprimé entérosoluble 500 mg 2-4,8 g/jr mi-jéjunum salofalkMD lavement lavement de 2 g/60 g, 4 g/60 g jusqu’au côlon salofalkMD suppositoire rectal suppositoire de 500 g, 1 g MezavantMD (5-aas) comprimé à libération prolongée 1,2 g 2-4,8 g/jr côlon

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immunosuppresseursOn se sert des immunosuppresseurs lorsque le sevrage des corticostéroïdes est impossible et dans les cas réfractaires aux traitements (5-AAS, corticostéroïdes et antibiotiques)9,25. Les agents utilisés sont l’azathioprine (Imuran), le 6-mer-captopurine (Purinethol), le méthotrexate (Methotrexate) et la cyclosporine (Néoral). Le tableau IV résume les teneurs disponibles et l’intervalle posologique de ces médicaments. L’azathioprine, la 6-mercaptopurine et le métho-trexate sont les plus utilisés, tant pour l’induc-tion que le maintien de la rémission. L’azathio-prine et la 6-mercaptopurine ont un début d’action lent et doivent être utilisés au moins trois mois avant que l’on puisse conclure à un échec du traitement9. Des études ont démontré que l’azathioprine et la 6-mercaptopurine pour-raient être efficaces dans le traitement des fistu-les anales et entériques27. Le méthotrexate, quant à lui, agit plus rapidement. Son utilisation par voie orale est controversée. Le traitement par cette voie pourrait être tenté chez un patient, mais en cas de rechute, la forme injectable devra être reprise. La cyclosporine est rarement utilisée étant donné son profil d’innocuité non favora-ble. En effet, son utilisation est réservée aux patients souffrant de la forme grave de la mala-die de Crohn, avec fistules sévères, ou ne répon-dant à aucun traitement, et ce, afin d’éviter une colectomie9. Des études ont combiné l’utilisa-tion des immunosuppresseurs avec les anticorps monoclonaux ciblant le TNF-alpha pour éva-luer la diminution de l’immunogénicité, soit la formation d’anticorps contre les antagonistes du TNF-alpha. Les résultats diffèrent d’une étude à l’autre. Ainsi, pour limiter l’apparition des effets indésirables, il n’est actuellement pas recommandé d’utiliser d’emblée les immuno-

suppresseurs en association avec les anticorps monoclonaux anti-TNF-alpha12. Enfin, l’utilisa-tion du mycophénolate mofétil a été proposée pour les patients intolérants à l’azathioprine ou à la 6-mercaptopurine. Par contre, étant donné le manque d’efficacité et l’innocuité relative de ce médicament, son utilisation ne peut être recommandée27.

thérapies biologiquesL’introduction d’un agent biologique dans le traitement de la maladie de Crohn est contro-versée. En effet, les agents biologiques peuvent être introduits après un échec thérapeutique avec un ou plusieurs immunosuppresseurs. Par contre, en présence de fistules, les agents biolo-giques pourraient être introduits plus tôt dans la thérapie. Il existe deux approches à intensité variable, soit à intensité progressive ou dégres-sive. Dans l’approche thérapeutique à intensité progressive, les agents biologiques sont réservés en dernier recours. Dans l’approche à intensité dégressive, les immunosuppresseurs et les agents biologiques sont introduits tôt dans la maladie. En effet, cette nouvelle approche est en lien avec l’amélioration rapide et la diminution de la pro-gression de l’arthrite rhumatoïde lors de l’utili-sation précoce des agents biologiques dans la maladie30. Une étude randomisée a comparé ces deux approches thérapeutiques dans la maladie de Crohn. Il a été démontré que l’approche dégressive permettait une rémission plus rapide avec un meilleur taux de réponse. À 24 mois, la muqueuse était guérie chez 73 % des patients avec l’approche dégressive, comparativement à 30 % avec l’approche progressive. Il reste à savoir si la guérison de la muqueuse permet de chan-ger l’évolution de la maladie31,32. De plus, il reste à établir quels patients sont les plus susceptibles

de bénéficier de l’approche dégressive, étant donné les coûts associés et l’innocuité inconnue à long terme des thérapies biologiques. Une étude a permis d’identifier des facteurs cliniques causant une moins bonne réponse aux traite-ments standard : diagnostic initial à un âge infé-rieur à 40 ans, présence de lésions périanales et besoin précoce de corticostéroïdes. Certains fac-teurs génétiques et sérologiques pourraient aussi augmenter le risque de recours à la chirur-gie. Ainsi, ces facteurs peuvent guider les clini-ciens dans la sélection des patients pouvant bénéficier d’une approche dégressive pour le traitement de leur maladie. Par contre, d’autres études sont nécessaires pour en confirmer les bénéfices et les risques.

les antagonistes du tnf-alphaLe premier médicament de cette classe qui ait été mis au point est l’infliximab. Les agents intro-duits par la suite, soit l’adalimumab (Humira) et le certolizumab pégol (Cimzia), avaient pour buts de réduire certains effets secondaires et d’augmenter l’efficacité. Le mécanisme d’action de cette classe est un antagonisme du TNF-alpha, une cytokine proinflammatoire respon-sable de l’intensification et du maintien de l’in-flammation33. Parmi les effets secondaires, on peut citer des nausées, des vomissements, des céphalées, une réaction immédiate ou retardée à l’infusion observée avec la perfusion de l’inflixi-mab : érythème, bouffées (flushing), fièvre, toux, dyspnée, prurit, myalgies, arthralgies, etc.12,34,35 L’administration d’acétaminophène (Tylenol), de diphenhydramine (Benadryl) et d’hydrocor-tisone (Solu-Cortef) peut réduire les effets liés à la perfusion12,34. Une augmentation des compli-cations infectieuses (infection des voies respira-toires supérieures et urinaires, pneumonies, etc.)

Tableau III Formes commerciales des corticostéroïdes9,34

Produits Présentation et teneur Doses/jr utilisation prednisone comprimé 1, 5 et 50 mg 30-60 mg/jr (1 mg/kg) - Maladie légère à modérée - induction rémission entocortMD (budésonide) capsule 3 mg 9 mg/jr : exacerbation - Maladie légère/modérée entocortMD lavement (budésonide) lavement 0,02 mg/ml 3-6 mg/jr : maintien - induction rémission n.B. : les capsules sont efficaces lorsque la maladie de crohn touche l’iléon et le côlon droit16. cortifoamMD, cortenemaMD lavement 100 mg/ml 80-100 mg/jr - Maladie légère/modérée HycortMD (hydrocortisone) lavement lavement 1,7 mg/ml - induction rémission et mousse solu-cortefMD (hydrocortisone) solution injectable 300-400 mg/jr - Maladie sévère 100 mg, 250 mg, 500 mg, 1 g par vial - induction rémission BetnesolMD lavement (béthaméthasone) lavement 5 mg/100ml 5 mg/jr - Maladie légère/modérée - induction rémission solu-medrolMD (méthylprednisolone) solution injectable 40-60 mg/jr - Maladie sévère 40 mg, 125 mg, 500 mg, 1 g par vial - induction rémission

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la maladie de crohn et les thérapies biologiques

étant rapportée dans toutes les études cliniques utilisant ces agents, il faut traiter toute infection avant de les instaurer12,18,34,35. On peut observer la réactivation d’une tuberculose latente et de l’hé-patite B. Ainsi, s’il y a suspicion d’une infection latente, un test PPD et une radiographie pulmo-naire doivent être effectués avant d’entamer le traitement. De plus, si une tuberculose latente est découverte, elle doit être traitée avant d’ins-taurer les antagonistes du TNF-alpha. De sur-croît, on peut déterminer le statut immunologi-que pour l’hépatite B avant de commencer le traitement. On a aussi noté le développement d’anticorps antinucléaires, mais les études n’ont rapporté aucun syndrome de lupus12,33,35,36. Cependant, en postcommercialisation, on rap-porte des cas de lupus érythémateux avec atteinte cutanée plutôt que systémique. Ainsi, une protection solaire est recommandée pour les patients qui commencent à prendre ces trai-tements afin de diminuer l’incidence de ces atteintes et leur gravité. Les antagonistes du TNF-alpha augmentent aussi le risque de néo-plasie, principalement de lymphome, le risque de base étant plus élevé en présence de la mala-die de Crohn. Enfin, sur le plan cardiovasculaire, ces antagonistes peuvent causer ou aggraver une insuffisance cardiaque. Un suivi étroit de la frac-tion d’éjection du ventricule gauche (FEVG) est recommandé en présence d’une insuffisance cardiaque légère à modérée. Leur utilisation est cependant contre-indiquée dans le cas d’une insuffisance cardiaque sévère12,18.34. L’adminis-tration de vaccins vivants et de l’anakinra est également contre-indiquée. L’utilisation de cette classe d’agents pour traiter la maladie de Crohn est discutée dans les sections suivantes. Il est à noter qu’il y a d’autres indications à leur emploi, soit le psoriasis, l’arthrite rhumatoïde et la spon-dylite ankylosante.

infliximab (remicade)Il s’agit d’un anticorps monoclonal chimérique doté d’une fraction murine de reconnaissance de l’antigène et d’une fraction humaine33. L’in-

fliximab est utilisé dans la maladie de Crohn modérée à sévère chez les patients n’ayant pas répondu aux aminosalicylates, aux antibioti-ques, aux corticostéroïdes ou aux immunosup-presseurs12,18,37. L’efficacité de cet anticorps pour induire une rémission a été étudiée avec diffé-rentes doses (5 mg/kg, 10 mg/kg et 20 mg/kg). Le résultat était optimal à une dose de 5 mg/kg avec moins d’incidence d’effets secondaires18. L’utilisation d’une seule dose induit une rémis-sion d’une durée moyenne de deux à quatre mois (avec 10 à 40 % de réponse après 12 mois), d’où les recommandations d’une utilisation répétée pour le maintien de la rémission12,18,33,35,38. L’ACCENT I est une étude randomisée, réalisée en double aveugle avec 573 patients ayant un score minimal de 220 pour l’index de la maladie de Crohn et dont l’objectif était d’évaluer la réponse et la sécurité d’administration de l’in-fliximab à des patients ayant répondu à une pre-mière dose d’induction39. L’étude a comparé le placebo à l’infliximab 5 mg/kg à la semaine 2 et 6, puis toutes les huit semaines, selon la même fréquence, ou à l’infliximab 5 mg/kg à la semaine 2 et 6, puis 10 mg/kg toutes les huit semaines. La durée de l’étude était de 46 semaines. Les résul-tats obtenus montrent une rémission plus sou-tenue dans les groupes de traitement avec inflixi-mab 5 mg/kg et 10 mg/kg avec des durées moyennes de 38 (p = 0,002) et 54 semaines (p = 0,0002) respectivement, contrairement au placebo où l’on obtient une perte d’efficacité après une durée moyenne de 19 semaines. Aussi, l’utilisation de l’infliximab réduit l’utilisation de la corticothérapie et le nombre d’hospitalisa-tions. Bien que la comparaison des doses ne soit pas un résultat recherché, la différence obtenue a conduit à d’autres recherches approfondies sur l’intensification de la dose pour maintenir une réponse. La posologie recommandée pour l’in-duction et le maintien de la rémission est de 5 mg/kg à la semaine 0, 2, 6, puis toutes les huit semaines. En tout, 75 à 80 % des patients répon-dant au traitement rapportent une amélioration des symptômes après deux à quatre semai-

nes12,18,33,35,36. De plus, l’infliximab a induit la fer-meture des fistules réfractaires aux corticostéroï-des après une seule dose de traitement39. En effet, l’étude ACCENT II, randomisée, menée en double aveugle chez 306 patients ayant une maladie de Crohn avec au moins une fistulation abdominale ou périanale, a montré que les patients avec une réponse à l’induction et rece-vant un traitement de maintien par l’infliximab bénéficiaient d’une plus longue rémission à la semaine 54, soit 19 % dans le groupe placebo, comparativement à 36 % dans le groupe inflixi-mab (p = 0,009)38. Cette étude conclut que l’in-fliximab a un début d’action rapide pour la fer-meture des fistules lors de l’induction, en plus d’augmenter la durée de la rémission lorsqu’uti-lisé en traitement de maintien toutes les huit semaines.

Il manque d’études évaluant l’efficacité à long terme de l’infliximab, mais il semble y avoir une perte d’efficacité après quelques années, selon l’expérience clinique. Une intensification de la thérapie peut prolonger l’effet thérapeutique, le passage à un autre anticorps étant une autre option40. Comme cet anticorps est chimérique, il pourrait se développer des anticorps anti-infliximab ou une hypersensibilité retardée à surveiller12,33,36.

adalimumab (Humira)C’est un anticorps monoclonal humain. Cet agent biologique est utilisé dans le traitement de la maladie de Crohn modérée à sévère chez des patients n’ayant pas répondu aux aminosalicyla-tes, aux antibiotiques, aux corticostéroïdes ou aux immunosuppresseurs, ou chez ceux répon-dant moins bien ou intolérants à l’infliximab. Des anticorps contre l’adalimumab peuvent également se développer, mais l’incidence de cet effet secondaire est moindre qu’avec l’inflixi-mab. L’adalimumab est administré en sous-cutané, ainsi il n’induit pas de réactions liées à la perfusion ni de réactions d’hypersensibilité retardée, contrairement à l’infliximab. Par contre, il cause des douleurs au site d’injection.

Tableau IV Formes commerciales des immunosuppresseurs9,34

Produits Présentation et teneur Doses/jr utilisation imuranMD (azathioprine) comprimé 50 mg 2,5 mg/kg/jr - Maladie légère/modérée Dose initiale: 50 mg die et - induction et maintien rémission ↑ 25 mg/jr q 1-2 semaines ad 2,5 mg/kg/jr purinetholMD (6-mercaptopurine) comprimé 50 mg 1-1,5 mg/kg/jr - Maladie légère/modérée Dose initiale: 50 mg die et ↑ 25 mg/jr - induction et maintien rémission q 1-2 semaines ad 1-1,5 mg/kg/jr MéthotrexateMD (méthotrexate) solution injectable 25 mg s/c ou iM 1x/semaine (induction) - Maladie légère/modérée 15 mg s/c ou iM 1x/semaine (maintien) - induction et maintien rémission sandimmuneMD (cyclosporine) solution injectable 4 mg/kg/jr iv - Maladie sévère 50 mg/ml - induction rémission

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La dose est de 160 mg à la semaine 0, de 80 mg à la semaine 2, suivies de doses d’entretien de 40 mg toutes les deux semaines. CLASSIC I est une étude randomisée menée en double aveugle et évaluant l’efficacité de l’adalimumab à induire une rémission chez 299 patients atteints de la maladie de Crohn modérée à sévère, n’ayant jamais reçu d’anti-TNF-alpha41. Les patients étaient randomisés pour recevoir une injection à la semaine 0 et 2 d’un des traitements suivants : placebo, adalimumab 40 mg suivi de 20 mg; adalimumab 80 mg suivi de 40 mg; adalimumab 160 mg suivi de 80 mg. À la 4e semaine, le taux de rémission (score CDAI < 150) était mesuré parmi les groupes. Il a été démontré que l’adali-mumab était supérieur au placebo pour induire une rémission et que le régime posologique le plus efficace était adalimumab 160 mg à la semaine 0 suivi de 80 mg à la semaine 2, soit 36 % de rémission, comparativement à 12 % dans le groupe placebo (p = 0,001). L’étude CLASSIC II, quant à elle, évalue l’efficacité et l’innocuité de l’adalimumab en traitement de maintien dans la maladie de Crohn, chez des patients atteints de la maladie modérée à sévère42. Il s’agit d’une étude randomisée menée en dou-ble aveugle chez les patients ayant eu une rémis-sion à la 4e semaine de l’étude CLASSIC I. Ceux-ci recevaient une dose de 40 mg d’adalimumab à la semaine 0 (semaine 4 pour l’étude CLASSIC I) et à la semaine 2. Les patients en rémission à la semaine 4 de cette étude étaient randomisés soit avec le placebo, l’adalimumab 40 mg à chaque semaine, soit l’adalimumab 40 mg toutes les deux semaines jusqu’à la 55e semaine. Les patients n’ayant pas de rémis-sion étaient dans un autre bras ouvert de l’étude pour recevoir l’adalimumab 40 mg toutes les deux semaines. Les résultats ont montré que l’uti-lisation de l’adalimumab est efficace pour main-tenir la rémission chez les patients atteints de la maladie de Crohn modérée à sévère à 56 semai-nes (p < 0,05). Par contre, il y avait peu de parti-cipants (< 20) dans les groupes randomisés, ce qui enlève de la puissance à l’étude. Dans le bras ouvert de l’étude, une amélioration clinique de la rémission a été observée chez près de 46 % de ces patients à la 56e semaine. Notons que l’adalimu-mab y a été bien toléré. Aucun patient n’a déve-loppé d’infection grave ou de tuberculose, de lupus ou de lymphome. Le nombre de patients ayant produit des anticorps contre l’adalimumab était faible, soit seulement 2,6 %, sans impact sur leur état clinique. Malheureusement, les études évaluant l’efficacité de l’adalimumab dans le maintien de la rémission de la maladie de Crohn sont de courte durée, soit environ 12 mois.

certolizumab pégol (cimzia)Ce médicament est un fragment d’anticorps humanisé monoclonal ciblant le TNF-alpha, conjugué au polyéthylène glycol. Cet agent bio-

logique est efficace pour induire et maintenir une rémission de la maladie de Crohn. En effet, il a été approuvé en avril 2008 par la FDA pour le traitement de la maladie de Crohn modérée à sévère chez des patients n’ayant pas répondu aux aminosalicylates, aux antibiotiques, aux corti-costéroïdes ou aux immunosuppresseurs. Il a été approuvé par Santé Canada en septembre 2009 cependant, pour le traitement de la poly-arthrite rhumatoïde modérée ou sévère, en asso-ciation avec le méthotrexate. Le certolizumab pégol se donne en sous-cutané; ainsi, il n’induit pas de réactions liées à la perfusion, mais peut causer des douleurs au site d’injection.

La posologie recommandée est de 400 mg en injection sous-cutanée aux semaines 0, 2 et 4. En cas de réponse après la troisième dose, on peut renouveler la dose toutes les quatre semai-nes. Les études démontrant l’efficacité du cer-tolizumab pégol dans le maintien de la rémis-sion de la maladie de Crohn sont de courte durée, soit six mois. En effet, PRECISE I est une étude randomisée, menée en double aveugle et incluant 662 patients atteints de la maladie de Crohn modérée à sévère avec un niveau de pro-téine réactive C (CRP) ≥ 10 mg/L43. Son objec-tif primaire était d’évaluer l’efficacité du certo-lizumab pégol à induire une rémission, soit un score CDAI < 150 à la 6e semaine, et à maintenir la rémission à la 26e semaine. Les patients étaient randomisés pour recevoir le placebo ou le certolizumab pégol 400 mg à la semaine 0, 2, 4 et toutes les quatre semaines par la suite. Les groupes étaient stratifiés selon leur niveau de base CRP, soit ≥ 10 mg/L ou < 10 mg/L, selon l’utilisation de corticostéroïdes et/ou d’agents immunosuppresseurs. Les résultats ont montré que le certolizumab pégol permet d’améliorer les symptômes de la maladie de Crohn par rap-port au placebo aux semaines 6 et 26 (p = 0,02). Par contre, le taux de rémission n’était pas supé-rieur à celui du placebo (p = 0,17)43. L’étude PRECISE II, une autre étude randomisée, menée en double aveugle, visait à évaluer l’effi-cacité du certolizumab pégol à maintenir la rémission (score CDAI < 150) chez des patients atteints de la maladie de Crohn modérée à sévère44. À la suite d’une thérapie d’induction, telle que décrite dans l’étude PRECISE I, les patients ayant répondu à la semaine 6 étaient randomisés pour recevoir un placebo ou le cer-tolizumab pégol 400 mg toutes les quatre semaines pendant 24 semaines. Une stratifica-tion était réalisée selon le taux de CRP ou selon l’utilisation de corticostéroïdes et/ou d’immu-nosuppresseurs. De plus, le taux de rémission des patients dans le groupe certolizumab était de 48 %, comparativement à 29 % dans le groupe placebo à la 26e semaine (p < 0,001). Cette étude a permis de montrer que, chez les patients souffrant d’une maladie de Crohn modérée à sévère ayant répondu à la thérapie

d’induction par le certolizumab, le maintien de la réponse clinique et le taux de rémission à la 26e semaine étaient supérieurs dans le groupe certolizumab, comparativement au placebo. Il est à noter que les études PRECISE 3 et 4 éva-luent l’efficacité du certolizumab pégol à plus long terme.

natalizumab (tysabri)C’est un nouvel anticorps monoclonal huma-nisé de type IgG, avec un domaine murin greffé sur un anticorps humain. Le mécanisme d’ac-tion est différent des antagonistes du TNF-alpha. En effet, cet anticorps agit par antago-nisme des α4-intégrines, molécules d’adhésion exprimées sur les leucocytes, incluant lympho-cytes, monocytes, éosinophiles et basophiles. En bloquant ces intégrines, on diminue la migration des cellules inflammatoires au site d’inflammation12,33. Le natalizumab a été étu-dié dans la maladie de Crohn modérée à sévère. Administré à raison de 300 mg pour trois infu-sions toutes les quatre semaines, ce médica-ment s’est montré efficace à induire et à main-tenir une rémission12,45. En effet, une diminution des symptômes et du taux de CRP est observée après quatre semaines. Chez les patients ayant répondu à l’induction, l’administration répé-tée de natalizumab améliore cette réponse. En effet, l’étude ENCORE évaluait l’efficacité du natalizumab, selon la posologie indiquée pré-cédemment et en comparaison au placebo, à induire une réponse, soit une diminution de 70 points du score CDAI, aux semaines 8 et 12. Cette étude a montré que 51 % des patients répondent après quatre semaines, comparati-vement à 60 % après 12 semaines45. L’étude randomisée ENACT, quant à elle, évaluait l’ef-ficacité du natalizumab, dans la maladie de Crohn modérée à sévère, pour l’induction et le maintien de la rémission. L’efficacité à induire la rémission n’était pas différente du placebo (p = 0,12). Cependant, chez les patients ayant répondu à l’induction, on a observé une effica-cité maintenue jusqu’à 12 semaines avec le natalizumab et une cessation plus facile des corticostéroïdes46. Enfin dans les études, le médicament était bien toléré en général, avec un faible développement des anticorps antina-talizumab (9,5 % dans l’étude ENCORE). Des effets secondaires étaient rapportés dans l’étude ENACT : dépression, infections (urinaire, IVRS), cholélithiases, appendicite, fatigues, arthralgies, nausées, céphalées. Toutefois, leur incidence ne différait pas de celle du groupe placebo. D’autres réactions spécifiques au nata-lizumab, soit une hypersensibilité retardée, des nasopharyngites, un rash et des réactions liées à la perfusion, sont à surveiller12,45,46. Des rap-ports de cas de leucoencéphalopathie multifo-cale progressive ont également été émis et un décès, de cette cause, a été rapporté dans l’étude

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la maladie de crohn et les thérapies biologiques

ENACT46,47. Ainsi, cet effet a ralenti le recours à cet anticorps. Au Canada, le natalizumab est indiqué pour le traitement de la sclérose en pla-ques de forme rémittente. Son utilisation dans la maladie de Crohn n’est pas approuvée47.

autres anticorps utilisésL’ajout des antagonistes du TNF-alpha dans l’arsenal thérapeutique a permis une meilleure maîtrise de la maladie de Crohn. Cela dit, on note une baisse d’efficacité après quelques années et le changement d’un anticorps anti-TNF-alpha par un autre réduit la réponse thé-rapeutique48. Des anticorps avec d’autres mécanismes d’action sont présentement étu-diés12,33,46. Le vasilizumab induit l’apoptose sélective des lymphocytes T activés33. Le dacli-zumab (Zenapax) et le basiliximab (Simulect) ont une activité antagoniste du récepteur IL-2 (CD25) et montrent une activité clinique sem-blable à la cyclosporine33,48. Les récepteurs IL-2 étant aussi impliqués théoriquement dans la résistance aux corticostéroïdes, l’efficacité du daclizumab et du basiliximab pour ces patients reste à établir. Ces deux anticorps sont aussi indiqués pour les prophylaxies de rejet, lors de certaines greffes. Le tocilizumab lie les interleu-kines-6 solubles et liées, ce qui réduit l’activa-tion des lymphocytes T33. Le fontolizumab est un autre anticorps qui lie l’INF-gamma et les cytokines proinflammatoires, responsables de la surexpression des lymphocytes Th133. Ces options sont des perspectives pour l’avenir, présentement à l’étude (phase I, II ou III selon l’agent).

ChirurgieLa majorité des patients atteints de la maladie de Crohn aura recours à la chirurgie au moins une fois dans leur vie9, tout dépendant de la localisa-tion de la maladie. Ainsi, le risque est plus élevé lors d’atteintes de l’intestin grêle que d’atteintes colorectales. La chirurgie n’est pas curative. Elle peut être utilisée lorsque les traitements médica-menteux ne sont plus efficaces ou pour traiter les complications de la maladie de Crohn, telles que les fistules, les abcès ou les obstructions intestina-les9. La chirurgie laparascopique est une nouvelle technique utilisée chez certains patients. Elle consiste à reproduire de la chirurgie tradition-nelle grâce à de petites incisions. Elle permet donc de récupérer plus rapidement et de dimi-nuer la durée du séjour à l’hôpital. La section de l’intestin touchée est retirée et les extrémités sai-nes sont attachées ensemble à l’aide de la techni-que d’« anastomose ». Si cela s’avère impossible, une extrémité peut être rattachée à la peau (sto-mie). La conséquence des chirurgies multiples avec résection importante de l’intestin grêle affecté par la maladie sténosante est le syndrome de l’intestin court résultant en une malabsorp-tion des sels biliaires et en de la stéatorrhée. La stricturoplastie est une option de rechange; ainsi, au lieu de réséquer la sténose, on l’ouvre et on y fait une suture transversale, ce qui permet d’éli-miner la sténose sans enlever une partie de l’in-testin grêle. Néanmoins, lorsqu’on doit effectuer plusieurs stricturoplasties sur un court segment de l’intestin et que celui-ci est suffisamment long pour éviter un syndrome de l’intestin court, la résection est préférable12,25.

Conclusion La maladie de Crohn est en évolution dans plu-sieurs pays industrialisés. Cette évolution suscite plusieurs questions, principalement sur l’étiolo-gie de cette maladie et les facteurs qui l’influen-cent, afin d’améliorer l’approche du traitement. Ainsi, au terme de plusieurs études, on arrive à la même conclusion : la maladie de Crohn est idiopathique et influencée par des facteurs prin-cipalement immunologiques, génétiques et environnementaux. Le traitement actuel dépend du stade de la maladie, mais une approche médi-camenteuse, excluant les traitements biologi-ques, est préconisée au début. La thérapie biolo-gique est une deuxième étape qui représente une grande découverte dans la prise en charge de cette maladie, car l’efficacité est démontrée clini-quement, avec une hausse de la rémission et une baisse des hospitalisations et des complications avec fermeture des fistules. Ainsi, on peut dire que les anticorps antagonistes du TNF-alpha (infliximab, adalimumab et certolizumab) aug-mentent la rémission et diminuent les chirurgies multiples. Cependant, ces traitements ne sont pas sans effets indésirables. Il faut donc évaluer pour chaque patient le risque/bénéfice de com-mencer ce traitement. D’autres thérapies biolo-giques sont disponibles et représentent une autre option en cas d’échec aux antagonistes du TNF-alpha. Toutefois, des études restent néces-saires afin d’évaluer leur place dans l’approche thérapeutique. La chirurgie est le dernier recours à la suite de l’échec de la thérapie médicamen-teuse et biologique.

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QuesTioNs De FoRMaTioN CoNTiNue

Veuillez reporter vos réponses dans le formulaire de la page 70

6) Lequel des énoncés suivants est faux ?

a. contrairement à la colite ulcéreuse qui atteint seulement le côlon, la maladie de crohn est une maladie inflammatoire intestinale idiopathi-que qui produit une inflammation pouvant se manifester tout au long du tractus gastro-intestinal.

b. la contribution immunologique de la maladie de crohn s’explique par une réaction humorale qui entretient l’inflammation initiale par le recrute-ment d’autres lymphocytes B et t.

c. un des gènes les plus étudiés dans la maladie de crohn est le noD2 sur le chromosome 16, dont la mutation aug-mente le risque relatif jusqu’à 40 fois.

D. il a été établi que le tabac augmente le risque d’être atteint par la maladie de crohn et le risque de rechute après une résection d’un segment intestinal atteint.

e. parmi les recherches nécessaires pour établir le diagnostic, la biopsie endoscopique permet de faire le diagnostic différentiel entre colite ulcéreuse, maladie de crohn, dysplasie et cancer gastro-intestinal.

7) Parmi les traitements ci-dessous, lequel n’est pas indiqué pour induire une rémission lors de la maladie de crohn, quelle qu’en soit la gravité ?

a. sulfasalazineb. prednisonec. BudésonideD. azathioprinee. Métronidazole

8) concernant les antagonistes du TNF-alpha, lequel des énoncés suivants est faux ?

a. l’infliximab est un anticorps monoclo-nal chimérique avec une fraction murine. le potentiel de formation d’anticorps anti-infliximab et de réaction d’hypersensibilité retardée est le plus élevé parmi les agents de cette classe.

b. l’adalimumab est un anticorps monoclonal humanisé. le potentiel de formation des anticorps anti-adali-mumab et de réaction d’hypersensi-bilité retardée est le plus élevé parmi les agents de cette classe.

c. l’infliximab peut causer des réactions immédiates liées à la perfusion en raison de son administration intravei-neuse, contrairement à l’adalimumab et au certolizumab administrés en injection sous-cutanée.

D. une augmentation des complications infectieuses est rapportée avec tous les antagonistes tnf alpha. il faut donc traiter toute infection avant d’instaurer ces agents.

e. un suivi étroit de la fonction cardia-que est recommandé en présence

d’une insuffisance cardiaque légère ou modérée avec tous les agents de cette classe.

9) Parmi les anticorps suivants, lequel a démontré une efficacité pour la fermeture des fistules abdominales ou périanales ?

a. infliximabb. adalimumabc. certolizumabD. natalizumabe. Daclizumab

10) Quel énoncé est faux ?a. l’administration d’acétaminophène et

de diphenhydramine et d’hydrocorti-sone avant l’administration d’inflixi-mab permet de réduire les effets liés à la perfusion.

b. Des rapports de cas de leucoencé-phalopathie multifocale progressive ont été émis lors de l’administration du natalizumab.

c. au canada, le natalizumab est indiqué pour le traitement de la sclérose en plaques de forme rémittente.

D. les patients atteints de la maladie de crohn auront rarement recours à la chirurgie.

e. la conséquence des chirurgies multiples est le syndrome de l’intestin court résultant en une diminution de l’absorption des sels biliaires et en de la stéatorrhée.

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juillet–août 2010 vol. 57 n° 4 Québec Pharmacie 37www.professionsante.ca

Les oméga-3L’intérêt pour les oméga-3 date de plusieurs décennies dans nos sociétés occidentalisées, alors que l’on remarque que les Inuits du Groenland souffrent très peu de maladies cardiovasculaires malgré un régime alimentaire riche en gras1. Aujourd’hui, les rayons de nos pharmacies débordent de suppléments d’oméga-3, alors qu’on vante leurs bénéfices pour régler une multitude de problèmes de santé. En tant que pharmaciens, nous sommes fréquemment interrogés à ce sujet. À qui devrait-on recommander les oméga-3 ? Quel produit conseiller ? À quelle dose ?

Les oméga-3 et 6 sont des acides gras polyin-saturés. Ils sont dits « essentiels », car ils ne peuvent pas être synthétisés par l’organisme humain et doivent donc être intégrés à l’ali-mentation1,2. L’acide alpha-linoléique (AAL) est le précurseur de la série des oméga-3, tan-dis que l’acide linoléique (AL) est le précur-seur de la série des oméga-61,2. Le régime nord-américain est très riche en oméga-6, que l’on retrouve notamment dans les huiles végétales (maïs, tournesol, soya, car-thame…), la viande et les produits animaux, comme les œufs et les produits laitiers3. Considérant que cet apport est nettement suffisant en oméga-6, les préparations d’oméga-6 ou 3, 6, 9 ne sont donc pas à recommander à nos patients. Il faut toutefois se défaire de l’idée selon laquelle les oméga-6 sont nocifs. En effet, à la suite d’une analyse des données scientifiques disponibles, l’Ame-rican Heart Association (AHA) a publié, en février 2009, un avis selon lequel les oméga-6 ne seraient pas nocifs et pourraient même avoir une certaine protection cardiovascu-laire4. Le problème se situerait plutôt dans le déséquilibre du rapport oméga-6/oméga-33. Alors qu’il devrait idéalement se situer à 1/1, il est aujourd’hui de 30/1.

Le fait que les deux types d’oméga rivalisent en matière d’enzymes, de vitamines et de minéraux nuit à l’utilisation optimale des oméga-3 par l’organisme. Il faut donc modi-fier son alimentation afin de diminuer l’ap-port en oméga-6 et augmenter la consomma-tion d’oméga-3. L’AAL est d’origine végétale (tofu, soya, noix, canola, lin…), tandis que l’acide eicosapentanoïque (AEP) et l’acide docosahexanoïque (ADH) sont des oméga-3 d’origine marine présents majoritairement dans les poissons gras1,2. Vous retrouverez une liste des apports fournis par les divers pois-sons au tableau I. L’organisme humain peut convertir l’AAL en AEP et en ADH, mais seu-lement dans une très faible proportion (entre 1 et 10 %)1,2.

L’Organisation mondiale de la santé (OSM) a émis des recommandations pour une consommation d’AAL de 0,8 à 1,1 g par jour et d’AEP et d’ADH de 0,3 à 0,5 g par jour, tan-dis que l’apport d’AAL recommandé au Canada et aux États-Unis est de 1,1 g par jour pour les femmes et de 1,6 g par jour pour les

hommes. Aucune recommandation ne concerne l’AEP et l’ADH6. Par contre, ces recommandations sont contestées par diffé-rents groupes, comme la Société internatio-nale pour l’étude des acides gras et lipides (ISSFAL) qui voudrait les voir revues à la hausse.

Maladies cardiovasculaires C’est dans le domaine des maladies cardiovas-culaires que les données sur les bénéfices des oméga-3 sont les plus fortes. Des études menées depuis plus de 30 ans ont démontré les bénéfices suivants1,7,8 : n diminution des triglycéridesn prévention des arythmiesn réduction de l’inflammation et de l’agréga-

tion plaquettairen stabilisation de la plaque athéromateusen modeste diminution de la tension artérielle

Conséquemment, on note une diminution des risques d’infarctus, d’accidents cardio-vasculaires (AVC) et de mortalité. Cela s’ex-pliquerait notamment par l’intégration des acides gras dans la membrane des phospho-lipides7,8.

En 2003, l’AHA a émis des recommanda-tions sur la consommation d’oméga-39. En résumé, à la population générale sans maladie cardiovasculaire documentée, nous devrions recommander une saine alimentation incluant au moins deux repas de poisson (préférable-

Texte rédigé par Sophie Paquet, pharmacienne, Pharmacie Caroline Lacroix.

Texte soumis le 4 janvier 2010.

Texte final remis le 22 avril 2010.

Révision : Nancy Desmarais, B. Pharm., Pharmacie Jean-François Martel, et Julie Martineau, B. Pharm., Pharmacie J. Martineau, J. Riberdy et associés.

À votrE sErvIcE SanS ordonnance

tableau I Teneur en aeP et adH de certains poissons5

Teneur en aeP (g/100 g) Teneur en adH (g/100 g) aiglefin 0,059 0,126 Maquereau de l’atlantique 0,898 1,401 Morue de l’atlantique 0,064 0,120 sardines en conserve 0,473 0,509 saumon de l’atlantique 0,862 1,104 thon frais 0,283 0,890 thon en conserve 0,233 0,629 tilapia 0,085 0,345 truite arc-en-ciel 0,260 0,668

Il est à noter que ce sont des exemples servant à des fins comparatives. Les quantités d’AEP et ADH varient selon plusieurs facteurs,

dont l’espèce, la saison, le régime alimentaire et l’âge du poisson, ainsi que la méthode d’entreposage et le mode de préparation.

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ment gras) par semaine et des huiles et ali-ments riches en AAL, mais pas de supplément. Les patients avec une maladie cardiovasculaire documentée devraient consommer 1 g d’AEP+ADH par jour, provenant préférable-ment de poisson gras. Les suppléments en capsules peuvent être pris en considération après consultation avec le médecin. Enfin, les patients avec triglycérides élevés devraient recevoir 2 à 4 g d’AEP+ADH par jour en cap-sules, sous supervision médicale.

L’effet le plus marqué des oméga-3 porte sur la diminution du taux de triglycérides. En effet, des études ont montré une diminution pouvant aller jusqu’à 50 %8. Selon les recom-mandations canadiennes, le taux de triglycéri-des sanguins doit être inférieur à 1,5 mmol/L10. La première étape pour atteindre ce taux est l’optimisation des habitudes de vie. Par contre, chez les patients ayant des triglycérides très

élevés (supérieurs à 10 mmol/L), un traite-ment est nécessaire. Comme médication, il est recommandé de consommer les fibrates, la niacine ou les huiles de saumon10. La majorité des patients que l’on rencontre présente une dyslipidémie mixte et, par conséquent, pren-nent une statine pour abaisser les LDL. Mal-heureusement, les statines ont peu d’effet sur les triglycérides et une deuxième médication doit alors être ajoutée. L’association des stati-nes avec les oméga-3 a été largement étudiée et son efficacité est bien démontrée8. Des étu-des ont montré que cette association dimi-nuait les triglycérides de façon plus impor-tante que la statine ou les oméga-3 utilisés seuls. L’ajout des oméga-3 pourrait augmen-ter très légèrement le niveau de LDL, mais cela resterait non significatif8. On suggère même que les LDL ainsi produites seraient moins athérogéniques.

Fait intéressant, une formulation d’oméga-3, sous ordonnance seulement, est commerciali-sée aux États-Unis par la compagnie Glaxo-SmithKline sous le nom de LovazaMD. Chaque capsule de 1 g contient 465 mg d’AEP et 375 mg d’ADH. Elle est indiquée dans le trai-tement de l’hypertriglycéridémie sévère (> 500 mg/dl) à une dose de 4 g par jour (les États-Unis utilisent les mg/dl pour les trigly-cérides, tandis que le Canada utilise les mmol/L : 500 mg/dL = 5,6 mmol/L)11.

PsychiatrieCertains psychiatres prescrivent des supplé-ments d’oméga-3 à leurs patients. Le cerveau étant un organe riche en phospholipides, il est logique que la recherche se tourne vers les oméga-3. Des recherches épidémiologiques ont montré de faibles taux d’ADH chez les patients souffrant de maladies mentales12.

À votrE sErvIcE SanS ordonnance

« Les bénéfices les mieux démontrés en psychiatrie à l’heure actuelle concernent le traitement de la dépression, où l’on peut constater

une amélioration des symptômes en trois à quatre semaines à la suite de l’ajout d’oméga-3. »

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les oméga-3

Malgré l’arsenal thérapeutique impression-nant mis à notre disposition, plusieurs patients restent réfractaires aux différents traitements essayés. Les oméga-3 sont utili-sés comme adjuvants à la thérapie conven-tionnelle et ne remplacent en rien cette dernière.

Les bénéfices les mieux démontrés en psy-chiatrie à l’heure actuelle concernent le traite-ment de la dépression, où l’on peut constater une amélioration des symptômes en trois à quatre semaines à la suite de l’ajout d’oméga-312. Les patients bipolaires peuvent aussi en béné-ficier pour leur période dépressive. Par contre, les oméga-3 n’ont pas d’effet positif ou négatif sur les épisodes de manie12. En ce qui concerne l’anxiété, on ne dispose que de peu de recher-ches pour le moment et les preuves restent à faire12. Enfin, beaucoup d’études ont été menées chez les schizophrènes, mais elles ont donné peu ou pas de résultats12.

À l’heure actuelle, des études semblent indi-quer une meilleure réponse à l’AEP. Elles recommanderaient de favoriser une prépara-tion très concentrée en AEP et contenant très peu d’ADH (rechercher un rapport entre 7:1 et 20:1)6. Par contre, il faut continuer à recom-mander une association, car certaines études utilisant l’AEP seul ou en forte proportion ont montré des résultats mitigés12.

Une autre indication fort populaire sur laquelle nous sommes très souvent interrogés

est le trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH), spécifiquement chez les enfants, les parents voulant le plus possible éviter le recours aux médicaments dits « chimiques ». Les études publiées jusqu’à présent n’ont pas montré des résultats très convaincants. Ces résultats se sont avérés somme toute assez modestes12. Ainsi, une étude fort attendue du Centre hospitalier Sainte-Justine a récemment été publiée à ce sujet. Les résultats ont été significatifs mais assez faibles13. Au moment de rédiger cet arti-

cle, le produit ADD de la compagnie Nutri-santé, qui avait été très publicisé lors de sa mise en marché pour son efficacité chez les enfants souffrant de TDAH, a été retiré des tablettes, n’ayant pas été approuvé pour cette indication thérapeutique.

arthrite rhumatoïdeLes oméga-3 présentent aussi un intérêt pour leurs propriétés anti-inflammatoires. C’est dans le cas de l’arthrite rhumatoïde que les données probantes sont les plus concluantes.

tableau II Teneur en aeP et en adH de certaines préparations d’oméga-3 ayant obtenu un nPn (non exaustif)

aeP (mg) adH (mg) commentaire adrien Gagnon 300 200 adrien Gagnon propose une dizaine santé du cœur 1000 mg de formulations. Bien lire les étiquettes ! Holista 180 120 oméga-3 jamieson 400 200 jamieson propose une dizaine complet de formulations. Bien lire les étiquettes! isodis natura 350 50 peu d’aDH oM3 Équilibre wampoule 400 200 oméga-3 complet clearwater 400 200 Disponible seulement sur commande auprès de la compagnie

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40 Québec Pharmacie vol. 57 n° 4 juillet–août 2010

Les études ont montré que les oméga-3 entraînent une diminution de l’intensité de la douleur, des raideurs musculaires, du nombre d’articulations atteintes et des doses de médicaments utilisés14. Ce dernier point est intéressant puisqu’en réduisant les doses des médicaments traditionnellement utilisés pour le traitement de l’arthrite rhumatoïde, on diminue les effets secondaires et la toxi-cité associés à cette médication, notamment ceux des anti-inflammatoires non stéroï-diens (AINS) connus pour augmenter le ris-que cardiovasculaire et les effets non négli-geables sur le système gastro-intestinal. Par contre, il est important de savoir que les doses utilisées sont élevées, soit environ 3 à 4 g par jour, et qu’un essai de deux à trois mois est nécessaire pour évaluer l’efficacité de la thérapie14.

effets indésirables et contre-indicationsGénéralement, les oméga-3 sont très bien tolérés. Les effets indésirables sont principale-ment gastro-intestinaux : éructations, mau-vaise haleine, dyspepsie, brûlures d’estomac, nausées et selles plus molles. Pour diminuer le risque d’effets indésirables, nous pouvons conseiller aux patients de commencer par de faibles doses et d’augmenter graduellement, de les prendre en mangeant ou au coucher, de garder les capsules au congélateur ou d’utiliser les capsules entériques7,8,11.

Une des inquiétudes des patients et des professionnels de la santé concerne les conta-minants potentiels des poissons et des prépa-rations d’oméga-3 (mercure, dioxines,

biphényles polychlorés [BPC]). Les contami-nants s’accumulent surtout chez les gros poissons prédateurs, à la fin de la chaîne ali-mentaire. Plusieurs des poissons recomman-dés se retrouvent au début de cette chaîne et sont peu contaminés. De plus, les contami-nants s’accumulent surtout dans la chair plu-tôt que dans l’huile. Le choix des poissons et les procédés d’extraction et de purification nous permettent d’éviter les contaminants. Plusieurs analyses ont été faites sur différents suppléments d’huile de poisson sans que l’on puisse y détecter des contaminants1,7. Santé Canada a émis des recommandations parti-culières concernant la consommation de poissons et de fruits de mer chez les femmes enceintes ou qui allaitent. Pour avoir plus d’information sur l’utilisation d’oméga-3 en périnatologie, le lecteur est invité à se référer à l’article paru dans le numéro de juillet 2007 de Québec Pharmacie15.

Une autre question qui pourrait être soule-vée est le risque de prise de poids associé au produit, étant donné qu’il s’agit d’acides gras. Par exemple, une capsule de 1 g du produit américain Lovaza contient environ 11 calo-ries. On recommande 4 g par jour, soit 44 calories supplémentaires par jour. Est-ce significatif ? Selon les résultats des différentes études, il n’y aurait pas de prise de poids associée à la prise de suppléments d’huiles de poisson. En fait, le poids demeure stable avec la prise de ces produits, ce qui peut rassurer nos patients16. D’autres soutiennent que l’ajout d’oméga-3 pourrait favoriser la perte de poids, mais ce sujet demeure controversé et reste à démontrer.

Il y a quelques années, on a cru que les huiles de poisson pouvaient augmenter la glycémie. Aujourd’hui, les données ont été revues et ce mythe a été défait. Les oméga-3 font partie des recommandations faites aux patients diabéti-ques qui sont à haut risque de maladies cardiovasculaires17.

Enfin, peut-on servir les préparations d’oméga-3 aux patients allergiques aux pois-sons et fruits de mer ? Les huiles de poisson ne contiendraient pas les protéines responsa-bles de l’allergie et pourraient donc être uti-lisées sans danger. Par contre, un patient reconnu allergique au poisson devrait être référé à son allergologue avant d’entamer un traitement18. Ce type de patient peut aussi être informé des sources d’oméga-3 d’ori-gine végétale.

InteractionsEn théorie, les oméga-3 pourraient augmen-ter le temps de saignement, d’où la crainte de saignement ou d’hémorragie8. En pratique, ce risque est minime. Reste la possibilité d’interaction avec les anticoagulants oraux, mais cette association n’est pas contre-indi-quée. Par contre, un suivi de l’INR est recom-mandé à l’instauration et à l’arrêt du traitement.

Quant à la thérapie antihypertensive, étant donné la très faible diminution de la tension artérielle observée, il n’y a pas de risque à uti-liser les oméga-3 en association8.

comment sélectionner un produit ?De très nombreux produits avec oméga-3 sont offerts sur les tablettes des pharmacies (le tableau II en présente quelques-uns). Certains critères peuvent nous guider dans la sélection d’une préparation :n Le produit doit comporter un numéro de

produit de santé naturel (NPN) (la régle-mentation étant en vigueur depuis mars 2010, il faut se référer à la base de données de Santé Canada);

n Bien lire les étiquettes ! Recommander la dose au patient en fonction de la teneur en AEP+ADH plutôt qu’en fonction de la dose totale d’huile de poisson;

n Préférer des formulations contenant de l’AEP et de l’ADH, car, bien que plusieurs hypothèses aient été avancées, il n’a pas

À votrE sErvIcE SanS ordonnance

tableau III dose recommandée selon l’indication8,11,12,13

Posologie commentaire (dose quotidienne) prévention secondaire 1 g d’aep+aDH favoriser l’apport provenant des maladies cardiovasculaires de poissons gras Hypertriglycéridémie 2-4 g d’aep+aDH sous supervision médicale Dépression 1-2 g d’aep+aDH tDaH 700-1400 mg d’aep+aDH arthrite rhumatoïde 3-4 g d’aep+aDH peut prendre jusqu’à 3 mois avant de pouvoir évaluer l’efficacité

« C’est dans le domaine des maladies cardiovasculaires que les données sur les bénéfices des oméga-3 sont les plus fortes.

La prise d’oméga-3 entraînerait une diminution des risques d’infarctus, d’accident cardiovasculaire et de mortalité. »

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QueSTIonS de forMaTIon conTInue

Veuillez reporter vos réponses dans le formulaire de la page 70

11) Quel énoncé est vrai ?a. les patients prenant du coumadin

ne devraient jamais prendre de suppléments d’oméga-3, car cela augmente l’inr.

b. les patients allergiques au poisson pourraient prendre des suppléments d’oméga-3 après consultation avec leur spécialiste.

c. les préparations d’aep+aDH ne peuvent pas être combinées aux statines.

D. les suppléments d’oméga-3 sont associés à une prise de poids significative.

12) Quel énoncé est faux ?a. on peut recommander la prise

d’oméga-3 (aep+aDH) en plus de la médication régulière chez une patiente bipolaire pour l’amélioration des symptômes dépressifs, sans impact, toutefois, sur les manies.

b. un patient ayant des antécédents d’infarctus devrait consommer 1 g d’aep+aDH par jour, extrait préféra-blement de poissons gras.

c. À un patient ayant des triglycérides élevés (>10 mmol/l) auquel le médecin a recommandé la prise de suppléments d’oméga-3, le pharma-cien devrait recommander 2-4 g d’aep+aDH par jour.

D. un patient qui souffre d’arthrite rhumatoïde, qui prend 2 g d’aep+aDH par jour depuis un mois et qui ne note aucune amélioration devrait arrêter ce traitement, car il n’est pas efficace pour lui.

encore été démontré que l’un ou l’autre des oméga-3 soit supérieur en fonction de l’in-dication (malgré ce que peuvent dire les représentants);

n Recommander la dose en fonction de l’in-dication (tableau III).

Enfin, que doit-on penser de l’huile de foie de morue ? Effectivement, elle contient de for-tes doses d’AEP et d’ADH. Par contre, il faut être prudent quant à la teneur en vitamines A et D qui sont liposolubles, peuvent s’accumu-ler et être toxiques. De plus, ce type de prépa-ration contiendrait beaucoup plus de conta-minants6. Elle est donc à utiliser avec grande

prudence. Compte tenu de tous les produits disponibles, d’autres solutions de rechange sont à envisager.

conclusionLes indications les plus incontestables des suppléments d’oméga-3 portent sur la pré-vention des maladies cardiovasculaires. Il faudrait toujours privilégier chez les patients l’adoption de bonnes habitudes de vie, incluant une alimentation équilibrée et de l’exercice physique. À ce titre, la consomma-tion de « vrai » poisson doit être encouragée. Par contre, considérant l’excellent profil de tolérance et d’innocuité des oméga-3, le

pharmacien peut se sentir très à l’aise de les recommander à plusieurs de ses patients. Les prochaines années nous donneront proba-blement les réponses à plusieurs questions entourant les oméga-3. Des études sont actuellement menées dans une multitude de domaines, mais il reste à démêler les indica-tions pour lesquelles les bénéfices sont clairs et les doses, efficaces. En plus des indications mentionnées précédemment, la recherche se tourne notamment vers le cancer, la fibrose kystique, l’eczéma, le psoriasis, la colite ulcé-reuse, la maladie de Crohn, la dysménorrhée, l’asthme, la néphropathie à IgA, la maladie d’Alzheimer et les démences. n

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42 Québec Pharmacie vol. 57 n° 4 juillet–Août 2010

revue systématique de l’impact du pharmacien à l’urgenceÉtant donné le temps d’attente toujours aussi long dans les hôpitaux,trouver le moyen de désengorger les urgences et d’améliorer leurs services constitue un sujet d’intérêt pour certains chercheurs. Quelle est la place du pharmacien dans ce contexte, ainsi que son impact sur la qualité et les coûts des services?

ObjectifPrésenter les forces et les faiblesses des études portant sur l’impact clinique, humain et éco-nomique du pharmacien dans les services d’urgence hospitaliers.

Plan de l’étudeRevue systématique de la documentation.

Lieu Les études ont été recueillies et analysées de façon indépendante et successive par deux pharmaciens. Un troisième pharmacien a pro-cédé à la révision des articles inclus. L’équipe de recherche est basée dans l’État de New York.

ParticipantsLa revue documentaire porte sur les études sélectionnées à partir des bases de données sui-vantes : Medline, Cochrane Library, Interna-tional Pharmaceutical Abstract, CINAHL Plus. Les mots-clés retenus étaient : emergency department ET clinical pharmacist OU clinical pharmacy services. Des seize études sélection-nées réalisées au sein de 12 établissements, quinze proviennent d’États américains (Mis-souri, Michigan, Illinois, Texas, New York, Kentucky, Washington, Caroline du Nord) et une du Canada (Ontario). Ont été incluses dans la revue les études comportant une acti-vité clinique et une présence régulière du phar-macien à l’urgence. Ont été exclues les études portant sur une activité sporadique du phar-macien sous forme de consultant.

InterventionsL’équipe de recherche a décrit l’activité phar-maceutique du pharmacien à l’urgence en fai-sant l’inventaire des activités spécifiques réali-sées par le pharmacien.

Paramètres évaluésPour chaque étude incluse dans l’analyse ont été répertoriés le pays, l’État, le nom de l’éta-blissement, la mission académique de celui-ci, le nombre de visites à l’urgence, le nombre de civières à l’urgence, l’année de mise en place de l’activité pharmaceutique, les activités pharmaceutiques, le type d’étude (rétrospec-tive c. prospective), le taux d’acceptation des

interventions pharmaceutiques, l’impact éco-nomique de l’activité pharmaceutique.

RésultatsLa recherche documentaire à partir des mots-clés a permis d’identifier 533 articles initiale-ment. Seize ont été retenus selon les critères d’inclusion représentant un total de 12 établis-sements, dont 11 à vocation universitaire. Les études portent sur des services d’urgence com-portant en moyenne 65 898 ± 30 431 visites par année. Quatre établissements ont publié à deux reprises l’état de leur activité pharmaceutique à l’urgence. L’activité pharmaceutique se déroule sur un quart de travail, mais certains offrent une couverture pharmaceutique durant 24 heures. Trois des 12 établissements ont une pharmacie satellite à l’urgence.

Six études, dont cinq rétrospectives (durée moyenne de 10,8 ± 12,8 mois d’observation), présentent une description détaillée d’un nombre moyen de 1500 ± 1476 interventions pharmaceutiques (total de 9005 interven-tions) et un taux moyen d’acceptation de 93 % ± 5 %.

Les auteurs de la revue systématique ont fait l’inventaire de plus de 50 activités pharmaceu-tiques. Par ordre décroissant de proportions dans au moins 40 % des articles, on a réperto-rié les activités suivantes :n consultations sur demande (73 %);n formation du personnel soignant (67 %);n réponses aux demandes d’information

(67 %);n conseils aux patients (53 %);n participation à la prise en charge des cas

d’intoxications (53 %);n ajustement des médicaments selon les

paramètres pharmacocinétiques (53 %);n participation à la distribution de médica-

ments (53 %);n encadrement d’étudiants et de résidents

(47-53 %);n histoires médicamenteuses (47 %);n documentation des interventions (47 %);n participation à la tournée médicale et à

l’équipe de réanimation cardio-respira-toire en cas d’urgence (40 %);

n participation aux protocoles de recherche (40 %);

Texte rédigé par Jean-François Bussières, B. Pharm., M.Sc., M.B.A., F.C.S.H.P.,

chef du département de pharmacie et de l’unité de recherche en pratique

pharmaceutique, CHU Sainte-Justine.

Texte original soumis le 24 septembre 2009.

Texte final remis le 6 décembre 2009.

Révision : Nicolas Paquette-Lamontagne, B. Pharm., M.Sc., M.B.A., P.M.P.

D’une page à L’autRe

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www.professionsAnte.cA juillet–Août 2010 vol. 57 n° 4 Québec Pharmacie 43

revue systématique de l’impact du pharmacien à l’urgence

n monitoring pharmacothérapeutique (40 %).

Dans la documentation, on recense la pré-sence du pharmacien à l’urgence dès 1974. Les auteurs soulignent certains résultats spécifi-ques, notamment la réduction de 80 % des erreurs médicamenteuses à l’urgence post-arri-vée du pharmacien (Mialon et coll.), ou encore la réduction de 66 % du risque relatif d’erreurs médicamenteuses en présence du pharmacien (Brown et coll.), le fait que 78 % des histoires médicamenteuses sont incomplètes en l’ab-sence du pharmacien et que sa présence permet de les compléter adéquatement dans 100 % des cas, en plus de documenter jusqu’à 7 % de nou-velles allergies médicamenteuses (Carter et coll.) et l’appui important du personnel soi-gnant non pharmaceutique à la présence du pharmacien (Zed et coll.).

ConclusionLa présence du pharmacien dans les services d’urgence est documentée depuis plusieurs décennies. Les études publiées décrivent une variété d’activités pharmaceutiques, un impact favorable notamment sur la réduction des erreurs et les coûts et un appui du personnel soignant.

DiscussionDans le Rapport canadien sur la pharmacie hospitalière 2007-2008, 61 % des répondants offrent des soins pharmaceutiques dans le ser-vice d’urgence de leur établissement. Ces don-nées corroborent les résultats de la revue sys-tématique discutée où l’on retrouve davantage de pharmaciens dans les établissements à vocation universitaire.

En 2006, le ministère de la Santé et des Ser-vices sociaux a publié une nouvelle version du Guide de gestion des urgences. Ce guide recon-naît l’importance de la disponibilité d’un pharmacien à l’urgence et propose 15 respon-sabilités spécifiques :a) assurer la prestation de soins pharmaceu-

tiques auprès des personnes qui consultent à l’urgence;

b) établir un lien efficace entre l’urgence et les ressources externes au regard de la médication;

c) coordonner le suivi pharmacologique des patients;

d) fournir de l’information pharmacothéra-peutique aux intervenants, ainsi qu’aux patients et à leurs proches;

e) participer activement à l’enseignement et aux activités de formation à l’urgence;

f) effectuer la gestion des pharmacies d’ap-point à l’urgence, et plus particulièrement dans l’aire de choc;

g) superviser et maintenir à jour la liste des protocoles pharmacologiques;

h) répondre aux demandes de consultation;i) rencontrer les patients qui séjournent plus

longtemps à l’urgence (pour un AVC, une MPOC, une insuffisance cardiaque, etc.) et ceux qui sont inscrits dans des program-mes de suivi systématique;

j) faire des recommandations au personnel médical concernant les risques relatifs à la médication du patient;

k) suggérer des modifications au profil phar-macologique d’un patient, lorsque cela est indiqué;

l) s’assurer d’obtenir la liste des médicaments des patients;

m) vérifier les interactions médicamenteuses et les effets secondaires des médicaments prescrits ou administrés;

n) tenir à jour les échelles de compatibilité;o) travailler en étroite collaboration avec

l’équipe interdisciplinaire.

Ces 15 responsabilités recoupent la plupart des 50 activités pharmaceutiques inventoriées dans le cadre de la revue systématique.

Sur le plan médical, il est intéressant de rappeler que la spécialité en médecine d’ur-gence a été reconnue par le Conseil des ministres et le Collège des médecins du Qué-bec en 1998, après plus d’une décennie de démarches. En pharmacie, l’Ordre des phar-maciens du Québec a amorcé ses démarches afin de reconnaître la formation de maîtrise

professionnelle de deuxième cycle comme spécialité dès le milieu des années 1990.

À sa séance du 30 novembre 2007, le Bureau a formellement et à l’unanimité :n reconnu l’existence au Québec de program-

mes de formation permettant l’acquisition de connaissances théoriques et pratiques de nature spécialisée en pharmacie;

n reconnu l’existence de pratiques spécialisées fondées sur ces programmes de formation théorique et pratique;

n résolu d’actualiser cette reconnaissance par l’adoption de règlements l’autorisant à émet-tre des certificats de spécialistes; et

n résolu que cette réglementation reconnaisse initialement la pharmacothérapie avancée.

Un mémoire a été déposé à l’Office des profes-sions en décembre 2007.

Cette revue systématique rappelle à nouveau que la pratique pharmaceutique s’est spéciali-sée et que les pharmaciens qui exercent à l’ur-gence le font dans un cadre de soins complexes (p. ex., traitement des intoxications, participa-tion active à la réanimation cardiorespiratoire, soins critiques urgents de toutes sortes, forma-tion de résidents, activités de recherche, etc.). Alors que le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada a reconnu des spéciali-tés médicales dès 1928, la pharmacie a besoin de cette reconnaissance pour assurer une uti-lisation optimale de ses ressources en soins spécialisés. n

référence1. cohen V, Jellinek SP, hatch a, motov S. effect of cli-

nical pharmacists on care in the emergency depart-ment: a systematic review. Am J Health Syst Pharm 2009;66:1353-61.

lectures suggérées1. hall K, bussières JF, Lefebvre P, harding J, babich

m, roberts N. et coll. rapport canadien sur la phar-macie hospitalière 2007-2008. [cité le 20090131; site visité le 20090920]; www.lillyhospitalsurvey.ca

2. ministère de la Santé et des Services sociaux. Guide de gestion des urgences. section B.5.5.1 – pharmacien. [cité le 20060930; site visité le 20090908.] publications.msss.gouv.qc.ca/acrobat/f/documentation/2006/06-905-01.pdf

QuestIOn De FORmatIOn COntInue

Veuillez reporter votre réponse dans le formulaire de la page 70

13) Parmi les énoncés suivants inspirés de cette revue systématique sur le pharmacien à l’urgence, lequel est vrai ?

a. on recense une vingtaine d’activités pharmaceutiques distinctes.

b. le taux d’acceptation des interventions pharmaceutiques lorsqu’il est documenté est d’environ 85 %.

c. le Guide québécois de gestion des urgences recense 15 responsabilités pour le pharmacien.

D. on recense la présence de pharmaciens dans les urgences depuis une dizaine d’années.

e. 58 % des histoires médicamenteuses sont incomplètes en l’absence du pharmacien.

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44 Québec Pharmacie vol. 57 n° 4 juillet–Août 2010

risque de contamination dans la préparation de médicaments par voie parentérale

ObjectifÉtablir la prévalence de la contamination microbiologique de doses parentérales, indi-viduelles ou en lots, préparées de façon asep-tique à la pharmacie, dans les unités de soins et au bloc opératoire.

Plan de l’étudeRevue systématique couplée à une méta-analyse.

ParticipantsUne recension des articles pertinents a été menée par deux chercheurs indépendants à partir de PUBMED, de 1950 à juin 2007. La stratégie de recherche utilisée incluait les ter-mes syringe, bag, infusion, microbial, micro-biological, bacteria, fungi, contaminated, contamination, prepared, manufactured et compounded utilisés seuls ou combinés. Une recherche manuelle menée à partir des listes de référence a permis de compléter la sélec-tion initiale. Ont été incluses dans la revue les études ayant permis la documentation de la contamination de doses de médicaments des-tinées à la voie parentérale chez l’humain dans un cadre clinique ou de simulation. Ont été exclues les études sur les animaux, celles utili-sant du matériel réutilisable et celles publiées dans une langue autre que l’anglais.

interventions Chaque étude retenue dans la revue systéma-tique devait comporter la description de l’en-vironnement de préparation et une évalua-tion de la contamination bactérienne ou fongique. Les auteurs ont testé trois hypothè-ses, soit : 1) les doses préparées dans un envi-ronnement clinique (p. ex. : unité de soins) ont plus de chances d’être contaminées que celles préparées en environnement contrôlé (p. ex. : sous hotte, à la pharmacie); 2) les doses préparées de façon individuelle ont plus de chances d’être contaminées que les doses pré-parées en lot; 3) les doses préparées compor-tant un additif incorporé dans un environne-ment avant l’administration ont plus de chances d’être contaminées que les doses préparées sans additif. La qualité de chaque étude incluse a été évaluée de façon indépen-dante par les deux chercheurs à partir de l’échelle GRADE (Grades of Recommenda-

tion Assessment, Development and Evalua-tion) utilisée notamment pour l’évaluation des essais cliniques depuis 2004.

Paramètres évaluésPour chaque étude incluse dans l’analyse ont été répertoriés le type de préparation (indivi-duelle ou en lot), l’environnement de prépa-ration (pharmacie vs environnement clini-que), le fait d’administrer la dose au patient ou non, le nombre total de doses préparées et le nombre de doses contaminées, ainsi que la présence ou non d’un additif avant l’adminis-tration. L’estimation de l’effet commun (pour-centage de préparations contaminées) à tou-tes les études a été calculée par environnement de préparation en utilisant une transforma-tion logarithmique.

résultatsParmi les 8174 articles identifiés par la recher-che électronique et manuelle, seuls 33 ont été jugés admissibles et 17 (19 études, dont seule-ment trois comportaient un groupe témoin) ont été inclus dans l’analyse pour un total de 7277 doses préparées. Parmi les 19 études retenues, six ont été réalisées aux États-Unis, cinq au Royaume-Uni, deux en Australie, deux en Allemagne, deux en Suède, une au Mexique et une au Japon. Les études retenues sont considérées comme étant de faible ou de très faible qualité par les deux chercheurs, selon l’échelle GRADE.

Le taux de contamination de doses de médi-caments est généralement plus élevé lorsque la préparation est effectuée en environnement clinique plutôt que pharmaceutique. Il est de 5,0 % (IC 95 %; 1,8-13,5 %; n = 8 études) pour les doses préparées individuellement et de 2,0 % (IC 95 %; 0,3-13,1 %; n = 5 études) pour les doses préparées en lot en environne-ment clinique, comparativement à 1,9 % (IC 95 %; 0,8 %-4,2 %; n = 5 études) pour les doses préparées individuellement et à 0,0 % (IC 95 %; 0,0 %-0,8 %; n = 1) pour les doses préparées en lots en pharmacie. En outre, le taux de contamination est plus élevé en pré-sence d’additifs incorporés avant l’adminis-tration de la dose. Il existe une plus grande variance des données recueillies en environ-nement clinique plutôt qu’en pharmacie. Il est à noter qu’il n’existe aucune étude comparant

Texte rédigé par Laury theric, 5e année hospitalo-universitaire, Université de Méditerranée

(Aix-Marseille 2), Jean-François Bussières, B. Pharm., M.Sc., MBA, FCSHP, chef du départe-

ment de pharmacie et de l’unité de recherche en pratique pharmaceutique, CHU Sainte-Justine.

Texte original soumis le 2 décembre 2009.

Texte final remis le 6 décembre 2009.

Révision : Nicolas Paquette-Lamontagne, B. Pharm., M.Sc., M.B.A., P.M.P.

D’une page à L’autRe

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www.professionsAnte.cA juillet–Août 2010 vol. 57 n° 4 Québec Pharmacie 45

risque de contamination dans la préparation de médicaments par voie parentérale

la contamination en environnement clinique et en pharmacie.

Les auteurs rapportent un taux anormale-ment élevé de contamination de doses de médicaments préparées et une grande varia-bilité des données disponibles. En ce qui concerne leur première hypothèse, le taux de contamination des préparations est moins élevé en pharmacie, mais le niveau de preuve est de faible qualité compte tenu des données disponibles. Trois raisons appuient cette observation, à savoir que l’environnement pharmaceutique est probablement moins contaminé, que le personnel assigné à la pré-paration est formé et susceptible d’être évalué périodiquement, et que cet environnement permet davantage les préparations en lots. En ce qui concerne leur deuxième hypothèse, le taux de contamination des préparations est moins élevé pour les doses préparées en lots que pour les doses individuelles. Enfin, en ce qui concerne la dernière hypothèse, le taux de contamination des préparations sans addition ultérieure est moins élevé, avec un niveau de preuve également faible.

Les auteurs soulignent plusieurs limites à leur revue systématique, notamment les pro-tocoles variables des études qui ne sont pas forcément conçues pour tester les hypothè-ses de la revue systématique, l’hétérogénéité des données recueillies, l’intervalle de temps des publications (33 ans), les méthodes utili-sées pour l’échantillonnage et la durée de conservation variable des préparations analysées.

conclusionLe taux de contamination de doses de médi-caments préparées en environnement clini-que ou à la pharmacie est élevé. Il est souhai-table de favoriser la préparation en lot et en pharmacie. Toutefois, d’autres études sont nécessaires afin d’obtenir un niveau de preuve suffisant.

DiscussionÀ notre connaissance, il s’agit de la première revue systématique portant sur la contamina-tion de préparations médicamenteuses. Bien que le nombre d’études de qualité soit limité, la revue systématique soutient la centralisa-tion de la préparation de médicaments au sein d’une infrastructure adéquate. Compte tenu de la pénurie de soins infirmiers, de l’utilisa-tion de médicaments de plus en plus coûteux, de la gestion optimale des risques et des infec-tions nosocomiales, il paraît souhaitable de poursuivre la centralisation des préparations de médicaments en établissement de santé.

Depuis la publication du chapitre 797 de la United States Pharmacopeia et de lignes direc-trices similaires dans d’autres pays, plusieurs autorités réglementaires et associations revoient l’encadrement juridique et normatif des préparations magistrales en pharmacie. Au Canada, Santé Canada a publié en janvier 2009 une politique sur la fabrication et la pré-paration en pharmacie de produits pharma-ceutiques au Canada. Cette politique « s’ap-plique à tous les médicaments d’ordonnance inscrits aux annexes et réglementés par la Loi sur les aliments et drogues ». Dans l’enquête sur la pharmacie hospitalière canadienne 2007-2008, plus de 95 % des chefs de départe-ment hospitalier rapportent la présence d’une centrale d’additifs aux solutés au sein de leur établissement de santé. Parmi tous les répon-dants déclarant la présence d’une centrale d’additifs, 46 % ont recours à des pompes de remplissage. Le taux de production de prépa-rations stériles est de 0,82 préparations/jour/patient de courte durée (en moyenne, presque une préparation par patient, par jour d’hos pi-talisation).

Au Québec, l’Ordre des pharmaciens a mis en place un comité sur les préparations magis-trales en 2007. Ce comité a pour mandat de rédiger une norme révisée sur les préparations stériles (en remplacement de la norme 95.01)

et une première norme sur les préparations non stériles. Ces normes devraient être publiées en 2010. D’ici là, l’Ordre a publié les conditions requises pour les préparations sté-riles en pharmacie afin d’encadrer les inspec-tions éclairs en pharmacie communautaire (2008-2009) et en pharmacie hospitalière (2009-2011).

Cette revue systématique indique la néces-sité de réaliser des études à plus grande échelle permettant d’obtenir un niveau de preuve plus élevé afin de confirmer la supériorité de la centralisation de la préparation de doses de médicaments. Nul doute qu’une formation structurée du personnel et son évaluation périodique accompagnée d’une surveillance périodique de la contamination microbiolo-gique de surface seraient une pratique mini-male afin d’assurer un environnement de tra-vail adéquat. n

référencen austin P, elia m. A systematic review and meta-

analysis of the risk of microbial contamination of aseptically prepared doses in different environments. J Pharm Pharmaceut Sci 2009;12(2): 233-42.

lectures suggéréesn hall K, harding J, bussières JF, Lefebvre P, babich

m, Johnson N et coll. rapport canadien sur la pharmacie hospitalière 2007-2008. [site consulté le 27 novembre 2009; cité le 31 janvier 2009.] www.lillyhospitalsurvey.ca

n bussières JF, Prot S. perspectives sur les préparations magistrales de médicaments au canada. Pharmactuel 2004; 37 (Dossier 1) : 1-15.

n aSSTSaS. Guide de prévention sur la manipulation de médicaments dangereux. [site consulté le 27 novembre 2009; cité le 28 janvier 2010.] www.asstsas.qc.ca/documentation/publications/Gp65-tot_25jan08.pdf

n Santé canada. Direction générale des produits de santé et des aliments – politique 0051. [site consulté le 27 novembre 2009; cité le 26 janvier 2010.] www.hc-sc.gc.ca/dhp-mps/alt_formats/hpfbdgpsa/pdf/compli-conform/pol_0051-fra.pdf

QuestIOn De FORmatIOn COntInue

Veuillez reporter votre réponse dans le formulaire de la page 70

14) Parmi les énoncés entourant la contamination microbio-logique de doses de médicaments préparées en environ-nement clinique ou à la pharmacie, lequel est faux ?

a. le taux de contamination de doses de médicaments est généralement plus élevé lorsque la préparation est effectuée en environnement clinique plutôt que pharma-ceutique.

b. le taux de contamination est de 5,0 % pour les doses préparées individuellement et de 2,0 % pour les doses préparées en lot en environnement clinique.

c. le taux de contamination est moins élevé en présence d’additifs incorporés avant l’administration de la dose.

D. il existe une plus grande variance des données recueillies en environnement clinique plutôt qu’en pharmacie. il est à noter qu’il n’existe aucune étude comparant la contamina-tion en environnement clinique et en pharmacie.

e. plusieurs études ont comparé la contamination en environ-nement clinique et en pharmacie, et démontré une contamination plus élevée en clinique.

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DaNS Le PrOchaiN NumérO

Pharmacovigilanceanémie sévère et leucopénie secondaires à l’interaction allopurinol-azathioprine

les réactions médicamenteuses constituent la cause principale des maladies iatrogéniques. elles peuvent survenir dans diverses situations, notamment dans un contexte d’interaction médicamenteuse. voici le cas d’un homme ayant présenté une interaction médicamenteuse entre l’allopurinol et l’azathioprine.

À vos soinsDépression post-partum en contexte d’allaitement

la dépression post-partum touche environ 10 à 15% des femmes et peut faire son apparition dès les premiers jours, et ce, jusqu’à un an après l’accouchement. les symptômes, décrits dans le DsM-iv-r, sont les mêmes que la dépression majeure, mais sont étroitement liés à l’expérience de la maternité. la cause est multifactorielle et des facteurs tant physiques, hormonaux, sociaux, psychologiques qu’affectifs peuvent jouer un rôle dans le déclenchement de la maladie.

Place aux questionsexiste-t-il des antidépresseurs plus susceptibles d’entraîner un gain de poids ?

l’amélioration clinique d’un état dépressif attribué à la prise d’un antidépresseur est souvent associée à un gain de poids. en effet, un traitement de la dépression peut ramener un intérêt à profiter des plaisirs de la vie, tels que celui de manger. par contre, il n’est pas clair si le gain de poids est entièrement causé par la rémission de la dépression, car il est aussi probable que les effets pharmacologiques des antidépresseurs soient impliqués.

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Très Assez Pas du tout

réponses au questionnaire de décembre 2009 – janvier 2010

1. a2. D3. c4. D5. a6. c7. D8. c9. B

10. a11. e12. c13. B14. D15. B16. D17. B

formulaire de réponses

Juillet-août 2010répondre à 10 des 14 questions proposées

date limite : le 17 décembre 2010

Noircir les cases.

1. a B c D e

2. a B c D e

3. a B c D e

4. a B c D e

5. a B c D e 6. a B c D e

7. a B c D e

8. a B c D e

9. a B c D e

10. a B c D e

11. a B c D e

12. a B c D e

13. a B c D e

14. a B c D e

70 Québec PhARmAcie Vol. 57 n° 4 jUillet - août 2010

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