JOURNAL D'INFORMATIONS GÉNÉRALES ANNONCES …

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Vingt-septième Année. Paraissant le Mercredi. IV 0 II 31 Mars 19OO ABONNEMENTS : Issoire . . . Département . Hors du Département. Six mois Un an | 2 fr. 25 4 fr. 2 fr. 75 5 fr. 3fr. 25 6fr. | JOURNAL D'INFORMATIONS GÉNÉRALES ANNONCES JUDICIAIRES, AGRICULTURE, LITTÉRATURE & NOUVELLES ANNONCES : Annonces Judiciaires. . 2 0 c. la ligne Réclames et Avis divers . 2 5 c. la ligne > UN NDMÉBO : 5 c. L'Abonnement se continue jusqu'à réception d'Avis contraire. Tout ce qui concerne le Journal doit être adressé à l'Imprimerie BOUCHERON <& VBSSELY, Suce" de BOUNOIJRE et OLL RUE DE CHATEAUDUN ET BOULEVARD DE LA MANLIÈRE A ISSOIRE Les Articles d'Agriculture et de Littérature sont insérés gratuitement. CAISSE D'ÉPARGNE La Caisse d'Epargne d'Issoire a reçu samedi dernier de 49 déposants, dont 15 nouveaux, la somme de 20,188 fr. 00 Le lendemain dimanche elle a rem- boursé 21.436 fr. 72 cent. ISSOIRE, LE 21 MARS 1900. Le Droit Quand on réfléchit à ce qui se passe actuellement dans le Sud de l'Afrique, on se demande si le droit n'est pas plutôt un mot sonore, faisant bien d&ns une période ora- toire, qu'une de ces hautes entités, planant au-dessus 4wmpndeet éclai- rant de sa lueur la conscience des peuples. Le dr.oit! Voyez donc eo.mment le traitent là-has, les. Anglais, dans l'Etat-Libre d'Orange, pauvre Etat qpi n'est plus ni Etat, ni Libre, sur lequel campant les soldais, dp la Reine et qui, est déjà considéré comme terre à jamais cpnqujae ! On le foule aux pieds des che- vaux, le droit; on le taillade à coups de sabre ; et lorsqu'il veut élever la voix, voici que les fusils et les canons lui sifflent ou lui hur T lent aux oreilles la chanson de lq. force ! * Et l'Europe, et le monde connu, se vantent d'avoir dépouillé le manteau de barbarie des siècles ! Et de toutes parts retentissent les cris de justice, d'humanité, de fra- ternité ! Allons donc ! si la nature a chan- gé d'aspect, si les montagnes ont perdu leur horreur, si les fleuves roulent des flots domptés, si les plaines rient sous le soleil, l'hom- me, sous son vernis de civilisation, laisse percer le sauvage d'autre- fois et semble n'avoir rien appris, ni rien oublié. L»es présidents Erùger et Steinje ont adressé au gouvernement an- glais une noble lettre où ils de- mandaient, pour faire cesser les larmes des mères, des femmes et des enfants, pour arrêter le sang jeune ou vieux qui coule depuis des mois, la conclusion d'une paix honorable f>our les deux partis. Que leur a-t-il été répondu ? En des périodes l'hypocrisie s'al- liait à la férocité, on leur a para- phrasé le vieux : Vm Victis, Malheur aux vaincus ! Voilà donc des hommes, bien qu'ils s'abritent sous les plis du drapeau du droit, acculés à la ser- vitude ou à la mort ! * * La France, malgré ses instincts de générosité, ne peut rien, par elle-même, pour ces victimes de la Force. Pendant des années, elle a manié le glaive de l'équité ; aujourd'hui son glaive brisé est à peine suffi- sant pour la protéger elle-même. Mais ce que la France ne peut pas tenter, l'Europe réunie est de taille à l'entreprendre. Si elle reste sourde à la voix des héros qui tombent là-bas et qui l'appellent au secours, elle signe sa propre déchéance, et pro- clame la suprématie du nombre. La faillite de l'humanité et non pas de la science, voilà ce qui est à craindre à la fin de ce siècle des lumières, dont le crépuscule n'a même plus le reflet des hautes et nobles idées qui illuminèrent son aurore. HENKI NICOLE. INFORMATION^ GÉNÉRALES La date du 18'Mars Le 48 Mars, anniversaire de la Commune, a été fêté, cette année, comme les années précédentes par les survivants de cette épo- que. Un meeting a eu lieu à la salle des Mille Colonnes, rue de la Gaîté. M. Jaurès y a pris la parole ; il a dit notamment : « II faut que « les socialistes pénètrent partout, dans tous « les milieux et surtout dans les milieux « bourgeois pour y semer leurs théories. » II ne s'est produit aucun indident. France et Angleterre La situation se détend de plus en plus entre la Frant;e et l'Angleterre, car actuellement toute la presse anglaise fait feu contre l'Alle- magne. LB conseil de la chambre de commerce britannique qui s'est réuni, ces jours derniers, a voté à l'unanimité un ordre du jour où est appréciée hautement « la courtoisie et la « considération parfaiie montrées en toute « occasion par les différents membres du « gouvernement français à l'égard des sujets « britanniques résidant en France. Dans le même ordre du jour est exprimé le souhait « que tous efforts possibles soient « tentés par l'iutermédiaire de la presse et « autres organes publics, dans le but de « maintenir entre la France et la Grande- « Bretagne, des sentiments de bonne entente « et de respect mutuel. Au Tianswaal Les nouvelles de. )a gu.ejçjre. manquent pres- que complètement. ;"••••• Le siège de Mafeking, quoiqu'on en dit, n'est pas levé. A Bloemfontein, les Anglais se reposent eu attendant les rudes combais qu'ils auront à affronter, quand ils reprendront leur marche vers le nord. On ne sait toujours pas au juste s'est concentrée l'armée principale des Boërs. Cette ignorance commence à énerver les Anglais qui ne savent pas de quel côté porter le gros de leurs forces. La question du Théâtre-Français M. Georges Leygues, ministre de l'instruc- tion publique et des beaux-arts a été entendu par la commission du Budget, au sujet des projets déposés par le gouvernement, à la suite de l'incendie du Théâtre-Français. Après le discours du ministre, la commis- sion du Budget a adopté à l'unanimité les deux projets de loi présentés par le gouver- nement, l'un pour la reconstruction du Théâtre-Français, l'autre pour le transfert de la Comédie-Française à l'Odéon et de l'Odéon au Gymnase. La plus grande pendule de France La plus grande pendule de France est celle que fait placer la compagnie P. L. M. au sommet de la gare de Lyon à Paris. Elle est à quatre cadrans, chacun de ces cadrans mesure exactement cinq mètres de diamètre et les aiguilles placées horizontale- ment ont trois mètres quatre-vingt. En débouchant de la Place de la Bastille, les voyageurs sauront aussitôt si oui ou non ils ont manqué leur train. Dévouaient d'un officier En voulant sauver un soldat tombé dans un précipice des Alpes, un officier, le lieu- tenant Mensier, a trouvé la mort ; quant au soldat, il s'eu est tiré avec des contusions. Le lientenant Mensier était fils du général du génie Mensier ; il sortait de Samt-Cyr et servait depuis 4891 aux chasseurs alpins. Il y a, en France, solidarité étroite entre chefs et soldats ; ceux-ci savent mourir pour ceux-là et ceux-là savent se sacrifier pour ceux-ci. Tablettes Parisiennes ( De notre correspondant de Paris ) La semaine dernière à l'hôtel du comte d'Hunolstein rue Si-Dominique, s'est tenuela première réunion de l'OEuvre de la maison de famille coloniale, récemment fondée. M Millet, résident général de France en Tunisie y assistait. On a décidé à l'unanimité la création d'une maison coloniale en Tunisie. Il y aura à l'Exposition — et déjà les jour- naux locaux.ont dû en parler— en outre de toutes les expositions particulières de nos compatrioies, un petit coin qui s'appellera « La Vieille Auvergne », tout près du pont Alexandre II y aura une église romane, un échan- tillon du cloître de La Chaise-Dieu, des re- productions des vieilles maisons de Clermont, Le Puy, Riom, Salers, etc. Naturellement il y aura dans ces maisons, des théâtres, des concerts, l'on ne donnera que des oeuvres d'origino auvergnate, l'on dansera des bourrées aux sous de la cabrelte. Dans les boutiques se débiteront les pro- duits d'Auvergne et tous les habitants de cette province provisoire et en miniature seront vêtus du costume de la vieille Auvergne. Ce ser;. un rendezrvous tout trouvé pour nos compatriotes Vieux Paris, vieille Auvergne, vieille Bre- tagne ! que de résurrections. C'est égal, la commission organisatrice, aurait bien pu, tant qu'elle y était, demander la concession d'un terrain plus vaste ot nous faire un village auvergnat. C'eut été la con- currence au village Suisse, et l'on eut fait une comparaison qui n'eut point été à notre désavantage. Car, il y aura un village Suisse et nous en sommes tous un peu mortifies, nous pouvons bien en convenir. * Les travaux de la garo de Lyon avancent et elle sera prête pour l'Exposition. On place ces jours-ci la fameuse horloge à quatre faces, dont chaque cadran mesure cinq mètres de diamètre. Il va de soi qu'elle sera lumineuse la nuit'. M. Gréard et l'architecte de la Sorbonne sont allés voir chez Puech la maquette de sa statue La Pensée, pour la Sorbonne. L'oeuvre sera en bronze doré et mesurera quatre mètres de hauteur. Puech a drapé fort originalement sa sta- tue dans une toge de professeur et a été une fois de plus des mieux inspirés. M. Gréard l'a vivement félicité. SOIREE DE GALA La soirée donnée dimanche dernier, au Théâtre et à laquelle ont pris part: Madame Ronserail-Levasseur, M. Chizalet, violonfiel- liste-solo du Casino de Vichy, Mlles Lowe, Yersotli, MM. Dalbrey et Nérac du Théâtre de Clermont, a été fort réussie. Les trois pièces en un acte : La Souris, de Desrozeaux, Charité bien ordonnée, de i. Boucheron, VElincelle, de Pailleron, qui for- maient la partie dramatique de la soirée, ont été bien jouées par Mlles Lowe, Yersotti, MM. Dalbrey et Nérac. Mlle Lowe a droit à une mention spéciale pour le naturel et la (inesse qu'elle a mon- trées dans le personnage d'Aatoinette de la pièce de Pailleron ; de son côté, Mlle Yer- sotti, a été fort bonne daus la Souris et dans l'Etincelle. Dans la partie de concert, Mme Ronserail a chanté les Saisons de Massé, Sancla-Maria de Faure, avecaceompagemenl de violoncelle; comme toujours elle a eu un grand succès. M. Chizalet qui est un maître du violon- cello a tenu littéralement la salle sous le char- me de son archet. C'est avec un religieux si- lence qu'on l'écoutait et c'est avec des applau- dissements nourris qu'on saluait lafinde ses morceaux Rhapsodie Hongroise, de Popper, Chant d'amour, de Casella, Menuet, de Bor- ghini qu'on trouvait trop courts. M. Dalbrey a aussi été très applaudi dans son monologue Le Hanneton, qu'il a dit avec beaucoup de finesse. M. Billardet tenait le piano et a fort bien secondé M. Chizalet et accompagné Mme Ronserail. Par suite de circonstances imprévues, le Trio de Faust, qui figurait au programme n'a pas été chauté. Eu revanche M. Chizalet a joué un morceau do violoncelle et Madame Rmserail a chanté Pourquoi de Lakmé : les dilettantes leur ont su gré de cette compensa- tion. NECROLOGIE Nous apprenons la mort de Mme la comtesse de Mis^iessy, née de Leusse, déçédée à Toulon, hier matin. Ses obsèques auront lieu à Issoire vendredi à 40 heures du matin. Mme de Missiessy qui savait pratiquer dis- crètement la charité et en qui les pauvres perdent une bienfaitrice était la soeur de Mme d'IIauterive dont toute la famille est si sym- pathique dans notre ville et dans noire région. Nous adressons à ses enfants et à sa famille nos sincères compliments de condoléance. Chronique Locale et Régionala 13° Corps d'Armée M. le général de brigade Perrodon, dispo- nible, est nommé au commandement do l'ar- tillerie du 13° corps, en remplacement du général de brigade Passerieu, nommé au commandement de la 26 e brigade d'infanterie. 7 e corps. Postes et Télégraphes La création d'un bureau télégraphique est autorisée dans la commune de Compatns. Recettes Buralistes M. Pallier, ex-adjudant au 42 e escadron du train des équipages militaires, est nommé à la recette buraliste de Neschers. t M. Jannot, adjudant au 108" régiment d'iDfanterie est nommé à la recelte buraliste de Chidrac. Nomination ecclésiastique M. Anne; Gardy, curé de N. D. de Mons, a été nommé curé de Chadeleuf. L'Union Dimanche dernier a eu lieu l'assemblée générale de l'Union, société de secours mutuels et de retraites des sapeurs-pompiers de la ville d'Issoire. La situation cette société est des plus florissantes, ainsi q>:e nos lecteurs pourront le constater parle compte-rendu suivant : Recettes da l'année 4899: 3,022 fr. 69 ; Dé- penses de l'année 4899 : 865 fr. 44 ; Balance en faveur de l'année 4899: 2,457 fr. 2 8 ; L'actif disponible au 31 décembre 1898 était de 27,539 fr. 99 ; Les recettes de l'année 1899 sont d« 3,022 fr. 69 ; Total aux 31 dé- cembre 4899 30,562 fr. 68 ; duquel il faut déduire les dépenses faites pendant l'année 1899: 865 fr. 41 ; II reste donc à l'actif dispo- nible au 31 décembre 1899: 29,697 fr. 27. Incendie Dans la nuit mercredi k jeudi un incen- die a détruit les moulins du Mas, appartenant à M. le baron de Langlade. Une des person- nes de la ferme étant venue à Issoire, donner l'alarme, les sapeurs-pompiers et quelques courageux citoyens se sont transportés sur les lieux, mais tout était en flammes et on a dû se borner à préserver la ferme. Les bâtiments étaient assurés. Quand au fermier qui y avait déposé une certaine quan- tité de b!é et le linge d'une lessive, il perd de ce chef environ 1.500 fr. i 4. 1 1 (16) Feuilleton du MONITEUR D'ISSOIRE COEUR DROIT Roman de Moeurs par Gilbert BEi^ROT IX L'INNOCENCE DE MOREL ! Seule. Suzanne restait soucieuse. Alors • que l'on songeait de toutes parts au châti- ment du coupable, elle eût voulu sauver le fils de sa mère et regardait douloureusement le portrait de la morte. •L'affaire s'instruisit rapidement ; mais au moment de la mise en accusation, une nou- velle bien inattendue fut annoncée par les journaux. Tandis que les complices du Mornl étaient envoyés devant la cour d'assises, ce- lui-ci, d'après le rapport des médecins légis- tes, fut reconnu irresponsable et bénéficia d'une ordonnance de non-lieu, suivie de son internement comme aliéné, à Ste-Aane, puis à Ville-Evrard. Ainsi cet homme était reconnu innocent! Sorlin et Fatant faillirent en avoir un» attaque d'apoplexie. Dugard, Voisette et Benoit n'en revenaient pas. Suzanne, soulagée, se reprit à sourire et, tendant, un soir, les deux mains à Boniface, elle lui dit, l'oeil chargé de tendres promesses : &— A quand la noce, monjpeiit mari ? — Dans deux jours, chère aimée. Le dé- lai des publications va expirer. — Vous les avez faites sans m'en parler, méchant ! — J'étais si sûr que vous ne diriez pas non... — Boniface!... — Suzanne chérie !... Fatant, qui avait, depuis son retour, fait part de ses projets à Boniface et à Sorlin, in- terrompit cette scène délicieuse en venant présenter l'acte de cession à la signature du jeune homme.qui manquait seule. — Vous serez mon témoin, mon cher pa- tron, n'est-ce-pas ? — Parbleu ! cette question ! à moins que ce ne soit Morel I... oh ! le coquin, et dire qu'après tout ce qu'il a fait, on ne lui cou- pera pas le cou ! — Oh 1 père Fatant, interrompit Suzanne c'est mon frère quand même, et vous me fai- tes bien do la p«ine !... Ne parlons plus de cela, patron, dit fermement le jeune homme ; Suzanne ne doit plus avoir un nuage sur son front, ni une tristesse dans son coeur. — Mon ami, dit la jeune fille avec une douce autorité, mon frère, s'il n'est pas res- ponsable, n'en a pas moins fait du mal. Ce mal, il faut le réparer et je ne serai heureuse qu'à ce prix. Boniface et Fatant, saisis d'admiration par la noblesse de ces sentiments, ne purent qu'en féliciter celle qui les avait exprimés. — En voici bien d'unejlautre, cria^tout- à-coup Sorlin, en entrant brusquement, sans dire bonjour à personne, l'innocent, l'irres- ponsable, l'enfant qui vient de naître va recommencer ; il s'est échappé ! Et il montra un journal du matin. Morel avait, en effet, trompé la surveillance de ses gardiens, la veille, et, bien que re- cherché activement, n'avait pu être repris. Il n'est pas fou pour se sauver, le co- quin, dit Fatant. Ils n'ont pas prévu ça, les illustres médecins, renchérit Sorlin. Ce sont eux qui sont fous. Suzanne, les yeux remplis de larmes, cherchait à apaiser les deux hommes et Bo- niface essayait de la consoler elle-même. — Ah ! vous voulez réparer tout le tort qu'il fera, disait le vieux forgeron, sans s'a- pereevoir du mal causé par ses paroles. Eh bien ! vous ne chômerez pas ! Tout votre temps et tout ce que vous aurez y passera I Quand on rencontre ua chien enragé, il faut d'abord l'abattre ; je... Et si je rencontre ce chien enragé là, je l'abattrai, moi, dit Sorlin. Boniface prit la main des deux braves coeurs et les regarda avec fermeté. Mes amis, dit-il, vous finirez par faire perdre la tête à ma pauvre Suzanne avec votre colère. Songeons plutôt à mon mariage ; Sorlin, tu seras mon second té- moin ; quant à l'association, elle ne souffrira pas des réparations que nous voulons, Su- zanne et moi, opposer aux méfaits de Morel. Tes intérêts ne seront pas lésés, mon vieil ami. Subitement calmés, les deux hommes ne protestèrent plus que pour la forme. La cause de Suzanne était gagnée. Sorlin, néanmoins, se défendit'd'avoir les intentions intéressées que semblait lui prêter le jeune homme, et il le lit avec une telle amitié que Boniface dut s'excuser d'avoir dépassé les borues de sa pensée, pour ne pas risquer de se brouiller avec lui. M. Dugard avait annoncé qu'il viendrait à Paris remettre à Boniface ce qui lui re- venait. Il fut décidé qu'on lui dmanderait d'êtra le témoin de Suzanne avec son parent, et la .conversation, une fois détournée do 'Morel, prit bientôt une allure gaie qui réussit à redonner aux lèvres de la jolie fiancée leur sourire charmant. Et Boniface, sous les yeux attendris de ses deux vieux amis, prit tant de petits à-comptes de ci de là, sur la main, le poi- gnet, les joues et la nuque de son amie, qu'il fallut le faire cesser. Suzanne prit le parti de lui donner une petite tape à chaque entreprise trop audacieuse. Ce sera une bonne petite femme, tout de même, dit Fatanl ; elle est jolie, la' fri- ponne !... ' Et dire que... voulut reprendre Sorlin ; mais Fatant lui lança un coup d'oeil expres- sif, et cette dernière protestation fut étouffée. Les deux amoureux, qui se regardaient, extasiés, oubliaient tout, même la présence de leurs amis qui ne songèrent pas à s'en froisser et ; qui prirent j^le parti de s'en aller. DEUXIÈME PARTIE LES DEUX JUSTICES I MAISON BERTRAND ET SORLIN La forge, sous la direction de Bjrtrand et de Sorlin, n'avait pas cessé de prospérer. Il n'y avait pas trois ans que Fatant s'était retiré que déjà il ne lui restau plus que la moitié du prix de cession. Le brave homme, trouvant que les fonc- tions de parrain du petit Raymond, que Suzanne et Boniface lui avaient confiées au bout de dix mois à peine, ne suffisaient pas à son activité, venait de temps en temps donner un coup de main à ses anciens ou- vriers. Un esprit excellent régnait dans l'atelier et les nouveaux patrons étaient, comme l'ancien, adorés de leurs ouvriers. Suzanne et son mari étaient venus habiter au premier étage de leur maison. FataDt, devenu leur locataire, logeait au second avec sa vieille bonne ; mais il était plus souvent chez ses jeunes amis que chez lui. Cela fai- sait dire à Boniface, qui n'y était pas tou- jours, qu'il lui fallait avoir une jolie confiance en sa femme pour permettre de si, fréquentes visites. Mais Fatant lui répondait enriantquo Vulcain, quand il plut à Vénus, était peut être laid, mais qu'en tout cas il était jeune. Au contact de fioniface, on le voit, le vieux forgeron avait gagné des idées lit- téraires.

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Vingt-septième Année. Paraissant le Mercredi. — IV0 II 31 Mars 19OO

ABONNEMENTS :

Issoire . . .Département .Hors du Département .

Six mois Un an |2 fr. 25 4 fr.2 fr. 75 5 fr.3fr. 25 6fr. |

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ANNONCES JUDICIAIRES, AGRICULTURE, LITTÉRATURE & NOUVELLES

ANNONCES :Annonces Judiciaires. . 2 0 c. la ligneRéclames et Avis divers . 2 5 c. la ligne

> UN NDMÉBO : 5 c.

L'Abonnement se continue jusqu'à réceptiond'Avis contraire.

Tout ce qui concerne le Journal doit être adressé à l'ImprimerieB O U C H E R O N <& V B S S E L Y , S u c e " de BOUNOIJRE et OLL

RUE DE CHATEAUDUN ET BOULEVARD DE LA MANLIÈRE A ISSOIRE

Les Articles d'Agriculture et de Littératuresont insérés gratuitement.

CAISSE D'ÉPARGNE

La Caisse d'Epargne d'Issoire areçu samedi dernier de 49 déposants,dont 15 nouveaux, la somme de20,188 fr. 00

Le lendemain dimanche elle a rem-boursé 21.436 fr. 72 cent.

ISSOIRE, LE 21 MARS 1900.

Le DroitQuand on réfléchit à ce qui se

passe actuellement dans le Sud del'Afrique, on se demande si le droitn'est pas plutôt un mot sonore,faisant bien d&ns une période ora-toire, qu'une de ces hautes entités,planant au-dessus 4wmpndeet éclai-rant de sa lueur la conscience despeuples.

Le dr.oit! Voyez donc eo.mmentle traitent là-has, les. Anglais, dansl'Etat-Libre d'Orange, pauvre Etatqpi n'est plus ni Etat, ni Libre,sur lequel campant les soldais, dpla Reine et qui, est déjà considérécomme terre à jamais cpnqujae !

On le foule aux pieds des che-vaux, le droit; on le taillade àcoups de sabre ; et lorsqu'il veutélever la voix, voici que les fusilset les canons lui sifflent ou lui hurTlent aux oreilles la chanson de lq.force !

*Et l'Europe, et le monde connu,

se vantent d'avoir dépouillé lemanteau de barbarie des siècles !Et de toutes parts retentissent lescris de justice, d'humanité, de fra-ternité !

Allons donc ! si la nature a chan-gé d'aspect, si les montagnes ontperdu leur horreur, si les fleuvesroulent des flots domptés, si lesplaines rient sous le soleil, l'hom-me, sous son vernis de civilisation,laisse percer le sauvage d'autre-fois et semble n'avoir rien appris,ni rien oublié.

L»es présidents Erùger et Steinjeont adressé au gouvernement an-glais une noble lettre où ils de-mandaient, pour faire cesser leslarmes des mères, des femmes etdes enfants, pour arrêter le sangjeune ou vieux qui coule depuisdes mois, la conclusion d'une paixhonorable f>our les deux partis.

Que leur a-t-il été répondu ? Endes périodes où l'hypocrisie s'al-

liait à la férocité, on leur a para-phrasé le vieux : Vm Victis, Malheuraux vaincus !

Voilà donc des hommes, bienqu'ils s'abritent sous les plis dudrapeau du droit, acculés à la ser-vitude ou à la mort !

*• *

La France, malgré ses instinctsde générosité, ne peut rien, parelle-même, pour ces victimes de laForce.

Pendant des années, elle a maniéle glaive de l'équité ; aujourd'huison glaive brisé est à peine suffi-sant pour la protéger elle-même.

Mais ce que la France ne peutpas tenter, l'Europe réunie est detaille à l'entreprendre.

Si elle reste sourde à la voixdes héros qui tombent là-bas etqui l'appellent au secours, ellesigne sa propre déchéance, et pro-clame la suprématie du nombre.

La faillite de l'humanité et nonpas de la science, voilà ce qui està craindre à la fin de ce siècle deslumières, dont le crépuscule n'amême plus le reflet des hautes etnobles idées qui illuminèrent sonaurore.

HENKI NICOLE.

INFORMATION^ GÉNÉRALESLa date du 18'Mars

Le 48 Mars, anniversaire de la Commune,a été fêté, cette année, comme les annéesprécédentes par les survivants de cette épo-que.

Un meeting a eu lieu à la salle des MilleColonnes, rue de la Gaîté. M. Jaurès y a prisla parole ; il a dit notamment : « II faut que« les socialistes pénètrent partout, dans tous« les milieux et surtout dans les milieux« bourgeois pour y semer leurs théories. »

II ne s'est produit aucun indident.

France et AngleterreLa situation se détend de plus en plus entre

la Frant;e et l'Angleterre, car actuellementtoute la presse anglaise fait feu contre l'Alle-magne.

LB conseil de la chambre de commercebritannique qui s'est réuni, ces jours derniers,a voté à l'unanimité un ordre du jour où estappréciée hautement « la courtoisie et la« considération parfaiie montrées en toute« occasion par les différents membres du« gouvernement français à l'égard des sujets« britanniques résidant en France.

Dans le même ordre du jour est expriméle souhait « que tous efforts possibles soient« tentés par l'iutermédiaire de la presse et« autres organes publics, dans le but de« maintenir entre la France et la Grande-« Bretagne, des sentiments de bonne entente« et de respect mutuel.

Au TianswaalLes nouvelles de. )a gu.ejçjre. manquent pres-

que complètement. ;"•••••

Le siège de Mafeking, quoiqu'on en dit,n'est pas levé.

A Blœmfontein, les Anglais se reposent euattendant les rudes combais qu'ils auront àaffronter, quand ils reprendront leur marchevers le nord.

On ne sait toujours pas au juste où s'estconcentrée l'armée principale des Boërs.

Cette ignorance commence à énerver lesAnglais qui ne savent pas de quel côté porterle gros de leurs forces.

La question du Théâtre-FrançaisM. Georges Leygues, ministre de l'instruc-

tion publique et des beaux-arts a été entendupar la commission du Budget, au sujet desprojets déposés par le gouvernement, à lasuite de l'incendie du Théâtre-Français.

Après le discours du ministre, la commis-sion du Budget a adopté à l'unanimité lesdeux projets de loi présentés par le gouver-nement, l'un pour la reconstruction duThéâtre-Français, l'autre pour le transfert dela Comédie-Française à l'Odéon et de l'Odéonau Gymnase.

La plus grande pendule de FranceLa plus grande pendule de France est celle

que fait placer la compagnie P. L. M. ausommet de la gare de Lyon à Paris.

Elle est à quatre cadrans, chacun de cescadrans mesure exactement cinq mètres dediamètre et les aiguilles placées horizontale-ment ont trois mètres quatre-vingt.

En débouchant de la Place de la Bastille,les voyageurs sauront aussitôt si oui ou nonils ont manqué leur train.

Dévouaient d'un officierEn voulant sauver un soldat tombé dans

un précipice des Alpes, un officier, le lieu-tenant Mensier, a trouvé la mort ; quant ausoldat, il s'eu est tiré avec des contusions.

Le lientenant Mensier était fils du généraldu génie Mensier ; il sortait de Samt-Cyr etservait depuis 4891 aux chasseurs alpins.

Il y a, en France, solidarité étroite entrechefs et soldats ; ceux-ci savent mourir pourceux-là et ceux-là savent se sacrifier pourceux-ci.

Tablettes Parisiennes( De notre correspondant de Paris )

La semaine dernière à l'hôtel du comted'Hunolstein rue Si-Dominique, s'est tenuelapremière réunion de l'Œuvre de la maison defamille coloniale, récemment fondée.

M Millet, résident général de France enTunisie y assistait. On a décidé à l'unanimitéla création d'une maison coloniale en Tunisie.

Il y aura à l'Exposition — et déjà les jour-naux locaux.ont dû en parler— en outre detoutes les expositions particulières de noscompatrioies, un petit coin qui s'appellera« La Vieille Auvergne », tout près du pontAlexandre

II y aura là une église romane, un échan-tillon du cloître de La Chaise-Dieu, des re-productions des vieilles maisons de Clermont,Le Puy, Riom, Salers, etc.

Naturellement il y aura dans ces maisons,des théâtres, des concerts, où l'on ne donneraque des œuvres d'origino auvergnate, oùl'on dansera des bourrées aux sous de lacabrelte.

Dans les boutiques se débiteront les pro-duits d'Auvergne et tous les habitants de cetteprovince provisoire et en miniature serontvêtus du costume de la vieille Auvergne.

Ce ser;. un rendezrvous tout trouvé pournos compatriotes

Vieux Paris, vieille Auvergne, vieille Bre-tagne ! que de résurrections.

C'est égal, la commission organisatrice,aurait bien pu, tant qu'elle y était, demanderla concession d'un terrain plus vaste ot nousfaire un village auvergnat. C'eut été la con-currence au village Suisse, et l'on eut faitune comparaison qui n'eut point été à notredésavantage.

Car, il y aura un village Suisse et nous ensommes tous un peu mortifies, nous pouvonsbien en convenir.

*Les travaux de la garo de Lyon avancent

et elle sera prête pour l'Exposition.On place ces jours-ci la fameuse horloge à

quatre faces, dont chaque cadran mesurecinq mètres de diamètre.

Il va de soi qu'elle sera lumineuse la nuit'.

M. Gréard et l'architecte de la Sorbonnesont allés voir chez Puech la maquette de sastatue La Pensée, pour la Sorbonne. L'œuvresera en bronze doré et mesurera quatremètres de hauteur.

Puech a drapé fort originalement sa sta-tue dans une toge de professeur et a été unefois de plus des mieux inspirés.

M. Gréard l'a vivement félicité.

SOIREE DE GALA

La soirée donnée dimanche dernier, auThéâtre et à laquelle ont pris part: MadameRonserail-Levasseur, M. Chizalet, violonfiel-liste-solo du Casino de Vichy, Mlles Lowe,Yersotli, MM. Dalbrey et Nérac du Théâtrede Clermont, a été fort réussie.

Les trois pièces en un acte : La Souris, deDesrozeaux, Charité bien ordonnée, de i.Boucheron, VElincelle, de Pailleron, qui for-maient la partie dramatique de la soirée, ontété bien jouées par Mlles Lowe, Yersotti, MM.Dalbrey et Nérac.

Mlle Lowe a droit à une mention spécialepour le naturel et la (inesse qu'elle a mon-trées dans le personnage d'Aatoinette de lapièce de Pailleron ; de son côté, Mlle Yer-sotti, a été fort bonne daus la Souris et dansl'Etincelle.

Dans la partie de concert, Mme Ronseraila chanté les Saisons de Massé, Sancla-Mariade Faure, avecaceompagemenl de violoncelle;comme toujours elle a eu un grand succès.

M. Chizalet qui est un maître du violon-cello a tenu littéralement la salle sous le char-me de son archet. C'est avec un religieux si-lence qu'on l'écoutait et c'est avec des applau-dissements nourris qu'on saluait la fin de sesmorceaux Rhapsodie Hongroise, de Popper,Chant d'amour, de Casella, Menuet, de Bor-ghini qu'on trouvait trop courts.

M. Dalbrey a aussi été très applaudi dansson monologue Le Hanneton, qu'il a dit avecbeaucoup de finesse.

M. Billardet tenait le piano et a fort biensecondé M. Chizalet et accompagné MmeRonserail.

Par suite de circonstances imprévues, leTrio de Faust, qui figurait au programmen'a pas été chauté. Eu revanche M. Chizaleta joué un morceau do violoncelle et Madame

Rmserail a chanté Pourquoi de Lakmé : lesdilettantes leur ont su gré de cette compensa-tion.

NECROLOGIE

Nous apprenons la mort de Mme lacomtesse de Mis^iessy, née de Leusse, déçédéeà Toulon, hier matin.

Ses obsèques auront lieu à Issoire vendredià 40 heures du matin.

Mme de Missiessy qui savait pratiquer dis-crètement la charité et en qui les pauvresperdent une bienfaitrice était la sœur de Mmed'IIauterive dont toute la famille est si sym-pathique dans notre ville et dans noire région.

Nous adressons à ses enfants et à sa famillenos sincères compliments de condoléance.

Chronique Locale et Régionala13° Corps d'Armée

M. le général de brigade Perrodon, dispo-nible, est nommé au commandement do l'ar-tillerie du 13° corps, en remplacement dugénéral de brigade Passerieu, nommé aucommandement de la 26e brigade d'infanterie.7e corps.

Postes et TélégraphesLa création d'un bureau télégraphique est

autorisée dans la commune de Compatns.

Recettes BuralistesM. Pallier, ex-adjudant au 42e escadron

du train des équipages militaires, est nomméà la recette buraliste de Neschers.

t M. Jannot, adjudant au 108" régimentd'iDfanterie est nommé à la recelte buralistede Chidrac.

Nomination ecclésiastiqueM. Anne; Gardy, curé de N. D. de Mons,

a été nommé curé de Chadeleuf.

L'UnionDimanche dernier a eu lieu l'assemblée

générale de l'Union, société de secoursmutuels et de retraites des sapeurs-pompiersde la ville d'Issoire.

La situation d« cette société est des plusflorissantes, ainsi q>:e nos lecteurs pourront leconstater parle compte-rendu suivant :

Recettes da l'année 4899: 3,022 fr. 69 ; Dé-penses de l'année 4899 : 865 fr. 44 ; Balanceen faveur de l'année 4899: 2,457 fr. 2 8 ;L'actif disponible au 31 décembre 1898 étaitde 27,539 fr. 99 ; Les recettes de l'année1899 sont d« 3,022 fr. 69 ; Total aux 31 dé-cembre 4899 30,562 fr. 68 ; duquel il fautdéduire les dépenses faites pendant l'année1899: 865 fr. 41 ; II reste donc à l'actif dispo-nible au 31 décembre 1899: 29,697 fr. 27.

IncendieDans la nuit dû mercredi k jeudi un incen-

die a détruit les moulins du Mas, appartenantà M. le baron de Langlade. Une des person-nes de la ferme étant venue à Issoire, donnerl'alarme, les sapeurs-pompiers et quelquescourageux citoyens se sont transportés surles lieux, mais tout était en flammes et on adû se borner à préserver la ferme.

Les bâtiments étaient assurés. Quand aufermier qui y avait déposé une certaine quan-tité de b!é et le linge d'une lessive, il perd dece chef environ 1.500 fr.

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(16) Feuilleton du MONITEUR D'ISSOIRE

CŒUR DROITRoman de Mœurs

parGilbert BEi^ROT

IX

L'INNOCENCE DE MOREL !

Seule. Suzanne restait soucieuse. Alors• que l'on songeait de toutes parts au châti-

ment du coupable, elle eût voulu sauver lefils de sa mère et regardait douloureusementle portrait de la morte.

•L'affaire s'instruisit rapidement ; mais aumoment de la mise en accusation, une nou-velle bien inattendue fut annoncée par lesjournaux. Tandis que les complices du Mornlétaient envoyés devant la cour d'assises, ce-lui-ci, d'après le rapport des médecins légis-tes, fut reconnu irresponsable et bénéficiad'une ordonnance de non-lieu, suivie de soninternement comme aliéné, à Ste-Aane, puisà Ville-Evrard.

Ainsi cet homme était reconnu innocent!Sorlin et Fatant faillirent en avoir un» attaqued'apoplexie. Dugard, Voisette et Benoit n'enrevenaient pas.

Suzanne, soulagée, se reprit à sourire et,tendant, un soir, les deux mains à Boniface,elle lui dit, l'œil chargé de tendres promesses :&— A quand la noce, monjpeiit mari ?

— Dans deux jours, chère aimée. Le dé-lai des publications va expirer.

— Vous les avez faites sans m'en parler,méchant !

— J'étais si sûr que vous ne diriez pasnon...

— Boniface!...— Suzanne chérie ! . . .

Fatant, qui avait, depuis son retour, faitpart de ses projets à Boniface et à Sorlin, in-terrompit cette scène délicieuse en venantprésenter l'acte de cession à la signature dujeune homme.qui manquait seule.

— Vous serez mon témoin, mon cher pa-tron, n'est-ce-pas ?

— Parbleu ! cette question ! à moins quece ne soit Morel I... oh ! le coquin, et direqu'après tout ce qu'il a fait, on ne lui cou-pera pas le cou !

— Oh 1 père Fatant, interrompit Suzannec'est mon frère quand même, et vous me fai-tes bien do la p«ine !...

— Ne parlons plus de cela, patron, ditfermement le jeune homme ; Suzanne ne doitplus avoir un nuage sur son front, ni unetristesse dans son cœur.

— Mon ami, dit la jeune fille avec unedouce autorité, mon frère, s'il n'est pas res-ponsable, n'en a pas moins fait du mal. Cemal, il faut le réparer et je ne serai heureusequ'à ce prix.

Boniface et Fatant, saisis d'admiration parla noblesse de ces sentiments, ne purentqu'en féliciter celle qui les avait exprimés.

— En voici bien d'unejlautre, cria^tout-

à-coup Sorlin, en entrant brusquement, sansdire bonjour à personne, l'innocent, l'irres-ponsable, l'enfant qui vient de naître varecommencer ; il s'est échappé !

Et il montra un journal du matin.Morel avait, en effet, trompé la surveillance

de ses gardiens, la veille, et, bien que re-cherché activement, n'avait pu être repris.

— Il n'est pas fou pour se sauver, le co-quin, dit Fatant.

— Ils n'ont pas prévu ça, les illustresmédecins, renchérit Sorlin. Ce sont eux quisont fous.

Suzanne, les yeux remplis de larmes,cherchait à apaiser les deux hommes et Bo-niface essayait de la consoler elle-même.

— Ah ! vous voulez réparer tout le tortqu'il fera, disait le vieux forgeron, sans s'a-pereevoir du mal causé par ses paroles.Eh bien ! vous ne chômerez pas ! Tout votretemps et tout ce que vous aurez y passera IQuand on rencontre ua chien enragé, il fautd'abord l'abattre ; je. . .

— Et si je rencontre ce chien enragé là,je l'abattrai, moi, dit Sorlin.

Boniface prit la main des deux bravescœurs et les regarda avec fermeté.

— Mes amis, dit-il, vous finirez parfaire perdre la tête à ma pauvre Suzanneavec votre colère. Songeons plutôt à monmariage ; Sorlin, tu seras mon second té-moin ; quant à l'association, elle ne souffrirapas des réparations que nous voulons, Su-zanne et moi, opposer aux méfaits de Morel.Tes intérêts ne seront pas lésés, mon vieilami.

Subitement calmés, les deux hommesne protestèrent plus que pour la forme. Lacause de Suzanne était gagnée. Sorlin,néanmoins, se défendit'd'avoir les intentionsintéressées que semblait lui prêter le jeunehomme, et il le lit avec une telle amitié queBoniface dut s'excuser d'avoir dépassé lesborues de sa pensée, pour ne pas risquerde se brouiller avec lui.

M. Dugard avait annoncé qu'il viendraità Paris remettre à Boniface ce qui lui re-venait. Il fut décidé qu'on lui dmanderaitd'êtra le témoin de Suzanne avec son parent,et la .conversation, une fois détournée do'Morel, prit bientôt une allure gaie qui réussità redonner aux lèvres de la jolie fiancée leursourire charmant.

Et Boniface, sous les yeux attendris deses deux vieux amis, prit tant de petitsà-comptes de ci de là, sur la main, le poi-gnet, les joues et la nuque de son amie,qu'il fallut le faire cesser. Suzanne prit leparti de lui donner une petite tape à chaqueentreprise trop audacieuse.

— Ce sera une bonne petite femme, toutde même, dit Fatanl ; elle est jolie, la' fri-ponne !... '

— Et dire que... voulut reprendre Sorlin ;mais Fatant lui lança un coup d'œil expres-sif, et cette dernière protestation fut étouffée.Les deux amoureux, qui se regardaient,extasiés, oubliaient tout, même la présencede leurs amis qui ne songèrent pas à s'enfroisser et ; qui prirent j^le parti de s'enaller.

DEUXIÈME PARTIE

LES DEUX JUSTICES

IMAISON BERTRAND ET SORLIN

La forge, sous la direction de Bjrtrandet de Sorlin, n'avait pas cessé de prospérer.Il n'y avait pas trois ans que Fatant s'étaitretiré que déjà il ne lui restau plus dû quela moitié du prix de cession.

Le brave homme, trouvant que les fonc-tions de parrain du petit Raymond, queSuzanne et Boniface lui avaient confiées aubout de dix mois à peine, ne suffisaient pasà son activité, venait de temps en tempsdonner un coup de main à ses anciens ou-vriers.

Un esprit excellent régnait dans l'atelieret les nouveaux patrons étaient, commel'ancien, adorés de leurs ouvriers.

Suzanne et son mari étaient venus habiterau premier étage de leur maison. FataDt,devenu leur locataire, logeait au second avecsa vieille bonne ; mais il était plus souventchez ses jeunes amis que chez lui. Cela fai-sait dire à Boniface, qui n'y était pas tou-jours, qu'il lui fallait avoir une jolie confianceen sa femme pour permettre de si, fréquentesvisites. Mais Fatant lui répondait en riant quoVulcain, quand il plut à Vénus, était peutêtre laid, mais qu'en tout cas il était jeune.

Au contact de fioniface, on le voit, levieux forgeron avait gagné des idées lit-téraires.