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Compte rendu du colloque juin 2010 - Paris RENCONTRES INTERCOMMUNALITÉ ET ENVIRONNEMENT GRENELLE DE L’ENVIRONNEMENT, 2007–2010 : DU PROJET À SA MISE EN ŒUVRE DANS LES TERRITOIRES 13 ÈMES

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Compte rendu du colloque

juin 2010 - Paris

RENCONTRESINTERCOMMUNALITÉET ENVIRONNEMENT

GRENELLE DE L’ENVIRONNEMENT,2007–2010 : DU PROJET À SA MISE EN ŒUVREDANS LES TERRITOIRES

13ÈMES

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Ouverture . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 3Daniel DELAVEAU, président de l’Assemblée des Communautés de France

LE GRENELLE DANS LES TERRITOIRESPoint sur le Grenelle : les objectifs, les acquis, les implications dans lesterritoires et ce qu’il reste à faire au terme du vote du second volet duGrenelle de l’environnement

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4

1 - Simplifier la complexité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 - S’approprier le Grenelle : identifier les défis à venir . . . . . . . . . . . . . .73 – Mise en œuvre du Grenelle dans les territoires : comment s’y prendre ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 14

Annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15

VERS UN NOUVEAU MODÈLE ÉCONOMIQUE POUR LE SERVICE PUBLICDE L’EAU ET DE L’ASSAINISSEMENT ?Le point sur les facteurs d’évolution et les pistes à creuser pour allervers un modèle économique du service public de l’eau mieux adaptéaux réalités actuelles

Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 22 1 – Quel pilote pour la gestion de l’eau ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 232 - Vers un nouveau modèle économique ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 26Conclusion . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 29

Animateur Alain Graesel, maître de conférence à l’Ecole des Mines de Douai

13èmes Rencontres intercommunalité et environnement

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Ouverture

> Daniel DelaveauPrésident de l’Assemblée des Communautés de France

A une semaine de la réunion de la commission mixte paritaire chargée d’opérer lesderniers ajustements de la loi Engagement National pour l’Environnement, pluscommunément appelée le « Grenelle 2 », il semblait utile de proposer un bilan desmesures votées et de leurs implications pour les collectivités locales concrétisanttrois années de travail. C’est aussi l’occasion de débattre avec deux rapporteurs dutexte, Dominique Braye et Bertrand Pancher, qui ont représenté notre associationlors des travaux préparatoires du Grenelle.

Pour ces raisons, il nous a semblé nécessaire de proposer ce panorama desdifférents axes du Grenelle et des questions soulevées par leur mise en œuvre dansles territoires. Mais passer du dire au faire n’est pas toujours chose simple. Déjà, l’anpassé, à l’issue du Grenelle 1, présenté comme une loi de programmation, nousavions débattu de la territorialisation du Grenelle de l’Environnement. Le caractèrebeaucoup plus opérationnel du Grenelle 2 nous permet d’approfondir cetteréflexion.

Au cours de la deuxième partie de cette matinée, nous consacrerons nos travauxaux politiques de l’eau. Le rapport annuel du Conseil d’Etat qui vient de paraître estentièrement dédié à ce thème. Quelques mois après celui de la Cour des Comptes,il rappelle la nécessité de respecter nos engagements européens et évoque lesretards des collectivités dans les mises aux normes des stations ou l’entretien desréseaux. Il rappelle aussi la faible application du principe pollueur–payeur et lanécessité de repenser la tarification de l’eau au moment où baissent – et c’estheureux, on peut s’en féliciter – les consommations domestiques. Reste qu’il nefaudrait pas que la vertu conduise à des paradoxes qui renchérissent les coûts.

Le volet du Grenelle 2 consacré à l’eau et à l’assainissement a été considérablementenrichi. Il me semble toutefois illustratif de ces déséquilibres regrettables que nouspouvons constater entre les efforts qui sont demandés à nos collectivités et ceuxqui sont demandés aux autres acteurs de la société. Là aussi, c’est une questiond’équilibre. Je crois que c’est l’objet même de nos rencontres annuelles, et une desrichesses de l’AdCF, de débattre librement de tels sujets dans la diversité dessensibilités.

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Le Grenelle dans les territoires

Les intercommunalités "à la manœuvre"

« 70% des mesures concrètes pour lutter contre les gaz à effet de serre relèvent denotre compétence et nous sommes à la manœuvre pour engager les grandschantiers du développement durable ». En introduisant ainsi le colloque, DanielDelaveau, président de l'Assemblée des communautés de France (ADCF) a soulignéd’emblée le rôle central des structures intercommunales dans la mise en œuvreopérationnelle du Grenelle. Le président a rappelé la part active de l’AdCF, qui dèsl’origine s’est très fortement investie dans le Grenelle de l’Environnement, que cesoit au sein des groupes de travail ou des comités opérationnels, puis dans le suivides débats législatifs par la voix des parlementaires de son réseau1. Revenant sur laforte implication des intercommunalités dans la gestion des services publicsenvironnementaux (déchets, assainissement, transport, énergies renouvelables…),il a rappelé que de nombreux chantiers sont déjà engagés sur le terrain. « Lescommunautés sont déjà en marche », a-t-il souligné. Un constat illustré par lesrésultats de l’enquête conduite par l’AdCF auprès de ses adhérents qui ont permisd’apporter un éclairage précieux aux échanges de la matinée. (Synthèse pluscomplète des résultats du sondage en P. 16).

Ce premier sondage témoigne notamment qu’en dépit des initiatives prises dans telou tel domaine, les communautés hésitent sur la meilleure façon d’utiliser lesdifférents dispositifs de la boîte à outils du Grenelle 2 . Et cela principalement pourtrois raisons : parce qu’elles sont encore inégalement informées des différentesdispositions ; parce qu’elles sont confrontées à une concurrence des priorités faceà la multiplicité des chantiers qui doivent s’ouvrir ; enfin parce qu’elles ne maîtrisentpas les conséquences financières de ces nouveaux efforts dans un contexte deforte incertitude fiscale. Les résultats mettent également en avant « lesinterrogations sur les mesures d’accompagnement - conseils, ingénierie et dont noscommunautés pourront bénéficier pour s’inscrire dans ces multiples chantiers »,précise Daniel Delaveau.

La dynamique est enclenchée, comme le souligne Nicolas Portier, délégué généralde l’AdCF : là où le Grenelle 1 affichait des objectifs, la loi cadette rentre dans le vifde la législation et de la réglementation en apportant des modifications dans unedizaine de codes pour verdir les politiques publiques. Les principales mesuresportent sur cinq grandes problématiques – urbanisme et aménagement, énergie etdéfi climatique, déchets, eau et assainissement, transports collectifs – et leurénumération montre que les ambitions du Grenelle sont élevées.

Lorsqu’on examine dans le détail le texte du Grenelle 2 au regard des objectifsinitiaux, il existe des motifs de regrets et des raisons d’être satisfait, estiment les

rapporteurs du texte de loi en s’appuyant sur quelques exemples significatifs. (voirencadré « Les principales mesures du Grenelle 2 impliquant les communautés »).Par ailleurs, Jo Spiegel, président délégué de Mulhouse Alsace Agglomération,replaçant le Grenelle 2 dans l’actualité législative, exprime une déception communeà de nombreux élus : « On espérait être dans les complémentarités nécessairesentre la réflexion du Grenelle, la réforme territoriale et la réforme fiscale. Je pensequ’il y a du bien dans les trois réformes, mais pour des raisons sans doute decomplexité, elles ont abouti davantage à des logiques d’opposition que des logiquesde complémentarité ».

Pas étonnant que les élus et leurs partenaires s’interrogent sur la façon des’approprier le Grenelle 2, à travers ces questionnements dont Daniel Delaveaus’est fait l’écho : « Comment engager de manière simultanée ces différentschantiers ? Dispose-t-on des capacités d’ingénierie et d’expertise pour répondre ?Sur quel soutien de l’Etat pourra-t-on compter, soutien technique et d’ingénierie ducôté des nouvelles DREAL (Direction régionale de l’équipement…), des grandesagences régionales et nationales (Agences de l’Eau, ADEME, ANRU et l’ANAH). Dupoint de vue financier, quels sont les mécanismes de solvabilisation des collectivitésmis en place ? Le verdissement de la fiscalité permettra-t-il de dégager desressources nouvelles ? Comment introduire un véritable signal prix dans la fiscalitéet sur quoi doit-il reposer ? ».

1 - Simplifier la complexité

Le Grenelle, une grosse machine ou une première étape ?

« Truc très lourd », « ensemble de textes d’un haut niveau de complexité qui va sedécliner en près de 500 à 1 000 décrets d’application », « véhicule omnibus »,« monument de 273 engagements », « travail législatif titanesque » « gigantesquepari » : tous les intervenants le reconnaissent, de prime abord le Grenelle 2 donnel’impression d’une énorme machine à générer de la complexité. Trèsprosaïquement, « cela apparaît aux yeux de beaucoup d’élus comme un ensemblede contraintes réglementaires et d’objectifs à atteindre fixés par l’Etat, disant :débrouillez-vous sur le terrain », note Jo Spiegel. Pourtant, tous les intervenants ledisent également haut et fort : « cette complexité peut être surmontée ». D’abord,en parachevant la rédaction de ces textes « lourds, longs, pas complètementfinalisés », ainsi que l’admet Michèle Pappalardo, commissaire générale audéveloppement durable, qui tient à rappeler que le Grenelle 2 n’est surtout pas uneapplication systématique de normes. « Les sujets sont très nombreux et c’est celaqui rend les choses difficiles, poursuit-elle. Il faut arriver à simplifier cettecomplexité ». Dans cet esprit, au cours des échanges, chacun à sa façon a tenu àreplacer ces textes en perspective afin de rappeler les grandes lignes « du pourquoiet du comment » du Grenelle.

1 Trois rapporteurs du projet de loi ont notamment représenté l’AdCF lors de travaux préparatoires duGrenelle : Dominique Braye, Bertand Pancher et Michel Piron

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Une opportunité pour les territoires

« Le Grenelle de l’Environnement est aussi et surtout un gigantesque pari sur notrecapacité à générer une forme de croissance plus respectueuse de l’environnement »,affirme Valérie Létard. En arrière-plan des actions engagées par les collectivités – etpar ricochet, les citoyens et les entreprises – se profile un véritable défiéconomique, estime Daniel Delaveau, pour qui le Grenelle 2 « peut même constituerune certaine opportunité de croissance dans nos territoires et de développementéconomique de nouvelles filières d’activités dans de nombreux domaines. » Certesdu retard a été pris dans certains domaines comme l’éolien. Pourtant les chosesbougent, ainsi que le souligne Michèle Pappalardo : « Aujourd’hui, cela n’a plusaucun sens de parler de 20% de sûrcout pour réaliser des bâtiments basseconsommation, parce que les professionnels se sont organisés et qu’unedynamique a été créée ». Certaines filières peuvent mûrir beaucoup plus vite qu’onne l’imagine, reconnaît Bertrand Pancher. « J’ai visité un projet de maison basseconsommation d’énergie qui se construit exactement au même prix que les autresmaisons, par une entreprise, qui va créer une filiale française et exporter partoutdans le monde. Avec les questions photovoltaïques, on crée également desnouvelles filières ». La mise en œuvre du Grenelle 2 devrait donc être génératriced’opportunités de croissance, mais également de mutations profondes qu’il vafalloir gérer. Michèle Pappalardo ne parle pas d’autre chose lorsqu’elle évoque laproblématique de l’économie verte : « Il va se créer avec un nouveau mode deconsommation, un nouveau mode de production, avec des nouveaux métiers, desévolutions, des métiers qui vont augmenter, d’autres qui vont diminuer ».

> Valérie Létard« Le Grenelle constitue un moyen d’ancrer et de poser les jalons d’une

économie résolument tournée vers la croissance verte… Des villes plusdurables, des modes de transport plus propres, des sources d’énergieplus fréquemment renouvelables. Tout cela est déjà enclenché, puisque,en deux ans, la production d’énergie solaire photovoltaïque a progressé

de plus de 600% et qu’avec le bonus – malus, notre parc de véhicules neufsest devenu le plus sobre d’Europe en CO2,. En matière de transports collectifs

en site propre, nous lançons 365 kilomètres de lignes nouvelles, ce qui représenteun effort sans précédent puisque, en trois ans, nous en aurons construit autantqu’au cours des 34 dernières années ».

2 - S’approprier le Grenelle

Identifier les défis à venir

Pour Dominique Braye, le rôle des élus consiste d’abord à avoir une vision globale desobjectifs afin de ne pas occulter l’une des priorités aux dépens des autres : « ledéveloppement durable, c’est d’abord les trois volets, environnemental, économiqueet social. Très souvent, les gens ne voient que le volet environnemental dans une

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Une nécessité inéluctable connue de longue date et issue d’une importanteconcertation

A l’instar de Daniel Delaveau déclarant que « le verdissement des politiques localesest une tendance de fond, inéluctable, nécessaire, utile », les intervenantsreconnaissent que le Grenelle 2 répond à une profonde nécessité, puisqu’il s’agit« d’inventer un nouveau monde pour préparer la civilisation de l’après pétrole »,ainsi que le décrit Jo Spiegel. « Le discours que nous avons tenu aux habitants, c’estque, de toute façon, nous n’avons pas le choix. C’est un impératif écologique »,explique-t-il. « Il n’y a pas d’échappatoire, les ressources naturelles seront à l’avenirplus rares et plus coûteuses. Toutes les collectivités auront donc comme impératifde gérer les ressources au mieux et de responsabiliser les citoyens, afin qu’ils soienteux-mêmes comptables de leur utilisation optimale », renchérit Valérie Létard,secrétaire d’État en charge du développement durable. Le Grenelle 2 ne prend pasles collectivités par surprise, il est bien le résultat d’un constat admis par tous. «Nous sommes à l’aube d’une mutation écologique et nous devons nous y préparer», résume Dominique Braye, sénateur, président de la communauté d’agglomérationMantes-en-Yvelines, rapporteur du projet de loi Grenelle 2. Les réflexions engagéesdès 2007 et les travaux préparatoires s’étaient déjà traduits par des premièresmesures inscrites dans les lois de finances de 2008 et de 2009 avec un impactimmédiat et des réorganisations administratives. Et surtout, le texte du Grenelle 2est issu de trois années de travail qui ont défini les 262 engagements mis enmusique par plus d’une trentaine de comités opérationnels, dans lesquels l’AdCF etses représentants se sont fortement investis. « La boîte à outils du Grenelle 2 vanous permettre de passer maintenant de ces engagements à la phase de réalisationsur le terrain », souligne Valérie Létard. « Le Grenelle 2 n’est que la transpositionjuridique de ces engagements », ainsi que l’observe Bertrand Pancher, député,rapporteur du projet de loi sur le Grenelle 2. « Il est donc normal qu’il y ait de trèsnombreux décrets d’application. Entre le Grenelle 1 et le Grenelle 2, on peut faire unzoom sur n’importe quoi : en matière d’énergie par exemple, on voit les objectifs duGrenelle 1, et ce qui s’est passé sur le plan budgétaire – crédits d’impôt, rachatd’électricité photovoltaïque, etc. – puis le Grenelle 2 avec tous les dispositifsréglementaires, tels que les schémas régionaux ». Nous avons devant nousbeaucoup de travail. Tout ne fait que commencer, le plus important reste à faire,conviennent les intervenants en guise de conclusion.

> Michèle Pappalardo« L’idée du Grenelle 2, c’est de faire partager un certain nombre d’objectifsque nous n’avons pas inventés. Ce sont des objectifs européens qui ontdes raisons d’être diverses et variées, parce que les sujets traités sont

différents. Le Grenelle a permis de mettre tout ça ensemble et d’essayerde coordonner la prise de décision pour proposer des solutions pour avancer

ensemble, sur du moyen et long termes. C’est tout ça le Grenelle, ce n’est pasd’abord des normes ou des obligations ».

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nous permettant d’apporter réellement des marges de manœuvre nouvelles pourmettre en œuvre les actions qui nous seront imposées ». Michèle Pappalardoreconnaît que l’équation est très difficile, puisqu’il s’agit pour l’Etatd’accompagner les collectivités dans un contexte de réduction des moyenshumains et matériels. Elle tient à souligner tout d’abord, que si une grandefiscalité n’a pas été inventée pour le Grenelle, « des éléments nouveaux definancement ont été créés morceau par morceau : sur les déchets avec la TGAP,pour l’énergie avec le « fonds chaleur » de l’ADEME par exemple ». Ensuite, c’estle principe de réalité qui doit primer « il faudra faire avec les moyens dont ondispose, dans une démarche de développement durable : en donnant la priorité àla réduction de la dette pour ne pas la laisser peser sur les générations futures ;en utilisant l’argent pour les infrastructures les plus efficaces pour notre modèleéconomique de demain ; enfin en avançant au rythme des possibilités financières,quitte à faire moins vite – ou peut être moins cher selon les secteursd’intervention – que lorsque nous étions dans un environnement budgétaire plusfavorable ». Par ailleurs, la maturation des filières devrait progressivement faciliterl’atteinte des objectifs à coûts maîtrisés.

> Jo Spiegel « La conférence des déficits publics nous dit de modérer les dépensesalors que pour le Grenelle, ce sont des dépenses d’avenir. Depuis desannées, les dépenses environnementales augmentent de 12%, lesmoyens stagnent. Au bout de compte, c’est l’effet de ciseau débouchant

sur une augmentation de fiscalité. Il faut le savoir. Que va-t-on décider ? ».

Vers un nouveau jeu d’acteurs

Autre idée forte : la mutation écologique – et la nouvelle réglementation quil’accompagne – impose aux collectivités d’une même région de se mettre d’accordsur une vision partagée et un diagnostic. Cette concertation apparaît comme unfacteur-clé de succès. Car il ne s’agit surtout pas d’additionner une politiquepublique et des décisions d’un échelon sur l’autre, mais de coordonner tous cesoutils et de les rendre compatibles entre eux. Parmi les outils du Grenelle, il y a lesschémas régionaux, schéma air, climat, énergies renouvelables et la généralisationdes SCOT, des trames vertes et bleues. Des aller-retours seront nécessaires entreacteurs régionaux et locaux. Bertrand Pancher insiste sur les défis à venir en termesde gouvernance. L’Etat n’a peut être pas pris encore la mesure de cet enjeu et ilfaudra bien s’y atteler rapidement « On a intérêt à mettre d’accord tous les acteurssur le plan local quand on va décliner ces objectifs sur le plan régional,départemental, sinon on va être dans des conflits complètement fous. Cela n’a pasété prévu pour le moment dans les textes de loi », « Cela ne sera pas simple et nese fera pas du jour au lendemain », souligne Bertrand Pancher. Un constat quereconnaît Michèle Pappalardo : « L’élaboration des schémas régionaux nécessite des

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euphorie complète, en négligeant les deux autres ». Une fois rappelée cetteposture, reste à identifier les défis qui se posent aux communautés lorsqu’elles semettent en action. Avec, en toile de fond, la lancinante interrogation sur lasoutenabilité financière de ces nouvelles politiques publiques.

La problématique de l’économie verte

Certes le Grenelle 2 constitue une opportunité de croissance. Reste que lacréation de nouvelles filières n’est pas simple. Il faut le temps de la maturationainsi que l’a constaté Jo Spiegel : « Nous avons lancé sur notre territoire un pôledes compétences basse consommation afin d’inciter à l’isolation. J’ai tendance àêtre pressé, mais je comprends qu’il faille à la fois développer l’offre et la demande,et qu’il faille donc de la formation en direction des artisans et des entreprises pourqu’ils élaborent ensemble une panoplie d’offres liées à l’isolation ». En filigrane seprofile la question de l’évaluation des nouvelles politiques publiques : « Il doit yavoir un retour positif du développement durable par rapport aux finances et à lapeine investie par les élus », martèle Dominique Braye. D’où ces questions :jusqu’où faut-il aller dans les contraintes à se donner ? Quels investissementspour quels retours, et dans quels délais ? Comment éviter de transformer desbonnes idées en dispositifs inefficaces ? Comment s’assurer qu’on ne se fourvoiepas dans des technologies insoutenables financièrement et économiquement,alors que par définition on est dans l’innovation ? Comment créer un équilibreentre nouveaux équipements et nouveaux comportements vertueux ?

La rénovation énergétique des bâtiments anciens constitue une parfaite illustrationde ces questionnements. « Cela représente des sommes excessivement plusimportantes que la rénovation énergétique des bâtiments neufs, insiste DominiqueBraye. Il va bien falloir trouver de l’argent. Or si toutes les études disent que lessurcoûts sur les bâtiments neufs généreront des économies substantielles, pour lesbâtiments anciens, on sait que nous n’aurons pas de retour. C’est pour cette raisonque le Grenelle a permis un certain nombre de modulations sur les bâtimentsexistants et qu’on préfère y aller progressivement ».

Quelle soutenabilité financière ?

Le sondage mené par l'AdCF auprès de ses adhérents montre que 67% d'entreeux considèrent que le contexte actuel des réformes financières et fiscales estsusceptible de freiner l'implication de leur communauté dans le Grenelle del'environnement, contre 23% qui ne le croient pas. Les interrogations de MichelCannelat, président de la communauté de communes du Haut Pays Bigouden (29)traduisent bien cet état d’esprit : « Je ne suis pas contre le Grenelle, bien entendu,mais je suis inquiet concernant l’évolution des normes en général qui nous sontimposées dans les collectivités, dans un contexte de raréfaction des moyensfinanciers émanant de l’Etat, de la Région, du Département et singulièrement dela fiscalité communautaire. Je ne vois pas, dans le Grenelle, d’éléments de fiscalité

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du Grenelle. Nous leur avons donné un certain nombre d’orientations,régulièrement, et nous allons continuer ». Troisième point : faciliter le travailcommun de tous les acteurs sur un même territoire. « Cela suppose qu’on secoordonne, et que les informations soient mises à disposition de tous, et ce n’estpas un petit sujet », conclut Michèle Pappalardo.

3 - Mise en œuvre du Grenelle dans les territoires : comments’y prendre ?

Une vision pragmatique et un portage politique local fort

Pour mettre en musique cette mutation écologique aux multiples entrées, il fautd’abord une volonté territoriale forte, estiment les élus. Dominique Braye plaide pourune vision pragmatique, avec ce mot d’ordre : « fortifions ce qu’on a déjà voté,appliquons-le concrètement ». Plutôt que de se focaliser sur les manques du dispositif,et d’enclencher une sorte de fuite en avant vers un Grenelle 3, il propose de prendrele sujet à bras le corps en engageant une démarche d’amélioration continue,progressive, dans le bon ordre, en débutant par les actions réalisables immédiatement.De son côté, Jo Spiegel, tirant la leçon de la mise en œuvre du plan climat lancé dès2006 dans son agglomération, tient à mettre en lumière l’extrême importance duportage politique. « Le plan climat territorial est la partie opérationnelle d’un Agenda21, d’une stratégie de développement durable. Avec un peu de recul, ce qui a étédéterminant, c’est le sens qu’on donne au plan climat, c’est-à-dire la formed’enthousiasme qu’on y met et, en même temps, le portage politique fort ». D’oùl’importance de choisir des démarches propices à ce portage : « J’avais lancé le planclimat territorial parce que c’est une démarche qui à la fois rend visible les actionsautour d’un projet global de développement durable, qui rend lisible et fédère lesactions, et qui donc donne sens et permet de mobiliser ».

> Jo Spiegel « Aucune territorialisation du Grenelle ne remplacera la volonté locale des

élus locaux. C’est la première condition. Je crois que la volonté territoriale c’estd’abord du sens, une vision, une stratégie et des actions concrètes. Pour autant,aucun territoire n’est en mesure de réussir aujourd’hui s’il ne s’inscrit pas dans uncadre incitatif, légal ou financier ».

> Dominique Braye « L’avancée vers le développement durable est un escalier qu’il faut gravirpas à pas, sans vouloir le faire trop vite ou mettre la marche trop haut.Nous savons tous que cette démarche vers le développement durable estquelque chose qui ne cessera de progresser ».

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coordinations, des concertations, des mises en compatibilité, et des prises encompte de tous les niveaux de territoires. Il y a beaucoup de travail et c’est autourde ça qu’il faut que nous nous impliquions fortement pour faire travailler les uns etles autres ensemble ».

> Valérie Létard « Le développement durable sera un atout pour vos intercommunalités, il

vous obligera certes à allonger le temps de la concertation, à prendre en comptedans vos opérations d’urbanisme ou de développement économique un nombre defacteurs beaucoup plus élevés. Il va vous demander plus de transparence, il vaexiger d’associer à vos projets de multiples acteurs, résidents, associations,porteurs de projets et administrations, mais, au final, il va aussi vous aider à mieuxaménager l’espace de vos territoires, en améliorer le cadre de vie et la situationsanitaire ».

> Bertrand Pancher « Nous avons de la réglementation, des mesures fiscales mais tout n’a pasété réglé en matière de décentralisation, de partage des compétencesentre l'Etat et les collectivités, et entre les collectivités elles-mêmes. Jefais partie de ceux qui pensent qu’il faudra, après notre grande réflexion

nationale, qu’on puisse avoir des rencontres régionales, territoriales, pourvoir comment on travaille ensemble et, éventuellement, comment faire évoluer

la loi. C’est surement le futur du Grenelle qui se jouera dans les territoires ».

Le rôle de l’Etat : se mettre en capacité pour accompagner la mise en œuvre

« Il faut rendre concrets les objectifs qui sont dans le Grenelle 1 et le Grenelle 2. Etc’est la première responsabilité de l’Etat », déclare Michèle Pappalardo. Or lescommunautés n’ont pas les moyens ni les savoir-faire pour mettre en place tous leschantiers du Grenelle. D’où l’ardente obligation d’un soutien très actif de l’Etat, deses capacités d’expertise et d’assistance pour répondre aux fortes attentes descollectivités en matière de conseils et d’ingénierie. Demandes qui ressortentclairement du sondage de l’AdCF, puisque 89% des élus considèrent que l’État estun partenaire indispensable pour les accompagner dans la mise en œuvre duGrenelle. Il s’agit donc de former les personnels, que ce soit dans les centrestechniques, les agences de l’Etat, à l’ADEME, et dans l’ensemble des établissementspublics qui travaillent pour le compte du ministère. « Ces évolutions en cours, sefont dans le cadre d’une grande réorganisation, qui est celle de la RGPP (Réformegénérale des politiques publiques). Avec en outre, une volonté de coordination del’ensemble des politiques publiques qui sont concernées, explique la représentantede l’Etat. Ni les DREAL, ni les services du Ministère de l’Ecologie, ne vont devenirspécialistes de tous ces sujets. C’est pour cela que nous nous efforçons deconvaincre et de faire agir les Préfets dans cette dynamique de la territorialisation

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usine à gaz. « Sur ce dernier point, nous n’avons pas encore réussi. Pourtant, il faut queles gens puissent auto-évaluer leur action, comme les collectivités doivent pouvoir lefaire également » confie Jo Spiegel. Troisième élément, la gouvernance : « pour faire dudéveloppement durable, il faut sortir de la logique des services qui travaillent chacundans leur coin pour faire de la transversalité », poursuit-il.

> Jo Spiegel « Travailler sur un projet en mode transversal, cela a consisté à faire du comité

de pilotage le cœur du réacteur qui anime le plan climat territorial. C’est-à-dire uncomité de pilotage qui associe, de plain-pied, au même moment et régulièrement, lesélus en charge des différentes thématiques qui touchent au développement durable etau plan climat, en même temps que l’ensemble des services de l’Agglomération. C’estdans l’interdépendance des décisions à prendre que se joue la réussite du projet.J’avoue que c’est très difficile, très compliqué, d’autant plus qu’on fait rupture parrapport à des modes de travail plus traditionnels ».

Veiller à l’acceptabilité sociale

Un autre défi est celui de l’acceptabilité sociale. Un sujet qui a été insuffisammentabordé jusqu’à présent, estiment certains intervenants et qui soulève bien desquestions. « Il faut veiller à choisir des systèmes qui ne coûtent pas trop cher auxadministrés, souligne Dominique Braye. La tarification incitative par exemple, c’est unebonne idée, mais n’oublions pas que les producteurs amont doivent également êtreimpliqués au travers de la responsabilité élargie du producteur ».

Reste que « le monde de demain, c’est un monde de règles et de valeurs », remarqueBertrand Pancher. Et l’augmentation de ces règles pose la question financière. « Il y ades efforts qui vont être plus importants. » Des efforts qui se traduiront sans doute pardes augmentations de la taxe sur les déchets ménagers (TEOM), même si on est surde l’incitatif. Sans être opposé à ce point de vue, Jo Spiegel tient à pointer les risqueset estime qu’il faut accompagner cette révolution verte d’un renouvellement profonddes modes de gouvernance : « Pas question de faire du développement durable sur ledos du social, qui aboutirait à un renforcement des désenchantements politiques. Ilfaut que toute une génération d’élus, d’associations, de partenaires économiquesinvente un nouveau monde de gouvernance ». L’enjeu étant que « les bonnes idées setraduisent par des règles de bon sens », précise Dominique Braye.

> Daniel Delaveau « L’AdCF a trop souvent eu le sentiment que l’effort allait reposerdavantage sur le contribuable ou l’usager local. J’approuve les propos deDominique Braye concernant la responsabilité des metteurs sur marché.

Les REP font partie de la boîte à outils du Grenelle. Enfin, il me semble quele cœur de la durabilité quand on parle de développement, c’est aussi la

durabilité sociale, pour faire en sorte que les concitoyens puissent vivre ensembleet s’épanouir individuellement et collectivement, c’est un enjeu majeur ».

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Le défi démocratique : informer, convaincre, impliquer, donner du sens

La première condition de réussite, c’est de réussir à convaincre : les maires descommunes, les habitants, les entreprises et tous les partenaires sur le territoire.« Notre problème immédiat, ce n’est pas de régler tout de suite les questionséconomiques, sociales, budgétaires, c’est le défi démocratique, et il est de taille,affirme Bertrand Pancher. Si, grâce à vos actions, nos actions publiques, on montrele sens, on montre les enjeux, on entraînera l’opinion publique et on trouvera lesmoyens ». D’où la nécessité d’informer et sensibiliser, de mettre en débat tout letemps. « C’est une pédagogie du changement qu’il faut conduire. Car dans ledéveloppement durable, il y a les freins liés à l’abandon nécessaire de certaineshabitudes fortes, martèle Jo Spiegel. Les gens peuvent faire de la politique chez eux,en changeant de gestes. Les petits gestes sont aussi importants que les grandespolitiques. C’est l’autre nouveauté de cette approche : faire avec les gens et lespartenaires ».

La concertation avec les acteurs locaux et les associations est indispensable et ellenécessitera de l’énergie. Pour la trame verte/trame bleue, par exemple « si vous nemettez pas d’accord les collectivités locales ensemble, les agriculteurs, leschasseurs, les pêcheurs, les organisations environnementales, ça ne marchera pas »,observe Bernard Pancher. Ce thème de la concertation locale est illustré par les

témoignages de Catherine Louis, présidente de la communauté decommunes du Pays de Saint-Seine (Côte d’Or). Elle présente l’implicationd’une communauté rurale de 3 300 habitants dans le déploiement d’unparc éolien. D’origine communale suite à la sollicitation d’un opérateur, leprojet est rapidement devenu communautaire. En 2001, les 20 maires de

la communauté de communes ont voté à l’unanimité en faveur del’implantation d’un parc éolien. Il a fallu ensuite convaincre les habitants, lesassociations de défense environnementale, les agriculteurs… Près de sept ans ontété nécessaire, tous les acteurs se sont mis autour de la table pour aboutir à lacréation d’une ZDE de 25 éoliennes. Aujourd’hui, sur le territoire de Saint-Seine-l’Abbaye, 25 éoliennes fonctionnent. Sans cette concertation, le projet n’auraitpas vu le jour « Aujourd’hui le parc est bien accepté et fonctionne. Je mettrai justeun petit bémol quant à la réforme de la taxe professionnelle qui nous a quelque peuhandicapé. Initialement, il y avait une recette fiscale importante et du fait de laréforme de la taxe professionnelle, cette recette est remise en cause » selonCatherine Louis.

Même témoignage du coté de Jo Spiegel qui a fait état de la considérablemobilisation des acteurs engagée à Mulhouse dans le cadre du Plan climat énergieterritorial de la communauté d’agglomération.

Autre facteur de réussite, décliner localement le Grenelle en mode projet , avec undiagnostic au départ, une démarche par objectif, des étapes successives à franchir,et l’impérative nécessité d’évaluation et d’outils d’indicateurs qui ne soient pas une

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soutenues par le Gouvernement et à la charge des intercommunalités, je pense àl’habitat particulièrement, il faut, comme sur les énergies, que le Gouvernement aitbien à cœur de traiter aussi toutes les questions qui touchent à la précarité dans lelogement, à la précarité énergétique ».

ANNEXES

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Conclusion

Daniel Delaveau, rappelant que les intercommunalités ont montré desprédispositions à s’engager de manière très active dans la protection del’environnement et dans la reconquête écologique, souligne qu’elles nepourront pas le faire seules.

« Les élus locaux ne pourront pas le faire seuls à partir d’une fiscalité localeprofondément transformée, malmenée, dont on ne mesure pas encore toutes lesconséquences, sur laquelle nous n’avons pas une visibilité très grande, fiscalité localequi demeure, par bien des aspects encore, largement obsolète et injuste. Dans le cadrede la conférence des déficits publics, le groupe de travail présidé par Gilles Carrez abien mis en évidence le caractère inflationniste de la dépense environnementale descollectivités locales et de l’intercommunalité. Alors que l’Etat annonce le gel de sesdotations aux collectivités – ça n’a échappé à personne ici – nous sommes tenus dedemeurer attentifs à l’évolution de nos charges... Il faut que cet effort soit soutenable,maîtrisable localement, c’est-à-dire aussi par nos collectivités. De fait, même si nousnous inscrivons dans la philosophie d’ensemble du Grenelle et de ses objectifs, nousconsidérons que de nouveaux ajustements législatifs seront nécessaires et que lemodèle économique du Grenelle n’est pas encore abouti. Nos parlementaires neseront pas au chômage technique et auront encore du travail ».

Il y a, là aussi, de nouveaux chapitres à écrire sur la question de la réforme de lafiscalité locale. C’est un point essentiel pour que nos intercommunalités puissentcontinuer à progresser et à être présentes par rapport aux défis et aux enjeux quiviennent d’être rappelés.

En réponse, Valérie Létard, secrétaire d'Etat auprès du ministre de l'Ecologietient à souligner que l’Etat a entendu les inquiétudes des élus.

« Source d’innovation et de changement, la démarche du Grenelle 2 est aussi pour lescollectivités source d’inquiétude et de perplexité. En tant que présidente de lacommunauté d’agglomération de Valenciennes Métropole, je sais que vous craignezles empilements de mesures et les lenteurs administratives sources de blocage. Auministère, nous avons pris toute la mesure de vos inquiétudes et nous faisons en sorteque les directions déconcentrées et les agences de l’Etat soient entièrementmobilisées et disponibles pour réussir le Grenelle en travaillant territoire par territoire,avec chacun d’entre vous. » Dans cet esprit, Valérie Létard a proposé la création d'ungroupe de travail réunissant des représentants du ministère et de l'AdCF pourcoproduire un guide pratique "Grenelle et intercommunalités". « Il s'agira de passer aupeigne fin les outils du Grenelle 2 et d'aplanir les difficultés d'application éventuelles »,a-t-elle conclu.

« J’ai entendu aussi les uns et les autres parler des questions sociales et del’accompagnement de nos populations face à tous ces nouveaux enjeux. C’est vrai quela question sociale nous tient à cœur. Au travers de toutes les politiques qui seront

Annexe 1Les principales mesures de Grenelle 2

pour les communautés

Urbanisme et aménagement :• Généralisation à l’horizon 2017 des SCOT,• Renforcement de la portée opérationnelle des documents

d’orientation et d’objectifs (DOO),• Introduction de seuils minimums de densité,• Encouragement du PLU intercommunal,• Mise en cohérence des différents documents de planification

locaux (PLU intercommunal, PLH, PDU),• Création de la trame verte et bleue,• Fin de l’opposabilité directe des futures DTADD mais possibilité

donnée aux préfets de les mettre en oeuvre par voie de PIGA noter : • rejet de l’amendement Piron, soutenu par le gouvernement, visant à

généraliser les PLU intercommunaux fin 2012 « sauf délibération contrairedes communes… »,

• préparation de la réforme des taxes d’urbanisme avec la création d’une taxed’aménagement unique (possibilité de pénaliser fiscalement la sous-densité)

Energie et défi climatique :• Généralisation des plans climat énergie territoriaux (PCET) aux

collectivités de plus de 50 000 habitants,• Rénovation thermique des bâtiments publics,• Objectif de 23% de la part d’énergies renouvelables à l’horizon 2020

(consommation d’énergie finale),• Redéfinition stricte du cadre de déploiement des éoliennes

(Classement ICPE, ZDE compatibles avec schéma régional…),• Possibilité pour les collectivités de valoriser des certificats

d’économie d’énergie (CEE) à partir d’actions conduites sur leurpatrimoine ou dans le cadre de leurs compétences

A noter : • disparition de l’éligibilité des collectivités aux prêts à 1,9% de la CDC pour

rénovation thermique de leurs bâtiments• perte de rendement fiscal des installations éoliennes avec disparition de la taxe

professionnelle (insuffisance du produit attendu de l’IFER; cf. rapport Durieux)

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Politique des déchets :• Mise en place de Plans locaux de prévention en matière de déchets

(cf. appels à projets de l’ADEME),• Objectif de réduction de 5 kgs/habitant/an le volume de déchets

produit par les ménages,• Objectif de 75% de déchets ménagers et assimilés recyclés en 2015 • Possibilité d’expérimenter l’introduction d’une part incitative au

sein de la TEOM• Création de nouvelles filières dites de «  responsabilité élargie du

producteur » (meubles, …)Pour mémoire : • création en 2009 de la nouvelle TGAP sur l’incinération et le doublement de

son montant sur l’enfouissement,• objectif de généralisation de la tarification incitative dans les cinq ans

(Grenelle 1)

Eau et assainissement :• Faculté d’instituer un service public unifié de l’assainissement,• Capacité du service à se substituer aux particuliers pour la

réalisation des travaux,• Objectifs de résorption des fuites des réseaux (obligation de

dresser un état du patrimoine et de définir des programmes detravaux),

• Possibilité pour les Etablissements publics territoriaux de bassins(EPTB) de demander le doublement de la redevance des agences del’eau pour financer les actions des SAGE,

• Possibilité de majoration de la taxe sur les eaux pluviales en vue delui assurer un meilleur rendement (un € par m2)

Transports collectifs :• Possibilité d’instituer une taxe sur les plus-values de cession des

terrains valorisés par un projet de TCSP (périmètre max. de 800 m)• Elargissement des compétences des AOTU au vélo libre service et à

l’auto-partage (qui bénéficie d’un label),• Voiries communales desservies par les TCSP déclarées d’intérêt

communautaire,• Possibilités renforcées d’appels de compétences des AOTU sur

voiries départementales,• Suppression de la possibilité d’expérimenter des péages urbainsRappels Grenelle 1 : • Objectifs de réalisation de 1500 kms de TCSP supplémentaires hors Ile-de-

France,• Soutiens de l’Etat hors Ile-de-France passés de 4 mds € à 2,5 Mds €• report de la taxe carbone dont une part devait être affectée au financement

des transports urbains

• Des motifs de regrets et des sources de satisfaction : le point de vue des rapporteurs

En ce qui concerne les bâtiments, qui représentent 43% de la consommation d’énergieen France et plus de 20% des émissions de gaz à effet de serre, la rénovationénergétique est en bonne voie, estime Dominique Braye. « Toutes les dispositions sontprises pour que nous respections les échéances pour les nouveaux bâtiments. Tandisque pour les bâtiments existants, le plus difficile, on fixe 300 000 logements qui doiventêtre faits dans les 7 ans et on se donne, à travers le Fonds d’Aide à la RénovationThermique tous les moyens pour y arriver ». Pour le volet urbanisme, Dominique Brayeévoque d’un côté une occasion manquée avec le rejet du PLU intercommunal, del’autre un progrès avec le renforcement du SCOT qui sera davantage prescriptif, etbientôt obligatoire dans toutes les communautés et agglomérations de plus de 15 000habitants. Sur les déchets, le Grenelle conforte les plans départementaux et la prioritéà la prévention et la valorisation, mais n’apporte pas de réponses satisfaisantes sur laquestion des zones de stockage ou de la taxe incitative.

L’AdCF mène l’enquête

En préparation des 13èmes rencontres, l’AdCF a interrogé par voie électronique sesadhérents pour connaître leurs priorités et attentes dans la phase de mise en œuvredu Grenelle. Cette enquête met en évidence la priorité actuellement accordée par lescommunautés à la gestion des déchets (prévention, tri, réflexion sur la tarificationincitative) et à leur meilleure connaissance des dispositions du Grenelle à ce sujet. 56%des communautés ont réalisé ou sont impliquées dans un SCOT. 53% ont entrepris desactions en faveur de la rénovation thermique des bâtiments. Sans surprise, les plansclimat-énergie sont encore peu nombreux (5%) même si nombre des communautésconcernées (de plus de 50 000 habitants) y réfléchissent. 74% des communautés, enrevanche, ne se sentent pas concernées par les programmes de résorption des fuitesdans les canalisations d’eau et d’assainissement ; en général parce qu’elles nedétiennent pas la compétence. Parmi les priorités de la mise en œuvre du Grenelle, letravail pédagogique à conduire en direction des élus et des habitants arrive au premierplan des enjeux du Grenelle (45% des communautés), quasiment ex aequo avec lesenjeux de financement. Deux tiers (67%) des communautés soulignent que le contexteactuel des réformes financières et fiscales est de nature à freiner l’implication de leurcommunauté. 89% des communautés considèrent que l’Etat est un partenaireindispensable pour accompagner leur collectivité dans la mise en œuvre du Grenelle.

Annexe 2Mise en œuvre du Grenelle :

quelles implications pour les communautés ?

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Retours de l’enquête électronique conduite par l’AdCFauprès de ses 1130 adhérents :• Lancement en mai 2010,• Traitement en cours,• 160 réponses reçues au 9 juin

Question : Considérez-vous être suffisamment informés des dispositionsdu Grenelle et de ses implications pour les collectivités ?

Question : Quel est l’état d’avancement de ces chantiers du Grenelle dansvotre communauté ?

Question : Quel est l’état d’avancement de ces chantiers duGrenelle dans votre communauté ?

Question : Quel est l’état d’avancement de ces chantiers duGrenelle dans votre communauté ?

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Question : Parmi les actions préconisées par le Grenelle, lesquelles voussemblent prioritaires dans votre communauté (rang de 1 à 9) ?

Pouvez-vous classer par ordre d'importance ces enjeux de mise en œuvredu Grenelle dans votre communauté :

Question : Quels partenaires jugez-vous indispensables pouraccompagner votre collectivité dans la mise en œuvre du Grenelle ?

Question : Quels sont les domaines dans lesquels l’engagement de votrecommunauté vous semble le plus difficile ?

Question : Le contexte actuel des réformesfinancières et fiscales est-il susceptible defreiner l'implication de votre communautédans le Grenelle de l'environnement ?

Question : Comment se situent vosattentes à l’égard des services del'Etat lors de la phase de mise enœuvre du Grenelle ?

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Vers un nouveau modèle économique pour le service public de l’eau et de l’assainissement ?

La combinaison de multiples facteurs d’évolutions

Tous les intervenants s’accordent sur ce point : le modèle économique du servicepublic de l’eau basé sur des concepts anciens commence à montrer ses limites, etde nombreux éléments plaident en faveur de son évolution. Il y a d’abord l’utilisationrationnelle de la ressource en eau qui conduit à la baisse des volumes deconsommation, avec des conséquences sur la composition du prix de l’eau, etnotamment la question du rapport entre les coûts fixes et les coûts variables.Viennent ensuite les impératifs fixés par le Grenelle en matière de réduction desfuites qui rendent urgente la rénovation des réseaux.

En outre, de nouvelles responsabilités en matière de santé publique pèsent sur lesservices chargés de la gestion de l’eau, puisque ce n’est plus l’Etat qui seraéventuellement condamné pour manquement aux règles européennes, notamment

sur les stations d’épuration, mais les collectivités et les communes quipourront l’être directement. Jérôme Bougelot, directeur associé de CaliaConseil, résume ces facteurs d’évolution en proposant « cinq points deréflexion qui sont ceux de la responsabilité écologique, de l’utilisationrationnelle de la ressource, de la question sociale, de la maîtrise des prix

et, évidemment celui de l’organisation institutionnelle parce que c’est celaqui les réunit ».

André Flajolet, député, président du Comité national de l’eau interpelle vivementl’assemblée sur ce dernier point. Estimant que 80% des syndicats seraientincapables d’établir la carte patrimoniale des réseaux, il évoque la multiplicité desstructures qui se sont créées au fil du temps, conduisant à une superposition desresponsabilités et des périmètres de compétences. « Constatons et acceptonsd’abord le fait qu’il y a, en France, malgré les lois qui nous sont proposées, lemaintien d’un superbe désordre établi », conclut-il. A cela s‘ajoute la question de latarification sociale qui est en cours de discussion au Sénat2. De son côté le Comiténational de l’eau essaie de mettre en place un texte visant à prévenir les coupuresd’eau, « en considérant qu’à un moment donné l’accès à l’eau peut poser problèmelorsque la facture de l’eau dépasse de 3% le budget d’un ménage ».

Evolution des gouvernances, changement de comportement, innovationstechniques, c’est autour de ces questions que le débat s’est orienté pour tenterd’imaginer des pistes d’évolutions à court et moyen termes.

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22 2 Le Sénat a voté, en première lecture, une PPLE curative, concernant les incidents de paiement desparticuliers.

1 - Quel pilote pour la gestion de l’eau ?

Une priorité : en finir avec le maintien d’un désordre établi

« Il faut considérer le Grenelle comme une opportunité pour mieux organiser lagestion de l’eau », estime André Flajolet en identifiant cinq pistes de discussion. Lapremière porte sur la place des Etablissements Publics Territoriaux de Bassins (EPTB),qui doivent être considérés « comme des outils opérationnels permettant de déclinersur le terrain les SAGE (Schéma d’Aménagement de Gestion des Eaux) ». La secondepiste concerne l’assainissement collectif et l’assainissement non collectif, qui nedoivent plus être dissociés, « puisqu’il s’agit simplement de deux techniquesconcourrant à un même service, celui de la réparation de l’eau usée pour lareconquête des milieux aquatiques ». Le troisième point a trait à la taxe sur les eauxpluviales qui doit favoriser les techniques alternatives permettant de ne plusimperméabiliser le sol et aller vers de nouveaux modes de financement. Laquatrième piste concerne la rationalisation des structures chargées de la gestiondes ressources. Il faut des structures dotées de schémas de planification à l’échelled’un véritable territoire pour aménager et protéger des espaces, tels que les zoneshumides, et lutter contre l’étalement urbain au lieu de répondre aux demandes aucoup par coup. « L’étalement urbain, c’est mettre des maisons loin des bourgs et desvilles, et construire des kilomètres de tuyaux », rappelle André Flajolet.

> André Flajolet « Nous sommes devant la nécessité de créer des outils nouveaux pourgérer à la fois la raréfaction de la ressource, la réparation desdommages, la protection des espaces. D’autre part, nous sommes aussidevant un autre problème qui est celui qui consiste à dire : c’est une

ressource naturelle, disponible, elle ne coûte pas. Et effectivement, elle necoûte pas, mais les services coûtent de plus en plus cher. Et quand on dit que leGrenelle d’aujourd’hui va nous imposer des contraintes, je dis que c’est faux. Je disqu’il crée les conditions de nos libertés de demain. Je dis qu’il crée les conditionsd’un développement durable, c’est-à-dire d’une pérennité de l’utilisation de laressource, de sa réparation et de sa réutilisation ».

De l’intérêt d’une gestion communautaire de la compétence « eau etassainissement »

Avec l’élargissement des responsabilités liées à la gestion de l’eau, et ce dans tousles domaines (économique, environnement, santé publique…), se profile la questionde la performance et de la compétence, et donc des bons échelons de prise encharge : « qui doit faire quoi, à quel niveau et sur quel périmètre ? » Il y a une vraieréflexion à mener sur la taille de nos collectivités et la clarification de leursresponsabilités, estiment les intervenants. Deux témoignages illustrent la façondont des communes arrivent à travailler ensemble sur la question de l’eau et toutl’intérêt qu’elles en retirent.

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« L’eau est devenue un enjeu d’aménagement de notre territoire, un indicateur denotre développement », c’est ainsi que Thierry Burlot, président de la communauté decommunes Lanvollon-Plouha en Bretagne (15 communes, 15 000 habitants dans leMorbihan) introduit son témoignage. « Il y a une dizaine d’années, la communauté apris la compétence de l’eau en fusionnant quatre services d’eau existants avec desmodes de gestion différents. Ce qui fut extrêmement compliqué », souligne-t-il.Aujourd’hui la communauté gère le service en régie indirecte par contrats deprestations de services, « nous orientions principalement les investissements sur laprotection de nos ressources en eau et sur la question de l’assainissement noncollectif et collectif, poursuit-il. Nous avons travaillé également sur un pland’investissement, en l’abordant beaucoup plus sereinement que prévu. Finalement,c’est quelque chose qui pourra se conduire assez facilement ». Reste uneinterrogation majeure qui est celle de la mise en œuvre des SAGE et la complexité desstructures de gestion des bassins versants. « Là, il y a une vraie difficulté et unmanque de lisibilité sur lesquels il va falloir travailler. Sur la question de l’eauaujourd’hui, tout le monde s’en occupe, mais il n’y a pas de chef de file. Je pensequ’aujourd’hui l’intercommunalité est un très bon chef de file, un très bon lieu decohérence entre le haut et le bas, entre partenaires incontournables et je n’imaginepas de faire des SAGE demain sans les intercommunalités », conclut Thierry Burlot.

« Malgré l’extrême diversité de leur situation, petites communes et villes centresd’une communauté de communes de montagne ont finalement réussi à s’associerpour mieux gérer ensemble la ressource eau » : cette entente témoigne d’uneévolution très importante dans les mentalités estime Martial Saddier, député de laSavoie, qui témoigne en tant que président de la communauté de communesFaucigny-Glières, Haute-Savoie. Au sein de cette communauté en zone de montagne(25 000 habitants, de 7 communes), l’écart est gigantesque : d’une part, les deux villesprincipales (11 000 et 6 000 habitants) mènent une politique offensive sur lesproblématiques environnementales et d’eau depuis plusieurs décennies - avecnotamment un SAGE en cours d’élaboration ; d’autre part, les cinq petits villagescompris entre 300 et 1 000 habitants, situés en altitude, sont eux très démunis. A celas’ajoute la diversité des modes de gestion et des opérateurs. La prise de consciencedes citoyens et des élus est intervenue lors de l’élaboration du SCOT qui a obligé lacommunauté de communes à se saisir de la problématique de l’eau, alors qu’elle nes’était interessée qu’à l’assainissement non collectif auparavant. « Les gens dans lesvillages ont pris conscience que pour un prix de l’eau très bas, ils n’ont aucun service.Ils sont maintenant prêts à accepter l’évolution du prix, à condition qu’il y ait uncertain nombre de services ». Les élus des villages se sont donc rapprochés des villescentres afin de trouver des solutions de gestion communes. « Depuis le début del’année, ma ville a créé une régie des eaux, d’une part, et une régie del’assainissement, d’autre part. Cette régie municipale qui est portée par la ville centrea vocation très rapidement, au fur et à mesure des opportunités, à devenir la régieintercommunale ». Dans cette perspective, tous les maires de la communauté de

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communes sont présents dans le volet usagers de la composition du Conseild’administration des régies d’eau et d’assainissement, pour préparer ensemblel’avenir. Avec une feuille de route qui est très claire. « Tout d’abord, constituer un pôled’ingénierie, pour faire en sorte qu’il y ait une équité intellectuelle sur le territoire dela communauté. Ensuite, faire de la solidarité financière, avec son corollaire, qui estl’uniformisation du prix de l’eau sur le territoire de la communauté de communes, laredevance assainissement non collectif et le prix de l’eau sur l’aspect collectif. Etenfin, qu’on n’oublie aucun secteur, c’est-à-dire qu’on soit également capable d’aiderces petites communes pour s’inscrire dans le SAGE et pour s’intégrer dans lescontrats de rivière ».

Ces expériences locales éclairent chacune à leur façon les enjeux en cours et à venir.Au vu des réactions qu’elles suscitent, il semble bien qu’elles montrent la voie. Resteque le chemin est encore long. En toile de fond, la question de l’unité entre le servicede l’eau et de l’assainissement demeure entière. « Je pense que l’élargissement desmissions, du segment des responsabilités et de gestion économique est une questionessentielle pour aller vers l’unité du service de l’eau et de l’assainissement », affirmeAndré Flajolet. Pour Yann Rolland, directeur général adjoint de Lyonnaise des Eaux -SUEZ ENVIRONNEMENT, « une vraie réflexion doit être conduite pour savoir quellecollectivité doit gérer à moyen ou long terme cet ensemble que représente le grandcycle de l’eau, c’est à dire toutes les politiques autour de l’eau et de l’assainissement,en prenant en compte les particuliers, les industriels, les agriculteurs, enfin tous ceuxqui interagissent sur ce cycle ».

Toujours dans cet esprit de prise de responsabilité au bon échelon, un autre point quidemeure central en France est le retard pris pour le renouvellement des réseaux. « Ilva nous falloir faire mieux avec moins d’argent public. Mais c’est aussi l’opportunitéde clarifier les compétences entre les niveaux », observe Thierry Burlot. Pour JérômeBougelot, « le modèle de péréquation du prix de l’eau au niveau intercommunal, telqu’il a été évoqué, semble une solution technique très intéressante : aujourd’hui, descollectivités mettent en place une partie spécifique de leur surtaxe pour financer lerenouvellement des réseaux, soit à l’échelon intercommunal, soit parfois au-delà ».

> Thierry Burlot « Aujourd’hui, le facteur limitant au développement économique decertaines activités en Bretagne, c’est l’eau. L’eau aujourd’hui conditionne,par son prélèvement et par sa capacité d’épuration, le développementéconomique d’un territoire, les questions d’urbanisation, les questions de

développement économique autour des filières agroalimentaires. Si vousn’avez pas réglé le problème environnemental, vous ne pouvez plus vous

développer ».

> Martial Saddier « N’oublions jamais, dans ma région, la ville centre est forcément en fond de

vallée. Elle a sur ses coteaux toutes les communes rurales. Si j’ai de l’eau potable

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en dessous, c’est parce que les communes du dessus m’envoient de l’eauet il vaudrait mieux, dans les années à venir, qu’elles continuent dem’envoyer de l’eau potable. Ce qui est intéressant, c’est que ce sontplutôt les maires des communes rurales et à faible population, qui,aujourd’hui, forcent la main au maire de la ville centre, et moi qui suispartisan de l’intercommunalité, je trouve cela très symbolique et tant mieuxque cela passe par l’eau ! »

> Philippe Vigier, président de la communauté de communes des TroisRivières en Eure et Loir, député

A propos de l’assainissement non collectif. « Aider les personnes à faire desréhabilitations d’assainissement non collectif coûte en moyenne entre 6 000et 10 000 €. Les agences sont quasiment désengagées. Les conseils

généraux sont exsangues. André Flajolet a raison, je rêve aussi d’un serviceunique de l’eau et de l’assainissement où l’on mutualise les moyens. C’est la seulesolution pour faire des économies d’échelle ».

2 - Vers un nouveau modèle économique ?

Le constat d’un paradoxe

Décryptant le modèle économique actuel, Jean-Louis Chaussade, directeur général deSUEZ ENVIRONNEMENT, pointe les raisons de son inadaptation aux réalitésd’aujourd’hui, et fournit quelques indicateurs qui donnent la mesure des enjeux. « Dansun contexte marqué par une baisse tendancielle de la consommation de l’eau (enmoyenne entre 1,2% et 1,3% par an en France), un déséquilibre se créé entre lesrecettes basées sur une consommation variable (70% des recettes sont liés aucubage) et les charges essentiellement fixes. Dans ces conditions, l’atteinte d’unrendement suffisant apparaît de plus en plus difficile », explique-t-il en substance. Ilserait tout à fait paradoxal que des comportements vertueux pour l’environnementconduisent à un renchérissement du prix de l’eau. Il y a donc une vraie réflexion àmener sur le modèle économique de l’eau. D’autant qu’avec le renforcement desnormes, les services publics ont besoin de recettes pour produire leurs efforts deprotection de l’environnement et de santé publique. D’où cette question centrale :comment faire évoluer le modèle économique pour le rendre conciliable avec lamaîtrise des consommations de l’ensemble des concitoyens. Yann Rolland, Directeurgénéral adjoint de Lyonnaise des Eaux – SUEZ ENVIRONNEMENT, ouvre quelquespistes : « Plutôt que de gérer le modèle économique par la norme, on peut aussi legérer par la performance environnementale. On peut imaginer dès demain un modèlede gestion de service public qui rémunère l’opérateur sur la performance de sonaction, qu’elle soit sociétale ou environnementale, sur des critères fixés évidemmentpar le maître d’ouvrage ».

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S’appuyer sur l’innovation et faire preuve d’intelligence

Une fois le constat posé et les pistes évoquées, reste à passer de l’idée à la réalité, cequi suppose de faire bouger les lignes de force d’un système complexe. Jean-YvesCousin, député-maire de Vire, interpelle les opérateurs : « Le Grenelle del’Environnement est dans une démarche nous incitant à être vertueux, il faut doncessayer de récompenser la vertu. Je souhaiterais savoir ce que vous mettez derrièrece nouveau modèle intelligent et, par exemple, derrière la rémunération à laperformance, de manière concrète ». Pour les représentants de SUEZENVIRONNEMENT, l’un des défis consiste à construire un modèle économique basésur une maîtrise de la consommation plus intelligente. « Aujourd’hui, nous disposonset nous disposerons encore mieux demain des moyens technologiques nouspermettant de construire une grille tarifaire plus fine et intelligente, qui permettentd’adapter le système de facturation à la consommation de chacun, au mois, à lasemaine, peut-être même au jour », estime Jean-Louis Chaussade. Avec lescompteurs intelligents et les innovations à venir beaucoup d’évolutions sont en effetenvisageables : identifier les volumes consommés pendant certaines trancheshoraires de manière à limiter les investissements nécessaires en amont, comme c’estle cas pour l’énergie, ou encore protéger la consommation des premiers 15 – 180 m3.Ce modèle intelligent est aussi « un moyen de construire une forme de systèmeprogressif qui favorisera les petits consommateurs et incitera les plus grosconsommateurs à faire encore plus attention à leur consommation et donc à leurimpact sur le milieu naturel », tient à souligner Jean-Louis Chaussade.

L’autre levier d’évolution du modèle économique repose sur la performanceenvironnementale, explique les représentants de SUEZ ENVIRONNEMENT. « Dans unrécent contrat, notre rémunération est liée à la réduction de la pression que nousexerçons sur la ressource en eau, particulièrement fragile pendant les périodesestivales. Donc, à nous d’être intelligents et de trouver des systèmes innovants pourdes modes d’alimentation différents », décrit Yann Rolland. Second exemple : unecollectivité a demandé à l’opérateur d’imaginer un système innovant pour réduire demanière significative la production de boues d’une station d’épuration, tout enrespectant les normes de rejet. Avec à la clé, une rémunération associée à laréduction du tonnage des boues.

Une ardente obligation : la pédagogie sur les évolutions du modèleéconomique

« Reste qu’il faut bien différencier le contrat qui lie la collectivité et l’exploitant et lacompréhension de la grille tarifaire que peut avoir le client final », observe ThierryBurlot. « Ces deux compréhensions ne sont pas très simples à remettre sur la mêmegrille de lecture, reconnaît Jean-Louis Chaussade. Les grandes villes nous demandentde plus en plus d’avoir une part proactive dans leur développement durable et dansles éléments de jugement du contrat qui permettront, par exemple, de réduire les gaz

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à effet de serre ou de réduire l’impact environnemental des services que nous rendons,et ceci, avec une série de paramètres qui doivent être mesurés et qui doivent conduireà des bonus ou des malus en fonction des contrats qui sont signés ».

Expliquer tout cela au consommateur final reste une gageure commune pour les éluset pour l’entreprise.

> Yann Rolland « On est capable de construire demain ce modèle économique

nouveau qui associe maîtrise de la consommation, protection del’environnement et qui arrive à concilier ces deux aspects avec laviabilité des modèles économiques des opérateurs. On peut aussi seposer la question des opérateurs urbains, aménageurs immobiliers,promoteurs, parce que, par leur action sur la surface des sols, parl’imperméabilisation qu’ils entraînent, ils ont une action sur le grand cycle de l’eau.Ne faut-il pas les faire contribuer, d’une manière ou d’une autre, à ce vastefinancement d’un grand cycle de l’eau ? ».

> Jean-Louis Chaussade « La première réponse face aux défis qui nous sont posés, c’estl’innovation… Ces problèmes, on va les résoudre mais on ne les résoudrapas sans innovation. On ne les résoudra pas non plus sans changementde comportement et donc, c’est clair, on devra moins consommer. Et il va

aussi falloir consommer autrement. Entre les différents usages de l’eau, ilva falloir qu’on s’entende. Quand on regarde tout cela, dans une rivière aussi

simple et proche de nous que la Dordogne, je peux vous dire qu’on n’y arrivera passi on ne se met pas tous autour d’une table en disant : quels sont les usages de l’eauque l’on veut avoir et comment se met-on d’accord pour répartir cette quantitéd’eau ? Ce sont des questions simples, qui se posent de manière simple à l’échelledes communautés. Elles vont se poser de manière complexe au niveau d’un certainnombre d’Etats. Elles sont au cœur de nos comportements. Nos comportementsdevront changer ».

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Conclusion

Un autre regard sur l’eau

> Jean-Louis Chaussade « Globalement, quand je ne regarde pas simplement la France, mais la

planète, de toutes façons, dans un horizon qui est de 20 à 40 ans, la problématiquede l’eau va être beaucoup plus importante que la problématique du réchauffement.Le premier élément c’est l’augmentation de la population alors que la quantitéd’eau sur la planète est stable, cela veut dire qu’il faudra qu’on se partage la mêmequantité d’eau à 9 milliards. On aura donc globalement en moyenne de l’ordre de 3à 4 000 m3 de ressource en eau disponible par habitant dans 40 ans, alors qu’on enavait 15 000 au début du 20ème siècle. Cela va se traduire par des tensions sur laressource. Le deuxième élément, ce sont les villes ».

> Daniel Delaveau « Jean-Louis Chaussade a eu raison de rappeler ces chiffres. En 1950, 30% de

la population vivaient en milieu urbain. En 2008, pour la première année, cette parta atteint 50% et vous avez rappelé qu’elle sera de 75% dans 30 ans. Voilà unformidable défi. Et ce défi suppose, à travers toutes les déclinaisons et tous lesthèmes que nous venons d’aborder, que nous soyons en capacité d’avoir une visionglobale et cohérente qui unifie, qui donne du sens dans la mise en œuvre de l’ensemblede ces politiques. Nous sommes les uns et les autres, des praticiens : on le voit dansl’élaboration des SCOT, dans l’élaboration des plans climat, dans l’élaboration de nosPLH (programmes locaux d’habitat), dans l’élaboration de nos plans de déplacementurbain. Tout cela peut paraître une accumulation de plans ou de documents, maisc’est cela qui donne du sens et une cohérence à une vision globale qui, en fait, nousdonne la capacité à mettre en œuvre très concrètement une vraie stratégie dedéveloppement durable ».

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