Exercice RAID-1RPIMa,RAIDS N°306,2011

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Deux écoles de l'intervention, issues de la police et des forces spéciales, se sont confrontées, fin septembre, lors d'une semaine d'échanges prolifiques en région parisienne Texte et photos : Jean-Marc TANGUY I 28

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Deux écoles de l'intervention, issues de la police et des forces spéciales, se sont confrontées, fin septembre, lors d'une semaine d'échanges prolifiques en région parisienne

Texte et photos : Jean-Marc TANGUY

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Dans un craquement sinistre, la porte métallique cède, sous la poussée des vérins hydrauliques du Libervit. Le temps de la tirer, et une horde en kaki et en noir s'engouffre dans une enfilade de galeries pour libérer les « otages » et neutraliser les « terroristes ». C'est le résultat d'années d'entraînement et, dans ce dédale de souterrains, d'une infiltra­tion commencée trois heures plus tôt par trois snipers du RAID, sous l'œil observateur d'un des membres de la cellule formation du RAID, Y.1, un ancien commando Marine qui a servi chez Penfentenyo.

Les modes de travail sont radi­calement différents d'une unité à l'autre, mais les deux entités ont en commun des compétences en ma­tière d'acquisition du renseignement, d'intervention, et la même passion de l'expérimentation. Les paras sont venus à huit: sept d'un groupe de chuteurs opérationnels de la 1 r e com­pagnie SAS, et un personnel de l'ins­

truction spécialisée. A huit, ils dégagent une impression de puissance, bien qu'ils

1. Les identités des personnels du RAID comme celles du COS sont protégées par décret.

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Ci-contre et au centre. Dans le métro parisien. Hormis les armements, utilisant les Simunition, prêtés par le RAID, ces chuteurs opérationnels du 1" RPIMa portent leur équipement normal. Notez les protections auditives actives, ainsi que, sur les casques, les supports pourJVN et lampe de signalisation IR.

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soient venus sans leurs propres armes 2 : ils n'ont que leur casque, leur pare-balles, et un lourd bouclier spécialement conçu pour l'Invex. Félins, souples et manœuvriers, comme dit l'adage militaire, mais il s'y prête : les paras sont en mouvement permanent, couvrant tous les secteurs dans le dédale de couloirs et de souterrains, jusqu'à leur objectif.

Pour les pol ic iers, la concept ion de l'approche est assez différente, car en milieu urbain, et de surcroît en France, l'appui est permanent, et les types de dan­ger connus. Evoluant en territoire adverse, les forces spéciales sont formées à gérer les approches en s'auto-appuyant. Les interventions du RAID sont majoritairement réalisées en milieu urbain, mais deux ans après leur création, les « Raidmen » ont effectué en 1987 une de leurs plus belles opérations au cœur de la campagne du Loiret, pour interpeller les quatre dirigeants d'Action Directe, vivants. Depuis, réguliè­rement, l'appel de la forêt - ou du maquis

2. Le RAID leuraprêtédes Glocket HKG36transformés pour le tir de Simunition.

Ci-dessus, ci-contre, au centre et page précédente en haut.

Les commandos bayonnais se mettent en place sur un scénario d'intervention immédiate,

écrit par le RAID. Ils n'ont que quelques minutes à peine pour intervenir, avant que

les terroristes ne tuent un premier otage. En quelques secondes, ces opérateurs aguerris

ont échafaudé leur plan d'action, effectué leur progression et maîtrisé les terroristes. La

gestuelle des commandos du 1" RPIMa est impeccable, résultat d'années d'entraînement...

et d'actions réelles.

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- les prend. Les modes opératoires doivent s'adapter. Le premier signal est venu en 2003 avec les opérations pour retrouver Yvan Colonna, en Corse, puis un autre fugitif, Jean-Pierre Treiber. Régulièrement, désormais, les policiers sont requis pour s'enfouir et... observer pendant plusieurs jours. Ils l'ont fait en Auvergne à 1 200 m d'altitude sur une équipe de l'ETA logée dans deux chalets postés en zone boisée, en octobre-novembre 2010 dans la région d'Epinal, en décembre 2010 en Corse.

Du maquis au métro Les hommes en noir ont pu bénéficier

des techniques du 13 e RDP en matière d'enfouissement, mais aussi du 1 e r RPIMa en matière de tir à longue distance: le tir police, qui initialement ne portait qu'à quelques dizaines de mètres (25-120 m), a dû s'adapter avec le terrorisme. Amaury de Hauteclocque, le contrôleur général qui

Ci-dessus et page suivante, en haut. Trois snipers du RAID arrivés en précurseurs progressent vers le lieu de détention des otages. Leurs HK 417présentent plusieurs types de viseurs, EOTech avec ou sans son tripleur, et lunette Schmidt & Bender.

Ci-contre. Le sniper venu récupérer le dispositif d'alerte du RAID et du t" RPIMa donne au chef de stick bayonnais les indications de progression jusqu'à l'objectif.

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dirige le RAID, a fixé à son service, fort de 160 hommes et femmes, un cahier des charges particulièrement exigeant. Il faut notamment diversifier les environnements, travailler sur les structures tubulaires. Le RAID a en charge, directement ou indirecte­ment, le tunnel sous la Manche, les métros des grandes métropoles, etc.: des cibles rêvées pour les terroristes. Laser 1 (indicatif du patron du RAID) a confié la construction d'une cellule de tir renforcée à un capitaine de police (M.) qui a fait ses classes au 13 e RDP, puis dans l'appui opérationnel, au RAID. M. a déjà quasiment amené ses tireurs d'élite à la moitié de leur progression. Certains sont déjà très aguerris comme P.-P., un des piliers de la communauté des snipers, et armurier de son état. Il y a aussi J., un ancien sous-officier de la Légion. Et des jeunes qui sont devenus des adeptes du HK 417, livré il y a quelques mois, pour assurer les missions à l'étranger, notam­ment en Afghanistan. Les policiers viennent aussi d'étrenner le SCAR, lors d'une mis­sion de protection présidentielle en Libye (lire dans notre rubrique « En direct des armées ») dans laquelle ils ont d'ailleurs croisé des personnels du régiment.

Le chef de la cellule snipers du RAID

Ci-contre. Briefing rapide entre Bayonnais : chacun donne son avis, livre ses éventuelles questions. Un modèle de concision.

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a emmené ses ouailles faire un tour de France, pour emprunter les meil leures pratiques là où elles existent, y compris dans sa première affectation, à Dieuze. Les snipers de la police sont aussi en cours d'acquisition d'une compétence en appui

feu tireur embarqué (AFTE). Et l'analyse de la menace y est beaucoup plus fine: la culture de l'expérimentation se développe de plus en plus.

Il faut désormais que les balles puissent traverser plusieurs couches successives

après avoir parcouru éventuellement plu­sieurs centaines de mètres. Et ceci, sans se disperser et sans toucher les otages à proximité 3. Il faut donc aussi expérimenter in vivo une pratique qui s'est développée au RAID, comme cette campagne sur des métros réalisée dans l'Est, il y a seulement quelques semaines. Tous les calibres et types de munitions ont été testés sur une rame de métro, avec minutie.

Les résultats de l'étude, menée par le pi­lier de la cellule tir, sont présentés à l'équipe du 1 e r RPIMa, dans un centre de formation de la RATP Comme ils le font régulièrement dans d'autres milieux, les commandos du 1 e r RPIMa doivent être accoutumés aux environnements tubulaires, y compris en zone urbaine; d'autant plus que plusieurs pays dans le monde utilisent des métros français. Ce milieu est très particulier, avec une kyrielle de véhicules différents, dont la neutralisation peut changer du tout au tout d'un modèle à l'autre. Certains métros ont, en plus, des portes palières. L'usage des

3. Le GIGN avait rencontré ces difficultés en 1994, à Marignane, et, dès lors, avait davantage travaillé sur les performances des armes et munitions.

Ci-dessus et ci-contre. La colonne d'intervention, forte d'une trentaine d'opérateurs, progresse par à-coups prudents jusqu'au lieu de détention des otages.

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L'équipement d e s s n i p e r s d u R A I D Chacun des 27 tireurs du RAID (comme ceux de la BAC-BRI parisienne) possède son propre fusil de précision PGM Ultima Ratio.

Mais, évolution déjà rencontrée chez les militaires, l'emploi d'un fusil semi-automatique en 7,62 mm est aussi très utile, d'autant plus que la gamme de distances couvertes excède largement, pour les policiers, le domaine tactique (25-120 m). Le Hécate II actuellement détenu au service ne peut pas être utilisé pour le tir antipersonnel en France. Par contre, un décret vient de légaliser l'emploi de 7,62 mm dans le cadre du maintien de l'ordre. Une décision qu'il faut peut-être relier aux situations rencontrées lors des émeutes de Villiers-le-Bel en 2007, quand des policiers avaient été la cible de tireurs isolés.

Les expérimentations sont assez nombreuses, actuellement, en matière de tir de précision. Des tests ont été menés sur des.338 (TRG42, Accuracy et PGM), mais les munitions sont jugées trop coûteuses, les canons sont fragilisés au-delà de 6 000 coups, et le risque de polycriblage est important. « On ne peut pas se permettre des polycriblages sur des otages », explique M. « Onn'écarte pas a priori le 338, mais on préfère poursuivre notre expérimentation. Par ailleurs, peu de pays Atlas utilisent ce calibre, interdit en Suisse par exemple », argumente-t-il.

Six Sako TRG22 (efficaces jusqu'à 600 m) sont en cours d'acquisition et pourraient notamment servir à des expérimentations sur les balles perforantes. Des essais sont aussi prévus sur des canons subsoniques. Les huit HK 417 ont reçu une lunette Schmidt & Bender (1,5x6), et un nouveau modèle S&B 1,5x8 est en commande par le BAMT. Cinq tireurs sont d'alerte, en permanence. | En AFTE, le HK 417 reçoit un ANPEQ-15 et un récupérateur d'étuis. Une vingtaine de paires de JVN Litton, déjà retenues pour les j chuteurs opérationnels du 1 e r RPIMa (cf. RAIDS 304), ont été commandées.

Les tireurs vont régulièrement à Suippes, où il est possible de tirer jusqu'à 600 m (CT91), y compris au 12,7 mm Hécate II à 1 200 m (CT92), ou à Beynes, camp de la gendarmerie mobile où s'entraîne aussi le GIGN. Il faut en moyenne trois ans pour former un sniper totalement opérationnel.

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explosifs dans un milieu aussi confiné, et pourvu de grosses surfaces vitrées, n'est pas non plus neutre. Pour couronner le tout, du 750 volts règne à côté des rails. Bref, les parachutistes découvrent l'immensité du sujet, captivés par l'étude de la police.

Le chef des snipers du RAID explique aux Bayonnais tous les ressorts de ce milieu, présente brièvement les études, en pro­mettant de les transmettre. Les cheminots expliquent aux commandos les différents ressorts d'action, présentent même un de leurs véhicules techniques qui pourrait être utilisé pour l'intervention.

Puis c'est le passage au concret. Le sni-per du RAID se place en appui à plusieurs centaines de mètres, avec son HK 417 pourvu d'une puissante lunette de vision nocturne arrivé la veille au service. Cette NSV-600 de NSOLT est couplée à un illumi-nateur-désignateur ANPQ-2 et une lunette claire NightForce (x3,5-x15). L'occasion de constater que la lumière des tunnels pari­siens n'apprécie pas forcément les réglages d'une nuit étoilée à Beynes, où les policiers vont souvent s'entraîner.

A l'autre bout du tunnel, les paras pro­gressent dans le noir complet, sans générer un décibel de bruit, alors que les cailloux qui forment le ballast n'attendent que ça. Un signal signifiant la mort d'un des preneurs d'otages dans la cabine de conduite... Puis les huit paras pénètrent comme un seul

Ci-contre. Une des grandes forces du RAID, l'appui opérationnel, ici en pleine action. Plusieurs moyens sont mis en œuvre, de la perche optronique au petit robot, en passant par des minidrones, des fibres optiques, etc.

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homme dans la rame. Terroristes neutrali­sés, otages saufs: mission accomplie.

Le RAID en pleine évolution Cette semaine d'échanges est à l'image

du virage pris par le RAID ces dernières années, suivant en cela l'évolution du terro­risme de masse. Le RAID a totalement mué, sans changer d'effectif (160 policiers). Il est aujourd'hui la tête de ligne de la force d'inter­vention de la police nationale (FIPN), créée à l'initiative du DGPN Frédéric Péchenard 4, et de ses 422 membres, issus aussi des GIPN et de la brigade anti-commando de la brigade de recherche et d'intervention (BAC-BRI) parisienne. Cette FIPN bénéfi­cie de moyens d'appui diversifiés, de hors-bord fluviaux, de tracteurs anti-émeutes, de bulldozers de force et même de minidrones à voilure tournante.

Depuis quelques mois, il est aussi abonné aux hélicoptères du groupe interarmées d'hélicoptères (GIH), initialement créé en 2006 par le COS pour les seuls besoins du GIGN. Plusieurs centaines heures sont aussi consacrées, sur les hélicoptères

4. Frédéric Péchenard, comme le numéro deux de la BAC-BRI, est passé par le 1 e r RCP étant jeune. Amaury de Hauteclocque, descendant du maréchal Leclerc, a effectué son service national chez les commandos Marine, à Lorient.

Ci-dessus, ci-contre et page précédente en haut. Au fur et à mesure que la colonne se rapproche de l'objectif, la tension est plus palpable, même s'il s'agit d'un exercice. Tant les militaires que les policiers ont été engagés sur des assauts de ce type et connaissent l'importance de ne jamais rien négliger, entraînement compris.

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de la gendarmerie, à l 'entraînement à l 'aérocordage et à l'AFTE (une séance par semaine avec la section aérienne de gendarmerie de Villacoublay).

Les échanges peuvent être qualifiés de prolifiques avec le COS et ne sont pas à sens unique, puisque chacun apporte ses points de force. Les tireurs du RAID ont bénéficié d'échanges avec le commando de Montfort, le 1 e r RPIMa (il y a aussi eu des rencontres sur le Nedex et les explosifs) et le 13 e RDP (ainsi qu'avec le 3 e RPIMa). Le RAID a aussi fourni au 13 e RDP une équipe pour l'exercice Eugénie, cette année. Plusieurs séjours réciproques ont déjà été organisés par les deux unités depuis 2009. Une bulle tactique radio est aussi développée par EADS avec les commandos Marine. Cette association permet de mieux répartir les coûts de développement (700 000 euros).

Si chacun reste dans sa sphère opé­rationnelle, ces échanges permettent de mieux appréhender les réalités de demain, qu'elles soient tactiques ou... budgétaires, tout en permettant aux hommes, fondement de l'efficacité de ces unités, d'être encore plus performants. •

Ci-dessus. Le HK G36 reste encore l'arme de référence dans les groupes d'intervention de la police (et chez les commandos Marine). Le HK416

pourrait constituer un successeur possible : c'est déjà le cas au GIGN, qui vient de se faire

payer le renouvellement de son parc, à la faveur de ses engagements à l'étranger.

Ci-contre et au centre. Les modes de travail sont radicalement différents entre le RAID et le 1e' RPIMa, mais les deux entités ont en commun des compétences en matière d'acquisition du renseignement, d'intervention, et la même passion