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INVESTISSEMENT À IMPACT : LE COEUR INVISIBLE DES MARCHÉS Exploiter le pouvoir de l’entrepreneuriat, de l’innovation et des capitaux pour le bien public Rapport du GROUPE DE TRAVAIL SUR L’INVESTISSEMENT SOCIAL Établi sous la présidence britannique du G8 Le 15 septembre 2014

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INVESTISSEMENT À IMPACT : LE COEUR INVISIBLE DES MARCHÉSExploiter le pouvoir de l’entrepreneuriat, de l’innovation et des capitaux pour le bien public

Rapport du GROUPE DE TRAVAIL SUR L’INVESTISSEMENT SOCIAL

Établi sous la présidence britannique du G8Le 15 septembre 2014

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En juin de l’an passé, le premier ministre David Cameron a annoncé, pendant la présidence britannique du G8, la création d’un groupe de travail indépendant qui aurait pour objectif ambitieux de produire un rapport sur la stimulation d’un marché mondial d’investissement à impact afin d’améliorer la société.

Depuis, j’ai la chance de vivre une expérience remarquable en tant que directeur d’un groupe hautement talentueux et engagé, composé de plus de 200 personnes de partout dans le monde qui travaillent à réaliser cette mission inspirante. J’aimerais d’ailleurs les remercier chaleureusement pour tout le travail qu’elles ont accompli. Le groupe de travail lui-même comprend une vingtaine de personnes, dont un fonctionnaire et un représentant du secteur privé ou social de chacun des sept pays et de l’Union européenne, ainsi qu’un observateur australien. Pour orienter notre travail ainsi que sa mise en œuvre dans l’avenir, nous avons créé huit conseils consultatifs nationaux. Nous avons aussi établi quatre groupes d’experts internationaux chargés d’aborder en profondeur les défis particuliers associés à la mesure de l’impact, à la répartition des actifs, à la mission d’entreprise et au développement international, tous essentiels à l’aboutissement de nos efforts.

Nous sommes honorés de vous présenter le présent rapport ainsi que quatre documents thématiques qui fournissent d’autres renseignements sur des éléments importants de notre travail. Chaque conseil consultatif national lance aussi aujourd’hui son propre rapport sur ce qui devra être mis en œuvre dans son pays pour favoriser l’essor de l’investissement à impact. Nos rapports ont tous été rédigés dans le but d’attirer le plus grand lectorat possible, afin d’inclure tous les publics qui s’intéressent à l’investissement à impact.

Dans le cadre de nos analyses, nous avons grandement bénéficié des idées de nombreux entrepreneurs et organisations à impact, fondations, philanthropes, investisseurs, entreprises, ministres gouvernementaux et fonctionnaires, qui ont su nous faire part de leur expertise et de leur expérience pour éclairer nos délibérations. Nous leur en sommes très reconnaissants. Grâce à eux, nous pouvons confirmer le potentiel énorme de l’investissement à impact dans l’amélioration de la société et de l’environnement. D’ailleurs, nous constatons déjà un changement de paradigme dans la façon dont nous réfléchissons aux enjeux environnementaux et sociaux du 21e siècle et les abordons, tant dans les pays développés que dans les pays en développement. Nous poursuivrons maintenant notre travail pour une deuxième année afin d’orienter l’adoption et la mise en œuvre de nos recommandations.

Nos recommandations sont essentielles à la réussite de l’investissement à impact. Elles définissent les rôles que devront assumer tous les acteurs de notre société : le gouvernement, les entreprises, le secteur social, les fondations, les investisseurs institutionnels et privés et surtout, les entrepreneurs à impact. Le rapport aborde le rôle de chacun de ces acteurs. L’investissement à impact est en voie de devenir une force de cohésion parmi eux, dans le traitement des questions sociales, en stimulant l’innovation et la prévention pour améliorer la vie de chacun. Il tire parti des forces de l’entrepreneuriat, de l’innovation et des capitaux ainsi que du pouvoir des marchés pour faire le bien. On pourrait donc dire, en quelque sorte, que l’investissement à impact permet au cœur invisible des marchés de se manifester et d’orienter les gestes de ce dernier.

Veuillez agréer l’expression de mes sentiments les meilleurs.

Sir Ronald CohenPrésident du groupe de travail

LETTRE À L’INTENTION DES DIRIGEANTS DES GOUVERNEMENTS REPRÉSENTÉS AU SEIN DU GROUPE DE TRAVAIL

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Il est urgent que les gouvernements du monde entier

s’engagent à définir un cadre international qui permettra de promouvoir un marché

d’investissement à impact élevé et de combattre ainsi une économie

d’exclusion et de rejet. Pape François, juin 2014

J’aimerais profiter du fait que nous présidons le G8 pour faire avancer cette nouvelle approche. Nous travaillerons en

collaboration avec d’autres nations du G8 pour faire progresser le marché de l’investissement social et accroître l’investissement, de façon à permettre aux meilleures innovations sociales de se répandre et à nous aider à relever les

défis économiques et sociaux qui nous concernent tous.

David Cameron premier ministre du Royaume-Uni Forum économique mondial, Davos 2013

Nous en sommes au point zéro de quelque chose de très grand.

Lawrence Summers, ancien secrétaire du Trésor américain, à la suite d’un investissement dans l’une des premières obligations

à impact social des États-Unis, mai 2014

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AFD Agence Française de Développement

ANASE Association des nations de l’Asie du Sud-Est

APEC Coopération économique Asie-Pacifique

BSC Big Society Capital (Royaume-Uni)

BVS Bourse des valeurs sociales

CCN Conseil consultatif national du groupe de travail

CIC Community Interest Company (Royaume-Uni)

CRA Community Reinvestment Act (États-Unis)

DFID Ministère du Développement international (Royaume-Uni)

É.-U. États-Unis d’Amérique

ERISA Employee Retirement Income Security Act (États-Unis)

ESG Environnemental, social et relatif à la gouvernance

FEM Forum économique mondial

G20 Groupe des vingt (Argentine, Australie, Brésil, Canada, Chine, France, Allemagne, Inde, Indonésie, Italie, Japon, République de Corée, Mexique, Russie, Arabie Saoudite, Afrique du Sud, Turquie, Royaume-Uni, États-Unis et Union européenne)

G7 Groupe des sept (Canada, France, Allemagne, Italie, Japon, Royaume-Uni et États-Unis)

G8 Groupe des huit (Canada, France, Allemagne, Italie, Japon, Russie, Royaume-Uni et États-Unis)

GIIN Global Impact Investment Network

GIIRS Global Impact Investing Ratings System

GT Groupe de travail

IFD Institution financière de développement

ILM Investissement lié à la mission

ILP Investissement lié au programme

IMRP Initiative mondiale sur les rapports de performance

IRIS Impact Reporting and Investment standards

IRS Internal Revenue Service (États-Unis)

ISR Investissement socialement responsable

JICA Agence japonaise de coopération internationale

OCDE Organisation de coopération et de développement économiques

OEA Organisation des États américains

OID Obligation à impact sur le développement

OIS Obligation à impact social

ONU Organisation des Nations Unies

OPIC Overseas Private Investment Corporation (États-Unis)

PAPE Premier appel public à l’épargne

PIB Produit intérieur brut

PIRNU Principes pour l’investissement responsable des Nations Unies

RSE Responsabilité sociale d’entreprise

SASB Sustainable Accounting Standards Board (États-Unis)

SEC Securities and Exchange Commission (États-Unis)

SFI Société financière internationale

UE Union européenne

GLOSSAIRE

Dans ce rapport, le groupe de travail utilise les termes suivants, dont voici les définitions :

Organisation à impactOrganisation investie d’une mission sociale à long terme qui se fixe des objectifs en matière de résultats sociaux et mesure leur atteinte, qu’il s’agisse d’une organisation du secteur social ou d’une entreprise à impact.

Entreprise à impactEntreprise à but lucratif ou entreprise cherchant à générer un impact qui se fixe des objectifs significatifs en matière de résultats et qui les maintient à long terme. Ce type d’entreprise n’est pas soumis au verrouillage des actifs, c’est-à-dire une obligation légale d’utiliser ses actifs pour soutenir sa mission.

Organisation du secteur socialOrganisation à impact, soumise partiellement ou entièrement au verrouillage des actifs, c’est-à-dire une obligation légale d’utiliser ses actifs pour soutenir sa mission (p. ex. organismes de bienfaisance ne s’adonnant pas au commerce, organismes de bienfaisance et groupes d’appartenance s’adonnant au commerce sans en distribuer les bénéfices, entreprises d’économie sociale et solidaire, coopératives et autres organisations soumises à des restrictions en matière de bénéfices ou de dividendes.)

Entreprise à but lucratif avec mission socialeEntreprise qui garantit la réalisation d’une mission sociale par l’intermédiaire de son

modèle de gouvernance et/ou qui l’intègre à son modèle d’affaires.

Entreprise cherchant à générer un impactEntreprise qui se fixe et qui maintient des objectifs en matière de résultats sociaux dans le cadre d’une part importante de ses activités, sans garantir la réalisation d’une mission sociale.

Entrepreneur à impact social(aussi connu sous le nom d’entrepreneur social ou d’entrepreneur à impact)

Entrepreneur qui dirige une organisation à impact, que ce soit une organisation du secteur social ou une entreprise à impact, afin de générer un impact social.

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Le groupe de travail sur l’investissement social est un groupe de travail indépendant créé en 2013 sous la présidence britannique du G8. Au cours des 14 derniers mois, il a réuni des experts gouvernementaux et sectoriels des pays du G7, de la Commission européenne et de l’Australie afin de remplir son mandat visant à produire un rapport sur la stimulation d’un marché mondial d’investissement à impact.

Ce rapport présente un résumé des principales constatations et recommandations du groupe de travail. Il ne reflète pas nécessairement l’opinion personnelle des membres du groupe, de ses groupes d’experts ou de ses conseils consultatifs nationaux, ni la position officielle des organisations et des gouvernements qu’ils représentent.

Table des matières

Introduction: Le nouveau paradigme 01

Recommandations de haut niveau 08

L’ère de l’entrepreneuriat à impact 10

Le premier billion 22

La troisième dimension 34

Une force nouvelle en matière de développement international 40

Galvaniser le mouvement d’impact mondial 47

Résumé des objectifs et des recommandations à l’intention des décideurs politiques 52

Annexes 54i. Membres du groupe de travail, des groupes d’experts et des conseils consultatifs nationauxii. Participants à la réunion

Disponible sous pli séparé :

Note explicative Leviers et objectifs en matière de politiques

Documents thématiques Mesurer l’impact

La répartition en vue de l’impact

Entreprises à but lucratif avec mission sociale

Développement international

Rapports des conseils consultatifs nationaux�Australie, Canada, France, Allemagne, Italie, Japon,

Royaume-Uni, États-Unis

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STRUCTURE DU GROUPE DE TRAVAIL SUR L’INVESTISSEMENT SOCIAL

GROUPE DE TRAVAIL SUR L’INVESTISSEMENT SOCIAL

• Cadres du gouvernement et représentants des secteurs social et privé de sept pays et de l’Union européenne

• Observateur de l’Australie et OPIC à titre de représentant des institutions financières de développement

Groupes d’experts• Groupes internationaux formés de membres provenant des pays représentés au sein du groupe de travail et d’autres pays

• Créés pour éclairer les travaux du groupe de travail

• Chargés de résoudre les questions essentielles à la stimulation de l’investissement à impact : mesure de l’impact, répartition des actifs, mission d’entreprise et développement international

• Chaque groupe d’experts a publié son propre document thématique et ses propres recommandations à l’appui du rapport du groupe de travail

Conseils consultatifs nationaux• Groupes nationaux formés de membres provenant de chacun des pays

représentés au sein du groupe de travail

• Créés pour éclairer les travaux du groupe de travail et guider, dans l’avenir, leur mise en œuvre dans les différents pays représentés au sein du groupe de travail ainsi que dans d’autres pays

• Des conseils consultatifs nationaux ont été établis en Australie, au Canada, en France, en Allemagne, en Italie, au Japon, au Royaume-Uni et aux États-Unis

• Chaque conseil consultatif national a publié son propre rapport sur ce qui devra être fait dans son pays pour favoriser l’essor de l’investissement à impact

Rapport de l’OCDE• En complément aux

travaux du groupe de travail, l’OCDE s’efforce de schématiser le secteur mondial de l’investissement à impact et les développements attendus

• Des constatations préliminaires devraient être publiées à l’automne 2014

Mesure de l’impactObjectif : Évaluer la portée de l’utilisation des données sur les résultats et le processus qui y est associé, ainsi que recommander une approche et des principes de mesure des résultats sociaux.

Répartition des actifsObjectif : Recommander une approche et des principes qui feront en sorte que les investisseurs institutionnels consacreront une partie précise de leurs fonds à l’investissement à impact.

Harmonisation de la missionObjectif : Examiner les différents moyens que pourraient prendre les entreprises à but lucratif avec mission sociale pour se donner une telle mission grâce à leur modèle d’entreprise, à la gouvernance ou à des protections juridiques.

Développement internationalObjectif : Recommander une approche et des principes d’application de l’investissement à impact au développement international.

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INTRODUCTION : LE NOUVEAU PARADIGME

Le monde est à l’aube d’une révolution dans la façon de résoudre les problèmes les plus épineux de la société. La force capable de provoquer cette révolution est l’investissement à impact, lequel tire parti de l’entrepreneuriat, de l’innovation et des capitaux pour favoriser l’amélioration sociale. L’investissement à impact permet déjà des avancées dans des domaines comme la lutte contre le récidivisme, les soins aux enfants et aux personnes âgées, la revitalisation des communautés, l’inclusion financière et les logements avec services de soutien. Il a le potentiel de générer de grands avantages, tant dans les pays développés que dans les pays en développement.

L’investissement à impact social, appelé investissement à impact tout au long de ce rapport, comprend l’impact environnemental. Il est au cœur d’un vaste « continuum d’impact » allant de la philanthropie à l’investissement responsable et

durable, qui comprend tous ceux qui cherchent à générer un impact positif. De plus, sa croissance est rapide. Selon la dernière étude du Global Impact Investment Network et de JP Morgan, les 125 plus grands investisseurs à impact devraient voir leur investissement de départ fructifier de près de 20 % cette année1. À l’heure actuelle, 45 billions de dollars sont investis dans des fonds d’investissement généraux assortis d’un engagement public à prendre en compte des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance dans les décisions d’investissement2, et il suffirait qu’une modeste fraction de tout cet argent soit engagée dans l’investissement à impact pour que celui ci gagne rapidement de l’ampleur et devienne un type d’investissement courant et répandu au même titre que les capitaux de risque et les fonds de capital investissement.

Les investissements à impact sont des investissements qui visent intentionnellement des objectifs sociaux précis ainsi qu’un rendement financier, et qui mesurent les accomplissements réalisés à l’égard de ces deux aspects.

La crise financière de 2008 a mis en lumière la nécessité de déployer de nouveaux efforts afin que le secteur financier contribue à construire une société saine.

Pour y arriver, il nous faut changer notre façon de concevoir le marché financier et passer d’une vision en deux dimensions à une vision en trois dimensions. En ajoutant une troisième dimension – l’impact social – aux dimensions du risque et du rendement du marché financier qui caractérisent le 20e siècle, l’investissement transformera notre capacité à bâtir une meilleure société pour tous.

Cette nouvelle vision va dans le sens d’un changement générationnel dans la façon dont les gens, plus particulièrement les jeunes, voient leur rôle à l’égard de la résolution des problèmes sociaux3. Devenir prospère et faire le bien ne sont plus considérés comme incompatibles. De plus en plus, les gens souhaitent redonner un sens et un but à leur travail, agir concrètement. Ce courant fait en sorte qu’un nombre croissant de gens sont à la recherche d’employeurs clairement engagés à améliorer le sort de l’humanité. On assiste, à l’échelle mondiale, à une croissance rapide du nombre d’entrepreneurs sociaux qui souhaitent trouver des solutions novatrices aux problèmes de société et qui, de plus en plus, adoptent des pratiques commerciales et recourent à des capitaux privés si cela peut les aider à y arriver. Parmi eux, on trouve des acteurs du secteur social, qui peuvent maintenant exploiter les marchés pour obtenir du

INTRODUCTION

LE NOUVEAU PARADIGME

1 J.P. Morgan et le GIIN, Spotlight on the Market: The Impact Investor Survey, mai 2014. 2 Principes pour l’investissement responsable des Nations Unies, PRI Fact Sheet, accessible à l’adresse suivante : www.unpri.org/news/pri-fact-sheet 3 Deloitte, The Millennial Survey 2014, accessible à l’adresse suivante : www.deloitte.com/MillennialSurvey

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INTRODUCTION : LE NOUVEAU PARADIGME

financement en plus de demander des subventions à des donateurs, ainsi que des philanthropes désireux de financer des entreprises plutôt que des organisations du secteur social si cela leur offre davantage de possibilités de produire l’impact social qu’ils souhaitent obtenir. Ils sont à la tête d’un changement philanthropique qui met l’accent non plus sur l’acte de donner comme tel, mais sur l’impact généré.

Cette nouvelle approche s’appuie sur plusieurs croyances partagées voulant que, dans certains cas, l’investissement s’avère plus efficace que les dons dans la lutte contre la pauvreté, que les motivations sociales et financières exploitées conjointement permettent parfois de faire le bien plus efficacement et que, dans bien des situations, il n’existe aucun compromis inévitable entre le rendement financier et le rendement social.

L’augmentation des besoins en solutions novatrices et efficaces pour régler les problèmes de société se fait elle aussi de plus en plus claire. L’investissement à impact est une réponse à l’idée de plus en plus répandue, tant dans le secteur public que dans le secteur privé, selon laquelle les défis qui attendent la société au 21e siècle sont trop importants et trop complexes pour être relevés uniquement par le gouvernement et le secteur social. Malgré tous les efforts déployés pour les résoudre, de vieux problèmes se révèlent plus persistants que prévu et certains, comme le diabète et le récidivisme, mettent de l’avant un nouveau sentiment d’urgence; le coût de leur prévention pourrait même s’avérer inférieur à celui de la gestion de leurs conséquences.

Donc, peu importe le modèle qu’ils choisissent d’adopter, les gouvernements de partout dans le monde sont de plus en plus exhortés à faire des progrès importants dans la lutte contre les problèmes sociaux et environnementaux auxquels leurs pays respectifs doivent faire face. Les pays représentés au sein du groupe de travail subissent aussi, dans un contexte de compression budgétaire, une pression croissante les incitant à lier de façon plus efficiente et efficace les dépenses gouvernementales aux besoins sociaux.

L’investissement à impact ne libère pas les gouvernements de leurs responsabilités, mais il peut les aider à les assumer plus efficacement. En finançant des approches novatrices, il permet aussi de fournir des services de façon plus efficiente et, dans certains cas, de lutter contre les causes qui provoquent l’augmentation de la demande de services sociaux plutôt que de simplement tenter de composer avec les conséquences.

L’investissement à impact peut aussi renforcer grandement les organisations du secteur social. Jusqu’à tout récemment, ces organisations apportaient leur contribution essentielle à la société, souvent considérable, sans pouvoir profiter de toute la gamme d’options de financement offertes aux entreprises traditionnelles. Bien qu’il existe des exemples de grandes organisations de services sociaux à impact important, un trop grand nombre d’organisations du secteur social peinent à générer un impact à grande échelle à la hauteur de leurs efforts. En mettant l’accent sur une augmentation proportionnelle des activités donnant lieu à des résultats sociaux mesurables, l’investissement à impact peut transformer la façon dont les organisations sociales sont financées et, ce faisant, les rendre plus susceptibles de réaliser leur mission à grande échelle.

L’investissement à impact commence déjà à faire une différence importante. Toutefois, sa croissance doit être rapide si nous voulons relever les défis auxquels est confronté le monde. C’est pourquoi en juin 2013, dans le cadre de la présidence britannique du G8, notre groupe de travail indépendant sur l’investissement à impact a été créé4. Nos recommandations sont le résultat du travail accompli au cours des 14 derniers mois par des centaines de personnes de partout dans le monde. Ces personnes provenant des secteurs public, social et privé ont collaboré avec le groupe de travail ainsi qu’avec ses huit conseils consultatifs nationaux (CCN) et ses quatre groupes d’experts (GE) internationaux et ont axé leurs efforts sur les principaux obstacles à l’essor mondial de l’investissement à impact.

Nos recommandations s’adressent à toute une gamme d’acteurs qui peuvent contribuer à la croissance de l’investissement à impact. Ceux-ci comprennent les gouvernements, les organisations philanthropiques privées, les entreprises et les organisations sans but lucratif ainsi que les épargnants qui souhaitent utiliser leur argent pour contribuer à l’édification d’un monde meilleur pour leurs enfants et leurs petits-enfants. Pour chacun d’eux, l’investissement à impact offre l’occasion d’opérer un changement culturel profond dans la façon dont sont gérés les problèmes sociaux.

Bon nombre de nos recommandations visent les gouvernements, qui, peu importe le pays, sont appelés à jouer plusieurs rôles habilitants importants, notamment ceux de bâtisseurs de marché, en améliorant leur écosystème pour mieux appuyer l’investissement à impact, de grands acheteurs de résultats sociaux, en incitant à la

4 www.gov.uk/government/groups/social-impact-investment-taskforce

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INTRODUCTION : LE NOUVEAU PARADIGME

rémunération à la réussite, ainsi que de régisseurs de marché, en levant les obstacles juridiques et autres à l’investissement à impact et en veillant à ce que les intentions positives associées à ce type d’investissement soient maintenues avec le temps. La plupart des politiques que nous recommandons ne requièrent pas de dépenses additionnelles de la part du gouvernement, et celles qui en requièrent devraient générer, au fil du temps, des avantages nettement supérieurs à leur coût.

Même parmi les pays ayant participé aux activités du groupe de travail, il existe des différences importantes dans les pratiques, la culture et les lois applicables ainsi que dans les rôles relatifs que l’État, les entreprises et les organisations du secteur social sont appelés à jouer dans la gestion des problèmes sociaux. Ces différences ont une incidence sur la nature et la forme de l’écosystème d’investissement à impact. Nos recommandations en tiennent compte, principalement en établissant des principes d’application universelle et en favorisant par le fait même la stimulation d’un véritable marché mondial de l’investissement à impact. Lorsque certaines propositions ne conviennent qu’à un seul pays ou à quelques pays, nous l’indiquons. Les recommandations propres à chaque pays sont présentées dans les rapports des CCN.

L’investissement à impact, comme tout marché, résulte d’une combinaison de demande (en capitaux pour le financement des organisations à impact), d’offre (en capitaux à impact) et d’intermédiaires (qui contribuent à l’établissement d’un lien entre l’offre et la demande). Les principales composantes de l’écosystème d’investissement à impact sont les suivantes :

• Acheteurs cherchant à générer un impact – ils fournissent les sources de revenus qui sont à la base de l’investissement dans les organisations à impact. Ils peuvent comprendre les gouvernements, les consommateurs, les sociétés ou les fondations.

• Organisations à impact – tout type d’organisation qui a une mission sociale à long terme, qui établit des objectifs en matière de résultats et qui mesure leur atteinte, qu’il s’agisse d’une organisation du secteur social ou d’une entreprise à impact.

• Formes de financement – sont requises pour répondre à diverses exigences en matière d’investissement.

• Canaux de capitaux à impact – permettent d’établir un lien entre les investisseurs et les organisations à impact dans des situations où les sources de capitaux à impact n’investissent pas directement dans les organisations à impact.

• Sources de capitaux à impact – permettent les mouvements de capitaux requis.

Le diagramme de la page suivante présente un aperçu de l’écosystème sous forme de schéma.

Dans chaque pays, l’écosystème varie selon le rôle du gouvernement, des fondations, du secteur privé, des particuliers et du secteur social. Ces variations ont une incidence sur les forces motrices qui animent l’investissement à impact. Par exemple, en France et en Italie, cette force motrice est le secteur social, tandis qu’au Japon, ce sont les grosses sociétés.

L’écosystème et les options stratégiques connexes qui sont offertes aux gouvernements sont décrits dans la note explicative à l’intention des décideurs

Tout ce que nous proposons n’est pas entièrement nouveau. Dans certains pays, des aspects de l’investissement à impact existent depuis longtemps (comme l’investissement dans des initiatives de développement communautaire, que l’on retrouve aux États-Unis, le mouvement des caisses populaires et le mouvement québécois d’économie sociale, au Canada, ou le mouvement coopératif, qui est très dynamique en Europe). Les institutions philanthropiques modernes comme la Bill & Melinda Gates Foundation (Fondation Gates) sont à l’avant garde de l’expérimentation grâce à leurs mécanismes fondés sur le marché et à l’utilisation de l’innovation financière pour créer un changement social durable. Le travail accompli par la Fondation Gates afin d’introduire des garanties de marché pour la vaccination, par exemple, a contribué à l’utilisation des vaccins à grande échelle et à leur distribution à faible coût dans les pays en développement, grâce à une application habile de l’économie des marchés. Cependant, nous pensons qu’il y a partout un besoin et une possibilité d’en faire beaucoup plus. En suivant les étapes relativement simples, peu coûteuses et pratiques énoncées dans ce rapport, nous croyons qu’il est possible de mobiliser rapidement jusqu’à un billion de dollars en nouveaux investissements pour lutter contre les problèmes sociaux de façon plus novatrice et efficace.5

5 J.P. Morgan et la Rockefeller Foundation, Impact Investments: An Emerging Asset Class, novembre 2010, p. 6 et 11.

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INTRODUCTION : LE NOUVEAU PARADIGME

Nos recommandations sont regroupées sous trois chapitres. Le premier, intitulé L’ère de l’entrepreneuriat à impact, porte sur l’élimination des contraintes qui nuisent à la croissance des organisations établies ou maintenant dirigées par des entrepreneurs à impact. Ceux qui cherchent à générer un impact social doivent faire l’objet d’une meilleure reconnaissance et doivent pouvoir recourir à de meilleurs outils ainsi qu’à un meilleur soutien pour obtenir des résultats d’envergure. Cela comprend des mécanismes de protection de la mission sociale des entreprises comme la nouvelle structure d’« entreprise d’intérêt pour la société » (benefit corporation), qui gagne en popularité chez les entrepreneurs sociaux des États-Unis et de nombreux autres pays. Dans ce chapitre, nous décrivons les six mesures clés qu’un régime juridique peut adopter pour aider les entrepreneurs sociaux à atteindre des effets d’échelle; une seule d’entre elles est actuellement disponible dans les pays représentés au sein du groupe de travail. À cet égard, nous pensons que tous les pays peuvent faire des progrès.

Dans chaque pays, il existe aussi un potentiel énorme pour le gouvernement, en tant qu’ « acheteur » de services sociaux et de retombées sociales, d’aider le secteur social en démarrage à passer à un niveau supérieur et de contribuer à la création d’organisations générant un impact important. L’innovation récente que constituent les obligations à impact social (OIS), d’abord introduites au Royaume-Uni, puis dans bien d’autres pays, pourrait stimuler l’émergence d’un marché au sein duquel le gouvernement, les fondations philanthropiques et peut-être même d’autres acteurs pourraient convenir à l’avance « d’ acheter » des résultats sociaux prédéfinis à réaliser par des organisations à impact. Nous énonçons, dans ce rapport, des propositions visant à accélérer le développement de ce marché.

Le chapitre suivant, Le premier billion, met l’accent sur la façon d’éliminer les obstacles au mouvement de capitaux vers l’investissement à impact. Nos recommandations sont pertinentes pour tous les investisseurs, mais plus particulièrement pour les fondations et les fonds de pension.

Acheteurs cherchant à générer un impact

Sources de capitaux à impact

Entreprises à but lucratif avec

mission sociale

Entreprises se fixant des objectifs

importants en matière de résultats

Entreprises sociales/organisations soumises à

des restrictions en matière de bénéfices

Organisations financées par des

subventions s’adonnant à des

activités commerciales

Organisations dépendantes des

subventions (p. ex. organismes

de bienfaisance)

Consommateurs de biens et de services socialement engagés

Sociétés acheteuses de biens et de services socialement engagées

Fondations en tant qu’acheteur

de résultats

Gouvernement en tant qu’acheteur

de résultats

Approvisionnement en services du gouvernement

Obligations à impact social

Quasi-fonds propres

Fonds propres

Subventions

Obligations caritatives

Prêts non garantis

Prêts garantis

Organisations à impact

Institutions de financement du développement communautaire

Gestionnaires de fonds d’investissement

à impact

Intermédiaires d’investissement

à impact

Plateformes de financement participatif

Banques sociales

Fonds locaux

Investisseurs institutionnels

et banques

Sociétés

Détaillants de masse

Particuliers fortunés

Fiducies et fondations de bienfaisance

Investissement du gouvernement/

de l’Union européenne

Grossistes en investissement

social

Canaux de capitaux à impact

Formes de financement

Demande Offre

ÉCOSYSTÈME DE L’INVESTISSEMENT À IMPACT

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INTRODUCTION : LE NOUVEAU PARADIGME

QU’EST-CE QU’UNE OBLIGATION À IMPACT SOCIAL?

Intermédiaire d’investissement

à impact

1. Met au point une entente

2. Finance le fournisseur de services

3. Offre du soutien sous forme d’expertise

Résultats positifs, amélioration des vies et avantages pour le pays

Établissent des objectifs, des échéanciers et des niveaux de

paiements, et paient uniquement pour des résultats

positifs vérifiés

Le gouvernement réalise des économies nettes et

profite d’une augmentation des

revenus fiscaux

Gouvernement, fondations ou

sociétés, ensemble ou

individuellement

Fournisseur de services du secteur social

Fournit des capitaux

Récupère les capitaux et les

retourne uniquement en

fonction des résultats positifs

obtenus

Investisseurs

Bénéficiaires

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INTRODUCTION : LE NOUVEAU PARADIGME

Lorsqu’ils prennent en compte l’impact, en plus du risque et du rendement, dans leur processus décisionnel, les organisations fiduciaires appelées à gérer l’argent d’autres personnes peuvent tout de même se montrer prudentes et responsables et nul ne devrait en douter. Plus précisément, les fondations et fiducies caritatives créées par des individus fortunés ainsi que les activités de gestion des investissements des banques et des fonds souverains offrent la possibilité de jouer un rôle de catalyseur dans le marché de l’impact, en permettant d’investir de façon plus active une portion appropriée de leurs portefeuilles dans la poursuite de la mission sociale choisie. Dans le monde, les actifs des fondations sont considérables : ils représentent quelque 150 milliards de dollars aux États-Unis, 100 milliards de livres au Royaume-Uni, 100 milliards d’euros en Allemagne et près de 44 milliards de dollars au Canada. Il existe aussi un grand nombre de fondations importantes à l’extérieur de ces pays, comme l’Aga Khan Foundation et la Gulbenkian Foundation.

Le troisième chapitre, intitulé La troisième dimension, est axé sur ce qui constitue probablement l’élément habilitant le plus important du nouveau paradigme, soit la mesure de l’impact. Dès les années 1930, les gouvernements et le secteur privé ont commencé à unir leurs efforts afin de produire de meilleures données économiques et commerciales et de permettre ainsi aux décideurs, aux investisseurs et aux directeurs d’entreprise de mieux comprendre et gérer le rendement. Aujourd’hui, il faudrait déployer des efforts concertés similaires pour introduire la mesure de l’impact social et économique dans les rapports sur le rendement des gouvernements, des entreprises et du secteur des organismes de bienfaisance. Cela représente tout un défi. Il ne peut exister de mesures parfaites de l’impact. Toutefois, c’est aussi vrai des mesures que nous utilisons en matière d’économie ou de risques financiers. Dans tous les cas, l’objectif doit être d’élaborer des mesures suffisamment bonnes pour être utiles. Plus nos mesures de l’impact seront précises, plus il y aura de capitaux investis pour générer cet impact.

Le chapitre intitulé Une force nouvelle en matière de développement international traite du fait que nos recommandations ne visent pas exclusivement à aider les grandes économies mondiales à mieux résoudre les problèmes du 21e siècle auxquels elles sont confrontées. L’investissement à impact offre aux pays en développement un potentiel d’aide encore plus grand, qui leur permettrait à la fois d’obtenir

de meilleurs résultats sociaux et de connaître la croissance économique s’ils intégraient ces concepts dans leurs politiques nationales et si l’aide internationale et les investissements étrangers y accordaient une importance croissante. Nous faisons plusieurs recommandations, qui comprennent une exploration du potentiel des obligations à impact sur le développement, pour atténuer les contraintes sociales au développement économique comme l’analphabétisme, la maladie et le manque de préparation pour l’emploi.

Le dernier chapitre, intitulé Galvaniser le mouvement d’impact social, présente les mesures que doivent prendre les gouvernements nationaux, les institutions internationales, les fondations, les investisseurs généraux et les autres acteurs importants, y compris les citoyens, pour développer un marché mondial d’investissement à impact dynamique susceptible d’entraîner des avantages directs énormes sous la forme de meilleurs résultats sociaux.

À mesure que croîtra le marché mondial de l’investissement à impact, non seulement les gouvernements auront-ils accès à de nouvelles sources importantes de capitaux, mais ils auront aussi la capacité de tirer parti de l’expertise des entreprises et du secteur social en matière d’entrepreneuriat et d’innovation. Il ne s’agit pas d’inciter les gouvernements à augmenter ou à réduire les dépenses publiques, mais plutôt de les aider à faire davantage avec l’argent dont ils disposent.

Les leaders entrepreneuriaux du secteur social obtiendront un accès au financement dont ils ont besoin pour élargir la portée de leurs idées grâce à des instruments semblables à ceux dont les entreprises du secteur à but lucratif jouissent depuis longtemps. Dans le monde des affaires, on assistera à une croissance rapide du nombre d’entreprises conventionelles à impact et d’entreprises à but lucratif avec mission sociale, qui poursuivront une mission sociale et des objectifs mesurables dont la réalisation fera l’objet d’un suivi. Les fondations philanthropiques disposeront de nouvelles façons de déployer une partie des capitaux de leurs fonds de dotation pour remplir leurs missions sociales. Les investisseurs pourront possiblement profiter de nouvelles occasions d’investissement moins corrélées, et le secteur financier, d’une occasion de regagner la confiance du public en démontrant qu’il peut constituer une force puissante en matière de bien collectif et favoriser une croissance économique inclusive qui profite à tous.

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INTRODUCTION : LE NOUVEAU PARADIGME

La réussite de nos efforts sera elle-même mesurée en fonction des facteurs suivants : l’augmentation du mouvement de capitaux dans les investissements à impact provenant des fonds de dotation de fondations, d’institutions d’investissement conventionnelles, de personnes fortunées et du grand public, l’ampleur que prendra l’attribution par les gouvernements, les fondations et les entreprises de contrats visant l’atteinte d’ objectifs sociaux particuliers, le nombre d’organisations à impact viables qui seront créées, le nombre d’organisations cherchant à générer un impact qui

parviendront à obtenir un effet d’échelle important, le nombre de gestionnaires d’investissements à

impact, et l’émergence d’une infrastructure de marché en soutien aux investissements à impact, y compris d’agences de notation et de bourses des valeurs sociales. Les rapports des CCN explorent plus en détail ce qui est requis pour bâtir ce marché dans chaque pays.

La mesure ultime consiste à déterminer si l’investissement à impact permet d’obtenir de meilleurs résultats à l’égard des questions sociales et d’améliorer la vie de millions de personnes dans le monde.

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RECOMMANDATIONS DE HAUT NIVEAU

RECOMMANDATIONS DE HAUT NIVEAU

1Établir des objectifs mesurables en matière d’impact et faire un suivi à l’égard de leur réalisation.

2S’assurer que les investisseurs prennent en compte les trois dimensions : le risque, le rendement et l’impact.

4Mettre en œuvre le principe de rémunération à la réussite : les gouvernements devraient envisager de simplifier les ententes de rémunération à la réussite comme les obligations à impact social et adapter les écosystèmes nationaux pour appuyer l’investissement à impact.

3Clarifier les responsabilités fiduciaires des administrateurs de fondations : permettre à ces derniers de prendre en compte le rendement financier et social associé à leurs investissements.

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RECOMMANDATIONS DE HAUT NIVEAU

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5Envisager la possibilité de créer un grossiste en investissement à impact financé au moyen des actifs non réclamés pour inciter au développement du secteur de l’investissement à impact.

6Accroître les capacités organisationnelles du secteur social : les gouvernements et les fondations devraient envisager l’établissement de programmes de subvention visant à renforcer les capacités.

8Appuyer le rôle de l’investissement à impact dans le développement international : les gouvernements devraient envisager de fournir à leurs institutions financières de développement la flexibilité nécessaire pour qu’elles puissent accroître les efforts d’investissement à impact. Explorer la possibilité de créer un mécanisme de financement de l’impact afin d’attirer des capitaux de départ ainsi qu’un fonds de résultats sociaux permettant de payer pour les obligations à impact sur le développement en fonction de leur succès.

7Donner aux entreprises à but lucratif avec mission sociale la capacité de s’engager dans une mission : les gouvernements devraient proposer des modèles juridiques ou des dispositions appropriés aux entrepreneurs et aux investisseurs qui souhaitent se fixer une mission sociale dans le futur.

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L’ÈRE DE L’ENTREPRENEURIAT À IMPACT

Le nombre croissant d’entrepreneurs à impact qui consacrent leur énergie créative à trouver des façons novatrices et durables de régler les problèmes sociaux constitue une bonne raison de se montrer optimiste à l’égard des perspectives d’investissement à impact. Il existe une offre inexploitée de gens de talent prêts à mettre sur pied des organisations à impact prospères.

Les jeunes issus de la génération Y qui font aujourd’hui leur entrée au sein de la population active veulent que leur travail ait un but autre que

celui de simplement faire de l’argent, tandis que les travailleurs des autres générations sont de moins en moins enclins à cloisonner la façon dont ils gagnent leur vie et leur vision du monde.6 En parallèle, la demande grandit à mesure que les acheteurs cherchant à générer un impact, y compris les consommateurs, les gouvernements, les philanthropes et autres, se tournent davantage vers des produits et des services qui, de façon évidente, rendent le monde meilleur.

Cette métamorphose se reflète dans le fait que s’estompent peu à peu les vieilles divergences entre le secteur à but lucratif et le secteur social. De plus en plus, les organisations du secteur social cherchent à accroître l’impact qu’elles génèrent ainsi que leur viabilité en produisant des recettes et en adoptant certaines pratiques exemplaires des entreprises, et un nombre grandissant d’entreprises se donnent une vocation sociale allant bien au-delà de la réalisation de bénéfices. Cette transformation se manifeste aussi dans la hausse du nombre de personnes qui mettent elles-mêmes sur pied des organisations pour relever certains de nos plus grands défis. De nos jours, on trouve souvent des entrepreneurs à impact là où des problèmes épineux ont entraîné un besoin pressant d’innovation sociale.

En mettant l’accent sur l’atteinte de résultats manifestement meilleurs, l’investissement à impact peut donner de bonnes chances de réussite à n’importe quelle organisation à mission sociale, y compris des organisations du secteur social qui souhaitent recourir à des sources de capitaux autres que les subventions traditionnelles de donateurs ou du gouvernement, et des entreprises conventionnelles désireuses d’intégrer une mission sociale à leur stratégie d’affaires.

L’investissement à impact nous éloigne de l’idée fausse et bien ancrée selon laquelle une même organisation ne peut pas à la fois générer des bénéfices et un impact social. La réglementation gouvernementale, qui distingue habituellement l’impact social des autres types d’impact en fonction du caractère public ou privé des bénéfices, commence à s’ajuster à ces nouvelles approches, mais il y a encore fort à faire.

Certains des plus grands entrepreneurs ont mis sur pied des organisations du secteur social prospères. À titre d’exemple, Sal Khan offre chaque mois des cours en ligne à 10 millions de personnes par l’intermédiaire de la Khan Academy. De son côté, Andrew Youn contribue à la formation de quelque 200 000 petits agriculteurs d’Afrique grâce au programme One Acre Fund, qu’il a fondé.

L’ÈRE DE L’ENTREPRENEURIAT À IMPACT

6 Deloitte, The Millennial Survey 2014, accessible à l’adresse suivante : www.deloitte.com/MillennialSurvey

Les jeunes issus de la génération Y qui font aujourd’hui leur entrée au sein de la population active veulent que leur travail ait un but autre que celui de simplement faire de l’argent, tandis que les travailleurs des autres générations sont de moins en moins enclins à cloisonner la façon dont ils gagnent leur vie et leur vision du monde.

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L’ÈRE DE L’ENTREPRENEURIAT À IMPACT

Au cours des dernières années, un nombre grandissant d’entrepreneurs à impact se sont joints à eux et ont entrepris de favoriser l’innovation sociale en démarrant des entreprises à but lucratif. C’est le cas de Kristin Richmond et de Kirsten Tobey, fondatrices de Revolution Foods, qui fournissent chaque semaine un million de repas santé à des enfants d’âge scolaire aux États-Unis (75 % de ces enfants sont issus de familles à faible revenu), ainsi que de Dirk Mueller-Remus, fondateur d’Auticon, une entreprise berlinoise ayant pour mission de donner de la formation à des personnes atteintes du syndrome d’Asperger et de leur trouver du travail dans des services de TI. Certaines entreprises ont pris rapidement de l’envergure grâce à des modèles hybrides, comme le Groupe SOS, en France, qui compte 11 000

employés, génère des recettes de 900 millions d’euros et permet à au moins un million de personnes de bénéficier du travail de ses organismes constituants en répondant à divers besoins sociaux. En Italie, le consortium CGM compte 900 entreprises sociales, 42 000 employés et 800 000 bénéficiaires, et génère des recettes de 1,2 milliard d’euros.

Un secteur social dynamique doit être composé de petites et de grandes organisations. L’investissement à impact peut aider les entrepreneurs à déployer leurs bonnes idées à grande échelle, plus encore depuis l’émergence dans plusieurs pays, au cours des quatre dernières décennies, d’une grande industrie des capitaux de risque ayant entraîné une augmentation importante du nombre de jeunes entreprises grandes et prospères. L’investissement à impact comprend toutes les formes de financement liées aux objectifs sociaux, des capitaux de risque au démarrage aux capitaux de croissance, en passant par les capitaux d’emprunt. Les besoins relatifs à cette vaste gamme de formes de financement sont devenus très évidents. Aux États-Unis, par exemple, au cours des 25 dernières années ou à peu près, plus de 50 000 nouvelles entreprises ont passé la marque des 50 millions de dollars de

recette, alors que seulement 144 organisations sans but lucratif ont pu faire de même.7 Il est temps que le secteur social rattrape le retard accumulé.

L’émergence de l’investissement à impact est le résultat, à tout le moins partiellement, des efforts croissants que déploient les organisations du secteur social pour générer des recettes plutôt que de s’en remettre uniquement aux subventions. Dans les pays où elles ont été autorisées à le faire, ces organisations ont connu une croissance plus rapide imputable en partie à la passation de marchés avec le gouvernement, qui a connu une hausse.

Bien sûr, il ne suffit pas d’aider les entreprises en démarrage pour développer un secteur social prospère dans lequel les investisseurs à impact peuvent investir leurs capitaux. Il existe aussi des possibilités d’accroître l’impact des organisations déjà établies. En Australie, par exemple, des investisseurs à impact ont fourni 95 millions de dollars australiens pour l’achat d’un important fournisseur privé de services d’apprentissage préscolaireet de garde d’enfants et l’ont transformé en une organisation sans but lucratif florissante, Goodstart, qui compte aujourd’hui 641 centres de la petite enfance accueillant 73 000 enfants.

Pour accélérer la croissance d’un secteur à impact prospère, il est important que les gouvernements comprennent la multitude de choix que les entrepreneurs à impact doivent faire au moment de mettre sur pied des organisations vouées à l’atteinte d’objectifs sociaux, ainsi que les avantages et les inconvénients des différents modèles juridiques sur lesquels peuvent se fonder ces organisations. Ils doivent s’assurer que les lois, les règlements et les mesures fiscales incitatives encouragent la prise de décisions favorisant la génération d’un plus grand impact social, plutôt que d’y faire obstacle.

ORGANISATIONS DU SECTEUR SOCIAL

Dans plusieurs pays, notamment au Canada, en Allemagne, au Royaume-Uni et aux États-Unis, les organisations du secteur social génèrent déjà plus de 5 % du produit intérieur brut. Dans certains pays, ces organisations emploient même plus de 10 % de la population active.8 Nous croyons que ce taux, tout comme la productivité du secteur social, augmentera de façon importante à mesure que croîtra le marché de l’investissement à impact. Dans d’autres pays, comme en France et en Italie,

7 W. Foster et G. Fine, « How Nonprofits Get Really Big », Stanford Social Innovation Review (printemps 2007) 5(2), page 46 à 55.8 Voir, par exemple, K. Roeger, A. Blackwood et S. Pettijohn, The Nonprofit Almanac, Urban Institute (2012), page 35, et Statistique Canada, Compte satellite des institutions sans but lucratif et du bénévolat, 2007, accessible à l’adresse suivante : http://sourceosbl.ca/resource/file/ compte-satellite-des-institutions-sans-lucratif-et-du-b%C3%A9n%C3%A9volat-2007

On a noté une croissance stable du nombre d’organisations du secteur social qui génèrent des recettes en passant des contrats avec le gouvernement ou en imposant des frais pour les services ou les produits qu’ils fournissent.

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12 L’ÈRE DE L’ENTREPRENEURIAT À IMPACT

il existe un vaste secteur appelé « économie sociale et solidaire », qui comprend les associations caritatives, les coopératives, les mutuelles et les entreprises à impact, dont certaines pourraient se prêter à l’investissement à impact. En France, ce secteur emploie 2,3 millions de personnes, et son importance a récemment été reconnue dans la législation.9

Toute organisation à impact peut être bénéficiaire d’un investissement à impact, pourvu qu’il puisse générer non seulement un impact social, mais aussi un rendement financier. Une contribution d’un donateur ne constitue pas un investissement

à impact si elle n’est assortie d’aucune attente en matière de récupération des fonds, et encore moins si elle ne permet aucun rendement financier.

La croissance des organisations du secteur social s’est accélérée dans les dernières années avec l’augmentation du nombre de contrats que le gouvernement passe avec elles. Au Royaume- Uni, par exemple, plus de 80 % du financement offert aux organismes de bienfaisance par le gouvernement prend aujourd’hui la forme de contrats de prestation de services plutôt que de subventions visant à appuyer leur travail, et ce financement a atteint plus de 11 milliards d’euros par année en 2011-2012.10 En Allemagne, un système d’aide sociale codifié assorti de volets de financement garantis par la loi a permis le développement d’un grand secteur social, qui est au cœur de la mise en œuvre de dispositions sociales financées par le gouvernement. En Italie, le secteur social représente 15 % du PIB national et 10 % de l’ensemble de la population active.11

On a noté une croissance stable du nombre d’organisations du secteur social qui génèrent des recettes grâce à des contrats passés avec le gouvernement ou en imposant des frais pour les services ou les produits qu’ils fournissent, qu’il s’agisse d’hôpitaux ou d’organisations de développement international. À titre d’exemple, le centre de traitement de la toxicomanie San Patrignano, en Italie, touche des revenus en

vendant des produits fabriqués par les jeunes qui y séjournent et y suivent un traitement. En 2012, 1 200 magasins d’Oxfam International dans neuf pays ont généré des recettes de 178 millions d’euros et un surplus net de 31 millions d’euros une fois les coûts pris en compte.

Il subsiste toutefois un besoin pressant d’aider les organisations individuelles du secteur social et le secteur social dans son ensemble à développer la capacité requise pour faire bon usage des capitaux d’investissement à impact. À l’heure actuelle, les entreprises traditionnelles tirent profit d’un vaste écosystème dans lequel gravitent banquiers, experts-conseils en gestion, avocats, comptables, firmes de relations publiques et écoles de commerce. Pour obtenir des résultats similaires, les organisations de prestation de services à impact auront besoin d’un coup de main pour cerner les occasions de solliciter l’investissement à impact ainsi que de soutien pour combler le gouffre culturel qui divise souvent le secteur social et l’industrie de la finance.

Le type de financement qu’obtiennent généralement les organisations du secteur social constitue un autre défi. Les organisations à but lucratif en démarrage reçoivent habituellement du financement des investisseurs en capital de risque et d’autres investisseurs qui leur donne toute la souplesse nécessaire pour financer leur croissance. À titre de comparaison, la grande majorité des subventions accordées aux organisations du secteur social sont affectées entièrement à un projet en particulier. Cela empêche les organisations du secteur social d’investir dans la capacité opérationnelle de leur organisation, que ce soit en engageant des cadres de talent ou en créant une infrastructure d’arrière-plan qui permettrait d’améliorer l’efficience. Aux États-Unis, par exemple, seulement 16 % des subventions accordées chaque année sont consacrées à du soutien opérationnel général.

Au nombre des développements prometteurs, mentionnons l’émergence des entreprises de « philanthropie de risque », qui cherchent à appliquer un grand nombre de techniques de renforcement de la capacité des sociétés de capital de risque aux jeunes organisations du secteur social, y compris offrir un soutien opérationnel général, fournir de l’encadrement, contribuer au recrutement et à la réflexion stratégique et intégrer dès le départ un modèle de génération de recettes.

Aux États-Unis, New Profit Inc., Social Venture Partners, Venture Philanthropy Partners ainsi que SV2 et Draper Richards Kaplan en sont des

9 Commission européenne (2012), Social Economy: Laying the Groundwork for Innovative Solutions to Today’s Challenges, rapport de synthèse, France, 10 et 11 décembre 2012, page 16.10 NCVO, UK Civil Society Almanac (2014), page 29. Accessible à l’adresse: www.data.ncvo.org.uk/a/almanac14/how-has-the-funding-mix-changed/11 Istat 2014, Censimento dell’Industria e dei Servizi 2011, Istituzioni Non profit.

Le nombre de jeunes entreprises mettant une mission sociale au cœur de leur organisation ainsi que la diversité des modèles d’affaires qu’elles utilisent sont tout aussi remarquables.

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13L’ÈRE DE L’ENTREPRENEURIAT À IMPACT

exemples clés. De même, l’European Venture Philanthropy Association compte plus de 170 membres, comme Impetus-PEF au Royaume-Uni et d’autres organisations venant d’aussi loin que la Turquie et les Émirats arabes unis. L’Asian Venture Philanthropy Network compte plus de 160 membres dans 28 pays, et le Japon dispose maintenant de son premier véritable fonds philanthropique de risque, JVFP, fondé par un capital d’investissement privé et des professionnels de la finance des entreprises en 2013 et géré conjointement par la Nippon Foundation et Social Investment Partners.

Après plus d’une décennie d’expérimentation, d’apprentissage et de réussites dignes de mention, comme en témoignent Teach for America et Kiva, la philanthropie de risque semble destinée à jouer un rôle important dans les organisations du secteur social en les aidant à mettre à contribution les capitaux d’investissement à impact.

Pour réaliser un tel potentiel, le secteur social devra connaître une augmentation marquée de la capacité organisationnelle de ses organisations et de leur aptitude à attirer davantage de gestionnaires de talent et à mettre à profit des capitaux d’investissement.

Dans le but d’accélérer la capacité des organisations du secteur social à générer un impact social, certains gouvernements ainsi que certaines fondations et entreprises ont décidé de fournir du financement et des ressources humaines afin de les aider. Les fondations sont bien placées pour assumer un rôle de premier plan à cet égard.

Il existe plusieurs façons d’appuyer le renforcement des capacités, que ce soit au moyen de soutien technique ou de fonds d’incubateurs d’entreprises. Les partenariats avec de grandes entreprises établies se sont aussi avérés fructueux. Le B Team, un groupe de grands dirigeants d’entreprise dont font notamment partie sir Richard Branson, Arianna Huffington et Paul Polman, se révèle le champion de l’entrepreneuriat à impact dans le monde, se joignant à de grandes organisations hôtes comme la Clinton Global Initiative, le Skoll World Forum et le Forum économique mondial afin de soutenir activement le développement de l’entrepreneuriat à impact. De même, en Californie, le rassemblement annuel de la SoCap (Social Capital Markets) est devenu une importante occasion d’échange de connaissances pour le domaine. En outre, l’intérêt grandissant pour le Global Learning Exchange, lancée lors du forum sur l’investissement à impact du G8 en 2013, montre combien il est important d’avoir des plateformes mondiales permettant de lier les gens

entre eux et de mettre en commun des idées et des ressources afin de faire connaître les pratiques exemplaires et de développer le marché de l’investissement à impact.

ENTREPRISES À BUT LUCRATIF AVEC MISSION SOCIALE

Selon de récents sondages menés par Deloitte auprès de la génération Y, une grande partie des jeunes d’aujourd’hui croient que le principal but d’une entreprise est de profiter à la société, et 50 % d’entre eux soutiennent qu’ils veulent travailler pour une entreprise aux pratiques éthiques.12 Le nombre d’entreprises mettant une mission sociale au cœur de leur modèle d’affaires connaît une croissance rapide. Ces entreprises remettent en question le scepticisme traditionnel quant à la possibilité de générer des recettes tout en luttant contre les problèmes sociaux qui règnent dans de nombreux pays.

Les entreprises d’aujourd’hui, qu’elles soient petites ou grandes, reconnaissent aussi l’importance de miser davantage sur l’impact social. De plus en plus de grandes entreprises prennent au sérieux leurs responsabilités sociales, environnementales et de gouvernance. Il y a place à l’optimisme devant l’adoption d’idées comme la « valeur commune », une idée mise de l’avant au cours des dernières années par Michael Porter de la Harvard Business School, selon laquelle les entreprises, par leur modèle d’affaires, visent à la fois à générer des revenus et à avoir un impact bénéfique clair sur la société. La prolifération des partenariats entre de grandes entreprises et des organismes influents du secteur social, notamment entre Dow Chemical et The Nature Conservancy, Danone et Grameen, ainsi que Nestlé et la Fair Labour Association, est une autre tendance dont il y a lieu de se réjouir.

Il est tout aussi remarquable de constater le nombre d’entreprises en démarrage qui ont une mission sociale au cœur de leurs activités et la diversité de leurs modèles d’affaires. Des entreprises comme d.light, Microensure et Barefoot Power créent des produits (éclairage solaire, microassurance et énergie renouvelable abordable, respectivement) qui ont un impact direct sur les populations mal desservies. Qui plus est, ces entrepreneurs à impact ont pris des risques sans précédent pour prouver qu’il est effectivement possible de lutter contre ces problèmes tout en profitant de grandes possibilités d’affaires. En conséquence, ces entrepreneurs sont maintenant en mesure d’attirer d’importants capitaux d’investissement pour

12 Deloitte, The Millennial Survey 2014, disponible à l’adresse www.deloitte.com/MillennialSurvey

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14 L’ÈRE DE L’ENTREPRENEURIAT À IMPACT

croître. D’autres ont choisi un modèle d’affaires différent pour faire profiter les populations mal desservies. Par exemple, Tom’s Shoes et Warby Parker ont incorporé à leur modèle d’affaires le concept de subvention croisée « achetez une paire, donnez une paire » dans le domaine des chaussures et des lunettes, respectivement. Dans le cadre de ce modèle, les achats effectués par les consommateurs mieux nantis financent les articles dont ont besoin les consommateurs moins nantis.

Les entrepreneurs qui lancent une entreprise à impact ont un certain nombre de choix à prendre quant à la façon de structurer l’entreprise afin qu’elle génère le plus d’impact possible. De nombreux entrepreneurs, particulièrement ceux qui vendent des produits dont l’impact est intégré au modèle

d’affaires, choisissent d’utiliser les outils courants des entreprises à but lucratif (comme la constitution en société à responsabilité limitée) de façon à intéresser le plus grand nombre possible d’investisseurs, qu’ils soient guidés par une mission ou plus conventionnels, et donc d’optimiser les chances d’obtenir le capital nécessaire à leur croissance. Il existe de nombreuses entreprises à impact de ce genre. Par exemple, aux États-Unis, Progreso Financiero offre des prêts à faible taux aux citoyens et aux propriétaires d’entreprise d’origine hispanique qui ont peu d’antécédents en matière de crédit ou qui n’en ont aucun afin de leur donner davantage de moyens d’action et de leur permettre d’établir des antécédents en matière de crédit. Cette entreprise à impact a reçu plus de 175 millions de dollars de la part d’investisseurs à impact et d’investisseurs en capital de risque de premier plan, et elle a consenti plus d’un milliard de

dollars en prêts aux populations mal desservies. Dans le domaine de l’environnement, Opower est une entreprise qui combine l’infonuagique, les mégadonnées et la science du comportement pour aider les services publics du monde entier à réduire leur consommation énergétique et à améliorer leurs relations avec la clientèle. L’entreprise a servi plus de 32 millions de foyers et a permis d’économiser plus de 5 milliards de kilowattheures d’électricité. Elle a récemment effectué un premier appel public à l’épargne (PAPE). En outre, Indiegogo et Kickstarter ont démocratisé le financement grâce à leur plateforme en ligne qui a permis à des millions d’artistes indépendants, de bâtisseurs communautaires, d’inventeurs et d’innovateurs d’organiser des campagnes de financement participatif dont la portée a largement dépassé celle de leur propre réseau, ce qui a grandement augmenté leurs chances de réussite. Le site Web d’Indiegogo, qui a permis de lancer des campagnes dans 224 pays, enregistre plus de 9 millions de visiteurs chaque mois.

De plus en plus d’entrepreneurs voient un avantage à ce que leur impact soit certifié. Les organismes de certification vérifient l’impact des entreprises et déterminent si celles ci utilisent des pratiques commerciales responsables en vue de leur accorder un sceau d’excellence qui peut motiver les employés, offrir une certaine transparence aux intervenants et envoyer un message proactif aux consommateurs. Il existe à l’échelle internationale plus de 1 000 entreprises de structure B Corp (diminutif de benefit corporation, entreprise à but lucratif avec mission sociale), dont des entreprises bien connues comme Ben & Jerry’s, Change.org, Etsy et Patagonia.

Une nouvelle tendance consiste à former une nouvelle entreprise à l’aide d’une structure juridique spéciale conçue pour protéger la mission de l’entreprise même si celle ci change d’administration ou de propriétaire. Il est parfois intéressant pour les entrepreneurs à impact d’adopter une telle structure juridique garantissant la mission sociale de l’entreprise, par exemple pour solliciter des fonds de sources publiques ou parapubliques ou pour attirer d’autres formes d’investissement social. Aux États-Unis, la structure juridique B Corp a été adoptée pour la première fois en 2010 au Maryland et est maintenant répandue dans 27 États.13 Le concept fait aussi son chemin à l’étranger. Même s’il s’agit d’un phénomène relativement nouveau, nous avons bon espoir que les organisations dont la mission est garantie seront particulièrement intéressantes aux yeux des investisseurs, qu’il s’agisse d’investisseurs traditionnels ou à impact. Nous recommandons aux

De plus en plus d’entrepreneurs voient un avantage à ce que leur impact soit certifié. Les organismes de certification vérifient l’impact des entreprises et déterminent si celles ci utilisent des pratiques commerciales responsables en vue de leur accorder un sceau d’excellence qui peut motiver les employés, offrir une certaine transparence aux intervenants et envoyer un message proactif aux consommateurs.

13 www.benefitcorp.net

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15L’ÈRE DE L’ENTREPRENEURIAT À IMPACT

gouvernements de créer des structures juridiques offrant aux entrepreneurs à impact un choix de mécanismes organisationnels qui maximisent leurs chances de remplir leur mission sociale.

FAVORISER L’ENTREPRENARIAT À IMPACT

Les gouvernements peuvent jouer un rôle important pour favoriser la croissance de l’entreprenariat à impact. Qu’ils aient lancé une organisation du secteur social ou une entreprise à impact, les entrepreneurs à impact se heurtent le plus souvent à la difficulté d’obtenir le capital de risque de démarrage. En effet, de nombreux investisseurs à impact sont prêts à investir ultérieurement dans la croissance d’une entreprise, lorsque les risques sont inférieurs et que la solidité du modèle d’affaires a été éprouvée, mais bien plus rares sont ceux qui sont prêts à accompagner un entrepreneur aux débuts d’une entreprise à impact à fort potentiel de croissance, mais représentant un risque élevé. Le capital de risque de démarrage est le seul type de financement qui permet de mettre à l’essai et d’étendre à grande échelle les solutions dynamiques axées sur le marché qui visent à régler les problèmes urgents. De même, il se peut que les

organisations du secteur social doivent obtenir un financement opérationnel général leur permettant de s’adapter aux besoins du marché ainsi que d’investir dans le développement de sources de revenus solides. Un certain nombre d’initiatives gouvernementales ont été mises en place pour les aider à cet égard.

En Italie, le premier ministre a annoncé la création d’un fonds social pour financer les entreprises à impact, une disposition incluse dans la législation sur l’entreprise sociale à l’étude au Parlement.14

Au Japon, le gouvernement a accordé 210 millions de dollars en subventions à l’innovation sociale entre 2010 et 2012 dans le cadre de l’initiative de nouvelle

gestion publique, dont 86 millions de dollars ont été consacrés au soutien de quelque 800 nouvelles entreprises sociales. De plus,14 organisations intermédiaires dans le pays dirigent une série de programmes de stages et de subventions visant à renforcer la capacité à l’égard du financement de démarrage.15

En France, le projet de loi sur l’économie sociale et la solidarité déposé en 2014 vise à favoriser le financement des organisations du secteur social, et un fonds d’investissement en innovation sociale doit être lancé par la Banque publique d’investissement (une banque d’État) et les administrations gouvernementales régionales pour consentir des prêts aux innovateurs sociaux. Le CCN de la France étudie de nouvelles façons d’utiliser les fonds des secteurs public et privé et des fondations pour financer le renforcement de la capacité.

Aux États-Unis, l’Office of Social Innovation and Civic Participation de la Maison-Blanche dirige les efforts visant à soutenir les entrepreneurs à impact et à favoriser un investissement à impact privé additionnel pour les entrepreneurs.

Le Bureau du Cabinet du Royaume-Uni a créé l’Investment Readiness Programme, un programme qui comprend un fonds commun initial de 20 millions de livres qu’il versera sous forme de subventions de renforcement de la capacité pour la préparation à l’investissement. Ce fonds commun est composé d’un fonds de préparation à l’investissement et à la passation de marchés de 10 millions de livres, qui favorise l’accès par les entreprises sociales à un investissement à impact d’au moins 500 000 livres ou à des marchés de plus d’un million de livres, ainsi que d’un fonds pour les incubateurs sociaux de 10 millions de livres, qui vise à aider lesdits incubateurs à fournir du financement et du soutien à des entreprises sociales naissantes. Jusqu’à maintenant, l’Investment Readiness Programme a permis d’aider plus d’une centaine d’entreprises sociales de prestation de services à obtenir des investissements et des marchés d’une valeur de près de 100 millions de livres, ainsi que de créer 10 incubateurs sociaux qui soutiendront plus de 600 entreprises en démarrage. En outre, le gouvernement du Royaume-Uni a récemment confirmé un investissement de 60 millions de livres pour renforcer la capacité des organisations du secteur social au cours des dix prochaines années.

Le CCN de l’Allemagne propose d’examiner des mécanismes d’atténuation et de partage des

14 www.avvenire.it/Commenti/Pagine/Impresa-sociale-per-ripartire.aspx 15 www5.cao.go.jp/npc/pdf/torikumi0906.pdf (Bureau du Cabinet, 2012); www5.cao.go.jp/npc/pdf/youbou.pdf (Bureau du Cabinet, 2013).

Qu’ils aient lancé une organisation du secteur social ou une entreprise à impact, les entrepreneurs à impact se heurtent le plus souvent à la difficulté d’obtenir le capital de risque de démarrage.

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16 L’ÈRE DE L’ENTREPRENEURIAT À IMPACT

risques pour les investisseurs à impact potentiels. Le CCN estime que les banques de développement pourraient jouer un rôle dans ce contexte. Les principaux domaines visés seraient notamment les soins aux aînés et le chômage chronique.

Il existe également un certain nombre de façons de permettre aux entrepreneurs à impact d’obtenir un capital de risque de démarrage sans que les gouvernements n’aient à engager de nouvelles dépenses. Le CCN des États-Unis a examiné les politiques fédérales en place et a constaté dans plusieurs cas qu’une simple modification aux modalités des programmes pourrait débloquer des milliards de dollars en investissements à impact. Par exemple, le programme de visa EB 5 des États-Unis permet aux investisseurs étrangers d’obtenir une carte verte s’ils investissent 500 000 $ et créent au moins 10 emplois dans une zone où le contexte économique est difficile. En 2012 seulement, ce programme a généré des investissements totalisant 1,8 milliard de dollars. En modifiant légèrement les règles d’admissibilité au programme, le gouvernement pourrait accroître les investissements et en diriger une partie importante vers les entrepreneurs à impact.

Le CCN des États-Unis a formulé un certain nombre de recommandations pour accroître le financement des organisations entrepreneuriales sans égard au fait qu’elles sont constituées en société ou en organisation caritative. Par exemple, à l’heure actuelle, les organisations du secteur social des États-Unis ne sont pas admissibles aux quelque 15 milliards de dollars en prêts fédéraux accordés aux petites entreprises, et ce, même si elles ont des sources de revenus considérables.

Une simple modification réglementaire permettant aux organisations du secteur social de demander un prêt pourrait faire toute la différence.

Chaque pays pourrait procéder à une révision semblable de ses règlements qui reflètent l’ancienne façon de considérer les organisations du secteur social et les entreprises à but lucratif comme des entités opposées et qui empêche les investissements dans les entreprises dotées d’une mission. Dans certains pays, les organisations du secteur social qui touchent des revenus sont assujetties à des contraintes juridiques. Au Canada, par exemple, les règles actuelles ne reconnaissent pas la valeur des activités génératrices de revenus des organisations caritatives et sans but lucratif. Dans certains cas, les directives administratives et les décisions d’interprétation sont allées jusqu’ à sous entendre que les organisations sans but lucratif ne peuvent jamais chercher à générer un profit. Nous recommandons que tous les pays envisagent de mettre en place un contexte juridique permissif qui, selon ce qui est raisonnablement possible, permettrait aux organisations du secteur social de générer des revenus.

Enfin, le groupe de travail s’est montré d’avis que les entrepreneurs à impact devraient avoir toute une gamme de choix quant à la forme juridique qu’ils peuvent donner à leur entreprise. Le groupe d’experts sur l’harmonisation de la mission, créé par notre groupe de travail, a procédé à un examen des protections juridiques offertes aux entrepreneurs qui désirent garantir leur mission. Le groupe a relevé six différentes façons par lesquelles le système juridique peut aider les entreprises à atteindre cet objectif (voir le tableau A).

TABLEAU A :

SIX ÉTAPES POUR PROTÉGER LA MISSION SOCIALE D’UNE ENTREPRISE À BUT LUCRATIF AVEC MISSION SOCIALE

Étape 1Possibilité, pour les entités à distribution de bénéfices, d’inclure une mission sociale comme objet secondaire

Étape 2Possibilité, pour les entités à distribution de bénéfices, d’inclure une mission sociale comme objet principal

Étape 3Établissement de pratiques et de précédents juridiques et d’un cadre juridique clair

Étape 4Établissement de mécanismes juridiques, comme une action préférentielle, pour protéger la mission

Étape 5Établissement d’une forme juridique particulière pour garantir la mission

Étape 6Inclusion de la mission dans les fonctions des administrateurs d’une manière exécutoire

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17L’ÈRE DE L’ENTREPRENEURIAT À IMPACT

Il souligne l’importance de l’intention, des fonctions et de la reddition de comptes comme éléments caractéristiques d’une entreprise à but lucratif avec mission sociale, dont l’engagement consiste à continuer de générer un impact à long terme et d’en rendre compte. Les pays membres du groupe de travail ont tous commencé à prendre des mesures pour établir un environnement favorable, mais il reste une grande marge pour d’autres mesures.

Le groupe d’experts sur l’harmonisation de la mission a formulé plusieurs recommandations pour établir un choix de mécanismes permettant de garantir la mission. Les recommandations du groupe figurent dans son document thématique, intitulé « Entreprise à but lucratif avec mission sociale ».

Pour qu’une entreprise ayant une structure B Corp ou une autre structure juridique d’entreprise à but lucratif avec mission sociale puisse devenir une solution de rechange viable aux modèles d’entreprise traditionnels, il sera sans doute important qu’elle puisse devenir une société inscrite. En effet, il se pourrait que la capacité de s’inscrire à une « bourse des valeurs sociales » facilite, pour de telles entreprises, la réalisation d’un PAPE et le recrutement d’investisseurs à impact motivés à protéger et à faire avancer la mission sociale des entreprises dans lesquelles ils investissent. Les bourses des valeurs sociales gagnent en popularité. La plus ancienne et la mieux établie est l’Impact Investment Exchange

(IIX), en Asie, qui a été fondée en 2005. L’IIX a été créée en vue de devenir la première plateforme privée et publique d’Asie permettant aux entreprises sociales d’obtenir des capitaux. En 2013, elle a absorbé Nexii, une bourse des valeurs sociales d’Afrique du Sud. Son but est de contribuer à diriger les capitaux de croissance plus que nécessaires vers des entreprises sociales d’Asie et d’Afrique. À Londres, la London Social Stock Exchange (SSE) a été lancée en 2013 afin d’établir

un lien entre les entreprises à impact et les investisseurs à impact. De même, une équipe de Berlin travaille actuellement à la création d’une bourse des valeurs sociales en Allemagne (NExT SSE). Au Canada, une plateforme d’échange appelée SVX a été créée dans le but d’établir un lien entre les entreprises sociales, les fonds à impact et les investisseurs à impact.

PAYER POUR OBTENIR DES RÉSULTATS

Les organisations à impact doivent avoir accès aux marchés pour pouvoir tirer des revenus de leurs produits et services.

Il peut s’agir de marchés orientés vers les consommateurs. Au Royaume-Uni, par exemple, le commerce avec le grand public représente la source de revenus principale la plus courante pour les entreprises sociales, et près de la moitié de toutes les entreprises sociales font également affaire avec le secteur privé.16 Le gouvernement du Royaume-Uni s’est efforcé d’aider les organisations à impact à mieux se faire connaître auprès des clients de détail et des entreprises commerciales au moyen de campagnes comme Social Saturday (une journée où les consommateurs sont invités à consommer et à investir localement) ainsi que d’alimenter des bases de données en ligne permettant aux entreprises de s’approvisionner auprès d’organisations à impact.

Les marchés les plus importants pourraient cependant provenir des gouvernements, qui paieraient pour obtenir un impact. Il est urgent de révolutionner les achats gouvernementaux de façon à ce que le paiement en fonction de l’atteinte de résultats précis se trouve au cœur du processus. La meilleure façon de favoriser un flux de revenus récompensant plus directement les organisations du secteur social en fonction de la valeur sociale qu’elles créent consiste à mettre clairement l’accent sur l’achat de résultats (par les gouvernements ou d’autres entités). Ce changement de paradigme pourrait avoir de profondes répercussions sur la façon de générer un impact et faire en sorte que l’innovation et l’efficacité soient mises à l’avant plan. Nous croyons qu’il serait possible d’améliorer considérablement les occasions d’investissement et les impacts sociaux en étendant le rôle que jouent les gouvernements et les fondations philanthropiques en tant qu’acheteurs de résultats précis de la part des organisations à impact.

16 Social Enterprise UK, The People’s Business: State of Social Enterprise Survey 2013, page 7.

Il existe un besoin pressant de révolutionner les achats gouvernementaux de façon à ce que le paiement en fonction de l’atteinte de résultats précis se trouve au cœur du processus et à ce que l’innovation et l’efficacité soient encouragées.

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18 L’ÈRE DE L’ENTREPRENEURIAT À IMPACT

Les gouvernements ont généralement favorisé un modèle de « services tarifés » dans leurs achats auprès d’entreprises privées ou d’organisations du secteur social, c’est à dire un modèle dans le cadre duquel un certain nombre de services ou de biens sont achetés à un prix convenu. Cependant, il serait également possible d’adopter un modèle dans le cadre duquel le gouvernement (ou un autre acheteur) ne paie que pour l’atteinte d’un résultat social en particulier. Cette approche, aussi connue sous le nom de rémunération à la réussite (et souvent financée par une OIS), peut aider les gouvernements à en obtenir davantage pour leur budget en réduisant les coûts associés à l’échec et en encourageant la créativité et l’innovation en vue de l’atteinte des résultats.

La vitesse à laquelle l’idée de l’OIS fait le tour du monde montre bien que le fait de mettre l’accent sur la prévention et la volonté de payer pour des résultats pourrait entraîner une forte demande pour les organisations du secteur social. Au Royaume-Uni, par exemple, les coûts annuels pour le gouvernement associés à un jeune contrevenant s’élèvent à environ 21 268 livres. Par comparaison, le coût d’une intervention permettant d’empêcher une récidive peut s’élever à aussi peu que 7000 livres17, de sorte qu’il peut être très intéressant pour le gouvernement d’investir dans la prévention à cet égard. Il en serait de même pour de nombreuses autres questions sociales, y compris le placement d’enfants en famille d’accueil, le décrochage scolaire au secondaire et à l’université ainsi que la prévention du diabète de type 2.

Toutefois, les pratiques établies peuvent souvent rendre difficile le financement d’initiatives de prévention qui, au départ, nécessitent des dépenses publiques, mais n’entraînent aucune économie de coûts avant plusieurs années. Les OIS représentent l’un des moyens de faire assumer par les investisseurs le risque associé au rendement des projets sociaux, comme la prévention des récidives par les prisonniers, ce qui permet de faire abstraction des pressions politiques à court terme et de favoriser la création de partenariats plus efficaces en vue de la résolution des problèmes plus complexes.

La première OIS a été conçue et lancée au Royaume-Uni en 2010 par Social Finance, un intermédiaire de premier plan dans le domaine de la finance à impact. Social Finance a lié la réduction mesurée du taux de récidive chez les jeunes prisonniers au rendement de l’OIS pour les investisseurs, qui augmente à mesure que le taux de récidive diminue.

Au départ, certaines personnes pensaient que la récidive des prisonniers était la seule question

sociale à pouvoir être mesurée et ciblée de cette façon. Mais on dénombre maintenant plus d’une vingtaine d’OIS dans le monde, ainsi que de nouvelles OID, qui visent des enjeux tels que l’amélioration du bien être des enfants et des familles (Canada); l’emploi jeunesse et les soins aux aînés (Japon); la transition de la vie en famille d’accueil à la vie en autonomie, le soutien des enfants pris en charge et des enfants à risque et la réduction du nombre de cas de placement en établissement de soins (Australie); l’intégration des décrocheurs sur le marché du travail (Allemagne); le taux de décrochage dans les écoles primaires pour filles (Rajasthan); le récidivisme (Peterborough au Royaume-Uni, ville de New York et État de New York); la justice applicable aux mineurs (Massachusetts); l’amélioration de l’éducation de la petite enfance (Utah); la prévention des grossesses à l’adolescence (Washington); les soins prénataux et le développement de la petite enfance (Caroline du Sud); et la réduction du chômage chez les adolescents (Royaume-Uni). Les OID actuellement en préparation, pour lesquelles les acheteurs de résultats sont des fondations et des organisations internationales et non le gouvernement local, visent à lutter contre la malaria au Mozambique et la maladie du sommeil en Ouganda ainsi qu’à accroître le niveau de scolarité de la population au Rwanda.18

Jusqu’à maintenant, malgré l’engouement suscité par le concept des OIS, les capitaux obtenus, soit environ 100 millions de dollars, demeurent maigres par rapport au potentiel établi. À titre comparatif, seulement au Royaume-Uni, 250 milliards de livres sont consacrées à la prestation de services sociaux par le gouvernement.

Les OIS soulèvent un intérêt dans le monde entier parce que, partout, les gouvernements sont les plus grands acheteurs de services sociaux et s’efforcent de tirer un maximum d’impact de leurs dépenses. Tandis que les contrats d’approvisionnement traditionnels précisent chaque étape d’une intervention, les contrats d’OIS, qui fonctionnent selon le principe de la rémunération à la réussite, laissent place à l’innovation en faisant augmenter la qualité des résultats et en réduisant le coût des interventions réussies. Ce type de contrat aide aussi les fonctionnaires responsables à soustraire les nouvelles initiatives qui chevauchent plusieurs secteurs d’activité aux restrictions qu’impose le cloisonnement des dépenses gouvernementales. Les fonds à objectifs sociaux établis par le gouvernement, comme il en existe au Royaume-Uni par exemple, offrent aux ministères la possibilité de se pencher sur des questions dont s’occupent aussi d’autres ministères, une approche transversale

17 Source : www.data.gov.uk/sib_knowledge_box/toolkit 18 Center for Global Development and Social Finance, Investing in Social Outcomes: Development Impact Bonds, octobre 2013.

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19L’ÈRE DE L’ENTREPRENEURIAT À IMPACT

qui peut favoriser l’innovation autant que la recherche d’approches novatrices. Aux États-Unis, dans des budgets consécutifs, un investissement de 300 millions de dollars a été proposé dans les instruments de rémunération à la réussite, et deux propositions législatives connexes ont été présentées au Congrès.

Les OIS et, de manière générale, les instruments de financement axés sur les résultats, s’ils sont bien conçus, peuvent aussi aider les organisations à impact à collaborer et à mieux coordonner leurs activités, augmentant du coup leur efficacité, comme l’a fait One Service à la prison de Peterborough (voir l’encadré).

Pour bon nombre de participants à la mise en œuvre de programmes gouvernementaux, le fait de mettre l’accent sur les résultats mesurables et de solliciter des investisseurs du secteur privé représente une nouvelle façon de penser. Passer du concept de l’efficience liée aux coûts des intrants à celui de l’obtention de résultats efficaces nécessitera, de la part des organisations responsables, de nombreux changements au chapitre de la culture et des capacités organisationnelles. Pour que les ministères puissent mettre en œuvre l’approche de rémunération à la réussite, que ce soit grâce à des OIS ou à des contrats bilatéraux conclus avec des organisations du secteur social, les responsables devront ajuster leurs processus. Ils devront notamment établir des mesures, des points de référence et des niveaux de récompense à la réussite pour les investisseurs et les organisations du secteur social, définir une juste part d’économies potentielles pour le gouvernement ainsi que rédiger de nouveaux accords juridiques.

Il peut arriver, dans certains cas, que des organisations du secteur social s’opposent à l’investissement à impact en raison de la place qu’il occupera et de la menace qu’il pourrait faire peser sur leur source de revenu gouvernemental. Dans d’autres cas, l’idée de recourir à des fournisseurs du secteur privé (plus particulièrement à des entreprises) pour la prestation de services sociaux peut mal passer pour des raisons d’ordre culturel.

Il serait très utile qu’il y ait davantage de transparence quant à la valeur fiscale que représente l’atteinte de résultats sociaux précis, ce qui permettrait aux innovateurs sociaux de cerner les possibilités d’amélioration. Nous aimerions ainsi voir d’autres gouvernements agir à l’instar du Royaume-Uni, qui a récemment publié, sur le site Web du Bureau du Cabinet, les coûts associés à quelque 640 questions sociales considérées comme prioritaires (voir le tableau B). Cette base de données sur le coût unitaire des services publics est le résultat d’une mise en commun des connaissances de chacun des ministères sur le coût probable de la criminalité, de l’éducation et du développement des compétences, de l’emploi, de la santé, du logement, des services sociaux et plus encore.

Ces données peuvent être très précieuses pour les organisations qui pensent pouvoir réaliser de meilleurs résultats de façon novatrice et à moindre coût, sans compter qu’elles les aident à attirer des investissements à impact pour s’attaquer à ces enjeux. Lorsqu’un gouvernement accepte de payer des organisations afin qu’elles génèrent des économies substantielles tout en apportant les améliorations désirées dans la vie de ceux dont les besoins sont visés, comme c’est le cas avec

Obligation à impact social de Peterborough

Social Finance a lancé la première OIS au monde, l’OIS de Peterborough, en septembre 2010. En tout, 17 fondations et fiducies caritatives ont engagé un total de 5 millions de livres. Il s’agit d’un projet pilote de sept ans qui vise à vérifier si le fait d’offrir un soutien individuel complet à 3 000 hommes incarcérés pour une courte durée permettrait effectivement de les aider à conserver leur liberté et à se rebâtir une nouvelle vie dans la collectivité.

Social Finance a mis sur pied un nouveau service, le « One Service », auquel participent les organisations de prestation de services St Giles Trust, Sova, Ormiston Families, YMCA et MIND, dans le but d’offrir un soutien relativement au logement, à la famille, à la santé, à l’emploi et à la formation. Les investisseurs obtiennent un rendement si le taux de récidive sur 12 mois des personnes libérées de prison à Peterborough diminue d’au moins 7,5 % au terme du projet par rapport à un

groupe témoin. Plus le taux de récidive diminue, plus les investisseurs obtiennent un rendement élevé, qui peut atteindre un maximum de 13 % par année. Si le taux de récidive relatif ne diminue pas d’au moins 7,5 %, les investisseurs n’obtiennent aucun rendement et leur investissement initial devient dans les faits un don philanthropique.

Si l’on se fie à la tendance observée jusqu’à maintenant, tout porte à croire que les investisseurs obtiendront un rendement positif au terme du projet.

ÉTUDE DE CAS

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20 L’ÈRE DE L’ENTREPRENEURIAT À IMPACT

des OIS, cela incite grandement les organisations à réunir les capitaux requis pour s’attaquer aux enjeux d’une façon novatrice.

La publication d’information de cette nature fournit aux organisations un genre d’indicateur officiel pour le calcul du rendement social dans les secteurs où le gouvernement est responsable de l’atteinte de résultats sociaux (ces secteurs varient grandement d’un pays à l’autre, même parmi ceux qui sont membres du groupe de travail). Disons, à titre d’exemple, qu’une OIS de 10 millions de livres sur 5 ans consacrée à la réduction du récidivisme génère un rendement financier de 8 % et permet la réhabilitation de 1 000 jeunes contrevenants qui, chacun, auraient coûté 21 268 livres par année au gouvernement du Royaume-Uni : à partir de la base de données sur le coût unitaire, on peut établir que la valeur du résultat social obtenu au cours de la première année seulement s’élèverait à 21 millions de livres, et que le taux de rendement social connexe (taux de rendement interne) de l’OIS serait de 15 % par année.

D’autres gouvernements peuvent aussi trouver que la publication des coûts qu’ils doivent assumer leur offre d’importantes occasions d’assurer l’atteinte de meilleurs résultats sociaux de façon efficiente. De même, les organisations non gouvernementales, comme les fondations, les philanthropes et les entreprises qui sont acheteurs de résultats sociaux, pourraient aussi publier les coûts qu’elles défraient pour donner l’équivalent d’une « valeur de référence » aux entrepreneurs à impact. À mesure que ce genre d’information deviendra de plus en plus accessible, nous prévoyons que cela aura pour effet de favoriser l’innovation dans l’atteinte de résultats sociaux.

CONCLUSION

La révolution entrepreneuriale des 40 dernières années a transformé notre société et prend maintenant le chemin d’une canalisation des forces de l’entrepreneuriat, de l’innovation et des capitaux pour améliorer la vie des gens.

Cependant, si nous voulons que les entrepreneurs à mission sociale puissent saisir des occasions de faire le travail significatif auquel ils aspirent et créer le volume de possibilités d’investissement qu’attendent les investisseurs à impact, il nous faut repenser les règles qui régissent les organisations du secteur social et à but lucratif ainsi que l’écosystème dans lequel celles ci peuvent exercer leurs activités. L’ampleur de cette refonte variera grandement d’un pays à l’autre. Il faut maintenant que les revenus des organisations du secteur social correspondent davantage à la valeur sociale qu’elles génèrent, ce qui donnera naissance à un marché plus cohérent. Si nous faisons bien les choses, nous pourrons libérer la prochaine vague mondiale d’innovation entrepreneuriale, à l’instar de la grande vague d’innovation technologique des dernières décennies.

TABLEAU B :

EXEMPLES TIRÉS DE LA BASE DE DONNÉES SUR LE COÛT UNITAIRE DU GOUVERNEMENT DU ROYAUME-UNI

Source: www.data.gov.uk/sib_knowledge_box/toolkit

Protection de l’enfanceCoût moyen de la prise en charge d’un enfant, par année

£64,819

ChômageAllocation aux chercheurs d’emploi, par prestataire, par année

£10,025

Délinquance chez les jeunesCoût annuel moyen d’une personne qui entre pour la première fois dans le système de justice pénale

£21,268

Soins aux aînésSoins en établissement pour les aînés, par année

£28,132

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21L’ÈRE DE L’ENTREPRENEURIAT À IMPACT

ItinéranceInterventions des autorités locales, par personne, par année

£8,391

ÉducationExclusion scolaire, par élève, par année

£11,192

Abus de droguesInfractions et soins de santé liés à la consommation de drogues, par toxicomane, par année

£3,631

Violence familialeSoins de santé et justice pénale, par incident

£2,776

RECOMMANDATIONS

1Verser des subventions de renforcement des capacités aux organisations du secteur social.

2Créer des formes juridiques ou des règlements qui protègent la mission sociale des entreprises à impact.

3Assouplir les règlements qui empêchent les organisations du secteur social de générer des revenus.

4Faciliter l’accès aux capitaux par les entrepreneurs à impact, notamment aux capitaux initiaux, de démarrage et de croissance.

5Étendre le recours par les gouvernements à un modèle de rémunération en fonction des résultats.

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22 LE PREMIER BILLION

Nous prévoyons que l’ajout d’une troisième dimension (l’impact) au risque et au rendement financier dans les processus décisionnels entraînera peu à peu l’affluence de volumes considérables de capitaux n’attendant que des occasions d’être investis dans la génération d’un impact social mesurable.Déjà, quelque 1 276 gestionnaires d’actifs, dont les actifs combinés totalisent plus de 45 billions de dollars, ont adhéré aux six Principes pour l’investissement responsable (PIR) des Nations Unies, s’engageant ainsi à intégrer des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance à leurs processus décisionnels en matière d’investissement.19 À notre avis, à mesure que l’amélioration du financement des entrepreneurs à impact et des mesures de rendement permettra l’établissement d’un réseau complet et rapide de possibilités d’investissement à impact, ces gestionnaires comprendront mieux le potentiel de l’investissement à impact pour exploiter un nouvel ensemble de possibilités de croissance et contribuer à la diversification de leur portefeuille. De plus, à mesure que les jeunes de la génération Y assumeront davantage de responsabilités dans l’industrie de la finance et, de manière plus générale, dans la société, un changement intergénérationnel dans les valeurs des personnes exerçant un leadership viendra renforcer cette demande.

Malgré tout, il existe des obstacles importants à la mise en œuvre à grande échelle de l’investissement à impact dans le monde de la gestion des actifs, lesquels doivent être surmontés rapidement. Ces obstacles concernent trois grands thèmes : les obligations fiduciaires et de conformité difficiles à concilier, les facteurs de risque en matière d’investissement et les obstacles liés au caractère récent du secteur de l’investissement à impact,

y compris le manque (perçu) de propositions pouvant constituer un investissement, la spécialisation et l’expertise insuffisantes des investisseurs et les coûts de transaction disproportionnés.

LE DÉVELOPPEMENT DE L’INVESTISSEMENT À IMPACT

De l’ensemble des capitaux orientés vers des organisations comme celles qui adhèrent aux PIR, au moins 13,6 billions de dollars en actifs gérés professionnellement sont dirigés vers ce que l’on désigne généralement comme l’investissement socialement responsable (ISR), qui intègre le rendement environnemental, social et de gouvernance aux processus de sélection et d’engagement des fonds.20 On a noté une forte croissance de l’investissement dans les entreprises durables adoptant des pratiques exemplaires à l’égard des questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG) ou pratiquant la responsabilité sociale d’entreprise (RSE). Toutefois, ce type d’investissement tend à mettre l’accent sur les intentions et les approches des entreprises plutôt que sur l’atteinte mesurée d’objectifs d’impact précis. Les investisseurs procèdent de différentes façons, notamment par « filtrage négatif » (c. à d. éviter d’investir dans les entreprises qui violent les normes internationales élémentaires) ou par « filtrage positif » (c. à d. évaluer les facteurs ESG pour trouver des possibilités d’investissement intéressantes). L’ISR vise principalement les entreprises publiques qui sont cotées en bourse dans le monde entier.

L’investissement à impact se situe au centre d’un continuum d’impact, entre les organisations philanthropiques et les investisseurs qui s’engagent à prendre en compte des facteurs environnementaux, sociaux et de gouvernance lors de la distribution de capitaux aux entreprises. La caractéristique déterminante de ’investissement à impact est que l’objectif de génération d’un rendement financier est poursuivi sans équivoque dans le contexte de l’établissement d’objectifs d’impact et de la mesure de leur atteinte. Un investissement qui donne lieu à un impact marginal compte tenu de l’activité principale d’une entreprise n’est pas un investissement à impact, bien que l’on puisse considérer qu’il entraîne un impact. Il va sans dire que pour qu’une organisation soit admissible à l’investissement à impact, son impact global doit être positif; elle ne doit pas générer un impact positif à l’égard d’un enjeu social en particulier et créer un impact négatif encore plus important à l’égard d’un autre enjeu. Une

LE PREMIER BILLION

19 Principes pour l’investissement responsable des Nations Unies, « Signatory assets top US$45 trillion ». Document publié à l’adresse www.unpri.org/pri-signatory-assets-top-us-45-trillion/20 Global Sustainable Investment Alliance, 2012 Global Sustainable Investment Review, 27 janvier 2013, page 9. Document publié à l’adresse www.gsi-alliance.org

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23LE PREMIER BILLION

TABLEAU C :

LE CONTINUUM D’IMPACT

représentation plus détaillée de la façon dont tous ces efforts se chevauchent figure dans le document thématique du groupe d’experts sur la répartition des actifs intitulé « Répartition des actifs », tandis qu’une représentation simplifiée est présentée dans le tableau C.

Dans le secteur philanthropique, plusieurs fondations ont joué un rôle de pionnier dans le développement du marché de l’investissement à impact, y compris des OIS. Les fondations Arnold, Bertelsmann, Bill & Melinda Gates, Bloomberg, Case, Esmée Fairbairn, Ford, Kellogg, MacArthur, Omidyar Network, Pershing Square, Robin Hood, Rockefeller, Rothschild et Skoll en sont des exemples. Rockefeller, en particulier, a joué un rôle de premier plan. Le terme « investissement à impact » a vu le jour lors d’une réunion de la fondation en 2007. La fondation a contribué à l’établissement du domaine, est une fondation de premier plan au sein

du GIIN, et elle défend et appuie les OIS depuis longtemps. Le Omidyar Network, une autre organisation de premier plan, a engagé plus de 700 millions de dollars en tant qu’investisseur à impact de démarrage (et un montant similaire dans le philanthrocapitalisme social), en plus d’investir dans le renforcement de la capacité du secteur de l’investissement à impact. Au Royaume-Uni, le prince de Galles et ses fondations font partie de ceux qui appuient les OIS depuis le plus longtemps.

En Italie, d’importantes fondations bancaires comme Fondazione Cariplo qui, ensemble, détiennent un total de 41 milliards d’euros en actifs, commencent à participer à l’investissement à impact, tandis qu’au Japon, des fondations d’entreprise comme The Nippon Foundation et la Mitsubishi Foundation commencent aussi à s’y intéresser (voir l’étude de cas à la page 24).

Philanthropie Investisseurs

Investissements à impact

Bénéficiaires des investissements

Investissement durable

ORGANISATIONS AXÉES SUR LES SUBVENTIONS

ENTREPRISES DURABLES (RSE, ESG, ISR)

ORGANISATIONS À IMPACT • Établissement d’objectifs en matière de résultats• Mesure de leur atteinte• Maintien des résultats à long terme

Entreprises sociales et solidaires et autres organisations soumises à des restrictions en matière de profits

Organisations caritatives et groupes d’appartenance qui font des échanges commerciaux mais ne distribuent pas les profits

Organisations caritatives qui ne font pas d’échanges commerciaux

Organisations du secteur socialOrganisations aux actifs verrouillés

Entreprises à impact Organisations dont les actifs ne sont

pas verrouillés

Entreprises cherchant à générer un impact qui établissent et maintiennent des objectifs en matière de résultats sociaux pour une partie importante de leurs activités sans toutefois garantir leur mission.

Entreprises à but lucratif qui garantissent leur mission sociale par leurs mécanismes de gouvernance et/ou qui intègrent leur mission à leur modèle d’affaires.

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24 LE PREMIER BILLION

Des banques d’investissement traditionnelles comme Goldman Sachs21 et Bank of America Merrill Lynch22 ont participé à l’émission d’OIS visant à lutter contre le récidivisme dans la ville et l’État de New York, et UBS, dans le but de réduire le décrochage scolaire dans les écoles primaires pour filles du Rajasthan, a lancé une OID dont la Children’s Investment Fund Foundation est l’organisation acheteuse de résultats.23 Morgan Stanley a créé une « plateforme d’investissement avec impact » (Investing with Impact Platform), qui offre aux clients toute une gamme d’instruments d’investissement évalués selon leur niveau d’intégrité et de rendement financier ainsi que leur impact social; de même, l’organisation a établi un cadre d’évaluation de l’impact social des produits d’investissement, dont elle prévoit faire grimper la valeur à 10 milliards de dollars en cinq ans24. BlackRock, le plus gros gestionnaire d’investissement au monde, a aussi créé des produits d’investissement à impact. Des banques spécialisées comme Triodos, en Europe, qui étaient déjà axées sur les questions environnementales il y a plus de 30 ans, ont participé à l’émission d’OIS, notamment pour la prestation de services aux adolescents sans emploi de Liverpool et la réduction de l’itinérance à Londres. En Italie, Banca Prossima, Banca Etica et Extrabanca sont toutes engagées dans la finance à impact, tout comme Federcasse – le réseau de coopératives de crédit – qui contribue activement à fournir du microcrédit et du financement aux entreprises à impact.

Les idées font vite le tour du monde. Au Royaume-Uni, à la suite de consultations, Big Society Capital, un fournisseur de capitaux au marché de gros en vue de l’investissement à impact, a bénéficié de 400 millions de livres en avoirs non réclamés détenus par les banques. Partout dans le monde, une source potentielle et non exploitée de fonds à impact se cache peut être dans les avoirs en dormance de comptes bancaires, de compagnies

d’assurance et de fonds de pension. Le parti au pouvoir au Japon propose une loi visant la libération des avoirs non réclamés, notamment pour lutter contre les problèmes sociaux. La France prépare actuellement un projet de loi sur l’utilisation des avoirs non réclamés.25

POSSIBILITÉS D’IMPACT SOCIAL POUR LES INVESTISSEURS TRADITIONNELS

Les entreprises novatrices financées au moyen de capitaux de risque, qui étaient petites et marginalisées il y a à peine 40 ans, sont devenues un important point de mire pour les gestionnaires de placements. De la même façon, on peut s’attendre à ce que l’investissement à impact, en tant que réponse au besoin d’innovation dans

la lutte contre les problèmes sociaux, ouvre la porte à une toute nouvelle série de possibilités d’investissement attrayantes, fonctionnant différemment des investissements traditionnels.

D’ailleurs, il existe déjà plusieurs précédents à cet égard. Aux États-Unis, l’industrie du financement du développement communautaire a attiré des milliards de dollars, principalement pour l’investissement immobilier dans les régions les plus pauvres du pays.26 Des fonds d’investissement à impact dirigés par des entreprises comme Bamboo Finance et Leapfrog Investments ont

Fondations d’entreprise Le tremblement de terre et le tsunami qui ont dévasté l’est du Japon le 11 mars 2011 ont poussé certaines des plus grandes entreprises du pays à essayer d’aider à remettre sur pied l’économie de la région au moyen d’investissements à impact axés sur un endroit en particulier. Au nombre d’entre elles figure la géante

Mitsubishi, qui a créé une fondation de recours aux sinistrés (la Disaster Relief Foundation) ainsi qu’un fonds de 10 milliards de yens (100 millions de dollars) pour investir dans la création d’emplois et la revitalisation de l’industrie. Selon les renseignements recueillis en juin 2014, le fonds a permis d’investir dans le capital-

actions et de consentir des prêts à durée prolongée dans le cadre d’une vaste gamme de projets, y compris la reconstruction d’un hôtel dans la ville de Rikuzentakata et l’achat d’équipement pour une entreprise de préparation de sauce soya existant depuis 200 ans

ÉTUDE DE CAS

Il est possible que le rendement de certains actifs à impact soit faiblement corrélé ou soit complètement non corrélé à celui d’autres actifs.

21 www.goldmansachs.com/what-we-do/investing-and-lending/urban-investments/case-studies/social-impact-bonds.html22 www.newsroom.bankofamerica.com/press-releases/global-wealth-and-investment-management/bank-america-merrill-lynch-introduces-innovat23 www.ubsphilanthropy.economist.com/innovations-in-philanthropy-development-impact-bonds/24 www.morganstanley.com/globalcitizen/investing-impact.html25 Document de politique du Liberal Democratic Party, 2013. Document publié à l’adresse www.jimin.ncss.nifty.com/pdf/sen_san23/j-file-2013-06-20-3. pdf Voir aussi le National Council for Utilising Unclaimed Assets : www.kyumin.jp/media/pickup/26 www.cdfi.org/

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25LE PREMIER BILLION

contribué à l’injection de plusieurs millions de dollars dans des institutions de microfinance fournissant des services – crédit, épargne, assurance – à des clients se situant tout au bas de la pyramide des pays en développement. Dans des segments importants de l’industrie de la microfinance, inventée et établie grâce aux efforts du pionnier en la matière Muhammad Yunus, il a été démontré que, sous plusieurs aspects importants, le rendement de ces investissements était non corrélé à celui des investissements traditionnels, ce qui en fait un moyen potentiellement intéressant de diversifier le risque dans les portefeuilles d’investissement.

Une recherche d’investissements dans les entreprises qui offrent des services aux 25 % de la population les plus pauvres du Royaume-Uni réalisée par Bridges Ventures, une entreprise d’investissement à impact, a mené à la conception et au financement de nouveaux modèles d’affaires

qui sont plus sensibles au prix et à moins forte intensité de capital que ceux développés dans l’économie traditionnelle. L’entreprise The Gym, qui offre des installations de conditionnement physique de base ouvertes tous les jours, 24 heures sur 24, au quart du prix demandé par les salles de conditionnement physique des régions plus fortunées, a adopté ce modèle. En plus de générer un impact social en encourageant les personnes vivant en milieu désavantagé à adopter un mode de vie sain (le tiers des clients de The Gym n’avaient autrefois pas les moyens de se payer un abonnement dans une salle de conditionnement physique), l’entreprise a pris de l’ampleur au cours des six dernières années, passant d’une jeune organisation à l’étape de projet à une compagnie d’une valeur estimée à 100 millions de livres, tout cela lors d’une période particulièrement difficile pour l’économie britannique.

Long terme :L’entière prise en compte des effets externes sociaux dans les décisions d’investissements sera courante dans l’ensemble des catégories d’actifs.

Encaisse

Dette

Actions cotées en bourse

Actifs non traditionnels notamment les actions privées, les capitaux de risque, l’immobilier et les titres à rendement absolu

Équipes d’investissements entièrement intégrées dans chaque catégorie d’actifs, utilisant les stratégies suivantes :

• investissement à impact;

• investissement durable;

• investissement socialement responsable (ISR) et investissement responsable.

Équipe de spécialistes possédant un ensemble de compétences intégrées + répartition s’appliquant à toutes les catégories d’actifs à impact

Court terme :Le traitement à titre de répartition spécialisée permettra d’avoir plus de capitaux à court terme

Encaisse

Dette

Actions cotées en bourse

Répartition des investissements à impact

Actifs non traditionnels notamment les actions privées, les capitaux de risque, l’immobilier et les titres à rendement absolu

Équipes d’investissements traditionnels, classées par catégories d’actifs

INVESTISSEMENT À IMPACT DANS LES PORTEFEUILLES

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26 LE PREMIER BILLION

Les OIS et les OID sont conçues pour créer des occasions de générer un taux de rendement annuel net de sept à dix pour cent, et elles sont susceptibles d’être faiblement corrélées au taux de croissance économique du pays où elles sont émises, aux mouvements de la bourse locale et aux taux d’intérêt. Dans cette optique, l’assureur australien QBE a récemment alloué 100 millions de dollars australiens sur trois ans dans l’impact social, et plus particulièrement dans des OIS et d’autres instruments d’investissement novateurs qui lient le rendement social et financier.

Le groupe d’experts sur la répartition des actifs a fait appel à l’expertise d’investisseurs et de gestionnaires de placements afin de proposer un cadre de constitution de portefeuilles qui intègre l’investissement à impact sans compromettre ses caractéristiques en matière de risque et de rendement. Son document thématique, intitulé « Allocating for Impact », indique comment l’investissement à impact peut améliorer un portefeuille d’actifs diversifié, géré par un investisseur traditionnel, comme un fonds de pension. Ce document montre également qu’il existe, dans toutes les catégories d’actifs (fonds propres et revenus fixes générant un impact et autres possibilités d’investissements à impact), des options permettant d’ajouter de la valeur au portefeuille classique en y intégrant des investissements à impact.

Le groupe d’experts sur la répartition des actifs a conclu que, à ce stade précoce du développement de l’investissement à impact, un grand nombre des possibilités les plus attrayantes sont susceptibles de se retrouver dans la catégorie des « autres possibilités d’investissement », comme les capitaux de risque, les actions privées, l’immobilier et les titres à rendement absolu générant un impact (qui comprendront les OIS et les OID). Le groupe s’attend à ce que, au fil du temps, les investissements à impact jouent un rôle dans toutes les catégories d’actifs, à mesure que les entreprises à impact entreront sur les marchés boursiers publics et que proliféreront les instruments à revenu fixe et à résultat précis connexes, comme les « obligations de vaccination » émises par l’Alliance mondiale pour les vaccins et la vaccination afin de fournir un financement plus prévisible pour les programmes d’immunisation.27

Le groupe d’experts sur la répartition des actifs recommande que l’investissement à impact soit considéré comme une stratégie pouvant s’appliquer à différentes catégories d’actifs. Toutefois, comme il s’agit d’une nouvelle stratégie, et compte tenu des compétences supplémentaires nécessaires à l’analyse des facteurs sociaux en plus des facteurs

commerciaux, certains propriétaires d’actifs choisissent de considérer les investissements à impact comme une catégorie d’actifs en elle-même, et ils les intègrent souvent dans les autres possibilités d’investissement. À court terme, il peut être utile de considérer l’investissement à impact comme une catégorie spécialisée de répartition des actifs, étant donné que des équipes spécialisées possédant des compétences et un budget d’investissement particuliers sont susceptibles de faire en sorte que davantage de fonds soient placés dans cette catégorie.

S’il est possible, comme le fait valoir le groupe d’experts sur la répartition des actifs, que le rendement des actifs à impact soit faiblement corrélé ou complètement non corrélé à celui d’autres actifs et que le potentiel de croissance des actifs soit moins affecté par les cycles économiques traditionnels, le choix de ce type d’investissement pourrait être bien plus facile qu’on ne l’aurait cru à première vue.

IMPACT SOCIAL ET RESPONSABILITÉ FIDUCIAIRE

Il existe, dans de nombreux pays, divers obstacles juridiques ou réglementaires qui freinent le développement de l’investissement à impact. La définition des obligations des administrateurs de fondations de bienfaisance et de fonds de pension (ou, à tout le moins, ce que les fiduciaires croient généralement que sont ces obligations) en est un exemple clé. Il faut absolument établir une définition plus claire et moderne de ces responsabilités. Dans certains pays, cela nécessitera des changements législatifs ou réglementaires. Dans d’autres, des clarifications devront être apportées aux lois et aux règlements existants.

Les administrateurs de fondations devraient être tenus de prendre en compte l’impact social dans leurs décisions d’investissement et la production de rapports. Les fonds de pension constituent une énorme source potentielle de capitaux d’investissement à impact. Si les dispositions de l’Employee Retirement Income Security Act (ERISA) aux États-Unis et d’instruments similaires dans d’autres pays étaient modifiées afin de préciser que les administrateurs de fonds de pension prudents peuvent faire, et se doivent de faire, des investissements à impact, cela pourrait permettre de libérer d’importants volumes de capitaux. Le changement de cap qui se joue actuellement à l’échelle mondiale dans le domaine des régimes de retraite à cotisation déterminée ouvrira la porte à un important mouvement de l’épargne personnelle

27 www.iffim.org/Library/News/Press-releases/2013/IFFIm-issues-US$-700-million-in-3-year-floating-rate-Vaccine-Bonds/

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vers l’investissement à impact, en donnant au grand public la capacité de consacrer à ce type d’investissement une partie de leur portefeuille. Cette tendance pourrait représenter un moteur important pour le développement d’un vaste marché de détail pour l’investissement à impact.

Il existe déjà des exemples notables d’administrateurs de fonds de pension qui se sont tournés vers un possible impact social. Des fonds de travailleurs du Québec (par exemple, le Fonds de solidarité et Fondaction) participent à quelques investissements à impact, tout comme le Teachers’ Retirement System of the City of New York (TRSNYC), aux États-Unis. En juin 2014, au Royaume-Uni, les administrateurs de cinq des plus grands fonds de pension d’autorités locales ont engagé ensemble 152 millions de livres dans l’investissement à impact, par l’intermédiaire d’un fonds conjoint, « Investing 4 Growth ».

De la même façon que les administrateurs de fonds de pension des États-Unis sont devenus les investisseurs principaux dans les capitaux de risque et les fonds de capital investissement à la suite d’un changement apporté en 1978 au principe de gestion prudente inclus dans le règlement d’application de l’ERISA, nous croyons que si les gouvernements du monde entier envoyaient un signal clair aux administrateurs de fondations et de fonds de pension, d’importants volumes de capitaux pourraient être dirigés vers l’investissement à impact. Ces volumes augmenteraient davantage si les gouvernements investissant dans des fonds souverains précisaient à leurs administrateurs qu’ils ont une responsabilité similaire.

INVESTISSEMENT À IMPACT ET PHILANTHROPIE

Compte tenu de leur engagement à améliorer la société, les philanthropes individuels et les fondations de bienfaisance ont vraisemblablement dès le départ un intérêt pour l’investissement à impact. Il n’est donc pas surprenant de voir bon nombre d’entre eux parmi les chefs de file du mouvement de l’investissement à impact. Néanmoins, il serait possible pour ces leaders d’en faire beaucoup plus, et pour ceux qui ne se sont pas encore joints au mouvement, de mettre la main à la pâte.

Par le passé, les fondations ont exprimé leur engagement à favoriser le bien social principalement en faisant des subventions, si l’on ne tient pas compte de l’établissement, il y a des décennies, des concepts connexes d’investissement lié à un programme (ILP) et d’investissement liés à une mission (ILM). La création d’une vaste gamme de possibilités en matière d’investissement à impact leur a donné l’occasion d’utiliser une part importante de leurs capitaux d’investissement afin de poursuivre leurs objectifs sociaux. À titre d’exemple, une répartition dans l’investissement à impact de 5 % des portefeuilles des fondations des États-Unis donnerait accès à une réserve de capitaux équivalant à toutes les subventions autorisées qu’elles accordent en une année, en plus de générer un rendement financier et d’améliorer la diversification de leur portefeuille.

Déjà, aux États-Unis, la F.B. Heron Foundation a pris la décision d’investir tous ses fonds de dotation dans la génération d’un impact. Au Royaume-Uni, l’Esmée Fairbairn Foundation a commencé à consacrer à l’investissement à impact une partie de la répartition de ses actifs, qui se chiffre déjà à 3 %. La publication récente du rapport du Conseil consultatif national (CCN) des États-Unis, établi par notre groupe de travail, a immédiatement donné lieu à de nouveaux engagements de près de deux milliards de dollars de la part de fondations et de personnes fortunées en faveur de l’investissement à impact.28

Dans différents pays, les administrateurs de fondations croient, à l’instar des administrateurs de fonds de pension, que divers obstacles d’ordre culturel et, dans certains cas, d’ordre juridique, les empêchent d’utiliser leurs actifs aux fins de l’investissement à impact. Au Royaume-Uni, par exemple, la commission du droit a conclu, dans un document de consultation publié récemment, « que les dispositions législatives encadrant le droit des administrateurs d’organismes de bienfaisance

Lorsqu’ils font des investissements sociaux, les administrateurs d’organismes de bienfaisance ont le devoir d’obtenir le meilleur rendement global pour l’investissement, et cela ne se limite pas à un rendement strictement financier. Ce rendement devrait plutôt être fondé sur une combinaison des avantages financiers de la transaction et de la mesure dans laquelle la transaction a permis à l’organisme de bienfaisance d’arriver à ses fins.

Document de consultation de la commission du droit du Royaume-Uni, intitulé « Social Investment by Charities »

28 « Background on the White House Roundtable on Impact Investing: Executive Actions to Accelerate Impact Investing to Tackle National and Global Challenges ». Document disponible à l’adresse suivante : www.whitehouse.gov/sites/default/files/microsites/ostp/background_on_wh_ rountable_on_impact_investing.pdf

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28 LE PREMIER BILLION

de faire des investissements sociaux ne sont pas très limpides, et que ces pouvoirs devraient reposer sur une base plus solide ». La commission du droit a également conclu que « le devoir des

administrateurs d’organismes de bienfaisance, lorsqu’ils font des investissements à impact, est d’obtenir le meilleur rendement global; or, ce rendement ne se limite pas au rendement financier. Le rendement global devrait plutôt être fondé à la fois sur les avantages financiers tirés de la transaction et sur la mesure dans laquelle la transaction a permis d’atteindre les objectifs de bienfaisance ». L’incertitude qui règne à l’heure actuelle sur des points comme celui ci dissuade peut-être certains administrateurs d’opter pour l’investissement à impact.

Aux États-Unis, le CCN a recommandé que l’Internal Revenue Service (IRS) envisage de mettre à jour sa norme relative à ce qu’on appelle la « mise en péril des investissements » en utilisant le libellé employé dans des textes législatifs de certains États pour permettre la prise en compte « de la relation ou de la valeur spéciale d’un actif, s’il y a lieu, par rapport aux mesures intéressantes dans ce domaine, par exemple la réalisation des objectifs de bienfaisance de l’institution ». L’Afrique du Sud a modifié son règlement fiduciaire pour exiger des investisseurs « qu’ils tiennent compte de tout facteur susceptible d’avoir une incidence matérielle sur le rendement durable et à long terme des investissements, y compris les facteurs sociaux, environnementaux et de gouvernance ».

L’incertitude est fréquente dans ce domaine, et ce, partout dans le monde. C’est pourquoi le groupe de travail a formulé la recommandation clé uivante : donner aux administrateurs de fondation la liberté d’investir dans des actifs à impact et, si possible, indiquer clairement que la répartition d’une partie d’un portefeuille d’investissement dans les actifs à impact est souhaitable. Dans certains pays, il pourrait être nécessaire de modifier la loi pour qu’elle confère aux administrateurs de fondation

un pouvoir supplémentaire afin qu’ils puissent faire des investissements à impact.

Les philanthropes jouent un autre rôle très important, soit celui de soutenir le développement du marché de l’investissement à impact par l’octroi de subventions, y compris pour soutenir l’élaboration de modèles d’affaires permettant d’attirer les investisseurs à impact et de réduire, pour les investisseurs traditionnels, les risques associés aux actifs à impact. À titre d’exemple, les philanthropes ont joué un rôle clé en assumant le risque préliminaire d’« initiateur » associé au développement de modèles d’affaires profitables, comme celui de la microfinance. Grâce à cette aide, la microfinance est passée d’une petite industrie dépendant entièrement de la bienfaisance à une industrie beaucoup plus importante et extrêmement populaire auprès des investisseurs à impact, dont certains parviennent à obtenir de bons rendements tout en augmentant de façon importante l’accès aux services financiers pour les personnes pauvres.

La Fondation Gates utilise son immense dotation en capital pour faire des investissements à impact et motiver l’innovation financière. Lorsqu’elle s’attend à ce qu’une possibilité d’investissement entraîne un rendement inférieur à son taux cible, elle peut diviser le montant en une composante d’investissement et une subvention connexe, dans la mesure nécessaire pour que l’investissement atteigne le taux de rendement voulu. Dans le cadre d’une autre innovation, les fondations Bloomberg et Rockefeller ont fourni des garanties au premier risque avec les obligations à impact social (OIS), afin d’attirer d’autres investisseurs. Le rapport du Global Impact Investing Network (GIIN), intitulé « Catalytic First Loss Capital », qui comprend des études de cas provenant de l’Australie, de la Tanzanie et des États-Unis, fait état de la façon dont les fondations et les gouvernements ont commencé à offrir des « capitaux ayant des garanties au premier risque » pour attirer les investisseurs traditionnels et ainsi faire augmenter drastiquement le financement pour des solutions sociales précises.29

Les philanthropes peuvent aussi utiliser les subventions pour assortir les modalités de financement d’une assurance de réduction du risque en permettant, par exemple, une certaine flexibilité dans les dates de remboursement des prêts, ce qui peut aider les organismes de services à impact à attirer des investissements à impact ou, bien entendu, du financement commercial traditionnel. La Fondation Gates a fourni plusieurs garanties hypothécaires aux écoles à charte

29 Note d’information du GIIN, Catalytic First Loss Capital, octobre 2013. Document disponible à l’adresse suivante : www.thegiin.org/binary-data/ RESOURCE/download_file/000/000/5521.pdf. Voir également le document du Bureau du Cabinet intitulé Achieving Social Impact at Scale: case studies. of seven pioneering co-mingling social investment funds, mai 2013. Document disponible à l’adresse suivante : www.gov.uk/government/ publications/achieving-social-impact-at-scale

Une recommandation clé du groupe de travail est de donner aux administrateurs de fondations la liberté d’investir dans des actifs à impact et, si possible, de leur signaler clairement que la répartition d’une partie d’un portefeuille d’investissement dans ces actifs est souhaitable.

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29LE PREMIER BILLION

souhaitant devenir propriétaires de leur propre bâtiment. En septembre 2013, en collaboration avec JP Morgan, la Fondation Gates a aussi contribué au lancement du Global Health Investment Fund, qui a permis de recueillir plus de 100 millions de dollars auprès d’investisseurs à impact et commerciaux, en plus de créer des

médicaments qui en sont à la dernière phase des essais cliniques, ainsi que de nouvelles technologies qui peuvent aider à améliorer la santé dans les pays en développement. La Fondation Gates a garanti qu’elle couvrirait les premiers 20 % de pertes que pourrait subir le Global Health Investment Fund, mais Bill Gates a indiqué s’attendre plutôt à ce que ce fonds rapporte de bons profits en plus de permettre de sauver des dizaines de milliers de vies.

Plus de 120 philanthropes milliardaires américains ont signé l’engagement Giving Pledge, qui représente une avancée notable dans le développement de la philanthropie aux États- Unis. Or, ces philanthropes ont parlé de jouer un rôle de chef de file dans le renforcement du marché de l’investissement à impact, et ils ont pris quelques mesures à cet égard. Nous les encourageons à donner suite à cet élan prometteur en investissant une part importante de leurs richesses dans des actifs générant un impact. Déjà, la Gates Foundation, la Skoll Foundation, Omidyar Network, la Case Foundation et la Milken Foundation sont des ardents défenseurs de l’investissement à impact, et la Case Foundation et l’Omidyar Network dirigent même un groupe d’études visant à créer un forum pour que les signataires du Giving Pledge intéressés par l’investissement à impact puissent apprendre des expériences de leurs paires.

MESURES INCITATIVES POUR LES INVESTISSEURS À IMPACT

Le groupe d’experts sur la répartition des actifs a aussi cerné des occasions pour les gouvernements d’encourager davantage l’investissement à impact en établissant de meilleures mesures incitatives, en

élargissant les choix et en abolissant les obstacles réglementaires. Évidemment, chaque pays devra inévitablement tenir compte de son propre régime et de sa propre situation politique au moment de décider si l’une ou l’autre des mesures proposées sont nécessaires ou viables du point de vue politique, mais d’importantes leçons peuvent être tirées de l’expérience vécue aux États-Unis avec la politique fédérale directe dans le cadre du programme de crédit pour les nouveaux marchés, la Community Reinvestment Act (CRA) et le Low Income Housing Tax Credit (LIHTC).

Ces mesures ont fait augmenter considérablement le flux de capitaux vers les parties les plus pauvres des États-Unis. Le programme de crédit pour les nouveaux marchés offre un allègement fiscal pour l’investissement dans les collectivités mal desservies. Les transactions liées au programme de crédit pour les nouveaux marchés depuis l’an 2000 s’élèvent à plus de 31,1 milliards de dollars et ont permis la création d’environ 561 873 nouveaux emplois, tandis que la Community Reinvestment Act a eu recours à la réglementation pour canaliser les capitaux des banques vers ces collectivités (55 milliards de dollars en 2013 seulement).30 Ensemble, la CRA et la LIHTC représentent un marché annuel de 6 à 10 milliards de dollars, et elles bénéficient encore d’un solide appui bipartisan. En avril, lors du dépôt du Budget 2014, le gouvernement du Royaume-Uni a annoncé les taux du Social Investment Tax Relief. Les particuliers qui font un investissement admissible peuvent déduire 30 % du coût de leur investissement sur

leurs impôts à payer, et ils peuvent reporter les impôts à payer sur leurs gains en capital, à certaines conditions. Cet allègement fiscal est offert aux particuliers qui souscrivent à des actions admissibles ou qui font des placements par emprunt admissibles dans des organisations du secteur des services sociaux respectant certaines exigences. Les investissements dans les OIS seront aussi admissibles.

Nous aurons besoin d’intermédiaires spécialisés pour associer les personnes souhaitant faire des investissements à impact aux organisations capables de livrer la marchandise.

30 US Department of the Treasury, Treasury Announced $3.5 Billion in New Markets Tax Credit Awards to Revitalize Low Income and Distressed Communities, 5 juin 2014.

Un rapport de la Bank of America démontre que la moitié de ses clients à valeur nette élevée souhaitent que leurs valeurs sociétales soient reflétées dans leurs portefeuilles, et cette proportion augmente plus le groupe d’âge est bas.

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30 LE PREMIER BILLION

D’autres gouvernements envisageront peut-être des mesures similaires pour encourager le marché de l’investissement à impact ou pour catalyser l’investissement à impact en fournissant des capitaux de contrepartie ou des « capitaux ayant des garanties au premier risque », pour attirer les investisseurs.

INTERMÉDIAIRES D’INVESTISSEMENT À IMPACT

L’intermédiation est essentielle au développement du marché de l’investissement à impact. Nous aurons besoin d’intermédiaires spécialisés pour associer les personnes souhaitant faire des investissements à impact aux organisations capables de livrer la marchandise. Afin que les lacunes puissent être comblées et qu’une culture distincte d’investissement social puisse voir le jour, les intermédiaires spécialisés devront jouer un rôle au moins aussi important que dans la finance traditionnelle. Nous avons aussi besoin d’eux pour construire la base de données et fournir l’analyse qui s’avèrera essentielle pour attirer les investissements tant pour le secteur social que les entreprises axées sur l’impact, ainsi que pour contribuer au changement de culture nécessaire.

La formation de gestionnaires spécialisés dans l’investissement à impact et d’intermédiaires en investissement à impact doit être un objectif stratégique clé. Comme ce fut le cas précédemment dans le domaine des capitaux de risque et des fonds propres privés, des professions de gestionnaires de l’investissement à impact et de conseiller en investissement à impact doivent être créées afin que suffisamment de capitaux puissent être déployés. Il faudra aussi créer d’importants instruments d’investissement capables de composer des portefeuilles d’investissement significatifs pour proposer une combinaison attrayante de rendement financier et social à un niveau de risque acceptable. La formation d’intermédiaires efficaces est aussi essentielle si nous voulons satisfaire aux besoins croissants des investisseurs.

Une nouvelle vague de gestionnaires d’investissement à impact se forme dans un grand nombre de pays, comme Bridges Ventures (Royaume-Uni et États-Unis), Acumen (États-Unis), Citizen Capital (France), BonVenture (Allemagne), Double Bottom Line Investors (États-Unis), et Sustainable Jobs Fund (États-Unis). Le Social Venture Fund est le premier fond paneuropéen, et le premier fond à bénéficier d’un investissement du programme d’accélération du Fonds européen d’investissement. Ces gestionnaires administrent

des fonds en investissant dans des organisations axées sur l’impact et en cherchant des occasions d’investir dans des organismes qui aident les collectivités mal desservies du pays ou des marchés émergents.

Aux côtés de ces gestionnaires se tiennent aussi de nouveaux intermédiaires, les intermédiaires en finance à impact, dont la profession se développe rapidement – Social Finance (Royaume-Uni, États-Unis, Israël), Imprint Capital (États-Unis), Third Sector (États-Unis), ClearlySo (Royaume-Uni), la Société d’Investissement France Active (France) et Social Ventures Australia (Australie) en sont des exemples. L’Institut de Développement de l’Économie Sociale (IDES), en association avec le Crédit Coopératif, possède 30 ans d’expérience dans le financement d’entreprises axées sur l’impact à l’aide d’un instrument précis de quasi-fonds propres, la « participation aux capitaux propres ». Depuis 1995, plus de 13 500 personnes ont investi plus d’un milliard de dollars dans la Calvert Foundation’s Community Investment Note afin d’appuyer le développement communautaire et les entreprises sociales aux États-Unis et ailleurs dans le monde.

En avril 2012, afin de mettre en place des intermédiaires en matière d’investissement à impact, le Royaume-Uni a pris l’initiative d’établir Big Society Capital (BSC), une entreprise d’investissement social indépendante qui agira à titre de grossiste majeur en capitaux et de champion du développement du marché de l’investissement à impact. Des capitaux propres de BSC, 400 millions de livres proviennent d’avoirs bancaires non réclamés et 200 millions du financement offert par les grandes banques de détail du pays (Barclays, HSBC, Lloyds et RBS).

BSC a déjà joué un rôle important en investissant dans des organisations de gestion de l’investissement nouvelles et existantes, et en favorisant la compréhension de l’investissement à impact chez les acteurs concernés du Royaume-Uni. BSC commence à encourager l’innovation et l’entrepreneuriat au sein d’une nouvelle génération d’organismes et de personnes engagées dans la lutte contre les problèmes sociaux du Royaume-Uni.

L’expérience qu’a vécue BSC au cours des deux dernières années est révélatrice. L’entreprise a engagé 150 millions de livres auprès de 31 gestionnaires de l’investissement à impact social et d’une banque sociale qui, ensemble, offrent des créances non garanties, des créances garanties et des fonds propres, et elle a attiré un montant équivalent en co investissements de la part de tiers. Dans le cadre du processus, BSC a prêté main-forte

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31LE PREMIER BILLION

31 www.bancaditalia.it/vigilanza/normativa/norm_naz/TUB_aprile_2014.pdf; www.microcreditoitalia.org/images/pdf/presentation-enm.pdf

à des gestionnaires d’investissement traditionnels comme LGT Venture Philanthropy, qui a constitué une entreprise conjointe avec la banque Berenberg d’Allemagne pour gérer un fonds industriel à impact de 20 millions de livres au Royaume-Uni, et Threadneedle, qui a créé une entreprise conjointe avec Big Issue Invest pour gérer un portefeuille d’obligations à impact sous forme d’équivalents de trésorerie, le UK Social Bond Fund. L’entreprise a aussi appuyé la première offre d’investissement social de détail au Royaume-Uni ainsi que Retail

Charity Bonds PLC, qui permettra l’inscription des obligations caritatives à la Bourse de Londres. Elle a travaillé en collaboration avec le gouvernement du Royaume-Uni à la conception d’allègements fiscaux pour les investisseurs qui étendent aux fonds à impact social les mesures incitatives de longue date à l’intention des investisseurs en capital-risque (qui génèrent actuellement plusieurs centaines de millions de livres par années).

D’autres pays ont adopté des approches différentes pour favoriser la création d’intermédiaires à impact spécialisés. En France, les épargnants peuvent choisir d’investir dans des « fonds d’investissement solidaires dits 90/10 », qui répartissent au moins 90 % de l’argent dans des investissements traditionnels et les 10 % restants dans le financement d’entreprises sociales, principalement

grâce à des prêts à long terme assortis de taux d’intérêt peu élevés. La portion d’investissement social associée aux fonds « 90/10 » est dirigée vers trois grands gestionnaires de l’investissement, et la création de Bpifrance (Banque publique d’investissement) pourrait lui permettre de jouer un rôle de champion similaire à celui de BSC. Aux États-Unis, l’agence Small Business Administration a lancé une initiative d’investissement à impact d’un milliard de dollars.

Pendant ce temps, en Italie, un certain nombre d’initiatives étaient axées sur le microcrédit, notamment grâce à une loi visant à créer une nouvelle institution de microfinance supervisée par la Banque d’Italie, un nouvel organisme national pour le microcrédit, et une extension des fonds garantis par le gouvernement en matière de microcrédit.31

Les banques d’investissement et les gestionnaires de patrimoine qui arrivent à tirer avantage de la possibilité de créer une structure de « fonds de fonds à impact » pourraient potentiellement jouer un rôle important. Deux exemples : la Deutsche Bank, qui est engagée depuis longtemps dans l’investissement à impact aux États-Unis et qui a investi 10 millions de livres de ses propres capitaux à Londres dans un fonds de fonds à impact, et Morgan Stanley, qui fait des investissements importants dans des fonds d’investissement à impact par l’intermédiaire de ses ressources de gestion du patrimoine. De son côté, J.P. Morgan a engagé près de 100 millions de dollars dans des fonds à impact. Le potentiel de débloquer des nouveaux capitaux est grand, car les banques offrent à leurs clients un investissement et un entrepreneuriat à impact pour une nouvelle génération de produits sur leurs plateformes traditionnelles de gestion du patrimoine. Un rapport de la Bank of America indique que la moitié de ses clients à valeur nette élevée souhaitent que leurs valeurs sociétales soient reflétées dans leurs portefeuilles, et plus leur groupe d’âge est bas, plus cette proportion augmente. Plusieurs compagnies d’assurance proposent aussi des répartitions qui comprennent des fonds à impact, notamment Prudential (États-Unis), Axa (France) et Zurich (Suisse).

BSC a déjà joué un rôle important en investissant dans des organisations de gestion de l’investissement nouvelles et existantes, et en favorisant la compréhension de l’investissement à impact chez les acteurs concernés du Royaume-Uni. BSC commence à encourager l’innovation et l’entrepreneuriat au sein d’une nouvelle génération d’organismes et de personnes engagées dans la lutte contre les problèmes sociaux du Royaume-Uni.

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32 LE PREMIER BILLION

MOBILISATION DU PUBLIC

Habitat et Humanisme est un fournisseur de logements abordables en France. Il s’agit de l’un des plus grands bénéficiaires d’une réforme juridique entreprise en 2008 qui exige que tous les employés se voient offrir la possibilité d’inclure des investissements à impact dans leur épargne retraite par l’intermédiaire du « fonds d’investissement solidaire dit 90/10 ». Bien que ces fonds soient disponibles depuis 2001, avec l’adoption d’une nouvelle loi en 2008 rendant leur offre obligatoire, leurs actifs sous gestion sont passés de 478 millions d’euros à 3,7 milliards d’euros l’an dernier.

Nous recommandons à tous les pays d’envisager la mise en place d’une législation faisant en sorte que la répartition d’une partie de l’épargne retraite dans l’investissement à impact devienne un choix courant offert à tous.

Nous nous attendons aussi à une augmentation rapide du recours aux plateformes web de financement participatif pour ouvrir le marché de l’investissement à impact au grand public.32 Jusqu’ici, les sites comme Kickstarter et Indiegogo ont, généralement, permis uniquement les subventions. De son côté, Kiva a facilité l’octroi de prêts à des micro entrepreneurs de pays en développement, et plus récemment à des micro entrepreneurs américains. Mais on pourrait penser que les fonds propres issus de l’externalisation ouverte gagneront en importance à mesure que disparaîtront les obstacles de nature réglementaire, ou une fois que ces obstacles auront complètement disparu. À l’heure actuelle, le financement collectif

des fonds propres constitue environ 4 % du marché international du financement collectif, et il a atteint 2,7 milliards de dollars en 2012. Au Japon, Music Securities est une plateforme de financement participatif axée sur les capitaux propres qui possède actuellement un fonds de 46 millions de dollars et qui investit dans des projets de microfinances en Asie et en Amérique du Sud. À ce jour, plusieurs pays ont mis

en place des lois régissant le financement participatif des fonds propres. L’Union européenne comme les États-Unis envisagent de changer les règles afin de faciliter le financement participatif des fonds propres.

La croissance actuelle et la nature essentiellement sociale du financement participatif sur les plateformes ouvertes laissent présager qu’une part importante de l’argent obtenu constituera un investissement à impact. La plupart des systèmes permettent aux gens de donner leur argent ou de l’investir pour le faire fructifier, mais un grand nombre d’autorités éprouvent des difficultés avec tout ce qui se situe entre les deux, et la réglementation devra être modifiée pour permettre le financement participatif des investissements à impact, par opposition aux dons. À titre d’exemple, en France, un règlement a récemment été modifié pour permettre au public de consacrer jusqu’à 1 000 euros (par projet, par personne, pour un maximum de 1 million d’euros) à l’investissement à impact par l’intermédiaire des plateformes de financement participatif. Au Royaume-Uni, un rapport récent publié par le Social Investment Research Council a souligné les mesures qui peuvent être prises pour la réforme des règlements en matière d’incitation financière, notamment en ce qui a trait au financement participatif, afin de s’assurer que les organisations et les investisseurs axés sur l’impact puissent participer pleinement au marché de l’investissement à impact.33

Au-delà du financement participatif, il existe un marché plus vaste pour l’investissement à impact de détail au moyen d’instruments réglementés ayant fait leurs preuves, particulièrement en Europe. La Global Alliance for Banking on Values gère des actifs fondés sur l’impact d’une valeur supérieure à 100 milliards d’euros, et elle compte plus de 20 millions de clients dans le monde entier. Il existe plus de 160 000 coopératives en Europe, avec 123 millions de membres, et un grand nombre d’entre elles développent les investissements à impact dans plusieurs secteurs différents. Et il existe des fonds réglementés d’investissement à impact dans plusieurs pays – par exemple, le « Groenfonds » néerlandais, qui a mobilisé plus de 11 milliards d’euros provenant d’environ 234 000 particuliers pour des projets d’infrastructure verte aux Pays-Bas entre 1995 et 2008. La Triodos Bank a publié un document de travail intitulé « Impact Investing for Everyone » pour le groupe de travail, afin d’encourager l’élaboration de politiques dans ce secteur. Selon ce document, il existe une réelle possibilité d’élargir le marché des fonds d’investissement à impact de détail qui sont gérés par des professionnels et qui offrent à la fois expertise et diversification.34

La croissance actuelle et la nature essentiellement sociale du financement participatif sur les plateformes ouvertes laissent présager qu’une part importante de l’argent obtenu constituera un investissement à impact.

32 Toniic and European Crowdfunding Network, Crowdfunding for Impact in Europe and USA, 2013. Document disponible à l’adresse suivante : www.gle.iipcollaborative.org/ wp-content/uploads/2014/01/CrowdfundingForImpact.pdf 33 Social Investment Research Council, Marketing social disponible à l’adresse suivante : www.cityoflondon.gov.uk/business/economic-research-

and-information/research-publications/Pages/marketing-social-investments-outlineof-the-FPO.aspx34 Document disponible à l’adresse suivante : www.triodos.com/en/investment-management/impact-investment/

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33LE PREMIER BILLION

RECOMMANDATIONS

1Mettre en place des allègements fiscaux et une réglementation incitative favorisant l’investissement à impact.

2Définir les obligations fiduciaires des administrateurs de fondations et de fonds de pension, afin de permettre l’investissement dans les actifs à impact.

3Appuyer les intermédiaires spécialisés qui gèrent le capital à impact, et élaborer des produits et services d’investissement à impact.

4Rendre les produits à impact accessibles aux personnes qui investissent dans les régimes de retraite et d’épargne de détail.

5Établir un grossiste en investissement à impact social, possiblement financé par des avoirs non réclamés, afin qu’il agisse à titre de champion du marché et qu’il contribue à l’établissement d’intermédiaires d’investissement spécialisés.

6Les fondations et les philanthropes génèrent un impact en affectant un certain pourcentage de leurs fonds de dotation ou de leur richesse à cette fin.

CONCLUSION

Bon nombre des obstacles à l’investissement à impact que le groupe d’experts sur la répartition des actifs, mis sur pied par notre groupe de travail, a cernés pourraient être éliminés par l’adoption de politiques éclairées. Les principaux leviers stratégiques que peuvent utiliser les gouvernements pour faciliter l’investissement à impact comprennent l’adoption de modifications réglementaires, l’introduction de mesures fiscales incitatives, l’injection de capitaux jouant le rôle de catalyseurs et l’édification d’une infrastructure de marché. Le recours à ces leviers stratégiques libérera d’importants volumes de capitaux et permettra ainsi de répondre à des besoins sociaux pressants. Les fondations philanthropiques et les personnes fortunées peuvent jouer un rôle prépondérant dans la stimulation du marché de l’investissement à impact grâce à leur capacité de prendre des risques dans la poursuite de l’innovation sociale, capacité que les investisseurs traditionnels

considèrent souvent comme excessive. Les investisseurs traditionnels qui explorent ces nouvelles voies sont aussi appelés à jouer un rôle en prouvant que « l’investissement à impact peut occuper une place confortable dans un portefeuille traditionnel ».

L’orientation progressive des capitaux vers l’investissement à impact et l’augmentation du nombre d’organismes poursuivant à la fois des objectifs financiers et sociaux ouvriront la porte à l’innovation financière constructive. De nouveaux produits financiers seront créés. Les plus ambitieux se tourneront davantage vers l’investissement à impact à mesure que celui-ci deviendra l’un des secteurs les plus florissants de l’industrie de la finance. Comme ce fut précédemment le cas pour le capital de risque, nous nous attendons à ce qu’une augmentation de l’offre d’investissement à impact crée une demande — à condition que le rendement social soit mesuré de manière fiable.

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34 LA TROISIÈME DIMENSION

Le passage vers un paradigme d’investissement du 21e siècle fondé sur les trois dimensions que constituent le risque, le rendement et l’impact dépend essentiellement de l’établissement d’outils fiables de mesure de l’impact social et environnemental.Le progrès réalisé à l’égard de la mesure de l’impact dans des secteurs où cela semblait autrefois trop difficile est l’une des principales raisons pour lesquelles l’investissement à impact a pris son essor au cours des dernières années. Les investisseurs à impact trouvent des façons d’éclairer leurs décisions en utilisant des données comme les notes obtenues par les enfants à l’école, le revenu des petits producteurs agricoles en Afrique, le nombre de personnes employées dans une région géographique donnée, le nombre de détenus réhabilités, le nombre d’adolescents qui trouvent un emploi ou le nombre de toxicomanes qui ont vaincu leur dépendance.

On travaille actuellement à définir et à perfectionner les meilleures méthodes de mesure, tout comme les points de comparaison, au moyen de groupes

de contrôle, de feuilles de pointage et d’essais randomisés.

L’objectif est d’établir des outils de mesure de l’impact et des pratiques exemplaires qui sont tout aussi complets et fiables que ceux utilisés pour mesurer le risque et le rendement. Bien que ces derniers ne soient pas parfaits, ils sont suffisamment bons pour que les joueurs du marché les utilisent régulièrement. Avant et pendant la Crise des années 1930, l’établissement d’outils de mesures de l’activité économique comme le PIB et de meilleurs systèmes de comptabilité d’entreprise est devenu une priorité pour le gouvernement et les investisseurs, conscients du fait que le manque d’outils fiables et de pratiques cohérentes avait contribué à la prise de mauvaises décisions et de risques inappropriés.

Un effort concerté similaire est actuellement déployé dans le but de créer le système de mesure de l’impact dont nous avons besoin pour établir un cadre de lutte plus efficace contre les problèmes sociaux. Pour accomplir cette tâche, il faut surmonter d’importants défis, mais il s’agit d’un objectif réalisable. Les gouvernements sont appelés à jouer un rôle en encourageant et en appuyant les efforts visant à établir l’infrastructure et la capacité nécessaires à l’établissement de mesures appropriées dans le futur.

La mesure efficace de l’impact est importante pour toutes les organisations du secteur social qui souhaitent réussir leur mission. Elle est aussi la clé pour ouvrir les marchés de capitaux pour les entreprises axées sur l’impact. Plus cette mesure rendra possible l’établissement d’un lien précis entre les progrès réalisés dans l’atteinte de résultats sociaux et le rendement financier, plus l’investissement à impact deviendra convaincant. Là où il sera possible d’estimer les résultats sociaux probables et de comparer le rendement des organisations qui les ont obtenus, la mesure de l’impact contribuera à attirer des capitaux importants d’un grand nombre d’investisseurs à la recherche de différentes combinaisons de résultats financiers et sociaux.

La mise en place, jusqu’à un certain degré, de normes internationales en matière de mesure stimulera les échanges commerciaux et le flux de capitaux. Nous nous réjouissons du fait que plusieurs directions générales de l’UE élaborent des règles pour une divulgation sociale cohérente, comme le font Singapore et l’Afrique du Sud.

Plus nous améliorons la mesure de l’impact, plus les sommes consacrées à l’investissement à impact seront importantes.

LA TROISIÈME DIMENSION

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35LA TROISIÈME DIMENSION

RELEVER LE DÉFI

Il est vrai que tout ce qui a une valeur ne peut pas nécessairement être compté, mais certains nouveaux principes permettent de mesurer l’atteinte de nombreux types de résultats sociaux. Le nombre croissant d’investisseurs qui souhaitent disposer d’outils pour éclairer leurs décisions en matière d’investissement, et le nombre croissant d’entrepreneurs à impact désireux de démontrer l’impact social qu’ils génèrent, sont à l’origine de ce changement, tout comme le nombre grandissant de gouvernements qui cherchent à utiliser les contrats payés en fonction du succès et les OIS pour financer l’atteinte de résultats sociaux mesurables et explicites.

Grâce à des initiatives comme la comptabilité intégrée à double ou à triple résultat, l’Initiative mondiale sur les rapports de performance, le Sustainable Accounting Standards Board (SASB), l’initiative Impact Reporting and Investment Standards (IRIS) du GIIN et la norme de mesure

de l’impact social de l’UE, qui est conçue à partir d’un rapport élaboré et endossé par un groupe d’experts de la Commission européenne sur l’entreprise sociale, des progrès ont été réalisés sur plusieurs fronts vers l’établissement d’un système de quantification de l’impact à l’intention des entreprises.35 Au Royaume-Uni, le Bureau du Cabinet a appuyé le lancement de l’initiative « Inspiring Impact », un programme sectoriel de dix ans visant à établir une approche coordonnée et uniforme à l’égard de la mesure de l’impact. La collaboration grandissante entre ces initiatives, souhaitable depuis longtemps mais encore insuffisante, combinée avec la reconnaissance du fait que les organisations ayant une mission sociale similaire doivent s’entendre sur des outils de mesure communs tout en s’assurant que ces mesures ne constituent pas fardeau indûment lourd pour les organismes de prestation de services à impact, donnent bon espoir que de nouveaux progrès seront réalisés rapidement.

La Laiterie du Berger (Sénégal)

L’organisation La Laiterie du Berger (LDB) est la première compagnie productrice de produits laitiers avec du lait provenant de localités du nord du Sénégal. Elle améliore les moyens de subsistance des gardiens de troupeaux et offre des produits alimentaires nutritifs au grand public. Malgré le fait que les gardiens de troupeaux forment 30 % de la population sénégalaise, 90 % des produits laitiers du Sénégal sont faits à partir de lait en poudre importé, qui a une faible valeur nutritionnelle.

L’investisseurLa compagnie fait partie du portefeuille d’Investisseurs et Partenaires (I&P), un fond à impact basé à Paris qui fait des investissements dans les petites et moyennes entreprises d’Afrique. Le fonds d’I&P a investi dans LDB alors qu’elle n’était qu’une jeune

entreprise, et il détient maintenant 25% de ses actions.

Le groupe d’experts sur la mesure de l’impact a indiqué que le fond était un exemple de pratique exemplaire de la mesure de l’impact. Il collabore étroitement avec les sociétés bénéficiaires de ses investissements afin de concevoir des mesures et des systèmes précis d’établissement de rapports sur l’impact qui tiennent compte des défis liés à la mesure de l’impact en Afrique – notamment en ce qui a trait à la collecte de données (quand la gestion et la collecte de données par voie électronique n’est pas une option) et au manque de données disponibles au public pour la comparaison.

Les mesures Pour LDB, les principales mesures sont le nombre de gardiens de troupeaux, la quantité de lait recueilli et le salaire annuel des gardiens. Si

un fermier souhaite fournir du lait à LDB, il reçoit un bidon à lait portant un identifiant unique. Cela permet de contrôler le nombre et le volume total, ainsi que de calculer les paies à la fin du mois. Les produits de LDB sont maintenant vendus dans plus de 6 000 magasins. En 2014, on s’attend à ce que l’entreprise embauche plus de 1 400 gardiens de troupeaux (alors qu’elle en employait seulement 200 en 2006), lesquels lui fourniront près de 2 000 tonnes de lait; on s’attend aussi à ce que le revenu annuel par gardien soit de 408 euros (alors qu’il était de 314 euros seulement trois ans auparavant). En utilisant ces mesures, LBD a réussi à démontrer clairement son impact au cours des huit dernières années et à bénéficier d’autres investissements de la part d’investisseurs à impact tels que PhiTrust Partenaires et la Grameen Crédit Agricole Microfinance Foundation.

ÉTUDE DE CAS

35 www.ec.europa.eu/internal_market/social_business/docs/expert-group/social_impact/140605-sub-group-report_en.pdf

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36 LA TROISIÈME DIMENSION

Le Global Impact Investing Ratings System (GIIRS) créé par B Lab, organisation américaine à l’origine de l’attestation B Corp, représente un autre effort particulièrement prometteur pour la création de notations et de rapports normalisés sur l’impact. Le système de cotation du GIIRS utilise les mesures d’IRIS en conjonction avec des critères additionnels afin d’en arriver à une cotation globale de la compagnie ou du niveau de fonds, ainsi que pour établir des sous cotes ciblées dans les catégories suivantes : gouvernance, travailleurs, communauté, environnement, et modèles d’entreprise axés sur l’environnement et le milieu social. Il existe actuellement près de 500 entreprises notées au moyen de ce système dans 39 pays, et chacune d’entre elles peut obtenir un maximum de 200 points sur des critères comme l’engagement envers une mission sociale, l’utilisation de la terre, et la façon de traiter les employés et la collectivité dans laquelle sont exercées les activités.

En juillet 2014, il fallait obtenir 91 points pour avoir une cote de trois étoiles, et au moins 125 points pour une cote de cinq étoiles.

Bien que le recours à un système robuste de mesure des résultats sociaux demeure inhabituel dans le secteur traditionnel (par rapport au fait

de publiciser ses bonnes actions à des fins fondées essentiellement sur le marketing), quelques entreprises de renom ont commencé à s’orienter vers un modèle d’affaires durable en produisant des rapports détaillés sur les enjeux sociaux et environnementaux. À titre d’exemple, Unilever a lancé en 2011 un « plan pour un mode de vie sain » et s’est engagée à doubler ses bénéfices d’ici la fin de la décennie ainsi qu’à réduire de moitié son empreinte écologique, à assurer le perfectionnement des compétences des employés de ses chaînes ’approvisionnement situées dans les pays en développement, et à

améliorer la santé d’un milliard de nouveaux clients. En avril 2014, l’entreprise a indiqué, entre autres choses, que 48 % de ses matières premières agricoles provenaient de sources durables, comparativement à 14 % en 2010 et à son objectif de 100 %, qu’elle prévoit atteindre d’ici 2020. Elle a aussi indiqué avoir aidé et formé plus de 570 000 petits exploitants agricoles et avoir fait augmenter de 48 000 en 2012 à 65 000 en 2013 le nombre de femmes indiennes micro-entrepreneurs qu’elle emploie dans le cadre du programme Shakti. En ce qui concerne la normalisation de ce type de mesure au sein d’entreprises similaires et la vérification indépendante, le plus tôt sera le mieux.

INTÉGRATION DE LA MESURE

Les éléments présentés précédemment sont quelques-unes des composantes de base qui peuvent constituer le fondement d’outils fiables de mesure de l’impact. Dans son rapport intitulé « Measuring Impact » (Mesurer l’impact), le groupe d’experts sur la mesure de l’impact a présenté une vision pour des conventions en matière de mesure de l’impact ainsi qu’une feuille de route pour sa réalisation.

Plus précisément, cinq acteurs clés du marché ont besoin d’outils efficaces de mesure de l’impact social : le gouvernement, les fondations, les organisations du secteur social, les entreprises axées sur l’impact, et les investisseurs à impact. Ils partagent tous un intérêt considérable à l’égard d’une vaste gamme de mesures (y compris le gain pour la société résultant d’une intervention réussie, et le taux de rendement social connexe des investissements). L’importance des autres mesures variera d’un acteur à l’autre (voir le tableau D). Par exemple, le gouvernement est particulièrement intéressé par le coût fiscal, économique et social d’un problème sociétal, ainsi que par les économies réalisées suite à une intervention réussie. En revanche, les investisseurs seront particulièrement intéressés par le taux de réussite et le coût des interventions, par les paiements connexes selon les résultats, ainsi que par le rendement social et financier obtenu.

Ces outils doivent permettre de mesurer l’impact, mais il est important qu’ils n’exercent pas de pressions indues sur les organismes susceptibles de les établir et de les utiliser. Il faut donc trouver le bon équilibre, et il est certain que cela prendra du temps. L’objectif de la mesure est de favoriser l’impact social et non de constituer un fardeau

L’objectif de la mesure est de favoriser l’impact social et non de constituer un fardeau pour les acteurs qui tentent d’en générer un. Les pratiques exemplaires de mesure aideront les entrepreneurs à impact à exploiter leurs organisations de manière à obtenir une valeur ajoutée dans la réalisation de leur mission.

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LA TROISIÈME DIMENSION 37

TABLEAU D :

MESURER L’IMPACT – PRINCIPAUX BESOINS DES ACTEURS DU MARCHÉ EN MATIÈRE DE DONNÉES

Gouvernement (à titre d’acheteur

de résultats)

Fondations (à titre de

subventionnaires)

Organisations du secteur

social

Entreprises axées sur l’impact

Investisseurs à impact

Coût d’un problème donné pour le pays

Fiscal

Économique

Social

Mesures de l’intervention

Économies réalisées par un gouvernement grâce à une intervention réussie

Coûts d’une intervention gouvernementale réussie

Amélioration sociale due à une intervention réussie

Taux de réussite des interventions externes

Coûts externes par intervention réussie

Mesures pour investisseurs

Objectifs en matière de résultats pour les bénéficiaires

Rendement par rapport aux objectifs

Mesures et points de référence en matière de rendement

Paiements selon les résultats

Rendement social des investissements

Rendement financier des investissements

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38 LA TROISIÈME DIMENSION

pour les acteurs qui tentent d’en générer un. Les pratiques exemplaires de mesure aideront les entrepreneurs à impact à exploiter leurs organisations de manière à obtenir une valeur ajoutée dans la réalisation de leur mission.

Les organisations axées sur l’impact seront bientôt en mesure d’utiliser, dans les nombreux cas où le gouvernement est l’acheteur de résultats, des

procédures normalisées de mesure des résultats relatifs à des enjeux, ainsi que de se référer au coût par résultat positif et à la valeur économique et non économique de tels résultats pour la société. Le gouvernement peut contribuer à la création d’un environnement favorable à une normalisation des mesures fondée sur les pratiques exemplaires dans le domaine, comme il a été recommandé par le groupe d’experts sur la mesure de l’impact.

Les investisseurs auront besoin des outils de mesure du rendement social produits à l’heure actuelle, en même temps que des outils de mesure du rendement financier et des indicateurs de leur volatilité, afin de déterminer le rendement social et financier ajusté au risque et d’avoir une idée de la façon dont le rendement financier de différentes catégories d’investissement social est corrélé à celui d’autres types d’actifs financiers.

Du côté des fondations subventionnaires, pour lesquelles le rendement financier tiré des subventions est par définition nul, il est important de mesurer l’impact social et les coûts associés à la génération de cet impact selon un barème progressif, d’une manière qui permette la comparaison de leur rendement avec celui d’autres groupes poursuivant des objectifs similaires. Par l’intermédiaire d’un processus complet de consultation des intervenants, le groupe d’experts sur la mesure de l’impact a élaboré une série de lignes directrices pour la mesure de l’impact. Ces lignes directrices abordent, parmi les divers paramètres, l’établissement d’objectifs,

la production de rapports, la gestion de l’investissement axé sur les données et la validation.36

Certains craignent que les petits organismes aient de la difficulté à supporter les coûts associés à la mesure de l’impact. Il faudra donc certainement faire preuve de souplesse afin de contribuer à réduire les efforts qu’ils doivent déployer. Il existe des arguments solides en faveur de l’offre d’un appui financier par les fondations et/ou le gouvernement pour aider ces organismes à renforcer leur capacité à mesurer l’impact qu’ils génèrent. Le fait d’intégrer la mesure de l’impact dans l’ADN d’un organisme dès le départ est susceptible d’aider celui ci à être beaucoup plus efficace à long terme dans la réalisation de sa mission sociale, même si cela entraîne des coûts initiaux supplémentaires.

Bien qu’il puisse exister des raisons commerciales justifiant la non-divulgation de données relatives au rendement, nous croyons qu’il vaut mieux privilégier une approche d’ouverture, et on s’attend à ce qu’une organisation qui ne divulgue pas ses renseignements fournisse une justification. Par exemple, nous sommes encouragés par le fait que de grands investisseurs à impact commencent à partager leurs approches en matière de mesure de l’impact dans le registraire d’IRIS.37 En outre, plus de 5 000 organisations reconnaissent le potentiel de leurs données pour informer l’industrie grâce au transfert anonyme de celles-ci de l’IRIS vers le GIIN afin de créer une base de connaissances sur le rendement à impact.

Il est aussi important que les organismes fassent preuve de transparence à l’égard de l’ensemble de leur impact social et non uniquement à l’égard d’un seul aspect. Une organisation qui fait de bonnes actions d’un côté, mais qui cause du tort de l’autre, ne devrait pas pouvoir restreindre la publication de ses données à celles qui concernent de bonnes activités sans se montrer transparente à l’égard de l’impact social négatif qu’elle génère.

Pour que le domaine de l’investissement à impact puisse s’orienter vers une solide convention de la mesure de l’impact, le groupe d’experts sur la mesure de l’impact a cerné quatre priorités pour l’avenir : adopter la responsabilisation à l’égard de l’impact comme valeur commune, appliquer les lignes directrices des sept pratiques exemplaires établies par le groupe d’experts, établir un langage commun et une infrastructure de données, et faire en sorte que le domaine maximise l’utilité des approches liées aux mesures.

La mesure de l’impact a déjà commencé à faire évoluer le paradigme du processus décisionnel en matière d’investissement au-delà des dimensions établies du 20e siècle, soit celles du risque et du rendement. Elle permet à l’impact d’ajouter une troisième dimension à l’équation.

36 Voir le tableau dans le rapport du groupe d’experts sur la mesure de l’impact.37 www.iris.thegiin.org/users

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39LA TROISIÈME DIMENSION

CONCLUSION

Le groupe d’experts sur la mesure de l’impact a établi que la mesure efficace de l’impact sera bénéfique pour tous les intervenants, entraînera une croissance des mouvements de capitaux et améliorera la transparence et la responsabilisation du marché.

La définition d’objectifs clairs en matière d’impact et le fait de se consacrer intensément à leur atteinte aideront les organismes et les investisseurs axés sur l’impact à améliorer grandement leurs résultats.

La mesure de l’impact a déjà commencé à faire évoluer le paradigme du processus décisionnel en matière d’investissement au-delà des dimensions établies du 20e siècle, soit celles du risque et du rendement. Elle permet à l’impact d’ajouter une troisième dimension à l’équation.

4Les fondations doivent utiliser les capitaux des subventions pour aider les organisations axées sur l’impact à renforcer leur capacité de mesurer l’impact.

5Le gouvernement doit inclure des outils de mesure de l’impact dans ses exigences en matière d’établissement de rapports et de contrats.

RECOMMANDATIONS

1Appuyer un système unique de quantification de l’impact qui intègre les initiatives existantes de l’Initiative mondiale sur les rapports de performance GRI, du SASB, de GIIN, de l’UE et de GIIRS.

2Publier des données sur les coûts encourus par le gouvernement en raison des problèmes sociaux.

3Faire en sorte que les outils de mesure normalisés de l’impact social soient mis de l’avant en même temps que les outils de mesure du rendement financier.

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40 UNE FORCE NOUVELLE EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL

Le présent rapport ne met pas l’accent sur les pays en développement, mais il est clair, pour le groupe de travail, que l’investissement à impact peut s’avérer à tout le moins aussi important pour eux que pour les autres pays. L’investissement à impact joue déjà un rôle crucial lorsqu’il est combiné aux mouvements de capitaux existants vers les pays en développement, engagés par l’intermédiaire de l’investissement direct étranger, de l’aide gouvernementale et multilatérale et de la philanthropie privée. Par ailleurs, il pourrait jouer un rôle encore accru grâce à une nouvelle série d’outils permettant d’aborder les défis mondiaux de plus en plus préoccupants et complexes que doivent surmonter ces pays. L’investissement à impact pourrait aussi influencer d’autres mouvements de capitaux dirigés vers les économies en développement, de façon à ce qu’ils produisent le plus de retombées possible, et constituer ainsi un pas important vers l’obtention

d’une croissance économique plus inclusive, qui profite à tous.

Par exemple, bien que la création d’emplois et le soutien à l’augmentation des revenus dans les pays en développement constituent des investissements à impact « localisés », l’introduction d’objectifs explicites et mesurables en matière d’impact peut favoriser l’obtention de résultats sociaux qui vont au-delà des simples possibilités d’emploi.

La croissance économique doit aller de pair avec l’expansion rapide des services de base comme les soins de santé, l’éducation, l’approvisionnement en eau et les services sanitaires. Une fois que les nations du monde auront débattu des nouveaux objectifs en matière de développement durable et y auront souscrit afin d’atteindre les objectifs du Millénaire pour le développement après 2015, l’investissement à impact pourra jouer un rôle de premier plan dans leur réalisation. La solution passera alors, notamment, par l’investissement dans des nouveaux types d’entreprise, des organisations du secteur social et des nouveaux modèles d’affaires ainsi que l’aide aux BDI pour régler certains problèmes sociaux qui peuvent sembler impossibles à résoudre et qui nuisent à la croissance économique, comme l’absence d’un système d’éducation et d’un réseau de soins de santé décents et l’amélioration de l’employabilité.

UN CONTEXTE CHANGEANT

Au cours des dernières années, même si l’aide outremer du gouvernement a continué de contribuer grandement au développement, un échange plus que nécessaire sur la façon de rendre cette aide plus efficace a aussi été lancé. Les organismes d’aide internationaux ont commencé à se tourner vers des solutions davantage fondées sur des preuves et « axées sur le marché », combinées à d’autres outils stratégiques, ainsi qu’à chercher de nouveaux modèles d’investissement et de nouvelles façons d’établir des partenariats avec le secteur privé, au moment où les mouvements de capitaux privés vers les pays en développement depuis l’étranger, initiés par des sources philanthropiques, des investisseurs et des diasporas, connaissaient une augmentation importante (voir le tableau E).

Les « envois de fonds » aux pays en développement par des membres de la diaspora travaillant à l’étranger ont aussi connu une croissance rapide. À l’heure actuelle, ces sommes sont utilisées à divers escients, notamment à des fins de financement de

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la consommation chez ceux qui reçoivent l’argent, de bienfaisance et d’investissement commercial. Il serait possible de mettre à profit les envois de fonds par l’intermédiaire de l’investissement à impact. Les membres de la diaspora d’un pays peuvent, et devraient, jouer un rôle de premier plan en montrant comment l’argent reçu de l’étranger peut favoriser la croissance inclusive dans les pays en développement.

D’après les tendances sur le marché, une demande contenue pour des produits et services existe chez les plus pauvres de la planète, et de nouvelles approches sont adoptées en vue de fournir des services publics et financiers. Ces facteurs créent de la demande pour les investissements à impact, et on estime que 70 % des investissements à impact aujourd’hui sont réalisés dans les marchés émergents. L’investissement aux fins du développement international pourrait bien devenir l’un des segments enregistrant la croissance la plus rapide dans le marché mondial des investissements à impact.

LE POTENTIEL

Pour surmonter les défis mondiaux en matière de développement, il faut plus que de l’argent. L’adoption de nouvelles approches et l’établissement de nouveaux partenariats entre les différents acteurs et les différentes sources de capitaux concernées sont aussi essentiels.

L’investissement à impact peut amener des retombées en matière de développement international. Il peut transformer le financement du développement en harmonisant mieux les différentes sources de capitaux et l’expertise afin de favoriser l’atteinte des objectifs de développement communs. Il fait en sorte que l’expertise des différents joueurs permet de surmonter des défis complexes en matière de développement et démontre comment l’investissement et les subventions peuvent être utilisés ensemble de manière très efficace pour générer un rendement financier et social.

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Mouvements en capitaux du secteur de l’investissement privé

Envois de fonds

Mouvements en capitaux du secteur de la philanthropie privée

Mouvements en capitaux d’aide gouvernementale

TABLEAU E :

FINANCEMENT TOTAL DANS LES PAYS EN DÉVELOPPEMENT, PAR TYPE DE MOUVEMENT (EN MILLIARDS DE DOLLARS)

Source: www.cgdev.org/doc/Working%20Groups/DIB%20Working%20Group%20Meeting%201.pdf © Social Finance and Center for Global Development 2012

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Beaucoup de progrès ont déjà été réalisés. Il existe plusieurs organismes bilatéraux et multilatéraux qui se sont engagés à recourir au capital du secteur privé et à l’innovation pour éradiquer la pauvreté et stimuler la prospérité dans les pays en développement. À titre d’exemple, depuis plus d’un demi-siècle, le ministère du Développement international (DfID) au Royaume-Uni, la banque de développement KfW en Allemagne, USAID aux États-Unis, le Fonds d’investissement multilatéral de la Banque interaméricaine de développement et de nombreux autres organismes ont utilisé les subventions et l’investissement de capitaux pour atteindre des objectifs en matière de développement.

Les fonds ont joué aussi un rôle important dans la création et la croissance des entreprises. Par exemple, des fonds d’investissement, tels que Acumen, à New York, utilisent des ressources financières philanthropiques pour faire des investissements à faibles profits dans de petites et moyennes entreprises qui fournissent des services à des clients à faibles revenus, dans les pays en développement. Par ailleurs, des fonds à but lucratif, comme le fonds à impact mexicain Igna (qui compte notamment Pierre Omidyar parmi ses investisseurs), misent sur des entreprises mexicaines, notamment Mexvi, qui construit des chambres supplémentaires dans les maisons pour réduire la surpopulation dans les habitations, et Ver de Verdad, qui fournit des lunettes de grande qualité à prix abordable aux familles démunies.

Les fonds d’inclusion financière ont été particulièrement actifs et ont obtenu d’excellents résultats. Par exemple, des gestionnaires de fonds, comme Bamboo Finance, ResponsAbility et Leapfrog Investments, ont produit des retombées sociales et des rendements financiers considérables en investissant dans la transformation de la microfinance d’une activité de bienfaisance vers une activité à but lucratif avec mission sociale.

Les partenariats entre les organisations de développement, les grandes multinationales et les entreprises locales sont aussi de plus en plus fréquents. Le financement initial qu’a offert le ministère du Développement international du Royaume-Uni à Vodafone et qui a permis à l’entreprise de mettre à l’essai ce qui est devenu M-PESA, le système avant-gardiste de transfert d’argent sur téléphone mobile de l’entreprise de télécommunications kenyane Safaricom, en est un exemple notable. Aujourd’hui, M-PESA traite plus de 300 transactions à la seconde et permet à plus de 19 millions de personnes qui avaient autrefois

un accès limité à leur compte bancaire d’envoyer et de recevoir de l’argent, d’obtenir et de rembourser des prêts, de faire des achats auprès de vendeurs ambulants, de payer des factures et même de payer des frais de scolarité par l’intermédiaire de leur téléphone mobile.

Parmi les partenariats fructueux, mentionnons aussi celui de l’Agence française de développement (AFD) et Grameen Danone. Cette coentreprise commerciale à vocation sociale, qui bénéficie d’une garantie de prêt de l’AFD à Grameen Danone, vend des produits de yogourt enrichis aux populations à faible revenu du Bangladesh, tout en achetant du lait à des gardiens de troupeau vivant dans la pauvreté. Pour sa part, l’Agence de coopération internationale du Japon (JICA) offre de l’aide financière pour certains projets en partenariat avec le secteur privé qui permettent de s’attaquer à un éventail de problèmes, notamment l’accès aux soins de santé, le développement agricole, la production d’énergie et l’éducation. Jusqu’ici, elle a versé 40 millions de dollars en vue de soutenir plus de 80 projets en Asie et en Afrique.

Des organismes internationaux ont misé sur les investissements à impact, et certains d’entre eux envisagent d’en faire encore davantage. Voici quelques-unes des initiatives des pays membres du Groupe de travail :

• En 2009, le gouvernement français a lancé un fonds d’investissement de 250 millions d’euros géré par le Groupe CDC-Proparco, organe d’investissement de l’AFD. Ce fonds, appelé FIESA (Fonds d’investissement pour le soutien aux entreprises en Afrique) réalise des investissements en capital-actions dans des entreprises qui contribuent fortement au développement en Afrique, entre autres en créant des emplois décents et en favorisant une croissance durable.

• En 2010, le gouvernement du Canada a créé Grands défis Canada, qui réalise des investissements à impact dans les pays à revenu faible ou moyen.

• En 2011, la banque de développement allemande KfW a investi cinq millions d’euros dans le Fonds à impact indien Aavishkaar, qui a misé à son tour sur d’autres fonds à impact, comme le fonds de consolidation MiFA (qui s’affaire à mobiliser les institutions de refinancement à l’égard des projets de microfinance en Asie), le Fonds européen pour le Sud-Est de l’Europe et le Fonds mondial de partenariat pour le climat.

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• En 2012, le ministère du Développement international du Royaume-Uni a lancé un fonds à impact de 75 millions de livres, géré par le Groupe CDC, qui constitue l’institution de développement financier du gouvernement du Royaume-Uni. En 2014, le fonds a réalisé son premier investissement dans Novastar Ventures, un fonds de capital-risque se concentrant sur le lancement d’entreprises novatrices susceptibles de transformer les marchés de consommateurs désavantagés dans les pays de l’Afrique de l’Est. Ces entreprises visent à permettre aux ménages à faible revenu de se procurer des biens et des services abordables, notamment en ce qui a trait aux soins de santé, aux services agricoles, à l’électricité, au logement, à l’éducation et à l’eau potable.

• En 2012, l’institution financière de développement des États-Unis, Overseas Private Investment Corporation (OPIC), a approuvé une enveloppe allant jusqu’à 285 millions de dollars pour le financement de six nouveaux fonds à impact.

• En 2012, le ministère du Développement international du Royaume-Uni et l’agence de développement international des États-Unis USAID a annoncé la création de Global Development Innovation Ventures (GDIV), plateforme d’investissement développée conjointement avec un autre partenaire pour favoriser l’apport de solutions novatrices afin de régler des problèmes en matière de développement jusqu’ici impossibles à résoudre.

• En 2014, le gouvernement de l’Italie a promulgué une loi sur la coopération internationale autorisant le financement fondé sur des partenariats public-privé, falicitant ainsi la réalisation d’investissements à impact.38

À ce stade préliminaire de développement, une meilleure coordination et collaboration dans le secteur des investissements à impact par les institutions de développement financier et leurs filiales du secteur privé contribueraient fortement à accroître les mouvements de capitaux dans le secteur social. En particulier, les initiatives conjointes d’émission de titres à impact social, notamment les obligations à impact sur le développement et les obligations à impact social, l’évaluation des impacts et le cofinancement pourraient accélérer l’application d’approches axées sur les résultats.

Les fondations philanthropiques privées comme la Fondation Gates sont devenues une source

essentielle de fonds et d’innovation pour ce qui est de relever les défis en matière de développement, par exemple la réduction de la mortalité causée par les maladies infectieuses, et d’aider les petits exploitants agricoles à sortir de la pauvreté en améliorant les chaînes d’approvisionnement agricole. Elles ont joué un rôle prépondérant dans le déploiement des premiers efforts visant à exploiter le pouvoir du capital privé pour faire le bien. Les « garanties de marché », qui incitent les entreprises à investir dans l’innovation en leur garantissant l’achat futur de médicaments ou de vaccins essentiels une fois qu’ils auront été développés et qui s’apparentent au rôle d’acheteur de résultats nationaux, en sont un exemple. La première de ces garanties, offerte en partenariat avec les gouvernements du Canada, de l’Italie, de la Norvège et du Royaume-Uni en 2007, a permis d’engager 1,5 milliard de dollars dans l’achat d’un nouveau vaccin contre les pneumococcies ayant le potentiel de sauver la vie de sept millions d’enfants d’ici 2030.

NOS PROPOSITIONS

Pour contribuer à la réalisation du plein potentiel de l’investissement à impact dans les pays en développement, le groupe d’experts sur le développement international créé par le Groupe de travail a formulé plusieurs propositions à l’intention des gouvernements et des chefs d’entreprise et d’organisme du secteur social œuvrant dans les pays en développement ainsi que de leurs homologues à l’étranger, qui tentent de favoriser leur développement. Ces propositions se rapportent aux mêmes thèmes qu’aborde l e présent rapport pour les pays membres du Groupe de travail : stimuler l’entrepreneuriat à impact pour favoriser l’atteinte de résultats d’envergure, encourager la diffusion des outils financiers et non financiers pour l’investissement à impact, y compris les obligations à impact social et les obligations à impact sur le développement, et mesurer l’impact en tant que tel.

Stimuler l’entrepreneuriat à impactMalgré l’augmentation des mouvements en capitaux vers les pays en développement, plus particulièrement dans le cadre de projets d’infrastructure, trop peu d’argent parvient aux petites et moyennes entreprises, aux entrepreneurs à impact et aux entreprises inclusives.39 Jusqu’ici, les fonds à impact axés sur le développement des économies demeurent beaucoup plus modestes que certains des fonds d’investissement

38 www.cooperazioneallosviluppo.esteri.it/pdgcs/Documentazione/NormativaItaliana/legge%2011%20agosto%202014%20n.%20125%20-.pdf 39 www.g20challenge.com/what-is-inclusive-business

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traditionnels axés sur les mêmes pays, parce qu’ils investissent dans des entreprises que les investisseurs traditionnels considèrent comme trop risquées. Les investisseurs à impact qui accordent de l’importance à l’impact social peuvent être d’une grande aide en agissant à titre de « pionniers », tout en assumant les risques associés à ce statut.

À cette fin, dans son document de référence, le groupe d’experts sur le développement international, composé de spécialistes de l’investissement à impact, recommande d’explorer des façons d’identifier et de soutenir les investisseurs locaux et de développer des fonds à impact. Pour ce faire, il faudrait entre autres examiner la possibilité de créer un nouvel organe financier d’envergure axé sur l’impact initial. Bien que certains détails restent à définir, il s’agirait d’un organe de services de gros fonctionnant comme un fonds des fonds et géré par un gestionnaire de fonds privé. L’organe aurait notamment pour mandat de recenser et d’aider les investisseurs à impact locaux, de favoriser l’innovation dans la structuration des fonds, d’aider les entreprises qui en sont à un stade précoce de développement, et d’offrir des moyens de financement qui contribuent à fournir des garanties et améliorent le ratio risque-rendement pour les investisseurs commerciaux.

La création d’un lien entre les capitaux et l’aide technique, d’une part, et la liberté de réaliser toute une gamme d’investissements (fonds propres, dettes et obligations à impact social et à impact sur le développement), d’autre part, figureraient au nombre des principales caractéristiques de l’organe. Il inciterait les talents locaux à trouver des solutions pour surmonter les défis pressants en matière de développement et récompenserait les approches novatrices. Les entreprises établies dans des marchés frontières pourraient poser leur candidature par l’intermédiaire d’un concours, et le soutien offert comprendrait des subventions

pour la constitution d’une capacité technique ainsi qu’un fonds de roulement, combinés à un investissement convenant à leurs besoins particuliers. Le groupe de travail estime qu’il est urgent d’envisager le développement de cet organe financier.

Obligations à impact social et obligations à impact sur le développementLe groupe d’experts sur le développement international incite aussi les gouvernements des pays en développement à examiner les situations où les obligations à impact social (OIS) et les obligations à impact sur le développement (OID) pourraient contribuer à accroître l’efficacité de la prestation des services gouvernementaux, financer des approches novatrices pour obtenir des résultats sociaux précis et s’attaquer à des problèmes sociaux qui nuisent à la croissance économique. Les OIS et les OID constituent de nouveaux modèles de partenariats public-privé qui intéressent les investisseurs privés et harmonisent les incitatifs en vue d’atteindre des objectifs sociaux. Les OID représentent des produits novateurs qui ont beaucoup en commun avec les OIS, mais qui se distinguent par le fait qu’il revient aux organismes d’aide bilatéraux, aux ministères étrangers responsables de l’aide internationale, aux institutions multilatérales et aux philanthropes, plutôt qu’aux gouvernements locaux, d’assumer les coûts du résultat souhaité. Les OID sont des produits tout nouveaux. La première obligation de ce type a été lancée en juin 2014 par la Children’s Investment Fund Foundation et l’Optimus Foundation d’UBS afin d’améliorer la qualité de l’éducation dans les écoles primaires pour filles du Rajasthan, en Inde. Des obligations sont aussi en train d’être émises pour réduire l’incidence de la maladie du sommeil en Ouganda (en abaissant le taux de bovins infectés, lesquels semblent transmettre la maladie), pour diminuer la prévalence de la malaria au Mozambique et pour améliorer l’éducation préscolaire au Rwanda.

Les OID pourraient transformer la prestation des services sociaux en réunissant les secteurs public et privé pour résoudre des problèmes sociaux particuliers. Les OID pourraient intéresser le monde de la finance en vue de l’atteinte des objectifs des Nations Unies pour le développement après 2015. En effet, dans le bon contexte, les OID pourraient aider les pays à atteindre ces objectifs en amenant la concentration rigoureuse sur l’atteinte des

Nos propositions couvrent le renforcement de l’entrepreneuriat à impact, pour l’aider à prendre de l’ampleur, la promotion du développement d’instruments propres à ce type d’entrepreneuriat et la mesure de l’impact en tant que tel.

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Il s’agit d’une première mondiale dans le secteur de l’éducation… Les OID feront en sorte que les gouvernements et les organismes d’aide se concentrent sur les coûts et le financement axé sur les résultats. Ce modèle est susceptible de transformer les approches de développement international : il institue de nouvelles façons de faire et une responsabilité claire à l’égard des résultats pour l’enfance. Nous voulons mettre ce modèle à l’essai et montrer au monde qu’il peut fonctionner.

Michael Anderson, PDG de la Children’s Investment Fund Foundation, au sujet de l’OID pour le Rajasthan

résultats qui manque dans les programmes de développement fondés sur les intrants. Le fait qu’elles donnent accès à des capitaux considérables sans préciser les intrants donne aussi la possibilité aux fournisseurs de services d’innover. Par ailleurs, les données qu’on en tire créent des boucles de rétroaction utiles qui aident à orienter les décisions stratégiques sur les services sociaux et à identifier les interventions qui méritent d’être prolongées.

Le groupe d’experts sur le développement international a aussi recommandé que l’on établisse un fonds à objectifs sociaux fondé sur les OID pour défrayer les coûts des interventions réussies qui ont été financées par des OID, ce qui permettrait à un certain nombre d’acteurs intéressés par les OID de répartir les risques et de tirer des leçons des projets pilotes d’OID dans divers secteurs et pays. Il serait aussi possible de stimuler le marché en facilitant le versement de financement axé sur les résultats, ce qui constitue un défi significatif dans les pays en développement.

MesureLa mise sur pied de bons systèmes de mesure pour soutenir l’investissement à impact est aussi importante dans les pays en développement que dans les pays dont proviennent des membres du Groupe de

travail. Ceci étant dit, il importe de comprendre que l’environnement opérationnel est plus complexe dans les pays en développement en ce qui a trait aux données disponibles et à la capacité de planification et de surveillance. Les OID, en particulier, dépendent d’une mesure précise des résultats; si le marché de ces obligations connaît l’essor que nous espérons, il est essentiel que les gouvernements mettent en place les systèmes de mesure et de production de rapports nécessaires. Nous sommes conscients du fait qu’il n’existe peut-être pas suffisamment de données gouvernementales exactes sur les problèmes sociaux et que, dans certains pays, la capacité de collecte de données est limitée, mais nous croyons que les institutions de financement du développement pourraient contribuer à la création de systèmes respectant les lignes directrices définies dans le document de fond du groupe d’experts sur la mesure de l’impact.

Le déploiement rapide des téléphones mobiles dans les pays en développement pourrait permettre de générer et de transmettre des données très précieuses qu’utiliseraient les entreprises à impact pour desservir les bénéficiaires au bas de la pyramide économique. D’ailleurs, les institutions de microfinancement utilisent déjà cette information pour évaluer la solvabilité, simplement à partir d’un éventail restreint de données ponctuelles générées par le téléphone.

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46 UNE FORCE NOUVELLE EN MATIÈRE DE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL

RECOMMANDATIONS

1Favoriser la coordination et la collaboration entre les institutions de financement du développement et les organisations du secteur privé pour promouvoir l’investissement à impact.

2Examiner l’utilité des fonds à impact pour soutenir les petites et moyennes entreprises et les organisations qui desservent la population au bas de la pyramide économique.

3Permettre aux institutions de financement du développement d’accroître les initiatives d’investissement à impact.

4Examiner la possibilité de créer un organe de la finance à impact pour fournir le capital-risque de démarrage.

5Inciter les gouvernements à examiner comment les OIS et les OID peuvent contribuer à l’efficacité de la prestation des services sociaux.

6Examiner la possibilité de créer un fonds à objectifs sociaux fondé sur les OID pour défrayer les coûts de projets qui promettent d’être couronnés de succès.

CONCLUSION

De toute évidence, l’investissement à impact peut jouer un rôle encore beaucoup plus important dans le développement. Nous estimons que les institutions financières internationales, notamment la Banque mondiale, peuvent jouer un rôle crucial. Nous sommes encouragés par l’exemple de l’Overseas Private Investment Corporation (OPIC) qui, en 2012, a commencé à examiner ses investissements en fonction d’un « test d’intentionnalité ». En rendant plus de données sur l’impact accessibles au public, les organismes de développement contribueront à présenter de bonnes perspectives aux investisseurs à impact potentiels, aux entrepreneurs et aux gouvernements.

Le groupe d’experts sur le développement international estime que l’investissement à impact pourrait aider fortement les pays en développement. L’essai et la mise à l’échelle d’approches d’investissement à impact dans la lutte contre les problèmes sociaux complexes qui freinent le développement du secteur privé et la croissance économique devraient constituer des priorités de premier ordre.

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47GALVANISER LE MOUVEMENT D’IMPACT MONDIAL

Le pape François a dit, lors d’une conférence sur l’investissement à impact tenue au Vatican en juin 2014, qu’il était urgent que les gouvernements du monde entier s’engagent à définir un cadre international qui permettra de promouvoir un marché d’investissement à impact élevé et de combattre ainsi une économie d’exclusion et de rejet. Lawrence Summers, ancien secrétaire du Trésor américain, a pour sa part indiqué, un mois plus tôt, après avoir investi dans l’une des premières obligations à impact social américaines, que nous en étions au point zéro de quelque chose de grand.

Il ne nous faut rien de moins qu’une révolution pour améliorer la vie de millions de laissés pour compte. Les philanthropes ont relevé le défi de manière organisée au 19e siècle, puis au 20e siècle les gouvernements s’y sont engagés à leur tour et aujourd’hui, tant les philanthropes que les gouvernements sont dépassés par l’ampleur que ne cessent de prendre les problèmes sociaux.

Cette situation rend absolument nécessaire une collaboration entre les gouvernements, les philanthropes, le secteur social et les entreprises, sans quoi, au fur et à mesure où nos économies se développeront, les laissés pour compte pourraient s’enfoncer encore davantage dans la misère. L’« égalité des chances », qui est notre mantra depuis plusieurs décennies, deviendra alors ni plus ni moins qu’une expression vide de sens pour ceux nés au mauvais endroit ou dans la mauvaise famille.

Les forces de l’entrepreneuriat et de l’innovation, qui ont transformé la façon dont nous vivons, peuvent maintenant être mises à profit, de façon à transformer la manière dont nous nous attaquons aux problèmes sociaux.

Tous les pays dont proviennent les membres de notre groupe de travail sont confrontés à d’importants défis dans la lutte contre les problèmes sociaux, comme la pauvreté, le chômage, les maladies chroniques, la justice pénale, l’enfance dysfonctionnelle et le vieillissement de la population et les répercussions sociales découlant du changement climatique. Si les recommandations présentées dans ce rapport sont mises en œuvre et que nous réussissons à développer un marché mondial dynamique de l’investissement à impact, de grandes quantités de capitaux seront mobilisées puis investies dans les efforts que déploient les organisations à impact, qui connaissent une progression rapide partout dans le monde.

Ce dont nous avons maintenant besoin, c’est d’un leadership éclairé et audacieux pour mettre en œuvre nos recommandations et amorcer un mouvement d’investissement social dynamique à l’échelle mondiale. Ce leadership doit provenir de différents groupes comme les fondations, les organisations et les entreprises du secteur social, les entrepreneurs et les investisseurs à impact ainsi que les gouvernements nationaux et les organismes mondiaux. Les membres du grand public devront aussi exercer un leadership ascendant pour demander des changements, à la fois en tant que citoyens souhaitant résoudre les problèmes de société et investisseurs désireux de voir leurs économies investies d’une façon qui contribue à bâtir l’avenir dont ils rêvent pour leurs enfants et leurs petits-enfants.

Bien que le marché de l’investissement à impact prenne déjà de l’ampleur, sans le leadership des gouvernements, son développement sera lent et son incidence, plus limitée. Le marché est en plein essor, et les investisseurs et entrepreneurs

GALVANISER LE MOUVEMENT D’IMPACT MONDIAL

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48 GALVANISER LE MOUVEMENT D’IMPACT MONDIAL

s’y intéressent réellement, mais des lignes directrices des gouvernements sont tout de même nécessaires pour supprimer les obstacles, renforcer les capacités, catalyser les activités des investisseurs et exploiter le pouvoir du marché pour s’attaquer à des défis cruciaux en matière de politique publique. Nos recommandations hautement prioritaires à l’intention des chefs de file de différentes sphères de la société s’adressent d’abord aux gouvernements. Elles doivent être mises en œuvre de toute urgence.

Au cours des 40 dernières années, les gouvernements ont joué un rôle important dans le soutien à l’entrepreneuriat commercial et à l’innovation technologique : ils ont ajusté la réglementation, offert des allègements fiscaux, utilisé divers types de subventions, reconnu les entrepreneurs prospères et célébré leurs

organisations, et appuyé l’établissement d’un secteur du capital de risque efficace et de bourses des valeurs spécialisées capables de prendre des risques pour favoriser la mise sur pied d’entreprises novatrices et de qualité. Afin d’habiliter les organisations à impact et les entrepreneurs visionnaires à produire une incidence réelle sur les problèmes sociaux, les gouvernements doivent maintenant jouer un rôle similaire dans le soutien à l’investissement à impact.

Nous avons plusieurs recommandations urgentes pour les gouvernements nationaux. D’abord, il faut nommer un champion pour promouvoir l’investissement à impact au gouvernement et ailleurs. Idéalement, cette personne sera un ministre expérimenté et aura le mandat de contribuer à la formulation et à la mise en œuvre

de politiques appropriées pour l’établissement de l’infrastructure de marché, ainsi que le soutien au développement du secteur.

Les gouvernements doivent aussi réaliser une évaluation claire de l’écosystème d’investissement social à l’échelle nationale afin de cerner les possibilités d’en accroître l’efficacité. Il importe aussi qu’ils déterminent, dans chaque pays, les secteurs de la politique sociale où l’investissement à impact est susceptible d’avoir beaucoup de poids, et qu’ils établissent des politiques afin de fournir aux organisations sociales et aux visionnaires les outils dont ils ont besoin pour accéder au marché de l’investissement à impact, y compris des subventions aux organisations sociales pour le renforcement des capacités. À cette fin, les gouvernements devront créer des cadres juridiques et réglementaires favorables aux organismes du secteur social, pour s’assurer que les règles qui régissent ces derniers ne nuisent pas à la prise de risques commerciaux et à l’innovation, ainsi qu’aux entreprises à impact, afin de veiller à ce qu’elles soient en mesure, si elles le veulent, de maintenir leur mission sociale, au moyen de formes organisationnelles et de mécanismes juridiques particuliers. Les gouvernements devront également lever les obstacles réglementaires relatifs aux obligations fiduciaires qui découragent actuellement les investisseurs à impact potentiels et, lorsque possible, offrir des allègements fiscaux.

Les gouvernements peuvent aussi jouer un rôle de premier plan puisqu’ils sont, de plein droit, des acheteurs de résultats, aussi bien de manière centralisée qu’à l’échelle des administrations locales. Dans les fédérations, le rôle des États et des municipalités est particulièrement important. Créer des fonds en matière de résultats pour lesquels les ministères du gouvernement central ou les administrations locales peuvent se faire concurrence, publier des données sur les problèmes sociaux, y compris les coûts actuellement consacrés à la gestion de ces problèmes, favoriser l’élaboration de normes de mesure de l’impact en adoptant eux mêmes de telles normes et en les utilisant dans leurs propres rapports et marchés de services, sont autant d’initiatives susceptibles de favoriser un marché de l’investissement à impact prospère.

L’Union européenne a un rôle très important à jouer. Nous nous réjouissons devant les efforts considérables qu’elle a consentis pour soutenir l’investissement social et l’innovation,

Au cours des 40 dernières années, les gouvernements ont joué un rôle important dans le soutien à l’entrepreneuriat commercial et à l’innovation technologique. Afin d’habiliter les organisations à impact et les entrepreneurs visionnaires à produire une incidence réelle sur les problèmes sociaux, les gouvernements doivent maintenant jouer un rôle similaire dans le soutien à l’investissement à impact.

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49GALVANISER LE MOUVEMENT D’IMPACT MONDIAL

40 www.ec.europa.eu/esf/main.jsp?catId=35&langId=en

notamment par la création de l’Initiative pour l’entrepreneuriat social et des Fonds d’entrepreneuriat social européens (FESE) et le travail sur la mesure des impacts sociaux par le groupe d’experts sur l’entrepreneuriat social (GEES). Le Fonds social européen consacre à lui seul dix milliards d’euros par année à l’amélioration des perspectives d’emploi pour les chômeurs, particulièrement ceux faisant partie des groupes défavorisés, ce qui fait en sorte que son pouvoir de favoriser l’investissement à impact en Europe est considérable.40

Les institutions intergouvernementales comme la Banque mondiale, l’Institute of Financial Consultants (IFC) et les banques de développement régional sont aussi appelées à jouer un rôle de pionniers, essentiellement à titre d’émetteurs et d’investisseurs dans le nouveau marché des obligations à impact sur le développement.

Après les gouvernements, les fondations et les fiducies de bienfaisance de philanthropes

fortunés ont la possibilité d’être les forces les plus actives dans le développement du marché de l’investissement à impact. Elles devront avoir le courage de remettre en cause les normes culturelles du secteur de la philanthropie, y compris la façon dont les fonds de dotation sont investis, ainsi que la volonté de gérer le risque associé au soutien de nouvelles idées novatrices susceptibles d’améliorer la société.

Plus précisément, nous recommandons qu’une partie de tout fonds de dotation de bienfaisance et de tout portefeuille d’investissement de valeur

nette élevée soit consacrée à des investissements à impact, et que les fondations encouragent les investisseurs traditionnels à se lancer dans l’investissement à impact en fournissant des mesures de protection en matière d’investissement par l’intermédiaire de garanties à l’égard de pertes initiales. De plus, les philanthropes ont un autre rôle important à jouer, soit celui de verser des subventions pour renforcer la capacité des fournisseurs à impact, des gestionnaires de l’investissement à impact et des intermédiaires en matière de financement à impact, et pour appuyer des initiatives visant l’établissement d’outils fiables de mesure de l’impact.

Le marché de l’investissement à impact représente une occasion en or pour les investisseurs habituels, y compris les administrateurs de fonds de pension et de fonds souverains et les gestionnaires de placements indépendants. L’investissement à impact n’est pas de la charité, mais une occasion de générer un rendement financier ainsi qu’un rendement social tout en tirant profit de la diversification améliorée. Bien que dans certains cas, des changements législatifs devront d’abord être apportés pour clarifier que, selon les règles sur la responsabilité fiduciaire, l’investissement à impact est bel et bien autorisé, nous croyons que l’étendue des obstacles juridiques à l’investissement à impact est souvent exagérée dans le monde de l’investissement, et que les dirigeants de ce secteur peuvent susciter un changement de culture suffisant pour entraîner d’importants mouvements de capitaux.

L’augmentation des mouvements de capitaux pourrait permettre aux dirigeants des organismes d’économie sociale existants ainsi qu’aux jeunes entrepreneurs sociaux d’accroire leur impact en obtenant des capitaux supplémentaires pour financer la mise à l’échelle de leurs idées novatrices. Ils sont susceptibles de saisir cette possibilité à deux mains en cherchant à mettre sur pied des organismes capables d’accéder au marché de l’investissement à impact, parce qu’ils établissent des objectifs sociaux clairs et qu’ils mesurent les progrès réalisés à l’égard de leur atteinte.

Lorsqu’un modèle d’entreprise à but lucratif offre le meilleur chemin vers l’impact à grande échelle, les investisseurs désireux de garantir la mission sociale des bénéficiaires de leurs investissements peuvent encourager ces derniers à devenir des entreprises à but lucratif avec mission sociale, par

Le marché de l’investissement à impact représente une occasion en or pour les investisseurs habituels, y compris les administrateurs de fonds de pension et de fonds souverains et les gestionnaires de placements indépendants. L’investissement à impact n’est pas de la charité, mais une occasion de générer un rendement financier ainsi qu’un rendement social tout en tirant profit de la diversification améliorée.

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50 GALVANISER LE MOUVEMENT D’IMPACT MONDIAL

exemple en adoptant une structure typique des entreprises à but lucratif ou en émettant une action préférentielle, ce qui peut empêcher un écart par rapport à la mission. Lorsque les investisseurs souhaitent investir dans des entreprises classiques à impact, ils peuvent encourager celles-ci à poursuivre l’atteinte d’un impact social mesurable précis et suivre le processus emprunté pour y parvenir.

À mesure qu’augmenteront les mouvements d’investissement à impact, les organisations du secteur social et les entreprises s’habitueront, l’une comme l’autre, à mesurer et à révéler leur impact social.

Dans le cadre de l’effort visant à stimuler le marché mondial de l’investissement à impact, les organismes gouvernementaux internationaux peuvent jouer un rôle de chefs de file en utilisant leur pouvoir de mobilisation des ressources pour se faire les champions de l’investissement social et en créant un forum pour la mise en commun des pratiques exemplaires. La création du Groupe de travail, alors que la présidence du G8 est assurée par le Royaume-Uni, représente un exemple probant de ces efforts. Par ailleurs, les organismes intergouvernementaux, y compris le G20, l’Association des nations de l’Asie du Sud-Est, la Coopération économique de la zone Asie-Pacifique, l’Organisation des États américains et l’Union africaine, doivent aussi envisager de mettre à leur programme le développement de l’investissement à impact social.

Les organismes intergouvernementaux, entre autres l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), peuvent contribuer fortement à placer l’investissement à impact au cœur des programmes d’action internationaux et à mobiliser les différents intervenants. En vue de compléter le rapport du Groupe de travail, l’OCDE s’affaire à rédiger un rapport sur le marché de l’investissement à impact social, qui vise à jeter les bases des processus de collecte de données, d’analyse et de discussion stratégique à l’échelle mondiale. Ce rapport, qui met à profit des travaux antérieurs et des rapports connexes, sera publié ultérieurement cette année.

Nous recommandons aux Nations Unies, lorsqu’elles reverront leurs Objectifs de développement pour le millénaire en 2015, d’examiner la possibilité d’appuyer l’investissement à impact en tant que façon novatrice de lutter contre les problèmes sociaux et environnementaux qui limitent le développement du secteur privé et la croissance

économique – la littératie et le décrochage dans le domaine de l’éducation, la maladie du sommeil, la malaria et les autres maladies chroniques débilitantes, et la formation des jeunes chômeurs en fonction des emplois disponibles sur le marché du travail.

Les organismes non gouvernementaux ont fait figure de chefs de file du développement de l’investissement à impact et de l’entrepreneuriat social. Parmi ces organismes, mentionnons Ashoka, l’Initiative mondiale Clinton et le Forum mondial Skoll, sans oublier le Forum économique mondial, qui a publié plusieurs rapports importants. Ils doivent continuer à faire preuve de leadership en mettant en lumière l’investissement à impact et en créant un forum pour les innovateurs du domaine. Nous souhaitons aussi que des organismes comme l’OCDE, le Global Impact Investing Network (GIIN) et la B team, contribuent à appuyer le développement de l’investissement à impact en publiant des études de marché, en analysant des problèmes sociaux, en faisant connaître divers entrepreneurs à impact dans le monde, en certifiant des sociétés axées sur la réalisation d’une mission sociale et en faisant campagne pour un changement en matière de politique et de culture.

UNE IDÉE À LAQUELLE IL EST TEMPS DE DONNER SUITE

Nous avons tous un rôle crucial de leader à jouer dans la stimulation du marché de l’investissement à impact, que ce soit dans la façon dont nous investissons ou dans la manière dont nous participons à la production d’un impact. Nous pouvons exiger des produits d’investissement à impact de la part des institutions qui gèrent notre épargne. Nous pouvons chercher à savoir si nos administrateurs de fonds de pension adhèrent aux principes de l’investissement responsable des Nations Unies ou à tout autre engagement à prendre au sérieux l’impact social et environnemental de leurs investissements, et les presser de prendre ces obligations au sérieux. Nous pouvons les pousser à s’engager dans l’investissement à impact. En tant que citoyens, nous pouvons exiger que nos gouvernements mettent en œuvre des politiques qui soutiennent l’investissement à impact.

Le paradigme est en train de changer. Ensemble, nous pouvons opérer une révolution qui améliorera nos vies. Nous pouvons saisir l’occasion que nous avons de lutter contre les problèmes sociaux et environnementaux avec de nouveaux moyens plus

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puissants. Nous pouvons le faire en établissant des objectifs en matière de résultats mesurables aussi bien pour les organismes d’économie sociale que pour les entreprises à but lucratif et en mesurant les progrès réalisés à l’égard de leur atteinte, en incitant des personnes talentueuses, ambitieuses et novatrices à créer et à mettre sur pied des organismes à impact qui font œuvre utile tout en étant profitables, ainsi qu’en faisant en sorte que les organismes d’économie sociale puissent faire concurrence aux entreprises sur le plan des aptitudes à la gestion et des capitaux lorsque vient le temps de stimuler l’innovation sociale, les effets d’échelle et l’impact.

Les gouvernements doivent recourir à l’innovation dans la prestation des services sociaux et attirer des capitaux de risque pour financer cette innovation. Ils peuvent la stimuler à l’échelle nationale et dans les pays en développement en choisissant de payer pour des résultats positifs. Les organisations à qui les gouvernements confieront des mandats créeront de nouvelles

séries d’occasions d’investissement qui combineront retombées sociales et environnementales et rendement financier, et représenteront une source de diversification du portefeuille. Les entreprises classiques, peu importe leur taille, prendront de plus en plus conscience de leur impact social, établiront des objectifs sociaux, environnementaux et financiers et mesureront leurs progrès en ce qui a trait à l’atteinte de ces résultats.

Voilà la révolution que laisse présager l’investissement à impact. Partout dans le monde, nous pouvons tirer parti des forces de l’entrepreneuriat, de l’innovation et des mouvements de capitaux ainsi que du pouvoir des marchés à faire le bien. Si nous atteignons cet objectif, le cœur invisible des marchés guidera la main invisible de l’économie en vue d’améliorer la vie de ceux qui seraient autrement laissés pour compte.

51GALVANISER LE MOUVEMENT D’IMPACT MONDIAL

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52 RÉSUMÉ DES OBJECTIFS ET DES RECOMMANDATIONS À L’INTENTION DES DÉCIDEURS POLITIQUES

RÉSUMÉ DES OBJECTIFS ET DES RECOMMANDATIONS À L’INTENTION DES DÉCIDEURS POLITIQUES

Le Groupe de travail a formulé une série de recommandations importantes destinées à tous les acteurs concernés par l’investissement à impact social. La présente section présente un résumé des objectifs et des recommandations à l’intention des gouvernements pour les aider à développer les écosystèmes qui sont cruciaux pour le développement de l’investissement à impact en tant que moteur puissant. D’autres précisions figurent dans la Note explicative sur les leviers et les objectifs en matière de politiques.

Comme il n’existe pas d’approche unique convenant à tous les contextes, les décideurs politiques doivent tenir compte de leur propre situation et des possibilités en matière de politiques qui conviennent à leur environnement, leurs priorités stratégiques et la nature actuelle de la prestation des services sociaux.

Toutefois, peu importe la situation, les gouvernements ont la possibilité de stimuler l’innovation dans la prestation de services et d’obtenir un meilleur rapport entre l’impact et les sommes investies. Les gouvernements ont d’ailleurs un rôle important à jouer pour faire en sorte que le marché de l’investissement à impact se développe, que ce soit en tant que bâtisseurs de marché, acheteurs de résultats sociaux, ou régulateurs de marché ren mesure d’éliminer des obstacles et de s’assurer que les organisations à impact social préservent leur mission.

Dans l’exercice de ces trois rôles, les gouvernements sont appelés à prendre plusieurs décisions stratégiques.

BÂTISSEUR DE MARCHÉ

Objectif : Accroître les ressources et le soutien pour aider les organisations à impact social à fonctionner et à croître :

• Fournir des subventions de renforcement de la capacité aux organisations à impact social.

• Faciliter l’accès aux capitaux pour les entrepreneurs à impact social, y compris aux capitaux d’appoint, aux capitaux de démarrage et aux capitaux de croissance.

• Étendre aux organisations à impact social le soutien offert aux petites et moyennes entreprises.

Objectif : Stimuler l’arrivée dans le secteur d’entrepreneurs talentueux qui lancent des organisations à impact social et les font croître :

• Encourager les entrepreneurs nouveaux et existants qui s’axent sur l’impact en soulignant leur réussite au sein du secteur et en offrant des prix pour l’innovation.

• Envisager la création d’allègements fiscaux pour les entreprises et les entrepreneurs à impact.

Objectif : Favoriser le développement d’un secteur de l’investissement à impact, comprenant un éventail d’intermédiaires qui gèrent les capitaux à impact et fournissent des conseils et des services professionnels aux acteurs du secteur :

• Créer un grossiste en investissement social qui constituerait le champion du marché et qui serait éventuellement financé par les avoirs en dormance de comptes bancaires, de compagnies d’assurance et de fonds de pension.

• Envisager l’apport d’une aide initiale aux fonds, aux intermédiaires et aux cabinets d’experts conseils spécialisés dans l’investissement à impact.

• Soutenir les efforts visant à établir un système d’appellations ou de certification pour les produits de finance sociale dans certains segments du marché.

• Favoriser l’accès à une bourse des valeurs sociales.

• Promouvoir l’utilisation et le développement de produits financiers à impact novateurs.

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53RÉSUMÉ DES OBJECTIFS ET DES RECOMMANDATIONS À L’INTENTION DES DÉCIDEURS POLITIQUES

Objectif : Attirer de nouveaux investisseurs dans le marché de l’impact social :

• Proposer des allègements fiscaux pour les investisseurs à impact.

• Proposer une réglementation incitative en matière d’investissement à impact.

• Examiner précisément ce qui peut être fait pour faire entrer l’investissement à impact social dans le marché au détail destiné au grand public.

PARTICIPANT AU MARCHÉ

Objectif : Accroître l’efficacité du rôle des gouvernements en tant qu’acheteurs de résultats sociaux :

• Élargir l’utilisation des contrats gouvernementaux fondés sur les résultats.

• Créer des fonds interministériels pour financer les contrats fondés sur les résultats, susceptibles d’être utilisés par les ministères qui ne sont pas en mesure de payer pour la pleine valeur des résultats sociaux qu’ils obtiennent.

Objectif : Accroître le mouvement de capitaux des investisseurs traditionnels vers les organisations à impact social :

• Fournir du financement de contrepartie pour faire progresser le marché de l’investissement à impact, là où il est émergent, ou proposer des protections de premier niveau et d’autres garanties ainsi que des capitaux pour un grossiste en investissement social (un fond de fonds) ou d’autres fonds d’investissement.

RÉGISSEUR DU MARCHÉ

Objectif : Créer un cadre juridique et réglementaire approprié pour les organisations à impact :

• Créer des modèles juridiques ou des règles pour permettre aux organisations à impact de protéger leur mission.

• Assouplir les restrictions imposées aux organisations du secteur social générant des revenus.

Objectif : Réduire le nombre d’obstacles juridiques et réglementaires auxquels se butent les investisseurs sociaux potentiels :

• Inciter les administrateurs de fonds de pension et des fournisseurs d’autres régimes et produits d’épargne fiscalisés à inclure l’investissement à impact dans leur offre de produits.

• Assouplir les restrictions qui visent les investisseurs particuliers s’engageant dans l’investissement à impact, notamment par l’intermédiaire du financement participatif et d’autres avenues.

• Définir les obligations fiduciaires des fondations et des administrateurs de fonds de pension pour leur permettre de participer à l’investissement à impact.

• Étudier comment l’investissement à impact peut être intégré aux cadres réglementaires existants auxquels sont assujettis les fonds d’investissement, les banques et les compagnies d’assurance.

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54 ANNEXES

ANNEXE I

MEMBRES DU GROUPE DE TRAVAIL SUR L’INVESTISSEMENT SOCIAL ÉTABLI PAR LE G8 SOUS LA PRÉSIDENCE DU ROYAUME-UNI

Pays Représentants du secteur Représentants du gouvernement

PRÉSIDENT : Sir Ronald Cohen Groupe de travail sur l’investissement social établi par le G8

Kieron Boyle Secrétariat du Cabinet, gouvernement du Royaume-Uni

Ted Anderson MaRS Centre for Impact Investing

Siobhan Harty Ministère de l’Emploi et du Développement social, Canada

Successeur Tim JacksonMaRS Centre for Impact Investing

Peter BlomTriodos Bank

Ulf LinderCommission européenne

Hugues Sibille Crédit Coopératif

Claude Leroy-ThemezeMinistère de l’Économie et des Finances, France

Représentante conjointe Nadia Voisin Ministère des Affaires étrangères, France

Dr. Brigitte Mohn Bertelsmann Stiftung

Susanne DorasilMinistère fédéral de la Coopération économique et du Développement, Allemagne

Giovanna MelandriHuman Foundation

Mario CalderiniÉcole polytechnique de Milan

Représentant conjoint Mario La TorreUniversité La Sapienza, Rome

Shuichi OnoNippon Foundation

Seiichiro TakahashiMinistère des Affaires étrangères, Japon

Matt BannickOmidyar Network

Don GravesCabinet du vice-président, La Maison-Blanche

Compte rendu officiel

Matthew BishopThe Economist

Observateurs officiels

Rosemary AddisImpact Investing Australia

DFI Elizabeth LittlefieldOPIC

Le Groupe de travail tient à souligner la contribution et les efforts des regrettés Ted Anderson, représentant du secteur canadien, et Stephen Lloyd, membre du groupe d’experts sur l’harmonisation de la mission, qui sont malheureusement décédés avant la fin des travaux. Leur contribution au contenu de nos rapports fait partie intégrante de leur héritage, dans un domaine qui leur était très cher.

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55ANNEXES

MEMBRES DU GROUPE D’EXPERTS SUR LA MESURE DE L’IMPACT

Coprésidents

Luther Ragin Jr. Global Impact Investing Network Tris Lumley New Philanthropy Capital

Membres

Alnoor Ebrahim Harvard Business School Andreas Rickert PhineoBarbara Scheck Université de Hambourg Bart Houlahan B Lab Carla Javits REDF Caroline Mason Esmée Fairbairn FoundationCecile Lapenu CERISEClara Barby Bridges Ventures Cyrille Langendorff Crédit CoopératifDavid Carrington Conseil d’administration de BSC, conseil de

surveillance de Triodos BankDiana Hollmann GIZ Elleke Maliepaard DEGIan Learmonth Social Ventures AustraliaJames Hopegood Commission européenne Jeremy Nicholls SROIJim Clifford Bates Wells Braithwaite Karim Harji Purpose Capital Lila Preston Generation Investment ManagementLisa Hehenberger European Venture Philanthropy Association Mathieu Cornieti IMPACT partenairesYasemin Saltuk J.P. Morgan Social Finance

Observateurs

Antonella Noya OCDE Jonathan Greenblatt Office of Social Innovation & Civic Participation,

La Maison-Blanche

Secrétariat

Abigail Rotheroe New Philanthropy CapitalKelly McCarthy Global Impact Investing Network

Recherche et consultation

Ben Funk Monitor DeloitteCarolien de Bruin Monitor DeloitteJessie Duncan Monitor DeloitteKristen Sullivan Monitor Deloitte

MEMBRES DU GROUPE D’EXPERTS SUR LA RÉPARTITION DES ACTIFS

Président

Harvey McGrath Big Society Capital

Membres

Abigail Noble Forum économique mondial Bill Young Social Capital Partners Brian Bailey Social Finance David Blood Generation Investment Management David Chen Equilibrium Capital Fran Seegull IMPACTASSETS Josh Gotbaum Pension Benefit Guaranty Corporation Julie Sunderland Fondation GatesLisa Hall Anthos Asset Management Mads Pedersen UBS Martin Rich Social FinanceMichael Drexler Forum économique mondial Michael Schneider Deutsche Bank AG, division de la gestion des placements et du patrimoineMichele Giddens Bridges Ventures Sandra Odendahl RBC Sean Greene Revolution/Case Foundation Stephen Fitzgerald Future FundTerri Ludwig Enterprise Community Partners Uli Grabenwater Fonds Européen d’Investissement

Observateur

Andre Perold HighVista

Recherche et consultation

Clara Barby Bridges IMPACT+

Nous remercions les membres des groupes d’experts et des conseils consultatifs régionaux d’avoir fait bénéficier le Groupe de travail de leur expertise et de leurs conseils. Ils ne sont pas responsables du contenu du rapport du Groupe de travail.

MEMBRES DU GROUPE D’EXPERTS SUR L’HARMONISATION DE LA MISSION

Président

Cliff Prior UnLtd

Membres

Andrew Kassoy B-Lab Ben Allen Oomph Blanche Segrestin Mines Paris Tech Dr. Ingo Ballschmieter Bertelsmann StiftungFried Roggen Si2 Fund James Perry Panahpur Johannes Weber Social Venture Fund Ken Ito Asian Venture Philanthropy Network/

Keio UniversityLucy Fergusson Linklaters Mark Florman BVCA Olivier de Guerre PhiTrust Pamela Hartigan Skoll Centre for Entrepreneurship Peter Holbrook Social Enterprise UK Simon Willis Young FoundationStephen Lloyd Bates Wells Braithwaite William Clark Drinker Biddle

Secrétariat

Tom Fox UnLtd

Recherche

Orrick, Herrington & Sutcliffe LLP

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56 ANNEXES

MEMBRES DU GROUPE D’EXPERTS SUR LE DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL

Président

Sonal Shah Case Foundation

Membres

David Wilton IFC Elizabeth Littlefield OPIC Geetha Tharmaratnam The Abraaj Group Gerhard Pries Sarona Asset Management Harold Rosen Grassroots Business Fund Ingo Weber GIIN/Leapfrog Jean-Michel Severino Investisseurs et Partenaires Julie Katzman Banque interaméricaine de développement Michael Anderson Children’s Investment Fund Foundation Mike Kubzansky Omidyar Network Nancy Birdsall Centre for Global Development Rene Karsenti International Capital Market Association Roland Groß GIZ Sasha Dichter Acumen Stewart Paperin Soros Economic Development Fund Tilman Ehrbeck Groupe consultatif d’assistance aux pauvres (CGAP) Toby Eccles Social Finance Vineet Rai Service de gestion des opérations à haut risque Aavishkaar

MEMBRES DU CONSEIL CONSULTATIF NATIONAL DE L’AUSTRALIE

Président

Rosemary Addis Impact Strategist; Impact Investing Australia; Impact Investing Policy Collaborative; NSW Social Investment Expert Advisory Group

Membres

Carol Schwartz AM Trawalla Foundation; Our Community; Women’s Leadership Institute; administratrice indépendante

Carolyn Hewson AO Financial System Inquiry, administratrice indépendante *En congé pour la durée du Financial System Inquiry 2014Christopher Thorn Evans & Partners; Share Gift AustraliaDavid Crosbie Community Council of AustraliaMichael Traill AM Social Ventures Australia *Jusqu’en juillet 2014Paul Peters GVP Capital AdvisersPaul Steele Donkey Wheel; The Difference IncubatorPeter Shergold AC chancelier, Université de Western Sydney, NSW

Social Investment Expert Advisory Group, Prime Minister’s Indigenous Advisory Council

Richard Brandweiner First State Super; Chartered Financial Analysts Australia

Sandy Blackburn-Wright Impact Investing Australia; Centre for Social Impact

Stephen Dunne AMP CapitalStephen Fitzgerald Future Fund; NSW Social Investment Expert

Advisory GroupSteve Lambert Banque nationale d’Australie

Secrétariat

Anna Bowden (Executive Manager) Impact Investing AustraliaDanielle Kent (bénévole) Impact Investing Australia *Jusqu’en juillet 2014Skye Heller (bénévole) Impact Investing Australia *Jusqu’en juillet 2014Vanessa Lesnie (bénévole) Impact Investing Australia

Recherche et consultation

Carly HammondDonald SimpsonKylie Charlton

MEMBRES DU CONSEIL CONSULTATIF NATIONAL DU CANADA

Président

Ilse Treurnicht MaRS Discovery District, présidente du groupe de travail canadien sur la finance

Membres

Andy Broderick Community Investment, Vancity Bill Young Social Capital PartnersBrian Emmett Imagine CanadaCoro Strandberg Strandberg ConsultingDerek Ballantyne Community Forward FundDiane Kelderman Atlantic Economics and Nova Scotia

Co-operative CouncilEdward Jackson School of Public Policy and Administration,

Centre d’innovation communautaire, Université Carleton

Garth Davis New Market FundsJean Vincent Société de crédit commercial autochtoneJoel Solomon Renewal FundsMarguerite Mendell École des affaires publiques et communautaires,

Université ConcordiaMartin Garber-Conrad Edmonton Community FoundationNancy Neamtan Chantier de l’économie sociale Pierre Legault Renaissance Rosalie Vendette Mouvement DesjardinsStacey Corriveau BC Centre for Social EnterpriseStanley Hartt Norton Rose FulbrightTania Carnegie KPMG LLPTed Anderson MaRS Centre for Impact Investing Tim Brodhead La Fondation Pierre-Elliott-TrudeauTim Draimin Social Innovation Generation Tim Jackson MaRS Centre for Impact InvestingWayne Chiu Trico Developments Corporation and Trico

Charitable Foundation

MEMBRES DU CONSEIL CONSULTATIF NATIONAL DE LA FRANCE

Président

Hugues Sibille Crédit Coopératif

Membres

André Dupon Mouves (Mouvement des entrepreneurs sociaux)Antoine Merieux Expert indépendantAntonella Noya OCDEBéatrice de Durfort Centre Français des Fonds & Fondations Bernard Giraud Livelihoods (fonds d’investissement de Danone) Blanche Segrestin École des Mines de Paris Christian Schmitz Solidarité internationale pour le développement

et l’investissement (SIDI) Claude Leroy-Thémèze DG Trésor Cyrille Langendorff Crédit Coopératif Elise Depecker Avise François de Witt FinansolGeneviève Ferone ProphilGuilhem Dupuy Ecofi Investissements, Groupe Crédit CoopératifHenry de Cazotte Agence Française de Développement (AFD)Jean-Luc Perron Fondation Grameen Crédit AgricoleJean-Marc Maury Caisse des dépôts Jean-Michel Lecuyer Comptoir de l’InnovationJean-Michel Severino Investisseurs & Partenaires Laurence Mehaignerie Citizen Capital Lisa Hehenberger European Venture Philanthropy Association

(EVPA)Magali Joessel BpifranceMathieu Cornieti Impact PartenairesNadia Voisin Ministère des Affaires étrangères et du

Développement InternationalNicolas Hazard Groupe SOS, Comptoir de l’Innovation Olivier de Guerre PhiTrustPatrice Garnier Société d’Investissement de France Active (SIFA)Patrick Savadoux Mandarine Gestion Pierre Valentin Crédit CoopératifSophie des Mazery Finansol

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57ANNEXES

MEMBRES DU CONSEIL CONSULTATIF NATIONAL DE L’ALLEMAGNE

Président

Dr. Brigitte Mohn Bertelsmann Stiftung

Membres

Berenike Wiener Association of German FoundationsCornelia Markowski Deutscher Verein für öffentliche und private

FürsorgeDiana Hollmann Deutsche Gesellschaft für Internationale

Zusammenarbeit (GIZ)Dorothee Vog BonVentureDr. Andreas Rickert PhineoDr. Claudia Wohlleber Diakonie Deutschland –Evangelischer

BundesverbandDr. Georg Allendorf Deutsche BankDr. Ingo Ballschmieter Bertelsmann StiftungDr. Mariana Bozesan AQAL CapitalDr. Markus Freiburg FASE, Ashoka GermanyDr. Markus Nachbaur Stiftung LiebenauDr. NannetteLindenberg German Development InstituteDr. Peter W. Heller CanopusFoundationDr. Volker Then Centrum für Soziale Investitionen,

Université de HeidelbergFlorian Erber Social Venture FundGraf Carl-August von Kospoth Eberhard von Kuenheim StiftungIngo Weber GIINJake Benford Bertelsmann StiftungJörg Freese Deutscher LandkreistagMarco Janezic Blue RibbonPartnersMelinda Weber Impact in MotionMichael Schneider Deutsche BankMichael Sommer Deutscher CaritasverbandNadine Köllner Vodafone Stiftung DeutschlandNorbert Kunz Social Impact LabPieter Oostlander European Venture Philanthropy AssociationProf. Dr. Barbara Scheck Université de HamburgProf. Dr. Henry Schäfer Université de StuttgartRoland Groß Deutsche Gesellschaft für Internationale

Zusammenarbeit (GIZ)Susanne Dorasil Ministère fédéral de la Coopération

économique et du DéveloppementSylvia Wisniwski Finance in MotionThomas Goldfuß GLS BankThomas Klein Deutsche Investitions-und

EntwicklungsgesellschaftTobias Nowoczyn Deutsches Rotes KreuzVolker Weber Forum Nachhaltige GeldanlagenWolfgang Meyer Sozialwerk St. Geor

Observatrice

Havva Acvi-Plüm Ministerium für Arbeit und Soziales, NRW

MEMBRES DU CONSEIL CONSULTATIF NATIONAL DE L’ITALIE

Président

Giovanna Melandri Human Foundation

Membres

Andrea Bairati Confindustria – Confédération générale de l’industrie italienne

Andrea Orlandini ExtrabancaAndrea Rapaccini Make a Change Elena Casolari Opes Foundation Enzo Manes Intek (société par actions)FilippoAddarii Young FoundationDario Di Muro Deutsche Bank S.p.A. Franca Perin Assicurazioni Generali Gianfranco Verzaro FPBNL/BNPP e MEFOP Giorgio Righetti ACRI – Association des fondations bancaires

et des banques d’épargne d’Italie Giuseppe Guerini ConfcooperativeLetiziaMoratti San Patrignano Foundation Linda Laura Sabbadini ISTAT National Statistics Institute Luciano Balbo Oltre Venture Capital SocialeMarco Morganti BancaProssima – Intesa SanpaoloMarco Santori EtimosFoundationMaria Cristina Ferradini SodalitasMariella Enoc Cariplo FoundationMaurizio Sella SmartikaMauro Marè Mefop – Agence de développement

des fonds de pensionPaola Menetti LegaCoop SocialiPaolo Migliavacca Vita Pietro Negri Ania – Association italienne nationale des

compagnies d’assuranceRaffaele Rinaldi ABI- Association des banques d’ItalieRiccardo Graziano National Agency for Microcredit Rodolfo Fracassi Main Street PartnersRossella Leidi UbiBancaSergio Gatti FedercasseUgo Biggeri BancaEtica

Observateurs

Agence italienne du revenuBanque d’ItalieCaisse des dépôts et consignationsConférence permanente États-RégionsConseiller diplomatique du Cabinet du premier ministreIvass, autorité de surveillance d’Italie en matière d’assurancesMinistère des Affaires étrangèresMinistère du Travail et de la Politique sociale

Groupes d’experts

Harmonisation de la mission Filippo Addarii, Young FoundationMesure de l’impact Marco Ratti, Banca ProssimaRépartition des actifs Roberto Randazzo, Bocconi University &

Alessandro Messina, FedercasseDéveloppement international Rosario Centola, Ministère italien des

Affaires étrangères

Rapporteurs et coordonnateurs des groupes de travail

Alessandro Messina FedercasseFilippo Addarii Young Foundation Giovanni Festa Danilo Ministère du Travail et des Affaires socialesMarco Ratti Banca ProssimaMarco Santori Etimos FoundationRaffaella Abate Cariplo Foundation Riccardo Petrocca Looking for Value Roberto Randazzo SDA BocconiRosario Centola Ministère des Affaires étrangères

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58 ANNEXES

MEMBRES DU CONSEIL CONSULTATIF NATIONAL DU ROYAUME-UNI

Président

Nick O’Donohoe Big Society Capital

Membres

Bernard Horn Social Finance Cliff Prior UnLtdDaniela Barone Soares Impetus-PEF David Gregson CRIDavid Hutchison Social Finance David Royce CRIDawn Austwick Big Lottery FundDeidre Davis Deutsche BankGeoff Mulgan NestaHarvey McGrath Big Society CapitalJames Perry PanahpurJames Vaccaro TriodosJim Clifford Bates, Wells and BraithwaiteJohannes Huth Impetus-PEFJohn Kingston Association of Charitable FoundationsJonathan Jenkins Social Investment BusinessMark Boleat Corporation de la Cité de LondresMichele Giddens Bridges VenturesNat Sloane Big Lottery FundPeter Holbrook SEUKPeter Wanless NSPCCPhilip Colligan NestaPhilip Newborough Bridges Ventures Rob Owen St. Giles TrustSir Anthony Greener St. Giles TrustToby Eccles Social FinanceWilliam Shawcross Charity Commission

MEMBRES DU CONSEIL CONSULTATIF NATIONAL DU JAPON

Président

Dr. Hiroshi Komiyama Mitsubishi institut de recherche; Président Emeritus, Université de Tokyo

Membres

Dr. Junichi Yamada Agence de coopération internationale du JaponKeizai Doyukai Association des cadres de direction du JaponKen Shibusawa Gestion des fonds communs, Eiichi Shibusawa

Memorial FoundationMasataka Uo Japan Fundraising AssociationShuichi Ohno Nippon FoundationTomoya Shiraishi Social Investment PartnersYoshiyuki Nojima Mitsubishi Corporation

Secrétariat

Ken Ito Asian Venture Philanthropy Network/ Université de KeioNanako Kudo Nippon Foundation

MEMBRES DU CONSEIL CONSULTATIF NATIONAL DES ÉTATS-UNIS

Coprésidents

Matt Bannick Omidyar NetworkTracy Palandjian Social Finance U.S.

Membres

Andrea Phillips Goldman SachsAndrew Kassoy B LabAntony Bugg-Levine Nonprofit Finance FundAudrey Choi Morgan Stanley Ben Hecht Président et DG, Living CitiesCathy Clark Université DukeClara Miller F.B. Heron FoundationCurtis Ravenel Bloomberg LPDarren Walker Ford FoundationDavid Chen Equilibrium CapitalDebra Schwartz MacArthur FoundationElizabeth Littlefield Overseas Private Investment CorporationHarold Rosen Grassroots Business FundJean Case Case Foundation John Goldstein Imprint Capital Josh Gotbaum Pension Benefit Guaranty Corp Kimberlee Cornett Kresge FoundationLuther Ragin, Jr. Global Impact Investing NetworkMaya Chorengel Elevar EquityMichelle Greene NYSE EuronextSean Greene Revolution Seth Goldman Honest Tea Stewart Paperin Open Society FoundationsWilliam Foster Bridgespan GroupZia Khan The Rockefeller Foundation

Secrétariat

Kate Ahern Case FoundationLauren Booker Omidyar NetworkMaura Donlan Omidyar NetworkMichael Chodos Senior AdvisorPaula Goldman (Executive) Omidyar NetworkRosita Najmi Omidyar Network

Rational 360 (diffusion)

Recherche et consultation

Jake Segal The Bridgespan GroupJeff Bradach The Bridgespan GroupMichael Etzel The Bridgespan GroupPaul Carrtar The Bridgespan GroupPaul Rosenberg The Bridgespan GroupWilla Seldon The Bridgespan Group

ÉQUIPE DE DIRECTION DU PRÉSIDENT ET SECRÉTARIAT

Équipe de direction du président

Aimie Cole The Portland TrustJonathan Greenblatt Office of Social Innovation and Civic

Participation, la Maison-BlancheRebecca Thomas Bureau de sir Ronald CohenStephen Brien Social Finance UK

Secrétariat du cabinet

Alexandra Meagher Bureau du Cabinet du Royaume-Uni Claire Michelet Bureau du Cabinet du Royaume-Uni

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59ANNEXES

Les organisations et personnes suivantes ont éclairé le groupe de travail, et nous les remercions de leur participation :

Abby Sigal Enterprise CommunityAnne-Sophie Bougouin FEFISOL SICAV-SIFAntoninConrath Ministère français de l’Économie et des FinancesAntony Bugg-Levine Nonprofit Finance FundBarbara Schnell KfWBen Thornley Pacific Community VenturesBenjamin Richard Banque Publique d’investissement Bernard Giraud Groupe DanoneCarol Thompson Cole Venture Philanthropy PartnersCharles-Edouard Vincent Emmaüs DéfiClaudia Kruse APGCliff Prior UnLtdCyrille Langendorff Crédit CoopératifDave Chen Equilibrium CapitalDavid Hutchison Social FinanceDieter Hackler Gouvernement allemandDominique de Margerie Institut de Développement de l’Economie SocialeDr. Nigel Wilson Legal & GeneralDr. Ophir Samson Social Finance IsraelElizabeth Littlefield Overseas Private Investment CorporationElli Booch Rothschild Caesarea FoundationEmanuel Bohbot Social Finance IsraelEmmanuel Faber DanoneFlorian Erber Social Venture FundFrancis Maude MP Gouvernement du Royaume-UniFrançois de Witt FinansolFrançois Villeroy de Galhau BNP ParibasGilles VermotDesroches Schneider ElectricHarvey McGrath Big Society CapitalJean-Luc Perron Grameen Crédit Agricole FundJean-Marc Châtaigner Ministère des Affaires étrangères de la FranceJean-Marc Maury Caisse des DépôtsJean-Michel Severino Investisseurs et PartenairesJim Clifford Baker TillyJohn Goldstein Imprint CapitalJosh Gotbaum Pension Benefit Guaranty Corporation

Julie Sunderland Fondation GatesKaren Wilson OCDEKen Ito Asian Venture Philanthropy NetworkLetiziaMoratti San Patrignano FoundationLori Kaplan Latin America Youth CentreLuther Ragin Global Impact Investing NetworkMari Kogiso The Sasakawa Peace Foundation Martin Link KfWMartin Mainz DEGMathieu Cornieti Impact PartenairesMichele Giddens Bridges VenturesMindy Tarlow Centre for Employment OpportunitiesNanakoKudo The Nippon FoundationNat Sloane Big Lottery FundNick Hurd MP Gouvernement du Royaume-UniNick O’Donohoe Big Society CapitalNicolas Hazard Groupe SOSOlivier de Guerre PhiTrust PartenairesOphir Samson Social Finance Israel Patrice Garnier Société d’Investissements France Active Patrick Savadoux MandarineGestionPaula Goldman Omidyar NetworkPeter Blom Triodos BankProfessor Henry Schaefer Université de StuttgartRob Owen St. Giles TrustSean Greene RevolutionSeth Goldman Honest TeaSilvia Wisniwski Finance in MotionSimon Devonshire WayraSteffen Kampeter Gouvernement allemandStephanie Petrick Impact in MotionToby Eccles Social Finance UKTracy Palandjian Social Finance USTris Lumley New Philanthropy CapitalUlrich Grabenwarter European Investment Fund Vineet Rai AavishkaarWilliam Clark DrinkerBiddleWolfgang Hafenmayer LGT Venture PhilanthropyWolfgang Meyer Sozialwerk St. Georg e.V.

Le groupe de travail est reconnaissant envers les organisations suivantes d’avoir accueilli ses réunions et activités :

Bertelesmann FoundationBloombergCaisse des Dépôts et ConsignationsCase FoundationJ.P. MorganMinistère de l’Économie et des Finances Ministère des Affaires étrangèresNo. 11 Downing StreetSocial Stock ExchangeBureau du Conseil des ministresThe Mansion HouseLa Maison-Blanche

ANNEXE II

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60 ANNEXES

Les documents thématiques suivants sont accessibles sur le site Web du Groupe de travail, à l’adresse suivante : www.socialimpactinvestment.org

NOTE EXPLICATIVE SUR LES LEVIERS ET LES OBJECTIFS EN MATIÈRE DE POLITIQUES

Documents thématiques des groupes d’experts

Mesurer l’impact : Changement de paradigme Document thématique du groupe d’experts sur la mesure de l’impact

Répartition en vue de l’impact Document thématique du groupe d’experts sur la répartition des actifs

Entreprises à but lucratif avec mission sociale Document thématique du groupe d’experts sur l’harmonisation de la mission

Développement internationalDocument thématique du groupe d’experts sur le développement international

RAPPORTS DES CONSEILS CONSULTATIFS NATIONAUXRapport du Conseil consultatif national de l’Australie

Rapport du Conseil consultatif national du Canada

Rapport du Conseil consultatif national de la France

Rapport du Conseil consultatif national de l’Allemagne

Rapport du Conseil consultatif national de l’Italie

Rapport du Conseil consultatif national du Japon

Rapport du Conseil consultatif national du Royaume-Uni

Rapport du Conseil consultatif national des États-Unis

DOCUMENTS THÉMATIQUES ET RAPPORTS DES CONSEILS CONSULTATIFS NATIONAUX

Page 67: INVESTISSEMENT À IMPACT : LE COEUR INVISIBLE DES MARCHÉS€¦ · social et accroître l’investissement, de façon à ... • Des conseils consultatifs nationaux ont été établis

Le crash financier de 2008 a fait ressortir la nécessité de renouveler nos efforts pour faire en sorte que la

finance contribue à la construction d’une société saine. Pour ce faire, il est nécessaire d’opérer un changement de paradigme à l’égard du marché financier, en passant

d’un point de vue bidimensionnel à une perspective tridimensionnelle. C’est pourquoi, en ajoutant l’impact

aux dimensions du risque et du rendement caractéristiques du marché des capitaux du XXe siècle,

l’investissement à impact pourrait transformer notre capacité de construire une société plus juste.

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