Hypertension artérielle et syndrome d’apnées du sommeil

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a Plus qu'une simple association. Jean-Philippe Baguet (CHU de Grenoble) I I existe actuellement de nombreux arguments épidémiologiques et cli- niques en faveur d'une augmentation du risque cardiovasculaire au cours du syndrome d'apnées du sommeil (SAS) [Il. Plusieurs études apportent en effet d'im- portants éléments dans ce sens, notarn- ment pour la contribution du SAS dans la morbi-morblii cardiovasculaire, même lorsque le nombre d'apnées nocturnes est limité. De nombreux mécanismes physiopathologiques sont évoqués pour expliquer les associations morbides entre SAS et maladies cardiovasculaires. Les réponses cardiovasculaires aux apnées sont en effet à la fois aiguës, suivant chaque événement respiratoire, et chro- niques [2]. Épidbmiologie, diagnostic et pronostic du SAS Le SAS est une maladie fréquente puis- qu'elle touche environ 5 % de la popula- tion générale, préférentiellement I'hom- me. Le tableau clinique associe quatre symptômes principaux : hypersomnolen- ce diurne, éveils nocturnes fréquents avec nycturie, asthénie matinale avec ou sans céphalées et ronflements impor- tants. Les facteurs qui favorisent le SAS sont non seulement l'obésité, l'âge, le tabagisme et la consommation d'alcool, mais aussi et surtout les anomalies des voies aériennes supérieures qui sont à l'origine du ronflement des patients. La polysomnographie est l'examen de réfé- rence pour le diagnostic des arrêts reçpi- ratoires nocturnes. Elle permet I'enregis- trement simultané du sommeil, des mouvements respiratoires thoraciques et abdominaux, de I'électroencéphalogram- me, de la saturation en oxygène de I'hé- moglobine, de la pression oesophagienne et du débit aérien quantifié. Les apnées peuvent être obstructives, centrales ou mixtes. Le nombre d'apnées et d'hypo- pnées obstructives durant plus de 10 secondes par heure de sommeil (index apnées-hypopnées ou IAH) peut ainsi être calculé. Le seuil de 15 événe- ments par heure d'enregistrement est le plus souvent retenu pour le diagnostic de syndrome d'apnées du sommeil. Le pronostic vital à long terme des patients atteints de SAS est essentielle- ment lié à la survenue d'événements car- diovasculaires, en particulier infarctus du myocarde, troubles du rythme ventriculai- re et accidents vasculaires cérébraux (AVC). Le diagnostic de SAS, évoqué par l'interrogatoire et confirmé par la poly- somnographie nocturne, est donc une étape essentielle, car le traitement (traite- ment de référence : ventilation en pres- sion positive continue nocturne ou PPC) de cette pathologie semble diminuer le risque de survenue des complications cardiovasculaires. Aspects physiopathologiques Les patients porteurs d'un SAS vont pré- senter au cours de la nuit des oscillations permanentes de leurs paramètres hémo- dynamiques. La fréquence cardiaque, la pression artérielle (PA) et le débit car- diaque vont ainsi varier de façon inces- sante du fait de la répétition des événe- ments respiratoires et des changements rapides d'états de vigilance (micro-éveils corticaux) induits par ces anomalies ven- tilatoires. La PA s'abaisse au début de chaque apnée puis augmente progressi- vement jusqu'à un pic pressif survenant au moment de la reprise ventilatoire, la PA systolique pouvant s'accroître de 15 à 80 mmHg lors d'un micro-éveil cortical. Ces variations de PA surviennent sous l'influence de quatre stimulus : la désatu- ration en O*, l'élévation de la PaC02, l'augmentation de l'effort respiratoire et le micro-éveil de fin d'apnée. Tous ces sti- mulus, particulièrement la désaturation, sont à l'origine d'une stimulation sympa- thique. La reprise respiratoire liée à un éveil ne se maintient pas longtemps, une nouvelle apnée apparaissant dès que le sujet se rendort. Prévalence et caracteristiques de I'HTA dans le SAS Les liens entre SAS et hypertension arté- rielle (HTA) sont plus qu'une simple asso- ciation, le SAS étant admis par de nom- breux auteurs et reconnu comme tel dans les recommandations américaines du JNC 7 sur la prise en charge de I'HTA, comme cause d'HTA [3]. Les facteurs prédisposant aux deux pathologies sont cependant nombreux, en particulier la surcharge pondérale et I'hyperinsulinisme qui y est associé. La prévalence de I'HTA chez les patients ayant un SAS est esti- mée à près de 60 %. Comme cela a bien été démontré par la Sleep Heart Hdth Study menée chez 6 132 sujets, cette prévalence augmente de façon continue avec la valeur de I'IAH [4]. Nous avons b

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a Plus qu'une simple association.

Jean-Philippe Baguet (CHU de Grenoble)

I I existe actuellement de nombreux arguments épidémiologiques et cli- niques en faveur d'une augmentation

du risque cardiovasculaire au cours du syndrome d'apnées du sommeil (SAS) [Il. Plusieurs études apportent en effet d'im- portants éléments dans ce sens, notarn- ment pour la contribution du SAS dans la morbi-morblii cardiovasculaire, même lorsque le nombre d'apnées nocturnes est limité. De nombreux mécanismes physiopathologiques sont évoqués pour expliquer les associations morbides entre SAS et maladies cardiovasculaires. Les réponses cardiovasculaires aux apnées sont en effet à la fois aiguës, suivant chaque événement respiratoire, et chro- niques [2].

Épidbmiologie, diagnostic et pronostic du SAS

Le SAS est une maladie fréquente puis- qu'elle touche environ 5 % de la popula- tion générale, préférentiellement I'hom- me. Le tableau clinique associe quatre symptômes principaux : hypersomnolen- ce diurne, éveils nocturnes fréquents avec nycturie, asthénie matinale avec ou sans céphalées et ronflements impor- tants. Les facteurs qui favorisent le SAS sont non seulement l'obésité, l'âge, le tabagisme et la consommation d'alcool, mais aussi et surtout les anomalies des voies aériennes supérieures qui sont à l'origine du ronflement des patients. La polysomnographie est l'examen de réfé- rence pour le diagnostic des arrêts reçpi- ratoires nocturnes. Elle permet I'enregis- trement simultané du sommeil, des mouvements respiratoires thoraciques et abdominaux, de I'électroencéphalogram-

me, de la saturation en oxygène de I'hé- moglobine, de la pression œsophagienne et du débit aérien quantifié. Les apnées peuvent être obstructives, centrales ou mixtes. Le nombre d'apnées et d'hypo- pnées obstructives durant plus de 10 secondes par heure de sommeil (index apnées-hypopnées ou IAH) peut ainsi être calculé. Le seuil de 15 événe- ments par heure d'enregistrement est le plus souvent retenu pour le diagnostic de syndrome d'apnées du sommeil. Le pronostic vital à long terme des patients atteints de SAS est essentielle- ment lié à la survenue d'événements car- diovasculaires, en particulier infarctus du myocarde, troubles du rythme ventriculai- re et accidents vasculaires cérébraux (AVC). Le diagnostic de SAS, évoqué par l'interrogatoire et confirmé par la poly- somnographie nocturne, est donc une étape essentielle, car le traitement (traite- ment de référence : ventilation en pres- sion positive continue nocturne ou PPC) de cette pathologie semble diminuer le risque de survenue des complications cardiovasculaires.

Aspects physiopathologiques

Les patients porteurs d'un SAS vont pré- senter au cours de la nuit des oscillations permanentes de leurs paramètres hémo- dynamiques. La fréquence cardiaque, la pression artérielle (PA) et le débit car- diaque vont ainsi varier de façon inces-

sante du fait de la répétition des événe- ments respiratoires et des changements rapides d'états de vigilance (micro-éveils corticaux) induits par ces anomalies ven- tilatoires. La PA s'abaisse au début de chaque apnée puis augmente progressi- vement jusqu'à un pic pressif survenant au moment de la reprise ventilatoire, la PA systolique pouvant s'accroître de 15 à 80 mmHg lors d'un micro-éveil cortical. Ces variations de PA surviennent sous l'influence de quatre stimulus : la désatu- ration en O*, l'élévation de la PaC02, l'augmentation de l'effort respiratoire et le micro-éveil de fin d'apnée. Tous ces sti- mulus, particulièrement la désaturation, sont à l'origine d'une stimulation sympa- thique. La reprise respiratoire liée à un éveil ne se maintient pas longtemps, une nouvelle apnée apparaissant dès que le sujet se rendort.

Prévalence et caracteristiques de I'HTA dans le SAS

Les liens entre SAS et hypertension arté- rielle (HTA) sont plus qu'une simple asso- ciation, le SAS étant admis par de nom- breux auteurs et reconnu comme tel dans les recommandations américaines du JNC 7 sur la prise en charge de I'HTA, comme cause d'HTA [3]. Les facteurs prédisposant aux deux pathologies sont cependant nombreux, en particulier la surcharge pondérale et I'hyperinsulinisme qui y est associé. La prévalence de I'HTA chez les patients ayant un SAS est esti- mée à près de 60 %. Comme cela a bien été démontré par la Sleep Heart H d t h Study menée chez 6 132 sujets, cette prévalence augmente de façon continue avec la valeur de I'IAH [4]. Nous avons b

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Fig. 1 : Enregistrement du flux aérien nas sives de plus de I O secondes.

retrouvé, dans une étude menée chez 59 sujets apnéiques non connus comme être hypertendus, une prévalence de I'HTA de 42 % par la mesure clinique et de 76 % en utilisant la mesure ambulatoi- re de la PA sur 24 heures [5]. Dans cette population, une HTA diastolique était fré- quemment présente. D'après les diffé- rentes études publiées à ce jour, près de 30 % des patients hypertendus ont un SAS. Cette prévalence est encore plus élevée lorsque I'HTA est réfractaire au traitement. Par ailleurs, la sévérité de I'HTA semble oroportionnelle à celle du SAS. Au cours du SAS, il existe une importante variabilii6 de la PA. Cette variabilité est bien appréciée par la mesure ambulatoi- re. La chute de PA (au moins 10 %) qui survient au cours de la nuit chez le sujet normal est souvent absente chez les patients apnéiques. Ainsi, dans notre étude, chez 41 % des patients, la PA ne chutait pas la nuit de 10 % ou plus (sujets non dippers). L'observation d'une telle anomalie lors de l'analyse du holter tensionnel d'un patient hypertendu doit donc faire évoquer la présence d'un SAS.

Rôle délétère de I'association SAS-HTA

La prévalence élevée de I'HTA dans le SAS et les relations étroites qui existent entre ces deux pathologies expliquent en partie le niveau élevé de l'incidence des événements cardiovasculaires chez les sujets apnéiques. Ainsi, angor, infarctus du myocarde, insuffisance cardiaque (SAS souvent central), troubles du rythme ou de la conduction cardiaque, sont fré- quemment rencontrés au cours d'un SAS. Les AVC surviennent le plus sou- vent chez les patients apnéiques pendant la nuit, et non au petit matin, du fait de la succession des chutes et des nibvations

;al (par thermistance) au cours d'une polysomnographie montrant des apnbes succes

de la PA lors des alternances apnée et (taille à la puissance 2,7 plutôt que surfa- reprise ventilatoire durant la nuit. ce corporelle).

Hypertrophie ventriculaire gauche Effets du traitement du SAS et SAS sur la PA

L'hypertrophie ventriculaire gauche (HVG) Sur le plan thérapeutique, plusieurs semble plus fréquente en présence d'un études récentes montrent que la PPC a SAS, même après avoir pris en compte le un effet bénéfique sur les chiffres ten- niveau de PA. Cette HVG est d'autant sionnels. Ainsi, la PPC après une période plus fréquente que le SAS est sévère. La de 7 jours à 9 mois diminue la PA moyen- prévalence accrue de I'HVG serait en ne sur 24 heures, et de nuit d'environ rapport avec l'élévation de la post-charge 5 mmHg. Un traitement de seulement au cours des apnées et I'hyperstimulation trois semaines par PPC diminue les PA sympathique. Ces données sont cepen- systolique et diastolique nocturnes de dant à prendre avec précaution en raison patients hypertendus et apnéiques de 7,8 des difficultés qu'il y a à mesurer de et 5,3 mmHg respectivement, alors que la façon fiable la masse ventriculaire gauche PA demeure inchangée sous PPC chez le chez les patients ayant un SAS, volon- patient non apnéique [6]. L'effet favorable tiers en surcharge pondérale. De plus, on de la PPC sur la PA semble donc appa-

masse ventriculaire ga

Fig. 2 : Enregistrement ambulatoire d un SAS montrant une 6l6vation de la PA au cours de 1s nuit (22 heures h 7 heures).

4 AMC

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Mise au point

lorsque les patients utilisent leur appareil plus de 3,5 heures par nuit et que le SAS est sévère. Le mécanisme évoqué pour expliquer l'efficacité de ce traitement est la baisse des pics tensionnels nocturnes et des micro-éveils par la PPC. Sur le plan médicamenteux, I'HTA du sujet apnéique semble plus sensible aux $-bloquants qu'aux autres classes d'anti- hypertenseurs. L'effet bénéfique de ce type de traitement s'explique par son action sur I'hyperactivité sympathique.

Conclusion

Le SAS est une pathologie à la fois fré- quente et sous-estimée, qui ne se résu- me pas à la simple association ronfle- ments et obésité. Son pronostic est étroitement lié à la survenue d'accidents cardiovasculaires. Le lien de causalité entre événements cardiovasculaires et

En pratique :

SAS n'est établi de façon formelle que pour I'HTA. Les mécanismes physiopa- thologiques pouvant expliquer l'associa- tion morbide entre SAS et HTA sont nom- breux, en premier lieu I'hyperactivité sympathique. Un SAS doit être évoqué de principe chez tout sujet hypertendu, a fortiori si I'HTA est réfractaire au traitement, à pré- dominance diastolique ou associée à un profil non dipper. L'effet bénéfique du traitement du SAS par PPC sur le niveau tensionnel semble maintenant bien établi.

Références

1. Baguet JP, Pépin JL, Harnrner L, Lévy P, Mallion JM. Conséquences cardiivascu- laires du syndrome d'apnées obstructives du sommeil. Rev Med Int 2003 ; 24 : 530-7.

2. Pépin JL, Lévy P. Physiopathologie du risque cardiovasculaire au cours du syn-

drome d'apnées du sommeil. Rev Neurol 2002 ; 158 : 785-97.

3. The JNC 7 Report. The seventh report of the joint national committee on prevention, detection, evaluation and treatment of high blood pressure. JAMA 2003 ; 289 : 2560-72.

4. Nieto FJ, Young TB, Lind BK et al., for the Sleep Heart Health Study. Association of sleep-disordered breathing, sleep apnea, and hypertension in a large community- based study. JAMA 2000 ; 283 : 1829-36.

5. Baguet JP, Hammer L, Lévy P et al. Noc- turnal and diastolic hypertension are com- mon and underestimated condiions in newly diagnoseci apneic patients. J Hypertens (sous presse).

6. Hla KM, Skatrud JB, Finn L, Paita M, Young T. The effect of correction of sleep- disordered breathing on BP in untreated hypertension. Chest 2002 ; 122 : 1 125-32.

Évoquer un possible SAS de principe dans le bilan d'une HTA.

Les acteurs au système de soins français

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