journal des avocats - N°2

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le journal des avocats - N°2 Septembre 2010

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C’est la Rentrée ! Photo de gauche extraite du livre de Benoît Feron « Visages d’Avocats » voir notre article.

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le journal des avocats - N°2Septembre 2010

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C’est la Rentrée !

Photo de gauche extraite du livre de Benoît Feron « Visages d’Avocats » voir notre article.

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Pour qui se poserait encore des questions

L’IDÉECréer un magazine haut de gamme

Conçu pour les avocats et écrit par des avocatsQui puisse être gratuit et envoyé à tous nominativement

Une édition libre, de loisirs, dans le domaine de la culture,Amusante, sans connotation juridique, ouverte et indépendante

Un travail créateur, littéraire et artistique pour le plaisir de tous

POURQUOI ?Parce que nous savons que les avocats n’ont pas toujours le temps de courir en librairie pour acheter

des revues de toute sorte qu’ils n’auront finalement pas ou si peu, le temps ou l’envie de lire.Parce que nous savons que les avocats prônent la liberté et la noblesse de leur profession.

Parce que nous aimons l’esprit, la finesse intellectuelle et le courage des avocats.Parce que les avocats sont cultivés, talentueux et aussi qu’ils écrivent bien.

ENSUITELe premier numéro,

vous l’avez reçu, vous l’avez lu, nous croyons

qu’il vous a plu !

Alors nous continuons.

Voici votre deuxième numéro.Nous l’avons édité avec attention, amitié et passion.

C’est notre métier d’éditeur! Mais vous serez d’avis qu’il a été rédigé avec énormément de talentpar des auteurs chaleureux et ouverts, dont cependant ce n’est pas le métier !

Qu’ils en soient félicités.

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L’espace-temps

Le journal des avocats voyagera de mains en mains. Ceux qui le trouveront y ajouteront leurs histoires, leurs dessins ou leur annonce et alors leur journal atteindra une forme continue d’art collectif.

C’est une expérience et vous en faites partie.

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EditorialAvez-vous le temps de lire? Non, n’est-ce pas ?Cependant, ce magazine, qui arrive chez vous, en l’occurrence toujours à titre gracieux, qui est beau, de bonne qualité et de plus, écrit par des confrères que vous allez découvrir sous un jour différent, voilà qui est agréablement nouveau !

Oui, Jean de la Fontaine a eu raison de rendre hommage à la tortue quand elle gagna la course, « étant partie à point ». Mais ne vous moquez pas du lièvre  : aller vite est un art, qui peut être bénéfique, parce qu’il permet les bonnes haltes. En ce deuxième numéro, nous serons un peu lièvre et un peu tortue. Nous jouerons avec le temps, le temps des poètes, des artistes, des cinéphiles, des photographes, le temps des vérités, des phrases qui tuent, le temps qui passe, l’espace-temps !

Nous voulons que « votre » magazine, vous apporte chaque trimestre une nouvelle fraicheur, de nouveaux rêves  ; qu’il vous donne le plaisir de «  prendre  » le temps, celui de lire, d’admirer le brio de vos confrères-écrivains ou avocats-artistes et enfin, de découvrir des personnalités très attachantes parfois bien camouflées derrière la barre.

Nous vous invitons à partager ces pages. Car notre magazine n’a de sens que s’il est aussi le vôtre.

Myriam Robert-CésarAlligators & Cie. s.a.

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SOMMAIRE - INHALT

Les avocats au cinéma (Suite) D Bruno Dayez

Quatre petits portraits DEL Francis Delpérée

Recht und Unrecht in der deutschen Philosophie DER Yves Derwahl

A chacun son histoire, son rythme…son espace-temps DO Denis Dobelstein

L’art-thérapie : ouvrir le rideau DR Véronique Drehsen

Visages d’avocats FE Benoît Feron

Le Marché - Pour un échange intelligent avec esprit GO Jean-Marc Gollier

L’amnistie sans repentir GRO Simon Gronowski

Plaisirs de la nature GU Emmanuel Gueulette

Burqua, Bhv, droit des groupes …..et l’Europe! LEO Serge Léonard

Le Temps et la Vérité LER Gérard Leroy

L’huissier / Liberté (Poésies) LE Luc Lethé

Les petites robes MA Christine Matray

Ne touchez pas à la musique PA Pierre Paulus de Châtelet

Don Qui ? PO Corinne Poncin

Le don des langues RI Pierre-Jean Richard

De quelques belles rencontres... RO Jacqueline Rousseaux

Sihouettes du Palais VAN B Louis Van Bunnen

Trop de rien ce n’est pas encore assez WA Jennifer Waldron

X Présentation de nos auteurs

Y Remerciements

Z A qui de droit...

Et, classés par ordre alphabétique du nom de leurs auteurs, les articles suivants :

PLUS DE 100 PAGES POUR MIEUX SE CONNAITRE !LE TEMPS D’UN RECIT ...

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SURPRISEUne Tombola sera à nouveau organisée pour nos auteurs en remerciement de leur aimable contribution au succès du magazine. Le premier prix pour ce numéro de la Rentrée en sera à nouveau un séjour de rêve ! Après Saint Pétersbourg, voici Paris... Deux nuits avec petits-déjeuners à L’HOTEL DE VENDOME, un joyau situé au cœur de Paris, ainsi qu’un dîner pour deux dans leur restaurant, le « 1 Place Vendôme », dernier refuge à la mode pour les amateurs de cuisine gastronomique et de design. (Voir annonce)

INVITATION à PARTICIPATIONdu « journal des avocats » et ainsi vous participerez à nos Tombola des Auteurs, dont le deuxième prix est une invitation pour un repas gastronomique au restaurant étoilé « La Truffe Noire » avec un budget plus que confortable. (Voir annonce)

PRIVILEGEUn avantage pour nos lecteurs !Profitez de l’offre formidable qui vous est réservée !Un partenariat « privilégié » avec le journal des avocats vous permet de vous abonner à L’Eventail à des conditions exceptionnelles. L’Eventail est un magazine, entièrement consacré au monde l’excellence, qui s’adresse à un lectorat cultivé, haut de gamme, grand amateur d’art et de culture, du rare et de l’élégant. Faites vous plaisir, abonnez-vous et/ou offrez à vos meilleurs clients des abonnements à L’Eventail. (Voir annonce).

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le journal des avocats

La start-upJ’ai découvert un truc infaillible pour empocher des milliards d’euros et prendre des participations majoritaires dans n’importe quelle société. J’ai décidé de partager mon secret avec vous, maintenant que ma fortune personnelle est assurée.

Étape N°1 :Trouvez quelqu’un en qui vous avez toute confiance. Ce sera votre partenaire. Votre femme est un bon choix, mais en l’absence d’une femme, Zorro votre pitbull personnel pourra faire l’affaire.

Étape N°2 :Créez votre société en ’point com’. La création d’une compagnie reposant sur des fondements très techniques et dirigée par un chef d’entreprise passionné et visionnaire sera un plus définitif. Un tuyau : vous pouvez encore choisir parmi les e- libres. Dans ce cas, sélectionnez votre nom de domaine.Si avec cette méthode vous trouvez que tous les bons mots sont déjà pris, prenez un dictionnaire d’une langue étrangère.

Étape N°3 :Faites-vous côter en bourse ! Émettez 1 000 000 000 actions. Gardez 999 999 999 parts pour vous même et vendez la dernière.

Étape N°4 :Faites acheter cette dernière action par votre partenaire au prix de 100 euros.

Étape N°5 :Faites la fête ! Vous êtes maintenant à la tête de 100 milliards d’euros. Vous pouvez passer chez l’esthéticienne car vous allez être la coqueluche des chaînes de télévision

Attention perroquet méchantUn facteur vient déposer une lettre recommandée dans un pavillon. Après avoir sonné en vain, il s’apprête à ouvrir la grille, quand il voit sur la porte un écriteau où l’on peut lire : ATTENTION PERROQUET MÉCHANT !Le facteur se dit qu’un perroquet ne peut pas être bien dangereux... Il ouvre la grille et entre. A ce moment-là, le perroquet, du haut de son perchoir, crie: Rex! Attaque!

et des magazines financiers pendant quelques mois.(Au fait, si vous n’avez pas compris comment vous êtes passé à la tête d’une compagnie qui vaut 100 milliards d’euros, alors fermez votre compte chez AOL et reprenez votre travail habituel dans l’économie classique : la net-économie n’est pas faite pour vous.)

Étape N°6 :Achetez la compagnie de votre choix en vendant votre milliard d’actions à 100 euros l’action. (Note : Évitez d’acheter des compagnies ayant été montées avec ce système.)

Étape N°7 :Prenez votre retraite. Vous avez travaillé dur, vous le méritez bien !

DÉNI DE RESPONSABILITÉ : Ce système peut ne pas fonctionner dans tous les cas et avec tout le monde. Il est préférable de consulter un avocat.

Tous en récré...

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La sagesse chinoise (bien connue) Les 5 préceptes de la sagesse chinoise destinés aux femmes :

1. Il est important de trouver un homme qui t’aide dans les tâches ménagères et les travaux pénibles, et qui ait un bon emploi.2. Il est important de trouver un homme d’esprit, ayant beaucoup d’humour, qui te fasse rire...3. Il est important que tu trouves un homme sur qui tu puisses compter, en qui tu aies confiance et qui ne te mente jamais.4. Il est important de trouver un homme qui soit bon au lit.5. Il est important que ces quatre hommes ne se connaissent pas

Vieux copainsTous les 10 ans des copains de classes se retrouvent pour passer une bonne soirée ensemble.Quand ils fêtent leurs 40 ans, ils se retrouvent et se demandent où passer cette soirée. Au début ils n’arrivent pas à se mettre d’accord du lieu mais l’un d’entre eux propose: « Allons au restaurant « Au Lion ». La serveuse est «chaude» et porte toujours un chemisier avec décolleté bien plongeant.»

Aussitôt dit, aussitôt fait

10 ans plus tard, pour leurs 50 ans ils se retrouvent à nouveau et se demandent où aller passer la soirée cette fois -ci. Au début ils n’arrivent pas à se mettre d’accord du lieu mais l’un d’entre eux dit: « Allons au restaurant « Au Lion », on y mange très bien et la carte de vins est formidable.»

Aussitôt dit, aussitôt fait

10 ans plus tard quand ils fêtent leurs 60 ans, ils se retrouvent à nouveau et se demandent comme d’habitude où aller passer la soirée. Au début ils n’arrivent pas à se mettre d’accord du lieu mais l’un d’entre eux dit: « Allons au restaurant « Au Lion ». Là, c’est calme et non-fumeur! »

Aussitôt dit, aussitôt fait

10 ans plus tard, pour leurs 70 ans donc, ils se retrouvent et se demandent où passer la soirée. Au début ils ne se mettent pas d’accord du lieu mais l’un d’eux propose: « Allons au restaurant « Au Lion », c’est bien adapté aux fauteuils roulants et il y a un ascenseur... ».

Aussitôt dit, aussitôt fait

Dernièrement ils fêtaient leurs 80 ans et se demandaient où passer la soirée ensemble. Au début ils n’arrivaient pas à se mettre d’accord du lieu mais l’un d’eux proposa: Allons au restaurant « Au Lion ».»

Un autre réplique: « Bonne idée, nous n’y sommes jamais allés ».

Singe et bananes Un singe rentre dans un bar et demande au barman:- Vous avez des bananes? - Non, on n’a pas de bananes.- Vous avez des bananes? - Non, on n’en a pas. - Vous avez des bananes?

- Non, t’es sourd ou quoi!! Si tu me demandes encore si j’ai des bananes je te cloue la langue au comptoir! - Vous avez des clous? - Non. - Vous avez des bananes?

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le journal des avocatsD

Il écrit comme il respire et voit la vie en mots. Il a rencontré des centaines de confrères et hanté les palais de justice depuis plusieurs décennies. Sa vision des gens de justice est à la

fois tendre et féroce, amicale et sans concession. Il ne s’épargne pas lui-même...

C’est que le métier d’avocat condamne tous ceux qui l’exercent à faire l’étalage d’eux-mêmes. Et donc l’exhibition de leurs défauts. Car nous sommes constamment

en représentation, livrés en pâture à l’adversaire, au tribunal, au public et aux médias. Même les plus secrets d’entre nous sont obligés de sortir de leur tanière pour plaider.

Un avocat qui ne plaide jamais, un avocat sans robe, n’est qu’un avatar de la profession.

(Voir au premier numéro du journal des avocats «Le barreau extraordinaire» livre bestiaire de Jérôme et Bruno Dayez où ce dernier se retrouve «mi-castor, mi-lapin»).

Les

au

par Bruno DAYEZ 

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le journal des avocats D

« A travers quelques oeuvres de fiction remarquables, centrées sur la figure d’un avocat, il s’agit de mieux comprendre les relations complexes que les avocats entretiennent avec la vérité. Notre bref tour d’horizon se poursuit et s’achève dans ce numéro par l’analyse de deux films très différents l’un de l’autre, mais qui valent chacun d’être vu toutes affaires cessantes ! »

Paru en juin dernier :Le septième art nous a livré quelques portraits d’avocats qui en disent long sur ce qui les fait agir, leurs motivations et leurs idéaux. Que l’on songe à Pierre Brasseur dans Les bonnes causes, à Paul Newman dans Le verdict, à Tom Cruise dans Des hommes d’honneur ou bien encore à Dirk Bogarde dans Pour l’exemple. Portraits contrastés, parfois caricaturaux, mais étonnamment vrais et tout à fait explicites: le spectateur moyen dispose là d’un échantillon représentatif, répondant par l’exemple à toutes ses questions d’usage sur ce qu’est un avocat, à quoi il sert, comment il peut défendre un assassin et s’il lui arrive de plaider un acquittement malgré qu’il sache son client coupable …

En y regardant de plus près, on s’aperçoit qu’il y a bien, dans toutes les œuvres ayant pour personnage central un avocat, une question essentielle : celle, si complexe et si controversée, du rapport spécifique que nous entretenons avec la vérité ? Les avocats sont-ils à son service  ? Ou, à l’inverse, leur est-elle complètement indifférente ? Au nom de quel intérêt supérieur s’arrogeraient-ils le droit de la travestir, de l’ignorer, de la bafouer ou de l’instrumentaliser ? Ce qui renvoie en fin de compte à la question fondamentale: quelle foi les avocats

ont-ils dans la justice ? Y croient-ils finalement si peu que ce soit ? Pour le dire autrement, si nous faisions chacun notre propre examen de conscience, pourrions-nous dire que nous y avons toujours cru, en la justice ? Ou bien, à l’inverse, jamais ? Ou bien la réponse sera-t-elle faite d’une infinité de nuances ?

Si l’on essayait de définir ce qui fait la commune appartenance des avocats, si divers soient-ils, à cette profession sans pareille, on pourrait dire qu’aucun d’eux, du plus vénal au plus désintéressé, du plus roublard au plus intègre, du plus brillant au plus besogneux, ne peut se dispenser de prendre attitude à l’égard de la vérité et de la justice. Aucun ne peut faire l’économie de ces deux questions. Quelle que soit leur idiosyncrasie, ils sont tous obligés de se compromettre.

Les avocats exercent un métier compromettant. Ils sont tenus de se positionner sans cesse vis-à-vis de la vérité comme de la justice, et comme l’idéal n’est pas de ce monde, ils devront forcément prendre quelques libertés avec l’une et l’autre. On peut l’exercer sans le moindre scrupule : le métier d’avocat n’en reste pas moins un métier authentiquement et profondément moral. Un métier en prise immédiate et constante avec des valeurs. Qu’on peut renier en pratique, sans doute, mais pas sans perdre son âme. Il y a quelques années, un débat télévisé a eu lieu sur le thème « Les avocats ont-ils une âme ? » La question demeurera toujours d’actualité. D’une certaine manière, il n’y en a pas d’autre. Le pire confrère comme le meilleur, à supposer qu’ils existent, partagent, pour faire bref, la charge de devoir faire avec leur conscience. C’est le lourd privilège des avocats, dont les exigences de la tâche les exposent

sans arrêt, pour les besoins de la cause, à la dissimulation, à la manipulation voire au mensonge. Comment donc assurer son salut en pareille immoralité ? La réponse en trois exemples.

LE MYSTERE VON BULOW de Barbet Schroeder (1990) présenté en juin dernier.

TEMOIN A CHARGE de Billy Wilder (1957)

Dans un tout autre registre, ce film, chef-d’œuvre d’humour british sur un scénario d’Agatha Christie, nous renvoie aux mêmes questions  : qu’est-ce qui motive un avocat à défendre une cause  ? Comment se caractérise la relation qu’il entretient avec son client ? Comment s’y prend-il pour organiser sa défense  ? A-t-il foi dans le système de justice dont il est officiellement l’un des auxiliaires ?

Dans ce cas-ci, le point de départ est exactement inverse  : Wilfrid Robarts, campé par un acteur extraordinaire, Charles Laughton, est convaincu de l’innocence de son client, Léonard Vole. Celui-ci est accusé d’avoir assassiné sa maîtresse, Mrs French, veuve fortunée qui vient de modifier son testament en sa faveur. Seul alibi de l’accusé  : son épouse, Christine Helm, qui peut témoigner du fait que Vole était rentré chez lui à l’heure du crime. L’avocat est au terme d’une brillantissime carrière. Il a tout vu, tout entendu, tout plaidé! Il fait une confiance énorme à son intuition. Son flair

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lui dit que Vole n’a pas commis les faits. Quand l’épouse de ce dernier veut témoigner à décharge, il l’en dissuade, car, étant une épouse aimante, elle ne fera pas le poids devant la Cour et ne convaincra pas les jurés. L’avocat se passera donc de son aide et comptera sur ses seules ressources pour démonter l’accusation. Mais son assurance n’était que présomption et le procès va lui jouer quelques tours …

En effet, Christine Helm est appelée à la barre des témoins par la partie publique et témoigne à charge de son mari. Robarts est complètement pris à rebours. Il a fait confiance à son savoir-faire, mais ce savoir-faire ne peut rien contre un témoignage aussi accablant qui va, de toute évidence, emporter la conviction des jurés. Le procès est perdu ! Robarts enrage parce qu’il ne sait rien faire d’autre que protester contre ce faux témoin qui va entraîner à coup sûr la condamnation de son client

innocent. Situation épouvantable que la sienne ! Etre impuissant face à l’injustice, devoir assister à la consécration judiciaire d’une erreur : c’est l’horreur ! Il est dorénavant le seul à savoir que Vole est innocent, mais il va échouer à lui épargner la potence. Cas de conscience tragique dont nous, qui n’avons pas connu la peine capitale, sommes en tous cas épargnés. Et malgré tout, qui ne s’est trouvé au moins une fois dans sa carrière dans la situation de sir Robarts : assister sans rien pouvoir faire à une condamnation que l’on sait intimement, au plus profond de soi, être injuste!

Heureusement, la fortune sourit en l’espèce à notre héros. Le soir même de l’audience, il est contacté par une femme de mauvaise vie qui lui vend des lettres écrites par Christine Helm à son amant, lettres dans lesquelles, à mots à peine voilés, elle fait part de son intention d’accuser injustement son

mari pour en être débarrassée. Le lendemain, nouveau retournement de situation  : Robarts n’a aucune peine à confondre le témoin, dont la fausseté des accusations éclate au grand jour. Triomphe attendu. Mais tout n’est pas parfait. « La partie est gagnée. Qu’y a-t-il ? » lui demande son coplaideur. «  C’est un peu trop gagné et trop symétrique. Voilà ce qu’il y a  », répond Robarts. «  Le verdict vous inquiète ? » questionne l’autre. «  Ce n’est pas leur opinion qui m’inquiète  », répond le grand maître,  «  mais la mienne  ». Suite du dialogue dans la même veine  : «  Vous avez été magnifique  ». « Nous avons eu bien de la chance ». «  Il avait un pied sur la potence et l’autre sur une peau de banane. Vous pouvez être fier, non  ?  ».« Pas encore. On a réglé la potence, mais la peau de banane est encore sous le pied de quelqu’un  ». Suite de répliques éloquente, renvoyant à cette évidence première  : l’avocat ne connaît pas la vérité et n’a

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aucun moyen de la connaître! Le client ne la lui doit pas, raison pour laquelle il sera prudent de ne pas la lui demander. Au mieux, quand il plaide l’acquittement, l’avocat sera persuadé de l’innocence de son client. Au pire, il fera valoir qu’un doute raisonnable subsiste.

La particularité de cette œuvre ne se découvre toutefois qu’avec la dernière scène, particulièrement haute en couleurs. Car Vole est bel et bien coupable ! Christine Helm a abusé tout le monde en fournissant elle-même à l’avocat de fausses lettres à un amant fictif permettant de révoquer son témoignage en doute et de sauver la mise à son mari par ce stratagème astucieux. Sir Robarts a donc eu tout faux. Il a fait acquitter un coupable, non pas par machiavélisme, mais bien contre son gré. Il a naïvement cru que son intuition était infaillible et s’est fait piéger par plus malin que lui. La morale de l’histoire est ainsi doublement ambiguë. D’une part, la justice en sort grandie, car l’acquittement s’imposait dans les circonstances de l’espèce, et en même temps discréditée, puisqu’elle s’est lourdement trompée en relaxant le coupable. D’autre part, le personnage de Robarts participe de la même ambivalence. Quand il apprend que Vole est coupable, il s’offusque moins du camouflet essuyé par la justice, proprement ridiculisée, que du fait d’avoir lui-même été trahi. Il souffre d’ailleurs moins de voir mal récompensée la confiance dont il créditait son client que de s’être abusé sur son compte. Simple blessure d’orgueil, alors que Robarts, vieux routier des assises, aurait dû savoir mieux que quiconque qu’aucun client n’est d’emblée digne de foi et qu’il ne doit s’en prendre qu’à lui-même de s’être laissé rouler. On comprend que Robarts considère sa propre déconvenue comme un échec, quoique, pour un

avocat, faire acquitter son client, fût-il coupable en vérité, ne saurait être qualifié d’échec. Mais, comme dans le film précédent, il faut toujours tenir compte de ce que j’appellerais l’élément moral, qui permet à l’avocat d’être en paix avec sa conscience, quels que soient les paradoxes de sa position.

AUTOPSIE D’UN MEURTRE d’Otto Preminger (1959)

James Stewart y campe l’avocat Biegler, en charge de défendre le sergent Manion, lequel admet avoir tué le tenancier d’un bar parce qu’il aurait violé sa femme.

Dans les deux cas précédents, la question de savoir si l’accusé avait commis les faits reprochés était au centre du débat. Ici, la matérialité des faits est établie. Le rôle de Biegler est dès lors de présenter les faits sous le jour le plus favorable. Une sorte de « voie fiscale la moins imposée » transposée au pénal. La situation est, somme toute, banale. Stewart se comporte dans le cas d’espèce de la meilleure manière possible. Il se borne à enseigner au client les rudiments de la loi pénale pour que celui-ci comprenne d’emblée «  dans quel jeu il joue  ». Stewart considère en effet le procès comme un tournoi dans lequel chaque partie joue avec les cartes que le hasard lui a distribuées. Il faut donc tirer le meilleur profit de ses atouts et concevoir une stratégie sans faille. A la différence de Dershowitz et de Robarts, Biegler ne se préoccupe jamais de la vérité, qu’il sait être au-dessus de ses moyens. Il se focalise immédiatement sur ce qui est à sa portée: le vraisemblable. Celui-ci lui suffit, et ce qui est assez bon pour lui doit pouvoir également faire l’affaire pour les jurés. Va donc, en l’espèce, pour la force irrésistible, argument

qu’il considère à première vue comme plausible.

Ce qui est remarquable dans la suite de l’œuvre, c’est la force de conviction avec laquelle Biegler va défendre son point de vue, alors qu’il ne peut pas ne pas savoir que ce point de vue a été choisi de manière assez arbitraire pour faire entrer les faits dans une catégorie légale. Tout se passe donc comme si, une fois le système de défense adopté, celui-ci se révélait au cours des débats de plus en plus crédible. Comme si l’avocat finissait par croire lui-même à la thèse qu’il a largement contribué à échafauder. Par un effet d’entraînement bien visible dans le film, Biegler donne l’impression d’être de plus en plus persuadé par son propre boniment. La folie passagère de Manion, largement suggérée pour les besoins de la cause, prend progressivement consistance au fil des audiences comme par l’effet d’un miracle. Or, les moyens dont dispose l’avocat tiennent de la panoplie du camelot  : il suggère à l’épouse du lieutenant d’ôter ses hauts talons et de mettre un chapeau pour avoir l’air moins provocant, et à l’expert psychiatre choisi par la défense de porter des lunettes pour faire plus sérieux! C’est de la manipulation. Il est par ailleurs prodigieusement drôle : autre manière de mettre le public, et donc le jury, dans sa poche. Il est enfin, et surtout, merveilleusement éloquent. C’est une question singulière de savoir si l’éloquence est un procédé, qui plus est un procédé déloyal. Peut-on le blâmer d’être brillant  ? Sans doute non. Mais le poids des mots est-il d’office plus justifiable que le choc des photos ? Autrement dit, comment admettre que la vérité judiciaire puisse se jouer, fût-ce en partie, sur le talent oratoire d’une partie à la cause  ? Retenons de l’exemple de Biegler qu’il n’est pas plus dépourvu d’âme que Robarts ni Dershowitz, mais qu’il s’est émancipé de l’insupportable

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contrainte d’être dans la vérité. S’il est avocat jusqu’au bout des ongles, c’est parce qu’il sait n’être pas au service de la vérité. Il se contente de soutenir une thèse crédible. Mais il se montrera d’une pugnacité à toute épreuve pour défendre cette version comme si elle était vraie. Il lui suffit de penser que ce qu’il dit n’est pas forcément faux pour faire preuve de la combativité nécessaire. C’est, sans doute, de toutes les figures d’avocat que le cinéma nous offre, l’une des plus pures, au sens où elle coïncide exactement avec ce que nous sommes supposés faire dans tous les cas, avec ce pour quoi nous sommes finalement institués. On peut admettre qu’il soit difficile pour les profanes d’accepter que nous jouions un rôle. Pourtant, sans jeu de mots, nous avons un rôle à jouer dans un système de justice conçu comme un échiquier où chaque pièce ne peut avancer ou reculer que d’une certaine façon. La partialité de l’avocat n’est pas le signe d’une perversion ; elle se déduit du fait qu’il est seul préposé à

défendre. Peut-on dire que Biegler triche  ? Son unique impératif est l’efficacité. Sa responsabilité propre, en tant qu’avocat, se résume à obtenir le meilleur résultat possible. Certes, il joue, mais dans le respect des règles du jeu !

«  Comment sait-on qu’un avocat ment  ? Ses lèvres bougent  », dit l’un des acteurs de L’idéaliste. «  La vérité est mon unique gagne-pain  », prétend Pierre Brasseur dans Les bonnes causes. A quoi Bourvil, juge d’instruction, lui répond  : «  Vous devez avoir des fins de mois difficiles  !  ». On ne compte plus les réparties amusantes sur les rapports alambiqués qu’entretient l’avocat avec la vérité, contraint d’une part à ne défendre que les causes justes et tenu d’autre part au secret, ce qui en fait aussitôt un menteur par omission. Mes chers confrères, si nous sommes en quête de vérité sur nous-mêmes, c’est dans les salles obscures que se fera la lumière !

Version abrégée et remaniée d’une conférence donnée aux barreaux de Bruxelles, Tournai, Nivelles, Mons, Charleroi, Verviers et Arlon à l’occasion de la parution du livre «Justice et cinéma» aux éditions Anthemis.

Bruno DAYEZ

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le journal des avocatsDEL

Francis Delpérée est professeur émérite de l’Université de Louvain.

Il est vice-président du Sénat.

Il est membre de l’Académie royale de Belgique et de l’Insti-tut de France. Auteur d’un traité sur Le droit constitutionnel de la Belgique (Bruylant et LGDJ, 2000), il a publié plusieurs ouvrages de droit public et administratif.

petitsportraits

par Francis DELPÉRÉE

Quatre

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le journal des avocats DEL

Il m’a été demandé d’écrire un article pour le Journal des avocats. Il est vrai que j’ai été avocat — il y a quarante-cinq ans — et que je bénéficie de l’honorariat depuis plus d’un tiers de siècle.

Le sujet est libre, m’a-t-on dit. Mais, attention, pas question de rédiger une étude juridique. La contribution doit se situer à distance du monde du droit et des juristes.

Comment répondre à une invitation aussi inhabituelle ? Pour remplir mes engagements, je voudrais égrener ici quelques souvenirs. Et dessiner, par la même occasion, quatre portraits.

Aussi loin que je m’en souvienne, il y a un personnage présent dans mon univers. Peut-être m’a-t-il fait naître, bien plus tard, à l’existence politique ? Il s’appelait Gaston Eyskens.

En 1949, je suis élève en seconde année primaire à l’école communale de la rue de Fexhe, sur les hauteurs de Liège. Accompagné d’un frère jumeau qui, par la force des choses, est dans la même classe que moi, je rentre de l’école à pied. Le long de la rue du Haut-Pré je découvre de premières affiches électorales. Je les déchiffre — c’est un exercice inédit de lecture appliquée…

L’une d’elles, en particulier, retient mon attention. Probablement parce qu’elle est rédigée en franco-wallon. Il est écrit : « Si vous avez des cennes (des sous), donnez-les à Eyskenne ». Manifestement le message rimé ne vient pas d’amis politiques mais de contribuables peu enclins à admirer l’efficacité du ministre des Finances.

Dans A la recherche du temps vécu, Mark Eyskens trace, par touches impressionnistes, un portrait émouvant de celui qu’il appelle successivement « Gaston Eyskens », « papa » ou « le père Eyskens ». Cette description intimiste me rappelle celui que je rencontrerai, vingt ans plus tard, dans la « salle des professeurs », au premier étage du Collège de Faucon, rue de Tirlemont, à Leuven.

Entre la signature du registre des présences et l’ouverture du cours du jour, de petites conversations pouvaient s’ébaucher. Elles n’allaient jamais très loin, car Gaston Eyskens n’était pas loquace — en tout cas, le verbe était mesuré — et la différence de générations était flagrante. Il était surtout plongé dans les questions d’économie politique qu’il se devait d’expliquer, quelques instants plus tard, aux étudiants flamands de la Faculté de droit.

J’ai retrouvé son fils Mark dans maintes autres occasions.

D’abord, lors des opérations qui conduisirent à « splitser » — l’horrible mot — les biens et les livres de la vénérable Université louvaniste. Quel déchirement !

Ensuite, lors de la courte expérience qu’il a vécue au Premier ministère, comme on dit dans les pays africains. L’on apprend, par ses mémoires, que, durant cette période, sa mère est venue à décéder. L’événement s’est produit en son absence — il est vrai que des menaces en tout genre assaillaient son gouvernement —. Il ne se pardonne pas cette attitude. La blessure n’est pas encore cicatrisée. Quel filial aveu !

Enfin, dans une suite innombrable de réunions, conférences, colloques où ce doué de la parole se démultiplie, en français ou en néerlandais. Par un curieux retournement de l’histoire, c’est à Louvain-la-Neuve, à la librairie Agora, que j’ai eu l’occasion de l’interroger, il y a quelques semaines, sur son dernier livre. Je garde un souvenir émerveillé de ce dialogue plein d’esprit et d’ironie sur un demi-siècle d’histoire de la Belgique. Quel homme et quel fils !

Gaston Eyskens

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La deuxième personnalité — je suis l’ordre chronologique — que je me permets de citer, c’est le roi Baudouin. Pas encore roi mais déjà prince, régent en réalité. On l’appelle, pour la circonstance, « prince royal ». En cette qualité, il se doit de prêter le serment constitutionnel — j’avais promis de ne pas traiter de questions de droit public mais on ne se refait pas impunément … —.

La scène se passe le 11 août 1950. Je suis accroché à un balcon d’un ministère de la rue Lambermont, à Bruxelles, pour voir passer celui qui assure, dans des circonstances délicates, la continuité de la fonction royale. Une image me frappe. Ce jour-là, nous sommes au lendemain immédiat de la question royale…, les gendarmes sont placés face à la foule, le fusil à la main, prêts à intervenir au moindre incident. L’année suivante — nous sommes le 17 juillet —, Baudouin prête une deuxième fois serment. Il devient ainsi le cinquième roi des Belges.

Il n’est point besoin de dire que j’ai eu l’occasion de le revoir dans d’autres circonstances, à des moments où il aimait échanger ses réflexions et dire ses inquiétudes sur l’avenir du pays ou se préoccuper, plus simplement, du fonctionnement de la société politique.

Sans découvrir la Couronne, je me permets de dire que les plus beaux séminaires de droit constitutionnel qu’il m’ait été donné de faire, ce fut en tête à tête avec le roi, au château de Laeken ou au palais de Bruxelles. Un homme attentif, vigilant, posant les bonnes questions, faisant part de ses propres réflexions, consignant dans

un petit carnet Atoma des remarques ou des références. Un homme à l’écoute des préoccupations ou des réflexions de son interlocuteur. Un homme animé par le sens éminent de l’Etat autant que par le service qu’il convenait d’apporter, en toute circonstance, aux plus faibles et aux plus démunis.

En janvier 1990, je suis interrogé par Baudouin Cartuyvels, sur les antennes de RTL-TVI. Mon collègue François Perin laisse entendre que le roi pourrait refuser de signer une loi dépénalisant partiellement l’avortement. « Est-ce possible, est-ce pensable ? », me demande l’interviewer. Je réponds du tac au tac. « Le roi n’a pas à avoir des états d’âme ». Et j’explique ce propos cinglant : « Lorsqu’il sanctionne la loi, le roi est le notaire de la Nation, selon l’expression connue. Il prend acte, ni plus ni moins, de l’aboutissement du processus législatif. Dans ces conditions, pourquoi s’inquiéter ? ».

Je me suis trompé. L’on connaît la suite de l’histoire. Mieux que d’autres, le roi Baudouin connaissait les contraintes constitutionnelles. Mais, trois mois plus tard, pour ne pas se trouver dans une situation où, contraint et forcé, il aurait dû apposer sa signature au bas du parchemin législatif, il se met dans l’impossibilité de régner.

J’y ai souvent pensé. Si mon intervention s’était adressée à un membre du gouvernement ou du Parlement, elle m’aurait sans doute valu, à raison de la forme et du fond, d’être classé à jamais sur une liste noire. Le roi Baudouin a montré plus de grandeur d’âme, c’est le cas de le dire. Il me l’a signifié, de manière symbolique, trois ans plus tard.

le roi Baudouin

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le journal des avocats DEL

J’arrive à l’Université de Louvain, après un détour par Saint-Louis. Comme tout un chacun, je suis les cours de Jean Dabin. Il est, pour nous, le « pape  » du droit. De quel droit ? Peu importe ! Droit privé et droit public, droit national et droit international s’organisent parfaitement dans le cerveau de l’illustre maître. Les personnes et les biens, les privilèges et les hypothèques, le droit international privé… Toutes matières au détour desquelles je ne m’attendais pas nécessairement à le rencontrer. La Doctrine générale de l’Etat m’aurait sans doute paru plus familière.

Il n’empêche. Ce pédagogue hors pair nous subjuguait par son talent, sa fougue, son esprit pénétrant, son sens critique, sa précision, les exemples et les gestes dont il émaillait un enseignement…

J’ai raconté ailleurs l’anecdote où je m’installe, à l’occasion d’un examen oral, de l’autre côté de la table, c’est-à-dire dans le fauteuil qui lui était assigné (Itinéraires d’un constitutionnaliste, Bruxelles, Bruylant, 2007, p. 99). Il me dit : « Ah, non, hein m’fi, ça c’est pour les vîs ». Que Jean Dabin ait eu la gentillesse de m’appeler « m’fi », ce qui, dans le wallon de Liège, est un terme particulièrement affectueux, m’a aussitôt rempli d’aise et m’a permis de retrouver rapidement mes esprits.

Un autre souvenir me revient. Jean Dabin habitait Heverlee, à l’avenue Vanden Bempt. J’avais moi-même, tout comme mon frère jumeau qui m’accompagnait dans les études de droit, un « kot » — le terme est intraduisible — dans la même commune limitrophe de Leuven. Les jours de pluie, il nous arrivait de prendre un bus pour quitter le centre ville et rejoindre la banlieue. Départ au pied de la collégiale Saint-Pierre. Premier arrêt, près de la rue Kraeken, en face de l’immeuble où habitait le père Eyskens.

Jean Dabin pénètre dans l’autobus. Nous étions installés sur la banquette arrière. Nous nous levons aussitôt et d’un signe discret de la tête, nous marquons notre respect pour l’illustre voyageur. Nous nous rasseyons lorsque lui-même a trouvé place assise. Il va sans dire que nous ne nous autorisions pas à lui adresser la moindre parole…

Jean Dabin

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Raoul Hayoit de Termicourt est procureur général près la Cour de cassation. L’enfant de chœur que je suis avait appris à reconnaître sa haute silhouette, son visage à la Greco, sa démarche mesurée. Il présidait la fabrique de l’église de la Trinité, à Ixelles, au bout de la rue du Bailli. Inutile de le préciser : c’était un personnage impressionnant.

Un jour, je suis chargé par mon père de lui remettre en mains propres un pli confidentiel. Il habite à quelques pas de là, au coin de la rue Washington. Il reçoit le petit étudiant en droit que je suis dans son bureau. Il m’interroge aussitôt sur les études à Louvain. Il me fait l’éloge, que je ne saurais contester, de Jean Dabin... Il me demande quels sont mes projets professionnels. Sans vouloir trop dévoiler mes batteries, j’opte pour une réponse sage : avocat…

Soudain, il me demande s’il peut m’offrir quelque chose à boire. La politesse commande sans doute, d’abord, de refuser. Il insiste. La politesse commande sans doute, alors, de ne plus refuser. Il me verse puis se verse quelques gouttes d’armagnac dans un petit verre de forme triangulaire. La conversation se poursuit. Il ne touche pas au digestif qu’il s’est alloué. Nouvelle forme de politesse. Je ne vais pas saisir mon verre et le vider comme l’on boirait une chope. L’entretien se termine peu après. Je me lève et le salue. Je pense de temps à autre à ce délicieux breuvage dont je vois encore la couleur sans avoir pu en déceler le goût… Mais il est vrai que je buvais ses paroles.

J’ai appris plus tard le rôle éminent que Raoul Hayoit de Termicourt avait pu jouer au début de la seconde

guerre mondiale. La consultation qu’il rend avec Devèze, Pholien et Tschoffen est un modèle du genre. J’y ai consacré une analyse juridique dans l’ouvrage-portrait que Françoise Carton a consacré à son grand-père, l’ancien premier ministre Joseph Pholien — autre membre, soit dit en passant, de la fabrique d’église de la Trinité —. Je m’autorise à dire que, le 25 mai 1940, l’éminent magistrat a sauvé la Belgique, la Constitution et la monarchie . Qui dit mieux ?

La petite liste de ces personnalités aurait pu s’allonger sans difficulté.

J’aurais pu citer mes professeurs, mes assistants, certains de mes étudiants, mes collaborateurs d’aujourd’hui. J’aurais pu mentionner des membres de ma famille, des amis ou des voisins.

J’aurais pu… Mais une galerie de portraits miniatures n’est pas un carnet d’adresses. Il m’a semblé plus utile de choisir des personnes que chacun connaît.

Tous figurent, en tout cas, dans mon panthéon personnel.

Francis Delpérée

Raoul Hayoit de

Termicourt

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Saviez-vous qu’il y a 15 Restos du Coeur en Belgique ?

Les 15 Restos du Coeur en Belgique

Arlon, rue Godfroid Kurth, 2 à 6700 Arlon Tél. : 063/21 61 65 Charleroi, rue du Fort, 80 à 6000 Charleroi Tél. : 071/32 11 72 Gembloux, rue de Mazy, 4 à 5030 Gembloux Tél. : 0499/14 68 10 Laeken, rue Stéphanie, 27 à 1020 Laeken, Tél. : 02/420 60 87 Liège, rue Raymond Geenen, 9 à 4020 Liège, Tél. : 04/344 08 00 Maldegem, Gasmeterstraat, 6 à 9990 Maldegem, Tel. : 0497/73 96 11 Marche, rue de Luxembourg, 59 à 6900 Marche, Tel. : 084/31 59 67 Mons, Sentier Malaquin, 2B à 7000 Mons, Tél. :065/34 63 77

Mouscron, rue Saint Pierre, 32 à 7700 Mouscron, Tél. :056/34 74 48 Namur, rue d’Arquet, 3-5 à 5000 Namur, Tél. : 081/22 53 23 Ostende, Lijndraaierstraat, 52 à 8400 Oostende, Tél. : 059/50 08 37 Quiévrain, rue Grande, 66 à 7380 Quiévrain, Tél : 0474/48 35 81 St Gilles, rue de Bosniestraat, 22 à 1060 St Gilles, Tél. : 02/538 92 76 Verviers, Place de l’Abattoir, 10 à 4800 Verviers, Tél. : 087/33 63 63 Wavre, rue Lambert Fortune, 33 à 1300 Wavre, Tél. : 0477/89 82 18

www.restosducoeur.be

Fédération des Restos du Coeur de Belgique • Rue Vinâve, 4 - 4030 Grivegnée • Tél. : 04/247 15 71 • Mail: [email protected]° de compte : BIC GEBABEBB / IBAN BE 44 240-0333333–45 • Présidente : Yvonne L’HOEST - 0496/95.40.86

NOUS COMPTONS SUR VOUS !

Du Nord au Sud, ouverts toute l’année, nos Restos offrent un espace accueillant et convivial visant à répondre aux besoins alimentaires des personnes en situation de précarité. Ils s’efforcent également de rencontrer l’ensemble des problèmes sociaux et d’y trouver des remédiations appropriées. L’action menée est, autant que possible, d’ordre préventif. Chaque resto du coeur est une ASBL indépendante, membre de la Fédération des Restos du Coeur de Belgique. Tous se sont engagés à suivre la “Charte des Restos du Coeur de Belgique” dans le respect des règles de Coeur et d’Esprit initiées par Coluche.

Les Restos du Coeur ne peuvent fonctionner que grâce à la générosité de donateurs particuliers ou d’entreprises.

Si vous voulez soutenir notre action, tout don, si minime soit-il, est important pour nous.

Nous rappelons que tout don de minimum 30 e/an est déductible fiscalement.

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Yves Derwahl est avocat au barreau d’Eupen, assistant en Droit constitutionnel aux F.U.N.D.P. et président du Conseil supérieur de l’audiovisuel de la Communauté germanophone.

par Yves DERWAHL

Recht und

in der deutschen

Philosophie

Unrecht

« Geteiltes Unrecht ist halbes Recht. » Friedrich NIETZSCHE, Also sprach Zarathustra. Ein Buch für Alle und Keinen.

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Was geschieht zu Recht? Was ist ungerecht? Und was versteht man unter Gerechtigkeit?

Keine andere Frage ist so leidenschaftlich erörtert, für keine andere Frage so viel kostbares Blut, so viel bittere Tränen vergossen worden, über keine andere Frage haben die erlauchtesten Geister – von Platon bis Kant – so tief gegrübelt. Und doch ist diese Frage heute so unbeantwortet wie eh und je. Vielleicht, so meint zumindest Hans KELSEN „weil es eine jener Fragen ist, für die die resignierte Weisheit gilt, dass der Mensch nie eine endgültige Antwort findet, sondern nur suchen kann, besser zu fragen.“

Als Standardwerk in Bezug auf die Gerechtigkeitstheorie gilt allgemein John RAWLS’ „Theory of Justice“. HOBBES und ROUSSEAU waren sich bereits einig, dass „der Mensch von Natur aus gut ist“. Es mag überraschen, dass neben den griechischen Klassikern und den Weggefährten der französischen Revolution eben auch im „Land der Dichter und Denker“ kontrovers über den (Un-)Rechtsbegriff debattiert wurde.

Für den Königsberger Philosophen KANT (1724-1804) existiert ein kategorialer Unterschied zwischen „Sein und Sollen“, weshalb aus der empirisch gegebenen Natur des Menschen (seinem Sein) keine rechtlichen oder moralischen Gebote (also ein Sollen) folgen könnten. Im Unterschied zum Naturrecht ist das Recht hier vielmehr aus der (praktischen) Vernunft heraus zu erkennen.

Kant wurde vor allem wegen seines kategorischen Imperativs berühmt, aus dem im Volksmund „Was Du nicht willst, das man Dir tu, das füge keinem andern zu!“ wurde. Doch da aus dem Geburts- und Sterbeort Kants (Königsberg) inzwischen das russische Kaliningrad wurde, stellt sich natürlich die Frage, ob Kant überhaupt als «deutscher Philosoph» bezeichnet werden kann…

Der phänomenale Geist und spätere Rektor der Berliner Universität HEGEL1 (1770-1831) kann mit dessen kategorischem Imperativ eh nicht viel anfangen. Er hält ihn für inhaltslos, da sich mit ihm alles und nichts begründen lasse: Alles, wenn man bestimmte Voraussetzungen mache, Nichts, wenn man diese nicht mache. So sei es selbstverständlich ein Widerspruch, zu stehlen, wenn Eigentum bestehen solle; werde diese Voraussetzung nicht gemacht, so sei Stehlen nicht widersprüchlich: „Dass kein Eigentum stattfindet, enthält für sich ebenso wenig einen Widerspruch, als dass dieses

oder jenes einzelne Volk nicht existiere oder dass überhaupt keine Menschen leben.“

Die Entscheidung über das, was konkret gelten solle, fällt laut Hegel in das subjektive Gewissen. Dieses hat jedoch keine festen Bestimmungen, da diese erst auf dem Standpunkt der Sittlichkeit gegeben werden können. Nur das wahre Gewissen, als Einheit von subjektivem Wissen und objektiver Norm, achtet Hegel als „Heiligtum, welches anzutasten Frevel wäre“. Das Gewissen muss dem Urteil unterworfen werden, „ob es wahrhaft ist oder nicht“.

Das Böse ist für Hegel das rein subjektive Gewissen, in dem sich der eigene, partikulare Wille zum Prinzip des Handelns macht. Es stellt eine Zwischenform zwischen Natürlichkeit und Geistigkeit dar. Einerseits ist das Böse nicht mehr Natur; denn der bloß natürliche Wille ist „nicht gut noch böse“ , da er noch nicht in sich reflektiert ist. Andererseits ist das Böse auch kein Akt wahrer Geistigkeit, da der böse Wille die natürlichen Triebe und Neigungen mit aller Kraft der Subjektivität festhält: „Der Mensch ist daher zugleich sowohl an sich oder von Natur als durch seine Reflexion in sich böse, so dass weder die Natur als solche, d. i. wenn sie nicht Natürlichkeit des in ihrem

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besonderen Inhalte bleibenden Willens wäre, noch die in sich gehende Reflexion, das Erkennen überhaupt, wenn es sich nicht in jenem Gegensatz hielte, für sich das Böse ist“.

Mit dem Bösen hat eine andere Philosophin so ihre Erfahrungen gemacht: die Jüdin Hannah ARENDT2 (1906-1975), die im Dritten Reich acht Tage lang in Gestapo-Haft saß, bevor sie ins Exil flüchtete. Ihr gesamtes Leben hat sie mit der Erforschung von Totalitarismen und den damit verbundenen Unrechtsstaaten verbracht.

Nach dem Zweiten Weltkrieg prägte Arendt den Begriff der „Banalität des Bösen“ in Bezug auf den Prozess des NS-Schlächters Adolf Eichmann „als ein Phänomen, das zu übersehen unmöglich war. Außer einer ganz ungewöhnlichen Beflissenheit, alles zu tun, was seinem Fortkommen dienlich sein konnte, hatte er überhaupt keine Motive.“ Niemals hätte er (Eichmann) seinen Vorgesetzten umgebracht. Er sei nicht dumm gewesen, sondern „schier gedankenlos.“ Dies habe ihn prädestiniert, zu einem der größten Verbrecher seiner Zeit zu werden. Dies sei „banal“, vielleicht sogar „komisch.“ Man könne ihm beim besten Willen keine teuflisch-dämonische Tiefe abgewinnen. Trotzdem sei er nicht alltäglich. „Dass eine solche Realitätsferne und Gedankenlosigkeit in einem mehr Unheil anrichten können als alle die dem Menschen innewohnenden bösen Triebe zusammengenommen, das war in der Tat die Lektion, die man in Jerusalem lernen konnte. Aber es war eine Lektion und weder eine Erklärung des Phänomens noch eine Theorie darüber.“

Das Böse betrachtet Arendt als ein Phänomen mangelnder Urteilskraft. Der Mensch ist – auch im Verbrechen – immer auf andere bezogen, entwickelt einen Willen, der mit dem Willen anderer konfrontiert wird und muss seine Taten reflektieren, sonst wird er zum Getriebenen. In ihrer postum veröffentlichten 1965 gehaltenen Vorlesung: „Über das Böse“ beschäftigt sich Arendt mit einer facettenreichen Definition des Bösen, die das Besondere des Nationalsozialismus mit seinen Vernichtungslagern wie auch das „universal Böse“ Kants umfasst.

Eine besondere Beziehung pflegte Arendt seltsamerweise zu Martin HEIDEGGER (1889-1976), der wie sein Zeitgenosse Carl SCHMITT (1888-1985) auch heute noch als großer Geist verehrt wird, obschon beide mit der nationalsozialistischen Bewegung – um es milde auszudrücken- sympathisierten. Schmitt wurde gar zu Hitlers „Kronjurist“ ernannt, das bekennende antisemitische NSDAP - Mitglied Heidegger hat es bis an

sein Lebensende unterlassen, sich von den Gräueltaten der Nazis zu distanzieren.

Über beider Rechts- und Unrechtstheorien könnte man seitenlang berichten, doch erscheint uns aufgrund der Nähe zum nationalsozialistischen Gedankengut eine Rückkehr zu HEGEL und dessen „Grundlinien der Philosophie des Rechts“ interessanter.

Das konstituierende Prinzip naturrechtlicher Normen ist nach Ansicht Hegels der freie Wille. Der Wille kann nur dann frei sein, wenn er sich selbst zum Inhalt hat: Erst „der freie Wille, der den freien Willen will“, ist wahrhaft autonom, da in ihm der Inhalt durch das Denken gesetzt ist. Dieser Wille bezieht sich auf nichts Fremdes mehr; er ist zugleich subjektiv und objektiv. Das Recht ist nach Hegel identisch mit dem freien Willen. Es ist daher keine Schranke der Freiheit, sondern deren Vollendung. Die Negation der Willkür durch das Recht ist in Wahrheit eine Befreiung. Hegel kritisiert in diesem Zusammenhang die Rechtsauffassung Rousseaus und Kants, die das Recht als etwas Sekundäres gedeutet hatten und macht diese „Seichtigkeit der Gedanken“ für die Schrecken der Französischen Revolution mit verantwortlich.

Im Anschluss an Kant vertritt Hegel eine „absolute“ Straftheorie: Gestraft wird, weil ein Unrecht geschehen ist und nicht damit nicht weiteres Unrecht geschehe. Hegel begründet seinen Ansatz mit der Notwendigkeit der Restitution des verletzten Rechts. Verletztes Recht muss wiederhergestellt werden, denn sonst wäre das Recht aufgehoben und statt seiner würde das Verbrechen gelten. Die erforderliche Wiederherstellung des verletzten Rechts kann nur durch Negation seiner Verletzung, die Strafe, erfolgen.

Die Wiederherstellung des Rechts durch die Strafe ist nichts, das bloß gegen den Willen des Verbrechers geschehen würde. Der vom Verbrecher verletzte an sich seiende Wille ist auch sein eigener, vernünftiger Wille: „Die Verletzung, die dem Verbrecher widerfährt, ist nicht nur an sich gerecht – als gerecht ist sie zugleich sein an sich seiender Wille, ein Dasein seiner Freiheit, sein Recht“.

Hegel unterscheidet zwischen einem an sich seienden, allgemeinen Rechtswillen und dem für sich seienden, subjektiven Willen. Diese beiden Willen können in einem Gegensatz zueinander stehen, was einen Bruch des Rechts zur Folge hat. Zur Vermittlung ihres Gegensatzes ist ein „moralischer Wille“ erforderlich, der beide Willensformen miteinander vermittelt.

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In FICHTEs3 (1762-1840) „Grundlagen des Naturrechts nach Prinzipien der Wissenschaftslehre“ wird die Beziehung zwischen dem Selbstbewusstsein und – sozusagen – der Welt präzisiert. Das Bewusstsein kann sich nur als frei handelndes Wesen begreifen, wenn es „den Begriff eines frei handelnden Wesens auf sich anwenden kann.“ Das kann es nur, wenn andere das Selbstbewusstsein auffordern etwas zu tun und gleichzeitig die Freiheit eingestehen, dieser Aufforderung nicht nachzukommen. Da dieser Vorgang in beide Richtungen verfährt, folgt, dass das Sein des Selbstbewusstseins von der Anerkennung der Freiheit anderer abhängt. Fichte versteht sich nicht auf das Moralgesetz als die bindende Kraft des Rechts, sondern das Eigeninteresse des selbstbewussten Ichs. Ein Rechtsverhältnis entsteht demnach aufgrund der bloßen Existenz eines „Nicht-Ichs“.

Auch Fichte definiert, wie so mancher Philosoph vor ihm, den Staat als Ausdruck des absoluten Willens, dessen Absicht es ist, die Freiheit und Rechte seiner Bürger zu garantieren. Laut Fichte kann nur der Staat Rechtsverhältnisse zwischen sich und den Bürgern bzw. unter den Bürgern schaffen und dabei Beschränkungen seiner Bürger zugunsten eigener materieller Zwecke vornehmen.

Da die sogenannte „Radbruchsche Formel“ mehrfach von der bundesdeutschen höchstrichterlichen Rechtsprechung angewandt wurde, gilt RADBRUCHs (1878-1949) Aufsatz „Gesetzliches Unrecht und übergesetzliches Recht“, der diese These erstmals enthielt, manchen gar als die einflussreichste rechtsphilosophische Schrift des 20. Jahrhunderts.

Dieser These zufolge hat sich ein Richter im Konflikt zwischen dem positiven (gesetzten) Recht und der Gerechtigkeit immer dann und nur dann gegen das Gesetz und für die materielle Gerechtigkeit zu entscheiden, wenn das fragliche Gesetz entweder als „unerträglich ungerecht“ anzusehen ist oder das Gesetz die – Radbruch zufolge – im Begriff des Rechts

grundsätzlich angelegte Gleichheit aller Menschen aus Sicht des Interpreten „bewusst verleugnet“.

Der noch lebende Denker Jürgen HABERMAS4 (1929-heute) hat in Bezug auf das Recht in seiner „Theorie des kommunikativen Handelns“ die so genannte „Diskurstheorie“ entwickelt. Kernstück der Diskurstheorie ist die sogenannte „ideale Sprechsituation“, in der alle Beteiligten ausschließlich sachlich orientiert und gleichberechtigt miteinander kommunizieren, um auf diese Weise zu einem gemeinsamen, von allen getragenen Ergebnis zu gelangen, das für alle gleichermaßen „gilt“, weil es in einem bestimmten Verfahren – dem Diskurs – erarbeitet worden ist, bei dem keiner benachteiligt wurde und in dem nur sachliche Argumente zählten. Der Geltungsgrund des Rechts liegt demnach im Konsens der Beteiligten aufgrund eines Diskurses.

Die Entscheidungsfindung per Konsens herrscht heute innerhalb nahezu jeder westlichen Regierung vor. Die Regel ist nicht etwa eine demokratische Abstimmung oder gar die Einstimmigkeit, sondern die Tatsache, dass alle Beteiligten später „nach außen“ die „innen getroffene“ Entscheidung verkaufen; oder wie der damalige französische Minister CHEVÉNEMENT es ausdrücken würde: „Un ministre, ça ferme sa gueule, si ça veut l’ouvrir, ça démissionne.“

Yves Derwahl

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3 mots faire passer a apres

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Avocat au barreau de Bruxelles

20 ans déjà

Se bat pour prendre régulièrement un peu de recul

Une juste distance aide à rester fidèle

par Denis DOBBELSTEIN

A chacun

son histoire,son rythme…

son espace-temps

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Avocat au barreau de Bruxelles

20 ans déjà

Se bat pour prendre régulièrement un peu de recul

Une juste distance aide à rester fidèle

Il y a quelques années, un slogan publicitaire invitait à arrêter le temps : Le temps d’une Stella. Le rêve !

Malheureusement, à ce jour, aucune découverte ne permet de remettre en cause le caractère irréversible du temps. Pas même la théorie de la relativité énoncée par Albert Einstein.

Je me souviens de quelques drames domestiques, lorsque mes enfants étaient très jeunes. Si l’un précédait l’autre pour entrer dans la maison, le second se plaignait amèrement de n’avoir pas été le premier. J’avais beau proposer à tout le monde de sortir pour entrer à nouveau, dans l’ordre inverse cette fois, rien

n’y faisait. Pour consoler le chagrin, il aurait fallu rebobiner le film.

Il y a un âge où l’on n’a pas encore intégré le caractère irréversible du temps. Certains ne l’intègrent jamais vraiment et cela ne va pas sans poser problème.

Or, le temps est bel et bien englobant et nul ne peut échapper à la temporalité. Il faut composer avec cette réalité. L’homme croit s’approprier le temps en le mesurant.

Mais l’ambition de l’horloge est tellement limitée. Elle transforme une énergie potentielle en énergie

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M le journal des avocats

cynét ique, réglant régu-

lièrement le débit de cette dernière.

Or, la mesure cache la chose mesurée. La mesure

chronologique abstraite recouvre totalement, de manière approximative ou

complètement fausse les temps réels, qui sont incommensurables car discontinus, irréguliers et

non-homogènes.

En termes moins rébarbatifs, on pourrait dire que nous sommes tous écartelés entre d’une part le temps abstrait et mesuré, et d’autre part le temps réel, celui de la vie, qui est lui-même à la fois objectif et subjectif.

Les physiciens sont très forts pour parler du temps objectif. Même si les problématiques qu’ils analysent sont peu engageantes pour des juristes, les enseignements fondamentaux des sciences exactes sont éclairants pour le temps de nos relations sociales aussi.

La physique actuelle reconnaît le temps irréversible des évolutions vers l’équilibre, le temps rythmé des structures dont la pulsion se nourrit du monde qui les traverse, le temps bifurquant des évolutions par instabilité et amplification des fluctuations, ainsi que le temps microscopique qui manifeste l’indétermination des évolutions physiques microscopiques .

En résumé, le propos des physiciens permet de mettre en évidence ces dimensions fondamentales du temps : Déroulement irréversible – Rythmes – Evolutions – Indétermination.

Au quotidien, le temps se décline plutôt sur le mode des rythmes.

Il y a les rythmes du corps, de la veille et du sommeil, de la faim et de la soif ; les rythmes du cœur. Les rythmes de travail et de loisirs. Le rythme des saisons. Celui des villes et celui des campagnes. Le rythme des gens du nord, des gens du sud…

Irréversible, rythmé, le temps de la vie des hommes s’accumule ; il s’étoffe et forme une histoire. Les événements se superposent comme des couches de sédiments et forment le terreau de nos attitudes présentes et de nos projets.

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le journal des avocats DO

Chaque rencontre inter-personnelle implique la confrontation de deux histoires. Il y a même une disproportion incommensurable entre la richesse de l’histoire des personnes qui se rencontrent et la brièveté de la rencontre même.

L’histoire de l’autre est plus ou moins, mais toujours très largement inconnue de soi. On ne peut prétendre l’embrasser tout entière avant d’oser la rencontre. Mais si l’on ignore purement et simplement la dimension historique du dialogue qui se noue, tous les échecs sont possibles, même les plus absurdes.

La vie sociale exige que l’on canalise le temps, qu’on l’uniformise, quitte à forcer la cadence ou au contraire contraindre à la patience.

Voilà qui nous oblige définitivement à articuler les dimensions du temps : irréversible, rythmé, et cumulatif pour chacun, le temps personnel est confronté au temps de la cité.

Le temps social est constitué de deux pôles : le pardon, entendu au sens large, comme capacité de la société à solder le passé (dépasser le passé en le posant, en le libérant, en brisant le cycle sans fin de la vengeance et du ressentiment) ainsi que la promesse, entendue au sens large, comme capacité de la société à créditer l’avenir .

Si nous n’étions pardonnés, délivrés des conséquences de ce que nous avons fait, notre capacité d’agir serait comme enfermée dans un acte unique dont nous ne pourrions jamais nous relever .

Enfin, il nous faut composer sans cesse avec l’urgence : celle qu’imposent les échéances objectives, mais aussi celle qui s’est nourri de fantasmes et qui a grossi artificiellement. Peu importe. Il nous faut bel et bien composer avec l’urgence, quelle qu’elle soit.

L’urgence me rappelle cette petite fable, ouverte à toutes les interprétations. Une histoire intemporelle pour évoquer le temps.

Le diable convoque trois diablotins et leur pose cette question :

- « Quelle stratégie pourrions-nous appliquer pour détourner les hommes du bonheur ? »

Le premier diablotin suggère cette piste :

- « Je voudrais faire croire aux hommes que le paradis n’existe pas. Ainsi, ils n’auront aucune raison de chercher à améliorer leur condition. »

Le diable sourit et dit :

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M le journal des avocats

- L’idée est intéressante, mais elle ne sera pas efficace. Les hommes ont déjà vu tellement de belles choses sur terre qu’ils devinent qu’il existe un paradis. »

Le deuxième propose à son tour :

- « Je voudrais faire croire aux hommes que l’enfer n’existe pas. Ainsi, ils n’auront aucune raison de redouter les conséquences de leur actes. »

Le diable sourit et dit :

- L’idée est intéressante, mais elle ne sera pas efficace. Les hommes ont déjà vu tellement de misère sur terre qu’ils devinent qu’il existe un enfer. »

Enfin, le troisième diablotin parle :

- Je leur dirai qu’il est tout à fait indiqué de chercher à améliorer leur sort, de promouvoir la justice sociale et la solidarité. Mais je leur dirai aussi que tout cela n’est pas urgent. »

Alors le diable déclara satisfait :

- Voilà qui est parfait. Si les hommes croient que rien n’est urgent, ils ne bougeront pas.

Denis DOBBELSTEIN

W. Grossin, Pour une science des temps, Introduction à l’écologie temporelle, Octares, Toulouse, France, 1996.I. Prigogine et I. Stengers, La nouvelle alliance, Gallimard, Paris, 1979.F. Ost, Mémoire et pardon, promesse et remise en question. La déclinaison éthique des temps juridiques, in Le temps et le droit, Actes du 4è Congrès international de l’Association internationale de méthodologie juridique, Yvon Blais, Québec, 1996.H. Arendt, Condition de l’homme moderne, Paris, 1983, p. 302-303.

Page 31: journal des avocats - N°2

L’Eventail est un magazine entièrement consacré au monde de l’excellence.

Il s’adresse à un lectorat cultivé, grand amateur d’art et de culture, de l’exceptionnel et de l’élégant.

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le journal des avocatsDR

En 1985, sa licence de droit en poche, Véronique Drehsen ouvre son cabinet d’avocat et se spécialise dans le droit des assurances.

Féminine jusqu’au bout des doigts, elle jongle entre ses trois enfants et sa carrière... Un terme qui la ferait sans doute hurler de rire car, pour elle, réussir sa vie est un art à la fois difficile et léger qui s’exerce au quotidien, une philosophie positive qu’elle a acquise au gré de ses expériences et qu’elle partage avec générosité.

par Véronique DREHSEN

l’Art

Ouvrir le rideau

Thérapie

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le journal des avocats DR

Je referme le dossier où j’ai mis un point final à mon projet de conclusions, et je reprends mon stylo, bien décidée à m’accorder une récréation avant d’ouvrir un autre cadeau de la pile de « 747 » qui tangue au gré de mes courages…

Une fine pluie de juin ruisselle, sans interruption depuis le matin, sur l’îlot de verdure que j’aperçois depuis mon bureau… Mon rayon de soleil « perso » sera donc le temps joyeux que je vais m’accorder en revenant vers vous. Si vous êtes toujours en train de me lire, c’est que vous êtes impatient d’en savoir plus sur l’art-thérapie !!

Je vous sens trépigner devant mes atermoiements qui n’ont d’autre objectif qu’officiellement, d’aiguiser votre curiosité et, officieusement, de retarder l’exercice difficile

consistant à partager sa connaissance sans pontifier !

Bon, j’y viens… plus de manœuvres dilatoires…

Et donc, l’art-thérapie, quid ?L’art-thérapie est une approche psychologique (si, si !) qui utilise la spontanéité de la création réalisée au moyen de différents médias proposés en atelier par le thérapeute : argile, dessin (ma préférence : les yeux fermés), peinture (là, on peut regarder pour éviter d’en mettre partout !), collages, contes (j’en tiens un en réserve pour vous seuls, celui que j’ai été invitée à concocter dans le cadre d’un des modules de ma formation « Jung et les contes en psychanalyse »)…

«L’avocat évolue» - technique mixte ( pastel sec - pastel gras - collage)

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le journal des avocatsDR

L’art-thérapie est une méthode qui s’applique dans un cadre suffisamment sécurisé et bienveillant que pour autoriser l’expression de soi.

Et vous vous souviendrez (mais si, je vous l’ai déjà dit !) que le premier garant de cette sécurité est le non-jugement, évidemment du thérapeute accompagnant mais surtout non-jugement de la personne qui crée au regard de sa propre création.

Ce sont des projections de soi qui sont exprimées à travers l’œuvre, et il est essentiel de les interroger sans les enfermer, et de les laisser s’exprimer sans autocritique et jugement – souvent sévère – envers soi-même.

Cette expression est aussi cadrée, « encadrée », par le questionnement non intrusif du thérapeute et c’est donc un des moments de la séance où l’on utilise l’expression verbale après avoir créé…

L’art-thérapie produit toute son efficacité à plusieurs niveaux :

• Le premier bénéfice, d’ordre ludique, est qu’ellepermet de revenir à la créativité première qui existe chez tous, mais qui est souvent oubliée car étouffée par l’habitude des raisonnements analytiques quotidiens : en bref, on s’amuse !

• D’autre part, l’art-thérapie favorise une formed’expression non-verbale qui entraîne le relâchement apaisant du mental, si souvent sollicité ; en bref, on se détend !

Autre bénéfice, les projections exprimées par la création relèvent de la symbolique personnelle (on dessine spontanément un arbre ou un soleil par exemple) ; cette approche métaphorique facilite l’expression de soi en raison même de la mise à distance que l’œuvre créée permet : ainsi, « je » parle du choix de l’arbre dessiné, de ce qu’il m’évoque, de l’émotion éventuellement suscitée mais « je » ne suis pas l’arbre…

Enfin, la création guidée par un spécialiste formé à la thérapie permet la voie d’accès à la réserve énorme des ressources de notre inconscient, et enclenche un processus d’auto-transformation à travers les œuvres ou créations pour donner un sens constructif à ses questionnements.

Et tout cela, je vous le rappelle, en s’amusant ! Il est intéressant de relever que selon la définition supposée savante du « Petit Robert », divertir est également synonyme de « détourner » (du dur labeur ?) mais

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le journal des avocats DR

« L’émotion « 1 - Technique mixte- ( pastel gras - huile - collage )

heureusement, synonyme aussi de… récréer… Se re-créer grâce à l’art-thérapie, quelle jolie perspective…

C’est donc un outil psychologique indirect mais rapide et agréable, même si à certains moments des émotions plus difficiles, étranglées ou « oubliées », émergent et sont accueillies au cours d’une séance.

L’art-thérapie est une méthodologie à part, qui ne veut pas à tout prix être une réponse de plus, répondre aux « pourquoi », mais qui propose d’enclencher un processus de résonance avec soi-même tout au long d’un cheminement ludique et spontané vers un fonctionnement intérieur apaisé.

Voilà ! J’ai tenté de ne pas jargonner (et c’est peut-être dommage, car au 15ème siècle, ce terme avait le sens de « gazouiller » !), et si certains d’entre vous estiment que j’ai raté l’exercice, je les renvoie avec douceur vers les expériences que nous connaissons tous consistant à commenter un arrêt de cassation (toujours follement clair !) en langage limpide et compréhensible (!) à notre

client, « homme de la rue » comme le nommait – sans rire ! – l’estimé professeur Cyr Cambier…

Me voici déjà rendue à la fin de ma récréation…

Empruntant à Verlaine, j’ai envie de vous dire, en vous quittant ici, « Votre âme est un paysage choisi  » et l’art-thérapie invite chacun à le recolorier… Très bonne rentrée judiciaire à tous… et courage ! Ce n’est qu’une année trépidante de plus qui vient s’ajouter à l’arriéré !

Peut-être à bientôt,

Véronique Drehsen

* Extrait de l’œuvre de Paul Verlaine, « Fêtes Galantes – Clair de Lune »

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Avocat au barreau de Bruxelles, associé au sein du cabinet NautaDutilh, Benoît Feron est aussi un passionné de photographie, auteur de plusieurs livres (dont Surma, Faces and Bodies, La Renaissance du Livre, 2008 et Visages de Goma, Racines, 2009).

Ses photos sont exposées régulièrement en galeries en Belgique et en France.

Ses sujets de prédilection se concentrent sur l’Afrique, ses étendues, sa faune, sa lumière mais aussi et surtout les tribus primitives de la corne de l’Afrique.

Ses images sont visibles sur www.regards-passion.com

par Benoît FERON

Visagesd’avocats

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le journal des avocats

L’avocat ouvre la porte...

Visages d’avocats est la carte de visite de notre barreau. Ce livre de photos montre parfois de manière impudique notre identité plurielle dans sa diversité. Vous y découvrirez nos structures au travail : séances au conseil de l’Ordre, assemblées, prestations de serment, réunions au bureau d’aide juridique, audiences disciplinaires... Vous quitterez les marches du palais et les salles d’attente de cabinet. Vous serez plongé au cœur des grands procès, des prisons, des centres fermés, de l’aide aux plus démunis. Vous rencontrerez des générations d’avocats, des avocats artistes, sportifs, politiciens. Vous participerez à nos manifestations, nos fêtes, nos joutes, nos combats. D’apprenti, vous deviendrez l’ami de notre barreau.

JEAN-PIERRE BUYLE Bâtonnier de l’Ordre français du barreau de Bruxelles

Préface

L’avocat se met surtout au service d’une idée de l’homme.

Une haute idée : l’idéal humaniste. Quel que soit le banc où il s’assoit, côté défense, côté accusation, auprès d’un client riche autant qu’auprès d’un clochard, l’avocat s’offre comme médiateur : médiateur entre le silence brut et la parole, médiateur entre la force et le droit, médiateur entre le chaos et l’ordre, médiateur entre le règne animal de l’égoïsme et le règne humain de l’entente.

ERIC-EMMANUEL SCHMITT

Me Céline Mandelblat

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le journal des avocats

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le journal des avocats F

Visages d’avocatsQue dirais-tu de réaliser une carte de visite hors norme du barreau de Bruxelles ? Voici le défi qui m’a été lancé l’été dernier par Jean-Pierre Buyle lors d’un déjeuner en tête à tête et comment naquit ce projet de « Visages d’avocats », avec pour objectif de montrer la diversité et le talent des avocats bruxellois…

Travail passionnant, mais ardu car même si je fréquente ce monde depuis près de 20 ans, en réalité je le connais très mal, puisque je fréquente peu le Palais, enfermé dans ma tour d’ivoire à pratiquer du droit financier et du droit de sociétés. J’avais en outre complètement sous-estimé l’ampleur de la tâche. Tout d’abord parce que sous un même vocable, ce métier en regroupe des dizaines, du pénaliste au spécialiste de droit financier en passant par les médiateurs familiaux, les fiscalistes, les généralistes, les spécialistes de droits de l’homme,…

Et puis parce que le barreau de Bruxelles regorge d’hommes et de femmes aux personnalités fortes et engagées, aux talents multiples, qu’ils exercent tant dans leur profession que dans de nombreuses autres activités. Tenter de saisir par l’image cette dimension polymorphe fut un réel défi, parfois angoissant vu la montagne à gravir en si peu de temps. Mais ce fut aussi une aventure captivante et riche, génératrice de nombreuses rencontres touchantes, avec des hommes et des femmes, de droite ou de gauche, riches ou pauvres, de confessions ou d’origine culturelle si différentes, mais qui me donnèrent l’impression d’être tous liés par une profonde conviction pour la justice et par un profond respect pour leurs pairs.

Sans compter les nombreuses anecdotes collectées tout au long de ce travail, comme lorsque j’ai réveillé un avocat secrétaire d’Etat en pleine nuit ne sachant pas qu’il était à New York pour une conférence aux Nations Unies, ou que j’ai fait monter notre Vice-Première Ministre sur un tabouret bras tendus pour tendre une bâche noire le temps que je photographie son célèbre mari.

Ce fut aussi l’occasion de vivre des moments d’émotion importants, comme les photos prises dans l’Eglise Gésu occupée par des sans-papiers ou dans les sous-sols de la gare centrale lors de permanence organisée pour des sans-abris. Un monde que je ne connaissais pas, mais très interpelant sur l’état de notre société.

Benoît Feron

Me Thérèse De Man-Mukenge - Droit de la santé mentale

Page de gauche : Perspective hélicoïdale sur le cabinet Allen & Overy

Le bâtonnier Édouard Jakhian et son fils Grégoire

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M le journal des avocats

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Légendes

1. Mes Jean-Marc Picard et Pierre Monville. 2. Le bâtonnier Antoine Braun et son fils Thomas.3. Alain Berenboom, avocat et professeur de droit intellectuel.4. Me Magnée. Il n’a jamais quitté le sax soprano ni la clarinette.5. L’avocat Marc Uyttendaele, professeur de droit constitutionnel à l’ULB.6. L’avocate Anne Mariaule aime la campagne.7. Me Benjamin Venet, chanteur du groupe Steve Austin.8. Me Michèle Hirsch, spécialiste de droit pénal bancaire et financier. Elle est également une ardente militante de la loi de compétence universelle9. Le bâtonnier François Glansdorff, professeur à l’ULB. 10. Xavier Dieux, professeur à l’ULB, grand spécialiste du droit des sociétés et du droit financier.

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AFRICAN SKINSBENOîT FERON EXPOSERA DU 26 SEPTEMBRE AU 8 NOVEMBRE 2010 À LA YOUNG GALLERY

811 Zeedijk - 8300 KnokkeDu jeudi au lundi : 14h00 - 19h00 - Fermé le mardi et mercrediTel. + 32 50 68 56 23 - Mobile. +32 496 408 [email protected] - www.younggalleryphoto.com

Visages d’avocatsRenaissance du Livre

Un avocat ne se réduit pas à sa robe. Derrière ses dossiers, se cache parfois un musicien, un auteur, une personne comme vous et moi, dont la vie ne s’arrête pas sur les marches du palais de justice.

Cette série de 250 portraits, réalisés à l’initiative de l’ordre des Avocats de Bruxelles, ne représente pas une profession, mais elle dépeint des hommes, des femmes, des visages, dans leur travail et dans leur vie de tous les jours.

ISBN : 9782507004279Prix TTC : 39,00 eurosFormat : 27 x 27 cmNombre de pages : 264Nombre d’illustrations : 300

Les avocats se sont rassemblés sur les marches du grand escalier menant à la cour d’assises, entre les statues du législateur spartiate Lycurgue et de l’orateur athénien Démosthène

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Dans une profession où l’accent est mis sur la formule, la justesse de l’argumentation et le choix des mots les plus appropriés, on pourrait penser que la forme a peu d’importance, que

l’esprit souverain fait abstraction de la manière dont lui est livrée l’information. Pourtant, nul doute que la plupart des hommes et des femmes se montrent plus volontiers attentifs envers une communication mise en pages avec soin. La forme n’aurait-elle aucun impact sur nous ?

Pas besoin de syllogisme pour vous donner la réponse. En tant qu’avocat, magistrat ou juriste, vous êtes amené à lire plus que quiconque, mais aussi à être lu. C’est dans cette optique que McArnolds met à votre disposition tout son talent et son expertise afin de rendre l’ensemble de votre communication visuelle cohérente et agréable. N’hésitez pas à prendre contact avec l’un de nos conseillers qui étudiera avec vous vos besoins et vous proposera les solutions les plus adéquates.

L’image plaideen votre faveur

McAr n o l d s Gr o u p - Av e n u e Mo n t j o i e , 165 - 1180 Br u x e l l e s - t é l : +32 (0)2 533 94 02 - e M A i l : [email protected]

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le journal des avocatsG

Sa passion pour l’analyse, l’argument et le discours portent non seulement son activité professionnelle, mais aussi une recherche fébrile des choses de la vie et de la pensée. Sa carrière a été semée de tournants, parfois brutaux comme quand il quitta le barreau en 2000, pour y revenir en 2009.

J’oubliais : né en 1960, il est mari comblé, père de trois enfants de 15, 19 et 22 ans.

[email protected]

par Jean-Marc GOLLIER

Pour un échange

Le Marché

intelligent, avec esprit

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Introduction

Le marché est partout. Tout se négocie. Tout se discute. Il faut aller vite. On n’a pas le choix. C’est la loi du marché. C’est le marché qui fait la loi.

Le marché est partout. Nous le lisons, nous l’entendons tous les jours : pour survivre, il faut lutter, struggle for life. C’est la loi de la nature, c’est la loi de la jungle : seuls les plus forts survivent. C’est une concurrence sans merci. Darwin serait surpris de voir à quel point sa théorie de l’évolution apporte de l’eau au moulin d’une certaine théorie économique.

Le marché est partout. Depuis quand ? Pourquoi ? Comment ? Jusques à quand ? Avant de donner des éléments de réponse à ces questions, voici l’histoire du mot.

Ce que dit le mot ‘marché’Le mot « marché » a la même origine que le mot «  merci   ». « Merx », « Mercedem », qui signifient le salaire, la récompense, sont les mots latins à la racine des mots « marché », « marchandise ».

« Merx » a aussi donné le mot « merci ». Une lutte sans merci c’est une lutte sans possibilité de marchander un prix honorable. Etre à la merci c’est voir son sort

d é p e n d re du bon vouloir de l’autre. En anglais, « (Have) mercy ! » veut dire « (Ayez) pitié ! ». Ainsi, le mot « merci » a un sens rude à côté de son sens doux qui indique la gratitude.

Le mot « marché » ne se prête pas à une telle équivoque. Il signifie tout de go et uniquement le commerce, le négoce, le donnant-donnant, un échange ou un lieu d’échanges.

Histoire de la pensée du marchéSocrate et Aristote n’ont pas un mot favorable pour cette institution vulgaire. Ils méprisent le marché et les marchands. Dans la cité grecque, le marchand est un métèque, un étranger, pas un citoyen.

Les choses étaient différentes chez les Phéniciens et les Romains, mais le Moyen-âge a rejeté le commerce dans l’obscurité. Les aristocrates méprisaient le marché. Ils le paieront chèrement en 1789.

Pour un échange

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le journal des avocatsG

Avec la Renaissance, le commerce a de nouveau la cote. Montesquieu évoque le

« doux commerce » des marchands.

C’est à l’époque des Lumières que la pensée économique prend son essor avec éclat,

sous la plume d’un moraliste écossais, Adam Smith. L’industrialisation qui suit les Lumières assurera l’essor d’une nouvelle ère, l’ère industrielle, portée par le commerce et la finance.

Adam Smith, cristallisant des idées qui étaient dans l’air du temps, et y ajoutant son génie, écrit en 1776 son Enquête sur la nature et les causes de la richesse des nations.

Je citerai ici un seul passage, emblématique de cette œuvre

touffue (elle compte plus de 800 pages en Garnier-Flammarion).

Ce passage se situe au début de l’ouvrage et en donne comme une vue

plongeante. C’est le fameux constat de l’amoralité de la relation marchande : « Ce

n’est pas de la bienveillance du boucher, du marchand de bière ou du boulanger que nous

attendons notre dîner, mais bien du soin qu’ils apportent à leurs intérêts. Nous ne nous adressons

pas à leur humanité, mais à leur égoïsme; et ce n’est jamais de nos besoins que nous leur parlons, c’est toujours de leur avantage ». Chaque partie au marché est mue par son intérêt. La volonté de faire du bien aux autres en est absente.

Pour les tenants du libéralisme économique, une main invisible (sans esprit ni moralité), mue par le seul croisement des calculs égoïstes, est le guide le plus efficace des échanges marchands.

Effondrement

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le journal des avocats G

et crises des systèmes

Le système marxiste, fondé sur l’utopie d’une société sans classe et sans marchés, s’est effondré à jamais. Un ordre social géré par un planificateur central a non seulement mené à la faillite, mais a chaque fois généré une société totalitaire et inhumaine.

Les individus ‘collectivisés’ étouffaient sous l’appareil d’Etat. Ils étaient aliénés. Mais comme le relève Vassili Grossman « l’Etat (soviétique) libérait les hommes de la chimère de la conscience » (Tout passe, Livre de Poche, Biblio, p. 44).

Le système capitaliste de marchés ne s’est pas effondré. Il entre régulièrement en crise. Mais les marchés sont de plus en plus minutieusement gérés par une multitude de règles et de systèmes de surveillance, en sorte que quand les crises éclatent, elles sont de plus en plus immenses et ingérables, parce que ce qu’elles libèrent a été plus longtemps et plus savamment contenu.

Ce système a créé une bureaucratie qui accumule règles et procédures complexes qui assurent son propre développement. Cette accumulation étouffe à son tour l’individu qui se voit limité dans sa capacité d’agir de façon autonome et en conscience. L’individu n’est pas aliéné, mais par le sentiment qu’il a d’être surveillé en permanence, il agit parfois comme s’il n’était plus responsable.

La crise financière de 2008 nous a fait sentir la faiblesse et les limites de ce système. Nous avons découvert de façon cuisante que le recours aux procédures et au calcul est incapable de maîtriser les crises, encore moins de les prévenir : seuls des individus courageux et décidés peuvent nous faire sortir de la crise ou nous permettraient de mieux la prévenir.

Cet échec nous a fait sentir qu’au-delà ou en-deçà des calculs intéressés, il y a un « élément humain  » qui a échappé (et échappera toujours) à l’analyse économique et à la gestion bureaucratique.

Quel est cet élément humain ?

Sentir la présence de l’autrePour faire un marché, il faut être au moins deux. Deux personnes intéressées par l’échange, parce qu’il peut être mutuellement profitable.

Jusque là, l’analyse économique est confirmée : le marché, c’est le calcul des intérêts composés.

Cette analyse est pourtant incomplète. Qu’a-t-on analysé ? Les termes et les motifs de l’échange. Qu’en est-il des personnes qui font l’échange ?

Un simple constat : entre deux personnes qui s’ignorent, un échange se réalisera beaucoup plus laborieusement et à plus grands frais qu’entre deux personnes qui se connaissent et s’apprécient.

Qu’est-ce à dire ? Cela signifie qu’il y a, avant tout marchandage, un échange non commercial : une communication de marques de confiance. Cette communication n’a pas de prix, elle n’est pas marchande. Elle précède le marché.

Souvent, un système de signaux réglementés, de sanctions ou d’autorisations renforcera la sécurité juridique des transactions, mais ce système de sécurité ne pourra jamais totalement remplacer la confiance nécessaire à la dynamique du marché.

Pour faire un marché, il faut d’abord que les personnes, à un moment donné, fassent autre chose que calculer, il faut qu’elles se regardent, se reconnaissent et qu’elles décident de se faire confiance. C’est seulement alors que pourra naître entre elles un espace dans lequel le marché pourra prospérer.

Conclure et sauver le mondeLe marché donne un rythme, une impulsion à notre société. La logique des marchés provoque un

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déploiement prodigieux de l’homme vers tout ce dont il peut tirer profit : ressources naturelles, ressources culturelles et même ses propres ressources humaines. Ce déploiement est d’autant plus grand qu’il est libre. Cela a quelque chose d’étourdissant et d’enfiévrant.

S’il est bon que nous assumions ce monde de marchés, il faut également reconnaître que le marché ne peut pas se passer des sentiments humains, en particulier du sentiment de confiance. En ignorant trop ce pré-requis, nous volons de crise en crise.

L’image du boucher et du boulanger d’Adam Smith est incomplète. Entre mon boulanger et moi, il existe une certaine sympathie. Cette sympathie est entre nous une richesse qui n’a pas de prix.

Notre société ne peut fonctionner uniquement autour de calculs d’intérêts et de rapports des forces.

Il faut y reconnaître la fonction des sentiments et de la

conscience.

L’utopie communiste a montré que la conscience ne prospérait pas dans un système collectiviste. Nous devrions nous rappeler cette vérité dans nos systèmes « (auto)-régulés ». Un « régulateur » ne remplacera jamais la puissance de la conscience individuelle et responsable. Il faut écrire nos règles en fonction de cette réalité humaine. Il ne faut pas rêver à un monde réglé par le seul calcul, comme une machine, aussi parfaite soit-elle.

Sauver notre humanité dans un monde de marchés  ? C’est possible. Comment ? En redécouvrant sans arrêt, à travers les failles du système les hommes qui pleurent et animent ces marchés avec leur chair et leurs sentiments.

Jean-Marc GOLLIER

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Evadé du 20e Convoi

Ancien Président de l’Union des Déportés Juifs

Avocat

par Simon GRONOWSKI

sans repentir porte les germes

de l’oubli

L’amnistie

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Philippe van Meerbeeck, psychiatre et professeur à l’UCL, Hilde Kieboom, présidente de la communauté chrétienne de San’ Egidio, envisagent l’amnistie, spécialement en Flandre, car après tant d’années, il faut « pardonner » et ce serait nécessaire dans le contexte politique belge actuel, pour «la réconciliation nationale ».

Selon Philippe van Meerbeeck, ce serait urgent, avant même la scission de BHV.

Mais réconcilier qui avec qui ? Les résistants wallons avec les rexistes ? Les « partisanen » avec les « zwarten » ? Les bourreaux avec les victimes ? La Flandre avec la Wallonie ? L’amnistie est une mesure collective qui risque de confondre le criminel nazi avec le jeune égaré par le discours ambiant qui s’est engagé au front de l’Est.

J’ai sauté du 20e convoi le 19 avril 1943. Ce train avait quitté Malines avec plus de 1600 déportés juifs, dont 262 enfants. J’avais onze ans et demi. J’ignorais que j’étais condamné à mort et que ce train me conduisait vers le lieu de mon exécution. Ma mère a mis son petit garçon sur le marchepied du wagon, marchepied de la liberté et la vie, et a continué son voyage jusqu’à la mort dans la chambre à gaz d’Auschwitz-Birkenau

Dans ma fuite je suis tombé sur un gendarme flamand qui m’a dit : « Tu ne dois pas avoir peur, je suis un bon Belge, je ne te dénoncerai pas ». Il m’a sauvé la vie en risquant la sienne.

A l’époque, le Limbourg était le théâtre d’une véritable guerre civile, entre résistants et collaborateurs, membres du VNV (Vlaams Nationaal Verbond), parti flamand d’extrême droite, qui s’allia à l’occupant nazi pour « libérer » la Flandre du « système », du « joug » belge. Voilà pourquoi à Borgloon, Jean Aerts, gendarme d’avant guerre, patriote belge, ne m’a pas dénoncé.

Le VNV adopta une politique violemment antisémite, lançant dans sa presse de véritables appels au meurtre (De Toekomst, 31.10.1942). Il avait une milice armée, la Zwarte Brigade (la Brigade noire). Ma sœur Ita, mon aînée de 7 ans, grande pianiste classique, partira le 19 septembre 1943, avec le 22ème Convoi, celui des Juifs belges, et ne reviendra pas. Mon père mourut désespéré en juillet 1945.

Les jeunes Allemands d’aujourd’hui ne sont pas responsables des crimes de leurs parents et grands-parents. Je n’en veux pas au peuple allemand. Hitler a construit déjà en 1933, dès son arrivée au pouvoir, ses premiers camps de concentration. Les premiers

pensionnaires de Dachau, Oranienburg et autres, étaient des Allemands opposants et démocrates. Les jeunes belges d’aujourd’hui ne sont pas davantage responsables des crimes de leurs parents et grands-parents, membres du VNV et de Rex.

J’en veux aux nazis et il n’y en avait pas qu’en Allemagne et il y en a encore maintenant.

Mais je n’ai pas de haine. La haine est un sentiment dégradant qui met la victime au niveau du criminel. Je préfère l’amour. L’agressivité est une maladie. Je rejette la vengeance, je veux la justice.

Jésus a dit : « Père, pardonne leur, ils ne savent pas ce qu’ils font »… Mais les tueurs nazis savaient très bien ce qu’ils faisaient. Il y a encore des nostalgiques du nazisme. Les révisionnistes sont dangereux : ils nient les crimes d’hier pour en commettre d’autres demain. Il faut préserver la mémoire. Pour défendre la démocratie d’aujourd’hui, il faut connaître la barbarie d’hier.

Pardonner ? Évidemment en mon nom personnel, pas à celui de mes infortunés parents et sœur.

Je veux bien pardonner au criminel à condition qu’il demande pardon et qu’il regrette sincèrement son acte. Comment pardonner à celui qui est fier de son crime ?

Une amnistie d’aujourd’hui sans repentir, dans des conditions confuses, porte en elle les germes de l’oubli. Elle ne serait bénéfique ni pour la Flandre, ni pour la Wallonie, ni pour la Belgique.

Simon Gronowski

Camp de Birkenau (Auschwitz II) - Pologne

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Plaisirs

naturede la

Avocat au barreau de Bruxelles depuis octobre 1969, spécialisé en matière de responsabilité civile et contrats, droit international privé, ayant enseigné le droit à l’Ecole de formation des attachés de presse ( Efap ), polyglotte espagnol, italien, jadis le turc, l’arabe classique et persan, amateur d’histoire et politologue.

par Emmanuel Gueulette

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le journal des avocats

Après avoir quitté son cabinet en fin de journée, Monsieur Duplaisir qui aime à travailler longtemps, du matin au soir et parfois du soir au matin surtout lorsqu’il sent qu’il a perdu beaucoup de temps à rêvasser pendant le jour, se décide à diriger ses pas, non vers la douce et bienheureuse demeure où l’attend sa femme chérie, mais vers les abords de la ville, où il sait trouver un grand bois plein d’ombrages et des prés, quelques prairies, des fermes et d’autres endroits jolis où la nature respire en harmonie avec le rythme des saisons.

Ceci pour dire que, lassé de s’être penché durant des heures sur du papier qu’il a noirci de son écriture, il veut changer d’air, humer les fleurs et les plantes, entendre le pépiement des oiseaux avant leur sommeil, goûter le délicieux spectacle des arbres jaunissant déjà aux approches de l’automne, entendre ce silence qui s’installe peu à peu sur les espaces endormis.

Monsieur Duplaisir, au milieu de tant de douceurs, regrette de n’y avoir point couru plus tôt. Sur place, il ne comprend pas, ne comprend plus pourquoi il a tant tardé à jouir d’un bonheur si proche et simple, celui qu’offre la nature, dont sans doute il se régale trop en esprit, dans les livres et ces tableaux qui n’en sont pourtant qu’un bien pâle reflet. Il soupire à l’idée qu’il aurait pu, non ! qu’il aurait dû quitter plus vite son bureau afin d’y plonger de tout son être. Il s’en veut de n’avoir pas prêté plus d’attention à ces réalités sublimes et, le cœur légèrement meurtri, mais ne voulant pas s’en priver davantage, il s’étend de tout son long dans l’herbe. Les yeux tournés vers le ciel encore bleu à cette heure, mais d’un bleu fort qui vire au violet avant de s’envelopper des premières ombres du soir, il sent monter sous lui une fraîcheur divine qui le remercie de l’ardeur, de la chaleur et des moiteurs de cette longue journée sottement qu’il a perdue à travailler.

Dans ce bien-être de tous les sens, il reprend ses esprits ou plutôt ses vieilles habitudes et se met à rêver. Qu’aurait-il fait dans la vie si des études classiques ne l’avaient lancé dans cette profession de l’écrit, du verbe et des transes intellectuelles qui a toujours été la sienne, et dont en son âge il lui advient d’éprouver peut-être un léger, mais léger dégoût ? Il tourne et retourne en sa

tête les bons et moins bons moments de cette existence, ses heurs et malheurs, et ne sait, au vrai, ce qu’il aurait pu réaliser d’autre. Il se juge petit et très insuffisant au regard de ce ciel qui l’observe, et qu’il voit s’assombrir en même temps que ses pensers. Monsieur Duplaisir, que son nom aurait dû porter à plus d’optimisme en ces moments de béatitude, regarde les frondaisons sur lui penchées, observe les quelques moineaux qui volètent encore, écoute le silence et puis s’endort. Ah ! ces rêves qui perdurent ! Ces idées qui continuent ! Et qui défilent en lui montrant qu’au lieu d’être ou d’avoir été rédacteur et compositeur de textes sans jamais être auteur ayant pris de la hauteur, il aurait pu être bûcheron, moissonneur, villageois ou que sais-je ? Il pense aussi à son travail du lendemain, telle est la force de l’habitude qui le replace toujours en la même route et sur la même trajectoire. De tête, il se rédige des lettres et mémoires qui lui plaisent et dont il entend se servir au grand jour.

Puis le sommeil, plus profond, plus large et long, le prend vraiment et le laisse là tout étendu sur le gazon jusque tard dans la nuit. Soudain, il s’éveille, se redresse, jette autour de lui un œil un tantinet surpris. Ce ne sont plus que des ombres, de brefs et légers craquements, de menus bruits qui le dérangent. Et puis, il éprouve un frisson, se tâte le dos, comprend que son veston a pris l’humidité des lieux. Il avance d’un pas, trébuche et tombe sur le sol. Pour se relever, il doit faire effort  : aucun appui, des courbatures, des frissons encore. Enfin debout, Monsieur Duplaisir a bien compris qu’il a pris froid et qu’il est même malade. Ah ! cette nature, sauvage et perverse nature ! Comme il est fou de s’y fier.

Emmanuel Gueulette

GU

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le journal des avocatsLE

Serge LEONARD est avocat au Barreau de Namur. Il est résolument engagé en faveur de la médiation familiale et internationale.

Titulaire d’un master européen en médiation ( Université de Barcelone), il s’est spécialisé en protection internationale de l’enfant à l’académie de droit international de La Haye.

Burqua,

B.H.V., droit des groupes

...et l’Europe!

par Serge LEONARD

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le journal des avocats LE

Le titre peut paraître surprenant. En Belgique, lors de la précédente législature, le débat parlementaire portant sur Bhv et sur la Burqua fut néanmoins concomitant et il me semble présenter certaines concordances, voire certaines ressemblances. Le titre du présent article propose donc de réfléchir sur la difficulté de penser une politique de la diversité, du comment vivre ensemble malgré nos différences. Depuis l’élargissement de l’Europe et de l’arrivée de nombreuses personnes issues de pays tiers, l’espace européen se partage en de nombreux cultes (orthodoxe, catholique, calviniste, luthérien, musulman, juif..) et de nombreuses cultures (linguistiques, sociales..). L’Europe est donc pluriculturelle. Cette diversité est venue réaffirmer la question des identités et des mouvements identitaires, le droit au respect des communautés, le droit au respect des identités régionales,. . Certes, tout individu a droit au respect de sa culture, de son histoire, de ses origines et ce droit au respect de son identité contribue à son épanouissement. L’identité d’une personne est néanmoins évolutive et se reformule au gré des circonstances et des choix existentiels. La liberté, c’est aussi permettre à un individu de se libérer de ses appartenances identitaires, de rompre avec la loi du genre, de se séparer de sa communauté et de se proclamer en tant que sujet autonome. Il reste que

l’interrogation du qui suis-je peut passer aussi par la question du nous, du qui sommes nous et doit permettre à chaque individu d’exercer certains droits à l’identité culturelle (exemples, pratiques de sa langue, pratique de sa religion.). La question est donc de savoir jusqu’où le discours identitaire et celui de l’appartenance à une culture, à une communauté religieuse , à un groupe, peut-il se déployer sans assigner aux individus des identités rigides, sans renfermer les individus dans des destins sociaux irréversibles , sans imposer aux individus une place non souhaitée et non désirée. Vaste question, question impossible, quoique !. Une politique de la diversité, du comment vivre avec nos différences peut se fonder aussi sur des principes de base simples et concrets, d’autant que ces principes ont été posés dès la construction européenne.

La question porte donc sur les relations entre subjectivité et identité, entre droits fondamentaux des individus et droits des groupes. Faut-il penser en terme de droits individuels du respect à l’identité culturelle et donc l’obligation pour les pouvoirs publics d’aménager des lieux, des espaces permettant notamment de pratiquer de sa langue, de sa religion  ..? Ou faut-il , au nom du droit au respect à l’identité, donner aux groupes, aux communautés des droits supérieurs aux individus et n’y

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le journal des avocatsLE

a-t-il pas là un risque d’assimiler l’individu au groupe, d’assigner à l’individu une identité non consentie parce que ce groupe possède des droits collectifs et peut parler en lieu et place des individus ?

Pour illustrer mon propos, je traiterai de la ghettoïsation de certains quartiers urbains de grandes villes et la question d’un certain régionalisme- nationalisme. Je sais que ces deux exemples peuvent paraître insolites mais ils auront peut être le mérite de favoriser le débat, la polémique.

Premier exemple, en ce qui concerne la ghettoïsation de certaines zones urbaines et de certaines difficultés à gérer ces quartiers, face à cette problématique, il ne serait pas acceptable d’autoriser certaines communautés à jouer de fait une fonction de police et à autoriser simultanément ces mêmes communautés à se structurer sur des valeurs incompatibles avec les bases d’une démocratie (ces pratiques existent

néanmoins dans certains pays). Il ne serait donc pas acceptable d’autoriser le primat des règles communautaires sur le désir des sujets comme il ne serait pas acceptable de taire les mariages forcés, les mutilations subies ou consenties, les violences conjugales au nom du respect à l’identité culturelle.Une politique de la diversité et du respect du droit à l’identité doit par conséquent être subordonnée au respect des droits fondamentaux des individus.Le droit à l’identité doit rester un droit individuel et le droit collectif à l’identité culturelle doit être interprété comme très subsidiaire. Les droits collectifs à l’identité culturelle peuvent être de nature à réduire l’individu à son groupe d’appartenance et à hypothéquer sa liberté, son statut de sujet autonome.

Dans un autre contexte plus régional et européen, il me paraît suranné d’identifier encore la culture à un territoire et de revendiquer l’avènement d’un nouveau nationalisme sur base de la pratique d’une langue. La culture est par essence universelle et ouverte sur le monde.

Que nous soyons façonnés par notre appartenance régionale, sociale, linguistique, c’est un fait, que nous puissions en retirer une certaine fierté, c’est sans doute très louable mais cela ne doit pas amener à nier les autres cultures et à faire croire que la langue d’une région est la base organique de l’identité d’une région. L’Europe est pluriculturelle et se décline en droits individuels. Revendiquer par exemple l’avènement d’une nouvelle nation flamande à l’intérieur de l’Europe est incompatible avec les valeurs et les fondements de l’Europe. L’Europe ne peut être identifiée à une communauté organique de sol et de culture. Elle est née après la guerre 40-45, après la victoire des alliés sur l’horreur nazie et fasciste. Elle est l’expression du plus jamais cela, plus jamais l’horreur nazie et l’horreur fasciste, plus jamais l’ignominie totalitaire. Voilà, l’identité de l’Europe, des principes simples mais infiniment très conséquents et des principes respectueux de la diversité. Des principes qui nous amènent encore à poursuivre notre réflexion sur l’antitotalitarisme. Dès sa naissance, l’Europe fait le pari des droits individuels et définit l’individualisme démocratique comme devant primer sur le groupe, sur la communauté organique. Elle est par conséquent incompatible avec toute forme de communautarisme et tout nouveau nationalisme.

Serge LEONARD, avocat et médiateur familial.

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Avocat au barreau de Bruxelles depuis 1965.

Il a récemment pris sa pension tout en terminant les dossiers en cours. Cela lui permet de se concentrer davantage à son hobby, étant des conférences avec diapositives sur des sujets historiques ou artistiques.

Il a notamment présenté:

«Qui a commandé le retable de Gand, Josse Vijd ou Guillaume IV de Hainaut?»

«Nostradamus, critique de quelques interprétations»

«L’Aiglon, trop désiré et trop gênant»

«Les femmes dans la religion. Matriarcat, puis patriarcat … et maintenant dans l’Eglise catholique?»

«Mythologies grecque et romaine amusantes. Des dieux et des déesses très humains»

[email protected]

TEMPS

selon Nicolas POUSSIN

et la VÉRITÉ

Le

par Gérard LEROY

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Nicolas Poussin, né en 1594 aux Andelys, s’installe à Rome en 1624. Dans les années 1638-1640, à la demande de Giulio Rospigliosi, jeune prélat italien, il peindra «Le Temps délivre la Vérité». L’original est perdu. Il en existe quelques gravures. Le sablier indique que c’est le Temps qui délivre la Vérité, laquelle est presque nue. L’un des gardiens de la Vérité est une Gorgone, avec des cheveux de serpent. L’autre tient deux flambeaux allumés, dirigés l’un vers le haut, l’autre vers le bas. (voir illustration page suivante)

En 1641, durant un séjour de deux ans en France, à la demande de Richelieu, Poussin peindra «Le Temps soustrait la Vérité aux atteintes de la calomnie et de la discorde». Le cardinal destinait cette œuvre à un plafond de son palais, qu’il léguera au Roi. (Illustration ci-dessus)

Ce «Temps soustrait la Vérité…» commandé par le cardinal de Richelieu, premier ministre de Louis XIII, répond au «Temps délivre la Vérité» commandé par Giulio Rospigliosi. Dans les deux tableaux, on trouve la Vérité, le Temps et les deux personnages maléfiques. Dans le second tableau, l’un est également une Gorgone, l’autre tient en main, à droite une dague, à gauche une torche comme le gardien du premier tableau. On peut dès lors se demander quelle Vérité le Temps a-t-il découverte, pour Raspigliosi, qui doit, pour Richelieu, être soustraite à la calomnie et à la discorde. Puisque c’est Richelieu qui remet les choses au point, nous chercherons en France. Que s’est-il passé dans les années 1638-1640?

Louis XIV est né le 5 septembre 1638. Y aurait-il une vérité particulière relative à cette naissance?

Louis XIII a épousé Anne d’Autriche en 1615. Elle était infante d’Espagne, fille de Philippe III, petite-fille de Philippe II, arrière petite-fille de Charles-Quint. Trois ans après le mariage, on attendait encore qu’il fût consommé. Philippe III n’était pas loin de considérer l’abstention royale comme un affront. Le nonce avait pris les choses en main. Cette «perfection» du mariage franco-espagnol était le garant de la paix entre ces deux pays catholiques. Toutes les ruses furent employées pour amener le roi à se montrer «gentil compagnon». Il fut invité à assister à la nuit de noces de sa demi-sœur naturelle Mademoiselle de Vendôme avec le duc d’Elbeuf, suite à quoi elle lui dit: «Sire, faites vous aussi la même chose avec la reine et bien ferez!» Le 25 janvier 1619, le roi fit la même chose avec la reine. Le lendemain, tous deux se montrèrent fort satisfaits et les ambassadeurs annoncèrent la nouvelle à leurs gouvernements. Le couple renouvela-t-il l’opération? En tout état de cause,

Le Temps soustrait la Vérité...

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le journal des avocats

en 1630, il n’y avait toujours pas d’héritier.

A cette date survient un élément fâcheux que Moreri rapporte dans son Grand dictionnaire historique paru en 1674. En 1630, à Lyon, Louis XIII souffrit d’un abcès au bas-ventre et faillit en mourir. A cette occasion, il confia un secret à son premier valet de chambre, Henri de Béringhien. Richelieu en eut vent et voulut savoir ce qu’il en était. Béringhien refusa de trahir son maître. Il disparaîtra. On a émis l’hypothèse suivant laquelle ce secret était que l’abcès au bas-ventre avait rendu le roi impuissant.

On peut se poser la question de la légitimité de Louis XIV. De nombreux auteurs, se recopiant, racontent comment Louis XIII et Anne d’Autriche faisant châteaux à part, un orage providentiel avait forcé le roi à rejoindre la reine un soir de décembre 1637, soit neuf mois avant

la naissance de Louis XIV. La reine aurait d’ailleurs veillé à ce que l’on profitât de cet orage «pour ce qu’elle venait de commettre une grosse imprudence».

Le peuple de Paris ne s’y trompa pas, lui qui chantait:

Son père, le roi des Français, Tous les jours faisait des souhaits Pour que la reine fût enceinte. Il priait les saints et les saintes. Le cardinal priait aussi. Il a beaucoup mieux réussi.

Ces chanteurs pensaient au cardinal de Richelieu.

D’autres ont pensé au cardinal Mazarin, diplomate italien passé au service de la France, qu’en mourant Richelieu recommanda à Louis XIII, et qu’Anne

Le Temps délivre la Vérité

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le journal des avocats LER

d’Autriche, devenue régente, nommera chef du Conseil du roi. Mazarin n’est pas le seul «candidat». La filiation de Louis XIV a fait l’objet de nombreuses études. On a pensé au duc de Beaufort, né en 1616, fils de César de Vendôme, enfant légitimé d’Henri IV et de Gabrielle d’Estrées, ce qui aurait fait de Louis XIV, par la main gauche, quand même un vrai Bourbon.

Si le problème se situe à la naissance du roi, on pourrait imaginer une autre hypothèse. Les romans apparemment les plus farfelus peuvent avoir une base correcte. Alexandre Dumas a développé la thèse du frère jumeau. Cela donnera un splendide film de cape et d’épée, Le Masque de fer, avec Jean Marais en d’Artagnan et de merveilleux qui pro quo quand une jeune fille, amoureuse d’un jeune homme, rencontre inopinément son jumeau et découvre que c’est le roi. La principale objection à cette thèse est qu’à l’époque, les reines accouchaient en public et que si Anne d’Autriche avait accouché de jumeaux, on l’aurait su. En réalité, on pouvait prévoir qu’il y aurait des jumeaux. Louis XIII en aura donc informé Richelieu et ils auront décidé que pour la stabilité de l’Etat, il fallait escamoter le puîné. C’était facile.

D’ordinaire, quelques jours après une naissance royale, on faisait célébrer un Te Deum dans la cathédrale. Par exception, dès la naissance du premier enfant, le 5 septembre 1638, Louis XIII emmena tout le monde à un Te Deum improvisé, ce qui permit à la reine, restée seule avec dame Perronette, d’accoucher du second. Dame Perronette emmènera l’enfant à la campagne, où elle l’élèvera comme le petit bâtard d’une jeune fille de la noblesse. Lorsque Louis XIV et son jumeau eurent six ans, il ne fut plus possible de garder le jumeau en France. En 1644, Mazarin envoie dame Perronette en Angleterre pour diriger l’accouchement d’Henriette de France, sœur de Louis XIII et épouse du roi Charles Ier d’Angleterre. Dame Perronette emmènera l’enfant avec elle, et la somme énorme de vingt mille pistoles.

L’enfant sera confié à une famille noble de Jersey,

les Carteret. A cette époque, à Jersey, on parlait le français. Charles II, fils de Charles I, aura certainement appris par sa mère, sœur de Louis XIII, que Louis XIV avait un frère jumeau et, si Louis XIV lui verse une pension, c’est bien sûr pour maintenir l’alliance contre la Hollande mais également pour obtenir son silence. Rencontrant le jumeau venu à Londres, Charles II le reconnaîtra et lui dira qui il est. Nous sommes en mars ou avril 1669.

D’après la thèse de Marcel Pagnol, que nous reprenons ici, le jumeau serait entré dans une des nombreuses conspirations fomentées contre Louis XIV. Arrêté à son débarquement en France, il est conduit à la forteresse de Pignerol, où il arrive la 24 août 1669.

De là, il sera conduit à Exiles, à l’île Sainte-Marguerite, puis enfin à la Bastille, où il arrivera masqué. Il y mourra le 19 septembre 1703. Il serait donc celui qu’on a nommé le Masque de fer.

On constatera avec intérêt que, dans chacune des quatre prisons par où est passé ce personnage, on a fait des travaux considérables pour le garder prisonnier. On n’en a pas fait de tels pour Fouquet ou pour Lauzun, également passés par Pignerol. D’après les instructions, ce personnage devait rester inconnu. Il est celui dont le nom ne se dit pas. On avait beaucoup d’égard pour lui. Jamais Saint Mars, le gouverneur, ne s’asseyait devant lui sans y être invité. Blainvilliers

précise même: «Le gouverneur et les officiers restaient devant lui debout et découverts jusqu’à ce qu’il les fît découvrir et s’asseoir». Lorsque Louvois lui rendit visite, d’après Voltaire, il «lui parla debout avec une considération qui tenait du respect». Le mystérieux prisonnier avait droit à des bougies tandis que Fouquet et Lauzun ne recevaient que des chandelles. Son linge était changé deux fois par semaine tandis que les draps des autres détenus étaient changés tous les mois en hiver et toutes les trois semaines en été. Ce devait donc être un personnage considérable. Comme il ne doit pas être reconnu, il voyage entre Exiles et Sainte-Marguerite dans une litière fermée par une toile cirée. Lorsqu’à Sainte-Marguerite, on lui permet de se promener dans

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l’enceinte de la prison, en dehors de son cachot, il doit porter un masque de velours, et non de fer.

Or, dans son Siècle de Louis XIV, Voltaire écrit: «Qu’on songe qu’il ne disparut en ce temps-là aucun homme considérable. Il était donc clair que c’était un prisonnier de la plus grande importance, dont la destinée avait toujours été secrète». On ne peut s’empêcher de penser que Voltaire savait mais ne pouvait en dire davantage. Après tout, la Bastille, il connaissait.

Un personnage considérable, inconnu et qui ne peut être reconnu, c’est le jumeau du Roi. Inconnu car à part quelques initiés, personne n’en connaît l’existence. «… et qui ne peut être reconnu» car quiconque le verrait comprendrait. Le Roi est à cause de la monnaie le seul personnage du Royaume dont chacun connaisse la physionomie. C’est ainsi qu’à la Révolution, Louis XVI sera reconnu avant d’être arrêté à Varennes. Le jumeau ne sera pas reconnu avant de quitter Londres car, avant de s’y rendre, il a vécu à Jersey où, à l’époque, on parlait français, mais où avait cours la monnaie anglaise.

Pourquoi Louis XIV a-t-il détenu son jumeau en prison pendant trente-quatre ans alors que la mort d’autrui ne le gênait pas et qu’il n’a pas hésité à faire empoisonner Fouquet et à laisser pourrir le domestique de Fouquet en prison pour le seul motif qu’ils savaient? En d’autres termes, lui qui a tant fait tuer, pourquoi a-t-il gardé son jumeau en vie? Il existe une croyance suivant laquelle, indépendamment de la distance, un lien spécial unit les jumeaux. Quand un jumeau est malade, l’autre dépérit et la mort de l’un précède souvent de peu celle de l’autre. Cette croyance était plus ancrée au 17e siècle qu’elle ne l’est de nos jours. On imagine fort bien Louis XIV craignant pour sa vie s’il attentait à celle de son jumeau.

La thèse de Pagnol, suivant laquelle le Masque de fer serait le jumeau de Louis XIV n’est pas unanimement acceptée. L’existence d’un jumeau serait-elle quand même cette Vérité que, peu après la naissance de

Louis XIV, Giulio Rospigliosi menaçait de délivrer et que Richelieu voulait soustraire?

En comparant les deux tableaux, un autre détail nous interpelle. Dans le premier, dont il n’existe que des gravures, un des personnages maléfiques tient non pas une mais deux torches très semblables, la seule différence étant que l’une est pointée vers le haut et l’autre vers le bas. C’est assez suggestif. Dans le tableau par lequel Richelieu répond au jeune prélat, ce même personnage maléfique tient de la main gauche un seul flambeau, mais identique aux deux autres, et de l’autre main un poignard, probablement destiné à châtier celui qui voudrait divulguer la Vérité, c’est-à-dire l’existence d’un second flambeau.

La naissance de Louis XIV était-elle illégitime? Avait-il un jumeau? Quelle est cette vérité que Giulio Rospigliosi a menacé de révéler et Richelieu a voulu soustraire? Est-ce parce qu’il s’est tu que Giulio Rospigliosi obtiendra l’aide de la France pour devenir pape en 1669 sous le nom de Clément IX? Nicolas Poussin ne nous aidera pas non plus. Sa devise était «Confidentiam tenet». La traduction est superflue.

Gérard LEROY

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Déteste la mesquinerie: «parvum parva placent»...

par Luc LETHÉ

L’huissier

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le journal des avocats LET

L’huissier frappe à ma porte Etiquette tout ce que j’aime Même ce que je n’aime pas, Il l’étiquette quand même, Mais ce que je n’aime pas

C’est elle qui l’aime L’huissier évalue tout ça

Scelle mes coffres d’amour Descelle mes dents en or

Décèle mes matelas Où gisent quelques amours;

Je savais pas qu’un jour Ces quelques matelas

Serviraient à payer A payer mes débours.

L’huissier vient et emporte Outre des cachets de cire, Témoins comme vampires

Qui violèrent ma porte; J’étais entreprenant

Amoureux, encore nu Elle qui était moins nue Mais néanmoins amante

Un fils réveillé Qu’on appelle gribouille

Pleure ses poupées Qu’on coffre, qu’on verrouille

Se réfugie, proteste Dans les nippes de sa mère

Les seuls biens qui nous restent Aujourd’hui sur la terre

A part un peu d’amour L’existence maigrichonne

Des amis de toujours Qui sont là quand on les sonne

Un frisson d’audace Un brin de courage

Pas grand chose dans les poches Si ce n’est de la tendresse

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le journal des avocatsLET

Un cadre du grand-père Ardennais jusqu’aux joues

Ses moustaches sont vendues Pour quelques monnaies de singe

Une dentelle de sa mère Qu’elle avait crochetée Pour fêter la naissance

De sa première fille

Il étiquette nos amis Déclare la couleur de nos draps

Verbalise : «concubins» Par parenthèse : «adultère»

Avec un point d’excla D’exclamation

La seule qu’il ait eue De toute cette mondanité

L’huissier est reparti A mon lustre pendouille

Une étiquette gentille Qui veut jouer l’andouille

Et moi qui reste coi A quia dans mon coin

Qui r’luque ma concubine Qui calcule dans son coin

L’huissier est reparti A mon lustre pendouille

Une étiquette gentille Qui veut jouer l’andouille Mais la concierge, le curé Mon voisin, mon patron,

Ma belle-mère et mon chien Se muent alors en huissier

Ils étiquettent mes amis Déclarent la couleur des draps

Verbalisent : «concubins» Par parenthèse : «adultère»

Avec un point d’interro D’interrogation

La seule qu’ils aient eue De toute cette bestialité.

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M le journal des avocats

Christine Matray est l’épouse de Paul Martens, président émérite de la Cour constitution-nelle. Elle est actuellement conseiller à la Cour de cassation. D’origine liégeoise, elle a commencé sa carrière dans la magistrature à Namur, d’abord au tribunal de première instance, ensuite au tribunal de commerce qu’elle a présidé pendant une dizaine d’années.

Elle fut à deux reprises présidente de l’Association syndicale des magistrats, en particulier à la fin des années 1990, lorsque la Belgique fut secouée par l’affaire Dutroux. A cette occasion, elle intervint à de nombreuses reprises dans les médias pour rappeler et expliquer à une opinion publique en désarroi les valeurs fondamentales liées au respect des règles procédurales.

Vice-présidente de l’Institut d’études sur la justice, elle a fondé en 2009 avec le conseiller d’Etat Pierre Vandernoot un journal en ligne interactif (www.justice-en-ligne.be) pour permettre, à l’occasion d’affaires judiciaires de toute nature, un dialogue entre des citoyens et des experts qui, dans un langage simple mais précis, donnent les clés d’une lecture correcte des lois et des procès.

robes par Christine MATRAY

Les petites

(extrait)1

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le journal des avocats M

Lorsque après avoir levé les yeux au ciel pour y chercher l’inspiration, après avoir longuement pensé à ce qu’impliquait un tel titre, le législateur écrivit un peu partout dans le monde, un peu dans toutes les langues, les mots de « Premier Président de la Cour », il devait avoir rêvé, c’est sûr, à des hommes de la stature de Grand René. Des hommes droits, cultivés, modestes, compétents et calmes. Avec un calme d’une telle ampleur qu’il en était majestueux, avec un calme d’une telle intensité qu’il en était profond. Pas un calme profond, comme nous dirions vous et moi à propos d’un grand calme presque ennuyeux. Non, un calme dense comme lui, le législateur, l’imaginait, un calme inspiré, un calme philosophique, dont il ne pouvait sortir que du bon et du bien.

Grand René parle quatre langues, le français, le néerlandais, l’anglais et l’italien. Il lit l’allemand, le grec et le latin. Ça, le législateur n’aurait jamais osé l’espérer. Il est aussi beau que le doge Leonardo Loredano dans le portait que fit de lui Giovanni Bellini, désormais suspendu à la National Gallery de Londres. Les endroits les plus intéressants et les moins connus de la planète n’ont pas de secrets pour lui. Mais n’imaginez pas le pire, il voyage hors saison, à petit prix, et pour de brefs séjours, après s’être inquiété de la continuité du service. Il raffole autant de musique classique que de jazz, il vous citera par leur nom tous les personnages de Musil et de Joyce, il sera toujours ravi de rencontrer quelqu’un qui en sait plus que lui, il peut lui arriver d’avoir de longs fous rires ingénus et il ne parle jamais, jamais de lui.

Grand René, Premier Président de la Cour d’appel de Liège a la chance d’exercer ses hautes fonctions dans l’ancien Palais des Princes-Evêques de Liège, ce qui convient à merveille à ce maçon mystique. Construit dans les années 1500, tous les raffinements français et italiens de l’époque s’y conjuguent. De l’ensemble, Victor Hugo a écrit qu’il n’a vu « nulle part un ensemble architectural plus étrange, plus morose et plus superbe ». Plus superbe ? Vous aimez, vous? Mais, bon, c’est Victor, on sait qu’il est comme ça. Je reviens à Liège.

L’harmonie austère d’une première cour intérieure du Palais s’organise sur les quatre côtés grâce à un péristyle, des fenêtres à meneaux et une toiture cadencée par de hautes lucarnes. On voit tout cela à la télévision à chaque scandale judiciaire et l’époque y est propice. La seconde cour, à la fois plus élégante et plus intime, bordée par deux galeries parallèles, avec ses jardins et son bassin circulaire, est davantage destinée à

la rêverie des princes qui s’y promenaient. Grand René s’y sent bien. De là, il veille à une répartition équitable des charges entre les conseillers de la Cour, c’est-à-dire une répartition qui tienne compte des appétits, des aptitudes, des crises et des insuffisances de chacun.

Et puis, lorsqu’une place est vacante, parce qu’un de ses collègues monte en cassation, prend sa retraite ou se fait assassiner par une maîtresse jalouse, Grand René s’inquiète des candidatures. Il pense que les meilleurs n’osent pas toujours se montrer, postuler une place dont ils se croient indignes et qui supposent démarches, courbettes et compliments. D’ailleurs lui, il se rappelle une amicale tape dans le dos d’un vieil avocat général, lorsqu’il était jeune. « Passe donc me voir un de ces jours, mon vieux, il faut qu’on discute ». Il a fini par rédiger sa requête. Au Roi. A la plume.

Sur « papier-ministre ». Et qui sait, sans cet acte de paternalisme, le rêve du législateur n’aurait jamais eu cette sublime incarnation, Grand René aurait fini juge de paix.

Grand René assume volontiers son rôle de grand prêtre de la Rentrée. La cérémonie se tient au début du mois de septembre dans chacune des cours du Royaume. L’heure est administrative et solennelle. (…) à suivre.

Christine Matray

1. Tous droits de reproduction réservés

(…)

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Ne touchez

Musiquepas à la

par Pierre PAULUS de CHÂTELET

Depuis toujours, mon amour pour elle m’a conduit à la découvrir, la redécouvrir, l’étudier de la source vers toutes ses ramifications en parallèle avec les moments de l’histoire où elle se mêle avec les autres mouvements ou révolutions artistiques.

On ne peut bien entendu jamais tout connaître. L’important est la curiosité de découvrir et pour ce qui est de ce mode d’expression, c’est infini.

Le premier album que j’ai acheté est Led Zeppelin 1.

La présente collaboration a pour objet de vous présenter, en toute modestie et humilité, quelques (il y en a tant) éditions récentes qui sont selon moi dignes d’intérêt, dans différents styles musicaux.

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Le Label Blue note a été créé en 1939 par un Alfred Lion, juif allemand exilé à New York pour échapper au nazisme. Il fut rejoint par Max Margulis qui finança le projet pendant quelques années mais qui le quitta pour être remplacé par le photographe Francis Wolff, également juif allemand ayant fui pour les mêmes raisons.

Blue Note (dont le nom est directement inspiré de la « note bleue », jouée ou chantée avec un léger abaissement, d’un demi-ton au maximum, qui donne sa couleur musicale au blues et qui fut reprise plus tard par le jazz) constitue pour ce qu’est le jazz et les styles musicaux qui découlent de sa gamme, une référence indiscutable.

La particularité de Blue Note dans les années 50’ et 60’ était de préfinancer les répétitions des artistes en vue de leur enregistrement postérieur. Cet avantage concurrentiel par rapport aux autres labels lui permit d’une part, de constituer un catalogue impressionnant, celui-ci comprenant tous les grands jazzmen de l’après-guerre sans exception (une énumération raisonnablement démonstrative étant tout à fait impossible) et, d’autre part, de se démarquer du

style d’enregistrement de l’époque, qui consistait essentiellement en des jam sessions, en éditant des disques faisant apparaître une cohésion dans le jeux des musiciens, résultat des enregistrements et répétitions successifs auxquels Alfred Lion et ses collaborateurs assistaient.

En 1967, Alfred Lion prend sa retraite et le label se retrouve très rapidement en perte de vitesse parce que trop axé sur des objectifs commerciaux plutôt que qualitatifs, jusqu’à sa dissolution en 1981. Il est repris en 1984 par Bruce Lundvall qui confie le catalogue à Michael Cuscuna. Ce dernier le recompila, réédita de nombreux enregistrements qui faute d’argent ou de temps à l’époque, n’avaient pas été publiés alors qu’ils étaient d’une très grande qualité. Le Label renaît de ses cendres comme si rien ne s’était

A la fin du 19ème siècle, Emile Berliner, américain né à Hanovre, cherche un moyen de reproduction de la musique plus qualitatif et fiable que le photographe d’Edison. Ses recherches

l’amènent à breveter en 1894 sa nouvelle invention, le gramophone.

Quatre ans plus tard, il fonde avec son frère Joseph le label Deutsche Grammophon qui est sans aucun doute la référence en musique classique. Il n’a eu de cesse à travers l’histoire, deux guerres mondiales, des crises économiques, culturelles, politiques, révolutions musicales, etc. d’améliorer la technique de ses enregistrements, étant toujours précurseur en matière de support musical (il édite depuis octobre 2008 certains de ses enregistrements en Blue Ray et a sa propre radio online) ainsi que la qualité de ceux-ci puisque son catalogue

reprend simplement les plus grands auteurs et compositeurs de musique classique depuis sa fondation.

Pour son anniversaire de 111 ans, Deutsche Grammophon édite un coffret de 55 CDs (le plus complet, à choisir sans hésitation par rapport aux éditions plus résumées) et outre la qualité remarquable de la compilation qui a été réalisée, classée par ordre alphabétique, époques et compositeurs, c’est un magnifique objet à absolument posséder.

Essentiel.

P

CLASSIQUE

Coffret 111 ans de Deutsche Grammophon

JAZZ

Blue Note Trip

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le journal des avocatsP

passé, rassemble très vite à nouveau les grands jazzmen classiques, attire les nouveaux disciples et développe toujours autant l’éventail des styles inspirés du jazz et du blues

en fonction de l’évolution des techniques musicales.

En 2003, Blue Note publie le premier volume des compilations Blue Note Trip. Sous forme de doubles CDs, elles reprennent 70 ans de jazz, acid jazz,

blues, folk, rhythm’n’blues, etc., édités sur le label ou

son major actuel EMI, dont les morceaux sont mixés

de manière discontinue par Maestro (le DJs « résident ») ou

par des producteurs - remixers reconnus internationalement dans

ce style musical, tel que Jazzanova.

Actuellement, huit volumes de Blue Note Trip ont été édités.

Si le coffret des 111 ans de Deutsche Grammophon est essentiel pour le Classique, Blue Note Trip doit porter le même qualificatif pour ce qui constitue pour beaucoup le second et dernier style musical, le jazz.

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Vous pouvez le dire : « on connaît, on a lu soixante articles sur eux, sur leur concert à Forest National en février et leurs prestations en festivals, etc., passe à autre chose ». Mais quand j’aime, je ne compte plus.

Attendu depuis que personne n’en a jamais eu marre de Blow (le second

album édité en février 2004 qui a véritablement constitué l’envol du groupe) Mirror Mirror passe brillamment le test parfois difficile pour la plupart des groupes du troisième album : le premier passant inaperçu, le second marquant les esprits et boostant quelque peu les ventes du premier par l’intérêt qu’il suscite et le troisième étant trop vite écrit à la fin de la tournée du précédent alors que le groupe n’a plus dans son calepin de titres sur lesquels il réfléchit depuis des années.

Fabrice George et Kris Dane quittent le groupe et sont remplacés respectivement par Antoine Michel (alias Baby Face Poltergeist - il fallait le trouver, tout comme le surnom du chanteur « John Stargasm ») et par Jean Waterlot, du groupe Montevideo (dont je vous parlerai

certainement bientôt puisqu’ils sont dans l’écriture de leur second album), et la nouvelle composition de cinq artistes aussi charismatiques et différents les uns que les autres rocks the f ….g Europe. Le succès est total de France en Scandinavie, en ventes de disques comme en concerts et festivals. Etonnant que les Etats Unis ne soient pas encore dans la ligne de mire et j’attends impatiemment la prononciation du nom du groupe en japonais.

Douze morceaux crescendo rock, avec des recherches abouties de sons électroniques et autres, parfaitement intégrés pour créer un univers musical unique et une puissante identité.

Si c’est trop fort, c’est que vous êtes trop vieux.

P

ROCK

Ghinzu – Mirror Mirror

KASABIAN est un groupe britannique formé originellement à Leicester en 1999 qui dés son plus jeune âge s’est placé sans aucun complexe au niveau des grands groupes anglais comme OASIS, KAISER CHIEFS, ARCTICS MONKEYS ou BLUR.

Le premier album Kasabian (2004) est un succès immédiat et est programmé régulièrement sur toutes les radios anglaises et européennes. Ils enchaînent en 2006 avec Empire qui se classe numéro un des charts en Angleterre. Le groupe est récompensé de nouvelles fois dans les classements et prix lors de la sortie du troisième album, West Ryder Pauper Lunatic Asylum, qui remporte les Q Awards et lui permet d’être nommé meilleur groupe anglais en 2010 lors des Brit Awards.

Le rock est progressif et reflète une recherche et une inspiration large dans les musiques étrangères et l’électronique (qu’on retrouvait notamment chez Primal Scream, une

des ses principales inspirations).

KASABIAN est également une littérale bête de scène. Les cris et applaudissements du public ont fait trembler les murs de l’Ancienne Belgique le 31 mai dernier et il a reçu la reconnaissance de meilleur concert de l’année lors des New Musical Express en 2007 pour l’album que je vous conseille fortement, en outre des deux premiers.

KASABIAN - West Ryder Pauper Lunatic Asylum

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XX est un groupe londonien, composé de trois jeunes d’à peine plus de 20 ans, Romy Madley Croft, Oliver Sim et Jamie Smith (le quatrième membre originaire, Baria Qureshi les a quitté quelques mois après la sortie de leur premier album) qui

constitue incontestablement une des grandes révélations de l’année 2009.

Leur premier album : XX est un album extrêmement fin, aux sons pop-rock épurés, d’inspiration new wave. Les mélodies évoquent énormément d’émotivité et celle-ci est appuyée sur les pulsations régulières, hypnotiques, parfaitement placées dans la structure des morceaux.

Les recherches et emprunts de sons sont aboutis et ne dénaturent pas la poésie simplement musicale cherchée et trouvée par le groupe. La ligne rythmique de Basic Space est réalisée par un vibreur de téléphone portable, vous reconnaîtrez le Wicked Game de Chris Isaak en fond de

Infinity, rien n’est plus à ajouter aux guitares et basses des magnifiques Crystalised et Shelter et la simplicité presque innocente (qui ne l’est pas du tout) de Basic Space est unique et insolente.

Un must have, tout simplement.

P

Compatriotes de Mies Van der Rohe, auteur de cette citation, The Whitest Boy Alive est un groupe berlinois fondé en 2003, composé de Erlend Øye (de Kings of Convenience), Marcin Öz, Sebastian Maschat et Daniel Nentwig.

A sa constitution, le groupe est un projet électro. Il évolue ensuite en supprimant la pré-programmation des compositions pour les instruments, ce qui apporte au son chaleur et sentiments, tout en gardant le minimalisme caractéristique house berlinois dans sa ligne pop rock.

Le premier album, Dreams (2006) marque les esprits avec des mélodies parfaitement pesées, pour des compositions minimalistes comme l’excellent Done With You (repris sur la compilation Kitsune Maison Compilation 3 de cet excellent label français), poétiques comme le titre Don’t Give Up ou simplement pop comme Burning ou Fireworks.

Le second album, Rules (2009) continue sur cette lancée, sans avancée marquante. On peut à première approche regretter qu’un groupe qui a su si bien faire le tri entre les différents sons pour ne garder que le nécessaire ne poursuive pas ses réflexions Mais c’est son identité et Rules reste résolument un album très appréciable.

The Whitest Boy Alive est un groupe envoûtant, accessible pour tous, oreilles attentives ou néophytes, à écouter en toutes circonstances et en tous lieux.

POPLess is More, est ce qui m’est venu à l’esprit lors des écoutes des albums des groupes The Whitest Boy Alive et The XX.

The Whitest Boy Alive

The XX - XX

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Mademoiselle Caro & Frank Garcia forme un duo français de musiciens

- disc-jockeys, originaires de Perpignan, qui a su séduire les critiques dés son premier essai, Pain Disappears, sorti en 2008. Ce premier album propose un éventail House - Deep House mélodieux, profond, caractérisé par l’addition de la voix féminine et de la voix masculine des auteurs, qui apporte à l’album cette french touch très appréciée. Parfois sombre et influencés par l’électro des années 80’ (Apologies), happy house (I don’t want) ou tendre (Mon Ange), Pain Disappears est résolument un album à découvrir avec une oreille

attentive.

Le second album, Left (2010), change très légèrement la donne en empruntant un style électro-pop plus orchestré. Plus léger, satisfait, allant même jusqu’à emprunter des sonorités psyché-rock contrebalancées par des voix filtrées (Drive) ou simplement pop-rock (Fly) , Left est un second album tout à fait concluant et parfait pour la fin de cet été.

P

Dan Black est originairement le chanteur de l’excellent groupe The

Servant (malheureusement dissout en 2007, dont les albums The Servant (2003), How to destroy a relationship (2006) doivent se trouver dans toute discothèque – non la boîte de nuit mais la collection de disques - pop-rock qui prétend se respecter un minimum) qui édite son premier projet personnel, UN, fin 2009 - début 2010.

On reconnaît directement à l’écoute du premier morceau Symphony le son de The Servant si ce n’est qu’on passe du pop-rock à l’électro-pop. La version de ce titre avec la

collaboration de Kid Cudy est sur toutes les radios actuellement et a été choisie par iTunes US comme morceau de la semaine en décembre 2009, tout comme d’ailleurs l’a été le titre U + Me sur iTunes UK.

Très bon clin d’œil : dans le clip de Symphonies Dan Black rend hommage aux émissions et films de ces dernières décennies, en voyageant à travers elles. A voir sur Youtube.

Dan Black - UN

ELECTRO POP

Mademoiselle Caro & Frank Garcia

Ne downloadez pas la musique illégalement.

Pierre PAULUS de CHÂTELET

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le journal des avocatsPO

Corinne Poncin est avocate au Barreau de Tournai. Elle est de ces personnages prétentieux qui voudraient changer le monde et de ces individus naïfs qui croient que c’est possible. Elle confond modestie et timidité. Elle fréquente assidûment don Quichotte et rit beaucoup avec Sancho Pansa. Elle rêve qu’elle rencontrera des Robert Badinter et des Simone Veil. Elle atterrit sur les fumiers de la vie courante et elle essaie de débarrasser sa robe noire de trop d’odeurs incongrues. Atypique et sympa cette nana.

par Corinne PONCIN

Don Qui ?

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le journal des avocats PO

Alleluia, se dit-il, en hommage à JSB, son maître en musique. Le rendez- vous était parfait.

Pas facile, avec elle, de trouver jour et heure qui conviennent, et encore moins de se mettre d’accord sur un projet. Culturel d’ailleurs le projet. Jamais rien d’autre. Et pourtant ils savaient tous les deux qu’il subsisterait toujours cette possible et autre rencontre avortée il y a maintenant bon nombre d’années.

Il pouvait se reprocher d’avoir manqué de clarté, mais que dire avec cette sauvageonne qui possédait l’art de fuir mieux qu’une licorne. Inutile donc de travailler ce point : ils étaient restés fidèles à cette curieuse amitié qui réunit tant d’hommes et de femmes, dans des rapports aussi convenus qu’hypocrites. Ils avaient parfois approché du précipice, mais soit l’un soit l’autre avait reculé soigneusement et remis en bonne place les barrières. Sans un mot, sans un regard, sans aucune acceptation ou explication de quelque sorte.

Ce serait Don Giovanni présenté dans ce théâtre grandiloquent dont il tairait ici le nom et ce, en raison de ce qui s’y passerait lors de cette belle soirée.

Don Giovanni de l’incontournable Mozart, mais il avait dû ferrailler. N’avait-elle pas entrepris de s’intéresser à la musique contemporaine, et plus grave encore de l’apprécier. Lui, il y était résolument allergique, par principe, dirait-il. Il voyait encore l’œil noir qu’elle lui avait décoché lors de cette annonce. Elle était

coutumière de ces sortes de mépris silencieux, mais il avait quand même eu droit à autre chose : elle s’était lancée dans l’évocation d’un mur de larmes  : des larmes authentiques qui s’égrenaient, paraît-il, une à une dans le Château de Barbe Bleue. Elle avait parcouru les Jonchaies de Xenakis et avait senti l’évidence de la profusion, des balancements de têtes herbues, des organisations du son, à la manière des barbes formant les plumes d’oiseaux. Et, sautant d’une idée à l’autre, elle comparait tout cela avec les ombellifères multipliées, différenciées, recalculées. Elle l’engageait à se plonger dans le métissage des instruments, d’accepter le rythme des volumes en parallèle, en quinconce, en opposition. Elle voulait qu’il parte en chute libre sur les sons élastiques et sur les échelles renversées. Elle savait que les violoncelles mangent des silences épais, que les bois établissent des forêts de Brocéliande, que les cordes se métallisent en bruissement d’archets devenus percuteurs.

- Que de passion, ma chère amie, lui avait-il dit, tout amusé du feu de son verbe pour tant de choses théoriques.

- Cesse de rester vieux ! fut la réponse simpliste qui mit un terme à ce sujet de discorde.

« Disputatio », fallait-il dire, au sens de la discussion intellectuelle qui, finalement, n’engageait à rien, comme ils le savaient tous deux, depuis longtemps. Mais elle n’en démordait pas de cette importance de s’ouvrir à l’art contemporain, comme en peinture d’ailleurs. Là, elle soutenait que la couleur se donnait à voir pour elle-même, sans besoin d’une forme explicite. La plastique devenait un simple prétexte et non un discours qui se serait voulu cohérent, ou illustratif.

Elle s’environnait de bleu, de tous les bleus, ou de toutes les couleurs possibles : elle entrait dans la toile pour en ressortir marquée par la sensation du grain ou de la lumière.

Il la laissait dire, et, à part lui, il songeait à telle descente de croix ou telle adoration de mages dont les velours, les ors ou les cabochons colorés lui avaient toujours ouvert les portes de ce qu’il croyait être le beau.

Comme il était honnête, au moins avec lui-même, il restait dubitatif quant à son credo artistique. Mais il n’avait jamais pris le temps de s’engager dans les chemins de l’aujourd’hui. Il demeurait l’éternel pèlerin du temps passé.

Mais bref, ils étaient assis côte à côte, les yeux rivés sur la scène où le Commandeur allait bientôt dire, lui aussi,

Lors de sa première création, au Théâtre des Etats de Prague en 1787, Don Giovanni, « l’opéra des opéras », était dirigé par Wolfgang Amadeus Mozart en personne qui a composé cette œuvre spécialement pour Prague. En hommage à cette époque, Don Giovanni est depuis 1991 l’une des productions les plus jouées du Théâtre National de Marionnettes, avec plus de 2500 représentations. National Marionette Theatre - Zatecka 1, Old Town, Prague 1

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ce qu’il convenait de penser.

Quant au donjuanisme, ils le pratiquaient entre eux et avec d’autres. Discrètement, bien sûr, et cet opéra leur servait de bible, aux exégèses relatives à la mise en scène ou à l’interprétation des airs-tubes de ce chef d’œuvre, toutes catégories et toutes époques confondues.

Elle avait admis ce fait, à partir du résultat d’un concours radiophonique où les beethovéniens s’étaient empêtrés dans des querelles d’allemands à propos de la préséance à établir entre les quatuors et les sonates. Mozart, et son Don Giovanni, avaient gagné le titre grâce à l’intelligence des mozartiens qui avaient compris que cet opéra contenait à lui seul la quintessence de tous les genres musicaux, montés en neige par le fouet du sorcier voyageant à Prague.

Ils étaient à présent en apesanteur, portés par l’imbroglio sentimental et la passion à vouloir mener sa vie comme on croit le vouloir. Leporello donnait sa leçon de choses à donna Elvira, et ce fut, très précisément sur les mots « mille e tre » que la terrifiante catastrophe advint.

L’énorme lustre rococo de la grande salle se détacha du plafond et s’écrasa sur les fauteuils du parterre dans un fracas digne de Stokhausen, Dutilleux et Messiaen

réunis.

Une onde de choc s’ensuivit vu le poids de l’ornement et la vitesse de sa chute. Deux fauteuils furent propulsés dans un balcon, arrachés de leur base. Après des heures de déblayage, les pompiers dégagèrent les deux survivants cloués sur leurs sièges par une épée de cristal fichée dans la main droite de l’homme et la gauche de la femme.

Il était irréfutable que la main féminine avait dû reposer sur celle de l’homme, et ce, au vu de l’angle de pénétration de l’éclat issu du luminaire et de la forme des deux blessures.

La presse était accourue, avide de morts et de sang.

Des morts, il y en avait des centaines.

Quant au sang, il avait bien coulé. La plaie était belle et la lumière des torches électriques la façonnait en creux et en épaisseur, avec des rouges passant du coagulé durci au coulé frais.

Les titres des journaux annoncèrent en grosses lettres : « les miraculés du Commandeur ». Plus loin, on pouvait lire qu’il s’agissait de deux avocats, de barreaux différents. Une épouse et des amis de toutes sortes s’étaient enquis de l’état des victimes, sans commentaire particulier.

Dans les barreaux concernés, les bâtonniers et les membres de chaque Conseil de l’Ordre avaient évoqué ce fait lors de leurs régulières réunions : mettait-il ou non en peril la dignité de la profession ?

Cette question ne fut jamais résolue, comme tant d’autres du même sujet. En effet, en ces matières, beaucoup d’énigmes demeurent, et par ailleurs, ces deux avocats vaquaient sereinement à leur besogne, comme il se doit, et comme si rien ni personne ne leur importaient plus que le do mineur ou le si bémol majeur d’un air d’opéra.

Corinne Poncin

Scène de rue (série) 2010 - Techniques mixtes sur papier - 165x165•Œuvre de Christian Rolet, plasticien, professeur de recherches picturales et tridimensionnelles à l’académie des Beaux-Arts de Tournai

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le journal des avocats

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le journal des avocatsR

Né à Luxembourg le 31 octobre 1949.

Élevé en Gaume au lait cru.

Farouchement avocat depuis l’an 1973.

Fidèle au Barreau de Namur depuis lors.

par Pierre-Jean RICHARD

languesLe don

des

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le journal des avocats R

Ce n’est pas si facile de rater sa vie, pensait Nullo, il faut des efforts, de la persévérance, et même un brin de chance.

L’avocat venait à peine de refermer la porte, branlante depuis dix ans, de l’immeuble qui avait été glorieux dans une autre vie, et s’apprêtait à remonter dans le grenier qui lui servait de domicile privé depuis que sa femme l’avait jeté dehors…

Elle avait rompu le lien conjugal, comme disent les pedzouilles, qui est plutôt une chaine matriarcale, pour aller, disait-elle, accompagner les derniers moments d’un juge qu’elle prétendait atteint d’un cancer incurable. Depuis des années, cet oncolé de magistrat promenait sa face rubiconde et sa ventripotence triomphante au Palais, toisant ironiquement son ancien rival d’un petit sourire goguenard.

Marie Jeanne, la vieille secrétaire, était partie à l’exact premier coup de quatre heures.

L’avocat se sentait, comme tous les soirs, un peu seul. C’était même peu dire, en ce vendredi soir de mars, c’était plus que de la solitude, c’était de l’isolement, Emile Nullo était un quasi ermite dans sa propre vie.

Faut dire, depuis le coup des dollars en chocolat qui lui avait croire deux minutes au Père Noël, les affaires n’allaient pas en s’améliorant.

Pas un client depuis quinze jours, rien, pas un chat, même pas un chômeur remis au travail par erreur, ni un voisin agacé par un chien hurlant la nuit, le vide. Nullo se demandait même s’il n’allait pas changer de métier, quand une réflexion justement tenace l’amenait à la conclusion que de toute manière, il ne savait rien faire d’autre.

Alors le téléphone sonna.

- Allo ? répondit Nullo, ce qui pour n’être pas original, était assez universel. - Ja ? retentit une voix grave et autoritaire.

- Oui ? dit notre homme, ce qui n’était pas une traduction mais une invitation à continuer la conversation,

convaincu cependant qu’il avait à faire à un démarcheur téléphonique de canapé batave ou un marchand de vin sud-moluquois, ce qui est plus rare.

- Fous etes pien l’afocat ? persista cependant le correspondant.

Cette inversion systématique de consonnes et le côté tranchant de la voix fit soupçonner à Nullo que l’interlocuteur n’était manifestement pas originaire de Strépy Bracquenies.

L’homme baragouinait une sorte d’allemand comme on l’entend dans le grand nord, mais les nordiques disent ø presque à chaque mot.

- Oui, oui, je suis. - Ach, fous êtes afocat d’avaire, Ja ? - Oui, aussi, osa timidement Emile en s’avançant sur la pointe des pieds et des ses compétences - Ach, barvais, fous êtes l’homme de la zituazion, ja !

Nullo en vint à espérer qu’une phrase pourrait ne comporter ni « f » ni « p » pour atténuer le côté germain de la conversation. Il cherchait déjà comment diable un étranger à son quartier pouvait bien s’adresser à lui. Il y avait lanlère que plus aucun client ne cherchait son nom dans un annuaire téléphonique, et Marie Jeanne n’avait jamais franchit le pas de l’ordinateur, en sorte que le cabinet ne se trouvait même pas sur internet.

N.B ; l’auteur conseille de lire cet article à haute voix, ce qui a pour avantage, en principe, de faire rire l’entourage, et l’inconvénient de diminuer le nombre de gens qui regardent les belles photos publicitaires qui ornent cet ouvrage ; on ne peut pas plaire à tout le monde.

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le journal des avocatsR

- Que puis-je faire pour vous ? dit l’avocat du ton le plus professionnel qu’il put trouver à prendre ? - Z’est un beu combligué bar délévone, Ja ?

Zut, il y aussi les « t « et les « d » qui venaient troubler la compréhension.

- Bourquoi, euh… Pourquoi, se surprit à répondre Emile. - Barceque l’avaire est tivicile, Ja ! Che feux le blus crand afocat bossible.

Ca ne s’arrange pas, pensait in petto notre distingué linguiste, qui n’avait jamais eu le don des langues en général et celui de l’allemand en particulier, à supposer que l’interlocuteur fut allemand et qu’il parle une vraie langue. Mais les deux ne faisaient guère de doute.

- Euh, on ne peut pas traiter par téléphone ? - Nein, on ne beut bas, verboten, tanchereux, Ja !

Bon, alors on va prévoir un rendez-vous, soupira l’avocat, déjà convaincu qu’à la vue du bureau défraichi, du pull over sans forme, mais hélas pas sans couleurs, de Marie Jeanne, le riche client, d’où qu’il vienne, allait faire demi tour aussi sec.

He bien, demain matin, samedi, 11 heures, par exemple, exceptionnellement bien sûr, le samedi j’enseigne à l’université, mentit Nullo, qui tous les samedis était au Petit Blanc, son bistrot préféré, avec des mauvais camarades qui l’entraînaient à la belote et jusqu’au soir…

- Ach, bas bozible blus fite, mit brime en blus, ja ? - Brime, brofizion ? répondit Nullo, ayant peur de ne pas comprendre le mot « brime » mal traduit. - Brofizion, ja, gross brofizion, euros, tollars, ce que fous foulez… - Je vous attends dans une heure, alors, bafouilla le bavard, sans réfléchir.

Le combiné raccroché, Nullo eut d’un coup la vision hélas trop nette de la situation. Un nouveau client, chose déjà remarquable, allait débarquer dans une heure et avec une affaire mystérieuse dans le bureau complètement improbable de l’avocat le plus minable de la province (voire même du pays, mais Emile ne voyageait guère).

Notre robin, affolé, commença donc par ranger la pièce qui servait de secrétariat. Dans le premier tiroir

du bureau de Marie Jeanne, il trouva une collection de trognons de pommes Golden à des stades plus ou moins avancé de décomposition. (Il est très difficile de reconnaître un trognon de Golden d’un trognon de Pink Lady. En fait il faut planter les pépins et attendre la première récolte après pousse de l’arbre, soit environ six ans.) Curieux, cette collection. D’autant que le mari de Marie Jeanne, n’était pas fructiculteur, mais C.O.N. (c’est-à-dire Chômeur Ordinaire Naturel, expression préférée à Chômeur Complet Indemnisé, locution abandonnée par le ministère du Travail Doux et des Loisirs Intensifs, dirigé par un écologiste, et qui sentait trop son assisté social).

Nullo n’eut pas le temps d’ouvrir le second tiroir, il entendait déjà dans la rue le bruit caractéristique d’une portière de Mercedes CLS 500 noire coupé, essence, 8 cylindres, boite automatique, intérieur cuir fauve, (87.986 euro avec les options équipant le véhicule utilisé dans cette nouvelle).

C’est lui ! pensa Emile, sans la moindre once de doute, ni non plus d’originalité.

Effectivement, le timbre asthmatique de l’ouvre-porte, cassé, de l’huis d’en bas retentit dans le capharnaüm du secrétariat, obligeant Nullo à descendre ouvrir.

Ce qui n’arrangea pas sa douleur de la hanche, devenue chronique.

- Ponchour, Maître Nullo che brézume ?

Cette inversion, aussi, des « j » et des « ch » ne laissait aucun doute, le client, c’était bien lui, n’était pas du Centre…

- Oui, c’est bien moi, répondit notre homme en dissimulant comme il le pouvait son vélo hollandais qui rouillait dans le couloir. - Ah, drès pien, barvait, che zuis heureux de fous rengontrer envin.

- Oui ? s’avança prudemment notre fiers et cycliste juriste (c’est vrai, il y a aussi les « c » et les « g », flûte, ça ne va pas faciliter les choses…).

- On beut monder, ja ?

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le journal des avocats R

- Euh, non, le bureau est occupé par mon associé américain, mais que puis-faire pour vous ?

- Ach, rebrézender nodre zoziedé en Pelchigue, nadurellement, Ja ?

- (ça devient de plus en plus difficile) Nadurellement, mais guelle zozieté ? (Nullo s’efforçait de ne pas troubler son interlocuteur, en imitant son accent mais cela s’avérait de plus en plus pénible)

- Mais la Apfel Groß International Gesellschaft, fodre zegredaire ne fous a rien tit ?

- Nein, (cette vieille s… de Jeanne Marie avait donc fait son travail de travers)…mais que vendez vous, au fait ?

- Ah, Apfel, des bommes, und tes brotuits nadurels, tes blandes, bardout tans le monte…zelà vait un mois gue nous fous en lifront une gaisse par zemaine… bas rezu ? Nein ?

- Si, si, bien sûr, mentit Nullo, tes blandes ? Des plantes sans doutes, s’expliquant brutalement l’accumulation de trognons dans le tiroir de la secrétaire, en lieu et place de papier carbone (pour les plus jeunes, une feuille noirâtre et salissante qui permettait de faire trois exemplaires illisibles du même document, disparu à la fin de la seconde décennie du vingt-et-unième siècle).

- Et cela représente ?

- Une zomme kolossale (ah oui, il y a aussi les « c » et les « k », cette histoire devient de plus en plus compliquée à écrire…), tes zents et tes milles…

- Des milles et des cents, peut être, risqua Emile, qui n’osait y croire…

- Ja, Ja, gross avaire. Fous foulez bien (parfois le gros homme prononçais le mot juste) êdre nodre Rechtsanwalt, afogat, ja ?

- Oui, bien entendu, tout de suite, votre dévoué, humble serviteur, merci grand mamamouchi, herr Direktor, Oh grand A…D…L…U…, on commence tout de suite ?

- Ja ! foilà eine brime te hundert euros und un tossier…

- Grazie, dank-u, merci encore, bégaya Nullo en recevant une enveloppe de papier bulle, et qui confondait, comme tout bon latin, hundert et tausend, et croyait donc recevoir de quoi payer son loyer.

- Ach, à piendôt, et comme ont dit en vrançais « casse-toi-pauv-con » (expression qui signifie « au revoir cher ami et à bientôt » et qui avait été introduite, de force, par un président de république au début du siècle, président devenu ensuite représentant en produits de beauté pour dames).

(A gauche hanche usée d’avocat ; à droite hanche saine de comptable Belgacom, au même âge)Source : ministère du travail doux et des loisirs intensifs.

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le journal des avocatsR

Tandis que le client remontait dans sa belle Mercedes (que le concessionnaire qui nous a prêté la voiture pour cette histoire se rassure, nous la laverons avant de la rendre, elle sent un peu la pomme et les cigarettes qui font rire), Nullo ne put cependant résister à la question qui le turlupinait depuis le début de cette nouvelle affaire :

-Mais pourquoi moi ? La réputation ? Le sérieux ? L’expérience ? L’extrême qualité du service ? Une relation peut-être ? Une grosse société déjà cliente de l’étude ? (quoique cette dernière hypothèse relevait du surréaliste belge pur jus).

- Ach, nein, rien te dout zela… Aber, fous êdes le zeul afocat que nous afons drouvé dont nous boufons brononzer le nom sans nous dromber…

NULLO, bas de « v », de « f », de « c » de « g « de « k « de « t » de « d » de « j »

Ah ah ah

Auf wiedersehen.

Et le client partit dans le feulement des huit cylindres de la machine, polluant la planète assez pour flinguer une famille d’ours blancs au pôle…

Au fait, il parlait le pennsilfaanisch.

P.J. Richard

Note de la rédaction Le pennsilfaanisch ou allemand pennsylvanien (Pennsilfaanisch-Deitsch, Pennsilfaani-Deitsch) est une langue minoritaire parlée dans certaines régions des Etats-Unis (Indiana, Iowa, Ohio, Pennsylvanie,Wisconsin, etc.) et au Canada (Ontario).Il est parlé par les communautés mennonites et amish, qui sont originaires du Palatinat, de la Suisse alémanique et de l’Alsace et qui ont conservé la langue parlée lors de leur émigration.

Jean-Pierre & Willy De Cuyper

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Avocat

Ancien Membre du Conseil de l’Ordre du Barreau de Bruxelles

Ancien Président de l’Union des Professions Libérales et Intellectuelles de Belgique

Députée bruxelloise

Présidente du Centre Culturel et Artistique d’Uccle (CCU). www.ccu.be

[email protected]

par Jacqueline ROUSSEAUX

bellesrencontres

quelquesDe

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le journal des avocats

belles

La propension des avocats à s’intéresser aux belles lettres et à l’humain n’est pas neuve. Et lorsque, via la politique, il me fut offert l’occasion de présider aux destinées du Centre Culturel d’Uccle, il m’apparut comme une évidence que j’y organiserais des rencontres littéraires et artistiques. Sans doute l’expérience joyeuse et si enrichissante de mon passage à la Commission de la Conférence du Jeune Barreau de Bruxelles sous la présidence de Néry Leclercq puis de Xavier Magnée, et comme orateur sous celle de Georges-Albert Dal, m’en donna t’elle le goût et les clés.

Ainsi naquit la tribune que j’intitulai « Enlivrons-nous », néologisme unissant les notions de « s’enivrer de livres » mais aussi de « se livrer », ce que feront les auteurs, les artistes, les créateurs et parfois l’assistance aussi lors de ces entretiens-rencontres publics.

Je sais gré à Jacques Franck, ancien rédacteur en chef de La Libre Belgique, d’avoir accepté d’être mon premier invité, à l’occasion de la parution de son merveilleux ouvrage « Des lieux, des écrivains ».

Après quelques entretiens littéraires, vint l’idée de créer aussi une « Foire du livre belge » réservée aux auteurs belges édités en Belgique. Ceux-ci sont trop souvent injustement ignorés ou méconnus et c’est aussi, me semble-t’il, le rôle d’un centre culturel belge de promouvoir l’expression culturelle de notre pays. Au cours d’un long week-end, les prix littéraires de l’année et une quarantaine d’auteurs sont reçus en interview autour d’un thème. Petite mais conviviale, cette foire, comme beaucoup d’autres, présente des étals de livres en tous genres, des romans aux livres historiques, en passant par la politique, la BD, les livres d’art, de voyage ou de cuisine. Une spécificité: tout est belge…J’eus le plaisir d’y interviewer plusieurs avocats ou magistrats comme Alain Berenboom, Hippolyte Wouters, Vincent Malacor, Félix Guttmacher, Jean-Pierre Buyle, Dominique De Wolf, Guy Blondeel ou Michel Claise. La huitième édition de la Foire du livre belge aura pour thème « Heureux européen » et se déroulera les 26, 27 et 28 novembre 2010 au Centre Culturel d’Uccle. Avis aux amateurs, qu’ils soient auteurs ou lecteurs.

Mais revenons-en à la tribune «  Enlivrons-nous  », où la durée des entretiens, une heure trente, permet de mieux découvrir les personnalités. Elle affiche aujourd’hui une jolie palette d’invités. Ne pouvant parler de tous, j’en évoquerai quelques-uns.

La rencontre la plus marquante fut sans conteste celle de Maurice Béjart. La force, l’autorité qui se dégageaient de ce génie de la danse étaient impressionnantes. Il était de ces créateurs qui font grandir leur public. Ceux qui ont eu le privilège de voir « Le Boléro » ou « La neuvième » n’écouteront plus jamais Ravel ou Beethoven de la même manière. Dès son entrée sur scène, une longue ovation de la salle debout accueillit Béjart, visiblement ému par ce témoignage d’admiration. La danse et ses danseurs étaient sa vie. La philosophie et la musique y tenaient une place majeure; il y puisait son inspiration créatrice. Travailleur infatigable, Béjart était entièrement tourné vers l’avenir. Tout l’entretien le confirma. Seuls comptaient ses projets et sa volonté de transmettre son amour de la danse et son art aux jeunes. Le livre de ses conversations avec Michel Robert, qui venait d’être publié, procédait de cette même volonté. Mais son école à Lausanne et la fondation qu’il créa dans ce but en sont les meilleures preuves.

Je découvris en cet homme, qui était tout sauf complaisant, un amour et un respect infinis pour sa troupe que, malgré ses 79 ans alors et un état de santé déficient, il dirigeait encore jusque dans les moindres détails. En guise de cadeau et connaissant son penchant pour les douceurs de la maison Wittamer, j’avais demandé à celle-ci de créer un gâteau qui porterait son nom. Après le lui avoir offert devant une salle comble à l’issue de notre entretien, le seul entretien public que le chorégraphe accepta en Belgique au cours de sa longue carrière, je fis porter le « gâteau Béjart »

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à son hôtel, le Métropole, où il avait ses habitudes. Mais Béjart n’y goûta qu’après l’avoir fait transporter ensuite à Forest National, où il le présenta à sa troupe et le partagea avec elle. Emouvant, non ?

Françoise Dorin est épatante, pétillante et légère, comme du champagne. Aussi gaie, vive et optimiste que le sont ses romans, tous des best-sellers. Sans jamais se départir de son humour et d’expressions imagées qui n’appartiennent qu’à elle, cette fine observatrice livre au fil du temps une analyse piquante et drôle de l’évolution des mœurs et des rapports entre la gent masculine et la gent féminine, qu’elle qualifie volontiers aujourd’hui « des hemmes et des fommes ». Mais cette fille de chansonnier est aussi une parolière hors pair. « Que c’est triste Venise » chanté par Aznavour fut son premier succès, qui lui donna confiance en elle, avant d’écrire de nombreux autres « tubes ». C’est d’ailleurs sous un nom faux et masculin qu’elle communiqua à Pierre Fresnay, la première pièce qu’elle avait écrite en cachette « Comme au théâtre ». Ce fut un triomphe et le début d’une carrière formidable comme dramaturge également. Suivront beaucoup d’autres comme «  La facture » interprétée par Jacqueline Maillan. «  Des pièces attendent dans mes cartons que la mode des spectacles vulgaires ou celle du genre‘ cultureux ‘, où l’on s’ennuie, passe »

déclara-t’elle. Lui demandant le secret de sa forme à près de 80 ans, Françoise Dorin me répondit en souriant: « Je nage trois fois par semaine !».

Lorsqu’elle revint avec Jean Piat quelques mois plus tard pour un éblouissant duo sur le temps qui passe, je posai la même question à ce dernier qui lança, superbe, à 84 ans: « Ne jamais s’arrêter. Le jour où l’on s’arrête, c’est la mort ! ».

C’est à l’occasion de son interprétation sur la scène du CCU de « Mémoires d’un tricheur » de Guitry et de la publication du livre « Sacha le magnifique », qu’il avait consacré à cet auteur d’exception, que je reçus Francis Huster. Outre le talentueux metteur en scène, réalisateur et acteur que l’on sait, je découvris non seulement un homme charmant, très attentif à son public, mais aussi un homme engagé, combatif et émouvant.

Formé par J.L. Barrault à diriger des acteurs, il regretta la disparition de la vie de troupe, qui n’existe pratiquement plus qu’à la Comédie française. Lors de l’entretien, il fit subitement un fougueux plaidoyer pour la culture comme recette contre la souffrance et comme moyen d’affirmation de l’identité européenne, ainsi qu’en faveur du théâtre qui fait rire et que tant de critiques méprisent. « Guitry, Trenet, comme Molière, Mozart ou Chaplin, offrent ce que certains appellent avec mépris du divertissement. Et ceux qui jugent superficiellement Guitry ou Trenet seront mis en défaut par le recul des siècles. Aujourd’hui, ce ne sont pas Corneille ou Racine que l’on retient en priorité, mais Molière. C’est lui qui parle le mieux de son époque, qui dénonce ». Assurément, il aurait fait un excellent avocat.

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Jacqueline Bir avait annoncé - en privé il est vrai - son au-revoir à la scène après les dernières représentations d’ « Oscar et la Dame Rose » d’Eric-Emmanuel Schmitt, un des spectacles les plus touchants qu’il me fut donné de voir. Je décidai alors d’organiser une soirée en son honneur, émaillée de témoignages surprises de quelques-uns de ses compagnons de route : Yves Larec, directeur du Théâtre du Parc, le critique Jacques Franck, Arian Brine metteur en scène, Thierry Bosquet créateur de décors et costumes, Jacques De Decker et l’auteur Pietro Pizzuti. Dès son enfance à Oran, Jacqueline Bir montait entièrement seule des spectacles, où bien sûr elle tenait le rôle principal, préfigurant ainsi sa vie future, notamment au sein de la Comédie Claude Volter. Elle plaida pour « que l’on apprenne aux enfants, dès l’école, l’envie d’intégrer les beaux textes, au point de vouloir les interpréter ».

De Phèdre à Virginia Woolf, cette grande dame du théâtre a joué les plus beaux rôles. « J’aime les rôles extraordinaires, des choses extravagantes, j’aime bien les monstres, comme Madame de Merteuil, ils sont très excitants à fréquenter, mais pas trop longtemps ». Mais comment apprendre une pièce le matin, en répéter une autre l’après-midi et en jouer une troisième le soir ? Jacqueline Bir confia « J’appends facilement les rôles

lorsque que le personnage me fascine. Mais surtout, j’aime travailler. Je n’ai appris que cela : travail, rigueur, discipline. Et lorsque je répétais «Master Class », j’ai retrouvé les mêmes mots dans la bouche de Madame Maria Callas. Et puis, j’ai un infini respect pour les auteurs. J’essaye de m’imprégner de leur écriture ».

La scène est certes une discipline exigeante mais aussi une drogue dont il est difficile de se passer. Aussi, pour notre plus grand bonheur, Jacqueline Bir reviendra-t’elle cette saison sur les planches du CCU y interpréter « Sarah » (Bernardt) et, pour la dernière fois, « L’Allée du Roi » où elle incarne magnifiquement Madame de Maintenon.

Peu savent que le comédien Pierre Mondy est également l’excellent metteur en scène de pièces cultes telles que « Oscar », « La Cage aux Folles » ou « Le dîner de cons ». Cet homme affable s’est révélé être lui aussi un travailleur acharné, extrêmement précis aimant « mettre en place des mécaniques bien huilées, qui permettent aux comédiens de donner leur pleine dimension ». Il évoqua avec beaucoup de modestie et de drôlerie ses débuts et quelques déboires de sa belle carrière qu’il a relatée dans un livre de souvenir. Lui aussi me souffla. A 82 ans, il rejoignit à 18h13 le CCU, lieu de notre «

Enlivrons-nous » prévu à 18h15, après avoir visité un collectionneur de disques de jazz et couru avec celui-ci quelques disquaires spécialisés tout au long de l’après-midi. Il devait monter sur scène à 20h30 pour n’en sortir qu’à 22h15, avant d’aller dîner au restaurant avec la troupe. Je le quittai, un peu fatiguée, vers une heure du matin et il me dit, frais comme un gardon, « vous partez déjà ? ».

Olivier Strebelle, comme Béjart, ne s’intéresse pas au passé et sans cesse invente des projets. Je

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l’invitai donc à présenter, en première, la maquette de la sculpture qu’il préparait alors pour les jeux olympiques de Pékin, « L’allée des athlètes », la plus grande sculpture du monde. A ce moment elle devait faire 200 m de long sur 38 m de haut et peser 400 tonnes de métal. Une entreprise colossale. Même si ces dimensions furent ramenées à 100 m et 25 m, cela reste gigantesque. Rien ne pouvait arrêter cet homme de près de 80 ans dont la foi en son projet souleva des montagnes. Ni le financement à trouver, ni les discussions avec les chinois, ni les voyages sur place, ni les problèmes de résistance de la sculpture au poids et au vent, ni les mille difficultés inhérentes à un tel projet. C’est ainsi qu’une équipe se mobilisa pour l’aider dans cette entreprise, dont des diplomates, hommes politiques, hommes d’affaires et l’événementiste français Gad Weil, qui vient de réaliser

« La nature sur les Champs Elysées ». Un beau livre signé Philippe Dasnoy (Mercator) et un film racontent cette superbe aventure. Aujourd’hui, Strebelle imagine des sculptures pour un pont au Qatar….

J’aimerais vous parler de tant d’autres encore. D’Olivier Strelli, reçu à l’occasion des trente ans de sa maison de couture, de grands de la BD comme Jean Van Hamme, Yves Sente, Dufaux et Grenson, Tibet, Jannin, du merveilleux comédien Jacques Weber, du déjanté Nicolas Ancion, qui croule sous les prix littéraires, du délicieux auteur et éditeur Francis Dannemark , du passionnant historien Hervé Hasquin, d’Yvon Toussaint, ce merveilleux conteur, du diplomate Patrick Nothomb, de Mark Eyskens homme politique plein d’humour, des artistes d’exception que sont

Isabelle de Borchgrave ou Thierry Bosquet….

Après 7 ans de rencontres éclectiques et enrichissantes, existe-t’il un fil rouge entre mes invités ? La réponse est oui. La constante de toutes ces personnalités, quel que soit leur talent, est la PASSION. La passion de leur métier ou de leur art. L’autre constante est, comme souligné maintes fois, le TRAVAIL. Un travail acharné, incessant.

Un troisième constat : la plupart des artistes avaient, dès l’enfance, fait le choix de leur destinée…

Ecoutez donc attentivement les enfants et venez vivre avec moi d’autres belles rencontres.

Jacqueline ROUSSEAUX

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Louis Van Bunnen qui prêta le serment d’avocat à vingt-et-un ans, en 1951, patronné par Me Jean Favart, s’est spécialisé dans le droit de la propriété intellectuelle, matière qu’il enseigna à l’Université Catholique de Louvain, dont il est professeur émérite, tout en restant actif au barreau de Bruxelles.

Il est aussi dessinateur des « silhouettes » du Journal des Tribunaux et peintre d’aquarelles, ce qui est sa véritable passion et qui sera évoqué dans un autre article.

Il opère ainsi une rencontre entre le droit et l’art, ce qui est conforme à l’idée que le droit, plutôt qu’une science, constitue un art : «Jus est ars aequi et boni » et aussi, à l’idée que le droit mène à tout, même à l’art …

Prochainement, les éditions Bruylant publieront de lui un ouvrage intitulé « Figures du Palais », dont les textes et les illustrations évoquent une série de personnalités du barreau et de la magistrature ayant fréquenté le palais de Poelaert, disparues ou encore toujours bien vivantes. Le présent article en donne quelques extraits.

par Louis VAN BUNNEN

PalaisSilhouettes

du

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le journal des avocats V

Qu’est-ce une silhouette ? Originairement, c’est un portrait de profil, découpé aux ciseaux dans une feuille de papier noir, appliqué ensuite sur une feuille de papier blanc. Ce dessin de profil suit le tracé de l’ombre projetée par le visage.

Aujourd’hui le terme désigne, plus largement, tout dessin aux contours schématiques (la « ligne claire » popularisée par Hergé). C’est dans ce style qu’on été réalisés les croquis et les dessins dont ici question.

Les silhouettistes du J.T.Lors de sa reparution, en 1944-1945, le Journal des Tribunaux inaugura la pratique des portraits écrits d’avocats et de magistrats, illustrés par un «  silhouettiste  » appartenant lui aussi au monde judiciaire.

Le premier dessinateur silhouettiste du J.T. fut Jean-Pierre Paulus (1920-2000), fils du célèbre peintre Pierre Paulus (1881-1959). Entré en stage en 1943 au cabinet de Me Charles Resteau, le jeune avocat fut membre de l’Armée secrète et à partir de 1944, multiplia les silhouettes dans le Journal des Tribunaux renouvelé.

En 1948, il entra au cabinet du premier ministre Van Acker et s’éloigna du barreau. Nommé chef de cabinet adjoint du roi Baudouin ultérieurement, il conserva, jusqu’à sa mort, le titre de « chef de cabinet honoraire du roi ».

Après Jean-Pierre Paulus, d’autres silhouettes apparaissent, signés « E.S. », émanant de l’avocat Eugène Stevenart, dont le frère Jean est toujours inscrit au barreau de Bruxelles, portant le numéro 1 de l’Ordre Français.

Avec un autre graphisme, proche de celui des gravures sur bois, Eugène Stevenart a réussi d’étonnants portraits, comme celui de du Paul Veldekens ou du Procureur général Hayoit de Termicourt.

Enfin, Louis Van Bunnen, membre du comité de rédaction du J.T. depuis 1954 et dont le premier croquis fut publié en 1956 (Me Tienrien), continue à être sollicité de dessiner les figures du Palais, autrefois sur le vif, aujourd’hui d’après une photo.

Une silhouette réussie est celle qui, en quelques traits, et avec la plus grande économie de moyens, fournit une image exacte et attrayante de la personne représentée,

éloignée à la fois de la caricature outrancière et du portrait ingresque.

A cet égard – réussir à capter l’essentiel – le plus talentueux des auteurs de portraits ne figure pas parmi les silhouettistes du Journal des Tribunaux ; il n’appartint jamais au barreau mais a fait connaître son talent via la Conférence du Jeune Barreau : son président de l’époque, en 1933-1934, Emile Janson, invita son cousin, Fernand Janson, professeur d’enseignement secondaire à l’athénée d’Ixelles, a devenir dessiner tous les membres de la conférence du Jeune Barreau de l’époque parmi lesquels mon père, Gérard Van Bunnen, prix Lejeune en 1932. Ont été sélectionnés, pour illustrer l’immense talent de F. Janson, les portraits d’Emile Janson et de mon père, effectués en 1933 et 1934.

PAUL VELDEKENS (1888-1958)

« …Dominant de la taille et du verbe les fées traditionnelles serrées autour de l’enfançon, trône Dame Rhétorique. Dès le collège, Paul Veldekens brillait dans la joute oratoire.

Naturellement féru de Bossuet et de Montalembert, l’adolescent ne méprisait pas, pour autant, les poètes, mais sa prédilection allait peut-être, à travers Rostand et Coquelin, son superbe interprète, à Cyrano de Bergerac. Panache au vent, verbe haut…

Paul Veldekens, silhouette parue au J.T. (1955, p. 442) par Eugène Stevenart (E.S.)

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Depuis cette époque, on n’a pas cessé d’admirer son port altier, qui accroche le regard dans les salles d’audiences et dans les couloirs du palais, manifestement conçus à sa mesure. On l’a vu se dépenser à toutes les barres, défendant toutes les causes honorables, sans se laisser rebuter par les plus difficiles, ne négligeant aucune occasion de faire valoir l’idée dont il est pénétré, si discutée qu’elle soit, et de convaincre les sceptiques si endurcis qu’il les connaisse. Souverain dans son art, toujours sûr de lui, menant adversaires et juges par la route de son choix

(…)

Dame Rhétorique peut être fière de son filleul. Sa consolation et sa vengeance en une époque si injustement ingrate pour elle.

Il y a assurément, le bâtonnier Veldekens à la barre, le professeur Veldekens en chaire et dans le monde, Monsieur Veldekens. Mais ceux-là même qui ont percé le secret…ne peuvent le comprendre s’ils n’ont fréquenté Manebroeck.

(…)

Le maître de céans, s’arrachant aux piaillements de ses petits- enfants, s’assied à la table de famille. Il associe au repas commun dans la grande tradition catholique, le suprême dispensateur des nourritures. Après s’être assuré par un large regard circulaire de l’orthodoxie du dispositif. Il y a là quelques-uns de ses enfants, des voisins, certains de ses collaborateurs. Ses amis à la vérité. Sa « gens ». Tout est dans l’ordre. La conversation va s’engager … 6 »6. Extr. de « Silhouettes » J.T. 1955. 442.

GERARD VAN BUNNEN (1904-1976)

Faire figurer aujourd’hui mon père parmi les « visages du Palais » peut apparaître paradoxal alors que ceux de sa génération qui l’y ont connu, ont disparu et que ceux des générations suivantes ne se souviennent de lui que comme professeur de droit romain aux facultés Saint-Louis ou comme membre du conseil d’Etat.

Mais en réalité, c’est au palais de Poelaert que mon père a vraiment commencé sa carrière. Prix Lejeune en 1932, il fut de la commission d’Alex Salkin qui ne manqua pas de recruter comme collaborateur cet excellent élément. Il disait de mon père que de tous ses collaborateurs, il était celui qui était doté « du meilleur style juridique ».

Diverses circonstances amenèrent Gérard Van Bunnen à obliquer vers la magistrature, devenant référendaire au tribunal de commerce en 1936, où il retrouva René Piret, doté, comme mon père, d’une nombreuse famille composée exclusivement de garçons, parmi lesquels le futur procureur général Jean-Marie Piret, mon exact contemporain.

A la libération de 1944, une partie des magistrats de l’ordre judiciaire fut appelée à former la section de répression des activités de collaboration économique avec l’ennemi, ce qui valut à mon père, à la demande de l’auditeur général Ganshof van der Meersch, de faire une brève carrière de magistrat debout chargé plus spécialement des dossiers de collaboration économique.

En 1947, c’est la création du conseil d’Etat, une nouvelle direction administrative et de contrôle de la législation ; l’on offrit à mon père d’y participer. Après un bref passage à l’auditorat il devint conseiller d’Etat, œuvrant

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principalement dans la section de législation. Ce qui lui valut de multiples contacts avec les avocats ou professeurs de droit, qui à titre d’assesseurs, siégeaient avec les magistrats.

Si sa carrière, en tant que magistrat, fut diverse, il demeurera invariablement professeur, titulaire de cours de droit romain, à Saint-Louis, de 1930 à 1974. Il a ainsi vu passer plusieurs générations d’étudiants, futurs avocats ou juristes, qui en suivant ce cours prenaient connaissance de la première synthèse du droit. Tous étaient unanimes à en louer la clarté et la limpidité.

PAUL EMILE JANSON (1872-1944)

« …Nous l’appelions tous Paul Emile, sans doute pour le distinguer de son père, Paul, bâtonnier de Bruxelles comme lui ». 1.

Paul-Emile Janson, né à Bruxelles le 30 mai 1872, fut le premier enfant du grand tribun qu’était Paul Janson. Il devait rester le seul garçon, les cinq enfants suivants furent cinq filles, la fille ainée, Marie, née en 1873, devenue de son mariage Marie Spaak, fut, en 1921 la première femme à entrer au sénat. Un de ses fils sera

Paul Henri Spaak. 2.

A vingt ans, en 1892, Paul Emile Janson était docteur en droit, avec distinction, de l’ULB, ce qui à l’époque n’était nullement exceptionnel. Entré au barreau fort jeune, il fit son stage chez son père mais poursuivit sa formation au barreau de Paris chez l’avocat Florimond Desjardins et puis à Anvers chez le bourgmestre Jian Van Ryswijck « romantique à chapeau sombrero et gilet cramoisi, romantique flamand rapsode inspiré  »  3. Paul Emile n‘y apprit pas le flamand mais ses contacts anversois l’initièrent aux préoccupations des intellectuels flamands. « De tous les libéraux de langue française, il sera par la suite un de ceux qui comprendront le mieux le mouvement flamand ». 4

Au barreau de Bruxelles, Paul-Emile Janson émergea et prit une place considérable. « Sa réputation d’éloquence fit que, très vite, un des exercices favoris des chroniqueurs judiciaires fut de comparer ses qualités oratoires à celles de son père » 5. « La diction parfaite et la modulation spontanément gracieuse …académique dans le meilleur sens du mot, Janson était un avocat et un classique ». 6

Selon Henri Goffinet, entré au barreau en 1908, date à laquelle Paul Emile Janson brillait déjà, celui-ci n’abordait jamais la barre ou la tribune « sans cette transe révélatrice dont de plus illustres encore, tels Berryer et Gambetta, ne furent jamais guéris… » 7

Pendant plus de vingt ans, Paul Emile Janson fut avant tout avocat, ses activités politiques étant secondaires.

Plus tard, ce fut l’inverse, c’est ce qui est évoqué au chapitre suivant (« les avocats et la politique »).

1. Charles D’YDEWALLE : D’Albert Ier à Léopold III, les belges de mon temps. Ed. Erel, 1966, p.22.2. Voy. J. STENGERS : Paul Emile Janson, annuaire de l’Académie Royale de Belgique, 1973, p.202.3. Charles D’YDEWALLE, op. cit., p.23.4. J.STENGERS, op. cit., p.203.5. J.STENGERS, op. cit., p.203.6. Charles D’YDEWALLE, op. cit., p.23.7. Charles D’YDEWALLE, op. cit., p.26.

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MARCEL LA HAYE (1908-1972)

« …Parmi les hommes de robe, il en est comble d’insolite, dont le grave métier est pourtant de juger les litiges et d’écrire des ouvrages de droit mais qu’une irrésistible vocation oblige à composer de petits poèmes qui s’accrochent comme des bouquets à la grisaille sévère des pages du « journal des Tribunaux ».

Marcel La Haye, par exemple, le juge de paix-poète … ou bien est-ce le poète-juge de paix qu’il faut dire ? Etrange personnage de la faune porte robe.

Son aspect évoque un arbre robuste et imposant à l’écorce rugueuse.

Diplômé en 1933, cet homme de loi fut avocat jusqu’en 1962 et son élection au conseil de l’Ordre donna au barreau de Bruxelles l’occasion de lui témoigner son estime d’une manière exceptionnellement chaleureuse.

Dès 1935, il devint juge de paix suppléant à Ixelles et conserva cette charge jusqu’en fin 1962, époque à laquelle il fut nommé juge de paix du troisième canton de Bruxelles.

Sa vocation de juriste s’étendit également à la publication d’ouvrages de droit qui font autorité (…)

Chacun connaît sa haute silhouette aux gestes lents, à la démarche pesante et ce visage d’enfant attentif et narquois surmonté d’un incroyable toupet plus nuage que tignasse.

Voix lente et grave, roulant les r et choisissant les mots. Et cet air qui n’est qu’a lui de n’être pas tout à fait d’ici ni d’ailleurs, ni tout à fait d’aujourd’hui, d’hier ou de demain …

Ainsi ce poète marque de sa sensibilité à fleur de peau et de sa faculté d’émerveillement, les pages de ce journal et ses micro-textes poétiques pas plus longs que les sonnets de bon-papa, font penser aux fleurs naïves qui s’obstinent à pousser entre les pavés des chaussées … » 8

Marcel La Haye est décédé le 22 août 1972 après un dur

combat mené contre la maladie.

« … le prêtre qui a célébré la messe à son intention à l’église Ste Croix l’a dépeint en quelques mots : droiture de l’âme, sensibilité du cœur, finesse de l’esprit » 9

8. Extra. De « Silhouettes » J.T. 1967, 491.9. F. LIMBOURG : Marcel La Haye J.T. 1972, 525.

MAURICE SAND

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(1880-1959)

« Peu d’avocats auront porté aussi haut les vertus traditionnelles de l’Ordre. Peu d’avocats l’auront fait avec autant de talent, d’intelligence et d’éclat. (...)

L’entendre plaider constitue toujours et de l’avis de tous, une incomparable leçon, aussi bien pour les stagiaires que pour les anciens... C’est un exemple de classicisme, une référence de clarté. (...)

Il n’abandonne rien au hasard. Ses notes d’audience, il les prépare avec une minutie raisonnée. Il joint à cela une éloquence démonstrative et il n’est pas un détail du procès qui lui échappe. (...) 10 »

* * *

« Il aspira légitimement au bâtonnat. Sa conscience, sa valeur professionnelle, ses mérites, sa fidélité à l’Ordre justifiaient son ambition. Il échoua trois fois. Trois fois il rentra chez lui plus solitaire encore, refusant les sympathies, s’enfermant dans un mutisme qui devenait grandiose.

Il vécut ainsi cinquante ans parmi nous, le plus fréquenté et le plus inconnu de tous.

Puis à l’heure où d’ordinaire on ne songe plus qu’à la retraite et au repos, le vent tourna. A soixante-douze ans, au jour où il fêtait ses noces d’or professionnelles, le barreau lui offrit de réaliser son ambition suprême.

Et l’on assista au miracle.

Mr. Le bâtonnier Sand se révéla un homme bienveillant, presque accessible, modéré dans la fermeté ; un sourire, qui avait la valeur d’un soleil d’automne, réchauffa son beau masque. Il montra même de l’entrain, alla jusqu’à faire danser la jeunesse du barreau pour qui il joua les valses qu’il aimait. Il accepta la sympathie, s’étonnant lui-même d’être l’objet de la déférence et d’une respectueuse affection.

Maintenant qu’il n’est plus, nous pouvons mesurer la taille de sa vie. On a tout dit en disant qu’il fut avocat, et rien qu’avocat. Il le fut avec une rigueur si inflexible

qu’elle est émouvante...

Il nous a donné un grand exemple. Puisse sa leçon nous servir 11. »

10. Extr. De « Silhouette », J.T., 1944, 295.11. Extr. Des Eloges funèbres du bâtonnier NYSSENS, J.T. 1959, p. 619.

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le journal des avocatsW

Jennifer Waldron a :

trois nationalités

trois diplômes (deux licences, une spécialisation en sciences de la communication)

trois prix d’éloquence

Elle a été « speechwriter » d’un ministre et conseiller en communication de deux politiciens.

Elle donne des séminaires de prise de parole en public, d’argumentation et des média trainings.

Elle est avocat au Barreau de Bruxelles.

Elle adore les belges.

[email protected]

par Jennifer WALDRON

encoreassez

Trop de rience n’est pas

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le journal des avocats W

J’écris cet article comme si je tenais une conversation avec un politicien imaginaire.

Nous avons conclu un marché.

Mon interlocuteur ne m’interrompra pas.

Il oubliera les conseils donnés par les spécialistes de la communication sur la manière de ne pas répondre aux questions directement ou de répondre aux questions qui n’ont pas été posées.

Il ne commencera pas par un magistral : « Laissez-moi d’abord vous dire que … » ou « Ce qui est important c’est … » ou encore « Je l’ai toujours dit et je le répète … ».

De mon côté, j’admettrais que mes propos peuvent parfois êtres entendus comme des approximations provisoires qui pourraient laisser la place à des interprétations meilleures.

J’ai choisi de parler de la rhétorique politique.

Politiciens et avocats nous sommes tous à la recherche de la formule magique. De la phrase qui fait mouche. La « catch phrase » comme disent les anglais et que l’on peut traduire par « l’accroche ».

Orwell disait du langage qu’il était fabriqué pour donner une résonnance de vérité au mensonge, de la respectabilité au meurtre et l’apparence de solidité au vent.

Il visait le langage politique …

Ici je parlerai plus particulièrement du slogan.

C’est la rhétorique du raccourci.

Son but est de produire le maximum d’effet en un minimum de mots.

Notre lecteur se souvient-il des slogans des dernières élections (juin 2010) ?

NON.

Et comment pourrait-il en être autrement.

Les slogans ne marchent plus (ce qui pourrait être un slogan en soi).

L’électeur serait-il blasé ou cynique ? Il ne réagit plus aux phrases élaborées lors de brainstorming ou par des conseillers en communication.

Pourtant, elles étaient techniquement parfaites ces petites phrases répétitives composées de cinq mots ou de cinquante caractères, construites autour d’une syntaxe minimaliste avec des mots simples.

A les relire, certaines de ces phrases ne sont pas sans rappeler les prières ou les incantations religieuses avec leur lot d’évocation d’espoirs, d’aspirations, de valeurs et de promesse d’un monde meilleur.

D’autres ressemblent à des maximes manufacturées ou encore à des formulations tirées du marketing.

Tous ces slogans répondent à deux objectifs : ils s’adressent aux émotions et n’engagent en rien le politicien.

Image créée par Olivier Vanhasselle.

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M le journal des avocats

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le journal des avocats W

Le politicien pourra en effet s’abriter derrière leur généralité quand il ne sait pas ou n’entend pas révéler ce qu’il propose de faire à propos des « défis » qu’il faudra « relever » dans « l’intérêt » des « aspirations » des citoyens.

Ce que le politicien craint c’est l’effet « larsen ».

A cet égard l’on peut rappeler le slogan « Back to basic » de John Major et du danger de ces phrases trop spécifiques qui peuvent revenir en boucle à la face de ceux qui les ont prononcées.

Le « Back to basic », véritable engagement moral a été immédiatement suivi d’un flot de révélations sur le comportement peu reluisant de certains membres du gouvernement anglais (on découvrira même plus tard que Sir John lui-même a eu une relation extraconjugale avec son ministre Edwina Curry).

Certains des slogans entendus lors des dernières élections belges apparaissent comme des dérivés des slogans d’Obama.

L’on se souvient tous du « Yes we can », slogan puissant qui à la manière de « I have a dream » de Martin Luther King répondait à un chapelet d’aspirations qu’il énonçait lui-même.

Ce slogan s’est vite détaché de son contenu pour devenir ce qu’on a appelé un logo sonore planétaire, ce qui a fait dire à ses critiques qu’il était « vide de sens ».

Il s’est pourtant imprimé dans toutes les mémoires, gage de son efficacité. C’était un slogan de combat.

En revanche, les slogans « Vote for change », « Change we can believe in » qui évoquaient la promesse d’un monde meilleur (on reste dans le religieux) n’ont pas eu la même force aux Etats Unis.

La version belge de ces derniers slogans n’a pas davantage fait mouche.

Qui se souvient encore des « Nu durven veranderen » (Maintenant osez le changement-NVA), « Een nieuwe start » (Un nouveau départ – Open VLD), « We moeten weer vooruit » (A nouveau de l’avant – SPa), « Nooit opgeven » (Ne jamais renoncer – CD&V) et « Nous restons ouverts pendant les transformations » (Ecolo) ?

Pourquoi cet échec ?

Les mots « changement » « nouveau » « transformations » ne sont pas porteurs d’image.

Or les informations relatives aux faits et nécessaires à toute prise de décision viennent à l’esprit sous la forme d’images.

Par ailleurs l’on ne demande pas au politicien de prouver qu’il peut changer tout lui-même. Le slogan qui vise le changement doit montrer que ce sera un travail entrepris avec d’autres. Or, ici, qui étaient ces « autres » ? Personne n’a osé les nommer.

L’auteur de ces lignes pense qu’un bon slogan aurait pu s’inspirer de celui de Mario Cuomo, gouverneur de la ville de New York : « It will happen if we make it happen ».

D’autres politiciens ont préféré la voie « sécuritaire » qui a pu en son temps faire recette.

Qui serait d’un avis opposé quand il entend « Un pays stable, des emplois stables » (PS), « L’union fait la force » (CdH), « La garantie du respect » (MR), « Les gens d’abord, pas le profit » ( PTB) ?

Personne n’ose soutenir que la désunion fait la faiblesse, qu’il faut privilégier le profit au détriment des gens ou soutenir un pays instable.

Le but du message ici est de créer un climat d’insécurité et de donner l’impression que tel parti ou tel politicien est le seul à pouvoir y faire face.

Ces slogans sécuritaires sont tombés dans l’oubli. La mémoire des électeurs ne les pas « sécurisés ».

Pourquoi ?

Le slogan doit capturer l’attention. Or toute information que la mémoire considère comme contraire à la vérité ou alarmante est vite évacuée.

Pourtant l’on se souviendra de Churchill qui disait à ses concitoyens qu’il n’avait « nothing to offer but blood, toil, tears and sweat ».

Le peuple de Grande-Bretagne était ainsi averti de la détermination de bulldog qui serait la marque de fabrique de Churchill.

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L’auteur de ces lignes aurait aimé qu’un politicien nous dise : « Serrez vos ceintures : le voyage sera mouvementé ».

Le seul slogan qui a fonctionné ne vient pas des spécialistes de la communication. C’est un anti-slogan. Il a été entendu chaque fois qu’un politicien prenait la parole : « Ils sont tous pareils ».

Il a été prononcé par « le grand Ignoré » de ces élections, c’est-à-dire l’électeur.

Faut-il donc donner raison à Orwell qui disait que de temps en temps l’on peut envoyer quelques phrases usées et inutiles rejoindre la poubelle ?

C’est encore du côté des anglo-saxons qu’il faut se tourner. Les démocrates aux Etats-Unis et les conservateurs en Angleterre n’ont pas attendu pour faire appel à cette nouvelle discipline : les neurosciences.

Les neurosciences s’appuient sur le fait connu de tous les spécialistes de la communication : ce n’est que lorsque votre message a attiré l’attention, atteint les émotions et qu’il est capturé par la mémoire qu’il devient efficace.

Les « neuroscientifiques » ont étudié comment le cerveau fonctionne quand il reçoit un message. Comment il réagit au stimuli.

L’expérience a consisté à enregistrer l’activité du cerveau pendant qu’il est exposé aux stimuli (les mots et phrases associés à des candidats, la photo des candidats, les extraits des discours et la campagne publicitaire).

A partir de là, ces experts ont déterminé les mots qui font mouche. Ce sont ceux qui ont la plus grande résonnance dans le cerveau.

Il ne leur restait plus qu’à dispenser des « neuroconseils » à destination des candidats.

La technique est prometteuse car elle permettra de confectionner des slogans voire même de « modéliser » au préalable le candidat.

La technique a ses détracteurs qui en soulignent les faiblesses. Il est vrai qu’à l’heure actuelle, dans cette matière, l’inconnu est un champ plus vaste que le connu.

Mon interlocuteur qui m’a écouté jusqu’ici aimerait me dire que c’est de la faute des électeurs.

Nous demandons aux politiciens ce qu’ils n’ont pas le pouvoir de faire. Comment osons-nous demander l’impossible à ceux qui inévitablement ne pourront le réaliser ?

Le philosophe Simon Critchley disait que demander de la moralité c’est demander plus que ce que nous pouvons donner.

Sans doute a-t-il raison.

Mais alors ne pourrions-nous pas dire à nos politiciens « Si vous ne savez pas construire, ne cassez pas » ? Oui bien sûr nous pouvons le leur dire.

Yes we can.

Jennifer Waldron

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Romancein Paris

L’Hôtel de Vendôme

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onstruit en 1723 par Pierre Perrin, secrétaire du Roi Soleil, cet hôtel particulier

situé au 1, Place Vendôme porte le nom de la famille qui l’occupait à l’origine. Le bâtiment fut

converti en hôtel en 1907 et devint L’hôtel de Vendôme, joyau de cinq étoiles de luxe.

L’Hôtel de Vendôme est un lieu de retraite associant un service attentif, une cuisine gastronomique et une atmosphère feutrée au centre du quartier le plus en vue de Paris.

Chacune des 19 chambres et 10 suites est décorée individuellement avec des meubles d’époque en bois nobles qui reflètent l’une des plus belles périodes des arts décoratifs français, ainsi que des tentures réalisées par les meilleurs artisans. Les salles de bains sont en marbres rares, importés des quatre coins du monde. Les hauts plafonds, lustres d’exception, fresques, peintures

à l’huile et fenêtres qui s’ouvrent sur la vue spectaculaire de la Place Vendôme créent une expérience parisienne inoubliable.

Aujourd’hui, la place Vendôme est le temple de la joaillerie parisienne, qui rayonne sur le quartier le plus brillant de Paris, avec la haute couture, les antiquaires, les galeries d’art, l’Opéra et le musée du Louvre et la très stylée rue Saint-Honoré avec les boutiques des plus grands noms du design et de la mode.

Une porte d’entrée circulaire mène à une réception élégante reflétant l’intimité d’une résidence privée et le professionnalisme d’un hôtel de luxe. Un escalier de marbre vous emmène au premier étage où un bar et un restaurant accueillants, discrètement situés au premier étage, vous offrent une vue spectaculaire sur la Place Vendôme dans un cadre privé luxueux au coeur de Paris.

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L’hôtel de Vendôme est fier de présenter le dernier refuge à la mode pour les amateurs de cuisine gastronomique et de design, son nouveau restaurant « 1 Place Vendôme » dont la vue stupéfiante sur la Place Vendôme est un réel enchantement.

Le chef Nicolas Rucheton a créé un menu unique et exquis qui change tous les mois suivant la saison et bénéficie des conseils culinaires de Didier Aniès, Meilleur Ouvrier de France 2000 (chef du restaurant “Le Cap” - 1* Michelin au Grand-Hôtel du Cap-Ferrat), lors de ses visites.

Le Bar sert quelques-uns des meilleurs cocktails de Paris !

L’hôtel de Vendôme est un lieu idéal pour commencer à découvrir le meilleur de ce que Paris a à offrir. Les clients peuvent bénéficier des services de l’excellent concierge de l’Hôtel deVendôme pour profiter au maximum de leur séjour dans la capitale.

Hôtel de Vendôme, 1 Place Vendôme, 75001 Paris Tél: +33 (0)1 55 04 55 00 Fax: +33 (0)1 49 27 97 89 [email protected] www.hoteldevendome.com Contact presse: Lisa Walker Téléphone: +44 (0)20 8969 4700 [email protected]

Tarifs - Suivant saison Chambre double : de 535 e à 865 e Junior Suite : de 830 e à 1130 e Suite Deluxe : de 1020 e à 1525 e Suite Présidentielle : prix sur demande

Une offre spéciale disponible toute l’année : à partir de 320 euros la nuit avec petit-déjeuner pour un séjour qui comprend les fleurs à l’arrivée, un massage au chocolat pour deux et un dîner romantique au champagne...

L’hôtel de Vendôme est membre de Small Luxury Hotels of the World.

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© Ricardo Labougle

Le restaurant « 1 Place Vendôme » créé par Michele Bönan est encore l’un des secrets les mieux gardés de Paris.

Michele Bönan, le célèbre architecte d’intérieur italien, a conçu un décor élégant pour cette adresse très sélecte, avec un thème haute-couture et des fauteuils en tissu pied-de-poule noir et blanc piqué d’argent, des sofas cossus en velours soyeux, des rideaux en satin argent et de petits coussins de soie satinée rose aux motifs côtelés blancs. Le sol recouvert d’une luxueuse moquette amplifie encore l’ambiance intime du lieu. Pour ajouter à l’atmosphère confortable, on trouve également des fauteuils généreux aux fenêtres, une cheminée originale en marbre blanc et une étagère de livres de design et de mode que les visiteurs peuvent feuilleter à loisir et qui sont également disponibles à l’achat. Tous les meubles et tissus y compris les rideaux ont été dessinés pour l’occasion par Michele Bönan et fabriqués à Florence avec les tissus de la célèbre maison italienne Dedar. Michele Bönan est, entre autre, à l’origine de l’hôtel JK Place à Florence, l’hôtel JK Place A Capri, du Heidelberg Suites Boutique Hotel, des hôtels Lungarno de Ferragamo à Florence, de la Grovenor House à Miami, ainsi que de la rénovation des légendaires résidences du Palazzo Tornabuoni.

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Lutter sans fin, sans cesser

Réagir à chaque seconde

S’élever malgré soi

Refuser la peur

Oser penser

LIBERTE

S’augmenter

S’aspirer mieux

Vouloir les vérités

Haïr la bassesse futile

Se lever au-dessus du banal

Luc Lethé

LIBERTE - FREIHEIT

«Ganz er selbst sein darf jeder nur, solange er allein ist.

Wer also nicht die Einsamkeit liebt,

der liebt auch nicht die Freiheit;

denn nur wenn man allein ist,

ist man frei!“

(Chacun ne peut être tout à fait lui-même que tant qu’il est seul

Qui n’aime pas la solitude, n’aime pas la liberté;

c’est seulement quand il est seul

que l’homme est libre! )

Arthur Schopenhauer

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Jean-Pierre Babut du Marès .................................................................... 1Jean-Pierre Buyle ..................................................................................... 1 - 2Olivier Collon ............................................................................................. 1Marc Dal .................................................................................................... 1Bruno et Jérôme Dayez ............................................................................ 1Bruno Dayez .............................................................................................. 1 - 2 Vincent Defraiteur ..................................................................................... 1Francis Delpérée....................................................................................... 2Yves Derwahl............................................................................................ 1Denis Dobelstein ....................................................................................... 2Véronique Drehsen ................................................................................... 1 - 2Benoît Feron ............................................................................................. 2Jean-Marc Gollier ..................................................................................... 1Simon Gronowski ...................................................................................... 2Emmanuel Gueulette ................................................................................ 2Karl-Heinz Lambertz ................................................................................ 1Marc Lazarus ............................................................................................ 1Serge Léonard .......................................................................................... 2Gérard Leroy ............................................................................................. 1 - 2Luc Lethé .................................................................................................. 2Paul Martens ............................................................................................. 1Christine Matray ....................................................................................... 2Jean-Pol Meynaert .................................................................................... 1Luc Misson ................................................................................................ 1Pierre Paulus de Châtelet ......................................................................... 2Corinne Poncin.......................................................................................... 1 - 2Pierre-Jean Richard ................................................................................. 1 - 2Jacqueline Rousseaux .............................................................................. 2Jehanne Sosson ........................................................................................ 1Patrick Thevissen ...................................................................................... 1Hippolyte Wouters ..................................................................................... 1Louis Van Bunnen ..................................................................................... 2Jennifer Waldron....................................................................................... 2

Dans les numéros 2010 de votre magazine - le journal des avocats - vous retrouverez, classés par ordre alphabétique, les avocats-auteurs et artistes suivants :

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Serge LÉONARD

Luc LETHÉ

Gérard LEROY

X le journal des avocats

Emmanuel GUEULETTE

Bruno DAYEZ

Francis DELPÉRÉE

Denis DOBELSTEIN

Véronique DREHSEN

Yves DERWAHL

Benoît FERON

Simon GRONOWSKY

Jean Marc GOLLIER

Ils ont prêté leur plume

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Yle journal des avocats

Corinne PONCIN

Pierre PAULUS de CHÂTELET

Jacqueline ROUSSEAUX

Pierre-Jean RICHARD

Louis VAN BUNNEN

Jennifer WALDRON

ChristineMATRAY

Remerciements Nos plus vifs et chaleureux remerciements à tous nos auteurs, avocats et bâtonniers, pour leur amicale et talentueuse collaboration.

Nos remerciements vont également aux sociétés suivantes pour leur contribution à l’image de qualité de ce magazine :

- ASPRIA - LE ROYAL LA RASANTE - CROSSWORD BRUSSELS - DAIMLER-BENZ BELGIUM pour NEARLY NEW CAR et THE MERCEDES HOUSE - DE CUYPER BROTHERS - L’EVENTAIL- HÔTEL DE VENDÔME***** à Paris- ING Belgique - JOH. ENSCHEDE/VAN MUYSEWINKEL imprimerie- LA RENAISSANCE DU LIVRE - - LA TRUFFE NOIRE - McARNOLDS COMMUNICATION studio graphique - PIERRE BERGE & Associés - PRIVALIS – d’URSEL & GARAIN joaillier-frabricant

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le journal des avocatsZ

ET POURQUOI PAS VOUS ?

20avocats

participeront au PROCHAIN numéro qui sortira le 1er décembre

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Les opinions exprimées par les auteurs n’engagent qu’eux-mêmes et ne reflètent pas nécessairement celles des éditeurs. La présentation de nos auteurs est rédigée par chacun d’eux.