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JARDINAGE 47 N 0 143 NOV./DÉC. 2003 LES QUATRE SAISONS DU JARDINAGE Parmi tous les animaux de la basse-cour, c’est chez la poule, origi- naire de l’Inde et domestiquée depuis la nuit des temps, que l’on trouve la plus grande diversité de races. Mais ce patrimoine a bien failli disparaître avec l’abandon généralisé des basses-cours fami- liales, tandis que les élevages industriels se sont spécialisés dans l’élevage d’hybrides F1, plus rapidement productifs que les races pures sélectionnées. QUELLES RACES CHOISIR ? Aujourd’hui, la situation n’est pas encore totalement restaurée, mais l’espoir renaît. J’ai pu le mesurer depuis la publication de mon ouvrage Votre basse-cour familiale et écologique (éditions terre vivante, 1995). De nombreux amateurs se sont mobilisés pour sauvegarder des races locales anciennes comme les poules ‘Gournay’, ‘Crèvecoeur’, ‘Géline de Touraine’… et des races Comment démarrer une basse-cour ? Vous savez aujourd’hui comment construire et aménager un poulailler (voir les Quatre Saisons n 0 142). Il vous faut maintenant acquérir les premières volailles : des choix déterminants pour la suite. Les conseils de Jérôme Chaïb. J.-C. PÉRIQUET

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Parmi tous les animaux de la basse-cour, c’est chez la poule, origi-naire de l’Inde et domestiquée depuis la nuit des temps, que l’ontrouve la plus grande diversité de races. Mais ce patrimoine a bienfailli disparaître avec l’abandon généralisé des basses-cours fami-liales, tandis que les élevages industriels se sont spécialisés dansl’élevage d’hybrides F1, plus rapidement productifs que les racespures sélectionnées.

QUELLES RACES CHOISIR? Aujourd’hui, la situation n’est pasencore totalement restaurée, mais l’espoir renaît. J’ai pu le mesurerdepuis la publication de mon ouvrage Votre basse-cour familiale etécologique (éditions terre vivante, 1995). De nombreux amateurs sesont mobilisés pour sauvegarder des races locales anciennes commeles poules ‘Gournay’, ‘Crèvecoeur’, ‘Géline de Touraine’… et des races

Comment démarrerune basse-cour ?

Vous savez aujourd’huicomment construire etaménager un poulailler(voir les Quatre Saisonsn0 142). Il vous fautmaintenant acquérir les premières volailles :des choix déterminantspour la suite. Les conseilsde Jérôme Chaïb.

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plus cosmopolites, comme ‘Sussex’, qui avaientfailli disparaître. Certaines réapparaissent avecsuccès dans les filières commerciales ou sur latable des restaurateurs.La conservation de nombreuses races doit davan-tage à la passion de collectionneurs de beaux plu-mages qu’aux qualités de ces volailles pour lachair ou la ponte. C’est d’ailleurs ce qui a fait le succès récent de races naines au plumage particulier comme ‘Nègre soie’ ou ‘Sebright’auprès d’amateurs, qui élèvent des poules d’ap-partement comme d’autres des canaris (1). Maisbeaucoup de races fermières possèdent aussi detrès belles robes – la ‘Gauloise’ reste embléma-

tique –, ce qui ne les empêche pas d’être délicieuses ou de pondre abondamment. Il fautsouligner que les races naines – a priori moinsrecherchées pour leur chair – s’avèrent êtrebonnes pondeuses et couveuses.

Pour se faire une idée des races disponibles, il suffit de fréquenter les expositions avicoles quis’organisent notamment à l’occasion de foiresaux produits naturels. Mais pour la diversité, rienne vaut le déplacement au Salon de l’agriculture

de Paris. Il vous faudra d’abord choisir entre desraces naines, des grandes ou même de trèsgrandes, comme ‘Brahma’ ou ‘Cochinchine’. Lesecond critère portera sur les races de chair ou surles pondeuses, ou plutôt sur les races dites “àdeux fins”, ce qui était le propre de la plupart desraces anciennes. Enfin, vous pourrez choisir departiciper à la sauvegarde d’une race régionale.

ACQUÉRIR SES PREMIÈRES VOLAILLES.C’est souvent sur un marché que naît le coup decœur pour une poule ou de jeunes poussins. Lerisque est d’acheter une race mal définie, dont lescaractéristiques seront médiocres. Le plus grand

danger est d’ordre sanitaire, et semble s’aggra-ver. La tradition des foires aux œufs est réappa-rue il y a quelques années et constitue un bonmoyen d’acheter, au printemps et au meilleurprix, ce qui deviendra votre future basse-cour.Mais ces œufs peuvent transmettre des germespathogènes, des salmonelles en particulier, avecdes risques d’intoxication. La meilleure solutionest de trouver des élevages patentés qui pourrontfournir la preuve d’analyses sanguines régulières(test Elisa) et de la vaccination des reproducteurs.

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‘Coucou de Rennes’ : une race rustique et vigoureuse, bonnecouveuse, qui a failli disparaître.

‘Gauloise dorée’, un plumage doré qui suscite un regaind’intérêt.

‘Limousine’, menacée de disparition .

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Au sein de la région Haute-Normandie, j’ai pumesurer la difficulté de tenir à jour un répertoired’éleveurs et des races qu’ils élèvent. Rien n’estplus mouvant et rapidement périmé. Quant auxcouvoirs, répertoriés par les Chambres d’agricul-ture, qui fournissent les élevages industriels, ilsrisquent de ne pas répondre à vos attentes. D’unefaçon générale, la production de races anciennesest plutôt l’apanage du monde associatif. Lesexpositions sont donc l’occasion de rencontreraussi des producteurs. Au Salon de l’agriculture,la Société centrale d’aviculture de France (SCAF)est toujours représentée. Elle possède un réper-toire d’éleveurs et pourra vous renvoyer vers des

interlocuteurs locaux. Le Bantam Club françaisfait de même pour les éleveurs de poules naines.Malgré tout, il vaut mieux éviter d’acheter direc-tement dans les expositions. Sans tomber dans laparanoïa, il faut savoir que la promiscuité desvolailles donne lieu à la transmission de virus oude parasites comme les coccidies ou les acariensresponsables de la gale des pattes.Enfin, à l’heure d’internet, quelques sites, peunombreux et à l’existence parfois éphémère, proposent des répertoires de producteurs.

L’ŒUF OU LA POULE? Pour commencer unebasse-cour, les solutions sont multiples. De la plussimple à la plus achevée, mais aussi de la plus coûteuse à la meilleure marché, elles peuvent serésumer ainsi :w Acheter des poussins de 6 semaines, déjàemplumés, capables de se nourrir seuls. Les achatsse font habituellement par douzaine, demi-douzaine, voire à l’unité. C’est l’investissement àl’achat le plus élevé. Dans le lot que vous aurezacquis au printemps, il y aura de futurs poulets etde futures poules pondeuses. Les poulets pourront être consommés rôtis à partir de quatre ou cinq mois d’élevage. Si vous souhaitez

ultérieurement assurer la reproduction, il faudraen garder quelques uns pour sélectionner etconserver un coq reproducteur. Les poules sontdestinées à être conservées au moins trois ouquatre ans pour la ponte. Certaines se révèleront peut-être comme des couveuses. Si vous ne souhaitez pas conserver de basse-cour pendantl’hiver, les poules pourront être sacrifiées et rôtiescomme les poulets.w Acheter des poussins d’un jour, non emplu-més et exigeant des soins particuliers. Les achats

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‘Marans noir cuivré’ ‘Gâtinaise’, aussi bonne pour la ponte que pour la chair.

‘Alsacienne’, une race adaptée aux climats rudes.

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se font habituellement par douzaine. Les pous-sins coûtent moins cher qu’à six semaines, maisvous risquez de perdre quelques jeunes jusqu’àl’emplumage. Durant la première partie de leur existence, vous devrez disposer d’un local autreque le poulailler et du matériel de chauffage etde nourrissage spécifique. L’alimentation est elle-même particulière. L’achat de poussins d’un jourse justifie pleinement si vous avez une poule quia pris l’habitude de couver. Il suffit d’entretenirson envie pendant trois semaines (durée de l’in-cubation d’un œuf) en glissant quelques fauxœufs sous elle et en récoltant ceux qu’elle pond(s’il n’y a pas de coq dans la basse-cour, ils ne don-neront évidemment jamais aucun poussin). Auterme de ces trois semaines, vous achetez despoussins d’un jour et vous glissez progressive-ment quelques poussins sous elle pour qu’elles’habitue à leur présence, avant de lui confiertous ses enfants adoptifs, que vous aurez pris soinde conserver au chaud dans leur boîte en carton.w Acheter des œufs fécondés. Solution peu coûteuse, mais pas totalement fiable. Il faut seprocurer au moins une douzaine d’oeufs, généra-lement plus, et les mettre en couveuse pendant21 jours, durée d’incubation de l’œuf chez lapoule. Une autre solution consiste à les placersous une poule couveuse ayant déjà fait sespreuves avec des poussins. Le risque de casse estplus grand qu’en couveuse, mais les petits serontadoptés dès leur éclosion. Au bout d’une

semaine, on peut “mirer” les œufs, c’est-à-direregarder à travers la coquille à contre-jour afin dedétecter si un embryon s’est développé ou sil’œuf est “clair”. Quand commence l’éclosion, onrécupère les poussins au fur et à mesure qu’ils sor-tent eux-mêmes de l’œuf. Vouloir les aider com-porte le risque de les blesser ou d’avoir desindividus défaillants par la suite.w Effectuer la reproduction soi-même. C’est lemoyen le moins onéreux et le plus naturel, maispas le plus fiable et qui prend beaucoup detemps. Il faut disposer de 8 à 10 poules pour un coq. Au printemps, on observe si le mâle s’accouple bien avec l’ensemble de son cheptelou s’il jette plutôt son dévolu sur une seule poulequi y perdra rapidement des plumes. La réussitede la reproduction tient évidemment au nombrede poules fécondées, car les œufs se retrouventmélangés dans les pondoirs, fécondés ou non.Lorsque vous disposez de la quantité d’œufs qui vous semble suffisante, vous pouvez fairedémarrer l’incubation, en couveuse ou sous unemère poule. Le mirage se révèle là aussi indispen-sable. Les œufs que vous n’aurez pas mis à couver peuvent être consommés sans problème, mêmefécondés.

Votre nouveau poulailler va bientôt s’animer etvous fournir une production régulière d’œufsfrais – et accessoirement de délicieuses volailles –que beaucoup vous envieront (2).

Jérôme Chaïb

Directeur de l’Agence régionale de l’environnement de Haute-Normandie, Jérôme Chaïb est l’auteur du livreVotre basse-cour familiale et écologique, aux éditions Terre vivante.

1. C’est en quelque sorte un retour vers la petite tailledes races à l’origine de la poule domestique, aprèsque les obtenteurs se soient évertués à en obtenir deplus en plus grosses. 2. Le troisième et dernier volet de cette série porterasur l’alimentation des poules et sur quelques conseilsd’hygiène. A lire dans notre prochain numéro.

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‘Crèvecoeur’, une race très ancienne du Calvados, excellente pour la chair.

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Quelques adresses1) Société centrale d’aviculture deFrance, 34 rue de Lille, 75007 Paris,tél. 01 42 61 26 44.2) Bantam Club français, rue Geneviève Plailly, 91330 Yerres.3) M. Patrice Barthélemy, ferme dePalayret-Marin, 12260 Saint-Croix,tél. 05 65 81 73 88.4) M. Maurice Bouzat, Carcenac-Peyrales, 12160 Baraqueville.5) Amarans, 5 rue du repos, 91590Boissy-le-Cutte, tél. 01 64 57 60 34.6) Aristosoie, 5 rue du repos,91590 Boissy-le-Cutte, tél. 01 64 57 60 34.7) M. Mathieu Astorg, 12120 Rulhac-Saint-Cirq.8) M. Gilbert Dupic, Les Cousteilles, 12740 La Loubiere, tél. 05 65 42 28 86.9) M. Henri Monteillet, route ducimetière, 12630 Agen d’Aveyron.10) M. Pierre Ricard, 686 avenuede la gare, 12160 Baraqueville.11) M. Régis Mouysset, 627 rue de l’arbre de la Garde, 12160Baraqueville, tél. 05 65 70 13 06.12) M. Philippe Lacassagne, Poujol,15600 Saint-Santin-de-Maurs, tél. 04 71 49 13 26. 13) M. Henri Aygalinc, Donadieu,12260 Villeneuve d’Aveyron.

Frédéric Aubert, animateur du site internet [email protected],d’où sont tirées certaines de ces informations, lance un appel à tous les aviculteurs pour l’aiderà actualiser ses données, en luienvoyant toutes sortesd’informations sur la basse-cour et les races rustiques menacées de disparaître qu’il faut sauver en les faisant connaître.

Races traditionnelles françaises ou étrangères, acclimatées en France

Races naines ou nanifiées

Races ayant souffert d’uneraréfaction importante et ayant faitl’objet de programmes desauvegarde

Races encore menacées de disparition

Races disparues ou présuméesdisparues, à rechercher

Bourbonnaise, Brahma (3), Cornish,Lakenfelder, Langshan, Leghorn, Limousin, New-Hampshire, Orpington (4), Plymouth,Rhode Island, Sussex (9) (10) (11), Wyandotte (3) (12) (13).

Ardennaise, Barbu d’Uccle, Faverolles (4),Hambourg, Java, La Flèche, Leghorn, Nègre-Soie (6) (7), New-Hampshire, Padoue,Pictave, Rhode Island, Sebrigth.

Alsacienne, Bresse-Gauloise Cou-nu duForez, Faverolles (4), Gâtinaise, Gauloise,Houdan, La Flèche, Marans (5).

Ardennaise, Bourbourg, Caumont,Charollaise, Cotentine, Coucou de Rennes,Courtes-pattes, Crèvecoeur, Estaires,Gasconne, Géline de Touraine, Gournay, Le Mans, Limousine, Lyonnaise, Mantes,Merlerault, Meusienne, Noire de Challans (8),Noire du Berry, Pavilly, Pictave

Aquitaine, Ardéale, Bresse blanche,Barbezieux, Caussade, Cocherelle, Coucou deFlandres, Coucou de France, Coucou picarde,Hergnies, Ivanaise, Landaise, Malgache,Poule de Blanzac, Poule de Caux, Poule de Contres, Poule de Courrières, Poule de Lorraine, Poule de Marquise, Poule deSaint-Omer, Poule de Serres, Provençale,Sans queue.

Listes de races (non exhaustive)(les numéros cités après certaines races renvoient aux coordonnées des fournisseurs)

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‘Houdan’, sauvée de la disparition grâce à un programme de sauvegarde.