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TAT DES CONNAISSANCES TECHNIQUES ET RECOMMANDANTIONS DE MISE EN UVRE POUR UNE GESTION DES INSTALLATIONS DE STOCKAGE DE DCHETS NON DANGEREUX EN MODE BIORACTEURDcembre 2007 tude ralise pour le compte de lADEME et la FNADE Coordination technique : Isabelle HEBE - Dpartement Gestion Optimise des Dchets Direction Dchets et Sols ADEME Angers

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RemerciementsLes initiateurs du prsent document sont la Fdration Nationale des Activits de la Dpollution et de lEnvironnement (FNADE), et lAgence Nationale de lEnvironnement et de la Matrise de lEnergie (ADEME). Les concepteurs du prsent guide se sont attachs lappui et lexprience dun comit de pilotage restreint constitu de professionnels du stockage ainsi que lapport scientifique dun comit largi rassemblant les laboratoires de recherche ayant particip aux travaux scientifiques sur le sujet. Auteurs Enqute, conception et rdaction par T. CHASSAGNAC (Cabinet 3C), assist du bureau dtude CSD AZUR. Comit de pilotage restreint Isabelle HEBE : ADEME Philippe BELBEZE : VEOLIA PROPRETE Arnaud BUDKA : SITA COSTE Emmanuel : COVED Nadir CROS : CHEZE Jean-Michel MANDIUK: DELTA DECHETS Vincent MILANOV : COVED Thomas LAGIER : VEOLIA PROPRETE Alain ROSPARS: GROUPE SECHE Comit de suivi largi Christian DUQUENOI : CEMAGREF Dominique GUYONNET : BRGM Sylvain MOREAU : CEMAGREF Jean Pierre GOURC: LTHE Olivier BOUR : INERIS Financement Ont particip au financement de ce guide ADEME, FNADE, SITA, VEOLIA PROPRETE, COVED, SECHE ENVIRONNEMENT et le GNPMED reprsent par BAUDELET ENVIRONNEMENT, BRANGEON ENVIRONNEMENT, CHEZE SA, CHARIER DV, DELTA DECHETS, GROUPE PIZZORNO ENVIRONNEMENT, MOULIN SA.

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Toute reprsentation ou reproduction intgrale ou partielle faite sans le consentement de lauteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite selon le Code de la proprit intellectuelle (art. L 122-4) et constitue une contrefaon rprime par le Code pnal. Seules sont autorises (art. 122-5) les copies ou reproductions strictement rserves lusage priv de copiste et non destines une utilisation collective, ainsi que les analyses et courtes citations justifies par la caractre critique, pdagogique ou dinformation de luvre laquelle elles sont incorpores, sous rserve, toutefois, du respect des dispositions des articles L 122-10 L 122-12 du mme Code, relatives la reproduction par reprographie.

LADEME en bref L'Agence de l'Environnement et de la Matrise de l'Energie (ADEME) est un tablissement public sous la tutelle conjointe du ministre de l'Ecologie, du Dveloppement et de lAmnagement durables, et du ministre de lEnseignement Suprieur et de la Recherche. Elle participe la mise en oeuvre des politiques publiques dans les domaines de l'environnement, de l'nergie et du dveloppement durable. L'agence met ses capacits d'expertise et de conseil disposition des entreprises, des collectivits locales, des pouvoirs publics et du grand public et les aide financer des projets dans cinq domaines (la gestion des dchets, la prservation des sols, l'efficacit nergtique et les nergies renouvelables, la qualit de l'air et la lutte contre le bruit) et progresser dans leurs dmarches de dveloppement durable. www.ademe.fr

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RsumLa Fdration Nationale des Activits de la Dpollution et de lEnvironnement (FNADE) et lAgence Nationale de lEnvironnement et de la Matrise de lEnergie (ADEME) ont form en 2007 un groupe de travail pour raliser un guide dont lobjectif est de faciliter la mise en uvre du mode de gestion en bioracteur des Installations de Stockage de Dchets Non Dangereux (ISDND). Ce guide comporte un tat des connaissances techniques et des recommandations de mise en uvre du bioracteur. Il sadresse des professionnels des ISDND (exploitants, concepteurs et inspecteurs des installations classes susceptibles dtre interrogs pour des projets). Le guide a t ralis partir dtudes, de publications et de travaux de recherches sur le bioracteur, de visites de sites, de retours dexpriences dexploitants et de rencontres avec des chercheurs et des techniciens. Le guide dfinit ce qu'est la gestion en bioracteur d'une ISDND. Elle consiste en une matrise et une acclration des processus de dgradation anarobie des dchets dans une enceinte confine par le contrle, par exemple, de lhumidit au sein du massif des dchets. Ce mode de gestion reconnu par la rglementation europenne (dcision du Conseil n2003/33/CE) et franaise (arrt modifi du 09/09/97) peut prsenter des intrts environnementaux importants par rapport une ISDND classique : Acclration de la stabilisation des dchets par puisement de leur potentiel de dgradation, Rduction des missions de gaz effet de serre et dodeurs par la mise en place dun confinement accru, Rduction de la quantit de lixiviats gnrs par le site et de leur charge organique, Optimisation du potentiel de valorisation nergtique du biogaz dun site. Cependant, la mise en uvre dun bioracteur ncessite des moyens matriels et humains significatifs, et dpend de nombreux paramtres (configuration du site, climat). Afin de permettre aux professionnels datteindre les objectifs environnementaux dun bioracteur, le guide FNADE/ADEME dcrit : Les conditions de sa mise en oeuvre et les pratiques dexploitation, Les quipements mettre en place (systme de recirculation), Les techniques et les mthodes utilisables de la mise en place du dchet la gestion du biogaz et des lixiviats, Les avantages, les inconvnients et les limites dapplicabilit associs ces techniques et ces mthodes, Les paramtres contrler et suivre, Les risques et les difficults pouvant tre rencontrs. Le mode de gestion en bioracteur des ISDND, quand il est possible, permet une rduction significative des impacts environnementaux lis au stockage de dchets. Ceux-ci sont en effet mieux matriss et limits sur le long terme. La mise en uvre d'une gestion en bioracteur doit nanmoins respecter certaines conditions damnagement et dexploitation dtailles dans le guide et s'adapter en fonction des spcificits propres chaque site.

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Table des matiresABREVIATIONS ..........................................................................................................................................7 I II AVANT PROPOS ........................................................................................................................................8 DESCRIPTIF GENERAL DU PROCEDE .........................................................................................................8II.1 II.2 II.3 I.1 I.2 Objectifs et limites de louvrage................................................................................................................... 8 Mthodologie de ralisation de ce guide..................................................................................................... 8

III CONCEPTION ET EXPLOITATION DUN SITE ..............................................................................................10III.1

Dfinition gnrale...................................................................................................................................... 8 Historique ................................................................................................................................................... 9 Les enjeux du process ............................................................................................................................... 9 II.3.1 Lenjeu environnemental ................................................................................................................... 9 II.3.2 Les besoins de matrise technique.................................................................................................... 9 II.4 Contexte rglementaire ............................................................................................................................ 10 Conception .............................................................................................................................................. 10 III.1.1 Les diffrences par rapport un casier traditionnel ....................................................................... 11 III.1.2 Prparation des dchets avant enfouissement .............................................................................. 11 III.1.3 Rseau de recirculation des lixiviats .............................................................................................. 12 III.1.4 Quels impacts sur les autres lments fonctionnels de gestion des lixiviats ................................. 22 III.1.5 Rseau de captage du biogaz........................................................................................................ 23 III.1.6 Mise en uvre dun confinement................................................................................................... 24 III.1.7 Equipements spcifiques pour le suivi ........................................................................................... 25 III.2 Exploitation .............................................................................................................................................. 27 III.2.1 Les pratiques dexploitation............................................................................................................ 27 III.2.2 Prparation des dchets en amont et mise en place ..................................................................... 28 III.2.3 Collecte et Traitement des lixiviats................................................................................................. 28 III.2.4 Recirculation des lixiviats ............................................................................................................... 29 III.2.5 Captage du Biogaz......................................................................................................................... 30 III.2.6 Suivi de fonctionnement des bioracteurs ..................................................................................... 30 IV.1 IV.2 IV.3 IV.4 Consquences sur la production de lixiviats ........................................................................................... 39 Consquences sur les missions de biogaz ........................................................................................... 39 Consquences sur la vitesse de stabilisation ......................................................................................... 40 Consquences sur les tassements ......................................................................................................... 40

IV SYNTHESE DES IMPACTS ENVIRONNEMENTAUX.......................................................................................39

V

CONDITIONS DE FAISABILITE TECHNICO-ECONOMIQUE ............................................................................42

V.1 Quels besoins humains en terme de comptences et de nombre de postes ? ....................................... 42 V.2 Approche technico-conomique : minimum requis en terme de tonnage et damnagement pour la mise en uvre dun bioracteur, quels cots ? ....................................................................................................... 42 V.2.1 Les amnagements ncessaires et les surcots............................................................................ 42 V.2.2 Les avantages potentiels ................................................................................................................ 43

VI PERSPECTIVES .....................................................................................................................................43

ANNEXE 1 : BIBLIOGRAPHIE..................................................................................................................44 ANNEXE 2 : NOTIONS THEORIQUES SUR LES ECOULEMENTS LIQUIDES DANS LES DECHETS .47

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Tables des illustrationsFigure 1 : variations thoriques de la permabilit leau en conditions satures en fonction de la contrainte effective (100 kPa = environ 10 m de dchets), daprs Bleiker et al 1995. ............................................................................................................. 12 Figure 2 : effet de la pression interstitielle et de gaz sur la conductivit hydraulique (Hudson et al 2005) ................................. 13 Figure 3 : schma type dun systme de rinjection ................................................................................................................... 15 Figure 4 : imagerie gophysique par rsistivit diffrentielle sur un drain dinjection (CEMAGREF).......................................... 16 Figure 5 : schma de principe et possibilit dasservissement dun systme de rinjection automatis (3C) ............................ 17 Figure 6 : vue partielle dune centrale dinjection automatise (rservoir tampon, nourrice, vannes pneumatiques) site de Loches COVED ........................................................................................................................................................................... 17 Figure 7 : vue des quipements de surface de 5 puits dinjection avec vannes de rglage manuelles et dbitmtres ; site de Champltreux Socit COSSON / pompe du site de La Vergne VEOLIA PROPRETE ............................................................. 18 Figure 8 : vue de lautomate dinjection (consigne de temps de pompage et de frquence), site de Champltreux Socit COSSON..................................................................................................................................................................................... 18 Figure 9 : capteur de niveau deau en queue de rseau dclenchant larrt dinjection ............................................................. 19 Figure 10 : schma et photo dun puits double canne, site VEOLIA PROPRETE de La Vergne............................................. 20 Figure 11 : volution de linjection de lixiviats via un rseau de drains horizontaux (simulation), Aran 2001 ............................. 21 Figure 12 : vue en coupe dune tranche mixte dinjection de lixiviat et de captage de gaz (Site SITA de Busta) ..................... 22 Figure 13 : volumes cumuls de mthane produit sur les casiers tmoins et bioracteur de Yolo County Californie (Augenstein et al 2005 8) ............................................................................................................................................................. 23 Figure 14 : installation dune flte dlectrodes sur site (CEMAGREF)....................................................................................... 27 Figure 15 : volution des teneurs en eau pondrales et volumiques dun dchet mnager grossirement broy en fonction du niveau de chargement (Olivier et al. 2007) ................................................................................................................................. 29 Figure 16 : mesures de la teneur en eau diffrentes distances dun puits de rinjection sur le bioracteur de La Vergne (VEOLIA PROPRETE) ................................................................................................................................................................ 36 Figure 17 : ralisation dune campagne de prlvement pour mesurer la teneur en eau et ltat de dgradation des dchets . 36 Figure 18 : mesure la chambre flux sur biofiltre biogaz (CSD AZUR)................................................................................ 37 Figure 19 : cartographie des mesures dmission la chambre flux sur le site de La Vergne (VEOLIA PROPRETE) ........... 39 Figure 20 : comparatif dtat de stabilisation de dchets provenant des casiers tmoins et bioracteur du site de La Vergne (VEOLIA PROPRETE) ................................................................................................................................................................ 40 Figure 21 : comparaison visuelle des tassements pour la cellule bioracteur test et tmoin, site de Yolo County (USA).......... 41 Figure 22 : mesure des tassements sur les cellules bioracteur et tmoin, site de Yolo County (USA)..................................... 41 Figure 23 : rayon daction efficace dun ouvrage dinjection (Chassagnac 2007) ....................................................................... 47

Table des annexesANNEXE 1 : BIBLIOGRAPHIE .44 ANNEXE 2 : NOTIONS THEORIQUES SUR LES ECOULEMENTS LIQUIDES EN DECHETS 47

Table des tableauxTableau 1 : comparaison statistique de la composition des lixiviats dans les ISD conventionnels et dans les sites avec recirculation [Reinhart, D.R. and Townsend, T.G., 1998]............................................................................................................ 23 Tableau 2 : paramtres de suivi sur les dchets......................................................................................................................... 32 Tableau 3 : paramtres de suivi sur le lixiviat ............................................................................................................................. 33 Tableau 4 : paramtres de suivi sur le biogaz............................................................................................................................. 34 Tableau 5 : paramtres de suivi dexploitation ............................................................................................................................ 34 Tableau 6 : dtails des cots des amnagements dun bioracteur ........................................................................................... 43

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ABREVIATIONSADEME DEG DIB DTQD FNADE GES GSB ISD(ND) LIRIGM MES OM LTHE R&D US EPA BRGM CEMAGREF MODECOM SWANA INERIS PEHD DCO DBO AGV TDR EEDEMS INSA URGC ISPM BMP ANR : : : : : : : : : : : : : : : : : : : : : : : : : : : : : : Agence Nationale de lEnvironnement et de la Matrise de lEnergie Dispositif dEtanchit par Gomembrane (y compris drainage) Dchets Industriels Banals Dchets Toxiques en Quantit Disperse Fdration Nationale des Activits de la Dpollution et de lEnvironnement Gaz Effet de Serre Gosynthtique bentonitique Installation de Stockage de Dchets (Non Dangereux) Laboratoire Interdisciplinaire de Recherche Impliquant la Gologie et la Mcanique, Matire En Suspension Ordures Mnagres, fraction des Dchets Non Dangereux (DND) Laboratoire dtude des Transferts en hydrologie et Environnement Recherche et Dveloppement United States Environmental Protection Agency Bureau de Recherches Gologiques et Minires Centre national du Machinisme Agricole, du Gnie Rural, des Eaux et des Forts Mthode normalise de caractrisation des dchets Solid Waste Association of North America Institut National de lEnvironnement et des Risques Industriels Polythylne Haute Densit Demande Chimique en Oxygne Demande Biologique en Oxygne Acides gras Volatiles Time Domain Reflectomtry Evaluation Environnementale, Dchets, Matriaux et Sols pollus Institut National des Sciences Appliques Unite de Recherche en Genie Civil Institut Suprieur de Ptrole et Moteurs BioMethanogene Potential Agence Nationale de la Recherche

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ETAT DES CONNAISSANCES TECHNIQUES ET RECOMMANDATIONS DE MISE EN UVRE POUR UNE GESTION DES INSTALLATIONS DE STOCKAGE DE DECHETS NON DANGEREUX EN MODE BIOREACTEURI AVANT PROPOSI.1 Objectifs et limites de louvrage

A lheure o les actualits rglementaires (modification de larrt de septembre 1997, loi de finance), techniques (nombreux projets de type bioracteur en prparation) et scientifiques (nombreux articles sur le sujet) placent la gestion en mode bioracteur au centre des proccupations des dcideurs, il est paru important aux initiateurs de ce guide, ADEME et FNADE, de faire le point sur ltat des connaissances du moment. Le prsent document, sans prtendre constituer un guide de conception, se veut un document concis, pratique, destination des exploitants, concepteurs et administrations avec pour objectif de faciliter la mise en uvre de cette pratique dexploitation. Il suppose acquis les aspects techniques traditionnels de mise en dcharge et sadresse donc un public averti. Son objet est de prsenter les donnes reconnues sur le sujet en distinguant celles clairement acquises de celles qui restent approfondir. Il propose un consensus sur ce que lon peut appeler gestion en bioracteur et tente de cadrer les minima requis sans toutefois figer les possibilits dvolutions ultrieures.

I.2

Mthodologie de ralisation de ce guide

En sus du travail de concertation effectu en runion de pilotage, la ralisation de ce guide sest appuye sur la compilation dune bibliographie slectionne, lorganisation de visites de sites de type bioracteur et dentretiens avec les exploitants et/ou les organismes de recherche impliqus dans les programmes de recherche et dveloppement concerns. Lattention sest porte sur les sites suivants : Site de La Vergne (VEOLIA PROPRETE) Site de Courlaoux-Les Repts (SYDOM du Jura) Site de Champltreux (COSSON) Site de Labessire-Candeil (TRIFYL) Site de Drambon (SITA) Site de Loches (COVED) La bibliographie slectionne est dtaille en annexe 1 et fait lobjet de renvois selon une [numrotation] par article.

II DESCRIPTIF GENERAL DU PROCEDEII.1 Dfinition gnrale

La gestion en bioracteur de casiers dISDND (Installation de Stockage de Dchets Non Dangereux) est une technique innovante qui consiste acclrer les processus de dgradation et de stabilisation des dchets dans une enceinte confine. Cette acclration est opre par la matrise des principaux facteurs doptimisation de lactivit microbienne : humidit, temprature, nature du dchet. Au sens strict, la gestion en bioracteur nest donc pas uniquement lie la recirculation des lixiviats. Toutefois, le fait quun taux dhumidit suffisant soit indispensable une bonne dgradation de la matire organique amne souvent en pratique considrer le bioracteur comme synonyme de recirculation des lixiviats. Une autre voie dacclration des processus de stabilisation consiste en linjection dair dans le massif de dchets pour favoriser les mcanismes de dgradation arobie. Ce document reste cependant ax sur la technique anarobie par recirculation, mieux matrise ce jour.ADEME 8/48

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II.2

Historique

Initie aux USA, la recirculation des lixiviats a t tudie depuis prs de 35 ans. Ds les annes 70, lUS EPA a collabor avec lUS Army Corps of Engineers Waterways et le Georgia Institute of Technology pour conduire des recherches en laboratoire sur le bioracteur anarobie. Sur la base des rsultats obtenus en laboratoire, lUS EPA a sponsoris depuis les annes 80 de nombreuses tudes plus large chelle en cellule test. Un des objectifs poursuivi tait alors dviter de transformer les sites, de plus en plus couverts de faon tanche, en dry tomb (littralement tombe sche), c'est--dire reporter plus tard et de faon incontrle, la dgradation des dchets, stoppe du fait de labsence dhumidit. Une tude de SWANA (Solid Waste Association of North America) rvle que de nombreux sites aux Etats-Unis pratiquent la recirculation des lixiviats de faon courante. Cependant ces pratiques utilisaient la recirculation essentiellement comme une mthode de management des lixiviats (rduire les quantits traiter et ventuellement rduire la charge organique des lixiviats) sans trop se soucier de lhomognit de distribution de lhumidit au sein du massif de dchets ou de leur stabilisation. Ainsi, les nombreuses exprimentations dj ralises de par le monde et suivies de plus en plus prcisment, lchelle du laboratoire ou en cellule exprimentale, ont permis de mettre en vidence de rels effets bnfiques mais aussi les difficults potentielles de la mise en uvre de ce concept. Les annes 2000 ont vu un essor considrable des cellules dexploitation en bioracteur instrumentes. Les donnes tires de ces expriences posent les bases du dimensionnement et des prdictions quantitatives des effets attendre sur un site rel. De plus, les modlisations et expriences en laboratoire se calent de plus en plus prcisment sur la ralit des ractions connues se droulant au sein des bioracteurs. Environ 70 sites sont exploits sous recirculation aux USA. En France, une douzaine de sites autoriss met en uvre une recirculation.

II.3

Les enjeux du process

Si le mode bioracteur constitue indniablement une avance environnementale, il convient de rappeler que lexploitation dune ISD classique constitue galement une solution environnementale performante. La gestion en bioracteur implique un investissement supplmentaire et rend ncessaire la matrise technique de la recirculation.

II.3.1

Lenjeu environnemental

Le gain environnemental essentiel du procd est obtenu par une limitation des risques long terme grce une acclration de la dgradation des dchets et par la garantie dune rduction notable des missions de Gaz Effet de Serre (GES) et des odeurs. La mise en oeuvre plus prcoce dun confinement plus performant (couverture plus tanche) permet en effet datteindre un taux de captage global suprieur 90%. En corollaire, on pourra citer : la limitation des risques long terme puisque la dgradation sopre essentiellement pendant la phase dexploitation commerciale du site et de pleine efficacit des dispositifs de confinement, laugmentation du nombre de sites potentiels pour une valorisation du biogaz. Cela concerne notamment les sites dont les tonnages sont considrs comme insuffisants pour autoriser, avec un mode de gestion classique, un bilan gazeux valorisable mais qui, avec une gestion en mode bioracteur, produiront suffisamment de gaz pour envisager la valorisation. La rduction de consommation de combustibles fossiles associe la valorisation lectrique ou thermique, L'optimisation de la capacit de stockage disponible suite lacclration des tassements.

II.3.2

Les besoins de matrise technique

Pour atteindre les prcdents objectifs, un investissement humain et matriel reste indispensable : en terme dquipements supplmentaires (systmes de recirculation, couverture haute performance, dgazage densifi, ventuel stockage et relevage des lixiviats, suivi),

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en terme dengagement de lexploitant notamment au niveau du personnel dexploitation (gestion des quipements supplmentaires, suivi, formation du personnel) dans un objectif damlioration du suivi de fonctionnement et des contrles. Latteinte des performances environnementales n'est possible qu' condition de matriser les dimensions techniques lies la gestion en bioracteur, d'ordre hydraulique, biologique et gomcanique qui caractrisent, plus que tout autre site exploit classiquement, la gestion en mode bioracteur. Les objectifs oprationnels sont les suivants : En terme dhydraulique des fluides liquides et gazeux, la matrise de la distribution de lhumidit dans le massif de dchets et loptimisation du captage des gaz doivent tre privilgis en associant des dispositifs techniques et de gestion performants, notamment en ce qui concerne les corps drainants, mixtes ou non, de gestion des flux liquides et gazeux. En terme de biologie, la connaissance de lvolution des processus de dgradation en cours dans le massif permettra doptimiser ces derniers en agissant sur le levier de la rinjection. En terme de gomcanique, le tassement et la stabilit des talus doivent tre suivis. On veillera tre vigilant vis--vis des tassements diffrentiels et des instabilits de talus lis lhumidification du dchet et son ventuel prtraitement mcanique. Il dcoule de ces lments un besoin renforc de surveillance des sites.

II.4

Contexte rglementaire

La Directive Europenne (1999/31/CE) sur la mise en dcharge exige une diminution de la mise en dcharge des dchets municipaux biodgradables et fixe des objectifs de rduction en poids dfinis au niveau national. La dcision 2003/33/CE (annexe B) cite le bioracteur comme une possibilit de mise en dcharge. Les stratgies nationales mettre en uvre peuvent comporter des mesures sur le recyclage, le compostage, la production de biogaz ou la valorisation des matriaux. Pour certains pays comme lItalie, lEspagne ou le Royaume Uni o la mise en dcharge est fortement dveloppe, le maintien des seuils de la Directive Europenne conduit invitablement au dveloppement de techniques qui ont pour objectif de diminuer la matire organique avant enfouissement. Dautres pays comme lAllemagne, lAutriche et les Pays Bas ont choisi de limiter la matire organique en dcharge et ont introduit des critres de limitation lentre de chaque site. La France qui respecte dj les objectifs de la Directive au moins jusquen 2009 (et a priori jusquen 2016 moyennant la poursuite du dveloppement du traitement biologique et du recyclage) nimpose pas dans sa rglementation de limitation lenfouissement de la matire organique lentre de chaque site et permet donc la gestion des sites en bioracteur. La rglementation franaise a dailleurs introduit la possibilit de recirculer les lixiviats dans la modification de larrt ministriel du 09/09/1997, en date du 19 janvier 2006. La politique nationale de gestion des dchets vise dvelopper en priorit les mesures de prvention et de recyclage. Ainsi, concernant la matire organique, le retour au sol apparat tre la meilleure finalit. Il est clair que le bioracteur ne doit pas rentrer en comptition avec le dveloppement de la collecte slective et du compostage de la matire organique. On peut dailleurs noter que limpact des stratgies nationales de gestion des dchets ne se traduit pas par une modification notable du taux global de matires dgradables parmi les diffrentes fractions et quil nexiste pas lheure actuelle de frein dans ce domaine pour les units de type bioracteur. Une ISDND gre en mode bioracteur nest pas dun point de vue rglementaire un mode de traitement qui permet de rduire la quantit de dchets biodgradables enfouis mais reste une installation de stockage de dchets. Nanmoins, elle permet de limiter et de matriser les impacts environnementaux long terme et ce titre, ce type d'installation classe connat un dveloppement significatif.

III CONCEPTION ET EXPLOITATION DUN SITEIII.1 Conception

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III.1.1

Les diffrences par rapport un casier traditionnel

Bien que peu de diffrences majeures soient visibles entre un bioracteur et une ISDND classique, les expriences de transformation en bioracteur dun casier exploit traditionnellement peuvent rencontrer des contraintes. Aussi une conception spcifique avant lexploitation permet de s'affranchir de ces difficults. Les points principaux de diffrenciation peuvent concerner : La prparation des dchets avant enfouissement dans un objectif de recherche doptimisation des caractristiques des dchets (teneur en matire organique, humidit, granulomtrie,). Cette tape pralable la mise en stock des dchets peut faire appel la mise en uvre dunits fonctionnelles supplmentaires (broyage, prparation de charge,) qui dicteront galement leurs impratifs sur les conditions dexploitation. La recirculation des lixiviats dote dlments fonctionnels spcifiques : centrale de rinjection, rseau de corps drainants, instrumentation et suivi particulier, bassin de stockage. Les lments classiques de gestion des lixiviats et du biogaz : drainage, collecteurs, bassins, traitement, couvertures qui peuvent, selon les configurations, demander tre adaptes (protection renforce, surdimensionnement) ou plus cibles.

III.1.2III.1.2.1

Prparation des dchets avant enfouissementObjectif et intrts

La recherche dune matrise des caractristiques du dchet permettant une dgradation plus rapide lors du stockage a conduit quelques exploitants proposer une phase pralable de prparation de la charge. Les dchets concerns tant ultimes, cette tape pralable na pas vocation de valorisation. Parmi les paramtres sur lesquels il est possible dagir, on citera : la teneur en eau : une humidification avant ou lors du stockage pourra, si besoin, tre envisage pour assurer une rpartition plus homogne. la teneur en matire organique facilement dgradable, par intgration au tout venant de dchets adapts (boues par exemple). la granulomtrie, dans une optique de recherche dhomognisation des caractristiques hydrauliques des dchets. le contenu en agents biologiques actifs en vue dune dgradation acclre. III.1.2.2 Quelles techniques proposes ?

Le broyage Le broyage permet une rduction et une homognisation de la granulomtrie du dchet suprieures celles obtenues par le dchiquetage des lames des compacteurs de dchets. Cette action se traduit directement sur les proprits hydrauliques par une amlioration des conditions des transferts liquides dans le massif de dchets et sur les proprits biologiques par une meilleure disponibilit de la matire organique. Le broyage peut tre pratiqu sur la zone de dpotage en casier ou en unit en btiment. Ce dernier cas ncessite une rupture de charge et des moyens dacheminement supplmentaires, envisageables surtout sur des centres de grande capacit. La rduction granulomtrique peut galement modifier les caractristiques gotechniques (acclration de la cintique de tassement et diminution de la rsistance mcanique) et de ce fait demander des adaptations sur le mode dexploitation, notamment en ce qui concerne la gomtrie en vue dassurer la stabilit. En cas de broyage, les moyens de compactage pourront tre revus et on pourra rechercher lutilisation de moyens plus lgers. En contrepartie, une granulomtrie trop fine peut avoir des effets ngatifs sur la biodgradation ainsi que sur la circulation des lixiviats et du biogaz. Sagissant de la dure de vie des sites, un gain substantiel (souvent suprieur 10 %) peut tre obtenu par broyage des lments les plus grossiers. Ce gain qui rsulte dun affaissement de la structure des constituants des dchets et dune meilleure interpntration de ces derniers intervient de manire quasi-instantane lors du compactage puis du chargement du dchet sous leffet du poids des couches suprieures et de la couverture. Cette pratique est bien adapte aux dchets grossiers et rsistants : DIB, encombrants, etc. Dans certains cas, on a pu constater que le broyage limitait laptitude lenvol des dchets. Un seul des sites visits dans le cadre de la rdaction de louvrage procde ce type de prtraitement. Pr-humidification et mlange Aux Etats-Unis, la pr-humidification a pu tre pratique lors de la mise en place des dchets en vue de faciliter le compactage des dchets trs secs, de favoriser une rpartition de lhumidit plus uniforme voire de faciliter la gestion des lixiviats. Les techniques utilises consistaient en laspersion via des systmes de type sprinkler, arrosage automatique ou encore bassin dinfiltration.ADEME 11/48

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La littrature consulte ne fournit cependant aucun exemple. Ces oprations sont susceptibles de favoriser une production gazeuse prcoce, gnratrice dmissions non contrles dans lair, de production dodeur et de risques sanitaires. Elles ne sont pas conseilles sans mesure de matrise particulire (captage des gaz lavancement par exemple) et ne sont pas pratiques en France. La lgislation franaise interdit laspersion des lixiviats en surface de casier. On pourrait cependant envisager dhumidifier les dchets avant ou lors de la mise en place laide de lixiviats.

III.1.3III.1.3.1

Rseau de recirculation des lixiviatsProblmatique, objectif et intrt

La matrise de lhumidification des dchets est la clef de la russite du process bioracteur. En effet, une fois le dchet enfoui, toute la problmatique de stabilisation du dchet repose sur une rpartition homogne et optimale de lhumidit au sein du massif. Lutilisation des lixiviats pour augmenter lhumidit des dchets et crer ainsi les conditions favorables leur biodgradation prsente galement lintrt de : diluer les inhibiteurs ventuels ; favoriser la colonisation des dchets par les micro-organismes ; faciliter lapport de nutriments ; agiter le racteur biologique que constitue le casier. La conception dune unit bioracteur devra intgrer les enjeux suivants : Atteindre un niveau dhumidit lev et suffisamment homogne Les expriences issues des travaux de recherche menes en France ces dernires annes ont montr que les systmes de recirculation des lixiviats natteignent pas toujours lobjectif fondamental dune rpartition homogne de lhumidit dans le massif de dchet. De ce fait, la dgradation acclre ne sopre pas uniformment dans le stock, limite les gains de performance de production de gaz par rapport une ISDND classique et gnre des tassements diffrentiels. Ces situations sont lies en priorit linsuffisance des dbits/volumes injects et des rayons daction des systmes utiliss. La conception du systme de recirculation devra donc assurer louvrage un dbit suffisant et correctement rparti via des dispositifs adapts et compatibles avec les rayons daction connus pour le systme de recirculation utilis. La conception du systme devra galement tenir compte de la permabilit des dchets. Celle-ci volue naturellement vers de plus faibles valeurs au cours de la dgradation des dchets et baisse significativement avec la profondeur comme le suggre la Figure 1.

Figure 1 : variations thoriques de la permabilit leau en conditions satures en fonction de la contrainte effective (100 kPa = environ 10 m de dchets), daprs Bleiker et al 1995.12/48

ADEME

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Les pressions interstitielles et/ou gazeuses affectent galement la permabilit, comme le suggre la figure 2 :Faible accumulation de gaz et faible pression interstitielle (