Intervention Jacques Hadrouin

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1 Pour une ambition numérique Il y a quelques jours, j’ai lu dans la presse, l'histoire d’une équipe bloquée en mer du nord sur une plate forme pétrolière en feu. Leur seule chance de salut était de se jeter dans l'eau glacée. Ils ont malheureusement trop tardé à le faire. Il s’agissait, en fait, d’un papier des Echos qui reprenait le discours du nouveau directeur général de Nokia. Il regrettait devant ses principaux cadres qu’il y a quatre ans, la marque finlandaise ne se soit pas jetée davantage dans la bataille des smart phones. Aujourd’hui, même si Nokia reste leader, il se fait tailler des croupières par Apple et Androïd. Notre situation n’est-elle pas un peu identique ? Certes, nous sommes et restons leader sur notre territoire du Nord Pas-de-Calais mais les concurrents arrivent de tous cotés. Dans le domaine de l'information, on voit un incroyable développement de sites locaux, de sites communautaires et jusqu’à l'AFP qui s’intéresse au marché des particuliers. Sans parler des sites nationaux de plus en plus agressifs, notamment sur les faits divers. Et il en est de même sur le marché publicitaire local avec Google, Groupon et bien d'autres acteurs nationaux ou internationaux. Pour faire face à cette situation, nous pensons que le moment est venu d'accélérer notre développement numérique tout en consolidant nos offres print. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons partager avec vous la stratégie de développement éditorial des années à venir et sa traduction sur nos marques et sur nos organisations. Les évolutions numériques Sans vous inonder de chiffres, voyons la vitesse des évolutions : - Il y a aujourd'hui 2 milliards d'internautes dans le monde. - Les ventes de smart phones ont progressé de 75% entre 2009 et 2010. - Le nombre de tablettes numériques pourrait passer de 20 millions à 200 millions entre 2010 et 2014. Encore un chiffre : plus de 500 millions d’entre-nous considèrent Facebook utile ou ludique dont beaucoup, j'imagine, dans cette salle. La moyenne des internautes y consacre déjà un quart de leur temps de connexion. Or, les quelques expériences menées dans les locales montrent tout l'intérêt de travailler avec les communautés comme Facebook. En France, les sites des médias nationaux progressent plus vite que nous tant en audience qu’en chiffres d'affaires publicitaire. La concurrence s’étend, des journaux aux radios, aux télévisions et bien sûr aux pure player. C'est l’une des caractéristiques du web de banaliser les médias. Comme moi, sans doute, avez-vous appris le séisme japonais sur votre mobile par une alerte d’un hebdo comme le Point.fr ou d’une télévision. Nous l'avons bien mesuré avec le drame de Linselles. Dés qu'un fait divers a de l’importance, nous sommes aussitôt en frontal avec les sites des médias nationaux. Et pour peu que le titre de notre papier soit bien référencé sur Google, nous apparaissons en dix ou vingtième position. Cette concurrence concerne aussi les ressources publicitaires. Tout site web est aujourd'hui devenu un média publicitaire et la confusion règne entre marques et média.

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Intervention Jacques Hadrouin

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Pour une ambition numérique

Il y a quelques jours, j’ai lu dans la presse, l'histoire d’une équipe bloquée en mer du nord sur une plate forme pétrolière en feu. Leur seule chance de salut était de se jeter dans l'eau glacée. Ils ont malheureusement trop tardé à le faire. Il s’agissait, en fait, d’un papier des Echos qui reprenait le discours du nouveau directeur général de Nokia. Il regrettait devant ses principaux cadres qu’il y a quatre ans, la marque finlandaise ne se soit pas jetée davantage dans la bataille des smart phones. Aujourd’hui, même si Nokia reste leader, il se fait tailler des croupières par Apple et Androïd. Notre situation n’est-elle pas un peu identique ? Certes, nous sommes et restons leader sur notre territoire du Nord Pas-de-Calais mais les concurrents arrivent de tous cotés. Dans le domaine de l'information, on voit un incroyable développement de sites locaux, de sites communautaires et jusqu’à l'AFP qui s’intéresse au marché des particuliers. Sans parler des sites nationaux de plus en plus agressifs, notamment sur les faits divers. Et il en est de même sur le marché publicitaire local avec Google, Groupon et bien d'autres acteurs nationaux ou internationaux. Pour faire face à cette situation, nous pensons que le moment est venu d'accélérer notre développement numérique tout en consolidant nos offres print. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons partager avec vous la stratégie de développement éditorial des années à venir et sa traduction sur nos marques et sur nos organisations. Les évolutions numériques Sans vous inonder de chiffres, voyons la vitesse des évolutions : - Il y a aujourd'hui 2 milliards d'internautes dans le monde. - Les ventes de smart phones ont progressé de 75% entre 2009 et 2010. - Le nombre de tablettes numériques pourrait passer de 20 millions à 200 millions entre

2010 et 2014. Encore un chiffre : plus de 500 millions d’entre-nous considèrent Facebook utile ou ludique dont beaucoup, j'imagine, dans cette salle. La moyenne des internautes y consacre déjà un quart de leur temps de connexion. Or, les quelques expériences menées dans les locales montrent tout l'intérêt de travailler avec les communautés comme Facebook. En France, les sites des médias nationaux progressent plus vite que nous tant en audience qu’en chiffres d'affaires publicitaire. La concurrence s’étend, des journaux aux radios, aux télévisions et bien sûr aux pure player. C'est l’une des caractéristiques du web de banaliser les médias. Comme moi, sans doute, avez-vous appris le séisme japonais sur votre mobile par une alerte d’un hebdo comme le Point.fr ou d’une télévision. Nous l'avons bien mesuré avec le drame de Linselles. Dés qu'un fait divers a de l’importance, nous sommes aussitôt en frontal avec les sites des médias nationaux. Et pour peu que le titre de notre papier soit bien référencé sur Google, nous apparaissons en dix ou vingtième position. Cette concurrence concerne aussi les ressources publicitaires. Tout site web est aujourd'hui devenu un média publicitaire et la confusion règne entre marques et média.

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Prenez les ventes de Leroy Merlin. Elles sont faibles sur le web - moins de 1% du chiffre global - mais le groupe consacre des investissements très importants pour animer la communauté des clients et prospects. C'est ainsi qu'est né le métier de communauty manager. Ces investissements sont pris sur les budgets traditionnels de publicité. Deux mots encore sur Google. 1 milliard de chiffre d'affaires publicitaire en France cette année. Là où toute la PQR fera 900 millions d'euros. Ce milliard, Google le réalise avec 180 jeunes basés à Paris, la PQR avec 1 800 commerciaux répartis sur la France. Et c'est depuis cette plateforme que sont démarchés les commerçants locaux qui achètent des liens sponsorisés. Nos enjeux, Face à ces évolutions, nous continuons à nous battre tous les jours. En 2010, le pôle presse quotidienne du groupe qui comprend La Voix du Nord, Nord éclair et Le Courrier picard a maintenu son chiffre d'affaires en augmentant le prix des journaux et donc en acceptant de perdre plus de clients que les années précédentes. Malgré les efforts accomplis sur les contenus, sur la vente et la promotion, la tendance est malheureusement irréversible. Le nombre d'exemplaires vendu chaque année est en baisse malgré les nouvelles formules, le tout quadri, les offres tarifaires... Nos audiences, elles, ne faiblissent pas, voire augmentent grâce à nos suppléments et à Internet. C'est encore vrai sur les résultats de l’étude EPIC paru qui nous donnent plus d’un million et cinq cent milles lecteurs pour notre pôle presse quotidienne. Sur le net, vous le savez, notre stratégie était en plusieurs étapes. D’abord, développer l'audience passée à 2,8 millions de visiteurs uniques par mois début 2011 alors que nous étions à 300.000 en moyenne sur 2006. Puis la connaissance de cette audience avec à ce jour : 95.000 inscrits dans nos bases de données qualifiées. C'est le fruit du travail des équipes multimédias bien entendu mais aussi de chacun d'entre-vous qui contribuaient à l’essor de nos sites. Notre challenge, vous le savez, est d’aller plus loin sur le numérique pour sortir de la gratuité, où nous avons été enfermés comme tous les autres confrères. Il nous faut aussi conserver de fortes audiences sur des sites gratuits, vitrines de nos marques et de nos contenus, mais aussi de nos offres publicitaires. Face à ce défi, personne aujourd'hui dans le monde n'a réellement trouvé de solutions définitives. La chose certaine, c'est que face à la réduction des revenus traditionnels, la tendance est à la création de nouveaux produits et de nouveaux supports, qu'ils soient papiers, audiovisuels ou numériques. Tout cela n'est pas nouveau. Ce qui est nouveau, c'est le rythme auquel nous sommes contraints de le faire. Quels atouts avons-nous pour y parvenir ? D'abord, un potentiel de clients très important. Nous évoquions tout à l'heure notre audience web. Saviez-vous que ces visiteurs du web sont très peu fidèles par rapport à nos lecteurs papier ? Au tableau de nos visites sur les sites web du groupe, moins de 3% sont des réguliers à raison d’au moins une visite par semaine. Les internautes du Nord Pas-de-Calais constituent donc un potentiel d’accroissement important si nous arrivons à augmenter leur fidélité sur nos produits numériques. Autre chiffre : 40% d’internautes sont extérieurs à notre région. Ils arrivent par les moteurs de recherche. Eux resteront

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zappeurs mais leur nombre peut encore être développé. Eh oui, lorsqu'un bijoutier est assassiné à Cambrai, tous les bijoutiers de France veulent en savoir plus. A nous de veiller au bon référencement. Notre deuxième atout est le travail entamé sur notre futur système éditorial pour repenser la manière dont, demain, nos contenus seront crées, agrégés, distribués et vendus. C'est, vous le savez, un investissement important pour le groupe et toutes ses entités en presse quotidienne et hebdomadaire. Ce sera un réel progrès pour l'avenir de nos organisations éditoriales. Mais, ne le cachons pas, cela sera aussi un réel changement avec le système actuel, vieux de plus de 15 ans déjà et donc très ancré dans nos habitudes de travail. Nous avons choisi « CCI NewsGate » pour favoriser nos évolutions dans les années à venir. Il doit nous permettre de stocker, rechercher, exploiter et réexploiter plus facilement nos contenus, y compris le son et l'image. Il doit également nous aider à les diffuser plusieurs fois dans la journée, à agir sur les différents supports et à renforcer l'interactivité entre nos internautes au travers de notre médiation. A coté de l'évolution de notre système éditorial, il nous faut aussi travailler à mieux satisfaire nos clients. Dans le monde numérique, notre santé dépendra de notre capacité à construire des relations directes avec nos clients selon le modèle D2C direct to consumer. Ce modèle nécessite une compréhension de plus en plus fine et multidimensionnelle de nos clients. Nous y travaillons déjà avec les équipes du marketing et du multimédia. En ce sens, nous avons beaucoup à gagner de nos échanges avec notre nouvel actionnaire, le Crédit Agricole. Les banques ont un savoir faire incontestable dans ce domaine et de nombreuses longueurs d'avance sur nous. Nous devrons investir beaucoup dans le marketing pour mieux appréhender les besoins de nos clients qui, tout en appartenant au même territoire et/ou à la même catégorie socio professionnelle peuvent avoir des attentes numériques très différentes. C'est l’une des raisons de notre choix d'un partenaire stratégique dans ce domaine. Mais, l'atout essentiel à mes yeux est la formidable ressource humaine qui est la nôtre. Si nous sommes tous ici ce matin, c'est d'abord parce que cette évolution nous devons la mener ensemble. Nous vous en présentons aujourd’hui les grandes orientations telles que nous les estimons nécessaires. Il faudra ensuite participer ensemble à la réflexion sur les organisations et les règles de fonctionnement. Pour mieux affronter les années à venir, pour nous mettre en position de mieux réussir notre développement face à une concurrence multiforme, nous devons avoir la volonté d'oser une profonde migration de nos organisations et de nos métiers. L'évolution la plus spectaculaire que nous souhaitons pour l'année 2012 est de mettre en commun les équipes éditoriales de La Voix du Nord, Nord éclair et Direct Lille pour améliorer à la fois notre offre sur la métropole lilloise et donner davantage de moyens à toutes les autres rédactions sur l’ensemble de notre zone de diffusion. Le temps de la concurrence entre nos propres titres n’est-il pas aujourd'hui révolu ? Nous devons passer de la concurrence à plus de différence. Vous le savez, j'ai été le premier à encourager quand j'ai pris la direction du groupe, la concurrence entre tous nos supports. C'était à mes yeux, la meilleure manière de défendre chacun des titres et de maintenir la plus forte des présences rédactionnelles sur le terrain. Cela nous a assez bien réussi puisque nous sommes l'un des rares groupes français à avoir créé des postes de journalistes sur les cinq dernières années. Aujourd'hui, grâce à cette ambition partagée avec nos actionnaires, nous envisageons cette mutation

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vers le numérique non pas avec la perspective de réduire les emplois mais au contraire de leur assurer un avenir. J'ai désormais la conviction que la pérennité de nos marques et de nos rédactions passe par cette nouvelle étape : celle de la mise en commun de nos moyens pour continuer de faire les médias de masse que nous savons faire depuis toujours mais de développer également de nouveaux supports papiers ou numériques. Nous allons donc nous y employer dans les mois qui viennent. Nous le ferons d'une part avec les instances sociales des entreprises que nous avons réunies avant cette réunion pour les en informer et d’autre part avec tous ceux d'entre-vous qui le souhaiteront au sein d’une vingtaine de groupes de travail que Jean Michel Bretonnier va vous présenter. La tâche devra être minutieuse pour que chacun sache précisément ce qu'il devra faire dans une organisation qui, idéalement, éditerait trois quotidiens papier, trois quotidiens numériques, des sites Internet plus nombreux et différents et, je l’espère, des produits papier nouveaux. Nous sommes bien sur conscients du changement majeur que représente ce projet. Pour autant, un certain nombre de fondamentaux, eux, ne doivent pas changer mais au contraire être réaffirmés aujourd’hui. C'est d'abord l'identité de chacune de nos marques, La Voix du Nord, Nord éclair et Direct Lille, lequel devra, encore mieux qu'aujourd'hui, être notre lien avec toute une partie de la population qui ne lit pas nos deux autres quotidiens. Il faudra que chaque titre affirme davantage son positionnement et comme je l'ai dit tout à l'heure, passe de la concurrence à plus de différence. Ce qui ne doit pas changer, ce sont nos missions : l'information bien entendu et toute l'exigence que nous y attachons, le service aux lecteurs qui ne consiste pas seulement à publier des horaires de cinéma mais aussi à donner du sens à ce qui nous entoure, au monde dans lequel nous vivons, enfin, l'accompagnement économique, social, culturel et sportif de notre région, troisième mais essentielle mission d'un groupe d'information et de communication comme le nôtre. Ce qui ne doit pas changer, non plus, ce sont nos valeurs. L'indépendance tant du politique que de l'économique, la défense de la démocratie et des libertés individuelles, valeurs de ceux qui ont fondé nos deux quotidiens, Nord Eclair et La Voix du Nord dont nous commémorerons le 70e anniversaire de la création le 2 avril au musée de la Résistance de Bondues. Et toutes les autres valeurs affirmées dans notre groupe. Le sens de notre action ne doit pas lui non plus changer. Il est toujours d'agir pour le « mieux vivre ensemble » dans notre région. Nous devons le faire en respectant trois grands équilibres : Le premier est celui de l'ADN de nos marques, celui de La Voix du Nord, celui de Nord Eclair, de Direct Lille. Le second est celui des attentes de nos clients, lecteurs, internautes, mobinautes. Elles évoluent aujourd'hui bien plus rapidement qu'hier et nous savons qu'ils peuvent de plus en plus trouver ailleurs ce que nous leur donnons aujourd'hui. Le troisième est celui de la performance de nos entreprises. Sans développement, une entreprise est vouée à disparaître et nous voulons contrer cette tendance lourde qui voit notre chiffre d'affaires se réduire un peu plus chaque année.

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Et nous, qui nous trouvons au centre de gravité de ce triangle, nous devons agir en respectant ces grands équilibres. C'est, je le sais, un chantier de grande ampleur que nous ouvrons ensemble aujourd'hui. Mais notre responsabilité est de tout mettre en oeuvre pour que ce qui a été construit jusqu’à présent ait un avenir dans une industrie des médias qui connaît le plus grand bouleversement de son histoire. Nous y arriverons ensemble en osant sortir de nos schémas traditionnels pour s’adapter aux nouvelles attentes de nos lecteurs, annonceurs, acheteurs et internautes. Je laisse maintenant à Jean Michel Bretonnier et Jean René Lore, le soin de vous présenter le projet auquel nous voudrions aboutir. Il est important que vous en ayez connaissance aujourd'hui pour que chacun, dans le rôle qui est le sien, puisse participer aux étapes à venir dans la réflexion et la construction de ce projet. Je vous remercie de votre attention et j'espère vous avoir fait partager notre ambition pour les années à venir. Jacques Hardoin Directeur général Groupe La Voix Lille, le lundi 21 mars 2011