Extraits du n°5 de Rue89 Le Mensuel
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Transcript of Extraits du n°5 de Rue89 Le Mensuel
1 I juin 2010 I # 01
reportage
Mon week-end sur une aire d’autoroute
arrÊter la cigarette
8 MÉthodesqui vous enfuMent
les conseils de Mitterrand
À sarkozy
peut-il Être rÉÉlu ?
le mensuel # 05 dÉcembre 2010 I Rue89.com
aprÈs les Manifs
emmanueltodd : vive la france rebelle
tribune
Contre WikiLeaks
Philippe, bergerpour 479 ̂ /mois
porte-Monnaie
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prÊt-À-porter
Benoît Xvi : une garde-robe bien réac
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Ils sont un demi-millier et font habituellement tourner les mi-nistères… Quand un remaniement s’annonce, c’est l’inverse : ce sont les hommes de l’ombre qui tournent. Ils sont directeurs de cabinet et gèrent la partie politique des dossiers, chefs de cabinet et s’occupent de tout ce qui a trait à l’organisation, conseil-lers techniques et ont en charge des dossiers spécifiques, conseillers parlementaires, conseillers en com-munication… Ils forment les « cabi-nets ministériels », vivent souvent dans le stress des incertitudes liées à leur avenir professionnel.En annonçant le remaniement cinq mois à l’avance, Nicolas Sarkozy leur a certes permis de prendre leurs dispositions. Mais il a aussi exacerbé les tensions. D’autant que cet été le président de la République avait imposé la purge d’une centaine de postes dans les cabinets minis-tériels. Chaque ministre devait se limiter à vingt, chaque secrétaire d’Etat, à quatre. « Tout le monde se regarde en
chien de faïence », témoignait un
conseiller quelques jours avant la date fatidique, avouant ne plus gérer que les affaires courantes. Un autre, dans un cabinet pourtant moins menacé : « C’est chacun pour soi, et
Dieu reconnaîtra les siens. » Com-prendre : chacun cherche avant tout à se recaser « au cas où », à trouver un filet de sécurité pour compenser la perte d’un poste aussi harassant qu’intéressant, et pas seulement professionnellement. Le montant moyen des rémunérations s’élève à 11 235 euros par mois dans un ministère et à 9 970 euros dans un secrétariat d’Etat.
les chats, les chiens et les singes « En général, ils ne se retrouvent pas
longtemps au chômage, note un chef de cabinet. Ils ont soit un diplôme
élevé, soit une expérience recherchée,
soit les deux. » Les incertitudes ne sont pas également partagées selon qu’ils sont fonctionnaires, et assu-rés au moins de regagner leur admi-nistration d’origine, ou contractuels, et obligés de prospecter.
l’autre valse des ministèresderrière chaque remaniement, un jeu de chaises musicales : suspendu au sort de son ministre, le membre de cabinet se recase. Par Julien martin I Rue89
2007
Personnages de haut rang, les di-recteurs de cabinet sont, eux, peu inquiétés. Ils peuvent vivre une car-rière indépendante de celle de leur ministre. A l’image de Pierre Vimont, qui a dirigé le cabinet du ministère des Affaires étrangères sans discon-tinuer de 2002 à 2007, pendant que trois ministres y défilaient.Il en va différemment pour les autres membres. Le sens de la for-mule aiguisé, un conseiller en com-munication résume : « Il y a trois
grandes catégories de conseillers : les
chats, les chiens et les singes.
» Les chats sont attachés à une
maison. Ce sont d’excellents spécia-
listes d’un sujet, qui survivent aux
ministres successifs au sein d’un
même ministère. Ce sont souvent
des conseillers techniques, qui sont
fonctionnaires et regagnent leur ad-
ministration, avec à la clé une belle
promotion.
» Les chiens sont attachés à une per-
sonne. Ils suivent un même ministre
dans tous les ministères. Ce sont sou-
vent des conseillers politiques, qui
sont contractuels et sont recasés dans
la politique i remaniement
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des cabinets de communication ou
de conseils, au besoin grâce à l’entre-
mise de leur ministre.
» Les singes sautent de branche
en branche. Ils passent sans cesse
d’un ministère à un autre ou d’un
ministre à un autre. Ce sont souvent
des conseillers parlementaires ou
budgétaires, qui sont contractuels et
se recasent tout seuls, ayant un très
grand carnet d’adresses. »
Les contractuels ont un avantage à partir avant la fin de la mission de leur ministre : si leur contrat de tra-vail est généralement muet sur les conditions de rupture, ils relèvent d’un décret de 1986 qui leur permet de bénéficier d’une « indemnité de li-
cenciement égale à la moitié de [leur]
rémunération de base mensuelle
nette par année de service ». Mais, s’il sautent en même temps que leur ministre, ils n’ont droit à rien.Sachant Hervé Morin sur la sellette, Stéphanie Prunier, conseillère en
communication du ministre de la Défense depuis 2007, a profité de cette disposition pour quitter son cabinet dès la fin septembre et re-joindre l’agence de communication Euro RSCG.Les départs anticipés peuvent créer des situations délicates. La secré-taire d’Etat chargée du Commerce extérieur, Anne-Marie Idrac, a vu son directeur de cabinet partir en septembre puis son chef de cabinet en octobre. Elle a dû nommer deux remplaçants pour les quelques se-maines la séparant du remaniement.
« Du lobbying un peu pathÉtique »Mais tout le monde ne se résout pas à partir. Le pouvoir, même minime, est parfois une drogue dure. Si cer-tains estiment être arrivés au bout d’un cycle après plus de trois ans passés dans le gouvernement Fillon, d’autres s’accrochent aux ors de la
République tant qu’ils le peuvent. Quand leur ministre saute, il leur faut alors espérer figurer dans le « testament », ces souhaits laissés par un ministre à son successeur. La question se règle généralement entre directeurs de cabinet, mais le ministre peut intervenir en per-sonne. « Certains se sauvent comme
des voleurs, mais d’autres tentent
toujours de recaser leurs collabora-
teurs », observe un habitué.Ceux qui n’ont pas cette chance pourront toujours tenter d’y par-venir par eux-mêmes. Le résultat est cependant loin d’être garanti à l’avance, comme le décrit cet autre témoin privilégié : « Il y en a tou-
jours qui veulent rester à tout prix et
font du lobbying auprès du nouveau
ministre, de manière un peu pathé-
tique. Alors que d’autres font leurs
cartons en prévision, eux tentent de
s’incruster en continuant de travail-
ler comme si de rien n’était. »
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2010 cinq mois D’incertituDe
De Fillon-2007 à Fillon-2009, la stabilitŽ a prŽvalu.
Mais, depuis lÕannonce du remaniement en juin 2010,
cÕest lÕincertitude pour les ministres et leurs conseillers.
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La sociÉtÉ i quÊte de sens
29 millions et moidans les bras d’AmmAUn lundi, au parc des expositions de Pontoise, 6 000 personnes font la queue pour embrasser la mahatma indienne. dont notre reporter. Par Sylvain malcorps I Rue89
Hug. Mata Amritanandamayi, alias Amma, embrasse un fidèle.
« Monsieur, veuillez enlever vos chaussures s’il vous plaît ! »
L’ordre est ferme, mais courtois.
A l’entrée du parc des exposi-
tions de Pontoise (Val-d’Oise), un
homme en sari blanc veille à ce que
chaque nouvel arrivant se mette
en chaussettes avant de pénétrer
les 6 000 mètres carrés totalement
dédiés à la venue de celle qu’ils at-
tendent tous : Amma.
Des millions de personnes se sont
déjà fait câliner par cette Mahatma
indienne avant notre reporter. La
dame de 57 ans, considérée comme
une divinité en Inde, parcourt son
pays et le monde depuis plus de
trente ans afin de diffuser son mes-
sage d’amour et de faire connaître
son ONG, Embracing the World.
En octobre, elle a passé six jours en
France, le temps de câliner environ
38 000 adeptes et curieux. Calme-
ment, les nouveaux venus intègrent
la longue file d’attente permettant
d’obtenir le ticket qui leur permettra
d’être recueillis quelques secondes
dans les bras de cette étonnante
femme. Cet acte si particulier qu’ils
attendent tous, c’est le darshan,
l’« étreinte ». A la manière dont
l’exprime Anne-Charlotte Beck,
bénévole, « en prenant les gens dans
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ses bras, Amma diffuse physique-
ment son message d’amour, de dou-
ceur, d’apaisement et de service aux
autres. C’est quelque part l’expression
des qualités maternelles qu’elle aime-
rait que l’on développe tous ».
La patience est la première des
vertus permettant d’accéder à ces-
qualités maternelles. Marie-Josée
et Eléonore, toutes deux la cin-
quantaine passée, sont déjà venues
dimanche. En vain : « On est arrivées
plus tôt aujourd’hui, à 10 heures.
On espère pouvoir passer vers 17 ou
18 heures. »
Lundi, Amma a serré 6 000 per-
sonnes dans ses bras. Non stop.
Sa biographie, c’est l’histoire d’une
petite fille pauvre née dans un vil-
lage de pêcheurs du sud de l’Inde,
au début des années 1950. Très vite,
l’enfant se révèle particulièrement
attentive aux plus démunis. Elle
tente de les réconforter, morale-
ment et physiquement, en les pre-
nant dans ses bras. A l’époque, un
tel comportement est une honte
pour toute sa famille : une jeune
fille indienne ne doit pas toucher
d’autres personnes, encore moins
celles appartenant à une autre caste.
A 20 ans, la jeune femme dégage déjà
une aura considérable : on vient de
plus en plus loin pour la rencontrer,
et une communauté de disciples
s’établit, si bien qu’elle sera finale-
ment considérée comme « Mahat-
ma » (« qui possède une grande
âme »), au même titre que Gandhi.
trois questions bien cadrÉesA peine arrivé, je découvre que
les interactions entre la presse et
Amma sont très calibrées : si l’occa-
sion se présente, le journaliste a la
possibilité de lui poser un maximum
de trois questions. Elle y répond tout
en continuant d’enlacer ses fidèles.
Les questions sont cadrées.
Par exemple, j’ai tenté de com-
prendre ce que cela représentait
physiquement d’étreindre un si
grand nombre de personnes depuis
autant d’années. Si cela n’occasion-
nait pas des douleurs. La réponse
du service presse ne s’est pas fait at-
tendre : « Cette question n’est pas très
intéressante, posez-en une autre. Au
sujet de son ONG, peut-être ? »
Autant vous dire que cela refroidit.
Par contre, ce qui réchauffe beau-
coup plus, c’est l’étreinte de cette
petite femme. Abstraction faite de
toute démarche spirituelle, reli-
gieuse ou autre, pour avoir été pris
dans ses bras, je peux dire qu’il se
dégage d’elle une chaleur physique
et humaine étonnante. Il en va d’ail-
leurs de même de son sourire.
3 000 bÉnÉvoles et une quÊte de sensEn pleine tournée européenne
pour diffuser son message et faire
connaître ses actions, Amma est
accompagnée en permanence de
200 bénévoles, qui la suivent durant
plus d’un mois et demi, à leurs frais –
entre 1 500 et 2 000 euros pour toute
la durée du tour.
A ce nombre, il faut ajouter celles et
ceux qui épaulent l’équipe pour la
logistique. Epluchage des légumes,
cuisine, plonge, sécurité, accueil,
vente de divers objets : sur les trois
jours, près de 3 000 bénévoles se
succèdent à ces divers postes. On
voit des pancartes circuler à tra-
vers les allées afin de recruter du
personnel pour les postes vacants.
Pour Mathieu Labonne, un autre
bénévole : « Ce sont toutes ces per-
sonnes qui permettent à l’ONG de
Patience. Des heures dÕattente
pour embrasser la Mahatma.
fonctionner et de monter des projets
importants. Ici, c’est très ouvert, tout
le monde peut participer. Embracing
the World est essentiellement active
dans les domaines de l’éducation, de
l’écologie, de la santé, de la situation
des femmes et de l’enseignement.
Elle a d’ailleurs été très active lors du
tsunami. »
Tous ces gens, bénévoles ou non, re-
cherchent une multitude de choses
à travers la venue d’Amma. La vo-
lonté de se rendre utile, la recherche
d’une certaine sérénité ou de la paix
intérieure : il existe autant de moti-
vations que de personnes.
Et, pourtant, après avoir conversé
avec de nombreuses personnes sur
place, une phrase, toute simple, est
revenue sans cesse : « Si je viens ici,
c’est parce que je cherche à donner du
sens à mon histoire. » ga
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56 I dÉcembre 2010 I # 05 I
1 Vladimir, vous avez éteint les incendies, mais je brûle toujours,
nous dit la jeune fille du mois de mars.
2 Vladimir Vladimirovitch, vous êtes le meilleur ! (Avril.)
3 Vladimir Vladimirovitch, promenez-moi en Kalina ! [Une Lada, ndlr.]
Les Žtudiantes de la facultŽ de journalisme de lÕuniversitŽ dÕEtat de Moscou ont offert un joli cadeau dÕanniversaire ̂ Vladimir Poutine (58 ans) : un calendrier coquin.Chaque mois de lÕannŽe, une Žtudiante lŽg•rement v•tue dŽclare sa flamme au Premier ministre russe. Intitulé Vladimir Vladimirovitch, nous vous aimons. Joyeux anniversaire, monsieur Poutine, le calendrier, diffusŽ ̂ 50 000 exemplaires, nÕest m•me pas un pied de nez humoristique, mais une ode sinc•re ̂ la virilitŽ de Poutine (souvent photographiŽ torse nu).Selon le Moscow Diaries, citŽ par Global Voices, les Žtudiants pro-Poutine ont pris lÕinitiative de soutenir leur Premier ministre pour protester contre la rŽputation de la fac, qui passe pour •tre un bastion de lÕopposition anti-Kremlin Ð la journaliste assassinŽe Anna Politkovska•a notamment y a ŽtŽ Žtudiante.
LE MONDE I bons baisers de rUssie
bataille de calendriers entre pro et anti-PoutineL’université de journalisme de moscou déshabille 12 étudiantes pour l’anniversaire du Premier ministre. réaction ulcérée – et nouveau calendrier – d’autres étudiantes, qui posent bâillonnées. Par Zineb dryef I Rue89
Vladimir Vladimirovitch, je bržle toujours
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1 Vladimir Vladimirovitch, on a quelques questions à vous poser… 2 LibertŽ de rŽunion toujours et partout ? Maria Tcitcurskaya,
3e année. 3 Quand va-t-on libŽrer Khodorkovski ? Margarita Zhuravleva, 3e année. 4 CÕest pour quand la prochaine attaque
terroriste ? Tatyana Kartashova, 3e année.
La publication du calendrier des jolies journalistes fans de Poutine a suscitŽ des rŽactions scandalisŽes de la part de nombreuses Žtudiantes de la facultŽ de journalisme de Moscou. Daria Krayushkina, ancienne Žl•ve et blogueuse de Moscou89 Ð un projet menŽ par notre webmaster, Yann GuŽgan, en 2008 Ð a rŽagi sur Rue89 : Ç JÕai honteÉ pas pour mon ancienne fac, mais pour les crŽateurs et les participantes de ce projet commercial. Bah oui, ils gagnent maintenant pas mal dÕargent en vendant ce calendrier ̂ Auchan ̂ Moscou. Malheureusement,
cette histoire a encore une fois aggravŽ lÕimage du journalisme russe ̂ lÕŽtranger. ÈElle est en revanche soulagŽe par lÕinitiative dÕautres Žtudiantes de la fac de journalisme de lÕuniversitŽ Lomonossov. UlcŽrŽes par les photos Žrotiques des pro-Poutine, celles-ci ont ŽditŽ leur propre calendrier. HabillŽes et baillonnŽes, elle interpellent le pouvoir : Ç Qui a tuŽ Politkovska•a ? È, Ç Quand les manifestations seront-elles lŽgales ? È, etc.
Vladimir Vladimirovitch, on a quelques questions ˆ vous poser