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In Situ 22 (2013) La peinture murale : héritage et renouveau ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Géraldine Victoir Un modèle de piété et de charité : le décor de la chapelle seigneuriale de Lachapelle-sous-Gerberoy (Oise) et son cycle de la vie de saint Eustache ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Avertissement Le contenu de ce site relève de la législation française sur la propriété intellectuelle et est la propriété exclusive de l'éditeur. Les œuvres figurant sur ce site peuvent être consultées et reproduites sur un support papier ou numérique sous réserve qu'elles soient strictement réservées à un usage soit personnel, soit scientifique ou pédagogique excluant toute exploitation commerciale. La reproduction devra obligatoirement mentionner l'éditeur, le nom de la revue, l'auteur et la référence du document. Toute autre reproduction est interdite sauf accord préalable de l'éditeur, en dehors des cas prévus par la législation en vigueur en France. Revues.org est un portail de revues en sciences humaines et sociales développé par le Cléo, Centre pour l'édition électronique ouverte (CNRS, EHESS, UP, UAPV). ................................................................................................................................................................................................................................................................................................ Référence électronique Géraldine Victoir, « Un modèle de piété et de charité : le décor de la chapelle seigneuriale de Lachapelle-sous- Gerberoy (Oise) et son cycle de la vie de saint Eustache », In Situ [En ligne], 22 | 2013, mis en ligne le 22 novembre 2013, consulté le 19 avril 2015. URL : http://insitu.revues.org/10662 ; DOI : 10.4000/insitu.10662 Éditeur : Ministère de la culture et de la communication, direction générale des patrimoines http://insitu.revues.org http://www.revues.org Document accessible en ligne sur : http://insitu.revues.org/10662 Document généré automatiquement le 19 avril 2015. © Tous droits réservés

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Un Modele de Piete Et de Charite Le Decor de La Chapelle Seigneuriale de Lachapelle Sous Gerberoy Oise Et Son Cycle de La Vie de Saint Eustache

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  • In Situ22 (2013)La peinture murale : hritage et renouveau

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    Graldine Victoir

    Un modle de pit et de charit: ledcor de la chapelle seigneuriale deLachapelle-sous-Gerberoy (Oise) et soncycle de la vie de saint Eustache................................................................................................................................................................................................................................................................................................

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    Rfrence lectroniqueGraldine Victoir, Un modle de pit et de charit: le dcor de la chapelle seigneuriale de Lachapelle-sous-Gerberoy (Oise) et son cycle de la vie de saint Eustache, In Situ [En ligne], 22|2013, mis en ligne le 22 novembre2013, consult le 19 avril 2015. URL: http://insitu.revues.org/10662; DOI: 10.4000/insitu.10662

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    Graldine Victoir

    Un modle de pit et de charit: le dcorde la chapelle seigneuriale de Lachapelle-sous-Gerberoy (Oise) et son cycle de la viede saint Eustache

    Communication prsente lors des journes dtudes consacres lActualit de larecherche en peinture murale, organises par le muse des Monuments franais les 25 et 26

    octobre 2011, la Cit de larchitecture et du patrimoine.1 La petite glise paroissiale de Lachapelle-sous-Gerberoy, aux confins de lOise, recle

    dimportants vestiges de dcors peints (fig. n1). La minuscule chapelle (environ 3 x 3m) aunord du chur, en particulier, conserve un exceptionnel ensemble figur dont le sujet principalest un rare cycle de la vie de saint Eustache (fig. n2) (fig. n3). Btie en moellon de silex,avec chanages dangle en pierre de taille, elle a t accole un clocher plus ancien, commelindique la jonction de son mur oriental avec lancien contrefort de la tour (fig. n4). clairede deux baies, au nord et lest, elle est couverte dune vote en berceau bris en pierre datantvraisemblablement de la fin du XIIIesicle ou du XIVesicle. Le dcor, dcouvert en 1990 etdgag en 1992, est fragmentaire mais suffisant pour en restituer le programme1.Figure 1

    glise de Lachapelle-sous-Gerberoy, mai 2007, et plan (daprs Gaultier).Phot. Victoir, G. G. Victoir.

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    Figure 2

    Chapelle nord de lglise: mur occidental, septembre 2005.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    Figure 3

    Chapelle nord de lglise: mur nord, mai 2007.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    Figure 4

    Chapelle en silex, accole au nord du clocher de lglise, entre les anciens contreforts, mai 2012.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

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    2 La vote tait couverte de vingt-cinq quadrilobes toils contenant des saints sur un fond ocrerouge alternativement clair et fonc mais les infiltrations deau nen ont laiss que des vestiges(fig. n5). Except du ct sud, perc dun arc menant vers le chur, les murs taient divissen quatre registres figurs. Presque rien ne subsiste du ct oriental. Sur les murs ouest et nord,le registre infrieur est orn dune imitation de draperies accroches des tringles tenues pardes anges. Les deuxime et troisime registres, sur fond blanc, sont occups par un cycle de lavie de saint Eustache. Le registre suprieur stendait au pied de la vote, mais a subi le mmesort que les quadrilobes toils. Seules deux scnes subsistent sur le mur nord, prsentes surun fond rouge: on y reconnat un enterrement et une distribution daumnes. La partie hauteen arc bris de ce mme mur est entirement occupe par une Annonciation borde dunefrise vgtale stylise. Deux blasons peints sur les coinons de la baie nord identifiaient lescommanditaires. Enfin, sur les brasements de cette fentre, deux saintes sont entoures derinceaux et de fleurettes, dont on retrouve quelques vestiges sur les brasements de la baieorientale.Figure 5

    Chapelle nord, vote, mai 2012.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    3 Cet exceptionnel dcor a t brivement publi par P. Bonnet-Laborderie, qui la dat de lafin du XIIIe sicle ou du dbut du XIVe sicle2. Lexamen des costumes incite rvaluercette date : la femme dEustache porte une robe ajuste avec des coudires, longationsextravagantes des manches apparues dans les annes 13403 (voir fig. n20). De mme,le capuchon dEustache descendant sur les paules est comparable ceux ports dans leRoman dAlexandre dat des mmes annes (par exemple fol. 57r) http://image.ox.ac.uk/show?collection=bodleian&manuscript=msbodl2644. Les similitudes du style avec celui quiavait dj cours un demi-sicle plus tt font par ailleurs de cet ensemble un exemple de lapersistance des conventions graphiques en vigueur depuis le rgne de saint Louis5.

    4 Le peintre a travaill sur un enduit probablement appliqu la main6. Un premier cycle de lavie de saint Eustache en un seul grand registre a t dessin sur le mur. Ce premier projet at abandonn pour celui qui nous est parvenu, en deux registres, mais la perte partielle descouches picturales dfinitives a eu pour consquence de le rendre par endroit visible (voir fig.n22). Une correction similaire du dessin prparatoire nous est parvenue Landes (Charente-Maritime), o un chasseur a chang de position7, et dans la chapelle du tombeau des enfants deCharles VII la cathdrale de Tours (1323), o les dimensions de la scne de la dcollation,sur le mur oriental, ont t rduites8.

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    Les saintsFigure 6

    Dtail de la vote: le martyre de saint tienne, mai 2007.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    Figure 7

    Dtail de la vote: saint Thomas, septembre 2005.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    5 Seuls cinq des quadrilobes de la vote (voir fig. n5) sont assez bien conservs pour enidentifier les personnages. Saint tienne y est reprsent agenouill, les mains jointes,pendant sa lapidation (fig. n6), selon liconographie traditionnelle rencontre par exempleau portail occidental de la cathdrale de Bourges, vers 12409. Saint Thomas tient un livreet une lance, instrument de son martyre (fig. n7), comme sur la chape anglaise de Syonvers 1300 http://collections.vam.ac.uk/item/O93171/syon-cope-the-syon-cope/10. Andr estreprsent crucifi, la croix tourne lhorizontale (fig. n8), comme sur une peinture muralede lglise de Lavaudieu11. Lecclsiastique dcapit (fig. n9) pourrait tre saint Denis,saint Nicaise ou saint Piat, respectivement vques de Paris, Reims et Tournai, tous troiscphalophores apparaissant, par exemple, dans le Livre dimages de Madame Marie. Enfin,le martyre dun saint moiti dnud, cartant les bras et encadr de deux personnages pluspetits (fig. n10) peut tre identifi comme celui de saint Blaise corch par des peignes carder, comme dans un vitrail de la cathdrale de Poitiers http://www.medievalart.org.uk/PoitiersWindows/113b_Pages/Poitiers_Bay113b_Panel21.htm12. La prsence de nombreuxsaints dans des quadrilobes semble peu usuelle sur la vote dune chapelle.

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    Figure 8

    Dtail de la vote: saint Andr, mai 2007.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    Figure 9

    Dtail de la vote: saint cphalophore, mai 2012.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

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    Figure 10

    Dtail de la vote: saint Blaise, mai 2012.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    6 Les quadrilobes toils ont t utiliss dans diffrents media depuis le milieu du XIIIesicleenviron13, dans les vitraux (par exemple Fcamp, vers 1275)14, les faades dglises(cathdrales dAuxerre et de Rouen)15 et la peinture murale (Le Mesnil-Aubert, Manche,XIVesicle)16, mais liconographie de ces sites ninclut pas de srie de saints. Cette dispositionrappelle la chape brode de Syon, dj mentionne, dont la surface est occupe par desquadrilobes contenant la Crucifixion, le Couronnement de la Vierge et de nombreux saintshttp://collections.vam.ac.uk/item/O93171/syon-cope-the-syon-cope/, protecteurs runis sur levtement de lvque. Bien que le contexte soit diffrent, il semble que ce soit cette mmevolont dobtenir une image de lassemble cleste susceptible de protger le commanditairequi ait prsid Lachapelle-sous-Gerberoy.Figure 11

    Baie nord, brasement ouest: sainte tenant une palme, mai 2007.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    7 Deux saintes martyres tenant une palme occupent les brasements de la baie nord (fig. n11)(fig. n12). La premire, lest, doit tre sainte Barbe en raison de la tour quelle tient dansla main gauche. La seconde a perdu son attribut mais cest peut-tre sainte Catherine, souventassocie sainte Barbe. Ces saintes, isoles de leurs quivalents masculins conservs sur lavote, taient peut-tre destines protger la femme du commanditaire. Nous verrons en effetque le dcor de la chapelle reflte les intrts dun couple.

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    Figure 12

    Baie nord, brasement est: sainte Barbe, mai 2007.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    Les anges du registre infrieur8 Le registre infrieur des murs ouest et nord est occup par des tentures fictives dcores

    de mdaillons, dont les tringles sont tenues par des anges (fig. n13) (fig. n14). Des tissustaient frquemment peints en soubassement, en imitation des vritables tentures que lonavait coutume daccrocher contre les murs. Les anges, en revanche, occupent plus rarementcette fonction. Peut-tre sont-ils apparents ceux tenant un drap dhonneur derrire laVierge, courants dans la peinture italienne de la fin du XIIIe et du XIVesicle, par exempledans une uvre conserve Columbia http://www.columbiamuseum.org/art/artwork.php?colID=4617. Dans des rgions plus septentrionales, des anges tenant des livres ferms taientpeints derrire les tentures de soubassement dans la salle capitulaire de la cathdrale deWorcester au XIIIesicle18. Contemporain ou lgrement postrieur, le dcor de la chapelleSaint-tienne de labbaye de Westminster, connu par des dessins et dat entre 1350 et 1363,comprenait des anges saisissant les tentures plutt que des tringles, comme sur les peinturesitaliennes19. Un peu plus tard, la galerie de la Reine lhtel Saint-Pol Paris, probablementdcore dans les annes1360, est ainsi dcrite pas Sauval: l, de ct et dautre, quantitdanges tendoient une courtine des livres du roi20. Le peintre de Lachapelle-sous-Gerberoyconnaissait probablement une uvre rcente du nord de la France prsentant ce motif, uvrequi tmoignait de lintrt renouvel pour lart transalpin chez les peintres franais dans ledeuxime quart du XIVesicle21.

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    Figure 13

    Mur nord, registre infrieur: anges tenant les tringles dune tenture, mai 2007.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    Figure 14

    Dtail de la Figure 12: un ange, mai 2007.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    Le cycle de la vie dEustache9 La vie de saint Eustache se dployait sur les deux registres centraux. Cette lgende tait

    populaire en Orient depuis le VIIIesicle au moins, avant darriver en Occident o le manuscritle plus ancien date du Xe sicle22. Elle se diffusa largement partir du XIIIe sicle : onzeversions en vers et en prose, datant de la fin du XIIe au XVesicle, nous sont parvenues23. Lavie dEustache est galement raconte dans la Lgende dore24. Placide tait un gnral romaincouronn de succs sous le rgne de Trajan, mari et pre de deux enfants. Au cours dunechasse, il poursuit un grand cerf et se trouva isol de ses compagnons. Soudain, lanimal setourna vers lui et lui parla, une image du Christ entre les bois. Ctait la voix de Dieu qui luicommandait de se convertir et de se faire baptiser avec sa famille. Le soir mme, lvque luidonna le nom dEustache et sa femme celui de Thopiste. Lorsquil retourna voir le cerf,il apprit quil devrait traverser de nombreuses preuves pour prouver sa foi. Eustache et safamille, comme Job, perdirent tous leurs biens. Leurs domestiques et leurs animaux moururentet le reste leur fut vol. Ils senfuirent en gypte par la mer, mais le capitaine du bateau voulutgarder Thopiste en paiement et dbarqua Eustache et ses fils. Devant une rivire, Eustachedcida de faire traverser ses fils un par un. Alors quil retournait chercher le deuxime enfant,il se trouva impuissant au milieu du cours deau, voyant ses fils emports lun par un lion,

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    lautre par un loup. Eustache passa alors quinze ans travailler aux champs, convaincu quilavait perdu toute sa famille. Ses fils avaient pourtant t recueillis sparment par des paysanset des bergers. Rome, lempereur Trajan fit chercher son brillant gnral Placide. Une foisses fonctions militaires recouvres, Eustache retrouva ses fils enrls, runis par chance danslauberge o avait travaill sa femme toutes ces annes aprs avoir t libre, lhonneur sauf,par le capitaine du bateau. De retour Rome, ses titres et ses possessions recouvrs, la famillerefusa dadorer les idoles et dabjurer sa foi. Lempereur Adrien la jeta dans la fosse au lion,mais elle survcut miraculeusement. Elle subit alors le martyre dans un taureau dairain rougiau feu mais les corps, intacts, furent enterrs dignement par les chrtiens.Figure 15

    Mur ouest, 2e registre: une horde de cerfs, septembre 2005.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    Figure 16

    Mur ouest, 2e registre: un groupe de chasseurs, saint Eustache sonnant lolifant, septembre 2005.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

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    Figure 17

    Mur ouest, 2e registre: saint Eustache poursuivant un grand cerf, septembre 2005.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    Figure 18

    Mur ouest, 2e registre: saint Eustache descendu de son cheval, la flche de son arc pointe vers le cerf assis; unecroix apparat entre les bois de lanimal, septembre 2005.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    10 Le succs de cette histoire, dabord littraire, donna lieu de nombreuses images. Les cyclesconservs, excuts en Occident entre le XIe et le XIVesicle, ont rcemment t inventoris25.Seules deux autres peintures murales nous sont parvenues, en Italie (Pomposa) et Montpellier(maison des Carcassonne). Si lon excepte les vitraux de Chartres, du Mans et de Tours, toustrois plus vieux dun sicle, le cycle de Lachapelle est le plus long. Il se dveloppe douest enest, de haut en bas sur le deuxime et le troisime registre, en de nombreuses scnes dont unedouzaine est lisible. Sur le deuxime registre, on trouve sur le mur occidental: une portionde mur illisible; plusieurs cerfs dont un schappe de la horde (fig. n15); Placide sonnantlolifant et trois autres chasseurs cheval (fig. n16) ; Placide chevauchant seul, toujourssonnant lolifant, derrire le cerf (fig. n17); et Placide pied, son cheval derrire lui, pointantson arc tendu en direction du cerf qui lui fait face, une croix entre les bois (fig. n18).

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    Figure 19

    Mur nord, 2e registre: saint Eustache debout, conversant avec le cerf assis, la croix entre les bois, mai 2007.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    Figure 20

    Mur nord, 2e registre: saint Eustache revenant au galop vers sa femme, qui lattend sur le pas de la porte, septembre2005.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

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    Figure 21

    Mur nord, 2e registre: gauche, saint Eustache et sa femme reoivent du prtre les enseignements chrtiens; droite,ils se font baptiser avec leurs enfants dans des grands fonts baptismaux, mai 2012.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    Figure 22

    Mur ouest, 3e registre: la famille fuit en gypte sur un bateau. Le dessin prparatoire du premier projet ( gauche), deplus grandes dimensions, est visible sous le dcor dfinitif ( droite), septembre 2005.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    11 La squence continue sur le mur nord o Eustache debout, dialogue avec le cerf crucifre (fig.n19); Placide rentre cheval chez lui, o sa femme lattend la porte (fig. n20); Placideet sa femme agenouills devant un prtre qui les bnit (fig. n21); et la famille dans des fonts(voir fig. n21). Le prtre les baptisant tait peint sur le mur oriental mais il nen reste queles pieds. Le cours de lhistoire reprend sur le troisime registre du mur occidental: aprs unescne illisible, la famille est dans un bateau (fig. n22); Eustache et ses fils sont dbarqus(voir fig. n22); et Eustache est au milieu de la rivire, tandis que ses fils sont emports depart et dautre par une bte sauvage et simultanment sauvs (fig. n23): un homme frappe unlion avec une bche (la scne dpasse sur le mur nord) (fig. n24), tandis que son quivalenta presque entirement disparu. Sur le mur nord, les enfants sont emmens par deux hommesvers le village (fig. n25); et Eustache, aprs tre pass par une porte, accueille les missairesde Trajan, un outil agricole sur lpaule (fig. n26). La fin de lhistoire jusquau martyre devaitse trouver sur le mur oriental. Un texte aujourdhui illisible tait peint en blanc sur la banderouge de sparation des registres.

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    Figure 23

    Mur ouest, 3e registre: saint Eustache au milieu de la rivire, les bras levs de dsespoir voit ses enfants emports pardes btes sauvages (celle sa droite est trs efface, celle sa gauche est sur le mur nord, voir figure 23), mai 2007.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    Figure 24

    Mur nord, 3e registre: un enfant de saint Eustache est emport par un lion et sauv par un homme qui frappe lanimalde sa bche, mai 2007.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

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    Figure 25

    Mur nord, 3e registre: les enfants sauvs sont amens au village par les hommes (remarquez le chien la porte dela deuxime maison), septembre 2005.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    Figure 26

    Mur nord, 3e registre: saint Eustache passe travers une porte, puis accueille, un outil agricole sur lpaule, les hommesde Trajan qui le cherchent, septembre 2005.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    12 Le cycle comprend la fois les scnes habituelles de la lgende du saint et dautres scnestrs rares, voire uniques. Ainsi, la chasse est tout fait caractristique. On peut citer limagetrs connue de la cathdrale de Chartres http://www.medievalart.org.uk/Chartres/43_pages/Chartres_Bay43_Panel03.htm26 et, plus proche chronologiquement, un coffret parisien enivoire, excut vers 1325-1350, anciennement dans la collection de Hever Castle etaujourdhui dans une collection prive (fig. n27), dnomm ci-aprs le coffret dEustache27.En revanche, une caractristique notable de la peinture murale est la division de cet pisodeen trois moments successifs : la horde de cerfs (probablement prcde sur la gauche pardes chasseurs), le groupe de chasseurs, puis Eustache chassant seul le grand cerf (voir fig. n15-17). Aucun des cycles conservs ne prsente un traitement aussi gnreux de ce thme28.De la mme faon, la fragmentation de la scne de la vision est unique: Eustache menacedabord le cerf de son arc, puis semble discuter avec lui (voir fig. n18-19). En outre, lecerf nest jamais reprsent assis et Eustache nest jamais debout, mais sagenouille ailleurs

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    devant lanimal, par exemple sur le retable ponyme de labbaye de Saint-Denis29. SaintEustache nest jamais reprsent rentrant chez lui au galop (voir fig. n20) mais il apparatconversant avec sa femme juste aprs la vision sur le coffret dEustache (voir fig. n27)30.De mme, la conversion de Placide et de sa femme na pas dquivalent (voir fig. n21). Lebaptme lui-mme est en revanche un des pisodes les plus couramment reprsents. AlorsquEustache est parfois seul dans les fonts, sa famille le rejoint souvent partir du XIVesicle,par exemple dans un manuscrit du premier quart du XIVesicle http://www.bl.uk/catalogues/illuminatedmanuscripts/ILLUMINBig.ASP?size=big&IllID=985231.Figure 27

    Coffret orn de la lgende de saint Eustache (Paris, ca. 1325-1350, montants ajouts au xviiesicle). Ivoire, montantsen argent avec des grenats, 7,6 x 18,1 x 10,8 cm. The Ronalds Lauder Collection, selection from the 3rd century BCto the 20Th Century, Germany, Austria, and France. Catalogue de lexposition tenue New York, Neue Galerie, du 27oct. 2011 au 2 avril 2012.Collection prive.

    13 Les scnes manquantes sur le mur oriental reprsentaient peut-tre Eustache de retour dansla fort, apprenant du cerf les preuves quil devrait traverser, et le dpart de sa famille.Sur le mur occidental, lpisode du bateau tait divis en deux ou trois scnes (la partiegauche est perdue) (voir fig. n22), solution comparable celle adopte Chartres, bienque les scnes choisies soient diffrentes http://www.medievalart.org.uk/Chartres/43_pages/Chartres_Bay43_key.htm, scnes 13, 14, 17. La scne qui suit est tout fait caractristique:Eustache, les pieds dans leau, les bras levs en signe de dsespoir, voit ses enfantsemmens par des btes sauvages (voir fig. n23), comme dans le manuscrit Egerton http://www.bl.uk/catalogues/illuminatedmanuscripts/ILLUMIN.ASP?Size=mid&IllID=9853. Mais Lachapelle-sous-Gerberoy, les enfants sont sauvs simultanment par un paysan et un berger,de part et dautre dEustache (voir fig. n24), traitement qui apparat sporadiquement partir dumilieu du XIIIesicle, par exemple sur le retable de Saint-Denis et sur le coffret dEustache. Lascne suivante, montrant les enfants amens au village, est de nouveau unique, comme celle dusaint passant par une porte (voir fig. n25-26). Enfin, la rencontre entre Eustache et les hommesde Trajan se retrouve dans liconographie du XIVesicle, ainsi sur le coffret dEustache etle manuscrit Egerton http://www.bl.uk/catalogues/illuminatedmanuscripts/ILLUMIN.ASP?Size=mid&IllID=9854, o un champ de bl occupe larrire-plan plutt que la meule de foinqui apparat Lachapelle-sous-Gerberoy (voir fig. n26)32.

    14 Si les scnes sont aussi nombreuses que dans les vitraux, qui se prtaient particulirementbien des cycles longs, il semble peu probable quil faille chercher l un modle, car lacomposition ne reprend pas le dcoupage narratif des verrires connues. La prsence denombreuses scnes rares ou uniques permet de proposer une autre source : celle des Vies

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    littraires. Tout en adoptant les images les plus connues pour les scnes principales, le peintrea peut-tre utilis un texte pour toffer le cycle, moins quil nait eu sa disposition lesenluminures dun manuscrit aujourdhui perdu. La deuxime hypothse semble plus probable,car le coffret dEustache offre des comparaisons pour certaines scnes rares (par exempleEustache retrouvant sa femme aprs la vision) (voir fig. n27), ce qui suggre lexistenceduvres relevant dune tradition iconographique dont peu de tmoins nous seraient parvenus.En tout tat de cause, la prsence dune inscription, malheureusement illisible, courant sousles scnes peintes confirme quun lien fort existait entre le cycle et une source textuelle.

    15 Trois versions crites de la vie dEustache seront utilises ici pour comparer le texte et limage:celle compose en franais entre 1212 et 1217 par Pierre de Beauvais, sur la base duntexte plus ancien provenant de labbaye de Saint-Denis, et deux Vies en anglo-normand, laversion de Cheltenham et celle de Guillaume de Ferrires, toutes deux datant du XIIIesicle33.Dans ces trois versions, Placide part chasser avec une grande suite ; il voit ensuite unehorde de cerfs et suit le plus grand avec quelques compagnons, puis tout seul, car les autreschasseurs et chevaux sont puiss34. Cest exactement cette structure en trois moments quelon retrouve dans les premires scnes Lachapelle-sous-Gerberoy (voir fig. n15-17). Alorsquune image suffit pour voquer cet pisode dans la plupart des autres exemples, une fidlitplus stricte au texte peut expliquer le dbut du cycle peint. De mme, les images de la visionrvlent le dveloppement du texte. Placide contemple dabord le cerf perch sur un rocher, sedemandant comment latteindre, avant de remarquer la croix entre ses bois: cest la premiredes deux scnes peintes, montrant le hros tendant son arc vers lanimal, derrire lequel estsommairement dessine une butte (voir fig. n18). Lorsquil entend le cerf parler, il tombedabord la renverse, puis se redresse, lcoute et se laisse convertir35. Cest la scne dpeintesur le mur nord, o les deux personnages semblent discuter (voir fig. n19). La scne suivante,Placide chevauchant vers sa maison ne rpond qu quelques vers dans les textes36 mais, dunepart, elle illustre le choix de Placide dimpliquer sa femme dans sa conversion et, dautre part,elle cristallise un important moment de transition, celui du dbut du processus qui mnera lafamille au salut (voir fig. n20)37. La division de la conversion en deux moments reflte elleaussi scrupuleusement les textes: la famille rend visite au prtre qui lui enseigne les principeschrtiens, avant de la baptiser (voir fig. n21)38. Les textes expliquent aussi la prsence despaysans emmenant les enfants aux villages, scne inconnue dans la tradition iconographique(voir fig. n25)39.

    16 Il semble donc que le mode narratif littraire ait t assez fidlement transpos sur le mur. Il aen outre t traduit par des procds picturaux qui facilitent la comprhension et contribuent rendre lhistoire vivante et anime. Ainsi, les personnages sont le plus souvent tournsvers la droite du spectateur, indiquant le sens de lecture. Laction est souvent traduite par lemouvement, dans la scne de chasse mais aussi dans certaines scnes plus rares, qui crentune transition visuelle en prsentant des personnages se dplaant dun lieu un autre, commePlacide rentrant chez lui aprs la vision, les paysans amenant les enfants sauvs au village etEustache se dirigeant vers les missaires de Trajan. Nous sommes ainsi emmens dans unehistoire au rythme vari, parfois acclr par le mouvement, parfois ralenti par la prsence descnes statiques, comme Placide et sa femme devant le prtre avant le baptme.

    Eustache et les uvres de misricorde17 Les deux scnes conserves du registre suprieur nont jamais t correctement identifies

    (fig. n28) (fig. n29). P.Bonnet-Laborderie a propos dy voir des scnes de la vie de saintBenot, en raison de linscription saint Benet ou Benezet en blanc sur le fond rougede la scne denterrement; de plus le chapitre de Gerberoy, qui avait la collation du prtrede Lachapelle, venait une fois par an en procession la paroissiale le jour de la fte de saintMaure, disciple de saint Benot40. Pourtant ces deux scnes, denterrement et de distributiondaumnes, appartiennent aux uvres de misricorde. Celles-ci trouvent leur origine danslvangile de Matthieu (25:35-36) o Jsus, annonant le Jugement dernier, affirme que ceuxqui se sont soucis du pauvre et du malheureux auront une place au royaume de Dieu. Ildtaille six bonnes actions: nourrir laffam, abreuver lassoiff, accueillir ltranger, vtir les

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    malheureux, soigner les malades et rendre visite aux prisonniers. Ds le troisime sicle, uneseptime uvre, enterrer les morts, fut ajoute par Lactance, inspir par Tobie (1:17)41. Lethme gagna en popularit du XIIe au XIVesicle, dans un contexte de pauvret croissante42.Les images des uvres de misricorde taient souvent associes au Jugement dernier selonlvangile de Matthieu, comme on le voit sur un vitrail de la cathdrale de Strasbourg43.Figure 28

    Mur nord, registre suprieur: saint Eustache et sa femme commandant lenterrement dun pauvre, septembre 2005.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    Figure 29

    Mur nord, registre suprieur: saint Eustache et sa femme donnant laumne un estropi, mai 2012.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    18 Lachapelle-sous-Gerberoy, les illustrations des uvres de misricorde prsentent descaractristiques dignes dattention. Lhomme qui ordonne lenterrement est un noble,reconnaissable sa coiffure, sa longue robe et la faon dont il tient ses gants, mais il est aussisaint, puisquil est nimb (voir fig. n28). Il est accompagn de deux personnages dont unefemme. Les deux clercs prparant lenterrement ne sont pas nimbs une raison majeurede ne pas les identifier saint Benot et saint Maur. Linscription est aujourdhui en partierecouverte de sels et na pu tre lue44. Dans la scne de laumne, le mme saint en roberouge et chaperon blanc est accompagn dune femme vtue de la mme robe jaune (voirfig. n29). Il ne sagit donc pas de la reprsentation gnrique des uvres de misricorde,mais dun saint et de sa femme les accomplissant, dans ce contexte certainement Eustacheet Thopiste. Le reste du registre, sur les reins de la vote, tait probablement consacr lasrie entire. Les Vies littraires, encore une fois, donnent lexplication de ces images : la

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    raison pour laquelle Dieu a choisi doffrir la foi chrtienne Eustache rside dans sa pratiquergulire des uvres de misricorde45. Alors que les Vies numrent les bonnes actions, laLgende dore, plus synthtique, mentionne simplement que Placide tait trs assidu dans lesuvres de misricorde et que sa femme tait misricordieuse46. Le sujet revient plus tarddans le texte lorsque Dieu, parlant Placide travers le cerf, lui dit quil a reu ses aumnes47,rfrence directe lvangile de Matthieu (25:40) dans laquelle le Seigneur affirme que toutecharit faite aux pauvres lui est faite personnellement. Le texte exprime donc clairement queDieu considrait la bonne conduite de Placide et de sa femme comme la cl de leur salut. Pourlhomme mdival, habitu aux sermons louant les uvres de misricorde comme un moyendatteindre le paradis48, le texte des Vies ne prsentait aucune ambigut.

    19 Peu duvres dart ont traduit cet aspect essentiel de la vie dEustache, peut-tre parce que,expression de la charit du couple plutt quvnement spcifique, il entrait difficilement dansun dveloppement narratif. Pourtant, sur le coffret dEustache, la distribution daumnes uninfirme est insre juste avant le baptme, comme sil sagissait de sa justification (voir fig.n27). Ces remarques confirment que ce coffret relve de la mme tradition iconographiqueque le cycle peint, tradition qui entretenait un lien fort avec un texte.

    20 Lachapelle-sous-Gerberoy, les uvres de misricorde ont t traites sparment de la viedEustache. Dune part, elles pouvaient tre assimiles la narration, puisquon y retrouvaitles protagonistes, dcrits comme dans les Vies littraires avant leur conversion. Dautre part,places sur le registre suprieur, juste au-dessous de lassemble de saints occupant le berceaubris, et diffrencies du reste du cycle par la couleur rouge du fond quelles partagentavec lAnnonciation au sommet du mur mord, elles taient visuellement lies au divin. Lasrie peut tre lue comme un comportement exemplaire, un modle, un guide des actionsquun noble et sa femme doivent entreprendre pour suivre la volont de Dieu et gagnerune place au paradis. Le lien de causalit entre la charit et le salut de lme est exprimsans ambigut dans les manuscrits du Breviari dAmor: sept uvres de misricorde taientsuivies dune vignette reprsentant lme de lhomme zl emmene par des anges, intitulela rcompense de lhomme bon qui a accompli les uvres de misricorde http://www.e-corpus.org/notices/100491/gallery/, image 1549.

    21 Lachapelle-sous-Gerberoy, la composition et le choix des couleurs quilibrent les deuxniveaux de lecture du registre, le premier li la narration de la vie de saint Eustache, le secondproposant le chemin suivre pour gagner le ciel.

    22 Quand les uvres de misricorde fournissaient lexemple de la charit, les aventuresdEustache offraient un idal de foi toute preuve, particulirement adapt laristocratiedu milieu du XIVe sicle. La perte de ses biens et de sa famille ntait pas un vnementimpossible pour un noble au Moyen ge et suscitaient aisment lmotion et lempathie.Par ailleurs, la chasse dEustache fait cho une des activits favorites de la noblesse, lachasse au cerf, divertissement qui lui tait rserv50. Ce thme tait un dcor apprci dansles demeures nobles, tel le chteau du Vaudreuil, dont les peintures excutes en 1349-1356pour le roi Jean le Bon sont connues par des textes51. Un autre saint, Julien lhospitalier,prsente de nombreuses similitudes avec Eustache: lac et mari, il aimait chasser et a connude nombreuses preuves. Un cycle de la vie de saint Julien peint dans une maison forte Largny-sur-Automne (Aisne) est comparable celui de saint Eustache Lachapelle-sous-Gerberoy, il rsulte aussi de la commande dun noble peut-tre assez modeste, mme sil sagitdune demeure plutt que dune chapelle52. Seul le dbut du cycle est prserv, mais on yretrouve la division dun unique pisode de chasse en plusieurs scnes, comme Lachapellehttp://www.cg49.fr/culture/peintures_murales/medias/pdf/geraldine_victoir.pdf, (voir fig. n2, n4).

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    LAnnonciationFigure 30

    Mur nord, lAnnonciation, septembre 2005.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    23 Une monumentale Annonciation est loge au sommet du mur nord (fig. n30). Gabriel,agenouill, bnit la Vierge dune main et tient de lautre un long phylactre qui sincurvevers elle. Spare de lange par un vase de lis, la Vierge debout tient un livre et a un lgermouvement de recul. Limage tmoigne de la connaissance de types iconographiques qui ontfait leur apparition dans les dernires annes du XIIIesicle en Italie et quelques annes plustard en Europe septentrionale. Ainsi, le motif du lis, qui semble prendre sa source dans un textede saint Bernard le comparant la virginit de Marie (inviolabile castitatis lilium), apparutlune des premires fois dans lAnnonciation de la mosaque de Cavallini Santa Maria deTrastevere dans les annes 1290 http://it.wikipedia.org/wiki/File:Pietro_Cavallini_013.jpg53,tandis quun vase de fleurs (gnriques) tait employ presque simultanment dansliconographie septentrionale54. Alors quauparavant la Vierge tenait gnralement un fuseau,elle porte souvent un livre partir de cette poque, peut-tre sous linfluence dcritscontemporains comme ceux du Pseudo-Bonaventure, qui narrait quelle tait en train de lirela prophtie dIsae lorsquelle reut la visite de Gabriel55. La position agenouille de langefit son apparition quelques annes plus tard en Italie: la peinture de Giotto dans la chapelleScrovegni de Padoue (ca.1303-1305) http://it.wikipedia.org/wiki/File:Giotto_-_Scrovegni_-_-14-_-_The_Angel_Gabriel_Sent_by_God.jpg est traditionnellement considre comme leplus ancien exemple, l aussi sous linfluence dcrits franciscains soulignant le respectexprim par Gabriel, sinclinant devant Marie56. Le motif ne pntra quune vingtainedannes plus tard en France : lexemple la fois le plus clbre et le plus prcoce estdans le Livre dHeures de Jeanne dEvreux, enlumin par Pucelle vers 1325-1328 http://www.metmuseum.org/toah/works-of-art/54.1.257, qui atteste de la connaissance prcise dupeintre de la peinture siennoise, sans dsaveu de ses racines septentrionales58. Langeagenouill fut par la suite progressivement adopt dans le nord, par exemple dans les Heuresde Jeanne de Navarre enlumines par Jean le Noir (1336-1349)59 et sur le portail de la Viergede la cathdrale de Meaux (1336-1345)60. LAnnonciation de la Lachapelle-sous-Gerberoytmoigne dune connaissance de ces motifs italiens, qui sont peu peu assimils par lart dunord de la France dans les annes1330. Le peintre de Lachapelle montre donc une attentionparticulire aux nouveauts de lart figuratif contemporain, attitude dj remarque pour leregistre infrieur. Nanmoins, comme Meaux, la principale innovation italienne de lpoque,un cadre architectural utilisant la perspective, est absente. Alors quelle avait t assimilepar Pucelle grce une connaissance directe des uvres siennoises, elle ne semble pas avoirintress la plupart des peintres et sculpteurs septentrionaux avant plusieurs dcennies.

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    24 Au cours du deuxime quart du XIVesicle lAve maria tend se gnraliser en raison desa prsence dans les Heures de la Vierge, composante indispensable des livres dheures,mais aussi de pratiques dvotionnelles telles que la rcitation de lAngelus, prire rpondantchaque soir lappel de la cloche. En 1327, cette pratique fut associe une indulgencepar le pape Jean XXII. En examinant les inscriptions dun grand nombre dAnnonciation duMoyen ge, Van Dijk a montr que cette image tait associe la prire plutt quau textebiblique. Alors que dans lvangile de Luc (1:28-29), la salutation commence par les motsAve, gratia plena, le nom de Marie tait insr dans la prire : Ave Maria, gratia plena.Cest cette dernire formule que lon trouve dans les images61. Le fidle pouvait joindre seslouanges celles de lange, une ide parfaitement illustre par lAnnonciation des Heures deJeanne dEvreux http://www.metmuseum.org/toah/works-of-art/54.1.2: non seulement langetient un phylactre avec les mots Ave Maria, mais la commanditaire, Jeanne dvreux, estreprsente lisant agenouille probablement rcitant la prire dans linitiale situe juste en-dessous62. LAnnonciation tait donc particulirement bien adapte un destinataire lac, parexemple dans les livres dheures ou les chapelles prives. Lachapelle-sous-Gerberoy, lesdimensions et lemplacement de lAnnonciation, excluant toute dimension narrative, plaidentpour cette fonction dimage de dvotion, mme si aucune inscription nest visible sur lephylactre.

    Les commanditaires25 Des deux blasons peints dans les coinons de la baie nord, seul celui de gauche est lisible mais

    non identifi par les armoriaux publis; il semble blasonn dhermine, et porte trois losanges(fig. n31)63. Une recherche dans les armoriaux publis na pas permis de les identifier64. Lesarchives sont galement silencieuses sur les commanditaires de la chapelle. En revanche, sixtextes dats de 1238 et 1241 ont trait des ventes et donations de terres au chapitre de Saint-Pierre de Gerberoy par Johannes de Capella65. Une autre vente au chapitre par Adam de laChapelle et sa femme eut lieu en 127066. Pillet mentionne parmi les bienfaiteurs du chapitre auXIIIesicle Guillaume de la Chapelle et ses quatre enfants (Jean, Nicolas, Aelidis et Pierre),ainsi quAubert de la Chapelle, sans date67. Selon un mmoire manuscrit dat de 1684, lesseigneurs possdaient la dme au XIIIesicle et le plus ancien titre mentionnant le cur de laChapelle est de lan1238. Ce cur est probablement Pierre de la Chapelle, fils de Guillaume dela Chapelle, chevalier68. Enfin, lobituaire du XVIIesicle de lglise de Lachapelle, reconstitupar le prtre aprs la destruction de loriginal partir de divers documents, mentione unGuillaume de la Chapelle, chevalier en 1215 et Jean de la Chapelle, qui vivait en 163869.Figure 31

    Mur nord, coinon de la baie: un blason, dhermine trois losanges, mai 2007.Phot. Victoir, G. G. Victoir.

    26 Bien quaucun de ces personnages nait vcu au XIVesicle, on peut supposer que ce sont desmembres de cette mme famille qui construisirent et firent dcorer la chapelle seigneuriale auXIVesicle. La prsence des deux blasons et liconographie permettent en tout cas de suggrer

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    quil sagissait dun couple. On a vu que le cycle dEustache, homme lac et mari, tait tout fait adapt dans ce contexte, particulirement en raison de lampleur que prenait le registredu saint accomplissant les uvres de misricorde avec sa femme. En outre, les saintes sur lesbrasements de la baie nord laissent supposer une prsence fminine.

    Conclusion27 Le dcor de la chapelle seigneuriale Lachapelle-sous-Gerberoy est un exemple loquent du

    got lac au milieu du XIVesicle, mme en labsence didentification des commanditaires.Son iconographie riche associe des saints, des saintes et une monumentale Annonciation,support visuel de la dvotion, un cycle de la vie de saint Eustache exceptionnel plusieurstitres. Dune ampleur sans gal, pour lheure, en peinture murale, il combine des scnes rares etuniques dautres plus conventionnelles, selon des modalits qui laissent deviner un lien fortavec un texte. Surtout, linclusion unique dun registre entier ddi aux uvres de misricordede saint Eustache et de sa femme, qui se distingue par son fond rouge, traduit laccent mis surla porte morale et exemplaire du cycle. Ce message tait dautant mieux transmis quil taitli des thmes ludiques (la chasse) et capables dmouvoir (la perte des enfants) susceptiblesde susciter lempathie chez un couple lac. Le cycle proposait donc un exemple frappant, unguide de bonne conduite et de foi, en lien avec une vie pieuse et charitable potentiellementrcompense au jour du Jugement dernier.

    Notes

    1 - GAULTIER, G. Sondages raliss dans lglise de Lachapelle-sous-Gerberoy (Oise) du 12 novembreau 19 novembre 1990 (rapport indit); BONNET-LABORDERIE, Pierrette. Les peintures murales duXIIie - XIve sicle de lOise. Dans Lart gothique dans lOise et ses environs. Beauvais: GEMOB,2001, p.295-310. Malheureusement, les peintures se sont rapidement dgrades depuis. On observe desefflorescences de sel, de la mousse en partie basse et lenduit semble infest dinsectes.2 - BONNET-LABORDERIE, Pierrette. Les peintures murales du XIIie - XIve sicle de lOise. DansLart gothique dans lOise et ses environs. Beauvais: GEMOB, 2001, p.301-305.3 - Sur cette mode: NEWTON, Stella Mary. Fashion in the Age of the Black Prince. A Study of theYears 1340 - 1365. Woodbridge, Totowa (New Jersey): Boydell Press, Rowman & Littlefield, 1980,p.9; BLANC, Odile. Parades et parures. Linvention du corps la fin du Moyen ge. Paris: Gallimard,1997, p.30-31; NETHERTON, Robin. The Tippet: Accessory after the Fact?. Dans NETHERTON,Robin, OWEN-CROCKER, Gale. Medieval Clothing and Textile. Woodbridge: Boydell Press, 2005,p.115-132.4 - Oxford, Bodleian Library, ms. Bod. 264. JAMES, M. R. The romance of Alexander. A collotypeFacsimile of Ms. Bodley 264. Oxford: Clarendon Press, 1933.5 - ce sujet : GABORIT, Jean-Ren. LArt au temps de Philippe le Bel et de ses fils . DansGABORIT-CHOPIN, Danielle. Lart au temps des rois maudits: Philippe le Bel et ses fils, 1285-1328.Paris: Runion des Muses nationaux, 1998, p.26-31.6 - GAULTIER, G. Sondages raliss dans lglise de Lachapelle-sous-Gerberoy (Oise) du 12 novembreau 19 novembre 1990 (rapport indit). Il contient une forte proportion dargiles (environ 35%).7 - DESCHAMPS, Paul, THIBOUT, Marc. La peinture murale en France au dbut de lpoque gothique,de Philippe-Auguste la fin du rgne de Charles V (1180-1380). Paris: CNRS, 1963, p.165 et pl.IX.8 - TERRIER-FOURMY, Brnice. Voir et croire: Peintures murales mdivales en Touraine. Tours:CLD, 2002, p.106-107.9 - SAUERLNDER, Willibald. Gothic Sculpture in France, 1140-1270. Londres: Thames and Hudson,1972, p.504-505.10 - Conserve au V&A Museum, Londres: CHRISTIE, A. G. I. English Medieval Embroidery. Oxford:Clarendon Press, 1938, n75, p.142-148, pl.XCVI. Thomas est parfois galement reprsent avec unepe. La Lgende dore prcise quil a t tu par lpe, mais quIsidore pense quil a t tu par unelance, prsentant ainsi les deux versions au lecteur: VORAGINE, Jacques de. La lgende dore. Paris:Gallimard, 2004, p.48.11 - COURTILL, Anne. Histoire de la peinture murale dans lAuvergne du Moyen ge. Brioude :Watel, 1983, p.127. Liconographie du martyre de saint Andr a vari au cours du Moyen ge mais cestcette forme qui prvaut aux XIIIe et XIVe sicles. Voir RAU, Louis. Iconographie de lart chrtien.Paris: Presses universitaires de France, 1955-1959, t.I-1, p.76-84.

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    12 - Tous mes remerciements vont aux membres du GRPM et tout particulirement Christian Davypour mavoir suggr cette interprtation lors dun voyage dtude en mai 2012.13 - Sur lapparition de la variante particulire du quadrilobe toil : DAUSSY, Stphanie Diane,TIMBERT, Arnaud. Les portails de la cathdrale de Noyon: la sculpture du XIIIesicle. Les cahiersde lHistoire de lArt, 2013, 11, paratre.14 - GRODECKI, Louis, BRISAC, Catherine. Gothic Stained Glass, 1200-1300. Ithaca, New York:Cornell University Press, 1985, p.150.15 - Sur Auxerre: NORSTRM, Folke. The Auxerre Reliefs. A Harbiger of the Renaissance in Franceduring the Reign of Philip le Bel. Uppsala : Almquist & Wiksell International, 1974 ; sur Rouen :SCHLICHT, Markus. La cathdrale de Rouen vers 1300. Caen: Socit des Antiquaires de Normandie,2005, p.203-242.16 - DIDIER, Marie-Hlne. Les peintures murales de la Manche. 40 ans dtudes et de restaurations.Collection Patrimoine, ca.1999, p.66-73.17 - Columbia (South Carolina), Museum of Art, uvre date vers 1275-1285 (?) et attribue au Maestrodi Vicchio a Rimaggio par TARTUFERI, Angelo. La pittura a Firenze nel duecento. Florence: AlbertoBruschi, 1990, fig.226; date vers 1290 et attribue Deodato Orlandi sur le site du muse de Columbia.18 - PARK, David. Survey of the Medieval and Later Polychromy of Worcester Cathedral: A Report forthe Dean and Chapter (Rapport indit du Courtauld Institute of Art). Londres, 1997, n25.19 - MARTINDALE, Andrew. St Stephens Chapel, Westminster, and the Italian Experience. DansBUCKTON, David, HESLOP, T. A. Studies in Medieval Art and Architecture presented to Peter Lasko.Phoenix Mill et al.: Alan Sutton, the Trustees of the British Museum, 1994, p.102-112.20 - SAUVAL, Henri. Histoire et recherches des antiquits de la ville de Paris. Paris: Charles Moette,Jacques Chardon, 1724, t.II, p.281. Voir aussi BOURNON, Fernand. Lhtel royal Saint-Pol Paris.Mmoires de la Socit de lHistoire de Paris et lle-de-France, 6, 1879, p.54-179, particulirementp.98.21 - ce sujet, voir par exemple: AVRIL, Franois. Lenluminure la cour de France au XIve sicle.Paris: Chne, 1978, p.10-11.22 - Sur les origines et les sources de la lgende de saint Eustache, voir: MEYER, Paul. Les lgendeshagiographiques. Histoire littraire de la France, 1906, 33, p.329-459; MONTEVERDI, Angelo.La leggenda di S. Eustachio. Studi medievali, 1909-1910, 3, p.169-229 et 392-498; HEFFERNAN,Thomas. An Analysis of the Narrative Motifs in the Legend of St Eustace. Medievalia et Humanistica,1975, 6, p.63-89; MANHS-DEREMBLE, Colette, DEREMBLE, Jean-Paul. Les vitraux narratifs dela cathdrale de Chartres. Paris: Le lopard dOr, 1993, p.91-96.23 - MANHS-DEREMBLE, Colette, DEREMBLE, Jean-Paul. Les vitraux narratifs de la cathdralede Chartres. Paris : Le lopard dOr, 1993, p. 91-94. Voir pour une liste des manuscrits existants :MEYER, Paul. Les lgendes hagiographiques. Histoire littraire de la France, 1906, 33, p.329-459 ;MONTEVERDI, Angelo. La leggenda di S. Eustachio. Studi medievali, 1909-1910, 3, p.169-229 et392-498, particulirement p.396-445. Pour leur dition: PETERSEN, Holger. Trois versions inditesde la Vie de saint Eustache en vers franais. Romania, 1922, 48, p.365-402 (avec une liste des ditions cette date p.365); PETERSEN, Holger. Trois versions indites de la Vie de saint Eustache en versfranais, II. Romania, 1925, 51, p.363-396; Idem, Romania, 1926, 52, p.37-74.24 - VORAGINE, Jacques de. La lgende dore. Paris: Gallimard, 2004, p.881-888 (chapitre 157).25 - GOLDEN, Judith. Images of Instruction, Marie de Bretagne, and the Life of St. Eustaceas Illustrated in British Library Ms. Egerton 745 . Dans HOURIHANE, Colum. Insights andInterpretations : Studies in Celebration of the eighty-fifth anniversary of the Index of Christian Art.Princeton: Index of Christian Art, Princeton University Press, 2002, p.60-84. La liste de 22 manuscrits,vitraux, peintures murales, objets en ivoire et sculptures du XIe au XIVesicle nest malheureusementpas dpourvue derreurs. Ainsi, le coffret du V&A Museum ne correspond pas au n1248 de Koechlin(1924), qui concerne un cor de chasse dcor des scnes du saint. Koechlin ne connaissait pas lecoffret, actuellement visible sur le site du muse: http://collections.vam.ac.uk/item/O312887/casket/.Mes remerciements vont Glyn Davis (V&A Museum) pour mavoir aide dans cette qute. Par ailleurs,il faut ajouter la liste de Golden le cycle peint dcouvert Montpellier en 1999 et dat de la fin duXIIIesicle environ (SOURNIA, Bernard, VAYSSETTES, Jean-Louis. La grand-chambre de lhostaldes Carcassonne Montpellier . Bulletin Monumental, 2002, 160, 1, p. 121-131). Il en reste cinqscnes, situes dans la partie suprieure des murs de la grand-chambre de lhostal des Carcassonne, delApparition du Christ dans les bois du cerf aux enfants enlevs par des animaux sauvages.26 - MANHS-DEREMBLE, Colette, DEREMBLE, Jean-Paul. Les vitraux narratifs de la cathdralede Chartres. Paris: Le lopard dOr, 1993, p.43, 262-263.27 - RANDALL, R. H. The Golden Age of Ivory. Gothic Carvings in North American Collections. NewYork: Hudson Hills Press, 1993, p.121-122.

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    28 - Seul le vitrail du Mans (milieu du XIVe sicle) prsente deux scnes pour la chasse, Eustachesonnant lolifant dans la premire, et pourchassant le cerf dans la seconde. Les Vitraux du Centre etdes Pays de la Loire. Paris: CNRS, 1981, p.249, et http://www.medievalart.org.uk/LeMans/102_pages/LeMans_Bay102_Key.htm, scnes C1 et B1.29 - LE POGAM, Pierre-Yves. Les premiers retables (XIIe - dbut du XVe sicle). Une mise en scne dusacr. Cat. expo. Paris, Milan: Muse du Louvre, Officina Libraria, 2009, p.245.30 - Cette scne ne doit pas tre confondue avec la vision de Thopiste prsente dans certains cycles,par exemple dans le vitrail dErfurt, vers 1375-1380 (DRACHENBERG, Erhard. Die mittelalterlicheGlasmalerei im erfurter Dom. Berlin, Vienna, Cologne, Graz: Akademie-Verlag, Hermann Bhlaus,1980, p.304-312). L, la vision est matrialise par lapparition dun ange, alors qu Lachapelle-sous-Gerberoy, Thopiste au seuil de la porte est tourne vers son mari.31 - British Library, Egerton 745. Sur ce manuscrit : GOLDEN, Judith. Images of Instruction,Marie de Bretagne, and the Life of St. Eustace as Illustrated in British Library Ms. Egerton 745 .Dans HOURIHANE, Colum. Insights and Interpretations : Studies in Celebration of the eighty-fifthanniversary of the Index of Christian Art. Princeton: Index of Christian Art, Princeton University Press,2002, p.60-84; sur le baptme de la famille, voir le tableau synthtique p.75.32 - BONNET-LABORDERIE, Pierrette. Les peintures murales du XIIie - XIve sicle de lOise.Dans Lart gothique dans lOise et ses environs. Beauvais: GEMOB, 2001, p.295-310, particulirementp.304, o une autre interprtation est propose pour cette scne et celle dEustache retrouvant les siens.33 - Sur le premier texte, voir FISHER, John. La Vie de saint Eustache par Pierre de Beauvais. TheRomanic Review, 1917, 8, 1, p.1-67; sur le deuxime, PETERSEN, Holger. Trois versions inditesde la Vie de saint Eustache en vers franais. Romania, 1922, 48, p.365-402 ; et sur le troisime,PETERSEN, Holger. Trois versions indites de la Vie de saint Eustache en vers franais, II. Romania,1925, 51, p.363-396. Lautre Vie publie en 1926 par Petersen, daprs un manuscrit du XVesicle copisur un autre plus ancien provenant du nord de la France, diffre dans les dtails des trois autres, ainsi quedu cycle peint de Lachapelle-sous-Gerberoy (PETERSEN, Holger. Trois versions indites de la Vie desaint Eustache en vers franais, III. Romania, 1926, 52, p.37-74).34 - FISHER, John. La Vie de saint Eustache par Pierre de Beauvais. The Romanic Review, 1917, 8,1, p.12-13, v.129-158; PETERSEN, Holger. Trois versions indites de la Vie de saint Eustache envers franais. Romania, 1922, 48, p.373, v.125-152; Idem, Romania, 1925, 51, p.377-378, v.65-80.35 - FISHER, John. La Vie de saint Eustache par Pierre de Beauvais. The Romanic Review, 1917, 8,1, p.14-18, v.170-288; PETERSEN, Holger. Trois versions indites de la Vie de saint Eustache envers franais. Romania, 1922, 48, p.373-375, v.157-314 et p.379, v.573-614; PETERSEN, Holger.Trois versions indites de la Vie de saint Eustache en vers franais, II. Romania, 1925, 51, p.378-380,v.85-162.36 - FISHER, John. La Vie de saint Eustache par Pierre de Beauvais. The Romanic Review, 1917, 8,1, p.21, v.308-310; PETERSEN, Holger. Trois versions indites de la Vie de saint Eustache en versfranais. Romania, 1922, 48, p.379, v.615-624; Idem, Romania, 1925, 51, p.380, v.163-164.37 - Sur linterprtation de cet pisode, voir HEFFERNAN, Thomas. An Analysis of the NarrativeMotifs in the Legend of St Eustace. Medievalia et Humanistica, 1975, 6, p.63-89, particulirementp.77.38 - FISHER, John. La Vie de saint Eustache par Pierre de Beauvais. The Romanic Review, 1917, 8,1, p.20, v.356-382; PETERSEN, Holger. Trois versions indites de la Vie de saint Eustache en versfranais. Romania, 1922, 48, p.380, v.651-698; Idem, Romania, 1925, 51, p.380, v.180-188.39 - FISHER, John. La Vie de saint Eustache par Pierre de Beauvais. The Romanic Review, 1917, 8,1, p.31, v.705-708; PETERSEN, Holger. Trois versions indites de la Vie de saint Eustache en versfranais. Romania, 1922, 48, p.385, v.1065-1068; Idem, Romania, 1925, 51, p.385, v.389-398.40 - BONNET-LABORDERIE, Pierrette. Les peintures murales du XIIie - XIve sicle de lOise. DansLart gothique dans lOise et ses environs. Beauvais: GEMOB, 2001, p.301-304.41 - Lexikon der christlichen Ikonographie. Rome, Freiburg im Breisgau et al.: Herder, 1968-1976, t.1,col.245; VICAIRE, M.-H. La place des uvres de misricorde dans la pastorale en pays dOc.Dans Assistance et Charit, Cahiers de Fanjeaux 13. Toulouse: Privat, 1978, p.21-44, particulirementp.23-29; VAN BHREN, Ralf. Die Werke der Barmherzigkeit in der Kunst der 12. - 18. Jahrhunderts.Zum Wandel eines Bildmotivs vor dem Hintergrund neuzeitlicher Rhetorikrezeption. Hildesheim, Zrich,New York: Georg Olms, 1998, p.25-26.42 - VAN BHREN, Ralf. Die Werke der Barmherzigkeit in der Kunst der 12. - 18. Jahrhunderts. ZumWandel eines Bildmotivs vor dem Hintergrund neuzeitlicher Rhetorikrezeption. Hildesheim, Zrich, NewYork: Georg Olms, 1998, p.37.43 - BEYER, Victor. La cathdrale de Strasbourg. Paris: La bibliothque des arts, 1970, p.482-493.

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    44 - Les lettres qui apparaissent sur la photographie publie par P. Bonnet-Laborderie, sur lesquelles lespeintures sont en meilleur tat, semblent diffrentes.45 - FISHER, John. La Vie de saint Eustache par Pierre de Beauvais. The Romanic Review, 1917,8, 1, p.11, v.83-94 ; PETERSEN, Holger. Trois versions indites de la Vie de saint Eustache envers franais. Romania, 1922, 48, p.372, v.75-88 et p.373, v.177-184; idem, Romania, 1925, 51,p.376-377, v.24-34; Idem, Romania, 1926, 52, p.52, v.12-13.46 - VORAGINE, Jacques de. La lgende dore. Paris: Gallimard, 2004, p.881.47 - FISHER, John. La Vie de saint Eustache par Pierre de Beauvais. The Romanic Review, 1917, 8,1, p.15, v.218-222; PETERSEN, Holger. Trois versions indites de la Vie de saint Eustache en versfranais. Romania, 1922, 48, p.374, v.247-250; Idem, Romania, 1925, 51, p.379, v.117-118.48 - MOLLAT, Michel. Les pauvres au Moyen ge. Paris: Hachette, 1978, p.134; VAN BHREN, Ralf.Die Werke der Barmherzigkeit in der Kunst der 12. - 18. Jahrhunderts. Zum Wandel eines Bildmotivsvor dem Hintergrund neuzeitlicher Rhetorikrezeption. Hildesheim, Zrich, New York : Georg Olms,1998, p.27-29.49 - Ainsi pour le manuscrit British Library Royal 19 C I, fol. 80-80v. Voir ce sujet : BOTANA,Federico. Virtuous and Sinful Uses of Temporal Wealth in the Breviari dAmor of Matfre Ermengaud(Ms Bl Royal 19.C.I) . Journal of the Warburg and Courtauld Institutes, 2004, 67, p. 49-80,particulirement p.59-62. Cest le manuscrit de la Bibliothque nationale de Russie, MC. Prov. F. V.IV.1, fol. 52, datant de la fin du XIIIesicle, qui est illustr ici.50 - GARDELLES, Jacques. La chasse dans larchitecture et le dcor des chteaux au Moyen ge.Dans CHASTEL, Andr. Le chteau, la chasse et la fort. Bordeaux: Sud-Ouest, 1990, p.129-139.51 - JUHEL, Vincent. Le chteau mdival du Vaudreuil (Eure) et ses peintures murales duXIVesicle. Dans Vivre dans le Donjon au Moyen ge. Vendme: Cherche-Lune, 2005, p.135-141.52 - Sur ce dcor, voir : VICTOIR, Graldine. Profane ou religieux? Le choix des sujets dans lesdemeures de lacs et decclsiastiques en Picardie au XIVesicle. Dans Les peintures murales dansla demeure, 2007 : http://www.cg49.fr/culture/peintures_murales/medias/pdf/geraldine_victoir.pdf.VICTOIR, Graldine. La camera comme un lieu privilgi du religieux dans la demeure de lacs:lapport de la peinture murale . Dans HECK, Christian. Thmes religieux et thmes profanes danslimage mdivale: transferts, emprunts, oppositions, paratre.53 - BRAUNFELS, Wolfgang. Die Verkndigung. Dsseldorf : Schwann, 1949, p. XIII. Sur cesmosaques et pour une rvaluation de leur date, voir TOMEI, Alessandro. Pietro Cavallini. CiniselloBalsamo (Milano): Silvana Editoriale, 2000, p.23-51.54 - ROBB, David. The Iconography of the Annunciation in the Fourteenth and Fifteenth Centuries.The Art Bulletin, 1936, 18, 4, p.480-526, particulirement p.482.55 - ROBB, David. The Iconography of the Annunciation in the Fourteenth and Fifteenth Centuries.The Art Bulletin, 1936, 18, 4, p.482-485.56 - ROBB, David. The Iconography of the Annunciation in the Fourteenth and Fifteenth Centuries.The Art Bulletin, 1936, 18, 4, p. 485 ; SCHILLER, Gertrud. Iconography of Christian Art. Vol. 1 :Christs Incarnation, Childhood, Baptism, Temptation, Transfiguration, Works and Miracles. Londres:Lund Humphries, 1972, p.47.57 - New York, Metropolitan Museum of Art, The Cloisters Collection, 54.1.2, fol. 16. Sur Pucelle et lesHeures de Jeanne dEvreux, voir par exemple MORAND, Kathleen. Jean Pucelle. Oxford: ClarendonPress, 1962 ; HAMBURGER, Jeffrey. The Waddesdon Psalter and the Shop of Jean Pucelle .Zeitschrift fr Kunstgeschichte, 1981, 44, 3, p.243-257; KRIEGER, Michaela. Die "Heures de JeannedEvreux" und das Pucelle-Problem. Wiener Jahrbuch fr Kunstgeschichte, 1989, 42, p.101-132.58 - ROBB, David. The Iconography of the Annunciation in the Fourteenth and Fifteenth Centuries.The Art Bulletin, 1936, 18, 4, p.493, 500; AVRIL, Franois. Lenluminure la cour de France auXIVesicle. Paris: Chne, 1978, p.14-15, 44.59 - BnF, nouv. acq. lat. 3145, STERLING, Charles. La peinture mdivale Paris, 1300-1500. Paris:Bibliothque des Arts, 1987, p.104-106.60 - KURMANN, Peter, KURMANN-SCHWARZ, Brigitte. Das mittlere und sudliche Westportal derKathedrale von Meaux: Reprsentanten der Pariser Plastik aus dem zweiten Viertel des 14. Jahrhundertsund ihr politischer Hintergrund. Zeitschrift fr Schweizerische Archaologie und Kunstgeschichte, 1986,43, 1, p.37-57, particulirement p.47-49.61 - VAN DIJK, Ann. The Angelic Salutation in Early Byzantine and Medieval AnnunciationImagery. The Art Bulletin, 1999, 81, 3, p.420-436.62 - VAN DIJK, Ann. The Angelic Salutation in Early Byzantine and Medieval AnnunciationImagery. The Art Bulletin, 1999, 81, 3, p.422.

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    63 - BONNET-LABORDERIE, Pierrette. Les peintures murales du XIIie - XIve sicle de lOise. DansLart gothique dans lOise et ses environs. Beauvais: GEMOB, 2001, p.302, a suggr de lire galementune bordure or, mais il semble plus probable quil sagisse du contour jaune du blason, blanc sur fondblanc. Notons que linterprtation des maux est ici hasardeuse, tant donn que le peintre navait quedes tons ocre sa disposition. Cest pourquoi nous ne mentionnons pas celui des losanges (qui sont enfait jaune cerns de rouge).64 - Le blason dun seigneur anonyme du Beauvaisis, list dans larmorial Wijnbergen, est similairemais il est bris dun lambel et le fond est dargent plutt que dhermine. Un autre prsente lamme charge mais des couleurs opposes ; il a t identifi par Jquier comme appartenant Jean dAuchy par comparaison avec larmorial Montjoie-Chandon (galement connu sous le nomdarmorial Le Breton et disponible sur internet: http://www.culture.gouv.fr/Wave/image/archim/0008/dafanch06_a103502n00001_2.htm) (ADAM-EVEN, Paul, JEQUIER, Lon. L'armorial Wijnbergen.Dans Archives hraldiques suisses, 1951-1954, n 1032-1033). Deux localits dans le Beauvaisisrpondent ce nom, situes respectivement 10 et 25 km de Lachapelle-sous-Gerberoy. Il reste difficiledinterprter et de mettre en lien ces maigres lments.65 - PILLET, Jean. Histoire du chteau et de la ville de Gerberoy de sicle en sicle. Rouen, 1679,p.169; BEAUVILL, Victor de. Recueil de documents indits concernant la Picardie. Paris: Imprimerienationale, 1877, t. 3, XXV, CXXXV, CXXXVI, CLIV, CLV, CLVI.66 - Archives dpartementales de lOise, G7431.67 - PILLET, Jean. Histoire du chteau et de la ville de Gerberoy de sicle en sicle. Rouen, 1679,p.169, 210.68 - Archives dpartementales de lOise, G7434, Mmoire concernant le gros du cur de la Chapelle-sous-Gerberoy, vers 1684, daprs des extraits dun registre fait en 1404 environ par HenriBaudouin,cur du lieu, fol. 1v, 2r.69 - Archives dpartementales de l'Oise, G7438.

    Pour citer cet article

    Rfrence lectronique

    Graldine Victoir, Un modle de pit et de charit: le dcor de la chapelle seigneurialede Lachapelle-sous-Gerberoy (Oise) et son cycle de la vie de saint Eustache, In Situ [Enligne], 22|2013, mis en ligne le 22 novembre 2013, consult le 19 avril 2015. URL: http://insitu.revues.org/10662; DOI: 10.4000/insitu.10662

    propos de l'auteur

    Graldine VictoirMatre de confrences en histoire de lart mdival, universit Paul-Valry Montpellier [email protected]

    Droits d'auteur

    Tous droits rservs

    Rsums

    La chapelle seigneuriale situe au nord de lglise de Lachapelle-sous-Gerberoy (Oise) a tdcore vers le milieu du XIVesicle dun cycle de la vie de saint Eustache exceptionnellementdvelopp, comprenant une srie dimages montrant le saint et sa femme accomplissant lesuvres de misricorde. Des figures de saints et une Annonciation monumentale compltentlensemble. Lanalyse des images permet de mettre en avant le lien que le cycle entretient aveccertaines des Vies littraires, ainsi que le rle de modle de pit et de charit que pouvaitexercer lhistoire dEustache sur le commanditaire et sa femme.

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    The chapel located to the north of the church of Lachapelle-sous-Gerberoy (Oise) was adornedaround the middle of the 14th century with an exceptionally long cycle of the life of saintEustace, which comprises a series of images showing the saint and his wife carrying out theWorks of Mercy. The scheme also features figures of saints and a monumental Annunciation.An analysis of the images suggests that the structure of the narrative derives from written Livesof Eustace and that the cycle was particularly suited to act as a model of piety and charityfor a lay couple.

    Entres d'index

    Mots-cls :Moyen ge, peinture murale, Oise, saint Eustache, chasse, uvres demisricordes, cycle narratif, Annonciation, saints, quadrilobes