genese de l'echelle musicale

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Genèse de l’échelle musicale Sylvie Fradin Promotion 2002/2004 Dirigée par Eugène de Montalembert. Cefedem Bretagne Pays de Loire

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  • Gense de lchelle

    musicale

    Sylvie Fradin Promotion 2002/2004

    Dirige par Eugne de Montalembert.

    Cefedem Bretagne Pays de Loire

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    Sommaire

    Introduction p 4

    A- pour les non musiciens et les musiciens ! p 6 I- Sensibilisation au mode p 6 II- tonalit et modes p 7 III- Tonalit, gamme et chelle p 8 1- Le mode majeur p 8 2- La gamme mineure p 9

    B- Histoire de la gamme p 11 I- LAntiquit p 11 1- Introduction p 11 2- La contribution de larchologie p 12 3- La lyre p 12 II- Une approche scientifique p 13 1- Le canon p 13 2- Physique et physiologie dans la gense de lharmonie p 15 III- de lEgypte notre Renaissance p 18 1- La thorie dans la musique gyptienne ancienne p 18 2- La Grce p 18 3- Quest ce quun mode p 19 4- Le trait dharmonie dAristoxne p 23

    C- De la modalit la tonalit p 24 I- Le ttracorde p 24 1- Origine antique de notre notation p 24 2- Le systme musical grec p 25 3- Le systme musical mdival p 26 II- Lhexacorde et la solmisation p 27 1- Nommer les notes p 27 2- La solmisation p 27

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    III- Musica recta et musica ficta p 28 1- Naissance p 28 2- Dveloppement de la musica ficta p 28 3- Conclusion p 29

    D- Echelle et improvisation : des outils pdagogiques p 30 I- Plaidoyer pour limprovisation p 30 1- La voix intrieure p 30 2- Lapprentissage p 31 3- Lexpression au bnfice de linterprtation p 32 II- Les chelles et limprovisation p 33 1- Lchelle : un rservoir de notes p 33 2- Le jazz p 33 3- Les modes naturels p 34 4- Les modes transposition limites de Messiaen p 35 III- Des exercices pratiques p 35 1- Limprovisation pour lpanouissement musical p 35 2- Une grille modale p 37 3- Lcriture p 37 IV- Conclusion p 38

    E- Conclusion p 39 Lexique p 40 Indexe des annexes p 43 Annexes de p 44 p 66 Les thoriciens p 67 Bibliographie p 71

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    Introduction

    Le choix du sujet. Cheminement : IL y a trois ans de cela, jai rencontr un chanteur guitariste qui recherchait un(e) contrebassiste. Nos rptitions nont pas t trs concluantes, mais les changes auxquels elles donnrent lieu furent en revanche trs enrichissants : Pierre me raconta alors lhistoire passionnante de peuples grecs appels Ioniens, Doriens, Phrygienset de la faon qutait la leur de chanter chacun sur une note de basse diffrente, ce qui donnait leur chant sa couleur caractristique. Je nai jamais pu retrouver trace de cette histoire, mais elle ma fait dcouvrir lexistence des modes, et ma donn envie den savoir plus sur leur histoire et celle de la gamme. Depuis, je collectionne les bonnes raisons de mintresser eux : la basse (et donc la contrebasse) est directement lie aux modes et lhistoire de la musique est indissociable de la leur. Pdagogiquement, leur utilisation est une excellente faon daborder limprovisation, qui est pour moi, une pratique ncessaire pour apprivoiser son instrument. Au cours des recherches effectues pour rdiger ce mmoire, jai compris que je faisait lamalgame entre mode et chelle, et que lautre histoire qui m intresse beaucoup est celle de la naissance de lchelle diatonique et son volution jusquau systme chromatique. Finalement : Cest cette dernire tape qui occupe lessentiel de mon mmoire ; elle en est le fil conducteur, taye des diffrentes tapes de lhistoire des modes et de leur utilisation.

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    Lobjectif Aspect historique : Mon objectif est de permettre au lecteur, musicien ou non, de dcouvrir comment sont nes les notes et comment on les a organises en chelles. Aspect gographique : La musique est prsente dans toutes les civilisations. Approcher les modes, cest sapprocher de toutes les musiques du monde travers leurs origines communes. Aspect pdagogique Je commencerai par expliquer comment enseigner lusage des modes aux tudiants musicien, en mappuyant sur des exercices. Enfin, jexpliquerai quelle importance jaccorde limprovisation dans lapprentissage instrumental, et de quelle manire les modes et les chelles peuvent servir cette cause. NB : Le lecteur devra se reporter rgulirement au chapitre vocabulaire Les * indiquent les mots qui sy trouvent, et les noms propres prsent dans la partie index des noms . Il pourra aussi trouver des complments dinformations dans les diffrentes annexes. Les [] indique le numro de la rfrence dans la bibliographie, et le no de page.

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    A Pour aider les non- musiciens et les musiciens !

    I Sensibilisation au mode Pour aider le lecteur non averti cerner de quoi il est question ici, je lui conseille dallumer son poste transistor et dtre attentif ce quil entend Cette musique est triste, mlancolique, donne envie de danser un slow ? Elle est en mode mineur ! Cette musique est gai, dynamique et donne envie de sauter partout ? Elle est en mode Majeur ! Bravo ! vous voil capable de distinguer les deux modes utiliss quasi exclusivement dans nos contresles modes Majeur et mineur. On appelle musique tonale , la musique qui utilise ces deux modes, lexclusion de tous les autres. Vous entendez prsent de la musique chinoise ? Mais quest ce qui vous fait dire que cette musique est de Chine ? a se reconnat ? ! Oui, parce que le mode utilis ici nest ni mineur, ni Majeur ; cen est un autre ! Idem lorsque vous entendez de la musique arabe, ou bien un blues Le mode utilis participe trs largement lidentit dune musique. Et lune des caractristiques essentielles dun mode est lchelle quil utilise. Si toutes les notes dune chelle taient quidistantes , ou disons plutt, spares par les mmes intervalles, toutes les musiques auraient la mme couleur. Mais il y a le ton ET le demi ton (voir parfois des intervalles plus grands ou plus petits). Leur rpartition dans lchelle en fait sa spcificit.

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    II Tonalit et mode

    Nous avons vu que les modes utiliss principalement dans les pays de tradition classique sont les modes Majeur et mineur. La musique utilisant ces deux modes lexclusion des autres est dite musique tonale , par opposition la musique modale , qui en utilise de nombreux autres.

    Les compositeurs de la plupart des civilisations, ceux de la musique dite ancienne

    ainsi que certains compositeurs modernes ou contemporains utilisent des modes. Il

    en existe donc une trs grande varit !

    Chaque mode prsente un caractre propre qui sexprime par une succession

    dintervalles, ainsi que, parfois, par des tournures mlodiques caractristiques. Il est

    souvent facile de les reconnatre dinstinct.

    Parmi cet univers de modes, deux modes de la renaissance ont connu un destin

    particulier en Europe. En effet, aprs avoir supplant tous les autres modes, les

    modes de do et de la sont devenus le Majeur et le mineur et ont, par consquent,

    permis la constitution de la tonalit . [1 p 84] Les gammes que nous utilisons majoritairement aujourdhui en Occident sont donc soit majeures, soit mineures. En observant le clavier dun piano, on constate que la rpartition des touches noires entre les touches blanches est ingale : Il y en a chaque fois que lintervalle entre deux touches blanches est suffisant. Entre

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    do et r, il y a un ton, donc la place pour deux demis tons ; il y a une touche noire entre les deux (cette touche sappelle do dise, ou bien r bmol, sachant que dise signifie plus un demi ton et bmol moins un demi ton ). Entre r et mi, il y a un ton, donc une touche noire (r dise ou mi bmol). Entre mi et fa, il y a un demi ton, donc pas de touche noire. Entre fa et sol, un ton, entre sol et la, un ton, entre la et si, un ton, entre si et do, un demi ton.

    III Tonalit, gamme et chelles. Une gamme est la matire premire dun tonalit. Elle prsente les notes constitutives de faon rgulire, conjointe, en montant ou en descendant. Une gamme est constitue de sept notes distinctes (de noms diffrents) plus une, la reprise de la premire loctave. Exemple : do, r, mi, fa, sol, la, si, do. Etre dans une tonalit, cest utiliser tout fait librement les notes de la gamme correspondant cette tonalit. Une uvre dans la tonalit de do majeur utilise donc principalement les notes de la gamme de do majeur. Lorsquon dit do majeur : do est le ton : cest dire la note tonique, la note de base de la gamme et de la tonalit. majeur est le mode : cest dire la rpartition des intervalles entre les notes de la gamme. (voir plus haut) Le septime degr dune gamme majeure est un peu particulier. Il possde une force dattraction vers la tonique (dont un demi-ton seulement le spare), on le nomme note sensible. La plupart du temps, le compositeur ne se contente pas des sept notes de la gamme principale. Il introduit dautres notes, soit en altrant les notes de base (en ajoutant des dises et des bmols), soit en modulant, cest dire en changeant de tonalit [1 p85.]

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    1- Le mode majeur Le mode majeur vous est probablement dj familier. Il se forme, par exemple, en

    partant du do et en suivant lordre des notes naturelles (sans altrations, cest dire

    sans dise ni bmol) : do, r, mi, fa, sol, la, si, do. Les touches blanches du piano

    permettent de le visualiser.(voir page 4)

    Ce mode a pour intervalles successifs entre ses degrs : 1 ton, 1 ton, 1 demi-ton, 1

    ton, 1 ton, 1 ton, 1 demi-ton.

    Cette succession est le modle de toutes les gammes majeur

    Sil est trs simple de crer la gamme majeure qui part du do, comment trouver celle

    qui part du r, du mi, du fa # ?

    Il suffit de respecter la suite des intervalles : 1 ton, 1 ton, 1 demi-ton, 1 ton, 1 ton, 1

    ton, 1 demi-ton, partir des nouvelles notes de dpart souhaites.

    Il faudra alors altrer les notes, cest dire faire intervenir les dises et les

    bmols. [1 p86]

    2- La gamme mineure La gamme mineure succde au mode de la, mode de la Renaissance, qui se forme

    suivant lordre des notes naturelles partir du la : la, si, do, r, mi, fa, sol, la.

    Ce mode a pour intervalles successifs entre ses degrs : 1 ton, 1 demi-ton, 1 ton, 1

    ton, 1 demi-ton, 1 ton, 1 ton. (pas de sensible).

    Sous cette forme, on lappelle mineur mlodique descendant .

    Les compositeurs de la Renaissance, toutefois, ont apprci de plus en plus la force

    du demi-ton qui fait se rsoudre, en majeur, le septime degr de la tonalit, la

    sensible, sur la premire note de la tonalit, la tonique.

    Pour retrouver cette sensible, les compositeurs ont rehauss le septime degr du

    mode mineur (mlodique descendant) dun demi ton : ce qui donne le mode

    mineur harmonique [1 p91]

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    Pour viter lintervalles inhabituel dun ton et demi entre le sixime et le septime degr, on a ensuite rehauss ce sixime degr dun demi ton : ce qui donne le mineur mlodique ascendant . Il existe donc trois types de modes mineurs Ce qui les caractrise est la tierce mineur entre le premier et le troisime degr (exemple en la mineur : entre la et si, il y a un ton, et entre si et do, un demi ton, ce qui fait une tierce mineur ; pour avoir une tierce majeur, il faudrait deux tons, soit un do#) De la mme faon que pour les gammes majeures, pour crer une gamme mineure quelle quelle soit, partir dune autre note que le la, il faut reporter ces intervalles caractristiques en utilisant les altrations.

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    B Histoire de la gamme

    Avant propos Jai dcouvert avec beaucoup dintrt lhistoire de la naissance de notre gamme*. Elle est lingrdient principal de la musique, mais je crois nombreux les musiciens, dbutants et avertis, qui nen connaissent pas bien la gense Dou vient le ton, pourquoi cette rpartition des tons et demi-tons sur nos claviers de piano, dou viennent le nom des notes, do, r, mi, fa, sol, la, sique tout le monde connat sans savoir pourquoi Jespre, travers ce chapitre, clairer le lecteur sur cette partie de notre histoire, sur la gense de lArt musical.

    I- LAntiquit 1- Introduction La Msopotamie fut, entre le IV me et le Ier millnaire avant J-C, un des plus brillants foyers de civilisation. Cest dans cette rgion situe entre le Tigre et LEuphrate, peu prs dans lIrak actuelle, que les premiers villages sont apparus, environ 9000 ans avant J-C. La civilisation sy est dveloppe : agriculture, architecture, invention doutils, Arts, criture, musique Lhistoire de la musique est lie celle de cette rgion, mais aussi celle de lEgypte et de la Grce. Linvasion de celle ci par les doriens au XII me sicle avant J-C marque le dbut du Moyen Age grec, priode obscure dont nous navons quasiment pas de traces. Ce trou dans lhistoire entrave la connaissance ; ainsi, il y a peu de certitudes concernant les diffrentes tapes qui ont men lharmonisation de la Lyre (son systme daccordage). Ce chapitre tente de retracer au mieux le droulement de cette gense de la premire chelle musicale.

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    2- La contribution de larchologie. Un certain nombre de tmoignages archologiques dpoques et de natures

    diffrentes bas reliefs, fresques, mosaques, tablettes dargile, textes et

    inscriptions comme le livre des Morts ou le texte des Pyramides, avec ses prires et

    ses hymnes de louanges adresses aux dieux permettent daffirmer que la

    musique tait omniprsente et accompagnait toutes les circonstances de la vie, ds

    le 4me millnaire avant notre re. [4 p22]. Il est cependant encore difficile de dire avec prcision quelles taient les caractristiques de la musique cette poque, et comment elle sest transmise jusqu la Grce antique. Les quelques vestiges de la premire poque sumrienne ( partir de 3100 avant

    J-C) nous montre que la musique tait omniprsente et essentiellement religieuse et

    liturgique.

    Des chercheurs ont tent de reconstituer un systme modal et un systme

    daccordage de la lyre (instrument servant de support au systme thorique des

    gammes musicales chez les assyriens, 1850 avant J-C). De ces recherches rsulte

    que les Sumro-babyloniens possdent probablement, au XX me sicle avant JC,

    une gamme heptatonique (sept sons) et diatonique (rpartition rgulire des notes

    de lchelle : 1ton, 1 ton, 1 demi-ton). Ils pratiquent sept modes ds le XVIII me sicle avant J-C, et connaissent le cycle

    des quintes. . [1 p501] Voir annexe cycle des quintes

    3- La lyre Elle est linstrument millnaire qui traversa presque sans changement lantiquit, de 4000 la fin de lempire grco-romain (476). Elle consistait, dans sa premire forme, en deux cornes ovines recourbes, runies en haut par une traverse et jointes en bas une cavit ferme ( lorigine, une caille de tortue) qui formait une caisse de rsonance. La lyre est lanctre de la cithare. Lune comme lautre ont des cordes de boyau dgales longueurs, mais de diverses intonations ; on variait donc leur tension et peut tre leur paisseur. Les cordes taient parallles.

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    A lorigine, il y avait 7 cordes, puis on passa 8, 9, 11, 12, 15 jusqu 30. Elles taient accordes de manire quon put disposer sur linstrument de plusieurs chelles modales. Toutes fois, les ressources de la cithare furent toujours plus grande, tandis que la modeste lyre resta linstrument pdagogique et domestique.

    II- Une approche scientifique. Comment savoir ce qui amen les musiciens de lpoque pratiquer cette harmonisation ? En dautres termes, pourquoi et comment ont ils dcid que telle corde produirait tel son, et quil y aurait tel intervalle entre cette corde et celle ci ? Lutilisation du canon a permis de donner un sens mathmatique et physique au rapports entre les notes de lchelle. Sont- ce les lois physiques de rapport de longueurs et de tensions de cordes qui ont form notre oreille aimer ce que lon a alors baptis consonances ? Ou bien des lois physiologiques ont elles guid laccord de la lyre ? Les consonances et dissonances taient elles perues par loreille avant que la science ne sen mle ? Si tel est le cas, quelle explication physiologique ce phnomne ? Ce chapitre tente dapporter une rponse ces questions.

    1- Le canon Le Monocorde, aussi appel Canon, ce qui signifie rgle en grec, est un outils primordial dans lhistoire qui nous occupe. En voici deux dfinitions : Canon, dfinition 3 : Dans lantiquit grecque, on appelait canon harmonique

    lensemble des proportions numriques calcules sur le monocorde pour dfinir les

    intervalles.[12 p284] Ds lantiquit grec, les thoriciens savent mesurer les intervalles et visualiser les

    diffrentes hauteurs de sons. Cette opration seffectue laide dun monocorde,

    pice de bois sur laquelle est tendue une corde qui peut tre raccourcie par un

    chevalet mobile .[1 p255]

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    Ces deux dfinitions laissent supposer que ce mode de calcul des intervalles date de lantiquit grecque, cest dire de Pythagore* (-570, -480, philosophe et mathmaticien grec considr comme le fondateur de la thorie musicale moderne.). Mais nous verrons plus loin que beaucoup dinformations laissent penser que tout cela avait dj t invent par les gyptiens. Les grecs admettaient trois consonances : loctave, la quinte et la quarte, quils nommaient respectivement : diapason, diapente et diatessaron. A ces trois consonances les pythagoriciens faisaient correspondre, respectivement, les trois rapports numriques 2 :1, 3 :2, 4 :3 (cest dire deux, trois demi, et quatre tiers). Comment et pourquoi ? la rponse nest pas toute simple. Dans lantiquit tardive, Gaudence* rapporte lexprience qui aurait permis Pythagore de trouver ces rapports numriques : Il tendit une corde sur une rgle appele canon ou il avait marqu 12 DIVISIONS ; Alors il commena par pincer la corde entire et sa moiti comportant 6 units ; il

    trouva que le ton de la corde entire tait symphone de celui de la moiti (12 :6)

    selon loctavepuis il pina de nouveau la corde entire et les trois quarts de celle ci

    (4 :3=12 :9) et trouva que ces deux tons taient symphones selon la quarte.

    Finalement il pina la corde entire et les deux tiers de celle ci (3 :2=12 :8) et trouva

    cette fois ci que les deux tons taient symphones selon la quinte, etc.

    Cette exprience, rapporte plusieurs sicles aprs sa ralisation suppose, na videmment aucune garantie dexistence. Du reste, on devine que les choses ne se passrent pas aussi simplement que Gaudence les dcrit. Cependant plusieurs raisons permettent de penser quil y a une part de ralit dans lexprience en question. [] Le canon navait quune vocation exprimentale, il ne servait pas faire de la musique. Son existence est atteste par de trs nombreuses citations ; le concept de canon est utilis de nombreux sicles aprs les grecs. Il est certes invraisemblable que ds le dpart, quelquun eut lide de marquer douze divisions sur la rgle du canon, mais on peut supposer que cest grce une rgle sans division pralable que lexprience permit de constater qu la consonance doctave, reconnue directement par loreille, correspondait une longueur

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    moiti de corde. On faisait dabord rsonner toute la corde, puis seulement sa moiti et lon constatait que le second son tait loctave suprieure du premier. Il est trs probable que lassociation de nombres aux sons musicaux ait cette origine. De mme pour la quinte avec le rapport 3 :2 des longueurs, et 4 :3 pour la quarte. Ds lors, afin dunifier dans une seule exprience la mesure des trois consonances que les grecs admettaient, il fallait marquer douze divisions sur la rgle, les trois rapports 2 :1, 3 :2, 4 :3 sexprimant aussi par 12 :6, 12 :8, 12 :9. [2 p18] Bien sur, la hauteur du son nest pas absolue , puisque la longueur de la corde nest pas prdtermine. Ainsi, seul le rapport des sons entre eux est important. (Rappelons que le diapason na t fix quen 1859. Voir annexe sur Le diapason).

    2- Physique et physiologie dans la gense de lharmonie. Quelles sont les caractristiques de loreille qui pourraient laisser penser que la perceptions des dissonances et des consonances a devanc leur explication mathmatique ? Hermann von Helmhotz*, mdecin et physicien allemand du XIX me sicle a beaucoup travaill sur cette question. Dans son livre intitul thorie physiologique de la musique, fonde sur l tude des sensations auditives (la traduction littrale du titre allemand donne plutt la science des sensations sonores comme fondement physiologique de la thorie de la musique ) il traite de trois thmes principaux : La composition des vibrations, ltude des phnomnes accompagnant la perception de sons simultans, cest dire les battements et les sons rsultants. (Helmholtz donne cet endroit la cl de sa thorie : ce sont les battements, par leur combinaison dans la perception auditive, qui mesurent le degr de dissonance), enfin les affinits entre les sons. Cette partie rsume les aspect principaux de cette tude. Rappelons que le son est un phnomne vibratoire qui se propage sous forme donde mcanique. Un son est caractris par sa hauteur, li la frquence de la vibration (nombre doscillations par seconde : loreille humaine entend les vibration entre 20 Hz et 20000 Hz), son intensit , lie lamplitude des vibrations et son timbre, qui dpend des intensits relatives des diffrents sons harmoniques qui le composent. (voir annexe sur les harmoniques).

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    a- Anatomie de loreille. Loreille de lhomme et des mammifres, situe principalement dans los temporal, se compose de trois parties, externe, moyenne et interne. Loreille externe comprend le pavillon et le conduit auditif externe ferm par le tympan. Loreille moyenne contient la caisse du tympan dans laquelle une chane de trois osselets (marteau, enclume, trier) sert transmettre loreille interne les vibrations du tympan. Loreille interne a une partie postrieure servant lquilibre et une partie antrieure servant laudition et appele cochle. Les vibrations de lair extrieur sont transmises au liquide de loreille interne et excitent la membrane basilaire. La mcanique de loreille interne est telle que, lorsque le liquide interne vibre, il excite de prfrence certaines parties de la membrane basilaire, la localisation de

    ces parties tant fonction des frquences des sons partiels harmoniques constituant

    le son reu. .[2 p 151] b- La dissonance explique par le battement. Cette thorie est avant tout celle des phnomnes et des sensations provoqus par la conjonction de plusieurs sons musicaux simultans. Cependant, la mmoire auditive fait quelle sapplique aussi la perception de sons successifs. Les phnomnes provoqus par la conjonction de plusieurs sons musicaux sont de deux types : les sons rsultants et les battements. Les sons rsultants : Lors de lmission de deux sons simultans de forte intensit de frquence f1 et f2, on entend sajouter des sons de frquences : (f1-f2), (f1+f2), (2f1-f2), (2f2-f1), Les battements : La production de battements sexplique trs simplement en calculant la somme algbrique des amplitudes sonores cres par chacune des deux sources. Si les deux vibrations nont pas la mme frquence (donc pas la mme longueur donde), leur perception simultane cre un phnomne vibratoire rsultant de la somme algbrique des deux vibrations simples voir schma ci dessous). Lorsque les deux vibrations sont en phase, leur somme est de grande amplitude ; lorsque les deux vibrations sont en opposition de phase, leur somme est de faible amplitude. Lalternance cyclique de ces grandes et faibles amplitudes cre un battement.

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    Les battement ne constituent pas un son musical, la diffrence des sons rsultants.

    Cest seulement lenveloppe de la courbe de vibration qui est caractrise par la

    frquence battante (cest dire que seule lamplitude varie ; pas la frquence). On

    entend quelque chose comme ouin-ouin-ouin , cest dire de continuels

    renforcements et attnuations du son. [2 p 155] En rose, le son 1, en jaune, le son 2, en vert, la somme des deux :

    Ensuite, plusieurs solutions : soit les battements sont assez espacs pour les percevoir (4 ou 6 par seconde), et cela cre une sensation assez agrable, qui participe lexpression de la musique : il y a consonance. Soit ils sont trop rapprochs pour les sentir nettement, et cela devient une contrainte dsagrable : il y a dissonance. Ce sont les frquence des deux sons initiaux qui dterminent la frquence des battements ; ceci explique donc pourquoi certains sons se marient bien et dautres non. Bien sur, tout cela est un peu elliptique mais nous ne pouvons ici nous attarder sur cette question. c- Conclusion On peut supposer, la lumire de cette tude, que la physiologie a jou un rle important dans laccordage de la lyre. Avant sans doute lutilisation du monocorde. Toutefois, il ne faut pas oublier pas que certaines dissonances antiques, se sont plus tard transformes en consonances Ainsi, il est certain que la perception volue avec lducation et la culture

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    III- De lEgypte notre Renaissance. 1- La thorie dans la musique gyptienne ancienne ( -2686, 642) Limportance de la musique dans lEgypte antique est atteste par la richesse de

    liconographie, les documents crits et labondance des instruments retrouvs. Il

    nexiste pas de thories musicale articule connue, ni, apparemment, de notations

    musicale, mais de nombreux tmoignages- gyptiens, grecs ou romains- concernent

    les pratiques musicales. Le dieu Thot (Herms) invente la musique et la lyre. Osiris

    utilise la musique pour civiliser le monde. La musique gyptienne, prsente dans le

    culte des morts, est aussi trs lie la magie et lastrologie. Restent, sans notation

    musicale, les textes de nombreuses chansons. [1 p501] Une quipe de chercheur constitu de Sania Abdel Aal, gyptologue directrice- assistante du muse du Caire, Robert Cribbs, scientifique amricain, Mahmoud Effat, musicien et fltiste, Dr. Fathi Saleh, musicologue, informaticien directeur du projet, a travaill pendant six mois afin de dcouvrir quelles taient les diffrentes gammes joues par les anciens Egyptiens, et quelles sont les relations entre les anciennes gammes gyptiennes et les autres gammes .Cette recherche a montr que les anciens Egyptiens possdaient la gamme diatonique depuis des temps reculs, ainsi quune gamme de mme type que dans le musique arabe, compose de sept notes, dont l'origine tait jusqu'alors attribue la Perse. Pour plus de dtail sur ce travail, Voir annexe sur les gammes gyptiennes p 47.

    2- La Grce (VI me sicle avant JC) Avant tout, rendons Csar ce qui lui appartient probablement. Le monde grec et romain tmoignent dune grande admiration pour le monde gyptien. Pythagore pourrait lui avoir emprunt sa thorie musicale. Il nest pas impossible que lEgypte soit la vritable inventrice du monocorde, tandis que Platon, dont on dit quil y tudia (pendant 21 ans ?) en aurait t le transmetteur.[1 p 502]

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    Les notions incompltes que nous possdons sur la musique grecque nous sont donc fournies pas les crivains et les philosophes. (Platon, Aristote, Ptolme). Les Grecs ne connaissaient ni ne pratiquaient lharmonie* (chez les grecs, harmonie signifiait la manire daccorder la lyre); leur musique tait purement mlodique* et rythmique. Cest ce quon dsigne parfois par le terme de musique homophone* , par opposition la polyphonie* du Moyen Age ou la musique harmonique* de lge classique. La mlodie tait chez les grecs anciens, une mlope asservie la posie laquelle elle tait toujours associe, ainsi qu la danse, de sorte que les trois arts nen formaient quun]. (Voir indexe sur les muses).

    3- Quest ce quun mode ? Daniel Saulnier crit que un mode implique une chelle et une structure ; Lchelle du mode, cest le catalogue dans lequel sont choisis les degrs (notes) de la

    composition. La structure, cest lorganisation des intervalles qui sparent ces

    degrs ; mais cest aussi la force et la qualit propre de chaque degr. Lchelle,

    avec sa structure, est une donne de base dont les compositeurs hritent et sur

    laquelle ils nont gure de prise.[].

    Le compositeur choisit des degrs dans le catalogue que constitue lchelle, et il les

    dispose en une mlodie. Ce faisant, il impose un rle spcifique, une fonction, chacun de ces degrs. Cest la hirarchie des degr de lchelle. Elle est luvre du

    compositeur.[].

    Quand une note a un rle architectural fort, on a pris lhabitude de dire que cest une

    note modale. Il y a la un certain abus de langage. En effet, toutes les notes de

    lchelle contribue au visage modal de la pice (chacune avec un rle spcifique).

    Bien sr, certaines notes architecturales restent plus prsentes dans loreille, dans la

    mesure ou la mlodie insiste sur elle. Mais cest en entendant la relation de

    voisinage entre celles ci et les notes ornementales que loreille peut reconnatre les

    degrs architecturaux.[].

    En plus de lchelle et de sa structure, le mode se reconnat aussi par ses formules

    mlodiques caractristiques. Pour lauditeur, elle constituent un repre. Pour les

    chanteurs, elles reprsentent un soutien prcieux dans la mmorisation. Ainsi, une

    formule douverture, en faisant entendre des enchanements mlodiques

    caractristique, permet-elle une entre sre dans la sonorit du mode. [11 p 16]

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    a- Les modes formulaires La conception primitive de la musique semble bien avoir t celle du mode

    formulaire. Encore vivante en Orient (rga hindou, maqam arabes), elle disparut

    sans doutes plus ou moins en Grce aprs Platon. Mais on la redcouvre dans la

    musique religieuse byzantine et dans le plain chant primitif. Cest un ensemble

    complexe qui comporte une chelle caractristique, mais aussi souvent un ensemble

    de conventions permettant de lidentifier facilement, et ceci quelles que soient les

    modifications que lui font subir les interprtes plus ou moins improvisateurs : schma

    mlodique dtermins, formules connues davance, registre vocal ou instrumental,

    agrments caractristiques, procds spciaux dinterprtation, de style, de

    timbre[] Les modes formulaires sont frquemment lis encore aujourdhui, une

    ide religieuse ou sociale, ou une circonstance dtermines, dou la doctrine de

    lethos platonicien. [5 p 5]

    b- Etymologie des modes : Il semble que ce soit Platon et Aristote (entre autre) que nous devions la nomenclature des modes grecs. Ceux ci doivent tous leur nom une origine gographique. Platon, dans sa thorie de lethos (voir plus bas) leur a attribu des qualits et vertus en rapport avec leurs caractristiques musicales, mais aussi avec les particularits des peuples qui les utilisaient. Ionien : Adjectif se rapportant une peuplade de la cote orientale de la mer Ege, en Asie mineure, dont le territoire est aujourdhui en pays turc. Lentre du terme ionien ou iastien dans lhistoire musicale, se situe chez Platon qui mentionne dans la Rpublique lharmonie ionienne comme lune des six chelles sur laquelle il lgifre. Il la dcrit comme sans vigueur et propre aux buveurs , et la proscrit comme amollissante.[12 p 964] Dorien : Les Doriens constituaient une peuplade du sud de la Grce continentale, qui donna son nom une chelle, puis un ton de la musique grecque antique.[].Dans la Rpublique, Platon recommande lharmonie dorienne comme noble et grave, propre exalter les vertus civiques. .[12 p 587]

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    Phrygien : En musique grecque antique, le terme phrygien faisait rfrence au peuple barbare de ce nom situ au nord du monde grec (Thraces et Daces de la Roumanie actuelle). Il dsignait entre autre une harmonie de genre enharmonique (r, mi, mi demi dise, fa, la, si, si demi dise, do, mi), propre, selon Platon, exciter les vertus guerrires. .[12 p 1493] Lydien : Terme relatif une peuplade barbare vivant lest du monde grec, en Asie mineure[]. Pour Platon, lharmonie lydienne (dite aussi lydisti) emprunte lchelle dune octave enharmonique partir du deuxime degr en montant (1/4 de ton au dessus de mi) ; elle est rejete de la Rpublique pour son ethos relche et propre aux buveurs. .[12 p 1158] Mixolydien : tymologie mlange de lydien . Son nom vient probablement du fait que, alors que dorien, phrygien et lydien se suivent un ton de distance, le Mixolydien se plaait un demi ton seulement du lydien. .[12 p 1274] Eolien : De Eole, dieu des vents. Eolien est le nom donn tardivement aux neuvime et dixime modes ecclsiastiques, cest dire au mode de la. .[12 p 651]

    c- Doctrine de lethos selon Platon (Athnes v 427, Id v 348, av J-C) Avant de plonger dans cette nouvelle notion, il est important de comprendre que, tout comme on distingue facilement une mlodie en mode majeur (de do), et une mlodie en mode mineur (de la), en entranant un peu son oreille, on peut galement distinguer une mlodie en mode de r, de mi On peut construire une chelle sur chaque note naturelle du clavier, en montant la gamme sans utiliser de touches noires. Lamalgame est souvent fait entre mode et chelle. Disons quun mode est une chelle associe dautre particularits de jeu. Ce que lon appelle aujourdhui mode, tait en fait pour les grecs des harmonies . Lethos attache chacune de ces harmonies ne correspondait pas seulement une chelle de notes, mais aussi des schmas mlodiques et thmatiques On a vu que Jacques Chailley les rapproche des rgas hindous ou des maqam arabes, qui sont

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    plutt des schmas mlodiques et thmatiques, des formulaires assortis de particularits dexcution. [4 p 42] Platon dfini la bonne musique comme lexpression sensible des rapports mathmatiques qui rgissent le monde. (Dans le Time, Platon explique que le monde a la forme parfaite dune sphre, anime dun mouvement uniforme. Le principe de ce mouvement est un systme dorbes concentriques, disposs dans le ciel suivant des distances qui correspondent aux intervalles musicaux.). Il tabli un systme de correspondance entre les harmonies, les genres potiques et les circonstances de leur usage, qui met en vidence ce quil appelle lEthos des diffrents modes et rythmes. Lide que la musique est un agent de formation morale tait taye par des anecdotes difiantes, comme celle qui racontait comment Pythagore, par un simple changement de mode ou de rythme, avait russi apaiser la fureur rotique dun jeune homme, ou comment Damon, par le jeu de la lyre, calmait ses mouvements de colre, ou encore comment les hros de la guerre de Troie avaient su par le choix dun musicien appropri dvelopper chez leurs pouses la vertu de fidlit. Dans Rpublique, Platon analyse la valeur morale des diffrents modes et des diffrents rythmes. La mlodie comporte trois lments : la parole, lharmonie et le rythme. []

    Lharmonie et le rythme doivent saccorder avec les paroles. [] Nous avons dit quil

    ne fallait pas de plaintes et de lamentations dans nos paroles. Quelles sont donc les

    harmonies plaintives ? [] Ce sont la lydienne mixte, la lydienne aigu et quelques autres semblables. Par consquent, ces harmonies la sont retrancher.

    [] Quelles sont les harmonies molles utilises dans les banquets ? Lionienne et la lydienne quon appelle lche. Ten serviras-tu pour former des guerriers ? Il ne nous reste donc plus que la dorienne et la phrygienne. On dit que lharmonie dorienne incite au courage ; La phrygienne imite lhomme engag dans une action pacifique, non pas violente, mais volontaire, et qui cherche

    persuader pour obtenir ce quil demande.

    [Vignal, Marc, Dictionnaire de la musique, Larousse, 1996, page 1511] Platon prconise galement que lon tienne compte de la diffrence des sexes pour

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    concevoir une musique qui a de la grandeur et entrane au courage (pour les hommes), et qui entrane la modestie et la sagesse (pour les femmes). Les concours musicaux seront jugs sous la prsidence dhommes gs et aviss. Ainsi la musique, traites en affaire dtat , peut-elle, selon Platon, restaurer lordre et lentente chez lhomme, ce qui est sa vocation primitive. Toute une tradition hellnistique et romaine a conserv cette conception qui associait certaines vertus et certains vices certains modes. Ainsi, le dorien est majestueux et dveloppe les vertus viriles ; lhypodorien est fastueux et hautain ; le phrygien, agit et enthousiasmant ; le lydien, dolent et funbre ; lhypolydien, voluptueux.]

    4- Le trait dharmonie dAristoxne On ne connat pas de trait dharmonie avant celui dAristoxne de Tarente*, au IV me sicle avant JC. [] Le systme musical des Grecs, tel quil apparat dans ce trait, est la base du systme utilis en occident jusqu nos jours.[] La mlodie dpend de lexistence dchelle de sons, appeles harmonies ou modes. Chaque mode stend sur deux ttracordes* (voir annexe Ttracorde et cycle des quintes ), cest dire deux ensemble de quatre notes (chacune mise par une des cordes de la lyre), spares par une note pivot appele la mse. Les modes Grecs sont au nombre de sept. Chacun est dfini par sa note finale. Les Grecs en effet nommaient les notes partir du haut, se rfrant au jeu de la lyre et la disposition de ses cordes, le son le plus haut tant jou sur la corde la plus proche du joueur. [4 p 44] A ces modes se superposaient trois genres, diatonique, chromatique, enharmonique, qui se diffrenciaient par la disposition des notes lintrieur de chaque ttracorde, lequel tait limit par des notes fixes et comprenaient des notes mobiles lintrieur.] Le chapitre suivant explique plus prcisment ces notions.

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    C- De la modalit la tonalit

    Restant dans lexpectative concernant le mode daccordage de la lyre avant le monocorde, je dbuterai le parcours de la modalit la tonalit lAntiquit grecque, environ cinq sicles avant notre re.

    I- Le ttracorde.[13]

    1- Origine antique de notre notation. Ds cette priode, les thoriciens savent mesurer les intervalles et visualiser les diffrentes hauteurs de son grce au canon (monocorde). Une thorie sest petit petit dgage de ces expriences, et on a group les sons par srie de quatre, appeles ttracordes*. A cette poque, les notes sont dsignes par des lettres de la faon suivante : A B C D E F G a b c d e f g aa bb cc dd ee ff gg. On peut donc considrer cette succession comme le mode daccordage initial de la lyre. La corde la plus basse est donc A, mais cette note ne fait pas partie du systme, puisque le premier ttracorde dmarre sur le B (cela soulve une interrogation : pourquoi alors cette corde existe t elle ? Je nai pas trouv de rponse cette question !) Il en existaient trois genres distincts : 1- le ttracorde diatonique : 1 ton, 1 ton, 1 demi ton. 2- Le ttracorde chromatique : 1 ton et demi, 1 demi ton, 1 demi ton. 3- Le ttracorde enharmonique : 2 tons, 1 quart de ton, 1 quart de ton (lantiquit utilisait de nombreux micro intervalles.) [1 p 255] Ces diffrents ttracordes senchanent - soit conjointement, avec une note commune : ex : BCDE/EFGa - soit disjointement, spars par une seconde : ex : EFGa/bcde

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    Remarque : On peut dj sentir les origines de notre propre systme, puisque notre gamme diatonique est constitue de deux ttracordes identiques disjoints : Do R Mi Fa et Sol La Si Do il sagit du modle diatonique, cest dire une succession de 1 ton, 1 ton, 1 demi ton. Voir annexe cycle des quintes p 46.

    2- Le systme musical grec. Il est dune tendue de deux octaves et sorganise autour de quatre ttracordes. [A] B C D E b(bcarre) c d e E F G a e f g aa a b(bmol) c d Le premier A ne fait pas partie du systme. Les deux premiers ttracordes ont le E en commun, et sont donc conjoints. Le deuxime et le troisime sont disjoints, et spar dun ton (le b est un ton du a, et un demi ton du c, on dit donc aujourdhui quil est bcarre ; explication plus loin). Le troisime et le quatrime sont conjoints. En rouge le cinquime ttracorde, conjoint au second, et qui, pour respecter le modle des autres, fait apparatre un b bmol ! Bien sur, ce cinquime ttracorde est une alternative au troisime. Nous avons donc avec cela, deux possibilits daccordage de la lyre : La premire en utilisant les ttracordes 1, 2, 3 et 4 : A B C D E F G a b(bcarre) c d e f g aa La seconde en utilisant les ttracordes 1, 2, 5 et 4 : A B C D E F G a b(bmol) c d e f g aa Le demi ton ab devient le trait caractristique du cinquime ttracorde. Remarque : Bcarre et bmol ne peuvent coexister dans la mme mlodie ! Le choix est fait lharmonisation, cest pourquoi lon dit que le systme est diatonique. Le chromatisme* nexiste pas encore.

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    On constate que tous ces ttracordes sont sur le mme modle : cest LA rgle importante dans cette thorie ! Ce modle se note STT (semi soit demi ton, ton, ton)

    3- Le systme musical mdival. Il fonctionne exactement de la mme manire, mais on a intgr le A (grave). Ainsi, le modle du ttracorde varie : il nest plus STT, mais TST. A B C D b b(bcarre) c d D E F G d e f g [aa] G a b(bmol) c Laccord de la lyre ne change pas, et le demi ton ab est ici aussi caractristique du cinquime ttracorde. Ce qui change alors sont les modes disponibles, puisque le A entre dans le systme, on change dchelle ! Remarque sur lorigine du bmol et du bcarre : Aux origines de la notation, le bmol et le bcarre ntait donc pas des altrations, mais les noms mme donns au deux formes de la note b. (de la deuxime octave, ne pas confondre avec le B de la premire octave !). Cette note pouvait tre : - Haute, et donc caractris par un ton, que lon disait intervalle dur, ou carr, et

    lon crivait le petit b avec une forme carre, proche de notre signe bcarre daujourdhui.

    - Basse, et donc caractris par un demi ton, intervalle que lon disait mou, ou rond, et lon crivait le petit b avec une forme ronde, ce qui est notre bmol daujourdhui.

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    II- Lhexacorde et la solmisation.

    1- Nommer les notes. Lappellation des notes par des lettres se rvla inadapt la pratique et lapprentissage de la musique. Ainsi, au XI me sicle, Gui dArezzo* imagina une chelle de six sons uniquement

    destine solfier (on disait solmiser), cest dire chanter en nommant les notes. De

    construction symtrique, elle comporte 2 tons, 1 demi ton, 2 tons.

    Pour nommer chaque degr de lhexacorde, Gui dArezzo utilisa un hymne* St

    Jean Baptiste (voir texte dans le lexique), et y appliqua une mlodie modle qui

    faisait dbuter chaque hmistiche sur un degr diffrent de lhexacorde et mettait en

    valeur les syllabes suivantes : Ut, r, mi, fa, sol, la. (ici Ut correspond C) Linvention des noms des notes de la gammes*, avec un dbut sur Ut (do), rpondit

    donc un objectif pdagogique. [1 p 256] Cette chelle comporte six degrs et non sept, car le si prsente une difficult : cest un degr mobile qui prend deux formes distinctes selon la direction de la

    mlodie (bmol ou naturel). Le systme du solfge ne deviendra rellement

    heptatonique quau XVII me sicle. [1 p 256]

    2- La solmisation. Le modle de lhexacorde est donc : Ut r mi fa sol la. soit C D E F G a Il sinscrit dans le modle : TTSTT. Ce modle est possible en partant de C, de F (F G a bbmol c d)ou de G (G a bbcarre c d e). Aujourdhui on dirait que ce modle TTSTT peut se raliser en partant de Do, de Fa et de Sol. Rien dautre puisque lon ne dispose pas daltration. La seule note mobile est le b Ainsi, dans le systme hexacordal, le b rotudum vel molle (b mou, ou b bmol) appartient lhexacorde qui dbute sur F, appel juste titre molle, et le b

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    quadratum vel durum (b dur ou b bcarre) est propre lhexacorde de G rebaptis durum. [13] Mi et fa deviennent rapidement les notes qui entourent le demi ton de lhexacorde. Dans la solmisation, une syllabe ne se rfre pas une note relle mais une position dans lhexacorde. Ut peut donc dsigner C, F ou G (ou c, f ou g, ou encore cc, ff ou gg ! ! !). Mi est la note infrieure du demi ton et fa sa note suprieure. Tout le reste en dcoule. La place du demi ton tant dpendant de la forme du d ; le b est ds lors considr comme une note mobile qui peut tre fa ou mi.

    III- Musica recta et musica ficta..

    1- Naissance. La combinaison des hexacordes molle et durum donne lieu une alternance entre bcarre et bmol. Au XIV me sicle, il est suggr dappliquer des signes bmol et bcarre dautres endroits de la gamme, ce qui produit une alternance similaire dun

    son plus grave et dun autre plus aigu. : do, do#, mi, mi, fa, fa#. Les nouveaux sons do#, mi et fa# nont pas de valeur chromatique au sens moderne du mot. Ils sont perus par les thoriciens mdival comme des sons diatoniques, chants plus haut ou plus bas quhabituellement. Cela permet de multiplier les endroits ou lon

    peut trouver des demi tons. Mais tandis que et (sous entendu b bmol et b bcarre) appartiennent au systme, les autres notes sont dnommes ficta non pas parce quelles sont dissonantes mais parce quelles sont trangres aux anciens. [13]

    2- Dveloppement de la musica ficta. On appelle donc musica ficta lintroduction de notes trangres au systme. Et musica recta toutes les notes appartenant au systme. Les thoriciens sont obligs de justifier lusage des notes ficta. Les raisons fondamentales pour justifier cet usage sont classs en trois groupes :

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    1- La perfection des consonances ou causa necessitatis. 2- Lornementation de la mlodie ou causa pulchritudinis. 3- Les contraintes instrumentales ou causa instrumentis. [13] La causa necessitatis constitue lensemble des raisons harmoniques qui dterminent la perfection de loctave et de la quinte. La causa pulchritudinis se justifie par la recherche de lembellissement et lusage de plus en plus frquent de lornementation* et des mouvements cadentiels ( partir du XIV me sicle) emprunts des modes diffrents et qui impliquent une sensible. La causa instrumentis : Depuis le XII me sicle, lorgue est jou dans lglise pour accompagner le chant liturgique. Or les chantre choisissent la hauteur qui correspond le mieux leur tessiture. Grce la solmisation, ils nont aucune difficults transposer. Cependant, lorganiste qui les accompagne est obliger de rflchir la transposition pour respecter lchelle et la place du demi ton Jusquau XIII me sicle, les claviers ne possdent pas dautres touches noires que le b bmol ; donc dans la plupart des cas, les seules transpositions possibles sont la quarte ou la quinte ( tout comme lhexacorde se place sur C, ou sur sa quarte F ou sur sa quinte G). Les modes grgoriens naturels sont excuts sur les touches blanches et LA touche noire b bmol. Ladjonction de degrs chromatiques pendant le XIV me sicle a multipli les possibilits de transposition. [13]

    3- Conclusion : le systme chromatique Les touches noires du clavier se multiplient au cot du si bmol (le b bmol est intgr depuis longtemps dans le systme ; on parle mme dun orgue sur le clavier duquel le si bmol tait une touche blanche cot du si bcarre !) Peu peu, la conception dhexacorde transpos volue dans le sens dun systme chromatique identifi aux touches noires du clavier et intgr dfinitivement dans le systme musical. Cela abouti au systme que lon connat aujourdhui : douze touches par octave. Je ne dis pas note , car ce serait anticiper sur le clavier bien tempr, mais cela est une autre histoire

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    D- Echelles et improvisation : des outils pdagogiques.

    Au del de mon intrt pour lhistoire de notre chelle, cest mon attrait pour limprovisation qui ma amen traiter ce sujet. Sa pratique est pour moi incontournable pour parvenir au plaisir : de jouer dabord puis dinterprter, une fois le contact tablit entre le musicien et son instrument. Mais quel rapport entre lchelle et limprovisation ? La grande peur des jeunes improvisateurs est celle de la fausse note ; mais si lon rduit le choix des notes en ne gardant que les justes , alors tout est plus facile Si lon considre lchelle comme un rservoir de notes dont le contenu est prdtermin : une gamme pentatonique par exemple, alors cette apparente contrainte devient le chemin de la libert.

    I- Plaidoyer pour limprovisation.

    1- La voix intrieure. Il y a quelques annes, on pouvait lire que 80% des enfants qui apprennent jouer dun instrument dans une cole de musique ny touche plus jamais par la suite. On peut voir dans les bidonvilles de Caracas, des jeunes de 14 ans dont chacun est capable de battre simultanment trois ou quatre rythmes complexes sur une boite de conserve. [3 p 39]. Volker Biesenbender nous dit avoir fait de la musique avec un apiculteur grec de 83 ans capable de reproduire nimporte quel morceau aprs lavoir entendu une seule fois. [3 p 39]. Quelle diffrence y a t il donc entre les jeunes lves de nos conservatoires et cet homme ou ces jeunes vnzuliens ? Sans doutes aucune dans le fond ; mais peut tre chez nous est ce la forme qui pche.

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    On a tendance penser que cest la rptition du geste technique qui abouti au son, alors que dans nombreuses autres cultures, la musique est considre comme lexpression de la voix intrieure, et cest cette voix qui guide le geste. Puisque les structures musicales et celles des instruments ne sont que lexpression de nos propres lois, toutes les fonctions ncessaires leur apprentissage sont en nous, un peu comme pour lapprentissage de la parole ou de la marche. A la longue, par une pratique frquente et attentive, ces fonctions peuvent devenir de plus en plus prcises et raffines. [3 p 43]. Le processus dapprentissage le plus naturel est sans doutes lexploration et le ttonnement. A force de ressenti de laction et de son effet, on fini par trouver le meilleur moyen darriver au rsultat escompt : le son. Cest le son intrieur et sa recherche qui guident le geste, et non la rptition du geste qui mne au son.

    2- Lapprentissage. Que la musique soit un langage naturel lhomme, quelle nous meuve, que lon doive scouter soi mme lorsque lon joue semble vident. Et pourtant, apprenons nous vraiment la musique comme une langue maternelle ? [3 p 44]. On commence par enseigner aux tout petits lattitude correcte , puis on introduit la lecture de note, puis des mlodies simples senses tre les rfrences, au service des quelles on tabli des exercices techniques. Ainsi, lenfant lit la partition, produit le geste en essayant dtre fidle au modle donn, et ainsi produit un son qualors seulement, son oreille vient vrifier ! A ce stade, de nombreuses angoisses peuvent dj sinstaller : peur du faux geste, de lerreur de lecture, de la fausse note Finalement, la tendance occidentale serait dapprendre lire avant dapprendre parler, et dapprendre rciter les phrases des autres avant de savoir construire les siennes. Et de ne surtout jamais crier ! Pourquoi ne pas plutt laisser lenfant dcouvrir linstrument, et en explorer les sons afin que, pendant un certain temps, il fasse connaissance avec lui uniquement par loreille, en faisant des expriences et des erreurs sans se sentir coupable ?

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    Limprovisation est un moyen de reprendre lapprentissage de la parole par loreille et la voix intrieure, de pouvoir enfin comprendre les phrases que lon jouait dj et de les prononcer avec le bon accent !

    3- Lexpression au bnfice de linterprtation. Dans lidal, linstrument doit tre le prolongement du corps et loutil servant exprimer ce que le musicien ressent et entend intrieurement. Ce peut tre de la douceur mais aussi de la colre, de lhumour, de la joie, lenvie de crier Pour comprendre ce que le compositeur voulu exprimer travers une phrase musicale, il faut savoir exprimer ses propres sentiments avec ses propres phrases. Lorsque le processus qui consiste traduire sa voix intrieure grce son instrument est devenu spontan, alors le musicien est prt interprter les mots dun autre. Faire de la musique devient alors une improvisation permanente, puisque cela revient exprimer des sentiments ou raconter une histoire. Pour que celle ci soit convaincante, il faut la vivre en mme temps que lauditeur, et donc la raconter sans presque en connatre la fin, en limprovisant, pour que chaque note arrive point nomm avec toute sa force, et quelle prenne sens linstant ou elle est mise.

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    II- Les chelles et limprovisation. Il existe plusieurs faon dimproviser : en suivant une grille, comme en jazz, en dialoguant librement avec les autres musiciens, ou bien en exprimant simplement sa voix intrieure, sans aucune contrainte. Nous allons voir les diffrents moyens de plonger dans ce monde formidable. Lobjectif ici est dutiliser les modes comme moyen de smanciper de la peur de la fausse note, pour enfin explorer librement toutes les richesses musicales que sont les rythmes, les timbres, les nuances

    1- Lchelle : un rservoir de note Dans la musique tonale, toutes les notes de la gamme chromatique peuvent tre utilises dans une mme uvre, mais seulement en respectant de nombreuses rgles dharmonie quil est difficile dassimiler sans une relle motivation ! La plupart du temps, on excute, seul ou lorchestre, des pices au parcours harmonique trs compliqu sans en comprendre la construction. Ainsi, effray par ces douze notes de lchelle chromatique qui sont autant de fausses notes potentielles, il nous semble impossible de jouer quelque chose qui ne serait pas crit ! Alors pourquoi ne pas simprgner de toutes ces rgles harmonique en dmarrant avec un rservoir plus petit ? Une gamme pentatonique par exemple : cinq sons, et seulement cinq, pouvant tre joues dans nimporte quel ordre ou mme simultanment sans jamais le moindre risque de fausse note ! ! ! Voil bien le dbut de la libert ! Il est alors possible de jouer sans aucune apprhension, tout ce qui passe par la tte, dans la mesure ou cela fait partie de lchelle, et en enrichissant son expression de tout ce que lon ne prend pas le temps dexplorer dhabitude, trop occup jouer juste Cinq notes vous semblent trop peu ? Alors choisissez une chelle heptatonique, ou bien une chelle dun mode arabisant, ou encore les notes dun rga

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    2- Le jazz Cest certainement en travaillant des grilles de blues et de jazz que jai le plus appris sur le langage harmonique. Le principe de la partition de jazz est toujours le mme : un thme, crit par le compositeur, et une grille harmonique. Les musiciens jouent dabord le thme, puis improvisent chacun leur tour sur la grille. Celle ci se prsente sous la forme dun tableau, dans lequel chaque mesure du morceau est reprsente par une case, dans laquelle est crit le chiffrage de laccord correspondant au passage (puisque cette musique consiste en un enchanement daccords sur lequel se droule une mlodie). La plupart des accords de la grille sont de quatre sons, parfois plus. Lors de limprovisation, le musicien doit jouer une mlodie qui suit le parcours harmonique. En admettant que les mesures sont de quatre temps, il a quatre temps pour utiliser les notes de laccord de la mesure et trouver le moyen denchaner avec la mesure suivante et son nouveau rservoir, tout en se laissant porter par le flux, les nuances, les timbres.

    3- Les modes naturels. Ce sont les modes utilisant les chelles heptatonique constitues par les touches blanches du clavier. Ils sont bien sur au nombre de sept. Mode de do : Ionien : TTSTTTS Mode de r : Dorien : TSTTTST Mode de mi : Phrygien : STTTSTT Mode de fa : Lydien : TTTSTTS Mode de sol : Mixolydien : TTSTTST Mode de la : Eolien : TSTTSTT Mode de si : Locrien : STTSTTT En faisant ressortir la basse la tonique en continu, ils ont chacun une couleur caractristique que lon pourra mettre en valeur grce tous les modes de jeux disponibles. Ils sont un moyen trs gratifiant de sadonner limprovisation libre.

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    4- Les modes transpositions limites de Messiaen Il sagit dchelles cres par le compositeur, et ne pouvant tre transposes quun nombre limit de fois. Lexemple le plus facile comprendre : la gamme par ton.

    En commenant sur do, on obtient : do, r, mi, fa#, sol#, la#, do. En commenant sur do#, on obtient : do#, r#, fa, sol, la, si, do#. Il ny pas dautres possibilits, puisque lchelle utilise une note sur deux. Les autres modes de Messiaen sont des chelles du type : TSTSTS, ou bien STSTST, ou bien encore SSTSSTSST Ils ont chacun une couleur particulire, et permettent beaucoup de libert. Je les ai dcouvert en cours dcriture, et les ai trs vite adopt ! Ils reprsente un outils parfait pour se lancer dans la composition et pour y entraner ses lves (voir plus loin).

    III- Des exercices pratiques.

    1- Limprovisation pour lpanouissement musical. Jai constat en animant des ateliers, que bien quun peu retissent au dpart, les enfants prennent trs vite got limprovisation. Cest peut tre mme lenvie de jouer librement ce qui leur passe par la tte, qui les pousse apprendre la musique. a- Le bruitage. Les jeunes musiciens occidentaux ont souvent t guids dans leurs choix esthtiques et dans les critres dfinissants le beau son . Il est parfois bnfique de leur demander dexplorer leur instrument sous toutes ses coutures et den tirer le maximum de sons diffrents, du plus doux au plus rugueux, du plus faible au plus puissant Cette exploration sans retenu permet parfois dradiquer des tensions prsentes depuis les premires gammeset de gagner beaucoup en musicalit.

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    b- Limprovisation libre. Elle est la plus spontane et peut tre la plus bnfique la relation musicien instrument. Mais on ne peu commencer en disant llve : joue ce que tu veux Loutils le plus adapt ici est mon avis lutilisation des modes naturels. Javoue avoir un faible pour lolien (mode de la) Avec trois lves : une pianiste, une clarinettiste et une violoniste, jai fait cette exprience trs concluante. La premire consigne tait de jouer en utilisant seulement les touches blanches pour le piano, les notes naturelles pour le violon et la gamme de si mineur pour la clarinette ( instrument en sib donc transpositeur). La seconde, et la plus importante : scouter les unes les autres, savoir prendre ou laisser la parole. Au dpart un peu timides, les musiciennes ont vite entam une belle conversation et nen revenaient pas elles mmes de pouvoir jouer comme a linfini, les yeux ferms, les oreilles et lesprit grands ouverts. c- Limprovisation en jazz En jazz, les enfants doivent avant tout assimiler la construction des accords de la grille. Leurs chorus (cest le nom que lon donne aux passages improviss en jazz), ressemblent tout dabord des arpges (enchanement, dans lordre, des notes de laccord), puis petit petit, ils samusent les mlanger. On peut ensuite leur parler de la gamme de blues, un autre rservoir, compatible avec ceux des accords Puis des chromatismes (pour passer dune note la suivante, on peut intercaler la note chromatique situe entre les deux) Ils ont de plus en plus de possibilits dimprovisation, et ils sont libres de les utiliser ou non. Cest comme la mer : au bord, on est vite son aise, et puis petit petit, on a envie daller un peu plus loin, sachant que lon est libre de revenir, ou de saventurer un encore davantage. Il est bon de leur expliquer que la complexit mlodique nest pas le seul moyen dexpression, mais quils peuvent dire beaucoup grce aux nuances, modes de jeux, rythmes et phras

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    Pour rassurer les plus timides, on peut leur expliquer que si une note sonne bizarrement, celle d ct toutes les chances de sonner bien, et que, la musique tant une succession de tensions et de dtentes, lenchanement de ces deux notes peut tre du meilleur effet Ainsi, librs de langoisse de la fausse note , les enfants se laissent enfin guider par leur voix intrieure, et dans la plupart des cas, nen font plus jamais ! Ils assimilent en ttonnant, les rgles de lharmonie, qui sont en fait intuitives, puisque dictes par nos oreilles ! Avec une pratique rgulire, les lves finissent par comprendre la langue quils parlaient vaguement depuis plusieurs annes. Ils peuvent alors construire leur propres phrases, et enfin par parler couramment !

    2- Une grille modale Pour entraner lesprit fonctionner avec des modes autre que Majeur et mineur, on peut tablir une grille proche dune grille de jazz, la diffrence que dans chaque mesure se trouve le nom de la tonique et celui du mode utilis On utilise principalement les modes naturels (voir II-3) Jouer cette grille demande dabord beaucoup de concentration (pour se rappeler lchelle correspondant chaque mode, puis la transposer sur la tonique indique). Peu peu dans loreille du musicien, le mode ne correspond plus une chelle, mais une couleur, quil peut restituer sans calculs, en coutant sa voix intrieure. Tout comme il pouvait jouer les modes majeur et mineur (de do et de la ) sans y rflchir, petit petit les autres modes deviennent tout aussi spontans. Sa sensibilit et son oreille sen trouvent dcupls.

    3- Lcriture. Ecrire sa propre musique semble beaucoup hors de propos ! Pourtant, lcriture permet elle aussi daborder le langage musical avec plus daisance et de naturel. Tout dabord, lcriture dune pice une seule note aide dcouvrir linfini richesse des moyens dexpression existant hors de toutes considrations mlodiques.

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    Lapproche de la forme ouverte peut ensuite tre trs stimulante pour les jeunes musiciens. Elle est une combinaison de rservoirs de notes et de rservoirs de rythmes, tablie par le compositeur et laissant une grande libert linterprtation. Ce type de composition est accessible au jeunes musiciens, contrairement lcriture classique, qui exige quand mme quelques annes dtude du contrepoint ! Lexprience (dune de mes collgue avec ses lves) a montr que cet exercice apporte beaucoup de satisfaction aux compositeurs en herbe. Le fait quils jouent leur propre pice leur permet de smanciper et de sextraire de la peur de la faute . Tout cela au profit du son, de lmotion, et finalement de leur talent dinterprte.

    IV- Conclusion. Aujourdhui, limprovisation est une discipline trs en vogue dans les coles, mais elle est considre comme une matire complmentaire. Elle est en fait une attitude humaine qui stend tous les domaines de la vie et ne trouve dans la musique quune expression approprie. [ 3 p 49] Une bonne conversation, une journe de vacance, une raction face un vnement tout est improvisation : ce qui empche limprovisation, cest par exemple un besoin de scurit inutile, tous les automatismes et les conditionnements, le fait de sentir et de penser selon des schmas routiniers, bref, toutes les choses petites ou grandes qui, dans la vie quotidienne, nous empche de vivre le moment prsent. [3 p 49].

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    E- Conclusion

    Ce travail ma permis de constater que lamalgame est facilement fait entre les notions de mode, chelle, systme d'accordage, temprament Il est assez difficile de faire resurgir clairement ce quenglobent toutes ces appellations, et sans doute est-ce le travail de toute une vie pour que cela soit intgr et totalement compris. Ayant toujours t attire par lorigine des originescette recherche ma apport des connaissances essentielles mes yeux, et a aussi soulev de nouvelles interrogations, comme par exemple le lien possible entre la gamme chromatique douze degrs, et le systme duodcimal Je nai pour linstant rien lu qui laisse pressentir ce lien, mais jai tendance penser que le hasard na que peu de place dans lHistoire. La question des chelles, modes et autres harmonies est primordiale dans notre systme de reprsentation, fond sur la hauteur, les rapports et la justesse. Mais cela ne doit pas nous dtourner de toutes les richesses de lexpression musicale que sont le rythme, les nuances, les timbres Le travail sur limprovisation a pour vocation daider le musicien se librer de son obsession pour la justesse afin dexplorer et enfin sexprimer. Je vais donc poursuivre avec encore plus de conviction, le travail entam avec mes lves, dans le but de faire de la musique leur seconde langue maternelle

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    Lexique

    Chromatique, chromatisme (grec khrma, couleur, ton musical ) : le chromatisme dsigne le dplacement dun degr diatonique, appartenant une chelle donne, dun demi ton vers le grave ou laigu ; la succession de plusieurs demi tons se nomme chelle chromatique. Diatonique, diatonisme ( grec dia par et tonos ton) : le diatonisme dsigne la succession, dans les chelles de sept sons (heptatonique), des tons et des demi tons constitutifs de ces chelles, lexclusion de toute altration accidentelle ; la gamme mineure prsente une notable exception cette rgle, puisquelle inclut des sons mobiles, altrs diffremment selon que la pente est ascendante (mineur mlodique ascendant), descendante (mineur mlodique descendant) ou encore pour la constitution des harmonies (mineur harmonique). Echelle : ensemble des sons, non hirarchiss, dun systme musical. Cest dans un chelle musicale que sont organises les gammes. Gamme : du grec gamma (troisime lettre de lalphabet grec, qui correspond la septime du ntre, G), succession ascendante ou descendante de huit sons, le huitime rptant le premier loctave (suprieure ou infrieure), placs des intervalles dtermins par le mode* auquel cette succession appartient. La gamme prend son nom de la note par laquelle elle commence. Elle peut tre diatonique et dans ce cas, tre majeure, mineure ou en tout autre mode ! ou chromatique, cest dire quelle est une succession de demi tons. Harmonie ( grec harmonia, cheville, joint , assemblage , juste rapport , accord des sons ) : 1- structure des sons superposs, appels accords ; 2- art de lenchanement des accords entre eux ; 3- lune des trois disciplines traditionnelles pour lapprentissage de lcriture musicale, avec le contrepoint et la fugue.

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    Hymne a St Jean Baptiste : Ut queant laxis Resonare fibris Mira gestorum Famuli tuorum Solve poluti Labii reatum Sancte joannes. Ce qui signifi : Afin que tes serviteurs puissent faire entendre o pleine voix les merveilles de tes exploits, absout les pchs de leur lvres mouilles, St Jean. Harmonique : son sinusodal gal ou multiple entier dune frquence nomme harmonique 1 ou fondamentale. La plus ou moins grande prsence de chacune des harmoniques (voir annexe) donne le caractre global du timbre. Hexacorde : Ensemble de six notes adjacentes dune gamme. (Voir chapitre sur la solmisation.) Homophonie (grec homos semblable et phn voix, son de la voix, cri des animaux, son, langage, phrase, parole ) : de la Grce antique au XVIII me sicle, dsigne tout musique excute lunisson, loctave ou le redoublement doctave. Mlodie (du bas latin melodia, air musical, harmonie, accord ) : succession ordonne de sons musicaux, articuls partir de rythmes et de hauteurs. Intervalles mlodique form de deux notes successives, soppose intervalle harmonique, form de deux sons simultans. Mlodie est souvent aussi oppos harmonie, construction daccords, donc de notes simultanes, mais ces deux notions se compltent intimement. Plusieurs mlodies qui se rpondent forment du contrepoint. Mode : Dans la gamme ( lexception de la gamme chromatique qui est faite de douze demi-tons gaux), les notes sont spares par des intervalles ingaux. La rpartition de ces intervalles, le plus souvent le ton et le demi-ton, caractrise le mode . Dans la musique tonale traditionnelle, nous connaissons le mode majeur, dont lalternance des intervalles est (en demi-tons) : 2, 2, 1, 2, 2, 2, 1 ; et le mode

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    mineur dont lune des formes (voir annexe : les diffrentes formes du mode mineur) est : 2, 1, 2, 2, 1, 2, 2. Dans les musiques archaques, anciennes, europennes et extra europennes, il existait et il existe de nombreux modes. Les plus frquemment cits sont les modes grecs, les modes grgoriens, les modes hindous. En dehors des modes traditionnels, le compositeur a la facult dinventer lui mme des modes avec lesquels il pourra crire sa musique. (exemple : Messiaen). Modulation : changement de tonalit au cours dun morceau. Contrairement aux apparences, la modulation sapplique aux tons et est spcifique la musique tonale. Octave : dans nos gammes, intervalle qui spare deux notes qui portent le mme nom. Acoustiquement, il correspond une frquence double. Ornementation : ce sont les divers procds utiliss pour enrichir et assouplir la mlodie (trille , appoggiature, trmolo). Les ornements peuvent tre nots ou improviss. Polyphonie (grec polys, plusieurs et phne son ) : procd de composition qui consiste superposer plusieurs lignes mlodiques contrepointes. Le terme de polyphonie est utilis pour dsigner un types dcriture musicale apparu au Moyen Age, ou chaque voix avait une valeur mlodique propre. Ttracorde : chez les anciens thoriciens, et partir de ce que lon connaissait de la musique des grecs, ce terme sapplique quatre notes descendantes. Au Moyen Age, les ttracordes ont jou un rle important dans la thorie des gammes. Temprament: manire de rpartir les intervalles de la gamme sur un clavier ou un instrument son fixe. Le mot implique une ide de compromis d au fait que ces instruments ne peuvent procder, comme le doigt dun contrebassiste ou la voix dun chanteur, aux trs lgres fluctuations de la hauteur que le musicien fait normalement subir une mme note selon le contexte et la force des attractions quelle subit. Tonalit : la tonalit dune uvre, cest lchelle majeur ou mineur utilise principalement dans cette uvre.

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    Index des ANNEXES

    Le diapason p 43 Histoire des modes en rsum p 44 Le ttracorde et le cycle des quintes p 45 Les gammes gyptiennes p 47 Les harmoniques naturelles p 54 La gamme dite de Pythagore p 58 Les systmes dAristoxne et de Zarlino p 59 La gamme des physiciens, dite aussi de Zarlino p 60 Werkmeister et la gamme tempre p 61 Division de loctave en parties gales p 63 Vers la plus grande gnralisation possible p 65

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    Le diapason

    Dfinition 2 : son de rfrence sur lequel saccorde tous les instruments susceptibles de jouer simultanment. Le choix de ce son (de mme que se frquence, ou hauteur absolue ) a dabord t variable ; au cours du XIX me sicle, lusage sest tabli de le fixer au la3 dit la du diapason), mais ce nest quen 1859 et en France seulement que sa frquence a pu dabord tre normalise (435 Hz on disait vibrations doubles - la seconde, la temprature de 18C). Cette normalisation a t tendue au plan international en 1885, puis, devant les multiples entorses quelle ne cessait de subir car le diapason na jamais cess de monter -, elle a t modifie thoriquement en 1939 et en 1953 (440 Hz 20C), sans que pour autant ait pu tre enraye une ascension qui se poursuit encore de manire variable dun pays lautre. (445 Hz en moyenne en 1979). Ce qui pose de redoutables problmes tant aux chanteurs quaux facteurs dinstruments, voire aux instrumentistes carrire internationale. Ce problme, qui apparat insoluble, nest pas tranger aux divergences fondamentales qui opposent entre eux les partisans dune ducation musicale appuye sur la hauteur absolue et ceux qui entendent la fonder sue la hauteur relative, les deux donnes tant en ralit diffrentes et complmentaires ; la seconde, tributaire de la normalisation, na pu videmment tre envisage qu partir de celle ci, ce qui interdit de la prendre en considration en de des deux dates indiques (1859 1885 selon le pays). Dfinition 3 : Instrument destin faire entendre le son de rfrence dfini ci dessus, en vue de laccord des instruments. Les plus anciens diapasons, selon la lgende, auraient t des cloches conserves au palais de lempereur de Chine et nommes liu ( lois ), sur lesquelles devaient saccorder les instruments rituels. Ni lAntiquit grco romaine, ni le Moyen Age, ni la Renaissance nont envisag le diapason : la hauteur absolue se prenait au jug, en fonction de la seule tessiture, ce que continuent faire peu prs toutes les musiques non crites.[]. [12 p 560]

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    Histoire des modes, en rsum

    Dfinition et rsum Tire du dictionnaire de la musique de Grard Pernon, aux dition Ouest France 1984

    Mode : Du latin modus, traduit lui mme du grec tropos, qui signifie manire dtre . Appliqu aux chelles musicale, il a donn lieu aux usages les plus divers. On peut dire quil sagit de la manire dtre dun ton (majeur ou mineur dans lharmonie classique), en fonction de la disposition des intervalles sur lchelle dune gamme. Les modes dcoupent une chelle sonore et dterminent un cadre mlodique.

    Les grecs connaissent sept modes : le dorien, le phrygien, le lydien, le myxolydien et leurs drive, lhypodorien, lhypophrygien (ou ionien) et lhypolydien. Ils pensaient que chaque modes avait une facult expressive propre, li lethos (manire dtre), et quil existait une correspondance entre la musique et les sentiments. Cette thorie sera reprise par Rameau, au XVIII me sicle. Platon optait pour le mode dorien, viril et calme. Aristote pensait que lartiste devait accommoder la musique la classe dauditeurs . Le moyen ge admettait huit modes. A mesure que se dveloppa lharmonie classique, deux modes simposrent : le mode majeur et le mode mineur, lis un systme de tonalit *. Dans cette harmonie, la modulation * fut lart de passer dune tonalit une autre dans un ouvrage musical. Ce fut avec la redcouverte du chant grgorien * et du rpertoire populaire , au XIX me sicle, que les compositeurs sintressrent aux modes. Liszt rcusait les rgles de la modulation et montra quun accord quelconque ntait priori pas tranger une tonalit. Au dbut du XX me sicle, le systme tonal fut mis de ct par Schoenberg. Les compositeurs modernes se sont passionn pour les modes. Ainsi, Messiaen inventa un no - modalisme qui intgrait ses recherches sur les rythmes et les timbres. Boulez mit un terme toute fixit modale, les sons de la srie (hritage du dodcaphonisme * ) acquirent des dures, des intensits et des attaques varies. Le terme de mode , dont le sens a constamment volu et qui est devenu critique au XIX me sicle, est aujourdhui quelque peu confus. Il est parfois confondu avec le terme de ton .

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    Le ttracorde et le cycle des quintes

    Le ttracorde Une succession conjointe de quatre notes se nomme ttracorde (du grec tetra =4 et

    corde =note.)

    Le mode majeur est form de deux ttracordes, par exemple : do, r, mi, fa et sol, la, si, do. Ils sont de construction identique : 1 ton, 1 ton, 1 demi-ton. Pour les diffrencier, on les nomme respectivement ttracorde infrieur et ttracorde

    suprieur. Ils sont spars par un ton entier.

    Construire et transposer les gammes ncessite une certaine pratique. Lutilisation

    des deux ttracordes permet de dcomposer et donc de faciliter cette opration.

    [1 p 87]

    Enchaner les ttracordes

    Le ttracorde suprieur dune gamme peut devenir le ttracorde infrieur dune

    gamme plus aigu. Cette nouvelle gamme est la transposition, une quinte au dessus,

    de la prcdente.

    Le ttracorde infrieur dune gamme peut devenir le ttracorde suprieur dune

    gamme plus grave. Cette nouvelle gamme est la transposition, une quinte au

    dessous, de la prcdente.

    Il suffit dans les deux cas, de construire le ttracorde manquant.

    Remarquez les altrations qui apparaissent au fur et mesure. Ces enchanements

    de tonalits par quinte successives crent ce que lon appelle le cycle des quintes. A

    chaque tape, on dcouvre une gamme nayant quune seule altration de

    diffrence. [1 p 87]

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    Le cycle des quintes Pour reprsenter le cycle des quintes complet, toutes les tonalits peuvent tre, par convention, dessines sur un cercle. En tournant dans le sens des aiguilles dune montre, nous trouvons, chaque cran, une tonalit une quinte plus aigu et ayant un dise de plus, ou un bmol de moins, que la prcdente. Dans lautre sens, les tonalits sont chaque cran une quinte plus grave, et possdent un bmol de plus, ou un dise de moins que la prcdente. Le bas du cercle montre une zone enharmonique. Ce sont les gammes qui peuvent tre crites avec des bmols comme avec des dises. En effet, en temprament gal (comme sur la plupart des pianos), fa# majeur est identique sa gamme enharmonique solb majeur. En temprament ingal par contre, la note fa# est distincte de la note solb et cest pourquoi nous utilisons une spirale plutt quun cercle, car les courbes des dises et des bmols ne se rejoignent en fait jamais. [1 p 87]

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    Les gammes gyptiennes [14]

    par Fathi Saleh Conseiller Culturel d'Egypte Paris

    Ambassadeur de la Rpublique Arabe d'Egypte auprs de l'Unesco Professeur la Facult d'Ingnieurs de l'Universit du Caire

    L'article qui suit reprend une publication parue en 1997 dans "Le Monde copte" n 27-28, revue encyclopdique de culture gyptienne. Il a t revu et corrig. Il reprend une communication scientifique faite au Congrs mondial d'Egyptologie de Turin en 1991. Le communiqu original: "On the discovery of the ancient Egyptian musical scale", extrait d'INFORMATICA ED EGITTOLOGIA, sera reproduit dans la version anglaise du site. Les rsultats des travaux que prsente ici M. Fathi Saleh ont t exposs dans plusieurs

    confrences scientifiques, dont le Congrs International des Egyptologues qui s'est

    droul Turin (Italie) en septembre 1991. En septembre 1992, la rubrique tlvise "Les

    Frontires scientifiques amricaines " a programm une mission sur cette dcouverte.

    Cette mission a t diffuse plusieurs fois sur diffrentes chanes publiques, ainsi que

    dans la plupart des coles publiques d'Egypte.

    Introduction Pendant plus d'un sicle, des chercheurs ont tent de redcouvrir l'ancienne gamme musicale gyptienne en s'aidant des fltes gyptiennes antiques: soit par des calculs mathmatiques bass sur les dimensions de ces fltes, soit en en ralisant des copies et en essayant d'en jouer. Il faut, cependant, un entranement spcialis, pour jouer de ces fltes antiques, dpourvues d'anche. En gnral, seuls les musiciens sachant jouer de la flte orientale moderne "nay" - qui est de mme facture que ces instruments anciens - en sont capables. C'est pourquoi les chercheurs occidentaux n'ont pu ni jouer correctement de ces instruments, ni les analyser. Afin de raliser ce projet, une quipe agre par l'Organisme des Antiquits Egyptiennes a t forme autour du clbre joueur de flte "nay", le Dr Mahmoud Effat. Son objectif tait de rpondre aux questions suivantes :

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    - Le peuple grec tait-il le premier connatre la gamme diatonique (sept notes)? - Quelles taient les diffrentes gammes joues par les anciens Egyptiens ? - Quelles relations existe-t-il entre les anciennes gammes gyptiennes et les autres gammes? Pour rpondre ces questions il fallait prendre en considration le fait que Pythagore, le mathmaticien grec qui l'on attribue la gamme moderne occidentale, avait vcu vingt et un ans en Egypte, et se souvenir que les Grecs ont abondamment crit sur le haut degr de perfection o ils tenaient l'ancienne musique gyptienne.

    Aux origines de l'histoire de la musique Les gammes musicales des Grecs ont t utilises dans le monde occidental depuis Pythagore jusqu' Jean-Sbastien Bach. Ces gammes n'ont permis ni l'harmonie ni les modulations musicales qui sont couramment utilises dans la musique occidentale depuis que Bach y a introduit le temprament. C'est la suite de la confrence internationale de 1932 que le monde occidental a pris comme standard la gamme dite galement tempre . On pense gnralement que la gamme arabe utilise au Moyen-Orient aujourd'hui vient de Perse. Les gammes et les modes musicaux de la musique arabe diffrent de leurs quivalents modernes occidentaux en plusieurs points, le plus spectaculaire tant probablement le fait qu'il existe vingt-quatre notes au lieu de douze dans une octave. Mais dans tous les cas, seulement sept notes sont utilises pour dfinir un mode particulier. Les rgles qui dterminent cette slection de sept notes ou "maqam" sont trop complexes pour tre exposes ici. Quelle a t la gamme musicale des anciens Egyptiens ? Avant d'obtenir les rsultats des travaux que nous prsentons ici, on supposait que c'tait la gamme des Grecs; cette thorie tait fonde sur des preuves circonstancielles rsultant du fait que Pythagore, le pre des mathmatiques et de la musique occidentale, a pass vingt et un ans en Egypte et au Moyen-Orient avant de "dcouvrir" sa gamme musicale. Cette gamme tait base sur des principes religieux (et, selon les auteurs, sur des principes mathmatiques). D'aprs Platon et Hrodote, les Grecs et les Egyptiens adoraient les mmes dieux, hormis un qui n'existait que dans la religion grecque. De plus, les anciens Grecs et les anciens Egyptiens avaient la mme notation et les mmes mthodes de calcul pour les fractions servant dcrire la gamme musicale.

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    Avant l'tude que nous prsentons ici, il n'y avait pas de preuves videntes de l'existence de cette gamme ni dans les anciennes descriptions crites, ni dans les calculs effectus sur des instruments antiques. Plusieurs anciens dessins gyptiens de harpes montrent treize cordes. Correspondaient-elles aux douze notes de la gamme chromatique occidentale plus loctave ? Ou une octave et demie des sept notes de la gamme des Grecs ? Allait-on retrouver leur mode d'accordage dans la gamme arabe, ou une gamme d'Afrique du Sud, d'Inde, de Chine.... voire dans une gamme inconnue? Le muse du Caire possde d'anciennes harpes. En l'tat de nos connaissances, en faire des fac-simils ne nous aurait pas renseigns davantage sur la gamme musicale, car il n'y a aucun moyen de savoir comment tait rgle la tension de chaque corde. On trouve galement au muse d'autres instruments anciens qui ressemblent notre clarinette ou hautbois. Malheureusement, du fait de l'absence d'embouchures, on ignore l'aspect final et la longueur totale de l'instrument. Seuls les "nays" (fltes orientales) ont gard leurs caractristiques physiques, et c'est la raison pour laquelle il fut dcid de les utiliser pour tenter de redcouvrir la gamme gyptienne.

    Programme de travail Le projet de recherche de la gamme musicale pharaonique a t approuv par la direction de l'organisme des Antiquits gyptiennes en avril 1991. Un programme de travail d'une dure de six mois a t mis en place pour effectuer les travaux suivants : - Recherche sur les instruments vent disponibles au muse du Caire. - Ralisation concrte de copies de quelques instruments slectionns. - Enregistrement des notes produites par quelques instruments originaux dont on pourrait jouer, ainsi que par toutes les reproductions. - Enregistrement des rsultats sur cassettes audio de haute fidlit, et digitalement sur un ordinateur conu pour les analyses scientifiques. - Analyse scientifique des caractristiques acoustiques des instruments. - Analyse des rsultats afin de dterminer quelles notes et gammes taient utilises par les anciens Egyptiens, ainsi que leur relation avec les gammes utilises actuellement (occidentales et arabes) . - Proposition de projets pour poursuivre cette tude.

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    Membres de l'quipe charge de raliser ce projet: Sania Abdel Aal: gyptologue directrice-assistante du muse du Caire, Robert Cribbs: scientifique amricain, Mahmoud Effat: musicien et fltiste, Dr. Fathi Saleh: musicologue, informaticien directeur du projet.

    Caractristiques de la flte ancienne (NAY) La flte ancienne, telle qu'elle est mentionne prcdemment, est fabrique en bambou du Nil. Elle se caractrise par la prsence de nuds qui tendent rtrcir le diamtre de la colonne d'air. Ces nuds sont normalement bloqus dans le cas du bambou brut. Dans les anciennes fltes gyptiennes, les nuds sont compltement dgags, tandis que dans la flte gyptienne moderne, les nuds sont dgags sauf un qui se situe prs de l'embouchure, ce qui permet d'obtenir des notes plus aigus. Les anciens Egyptiens utilisaient de trs longues fltes d'environ 90 cm qu'ils avaient coutume de couper au niveau de ces nuds, alors qu'aujourd'hui les Egyptiens coupent leurs fltes, qui sont relativement courtes (30-60 cm), entre les nuds.

    Exprience Comme on l'a mentionn ci-dessus, sur ces six instruments vent appartenant au groupe des nays, quatre sont fabriqus en bambou(C.G. 69814 - 69817), un en bois (C.G. 69818), et un en bronze (C.G.69819). La premire tape a consist examiner ces fltes, prendre leurs mesures et comparer celles-ci avec les informations du Catalogue Gnral. Ces mesures ont permis un certain nombre de constatations :

    1. Trois nays appartiennent une famille de longueur d'environ 90 cm (c'est la longueur dominante de la flte des anciens Egyptiens comme nous l'indiquent diffrentes sources).

    2. Un nay mesure 75 cm de long. 3. Deux fltes courtes ne sont pas fabriques en bambou du Nil. 4. Les dimensions mesures diffrent lgrement de celles du Catalogue Gnral. 5. Le Catalogue Gnral ne mentionnait pas le diamtre de la flte C.G. 69817, et

    signalait que cette flte tait en mauvais tat. L'quipe a dcouvert que cette flte est en meilleur tat que les trois autres.

    6. Aucune des rfrences du C.G. n'avait pris en considration les mesures des nuds du bambou.

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    Aprs avoir termin l'tude des mesures, l'quipe a dcid de procder selon les tapes suivantes :

    1. Fabriquer des rpliques des quatre fltes en bambou en utilisant. le mme matriau.

    2. Fabriquer des reproductions de deux fltes en bois, et d'une en bronze en tubes plastiques.

    3. Considrer sparment les rsultats des tudes sur les fltes en bambou car diffrentes sources semblaient indiquer que seules les fltes en bambou appartiendraient aux anciennes dynasties pharaoniques, les autres fltes datant probablement de la priode ptolmaque.

    4. Effectuer un enregistrement pour seulement deux fltes originales : la flte en bronze et la flte nC.G.69817 (du Nouvel Empire), au cas o celle-ci serait restaure (les autres fltes tant en mauvais tat et trs fragiles).

    5. Restaurer la flte mentionne et faire une exprience en jouant des deux fltes originales ainsi que des six reproductions.

    Ensuite, l'quipe est venue au muse avec un quipement d'enregistrement audio analogique et un quipement d'enregistrement numrique sur un ordinateur configur spcialement pour l'exprience. Le premier type d'quipement a t utilis pour raliser un enregistrement standard audio en vue d'effectuer des analyses auditives (que nous appellerons aussi "subjectives") faites par des musiciens et non des ingnieurs. Le second type d'quipement a t utilis pour enregistrer le son digitalement sur un ordinateur, afin qu'il soit trait avec un logiciel spcialement conu pour les analyses scientifiques. L'quipement a enregistr le signal digitalement, l'a charg dans la mmoire de l'ordinateur et a utilis le transformateur Fourier dans le but de rgnrer le spectre de la frquence fondamentale de la note avec toutes ses harmoniques, et mesur un millime de hertz prs. Une squence comprenant toutes les notes possibles a t joue une fois sur chaque flte, ainsi qu'une musique improvise utilisant toute la gamme.

    Les rsultats mesurs Le calcul des mesures de chaque flte a t men de la faon suivante :

    1. Une squence de notes est enregistre pendant une priode totale de quinze secondes (correspondant environ deux Mega-octets de mmoire).

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    2. Les notes sont exposes une par une en les isolant et en les sparant pour les analyser.

    3. Le transformateur Fourier est utilis sur le signal de la note isole pour obtenir le spectre du signal et son contenu harmonique.

    4. L'amplitude de chaque composant du spectre est normalise et imprime.

    Interprtation des rsultats Les rsultats de ces tableaux indiquent ce qui suit:

    1. Ils soulignent les rsultats du test subjectif en y ajoutant les constats suivants : a - Les notes incertaines de la flte numro C.G.69816 sont plus proches des notes des gammes arabes. b - Les valeurs des frquences de la flte numro C.G.69817 sont plus graves que les valeurs standard.

    2. La gamme diatonique (sept notes) est prsente dans trois de ces fltes. 3. La flte numro C.G.69814 datant du Moyen-Empire et dcouverte Beni Hassan

    donne une gamme pentatonique presque parfaite avec la note "fa" comme note de base et sans les troisime et septime notes de la gamme diatonique.

    4. La flte numro C.G.69817, datant du Nouvel Empire (XVIIIe Dynastie) et dcouverte Deir El Medineh, joue une gamme diatonique claire base sur la note "la". Cel