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INTRODUCTIONL'EDUCATION DE DIEU.

Si le corps humain devenait transparent et qu'on pouvait voir l'intérieur etl'examiner, on trouverait écrit dans chaque cellule: "nature humaine d'Adam".Partout et toujours on trouverait ces mêmes mots: "nature humaine d'Adam!" Sil'on pouvait aussi pénétrer dans sa personnalité, y voir ses pensées, son imagina-tion, ses désirs, ses convoitises et son c ur, on y découvrirait aussi ces mêmesmots: "nature humaine d'Adam!"

Si je jette un regard calme et réfléchi sur mon passé, je découvre que mesmalheurs proviennent tous de cette même source: amour de moi. C'est le princi-pal caractère de la nature humaine d'Adam. C'est l'unique cause qui me rendmalheureux, puisque seule ma nature humaine héritée d'Adam me sépare de Dieuqui est la seule source de bonheur, de lumière et de vie.

Ainsi toute action de Dieu tend à arracher l'être humain des liens de cette na-ture humaine héritée d'Adam. Ceux qui ne font encore qu'entrevoir ce qu'est lerepos en Dieu pressentent que le bonheur éternel ne leur sera assuré que lors-qu'ils se reconnaîtront entièrement dépendants de leur Père divin. Ce n'est passeulement la parole de Dieu qui l'enseigne, mais aussi l'expérience journalière.Tout vrai disciple de Jésus, qui écrirait l'histoire de sa vie, n'aurait pas à chercherlongtemps quel titre lui donner; il n'aurait qu'à inscrire simplement: "CommentDieu, par son éducation, m'a délivré de ma nature humaine d'Adam".

Cette délivrance de la nature humaine d'Adam concerne donc chacun person-nellement, et il vaut bien la peine de chercher à être éclairé par la parole de Dieu.Or, aucun livre de la Bible ne présente d'une manière plus frappante et pratiquecette éducation de Dieu appliquée à l'être humain, que le livre du prophète Jonas.Il montre, d'un côté, la persistance et la ténacité de la nature humaine d'Adamdans l'être humain qui le rend malheureux; de l'autre côté, il montre l'éducationde Dieu qui amène chacun à en être délivré. On y voit aussi avec quel amour,quelle patience et quelle justice, sans jamais se lasser, Dieu poursuit l'être hu-main, pour conduire son c ur orgueilleux au repos.

Ce petit livre de Jonas, qui n'a en tout que quarante-huit versets, révèle remar-quablement ce qui se passe dans l'être humain. Bien plus, il reflète aussi le c urmême de Dieu, son amour insondable à l'égard des enfants d'Adam, dans l'éduca-tion qu'il leur donne!

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Tous les humains sont, comme Jonas, des élèves de cette grande école deDieu qu'est la terre. Ce petit livre est d'autant plus intéressant qu'il est souventmal compris. Maintenant, il deviendra précieux à tous ceux qui le comprendrontet avec lui, la Bible tout entière!

Lisons donc ce petit livre de Jonas pour nous préparer à recevoir l'éducationde Dieu.1

PREMIER APPELJONAS DESOBEIT.

1. Jonas envoyé à Ninive pour y crier contre elle."La parole de IHVH 2 est adressée à Jonas, fils d'Amitaï, pour dire: lève-

toi, va à Ninive, la grande ville, et crie contre elle, car leur mal est monté de-vant moi." (1, 1-2.)

Ces deux premiers versets du livre de Jonas introduisent immédiatement auur de l'histoire. Ils ne disent pas de quelle manière cette parole a été adressée à

Jonas; il est donc inutile de faire des suppositions et de chercher à le savoir. Quoiqu'il en soit, Jonas a reconnu que cette parole, absolument contraire à sa naturehumaine de fils d'Adam, venait de Dieu sans aucun risque de s'y tromper.

Cependant, Jonas était un simple homme du peuple, peut-être un paysan ou unberger; un homme sans les habitudes du monde, sans ce qu'on appelle "éduca-tion". Il n'était donc nullement qualifié pour paraître en public. La nation à la-quelle il appartenait était encore plus méprisée que haïe, et cet homme devaitaller à Ninive "crier contre elle!"

1. Ninive.Ninive était le centre et la brillante capitale de l'empire assyrien. Pareille à une

reine arrogante, elle trônait parmi les nations. Peu après l'époque du déluge elleavait été probablement fondée par Nemrod, le premier dominateur des peuples,et aucune nation n'avait encore osé l'attaquer. Or Jonas doit aller "crier contre

1 Héb 12.2 IHVH est le nom propre du Dieu de la Bible. C'est un mot dont la prononciation a été perdue. Aujour-

d'hui on le prononce IaHVéH ou IaHOUH.

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elle!" Ninive était aussi le plus ancien rempart du paganisme et de l'idolâtrie surla terre, et la forteresse à l'apparence invincible de Satan, le "prince de cemonde". Jonas doit lui annoncer sa destruction! Quelle terrifiante mission!

Ninive réunissait toutes les magnificences, toutes les splendeurs de la terre,toutes les richesses et toutes les gloires des nations. En contrepartie, là s'étalaientaussi l'idolâtrie, l'orgueil, l'arrogance et le crime. Toutes les convoitises et toutesles voluptés s'y étaient donné rendez-vous avec toutes les erreurs, tous les men-songes, toutes les turpitudes et toutes les ignominies imaginables.

Actuellement, sur la terre qu'on habite, rien n'est comparable à la magnifi-cence de Ninive. Tout ce qui existe en fait d'art et de richesse est dispersé dansune quantité de lieux divers; par contre, les conquérants orientaux de l'antiquitéamoncelaient tout sur un seul point.

On peut se faire une idée de l'étendue de cette ville en lisant que le prophète amarché toute une journée avant d'en atteindre le centre (Jonas 3, 4). Quant à lamagnificence de cette cité et aux trésors artistiques renfermés dans ses palais etdans ses temples, les fouilles entreprises ouvrent un vrai monde d'enchantements.

Pour se représenter l'état des m urs à Ninive, il suffit de penser à la déprava-tion effroyable des métropoles modernes. La corruption s'y développe avec uneeffrayante rapidité alors que la morale, les lois et surtout la Bible leur ont élevépendant longtemps une digue. Combien plus devait-il en être de Ninive, une villeaussi riche qui se prélassait depuis des siècles dans le sentiment de sa toute-puissance. De plus, c'était une ville où la religion, loin d'être un frein pour l'er-reur, le mensonge et l'immoralité, n'en était souvent que leur meilleur soutien?"Leur mal est monté devant moi", dit IHVH dans un style d'une effrayante conci-sion.

2. Si Ninive refuse.C'est dans cette Ninive que Jonas doit se rendre, lui, un homme ordinaire

d'Israël. Ce peuple de Dieu méprisé qui tremblait devant l'empire assyrien, etdont le Dieu, dans la pensée de ces étrangers, était comme tous les autres dieuxdevant cet empire. Jonas ne doit pas aller à Ninive pour y vivre solitaire et isoléparmi ces gens dépravés. Combien déjà cela aurait été difficile! Non, il doit s'yrendre pour crier publiquement contre elle. Lui, Jonas, doit crier devant ces gensarrogants, enivrés de leurs triomphes. Il ne criera pas seulement pour leur dévoi-ler un message de Dieu, mais il doit crier contre eux. L'effet qu'aura sa proclama-tion, il l'ignore. Il ne sait si les Ninivites l'écouteront ou s'ils le tourneront en dé-rision, en le chassant avec des bâtons comme un fou, ou même s'ils ne le foule-

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ront pas aux pieds. Cette dernière éventualité lui paraissait peut-être la plus pro-bable.

On peut imaginer les pensées qui traversaient alors ce prophète:"Moi, seul, dans cette capitale, vis-à-vis de cette multitude de gens! Moi?Le soleil s'arrêterait plutôt qu'ils ne m'écoutent!Eux, se retourner vers Dieu? Eux?Tout est possible excepté cela.Pourquoi irais-je dans cette ville essayer de m'engager dans une telle entre-

prise vouée à l'échec, et aboutissant certainement à ma mort?"Si c'est probablement ainsi que pensait Jonas, c'était très naturel et très hu-

main. Par contre si les chrétiens occidentaux d'aujourd'hui tiennent un pareil lan-gage, ils seront condamnés par Jonas. Car lui vivait avant l'annonce de la grâce etde la délivrance de toute chair qui est devenue aujourd'hui si familière, trop fami-lière en Occident. Jonas avait un caractère de fer, et pourtant on comprend qu'ilreculait devant le chemin de Ninive, comme devant un abîme prêt à l'engloutir.

3. Si Ninive accepte.Une autre pensée doit avoir aussi agité Jonas:"Et si Ninive se tournait vraiment vers Dieu?"Une telle idée devait lui faire voir sa mission encore plus terrible. Cela semble

extraordinaire et pourtant tel était le cas sans aucun doute. On le comprend faci-lement en se représentant les circonstances de cette époque, et la manière de voird'un israélite religieux, donc très patriote.

Depuis longtemps Israël s'était détaché de Dieu. Les bénédictions de IHVHavaient produit aussi peu d'effets que ses châtiments. Les travaux surhumains desprophètes n'avaient pu provoquer un retour vers Dieu. Jonas avait bien prédit auroi Jéroboam 2 la victoire sur les Syriens,1 et les frontières d'Israël avaient denouveau été affermies. Mais un nouvel abandon avait été la seule réponse dupeuple à ce bienfait de Dieu. Jonas voyait bien que cet état de choses ne pouvaitdurer, et il tremblait devant l'inévitable ruine de son peuple.

C'est alors qu'il reçoit une parole de IHVH. Il doit crier contre la plus cruelleennemie de son peuple! Le peuple de Dieu contre le peuple de Satan! N'est-cepas là un signe certain que Dieu nourrit des pensées de paix et d'amour enverscette ville corrompue, puisqu'il lui fait annoncer sa destruction avant de la dé-truire dans sa colère? Le laisser-aller des fautes par Dieu n'est-il pas toujours laconséquence du retour de l'être humain vers Dieu? Après qu'Israël ait méprisé lesprophètes annonçant la nécessité de revenir vers Dieu et d'abandonner la corrup-

1 2 Rois 14, 25.

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tion où il se trouvait, qu'allait-il devenir si Ninive l'acceptait? Dans ce cas, Jonasétait persuadé, sans pouvoir en douter, qu'Israël serait abandonné par IHVH, etque sa bienveillance s'étendrait aux autres peuples. Et c'était lui, Jonas, qui devaitêtre l'instrument de la ruine de son propre peuple. Ces pensées, comme un feu, leconsumaient jusqu'à la moelle des os.

En résumé, Jonas se disait donc: "Ou les Ninivites ne recevront pas mes paro-les, ou ils les recevront". Dans les deux cas cette mission était insupportable,terrible, impossible à vue humaine. Depuis le commencement du monde, jamaispareil fardeau n'avait été imposé à un être humain. En tant que tel, personnen'osera donc lui jeter la pierre. Oui, quel que soit le choix des Ninivites, cetteépreuve est réellement au-dessus des forces de Jonas, s'il ne compte que sur lui-même, sur sa bonne volonté ou même sur son appartenance au peuple de Dieu.

C'est ici le choc le plus violent qu'on puisse imaginer entre la volonté de Dieuet la volonté propre d'un de ses serviteurs s'il est encore dominé par sa naturehumaine héritée d'Adam. Que va-t-il se passer?

2. Jonas fuit la volonté de Dieu."Et Jonas se lève pour s'enfuir à Tarsis, loin du visage de IHVH. Il descend

à Yaffo, et il trouve un navire qui va à Tarsis; il paie le prix du transport ets'embarque pour aller avec les passagers à Tarsis, loin du visage de IHVH."(1, 3.)

1. La révolte.Lorsque Dieu a annoncé à Moïse qu'il l'avait choisi comme son envoyé auprès

d'Israël et de l'Égypte orgueilleuse, on assiste à un spectacle étrange. L'hommequi écoute d'ordinaire si joyeusement la voix de son Dieu, se tord, se débat, serévolte, se défend contre le fardeau que le Seigneur veut lui imposer. Les chapi-tres 3 et 4 de l'Exode sont des chapitres saisissants, qui font assister à une luttegigantesque entre le souffle (l'esprit) de l'homme et celui de Dieu. Moïse élèveun rempart après l'autre contre la volonté de Dieu, et Dieu les démolit l'un aprèsl'autre. Moïse soulève une objection après l'autre pour prouver qu'il lui est im-possible d'exécuter la volonté de Dieu: "Qui suis-je pour me présenter à Pha-raon? Ils ne me croiront pas et n'obéiront pas à ma voix. Je ne suis pas un hommeéloquent, etc.". Dieu écarte toutes ses objections l'une après l'autre. LorsqueMoïse ne peut plus appeler une seule raison qui ait même un semblant de senscommun, il jette, si l'on peut dire, le manche après la cognée et s'écrie: "Ah! Sei-

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gneur, envoie qui tu voudras envoyer!" Seule la colère de Dieu fait rentrer lelâche en lui-même.

On rencontre des objections analogues chez d'autres hommes choisis parDieu.1 Car on ne peut imposer à un homme de mission plus difficile que celle deproclamer sa confiance en Dieu, en face d'un monde qui le rejette. C'est plus dif-ficile encore, en face de gens qui se considèrent chrétiens et privilégiés, qui onttoutes les apparences de la vie chrétienne, mais qui en ont renié la force. Carproclamer sa confiance en Dieu condamne l'humanité et le faux christianisme, etexcite donc toute leur haine.

Le chemin de tels proclamateurs a toujours été difficile. Cependant, il est pro-bable que jamais un humain n'a reçu un ordre aussi contraire à la nature humained'Adam que celui que Dieu a donné à Jonas. Il doit abandonner son peuple, lepeuple de Dieu, pour annoncer la volonté de Dieu à un peuple ennemi en vue desa délivrance. Il ne s'agit pas d'annoncer simplement la bénédiction de Dieu auxautres peuples; il s'agit d'être un porte-parole de Dieu qui va entraîner, par cettebénédiction des étrangers, l'abandon de son propre peuple désobéissant.

En se mettant à la place de Jonas, on comprend qu'un terrible combat a dû selivrer en lui. Ce n'est que par un rejet de ses conceptions et la perte de sa proprepersonnalité que Jonas pouvait arriver à accepter cette mission. Ce n'est donc passans une lutte violente contre le souffle de Dieu que ce serviteur de IHVH a puen arriver à quitter le service de son Maître.

Le texte ne dit rien de cette lutte intérieure, il n'en montre que le résultat. Ilmontre que la lutte est terminée et que Jonas a pris une ferme et inflexible déci-sion. Le texte contient un effroyable "non" adressé à IHVH. Dans chacun de sesmots on retrouve ce "non" décidé, obstiné, inflexible.

"Jonas s'est levé", dit le texte. Dieu le lui avait demandé. Chacun doit toujoursse lever quand la volonté de Dieu se présente à lui. Jonas s'est donc levé, maispas pour faire la volonté de Dieu, pour lui résister, lui qui avait été jusque-là sonserviteur.

L'ordre de marche du prophète portait vers l'Orient, où le soleil se lève. Com-bien sa route aurait été éclairée et lumineuse, malgré toutes les difficultés, s'ils'était dirigé d'après la parole de Dieu! Combien la route est éclairée et lumi-neuse, même en traversant l'ombre de la mort, quand on tient ferme la main deson père divin! Or Jonas ne se dirige pas vers l'Orient, il part vers l'Occidentlointain où le soleil disparaît en se couchant. Une obscurité profonde règne déjà

1 Jérémie 1, 6 / 1 Rois 1, 4.

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en lui et autour de lui, depuis qu'il s'est dérobé aux rayons vivifiants du soleildivin.

Celui qui connaît de pareilles luttes ne demandera pas: "pourquoi Jonas nerestait-il donc pas dans son pays?" En réalité ce n'est pas seulement son paysqu'il fuit, mais c'est Dieu. Oui, tout en essayant de refuser cette pensée, Jonas nepeut s'empêcher de se ressentir en rupture avec Dieu dans tout son être et incapa-ble de rester en face de son père divin en lui tenant tête; car il est le prophète deDieu, son Père.

Dans son village natal, chaque enfant, chaque arbre, chaque pierre lui rap-pelle l'existence heureuse dont il a joui auprès de son Dieu. Elle est peut-êtreperdue à jamais. Son pays natal lui rappelle la lutte qu'il a soutenue contre lui, ladésobéissance qui le rend si profondément malheureux, dont il ne veut toutefoispas sortir. "Je ne peux pas, je ne veux pas! Je ne veux pas, je ne peux pas!" Ainsise lamente Jonas

Il descend donc dans le port le plus voisin, à Yaffo. La mer, toujours agitéesur cette plage rocheuse, écume à ses pieds. Ici Jonas n'a pas de repos. "Plus loin!Loin de Dieu! En mer, vers l'Occident! Vers l'Occident! Aussi loin que possible,aussi rapidement que possible! Le plus vite possible!" Le vaisseau qui partira lepremier et qui s'en ira le plus loin sera celui qu'il préférera.

Voilà un navire en partance, à destination de Tarsis. Tarsis était une coloniedes Phéniciens en Espagne, à l'extrémité du monde connu. C'est ce qu'il faut auprophète fugitif. Il paie le prix de la traversée. Ce ne devait pas être une petitesomme pour un si long voyage. Que lui importe l'argent, pourvu qu'il s'éloigne,loin, très loin! Le pauvre Jonas veut empêcher Dieu de le vaincre ou plutôt semettre lui-même dans l'impossibilité d'obéir à Dieu.

"Mais, Jonas, n'es-tu pas effrayé d'un si long voyage sur l'immensité deseaux? Ne connais-tu pas les dangers, les fatigues et les souffrances qui te mena-cent?"

Jonas est envahi par une idée fixe: "Partir, tant pis pour ce qui peut arriver.""Mais, Jonas, as-tu bien pesé ce que va produire ce que tu fais? Tu quittes ton

pays, tes amis, la maison paternelle, pour te lancer à l'aventure vers un avenirincertain et menaçant? Les choses qui paraissaient les plus difficiles le sontmoins lorsque la nature d'Adam est en jeu! Ne sais-tu pas que tu te sépares dupeuple de Dieu, que tu te mets en route avec des gens qui ne connaissent pas levrai Dieu, pour un pays où personne ne connaît le vrai Dieu? Ignores-tu que tuabandonnes la résidence de IHVH et que tu aborderas auprès des autels des fauxdieux?" "Je ne veux plus rien savoir, répond Jonas. Je pars! loin! très loin!"

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Jonas a-t-il oublié le psaume 139 (7-9) sur la fuite loin de IHVH? A-t-il oubliéque Dieu aide toujours à porter le fardeau qu'il impose, et que, à travers tous lesdangers, il sauve toujours ses serviteurs? On pourrait lui rappeler bien d'autreschoses encore. Mais ce n'est pas la peine, Jonas n'entend rien, ne voit rien,n'écoute rien, ne sait plus rien. Il n'a plus qu'une pensée, qui pénètre chaque par-tie de son être, qui agite chacune de ses pulsations: "Partir! Tout, excepté la vo-lonté de IHVH! S'éloigner de devant IHVH à tout prix!"

2. Quand Dieu parle, on le sait.Peut-on comprendre cela? Aucun être humain ne saurait le comprendre, s'il

n'a lui-même déjà entendu Dieu lui parler. C'est une énigme pour la plupart desgens qui obéissent encore à leur propre volonté, à leurs désirs, à leurs goûts, àleurs passions; ils sont semblables à des esclaves abrutis qui obéissent aveuglé-ment à leur maître. Ils se laissent pousser par ces puissances néfastes et maléfi-ques, comme un navire qui a perdu son ancre et son gouvernail et qui est ballottéen pleine mer par les vents. Celui qui a décidé de suivre Dieu comprendra Jonas.

Que se passe-t-il lorsque de Dieu parle à un être humain? Que ce soit du de-dans ou du dehors; que cette parole lui parvienne par un autre homme ou par untexte de l'Écriture; que ce soit par des expériences de tout genre, par de profondschagrins ou par un bonheur inattendu que la bonté de Dieu lui envoie, qu'im-porte; d'une manière ou d'une autre la parole de IHVH pénètre dans sa personnecomme un éclair d'en haut et y produit une marque absolument indélébile. Il peutalors se dire: "Je sais ce que Dieu me dit et que c'est lui qui me parle, qu'il s'ap-proche de moi dans la tempête ou dans un doux murmure.

N'y a-t-il pas eu des moments dans la vie de chacun où il a entendu cette voixet où il a très bien su que c'était celle de Dieu? Comment s'est-il comporté alors?Sa réponse n'a-t-elle pas été la fuite en mer, sur la mer de la vie terrestre; voilàoù s'enfuit l'être humain qui ne veut pas écouter cette voix, ou plus souvent quine veut pas encore l'écouter. Pas encore!...

Les uns se précipitent la tête la première dans le tourbillon des plaisirs d'ici-bas, des dissipations et des distractions, pour se débarrasser de cette voix. Lesautres agissent plus convenablement, mais également sans Dieu. Ils se plongentau double et au triple dans les travaux absorbants; ils ne s'accordent pas de répit,ni jour ni nuit, car ils ne craignent rien tant que de rentrer en eux-mêmes. D'au-tres encore s'engagent dans l'armée et vont à la guerre. Beaucoup imitent Jonaset, comme lui, traversent l'océan orageux "en route pour l'Occident". Ils fuientdevant Dieu, sur la mer. D'autres veulent étouffer ces appels de Dieu en s'astrei-gnant à leurs devoirs de famille ou à leurs autres obligations avec une sollicitudeanxieuse. Certains s'astreignent même à une activité fébrile au bénéfice de leur

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assemblée chrétienne. Les insensés! Ils veulent procurer aux autres le bien dontils se privent eux-mêmes. L'homme rusé découvre toutes sortes de manières des'enfuir loin de Dieu, sur la mer. Mais devant celui qui regarde au c ur, qu'im-porte la distraction qui les entraîne! Au fond, c'est toujours la même chose: c'estJonas qui s'enfuit sur la mer.

Que devient Jonas? Debout sur le pont du navire, il regarde vers l'occident. Sapatrie, son peuple, son bonheur, son Dieu, à tout il a tourné le dos! Son visage estsombre. Les vagues agitées viennent se briser en écumant sur les rochers de Yaf-fo. Son être intérieur est encore plus violemment agité. On hisse les voiles, leschaînes grincent, on lève l'ancre. Le vent est favorable; les vagues soulèvent lenavire en cadence. Enfin on prend le large! Oui, jusqu'aux extrémités de la mer,loin du visage de IHVH. Jonas, pauvre prophète aveuglé, qu'est-ce qui va t'arri-ver?

3. La tempête: messager de IHVH au prophète fugitif."Et IHVH fait souffler sur la mer un vent violent, et il se lève sur la mer

une grande tempête. Le navire menace de faire naufrage." (1, 4.)

1. Dieu est fidèle.C'est un bien mauvais signe, lorsqu'on commence une activité quelconque, de

ne pouvoir remercier Dieu pour elle. Un des moyens de savoir où on en est, c'estde pouvoir remercier Dieu d'un c ur joyeux et droit lorsqu'on entreprend quel-que chose.

Ainsi, il y a un instant, le navire mettait à la voile avec Jonas, dans le port deYaffo, et on peut trembler pour lui. Car Jonas ne pouvait nullement remercierDieu pour ce voyage à Tarsis. Son c ur était froid, il était sombre, peut-être irri-té contre Dieu et les hommes, ses lèvres étaient muettes. Comment aurait-il puparler à Dieu? Peut-on dire "Aide-moi!" à celui dont on a fait son adversaire etqu'on a provoqué? Supplie-t-on celui dont on a peur et devant lequel on s'enfuit,en lui disant: "Viens avec moi!" Non. Une seule pensée animait Jonas: "Loin,loin du visage de IHVH!"

Qu'arrivera-t-il maintenant? De deux choses l'une: ou IHVH laissera courir lefugitif et l'abandonnera ou il le poursuivra et le ramènera malgré lui.

Tant que l'amour divin ne s'est pas encore éveillé en eux, les gens ont souventvite abandonné la partie. Après quelques expériences fâcheuses, après avoiréprouvé quelques petites déceptions avec leurs semblables, bien vite ils les aban-

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donnent. Ils se consolent en disant: "Pas moyen de l'aider! Il veut son propremalheur! J'aurais voulu lui être utile, mais celui qui ne veut pas entendre doitpâtir! Qu'il se tire d'affaire comme il pourra!" Et, ainsi de suite. Pour se justifier,on épuise toutes les banalités possibles, plus ou moins amicales. Si Dieu, qui n'apas besoin de moi, voulait agir ainsi à mon égard, je serais perdu! Il n'avait pasbesoin de Jonas non plus. N'est-ce pas un grand honneur pour l'argile que le po-tier veuille bien la transformer en un vase précieux? Jonas n'aurait-il pas dû re-mercier Dieu qu'il ait bien voulu se servir de lui? Dieu ne pouvait-il pas fairesortir des pierres un homme de bonne volonté pour Ninive? Certainement, seu-lement le divin enseignant ne désespère pas si vite de son élève récalcitrant. Dieuest amour.

Pourtant au lieu de "cordages d'amour", ce sont les flots de la mer et lesflammes d'un feu intérieur qui ne s'éteint pas qui conduiront Jonas à retournervers Dieu! Avec un dur crochet, il retirera de l'abîme le fugitif entêté qu'il avaitaverti. Il lui sera difficile de ne pas lui faire très mal, peut-être même lui fera-t-ilde profondes blessures, dont il gardera les cicatrices pendant toute sa vie. LaBible abonde en exemples de ces souffrances infligées par le vrai Dieu à des élè-ves rebelles. C'est le cas de Jacob, le patriarche, fils d'Isaac. Sous ce rapport, il enest de même au début du 21e siècle que 2000 ans avant la venue de Jésus. Celuiqui réfléchit à son passé remarquera que très souvent, à cause de sa volonté pro-pre, Dieu lui a infligé de terribles humiliations, et qu'il s'est ainsi préparé les pluscruelles souffrances.

Dieu n'abandonne pas l'enfant qu'il a commencé à éduquer. Il est fidèle; oui, ilest tenace dans sa miséricorde, il ne lâche pas prise! Ce qu'il aime, il l'aime réel-lement; ce qu'il a, il le garde.

Sur les chemins que ses enfants ont choisis eux-mêmes, il a inscrit ces mots:"A arracher au danger!" Pour Jonas aussi s'accomplit ce que le psalmiste a chan-té: "Si je prends les ailes de l'aurore, et que je vais habiter à l'extrémité de la mer,là aussi, ta main me conduira et ta droite me saisira".1 Cette main droite de Dieutient maintenant un bâton de fer. IHVH envoie son messager à la poursuite deJonas, et ce messager sur la mer, c'est une grande tempête.

"Et IHVH a fait souffler sur la mer un vent violent, et il s'est élevé sur la merune grande tempête. Le navire menaçait de faire naufrage". (V, 4.)

2. La voix de Dieu se retrouve même dans des événements ordinaires.La tempête, les ténèbres et les vagues furieuses étaient dans le c ur de Jonas.

Pareille à son c ur est devenue aussi la mer. Les ténèbres s'étendent sur l'im-

1 Ps 139, 9-10.

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mensité des eaux. Des oiseaux, précurseurs de la tempête, tournent autour dubâtiment. Un silence glacé, rempli d'horreur, puis un sourd mugissement sort desprofondeurs de l'abîme: les eaux s'amoncellent, de sombres vagues irritées, bor-dées d'une écume blanchâtre, s'élèvent en tourbillons, se précipitent avec fureurles unes sur les autres! L'orage se déchaîne accompagné de tonnerre, d'éclairs etde torrents de pluie! Le navire tremble, gémit, craque dans toutes ses jointures.Bientôt il erre à l'aventure, ses mâts brisés; ici se produit une voie d'eau, là, lesflots arrachent une poutre. Si la tempête se prolonge, il va sombrer. Que peut icile travail de l'homme? C'est comme le combat d'un jeune cabri contre une lionneaffamée. Les marins pourtant aguerris restent là impuissants, désespérés. Jamaisils n'ont vu pareille tempête; même dans les eaux orageuses de la Méditerranée,une semblable tourmente est rare. Rien d'étonnant! Dans cette tempête-là il yavait le vrai Dieu lui-même, avec son éducation. La tempête est son messager,1

la mer furieuse est le serviteur qui accomplit sa volonté! La tempête et les flotsne sont que des outils servant à l'éducation de Dieu.

C'est ainsi que Dieu se sert de toute la création pour parler de différentes ma-nières aux enfants d'Adam, pour les conduire sur le chemin de la paix. Ils'adresse à Abraham au moyen des étoiles scintillant au firmament; à Noé, parl'arc-en-ciel traversant les nuages; à Pierre, par les poissons de la mer; àBalaam, par la bouche d'une ânesse; aux mages de l'Orient, par un signe mer-veilleux au ciel; à Élie, par les corbeaux du Kérith; à Jonas, par la grandetempête. Il n'y a aucun langage, ni parole, où l'on ne puisse discerner la voix deDieu, pourvu que l'oreille soit ouverte.

Dès le commencement du monde l'être humain a été destiné à régner sur toutela création et à se l'assujettir. Cela ne veut pas dire qu'il lui est donné un pouvoirbrutal sur tout ce qui existe. L'être humain doit simplement connaître et appro-fondir tout ce qui a été créé, pour être mieux capable de diriger et de gouvernersagement son royaume. Par la désobéissance, l' il humain est devenu trouble;dès que la mort physique y a pénétré, le monde a été perdu pour lui. Jésus seul, leFils de l'humain, pur et saint, le dernier Adam, d'un regard lumineux et limpide ade nouveau mis en lumière l'origine intime et cachée de toute créature. Il a dis-tingué partout, dans les pulsations de la vie terrestre, la voix de son Père. De tou-tes les créatures visibles, il a fait des images et des signes du royaume invisiblede Dieu. Le levain que la femme pétrit; l'éclair qui sillonne la nue; le vo-leur qui entre par la fenêtre; les nuages empourprés du matin qui annoncent latempête; la maison bâtie sur le sable; le trésor qui est enfoui dans lechamp; les poissons pris dans le filet; la perle précieuse vendue au marché;

1 Ps 104, 4.

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le berger qui sépare le troupeau; les vierges allant à la rencontre del'époux; la peur qui s'épanouit au bord du chemin; le roi qui s'en va au loin;

le grain de semence qui pourrit dans le champ; le serviteur qui attend sonmaître; le moineau qui gazouille sur le toit; en un mot, il a fait toutes lescréatures et tous les faits du monde visible pour être les images des choses, deslois et des événements de l'univers immatériel invisible, c'est-à-dire du royaumedes cieux. Ainsi on peut comparer l'univers invisible à l'univers visible, et se ser-vir de cette comparaison pour comprendre l'univers invisible et le royaume deDieu.

On doit se borner à de simples allusions, mais chacun utilise ses oreilles et sesyeux pour entendre la voix de Dieu et découvrir sa main dans son entourage.

La plupart des gens s'imaginent qu'ils ne peuvent entendre la parole de Dieuque lorsqu'ils entendent une prédication, une prophétie ou lorsqu'ils ont leur Bi-ble ouverte devant leurs yeux. C'est pourquoi ils parviennent si rarement à perce-voir la voix de Dieu qui cependant les appelle de toutes parts, aussi bien de lanature, qui annonce si puissamment "la gloire du Dieu fort" que de la rue. Ilsn'ont qu'à ouvrir la fenêtre et regarder, au sein même du tumulte de la vie. Là,Dieu, de mille manières, leur fait entendre son langage. Il s'agit seulement desavoir s'ils ont une oreille pour écouter.

Tranquillement à la maison; un homme tient son petit enfant assis sur ses ge-noux et appuyant avec confiance sa tête sur sa poitrine. Son petit enfant ne craintrien parce qu'il se sait sous sa garde. Pendant qu'il sent son c ur battre contre lesien, n'entend-il pas une voix douce, mais qui pénètre en lui avec force et lui dit:Sois aussi comme un petit enfant vis-à-vis de ton Dieu. Appuie-toi comme unpetit enfant sur le sein de ton père divin, et laisse-le, en tout, agir avec toi commeil lui semblera bon.

Bref, si le souffle du dernier Adam l'anime, le monde aussi se transformerapour lui. Par toutes ses créatures, grandes et petites, par tous les événements de lavie, importants ou pas, par toutes ses faveurs comme par tous ses malheurs, enun mot, par toutes choses, Dieu lui parle. Alors seulement la vie aura pour lui del'intérêt. Il ne doit pas l'oublier: ce ne sont pas les connaissances humaines, maisla simplicité et la pureté du c ur qui donnent cette capacité de comprendre lelangage des créations de Dieu et de discerner, dans tous les événements de l'exis-tence, "les paroles de la vie éternelle".

Il est temps de revenir sur le bateau que IHVH poursuit par une grande tem-pête. Cette tempête de Dieu réussira-t-elle à ramener Jonas sur le chemin de lavie?

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LES MARINS.4. Aux portes de la mort.

"Les marins ont peur; ils crient chacun vers son dieu, et jettent à la mer lesobjets qui sont dans le navire, pour l'alléger." (1, 5.)

1. Le domicile définitif.Tous les fils d'Adam doivent mourir, c'est une vérité banale que personne n'a

contestée et ne contestera jamais. Mais l'être humain, à l'état naturel, y pense trèsrarement d'une manière sérieuse. Rarement, pour se laisser instruire, il se placeen présence de cette mort qui l'attend pourtant certainement. Moïse demande àDieu de lui enseigner à bien compter ses jours, pour qu'il applique son c ur à lasagesse.1 Cette demande sera bien plus nécessaire à tout être humain d'ordinaireentraîné par le temps et par le tourbillon des pensées et des activités terrestres!On considérera la vie bien différemment en se transportant souvent, en pensée,au moment où, bon gré, mal gré, on passera de l'univers matériel terrestre à l'uni-vers immatériel céleste ou royaume de Dieu. C'est le jour le plus terrible pourceux qui sont en désaccord avec leur créateur. C'est le jour le plus merveilleuxpour celui qui est en parfait accord avec Dieu! C'est alors la fin et la conclusiond'une éducation réussie. C'est l'entrée dans son domicile définitif.

Le livre de Jonas montre des hommes pleins de vie. Ils sont sains de corps,pourtant ils sont aux portes de la mort. On a vu comment le vent impétueux,messager de IHVH, accomplit ses ordres. La mer était en proie à la plus horribletourmente; le navire allait sombrer. Comment se comportent ces marins aux pri-ses avec la mort? Le texte dit trois choses. Premièrement, "les marins ont peur";deuxièmement, "ils crient chacun vers son dieu" et, troisièmement, "ils jettent àla mer les objets qui étaient dans le navire, pour l'alléger".

2. Les marins ont peur.Pourquoi? De quoi ont-ils peur? Est-il besoin de le demander? Ils ont peur de

la mort dont la sombre figure les menace à travers les vagues écumantes, dans leshurlements de la tempête. Dans l'écume blanchâtre qui s'étend çà et là sur lesvagues, ils voient le linceul dans lequel ils seront bientôt ensevelis, et ces hom-mes courageux tremblent et frémissent.

1 Ps 90, 12.

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Il y a bien des choses qui font trembler les gens sur cette terre, et qui couvrentleurs fronts des sueurs froides de l'angoisse. Il y a une chose devant laquelle toustremblent également, devant laquelle tous sont également impuissants, qu'ils pos-sèdent des millions ou quelques centimes, qu'ils aient à offrir des royaumes oudes haillons. Ils sont sur une même ligne, princes et mendiants, savants et illet-trés, jeunesse florissante ou vieillesse décrépie... Cette chose unique qui leur ap-paraît terrible, effrayante, c'est la mort.

Ce qui effraie ce n'est pas tellement la mort en elle-même, mais les douleurs,les angoisses et les combats qui sont liés à l'abandon du corps et de l'univers ma-tériel terrestre. Souvent cette lutte est violente et pénible; souvent aussi, à en ju-ger par l'apparence, le passage est étonnamment facile, presque imperceptible.Dans tous les cas, ce n'est toujours qu'un état passager. Si la mort n'était que cela,il serait insensé et peu digne d'en avoir peur.

Non, ce qui épouvante les gens qui ignorent le royaume de Dieu, ce qui leurrend la mort si horrible, c'est qu'avec la mort cesse la seule existence qui leur estconnue, et qu'alors ils entreront dans l'inconnu insondable, invisible, immatériel.Il leur est impossible de savoir ce que l'être humain éprouve en mourant. Il leurest impossible de savoir le genre d'existence qui suit cette expérience, le rapportqu'il y a entre la vie future et la vie présente, l'état dans lequel il se trouvera, leslois, et les puissances qui gouverneront cette autre vie. Tout cela est recouvertd'un voile épais. Un rideau impénétrable, à l' il le plus perçant, arrête leurs re-cherches et leurs questions.

Lorsqu'il est calme et sincère envers lui-même, ce n'est qu'en frémissant quel'être humain ignorant s'approche en pensée de ce rideau. Car, en dépit de toutel'incertitude des détails, il y a la certitude d'une autre existence, où toute appa-rence sera détruite et où la réalité seule subsistera. Aussi c'est avec raison qu'ilstremblent, tous ceux qui ne sont pas encore en parfait accord avec leur Père di-vin.

L'ignorant qui ne tremble pas n'est pas un héros, mais un fou qui se trompelui-même. On a vu des criminels fumer tranquillement leur pipe sur l'échafaud, lavider soigneusement sur les poutres de la guillotine, puis poser leur tête sous lahache, comme pour dormir. Mais ce ne sont là que des illusions pour s'étourdir.Les enfants d'Adam, sur la terre, sont au fond esclaves de la crainte de la mort;leur vie durant, elle les poursuit.1 Il en est ainsi pour tous, qu'ils l'avouent ou lenient. Rien n'en préserve, ni l'enivrement des sens ou des plaisirs, ni le travailabsorbant de la pensée qui cherche à pénétrer les hauteurs et les profondeurs detout ce qui est créé.

1 Héb 2, 15.

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L'homme peut écarter la crainte de la mort momentanément, surtout parl'ivresse continue des sens; il peut même rendre muettes les voix de l'éternitépendant de longues années; ce n'est pas une preuve de courage, c'est un signe, aucontraire, que la peur est bien là. Cette crainte, plongée dans un sommeil factice,s'éveillera comme un lion lorsque sonnera l'heure. C'est un mensonge de la déso-béissance que de croire cette heure éloignée, alors qu'il n'y a aucune puissancesur la terre qui puisse garantir un seul jour d'existence.

C'est une folie d'être satisfait de l'existence avant d'avoir trouvé une solutionpersonnelle certaine à ce problème. Ce n'est pas une exagération, mais la vraiesagesse, de se demander, dans tout ce qui agite l'existence, quelle sera la façondont on appréciera ceci ou cela lorsqu'on aura définitivement quitté cette terre. Sil'on se posait toujours cette question, que de choses, pour soi, seraient différen-tes! Souvent on rirait au lieu de pleurer; on estimerait comme un mal ce qui para-ît un gain; on ferait certaines choses que l'on néglige de faire, et on en abandon-nerait d'autres que l'on poursuit maintenant avec ardeur. La suite de ce récit va lemontrer en considérant les moyens que les navigateurs épouvantés ont employéspour échapper cette fois encore à la mort.

5. Remède contre la mort."Les marins ont eu peur; ils ont crié chacun vers son dieu, et ont jeté à la

mer les objets qui étaient dans le navire, pour l'alléger." (1, 5.)

1. IHVH seul apaise.Le célèbre général et naturaliste romain Pline, contemporain de Jean, a fait

d'intéressantes observations sur le règne animal. Il dit entre autres, à propos de lataupe: "Ce n'est qu'en mourant que, peu à peu, elle ouvre les yeux". Pour les be-soins de son état, la taupe a les yeux fermés toute sa vie, mais au moment demourir, elle ouvre ses petits yeux noirs tout grands et regarde autour d'elle, puisvers le ciel. La taupe est un petit animal qu'on n'estime ni pour sa beauté, ni pourson utilité. Cependant, on remarque que la plupart des êtres humains, pourtantcréés à l'image de Dieu, n'agissent pas autrement qu'elle. Eux aussi, trop souvent,n'ouvrent bien les "yeux" qu'à l'heure de la mort. Ce n'est que lorsqu'il s'agit dequitter ce monde qu'ils distinguent ce qui est réel de ce qui n'a que l'apparence;qu'ils s'aperçoivent de la différence entre la vanité et la vraie valeur. C'est alorsseulement qu'ils se tournent vers les sources inépuisables de la vie éternelle, etqu'ils découvrent que, pareils à des insensés, ils ont poursuivi l'ombre et l'erreur.Oui, ce n'est qu'alors que ceux qui se targuaient de leur connaissance deviennent

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vraiment sages dans le sens où Moïse l'entend.1 C'est bien tarder pour chercherun remède contre la peur et s'enquérir des intentions de Dieu pour eux!

C'est ainsi que l'on voit les marins pleins de terreur et d'angoisse, car ils sontaux portes de la mort. "Les marins ont peur", lorsque les eaux furieuses mena-cent de les engloutir. Mais ils ne s'abandonnent pas à une frayeur inactive; aucontraire, ils mettent en jeu toutes les forces de leur corps et de leur pensée etemploient d'énergiques moyens pour éviter la mort.

Ils font deux choses. En premier lieu, ils appellent au secours chacun sondieu; ensuite, ils jettent dans la mer les objets qui étaient sur le navire, pour lerendre plus léger. Est-ce que ce sont là les bons moyens? Qu'importe, car on abeaucoup à apprendre de ces hommes.

Pour le moment, on ne s'occupera pas de savoir si ces marins sont devenus re-ligieux subitement au milieu de cette terrible tempête. Mais tout ce que dit letexte à leur sujet produit la meilleure impression. Ce sont, il est vrai, des gens quine connaissent pas le vrai Dieu, mais, semble-t-il, des gens religieux. On ignorequels dieux ils appellent à leur secours, mais chacun a le sien. Quel que soit leurnom, au fond du c ur ils s'adressent, en réalité et sans vraiment le savoir, au vraiDieu unique; il n'y a que le nom qui change. Ils s'adressent à celui qui peut sou-lager toutes les misères, au Créateur unique du ciel et de la terre qui leur est en-core inconnu. Sans le savoir, ils le servent, et Dieu qui entend les cris des jeunescorbeaux comme un appel 2 accepte les supplications peut-être inintelligibles desmarins; car il a lui-même caché en eux le souffle éternel. Ce qui est intéressantplus particulièrement, c'est qu'en face de la mort ils crient à Dieu, pour qu'il lessauve et qu'il ait pitié d'eux. Il y a ici un exemple de ce que le psalmiste décrit simagnifiquement au psaume 107 (25-28): "Il dit, et fait souffler la tempête quisoulève les flots de la mer. Ils montent vers les cieux, ils descendent dansl'abîme; ils sont éperdus en face du danger; saisis de vertige, ils chancellentcomme un homme ivre, et toute leur habileté est anéantie. Dans leur détresse, ilscrient vers IHVH, et il les tire hors de leurs angoisses".

De ce tableau, on tourne ses regards vers ce qui se passe actuellement sur laplanète. Ce n'est souvent que lorsque l'ombre de la mort obscurcit leur route quebeaucoup de gens cherchent Dieu. Oui, alors les dormeurs endurcis se réveillent;les esclaves de la sensualité les plus abrutis sont secoués; les railleurs les plussceptiques sont saisis et implorent l'aide et la pitié de ce Dieu auquel ils ont tour-né le dos toute leur vie. Celui qui n'avait été pour eux qu'une nullité impuissante

1 Ps 90, 12.2 Ps 147, 9.

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dont ils s'étaient moqués en le traitant d'épouvantail à moineaux créé par l'imagi-nation des gens faibles et des esprits exaltés; celui-là devient subitement majes-tueux et amour. On pourrait en citer des exemples sans nombre, tant chez lespetits que chez les grands esprits. Au milieu de la vie, la mort les environne. Quicherchent-ils pour leur venir en aide et pour être graciés? "C'est toi, IHVH, toiseul!"

Malheur à ceux qui veulent construire le bateau de sauvetage au milieu de latempête et du naufrage! Heureux sont ceux qui, tandis qu'ils sont ici-bas sur lechemin, s'accordent avec le vrai Dieu que leur dévoile la bonne nouvelle de Jé-sus. Aussi longtemps qu'il vit sur cette terre, il doit vivre humblement avec Dieu,qui l'appelle avec tant d'amour par Jésus. C'est par la mort et le retour à la vie duFils de l'homme que Dieu s'est révélé comme le Vainqueur de la mort dans etpour chaque fils d'Adam. Pour ceux qui ont donné leur c ur (= leur amour) àJésus par une confiance vivante, l'aiguillon de la mort a été arraché; car pour eux"la mort a été engloutie dans la victoire. Mort! où est ton aiguillon? Mort! où estta victoire? Or, l'aiguillon de la mort c'est l'erreur. Merci à Dieu, qui donne lavictoire par le Maître Jésus l'Oint." Que celui qui ne sait pas cela écoute ce queJésus lui crie: "Viens voir!" Seul, il a; seul, il est le vrai remède contre la mort.

Les marins de Tarsis ne connaissaient pas encore celui pour lequel la mortmême a été un triomphe. Ils s'adressent donc chacun à son dieu qu'ils croientirrité, mais auprès duquel pourtant, ils espèrent trouver du secours. Et ils fontbien!

2. La cargaison à la mer.Ils font encore autre chose. "Ils jettent dans la mer les objets qui sont sur le

navire, pour le rendre plus léger". Tandis qu'ils élèvent leur c ur, aussi bienqu'ils le savent, vers l'univers immatériel et invisible où Dieu habite, ils jettentleurs biens dans les profondeurs de l'océan. N'est-ce pas extraordinaire? Pourconserver un léger espoir de vie, ils jettent tout ce qu'ils possèdent dans cette merqui a englouti tant de trésors inestimables, depuis que les hommes la parcourenten tous sens.

Dans le cas présent, la cargaison consiste probablement en produits précieuxde l'Orient, que le navire transporte en Occident, dans la lointaine Espagne. Il y ade la pourpre de Sidon, des tissus précieux de Damas, des tonneaux d'huiled'olive de Génézareth, de la myrrhe et de la poudre d'or d'Arabie, des pierresprécieuses des bords du Tigre, du bois de cèdre du Liban; en un mot, tous lesriches produits qu'on embarque en ces temps dans les ports de Phénicie.

Les marins sacrifient tout au flot destructeur. Il se peut que cette cargaison re-présente toute leur fortune; peut-être avaient-ils travaillé toute leur vie pour

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l'amasser. Cependant ils ne profèrent pas une plainte au sujet de cette perteénorme. Vivre! Vivre quelques jours encore; voilà leur seul désir.

"Sauvez-moi, cher docteur, faites-moi vivre un an seulement, et toute mafortune est à vous!" Ainsi parlait et suppliait une "spirituelle chrétienne", surson lit de mort! Mais aurait-elle pu offrir comme récompense un empire et toutesles perles de l'Océan pour un nouvel élixir de vie, le docteur ne pouvait faire quece qu'il a fait: hausser les épaules en souriant mélancoliquement.

Bien souvent, ce qui était mon plus doux espoir se transforme en un lest inu-tile lorsque la mort est là. Lorsqu'il s'agit de mourir, les plus grands avares par-lent comme cette "spirituelle chrétienne". Pourtant l'homme s'acharne à la pour-suite de l'or, des richesses et de sa gloire; jour et nuit il se consume dans un tra-vail obstiné. Du commencement de l'année à sa fin, il ne pense qu'aux moyensd'acquérir de nouveaux biens, de nouvelles jouissances, d'augmenter son impor-tance. Il consacre son existence entière à toutes ces choses, qui ne procurent pasune heure de vraie satisfaction, de paix ou de bonheur. A l'heure de la mort, ellesne sont que comme un fétu de paille et comme une toile d'araignée. Folie, im-prudence, fatal aveuglement des fils d'Adam; eux qui, pareils à la taupe, n'ou-vrent les yeux que dans la mort; pour distinguer enfin le réel de l'apparence, leroc de ce qui n'est que sable. Il faut apprendre à jeter par-dessus bord tout ce quin'est pas un bien durable, avant que la vague de la mort ne renverse le léger es-quif. Loin, loin de moi, à la mer, tout ce qui pourrait alourdir mon embarcationqui vogue vers l'éternité!

Il ne s'agit pas de mépriser et de rejeter les choses de la terre avec un esprit ré-signé; au contraire, je dois me donner tout entier à ma destination terrestre avecjoie, avec zèle; je dois jouir avec reconnaissance de tout ce que Dieu, dans sabonté, m'accorde dans les petites choses comme dans les grandes. En mêmetemps, je dois me souvenir toujours que les choses visibles sont passagères.

Rien ne doit m'absorber complètement, rien ne doit enchaîner mon c ur (monamour) ici-bas. Non seulement le mal qui est blâmable et doit être rejeté, maistout ce qui, comme certaines simples distractions, me rend tiède dans mes rap-ports avec Dieu. C'est pourquoi je dois être comme si je ne possédais rien. Pauldit avec une ample largesse de c ur: "Rien n'est impur de ce qui est accepté avecgratitude". Il dit aussi: "Toutes choses sont à vous, et vous, vous êtes à Christ!"C'est seulement quand la seconde affirmation est vraie que la première le devientaussi. Si je préfère mon père divin à tout, que je le place avant tout ce que j'aime,je jouirais aussi des choses terrestres sans devenir leur esclave et sans avoir àpleurer mes illusions perdues.

La conduite des marins de Tarsis est une comparaison qui prophétise ce qui sepassera à la fin du voyage terrestre de tout être humain, à chacun d'en tirer tout

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l'enseignement. C'est tous les jours, à toute heure, et non pas seulement au mo-ment de la mort que mon c ur ou mon amour doit se diriger vers en haut!

6. Pourquoi dors-tu?"Mais Jonas descend au fond du navire, il se couche et dort profondément.

Alors le pilote s'approche de lui et lui a dit: pourquoi dors-tu?" (1, 5-6.)

1. Sommeil et sommeil.Celui qui se repose dans l'intimité du Dieu souverain, celui qui a été réconcilié

avec lui par Jésus, celui-là seul connaît le vrai bien, car, ici-bas déjà, il le pos-sède.

Le plus grand des maux, c'est la désobéissance et sa conséquence fatale quiest la séparation d'avec Dieu. C'est le plus grand des maux, parce que la sépara-tion d'avec Dieu, c'est la séparation d'avec la vie. C'est donc le seul mal qui dé-sespère complètement l'être humain et le rend absolument malheureux.

C'est ce que l'on voit chez le prophète Jonas. Au milieu de la tempête, de lalutte, du travail et de la terreur des marins, on l'a perdu de vue, bien qu'il soit leprincipal personnage de ce récit. Que devient-il? Il faut chercher longtemps avantde le découvrir dans un coin reculé et obscur du navire, plongé dans un profondsommeil. Chose étrange, il dort, tandis que les vagues menacent d'engloutir lenavire en détresse! Ni la tempête, ni les craquements, ni le fracas des vagues fu-rieuses et des rafales de l'ouragan, rien ne le réveille de son sommeil de plomb.Que dire? Est-ce effrayant ou admirable?

Il y a sommeil et sommeil. "Je me couche et je m'endors en paix grâce àIHVH; car toi seul, tu me donnes la sécurité dans ma demeure".1 Ainsi parlait,deux mille ans plus tôt, un disciple de IHVH. On comprend ces mots, sans com-mentaire, en s'approchant, la nuit, d'un enfant et en le contemplant dans sonsommeil paisible. "En sécurité", ainsi dort le Fils de Dieu au milieu de la tempêtequi bouleverse le lac de Génézareth, tandis que ses compagnons luttent inutile-ment contre les flots furieux et se croient déjà perdus. Il dort tranquillement dansle bateau, jusqu'au moment où l'heure sera venue d'apaiser les vents et les flots.Quel sommeil imposant! Celui qui possède la paix en Jésus peut dormir tranquil-lement au milieu de toutes les tempêtes, même au milieu du naufrage de l'uni-vers; car il sait que, sous sa protection, il est à l'abri de tous ses ennemis.2 AinsiPaul, le disciple de Jésus, reste calme et joyeux dans la plus affreuse tempête,

1 Ps 4, 9.2 Voir Ac 12, 6.

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tandis qu'autour de lui, ils sont affolés de terreur, ces marins qui ont passé touteleur vie sur la mer.

Paul dort, mange et boit comme d'ordinaire; il a même des consolations pourses compagnons de route.1 Ce calme au milieu de la tempête, de la misère, de ladouleur, de la mort même, ce sommeil "en sécurité", Jésus le donne à ses disci-ples, comme il le leur a dit: "Je vous laisse ma paix! Que votre c ur ne se trou-ble pas! Voici, je serai toujours avec vous jusqu'à la fin du monde".

Quant à Jonas, lui aussi, dans des jours meilleurs, il avait connu la paix deDieu, qui procure un doux repos au milieu du tourbillon de la vie. Son sommeilactuel ne ressemble pas à ce repos-là, c'est tout l'opposé du sommeil "en sécuri-té". C'est un sommeil pareil à celui du prophète Élie, lorsque, désespéré, doutantde Dieu et des gens, il s'affaisse sous le genévrier du désert de Juda, en s'écriant:"C'est assez! Maintenant, Éternel, prends-moi!" Puis il tombe dans un long etprofond sommeil, dont seul le messager de IHVH le réveille.2

Le sommeil de Jonas est du même genre, pire encore. Ce sommeil est mêmeune sombre protestation du prophète contre son Dieu. Jonas s'était enfui vers lamer pour échapper à IHVH et à ses paroles; il avait fui son peuple pour aller semêler aux autres peuples; il tourne le dos à ce pays de la promesse, qu'il a tantaimé autrefois, il veut s'éloigner de son Dieu jusqu'aux confins de la mer, et il setient là debout sur le pont.

On pourrait croire qu'il va y rester pour observer le mouvement et l'animationqui règne toujours sur un navire, mais la lumière du jour l'importune. Les gensqui l'entourent, leurs regards, leurs questions, leur sympathie, tout lui est désa-gréable. Il s'enfuit plus loin; il se réfugie dans le fond de la cale; il se cache dansun coin sombre du navire, pour que personne ne puisse trouver sa trace. Là, il secouche, mais le malheureux n'a pas de repos.

Son ennemi le plus acharné, sa désobéissance l'a emporté avec lui dans l'om-bre. Alors il fuit encore plus loin, il se réfugie dans le sommeil pour ne pas en-tendre la voix menaçante de sa propre désobéissance. Bientôt il s'endort d'unsommeil étrangement profond. Les agitations des derniers jours, l'inquiétude etles nuits blanches produites par le combat intérieur, tout cela agit, de telle sortequ'un abattement, un épuisement corporel et spirituel s'empare de lui. Il dort siprofondément, que même le tonnerre des éléments déchaînés ne peut le réveiller.Triste sommeil! Les messagers de Dieu ne sont pas à son chevet. Triste sommeil!Réveil plus triste encore!

1 Ac 27, 23.2 1 Rois 19, 4-5.

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Le sommeil, c'est l'océan dans lequel les pauvres et les malheureux jettent leurmisère, et bien qu'ils doivent à chaque réveil s'en charger de nouveau, elle de-vient chaque fois plus légère. Il y a beaucoup de vérité dans cette pensée, maiselle ne peut pas s'appliquer à un homme chargé comme Jonas. Lui ne pouvaitdéposer son fardeau dans le sommeil, et le retrouver ensuite plus léger... Sonréveil a été terrible.

2. Secoué par la main de Dieu.En dépit de la tempête et du danger, le maître du navire, qui, selon la coutume

de l'époque, était en même temps capitaine et pilote, n'oubliait pas son étrangepassager. Après de longues recherches, il le découvre enfin, on sait où. Toutétonné, il le secoue en lui disant d'un ton plein de reproches: "Pourquoi dors-tu?"Ces paroles rappellent celles que Jésus, luttant avec la mort, adressait à ses disci-ples endormis, un millier d'années plus tard: "Comment! Vous dormez et vousvous reposez maintenant!" C'est vrai, de tout temps le sommeil de l'être humain adonné bien du travail à Dieu!

Quel réveil pour Jonas! Il voit devant lui non seulement le capitaine irrité,mais encore le Dieu devant lequel il s'est enfui, le Dieu vengeur, l'épée à la main.La droite de IHVH le saisit, ainsi qu'il est dit au Psaume 139, 12. Chaque vaguequi se précipite sur le pont, chaque gémissement du navire qui s'abîme, chaquehurlement de la tempête, tout annonce au prophète la colère de Dieu et lui crie enmême temps: "Malheureux! Tu entraînes dans ta ruine tes innocents compagnonsde voyage".

Souriant, calme et majestueux, Jésus, lui, se lève et apaise la tempête dans leur de ses disciples et celle qui soulève les eaux: "Hommes peu confiants,

pourquoi avez-vous peur?" Et il dit à la mer: "Silence! Tais-toi! Et il s'est fait ungrand calme". Voilà un tableau sans pareil. Ici c'est tout l'opposé. Jonas se lèveen sursaut comme un fou. Dans l'écume de chaque vague il lit: "Méné, Méné,Thekel, Upharsin", ces mots qu'une main mystérieuse avait tracés en caractèresinintelligibles, sur la paroi de la salle de festin du roi Belschatsar.1

Lorsque David, dans l'aire d'Aravna, a vu le messager, la main étendue pourdétruire Jérusalem, il a compris en tremblant que sa faute avait attiré la ruine sursa ville.2 De même, Jonas savait que le jugement qui l'atteignait, lui et toutl'équipage, était provoqué uniquement par sa faute. C'est une chose terrible quede tomber entre les mains du Dieu vivant! Jonas, quel combat as-tu engagé?C'est vrai, une épée t'a transpercé et le tremblement t'a saisi.

1 Dan 5, 5...2 2 Sam 24.

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Pourtant on peut supposer aussi qu'un rayon de joie et d'espérance est venusur Jonas; car cette main même qui s'appesantissait lui montrait que Dieu s'occu-pait encore de lui. "Il te suit toujours, mais maintenant il te poursuit!" Voilà lepremier coup de vent qui déchire ses sombres nuages. Pour une créature habituéeà vivre dans l'intimité de son Dieu, il n'y a pas de plus horrible sentiment, depensée plus insupportable que celle-ci: "Dieu t'a abandonné! Il te livre à toi-même, il retire sa main de toi!" On ne peut se figurer un état plus pénible, et tou-tes les souffrances du monde, si vives soient-elles, ne sont rien en comparaisonde celle-là. Toutefois, il y a bien peu de chrétiens qui n'aient pas traversé de pa-reilles heures une fois dans leur vie. En de pareils moments, lorsque je suis monchemin, comme Jonas, endurci, irrité et indifférent, j'accueille avec empresse-ment ce qui me montre que Dieu ne m'a pas oublié, même sa colère. J'acceptetout ce qu'il veut m'envoyer, même un bâton pour me battre. Personne ne peutcomprendre cela sans en avoir fait l'expérience, pas plus que le trait suivant de lavie de David.

Lorsque ce roi s'est détaché de son Dieu par ses actes criminels, il a vécu uneannée entière dans l'endurcissement; une année entière s'est écoulée dans unsombre et froid silence. Lorsque les jugements de Dieu ont commencé à l'attein-dre, lorsque son enfant bien-aimé est mort, il s'est réveillé dans la joie et laconsolation.1 Cette joie est une énigme pour ses courtisans, mais David sait quece jugement n'est qu'un avant-coureur du laisser-aller de son acte criminel; puisde l'arrivée d'une nouvelle relation plus intime avec son Dieu. Il peut dire: "Tou-tefois, Dieu ne m'a pas abandonné; malgré tout il veut rester mon Dieu!"

7. Lève-toi, et appelle ton Dieu!"Alors le pilote s'est approché de lui et lui a dit: Pourquoi dors-tu? Lève-toi,

appelle ton Dieu. Peut-être pensera-t-il à nous? Ainsi nous ne périrons pas."(1, 6.)

1. Obstacles à la conversation avec Dieu.La conversation avec Dieu Le capitaine du navire de Tarsis sert de modèle

en cela! On a vu comment il a secoué Jonas, plongé dans un sommeil léthargi-que, et l'a réveillé en disant: "Pourquoi dors-tu!" En même temps il lui montre cequ'il y a à faire dans cette détresse au lieu de dormir: "Lève-toi, et appelle tonDieu!" Voilà, justement, des paroles bien choisies adressées à Jonas, le discipleet le prophète de IHVH par un homme étranger au peuple de Dieu; des paroles

1 2 Sam 12.

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telles qu'il avait besoin d'en entendre, comme probablement certains "chrétiens".Car souvent ils ont été semblables à Jonas; lorsque dans les jours sombres et tris-tes ils ont pleuré, se sont lamentés, ont été traînés dans la poussière de ce monde,au lieu de se réveiller en disant: lève-toi, et appelle ton Dieu. Bien souvent ilsauront alors l'occasion de réveiller des hommes plongés dans la tristesse et l'af-fliction, et qui s'y enfoncent toujours davantage, en leur disant: "Lève-toi, etlaisse là tes soucis et tes chagrins! Élève-toi vers ton Dieu, toi qui es si triste; enlui tu trouveras la vie, la lumière et la consolation!"

Ainsi le capitaine étranger pousse le prophète d'Israël à appeler son Dieu. Iltient beaucoup à ce que cet homme joigne son appel aux autres. Il a fait tout sonpossible, lui et ses subordonnés. Non seulement ils ont travaillé de toutes leursforces, mais ils ont aussi appelé chacun leur dieu avec empressement.

Toutefois, en vrai homme religieux; le capitaine pense qu'un autre dieu pourraaccomplir ce qu'aucun de leurs dieux ou démons 1 n'a pu faire. Il se pourrait quecet étrange passager connaisse un dieu ou un démon marin régnant sur ces para-ges. C'est pourquoi il lui dit: "Lève-toi et appelle ton Dieu; peut-être que lui noussauvera." Dans tous les cas, ce capitaine étranger est plus près du vrai Dieu qu'ilne connaît pas que le prophète muet du peuple d'Israël. C'est ainsi que, bien sou-vent, ceux qui occupent le premier rang par leurs connaissances de la Bible etleurs déclarations sont confondus par le sérieux, la véracité, la douceur, l'amouret l'activité de ceux qui en sont encore ignorants. Il en est de même ici. La bou-che du prophète reste muette et son c ur froid.

Pourquoi Jonas n'appelle-t-il pas son Dieu à lui? Pourquoi ne l'appelle-t-il paspuisqu'il est "IHVH, le Dieu des cieux qui a fait la mer et la terre?" Pourquoi nes'élève-t-il pas vers lui? Pourquoi? Un oiseau peut-il voler lorsqu'une pierrealourdit son aile? On comprend quelle est la pierre qui charge le prophète, on saitce qui ferme son c ur et ses lèvres, en sorte qu'il ne peut faire monter un appelvers son Dieu. Jonas n'aurait pu demander qu'une seule chose, mais ce n'est pasce que les marins attendaient. Son appel au vrai Dieu ne pouvait être qu'un aveude sa faute, un cri pour obtenir qu'il laisse aller sa désobéissance. Mais il ne pou-vait pas demander l'apaisement de la tempête, car il savait fort bien que son Dieula produisait précisément à cause de sa désobéissance. Sa bouche est donc fer-mée, car son c ur est encore trop orgueilleux pour avouer sa faute.

1 Le mot "démon" est une transcription des mots grecs δαιµον et δαιµονιον qui signifient dieu et demi-dieu. Ceci explique la ferveur religieuse fréquente des gens de l'antiquité païenne. En effet, ces gensn'avaient pas une religion morte, comme l'est le christianisme actuel; ils avaient une religion "vivante",animée par des dieux "vivants" appelés δαιµον et δαιµονιον, c'est-à-dire ce qu'on appelle aujourd'hui les"démons" ou les "esprits". Il s'agit des créatures célestes déchues.

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Ici il faut faire une sérieuse remarque! Il faut que la volonté du vrai Dieu sefasse d'abord, après quoi seulement on peut demander son aide. L'appel que l'onadresse au vrai Dieu pour demander sa bénédiction, sans vouloir faire sa volonté,n'arrive pas à lui. Il est une abomination à ses yeux, car c'est une vilaine hypocri-sie. Or, l'air est saturé de ces supplications hypocrites; comme demander queDieu laisse aller ses erreurs ou fautes, avant d'avoir laissé aller de tout son c urcelle de son prochain ou sans avoir commencé par se réconcilier avec le frèrequ'on a offensé. Ou encore réclamer la bénédiction du vrai Dieu sur son état ouses affaires, lorsque, dans le désir de s'enrichir, on suit une voie qui n'est pas ab-solument sans mensonge et sans fraude. C'est encore de l'hypocrisie que de re-mercier le vrai Dieu pour des biens et des bénédictions terrestres, mais en fer-mant son c ur et sa main à un nécessiteux. Que le monde est plein de ces hon-teuses hypocrisies, plus mortelles et plus haïssables qu'une existence ouverte-ment coupable!

Jonas ne peut appeler son Dieu sans hypocrisie, mais c'est en même temps unepreuve de sa véracité: il ne veut pas faire du cinéma ou jouer la comédie. Il n'ap-pelle pas des lèvres (ainsi que cela arrive trop souvent) tandis que se sachant res-ponsable du désastre, il ne veut pas encore céder. En cela, la conduite de Jonasest un moindre mal!

2. Marins qui appellent leurs dieux et prophètes qui n'appellent pas IHVH.On remarque avec quel empressement, les marins appellent leurs dieux, quelle

importance ils donnent à ce qu'une personne de plus se joigne à eux! Ces adora-teurs de démons que sont leurs dieux, ne sont-ils pas plus près de IHVH que cer-tains de ceux qui se disent chrétiens? Ces païens sont fermement persuadés qu'ilexiste des puissances invisibles qui s'occupent de la vie des hommes et parfois lagouvernent. Quelle conviction profonde ils ont que l'on peut entrer en relationavec ces puissances immatérielles, s'entretenir avec elles, bien qu'on ne les voiepas; alors qu'elles entendent la voix des hommes, et leur répondent, bien queleurs oreilles ne saisissent pas leurs paroles! 1

Tous les peuples de l'antiquité croyaient fermement à une rémunération divineet à l'intervention directe d'une divinité dans l'existence humaine. Certains ontservi de modèles aux générations suivantes, tant par leurs actes que par leurculture intellectuelle et leur développement dans les sciences et dans les arts,comme les Grecs et les Romains. Chez eux tout était consacré par cette conversa-tion avec leurs dieux ou démons: le théâtre, les réunions populaires, la guerre etla paix. Tout ce qu'on rencontrait dans leurs cités, emblèmes, symboles, statues,

1 Versets 5-8, 14, 16.

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temples, tout rappelait à chaque pas les dieux ou démons qui présidaient à l'exis-tence terrestre. Il est certain qu'aujourd'hui Paul ne commencerait pas un discoursdans une ville de l'Occident christianisé, comme il l'a fait dans la brillante capi-tale de la Grèce antique: "Hommes athéniens, je vous trouve, à tous égards, ex-trêmement religieux!" 1 Ainsi commence Paul, et il n'était certainement pas unhomme à flatter ses auditeurs.

Prise dans son ensemble, combien elle se moque de Dieu notre civilisationoccidentale qui se nomme pourtant chrétienne? Elle est plus athée que nel'étaient les anciens Grecs! On ne sait quel souffle (esprit) vil et matériel dominecertains hommes d'aujourd'hui et les fait vivre seulement dans le monde visible,en leur faisant croire qu'il est le seul qui existe!

La conversation avec Dieu est un excellent "baromètre" de la vie spirituelledes gens. Quand parle-t-on à Dieu dans la plupart des familles? Y a-t-il encoredes mères qui apprennent à leurs enfants à s'adresser à lui? Et notre vie publi-que... Ne provoquerait-il pas le rire. Ne se moquerait-on pas du laïque occidentalqui proposerait d'ouvrir ou d'inaugurer les grandes manifestations populaires enappelant Dieu; on pense par exemple aux actuels Jeux olympiques, aux assem-blées nationales, aux conférences diplomatiques, aux grandes entreprises et auxgrands travaux? Tandis qu'à Rome, au sénat, aux antiques Jeux olympiques, lachose allait de soi, mais il s'agissait alors de faux dieux ou démons. Il en est demême dans les civilisations non chrétiennes d'aujourd'hui. Si un laïque occiden-tal osait parler à Dieu tout bas à une table d'hôte, il se ferait remarquer, et la plu-part des assistants trouveraient cela choquant. Même des chrétiens convaincus nele font pas. En revanche, il est permis de se moquer de Dieu en public devant dixmille personnes. On peut exposer avec frivolité, dans des discours et des écrits,qu'il est impossible qu'il existe un Dieu qui a assez d'oreilles pour entendre lesgémissements de ses créatures innombrables; un Dieu qui a assez de mains poursoulager leurs misères, qui veut bien s'intéresser à la légion de futilités qui peutabsorber certains.

C'est vrai, le christianisme actuel est beaucoup plus athée que l'ancien paga-nisme. Il faut que les peuples révoltés se détournent des citernes crevassées etsans eau, pour revenir à IHVH et aux sources de la vie!

A côté de cet athéisme actuel du christianisme, un nouveau paganisme se lèveun peu partout. Les sciences et les religions occultes ont progressé et remplacent

1 Actes 17, 22. Littéralement: "Craignant beaucoup les démons". Le mot grec δεισιδαιµονεστερους(deissidaimonestérous) signifie: qui craint beaucoup les dieux. Ici, c'est le mot δαιµον (démon) qui estemployé pour désigner les dieux. Ce sont ces mots δαιµων (daimon) et δαιµινιον (daimonion) qui sontemployés pour les dieux de l'antiquité. Ils sont presque toujours traduits par "démon" dans les versionsactuelles du Nouveau Testament.

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de plus en plus le christianisme. La société occidentale actuelle est plongée dansun complexe religieux que l'on pourrait nommer le "pagano-christianisme". Il estdevenu un mélange de doctrines chrétiennes et de pratiques religieuses étrangè-res ou démoniaques. Les gens actuels recherchent le surnaturel sans se préoccu-per de son origine. C'est ainsi qu'ils se placent sans le savoir sous l'influence desdieux ou démons qui conduisaient les hommes de l'antiquité. On retourne ainsi à"ce que l'on avait vomi" au premier siècle. Aujourd'hui, il faut réapprendre cequ'est être en accord parfait et vivre avec le vrai Dieu, c'est-à-dire être "un" aveclui!

8. Les erreurs, les fautes et les souffrances."Venez et tirons au sort pour savoir qui nous attire ce malheur." (1, 7.)

1. La nature est-elle tout?L'homme qui vit au milieu des chagrins, des luttes et des douleurs de la vie;

celui qui travaille à la sueur de son front en se déchirant aux épines et aux roncesdu chemin; celui qui passe d'un tombeau à l'autre et d'un c ur brisé à un autre;celui qui voit, dans la création, la grande lutte et le massacre pour l'existence;celui qui a vu les larmes universelles de la nature partout où brillent les paisiblesétoiles; celui-là ne peut douter que cette création, miroir de l'harmonie, de labeauté, de la sagesse et de la puissance du vrai Dieu, n'ait subi une terriblecondamnation à une époque précise. L'Écriture montre, dès ses premières pages,comment le paradis est devenu un champ de ronces, arrosé de sueurs et de lar-mes, et cela à cause de la désobéissance d'Adam et du verdict de Dieu! 1

La parole de Dieu dit cela clairement, et les mythes et légendes des peuples leracontent aussi fréquemment, mais d'une manière vague et mystérieuse. Au fondde toute conscience humaine il y a la certitude que la mort et la douleur sontconsécutives au verdict de Dieu sur la désobéissance.

Cette conviction, on la rencontre aussi chez les marins de Tarsis. Le châtimentdes dieux leur suggère l'idée de l'erreur et de la désobéissance humaine; la mainqui s'est appesantie sur eux à ce moment-là leur fait supposer une faute excep-tionnelle, commise par l'un des leurs.

La génération présente rit de cette manière de voir comme d'une superstitiondépassée. Si toutefois il y a encore une place pour le Dieu souverain, on écartesoigneusement toute possibilité d'intervention directe quelconque de sa part.

1 Gen 3.

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Comment cela pourrait-il arriver dans ce monde si bien ordonné par la technolo-gie et les faux dieux ou démons. Au fond, c'est que Satan, le Calomniateur veutanéantir ainsi non seulement la conversation avec le vrai Dieu, mais toute rela-tion directe entre lui et les êtres humains; le plus ignorant le comprendra.

Cela ressemble à un père de famille qui aurait organisé sa maison une foispour toutes et sans appel. Il aurait dicté les lois qui la régiront, livré à l'avance lecapital qui la fera subsister pendant bien des siècles. Après cela, il s'assiéraitconfortablement dans son fauteuil, en sommeillant doucement, sans jamais inter-venir en rien, sans remuer un doigt dans aucun cas. Il est évident que bientôt nises enfants ni les autres personnes de sa maison ne s'occuperont d'un chef defamille de ce genre-là. Pourtant tel est le dieu que se font actuellement des mil-lions d'êtres humains et de chrétiens. Bien des gens influents de notre époque semoqueraient ouvertement des marins de Tarsis, de leurs appels vers leurs dieuxet de leur tirage au sort, alors qu'ils vont consulter les voyantes extralucides. Ilsriraient surtout de leur idée absurde et enfantine qu'il puisse y avoir un rapportquelconque entre une tempête et les actions des hommes. "C'est le cours desphénomènes, leur auraient-ils répondu; cessez d'appeler vos dieux et de chercherla cause! Aidez-vous vous-mêmes! Voilà le seul remède, et, s'il n'y a pas de ré-sultat, vous devez vous soumettre aux lois incompréhensibles de la nature".

Et cette manière de voir a la prétention de représenter la culture et la lumièrepar excellence. Pendant ce temps, on qualifie le point de vue des gens qui appel-lent une divinité, de bigot, de sombre, de misanthrope et bien plus encore.D'après cette doctrine, le comble du développement consisterait à se distraire pardes plaisirs insaisissables et fugitifs comme l'ombre et par des espérances quis'évanouissent comme un éclair; puis de croire qu'après il n'y a plus rien quel'obscurité, la mort, le tombeau et la corruption! Horrible humilité, celle qui secontente de cela!

Pourquoi penser que la recherche de Dieu est une bigoterie? Si l'erreur, la dé-sobéissance et la mort, avec leur cortège sinistre, ne sont entrées qu'après coupdans l'univers, il y a une délivrance possible. La parole de Dieu, qui montre lesprofondeurs de l'abîme, montre aussi les sources de la délivrance. Si des luttescruelles, des cris de mort, si des fleuves de larmes et de sang ont coulé; si toutcela est indispensable à l'éducation des gens et en fait nécessairement partie; s'ilen a toujours été ainsi et si cela doit durer toujours sur cette terre, Jésus en a dé-livré tous les êtres humains! Derrière l'univers assombri par la mort, les "fils dela confiance" aperçoivent un nouvel univers résidence de Dieu, plein de sasplendeur; un monde où il n'y a ni séparation ni déchirement, où rien ne se flétrit,où la mort n'est plus, où il n'y a plus ni deuil, ni cri, ni douleur, car "les premières

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choses sont passées". Il faut se diriger dès maintenant vers ce nouvel univers,vers le royaume de Dieu, vers cette nouvelle vie, au moyen de la confiance enDieu. Si quelqu'un soupire après cette vie-là, qu'il sache que dès maintenant levrai Dieu l'attire à lui!

Il faut donc, dans un certain sens, donner raison aux marins du vaisseau phé-nicien, qui cherchent la cause de certaines souffrances de ce monde dans les er-reurs, les fautes et la désobéissance des êtres humains. Ils vont plus loin encore:ils en tirent la conséquence que la tempête extraordinaire qui s'est abattue surleur navire a été provoquée par quelque faute toute spéciale de l'équipage ou d'unde ses membres. "Venez et tirons au sort, pour savoir qui nous attire ce malheur".C'est ainsi qu'ils décident cela à l'unanimité. Et le sort désigne Jonas.

2. Malheurs extraordinaires fautes extraordinaires.Un malheur spécial peut-il être la conséquence d'une erreur, d'une désobéis-

sance ou d'une faute spéciale? Cette opinion est-elle juste en elle-même? Sansaucun doute tant qu'on est sous la loi, mais uniquement si l'on est encore sous laloi. C'est évidemment le cas pour ces marins. Il arrive alors souvent que des in-dividus attirent sur eux, par leurs erreurs ou leurs fautes particulières, des souf-frances spéciales; parfois Dieu punit visiblement un mal. La vengeance de Dieuatteint également les crimes commis par une communauté ou même par touteune nation qui sont évidemment toujours des sociétés régies par des lois doncsous une loi. Partout, sans aucun doute, on reconnaît la main de Dieu. De mêmetoute une communauté peut subir un malheur par la faute d'un seul de ses mem-bres, comme dans le cas d'Acan 1 ou ici de Jonas. Pour s'en convaincre, il n'y aqu'à regarder les enfants maladifs de l'ivrogne. On n'a pas besoin de recourir à telou tel récit de l'Ancien Testament, par exemple à l'extermination de la famille deSaül, en expiation des fautes de son chef. La vie même révèle qu'il y a là uneaction de Dieu et un effet de son amour éternel qui, dans ce cas, veut épargnerl'entourage.

Cependant, on peut se poser la question suivante: L'idée que tout malheurspécial doit être considéré comme la punition divine d'une erreur ou d'une fauteconnue ou cachée est-elle juste en elle-même? Jésus lui-même répond catégori-quement non! Pourtant même ses disciples étaient imprégnés de cette erreur.Jésus leur démontre alors que les Juifs tués devant la tour de Siloé et les Gali-léens dont Pilate avait mêlé le sang à celui des animaux sacrifiés n'étaient pasplus coupables que leurs compatriotes. Il leur démontre aussi, par l'exemple del'aveugle-né, que de pareilles épreuves sont confectionnées par Dieu pour que ses

1 Jos 7.

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travaux et sa gloire soient visiblement manifestés.1 Parmi les chrétiens quin'ont trop souvent de chrétien que le nom cette question a la plus grande im-portance pratique. Les amis de Job ne manquent pas d'imitateurs innombrables,toujours disposés à aggraver et à augmenter les souffrances de leurs semblables,en suggérant, d'un air de bienveillance doucereuse, qu'il ne serait pas impossiblequ'ils soient mêlés à quelque abominable faute. Parfois, des gens consciencieuxauxquels une difficulté spéciale est imposée par le Seigneur se tourmentent et seconsument en se demandant quelle erreur ou quelle faute extraordinaire leur aattiré cette punition. C'est souvent le cas lorsqu'ils ignorent la désobéissance enEden; c'est tout aussi fréquent dans des c urs qui ne connaissent pas l'amour deleur père divin, et qui s'absorbent dans la contemplation désespérée de leur erreurou de leur faute.

C'était le cas d'une jeune femme, épouse d'un mineur, avec son unique enfantaveugle de naissance. Jour et nuit elle se tourmentait en pensant qu'elle avait dûcommettre quelque horrible faute pour attirer ce malheur sur son enfant innocent,et elle cherchait scrupuleusement, sans rien découvrir. Heureuses de telles per-sonnes ainsi affligées, lorsqu'elles sont éclairées par les paroles de Jésus conte-nues dans l'évangile de Jean (9, 1-3)! Elles peuvent alors voir se réaliser immé-diatement la gloire de Dieu, par la délivrance et la guérison. Les personnes qui nesont pas encore éclairées avec cette précision peuvent rester dans la souffrancetoute leur vie terrestre. Cependant, quelle lumière pénètre leurs obscurités, lors-que Jésus leur apprend lui-même que la vie dans ce monde n'est qu'un prélude del'éternité; que tous les chemins de Dieu aboutissent sur la nouvelle terre, où ilsseront entièrement compris; que les souffrances, bien qu'elles soient les fruits dela désobéissance en Éden, ne sont que des moyens de Dieu pour éduquer et pré-parer ses enfants à prendre possession de "l'héritage des sanctifiés". Pour celuiqui marche dans cette lumière, le sombre dogme des amis de Job est transforméen cet hymne de Paul: "J'estime qu'il n'y a pas de proportion entre les souffrancesdu temps présent et la gloire à venir qui doit être manifestée en nous".2 Oui, lasouffrance prépare la gloire, car toutes choses concourent au bien de ceux quiaiment Dieu. C'est pourquoi on doit toujours remercier Dieu pour tout, car "Dieuéduque ceux qu'il aime!"

Toutefois aucun disciple de Jésus ne peut faire entendre cet hymne de louangeet bénéficier d'une complète délivrance avant de s'être dit au plus profond de son

ur: "Mon Père, toutes tes actions sont justes. Je dois me taire et je n'ouvriraipas la bouche". Ceux qui parlent ainsi arrivent à la certitude que leur libérateur

1 Luc 13, 1-5 / Jean 9.2 Rom 8, 18.

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s'intéresse à eux parce qu'il a des projets de paix et non de malheurs sur eux;parce qu'il prépare la gloire qu'il leur réserve.1

Un genre tout nouveau de louange surgit de cette certitude. Cette lumière cé-leste a consolé bien des c urs déchirés, et transformé d'innombrables pleurs dedésespoir en larmes de gratitude, de reconnaissance et d'amour. C'est ainsi que,même dans la torture, on a entendu des cris de joie et des hymnes de louange àDieu.

L'Ancienne Alliance ne montrait pas cette joie avec clarté. Chez les marinsétrangers, il ne peut en être question; tout ce que l'on sait, c'est qu'une voix leurdisait qu'il y avait au milieu d'eux quelqu'un qui avait attiré sur eux la réproba-tion du vrai Dieu et qu'il était la cause de leurs malheurs.

9. Venez et tirons au sort."Puis ils se sont dit l'un à l'autre: venez et tirons au sort pour savoir qui

nous attire ce malheur." (1, 7.)

1. Le sort et la volonté de Dieu.De tout temps les gens qui aiment le vrai Dieu se sont occupés de savoir

comment on peut reconnaître sa volonté, ses projets et ses pensées. Pour eux,connaître la volonté de Dieu, c'est posséder le bonheur et la délivrance, tandisqu'agir contrairement à cette volonté, c'est se précipiter au-devant de la ruine.Les oracles, l'astrologie, l'interprétation des rêves, les prédictions, toutes ces cho-ses ont aussi pour origine cette recherche de la volonté d'une divinité. Malgré degrossières erreurs et de nombreuses impostures, on reconnaît dans ces faits uneffort vigoureux pour arriver à être au clair sur cette grande question.

En Israël, non seulement les "Urim et Tummim" du grand médiateur avaientété institués par Dieu dans ce but, mais les prophètes eux-mêmes avaient à s'oc-cuper de cette recherche. Lorsque ces moyens, ajoutés à la parole révélée, nesuffisaient pas, Dieu, ainsi qu'on le voit dans l'Ancien Testament, a souvent faitconnaître sa volonté par des signes merveilleux. On peut penser à la toison deGédéon, à l'histoire d'Éliézer, etc..2

Chez les peuples étrangers, comme chez les Israélites, on cherchait, par lesort, à connaître la volonté de Dieu ou des dieux. Les soldats qui se partageaientle butin l'ont utilisé, ainsi que cela est arrivé sous la croix de Jésus. On se servaitaussi de ce moyen dans les grandes entreprises nationales, pour décider de la

1 Jer 29, 11.2 Jug 9, 6 / Gen 24, 24.

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paix ou de la guerre, lorsque les opinions étaient partagées et que le problèmeétait trop difficile à résoudre.

Même en Israël, chez le peuple élevé par Dieu, lorsqu'il s'agissait de gravesévénements concernant le peuple entier, on consultait le sort, aussi bien en tempsde paix, qu'en temps de guerre; non seulement cela, mais on voit Dieu se servirde ce moyen pour répondre à son peuple. C'est par le sort que Acan a été décou-vert parmi des milliers d'hommes. C'est de la même manière que Saül, fils deKis, a été désigné comme le roi que Dieu avait choisi; et c'est encore par le sortque le pays de Canaan a été partagé entre les douze tribus.

C'est ainsi que les marins emploient ce même moyen pour découvrir le cou-pable qui a attiré sur eux la tempête car, comme les israélites, ils sont sous la loi,et ils ont évidemment l'habitude de s'en servir. "Venez, disent-ils, et tirons ausort!" Ils avaient probablement déposé dans une urne autant de tablettes qu'il yavait d'hommes sur le navire; l'une d'elles contenait sans doute le mot "coupa-ble", tandis que les autres n'avaient aucune inscription. Chacun tire à son tour etcelui qui a la tablette écrite, est désigné par Dieu comme coupable. Bref, on nepeut douter que Dieu ne se soit servi du sort, tant en Israël que chez les étrangers,pour faire connaître sa volonté; dans le cas présent, le résultat le prouve suffi-samment.

Comment cette question est-elle résolue dans le Nouveau Testament? Les dis-ciples de Jésus-Christ doivent-ils questionner Dieu en tirant au sort? Inutile dedémontrer qu'il serait fort commode de s'assurer de la volonté de Dieu par cemoyen-là. Parfois on hésite des semaines et des mois, doutant, interrogeant, sup-pliant, pleurant, luttant devant une grande et importante décision à prendre. Sil'on pouvait alors vite sortir la volonté de Dieu d'une urne et traverser les monta-gnes et les vallées son billet à la main, ce serait vraiment délicieux. Ici se posecette question: est-ce que je possède la certitude que mon Dieu me répondra parce moyen-là? Mon c ur en est-il convaincu? Je réponds catégoriquement non!Le Nouveau Testament ne renferme pas une seule parole sur ce sujet. L'uniqueexemple qu'on pourrait retenir (Act. 1) se situe juste avant la naissance du nou-veau peuple de Dieu à la Pentecôte par l'effusion du souffle saint; on est doncalors encore sous l'Ancienne Alliance.

Il ne faut pas se laisser influencer par le fait que beaucoup de chrétiens fidèlesmais ignorants se sont servis du sort.

L'assemblée des disciples de Christ occupe une toute autre position qu'Israël.Le souffle de servitude a été remplacé par celui de l'adoption, qui permet de dire:"Abba, Père!" Au lieu de la lettre, il y a le souffle saint qui établit sa demeure eneux et qui les conduit à la vérité et à la connaissance complètes de Dieu. Au lieu

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de l'utilisation des "Urim et Tummim" par les médiateurs et les prophètes, cha-cun peut entrer en relation immédiate avec Dieu, par le souffle saint qui accom-plit ce que Jésus a dit: "Ce que vous demanderez en mon nom vous sera accor-dé." "Que celui qui désire la sagesse la demande à Dieu, et elle lui sera don-née." Chaque disciple doit vivre dans l'intimité du vrai Dieu, comme un média-teur de Dieu. Au lieu de révéler sa volonté par des signes extérieurs, miraculeux,il dit: "Examinez quelle est la volonté de Dieu!" C'est la vie en Dieu par Christqui est la source de toute lumière et de toute force pour ses disciples, dans les-quels habite la plénitude de la connaissance; car, en lui, la nature divine et lanature humaine se sont unies pour l'éternité. Celui qui se plonge de plus en plusdans cette union divine, cachée aux yeux de tous; celui qui vit en relation intimeavec son libérateur; celui-là n'a besoin ni des signes ni des oracles du sort; lePère qui est dans les cieux ne cachera pas à son enfant la connaissance de ce quiest bon et de ce qui lui plaît. Peut-être le laissera-t-il longtemps lutter, supplier,travailler, pleurer, hésiter, car le combat est plus utile que bien des jouissances.Dieu veut que l'on force l'entrée de son c ur.1 On devient ainsi plus joyeux etplus ferme par sa grâce. Voilà ce qui est précieux.

10. Désigné par Dieu."Ils ont tiré au sort, et le sort est tombé sur Jonas. Alors ils lui ont dit: dis-

nous qui nous attire ce malheur. Quelles sont tes affaires et d'où viens-tu?Quel est ton pays et de quel peuple es-tu?" (1, 7-8.)

1. Prophète à bord.Il y a plus d'un siècle et demi, Samuel Gobat, l'ancien missionnaire de Jérusa-

lem, alors envoyé en Abyssinie, a voulu s'embarquer à Malte. Le capitaine duvaisseau sur lequel il avait pris place l'a supplié d'attendre une autre occasion.Car l'équipage et les passagers menaçaient de faire au missionnaire protestant unmauvais accueil, contre lequel lui, le capitaine, n'était pas en état de le protéger.

"Dieu me protégera! a tranquillement répondu Gobat. C'est lui qui m'envoieen Abyssinie, et mon voyage est pressant". Il s'est donc rendu à bord. La prédic-tion du capitaine s'est réalisée. Pendant bien des jours, ce missionnaire a été enbutte à des tracasseries et à des ennuis sans nombre. Musulmans incrédules etcatholiques bigots s'unissaient pour le cribler de leurs sarcasmes. Lorsqu'il tra-versait le pont, on allait même jusqu'à essayer le croc-en-jambe pour le faire

1 Voir Mat 11, 12 / Luc 16, 16.

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tomber. Gobat supportait tout avec une patience qui ne faisait que rendre ses en-nemis plus méchants.

Un jour, le feu a éclaté à bord; tous les efforts pour s'en rendre maître sontvains; la flamme n'est pas loin de la soute aux poudres. Hors de lui, le capitainepasse au milieu de son monde en disant: "Nous sommes perdus! Le navire vasauter!" La désolation est bientôt à son comble. Imprécations, pleurs, cris et ma-lédictions retentissent dans une effroyable confusion. Tous sont en proie au dé-sespoir. Les uns blasphèment, les autres appellent Allah, d'autres la sainte Viergeet tous les saints. Personne ne parle à Dieu, si ce n'est Gobat; car lui seul se tientprès du vrai Dieu. Calme, il s'avance et se place au pied du mât, et tenant sa Bi-ble de la main gauche, il lit d'une voix forte le psaume 46, 2: "Dieu est notre re-traite, notre secours, notre force dans les détresses, et il est facile à trouver..." Ilsait que: "soit que nous vivions, soit que nous mourions, nous sommes au Sei-gneur". Contre toute attente, le feu s'arrête. Le navire est sauvé avec tous ceuxqu'il porte.

Le lendemain, comme d'habitude, Gobat descend au salon pour déjeuner. Ason approche, tous se lèvent, et un prêtre romain, un de ses anciens persécuteursles plus acharnés, s'avance près de lui. Gobat, s'attendant aux taquineries accou-tumées, rassemble tout son courage. Mais la scène avait changé. "Monsieur, luidit le prêtre humblement, je suis chargé par mes compagnons de voyage de vousdemander en leur nom et sincèrement pardon de tout ce que nous vous avons faitsouffrir. Le calme que vous avez montré hier en face de la mort, tandis que nousétions au désespoir, nous a frappés, comme votre patience et la douceur que vousavez opposées à nos indignes moqueries. Dites-nous, nous vous en prions, dites-nous d'où vous tenez cette force de regarder la mort en face et de surmonter parl'amour la méchanceté des hommes!" L'heure de Gobat était venue. Il a alorsannoncé l'Évangile qu'il avait vécu jusque-là, et il a eu la joie d'amener à Christplusieurs des passagers, entre autres le prêtre persécuteur. Ceux qui n'ont pasdonné leur c ur au Seigneur n'ont cessé, jusqu'au terme du voyage, d'entourerson fidèle témoin du plus profond respect. Ils ont considéré dès lors l'Évangilebien différemment. Ainsi c'est l'incendie qui avait révélé aux gens du navirequ'ils avaient à bord un homme de Dieu.

Ce récit se rapproche de l'histoire de Jonas. Dans les deux cas, il y avait àbord un prophète ignoré; dans les deux cas, le navire courait un terrible danger:la tempête ou l'incendie a été le moyen de le faire connaître; dans les deux cas,Dieu a béni en même temps tous leurs compagnons de route.

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2. Il s'agit de moi.Les marins de Tarsis avaient jeté le sort, pour découvrir le coupable, et le sort

a désigné Jonas. C'est à cause de Jonas que les flots s'étaient soulevés, que latempête s'était déchaînée; c'est à cause de Jonas que les marins avaient passé partoutes les angoisses de la mort. Souvent, lorsque Dieu envoie des difficultés gé-nérales, c'est pour accomplir une action particulière envers tous ceux qui en sontconcernés, ainsi qu'on le verra dans cette histoire, à propos des compagnons duprophète. Ce qui est certain aussi, c'est que Dieu a toujours spécialement en vueun individu particulier.

Il y a un certain nombre d'années, un immense navire l'Austria, qui portait descentaines d'émigrants, a brûlé en pleine mer. Il n'y a eu que peu de passagerssauvés. Ceux-ci ont publié diverses relations de l'événement. L'un de ces récitsest dû à un jeune passager auparavant léger, moqueur et corrompu. Il disait ceci."Je ne comprends pas les chemins de Dieu, mais je comprends maintenant qu'uneterrible catastrophe pouvait seule me réveiller de mon sommeil de mort. Il nefallait que cet épouvantable malheur pour me retirer de la perdition, et, au milieude toute cette désolation, une voix intérieure me parlait. "Observe ce qui sepasse, tout ceci arrive à cause de toi, pour que tu sois délivré!" Il serait facile demultiplier les exemples de ce genre; ils entraînent à réfléchir. Il n'en est pas au-trement dans l'annonce de l'Évangile. Devant les portes de Aï, toute une trouped'Israélites a été battue, pour que la faute d'Acan vienne au jour; 1 de même par-fois un auditeur est contraint de se dire que l'orateur qu'il entend s'adresse uni-quement à lui. Souvent, pendant l'explication de la parole de Dieu, même lors-qu'elle remue intérieurement, les uns critiquent, les autres poursuivent leurs pro-pres pensées, d'autres, il est vrai, sont émus et perplexes; quelques-uns au plus,se rendent compte que tout leur est spécialement adressé, que Dieu a visé direc-tement leur c ur. Ceci n'est pas un effet d'imagination, mais une réalité, car Dieua fixé l'heure de chacun.

La tempête qui a assailli les marins était une terrible difficulté pour tous; elledevait leur faire chercher et trouver le Dieu vivant. L'ouragan ne pouvait se cal-mer avant que Jonas, le prophète fuyant devant son Dieu, n'ait été dévoilécomme le coupable fugitif, mais en même temps comme le prophète du vraiDieu.

"Le sort est tombé sur Jonas", dit le texte. Les marins l'entourent, inquiets,curieux, et le questionnent. Le voilà découvert. Le prophète d'Israël est obligé dese laisser interroger sur ses fautes et sa désobéissance par des étrangers! Effrayé,

1 Josué 7.

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ébranlé, taciturne et froid, l'homme d'Israël garde un silence obstiné; le prophètedu vrai Dieu est pourtant contraint de subir un examen de la part d'étrangers quine connaissent pas Dieu.

3. Un examen.Les hommes de l'équipage n'ont aucun doute sur le résultat. Ils sont donc cer-

tains que Jonas pourra les renseigner. "Dis-nous qui nous attire ce malheur.Quelles sont tes affaires et d'où viens-tu? Quel est ton pays et de quel peuple es-tu?" Pour faciliter ses aveux, ils s'enquièrent de son métier. Peut-être cet hommeest-il dans une situation mal vue des dieux! Ils lui demandent d'où il vient. Peut-être a-t-il profané un lieu saint! Ils s'informent de son pays et de son peuple. Il sepourrait qu'il appartienne à une nation détestée par les divinités, c'est-à-dire lesdémons régnant sur ces parages! Ces braves gens parlent selon les idées qu'onleur a enseignées dès leur naissance.

Les matelots savaient peut-être que Jonas fuyait devant son Dieu. Lorsqu'ilétait arrivé dans le port de Yaffo, il est possible que la conversation suivante sesoit engagée entre eux et lui.

"Où allez-vous? A Tarsis, dans l'Occident lointain. Oh! très bien! Plus ce sera éloigné vers le couchant, mieux cela vaudra!

Quand mettez-vous à la voile? Peut-être aujourd'hui, si le vent est favorable. Bien! Voulez-vous me prendre avec vous? Pourquoi pas? Si tu peux payer. Certainement! Quel est votre prix? Tant. Voici l'argent. Bien, mon ami! Mais est-il permis de te demander ce que tu veux aller faire

à Tarsis? Tu n'as pas l'air d'un négociant... De quelles affaires t'occupes-tu? Je n'ai pas d'affaires. Oh! alors tu t'enfuis devant la vengeance du sang? Non plus, je fuis devant mon Dieu. Il m'a ordonné une chose que je ne

veux ni ne peux faire, c'est pourquoi je lui échappe. Eh bien, viens en toute sécurité! Avec nous tu n'as rien à craindre!"

Tout en étant des étrangers attachés à des faux dieux, les gens de l'équipagepouvaient fort bien agir et parler ainsi. A leur avis d'idolâtres, ils croyaient fairenon seulement une uvre inoffensive, mais méritoire, en recueillant et en proté-geant un homme poursuivi par un dieu-démon. N'oublions pas d'ailleurs que lesentiment de la sainteté des dieux manquait aux idolâtres, aussi bien que celui de

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leur amour et de leur pitié envers les hommes. Les mythologies des peuplesétrangers sont pleines de récits qui parlent de la jalousie, de l'envie et de la ven-geance des dieux, de leurs passions, de leurs caprices, de leurs cabales, de leursintrigues, de leurs injustices et d'histoires scandaleuses de tout genre. Pas éton-nant, quand on sait que ces dieux ne sont autres que des démons, des êtres imma-tériels révoltés contre le vrai Dieu! On pouvait donc très bien être sur le pied deguerre avec l'une ou l'autre de ces divinités qui ne sont que des démons, sanscesser d'être pieux et vertueux. Protéger un homme contre son dieu-démon étaitconsidéré comme une "bonne uvre". Lorsqu'on savait s'y prendre, cela étaitmême sans danger, car chaque dieu-démon n'a de puissance que dans sa contréeet jamais au-delà. Ainsi, aujourd'hui un réfugié politique s'enfuit à l'étranger, surun autre sol, hors des atteintes de la police de son pays; ainsi, on s'enfuyait duterritoire d'un dieu sur celui d'un autre qui l'accueillera les bras ouverts.

On constate ainsi que les gens de cette époque avaient une connaissance des"lieux célestes" ou univers immatériel beaucoup plus avancée et parfois plusjuste que celle qu'ont aujourd'hui les chrétiens occidentaux. Cependant, ces com-pagnons de Jonas n'en connaissaient que le mauvais côté. Leur connaissance plusou moins erronée fait comprendre leur effroi lorsqu'ils découvrent que Jonas fuitdevant un Dieu qui a fait la mer et la terre et qui est le souverain universel.

11. La déclaration de Jonas."Il leur a répondu: je suis Hébreu et je sers IHVH, le Dieu des cieux, qui a

fait la mer et la terre. Et ces hommes ont été saisis d'une grande frayeur." (1,9.)

1. Pas d'incognito pour le chrétien.A la longue, un disciple de Jésus ne peut pas voyager incognito. Il ne peut res-

ter caché, même s'il l'a désiré. On peut en dire autant de ceux qui cherchent àl'imiter, bien que faiblement et imparfaitement. Ils ne peuvent rester longtempscachés. Avant qu'ils ne s'en doutent eux-mêmes, les gens qui l'entourent s'aper-çoivent à qui ils ont à faire. Souvent il suffit d'un mot, d'une opinion expriméepour les trahir; souvent un regard ou un sourire les dévoile.

Parfois les disciples de Jésus, qu'ils se trouvent en société de personnes mon-daines ou en voyage, désireraient ne pas être reconnus pour ce qu'ils sont. Ilscherchent à cacher qu'ils sont animés par un autre souffle que leur entourage.Bref, ils font tout pour rester incognito.

Dès le début, les marins du navire de Tarsis avaient sans doute remarqué lesolitaire et surprenant passager, à cause du cachet tout spécial dont est marqué un

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homme habitué à vivre avec Dieu. Jonas voulait voyager incognito. Il ne dévoilerien de ce qui l'agitait aux gens du navire; il ne leur dit rien de son Dieu. Il des-cend au fond de la cale; il fuit devant Dieu, devant les hommes, devant lui-même; il se réfugie dans le sommeil. Cependant, il ne pouvait rester caché. Bien-tôt on s'est aperçu de sa disparition. Quand le danger dans la tempête augmente,on s'enquiert de lui, on le cherche, pour le pousser à appeler son Dieu. On ne ledécouvre qu'avec peine. Le capitaine ne le tire que difficilement de son profondsommeil, pour le placer en face de la situation terrible du moment, en lui disantavec un accent de reproche: "Pourquoi dors-tu? Lève-toi, appelle ton Dieu!"Mais l'homme qui est en guerre avec son Dieu ne peut pas l'appeler; toutefois,Jonas est obligé de monter sur le pont et de se soumettre à la décision de Dieu.Le sort le désigne, et les gens de l'équipage le pressent de questions pour décou-vrir son crime. "Pourquoi ce mal nous est-il arrivé? Quel est ton métier? Quelssont ton pays et ton peuple? D'où viens-tu?"

2. J'appartiens au Dieu créateur de tout et souverain universel.Au lieu de répondre en détail aux diverses questions des marins, Jonas se

borne à leur dire qui est son Dieu. Il leur apprend qu'il est Hébreu, c'est-à-direqu'il appartient au peuple bien connu pour ses croyances et son culte particulier.Il ajoute que son Dieu est IHVH, celui qui s'est révélé. Il n'est pas un dieu qui n'ade pouvoir qu'ici ou là, mais le souverain universel, le créateur du ciel et de laterre, le Dieu des dieux, l'unique vrai Dieu.

Ce que Jonas révèle aux marins n'a rien d'extraordinaire pour les Occidentauxd'aujourd'hui. C'est ce qui est dit dans les sept premières paroles de la Bible; c'estce qu'on récite au catéchisme: "Je crois en Dieu, le Père, créateur du ciel et de laterre". La plupart des gens admettent cela; ils ont accepté le fait sans jamais pen-ser à en remercier Dieu, encore moins ont-ils dû combattre et lutter pour arriver àcette vérité. A cause de cela, cette conviction ne leur procure aucune bénédiction,ni aucune force; elle n'est pas vivante, ils n'en sont pas pénétrés et elle ne faitvibrer aucune corde dans leur c ur.

Celui qui a vu de près les ténèbres de l'idolâtrie et tous les démons qui se ca-chent derrière les idoles; celui qui a erré dans le labyrinthe de la méfiance; celui-là reconnaît à quel point cette révélation est une grâce inexprimable. Savoir qu'ily a un Dieu souverain universel est un appui inébranlable pour l'homme. Celuiqui comprend ces simples vérités est allé plus loin que n'ont pu le faire tous lessages, tous les philosophes, même les plus cultivés, même ceux qui ont consacréleur vie entière à la recherche de la vérité.

Aussi l'on voit que ces simples paroles de Jonas produisent sur ces marins uneffet surprenant. "Ils ont été saisis d'une grande crainte", dit le texte. Ils savaient

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bien que Jonas fuyait devant son Dieu, et ceci n'avait rien d'inquiétant pour eux;mais que ce Dieu soit le créateur et le maître de tout l'univers, voilà ce qui les faittrembler! Ces marins s'aperçoivent qu'ils sont donc, eux aussi, en lutte avec lesouverain universel, puisqu'ils ont donné asile à son ennemi. Il y a de quoi êtreeffrayé pour ces braves marins, qui, à vrai dire, avaient une perception plus justedu vrai Dieu que la plupart des gens d'aujourd'hui qui se disent chrétiens.

Celui qui est attentif et réfléchi demandera avec raison comment se fait-il queces gens ignorant tout de IHVH acceptent immédiatement cette idée toute nou-velle pour eux; cette vérité inconnue jusqu'alors, d'un Dieu universellement sou-verain. D'où vient cette disposition, cette faculté de faire immédiatementconfiance à ces paroles de Jonas l'inconnu? Voici la réponse: c'est

3. L'action des faits.Partout et dans toutes les circonstances de la vie, ce sont les faits qui parlent le

plus fortement et fournissent les preuves les plus éclatantes et les plus convain-cantes. L'océan soulevé d'une manière extraordinaire, la terrible tempête, le pro-phète et sa franche déclaration, tout cela manifestait la réalité du Dieu universel-lement souverain. C'est pourquoi les marins en ont été saisis jusqu'à la moelledes os. Lorsque l'angoisse et les terreurs de la mort s'élèvent, la vérité de l'Évan-gile, jusqu'alors raillée, devient d'un seul coup une effrayante réalité dans le c urdes méfiants et des moqueurs! Les actes de Dieu parlent dans tout l'univers; sesparoles ne font qu'expliquer ses actions. Si le Fils unique de Dieu n'avait passouffert à Golgotha, l'expression "Dieu est amour" serait restée une énigme pourtous. Si un messager ou Dieu lui-même avait écrit un gros volume sur ses répon-ses aux demandes de l'être humain, cela ne leur donnerait pas la certitude quefournit l'expérience personnelle. Une seule réponse de Dieu à la demande d'unêtre humain le rend capable de sourire de pitié en entendant les ingénieuses dé-monstrations des grands universitaires s'efforçant d'en prouver théoriquementl'impossibilité.

Je n'annoncerai donc jamais l'Évangile avec seulement des paroles, mais avecl'autorité qu'il m'a donnée et par les actes surnaturels résultant des bienfaits don-nés par le souffle saint. Toutes mes déclarations ne doivent être que l'explicationde ces actes de Dieu qu'il m'a chargé d'accomplir. Si au lieu de parler à quelqu'unpendant des heures sur la puissance de Dieu, le souffle saint lui accorde une gué-rison, le résultat sera autrement profond et efficace. Je prouverai ma condition dedisciple par les actes surnaturels produits par le souffle saint; après cela, les paro-les trouveront plus facilement le chemin qui mène au c ur de mon interlocuteur.

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De même si quelqu'un veut élever ses enfants pour Jésus, tous les encourage-ments, les punitions et les défenses, bien qu'utiles et indispensables, ne feront pasautant d'effet que l'exemple d'une vie simple en Christ remplie des bienfaits dusouffle de Dieu. Alors seulement ses paroles ne se perdront pas en l'air.

On s'est éloigné des navigateurs de Tarsis. Heureusement il n'est pas rarequ'en s'égarant, on trouve un chemin plus court, un beau point de vue inconnu ouquelque autre pensée intéressante; car Dieu veille sur tous ceux qui l'aiment.

12. La vérité morte."Et ces hommes ont été saisis d'une grande frayeur, et ils lui ont dit: pour-

quoi as-tu fait cela? Car ces hommes savaient qu'il fuyait loin du visage deIHVH, parce qu'il le leur avait déclaré." (1, 10.)

1. Théorie et pratique.Un rapport missionnaire rend compte qu'au bord du Gange, dans une réunion

de gens du pays, des chrétiens européens avaient présenté Jésus. Ils avaient dé-montré que toute son existence avait été un acte d'amour, que ses pensées, sesdiscours, ses actions, ses souffrances et sa mort n'avaient eu qu'un seul but: celuid'arracher les êtres humains à leur misère pour le temps présent et pour l'éternité.Les gens écoutaient attentivement la merveilleuse nouvelle, et ils ne pouvaient serassasier de l'entendre. Tout à coup, l'un d'eux, qui avait eu l'air particulièrementattentif, s'est levé et a déclaré: "Non, ce n'est pas vrai! Ce n'est pas vrai! Il estimpossible que ce soit vrai!" "Pourquoi ne serait-ce pas vrai" a répondu undes Européens? L'hindou a répondu: "si c'était vrai, on s'en apercevrait tout au-trement à votre manière de vivre, à vos paroles, à vos actions". Rien n'a pu luifaire abandonner son idée; il répétait toujours: "Ce n'est pas vrai!" Cette anecdotedonne bien à réfléchir, et il n'y aurait pas de mal à ce que plusieurs avouent qu'ilest temps de reconnaître les faits. Quelle distance immense il y a souvent entre laconduite ou les activités d'un chrétien et sa connaissance; entre sa vie, ce que sabouche déclare, et ce que son c ur accepte en réalité! Que de fois ceux qui nesont pas encore arrivés à faire confiance à Jésus disent tout bas ou même touthaut: "Non, ce que ces chrétiens disent n'est pas vrai! Cela ne peut pas être vrai,sinon ils seraient tout autres et agiraient différemment."

On constate donc que dans le monde présent il y a une grande différence entreles paroles et la vie des chrétiens, même les plus sincères. Si leur confiance étaitplus pratique, s'ils prenaient la lutte plus au sérieux, s'ils étaient plus humbles,mais plus assurés envers Jésus, ce désaccord serait beaucoup moins criant. Les

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méfiants même s'apercevraient qu'au moins ils s'efforcent de vaincre l'erreur etqu'ils sont sur le chemin de la victoire; il n'y aurait pas de telles dissonances en-tre les convictions et la manière de vivre, au point qu'il n'existe plus aucun rap-port entre elles. Pourtant le monde est rempli de ces contrastes, voilà pourquoi oncrie toujours contre "la vérité morte". Lorsqu'on entend de tels discours, il ne fautpas, ainsi que cela arrive souvent, se lamenter sur l'injustice du monde; il fautfaire une croix dans son agenda, et le soir, quand tout est calme, il faut réfléchirsur ce sujet. Jonas aussi est obligé de subir les justes reproches de ses compa-gnons de voyage sur la "vérité morte". Lorsque le prophète a solennellementdéclaré aux marins sa confiance au vrai Dieu universellement souverain, ils luiadressent la question suivante: "Pourquoi as-tu fait cela?" Comme s'ils voulaientdire: "Comment peux-tu t'enfuir devant un tel Dieu? Comment ta déclarations'accorde-t-elle avec tes actions? Si tu sais que Dieu est universellement souve-rain et amour, quelle folie de t'enfuir loin de lui? Comment échapperait-on à unêtre universellement souverain qui aime sa créature? Comment peux-tu nousentraîner dans cette lutte de nains contre un géant et nous plonger dans une telledétresse?"

Ainsi, dans leur simplicité enfantine, les marins aveugles font la leçon au pro-phète éclairé de IHVH, et celui-ci est obligé de rougir devant eux et de leur don-ner raison par son silence. Il est forcé d'avouer que sa pratique et sa théorie sonten contradiction flagrante et que rien ne les lie l'une à l'autre.

2. Les vrais disciples sont de véritables images de Jésus.Avec tout ce que l'on vient d'apprendre sur Jonas, il faut espérer que personne

n'aura l'idée de ramasser des pierres pour les jeter sur lui. Il est préférable quechacun s'occupe de faire une révision dans sa propre conduite. Rien n'est plusnuisible qu'un pieux verbiage vis-à-vis du monde; il vaut beaucoup mieux ne pasparler des vérités de la Bible et des douces expériences de la vie intérieure, qued'être comme l'airain qui résonne et semblable à la cymbale qui retentit!

Que doivent penser les ignorants en observant certains chrétiens? Ils pro-clament bruyamment la certitude de la vie éternelle en Jésus, la splendeur de sesespérances, le merveilleux héritage des saints dans la lumière. Seulement, lors-que survient un malheur, une profonde douleur, une pénible épreuve, ils sont toutaussi désolés, tout aussi accablés, tout aussi désespérés que ceux qui ne saventrien de ces grandes choses.

"Tout concourt au bien de ceux qui aiment Dieu." "Pas un cheveu ne tombe denotre tête sans la volonté du Père qui est aux cieux." "Tous les chemins de Dieusont bonté et vérité." Alors que doit-on penser d'un chrétien qui déclare haute-ment les théories précédentes, si, lorsque la volonté de Dieu lui paraît véritable-

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ment obscure et inexplicable, difficile et contre nature, il s'abandonne au déses-poir, comme s'il était tombé entre les griffes d'un tyran sanguinaire?

Ou bien que doit-on penser d'un homme qui déclare pathétiquement: "Ne meparlez ni d'or ni d'argent. Qu'est-ce que les biens de la terre? Une poignée de sa-ble, un tourment d'esprit!" Que doit-on penser d'un tel homme, s'il refermeconvulsivement sa main, lorsqu'il s'agit de lâcher quelques grains "de cette poi-gnée de sable"? Alors on s'aperçoit que les biens terrestres font une concurrencesérieuse au Dieu des cieux!

Que chacun, s'il est sérieux, réponde pour lui-même à ces questions! Qu'il nepense pas à son voisin ou à son ami, mais qu'il fouille dans son propre c ur. Il ytrouvera peut-être plus d'un point où règne encore un violent contraste entre sathéorie et la pratique, entre ses actions et ses principes.

On peut tromper les hommes avec des paroles, même avec des actes, de sortequ'ils aient une meilleure opinion de soi que la réalité. Dieu regarde le c ur. Si le

ur est droit, la vie intérieure se manifestera aussi dans la conduite extérieure.On a dit: "Les vraies qualités chrétiennes sont un reflet de l'image de Jésus". Trèsbien, il s'agit donc de manifester l'action surnaturelle de Dieu dans la vie journa-lière.1 Je fais partie du peuple de Dieu, pour que j'annonce les qualités de celuiqui m'a tant aimé!

Dans une nombreuse société de chrétiens, on exprimait un jour le regret de nepas posséder un seul portrait authentique de Jésus, tel qu'il a été sur la terre. Unvieux chrétien a répondu: "Moi je ne le regrette pas, car les vrais chrétiens sont lavéritable image de Jésus!" 2 On se rend bien compte qu'il avait raison, et si cesparoles éveillent en quelqu'un la confusion et le désir d'atteindre à cette ressem-blance, ce n'est que juste. Oui, je dois parler à Dieu, pleurer et rire; je dois vivreet mourir; je dois être dans la peine et la joie en Jésus. Ainsi, sans même m'endouter, ses propres rayons sortiront de ma personne. On découvrira alors en moile fruit de son souffle: l'amour, la joie, la paix, la patience, la douceur, la bonté,la bénignité, la fidélité, la douceur, la maîtrise de soi. On y découvrira aussi l'as-surance, l'autorité et les actes de puissance qui accompagnent le vrai disciple. Jecélébrerai ainsi mon père divin qui est dans les cieux et le libérateur des hu-mains. Alors le monde ne me dira plus ironiquement comme c'est le cas si sou-vent: "Où est ton Dieu? Montre-moi d'abord ta confiance par tes actions!"

1 Jn 14, 12.2 Rom. 8, 29.

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D'après les paroles de Jésus, il reconnaîtra "l'arbre à ses fruits".1 J'en fourniraialors des preuves vivantes.

13. De la mort à la vie."Ils lui ont dit: que te ferons-nous pour que la mer s'apaise envers nous?

Car la mer était de plus en plus orageuse. Il leur a répondu: prenez-moi et je-tez-moi dans la mer, et la mer s'apaisera envers vous. Car je sais que c'est àcause de moi que cette grande tempête est venue sur vous." (1, 11-12.)

1. Douleur et mutisme.On fait l'expérience que dans une profonde affliction on reste muet; la bouche

ne peut articuler aucune parole. L'amertume du chagrin serre le c ur, il est alorsimpossible de trouver des expressions en rapport avec les pensées intérieures.

Job éprouvé est resté sept jours et sept nuits assis dans la cendre avec ses visi-teurs, et ni lui ni ceux qui pleuraient avec lui n'ont prononcé une seule parole. Ladouleur était trop violente.

A Golgotha, Jésus a remporté la victoire lorsque, après des heures d'horriblesténèbres, il a crié de douleur: "Éli, Éli, lama sabachtani!" Tant qu'il avait lutté, ilétait resté silencieux.

David dit aussi, en parlant d'une époque difficile de sa vie: "Je suis resté muet,dans le silence; je me suis abstenu de parler, même pour le bien, et ma douleurs'est augmentée".2

L'être humain devient muet non seulement devant les afflictions envoyées parDieu, mais aussi par une contrainte intérieure. Il en est ainsi de la personne quiest chargée d'une faute qu'elle ne veut pas abandonner, et qui ne veut pas céderdevant Dieu et devant les gens. Combien elle est effroyable cette période de mu-tisme! On se dessèche et on dépérit, car la relation avec Dieu est coupée. Leslèvres deviennent sèches et muettes, et la parole expire avant d'être née.

David parle aussi de ce genre de silence: "Tant que je me suis tu, mes os seconsumaient, je gémissais toute la journée; car nuit et jour ta main s'appesantis-sait sur moi, ma vigueur n'était plus que sécheresse, comme celle de l'été".3

Jonas a probablement éprouvé quelque chose de semblable, après avoir bu à lacoupe enivrante de sa propre désobéissance. Lui aussi paraît avoir été plongé

1 Mat 7, 40, etc.2 Ps 39, 5.3 Ps 32.

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dans un sombre mutisme. Car le texte ne transmet aucune parole de lui avantqu'on ait tiré au sort. Muet devant Dieu, muet devant les hommes, ce prophètesilencieux se réfugie au fond de la cale. Qu'aurait-il pu dire aux matelots? Dansdes moments semblables, rien n'intéresse, tout est fade; tout ce qui se passe sur laterre est ennuyeux. Une seule chose absorbe: le combat intérieur, les penséespour et contre.

Jonas jouit du bonheur douteux de pouvoir dormir et de trouver ainsi du repospendant quelque temps. Même après avoir été réveillé par le capitaine, pas uneparole ne lui échappe.

Dans chaque lame écumante il voit la mort le narguer, il est immédiatementconvaincu que c'est la main de Dieu qui s'appesantit sur lui. Il ne se lamente pas,il ne pleure pas, il ne parle pas à Dieu, il ne s'étonne pas, il ne désespère pas; ilreste froid et impassible.

Il aurait pu répondre aux matelots qui proposaient de tirer au sort, pour dé-couvrir le coupable: "Ne vous en donnez pas la peine; c'est moi!" Est-ce obstina-tion ou bravade? Est-ce apathie? Il se tait, il veut attendre et voir si Dieu saura ledécouvrir. Pendant ce temps, intérieurement, dans sa poitrine, la lutte est terrible.Le sort désigne véritablement cet étranger qui apparaissait si fier et dédaigneux.Le voilà découvert; il se tait encore, mais pas longtemps.

Les hommes de l'équipage le pressent de questions pour découvrir son forfait,et il déclare qu'il sert IHVH, le Dieu des cieux, qui a fait la mer et le sec!" Cesont ses premières paroles. Il déclare en réalité qu'il sert de nouveau celui qu'il neservait plus. "Oui, je le sers de nouveau! Je le vois. Ô mon Dieu! tu es saint etjuste, et l'être humain ne se jouera pas de toi!" Ce retour vers le service de Dieuest toujours le premier mouvement de ceux qu'il éprouve! Jonas proclame denouveau son Dieu. Son c ur a été brisé, et l'homme de Dieu prononce sans pitiésa propre condamnation.

2. Propre jugement et propre condamnation.Les matelots lui demandent "Que te ferons-nous pour que la mer s'apaise?"

Jonas indique le seul moyen de délivrance. Soudain cet homme, jusqu'alors sipeu intéressant, apparaît sous un tout nouveau jour; il devient un remarquablemodèle de dévouement. Le moyen qu'il suggère n'est autre que sa propre perte:"Jetez-moi à la mer et elle s'apaisera".

Jonas prouve, par cette réponse, qu'il est vraiment un prophète de IHVH, et,en même temps, qu'il possède assez de courage pour s'appliquer la justice à lui-même. Non seulement il désigne le chemin de la délivrance pour les marins,mais sans ménagements, il témoigne contre lui-même: il déclare à ceux qui l'en-tourent que c'est par sa faute qu'ils sont tombés dans ce péril. "Je sais que cette

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grande tempête vous atteint à cause de moi." Par cette très puissante déclaration,Jonas qui était si renfermé accomplit maintenant un véritable acte d'héroïsme.

On sait combien il est pénible d'avoir à reconnaître ses propres erreurs ou fau-tes. Rien n'est plus naturel que de se défendre, de se justifier, de chercher à seblanchir. Dans ce cas-là, l'homme le plus laconique, le plus taciturne devientsoudain éloquent, et les têtes les plus bornées déploient une richesse d'imagina-tion étonnante. Ah! c'est une grande victoire remportée sur la nature humained'Adam de reconnaître ses fautes et non celles des autres et de frapper à la portede Dieu comme l'enfant prodigue.

Des luttes longues et violentes se sont parfois livrées dans le c ur de celui quireconnaît ses fautes. Oui, il est souvent très difficile de donner raison à Dieu etd'avouer que toute sa misère intérieure et extérieure découle de sa propre erreuret de ses propres fautes.

Il est parfois nécessaire lorsque la faute est contre quelqu'un de suivre la pa-role de Dieu qui dit: "Avouez vos fautes l'un à l'autre".1 Il va sans dire qu'il nes'agit pas d'initier le premier venu aux luttes, aux erreurs, aux fautes et aux testsdont on est l'objet. Ces mots s'appliquent à toute personne que l'on sent assezpénétrée d'amour et de vérité pour comprendre, par le souffle saint, l'état où l'onse trouve. Ce libre aveu renferme une bénédiction incalculable. C'est comme sides écailles tombaient des yeux ou que le c ur soit déchargé d'une montagne.Avec l'orgueil s'écroule la muraille qui séparait de Dieu et des hommes.

Jonas a dû éprouver aussi un grand soulagement, celui d'un prisonnier qui aréussi à secouer sa chaîne. Par sa fuite il avait voulu sauvegarder son illusiond'indépendance à l'égard de IHVH; c'est pourquoi il devait la perdre. Il se livrepieds et poings liés à Dieu et aux hommes. Il abandonne sa personnalité à la jus-tice de Dieu; il perd volontairement sa vie et il la retrouve en Dieu, commeJésus l'a dit plus tard.2 Maintenant comme alors, et jusqu'au retour de Jésus, cechemin est le seul qui conduise à la vie. Le vrai changement d'avis ne consistepas dans de pieux soupirs et dans des plaintes sur la puissance de l'erreur ou de lafaute, encore moins dans un accès de tristesse passager, tout profond et sérieuxqu'il soit. Le vrai changement d'avis consiste dans la perte radicale de sa naturehumaine d'Adam en se livrant complètement à la miséricorde de Dieu.

Ce détachement s'appelle le retour à Dieu. Si la décision et la déclaration pu-blique de ce détachement sont un acte ponctuel, ce détachement, lui dure toute lavie; car la puissance de l'erreur ou de la faute ne s'affaiblit que peu à peu. Deplus, dans un monde qui a rejeté Dieu, on peut encore être souillé et entraîné par

1 Jac 5, 16.2 Luc 17, 33 / Mat 10, 39.

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l'erreur. Ce détachement dure toute la vie parce que peu à peu on découvre ausside nouveaux aspects de l'erreur, qui étaient auparavant cachés. Il s'agit ainsi deprendre sans cesse position contre la puissance des ténèbres qui dirige ce mondeet de revêtir l'armure de Dieu.

Si l'on est sincère, on s'apercevra bientôt, quoique graduellement, que, là oùl'erreur ou la faute a été puissante, la grâce conduit à la victoire est bien pluspuissante encore. "Où l'erreur a abondé, la grâce a surabondé".1 Alors un douxmurmure viendra frapper l'oreille, comme celui qu'Élie a entendu, dans un ravis-sement inexprimable; lorsqu'il était solitaire sur le sommet du mont Horeb, aprèsla tempête, le feu et le tremblement de terre.

La plupart des gens acceptent, d'un c ur léger et sans y prendre garde, cettegrande vérité qui est la Parole des paroles: "Dieu est amour". Puis ils s'imaginentconnaître Dieu. Cependant, il est impossible de comprendre efficacement cestrois mots sans avoir préalablement reconnu que Dieu est saint et qu'on ne semoque pas de lui. Tous les hommes de Dieu, depuis Adam jusqu'au dernier filsde l'homme, que l'amour de Dieu trouvera, tous auront eu à parcourir cette route,pour arriver à la paix du c ur. Bien fou, celui qui en cherche une autre! Ce n'estque par le chemin de la découverte et de la connaissance de soi-même que l'onparvient à la route céleste qui mène à la connaissance de Dieu.

Jonas aussi a d'abord dû rendre justice et honneur au Dieu qui se sanctifiedans ses jugements, avant d'entendre le doux murmure de Dieu. Voilà le chemin."IHVH est celui qui fait mourir et qui fait vivre, qui fait descendre au séjour desmorts et qui en fait remonter".2

14. Les disciples de Dieu dispersés."Ces hommes ramaient pour gagner la terre, mais ils n'ont pas pu, parce

que la mer s'agitait de plus en plus contre eux. Alors ils ont crié à IHVH et ilsont dit: IHVH ne nous fais pas périr à cause de la vie de cet homme, et ne metspas sur nous le sang innocent! Car toi, IHVH tu fais ce que tu veux." (1, 13-14.)

1. Humanité et vie chrétienne.Dans la société, on rencontre souvent des gens méfiants à l'égard de l'Évangile

qui sont pourtant beaucoup plus aimables, plus humains, plus conciliants, plus

1 Rom. 5, 20.2 1 Sam 2, 6.

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pacifiques et plus dévoués que bien des chrétiens. Voilà ce qu'il n'est pas rared'entendre et ce qui est parfaitement juste.

Toutefois, il est hors de doute que si ces mêmes méfiants se tournaient versDieu, ils seraient changés et toutes leurs nouvelles qualités se développeraient àun haut degré; tandis que les chrétiens rébarbatifs (je ne parle pas ici des bavardset des faux chrétiens) seraient encore bien moins agréables, bien plus cassants etplus insupportables s'ils ne connaissaient pas Christ. Car il rayonne sur tous ceuxqui s'attachent à lui, et les élève graduellement jusqu'à la perfection. La bienveil-lance et la générosité de Dieu sont révélées en Jésus et plus je me rapproche delui, plus ses qualités brillent en moi.

En attendant, les confiants auront souvent à rougir vis-à-vis des méfiants.Quelle personnalité froide, désagréable et repoussante par exemple était celle deJonas sur le navire!

Au contraire, combien les marins étrangers sont aimables, délicats et sympa-thiques! Ils craignaient Dieu à leur manière. Ils reconnaissent que la tempête nes'est pas déchaînée par un effet du hasard, mais par la volonté de Dieu. Dans leurdétresse ils ont demandé l'aide de leurs dieux. N'en recevant pas de réponse, ilsen concluent qu'ils sont sous le coup d'une action surnaturelle dont la raison leurest inconnue. Confiants dans la décision de la divinité, ils jettent le sort pour dé-couvrir le coupable qui rend nécessaire cette action.

Lorsque Jonas est désigné, ils ne l'abandonnent pas, mais pleins de bienveil-lance, ils cherchent à savoir quel est son crime. Sérieusement, mais sans vio-lence, ils lui reprochent sa conduite. Même lorsque Jonas leur a indiqué le moyend'être sauvé et leur a conseillé de le jeter à la mer, ils ne peuvent s'y résoudre. Ilsluttent de toutes leurs forces pour atteindre la côte, pour préserver l'homme quiétait la cause de tous leurs maux. Tout est inutile. La mer, de plus en plus irritée,se joue de leurs efforts désespérés. Ils hésitent encore à jeter le fauteur à la mer.

De nouveau ils parlent à Dieu. "IHVH ne nous fais pas périr à cause de la viede cet homme, et ne mets pas sur nous le sang innocent, car toi, IHVH tu fais ceque tu veux". (Verset 14.) "Sang innocent", disent-ils. "Devant toi, IHVH, il adésobéi, c'est vrai, mais envers nous, il est innocent. Nous n'avons pas le droit dele jeter. Toi IHVH, tu fais ce que tu veux". Ce qui signifie dans leur bouche:"Toi, le Dieu universellement souverain, tu as décidé que nous devions apaiser lamer en y jetant ton prophète. Cela est obscur pour nous; nous ne comprenons paspourquoi il doit mourir pour nous tous ou pourquoi nous devons tous périr par lafaute d'un seul. Nous ne pouvons saisir cela, mais nous nous inclinons devant toiet te respectons en exécutant ta volonté."

Voilà des hommes simples, dociles et bons. Il est à remarquer que dès cemoment ils ne s'adressent plus à leurs anciens dieux. Ils s'adressent à IHVH uni-

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versellement souverain, qui a créé les cieux et la terre, dont Jonas leur a parlé.Bien vite ils ont compris ce que signifient ces mots: "Des profondeurs de l'abîmeje t'appelle IHVH!" Aussitôt qu'ils connaissent le vrai Dieu, ils abandonnent lesfaux, et du moment que le Dieu inconnu leur est révélé, ils ont recours à lui.

A peine les écailles sont-elles tombées de leurs yeux, qu'ils deviennent de fi-dèles serviteurs de IHVH. Ils appartiennent à la catégorie des disciples de Dieudispersés, encore assis dans l'obscurité, mais beaucoup plus près de Dieu qu'ilsne s'en doutent eux-mêmes.

Il faut s'arrêter un instant à cette pensée; elle est très opportune. On entendparler de disciples inconscients; beaucoup de personnes bien intentionnéescroient qu'il suffirait de faire connaître la vraie nature de Christ à ceux qui setiennent loin de lui, pour qu'ils deviennent tous immédiatement de bons chré-tiens. Y a-t-il du vrai dans cette pensée?

2. Tous ceux qui entendent l'Evangile deviennent-ils ses disciples?Quelle joie, quel bonheur, si cette pensée était vraie! L'humanité entière se

rencontrerait un jour devant le trône de IHVH.Toutefois, tant au point de vue de mon expérience journalière, qu'à celui de la

parole de Dieu, je suis obligé de contester cette idée. Ce n'est pas faute deconnaître Jésus que tant de gens en restent éloignés. Du temps où il vivait sur laterre, chacun en Israël avait l'occasion de connaître et d'admirer et de suivre Jé-sus. Pourtant il n'était pas petit le nombre de ceux qui le détestaient et le poursui-vaient d'une haine implacable. Beaucoup de gens l'admiraient et le louaient, maisne le suivaient pas pour être ses disciples. Même parmi ceux qui ont vécu aveclui, et même parmi les douze, il y en avait un qui a préféré trente pièces d'argentà son maître libérateur. Alors, comme aujourd'hui, ils étaient nombreux ceuxdont le Seigneur dit: "Vous n'avez pas voulu me connaître et vous ne voulez pasm'aimer!"

Il y a un mystère d'iniquité dans le monde, et celui qui s'y livre a horreur de lavie de Dieu. "La vérité est reconnaissable en ce qu'elle tue", disait Pascal. Et ce-lui qui ne veut pas accepter cet anéantissement, celui qui ne veut pas livrer sespenchants naturels, ses pensées et ses actions à la mort, celui-là arrive peu à peuà détester la vérité. Jésus déclare, à la face des théologiens juifs, qu'ils haïssent lavérité et cela parce que leurs actions, qu'ils ne voulaient pas abandonner, étaientmauvaises.

On commence par attrister le souffle de Dieu et l'on arrive à la résistance.Cette résistance, à son tour, s'aggrave parfois à tel point qu'elle se transforme enune rupture (= blasphème) contre le souffle saint, cette faute dont Jésus dit: "Celane peut lui être laissé aller ni dans ce monde-ci, ni dans l'autre". Bien que la ten-

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dance personnelle y pousse, il est impossible d'admettre que l'opposition à laparole de Jésus et au souffle saint ne découle que d'une connaissance imparfaitede sa nature.

Il est vrai, toutefois, qu'une multitude de gens ne savent ni ce qu'ils font, ni cequ'ils disent, lorsqu'ils méprisent Jésus! Heureusement pour eux! Oui, on peutaller plus loin et assurer qu'ils l'aimeraient s'ils le connaissaient vraiment tel qu'ilest; ils lui donneraient leur c ur, s'ils pouvaient jeter un regard dans le sien.

De même il est évident que le devoir de tout disciple est de chercher à entraî-ner les ignorants. Avant tout, chacun doit annoncer la puissance qu'est le vraiEvangile, par les signes qui l'accompagnent, pour que ceux qui ne connaissentpas encore Jésus aient le désir de le connaître.

Des récits dignes de confiance décrivent le ravissement de certains idolâtresen apprenant à connaître Jésus. On rencontre souvent cet amour de Jésus caché,ignoré, surtout chez des catholiques qui craignent Dieu, mais aveugles. On pour-rait en citer bien des exemples, en voici un.

Dans une cabane, une femme en deuil était tristement assise auprès d'une ta-ble. On sonnait en ce moment l'Ave Maria à l'église du village; la femme pleuraitdoucement. Quelle était la cause de sa tristesse? Elle a répondu qu'elle se sentaitmalheureuse parce qu'elle était tourmentée par la pensée de n'être pas en paixavec Dieu. D'après le conseil de son curé elle avait tout fait pour y parvenir: elleavait brûlé de gros cierges sur l'autel; elle avait jeûné; elle avait accompli despèlerinages pénibles "au profit du Saint-Père", mais tout cela ne lui avait pasprocuré la paix du c ur. Puis, son mari bien-aimé, en abattant des arbres, avaitété écrasé par un sapin gigantesque. Alors le père jésuite lui avait dit que c'étaitl'expiation de sa faute et qu'elle pouvait maintenant être tranquille. "Mais je ne lesuis pas et ne le serai jamais", s'écriait la pauvre femme angoissée jusqu'à lamort. Elle ne savait rien de Jésus, sinon qu'il était le fils de la Sainte Vierge et ungrand saint, qu'on devait implorer à tour de rôle avec les autres intercesseurs.Avec ravissement cette personne a accueilli la bonne nouvelle du libérateur deshumains! Avec rapidité elle a appris à connaître celui qu'elle aimait depuis silongtemps sans le savoir! Seul, celui qui a été aveugle, qui a demandé ardem-ment la lumière et dont les yeux ont été soudainement ouverts, se fera une idéede son bonheur.

3. Ayez pitié!Il y a des millions d'individus encore aveugles. Ce sont des gens de toutes les

religions, des musulmans, des Juifs, des catholiques, mais aussi des membresd'assemblées évangéliques, pentecôtistes ou charismatiques; ils ne connaissent nila délivrance, ni la liberté, ni la magnificence de la bonne nouvelle de Dieu. Le

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jour où ils parviendront à connaître Jésus tel qu'il est, ils remercieront Dieu àdeux genoux.

Aujourd'hui surtout il faut faire une ample provision de pitié et de bienveil-lance envers ceux qui sont encore éloignés de la bonne nouvelle de Dieu. Jamaiscomme aujourd'hui, un humain, obligé de vivre dans le brouhaha du monde, n'arencontré autant de difficulté à s'orienter au milieu du labyrinthe de doutes et deluttes qui caractérise cette époque.

Les gens influents de la génération actuelle, à cause du christianisme apostat,considèrent la vraie bonne nouvelle de Jésus avec dédain. "Elle a vieilli, elle afait son temps, elle n'a plus de signification pour notre époque!" Ils confondent labonne nouvelle de Dieu avec la religion ou avec un mouvement évangélique. Lesreprésentants de la science, si divisés sur d'autres questions, se sont ligués, pourprouver que l'ancienne confiance à la Bible était une "foi de charbonnier" qu'ilfaut laisser aux sots et aux ignorants. Même les représentants du christianisme,aussi bien catholiques qu'orthodoxes et protestants, se sont divisés en une multi-tude de dénominations, de fédérations de sectes dont l'hypocrisie dégoûte lesignorants.

La radio, la télévision, les livres les plus connus, les journaux les plus répan-dus; en un mot, tout ce qui sert de nourriture spirituelle à la génération actuelleest inspiré par ce souffle méfiant. Aussi n'est-il pas étonnant que cette tendance,hostile au véritable Evangile positif, règne dans la plupart des écoles, et dans lesétablissements d'enseignement supérieur.

Il est évident aussi que les pères, les mères et les enseignants des enfants nepeuvent leur inspirer d'autres principes que ceux dont ils sont eux-mêmes péné-trés. D'un autre côté, dans certaines "familles chrétiennes" on soumet les enfantsà une rigueur tellement exagérée que la réaction qui se produit tôt ou tard estd'autant plus violente.

De nos jours, qu'il est difficile d'arriver à faire confiance à Dieu! Cela est va-lable, aussi bien pour celui qui est ignorant que pour celui qui a eu l'avantage deconnaître la bonne nouvelle de Jésus dès sa jeunesse. Car l'esprit actuel de l'hu-manité qui inclut le christianisme est l'ennemi déclaré de la vraie bonne nouvellede Jésus. Qu'il est difficile de se soustraire à l'influence de cet état de l'humanité!C'est l'atmosphère que l'on respire dès l'enfance. Le c ur de la plupart des gensest envahi dès le berceau par des préjugés contre le vrai Dieu, il en est enveloppécomme une mouche prise dans les filets d'une araignée. Que d'enfants d'aujour-d'hui ne connaissent en réalité, comme Evangile, autre chose que ses caricatures,et comme vérité, que les doutes et les objections que l'on soulève contre elle!

On ne répondra pas au bavardage superficiel de ceux qui annoncent froide-ment que "l'Evangile est annoncé partout et que les occasions ne manquent pas à

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ceux qui veulent l'entendre". Ce qui manque trop souvent aux ignorants mêmeles mieux disposés, et parfois pour des raisons trop fondées, c'est la confiancedans les chrétiens qui annoncent la parole de Dieu. Fréquemment le chrétien lemieux convaincu ne sait pas trouver l'accent qui va au c ur; il n'est pas animé decette force de l'amour qui comprend tous les états et toutes les circonstances de lavie humaine, qui se fait sentir immédiatement aux ignorants, en leur dévoilanttout ce qu'un c ur peut contenir de luttes, de soucis, de doutes et d'aspirationsignorées. Il ne faut pas juger avant le temps, mais agir dans le temps présent, parla force de Dieu. On devient témoin de Christ par une vraie immersion dans lesouffle saint; c'est elle qui rend capables de guider d'une main ferme et douce,vers la source vivante de Dieu, ceux qui en sont encore éloignés. Parmi ceux quisont encore étrangers au vrai peuple de Dieu, il y en a beaucoup qui ont soif de lavraie vie éternelle.

15. L'intervention de Dieu."Puis ils ont pris Jonas et l'ont jeté dans la mer, et la fureur de la mer s'est

apaisée. Et ces hommes ont été saisis d'une grande frayeur de IHVH et ils ontoffert un sacrifice à IHVH et ont fait des v ux." (1, 15-16.)

1. Un événement extraordinaire.On connaît l'histoire de ce roi, qui avait ordonné à un célèbre philosophe de

lui expliquer la nature de Dieu. Le sage s'est réservé un jour de réflexion, mais iln'était arrivé à aucun résultat. Il a encore demandé huit jours; au bout de la se-maine, il n'était pas plus avancé. Après deux mois, il en était encore au mêmepoint. Après avoir étudié la question une année entière il a déclaré qu'un mortelne pouvait rien dire de certain, sur la nature de ce qui est éternel et immortel.Cette conclusion fait honneur à ce sage.

Ce que l'on sait de Dieu, soit d'après la nature, soit par la conscience ou parl'histoire, n'est qu'une trop faible lueur au milieu de l'obscurité environnante.Tout seul, le malheur lui-même n'apprend pas à connaître Dieu; il n'encouragepas toujours à le chercher; souvent, au contraire, il conduit à l'indifférence, aufatalisme et au désespoir. Si la nouvelle d'un Dieu universellement souverainn'avait pas été annoncée aux hommes de l'équipage par Jonas, il est probable quela lumière incertaine qu'ils possédaient déjà se serait totalement éteinte. On neconnaît pas Dieu tant qu'il ne se fait pas connaître.1 Celui qui prétend le définir,

1 Jn 6, 44.

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d'après ses propres idées, d'après sa conscience ou ses sentiments est un orgueil-leux insensé.

Les révélations, même les plus complètes, sur la nature de Dieu seraient bien-tôt oubliées, si lui-même ne prenait soin de manifester sans cesse par ses actes laréalité de ce que sa bouche a déclaré.

Lorsque les marins se sont enfin décidés à jeter Jonas dans la mer, ils ont ététémoins d'un prodige. C'est ce prodige qui confirme parfaitement tout ce queJonas leur avait dit sur la nature de Dieu. "La fureur de la mer s'est apaisée", ditle texte. Elle s'est calmée, car elle avait maintenant celui que le vrai Dieu lui fai-sait chercher. Les marins sont profondément émus par ce prodige. Tous ceux quiont la moindre connaissance de la mer soulevée par la tempête savent que seul unmiracle peut la calmer instantanément.

Du reste, pourquoi nier l'intervention directe de Dieu? Peut-être quelqu'un ob-jectera que ces quelques hommes ne valaient pas la peine que Dieu s'occuped'eux et envoie une telle tempête. A celui qui le pense, on souhaitera qu'il recon-naisse que, devant Dieu, le soleil, la lune et toutes les étoiles ne sont pas grand-chose en comparaison d'un seul être humain créé par lui; que toute leur splendeurn'est rien en comparaison d'un c ur qui a soif de lui, d'une personne qui soupireaprès sa présence. Or, ce sont de tels c urs que l'on trouve chez ces navigateurs.

2. La frayeur de Dieu."Et ces hommes ont été saisis d'une grande frayeur de IHVH", dit ce texte. Ils

avaient appris qu'on ne se moque pas de Dieu, mais qu'il faut en être effrayé, etc'était beaucoup. "La frayeur de Dieu est le commencement de la sagesse", et cecommencement fait en pratique défaut à la plupart de ceux qui ont été élevésdans le christianisme. Si l'on regarde dans la rue, où les hommes circulent affai-rés, on est convaincu qu'ils sont effrayés par toute autre chose que le vrai Dieuuniversellement souverain. Ceux qui se sont approchés de Dieu par l'intermé-diaire de Jésus s'inquiètent encore trop souvent de certains petits avantages, decertaines considérations mesquines ou de l'opinion du voisin. C'est ainsi qu'ilslaissent de côté la volonté de Dieu.

Tu te rassures tout bas en pensant que Dieu ne te voit pas, qu'il ne t'entend pasen ce moment ou tu espères qu'il aura une mauvaise mémoire. Oui, tu es déses-pérément rusé! Puis quand, à travers bien des larmes amères, tu apprends cettefrayeur de Dieu, un souffle tiède arrive du monde et la fait disparaître. Ah! Si lesmaîtres d'école étaient forcés d'avoir autant de patience envers leurs élèves, queDieu en a envers les siens!

Les marins de Tarsis, eux, montrent à Dieu leur reconnaissance en offrant unsacrifice et en faisant des v ux.

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3. Des sacrifices.On ignore ce que ces marins ont offert à Dieu, mais ils ont éprouvé le besoin

de montrer, par leurs actions, qu'ils savaient lui être reconnaissants. Ils lui offrentune partie de ce qu'ils ont, comme signe visible de reconnaissance pour les gran-des expériences qu'il leur a accordé de vivre.

Tous les peuples de l'univers, quelle que soit leur religion, avaient coutumed'exprimer leur reconnaissance non seulement, en paroles, mais par des faits. Ilen était de même en Israël d'après l'enseignement de IHVH. C'est pourquoi, tantparmi les étrangers que parmi les Juifs, on manquait rarement d'argent lorsqu'ils'agissait de buts religieux.

Inutile de répéter ici que des sacrifices imposés par la frayeur ou arrachés parl'insistance sont abominables. Bien plus, la doctrine qui veut faire des offrandesune action méritoire est une attaque contre la bonté de Dieu. L'amour pour Jésusne devrait-il pas pousser avec puissance, au sacrifice des biens fugitifs de Mam-mon ou de ce qui regarde le confort personnel? Dans les milieux où l'esprit desacrifice domine, on voit ce qu'il peut accomplir.

Si l'on retourne vers ces marins, qui commencent à devenir des modèles, onverra que leur but n'est pas de s'acquitter, une fois pour toutes, de leur reconnais-sance envers IHVH; non, ils lui consacrent aussi leur avenir. Ils font des v ux àIHVH.

4. Des v ux.Dorénavant ces marins vivront pour IHVH, ils le serviront et ils renonceront à

tout ce qui ne lui plaît pas.Ce mot de v ux effrayera certainement bien des gens! Que de fois on en a fait

dans la douleur ou dans la joie! On en a fait lorsqu'on entendait Dieu qui frappaità la porte ou lorsque sa parole avait ému ou lorsque les événements de la vieavaient arraché au sommeil. On faisait le v u de se tourner sérieusement versDieu; on était résolu à combattre le bon combat et à se restituer entièrement àDieu! Pourquoi ces bonnes résolutions s'évanouissent-elles généralement si vite?Pourquoi retombe-t-on si facilement dans l'ancienne ornière? C'est que "le che-min de la perdition est pavé de bonnes intentions", dit trop justement le proverbe,et la parole de Dieu montre "qu'il est bon que le c ur soit affermi par la grâce".Sans la grâce, sans l'amour de Dieu, le travail, les efforts, la persévérance etl'énergie ne peuvent rendre la volonté inébranlable. En vain l'homme lutte vail-lamment et se tourmente. Bientôt, épuisé et brisé, il retombe dans la poussière.

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Jésus seul peut lui donner la vie, le relever, l'armer du bouclier et de l'épée, et luiapprendre à combattre.

La plupart des chrétiens, plongés dans leur propre justice, ne descendent pasjusque dans les profondeurs de la mort et ne font pas l'expérience de la grâcepuissante de Dieu. Car "Dieu n'accorde la grâce qu'aux humbles".

Il y a une autre raison à l'abandon du retour vers Dieu: c'est que fréquemmenton n'est pas tout à fait de bonne foi, c'est qu'on ne veut pas toujours donner rai-son à Dieu ou que, dans tel cas particulier, on ne veut pas suivre sa voie. Souventil s'agit d'une passion favorite ou d'une mauvaise façon de penser à laquelle on neveut pas renoncer; c'est aussi quelque esclavage caché qu'on ne veut pas avoueret encore moins rompre. On dissimule ces choses-là. Cependant, si le c ur estimpur sur un seul point, bientôt tout est envahi. "Une mouche morte infecte etfait fermenter toute l'huile du parfumeur", dit Salomon. Que chacun ouvre lesyeux! La vie dépend souvent des plus petites causes. Souvent, c'est dans des ré-actions insignifiantes que se montre la résistance de l'homme contre le souffle deDieu.

5. Chacun suit son chemin!Je regrette maintenant d'avoir à me séparer de ces gens. J'ai fait un voyage ex-

ceptionnel en leur compagnie. Maintenant je ne demande plus pourquoi Dieu afait souffrir ces innocents avec Jonas, le coupable; car eux-mêmes ne voudraientà aucun prix que tout cela ne soit pas arrivé. En peu de temps, ces hommesétrangers au peuple de Dieu m'ont beaucoup appris. La main de Dieu ne les acertainement plus abandonnés, mais le programme d'éducation de Dieu pour Jo-nas se poursuit dans une autre direction.

Lorsque Dieu qui gracie son disciple me fera jeter l'ancre sur les bords dufleuve de cristal, en vue de la nouvelle Jérusalem,1 j'y rencontrerai aussi leur petitnavire. Car le miracle de Dieu produit immédiatement de bons fruits dans la viedes hommes simples.

1 Apoc 22.

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LE GRAND POISSON.16. La délivrance miraculeuse de Dieu.

"IHVH a prévu un grand poisson pour engloutir Jonas; et Jonas a été dansle ventre du poisson trois jours et trois nuits." (2, 1.)

1. Influences de Satan.Depuis le jardin d'Eden, Dieu introduit l'être humain dans une humanité plon-

gée dans le Mal.1 Cela revient à l'introduire dans la souffrance, mais il est fauxqu'après cela, Dieu l'y abandonne. La souffrance n'a que l'utilité de l'amener àreconnaître ce qu'il est devant Dieu, pour qu'il accepte sa totale dépendance à sonégard. C'est alors que la bonne nouvelle de Jésus lui montre que Dieu l'a réconci-lié avec lui-même par son sacrifice.

Avec quelle éloquence le serpent étale devant Ève les délices de la désobéis-sance! "Vos yeux seront ouverts, lui dit-il. Vous serez comme des dieux (oucomme Dieu). Vous saurez ce qui est bien et mal!" Quelles splendeurs éblouis-santes, quels mystères enchanteurs vont vous être dévoilés! Et qu'a-t-elle trouvé?L'impuissance, la désolation, la peur, la honte et le tourment de la conscience.Adam et Eve ont été trompés, ils sont malheureux; alors après les avoir si joli-ment séparés de Dieu, Satan en profite pour les harceler et les faire souffrir sanspitié dans l'angoisse et le désespoir.

Il en a été de même avec Caïn. Satan lui souffle à l'oreille: "Débarrasse-toi deton frère et tu auras la paix". A peine les yeux d'Abel sont-ils fermés que lemeurtrier entend en frissonnant la voix du sang, et il apprend qu'il sera doréna-vant fugitif et errant sur la terre.

De même, les trente deniers d'argent de Judas, à peine en sa possession, ilsdeviennent comme un fer rouge dans la main du traître, et lorsque sa consciencecrie, Satan lui répond ironiquement: "C'est ton affaire!"

Avant que la désobéissance à Dieu ne soit commise, Satan ou ses armées ontle talent de la représenter comme un délice envoûtant, mais sans gravité. Après,il dévoile un monstre horrible qui dévore, et il poursuit sans fin, par ses accusa-tions, celui qu'il a réussi à tromper. On ne trouvera que trop d'exemples et depreuves à l'appui de cette vérité, dans la vie de chacun.

La bible montre que Dieu éduque, mais qu'il ne condamne pas; il tue, mais ilfait aussi revenir à la vie; il frappe, mais il laisse aussi aller avec pitié; "car ce

1 1 Jn 5, 19.

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n'est pas volontiers qu'il humilie et qu'il afflige les fils des hommes".1 Après tou-tes les douleurs et les frayeurs de son éducation, on sent bientôt, à travers Jésus,le parfum de son merveilleux amour.

Lorsque Adam est jeté dans le malheur et la souffrance, Dieu l'appelle commeson berger, et lui rend le courage en lui annonçant qu'il ne l'abandonne pas. Iltend aussi sa main pour secourir Caïn. A quel point, Dieu révèle son c ur pater-nel dans la comparaison de l'enfant prodigue! Quel regard d'amour Jésus jette àPierre, qui vient de le renier! Comme il le fait rentrer en lui-même et le sauve dudésespoir! Chacun trouvera, dans son expérience personnelle, des exemples in-nombrables de la bonté de son père divin. Il ne l'abandonne pas, mais il le cher-che, le c ur débordant d'amour, pour qu'il ne périsse pas.

On voit aussi comment Dieu s'occupe de Jonas. Par la tromperie de la déso-béissance, il est tombé dans une angoisse et une détresse inexprimable, et si Dieun'avait eu pitié de lui, il aurait péri, en proie au désespoir. Toutefois, Dieu a re-cours aux moyens extrêmes; car, avant de pouvoir revenir dans sa présence, Jo-nas devait être profondément humilié. Obstiné, il s'était enfui devant Dieu, ilavait voulu se cacher de lui, c'est pourquoi il doit devenir le rebut du genre hu-main. Par la volonté de IHVH, il est précipité dans la mer. Ici aussi, Dieu ne veutpas la mort des êtres humains. Lorsque l'angoisse de la mort a saisi Jonas et queses liens l'ont enveloppé, Dieu vient à son secours. Ce secours est d'autant plusmagnifique, plus merveilleux, qu'il prend la forme d'un grand poisson.

"IHVH a prévu un grand poisson pour engloutir Jonas". Non pour le dévorer,mais pour lui fournir un refuge, un témoignage de la puissance de son Dieu, ungage de sa grâce et du laisser aller de ses fautes.

De la même manière, Dieu n'avait pas l'intention de faire immoler Isaac parAbraham. Ce que Dieu demandait d'Abraham c'était un sacrifice non pas exté-rieur, mais intérieur: la restitution volontaire de soi-même. Lorsque Abraham estprêt à accomplir la volonté de Dieu en immolant la sienne propre, Dieu arrêteson bras et repousse le sacrifice extérieur, car le sacrifice intérieur est accompli."Ne porte pas la main sur l'enfant et ne lui fais rien; car maintenant je sais que tues effrayé par Dieu, et que tu ne m'as pas refusé ton fils, ton unique."

Lorsque, dans le ventre du poisson, Jonas a reconnu qu'il était entièrement dé-pendant de l'amour de Dieu; lorsqu'il s'est entièrement restitué 2 lui-même et qu'ils'est considéré comme mort à son ancienne vie, c'est alors qu'il est délivré.

1 Lam 3, 33.2 Il s'est entièrement restitué tel qu'il se connaissait alors. Il y avait cependant encore des domaines de sa

personnalité qu'il ne voyait pas et qui allaient ressortir plus tard; ces domaines encore inconnu doivent euxaussi être éliminés. La suite le montrera.

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Les chemins de IHVH aboutissent à ce que tout enfant des hommes se restituetout entier à sa volonté qui n'est alors que liberté totale par l'amour. Quand ce butest atteint, Dieu peut montrer sa gloire. Persister à vouloir suivre sa propre vo-lonté, c'est la mort. La vraie vie ne se réalise que lorsque la nature de Jésus do-mine la nature d'Adam. Heureux sont ceux qui le savent et qui en font l'expé-rience!

2. En apparence perdu, mais non sans espoir.C'est peut-être bien un sentiment de cette nature que devait éprouver Jonas au

moment où il a été précipité dans la mer. En donnant lui-même le conseil de lejeter à la mer, Jonas soupçonnait-il qu'il serait délivré? La Bible raconte plusd'une fois que Dieu a voulu que ceux qui lui font confiance marchent sur deslions et des aspics, et foulent aux pieds des dragons. David et les prophètes ontéprouvé, de diverses manières, qu'il n'était pas inutile de crier vers IHVH dans ladétresse, et qu'il donnait des ordres miraculeux à ses messagers.1 Après Jonas, leslions sont encore devenus doux comme des agneaux devant la confiance enfan-tine de Daniel. Ses trois amis aussi ont traversé les flammes dévorantes, plusavides que toutes les bêtes féroces, et en sont sortis intacts.

Ces faits, et bien d'autres ne pouvaient servir de consolation à Jonas. Avecceux qui, dans tous les temps, ont connu véritablement le chemin de la vie, Jonassavait que les promesses de Dieu ne s'accomplissent que lorsque l'on marchedans ses chemins. Il savait que l'on ne saurait faire l'expérience de sa pitié avantd'avoir fait celle de sa souveraineté universelle; écrasé par sa condamnation qu'ilvient d'assumer, il se disait: "La mort est ma part!"

Cependant, s'il pouvait et devait désespérer de lui-même, il ne pouvait déses-pérer de Dieu, il ne pouvait s'en séparer! Ainsi, Job, dans sa souffrance la plusprofonde, s'écriait: "quand il me tuerait, j'espérerais encore en lui!" Esther aussidécidant de se rendre auprès du roi de Perse démarche qui, à vue humaine,pouvait la conduire tout droit au tombeau prononce, dans une remarquablepaix, ces simples paroles: "si je dois périr, je périrai!" Puis, elle part pour obéir àDieu. Elle sait qu'en accomplissant la volonté de Dieu, elle peut mourir, maisnon pas être confuse. Car quiconque fait confiance à Dieu ne sera pas confus.2

Il en est de même avec Jonas. Bien qu'il tombe sous l'épée de Dieu, c'est tou-jours à Dieu qu'il a recours, avec toute sa douleur et toute sa responsabilité. "Faisde moi ce que tu voudras; quoi que tu fasses, je suis à toi, rien ne me séparera detoi!" Vis-à-vis de Dieu cette insistance désespérée est la plus grande qualité. Pen-

1 Ps 91, 10-16.2 Rom 10, 11.

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ser à Jacob luttant avec le messager de IHVH. Où cette qualité habite, il y a aus-si, derrière la montagne semblant infranchissable, une voix douce et lointaine,qui parle de pitié et de délivrance.

Dans l'existence de tous les esclaves de Dieu, il y a de ces époques de lutte etde tempête; où tout tourbillonne comme un vent de sable au désert, dans unehorrible mêlée; où tout se confond; où Dieu, les gens, nos propres pensées serévoltent contre nous; où tout espoir s'évanouit; où nos confiances les plus soli-des paraissent ébranlées. Dans ces moments-là, comme pour Jonas, tout nousprécipite dans la mer: Dieu, nos propres erreurs et les gens. Que ferons-nous?Sois ferme, t'en tenant, malgré tout, aux faits inébranlables: "Je suis avec toi, rienne me séparera de toi! J'ai confiance en toi, mon Dieu! Même si tu me repousses.Je t'appartiens, alors même qu'il semble que tu ne veuilles plus être mon Dieu.Mon Dieu, vers toi mon dernier souffle, mon dernier soupir, mon dernier re-gard!" Peu à peu la lumière se fera de nouveau, plus éclatante et plus pure. Mêmesi je ne sens rien, tu me conduis au but à travers la nuit.

17. La clef de la Bible."IHVH a prévu un grand poisson pour engloutir Jonas, et Jonas a été dans

le ventre du poisson trois jours et trois nuits.Jonas, dans le ventre du poisson, a parlé à IHVH, son Dieu. Il a dit: dans

ma détresse, j'ai appelé au secours IHVH, et il m'a exaucé; du sein du séjourdes morts j'ai crié, et tu as entendu ma voix. Tu m'as jeté dans l'abîme, dans le

ur de la mer, et les courants d'eaux m'ont environné; toutes tes vagues ettous tes flots ont passé sur moi. Je disais: je suis chassé loin de ton regard!Cependant, je verrai encore le temple de ta sainteté. Les eaux m'ont couvertjusqu'à m'ôter la vie; l'abîme m'a enveloppé; les roseaux ont entouré ma tête.J'étais descendu jusqu'aux racines des montagnes, les barres de la terre m'en-fermaient pour toujours; mais tu m'as fait remonter vivant de la fosse, IHVH,mon Dieu! Quand ma personne était abattue au-dedans de moi, je me suissouvenu de IHVH, et ma supplication est parvenue jusqu'à toi, dans la de-meure de ta sainteté! Ceux qui s'attachent à de vaines idoles éloignent d'eux lamiséricorde. Pour moi, je t'offrirai des sacrifices avec un cri de remerciement,j'accomplirai les v ux que j'ai faits. La délivrance vient de IHVH.

IHVH a parlé au poisson, et le poisson a vomi Jonas sur le rivage." (Chapi-tre 2.)

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1. Un même souffle.La première condition pour comprendre ce que Dieu dit, c'est d'y être disposé,

c'est être animé par le souffle avec lequel les livres de la Bible ont été écrits."L'homme personnel ne comprend pas les choses concernant le souffle de Dieu,car elles lui semblent une folie et il ne peut les connaître."

L'homme personnel, c'est l'homme tel qu'il est depuis sa naissance physique.Il se croit indépendant de Dieu. Toutes ses pensées, tous ses désirs, toutes sescraintes et tous ses espoirs ne se rapportent alors qu'à lui-même. Ce n'est pasChrist qui vit en lui mais c'est encore Adam.1

Or, la Bible est inspirée par le souffle de IHVH qui est dans les "lieux céles-tes" ou univers immatériel. Comment ce qui est encore personnel, égoïste com-prendrait-il et jugerait-il ce qui est céleste? Impossible!

La première condition pour juger un travail quelconque n'est-elle pas d'enavoir la connaissance? Dans des sphères plus élevées cette connaissance s'ap-pelle sympathie, harmonie des personnes, accord, union des pensées, affinité

Un cordonnier parfait, par exemple, se rendrait ridicule en voulant donner desconseils sur une meilleure exploitation de ses champs au paysan expérimenté quilui fournit son lait et son beurre. On lui répondrait avec raison: "Cordonnier,reste à tes semelles; ce sont des choses auxquelles tu n'entends rien!"

Dans un autre domaine, un homme peut être un savant distingué, mathémati-cien, chimiste, philologue, historien, et être absolument incapable d'apprécier unesonate de Beethoven, une poésie de Victor Hugo ou un tableau de Raphaël. S'iln'a pas le sentiment artistique, les créations de tous les musiciens, de tous lespoètes et de tous les artistes, sont, pour lui, lettre morte. Il a beau être instruit, iln'a pas le goût de cela, il ne possède pas ce qu'il faut pour en pénétrer l'essence.Dans ce cas, s'il se permet un jugement, il se rendra ridicule, et les gens du mé-tier ne se donneront même pas la peine de le réfuter.

Or, si tout ce qui concerne la vie terrestre de l'être humain exige pour êtrecompris un sens intérieur spécial, cette condition n'est-elle pas encore plus indis-pensable lorsqu'il s'agit de la compréhension des choses célestes, immatérielles,spirituelles? Inutile de discuter là-dessus. Pour comprendre l'univers immatérielil faut avoir un sens, un organe propre à cela, un souffle exercé. Pour entendre ceque Dieu dit, il faut être animé par le souffle de Dieu. Pour saisir et juger ce queles auteurs de la Bible ont raconté de leurs frayeurs et de leurs espérances, deleurs expériences intérieures et extérieures, il faut être animé du même soufflequ'eux.

1 Voir Gal 2, 20.

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Je ne m'effraie donc pas; car les grands hommes actuels ne sont pas qualifiéspour juger la Bible, du seul fait qu'ils sont poètes, philosophes, chimistes, doc-teurs, acteurs célèbres ou mêmes représentants accrédités du christianisme,comme les membres du clergé, les pasteurs ou les autres dirigeants de diversorganismes religieux. Je ne dois pas me laisser troubler, alors même que tous ceshommes se seraient moqués de la Bible ou ne l'auraient pas comprise; c'est quecet organe propre à cela leur fait défaut; ce sens nécessaire pour la comprendren'est pas exercé. Je veux donc chercher maintenant en quoi cela consiste.

2. "Non sans larmes".Un ami de la Bible a dit de l'Apocalypse: "Non sans larme écrite, non sans

larme comprise." 1 Pensée profonde et qui s'applique non seulement à l'Apoca-lypse, mais à tous les livres de la Bible. Celui qui n'a pas lutté en pleurant lacomprendra difficilement. La vraie lumière de la Bible ne brille que dans l'obscu-rité; on en a un exemple dans la parole que Jonas adresse à Dieu (chapitre 2).Lorsque la mer l'a environné, et que le poisson l'a englouti, il adresse à Dieu desparoles composées presque entièrement de passages de la Bible. Si l'on se donnela peine de les rechercher, on s'en convaincra facilement en comparant, parexemple, le verset 3 avec le Psaume 120, 1 / 130, 1 / 116, 1 / 69, 1;

le verset 4, avec le Psaume 42, 8;le verset 7 avec le Psaume 116, 8;le verset 10 avec le Psaume 116, 17-18.En israélite pieux et instruit, c'est depuis son enfance que Jonas connaît les pa-

roles du psalmiste, dont il se sert ici. Mais c'est lorsqu'il est plongé dans la plusprofonde détresse, lorsqu'il fait, comme jamais auparavant, l'expérience de lasainteté, de la justice, ainsi que de la puissance miraculeuse de Dieu; c'est alorsseulement qu'il en saisit véritablement le sens, et que la lumière de la parole deDieu brille en lui dans tout son éclat; c'est alors seulement que contemplant levisage de Dieu, il devient rayonnant de joie et rempli de la force et de la victoirede Dieu. Quelle en est la raison? C'est qu'un livre écrit avec des larmes ne peutêtre compris sans larmes. La clef de la Bible, ce sont les larmes amères de lamort. Et cette clef ouvre la porte aux larmes de joie et d'amour. Jonas peut doré-navant sympathiser, c'est-à-dire être en accord vivant ou expérimental avec ceshommes de Dieu, qui ont été choisis pour transmettre ses révélations.

Moïse est le premier des écrivains de la Bible. Quelle force traverse sa vie!Même au service de IHVH, il n'a pas vu beaucoup de jours de fête au sens où les

1 Voir Apoc 5, 4-5.

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hommes l'entendent. Au milieu des combats, des humiliations et des tests de savie agitée, il n'a eu d'autre guide que la lumière d'en haut. Il n'a eu aucun autresecours, aucune autre consolation, aucune autre joie que celle de pouvoir dire:"Seigneur, tu es mon refuge d'âge en âge"; jusqu'au jour où Dieu lui-même aenterré son corps pour lui en donner un autre d'où il peut contempler tout l'ou-vrage immense et grandiose de Dieu à travers les millénaires.

Jean, le dernier des écrivains de la Bible, où a-t-il composé ses écrits? Sur lerocher aride de Patmos, entouré de la mer, exilé, bafoué comme le rebut de lasociété. C'est lorsqu'il est abandonné de toute créature, que les portes de l'éternités'ouvrent à ses yeux baignés des larmes de joie et d'amour pour Dieu. C'est làqu'il voit des choses qui paraissent ridicules à ceux dont les pensées, les désirs etles espérances s'agitent dans la poussière éblouissante de ce monde.

Il en est de même pour tous les auteurs de la Bible. On peut rappeler en pas-sant la vie de Job, de David, de Jérémie, d'Ézéchiel, de Daniel, d'Esdras, de Né-hémie et la vie de Paul.

La Bible a été écrite par des hommes éprouvés, qui l'ont arrosée de leurs lar-mes, et qui ont été étrangers et voyageurs sur la terre. Pour bien comprendre laBible, il est nécessaire de la lire avec des dispositions de c ur identiques à celleavec lesquelles elle a été écrite. Tous les organismes chrétiens prétendent que laBible est pour eux la source de la connaissance, la règle et le fondement de leurconfiance. Cependant, la vraie source vive ne jaillit que pour les personnes quiont faim et soif de vérité.

Je ne parle pas des souffrances exceptionnelles distribuées très diversement,même aux chrétiens les plus fidèles. Je parle de la souffrance intérieure, de ladétresse occasionnée par de désir intense de s'approcher de Dieu, par les larmesversées à cause du désespoir d'avoir offensé l'amour de Dieu. Pour tous ces gens,ce n'était ni les persécutions, ni les tortures infligées par les hommes, qui leurcausaient la douleur la plus poignante, encore moins la pauvreté, la maladie oul'exil. Non, ce qui leur arrachait des larmes, c'était la souffrance de ne pas êtreplus près de Dieu, en accord plus parfait avec lui.

Pour s'en convaincre, il faut écouter la plainte de David dans le Psaume 51.Cependant, pour la comprendre, il faut avoir souhaité ardemment un c ur pur,un souffle nouveau; il faut avoir aspiré au laisser aller de ses erreurs, à la guéri-son de tous ses défauts de toutes les forces de sa personne. Il faut désirer être unvrai disciple de Dieu à l'exclusion de tout autre désir, de tout autre espoir; en unmot il faut désirer ressembler à Jésus. Tout vrai chrétien vivant dans la victoirefera plus d'une fois l'expérience que c'est la lutte ordinaire pour l'existence detous les jours qui lui apprend à sonder l'Écriture. Alors seulement le sceau des

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Écritures sera enlevé, et cette Bible obscure deviendra lumineuse! Bientôt il sesentira en sympathie intime avec ses auteurs. Soudain, des centaines de versetsobscurs brilleront dans toute leur clarté merveilleuse, pareils à des diamants, sanséclat dans l'ombre, mais qui scintillent avec une magnificence inattendue lors-qu'on les expose au soleil! Il commencera à lire entre les lignes; ce qui lui parais-sait décousu, il le trouvera lié harmonieusement; beaucoup de récits surprenantsmême absurdes au premier abord et certaines images deviendront peu à peu desvérités profondes, des réalités célestes, pleines de consolation, de lumière et depaix.

De même que les hommes qui ont fait de la vie dans ce monde leur tout necomprennent rien à la Bible, qu'ils soient savants, philosophes, chrétiens, pas-teurs ou professeurs de théologie. De même, on rencontrera un merveilleux ac-cord entre ceux qui vivent pour l'éternité. Ils sont sortis des larmes de la mortpour être inondés de celles de la vie, de la joie et de la victoire, et cela dans tousles siècles. Peu importe leur nationalité, leur langue, leur couleur, le degré deleur éducation, leur âge ou leur position. Tous ces derniers ont trouvé dans laBible ce qui leur était essentiel: leur consolateur éternel, c'est-à-dire Dieu lui-même et son amour.

La parole de Dieu a donc besoin d'une certaine disposition de la personnepour agir avec toute sa puissance. Il faut en avoir reçu la clef que Dieu lui-mêmeremet personnellement à tout être humain que la soif de vérité et de justice aplongé dans les larmes de la mort. Ces larmes de mort se transforment alors enlarmes de joie, d'amour et de victoire.

18. Victoire dans la détresse."IHVH a prévu un grand poisson pour engloutir Jonas, et Jonas a été dans

le ventre du poisson trois jours et trois nuits.Jonas, dans le ventre du poisson, a parlé à IHVH, son Dieu. Il a dit: dans

ma détresse, j'ai appelé au secours IHVH, et il m'a exaucé; du sein du séjourdes morts j'ai crié, et tu as entendu ma voix. Tu m'as jeté dans l'abîme, dans le

ur de la mer, et les courants d'eaux m'ont environné; toutes tes vagues ettous tes flots ont passé sur moi. Je disais: je suis chassé loin de ton regard!Cependant, je verrai encore le temple de ta sainteté. Les eaux m'ont couvertjusqu'à m'ôter la vie; l'abîme m'a enveloppé; les roseaux ont entouré ma tête.J'étais descendu jusqu'aux racines des montagnes, les barres de la terre m'en-fermaient pour toujours; mais tu m'as fait remonter vivant de la fosse, IHVH,

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mon Dieu! Quand ma personne était abattue au-dedans de moi, je me suissouvenu de IHVH, et ma supplication est parvenue jusqu'à toi, dans la de-meure de ta sainteté! Ceux qui s'attachent à de vaines idoles éloignent d'eux lamiséricorde. Pour moi, je t'offrirai des sacrifices avec un cri de remerciement,j'accomplirai les v ux que j'ai faits: la délivrance vient de IHVH.

IHVH a parlé au poisson, et le poisson a vomi Jonas sur le rivage." (Chapi-tre 2.)

1. J'ai crié et il a entenduCeux qui ne renferment pas leurs soupirs en eux-mêmes ou dans le cercle des

créatures, mais qui les adressent à Dieu reconnaîtront que: "Ceux qui sèmentavec larmes moissonneront avec chants de triomphe". Si mes larmes sont vraies,j'en ferai l'expérience. Par une déclaration humble et sincère, Jonas en a fait aussil'expérience après s'être débarrassé de son refus d'accepter la volonté de Dieu.Un remerciement s'élève alors de son c ur, car il est de nouveau en présence deson Dieu.

Le prophète est dans une position affreuse, jamais aucun homme n'en a connude semblable! Précipité dans la mer, un grand poisson l'engloutit. Humainementparlant, cette position est désespérée. Comment la délivrance serait-elle possible?Comment sortir du grand poisson? Comment sortir des abîmes de la mer?

Jonas ne se rend pas compte de la manière dont il est arrivé là; il est peu pro-bable qu'il en ait eu une idée nette, soit en étant précipité dans l'abîme, soit aprèsce qui a suivi immédiatement. Pourtant il est capable de remercier son Dieu. Il sesent vivant, en bon état, après s'être vu en face d'une mort certaine.

Dieu a commencé à lui venir en aide. Cela lui suffit. Il sait que son Dieu nes'arrêtera pas à mi-chemin. Il en est de même pour moi. Lorsque Dieu se mani-feste par un signe quelconque dans les jours de profonde détresse, c'est qu'ilpense encore à moi, je le sais, je ne désespère donc pas. Il dirige tout pour mavictoire, pourvu que je sache prendre la bonne position envers lui.

Ainsi, lorsque je m'aperçois que Dieu commence à m'ouvrir les yeux sur saparole; lorsque je sens qu'il m'a fourni l'occasion d'une première victoire, jepousse des cris d'allégresse; car, je le sais, Dieu n'abandonnera pas son ouvrage,pourvu que je saisisse fermement sa main. Mais je laisse parler Jonas (verset 3):"Dans ma détresse, j'ai appelé IHVH au secours et il m'a répondu; du sein duséjour des morts j'ai crié, et tu as entendu ma voix".

Qui est ce "je", qui crie vers IHVH? C'est celui qui s'enfuyait devant Dieudans son obstination, celui qui disait dans son orgueil: "Plutôt mourir que faire lavolonté de Dieu!" C'est le même qui a été poursuivi par la justice de Dieu jus-qu'au moment où il s'est avoué vaincu et a remercié Dieu. C'est du "sein du sé-

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jour des morts", se croyant abandonné de Dieu et des hommes, qu'il crie à IHVHdans sa douleur. Jonas n'osait plus se compter parmi les vivants. Pourtant iladresse ses paroles à Dieu. Et Dieu entend, Dieu lui répond. Jonas s'en aperçoit,avant même d'être délivré. Les méfiants souriront peut-être. Il n'en est pas moinsvrai que même sous le coup des corrections de Dieu on peut faire l'expérience desa puissance et de sa pitié.

On parle beaucoup de miracles, et l'on discute sur la possibilité que les mortsse réveillent, que les boiteux marchent, que les aveugles voient, que les démonssoient expulsés, que la mer se soit apaisée par Jésus. On s'étonne surtout du mi-racle de Jonas englouti vivant par un poisson, resté vivant dans un poisson etrejeté encore vivant par ce poisson. Ce miracle est grand; cependant, pour celuiqui sait combien l'erreur ou la faute est grave, l'histoire de Jonas renferme unmiracle plus grand encore: celui du vrai Dieu, dont l'amour écoute et répond à lavoix suppliante d'un homme révolté contre lui. A peine cette voix est-elle parve-nue à son oreille, qu'il y répond avec amour: "Je suis celui qui laisse aller desfautes! Je t'ai abandonné un instant, mais je te recueille, oui, à cause de monamour éternel, j'ai pitié de toi et je jette toutes tes erreurs ou fautes au fond de lamer." Merveilleuse expérience! Tous ceux qui haïssent l'erreur et qui veulentsaisir la main de Dieu peuvent la faire à leur tour. Jamais cette main n'a repousséun être humain, pas même le plus bas tombé.1 Même un Judas n'aurait pas trouvéporte close, s'il s'était adressé à Jésus au lieu de s'adresser aux pharisiens.

2. Je pensais que j'étais rejeté.Ce Dieu qui a pitié n'est pas un Dieu faible, il est saint et juste, et il doit me

poursuivre de ses jugements, jusqu'à ce que j'aie reconnu toute la malédiction etla gravité de mes erreurs. C'est aussi l'expérience que Jonas doit faire et qu'ilexprime dans sa conversation avec Dieu: "Tu m'as jeté dans l'abîme, dans le

ur de la mer, et les courants d'eaux m'ont environné; toutes tes vagues et toustes flots ont passé sur moi. Je disais: je suis chassé loin de ton regard! Cependant,je verrai encore le temple de ta sainteté. Les eaux m'ont couvert jusqu'à m'ôter lavie; l'abîme m'a enveloppé; les roseaux ont entouré ma tête. J'étais descendu jus-qu'aux racines des montagnes, les barres de la terre m'enfermaient pour toujours;mais tu m'as fait remonter vivant de la fosse, IHVH, mon Dieu! Quand ma per-sonne était abattue au-dedans de moi, je me suis souvenu de IHVH, et ma sup-plication est parvenue jusqu'à toi, dans la demeure de ta sainteté!" (v. 4-8.)

1 Jn 6, 37.

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Tant que l'être humain s'ignore lui-même et ne connaît pas Dieu, il trouve toutsimple que Dieu ne lui témoigne que de la bienveillance. "Dieu est amour!" dittout bonnement l'homme naturel; "Dieu est amour!" Là-dessus il s'imagineconnaître Dieu. Qu'il en est loin! Il croit que Dieu aime beaucoup trop les hom-mes pour les punir. Il chante: "Là-haut, dans le ciel étoilé, demeure un bon Père."Cette confiance en un Dieu faible qui ne sait pas châtier qui ferme l' il sur toutest une moquerie qui ne soutient pas l'examen.

Viennent des jours de peine, où on ne comprend pas les chemins et l'éducationde Dieu, et où le "Bon Dieu dans le ciel étoilé" intervient tout à coup avec unemain de fer, dans l'existence d'un de ces croyants légers, et tout s'écroule. Cechrétien si confiant est tout saisi! Qu'est-ce qui m'arrive? Comment cela se fait-il? Soudain, toute sa vie chrétienne s'envole; sa belle confiance en Dieu se trans-forme en méfiance et il s'écrie alors: "S'il y avait un Dieu, cela ne me serait pasarrivé!"

Un homme, dont la jeune femme était morte subitement, a répondu: "Jamaisje ne pardonnerai à Dieu de m'avoir fait cela!" Bien des gens pensent de même.

Jonas comprenait mieux les choses. Il se connaissait lui-même et il connais-sait Dieu. C'est pourquoi il s'explique le châtiment qui le frappe, tandis que lamiséricorde de Dieu est un miracle pour lui. Il se croyait rejeté par IHVH, etpour un homme qui sait qu'en Dieu seul est la lumière, la vie et la joie, c'est lesuprême malheur. Aussi désespérait-il de lui. Cette défiance de soi-même est unechose efficace par excellence; c'est aussi la première étape de tous les chemins deDieu. C'est quand j'en suis arrivé là, mais c'est alors seulement que ma confianceenfantine et joyeuse en Dieu mon père divin a commencé à s'épanouir.

"Lorsque ma personne était abattue au-dedans de moi, je me suis souvenu deIHVH, et ma supplication est parvenue jusqu'à toi, dans la demeure de ta sainte-té". Ce n'est que lorsqu'il a été dans le séjour des morts que sa soif et sa supplica-tion ont pu parvenir à Dieu, "dans la demeure de ta sainteté". C'est alors seule-ment qu'elles ont eu la puissance d'attirer le c ur de Dieu. Et bientôt, depuis lesprofondeurs de l'abîme, on a entendu ces paroles. "Tu m'as fait remonter vivantde la fosse; IHVH, mon Dieu!" (Verset 7.)

3. Choses de néant.Les préoccupations habituelles de la vie journalière ne paraissent que vanités

à l'humain qui a jeté l'ancre en Dieu. Ceux qui s'attachent à des vanités trompeu-ses abandonnent celui qui leur fait miséricorde. (Verset 9.) Le prophète, revenudans la pensée de Dieu, contemple le néant, la folie et le vide des désirs et desactions habituelles des gens. Au lieu de regarder à Dieu, duquel découle tout donparfait; au lieu de regarder au seul bienfaiteur, dans le sens complet du mot qui

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est la source unique de toute paix, de tout bien-être éternel; au lieu de s'attacher àlui et d'attendre tout de lui, les gens lui tournent le dos et se donnent aux "chosesde néant". C'est humiliant, mais, il faut l'avouer, contemplé à la lumière de l'éter-nité, l'être humain ne s'agite qu'autour de vaines frivolités.

Tant qu'il n'a pas jeté l'ancre en Dieu, l'être humain est absorbé par son exis-tence terrestre sans valeur; il est absorbé par la créature qui, pareille à la fleur deschamps, est aujourd'hui et ne sera plus demain. La pensée d'une jouissance oud'un gain: une toilette, un ruban, une distinction quelconque, l'opinion du voisin,tel usage, telle habitude ou telle mode changeante, le souvenir d'une offense lé-gère ou une récompense inespérée, voilà autant de choses vaines qui dominent sapersonne.

En dépit de leur vanité, ces choses prennent généralement assez d'importancepour faire reléguer le grand Dieu dans l'ombre. Il ne reste pas de temps pour lui.Dans l'éternité, sur son lit de mort déjà, l'être humain reconnaît qu'il a voué sa vieà des choses de néant. "Malheur à moi, dit-il, tout ce que j'ai poursuivi avec tantd'ardeur s'évanouit à mes yeux!"

Je ne veux pas écouter en vain la voix de Dieu qui crie: "Mon fils, donne-moiton c ur" (= ton amour). J'obéis à cette voix, et ce qui est terrestre n'est pluspour moi une "vanité trompeuse", mais devient un gage de l'amour et de la bontéde Dieu, qui m'a donné tout cela avec Jésus. Alors je ne me perds plus dans lesvanités, et je peux répéter cette parole: "Toutes ces choses sont à moi, et moi àDieu!"

Cependant, il faut que j'appartienne à Dieu, avant de pouvoir me servir de sespromesses, toutes déjà accomplies, sans nuire à ma personne.

Jonas résume finalement toutes ses impressions et toutes ses expériences dansces mots: "La délivrance vient de IHVH." L'homme qui voulait se confier en lui-même n'a trouvé qu'en IHVH le rocher où son ancre s'est solidement fixée pourl'éternité. Il sait maintenant ce qu'il trouve en son Dieu: la délivrance complètede tout et pour toujours.

Comme Jonas, je résume aussi toutes mes connaissances et toutes mes pen-sées sur Dieu en ces mots qui disent tout: "Il est mon libérateur et ma victoire!"Pour être délivré et vainqueur, il faut avoir soif de Dieu. Heureux, ceux qui ontsoif, car ils se désaltéreront!

Lorsque IHVH est devenu la forteresse d'un de ces assoiffés désaltérés qui l'aenfin connu dans son amour puissant et glorieux, qu'importe si sa route est en-core souvent difficile, déserte et sombre. Le but est certain: "La délivrance vientde IHVH!"

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19. Le signe de Jonas et les signes et prodiges."IHVH a prévu un grand poisson pour engloutir Jonas, et Jonas a été dans

le ventre du poisson trois jours et trois nuits. (2, 1.)IHVH a parlé au poisson, et le poisson a vomi Jonas sur le rivage." (2, 11.)

1. Eclaircissements.L'Évangile ne demeure qu'avec les signes et les prodiges; sans eux, il tombe.

Non seulement Jésus a fait beaucoup de signes et de prodiges, mais, tel que lesquatre évangélistes le présentent, le personnage même de Jésus est lui-même leplus grand des prodiges. La création du monde par la parole de Dieu ne le sur-passe pas.

Pour tous ceux qui possèdent la révélation de Jésus, il est impossible de s'en-tendre avec les gens qui, dès l'abord, haussent les épaules à la seule mention d'unprodige, et qui tranchent cavalièrement la question en quatre mots. Quelqu'undisait: "Je ne peux arriver à me représenter un Dieu faisant des prodiges!" Alorsque celui qui possède la révélation de Christ ne peut se figurer un Dieu qui n'enferait pas. La conclusion est simple: ils n'ont pas le même dieu; que chacun s'entienne au sien et fasse l'expérience de son pouvoir! 1

Il est impossible de discuter là-dessus; la dispute n'engendre que des malen-tendus; chacun considère son adversaire comme un insensé, sans arriver à aucunbon résultat. Ce qui suit n'est donc écrit que pour ceux qui connaissent le vraiDieu ou qui désirent le connaître, s'ils n'y sont pas encore parvenus.

L'histoire, relatée dans le second chapitre de Jonas, est un signe et un prodigeénorme qui n'a pas son pareil. Ce livre de Jonas est un vrai tissu de prodiges!C'est d'abord la mer qui devient furieuse, parce que le prophète fugitif se trouvesur le navire de Tarsis. C'est ensuite le prophète découvert par le sort, puis la merqui s'apaise aussitôt qu'il y a été précipité. Le comble, c'est Jonas englouti par ungrand poisson dans le ventre duquel il reste vivant, respire, pense et supplieDieu; puis, au bout de trois jours, il est rejeté sur le rivage intact. Tout cela estformidable.

Les gens qui ne connaissent que ce monde tournent ce récit en ridicule. Quandils veulent prouver que la Bible est un "recueil de fables", vite ils font défiler"l'ânesse de Balaam" et "la baleine 2 de Jonas", et tout est dit. Oui, pour eux,

1 Penser à Elie et aux prophètes de Baal. 1 Rs 18.2 Les textes de la Bible, aussi bien dans l'Ancien que dans le Nouveau Testament, ne parlent pas de ba-

leine, mais de grand poisson.

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cette fameuse "baleine" suffit à elle seule pour que tout le livre de Jonas soit unlivre niais, indigne d'une étude sérieuse.

2. La réalité des récits de la Bible.Chaque mot de la Bible (dans ses langues d'origine) est inspiré par Dieu, donc

sûr, véritable et digne de confiance. La Bible n'est pas Dieu, mais elle contientles témoignages sur Dieu et sur son règne dans le monde. Le Maître dit bien"qu'il ne passera pas un seul iota de la loi".

Cependant, plutôt que la lettre qui tue, Jésus lui-même demande: "M'aimes-tu? Veux-tu me suivre? Me fais-tu confiance? Te fies-tu à moi? Veux-tu me ser-vir et perdre ta personne à cause de moi, pour la retrouver? Veux-tu te prendre endégoût toi-même et renier le monde?" Etc..

C'est par l'éducation que donne Dieu et par son amour qu'on apprend à bienfaire confiance à la Bible; ce n'est pas sur les bancs de l'école ni d'une église, nid'une salle de réunion chrétienne. Alors même qu'on est allé vers Jésus, on nedevient pas un disciple accompli tout d'un coup. Certains c urs bien disposéspeuvent ne pas encore faire une entière confiance à toute la Bible. Il faut donc segarder d'ériger la lettre qui tue en barrière entre les c urs sincères qui le cher-chent et Dieu qui leur tend les mains.

L'éducation de Dieu contient un dépouillement plus ou moins progressif de ceque l'on a appris sur les bancs de l'école et dans un organisme religieux. D'unautre côté il ne faudrait pas que quelqu'un s'imagine que tout va bien par le seulfait que ce récit ne soulève aucune objection pour lui.

En revanche, il faut repousser les "chrétiens" qui veulent démontrer, mêmeavec la meilleure intention du monde, que Jonas n'a pas raconté un fait véritable,mais qu'il a parlé au figuré. Dans ce récit, il n'y a pas plus trace d'un langage fi-guré que dans celui du meurtre d'Abel, par exemple. Dans tous les cas, il faudraitsupposer ou que tout le récit (sans en exclure la proclamation à Ninive) est uneallégorie ou il faut reconnaître que ce récit tout entier est un fait véritable; cartous les événements qui entourent ce prodige y tendent ouvertement. LorsqueJonas est précipité du navire au milieu de la mer, où se serait-il réfugié, sinondans le poisson, puisqu'il ne s'est pas noyé? On serait toujours en présence de cefait prodigieux entre tous que Jonas est resté vivant trois jours et trois nuits dansle ventre du poisson. Bref, ce récit est on ne peut plus étonnant.

Il y a aussi un grand nombre de disciples de Jésus, que non seulement ce récitne scandalise pas, mais qui, du moment où l'on sait que Dieu fait des prodiges, sedemandent pourquoi ce prodige-là devrait être impossible. Parmi ceux qui rai-sonnent ainsi, il y a certainement des c urs humbles, simples et aimant Dieu,

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mais qui, dans les cas difficiles, comme celui de Jonas, ne sont pas aptes à veniren aide aux sceptiques sincères.

Dans tous les cas, ces lignes seraient un bienfait si elles pouvaient encouragerdes disciples encore hésitants à réfléchir sur ces sujets-là; puis à reconnaître quece récit est bien aussi véridique que beaucoup d'autres qui ne soulèvent aucundoute.

Ce qui est certain et de la plus grande importance pour tous ceux qui connais-sent et qui aiment Dieu, c'est que Jésus a toujours considéré ce récit comme unfait véritable; ses déclarations le montrent. Non seulement il en parle d'une ma-nière spéciale, mais il prend le séjour de Jonas dans le ventre du grand poissoncomme annonçant son propre séjour dans les entrailles de la terre. "Car, commeJonas a été trois jours et trois nuits dans le ventre d'un grand poisson, ainsi le Filsde l'homme sera trois jours et trois nuits dans le sein de la terre." 1 Ces parolesdoivent éveiller l'attention des vrais disciples de Jésus et les empêcher de jugerde cela à la légère.

Je me demande s'il est si extraordinaire de croire que Dieu fait des prodiges.Car il ressort de son essence même et de ses rapports avec les êtres humains queDieu doit faire des prodiges. Si on arrive à cette conclusion, la question du pro-dige de Jonas sera facile à résoudre.

3. Un dieu sans signe, sans risque et sans prodige ne serait pas le vrai Dieu.Le signe de Jonas conduit à ces grandes questions:Dieu fait-il des signes et des prodiges?Pour ma vie chrétienne est-il indifférent ou nécessaire que je reconnaisse que

Dieu fait des signes et des prodiges?Questions bien superflues; car si je n'ai pas un Dieu qui fait des prodiges, je

n'ai pas un Dieu vivant, et si je n'ai pas un Dieu vivant qui puisse communiqueravec les êtres humains, je n'ai pas de Dieu du tout. Il est donc évident, que laquestion des signes et des prodiges n'est pas "secondaire", mais qu'elle touche au

ur même de la vie de disciple.Celui qui aurait dépouillé sa vie de disciple de tout ce qui surpasse la raison,

celui-là n'en aurait plus. Au fond, ce sont toujours les mêmes flèches qu'on déco-che contre les signes et les prodiges, comme: "C'est un contresens! A quoi bon?On ne les comprend pas! Il n'y en a plus!"

Quant à cette dernière phrase, elle reste à prouver. Car les gens raisonnablesne sont pas tous prêts à déclarer qu'aujourd'hui il n'y en a plus, soit dans le règnede Dieu, soit dans la vie particulière des chrétiens. Bien des manifestations de

1 Mat 12, 40.

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l'intervention de Dieu qui surpassent la raison humaine et dépassent de beaucoupl'horizon de la vie journalière le prouvent. Ceux qui savent ce qu'est une vie deconversation avec Dieu n'ont pas besoin là-dessus de longues démonstrations;ceux qui n'en savent encore rien n'ont pas l' il ouvert sur les actions de Dieu.

Quel prodige plus grand que celui de la vraie bonne nouvelle de Jésus mépri-sée, déformée et haïe, qui est insoutenable sans prodige, et dont la substancemême, Jésus, Fils de Dieu et fils de l'homme, est le prodige des prodiges! Quelprodige plus grand que cette vraie bonne nouvelle qui, semblant privé de pouvoirpour la raison humaine, a cependant triomphé de toutes les puissances de la terre!Il a endigué le déferlement du mal sur elle, et s'est maintenu victorieux pendantprès de vingt siècles! Voilà un prodige qu'on ne peut nier; tout homme impartialle reconnaîtra.

Le monde dans lequel on vit, miroir immense d'une puissance et d'une sagessequi surpassent toute intelligence et toute pensée humaine, n'est-il pas un prodigeincompréhensible?

4. L'image de Dieu dans l'homme exige le prodige.Si Dieu n'avait créé que des êtres irresponsables, avec lesquels il ne puisse et

ne veuille avoir aucun rapport, l'univers pourrait marcher comme une mécaniqued'après des lois immuables. S'il n'y avait aucune alliance entre Dieu et les gens,aucune relation vivante, basée sur la réciprocité, il n'y aurait évidemment nulbesoin d'éducation. Si l'on est un être humain, puis un disciple du Dieu vivant,créé pour être en relation avec lui; si l'être humain est un être libre et non unemachine régie par certaines lois et ne pouvant agir en dehors de ces lois; alors onsait aussi que Dieu ne reste pas indifférent à ce qui agite ses créatures. Il ne sau-rait garder le silence vis-à-vis d'elles; il doit leur parler. Il ne saurait fermer sonoreille à leurs soupirs, à leurs larmes, à leurs remerciements; il doit leur répon-dre. Il ne saurait agir de la même façon envers celui qui le frappe au visage etenvers celui qui revient en pleurant de l'exil pour retrouver son Père. Dieu doit sejustifier aussi bien par ses jugements que par ses témoignages d'amour. Tant quel'homme est à l'école, le Dieu vivant et saint ne restera pas indifférent. Dieu doitse manifester aux hommes, sinon on n'est plus en relation avec lui. Il faut qu'ilparle; il faut qu'il réponde par la parole et par l'action. Il faut, si l'on peut s'ex-primer ainsi, qu'il règle sa conduite sur celle des êtres humains ou il n'est ni leSaint, ni le Vivant, ni le Souverain.

Si Dieu ne prend plus garde aux larmes d'un enfant prodigue, aux supplica-tions d'une veuve et d'un orphelin, bientôt le regret d'une existence où il est ab-sent et la conversation avec lui ne sera plus qu'une illusion. Lorsqu'il ne pourra

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plus faire confiance à Dieu qu'il est vivant, l'être humain disparaîtra dans l'auto-matisme.

Il est donc évident que non seulement Dieu peut parler aux hommes, maisqu'il doit leur parler; non seulement il peut leur répondre, mais il le doit, sinon iln'est pas ce qu'il déclare être, ni ce que réclament les personnes assoiffées de vieéternelle.

Dieu doit répondre aux demandes, sinon il ne serait plus Dieu, mais un tyran;il se moquerait de ses propres créatures, puisqu'il a mis dans leur c ur le besoinde l'appeler à leur secours et la certitude d'être entendues. Dieu doit faire desprodiges, c'est-à-dire agir d'une manière extraordinaire, sans quoi on ne pourraitni être effrayé par lui, ni l'aimer, et bientôt il deviendrait indifférent. Dès que l'onadmet qu'il est normal pour Dieu d'agir sur les choses extérieures en dehors ducours habituel de la nature visible, et que cela va absolument de soi; dès que l'onest convaincu que ce qu'on appelle prodige est un acte de Dieu très raisonnable,et même naturel; on ne peut plus dire "ceci est possible à Dieu et cela lui est im-possible, il peut aller jusque-là, mais pas plus loin." Comment, simple créaturehumaine que je suis, puis-je limiter Dieu et dire à la puissance, à la sagesse et àl'amour éternel: "tu es capable de ceci, mais ton pouvoir ne va pas plus loin"?C'est comme si un petit garçon de neuf ans, gardant les moutons, voulait se livrerà des jugements sur les faits et gestes d'un savant. Les suppositions du petit bon-homme seraient assurément bien drôles. Si donc un petit berger est ignorant etlimité vis-à-vis d'un savant, combien ne suis-je pas, tout aussi bien que le plusgrand savant, encore plus ignorant et plus limité vis-à-vis du Dieu tout-puissant?Qui lui dira: que fais-tu?

J'arrête donc de parler de prodiges impossibles puisque je reconnais que leprodige est inhérent à la nature de Dieu. Les choses que je qualifie de surnaturel-les sont très naturelles pour Dieu, et respectent parfaitement sa volonté, c'est-à-dire ses lois! Ce qui apparaît être un prodige sur la terre est tout naturel dansl'univers immatériel et invisible.

Cependant, il ne faut surtout pas croire tous les prodiges qu'on raconte! Ce se-rait de la superstition et de l'idolâtrie; mais je ne dirai pas: ce prodige-ci est pos-sible, mais celui-là (de Jonas, par exemple) est "impossible". Car, jugés à la lu-mière de ma petite raison humaine, tous les prodiges sont impossibles; cepen-dant, toutes choses sont possibles à Dieu, c'est pourquoi il s'appelle Dieu. Qu'est-ce qui est grand ou petit devant lui? Où est le plus grand prodige, celui de Jésusapaisant d'un mot les vagues orageuses du lac de Génézareth ou celui de IHVHtransformant soudain les flots écumants de la Méditerranée en une plaine unie?Celui de Jonas vivant dans le ventre du poisson ou d'Élie nourri par des cor-beaux? Celui de Jonas sorti vivant du ventre du poisson ou de Christ revenu à la

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vie du sein de la terre? Où est le plus grand prodige de Dieu, celui où il dit: "Quela lumière soit" et la lumière est ou celui où il envoie son Fils unique dans unechair humaine dans ce monde périssable? Celui de Jésus faisant sortir du tom-beau un homme en décomposition ou celui du souffle saint transformant l'esclavede passions en un homme nouveau, possédant et procurant la paix, luttant contrel'erreur et remportant la victoire? Comment mesurer ce que ni la force ni la pen-sée humaine ne peuvent accomplir? La question est de savoir si le prodige tourneà la gloire de Dieu et s'il rapproche les êtres humains de ses chemins, voilà l'im-portant. En examinant les prodiges de la Bible à ce point de vue, on reconnaîtrabientôt qu'ils sont absolument différents de toutes les histoires prodigieuses etdes légendes des autres religions!

5. Perspectives.Les prodiges de Jésus, tels qu'ils sont rapportés dans les évangiles, ne sont pas

seulement des manifestations de la force et de l'amour de Dieu à l'époque où ilsont eu lieu. Ils sont des prophéties annonçant la vie chrétienne normale actuelledu peuple de Dieu sur la terre dans sa nouvelle forme, que Jésus a fait surgir parson souffle le jour de la Pentecôte.

Les prodiges de Jésus sont des signes qui annoncent cette vraie vie chrétienneglorieuse et victorieuse. Lorsqu'il guérit les malades de tout genre, lorsqu'il net-toie les lépreux, qu'il expulse les souffles méchants, qu'il rend la vie aux morts;lorsque dans une plaine déserte, il nourrit les multitudes; tous ces prodiges sontdes signes et des prophéties de ce qui arrive aujourd'hui, quand Christ se mani-feste dans sa splendeur. Alors l'être humain créé à l'image de Dieu est de nou-veau revêtu des signes qui caractérisent la nature divine.

Parfois, à la chute du jour, je contemple le firmament; une étoile après l'autres'élève lentement à l'horizon. J'aime cette douce lueur, mais je sais que je ne suispas en présence de l'étoile elle-même; ce qui arrive jusqu'à moi n'est que le der-nier reflet d'un immense corps lumineux qui se meut dans l'espace, et dont l'éclatseul parvient jusqu'à moi. J'aperçois cette faible lueur, mais la splendeur del'étoile elle-même, je ne la vois pas.

Quand le ciel est parsemé d'étoiles, pénétré d'étonnement et d'admiration pourmon créateur, je sais que ces armées éclatantes ne sont que les représentants desmondes de lumière. Ils obéissent à des lois éternelles et roulent dans les profon-deurs des cieux, et leur splendeur et leur indescriptible éclat sont cachés à mon

il terrestre.Si l'éclat de l'étoile que j'aperçois n'est que le reflet d'une étoile que mon il

terrestre ne peut découvrir, si chaque étoile n'est qu'une faible manifestation du

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monde lumineux qui rayonne au-dessus des espaces, de même les prodiges deJésus et ceux de ses disciples à sa suite, ne sont que des signes légers de sa gloirequi sera manifestée dans de nouveaux cieux et sur une nouvelle terre. Quandj'envisage à ce point de vue les prodiges de la Bible, je peux dire triomphant,comme Ésaïe 25, 1: "IHVH, mon père divin, je célèbre ton nom, car tu fais desmerveilles".

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DEUXIEME APPELJONAS OBEIT.

1. Plier ou rompre."La parole de IHVH a été adressée à Jonas une deuxième fois, en ces mots:

lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et là crie le cri que je te dis." (3, 1-2.)

1. Une seconde fois!Après une pénible maladie, quelle étrange sensation j'éprouve à me retrouver

pour la première fois au sein de la belle nature, et à respirer l'air vivifiant d'unedouce journée de printemps sous les arbres qui verdissent! Quel bonheur de pou-voir me mêler de nouveau au mouvement et à l'activité de ceux qui m'entourent!Le corps est encore faible, mais une joie inexprimable traverse tout mon être; jesuis comme revenu à la vie; le monde paraît transformé; le c ur est plein d'unamour de la vie, inconnu jusqu'alors; de grandes espérances s'éveillent en moi,mélangées au sentiment de la vanité de toutes les choses d'ici-bas. Heureux alors,celui qui peut dire pénétré de reconnaissance ma vie entière est un remerciement;mon c ur est un hymne de reconnaissance pour mon Dieu! Heureux, celui quiconsidère cette vie qui lui est rendue comme un temps de grâce que Dieu lui ac-corde pour son éducation.

Ce qu'éprouve un homme échappé à la mort, le prophète Jonas doit l'avoiréprouvé lorsqu'il s'est retrouvé sain et sauf sur le rivage, après être sorti du ventredu poisson. Avec quel regard a-t-il dû contempler l'océan dont les vagues ve-naient de lui annoncer la sainteté, la puissance et la bonté infinie de son Dieu?Son c ur frémit encore; en contemplant ces flots, ses yeux se remplissent delarmes. En regardant en haut où était parvenu son appel à Dieu du fond des abî-mes, il croit rêver, à ses propres yeux il se fait l'effet d'un prodige.

La première question pratique qu'il se pose est celle-ci: "Où dois-je aller?"Pour le moment, il en a assez de la mer; il est heureux de sentir la terre fermesous ses pieds. Où dirigera-t-il ses pas? Il sait bien ce que Dieu lui avait dit avantsa fuite. Doit-il, peut-il, ose-t-il encore aller à Ninive ou retournera-t-il dans sonpays? Que dira Dieu à son serviteur? Il n'a pas eu à attendre longtemps. Immé-diatement après le récit de sa délivrance "la parole de IHVH a été adressée à Jo-nas une seconde fois en ces mots: lève-toi, va à Ninive, la grande ville, et là criele cri que je te dis." Il y a comme une ironie dans ce: "une deuxième fois". Je

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veux voir si l'expérience sous-marine des derniers jours lui a profité et ce qu'il enest du "je ne veux pas!" Toute l'ancienne mission est de nouveau imposée auprophète; la demande de Dieu est même plus concise et plus pressante qu'aupa-ravant: "Le cri que je te dis!" Jonas ne sait pas du tout ce qui adviendra de lui,quel sera le résultat de sa déclaration. IHVH demande l'obéissance à sa volonté.

Quelque personne faible s'imaginera peut-être que IHVH va renoncer à sonprojet et qu'il laissera maintenant Jonas en paix: "Le pauvre homme a tant souf-fert, il a été si profondément humilié! Ce qu'il lui faut à présent c'est le repos ducorps et de tout son être; un autre pourrait bien aller à sa place". Celui qui parleainsi ne connaît rien à la manière d'agir de Dieu envers les hommes. Dieu aurait-il donc éprouvé Jonas pour se venger ou seulement pour le punir de sa résistance.Voulait-il éveiller en lui toute espèce d'impressions douces, de pieux sentimentset autres émotions de ce genre?

Les corrections de Dieu sont toujours un enseignement. Ceci est fondamental.Son but n'est pas de produire d'agréables émotions ou des expériences touchan-tes; il veut que mon ancienne nature héritée d'Adam soit matée et maintenue àses pieds. La volonté de Dieu doit s'accomplir en moi et par moi, voilà l'alpha etl'oméga de toute vraie vie de disciple. Quant au reste, qu'il s'agisse de ce quej'appelle mes expériences, mes sentiments, mes extases, mes lumières, Dieu nes'en inquiète pas. Ce qui lui importe, c'est que la nature de Christ se développe enmoi et devienne la seule à agir. C'est toujours sur ce point que Dieu revient dansl'éducation qu'il fait. Tout miséricordieux qu'il est, il ne permet jamais que jelouvoie et que je biaise avec sa volonté.

Les parents, maîtres d'école et éducateurs font souvent beaucoup de tort auxenfants désobéissants qui refusent de faire ce qu'on leur dit. Ils se contentant deles punir, sans les obliger tout d'abord à accomplir l'ordre donné; ils détruisentainsi leur enseignement. Aussitôt que les enfants découvrent un moyen quel-conque de faire leur propre volonté même au prix d'une peine sévère cesont eux qui sont les maîtres. Bientôt l'attrait d'agir à sa tête est plus grand que lapeur de la punition. Que chacun y prenne garde et se laisse instruire par l'éduca-teur divin!

Dieu, lui ne connaît pas l'attendrissement sur cela; il répète toujours "n'ai-jepas dit? Ne connais-tu pas ma volonté?" Il ne sort pas de là et n'y change pas uniota. Résister à la volonté de Dieu, même sur un seul petit point, rend impossiblela paix, la joie et une conscience pure. On ne peut alors jouir de la présence deDieu, ni être propre au combat. Dieu ne changera jamais. Je suis sûr qu'il ne ces-

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sera de m'avertir que lorsque j'aurai accepté ou que je serai irrémédiablementrévolté. Que ce soit par la souffrance ou des malheurs de tout genre, que ce soitpar sa parole ou par celle d'un homme, Dieu me ramène toujours à l'accomplis-sement de sa volonté. Il s'agit de l'accepter ou de la rejeter: il n'y a pas de milieu.C'est que Dieu est conséquent et fidèle, il ne se relâche pas. Il est plus ingénieuxqu'aucun homme pour me reprendre et me réveiller de différentes manières jus-qu'à ce que je consente à accomplir sa volonté, même dans les larmes. Tout cequ'on appelle bon, beau, aimable, saint, n'existe qu'à la condition de reposer surcette base.

Si un homme parvenait à s'élever au sommet de l'immédiate contemplationmystique de je ne sais quoi, et qu'il sache qu'un malade a besoin de bouillonchaud, il ferait mieux de s'arracher au repos de sa contemplation pour lui prêterson secours et lui montrer sa sympathie que de s'abandonner à la douceur de sesréflexions. Car la volonté de Dieu ne doit pas être négligée, pas même pour unepratique humaine quelconque. Cela peut paraître terre-à-terre, mais c'est la vérité.Chacun peut faire l'expérience que le visage de IHVH ne brille sur lui que lors-qu'il a appris que toutes les autres choses ont peu de valeur en comparaison de saseule volonté: "Ma nourriture est de faire la volonté de mon Père qui est dans lescieux!"

2. La volonté de Dieu doit s'accomplir.Pourquoi cette volonté de Dieu doit-elle s'accomplir en moi? Parce que c'est

elle qui est ma vie. La vraie félicité n'est pas le paradis d'une religion quelconqueoù les sens trouvent ample satisfaction, tandis que le c ur reste intact et charnel.L'Évangile n'entend par félicité que le parfait accord avec Dieu, la vie en lui,seule source de lumière, de joie, de paix et de sainteté. Le contempler, jouir de saprésence, être un avec lui, voilà la vie éternelle; celle qui comprend toutes lesjouissances vraies et parfaites. L'homme ne peut donc être heureux aussi long-temps qu'il y a dissonance entre son Dieu et lui; autrement dit, tant que la volontéde Dieu et sa propre volonté sont encore différentes et, à plus forte raison, enopposition sur un point quelconque, aussi petit soit-il. L'héritage des saints dansla lumière dont parle Paul ne me sert de rien si je n'y suis pas préparé; si je n'aipas les qualités requises pour en jouir. Alors même que Dieu voudrait me le don-ner, je ne l'accepterais pas, je ne serai pas à ma place dans sa présence. La pré-sence de Dieu, sa lumière et sa gloire peuvent m'être à charge, tant que je ne suispas un avec lui. Aussi, lorsque Dieu revient toujours à la charge tant qu'il mereste une parcelle de la nature d'Adam, je vois dans cette persistance, non unetyrannie, mais son amour et sa fidélité. Alors, je lui dis: "Merci!"

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Si malgré tout l'homme ne veut pas se plier à la volonté de Dieu, quelles enseront les conséquences? Qu'adviendra-t-il d'un bâton qu'on veut courber et quine plie pas, en dépit de tous les moyens employés et de toutes les précautionsimaginables? Il sera cassé. De même, non sans douleur, un maître n'abandonnerajamais à son obstination l'enfant qu'il a élevé avec affection; il l'abandonneralorsqu'il aura épuisé tous les moyens d'éducation et de correction et que cet élèvene lui répondra que par le refus et la haine.

Tu objecteras que ces exemples ne prouvent rien, que Dieu peut courber tousles bâtons et élever tous les enfants avec succès. C'est vrai. Mais ceux qui parlentainsi ne connaissent pas la grandeur de l'être humain, ils l'abaissent et, avec lui,ils abaissent celui qui l'a créé si grand.

Le jour où Dieu a créé l'être humain, il a créé dans l'univers un être vivant quia reçu le pouvoir de résister au Tout-Puissant sans être irrémédiablement détruit.C'est un être libre de choisir son chemin, de se tourner vers Dieu, de s'en séparerou même de se tourner contre lui, et cela sans être irrémédiablement détruit. Cefait étonnant dans l'univers révèle le c ur humain, c'est-à-dire la direction de sonamour: soit il aime Dieu, soit il s'aime lui-même. Le sculpteur façonne le bois oula pierre au gré de son caprice et de son goût; le sculpteur divin a créé un êtrelibre, et l'amour de Dieu ne peut ni ne doit être imposé. Dieu s'est réservé desmoyens d'agir sur l'être humain pour l'arracher à l'erreur et le ramener dans lamaison paternelle; pour changer la direction prise par son c ur, c'est-à-dire l'ob-jet de son amour. Car sans une libre décision, sans un abandon volontaire de lapart de l'être humain, rien ne peut se faire en lui. Celui qui ne comprend pas laliberté de l'être humain ne comprend ni ses privilèges, ni sa grandeur.

Voilà pourquoi c'est "plier ou rompre". Les créatures qui ne veulent pas ac-cepter la volonté de Dieu s'anéantissent elles-mêmes. Elles s'excluent, par leurrefus, de la splendide organisation de vie à laquelle Dieu a appelé tous les êtreshumains, avant la fondation du monde. Or tout ce qui est irrévocablement séparéde Dieu est par cela même dans la perdition et dans la mort éternelle; car hors deDieu il n'y a pas de vie. Avec le temps, aucune volonté ne saurait subsister sanss'accorder sur la volonté de l'amour éternel. Avec le temps toute volonté s'affer-mit ou dans son accord avec Dieu ou dans son hostilité. Il n'y a pas d'autre alter-native entre la rébellion et la soumission. L'élève ne peut rester indifférent àl'égard de son maître: ou il l'aime et lui sera soumis, ou il lui résiste et le haïraplus qu'aucun autre être humain. De même, à la longue, il n'y a pas de neutralitépossible vis-à-vis de Dieu. Il y aura affection complète ou haine décidée, accep-tation ou révolte. Or les plantes qui ne veulent absolument pas prendre racinedans le terrain de la discipline et de l'amour de Dieu doivent être arrachées etjetées au feu.

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Ces vérités sont simples et claires, pour tout c ur non prévenu; elles sont trèssérieuses, et je ne veux pas les abolir, même si cela était en mon pouvoir. Unegrande, une prodigieuse décision dépend de moi, ma destinée est dans mesmains. Dans ce sens il est vrai de dire que chacun est l'artisan de sa délivrance! Ilest vrai que je ne peux rien obtenir, si Dieu ne me le donne librement comme unegrâce; Dieu ne veut rien m'imposer de ce que je ne veux pas recevoir avec recon-naissance et humilité.

2. Jonas, as-tu appris?"Et Jonas s'est levé, et est allé à Ninive, selon la parole de IHVH." (3, 3.)

1. Arbres divers et caractères divers.Au mois d'avril, la nature se réveille par l'action de Dieu. Cependant, ce retour

à la vie ne s'accomplit pas simultanément. Telle graine demande plus de tempsqu'une autre avant de germer, tel arbre verdit avant tel autre. Le hêtre et le chêne,par exemple, croissent côte à côte, le même sol les porte, tous deux se nourris-sent des mêmes sucs de la terre; les rayons du même soleil les réchauffent; lesmêmes ondées, les mêmes brises les rafraîchissent; toutefois le chêne reste sou-vent dépouillé pendant des semaines, tandis que le hêtre étale déjà sa riante pa-rure de printemps. Lorsque le chêne s'est paré de sa verdure, elle est plus vigou-reuse, et lorsque les rafales d'automne ont depuis longtemps emporté celle duhêtre, le chêne étale encore son beau feuillage touffu.

Même phénomène dans l'éducation des enfants. Deux enfants de mêmes pa-rents, élevés exactement d'après les mêmes principes et suivant les mêmes mé-thodes, n'apprennent pas l'obéissance en même temps ni de la même manière. Ladifférence des caractères sera souvent si grande que leurs enseignants rencontre-ront beaucoup plus de difficultés et verront leur patience mise bien plus sérieu-sement à l'épreuve avec l'un qu'avec l'autre.

Dans l'éducation divine il en est de même. Il a fallu plus de patience à Jésusavec un Pierre qu'avec un Jean. Tous deux étaient également bien disposés, éga-lement dévoués à leur Maître, mais la nature de l'un offre des obstacles beaucoupplus grands que celle de l'autre. Aussi Pierre doit-il subir beaucoup plus decorrections et d'humiliations que Jean. Tous les deux arrivent pourtant au mêmebut, car tous les deux sont honnêtes.

Quelle diversité également dans le caractère des trois patriarches: Abraham,Isaac et Jacob! Abraham, toujours prêt à faire la volonté de IHVH. Isaac est do-cile dans la souffrance, mais indolent lorsqu'il faut agir avec énergie. Jacob, lui,est tout différent de son père et de son grand-père, il éprouve un besoin irrésisti-

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ble de s'aider lui-même, et, s'il était possible, de venir en aide à Dieu. Son éduca-tion, à cause même de la nature du sujet, nécessite les plus grandes corrections;c'est pourquoi il est dit: "Heureux, celui qui a pour aide le Dieu de Jacob!"

Que personne donc ne perde courage! Qu'il ait un caractère difficile, entêté,léger, faible ou même qui ne soit pas franc, Dieu parviendra à ses fins, pourvuqu'il le veuille. C'est une nature de chêne que Jonas. Il offre beaucoup de résis-tance aux chemins éducateurs de Dieu. Son c ur est comme un bois dur, la sèveet la force de Dieu n'y pénètrent que lentement. Avec quelle obstination n'a-t-ilpas résisté à Dieu: "Plutôt mourir que faire cette volonté de IHVH!" A cette op-position, Dieu a répondu par une expérience terrible, par une profonde humilia-tion en présence des étrangers, par l'abaissement et une détresse telle, que per-sonne n'en a connu de pareille. Pourtant la puissante main de Dieu le délivre. Apeine est-il sauvé, que la voix de Dieu retentit de nouveau à son oreille: "Lève-toi et va à Ninive!"

Jonas! Il s'agit maintenant de savoir si tu as appris quelque chose. As-tu apprisdans l'obscurité intérieure et l'angoisse où ton malheureux entêtement t'avaitplongé? As-tu appris en présence des fureurs de la mer et du fracas de la tempêtesoulevée contre toi? As-tu appris lorsque du pont du navire tu as été précipitédans le gouffre de la mort? As-tu reçu instruction pendant les trois jours et lestrois nuits où tu as été promené dans les profondeurs de la mer? As-tu appris parla sévérité de Dieu, par son amour et sa puissance qui ne t'ont pas laissé périr?As-tu appris? Voilà la question. On a bien entendu tes remerciements et l'aveu deta faute; mais se transformeront-ils aussi en action et en force? Obéiras-tu main-tenant à la voix de ton Dieu?

On dit bien qu'il y a des gens dont les cheveux ont blanchi en quelques joursou même en quelques heures de terrible angoisse, mais le c ur n'est pas changépour cela. Les hommes qui ont beaucoup souffert se glorifient parfois de leursépreuves; ils se vantent d'avoir vu et connu beaucoup de malheurs. Il ne s'agitpas de savoir ce qu'on a senti, éprouvé, expérimenté, connu, mais ce qu'on a ap-pris. La question est de savoir si l'on a acquis une confiance inébranlable enDieu, et, dans cette confiance, la force de se soumettre et de le suivre docilement.

Heureusement Jonas a appris, il n'a pas traversé inutilement les eaux profon-des. J'observe sa réponse. "Lève-toi, va à Ninive" dit le Seigneur (verset 2). "EtJonas s'est levé et est allé à Ninive selon la parole de IHVH" (verset 3). Quelledifférence entre "il s'est levé, et est allé à Ninive" et "il s'est levé pour s'enfuirloin de la face de IHVH" (chap. 1, 3). Quelque chose de nouveau s'est produit etsur ce point ce qui est ancien est passé; le chêne noueux commence à verdir.

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2. Jonas obéit."Et Jonas s'est levé, et est allé à Ninive, selon la parole de IHVH", dit le texte.

Il me semble entendre les pas fermes du prophète dans la longue marche qui leconduit des côtes de la Méditerranée aux bords du Tigre, dans l'intérieur del'Asie! Le texte ne raconte ni ce qui s'est passé pendant ce long voyage, ni lespensées qui agitaient le voyageur. Il aura peut-être fait les réflexions suivantes:"Me voici donc sur la route que je devais d'abord parcourir et je ne l'ai pas voulu.Que de chagrins et de malheurs j'aurais pu m'épargner à moi et à d'autres si, dèsle début, j'avais docilement suivi les chemins de IHVH! Que de douleurs je mesuis parfois préparées moi-même!"

Cher lecteur, voudrais-tu, si tu as déjà commencé à prendre garde à ta route,t'arrêter un instant pour résoudre un petit problème d'arithmétique qui te sera trèsprofitable? Additionne tout ce que tu nommes peine et affliction, les jours diffici-les et les heures douloureuses; ensuite soustrais-en tout ce que tu t'es attiré toi-même par ta désobéissance envers Dieu, par ton entêtement, par ta légèreté, parta négligence; tu trouveras peut-être que le reste est bien insignifiant. Tu avoue-ras donc que tout irait bien si tu saisissais fermement la main de ton Dieu et tetenais constamment près de lui, attentif au moindre signe de sa part. Tu deman-deras alors cette grâce, et si tu persévères, le jour se fera dans ta personne.

De même le jour s'est fait dans le c ur de Jonas. Il est rempli de gratitude etde remerciements, comme il m'arrive toujours lorsque je suis humilié moi-mêmeet que la puissance et l'amour de Dieu sont bien évidents à mes yeux. Jonas aappris non seulement que Dieu est miséricordieux, mais encore que par sa mainpuissante il transforme en bien, en bénédiction éternelle, le mal qu'il a fait. C'estmaintenant riche de nouvelles et précieuses expériences que Jonas parcourt sonchemin. La mission que Dieu lui confie est bien toujours la même qui l'effrayaittellement autrefois, mais la crainte est vaincue, parce que son orgueil a disparu.Le courage l'anime, parce que son appui n'est plus en lui-même, mais en Dieu;parce qu'il se confie à la puissance de Dieu et non à sa propre force.

Au commencement de sa vie chrétienne, chaque disciple de Jésus a la mêmeexpérience à faire, qu'il s'agisse d'une chose insignifiante, d'une souffrance, d'unrenoncement, d'un sacrifice, d'un travail, d'une lutte ou d'une mission que Dieului impose; la moindre chose lui paraîtra d'une difficulté insurmontable, tant qu'ilse reposera sur lui-même, sur sa sagesse, sur sa force ou sur ses talents. Une tau-pinière lui paraîtra une montagne inaccessible. Par contre les sacrifices les pluslourds, les séparations les plus cruelles, les tâches les plus dures deviendront fa-ciles, si, humble et plein de confiance, il se confie à Dieu. Toutes ses décisionsseront facilitées s'il considère tout événement au point de vue de l'éternité et dubut que Dieu place devant lui, en disant: "Mon chemin est le chemin de Dieu,

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c'est donc le chemin de la vie! Mes travaux sont les travaux de Dieu; il m'aide àles accomplir. Tout me réussit, tout est glorieux, car il est à mes côtés!" Laconfiance humble produit le courage sans fierté, tandis que l'orgueil conduit audécouragement ou à la lâcheté si ce n'est à une chute ouverte.

Il faut donc se représenter Jonas, non comme un voyageur ennuyé, mais heu-reux, chantant des psaumes à la louange et à la gloire de IHVH. Ce n'est qu'àprésent qu'il est vraiment capable d'annoncer le message de Dieu comme il lefaut. Il ne faut pas en annoncer seulement la nécessité, mais éveiller véritable-ment le besoin.

L'être humain au c ur dur et orgueilleux ne doit pas essayer de reprocherleurs erreurs ou leurs fautes aux autres. Même s'il parvenait à les en convaincre,sa parole ne toucherait pas leur c ur, mais n'y porterait que l'amertume et la ré-sistance. La douleur de l'erreur ou de la faute qu'il présente à autrui doit pénétrerson propre c ur. Ceux qui l'entendent le sentiront immédiatement, et aucun deceux qui sont fils de la vérité ne se sentira offensé. Il ne suffit pas de dire la véri-té, il faut encore dire la vérité dans la vérité, c'est-à-dire qu'en rendant témoi-gnage, il faut la vivre, en être pénétré soi-même. Voilà pourquoi on dit souventpubliquement de si belles et bonnes choses sur la condamnation de l'être humain,sur l'amour de Dieu, sur le chemin de la délivrance, et tout cela, très souvent,sans aucun résultat.

On parlait une fois d'un chrétien qui décourageait tous les ignorants, et quel-qu'un demandait: "Qu'annonce-t-il donc?" à quoi l'on a répondu: "Il annoncel'amour avec colère!" Le cas est fréquent chez un grand nombre de chrétiens quiveulent pousser les autres à accepter ce qu'ils disent. Ils parlent de l'amour deDieu sur un ton cassant, si sec et si dur, que l'annonce de l'amour ne produit quel'irritation.

Que celui qui ne vit pas dans l'amour ne se permette pas de rendre témoignagede l'amour! Que celui qui ne tremble pas devant Dieu à cause de son erreur ou desa faute ne dise rien contre l'erreur ou la faute des autres! Que celui qui trouve savie en Dieu soit certain que la victoire marche à ses côtés! Comme la plupart destémoins de la vérité et comme Jésus lui-même, le roi de la vérité, il sera vain-queur, même dans la défaite. Là se cache le secret de ceux qui ont vaincu lemonde et qui le vaincront toujours. Il ne faut pas l'oublier! Chaque fois qu'il fautannoncer l'Évangile à des ignorants, il faut répéter à haute voix les paroles dePaul: "Revêtez-vous donc comme des élus de Dieu, saints et bien-aimés, d'en-trailles de miséricorde, de bonté, d'humilité, de douceur, de patience!" 1 On com-prend que ceux qui agissent ainsi fassent du bien.

1 Col 3, 12.

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NINIVE.3. Une grande ville de Dieu.

"Or Ninive était une grande ville de Dieu, une marche de trois jours." (3,3.)

1. Le règne de Dieu.Frédéric-Guillaume, le roi de Prusse, aimait beaucoup les petits enfants; il vi-

sitait fréquemment les écoles et se plaisait à questionner les élèves. Un jour il setrouvait dans une école de village et interrogeait les enfants sur l'histoire natu-relle. Il leur a montré une pierre et a demandé: "à quel règne appartient ceci?"Les enfants se sont écriés: "au règne minéral. et l'oiseau qui vole là-bas? aurègne animal. et cette rose? au règne végétal" a été la réponse unanime. "Et moi, mes enfants, à quel règne est-ce que j'appartiens?" Silence général, lemaître d'école avait probablement oublié cette catégorie-là. Enfin, un petit gar-çon a levé le doigt en disant: "je le sais. Eh bien, à quel règne? Toi, tu ap-partiens au règne de Dieu, a répondu l'enfant", et l'on comprend que le prince aitcaressé et embrassé le petit écolier. Non seulement cet enfant était un grand pa-triote, mais c'était un grand théologien. Il a montré plus de jugement que bien desgrands et bien des sages de ce monde.

Entends-le, cher lecteur: tu appartiens au règne de Dieu, et non pas seulementà celui qui est terrestre; au règne de Dieu tout entier, sache-le, et que ton c ur ensoit ému d'une puissante et légitime fierté. "Dieu m'a fait naître pour sonroyaume, pour la splendeur glorieuse de l'âge à venir, moi, aussi bien que le roide Prusse, et le dernier des paumés; la femme le plus bas tombée, aussi bien quemoi". Aujourd'hui, où des millions et des millions d'êtres sont plongés dans leplus profond matérialisme, on ne saurait le proclamer assez haut: "Dieu veut quetous les hommes soient délivrés! Même les plus misérables esclaves de l'erreur,les moqueurs, les blasphémateurs?" Oui! Les blasphémateurs, les moqueurs, lesplus misérables esclaves de l'erreur, eux aussi; sur eux aussi la main de IHVH aécrit en lettres gigantesques: "Dieu veut que tous les hommes soient délivrés!"

Les paroles de ce texte en sont une preuve vivante: "Ninive était une grandeville de Dieu".

Ninive était une ville d'abominations, comme il n'y en avait pas de semblable,sous le soleil. Il semble qu'en parlant de cet abîme d'erreurs, de mensonge, de

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fautes et d'infamies on devrait plutôt dire: "Ninive était une grande ville de dé-mons", car Paul écrit "ce qu'on sacrifie aux idoles (aux dieux), on le sacrifie auxdémons". L'on sait que la colère menaçante de IHVH s'était amoncelée sur cetteville.

Pourtant "c'est une grande ville de Dieu". Quelle douce consolation dans cesparoles! Cette appellation de "ville de Dieu" signifie évidemment toute autrechose que dans le Psaume 46, 5: "Le fleuve et ses canaux réjouissent la cité deDieu, le lieu saint des demeures du Très-Haut". Dans un sens plus étendu Niniveest aussi une ville de Dieu, elle est sa propriété, son ouvrage; c'est pourquoi ellelui est chère et il ne peut si facilement laisser périr ces multitudes de gens. De-puis le roi jusqu'à l'esclave, du prêtre des idoles jusqu'au moindre paysan, toussont sous l' il de Dieu; il a pitié même du plus corrompu des habitants de cetteville corrompue; à l'égard du plus effronté des hommes, le berger divin dit en-core "lui aussi, je l'ai délivré?" "IHVH est bon envers tous et son amours'étend sur toutes ses uvres".

A Ninive personne ne s'inquiétait du vrai Dieu, et pourtant elle est nommée"une grande ville de Dieu". Si les Assyriens ont oublié Dieu, lui ne les oubliepas. De cette expression "de Dieu", précédant l'annonce de la justice, s'échappeun rayon d'espérance, qui se fait jour à travers le nuage de colère. Je veux voircomment ce rayon se transformera en soleil étincelant et l'obscurité complète enlumière éclatante. Ces mots "de Dieu" me plongent dans le c ur du Très-Haut. Al'heure où Jésus dans d'émouvantes paroles a dû annoncer sa ruine à Jérusalemcorrompue et endurcie jusqu'au fond, à cette heure-là, ses yeux se sont remplis delarmes. Les larmes de Jésus révèlent son c ur!

2. Ferme et pourtant doux.Moi aussi j'ai dû apprendre de lui à pleurer sur la perversité du monde au lieu

de gronder. Moi, désobéissant, délivré par lui, je n'ai évidemment pas le droit dem'écrier "malheur! malheur! malédiction! malédiction!" sur ceux qui sont encoreéloignés de la vie qui est en Dieu. Je me rappelle l'expression "de Dieu". Je n'ou-blie pas que ce Dieu a les yeux fixés même sur le plus perverti. Ce n'est pas pourrien que la parole de Dieu me montre que Paul était autrefois, sans le savoir, sonpersécuteur le plus acharné et un blasphémateur. Ce n'est pas pour rien que lebon Berger me montre qu'un méchant "enfant prodigue", plongé dans toutes leshontes des convoitises et du vice, peut encore retrouver le c ur de son père.Aussi, tant que le soleil brille sur un homme, je dois espérer que sur lui aussibrille encore le soleil de sa grâce. Que de fois je l'ai oublié! Que de fois, ceux quiont à la bouche le nom de leur Père divin, sont froids, durs et impitoyables dansleurs jugements! Tandis que je juge ou condamne sévèrement tel ou tel être hu-

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main, le déclarant endurci ou perdu, qui sait si le Dieu saint n'est pas occupé à ledélivrer? Tandis que je lui adresse d'aigres remontrances, Jésus pleure sur lui.Chaque fois que j'aborde un être humain, que ce soit un moqueur, voire un blas-phémateur et même un chrétien, je n'oublie pas qu'il est "de Dieu". Il appartient àDieu", il est son ouvrage, et il est destiné au royaume des cieux.

Tout en parlant ainsi, je ne veux pas couvrir l'erreur ou la faute, ni excuser cequi est honteux. Je ne veux pas appeler une chose vraie si elle est mensonge,bien, ce qui est mal ou blanc, ce qui est noir. Non, car si la vérité n'existe passans amour, l'amour pour les êtres humains ne saurait subsister sans vérité. Toutce que j'ai voulu dire, c'est que de tout être humain, il faut toujours espérer ettravailler à son bien par amour pour Dieu; c'est aussi qu'il faut considérer toutêtre humain comme digne d'amour, et ne jamais penser qu'il ne peut plus êtregagné pour le royaume de Dieu.

Les natures molles, timides et faibles, qui n'aiment pas contredire et qui neveulent se brouiller avec personne, font preuve d'un terrible penchant pour latiédeur et l'indécision. Elles sont toutes prêtes à faire de la conciliation, là mêmeoù il n'y a rien à concilier. Presque sans s'en apercevoir, elles mutilent la vérité,l'atténuent et en arrondissent les angles. Tout cela soi-disant pour avoir la paix!Chemin dangereux où l'on perd soi-même la vraie paix et où l'on risque d'arriverpeu à peu à la négation totale de la vérité! C'est pourquoi il est dit: "Garde ton

ur plus que toute autre chose".Par contre, les natures énergiques et puissantes qui aiment à proclamer leurs

convictions sont exposées à un autre, mais non moindre danger. Dans les épo-ques de lutte, la décision dégénère facilement en rudesse, la sincérité en froideuret en âpreté; la proclamation de la vérité fait apparaître une impossibilité. C'estune mauvaise chose et il arrive facilement que le combat dégénère et qu'unequestion de principe se transforme en une question de personne. Résultat miséra-ble et funeste. C'est alors qu'on entend des réflexions de ce genre: "Oui, celui-làsait bien pourquoi il est de cet avis, il a de bonnes raisons matérielles pour cela!"ou bien: "Celui-là ne croit pas ce qu'il dit!" ou bien: "Un tel ne peut pas saisir lavérité; il s'endurcit volontairement contre le souffle de Dieu!" ou encore: "Il agitcontre sa conscience". Ces déclarations sont comme des malédictions qui paraly-sent toute bonne influence. Oh! comme je dois trembler à la pensée de prononcerun jugement personnel sur ceux qui ont une position différente de la mienne vis-à-vis de la vérité que je connais! Comme je dois trembler à l'idée de m'en prendreau caractère d'un homme et de lui attribuer des mobiles faux et intéressés, des

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intentions qu'il n'a pas. La parole de Dieu me dit: "Que nul en son c ur ne pensele mal contre son prochain! " 1

Les divisions sont une mauvaise chose, mais les inculpations morales sans unfondement d'une évidence absolue sont pires. Pourtant, en temps de lutte, com-bien l'on trébuche sur ce point? Mainte fissure qu'on aurait bouchée facilementdevient ainsi une crevasse béante. Je dois toujours me rappeler ces mots "deDieu" en me mêlant (ce qui est inévitable) aux luttes d'avis différents. "N'allezpas prendre la rudesse pour de la décision", a recommandé quelqu'un à tous leschrétiens. Paul dit: "Il est bon que le c ur soit affermi", mais il ajoute: "par lagrâce". Si donc mon c ur a été affermi par la grâce, il sera aussi animé par levéritable amour. Alors la fermeté n'exclura plus la douceur, ni la résolution,l'amour. Jonas, qui doit annoncer la destruction de Ninive, est averti que c'est unegrande ville "de Dieu!"

4. Encore quarante jours."Et Jonas commence à allers dans la ville, une marche d'un jour, il appelle

et dit: encore quarante jours, et Ninive est détruite." (3, 4.)

1. Le fanal de la patience de Dieu pour Ninive.Alexandre le Grand, roi de Macédoine, qui a conquis le monde dans une mar-

che triomphale, employait une tactique très spéciale dans sa manière de faire laguerre. Lorsqu'il assiégeait une ville fortifiée, il faisait élever une immense lan-terne qui brûlait jour et nuit. Puis il prévenait les assiégés: "Tant que cette lan-terne brûle, vous avez le temps de réfléchir. Dès qu'elle sera abattue et éteinte, laville, avec tout ce qu'elle renferme, sera irrévocablement vouée à la ruine." Cethomme invincible ne tenait que trop cruellement sa parole. Dès que le fanal étaitdétruit, tout espoir de grâce était perdu. Les Macédoniens prenaient la ville d'as-saut et tout ce qui portait une arme était impitoyablement massacré. Plus degrâce, c'était fini. Dieu, lui, trouve son plaisir à laisser aller les fautes et à gracierle coupable au lieu de détruire.

Toutefois il se peut qu'un individu, une ville, un peuple soient tombés dansune révolte dépassant le point de non-retour; Dieu décide alors de les détruire. Ilen a été ainsi de la race humaine au temps du déluge, de Sodome et de Go-morrhe, du peuple d'Israël à l'époque de Jésus, ainsi que d'Ananias et Saphira.Cependant, avant que ses jugements n'aient éclaté, Dieu a élevé chaque fois unfanal de patience. Ce n'était pas seulement le signe du laisser aller des fautes;

1 Zach 8, 17.

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c'était aussi une puissance qui pouvait arracher à la ruine ceux qui étaient sur laroute de la mort. Pendant cent vingt ans, Noé a été un fanal de patience qui abrillé pour les gens vivant avant le déluge. Près de Sodome vivait Abraham, an-nonçant le nom de IHVH, et dans la ville même, annonce vivante, se tenait lejuste Lot. La crainte de Dieu qui s'emparait de chacun annonçait à Ananias etSaphira que Dieu voit le fond du c ur de l'homme et le prévenait qu'on ne semoque pas de Dieu. Ainsi, le prophète Jonas est devenu un fanal de la patiencede Dieu, pour tous les habitants de Ninive.

On connaît actuellement la magnificence, la grandeur et les richesses de cetteimposante cité des temps antiques. Les fouilles archéologiques en donnent uneidée; elles font entrevoir une splendeur comparable à celle des contes de fées, sila réalité n'était là sous les yeux. Dans les rues de cette ville, il y avait une vie, unmouvement, une circulation, un va-et-vient tels qu'on ne les rencontre aujour-d'hui que dans les grandes villes. Des caravanes de toutes les parties de l'Asieentraient et sortaient par les portes de marbre. Elles apportaient tout ce qu'ellesavaient trouvé de plus précieux sur la terre et dans les profondeurs de l'océan. Debrillants cortèges de princes orientaux allaient et venaient pour présenter leurshommages et leur tribut au "souverain de la terre habitée", et s'exposer ainsi auxrayons de sa gloire. Chaque habitant avait l'air de porter sur son front ces mots:"Je suis un citoyen de Ninive, la reine de l'univers!" Leur c ur était plein de mé-pris pour les autres peuples. Ils regardaient avec pitié tout ce qui n'était pas Ni-nive.

Comme toujours et partout, sans discipline d'en haut et sans une digue contrel'erreur et la méchanceté, l'arrogance et l'audace dans l'immoralité se développentde façon effrénée. Cela est encore aggravé lorsqu'il existe une richesse démesu-rée et un pouvoir illimité. Cet état était devenu celui de Ninive. En résumé, il s'yétait produit un tel bourbier de hontes et d'infamies, qu'une réforme paraissaitimpossible. C'était un état de choses, semblable à celui dont Paul fait la terribledescription.1 On remarque qu'à Ninive il n'y avait ni le sel de la révélation deDieu, ni le sel d'une assemblée de gens qui craignent Dieu. Ce sel s'était conservéen Israël même à l'époque de la plus grande corruption morale. Ce sel a toujoursconstitué une puissance qui retarde la chute. Il a retardé la ruine des nations chré-tiennes les plus corrompues jusqu'à la fin du 20e siècle. Ce sel-là qui disparaîtpartout actuellement, n'existait pas à Ninive. "Son mal est monté jusqu'à moi" ditIHVH, le vrai, le seul souverain de l'univers.

1 Rom. 1, 21-23.

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Calme et ferme à travers cette agitation aussi grandiose qu'immorale, s'avan-çait un homme tout simple. Il était simple dans ses vêtements, simple dans toutson être; son accent étranger et tout son extérieur paraissent barbares aux Ninivi-tes. Il observe tout, à mesure qu'il avance sans prononcer un mot. Si simple quesoit ce surprenant étranger, il y a une force en lui qui contraint les orgueilleuxcitoyens de la métropole à s'arrêter et à le regarder. Ils ne peuvent pas encore serendre compte de ce qui se passe; c'était la majesté calme que Dieu confère àceux de ses serviteurs qui se sont voués sans réserve à son service. C'est bien lecas pour Jonas, il vient de subir une préparation exceptionnelle pour ce service.A peine arraché à une mort certaine par le miracle incompréhensible de IHVH, ilest prêt à sacrifier joyeusement son être entier et tout ce qu'il possède au servicede son souverain libérateur. Sa parole est une puissance. Il ne connaît plus lapeur, tout son être est pénétré de la sainteté et de la puissance de Dieu. Il necommence pas à crier dans un coin quelconque d'une banlieue pour se réserverautant que possible un moyen de retraite. Non, "il fait une journée de marche". Ils'avance jusqu'au centre de la ville, au centre des affaires et vers les palais desprinces, où les idoles de l'Assyrie trônent dans leurs temples d'albâtre.

2. La vérité de Dieu et le bon sens humain.Jonas crie au centre de la ville. Il accomplit la mission de Dieu. Il crie aux Ni-

nivites "encore quarante jours et Ninive est détruite!" Il ne se lasse pas de dire etde redire cette parole aux grands et aux petits, aux riches et aux pauvres, à ceuxqui rient et à ceux qui pleurent. Les rires et les moqueries pas plus que les colèreset les menaces ne peuvent l'intimider. Il répète toujours les mêmes paroles.

Qu'on se représente un homme venant aujourd'hui accomplir une pareille mis-sion sur une place au centre de Paris? Qui s'en inquiéterait? On chargerait sim-plement la police de conduire le trouble-fête dans l'hôpital psychiatrique le plusproche.

Que va devenir Jonas à Ninive? Les Ninivites n'ont jamais entendu parlerd'une intervention directe de Dieu comme à Sodome. Leurs pensées sont auxantipodes de ce message. Comment donc Ninive périrait-elle, pensent-ils? Et oùy aurait-il un Dieu au-dessus des dieux de Ninive? Ce serait peut-être un peupleennemi voulant s'emparer de la ville? Jusqu'à l'horizon le plus reculé, il n'existaitpas une seule nation qui aurait osé seulement remuer les chaînes dont Ninivel'avait chargée. Sûrement, les habitants des bords du Tigre vont se moquer deJonas. S'il ne se tait pas, on le fera fouetter comme fou. Si après cela la raison nelui est pas revenue, sans autre forme de procès, ils l'enseveliront sous un mon-ceau de pierres, en l'honneur de leurs vieilles divinités démoniaques!

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Si l'on suppose cela, on se trompe le plus complètement. Les Ninivites sontprofondément ébranlés par cette annonce. Ils croient l'incroyable. En tremblant,ils sont sûrs que c'est vrai. Leur raison proteste de toutes ses forces et de touscôtés; car, jugée d'après le bon sens humain, la proclamation de Jonas était unepure folie; cependant, ils sont sûrs, sans pouvoir douter, sans comprendre pour-quoi. Leur imagination a été saisie. Cette certitude incontrôlable les entraîne.

Il y a une puissance qui se moque des arguments les plus solides de la raison.Lorsque la sagesse et la raison humaines se construisent une forteresse inébran-lable contre les témoignages de Dieu, cette puissance survient et renverse toutd'un seul coup. Toute la forteresse avec ses tours, ses murs, ses créneaux, sesarsenaux et ses troupes, s'écroulent comme un château de cartes. Pourquoi? Sim-plement parce que c'était la forteresse d'une sagesse et d'une raison qui sont sousl'autorité du serpent, depuis le jardin d'Eden. Cette terrible puissance, c'est laprésence devenue sensible du Dieu universellement souverain venu accompagnerJonas sur le terrain.

Bien que la raison humaine ait des objections, toutes sont vaines; elle est obli-gée de faire confiance! Que de fois le souverain universel a joué ce tour royal à"de grands esprits", souvent au dernier moment, sur leur lit de mort! Plus d'uns'était moqué de la conversation avec Dieu, la traitant d'enfantillage et de folie.Voilà qu'arrivent les jours de malheur, un enfant bien-aimé est mourant, et sou-dain ce même homme parle à Dieu, tout comme s'il faisait confiance à un Dieuqui l'entend. Que se passe-t-il donc? A-t-il tout à coup perdu la tête? Aucontraire, il vient seulement de la retrouver. Inutile de citer ici des faits à l'appui,on pourrait en remplir des volumes? On n'a qu'à ouvrir les yeux.

En considérant sérieusement son cheminement personnel, qui n'a pas constatéqu'un événement imprévu a soudain renversé d'un seul coup tous ses calculs,toutes ses raisons pour et contre, toutes ses théories préconçues! Même dans lavie journalière, on réalise souvent l'intervention d'un pouvoir supérieur à toutautre qui se moque de toutes les combinaisons de la prudence et de la sagessehumaine. Celui qui ne s'en est jamais aperçu ne comprend pas comment le sim-ple témoignage de Jonas a pu transformer si rapidement et si radicalement lafière population de Ninive.

"Encore quarante jours et Ninive est détruite!" La plupart des théologienspensent que ces mots ne sont que la courte introduction du discours de Jonas. Ilssupposent que le prophète a reproché avec véhémence leur méchanceté aux Ni-nivites, que sa parole ardente leur a dépeint avec puissance le Dieu trois foissaint, pareil à un feu dévorant en face de la corruption et de la méchanceté desgens. On peut se représenter les faits ainsi. Toutefois le texte original ne contient

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pas le plus petit indice pour justifier cette interprétation. A mon avis, le prophèten'a prononcé que ces mots. Les prophètes de l'Ancien Testament ont l'habituded'exécuter brièvement les ordres et les décrets de Dieu, ils laissent à Dieu le soinde faire ce qu'ils ne peuvent faire eux-mêmes. Il en était de même à Ninive.

"Encore quarante jours et Ninive est détruite!" Pourquoi donc? Laissez parlerla conduite des Ninivites, elle crie à haute voix: "Nous le savons!" Que les mursdes imposants palais et des misérables huttes de terre prennent une voix: ils lesavent! Que les nations asservies par Ninive et qui crient vengeance à IHVHouvrent la bouche: elles le savent! Tous peuvent se taire, car les habitants desbords du Tigre le savent encore mieux. La présence du juge universellementsouverain, devant lequel ils sont cités, leur prouve que l'homme d'Israël dit vrai.Quoi que leur raison puisse objecter, aussi impossible que paraisse un tel événe-ment, la voix de ce juge impose le silence à la voix de la raison. L'être humainasservi par l'erreur sent bien qu'il coure à sa perdition, et lorsqu'une voix étran-gère le lui déclare avec gravité, souvent il prête l'oreille avec une étonnante faci-lité; cela est vrai, non seulement des individus, mais de la société dans son en-semble. Lorsque la vie sociale et morale d'un État est gangrenée et pourrie jus-qu'à la base, le sentiment qui domine, c'est qu'en dépit des apparences, les chosesne peuvent pas durer ainsi. Il se peut que personne n'exprime ce sentiment, maisque Dieu fasse annoncer la ruine imminente, et l'émotion sera générale. Les ex-périences précédentes de Jonas avaient donné à sa parole une étrange puissancepour les Ninivites. C'est donc normal s'il s'accomplit de grandes choses à Ninive.

5. Une révolution selon le c ur de Dieu.Les gens de Ninive ont fait confiance à Dieu, ils ont publié un jeûne et se

sont revêtus de vêtement de deuil du plus grand jusqu'au plus petit. La parole atouché le roi de Ninive, il s'est levé de son trône, a ôté son manteau, s'est cou-vert d'un vêtement de deuil et s'est assis sur la poussière. Et il a fait faire dansNinive cette publication, "décret du roi et de ses grands; que les hommes et lesbêtes, les b ufs et les brebis ne goûtent rien qu'ils ne paissent pas et ne boiventpas d'eau! Que les hommes et les bêtes soient couverts de vêtements de deuil;qu'ils crient vers Dieu avec force et qu'ils reviennent tous de leur mauvaischemin et des actes de violence dont leurs mains sont coupables! Qui sait?Dieu reviendra-t-il et changera-t-il d'avis, et renoncera-t-il à son ardente co-lère, et nous ne périrons pas?" (3, 5-9.)

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1. La métropole dans la poussière.Aujourd'hui la planète entière est pénétrée d'un puissant souffle de révolte,

mais tout est dans la main de Dieu; c'est pourquoi je ne m'inquiète pas. On nesaurait nier toutefois qu'au sein de cette révolte, il n'y ait quelques revendicationslégitimes. Il n'en reste pas moins vrai qu'il y a au fond de presque toutes les révo-lutions un germe rongeur. C'est que ceux qui les font cherchent ordinairement lacause de tout mal dans les circonstances et chez les autres; ils ne pensent jamaisà s'en prendre à eux-mêmes et à s'examiner personnellement; ce qui serait pour-tant la première chose à faire. Ces révolutionnaires qui se bornent à bouleverserce qui les entoure, en ayant soin de se ménager eux-mêmes, ne sont pas selon le

ur de Dieu. La révolution qui lui plaît, c'est celle de Ninive. En quelquesjours, cette ville subit une révolution étonnante: on n'avait renversé personne,mais chacun s'était humilié.

Cette transformation avait été accomplie par la parole de Dieu qui, comme uncoup de foudre, avait retenti aux oreilles des Ninivites et les avait réveillés.

Il n'y avait que peu de jours que l'étonnant étranger faisait retentir sa voix, etdéjà on voyait dans les rues de grandes foules qui pleuraient et se lamentaient.L'aspect de la ville a complètement changé; au lieu de l'éclat et du bruit, on a vula capitale plongée dans le deuil et tournant le dos à sa violence et à sa méchan-ceté. Les harpes et les flûtes se sont tues, les chants et les danses ont cessé, lecommerce et l'animation ont disparu; on ne pensait même plus à manger ou àboire. La fiancée passait pensive à côté de son fiancé; la mère éprouvait soudainun sentiment plus élevé que celui de l'amour maternel; les chevaliers désertaientles tournois, et les fêtes princières étaient décommandées. Tout ce qui agite d'or-dinaire les gens n'offrait plus aux Ninivites le moindre intérêt; chacun était péné-tré de cette pensée unique: "La colère de Dieu est sur nous! Que pourrions-nousfaire pour l'apaiser?" Jamais pareil événement n'avait eu lieu. Du roi au plus petittravailleur, de la reine à la dernière marchande de poisson, des gens de tout rang,de toute profession, de tout sexe étaient assis dans la cendre; tous criaient à Dieupour implorer sa miséricorde. Toute distinction de rang avait cessé, car tousétaient devenus des mendiants devant un seul et même Dieu; tous se sentaientdes frères, car tous, en pensée, se voyaient comparaître ensemble devant le siègedu juge divin. Les luttes, l'envie, la haine, la colère s'étaient évanouies, chacunétait entièrement absorbé à la pensée de ses propres fautes.

Tout ce mouvement est parti du peuple, comme le texte le montre. Le peupleétait déjà en pleine agitation, lorsque la première nouvelle en est parvenue au roi.A la cour des princes, la vérité ne se fait jour que lentement; ils n'ont pas de vraisamis, comme tous ceux qui planent sur les hauteurs de ce monde par leur ri-

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chesse ou leur puissance. Ils ne possèdent pas d'amis assez sincères pour avoir lecourage de leur exposer la vérité toute nue. Avant que le bouleversement popu-laire atteigne le c ur et la conscience des grands de ce monde, il faut qu'il brisebien plus de barrières. Les petits sont plus facilement persuadés de la misère hu-maine, parce qu'ils l'ont sans cesse sous les yeux. Par le fait que les pauvresconnaissent davantage la misère humaine, ils saisissent mieux aussi la joyeusenouvelle de la délivrance. C'est dans ce sens que Jésus a dit: "L'Évangile est an-noncé aux pauvres".

Le roi Hérode n'a entendu parler que bien tard du Fils de l'homme qui renfer-mait en lui l'avenir du genre humain et par lequel des milliers de ses sujetsavaient trouvé depuis longtemps la paix et la joie. Lorsqu'il entend parler de Jé-sus et qu'il se met à s'en occuper, ce n'est que pour prononcer d'un air dédaigneuxun jugement absurde.1 Le passé et le présent fournissent une foule d'exemples dece genre.

Cependant, il faut respecter le roi de Ninive, ce n'est pas un des plus mauvais.Il prête l'oreille à la vérité et il reconnaît la situation et l'accepte, il écoute la pa-role de Dieu et il descend dans la poussière comme le dernier de ses sujets. Je neveux pas rabaisser les qualités de ses ancêtres; ils ont accompli de grandes cho-ses, comme l'histoire l'apprend et comme en témoignent les inscriptions et lestableaux sculptés dans l'albâtre sur les murs des palais déterrés. Cependant, ja-mais un roi de Ninive n'a fait une action aussi grande que celle accomplie par ceprince-là. Il est véritablement devenu le sauveur de son royaume. Que cethomme, qui ne tremblait devant personne sur toute la terre, ait tremblé ainsi de-vant le vrai Dieu, et se soit incliné devant lui dans la poussière avec tout sonpeuple, voilà une action qui en rend le souvenir immortel.

2. La proclamation d'un jeûne.Dès que le roi donne le signal du deuil, comme le montre le texte, son décret

produit un effet saisissant sur tout le peuple. Jamais une loi comme celle-làn'avait été signée dans le palais royal de Ninive: "Tout ce qui vit doit jeûner ets'asseoir dans la cendre, tous les habitants doivent implorer la grâce de Dieu pardes supplications; tous doivent se détourner de leur mauvaise vie et en commen-cer une nouvelle, peut-être alors Dieu nous laissera-t-il aller une fois encore!"Cette proclamation a donc eu un effet très puissant.

Dans tous les pays, chaque année les religions publient et font afficher desproclamations pour des "journées de prière". Le plus souvent, ces proclamationsne sont qu'un sujet de moquerie pour le peuple. C'est à peine si les gens pieux

1 Marc 6, 14-16.

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eux-mêmes y prennent garde. Ces populations n'auraient-elles pas peut-être lapensée que leurs chefs religieux, aussi bien que le roi de Ninive, devraient avanttout s'appliquer à eux-mêmes leurs proclamations en donnant l'exemple? Qu'on me permette de ne pas trancher cette question délicate! Il est certain queni la supplication, ni le deuil ne se commandent. La proclamation du souverainassyrien serait probablement, elle aussi, restée sans effet, si l'exemple de la courn'avait pas fourni à cette occasion la meilleure interprétation du message royal.

Ce qui surprend dans l'ordonnance royale, c'est qu'il y soit aussi question desanimaux. Tandis que les hommes jeûnent, les b ufs et les brebis ne doivent nipaître, ni boire; oui, eux aussi doivent être revêtus de vêtements de deuil, en si-gne de tristesse. Bien des gens diront que c'est une barbarie, une cruauté de fairejeûner les animaux dénués de raison! Quelle absurdité, diront-ils, de croire queDieu sera touché en voyant ces pauvres créatures enveloppées dans leurs vête-ments de deuil, bramant, bêlant, mugissant pour avoir de l'eau et du fourrage!C'est ainsi qu'on parle aujourd'hui en Occident, mais les Orientaux ont toujourseu et ont encore là-dessus un autre sentiment. Pourtant depuis que l'être humain,chef et souverain de la création, est tombé sous le joug de la mort par la déso-béissance, toutes les créatures sont aussi asservies à la corruption. Dès lors lesanimaux aussi, assujettis à la vanité, attendent en soupirant et avec un ardentdésir la manifestation des fils de Dieu.1 Le psalmiste parle aussi "des jeunes cor-beaux qui crient vers Dieu", parce qu'ils ont faim. Dieu interprète le cri commeun appel qui lui est adressé, à lui, créateur de tout.

Les Orientaux aiment à donner à leurs sentiments une expression vive, unereprésentation visible qui leur convienne. C'est pourquoi ils s'assoient dans lacendre, revêtus de vêtements de deuil, déchirent leurs vêtements ordinaires ets'arrachent les cheveux; leur visage n'est pas lavé, et pour accompagner le tout,ils ont une musique lugubre qui répand une ambiance de mort. Tout cela doitreprésenter l'état d'un c ur déchiré, désespérant de lui-même. En Occident, on ad'autres idées là-dessus. On ne tient pas à ces formes et à ces démonstrationsbruyantes; chaque peuple a ses m urs et ses usages, et tant que la vie intérieuren'est pas remplacée par le formalisme extérieur, le sentiment intérieur est alorsreflété par les choses extérieures. On ne saurait nier que la vue de ce bétail er-rant, affamé et altéré, n'ait dû produire une forte impression. Si les b ufs et lesbrebis étaient condamnés à périr avec les hommes à Ninive, comme autrefois àSodome, si les animaux souffrent encore aujourd'hui aussi bien que les hommes,

1 Rom 8, 18...

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par exemple, des temps de stérilité ou de famine, pourquoi ne devraient-ils pasaussi jeûner et soupirer avec les hommes avant ces calamités?

3. Le fruits de cette action.Les Ninivites ne se présentent pas devant Dieu avec des cérémonies de tout

genre, ni avec de pieux discours, mais avec "un nouveau c ur". Chaque citoyende Ninive réfléchit sur sa situation, et se rend compte de ses anciens errements.Chacun se détache intérieurement de son ancienne manière de vivre et se tournevers Dieu avec un c ur nouveau. Il ne vient à l'idée de personne d'accuser lesautres. Chacun s'en prend à soi-même, chacun se remet en question personnelle-ment, sans qu'une classe, ainsi qu'il est de règle dans les calamités publiques,cherche à jeter toute la responsabilité sur une autre. Lorsque les flèches du Tout-Puissant sont entrées dans le c ur de l'être humain, lorsque la faute est devenuepour lui un poids écrasant, toutes les explications deviennent superflues, toutesles excuses se taisent; chacun regarde la situation générale à laquelle il a prispart, chaque c ur sincère sent qu'il est personnellement coupable de la perversitégénérale.

Les fruits d'une remise en question ne feront pas défaut partout où une vérita-ble transformation intérieure se sera produite. On ne conçoit pas un changementdu c ur sans un changement de la conduite et de la manière de vivre. Un chan-gement d'avis qui ne consisterait qu'en vaines paroles, en cérémonies, en larmeset en sentimentalité, n'aurait aucune valeur, ni devant Dieu, ni devant les hom-mes. Bien qu'il soit un aveugle qui ne connaît pas IHVH, le roi de Ninive le saitbien; tandis que nombre de chrétiens éclairés paraissent l'ignorer. Il insiste doncsur l'abandon des mauvaises voies et de toute injustice (verset 8). C'est ce que lescitoyens de Ninive comprennent aussi.

"Dieu a vu qu'ils agissaient ainsi et qu'ils revenaient de leur mauvaise voie"(verset 10). Que de choses on peux apprendre, durant ces jours-là, dans les ruesde la ville idolâtre! Des ennemis se jetaient dans les bras l'un de l'autre et deve-naient amis; chacun s'avouait coupable. D'anciennes jalousies, des haines et desdivisions de famille (soi-disant éternelles) étaient effacées en un clin d' il. Tousdésiraient prouver leur bonté et leur amour, car tous cherchaient un Dieu miséri-cordieux. Mille procès ont été terminés ce jour-là par une poignée de main; onn'avait nul besoin de juge; chacun était un juge sévère à lui-même, indulgent auprochain. Des questions d'héritage embrouillées trouvaient leur solution dans unseul regard ému échangé entre deux frères. Spectacle étonnant! Voici une foulede gens qui arrivent, les uns disant: "Nous sommes des voleurs! voici les objetsdérobés!" d'autres s'écriant: "Nous vous avons fait tort de telle somme, la voici!"

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De vieux usuriers rapportaient le vingt pour cent d'intérêt qu'ils avaient extorquéà quelque misérable dans la détresse.

Ainsi, une transformation radicale se propageait dans toute la ville. De mé-moire d'homme on n'avait rien vu de pareil; quelques jours avant on aurait encorecru la chose impossible. Oui, Ninive était devenue une ville nouvelle! Un nou-veau souffle animait ses habitants! Leurs avis envers Dieu et envers les hommes,étaient changées; Dieu changera-t-il, aussi d'avis envers eux?

6. Comment Dieu change d'avis."Qui sait? Dieu reviendra-t-il et changera-t-il d'avis, et renoncera-t-il à son

ardente colère, et nous ne périrons pas?Dieu a vu qu'ils agissaient ainsi et qu'ils revenaient de leur chemin du mal.

Alors Dieu a changé d'avis quant au mal qu'il avait résolu de leur faire, et ilne l'a pas fait." (3, 9-10.)

1. "Qui sait?"Celui qui ne tire la certitude de sa vie éternelle que d'une expérience réelle ou

imaginaire, datant de plusieurs années ou d'une doctrine chrétienne quelconque,catholique, protestante, évangélique, charismatique ou autre, n'a sous les piedsqu'un terrain chancelant. Au lieu de demander la consolation à un pasteur et à sesdogmes, Il vaut mieux s'adresser directement au Père de toute grâce qui laissealler les erreurs et les fautes.

J.-J. Rousseau a eu recours à un moyen surprenant pour s'assurer de son salut.Un jour (c'est lui qui le raconte), il était seul dans une forêt, fortement préoccupépar l'idée de savoir s'il serait sauvé ou perdu. Il a alors eu une idée étrange. Ils'est dit: "Si, avec cette pierre, j'atteins ce tronc-là en deux coups, ce sera un si-gne certain que je contemplerai la gloire de Dieu". Il a jeté la pierre, et bien quesa main ait tremblé, il a atteint le but du premier coup. Dès lors, et malgré sesnombreuses erreurs, ce philosophe accommodant n'a plus douté qu'il ne doive,lui aussi, avoir part au royaume de Dieu. Dès cette heure, il s'est imaginé possé-der cette certitude. Dieu ne se laisse pas plus imposer un miracle par un écrivainde génie du 18e siècle que par les pharisiens juifs du temps d'Auguste. Il a unefois pour toutes posé lui-même les conditions pour être délivré.

L'être humain n'a qu'un moyen d'obtenir la certitude de la grâce de Dieu, celuide s'adresser à lui. Il découvre ainsi, à travers les profondeurs et les abîmes deson propre c ur, le sommet où règne le vrai Dieu. Celui qui vient à Dieu avec un

ur brisé ne sera pas repoussé. En dehors de la parole et du témoignage de

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Dieu, il n'y a pas d'autre moyen, ni de signe; on n'en a d'ailleurs nul besoin. Saparole est plus ferme que tous les rochers de la terre.

Les Ninivites ne connaissaient pas la révélation écrite, mais ils la portaientdans leur c ur et dans leur conscience. Ils ont cherché Dieu pour obtenir sagrâce en marchant sur les ruines de leur propre vie. Le "souverain de l'empire dumonde", après avoir donné le meilleur exemple, a encouragé son peuple à chan-ger sérieusement de chemin. Qui sait? Dieu reviendra-t-il et changera-t-il d'avis,et renoncera-t-il à son ardente colère, et nous ne périrons pas". Ce "qui sait"prouve que le roi d'Assyrie était un grand théologien!

Comment? N'était-ce pas une tentative inutile? Dieu n'avait-il pas fait annon-cer catégoriquement et définitivement que Ninive périrait dans quarante jours? Iln'y avait pas de restriction. Il n'y avait aucune possibilité d'être gracié. La choseest arrêtée. Oui, elle est bien arrêtée et les Ninivites eux-mêmes en sont persua-dés. Ils reconnaissent que la sainteté de Dieu exige ce jugement, et ils acquies-cent à sa volonté. Pourtant "qui sait?" Si les Ninivites n'avaient connu que lafroide logique, ils auraient conclu de l'annonce du jugement de Dieu qu'il ne leurrestait plus qu'à désespérer. Les uns auraient passé ces quarante jours dans lesgémissements et les larmes, tandis que d'autres, plus pratiques, auraient dit:"Nous voulons au moins vivre gaiement ces derniers jours et en jouir du mieuxque nous pourrons".

Que de fois on entend parler de gens qui, à leur avis, n'ayant plus rien à espé-rer dans ce monde ni dans l'autre, se livrent au désespoir et cherchent un refugedans le suicide! D'autres essaient d'oublier leur misère dans de folles voluptés.

Les Ninivites, guidés par leur roi, suivent un chemin aussi éloigné de ces deuxextrêmes. Là aussi le c ur et la conscience renversent tous les raisonnements,toutes les objections de la raison. Ils ne choisissent ni le désespoir stérile, ni lesfolles voluptés, mais un changement sincère. Ils croient que Dieu est tellementirrité qu'il veut et doit les anéantir. Cette certitude les plonge dans l'angoisse etdans la détresse, et pourtant, des profondeurs de leur c ur déchiré, une voix lesencourage et leur dit: "Auprès de IHVH, il y a grâce et pitié!" Une douce lueurd'espérance se fait jour: "Qui sait? Qui sait?" Cette voix se fait entendre, elle estdouce mais distincte et claire, à travers tous les roulements du tonnerre qui gron-dent dans les sombres nuages de la justice de Dieu. "Qui sait? Qui sait?"

Ceci est une leçon à apprendre. Il y a une contradiction apparente dans cesNinivites. Ils croient au message de Jonas, mais ils espèrent en même temps êtregraciés. "Dieu n'est pas un homme pour mentir, ni un fils d'homme pour changerd'avis. Ce qu'il a dit ne le fera-t-il pas? Ce qu'il a déclaré ne l'exécutera-t-il pas?"C'est une entreprise étrangement hardie que celle de vouloir changer la volonté

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de Dieu! Alors que Jonas, le prophète d'Israël n'était pas disposé à encourager sesauditeurs, la suite du récit le montre.

Où ont-ils donc puisé un pareil courage? Ils l'ont puisé dans leur détresse etleur souffrance. Dans les sombres angoisses, le sentiment de la bonté de Dieu atraversé leur personne; au moment où ils livrent leur ancienne existence à lamort, le souffle d'une nouvelle vie pénètre leur c ur; un rayon de l'infinie dou-ceur de Dieu arrive jusqu'à la poussière et à la cendre où les Ninivites sont assis.

Oui, l'être humain dans la poussière connaît mieux le c ur de IHVH que legrand théologien qui passe de longues années à sonder les mystères divins et quiécrit des volumes sur la Sainte Trinité, sur l'origine du mal, sur la vie après lamort, etc., mais qui a oublié de se juger lui-même. Dans le feu dévorant de lasainteté de Dieu on apprend à espérer là où il n'y a plus d'espoir, à chercher là oùtout est perdu, à frapper à la porte bien qu'elle soit fermée et verrouillée. L'espoir,les recherches et les appels ne sont pas vains. Les Ninivites en ont fait l'expé-rience triomphante: ils ont décidé Dieu à changer d'avis. Mais est-ce vraimentDieu qui a changé?

2. Ninive est réellement anéantie."Dieu a vu qu'ils agissaient ainsi et qu'ils revenaient de leur chemin de

mal. Alors Dieu a changé d'avis quant au mal qu'il avait décidé de leur faire,et il ne l'a pas fait." (Verset 10.)

N'est-ce pas étonnant? Dieu change d'avis parce que les habitants de Ninivechangent d'avis quant à leur vie passée; Dieu ne fait pas ce qu'il avait dit, parceque ces gens agissent autrement qu'autrefois. Ninive n'est pas détruite au boutdes quarante jours, mais elle subsiste encore des siècles, comme une reine parmiles nations.

En est-il vraiment ainsi? Dieu ne tient-il pas parole? Son amour est-il en lutteavec sa justice? Ces deux attributs seraient-ils en opposition l'un avec l'autre, desorte que tantôt l'un, tantôt l'autre est victorieux, comme chez les hommes, oùc'est tantôt l'amour, tantôt l'égoïsme qui a le dessus? Qu'elle serait misérable,cette représentation de Dieu, chez qui tout est unité et éternelle harmonie! Non!Mais Ninive a bien été anéantie selon la parole de IHVH, et il ne s'agit pas icid'image ou de parabole, mais il s'agit bien de l'entière réalité. Ninive s'est anéan-tie dans l'angoisse en réalisant qu'elle vivait dans la corruption, avant le délai dequarante jours. L'ancienne Ninive est donc entièrement détruite; c'est maintenantune nouvelle Ninive qui vit avec Dieu. Sa destruction physique n'est donc plusnécessaire après les quarante jours.

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Dieu ne veut jamais la mort de l'être humain, mais le jugement et la destruc-tion de l'erreur et de la faute. Si donc Dieu fait annoncer la mort à ces gens, c'estsérieusement; toutefois ils ont le choix; ils peuvent rejeter leur perversité et per-dre leur personnalité héritée d'Adam ou attendre que Dieu exécute sa condamna-tion. Ninive a exécuté elle-même le jugement et la condamnation; elle s'estanéantie elle-même, et la volonté de Dieu a été ainsi accomplie. Cette Ninive quis'élevait anéantie dans la poussière jusqu'au trône de Dieu n'était plus l'ancienneville d'abominations; c'était une nouvelle ville couverte par l'approbation deDieu, et à laquelle s'appliquait un nouveau droit. La volonté de Dieu était ac-complie, sa parole avait effectué sa mission. Ce n'étaient pas les corps, les mai-sons, les temples, le bétail, les champs ou les jardins de ces gens que Dieu vou-lait détruire et qui étaient détruits, non, c'était leurs fautes, leurs convoitises,leurs désirs, leurs passions, leurs vices, leurs injustices, en un mot, leur personna-lité ou leur nature humaine héritée d'Adam; c'était exactement ce que Dieu vou-lait. Dieu ne veut jamais anéantir les êtres humains, lorsque leur ancienne naturecorrompue est détruite.

3. Quelques questionsPlusieurs questions peuvent alors se poser ici. Par exemple.Comment se peut-il que Dieu sache tout, que rien n'arrive sans sa volonté et

que cependant l'être humain garde son libre arbitre?Le retour vers Dieu des Ninivites est-il un effet de la grâce puissante de Dieu

ou est-il le travail de la liberté humaine?Si Dieu avait prévu que les habitants de Ninive se tourneraient vers lui, était-il

vraiment nécessaire de leur annoncer la ruine de leur ville si définitivement? SiDieu ne le savait pas, où est alors sa souveraineté?

Comment accorder ces deux faits? 1) Tout ce qui est bien dans la race hu-maine ne peut être produit que par Dieu. 2) Malgré cela, les êtres humains sonttenus de faire le bien et rendus responsables de tout mal?

Voici les témoignages de personnes qui n'ont pas trouvé de réponse à cesquestions, bien qu'étant des intellectuels versés dans l'étude de la Bible.

"Tandis que les cloches annonçaient le dimanche, je suis entré un samedi soirchez un théologien de mes amis, homme très capable. J'ai trouvé le cher pasteur,devant sa table à écrire, découragé et les yeux baignés de larmes. "Pourquoi es-tusi triste?" lui ai-je demandé. Il m'a montré, avec un sourire mélancolique, sa cor-beille à papier remplie de brouillons déchirés. "Tu vois, me dit-il, ce sont les dé-bris de dix-huit feuilles de papier que j'ai remplies depuis lundi matin, cherchant

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inutilement à coordonner mes idées pour mon sermon. Après une semaine delabeur j'y vois moins clair et suis moins avancé qu'au début. J'avais l'intention deparler sur ce sujet: comment se peut-il que Dieu sache tout, que rien n'arrive sanssa volonté et que cependant l'être humain garde son libre arbitre?"

Rien de surprenant si cet ami n'est pas venu à bout de son sermon, malgré sesprofondes réflexions, et sa consommation d'encre et de papier; car, plus on cher-che à approfondir ces choses, plus l'obscurité s'épaissit. Ce sont des questionsque nous aurons le loisir de résoudre dans l'éternité.

Quelle folle conclusion!Luther, de son côté, dit à propos d'un passage de ce genre: "J'ai pour règle de

traiter autant que possible les questions qui nous entraînent vers le trône de lamajesté divine. Il est préférable et plus sûr de rester en bas près de la crèche duSeigneur Jésus-Christ qui est devenu un homme que de s'égarer avec la divinité;il y a là un grand danger".

Quel dommage que Luther ait voulu rester près de la chèche au lieu d'allerjusqu'à la croix! Cela me fait penser au serviteur qui avait caché son talent dansla terre.1 Il a ainsi placé un coup d'arrêt définitif à tout progrès dans sa vie. Sesparoles montrent l'effroyable misère spirituelle où en étaient déjà arrivés leschrétiens au bout d'un millénaire et demi. Et le premier témoignage montre querien ne s'est amélioré par la suite, mais que la situation des chrétiens du 21e siècleest la même, sinon pire.

Si les acteurs de ces témoignages n'ont pas trouvé de solution à leur problèmec'est qu'ils ne sont pas parvenus à trancher entre leur attachement souvent in-conscient aux dogmes et doctrines de leur religion et le simple message de laBible. Ils ont cru que les enseignements de leur religion étaient, non seulementen parfait accord avec la Bible, mais qu'ils étaient l'enseignement même de laBible. Sans s'en rendre compte, ils ont mis au premier plan les enseignements deleur religion en considérant qu'il leur donnaient une juste interprétation du textede la Bible. Ils ne lisent donc plus leur Bible qu'à travers ces enseignements en-tachés d'erreurs. De plus, toutes les traductions courantes de la Bible ont été fai-tes en tenant compte de ces enseignements et des coutumes des religions chré-tiennes; elles sont donc elles-mêmes entachées d'impuretés qui font dévier lapensée du lecteur pour la ramener vers les enseignements erronés de leur religionchrétienne.

1 Mat. 25, 14-30.

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4. La souveraineté de Dieu et la responsabilité de l'homme.Ces témoignages montrent que ces questions soulèvent une grande difficulté.

Mais est-elle vraiment si grande? Si j'accepte la totale souveraineté de Dieu etl'entière responsabilité des êtres humains, et que je ne les mets pas en opposition,toute difficulté disparaît.

La souveraineté de Dieu est admise par tous les chrétiens, au moins en paro-les. En réalité, dans leur c ur, elle leur apparaît assez floue. Si je dis, par exem-ple, que Dieu "savait" qu'un événement allait se produire, je ne m'exprime pas dela bonne façon lorsque je parle "de" Dieu ou "sur" Dieu. C'était l'erreur des col-lègues de Job qui a enflammé la colère de Dieu: "Vous ne parlez pas de moi avecexactitude comme mon serviteur Job".1 Si Dieu "sait" seulement qu'un événe-ment va arriver, cela peut laisser entendre qu'il n'en est pas le responsable, que cen'est pas lui qui l'a voulu; si un autre en est le responsable et l'a voulu, qui peut-ilêtre? C'est celui qui est le responsable et qui l'a voulu, qui est le souverain. Si cen'était pas le vrai Dieu, alors il ne serait plus souverain. Il faut donc dire queDieu lui-même avait déjà décidé le retour des Ninivites. Cela vient donc entiè-rement de lui, c'est l'effet de sa souveraineté.

Si Dieu fait annoncer au Ninivites cette ruine si définitivement, c'est qu'il veutleur révéler avec force qu'il a décidé de mettre fin à leur état et que l'échéancequ'il a fixée arrive à son terme. S'il les avertit à l'avance, c'est pour les placerdevant un choix, et leur donner l'occasion de prendre la bonne direction. Car aupoint où ils en étaient arrivés, Dieu pouvait et devait les détruire immédiatementet sans les avertir. Par l'effet de leur libre choix, ces gens se tournent d'eux-mêmes vers Dieu, sans aucune autre intervention de sa part. Le retour des Ninivi-tes est donc le résultat de deux réalités qui ne s'opposent pas. (1) la souverainetéuniverselle et totale de Dieu associée à (2) la liberté de l'être humain entraînantsa responsabilité.

Il est facile d'admettre que, dans la race humaine, tout le bien est produit parla grâce de Dieu qui est souverain. Il semble un peu moins facile d'admettre quecela ne s'oppose pas à ce que les êtres humains soient tenus de faire le bien etrendus responsables de tout mal.

Il faut voir cela d'un peu plus près. Si Dieu est souverain, il est donc aussi leresponsable de tout. C'est pour cela que rien n'arrive sans sa volonté.2 Bien desgens pensent que si Dieu décide à l'avance tout ce qui arrive et ce qu'ils vontfaire, leur libre arbitre est supprimé. Mais pourquoi donc? La souveraineté de

1 Job 42, 7.2 Lam 3, 37-38.

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Dieu ne prive pas l'homme de sa liberté. Pour enlever le libre arbitre à l'homme,il faudrait que lui aussi sache à l'avance tout ce qui allait arriver, et tout ce queDieu fait et prévoit de faire. Mais Dieu n'est pas obligé de faire savoir aux hom-mes tout ce qu'il fait et va faire. Si l'homme ne sait pas ce que Dieu a décidé defaire, il n'est pas privé de son libre arbitre. Il peut seulement dire: "si j'avais su!...Je n'aurais pas agi ainsi". C'est pourquoi Dieu, dans sa bonté, le prévient par l'an-nonce de la bonne nouvelle de Jésus, comme il avait prévenu Adam dans le jar-din d'Éden; il lui demande seulement de lui faire confiance.

Voici l'exemple d'un maître d'école qui donne un problème à ses élèves. Encela, il est souverain sur eux. Il désire que tous trouvent la bonne solution, et sesleçons précédentes étaient faites pour cela. Les leçons sont comme l'annonce dela bonne nouvelle, elles enseignent la façon de réussir. Mais, évidemment, lemaître cache la solution du problème. L'élève est donc absolument libre dans sontravail, et il est libre aussi de présenter à son maître un devoir juste ou faux. Si lemaître donnait la solution avec le problème, toute liberté serait supprimée.L'élève n'aurait plus de responsabilité, il serait un automate. Et à la fin de sesétudes, il serait incapable de vivre.

Voici un autre exemple qui conduit un peu plus loin. Supposons que je metrouve devant deux chemins dont l'un aboutit à une catastrophe et l'autre au bon-heur. Le problème, c'est que je ne peux pas voir leur aboutissement qui est pour-tant bien réel et déjà établi par le maître des lieux. Puisque je ne peux pas voirleur aboutissement, je suis entièrement libre de choisir celui dont le commence-ment que je vois m'apparaît le mieux ou plus facile. Le danger, c'est qu'il estpeut-être celui qui aboutit immuablement à une catastrophe. Il est évident que j'aiune chance sur deux de me tromper quant à leur aboutissement déjà immuable-ment établi.

On voit déjà que la liberté du promeneur ne dépend pas du tout de la souve-raineté du maître des lieux qui a déjà fait l'aboutissement de chacun de ces deuxchemins.

Voilà établie l'absence de rapport entre la liberté de l'être humain et la souve-raineté de Dieu. C'est la première partie du problème. Si on s'arrête là l'être hu-main ne peut être tenu pour responsable de son mauvais choix, justement à causede son ignorance.

Il reste à établir que la responsabilité de l'être humain peut être engagée, mal-gré son ignorance et la souveraineté de Dieu.

Si le maître des lieux qui a fait les deux chemins précédents se présente main-tenant devant le promeneur au départ des deux chemins et lui indique celui quiaboutit au bonheur, il devient responsable de son choix devant le maître deslieux. Cependant, il reste libre totalement de choisir le chemin qu'il veut. S'il

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choisit librement le mauvais comment pourra-t-il éviter la catastrophe? Il seraresponsable de la catastrophe et de sa mort.

C'est ici qu'intervient la confiance qu'on fait à Dieu. Si je fais confiance à ce-lui qui m'avertit, je choisirai le chemin qu'il m'indique comme étant le bon, indé-pendamment de son aspect.

C'est ce qui se passe lors de l'annonce de la bonne nouvelle de Jésus. Dieu medéclare qu'il oublie mon passé avec toutes mes erreurs et mes fautes et il me ré-vèle un deuxième chemin (une deuxième façon de vivre) par l'annonce de cettebonne nouvelle. Deux chemins se présentent donc maintenant à moi, et je suisaverti, sans le voir encore, de l'aboutissement de chacun d'eux. Si je faisconfiance à Dieu, je choisis le chemin qu'il m'indique, même si, au départ, il mesemble beaucoup moins bon.

La réponse à ces questions est donc très simple: Dieu n'est pas obligé de memontrer tout ce qu'il fait ou va faire; il lui suffit de me le dire. C'est ce qu'il a faitpour Adam dans le jardin en l'avertissant que la consommation d'un certain fruitentraînerait sa mort. C'est encore ce qu'il fait aujourd'hui par l'annonce del'Evangile.

Il y a ici, pour moi, la nécessité de faire confiance au vrai Dieu souverain, touten étant entièrement libre de mes choix et de mes initiatives. Cela me conduit àune joie, à une libération, à une victoire et à un bonheur inconnus de celui quihésite et qui oppose la souveraineté de Dieu à la responsabilité de l'homme.

Il ne faut jamais que j'oublie que l'être humain que je suis est un objet queDieu a fabriqué. Dieu est donc bien libre de faire ce qu'il veut de cet objet, sansle lui dire. "Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du souffle saint quiest en vous, que vous avez reçu de Dieu, et que vous ne vous appartenez pas àvous-mêmes? Car vous avez été rachetés à un grand prix. Glorifiez donc Dieudans votre corps et dans votre esprit qui appartiennent à Dieu.1

DERNIERE LEÇON POUR JONAS.7. Un très mauvais caractère.

"Cela a fait mal à Jonas, un grand mal, et il a été irrité. Il a imploré IHVH,et il a dit: ah! IHVH, n'est-ce pas ce que je disais, quand j'étais encore dansmon pays? C'est ce que je voulais prévenir en fuyant à Tarsis. Car je savais

1 1 Cor 6, 19-20.

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que tu es un Dieu compatissant et miséricordieux, lent à la colère et riche enbonté, et qui change d'avis au sujet du mal." (4, 1-2.)

1. Dieu doit se laisser faire la leçon par ses enfants?Jésus expose avec une certaine ironie 1 que la sagesse de Dieu, manifestée en

lui, doit se justifier, c'est-à-dire accepter d'être critiquée par des gens à courte vueet capricieux. Lorsque les enfants entêtés et mal élevés jouent de la flûte, ilss'imaginent que leurs camarades doivent danser. S'ils ont envie de se plaindre etde pleurer, tous doivent pleurer avec eux. Comme ces enfants ignorants agissentavec leurs amis, "ainsi agissez-vous avec la sagesse de Dieu, c'est-à-dire avecmoi, disait Jésus; la sagesse doit se laisser reprendre par ses enfants!" On levoit bien en lisant les Évangiles: pour l'un Jésus est trop gai, pour l'autre il esttrop triste; pour celui-ci il est trop bon, pour celui-là il ne l'est pas assez; les unsle trouvent trop populaire, vulgaire, les autres, au contraire, trop réservé; tandisque ceux-ci se plaignent de son inaction, ceux-là estiment qu'il va trop loin; pourles uns il est trop sévère et trop saint, tandis que d'autres disent: "C'est un péageret un ami des gens de mauvaise vie. C'est un transgresseur de la loi et du sabbat".Bref, il ne peut contenter personne, et il est obligé de subir l'opposition conti-nuelle des gens.2 Ce qui est arrivé à Jésus durant son séjour ici-bas se passaitdéjà avant, et se passe encore aujourd'hui. Le Dieu sage et tout-puissant accepteque les gens, ses propres créatures de quelques jours et que le temps emporte, seposent en juges de ses actions, et que d'un air important et entendu, ils exprimentsur elles leur approbation ou, ce qui est plus fréquent, leur désapprobation. Heu-reusement que Dieu ne s'est jamais inquiété de leurs appréciations; il a suivi sonchemin et a laissé les enfants jouer de la flûte et danser ou pleurer, se plaindre etse lamenter tout à leur aise.

Avant tout, on prétend faire la leçon au Dieu de toute gloire, au sujet de sa pi-tié. Tandis qu'il est trop miséricordieux pour l'un, il ne l'est pas assez pour l'autre.On ne le trouve jamais assez miséricordieux lorsqu'il s'agit de soi, mais toujourstrop lorsqu'il s'agit des autres! Ce récit en fournit un exemple très instructif quiaidera à avancer dans la connaissance de soi-même.

Ninive s'était donc humiliée. Le peuple entier, avec son roi, s'était abaissédans la poussière. Tel qu'un phénix renaît de ses cendres et s'élève rajeuni dansl'azur, ainsi la métropole des bords du Tigre sort renouvelée des cendres de sonancienne vie de corruption. Le peuple entier de Ninive vient de passer à travers

1 Mat 11, 16-19.2 Héb 12, 3.

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la mort et en ressort animé d'une vie nouvelle. Le peuple qui se jugeait lui-même,n'avait plus besoin d'être jugé par Dieu; le soleil de sa grâce brillait sur les caba-nes et sur les palais de la capitale. C'était par Jonas que Dieu avait accompli de sigrandes choses. Jamais un évangéliste n'a eu un succès pareil. Combien le pro-phète doit se réjouir, et remercier Dieu d'avoir conservé un si grand peuple par saparole! Combien il doit se sentir humilié d'avoir été choisi pour un si grand hon-neur! C'est ce qu'on pense; c'est ce qui est normal.

Mais qu'est-ce qu'on entend? "Cela a fait mal à Jonas, un grand mal, et il a étéirrité". N'est-ce pas horrible? L'homme qui vient de désobéir si gravement à sonDieu est sans pitié pour d'autres. Lui qui a été sauvé de la perdition par un formi-dable miracle murmure et s'irrite de ce que Dieu ne veut pas anéantir une multi-tude d'individus! Il se fâche de ce que Dieu ne veut pas faire pleuvoir le feu duciel sur la grande cité de Ninive.1 On dira: "mais c'est un monstre ce Jonas!" In-volontairement on pense à cet énergumène, qui souhaitait que l'humanité n'aitqu'une tête, pour l'abattre d'un seul coup!

2. Pourquoi la bonté de Dieu ne plaît-elle pas à Jonas?De tout temps on a senti qu'il fallait absolument trouver une excuse à Jonas.

Les théologiens ont tort lorsqu'ils prétendent que le prophète était de mauvaisehumeur parce qu'il avait l'air d'un faux témoin. En effet, il avait annoncé la des-truction irrévocable de Ninive, sans qu'elle se produise. Même s'il passait pourun faux témoin, il est difficile de croire qu'il aurait préféré voir périr des millionsd'individus plutôt que de devenir la risée du public. Et devant la réaction de Ni-nivites il savait maintenant que les Ninivites ne le prenaient pas pour un fauxprophète. Car ils savaient bien que Jonas leur avait dit la vérité et qu'il avait étépour eux un messager de Dieu. Au lieu de le mépriser, ils l'auraient honorécomme leur sauveur!

Non, il y a une autre raison qui explique le dépit et l'irritation de Jonas, sansles justifier en aucune manière. Jonas ne voulait pas parler aux Ninivites, parcequ'il savait que derrière le Dieu exigeant le rejet d'une vie corrompue, il y a leDieu qui gracie. Il ne fuyait pas par crainte des hommes, non. Il avait peur queles Ninivites se montrent plus dociles à la parole de IHVH qu'Israël, le vrai peu-ple de Dieu, et qu'alors la grâce et la révélation de Dieu passent d'Israël aux au-tres peuples. Or, pour un fils d'Israël, cette pensée était plus terrible que la mort,d'autant plus qu'au cas où une telle éventualité se réaliserait, elle laissait alorsplaner un doute sur la possibilité de la venue du Messie pour sauver Israël. Voilàpourquoi Jonas s'oppose à la volonté de Dieu de toutes ses forces et de toute sa

1 Penser à la comparaison de Jésus dans Mat 18, 21-35.

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pensée. (Cette éventualité était peut-être venue dans la pensée de Saul appeléPaul, avant son voyage à Damas.) Dieu a su assouplir Jonas par d'effroyableschâtiments. Dépouillé d'une partie de sa nature humaine d'Adam, mais d'une par-tie seulement, il a pris le chemin que Dieu lui avait indiqué. Le résultat de saprédication est puissant au-delà de toute attente. Ce que le prophète avait entrevuse présente en réalité à ses yeux. Tandis que tout Israël méprise la parole deIHVH, les autres peuples l'acceptent avec empressement; tandis que les juge-ments de Dieu, toujours plus terribles, frappent son peuple choisi, le soleil de lagrâce brille doucement sur les autres peuples. Jonas prévoyait ce qui est effecti-vement arrivé plus tard: les peuples étrangers deviendront un fouet dans la mainde Dieu pour détruire la partie rebelle d'Israël. IHVH retirera la révélation àIsraël, et la donnera aux races humaines.

Ainsi ce n'était pas la soif de sang et de carnage qui faisait désirer à Jonas queNinive soit détruite, non; c'est qu'il comprenait que si la ville étrangère était épar-gnée, son propre peuple serait mis de côté. Cette pensée remplit son c ur d'uneamertume inexprimable. Il est envahi par les ombres épaisses de l'obscurité.Comme autrefois Moïse et Élie avaient désiré mourir pour ne pas assister à laruine d'Israël, à ce moment-là; Jonas aussi préférait la mort à la vie. Oui, il croitêtre en droit d'en vouloir à Dieu. Cette fois, il croit qu'il a raison et que Dieu atort, et qu'il fait porter sa bonté sur un faux objectif. On ne peut s'empêcher, enobservant l'attitude de Jonas, de découvrir une attitude proche de celle du frèreaîné de la parabole du fils prodigue. La seule attitude positive du prophète ici,c'est d'exprimer ouvertement ce qu'il pense, au lieu de se renfermer dans un som-bre mutisme. De cette manière, il peut encore être corrigé.

En parlant ainsi, il ne faut pas vouloir blanchir entièrement Jonas, mais ilparaît injuste de vouloir en faire un monstre! Si grande que soit son erreur, ellene l'est pas plus que ne l'a souvent été celle de n'importe quel être humain, ainsique celle de beaucoup de chrétiens "engagés". Jonas n'est pas un monstre, ni unorthodoxe exalté, mais le portrait de l'homme exagérément religieux ou patrioti-que, donc de beaucoup de chrétiens aussi, tels qu'ils sont dans leur c ur.

C'est l'homme religieux toujours mécontent des décisions de Dieu, lorsqu'ellessont en désaccord avec sa religion, et qu'elles risquent de la mettre en péril à sesyeux. C'est l'homme si facilement disposé "à jeter le manche après la cognée",dès que la volonté de Dieu contrecarre sa pensée religieuse. Voilà la raison decette réaction de Jonas. C'est aussi l'état de c ur de tous les chrétiens qui ont

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persécuté jusqu'à torturer leurs propres frères à travers les siècles, sous prétexted'hérésie.1

Dans son dépit et son irritation, le prophète parle à IHVH pour lui faire un re-proche. Impossible d'attendre un bon résultat d'une telle déclaration. Un c uraigri, chagrin, froid et hautain ne peut pas parler à Dieu. Il faut que celui quiparle à Dieu se soumette. Si je ne suis pas avant tout convaincu de n'être que levase en présence du potier; si je ne me suis pas pris en dégoût, je ne saurai meprésenter devant le Dieu qui gracie le condamné. Mon discours n'aurait pas deconsistance; il lui manquerait le souffle qui seul permet de se présenter devantDieu.

De mauvaise humeur, Jonas commence son discours en disant clairement àDieu: "En vérité, j'avais raison dès le début, lorsque je ne voulais pas aller à Ni-nive; je prévoyais ce qui est arrivé; je savais bien que tu ferais grâce au lieu defaire justice". On voit reparaître ici la personnalité de Jonas, son héritage d'Adamou la chair. Malgré tant d'humiliations, tant d'expériences de la grâce et de lajustice de Dieu, en dépit de ses résolutions et de son changement d'avis sincère,malgré tant de protestations et de v ux, la chair souillée ressort et déborde:"Moi J'avais raison!" Que celui qui ne connaît pas encore son propre c ur serecommande à Dieu; que celui qui le connaît un peu, réfléchisse aux jours passéset parle à Dieu pour ceux qui sont à venir.

8. Une méchante parole adressée a Dieu."Il a imploré IHVH et il a dit: ah! IHVH, n'est-ce pas ce que je disais,

quand j'étais encore dans mon pays? C'est ce que je voulais prévenir en fuyantà Tarsis. Car je savais que tu es un Dieu compatissant et miséricordieux, lent àla colère, et riche en bonté, et qui change d'avis au sujet du mal! Maintenant,IHVH, prends-moi la vie, car la mort m'est préférable à la vie!" (4, 2-3.)

1. Les sages et les fous.Les sages partent de l'erreur et vont vers la vérité. Les fous s'obstinent dans

l'erreur. C'est vrai, mais à ce taux-là, les sages sont clairsemés et les fous sonttrès nombreux sur la planète! Pourtant les enfants qui se sont bien brûlé lesdoigts ne l'oublient pas de si tôt; de même le petit garçon qui est enfin parvenu,avec beaucoup de peine, à se fourrer la table de multiplication dans la tête, nedira plus jamais que quatre fois quatre font huit. Pour tout ce qui est terrestre, onapprend assez facilement à "passer de l'erreur à la vérité"; quand il s'agit de ce

1 Il est bon de réfléchir à Mat. 5, 43-48.

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qui est spirituel, on revient toujours au même point acquis depuis longtemps.Lorsqu'on découvre que tel est le c ur humain, on pourrait perdre courage, si laBible ne montrait pas que Dieu a décidé de le changer.

La Bible raconte les expériences de certains hommes, employés par Dieu, quisont aussi passés par là, et que Dieu n'a pourtant pas repoussés, mais corrigéspour les éduquer. Ces exemples doivent servir non d'oreiller de paresse, mais deconsolation.

Le prophète Jonas est un de ces exemples; lui aussi est passé de l'erreur à lavérité, mais jusqu'à présent ce n'est que partiellement seulement. C'est pourquoison erreur revient en surface.

Ce qui frappe d'abord dans sa conversation avec Dieu, c'est sa prétention àavoir raison. La source de l'erreur est finalement toujours la même: l'égoïsme etla désobéissance. Toutefois il y a des travers qui ont un aspect moins repoussantque d'autres. Il y en a même qui ont une certaine apparence aimable comme, parexemple, l'étourderie. D'un autre côté, il y en a qui, même aux yeux de gens éloi-gnés de Dieu, ont quelque chose de très rebutant. L'outrecuidance qui est la pré-tention à avoir toujours raison appartient en première ligne à cette catégorie.Rien de plus insupportable que ces personnes qui ont toujours raison, qui veulenttoujours n'en faire qu'à leur tête, qui prétendent toujours avoir le dernier mot, quine veulent jamais reconnaître qu'elles se sont trompées encore une fois!

Alors même que l'on est ainsi, c'est quelque chose que l'on ne peut supporterchez les autres. Si, vis-à-vis des gens, l'outrecuidance est déjà très laide, elle l'estencore plus vis-à-vis du Dieu tout-puissant et sage. Néanmoins, que de fois ildoit se laisser faire la leçon par ses chers êtres humains qui mesurent ses des-seins, à leur avis borné! Au lieu de s'incliner humblement, et d'attendre que Dieuenvoie la lumière; au lieu de se taire devant Dieu, ils murmurent, ils se plaignentet doutent de celui qui "est admirable en conseil et magnifique en moyens".

"Je voudrais être le Bon Dieu pendant deux fois vingt-quatre heures, et je re-mettrais bien des choses en ordre dans ce pauvre monde", disait quelqu'un. Il y adans le fils d'Adam un penchant invétéré qui lui fait chercher toujours et toujoursà se blanchir aux yeux de Dieu et des hommes.

De plus, le fils d'Adam est affligé d'un prodigieux "manque de mémoire".Quelqu'un, par exemple, s'est dérangé l'estomac en mangeant un mets trop riche,et jure qu'il n'y touchera plus jamais de sa vie; mais qu'on le lui présente de nou-veau, et il se persuade que ce jour-là il ne lui fera pas de mal! Si Dieu n'avait pasété si patient et lent à la colère, comme Jonas le lui reproche en murmurant,beaucoup de chrétiens pourraient renoncer au paradis et déchirer leur feuille deroute; car alors ils n'auraient jamais pu en trouver le chemin!

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Bien qu'une dose énorme de patience lui soit nécessaire, certains reprochentparfois à Dieu sa miséricorde envers autrui. Alors qu'on ne vit que par la grâcede Dieu, on aurait parfois aimé que sa main s'appesantisse sur son prochain. Lesdisciples, "fils du tonnerre", qui voulaient faire descendre le feu du ciel sur laville samaritaine qui avait refusé d'accueillir Jésus, sont les modèles d'une foulede chrétiens. Que de fois, on entend des discours de ce genre? "On ne comprendpas que Dieu puisse contempler tranquillement une pareille chose!" Ou encore,"s'il y a un Dieu au ciel, tel ou tel finira mal!" Tandis que le bon Berger s'écriejoyeusement: "J'ai retrouvé ma brebis qui était perdue", on lui dit: "Seigneur, situ le permets, je frapperais avec l'épée!" Un pareil état de c ur est beaucoup plustriste à constater chez un enfant de la nouvelle alliance que chez Jonas, car de-puis la croix de Christ a été dressée. Elle révèle la miséricorde infinie de Dieupour toute chair, en même temps que l'abîme d'ingratitude de son c ur. Je megarderai de condamner quelqu'un, si je ne veux pas assumer une lourde respon-sabilité. J'apprends, en présence de Dieu, ce que veulent dire ces paroles: "Lamiséricorde triomphe du jugement". Et je suis vite guéri de la manie de condam-ner quelqu'un, en me persuadant une fois pour toutes de cette vérité: "J'ai étél'objet d'une pitié dont je n'étais pas digne". Les miséricordieux seuls obtiendrontmiséricorde, et ce n'est que dans la mesure où la miséricorde est devenue unepuissance en moi que je serais le témoin et le successeur de Jésus; c'est alors queje possède lumière, joie et courage pour vivre dans ce monde. Sans cette miséri-corde, je perds le goût et la joie de vivre, et facilement tout me devient à charge.Voilà pourquoi Jonas termine ses paroles en disant: "Maintenant, IHVH, prends-moi la vie, car la mort m'est préférable à la vie!"

2. Le désir de mourir.Jérémie a écrit: "Le c ur est tortueux par-dessus tout, et il est méchant; qui

peut le connaître?" On a beaucoup parlé sur la nature du c ur humain, mais desbibliothèques entières n'en disent pas autant que ces simples paroles. Jonas, quis'obstine à élever sa petite majesté de poussière au-dessus de la majesté de Dieu,n'ose pourtant pas compter sur lui-même, il s'écrie: "Je préfère la mort à la vie!"

Il y a plusieurs envies de mourir: il y a la bonne et la mauvaise. Paul aussisouhaite quitter le tumulte et le bruit d'ici-bas, les luttes et les inquiétudes renou-velées jour et nuit, pour aller dans la cité céleste. Il a soif d'une union complète,d'une relation plus intime avec Dieu. Chez Paul il n'y a pas trace d'une agitationviolente et bruyante, il n'ose pas même demander une fin prochaine; il dit sim-plement, tranquillement, qu'il désirerait mourir, s'il ne pensait qu'à lui-même;toutefois, ajoute-t-il, il restera volontiers, si cela lui permet d'être utile à d'autres

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pour la vie éternelle. On voit que l'amour pour Jésus a produit chez Paul unebonne envie de mourir.

L'envie de mourir se rencontre aussi là où il n'y a pas trace de connaissance etd'amour pour Dieu; elle n'a alors d'autre source que le désir d'échapper à la souf-france. "Si je pouvais seulement mourir", dit un homme souffrant de quelquemaladie douloureuse et incurable ou tel autre dont la position est désespérée. Cesmalheureux ne se doutent pas qu'ils parlent comme des insensés. Ils ne recon-naissent pas les intentions de Dieu pleines d'amour dans leurs épreuves. Ils nesavent rien d'une vie au-delà du tombeau, sinon ils sauraient aussi que pour êtreheureux, il ne suffit pas de mourir. Une semblable envie de mourir n'est qu'unelâcheté.

Un désir de mourir encore plus condamnable est celui qui provient des souve-nirs obsédants. Trop souvent des gens, dont le souvenir de quelque lourde fauteest utilisé par l'Accusateur pour les obséder, mettent fin à leur existence terrestre,au lieu de chercher le repos auprès de Dieu qui laisse aller les fautes et qui peutdonner un nouveau c ur et transformer tout l'être. Déchirés, ils se chargent d'unnouveau meurtre! Heureux, celui pour qui l'erreur est plus affreuse que la mort,mais celui qui veut se débarrasser de l'Accusateur par le suicide s'est laisséconvaincre par lui; il doit réagir. Un tel désir de mourir ne vient que de celui quiest "meurtrier dès le commencement".

Il y a encore un autre dégoût de la vie qui saisit lorsque les chemins de Dieu,sa discipline, ses ordres deviennent si durs que la vie est à charge et que l'exis-tence pèse. Cent ans avant Jonas, le prophète Élie, abandonné de son peuple,pourchassé par ses ennemis, se laisse tomber sous les genévriers du désert ens'écriant: "c'est assez IHVH; prends-moi!" Pourtant, cet homme aurait volontiersversé son sang pour la cause de IHVH. Cependant, lorsque Elie ne comprendplus son Dieu, lorsqu'il lui semble que IHVH a abandonné sa souveraineté entreles mains d'Achab et de Jézabel, alors il ne veut plus vivre. Découragé, il de-mande à mourir.

Selon toute apparence, c'est son exemple que suit Jonas. Les chemins de Dieucontrecarrent si radicalement les siens que cela lui est insupportable. Comme onl'a vu, il prévoyait que la bienveillance de Dieu à l'égard de Ninive serait enmême temps un jugement sur Israël. Il n'en faut pas davantage pour que saconfiance s'écroule et avec elle le courage de vivre. Il se retire du service deIHVH, parce que les idées et les vues de son gouvernement lui paraissent malen-contreuses et irréalisables. Que restait-il à un homme tel que Jonas après avoirperdu tout espoir pour son peuple et rompu le lien entre lui et son Dieu, que luirestait-il, sinon la mort? Oui, il lui restait encore autre chose; c'était de dire: "Jereste à jamais avec toi! Si je marche dans l'obscurité, tu es ma lumière! Tes des-

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seins et tes chemins, souvent étonnants, sont toujours magnifiques et glorieux,car tu es IHVH. Je ne veux pas devenir lâche, je te fais confiance et je ne seraipas confus!" Cette demande est un bouclier dans les jours de découragement,lorsque les décrets et les chemins de Dieu sont voilés au regard et que le dégoûtde la vie m'envahit.

9. Fais-tu bien de t'irriter?"IHVH a répondu: fais-tu bien de t'irriter?" (4, 4.)

1. Iaebets.Il y a dans la Bible un homme que bien des chrétiens ne connaissent pas;

pourtant la Bible parle bien de lui. Il s'agit de Iaebets, dont le nom, d'après lecontexte, signifie "il est béni".

"Iaebets était plus béni que ses frères et sa mère avait appelé son nom Iae-bets en disant: car j'ai enfanté dans la tristesse. Iaebets a appelé vers le élohim(Dieu) d'Israël en disant: Si bénir, tu me bénis et augmentes ma limite et queta main est avec moi et que tu travailles plus que du mal, pour (être) sans matristesse... Et élohim a fait venir ce qu'il avait demandé." (1 Chr. 4, 9-10; pres-que littéralement.)

Dans la Bible les noms propres sont souvent suivis d'une expression qui dé-voile leur sens. Ils sont souvent prophétiques pour l'enfant concerné. Cela devraitêtre le cas ici: "Sa mère avait appelé son nom Iaebets en disant: car j'ai enfantédans la tristesse." Cependant, ici pour retrouver la définition que donne sa mère,c'est-à-dire la notion de tristesse (souffrance, peine, chagrin), il faut inverser lesdeux dernières lettres du nom en hébreu.1 Sa mère l'avait donc nommé Iaetseb,ce qui signifie "il est triste", et elle avait ses raisons pour cela. Plus tard tout lui asi bien réussi que le nom "il est triste" a été remplacé par "il est béni", par l'inver-sion des deux dernières lettres de son nom.

Cela vaudrait déjà la peine d'être raconté. Le plus important, c'est d'apprendrele moyen par lequel ce Iaetseb est devenu Iaebets, c'est-à-dire d'un malheureuxêtre devenu un homme si envié. Le texte ne dit rien de ses faits et gestes, si cen'est une demande qu'il a adressée au Dieu d'Israël. Cette demande est extraordi-naire, parce qu'elle manque de conclusion; le "si" exprimant le v u, n'y est suivid'aucun "alors". "Si bénir, tu me bénis et augmentes ma limite et que ta main estavec moi et que tu travailles plus que du mal, pour (être) sans ma tristesse " La

1 Au lieu de Ia 'e b ts, il faut écrire Ia 'e ts b.

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suite n'est pas exprimée. Ainsi, il ne pose aucune condition à Dieu pour ne s'en-gager à faire quelque chose que s'il lui répond favorablement. C'est déjà très biensi on compare cette attitude à celle d'autres hommes de Dieu, comme Jacob, parexemple. Que quelqu'un demande la prospérité, beaucoup de bonheur et uneaugmentation de sa limite, il n'y a là rien d'étonnant; ce qui est nouveau et re-marquable, c'est de parler à Dieu avec autant de sagesse, au sujet du mal. "Si tutravailles plus que du mal, dit Iaebets à Dieu, pour (être) sans ma tristesse". Lapensée de ce texte peut se comprendre ainsi: "Dieu, si tu voulais faire en sorteque ton travail soit plus grand que du mal, de façon à ce qu'il surmonte ma tris-tesse " Il connaît assez le monde et cette vie pour savoir que le mal y abonde etn'épargne personne. Il connaît aussi le nom que sa mère lui a donné: Iaetseb, ilest triste. Il est donc prévenu qu'il sera triste, mais il désire ardemment que letravail de Dieu surmonte sa tristesse. Il ne demande pas que le mal soit détournéde lui, mais que le travail victorieux de Dieu surmonte sa tristesse. Cette de-mande est très sage. Elle laisse entrevoir l'intercession de Iaebets pour que leMessie par la grâce qu'il apporte vienne surmonter la tristesse au point qu'elledisparaisse.1

La puissance qui tient le mal en échec dans une personne et empêche la tris-tesse, c'est la confiance en Dieu. La confiance défie la crainte, le souci, l'angoisseet la douleur, parce qu'elle sait par expérience que derrière toutes ces choses, il ya le Dieu fidèle. C'est lui qui les fait toutes concourir au bien de ceux qui l'ai-ment. Par la force de cette confiance, on peut rester joyeux et chanter, mêmedans les chemins les plus obscurs. Cette confiance, le prophète Jonas l'a perduepar son obstination et son entêtement, et c'est pourquoi le malheur qu'il voit venirsur Israël l'angoisse jusqu'au désespoir. Il ne voit plus comment IHVH tiendrases promesses envers Israël, s'il lui retire sa grâce. Il pense que le Messie nepourra pas venir. Alors il murmure contre le Dieu qui veut conserver Ninive etdétruire Israël et il souhaite la mort.

Dieu répondra-t-il à sa demande insensée? S'il répond et si Jonas est retiré dela terre des vivants dans cet état de révolte, c'est la ruine pour lui. Si Dieu exau-çait toujours les désirs et les v ux de ses enfants, ce serait souvent pour leur plusgrand malheur et leur perdition! Il n'est pas dit non plus que Dieu punit Jonas. Endépit de l'obstination et de la lâcheté, il discerne le mobile profond du prophète,et c'est pourquoi il agit à son égard avec une grande douceur.

Dieu aurait probablement aimé lui dévoiler un peu l'avenir le plus éloigné, etlui montrer comment le rejet de son peuple serait d'abord la délivrance des races

1 Penser à Es 53, 11 / Rom 5, 20.

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humaines et ensuite l'accomplissement, au-delà de toute espérance, des promes-ses de Dieu pour Israël, par son entrée en totalité dans la nouvelle forme du peu-ple de Dieu. Le c ur de Jonas n'était pas alors assez humble et confiant pourrecevoir une telle révélation. Ce n'est pas pendant la tempête que le soleil reflèteses rayons dans la mer.

Pour que le soleil divin se reflète dans les profondeurs de l'être humain, il fautqu'il puisse dire comme le psalmiste: "Mon être entier se repose en Dieu". Lors-que Élie découragé a repris confiance, IHVH lui a parlé des sept mille fidèles quin'avaient pas plié le genou devant Baal; alors seulement il lui fait entrevoir l'ave-nir merveilleusement glorieux d'Israël par la nouvelle alliance. Jonas n'était pasencore apte à recevoir une telle révélation; aussi IHVH se borne-t-il à lui adres-ser une question.

2. Une question comme une épée."Fais-tu bien de t'irriter?" L'éducateur divin n'adresse qu'une seule question,

sérieuse et brève, à son élève boudeur. Il n'y a pas d'ombre de colère, pas mêmeun reproche, et pourtant cette question a plus de puissance qu'un long sermon.Cette question renferme un aiguillon, contre lequel il doit être difficile à Jonas deregimber. Il est obligé de réfléchir et de se demander s'il a vraiment le droit demurmurer contre ce Dieu. Car il vient de le retirer de la mort comme un tisonarraché au feu, bien qu'il l'ait pourtant honteusement offensé. Il est contraint dese rendre compte de ce qu'il exige du Dieu souverain et amour. Il faut qu'il voieclair dans sa conduite et qu'il ait horreur de lui-même!

Ces questions très brèves ont une grande puissance; les éducateurs terrestresdoivent apprendre ici du divin Maître. Lorsque Dieu parle aux humains, surtoutlorsqu'il a l'intention de les réveiller, il se sert ordinairement de cette méthodeinterrogative. Ce serait un travail fructueux que de rechercher toutes les ques-tions que Dieu adresse aux humains dans sa parole.

Mes questions, à moi, ont généralement pour but d'éclaircir quelque chose queje ne sais pas encore. Pour Dieu qui fait les choses cachées, il ne peut s'agir dequestions de ce genre. Les siennes ont pour but de découvrir à l'homme aveugléce qui lui est encore caché, c'est-à-dire l'état intérieur de son c ur. En voiciquelques-unes:

"Adam, où es-tu? Qui t'a dit que tu es nu? Pourquoi as-tu fait cela?" (Gen 3, 9,11 et 13.)

"Caïn, pourquoi ton visage est-il abattu? Où est ton frère Abel?" (Genèse 4, 6et 9).

Ou la question adressée à Jean: "Que cherchez-vous?" (Jean 1, 38).

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Ou celle adressée au traître, selon certaines traductions: "Compagnon, pour-quoi es-tu ici?" (Mat 26, 50).

Ou celle qu'il adresse à Pierre: "Simon, fils de Jonas, m'aimes-tu?" (Jean 21,15).

Ou à Saul sur le chemin de Damas: "Saul, Saul, pourquoi me persécutes-tu?"(Ac 9, 4.)

Qui ne reconnaît l'aiguillon de la grâce que représentent ces questions, ainsique leur profonde sagesse? Tous les expédients et les petits moyens humainspour provoquer des aveux de fautes qu'on laisse aller et qu'on oublie sont à côtéun jeu d'enfant.

La question adressée à Jonas est une des plus pratiques et des plus frappantesparmi toutes celles qui sont transmises dans les Ecritures; il faut que chacun enprenne bonne note.

Dans les maisons chrétiennes on trouve très souvent des paroles de la Bibleaffichées au mur sous forme d'écriteaux; ici c'est telle parole de consolation, làc'est telle autre qui, de la paroi, vous envoie un salut cordial et bienfaisant. Nullepart je n'ai encore trouvé cette parole: "Fais-tu bien de t'irriter?" N'y a-t-il pasdans le fait qu'aucun de ceux qui ont l'habitude de choisir ces passages n'ait ja-mais eu l'idée de prendre celui-ci? N'y aurait-il pas dans ce fait, une preuve queles chrétiens actuels cherchent avant tout la consolation, mais ne se préoccupentpas d'être reconnaissants à Dieu pour tout, même ce qui contrarie? Que de fois ilserait bon d'avoir sous les yeux la question adressée à Jonas: "Fais-tu bien det'irriter?" Fais-tu bien d'être si triste, si grognon, si entêté, si abattu? Un peu plusou un peu moins, on est parfois de mauvaise humeur, découragé, sombre ettriste! On n'a alors d'intérêt pour rien en dehors de moi-même, on est facilementirritable et on rend ainsi la vie amère à son entourage et surtout à soi-même.Dans ces dispositions on est très porté à chercher la cause de ses maux dans sonentourage ou dans les circonstances et les événements de n'importe quelle nature.C'est alors qu'on devrait laisser Dieu dire: "Fais-tu bien de t'irriter?" Penses-tuque ton sort soit si exceptionnellement lourd? Compare un peu ton chemin aveccelui de certains de tes voisins. Consentirais-tu volontiers à changer avec eux?Que sont les souffrances du temps présent "en comparaison de la gloire à venirqui sera manifestée en moi?" Il faut laisser Dieu parler, pour découvrir le fond deson être mécontent. Alors, il arrivera souvent de voir que la mauvaise humeurprovenait d'une insignifiante contrariété. Il ne valait donc pas la peine d'en parler,car, plus tard, on sera le premier à en rire de bon c ur.

Dans tous les cas, même si l'on est très sévèrement atteint, par cette parole, onfera l'expérience que sa mauvaise humeur et son attitude sombre et froide ne font

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qu'empirer la situation. Il vaut mieux appeler le Dieu d'Israël comme Iaebets "quiest béni" et lui dire: "IHVH, j'aimerai que ton action sur moi empêche le mal deme tourmenter au point d'être gêné pour te servir. Donne-moi un c ur d'enfant,confiant et joyeux, pour que j'accepte tout avec reconnaissance de ta main pater-nelle et que je sache te remercier pour tout et en tout temps".

Voilà une excellente attitude contre le mécontentement et les plaintes; elle estplus efficace que tous les conseils d'un ami sur la manière de vivre heureux etcomblé spirituellement.

10. Comment Jonas devient très joyeux."Et Jonas est sorti de la ville et s'est assis à l'orient de la ville. Là il s'est fait

une cabane, et s'y est tenu à l'ombre jusqu'à ce qu'il ait vu ce qui arriveraitdans la ville. IHVH Dieu a prévu un qiqaïone, qui s'est élevé au-dessus de Jo-nas, pour donner de l'ombre sur sa tête et pour lui ôter son irritation. Jonas aéprouvé une grande joie à cause de ce qiqaïone." (4, 5-6.)

1. Le prophète et le merveilleux qiqaïone.Peut-être, cher lecteur, as-tu connu un petit conte intitulé: "L'homme dans le

pays de Syrie". En voici le sujet: un conducteur de chameaux est poursuivi parun de ses animaux devenus furieux; dans sa détresse, il se réfugie dans un puits.Il s'y précipite tête baissée mais reste accroché à moitié chemin à un framboisierpoussant dans le mur. Au-dessus de lui il voit le chameau rugissant de rage, au-dessous, la terreur, un dragon à la gueule ouverte, qui semble se réjouir d'avancede la proie qui ne peut lui échapper. Il entend un petit bruit et découvre deuxsouris qui rongent tranquillement la racine de l'arbuste, son seul soutien. De mi-nute en minute sa situation devient plus précaire. Il sent déjà que l'arbuste plie etcède peu à peu. Soudain il s'aperçoit que le framboisier est chargé de fruits. Cethomme angoissé, voué à une mort certaine, se met à manger avidement, et ladouce saveur du fruit lui fait oublier sa frayeur et tout danger. Il laisse rugir lechameau, il laisse ronger les souris, il laisse le dragon ouvrir la gueule tout à sonaise, il mange, il mange avec délices aussi longtemps que cela durera. La moralede cette histoire est bien claire, et des millions d'exemplaires de ce Syrien légercourent nos rues. Il aura peut-être déjà revêtu tes vêtements et ceux de bien d'au-tres, cher lecteur.

Jonas fournit une illustration de cette parabole. C'est bien extraordinaire ceque ce texte rapporte. A la question incisive de Dieu qui l'atteint jusqu'à lamoelle: "Fais-tu bien de t'irriter?" Jonas n'avait rien répondu. Il n'ose pas encorerépondre: "oui, j'ai raison de m'irriter", et il ne veut pas dire: "non, je ne fais pas

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bien de m'irriter", parce qu'il est trop fier pour cela. Il se retire en boudant etlaisse là son Dieu sans daigner faire attention à lui. Il quitte silencieusement laville; son c ur est vide et dévasté comme un pays ravagé par une inondation etsur lequel s'étend un épais et froid brouillard. Pauvre Jonas, te voilà sans espé-rance, car tu t'es séparé de celui qui est seul la source de tout espoir!

Le prophète se bâtit une hutte sur une colline solitaire d'où l'on découvre toutela ville de Ninive. Il observe attentivement la ville, il espère encore voir de sesyeux sa destruction. "Le changement d'avis de tous ces gens ne durera pas long-temps, se dit-il, bientôt. Les Ninivites retomberont dans leurs anciens chemins etalors Dieu ne pourra faire autrement que d'accomplir ses menaces!" Jonas pen-sait peut-être cela. Il se trompait.

En revanche, une autre joie devait lui être accordée. Même dans sa bouderie,IHVH ne repousse pas son serviteur rebelle, mais continue à lui parler. On as-siste ici à un merveilleux travail d'éducation de Dieu, dans lequel sa bonté et sasagesse s'y manifestent. Il sera très utile d'observer ce travail de Dieu. Il agit surle c ur endurci du prophète et le rend capable de comprendre ses pensées debonté. Pour cela, il se sert d'une plante, d'un ver qui pique la plante, d'un ventbrûlant venant de l'Est et du soleil éclatant. C'est ainsi qu'au moyen des créaturesprivées de raison, Dieu assouplit la pensée de son serviteur et le rend capable decomprendre sa voix.

Dieu a prévu une plante, un qiqaïone, probablement un ricin ou une calebasse.On n'est pas certain de la plante, mais peu importe, c'était un bel arbuste assezhaut et assez touffu pour abriter Jonas du soleil. Le fait que cette plante ait pous-sé dans une nuit ne saurait s'expliquer par la fertilité du sol et du climat; non, ilest clairement indiqué que Dieu l'a fait croître d'une manière extraordinaire. C'estpour cela que le texte dit: "Dieu a prévu un qiqaïone", et non "un qiqaïone apoussé". Il en était de même au chapitre 2, 1: "Dieu a prévu un grand poisson". Ilne s'est pas servi d'un de ceux qui existaient, non, il en a appelé un à la vie, telqu'il le lui fallait pour l'occasion. Quant à savoir si les adversaires et les déni-greurs des miracles divins veulent bien permettre au Créateur de toutes choses defaire pousser une plante de ce genre en une nuit, je ne m'en tourmente pas main-tenant.

Quel est le but de cette plante merveilleuse? Elle doit donner un autre coursaux pensées du prophète et l'égayer. Ce but est complètement atteint. Je lis à mongrand étonnement: "Jonas a eu une grande joie à cause de ce qiqaïone". J'ap-prends ainsi que cet homme hargneux est aussi capable de se réjouir. Sans doute,bien que grand ami des fleurs, Jonas ne connaissait pas cette plante. Tout l'inté-ressait donc en elle, sa rapide croissance et l'ombre délicieuse qu'elle répandait.On le voit s'occuper de l'arbuste du matin au soir, se promener alentour et lui

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vouer tous ses soins: il taille, il attache, il arrose, il bêche! La plante merveil-leuse est la seule chose au monde à laquelle il prenne plaisir. Il se livre entière-ment à cette distraction, il s'oublie lui-même. C'est facile à expliquer, car il estbrouillé avec Dieu, brouillé avec les hommes, brouillé avec lui-même; que luireste-t-il, sinon cette créature privée de raison, dont il fait presque une idole, bienqu'elle lui soit donnée directement par Dieu?

Sa joie est donc très grande; il a enfin trouvé quelque chose dont il peut s'oc-cuper. N'est-ce pas affreux? Il ne peut pas se réjouir de la délivrance de Ninive etil se réjouit à cause de cette plante. Non, cette joie n'est pas légère, elle est lâche.A vrai dire, dans la nature, il n'y a rien d'assez petit ou d'assez insignifiant qui nepuisse exciter l'intérêt ou la joie; seulement "toute activité en son temps". Rien deplus naturel qu'une jeune fille qui se divertit avec son canari. Mais si elle s'oc-cupe de son oiseau au lit de mort de sa mère, et qu'elle lui consacre tout sontemps, c'est puéril et plus que puéril. C'est le cas de Jonas: il s'entiche de saplante merveilleuse pour oublier sa misère intérieure.

2. Enfantillages et fantaisies.En Dieu seul est le véritable repos de l'être humain. Lorsqu'il perd son appui

en Dieu, lorsqu'il n'est plus d'accord avec lui, lorsqu'il ne contemple plus les cho-ses au point de vue de Dieu et de l'éternité, mais qu'il s'égare dans ses impres-sions passagères du moment, il arrive facilement qu'une futilité l'affecte plus quede raison. Il est alors entraîné dans une tristesse sans borne ou dans une joie toutaussi déplacée. N'est-ce pas vrai? Quand un être humain perd sa relation avecDieu et la paix intérieure qui en est le fruit, quand plus rien ne l'attire vers leschoses d'en haut, il arrive souvent que la moindre futilité suffise pour le fairesortir de ses gonds; elle le rend d'une humeur massacrante et provoque sa colère.Tout l'irrite. Une tasse a été cassée, rien de plus ordinaire dans un ménage, maiscet événement en miniature peut mettre une maîtresse de maison, mal disposée,de mauvaise humeur pendant deux jours et plus. Une tache qu'il a maladroite-ment faite sur une lettre d'affaires l'aigrit contre tout le genre humain. Une visitequi tombe mal, une averse qui gâte une promenade, une soupe un peu brûlée, etvoila tous les souffles méchants des démons déchaînés. Tandis que s'il vit enpaix avec Dieu, il ne fait que sourire de choses pareilles et n'en est pas un instanttroublé.

D'un autre côté, il désire pourtant prendre plaisir à quelque chose. Il s'attachealors à des futilités avec une passion, une ardeur, une rage qui le ferait rire plustard, s'il ne devait pas les maudire. Tout cela pour ne pas s'arrêter à l'état de sapersonne. Les petites framboises au bord de l'abîme font oublier l'abîme et ledragon.

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Jonas se livre avec toute l'énergie de sa nature à sa fantaisie pour la plantemerveilleuse; c'était sa passion. L'homme abruti cherche à oublier ses misèresdans un verre d'alcool. Un autre se jette dans le tourbillon des affaires. Un troi-sième, aux goûts plus élevés, fait son dieu des beaux-arts ou de la musique. Unquatrième érige la science en divinité. Pour un autre, un cinquième, un sixième,un septième, l'idole sera un oiseau, un chien, un cheval, une plate-bande, unepipe d'écume ou même un affreux chat. Chacun a la sienne à laquelle il voue uneattention passionnée. Cette énumération et ces rapprochements sembleront peut-être ridicules et même inconvenants; cependant, ceux qui ont quelque expériencede la vie avoueront qu'ils sont pris sur le vif. L'homme qui ne vit pas avec Dieudevient facilement le jouet de toutes espèces de fantaisies; il s'attache passion-nément à des choses qui ne sont pas nécessairement mauvaises en elles-mêmes,mais qui lui deviennent nuisibles lorsqu'elles s'emparent de son c ur et le domi-nent. On dit avec beaucoup de raison: "Le c ur a besoin de s'attacher à quelquechose!" C'est vrai, mais encore faut-il qu'il ne s'attache pas à ce qui est au-dessous de lui et indigne de lui.

Lorsque Jonas s'attache de tout son c ur à l'arbre merveilleux, ce n'est qu'unemanière de fuir encore devant Dieu et de se fuir lui-même. C'est pourquoi Dieune permet pas qu'il en soit ainsi. Il est possible que le prophète ait oublié sondépit s'il avait trouvé plusieurs distractions de ce genre. Ce que Dieu veut, cen'est pas un simple changement dans les pensées de Jonas, mais une réelle etcomplète transformation du c ur, un réel changement des objets vers lesquels sedirige son amour.

Dans le monde, voici ce qu'on entend d'ordinaire: telle personne est si triste, simorose, qu'elle aurait besoin de se distraire; il faut qu'elle cherche à s'étourdir età s'oublier; elle devrait aller au bord de la mer, en voyage, fréquenter assidûmentle cinéma ou le théâtre, etc. Les recettes ne manquent pas. L'oubli, voilà la pana-cée; avec lui, on pense avoir tout gagné. Dieu est d'un autre avis. Avec lui il nes'agit pas de palliatif ni de déguisement, il s'agit de guérison. L'homme ne doitpas se distraire, mais bien au contraire, se recueillir, il doit chercher et trouver; ilne faut pas qu'il oublie son erreur ou sa faute, mais qu'il la reconnaisse. Ainsi laplante de Jonas n'avait pas été créée seulement pour distraire et égayer le pro-phète, mais pour le guérir de son erreur. Ce que Dieu veut atteindre chez lui, c'estla racine de son erreur, la racine empoisonnée de sa propre justice et de sa dureté.Dans ce but, la plante est devenue le pédagogue de Jonas.

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11. Dieu pousse Jonas à bout."Mais le lendemain, à l'aurore, Dieu a prévu un ver qui a piqué le qiqaïone,

et le qiqaïone a séché. Aux lueurs du soleil, Dieu a prévu un vent chaudd'orient, et le soleil a frappé sur la tête de Jonas au point qu'il tombe en défail-lance. Il demande la mort et dit: la mort m'est préférable à la vie.

Dieu dit à Jonas: Fais-tu bien de t'irriter à cause du qiqaïone? Il a répon-du: je fais bien de m'irriter jusqu'à la mort." (4, 7-9.)

1. Le qiqaïone perdu, tout est perdu.Il y a une merveilleuse puissance d'instruction dans les comparaisons grandio-

ses qu'offre la nature. Sous ce rapport on trouve souvent beaucoup de sagesseparmi les simples habitants des campagnes qui connaissent et aiment la parole deDieu. Un jour, chez un vieux paysan, son ancien pasteur lui disait, non sans dé-couragement, que la première année où il avait prêché dans ces montagnes, il yavait beaucoup plus de vie religieuse. Le vieux paysan l'a conduit silencieuse-ment à la fenêtre; on était en pleine floraison. "Voyez ce verger, lui a-t-il dit,comme tout resplendit et fleurit, tout est blanc et rose. On peut maintenant voir laferme à un quart d'heure de distance!" "Eh bien, qu'est-ce à dire?" a répliquéle pasteur. Le paysan lui a dit, "revenez dans quinze jours, et vous ne verrez plusrien; alors tout sera vert, un arbre ressemblera à l'autre, et rien ne brillera plus au-dehors. Pourtant cela sera plus avancé qu'aujourd'hui, le fruit croîtra doucement.La fleur est plus belle, cher pasteur, mais le fruit est meilleur". Un peu confus, ila serré la main du vieux chrétien avec reconnaissance. Ces mots lui en avaientplus appris que tout un cours de théologie pastorale appris par c ur.

Que de choses sont écrites par la main de Dieu, en grosses lettres dans la na-ture, pour nous consoler et nous instruire; si on savait seulement les lire! Mais onne cherche cela que pour ses cinq sens et ainsi on ne reçoit rien. Jonas ne se se-rait jamais imaginé que le qiqaïone deviendrait son pédagogue; il se contentait del'admirer, d'en jouir et de se prélasser à son ombre. Le grand prophète était deve-nu tout pareil à un petit enfant avec son nouveau jouet, dans sa joie et son bon-heur de posséder cette plante merveilleuse. Maintenant, qu'il le veuille ou non, ilva être forcé de réfléchir.

Le lendemain, il se réveille et se lève. Autrefois, sa première occupation étaitde parler à son Dieu pour lui offrir ses remerciements. S'entretenir avec sonDieu, il ne le peut pas maintenant, et il fait bien de s'épargner cette peine! Sadernière conversation avec Dieu ne donne pas le désir d'en entendre une autre.Aujourd'hui donc Jonas sort précipitamment de sa hutte pour aller contemplerson arbuste chéri, son petit trésor. Qu'est-ce donc? Qu'est-il arrivé? Les feuilles

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déjà à moitié flétries retombent sans vie. Le prophète s'effraie, il s'approche, etexamine la plante. Un ver a rongé la moelle de la plante merveilleuse. Elle estirrévocablement perdue.

Jonas est désespéré; il pourrait éclater en pleurs sur le sort de son consolateur.Ce n'était pas encore assez! Dieu paraît bien avoir en vue de lui rendre la vieamère. Le soleil brûle ce jour-là comme il ne l'a pas fait depuis longtemps et laplante est morte. Pour combler la mesure, voilà que du désert s'élève un ventbrûlant, qui dessèche la peau.

C'est trop pour le pauvre Jonas! L'abîme de mauvaise humeur s'ouvre de nou-veau tout grand. La plante merveilleuse ne l'avait pas fermé, mais simplementrecouvert d'une écume dorée. A l'abattement, au découragement de son être sépa-ré de la source de vie, vient s'ajouter une fatigue excessive du corps, un relâche-ment extraordinaire des nerfs; et maintenant, malheur, à qui se trouvera sur lechemin du "saint homme"!

Bien des gens savent par expérience ce qu'on éprouve lorsqu'à un grand affai-blissement, à un vide intérieur et à un c ur chargé viennent encore s'ajouter lesinfirmités et les maux du corps! Il arrive alors facilement qu'on sorte de sesgonds. Souvent, tous ceux qui ont charge de personnes ne s'occupent pas assezde l'influence énorme que le corps exerce sur la personne, le physique sur le mo-ral. Que d'états intérieurs, d'idées fixes, de manières de voir, d'exaltations spiri-tuelles et d'angoisses dépendent totalement ou en partie de l'état du corps! Leschrétiens auraient dû s'en occuper. Alors ces indignes doctrines qui font de l'êtrehumain l'égal de la brute n'auraient jamais trouvé un accès si étendu.

Donc, pour en revenir à mon histoire, la lâcheté du prophète qu'on croyait dé-jà guérie remonte tout entière à la surface. La vie lui est à charge, il veut mouriravec la plante. C'est qu'en vérité tout s'est ligué contre ce pauvre homme, nonseulement Dieu dans le ciel et les hommes sur la terre, mais aussi le ver dans lapoussière, le soleil au firmament, le vent qui souffle du désert; ce n'est plus sup-portable!

Cher lecteur, n'y a-t-il pas eu plus d'un jour semblable dans ta vie? Après unenuit d'insomnie, tu t'étais levé de mauvaise humeur. Pour commencer, tes pen-sées n'étaient plus en Dieu et ton c ur était semblable à une nacelle détachée,poussée çà et là par les vagues. Ce jour-là précisément tout semble s'être réunipour t'indisposer, t'irriter et t'exaspérer. Ce ne sont que des futilités, mais ce jour-là elles prennent des proportions énormes? A la cuisine, dès le matin on casseplusieurs objets qui t'étaient précieux comme souvenirs de ton arrière-grand-mère; tu veux travailler, mais tout ce que tu entreprends va de travers; on an-nonce une visite désagréable; tu reçois de mauvaises nouvelles; ce même jour,

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tes enfants sont insupportables et par-dessus le marché, tu as mal aux dents! Non,c'est trop fort!

Les futilités, les insignifiantes futilités ont une puissance terrible sur l'êtrehumain, lorsqu'il est privé de l'essentiel, c'est-à-dire de son Dieu, de la relation defils avec lui. Si la personne repose en Dieu, elle a la force de sourire à toutes ceschoses ou de se dire: tout est arrangé avec sagesse, rien n'arrive par hasard. Simalgré cela la vie est difficile, je sais que le Seigneur veut me parler, m'éprou-ver; il veut s'assurer que je me confie en lui et que j'accepte tout de sa main etl'en remercie. Les petites contrariétés peuvent me procurer de grandes bénédic-tions si je me réfugie auprès de Dieu: une sombre journée finira par un soir lumi-neux et gai. Si je vis sans Dieu, ces "futilités insignifiantes" peuvent parfoism'abattre plus profondément que les épreuves les plus sévères et les douleurs lesplus poignantes, dans des jours meilleurs. Ces jours-là, je risque de me livrercomme Jonas au murmure et à la plainte, au "dégoût de la vie". On le trouve nonseulement chez les ignorants, mais souvent aussi chez les chrétiens lorsqu'ils neveillent pas.

Le prophète s'écrie de nouveau d'une voix sombre et froide: "La mort m'estpréférable à la vie!" De nouveau Dieu lui répond par la même question incisive:"Fais-tu bien de t'irriter?" Cette fois il ajoute: "à cause du qiqaïone". La premièrefois l'irritation avait été provoquée par la miséricorde de Dieu qui n'avait pasvoulu détruire Ninive (4, 1-4); maintenant elle l'est parce que Dieu est impitoya-ble envers Jonas et qu'il fait périr un arbuste qu'il lui avait donné, et dont le pro-phète avait fait son idole. La vraie cause de l'irritation de Jonas, ce n'est naturel-lement pas le qiqaïone, mais l'obscurité de son propre c ur. A une autre époque,Jonas aurait dit: "Quel dommage pour cette plante!" Puis, il l'aurait oubliée.Maintenant cette contrariété le met hors de lui et il n'a pas honte de répondre à labienveillante question de son divin Maître par ces paroles impudentes: "Je faisbien de m'irriter jusqu'à la mort".

Qu'en dis-tu, cher lecteur? Tu frémis, tu jettes un regard angoissé vers lesnuages, pensant que la foudre va en descendre immédiatement pour frapper cethomme insolent et effronté! Ne regarde pas trop dans les nuages au risque det'aveugler, mais fixe plutôt tes regards sur toi-même. Ce n'est pas quelque rebutde l'humanité, ce n'est pas un monstre humain que doit te représenter ce portraitde Jonas; non, c'est l'être humain, c'est la nature humaine d'Adam, c'est toi, c'estmoi, c'est le c ur humain, ce c ur obstiné et lâche qui est placé sous tes yeux.J'y reviens encore, car je ne saurais trop insister sur un tel sujet.

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2. Regarde, voilà ce que tu es.Je remarque avant tout que Dieu amène visiblement et avec intention Jonas

dans ces dispositions, qu'il provoque lui-même cette horrible explosion de har-gne. Dieu avait prévu le qiqaïone et l'avait épanoui si magnifiquement unique-ment pour le faire périr aussitôt misérablement. Tout cela pour que Jonas se voietel qu'il est. Dieu n'a donc pas empêché cette abominable explosion de hargne; aucontraire, il la provoque. Puisque Jonas était dans cet état, il veut aussi que celadevienne manifeste. Car, au jugement de Dieu, le mal n'est pas que Jonas semontre tel qu'il est; le mal, c'est qu'il soit ce qu'il est. Dieu n'éveille donc pas enlui la hargne, bien loin de là. Il agit de manière que cette hargne intérieure encoreenracinée et enfouie en lui prenne une forme extérieure, pour que Jonas puisse lavoir. Il ne pouvait être délivré autrement.

Si un Nathan 1 était venu vers Jonas et lui avait présenté son état sous uneforme allégorique, comme celui d'un autre, Jonas aurait répondu comme David etprononcé sa propre condamnation en criant: "Cet homme est digne de mort!"Tant il est vrai que l'on connaît si peu ce qui est en soi, c'est-à-dire Adam!

C'est donc pour que Jonas arrive à se connaître lui-même et pour qu'il voie cequi est dans son c ur que Dieu donne occasion à la hargne intérieure de revêtirune forme extérieure. Il en est ainsi pour beaucoup.

"Regarde Jonas, voilà ce que tu es! Tu ne l'aurais jamais pensé!" Pierre nonplus n'aurait jamais cru. Il n'avait pas cru Jésus lui-même. Il n'aurait pas cru qu'ily avait dans son c ur tant de frayeur, de lâcheté et de faiblesse. Lorsque, près dufeu, dans la cour du souverain médiateur, sa maladie intérieure se manifeste exté-rieurement, il est tout étonné et s'effraye de lui-même; cet effroi a été le com-mencement de son vrai et profond retour à Dieu. Non seulement Pierre, mais laplupart des disciples du Seigneur ont fait cette expérience: leur état de c ur neleur a été découvert complètement que lorsqu'ils ont eu à en rougir ouvertementdevant eux-mêmes et devant les gens. Dieu va toujours à la source intérieure; quele défaut soit plus ou moins fin ou grossier dans sa forme, peu lui importe.

La plupart des soi-disant éducateurs ne visent qu'à écarter les vilaines mani-festations d'un état de c ur: l'éclat et ce qui ferait un mauvais effet, ce qui a uneapparence désagréable. Au-dehors tout doit briller et reluire, au-dehors il fautque tout soit convenable et mesuré; on ne s'occupe pas de tout ce qui se passe au-dedans, du foyer véritable de ces manifestations extérieures, des convoitises quirampent au fond de la personne, des passions qui rongent intérieurement l'être

1 2 Sam 12.

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humain; tout cela est négligé. Ces messieurs et ces dames (les éducateurs dont jeparle) condamneront sévèrement la colère, car il est de très "mauvais ton" de semettre en colère; par contre, la haine cachée dans le c ur d'où la colère et toutesorte d'actes cassants ou violents sortent naturellement, on n'en parlera pas, onn'y touchera pas. On ne tolérera pas les paroles inconvenantes, mais on n'avouerapas que le naturel est impur. Partout on combattra les symptômes de la maladie,mais on négligera d'agir sur ce qui en constitue la base, sur les dispositions natu-relles. Si un enfant dit avec esprit toute espèce de méchancetés sur le compted'une personne absente, on sourira, et peut-être verra-t-on là un agrément de so-ciété. Si ce même enfant manque de tact pour dire en face quelque chose de dé-sagréable à cette même personne, on le punira. Trop souvent on enseignera auxenfants à se tirer d'affaire par un mensonge, mais, malheur à eux, s'ils osent tour-ner cette arme contre ceux qui la leur ont fournie! Si un enfant vole; que c'estlaid! C'est une faute insupportable, on le punit durement, mais on ne songe pas àremonter à la source intérieure de cette faute. On ne lui montre pas que c'est unattentat contre sa propre personne et contre le Dieu saint; on ne songe pas àéveiller son jugement et à le placer seul à seul en présence de Dieu. Avant tout:"Qu'en dira-t-on? Comme c'est inconvenant, comme c'est laid! On ne fait pascela, cela ne convient pas, ce n'est pas l'usage, ce n'est pas beau". Bref, lesconvenances, l'usage, les égards, la position, l'étiquette, l'esthétique, etc., voilàles grands mots dans la bouche de trop nombreux éducateurs.

Le divin pédagogue, au contraire, s'inquiète peu de ce que l'homme repré-sente, mais de ce qu'il est. Toute son attention se porte sur la disposition inté-rieure, sur le monde de pensées et de convoitises qui est dans le c ur. Son pre-mier but est d'éclairer sur ce monde intérieur. C'est pour cela qu'il éprouvel'homme et le teste; c'est, je le répète, pour lui faire connaître ce qu'il y a dansson c ur. C'est ainsi qu'il a testé Abraham; c'est ainsi qu'il a éprouvé Israël pen-dant quarante ans dans le désert; c'est ainsi qu'il éprouve ici Jonas. Il réduit sonidole en poussière, et lorsque les pensées intérieures montent, comme l'écume, àla surface, il lui montre à lui-même ce qu'il est: "Regarde, voilà ce que tu es, voi-là ta figure intérieure! Aie horreur de toi-même!" 1 Une horreur de cette espèceest le commencement difficile d'une bonne fin. Il faut alors que l'être humain aithonte de lui-même. On peut dire aussi: "La honte de soi-même est l'aurore de lavie éternelle". Dès ce moment l'être humain devient enfin petit et humble; il ap-prend à parler à Dieu et à convoiter un nouveau c ur et un nouveau souffle. Cedésir et cette demande arrivent jusque dans les lieux célestes. C'est là que lesmessagers de Dieu accordent leurs harpes. Puis ils chantent un cantique d'allé-

1 Ezé 36, 31.

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gresse, vieux comme le monde et toujours nouveau: "Mon fils que voici étaitmort, et il est revenu à la vie; il était perdu et il est retrouvé".

12. Dieu aime l'humanité."Et IHVH a dit: tu as pitié du qiqaïone qui ne t'a coûté aucune peine, et

que tu n'as pas fait pousser, qui est né en une nuit et qui a péri en une nuit. Etmoi, je n'aurais pas pitié de Ninive, la grande ville, dans laquelle se trouventplus de cent vingt mille terriens 1 qui ne savent pas distinguer leur droite deleur gauche et des animaux en grand nombre!" (4, 10-11.)

1. La nature et la connaissance de Dieu.C'est pour guérir Jonas de son mal que Dieu avait prévu le merveilleux qi-

qaïone, et c'est pour la même raison qu'il a prévu le ver pour le piquer. C'est pourle guérir de son mal qu'il a aussi prévu le soleil brûlant et le vent d'Est. Ces cho-ses ne servent, pour le moment, qu'à faire sortir la hargne intérieure de Jonas et lafaire apparaître à l'extérieur dans toute sa laideur. Tout en serait resté là, si lavoix de Dieu n'était pas venue expliquer ces faits extérieurs au prophète.

Le miracle en apparence naturel renferme un nécessaire enseignement et unegrande sagesse. Pour en tirer la meilleure leçon, il faut que la révélation divinel'explique et la déchiffre. La nature par elle-même ne peut rien révéler de ce quiprocure réellement force et consolation pour le temps et pour l'éternité. Elle ré-vèle Dieu et le cache, comme l'a dit un grand penseur. Quand le souffle saint etla parole de Dieu ont éveillé mes facultés immatérielles qui m'étaient encore in-connues, et qu'un univers immatériel supérieur m'a été découvert, je comprendsle langage de la création. Je comprends alors que toute la nature est une grandecomparaison qui me parle, à sa manière, des choses invisibles et éternelles. Aussilongtemps qu'un être humain n'est pas parvenu à une nouvelle vie en Dieu, lanature reste pour lui un livre fermé.

De plus, dans la nature, de nombreux événements et accidents sont plus pro-pres à me cacher l'essence véritable de Dieu qu'à me la dévoiler; bien des chosesn'éveillent en moi que tristesse, crainte et effroi; par exemple, la mort inévitable,la destruction universelle dans la nature, la nuit ténébreuse, l'orage et la tempête,le feu, les inondations, la stérilité, la maladie, les épidémies, etc.

Même s'il est transporté au milieu de la plus riante nature, un individu mé-content de lui-même ou rongé par quelque profond chagrin sera indifférent au

1 Le texte parle de "plus de cent vingt mille adams" de "adama" qui signifie terre, d'où la traductionexacte de ce mot par "terriens".

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parfum des roses, à l'azur du ciel, à l'air vivifiant des forêts, à l'éclat magnifiquedes fleurs, et rien ne parviendra à alléger sa peine un seul instant. Les plus grandsesprits du paganisme sont restés pendant des milliers d'années en contemplationdevant la nature, l'interrogeant et y cherchant Dieu. Qu'ont-ils trouvé? Ils n'ontpas même appris qu'il y a un créateur, un Dieu universellement souverain. Dansle cas le plus favorable, la nature révèle à l'homme quelque chose de la puis-sance, de la sagesse et de la gloire de Dieu. Ces attributs sont par eux-mêmestout aussi propres à l'effrayer qu'à le consoler. La nature ne dit rien de ce qui rendvraiment paisibles et heureux; elle ne me dit rien de ce que je suis, d'où je vienset où je vais; elle ne me dit rien de la grande pensée de Dieu à mon égard, de sonamour et de sa bonté envers moi; elle ne me dit rien de ma délivrance en Jésus-Christ; elle ne me dit rien de la nouvelle terre et de la nouvelle Jérusalem queDieu a préparées pour ceux qui l'aiment. Sur toutes ces choses, la nature ne medit rien et ne peut rien me dire. Si Dieu ne me donne d'abord sa lumière, la naturen'est que ténèbres.

Dans ce récit, le merveilleux qiqaïone, le ver, le soleil et le vent ne sont pasnon plus la révélation même de Dieu; ils sont seulement des pionniers qui prépa-rent son chemin et labourent le c ur de Jonas. Si le Dieu vivant n'était pas inter-venu, ces quatre facteurs n'auraient pas amené le prophète à se connaître lui-même et à connaître Dieu; au contraire, ils n'auraient fait que l'en éloigner davan-tage. Dans la bouche de IHVH l'explication de ce langage figuré est d'un effetsaisissant. Ces images tirées de la nature sont, ainsi qu'on le constate dans lescomparaisons de Jésus, douées d'une puissance telle, qu'on ne les oublie plus. Ilest certain que la plante flétrie est restée devant la pensée de Jonas jusqu'à sondernier jour.

2. Et moi, je n'aurais pas pitié?On écoute maintenant ce que Dieu dit à son serviteur rebelle à côté du qi-

qaïone flétri: "Tu as pitié du qiqaïone, et moi, je n'aurais pas pitié de Ninive?Cette plante ne t'a coûté aucun travail, mais les enfants de Ninive sont mes créa-tures et mes élèves. Le qiqaïone était le travail d'une nuit et a péri aussi dans unenuit, mais chaque être humain, parmi cette multitude, a été créé pour l'éternité.Que seraient mille qiqaïones au regard d'un seul être humain? Or, ici il ne s'agitpas d'un seul être humain; il y a cent vingt mille terriens qui ne savent pas distin-guer leur droite de leur gauche."

Certains savants ont prétendu que par ces derniers mots Dieu avait voulu dé-signer la population de la ville. Cela n'est pas juste, car il est évident que ces centvingt mille terriens qui ne savent pas distinguer leur droite de leur gauche repré-

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sentent les petits enfants jusqu'à l'âge de trois ou quatre ans environ. Et l'on acalculé qu'avec un nombre pareil de petits enfants, la population de cette villedevait atteindre environ deux millions d'habitants. Je comprends aussi que Dieu,en parlant ainsi, ne veut pas faire ressortir seulement l'importance de la ville; ilveut attirer l'attention sur de nombreuses créatures qui n'avaient pris aucune partà la corruption commune de Ninive et qui cependant auraient dû périr avec laville. Après cela je comprends aussi pourquoi Dieu ajoute ces mots qui surpren-nent: "et des animaux en grand nombre". Dieu attire particulièrement l'attentionde Jonas et de tout lecteur sur ses créatures innocentes. Dieu s'adresse au senti-ment humain de Jonas, à sa pitié et à sa droiture naturelle: "Voudrais-tu donc,homme sombre, que toutes ces créatures innocentes soient anéanties? Ne peux-tupas comprendre mon c ur de père? Tu as pitié du qiqaïone que tu n'as pas plan-té; pense donc à ce que je dois éprouver! Dans cette grande ville il n'existe pasune seule créature qui ne me doive l'existence et que je ne désire rendre heu-reuse. Il y a plus cent vingt mille terriens qui ne savent pas distinguer leur droitede leur gauche, plus des animaux en grand nombre. Or, à mes yeux, un seul ter-rien vaut la croix du Messie. Ne sais-tu pas comment mon c ur est disposé en-vers mes créatures? Ne comprends-tu donc pas que je dois avoir bien plus pitiéde Ninive que toi de ton qiqaïone? Eh bien, juge de ma douleur d'après latienne!"

Ainsi parle Dieu et comme Jonas se tait, je réponds à sa place. Oui, mon Dieu,Jonas, mon frère, a très mal fait de penser ainsi. Je condamne donc et je chasse lamentalité de Jonas, la mentalité d'Adam.

Cher lecteur, si l'histoire de Jonas t'a amené à une reconnaissance sincère de tapersonne, alors tu l'as comprise et elle t'a été utile. Car nul homme ne sauraitgoûter la merveilleuse bonté de Dieu et en être heureux sans avoir reçu de lui lavraie, la nouvelle et céleste humanité, la vie d'amour qui vient d'en haut. On parlebeaucoup d'amour fraternel, mais le véritable, celui qui résiste et qui dure nevient que de la connaissance et de l'amour de Dieu. Dieu seul m'apprend àconnaître ma propre personne et à apprécier à sa juste valeur, à estimer et à res-pecter tout être humain.

Autrefois, le grand vapeur anglais, Golden Gate, est devenu la proie desflammes dans le voisinage d'une côte, je ne sais plus laquelle. Ce navire venaitde l'Australie; il s'y trouvait des centaines de chercheurs d'or, enrichis en peu detemps, et qui revenaient au pays avec leurs trésors. Bien peu y sont arrivés; ceuxqui ont échappé aux flammes ont été noyés. L'un de ces passagers avait le bon-heur de posséder une excellente ceinture de sauvetage. Il avait déjà parcouru un

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long trajet à la nage et il était tout près du rivage, lorsqu'il a aperçu à peu de dis-tance, sur une caisse, un enfant encore vivant. Que faire? Tandis qu'il nageaitd'une main, il tenait dans l'autre une lourde bourse pleine d'or qu'il avait heureu-sement arrachée aux flots. Un terrible combat s'est livré en lui: "Laisserai-je en-gloutir l'or ou l'enfant?" L'or ou un être humain? Telle était la grande question.L'homme s'est décidé pour l'être humain, et l'enfant a été sauvé. Ce naufragéavait certainement trouvé au milieu de l'océan un trésor plus précieux qu'en Aus-tralie!

Que de fois cette même question se présente à moi sous mille formes! Qu'est-ce que j'estime le plus: moi-même, mon gain, mes jouissances, mon bien-êtreterrestre et même spirituel ou la délivrance de la mort des êtres humains? Chaquefois que j'ai à choisir ou de sécher les larmes d'un malheureux ou de me procurertelle ou telle jouissance, chaque fois que j'hésite entre un témoignage d'amour etla recherche de mon bien-être, je suis dans la position du naufragé du GoldenGate. Comment se décide-t-on le plus souvent dans ces cas-là? Je n'oublie jamaisque derrière chaque enfant des hommes triste et inquiet ou même méchant, quel'on rencontre dans une rue ou à Ninive, se tient le Dieu miséricordieux lui-même, qui dit: "J'ai pitié de lui!"

Dans ce récit, Dieu ne se montre pas seulement le père plein d'amour pour lesêtres humains; il aime aussi les animaux.

3. Dieu aime les animaux!Entre les raisons qui décident Dieu à épargner Ninive, il mentionne la pré-

sence des animaux en grand nombre. Le Dieu grand et glorieux s'occupe-t-ildonc aussi des animaux? Certainement, car ils sont ses créatures. Je dois biensavoir que c'est une faute de faire du mal à un animal sans nécessité, et de le tuersans raison. Ils sont aussi l'ouvrage de Dieu et sont sous sa protection. Le fait queles autorités de tous les pays ont été obligées de promulguer des lois pour la pro-tection des animaux, et qu'on ait dû en beaucoup d'endroits former des sociétésprotectrices des animaux est une preuve évidente de la cruauté des gens.

Combien la créature animale doit souvent gémir sous le joug que la dureté del'homme lui impose! Que de cruautés sans but, que de meurtres et de tortures ellesubit! La punition en sera moins légère que beaucoup de gens ne le pensent; carles animaux aussi sont les protégés de Dieu, et celui qui les fait souffrir sans né-cessité, attente à l'ordre établi par Dieu. Il faut souvent penser aux derniers motsdu livre de Jonas: "Et des animaux en grand nombre."

A cette occasion, je ne peux passer sous silence une autre observation. Tandisque d'un côté on tourmente inutilement les animaux, d'un autre côté, chose pres-

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que aussi repoussante, c'est tout le contraire, ce sont des caresses continuelles,une idolâtrie, une tendresse dont on ne peut s'empêcher de rire et de s'indigner enmême temps. Il y a une quantité de gens, surtout dans les classes soi-disant culti-vées, qui sont beaucoup plus charitables envers leurs bêtes qu'envers les êtreshumains, leurs semblables. On rougit d'indignation en voyant certains messieurset certaines dames, choyer leurs animaux comme de petits princes, mais laisserleurs voisins à moitié mourir de faim. On voit des gens qui se démènent énergi-quement lorsqu'il s'agit de la société protectrice des animaux, mais qui restentsourds lorsqu'on leur parle des souffrances de leurs semblables; ils traitent avecla plus grande douceur chiens, chevaux, chats, poneys, perroquets, etc., maistourmentent et tyrannisent leurs employés, au point que ces malheureux n'ontjamais une heure de tranquillité.

Une vieille demoiselle avait fait construire un véritable petit palais en acajoupour ses chats, gros et petits, et l'avait muni de divans, de lits et de tout le confortimaginable; jamais on n'a pu l'amener à envoyer, deux fois par semaine, un peude soupe à une pauvre femme qui demeurait vis-à-vis de chez elle. "Cela dérangele ménage", a-t-elle répondu au pasteur qui intercédait pour la pauvre malade.Des exemples de ce genre moins révoltants peut-être se rencontrent souvent. Enpareille occasion, vraiment on regrette presque que la peine du fouet soit abolie.

Ce culte des animaux est méprisable sans aucun doute. Toutefois il ne faut pasoublier qu'au-dessous du supérieur humain, il y a aussi l'inférieur animal; que luiaussi est une créature de Dieu que nul ne peut tourmenter impunément! L'hommea été établi comme souverain de la terre, pour qu'il contribue autant que possibleau bien-être de toutes les créatures. L'animal torturé peut, lui aussi, devenir lejuge et l'accusateur de l'homme. Le petit oiseau, par exemple, auquel on crève lesyeux, pour qu'il ne distingue plus les saisons, et chante sans cesse, ne troublera-t-il jamais son bourreau? "Et des animaux en grand nombre!" dit Dieu.

4. La grandeur de Dieu et sa condescendance.Quand je veux me représenter le "Dieu de la Bible" ce sont justement des pas-

sages comme Jonas 4, 11: "Et des animaux en grand nombre", qui me montrentque la Bible est une révélation de Dieu; elle m'apporte des pensées qui ne se-raient jamais venues au c ur de l'être humain.

Lorsque les humains décrivent la nature de Dieu d'après leur seule raison etleurs seules connaissances, et selon leur caractère, les uns représenteront un Dieusaint; ils peindront peut-être cette sainteté avec les couleurs les plus éclatantes,mais ce sera au détriment de l'amour. D'autres essayeront de peindre un Dieud'amour, mais cet amour sera faible et efféminé et ne laissera pas de place à sajustice et à sa sainteté. Bref on ne voit toujours qu'un seul côté. Un être qui serait

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la grandeur, la majesté et la gloire parfaite, n'aurait selon les gens aucun senspour ce qui est petit et sans apparence. Si, d'un autre côté, on décrit un être ayantun sens et un c ur pour les choses les plus infimes, cet être deviendrait certai-nement mesquin dans les descriptions.

Nous, les humains, nous sommes toujours extrêmes, et les siècles durantl'humanité n'aurait pas trouvé toute seule le Dieu que la Bible lui révèle. En elle,sont réunies dans la plus belle harmonie toutes les qualités opposées qui parais-sent s'exclure d'après la manière de voir courante: une sainteté qui tient à dis-tance de Dieu et un amour pour l'homme ignorant qui prend sur lui la mort et lamalédiction qui pèse sur tous les êtres humains; la grandeur et la majesté su-prême et la plus douce condescendance envers les plus humbles de toutes lescréatures. Le Dieu qui crée le ciel et la terre par une parole de sa bouche, cemême Dieu a compté les cheveux de ma tête. Dieu a donné son Fils unique pourdélivrer les humains; il a aussi donné une loi pour défendre de museler le b ufqui foule le blé ou de déranger l'oiseau qui couve ses ufs.

Le Dieu, devant lequel les nations sont comme des grains de poussière, estaussi ému par les larmes d'un enfant perdu dans le coin le plus reculé de la terre.Le Dieu qui fait paraître les soleils et qui les fait disparaître prend plaisir auxailes d'un moucheron. Il habite une lumière inaccessible, mais il prête l'oreille auplus léger soupir d'un être humain ignorant altéré de grâce et du laisser aller deses erreurs. Il dépose les rois et il les établit, mais il entend aussi le cri des jeunescorbeaux.

N'est-il pas beaucoup plus grand et majestueux que le plus grand, et en mêmetemps plus petit que le plus petit? N'est-il pas digne d'adoration? Voilà le Dieuque la Bible révèle! Connais-tu ce Dieu, cher lecteur? Es-tu retourné vers lui?Vit-il avec toi et en toi?

CONCLUSIONJONAS EST-IL PARVENU A LA VICTOIRE?

1. Silence.Si quelqu'un s'en va sur les bords du Tigre pour visiter les restes de civilisa-

tions antiques, un musulman empressé lui montrera une caverne sur une collineisolée, près de Mossoul; là, il lui assurera au nom d'Allah que c'est le tombeau deJonas. Si ce voyageur s'y trouve à l'époque favorable, il pourra voir toutes les

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populations de ces contrées réunies, après trois jours de jeûne, pour célébrer unegrande fête en l'honneur de Jonas.

Ceux qui ont suivi ce récit avec attention penseront peut-être que le nom deJonas était plutôt une malédiction qu'une bénédiction pour les habitants du pays;puisque non seulement il a annoncé la destruction de Ninive, mais qu'il la dési-rait. Le prophète serait-il parvenu plus tard à une victoire intérieure? Cela meparaît très probable.

Je ne suis nullement de ceux qui, avec la meilleure intention, excusent toutesles erreurs ou les fautes des hommes de Dieu. Agir ainsi est non seulementcontraire à la vérité historique, mais enlève une grande consolation. Le catholi-cisme a un intérêt à se représenter des saints de ce genre et à entourer leur têted'une auréole! Il en tire un profit, car lorsque leurs propres vertus ne suffisent pasà leur justification, il leur est permis de puiser dans le trésor que ces saints ontamassé! Quant aux vrais chrétiens, ils remercient Dieu de ce qu'il leur a permisde voir les fautes et les taches de ses grands témoins. Si je ne connaissais queleurs vertus et leur confiance, je n'aurais nul espoir d'entrer avec eux dans lemême paradis. Ainsi je vois, à ma grande consolation, qu'ils étaient de chair et desang comme moi et que, malgré cela, ils sont devenus grands par la bonté, de lapatience et la fidélité de Dieu. Je n'ai donc pas amoindri les erreurs et les défautsde Jonas qui ressemblent beaucoup à ceux de tout être humain, mais je les aimontrés dans toute leur laideur. Néanmoins je dis que Jonas n'est pas resté dansson ancien endurcissement, mais qu'il s'est incliné devant Dieu et qu'il a reçu un

ur nouveau.D'où tirez-vous cette conclusion, me demandera-t-on? La fin du livre paraît

aussi peu satisfaisante que possible. Comment un livre peut-il se terminer ainsi:"et des animaux en grand nombre." Après cela, c'est un point final. Pas un motsur ce que l'on désirerait justement savoir: Quel résultat l'enseignement de Dieua-t-il produit sur le prophète? Qu'est-il devenu dans la suite? De tout cela, onn'apprend rien. Le récit serait très intéressant, entend-on souvent dire, mais la finen est décevante.

Ces reproches sont-ils fondés? Que voudrait-on savoir? Demande-t-on peut-être une reconnaissance des erreurs, une humiliation longuement exposée, unpetit discours pieux où le prophète glorifierait Dieu et se reconnaîtrait coupable?Les oreilles humaines sont souvent si dures qu'elles ne savent pas entendre quel-que chose si elles n'entendent pas des mots. Elles oublient que le silence parlesouvent bien plus que les discours les plus beaux et les plus onctueux.

Jusqu'alors Jonas avait toujours eu quelque chose à répondre à Dieu, il avaittoujours voulu avoir raison et garder le dernier mot; maintenant, il se plongedans le silence, il ne sait plus que dire et il ne veut plus rien trouver à dire. Il s'in-

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cline devant la révélation de l'amour infini et de la grâce sans bornes de Dieu. Ily plonge sa personne. Il découvre enfin la distance incommensurable qu'il y aentre ses pensées et les pensées de son Dieu. Oui, ce silence de Jonas est pluséloquent que la demande ardente qu'il fait monter des profondeurs de l'abîme (auch 2). Pour un caractère de cette trempe, ce silence est plus puissant que la prédi-cation à Ninive. Il se fait quelque chose de grand, lorsqu'on laisse la parole àDieu; lorsqu'on impose le silence à son ancienne nature d'Adam qui prétend toutsavoir mieux que Dieu; lorsqu'on impose le silence à sa propre sagesse humainequi s'imagine s'entendre à tout, mieux que lui. On est délivré lorsqu'on laisse leTrès-Haut s'adresser à soi.

La nature humaine d'Adam qui est celle de tous les humains sur la terrecontredit Dieu sans cesse; elle proteste de la bouche et des mains contre sa vo-lonté et ses plans, contre ses chemins et ses décrets! Quand on commence à êtreeffrayé par lui et à le respecter et qu'on se tait, humilié en sa présence, on a faitun grand pas! Avec une docilité enfantine Samuel dit parle Seigneur, ton servi-teur écoute! Il se trouve bientôt après à la tête d'Israël, comme un héros armé parDieu. Dans ce silence devant Dieu, Jonas aussi a retrouvé le ton juste de laconversation avec Dieu; il dévoile un humble et sincère changement d'avis.

Bien des questions, peut-être parfois inquiétantes, restaient probablement en-core à résoudre dans le c ur du prophète. Il n'avait probablement ni éclaircisse-ment ni ouverture d'aucune sorte sur ce que deviendrait le reste du peupled'Israël, une fois que les autres peuples auraient été admis. Mais il n'en avait plusbesoin. D'un côté il avait jeté un regard sur sa folie et son égoïsme; de l'autre, unregard non moins profond sur la sagesse et la miséricorde de Dieu. Il veut main-tenant se plonger dans cet océan de lumière et d'amour. Il ferme les yeux et ilcomprend maintenant sans leur secours. Il se tait maintenant et laisse parlerDieu. Il se repose et laisse agir Dieu. Le silence de Jonas est le signe joyeux quela semence est tombée dans une bonne terre et qu'elle veut y mourir pour y renaî-tre et porter beaucoup de fruits.

2. Une remarquable autobiographie.Ce livre est une remarquable autobiographie, et cela ôte le dernier doute sur la

victoire de Jonas. En effet, lui seul, Jonas, a pu révéler et publier cette histoire.Car personne ne connaissait ce qui est précisément le plus important pour sonlecteur. Personne ne pouvait connaître son entêtement, sa désobéissance, sa dure-té, ses murmures, sa parole impie, sa mauvaise envie de mourir et les questionsde Dieu aussi bien que ses réponses. C'est donc bien Jonas lui-même qui a publiéson autobiographie.

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Si donc Jonas est l'auteur de ce livre, on n'a pas besoin d'un autre témoignagede sa victoire. Il ne peut y en avoir de preuve plus frappante que le fait qu'il ensoit lui-même l'auteur; qu'il se soit aussi profondément ouvert devant l'humanitéentière et se soit lui-même exposé de la sorte au pilori, comme jamais peut-êtrepersonne ne l'a fait. Car cette histoire de Jonas est aussi le récit de ses défauts,qu'il raconte avec une franchise impitoyable. Et quels défauts! Des défauts qui,de l'avis de beaucoup, sont excessivement laids et insupportables.

Jonas démontre deux choses dans ce livre: d'un côté, l'extrême patience et latotale fidélité de Dieu envers le rebelle qui s'est enfui de devant lui et qu'il pour-suit de son amour et de sa justice, jusqu'à ce qu'il l'ait atteint; d'un autre côté, sapropre infidélité, son ingratitude, son obstination, son caractère impitoyable etson aveuglement.

Maintenant on comprend aussi que ce livre finisse si brusquement. Aprèsavoir décrit la complète corruption du c ur humain et dépeint le c ur de Dieubrûlant d'amour, le prophète s'arrête! Dieu garde le dernier mot; lui-même, leprophète, doit se taire. Tout ce qu'il veut dire, c'est: "Regarde, tel est Dieu et telest l'être humain!" Le livre n'a pas d'autre intention.

Etudie donc cette histoire étonnante avec recueillement, cher lecteur, car lanature de Dieu et celle de l'être humain y sont également révélées. En guise deconclusion, je me permettrais de t'adresser la question suivante:

3. T'es-tu bien vu dans ce miroir?Si toute la Bible est un miroir de Dieu et de l'être humain, le livre de Jonas

l'est tout particulièrement. On sait que les miroirs sont faits pour s'y regarder etpour connaître la vérité sur soi-même, c'est-à-dire pour se voir tel qu'on est. Ce-lui qui sait se servir de son miroir examine ce qui lui manque. Il regarde s'il y aencore une petite malpropreté, un désordre ou une chose laide sur lui; voilà cequ'il cherche au moyen du miroir, pour qu'après l'avoir découvert, il puisse yremédier.

Les miroirs sont aussi employés dans un autre but par bon nombre d'hommeset de femmes. Ils sont employés pour s'y mirer, pour se réjouir de sa propre beau-té, réelle ou imaginaire, en se détournant autant que possible de ce qui est laid oudisgracieux. On dit que chacun voit ce qu'il veut dans une glace.

Dans tous les cas cela est vrai du miroir que la parole de Dieu met devant lesyeux; chacun y voit ce qui lui plaît le mieux et ce qui lui convient le mieux. Il ensera de même du petit livre de Jonas, qui est un miroir de la nature humaine et decelle de Dieu. Une glace a la même limpidité et la même vérité pour tous, maisceux qui la consultent le font dans un état de c ur et dans un but différent. D'au-

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tres lecteurs de ce petit livre de Jonas, savants ou ignorants, passeront à côté duvéritable contenu de l'histoire. Ceux qui n'y ont vu qu'une chose, savoir que Dieuest beaucoup plus miséricordieux qu'on ne le pense généralement et que ses ju-gements ne sont pas si terribles; ceux-là n'ont que leur beauté imaginaire. D'autrepart cette histoire ne fera qu'accroître l'obscurité de ceux auxquels les actions etla vie de Jonas apprendront simplement qu'il y a sur cette planète des hommeshorriblement méchants.

Et toi, cher lecteur, quelle conclusion en as-tu retirée? Ou ici encore, n'as-tupeut-être rien appris? Alors tu n'es pas plus avancé qu'avant.

Dans tous les cas, cher lecteur, je n'ai pas eu l'intention de t'offrir une distrac-tion et de te faire passer quelques instants agréables. Sur cette terre, il ne s'agitpas de faire passer le temps, mais au contraire, de le racheter; c'est dans le temps,je ne l'oublie pas, que se font les semailles pour l'éternité. "Ce que l'être humainaura semé, il le moissonnera aussi." C'est pour l'éternité que je dois apprendre etêtre formé ici-bas, par le souffle d'en haut, par la lutte et le combat personnel. Jeme suis entretenu de la manière dont Dieu m'instruit par sa parole et par la na-ture. Car il m'éduque par la souffrance et l'amour, par la grâce et la justice. J'aivu quelle est ma vraie nature humaine héritée d'Adam, quelles sont les puissan-ces qui, en moi, s'opposent à l'éducation de Dieu. J'ai vu ce qui doit arriver pourque je devienne docile devant Dieu et que son souffle sanctifiant et vivifiant rè-gne en moi. Par ce récit de Jonas, j'arrive à cette conclusion: Avec un maître telque Dieu je veux oser, car je me suis fait admettre à son école. En lui sont la sa-gesse et la miséricorde, la sévérité et la douceur; en lui seul j'ai trouvé le repos;en lui seul je peux devenir ce que Dieu veut de moi. Celui qui tire cette conclu-sion de ce qui précède aura appris quelque chose. Celui qui se sera reconnu traitpour trait dans le portrait que Jonas a tracé de lui-même, et qui dira: "oui, c'est ceque je suis, j'agissais exactement comme Jonas; je ne veux pas rester ainsi, carj'ai été délivré de cette nature d'Adam par Christ. Je me lève donc et je vais verscelui qui est plus grand que Jonas, Jésus, le libérateur de l'humanité, qui donneson souffle et sa victoire à tous ceux qui les lui demandent. En vérité celui-làn'aura pas étudié ce petit livre sans profit. Il faut que tout le monde en retire unesemblable bénédiction!

Maintenant, au revoir, cher lecteur, jusqu'au jour où nous nous rencontreronsdevant le trône de notre père divin; où après toutes les peines, les travaux et lesluttes d'ici-bas, notre éducation sera achevée par la grâce et la fidélité de Dieu. Ilessuie pour toujours la sueur de nos fronts et les larmes de nos yeux, parce quece qui existait autrefois est passé, tout est nouveau.

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Achevé et publié en 1884.1

Mis à jour le dimanche 7 septembre 2008.

Table des matièresINTRODUCTION 3

L'éducation de Dieu. .......................................................................... 3

PREMIER APPEL 4Jonas désobéit. ................................................................................... 4Les marins. ...................................................................................... 15Le grand poisson. ............................................................................. 56

DEUXIEME APPEL 77Jonas obéit. ...................................................................................... 77Ninive. ............................................................................................. 85Dernière leçon pour Jonas. ..............................................................104

CONCLUSION 130Jonas est-il parvenu à la victoire? ....................................................130

1 Bien qu'il soit ancien et suranné, cet ouvrage reste d'une actualité saisissante. C'est la raison pour la-quelle nous nous y sommes intéressés. Il serait dommage que personne ne puisse bénéficier de son ensei-gnement. Il a été remanié pour l'adapter à l'époque actuelle et son vocabulaire religieux a été remplacé pardes mots ordinaires.