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ESSAI ALIMENTATION & SANTÉ 22 / 60 MILLIONS DE CONSOMMATEURS / N° 494 / JUIN 2014 PRODUITS : J. CHISCANO/«60» - DAVE AND LES JACOBS/AGEFOTOSTOCK Afigem I 6,8 % vol. 2,33 € (33 cl) I 13/20 La vraie bière d’abbaye, classique, nourrissante, avec de la rondeur et du moelleux, des arômes et de la puissance, du corps, mais aussi la pointe d’amertume indispensable. Généreuse et puissante Maredsous I 6 % vol. 2,30 € (33 cl) I 12,5/20 Une version librement interprétée de la bière d’abbaye, dans un style désaltérant presque acidulé, des notes fraîches, loin des canons classiques. Une bière surprenante mais harmonieuse. Désaltérante et acidulée Abbaye des Flandres (U) 6,5 % du vol. 3,99 € (6 x 25 cl) I 11,5/20 Bon petit prix. Arrive en tête des marques de distributueurs. Bière de soif agréable, légère et équilibrée, loin du style corpulent de l’abbaye. Légère et équilibrée

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ESSAI ALIMENTATION & SANTÉ

22 / 60 MILLIONS DE CONSOMMATEURS / N° 494 / JUIN 2014

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Afigem I 6,8 % vol.

2,33 € (33 cl) I 13/20

La vraie bière d’abbaye,

classique, nourrissante,

avec de la rondeur et

du moelleux, des arômes

et de la puissance, du corps,

mais aussi la pointe

d’amertume indispensable.

Généreuse

et puissante

Maredsous I 6 % vol.

2,30 € (33 cl) I 12,5/20

Une version librement interprétée

de la bière d’abbaye, dans

un style désaltérant presque

acidulé, des notes fraîches,

loin des canons classiques.

Une bière surprenante

mais harmonieuse.

Désaltérante

et acidulée

Abbaye des Flandres (U)

6,5 % du vol.

3,99 € (6 x 25 cl) I 11,5/20

Bon petit prix. Arrive

en tête des marques

de distributueurs. Bière

de soif agréable, légère

et équilibrée, loin du style

corpulent de l’abbaye.

Légère

et équilibrée

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Notre dégustationDeux sessions avec cinq jurés à chaque fois, tous professionnels de la bière, ont été organisées pour déguster quinze bières qui se revendiquent d’abbaye. La température indiquée sur les emballages a été respectée. Chaque échantillon a été présenté anonymement dans un verre Inao numéroté avec 3 chiffres. Les échantillons ont été présentés à chaque juré dans un ordre différent et spécifque pour gommer l’effet induit par l’ordre de passage. Les dégustateurs ont attribué une note sur 20 répartie entre les critères visuel et olfactif, gustatif et d’équilibre. La mousse, critère important mais diffcile à juger de manière homogène, n’a pas été notée.

NOTRE JURY PROFESSIONNEL • Gilbert Delos, journaliste à Bière magazine • Pierre Guingamp, membre fondateur de l’Association des amis de la bière d’Île-de-France • Hervé Marziou, biérologue • Guirec Aubert, biérologue (bieremasterclass.fr)• Cécile Delorme-Thomas, caviste (Le Brewberry, Paris) • Simon Thilliou, caviste, (La cave à bulles, Paris) • Claudia Lerin-Falliero, bar à bières (le Supercoin, Paris).

Puissantes au Moyen Âge, les ab-bayes sont devenues aujourd’hui des marques commerciales, à cause de leurs bières. Leurs ventes dépassent

les 100 millions de litres en grande distribu-tion, selon Nielsen fournisseurs. C’est pourquoi nous avons choisi de les déguster. La catégorie se partage entre les grandes marques et les marques de distributeurs (MDD). Le marché français reste dominé par les belges : Lefe, Grimbergen et Afigem. La bière de l’abbaye d’Afigem, fondée en 1062 en Belgique, est élaborée par le groupe Heineken France depuis 2000. La Lefe se retrouve dans le giron du groupe AB Inbev. Grimbergen appartient aux groupes Carlsberg et Heineken. Et les grands distributeurs proposent des bières d’abbaye à leur grife. Pour Auchan, c’est l’Abbaye de Lille, les magasins U l’abbaye des Flandres, Leclerc celle d’Alveringem, Cora l’abbaye de Fontenelle, Carrefour l’abbaye Saint-Paul de Wisques.

DES ROYALTIES À VERSER Du côté belge, deux chartes encadrent la men-tion. D’abord les « bières belges d’abbaye recon-nues », comme Grimbergen, Afigem, Lefe, Maredsous, Val-Dieu qui fgurent dans notre dégustation. Une série de conditions est exigée, notamment le versement de royalties par la brasserie à l’abbaye ou à des œuvres caritatives. Sur leur emballage fgure un logo : le dessin d’un verre devant un vitrail. La seconde charte concerne les bières trappistes. Le sommet gustatif pour beaucoup d’amateurs. Seules ces

dernières restent élaborées par d’authentiques moines, et forment une catégorie à part, stric-tement encadrée, et plus confdentielle. Pour éviter toute confusion, nous les avons écartées de cette dégustation. En revanche en France, la dénomination restait foue jusqu’à ce que l’association des brasseurs de France fasse une recommandation en 2010. L’image de l’abbaye évoquée sur les emballages par un vitrail, une silhouette en robe de bure, les arcades d’un monastère inspirent confance mais ne reposent pas sur grande-chose.

AU MINIMUM, LE NOM DE L’ABBAYE Face à la profusion de nouvelles marques fran-çaises, les Brasseurs de France se sont donc adressés à leurs 107 adhérents pour poser un cadre : « Nous avons souhaité établir par écrit les règles du jeu pour rester crédibles et les avons transmises à la DGCCRF à qui cela pourrait servir de base en cas d’abus», prévient Pascal Chèvremont, délégué général des Brasseurs de France. Ces souhaits s’inspirent de la description de la bière belge d’abbaye reconnue  ». Au mini-mum, le nom de l’abbaye inscrit sur l’emballage doit avoir existé et celle-ci doit avoir brassé ou fait brasser de la bière, même si elle a disparu. Mais qui peut empêcher, les brasseurs de Gayant de réaliser une bière “de type abbaye”, sous la marque St Landelin, qui fut le moine fondateur de l’abbaye de Crespin, actuellement en ruine ? Le brasseur ne fait qu’évoquer une trace religieuse. Le champ reste ouvert à l’ima-gination et au goût dans le verre.

Bières de dégustation plus riches en goût et en alcool, les bières d’abbaye rencontrent de plus en plus de succès. Nos experts ont cherché à savoir quelle était la meilleure sur un marché dominé par le marketing. Une dégustation qui réserve des surprises…

BIÈRES BLONDES D’ABBAYE

Des bières entre tradition et marketing

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Les jurés se sont déclarés bluffés à la lecture du verdict de cette dégustation. Affigem remporte la première place.

Mais la Leffe, référence historique des bières d’abbaye, et Grimbergen, également large-ment distribuée et promue sur le marché français, obtiennent la moins bonne note. La version Royale de Leffe, riche de trois sortes de houblons, a certes été jugée meilleure que la bière Leffe de base. Mais elle ne se hisse qu’à la sixième place, tout juste dépassée par la petite bière de la marque U. Celle-ci passe haut la main devant toutes les autres marques de distributeurs et se range cinquième au pal-marès. Ce n’est pas si mal pour une marque de distributeur.

Complexes, fortes et onctueusesLa seconde surprise de nos jurés est venue des styles très différents. Les bières d’abbaye correspondent à un style gustatif aux contours plutôt larges. Chaque brasserie travaille sa recette. Mais les brasseurs réalisent une fermentation haute (à une température supé-rieure à 16 °C) plutôt que basse. Ils obtiennent

À la recherche du juste équilibre

Lors de la dégustation, les jurés, tous des professionnels de la bière, ont attribué une note à partir de critères visuels, olfactifs et surtout gustatifs.

St Stefanus I 7 % vol.

3,20 € (33 cl)

Une bière équilibrée et désal-

térante, éloignée du style

abbaye par son acidité. Le

nez livre des notes subtiles

de feurs blanches miellées,

de pain frais et de zeste de

citron. La bouche manque un

peu de corps et de longueur,

sans être désagréable.

12/20

La Divine St Landelin

8,5 % vol. I 2,30 € (33 cl)

Une bière intéressante mais

jugée écœurante par certains.

Une couleur blond vénitien.

Un nez discret de fruits cuits

(pêche, pomme), d’épices et

de caramel. Bouche très ronde

avec des notes chaudes

d’épices et de fruits confts,

enveloppée d’amertume.

10,5/20

Abbaye de Lille (Auchan)

6,1 % vol. I 3,14 € (6 x 25 cl)

Une bière terne au goût

trop doux pour être

recommandable. Un blond

limpide. Un nez dominé par

le miel et le pain d’épices.

En bouche, le côté sucré

et malté est souligné

par une fnale alcoolisée.

Il manque l’essentiel :

les arômes et l’amertume.

9,5/20

Les bières de distributeurs coûtent trois fois moins cher que les grandes marques, mais sans déclencher de grand enthousiasme. La plus chère, la Leffe Royale, n’arrive que sixième. C’est l’Affigem, la meilleure en goût pour un prix accessible, qui s’impose.

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Afigem I 6,8 % vol.

2,33 € (33 cl)

L’ambassadrice du style.

Une bière corpulente tout

en moelleux, un nez intense

et charmeur de fruits jaunes

(poire, pêche, banane) et

de feurs blanches miellées ;

une plénitude en bouche où

l’amertume pointe en fnale

et s’étire en longueur.

13/20

Abbaye des Flandres (U)

6,5 % vol. I 3,99 € (6 x 25 cl)

Une bière légère qui manque

de fruit et de rondeur pour

correspondre au style. Un

nez peu intense de céréales,

avec des notes herbacées.

La bouche est classique,

plaisante malgré les arômes,

et l’amertume un peu trop

en retrait.

11,5/20

Abbaye d’Alveringem

(Leclerc) I 6,2 % vol.

2,83 € (6 x 25 cl)

Une bière basique sans puis-

sance ni arômes. Une couleur

dorée et une limpidité. Un nez

de céréales, de miel toutes

feurs et de foin. Une bouche

habitée uniquement par

l’amertume, il manque

le corps et la rondeur.

10,5/20

Le�e I 6,6 % vol.

3,90 € (6 x 25 cl)

Une bière décevante sur

presque tous les points.

Une couleur jaune dorée

limpide. Un nez fermier

chargé de levure de malt et

de miel. Une bouche douceâtre,

dominée par le malt, elle

manque de corps, de houblon,

d’amertume et d’arômes…

le jury a été unanime.

9/20

Maredsous I 6 % vol.

2,30 € (33 cl)

Une bière vive et surprenante,

éloignée du style abbaye.

Un nez riche en levures avec

des notes végétales et de

miel. Une bouche nerveuse,

presque acidulée, avec

des notes d’herbes fraîches

où manque la rondeur.

Une version désaltérante.

12,5/20

Le�e Royale I 7,5 % vol.

9,81 € (6 x 33 cl)

Une bière sans complexité,

au caractère plus malté que

fruité. Le nez révèle des notes

fumées, de noix et de pain

toasté. La bouche, fraîche

au départ, manque ensuite

de corps et d’arômes,

et se termine par une

note métallique.

11/20

L’Abbaye (Carrefour)

6,2 % vol. I 3,20€ (6 x 25 cl)

Une bière sans profondeur.

Blonde cuivrée et transparente.

Un nez prometteur, riche

en levures et en épices.

Mais la bouche est décevante,

courte, marquée par les

sucres et l’alcool. Une bière,

juste dans la moyenne,

qui manque de caractère.

10/20

Grimbergen I 6,7 % vol.

4,17 € (6 x 25 cl)

Une bière courte et sucrée.

Un nez acide peu engageant.

En bouche l’excès de sucre

rend la boisson lourde et

pâteuse, sans être compensée

par l’amertume et le houblon.

En résumé, peu de persistance.

La coquille est vide même

si le style est présent dans

les grandes lignes.

9/20

Abbaye de Val-Dieu I 6 % vol.

2,55 € (33 cl)

Une bière d’abbaye au corps

mince diversement appréciée.

Une mousse blanche et fournie.

Le nez exprime la fraîcheur

campagnarde : le foin, la

poire, le pain sec ainsi que

le miel. Une bouche acidulée

et houblonnée qui évolue

vers l’amertume en fnale.

12/20

Bière d’Abbaye (Auchan)

6,2 % vol. I 3,41 € (6x 25 cl)

Une bière agréable et équilibrée

en dehors des clous qui

n’accroche pas vraiment.

Une couleur dorée et transpa-

rente. Un nez discret assez

malté. Un équilibre en bouche

tissé par l’alcool, les arômes

et le moelleux, sans longueur

ni amertume.

11/20

Wendelinus I 6,8 % vol.

1,66 € (33 cl)

Une bière d’abbaye trop

lourde pour être équilibrée.

La couleur dorée est limpide.

Le nez puissant allie un côté

foral et fruité avec une pointe

de miel. La bouche tout

en malt et en sucre fnit

vite par être pesante sans

l’amertume en contrepoint.

9,5/20

Abbaye de Fontenelle (Cora)

6,6 % vol. I 3,85 € (6 x 25 cl)

Une bière banale, écœurante

et déséquilibrée. Blonde

et limpide. Un nez douceâtre

de malt avec des notes

herbacées. Une bouche

courte, dominée par

l’alcool, pauvre en arômes

et en amertume qui,

selon les jurés, apporte

peu de plaisir.

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Jusqu’ici, les Français ont été de

petits buveurs de bières : 30 litres

par an et par habitant contre, par

exemple, 138 litres pour les Tchèques,

les premiers consommateurs de

l’Union européenne, selon les Bras-

seurs de France. Mais cela pourrait

changer avec le foisonnement des

nouvelles bières artisanales. Sur les

2 000 types de bières qui se vendent

en France, ces dernières sont deve-

nues majoritaires.

Fin 2013, le nombre de microbras-

series sur le territoire était de 550.

Cinquante nouveaux établissements

ouvrent chaque année en France.

Elles devraient être 600 à la fn de

l’année – c’est encore moitié moins

que le parc belge, mais l’activité est

dynamique. Chaque brasserie pro-

pose une gamme de trois ou quatre

bières. Les dix majors de la profes-

sion se voient écrasés sous le nombre.

Chaque région française compte au

moins une brasserie avec des records

notables dans le Nord-Pas-de-Ca-

lais et la région Rhône-Alpes. Les

brasseurs peuvent compter sur la

première production mondiale de

malt et d’orge de brasserie. La France

est leader. Le houblon français se

cultive majoritairement en Alsace

(580 tonnes en 2013). Le succès des

bières artisanales vient aussi de leur

goût local qui authentife un terroir.

Une touche de châtaigne en Corse,

de sarrazin en Bretagne, de piment

d’Espelette dans le Sud-Ouest…

LA FORMATION FAIT LE PLEIN

Même Paris se met à brasser. Dans le

XVIIIe arrondissement, la Brasserie

de la Goutte d’or fabrique sur place

une bière au goût de café. Les bières

bio de la brasserie de la Vallée de

Chevreuse font partie des réussites.

Leur lancement a pu voir le jour en

2008 avec le soutien du Parc naturel.

Le brasseur Emmanuel Rey raconte :

« Sans apport fnancier au départ, cela n’est pas facile, il faut compenser par la force de travail et elle a ses limites. Pour se développer il faut for-cément investir à un moment donné dans des bâtiments et des machines. Cela représente plusieurs centaines de milliers d’euros. »Quand une brasserie ferme, c’est sou-

vent pour des problèmes de contami-

nation. L’hygiène est le point le plus

difcile à maîtriser. « Pour monter une brasserie il faut s’équiper d’une chaudière, d’une cuve de brassage et d’un groupe froid, l’investissement démarre à 100 000 € », confrme Fré-

déric Sannier, enseignant brasseur à

l’Université de la Rochelle. Depuis six

ans, sa formation de brasseur, d’une

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La naissance de la biérologieLa France compte 550 brasseries artisanales. Chacune y va de ses recettes originales. Des biérologues se préparent à éduquer à ces nouvelles mousses goûteuses.

ainsi plus d’alcool, d’arômes et de goût. Les souches de levures font toute la différence et relèvent du secret de fabrication absolue du brasseur. « Les bières dites d’abbaye sont des

bières de dégustation, et elles se distinguent

par leur qualité et leur complexité, elles sont

généralement assez fortes et onctueuses », décrit la recommandation des Brasseurs de France de 2010. Pour chaque échantillon, nos jurés ont dû indiquer si la bière anonyme qu’ils goûtaient correspondait à ce profl. Sur quinze bières, seulement six y ont répondu – indépendamment de la note attribuée, qui a refété l’équilibre et le plaisir apporté. La recette n’a rien d’évident à maîtriser, si l’on en juge par le fait qu’un tiers des bou-teilles n’obtiennent pas la moyenne. Parmi les défauts rencontrés, l’excès d’alcool, de sucre, le manque d’amertume et d’arômes sont les plus fréquents.

La bière de la Coupe Les biérologues s’agacent de voir la bière et le foot associer de manière systématique. D’ailleurs, la bière d’abbaye se débouche plutôt après un match de Coupe que pendant. Elle n’a rien d’une bière de soif ; elle a du goût, des saveurs, des arômes et nécessite un peu d’attention. Pour les inconditionnels et les moments forts de la Coupe du monde, l’une de nos jurés, Claudia Lerin-Falliero (Le Supercoin), conseille de décapsuler non pas une abbaye mais Une Franche pro-fonde, de la brasserie La Franche, « Parce que

cette bière houblonnée est équilibrée comme

Blaise Matuidi, puissante comme Mamadou

Sakho et amère comme Patrice Evra ». Là, d’accord !� MARISE SARGIS

LE VERDICT

w Le style “abbaye” se brouille. Dans

notre dégustation, nous avons trouvé

des bières qui sont toutes en puissance

et en arômes tandis que d’autres

jouent sur la fraîcheur et la légèreté.

w Les grandes marques belges sortent

victorieuses, hormis Leffe et Grimbergen.

w Les marques de distributeurs coûtent

trois fois moins cher mais elles ont

suscité peu d’enthousiaisme et ne

se placent qu’en milieu ou en bas

de notre classement.

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Leur bière fétiche

Nous avons demandé à nos jurés de proposer une bière qui sort des sentiers battus.

durée d’un mois, fait le plein. La liste

d’attente s’allonge. Trente-cinq bras-

series se sont déjà ouvertes grâce à

cet enseignement (science-infuse.

univ-lr.fr). « Les profls sont variés, ce sont tous des amoureux du pro-duit : des agriculteurs céréaliers, des apiculteurs, des cadres supérieurs en reconversion professionnelle, et des femmes, comme celle venue de la brasserie des Grenouillettes de Sens », détaille Frédéric Sannier.

UN PUBLIC TRÈS CURIEUX

La formation aborde aussi le vocabu-

laire de la dégustation « Il est impor-tant d’apprendre aux brasseurs à bien parler de leur produit, il existe une grande liberté et des goûts très originaux », poursuit-il. Emergent

parallèlement des caves spéciali-

sées et des bars à bières. Dans la

capitale, ces bières artisanales se

bousculent sur les rayonnages de la

Cave à bulles, ou sur le comptoir du

Brewberry, de la Chop’In et de la Fine

Mousse. Les tireuses du Supercoin

ne versent que des bières artisanales

dont une pilsner tchèque et une tren-

taine d’autres en bouteilles. Ces lieux

proposent souvent des ateliers édu-

catifs pour un public de plus en plus

curieux. Une association française

de biérologues, créée par un trio d’ex-

perts, Gilbert Delos, Hervé Marziou et

François Devos, doit prochainement

voir le jour. « L’idée est de rassembler un noyau dur de professionnels afn de créer une formation de biérologue qui n’existe pas encore, qui validera un minimum de compétences car cette profession est appelée à se déve-loppper fortement », précise Gilbert

Delos. Avis aux biérophiles.M. S.

La bierre est devenue un eldorado. Cinquante nouvelles microbrasseries ouvrent chaque année en France et inventent des bières au goût local.

DUVEL, bière trappiste belge. « J’aime son

élégance, sa montée

en puissance et

l’alliance subtile entre

la fnesse, l’alcool

et l’amertume. »

Gilbert Delos, journaliste à Bière magazine.

I’VE SEEN BIGGER THAN HOURS, bière danoise

de la brasserie Tool. « J’aime son caractère

extrême, son goût intense

de framboise et son côté

liquoreux étonnant. »

Céline Delorme-Thomas, caviste.

DOUBLE BASTARD, bière américaine brassée par Stone Brewing co. « Cette bière est rare,

intense, provocatrice

et jubilatoire. Elle allie

le fruité, l’amertume

et des saveurs boisées. »

Simon Thilliou, caviste.

L’ABBAYE D’ORVAL, bière trappiste belge. « J’aime

sa mousse immaculée,

ses senteurs fraîches,

sa complexité et sa riche

amertume. » Pierre Guingamp, de l’Association des amis de la bière d’Île-de-France.

L’ÉTOILE DU NORD, bière du Nord. « J’aime

sa belle ametume,

fraîche et piquante.

Elle illustre le houblon

à l’état sauvage

d’une superbe bière

de saison. » Guirec Aubert, biérologue.

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