Enquête Logistique Urbaine Supply Chain Magazine #107

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Trouver le pointd’équilibreLes pouvoirs publics ont incontestablement un rôle à jouer pour inciter les acteurs privés à embrasser la cause de la logistique urbaine dont les modèles ne se pérenniseront qu’à condition d’être rentables.

La logistique urbaine opère-t-elle un virage ? Les inten-tions sont là. « J’observe une réelle volonté de l’ensemble des acteurs d’avancer. Les élus

associent davantage les opérateurs de transport aux réfl exions. Les commer-çants prennent également conscience de l’importance de la livraison du der-nier kilomètre, ce qui n’était pas le cas jusqu’à récemment », constate Bruno Durand, Maître de Conférences HC à l’Université de Nantes. Les grandes collectivités comme Paris (voir article page 62), Lyon (voir article page 64), Toulouse, Strasbourg et Bordeaux sont régulièrement citées parmi les bons élèves. « Toulouse a bien réamé-nagé son cœur de ville et revu sa réglementation en matière d’aires de livraison, d’accès à la ville, de mise en place d’équipements logistiques, etc. », confi rme Bruno Durand. Cette évolution intervient dans un contexte d’évolution de la consommation (croissance du e-commerce, accéléra-tion des délais de livraison, réduction du format des magasins de proximité, etc.) qui contribue fortement à une explosion du nombre de colis livrés, une atomisation des livraisons et une hausse des « externalités négatives ».

Les CDU : des modèles économiques en devenir ?Des villes de taille plus modeste font également parler d’elles, notam-ment par le biais des CDU (Centre de Distribution Urbain). C’est le cas d’Annecy, Saint-Etienne, Bayonne ou Grenoble dont la municipalité a rendu public début juillet le nom de la société lauréate (La Poste) de l’ap-

pel à manifestation d’intérêt visant à confi er le pilotage de ce CDU. Démar-rage prévu dans 1 mois. « Le CDU d’Annecy est géré par un opérateur privé. Il existe depuis 3 ans. Hélas, la collectivité n’a pas pris d’arrêté muni-cipal pour l’aider d’une quelconque manière », regrette Philippe Bossin, Directeur de la R&D et de la logis-tique urbaine chez Lyon Parc Auto et Président d’Interface Transport. Les modèles économiques des CDU invitent à la prudence. Ils sont sou-vent décrits comme « survivants sous perfusion » en raison des trop faibles volumétries. Une partie de la solution, permettant d’assurer la pérennité du dispositif, réside dans la réglementa-tion d’accompagnement. Sans oublier, la volumétrie des fl ux. « On a tendance à dire que pour qu’un CDU réussisse, il doit capter environ 20 % des fl ux de la ville », précise Jérôme Libeskind, Fondateur de Logicités. Chez Geodis, silence radio concernant Distripolis. Faut-il s’inquiéter pour cette initiative qui ne donne plus signe de vie depuis un bon moment ?

Pas une mais des solutionsJérôme Libeskind met en garde contre les idées trop simplistes présentant telle ou telle initiative comme « la solution ». « Livrer avec de petits véhicules électriques peut être perti-nent dans certains cas mais attention au risque de leur démultiplication. Autre exemple : des livraisons 100 % en vélo occasionneraient des embou-teillages monstrueux. La solution consiste plutôt à segmenter par typo-logie de charge (colis, palettes…) », développe-t-il. Idem pour le foncier,

autre aspect de la logistique urbaine que Jérôme Libeskind considère avec prudence : « Nous avons eu tort pen-dant longtemps de tout rapporter au foncier. Il est nécessaire pour certaines solutions de logistique urbaine mais pas pour d’autres qui requièrent des besoins en matière d’organisation des fl ux ou d’utilisation de l’espace public. La logistique urbaine n’est pas tri-butaire du foncier mis ou non à dis-position par les villes. En outre, les points de proximité tels que les maga-sins peuvent aussi être utilisés comme point de départ du dernier km ».

La réglementation comme fer de lanceLa loi de transition énergétique n’est pas étrangère aux questionnements liés au renouvellement du parc de véhicules. Mais en réalité les acteurs privés anticipent souvent la réglemen-tation et prennent les devants. « On entend régulièrement parler d’Euro 4 et 5 ou de véhicules GNV, mais moins d’Euro 6 ou d’électrique », remarque Bruno Durand. Le basculement total de la puissance publique ne s’opère pas assez vite déplorent certains observateurs. La diffi culté pour les acteurs du privé réside aussi dans le fait qu’il s’agit souvent de réglemen-tations locales. Néanmoins, cela ne les empêche pas d’agir. « Les meilleurs ini-tiatives viennent souvent des groupes de distribution et de transporteurs. Les expérimentations de livraisons de nuit menées par la grande distribu-tion sont particulièrement pertinentes. Les surcoûts semblent compensés par les gains de productivité. N’oublions pas que la pérennité de la logistique

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urbaine repose sur sa rentabilité », détaille Jérôme Libeskind. La livraison en véhicule électrique est également testée par de nombreux opérateurs mais lorsque livrer ainsi dans Paris coûte 10 % de plus, les incitations deviennent indispensables. « L’instau-ration d’une fi scalité pour fi nancer les actions de mobilité des marchandises

pourrait être d’une grande aide », estime Philippe Bossin. La question écologique ne suffi t pas pour justifi er un modèle. Le triptyque environne-ment, rentabilité économique et adap-tation aux modes de consommation actuels est la clef de voûte de la réus-site d’un modèle de logistique urbaine pérenne. ■ BRUNO SIGUICHE

Les Zones à Circulation Restreinte

La loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte offre la possibi-lité aux collectivités qui le souhaitent de mettre en place des zones à circulation restreinte (ZCR) pour y limiter la circula-tion des véhicules les plus polluants. Ces restrictions sont adaptées aux enjeux du territoire : elles peuvent concerner cer-taines catégories de véhicules, certaines zones ou certaines périodes. Paris a donné le top départ. Il existe plus de 200 « low emission zones » en Europe. C’est notamment le cas dans 53 villes alle-mandes. Celle du Grand Londres couvre la totalité de la métropole britannique sur plus de 1.500 km2. ■

(Source : Ministère de l’environnement, de l’énergie et de la mer)

Les Crit’Air, demain obligatoire ?Le certificat qualité de l’air « Crit’Air » est un dispositif, mis en place par le gouvernement le 1er juillet 2016, qui identifi e les véhicules en fonction de leur niveau de pollution. 6 classes ont été défi nies en se basant sur les normes « Euro ». La pre-mière est réservée aux véhicules à zéro émission, comme les véhicules électriques. Le cer-tifi cat qualité de l’air donne le droit à des avantages pour les véhicules les moins polluants, en particulier dans les zones à cir-culation restreinte (ZCR). Cette vignette n’est pas obligatoire mais pourrait rapidement s’avé-rer nécessaire dans certaines villes. Elle deviendra obligatoire à Paris au1er janvier 2017. ■ BS

Citylogin, une solution désormais rentableEn mars 2015, FM Logistic présentait son nouveau concept de logistique urbaine répondant à l’appellation évo-catrice de Citylogin. Lancée à Rome, cette initiative consiste à assurer les livraisons dans le centre historique, en collaboration avec le transporteur Mag.Di, au moyen de 7 véhicules à moteur hybride, depuis une plate-forme de 500 m2 située en périphérie de la capitale italienne. « Nous sommes passés d’une solution initialement défi citaire à une situation désormais rentable », nous révèle Dominique Ory, Directrice Projets Innovation du Groupe FM Logistic. Un élément crucial dans un contexte où, nous le savons bien, les schémas de logistique urbaine « propres » génèrent très souvent un surcoût. « Citylogin est une solution de logistique urbaine avec des services à valeur ajoutée (intégration d’une gestion des retours, des emballages, etc.) qui va bien au-delà de la

livraison », explique Dominique Ory. Depuis cette annonce, le prestataire poursuit discrètement le déploiement du concept. « Nous avons déployé Citylogin à Madrid et commençons actuellement à Milan. Nous travaillons aussi sur Moscou, dont le démarrage est prévu pour début 2017, et avons lancé une expérimentation en collaboration avec Greenway, société du Groupe Labatut, pour le compte de nos clients Eugène Perma et l’Oc-citane depuis environ 6 mois à Paris », expose Dominique Ory. Retour d’expérience parisien dans quelques mois… ■ BS

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Urbismart avance pas à pas…Il y a 2 ans, nous vous annoncions la naissance d’Urbismart, dont le leitmotiv est de mutualiser la logistique du premier au dernier kilomètre. L’objectif ? Un camion dans une rue capable de livrer les boutiques et les particuliers. Cette société se positionne comme « pilote de fl ux » sans moyens en propre. Depuis septembre 2015, Urbismart opère les fl ux de Petit Bateau et Eurodif dont les boutiques bordelaises sont livrées quotidiennement depuis leurs entrepôts de Troyes. « L’ouverture de cette 1ère ligne a démontré le fonctionne-ment de la partie front offi ce de nos outils informatiques. En revanche, le moteur d’optimisation dynamique, déjà développé, n’a pas encore été testé, faute de volume. Pour ce faire, nous avons besoin de fi nancements supplémentaires afi n d’ouvrir de nouvelles lignes », détaille Jean-Paul Rival, Directeur Général d’Urbismart, qui mène actuellement une levée de fonds pour atteindre la cible de

6 bassins de départ et 6 bassins d’arrivée à fi n 2017. « Parismart » fait partie des 22 projets sélectionnés par la Mairie de Paris en 2015, dans le cadre de l’appel à projets urbains innovants. « Cette expérimentation est menée en partenariat avec la société Libner qui commercialise un camion (Bil) faisant offi ce d’entrepôt mobile, depuis lequel un petit véhicule électrique sort pour aller livrer les boutiques du quartier après une mutualisation des fl ux dans un entrepôt péri-urbain », développe Jean-Paul Rival. L’expérimentation devrait être lancée fi n septembre pour une durée de 6 mois dans le 14e, près de la gare Montparnasse. ■ BS

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ParisAccélère le tempo ?

La mairie de Paris a récemment lancé plusieurs initiatives visant à dynamiser la logistique urbaine et envisage de renforcer le dispositif réglementaire.

Que reste-t-il 4 ans après notre dernier dossier consacré à la logistique urbaine dans

lequel nous recensions plusieurs ini-tiatives ? Les petites expérimentations privées continuent d’émerger ici et là sans nécessairement aboutir à des déploiements massifs. Les projets plus conséquents, tels que celui de livrai-son par bateau dans Paris lancé par Franprix en 2012, n’ont pas eu l’effet boule de neige escompté. La question de la rentabilité (la rupture de charge occasionnant un surcoût) était en par-tie résoluble par la mutualisation des coûts mais les candidats manquent à l’appel… Et pour cause, les avantages économiques à être vertueux dans la capitale sont quasi-inexistants. Il avait déjà fallu attendre 5 ans entre l’em-blématique projet d’acheminement de marchandises par voie ferrée mené par Monoprix et celui de Franprix. Combien de temps faudra-t-il pour assister à un 3e projet de ce genre ? Le TramFret a quant à lui connu quelques désillusions parisiennes en raison de l’absence de modèle écono-mique. La belle endormie se réveille néanmoins depuis peu… mais à Saint-

Etienne (voir encadré page 65). Le contexte réglementaire évoluant, l’avenir se présente sous de meilleurs auspices pour la logistique urbaine. « Paris est la 1ère ville française à avoir mis en place une Zone de Circulation Restreinte dont l’accès est interdit aux véhicules les plus polluants. Au 1er juillet 2017, les véhicules estampillés d’une vignette Crit’Air 5 ne pourront plus circuler dans Paris », déclare Hervé Levifve, Conseiller technique auprès de Christophe Najdovski - Maire-Adjoint de Paris chargé des transports, des déplacements, de la voirie et de l’espace public. Et d’ajou-ter : « Nous avons demandé à la direc-tion de la voierie de proposer une évo-lution du règlement de la circulation des marchandises, aujourd’hui pas assez restrictif, susceptible d’être mise en œuvre dès janvier 2017, de façon à donner un avantage aux opérateurs qui investissent dans des véhicules plus propres ».

L’arme du foncierL’écosystème de la logistique pari-sienne a vibré cet été au rythme des annonces. Plus de 10 ans après la

mise en place des Espaces Logistiques Urbains (ELU) dans le parking sou-terrain de Saint-Germain l’Auxerrois, sous la place de la Concorde et plus récemment (en 2013) à Beaugrenelle, la mairie de Paris a lancé le 7 juillet dernier un appel à projets, s’inscrivant dans le cadre de la charte en faveur d’une logistique urbaine durable publiée en septembre 2013, pour mettre à disposition 5 sites du patrimoine de la ville (aux Halles, Porte de Pantin, Porte de la Villette et 2 Porte de Cham-perret) et « y favoriser l’implantation de solutions innovantes de logistique durable ». « Il s’agit d’espaces impar-faits d’un point de vue logistique avec leurs lots de contraintes mais on ne peut que se féliciter de cette initiative de la mairie de Paris », commente Jérôme Libeskind, Fondateur de Logi-cités. Les lauréats seront dévoilés début 2017 pour un démarrage dans le cou-rant de l’année. Ils pourront exploiter pour une durée de 12 ans maximum ces espaces logistiques que la mairie prévoit de rendre accessibles aux opé-rateurs à des coûts abordables. « Un des critères prépondérants de sélection sera la maximisation et la saturation de l’utilisation du site, quitte à ce qu’il soit utilisé par plusieurs opérateurs à différents moments de la journée, pour des fl ux entrants ou collectés », précise Hervé Levifve. Cet appel à projet fait suite à une énième révision du Plan Local d’Urbanisme (PLU) l’an dernier, passée plus inaperçue, qui prévoit la réservation de 70 sites. La délivrance des permis de construire y est condi-tionnée à la présence d’une activité logistique dans le projet. Un privilège jusque-là réservé aux services publics. Leur taille sera modeste, entre 500 et 1.000 m2. Toujours à propos de fon-cier, Philippe Lacroix, Consultant spé-cialisé en Supply Chain chez Colibee, évoque la piste des parkings : « La

Hervé Levifve, Conseiller technique auprès de Christophe Najdovski - Maire-Adjoint de Paris chargé des transports, des déplacements, de la voirie et de l’espace public

Philippe Lacroix, consultant spécialisé en Supply Chain chez Colibee

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ville de Paris dispose d’un très grand nombre de parkings inutilisés, envi-ron 13.000 places non proposées à la location. Pourquoi ne pas les mettre à disposition, du moins celles que la mairie de Paris ne souhaite pas offrir à la location en tant que places de parking, contre un loyer à des socié-tés susceptibles de les utiliser comme des plates-formes de transit et d’écla-tement. Bien entendu, cela requerrait des aménagements non négligeables (système de ventilation pour le rechar-gement des batteries, adaptation des rampes d’accès, etc.) ».

22 projets retenus en cours d’expérimentationChapelle International (18e arrondis-sement) est également sur toutes les lèvres. Le projet a pris un peu de retard par rapport aux délais annoncés ini-tialement mais le très attendu premier hôtel logistique parisien devrait sor-tir de terre en 2017. Sogaris, Eurorail et XPO Logistics ont annoncé début

2016 la signature d’un accord pour le développement d’une « navette ferro-viaire urbaine » desservant Paris et la proche banlieue dont la mise en ser-vice est prévue pour septembre 2017. D’autres projets d’hôtels logistiques sont dans les cartons de la mairie. « Nous avons un projet d’hôtel logis-tique dans le secteur Paris Nord-Est autour de la Porte de la Villette sur le même modèle que celui de Chapelle International en mixant la logistique, le tertiaire et d’autres activités. Il existe un autre projet d’hôtel logis-tique, qui intégrerait alors la halle Gabriel Lamé occupée par Monoprix et la plate-forme Geodis Calberson, dans le cadre du projet urbain envisagé pour Bercy Charenton. Sans oublier celui des Batignolles, à proximité du nou-veau tribunal de grande instance, dont la société Multivest a remporté l’appel d’offre », nous confi e Hervé Levifve. Parmi les initiatives marquantes de la ville de Paris, citons également l’appel à projets d’expérimentation logistique

urbaine durable pour lequel 22 pro-jets ont été retenus, dans des registres variés (mutualisation des fl ux, stoc-kage et consignes, livraison, rationa-lisation des tournées, stationnement, solutions de transport), et présentés en septembre 2015 (voir encadré page 61). « Plus de la moitié sont en route. Nous rencontrons des diffi cultés sur ceux pour lesquels nous avons la main en matière d’usage de l’espace public. C’est le cas par exemple pour les pro-jets de consignes automatiques. Le but de cette initiative est justement de tes-ter des choses innovantes en matière de portage politique. Nous devrions être en mesure d’ici 3 à 6 mois de faire le bilan », détaille Hervé Levifve. Nous verrons alors ceux qui réussiront à passer de l’étape d’expérimentation à celle de déploiement. ■

BRUNO SIGUICHE

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LyonDes opérateurs en quête

de mutualisationLes ELU et les CDU poussent à Lyon. Mais se pose la question de leur viabilité économique dont la réponse se résume en 2 mots : mutualisation et réglementation.

Dans le cadre du lancement du plan Oxygène, la métropole de Lyon prévoit l’instauration progres-

sive d’une zone de circulation à faible émission à partir de 2017 pour les poids lourds les plus polluants. Les modalités d’application de cette restriction de cir-culation doivent encore être détermi-nées. « Lyon est déjà très avancée sur le sujet puisqu’avant même la création des Zapa (Zones d’Actions Prioritaires pour l’Air, remplacées par les Zones à circu-lation restreinte), elle avait mis en place une low emissions zone sur la presque-île avec un abaissement progressif dans le temps des normes Euro », rappelle Phi-lippe Bossin, Directeur de la R&D et de la logistique urbaine chez Lyon Parc Auto et Président d’Interface Transport.

Les ELU s’implantent très progressivementLa 3e ville de France n’échappe pas à la règle et a elle-même connu quelques désillusions dans le registre des projets de logistique urbaine. Le programme Citylog fi nancé par la Commission Européenne a fait fl op. Comme souvent, l’expérimentation n’a pas passé le cap de l’industrialisation. D’autres projets en revanche poursuivent tranquillement

leur route. C’est le cas de l’ELU (Espace de Logistique Urbain) des Cordeliers, opérationnel depuis le printemps 2012. « Ooshop, l’enseigne de courses en ligne du groupe Carrefour, a rejoint Deret Transporteur au printemps 2015. Il s’agit des prémices de la mutualisation mais la venue d’acteurs supplémentaires est fortement attendue », précise Philippe Bossin. Les participants ne se bousculent pas au portillon. « Pour que la question de la pertinence de ce genre de solution alternative ne se pose plus, il faudrait mettre en place une réglementation très restrictive d’accès au centre-ville de Lyon susceptible de changer du jour au lendemain les habitudes des trans-porteurs », analyse Philippe Bossin. Par ailleurs Lyon Parc Auto a mis en place un 2e ELU début juillet dans le parking des Halles, quartier de la Part-Dieu. « Celui-ci est opéré par Oxipio qui livrera des clients, particuliers et com-merçants, et assurera des opérations de stockage », annonce Philippe Bossin.

Citylogistics sous le feu des projecteursL’autre réalisation lyonnaise qui fait beaucoup parler d’elle est sans conteste Citylogistics dont le démar-

rage remonte à avril 2015. La massi-fi cation des fl ux de marchandises en zone urbaine est au cœur du concept. Citylogistics s’appuie sur un CDU (Centre de Distribution Urbain) de 3.500 m2 à Vaulx-en-Velin. « Parmi la dizaine d’exemples de CDU en France, il est le seul à véritablement cap-ter des volumes signifi catifs de plu-sieurs messagers », observe Jérôme Libeskind, Fondateur de Logicités. En avril dernier, le dispositif a été com-plété par l’inauguration d’un 1er ELU de 240 m2 dans les locaux de la Poste centrale, à proximité de la place Bel-lecour. « Nous souhaitons à la cible disposer de 4 ou 5 ELU pour la ville de Lyon. Une discussion est actuelle-ment en cours pour un emplacement du côté de la Part-Dieu que nous pré-voyons d’ouvrir fi n du 1er semestre 2017 », nous confi e Salvatore Alaimo, Directeur Général de Citylogistics et PDG de Dimotrans. Citylogistics est équipée d’une fl otte de 10 camions fonctionnant au GNV. Néanmoins, les fl ux sous-traités sont livrés avec des véhicules thermiques. « L’objectif à terme est d’imposer à nos sous-trai-tants de s’équiper en véhicules au gaz », indique Salvatore Alaimo.

Un dispositif diffi cilement rentableS’agissant du fi nancement du projet, Salvatore Alaimo explique « avoir bénéfi cié de quelques subventions de démarrage par l’Ademe ». La question de la rentabilité n’est pas évidente. « La solution n’est aujourd’hui pas ren-table. Le coût supplémentaire lié à la rupture de charge peut être compensé par les gains liés à la mutualisation des volumes, encore trop faibles à ce jour. Le CDU de Lyon est susceptible d’être

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TramFret : le phénix renaît-il de ses cendres ?Que s’est-il passé depuis la « marche à blanc » de TramFret menée à Paris fi n 2011 sur la ligne T3 ? Celle-ci avait prouvé l’absence d’impact négatif sur la circulation des voyageurs. Mais en 2012, des études, réalisées par l’Apur soulignent la diffi culté à associer des chargeurs au projet en raison du faible kilométrage et de la rupture de charge dégradant l’équation économique. « L’absence de réseau inter-connecté rend diffi cile l’effi cacité de ce type de projet », explique Joël Danard, Chercheur pour Effi cacity, institut de R&D pour la transition énergétique de la ville. Les essais grandeur nature initialement prévus n’auront jamais lieu... TramFret disparaît des radars plusieurs années avant de réapparaître dans la sphère publique, il y a quelques mois.

Dans le cadre de l’appel à démonstrateur Cop21 lancé par la Ville de Paris, Effi cacity réalise et expose fi n 2015 à Paris une maquette démonstrative du tramway de marchandises. La pro-chaine étape ? « Nous prévoyons de lancer début 2017 une expérimentation grandeur nature à Saint-Etienne pour une durée d’en-viron 18 mois », annonce Joël Danard. Parmi les chargeurs intéressés, géo-graphie oblige, Casino est en tête de liste, mais l’expérimentation est bien entendu ouverte à tous les acteurs économiques intéressés. La mutua-lisation est sans conteste un facteur clef de succès de ce type d’opération de façon à maximiser le taux de remplissage des rames. L’union fait la force ! ■ BS

rentable à partir de 100 t livrées par jour. Nous en sommes à 50 t / j (avec des clients tels que Kuehne + Nagel, Heppner ou Dachser). Nous espérons atteindre ce point d’équilibre courant 2018 », détaille Salvatore Alaimo. Le départ de DB Schenker il y a quelques semaines est de ce point de vue-là un coup dur pour Citylogistics (voir inter-view page 66). « Pour atteindre cet objectif, dans un tel contexte concur-rentiel, l’appui des pouvoirs publics est indispensable pour compenser les coûts supplémentaires, notamment au démarrage, et assurer la pérennité de ce type de projets. Nous avons besoin des collectivités locales pour prendre des décisions en matière de réglemen-tation (motorisation autorisée en ville, stationnement, etc.) », conclut Salva-tore Alaimo. ■ BRUNO SIGUICHE

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Jean-Louis Amengual,en charge de la logistique urbaine au niveau national chez DB Schenker

« Nous identifi ons un risque élevé d’être associés à des pratiques anticoncurrentielles »

DB Schenker relativise la communication dithyrambique menée par certains groupes d’infl uence au sujet des CDU (Centre de Distribution Urbain) et livre une analyse à rebrousse-poil des idées reçues.

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Supply Chain Magazine: Depuis quand les CDU ont-ils fait leur apparition ?Jean-Louis Amengual : Nous en parlions déjà beaucoup dans les années 90 dans le cadre du Programme National Transport de Marchandises en Ville (TMV). Plusieurs CDU ont été testés en Allemagne (Nuremberg et Freiburg), en Suisse (Bale) et en France (la Rochelle, Monaco). Les CDU allemand et suisse ont cessé de fonctionner dès l’arrêt des subventions. Celui de la Rochelle, créé au début des années 2000 (en délégation de service public), en perçoit encore à ce jour. Il est regrettable de constater que la conception des CDU actuellement imaginée est identique à celle des expériences précédentes, fi nancièrement non pérennes.

SCMag : Quels sont selon vous les atouts des CDU ?J-L.A. : Les CDU nous offrent l’avantage de variabiliser notre charge de distribution du der-nier km et d’accéder à un tarif très bas grâce aux subventions allouées par les collectivités ou l’Ademe. Ils nous permettent en outre de gagner

des surfaces de quai, de la souplesse lors des pics de saisonnalité et de transférer l’ensemble des diffi cultés opérationnelles liées aux contraintes de livraison des centres villes. Nous sommes à ce jour le plus gros remettant de fl ux des CDU et des ELU en France. A titre d’illustration, DB Schenker représente respectivement 60 %, 40 % et 60 % des chiffres d’affaires (CA) des CDU d’Annecy, de Rennes et de Nantes. Nous repré-sentions 25 % de celui de Lyon (Citylogistics) dont nous avons choisi de nous retirer fi n juillet, notamment en raison d’une augmentation signi-fi cative des tarifs. Nous quittons également celui de Saint-Etienne.

SCMag : Vous évoquez votre sortie des CDU de Lyon et de Saint-Etienne. Cela signifi e-t-il que vous identifi ez aussi des inconvénients ?J-L.A. : Tout d’abord, la mise en place progres-sive d’une nouvelle forme de concurrence, sub-ventionnée de surcroît ! N’oublions pas que nos agences existantes sont déjà des CDU mais sans le nom. En outre, mélanger les livraisons avec le fret des concurrents peut contribuer à la perte de l’identité de notre marque. L’autre désavantage est la rupture de charge supplémentaire (phy-sique et informatique) coûteuse. Sans oublier le risque de dépendance vis-à-vis du dispositif. Par ailleurs, nous estimons que l’empreinte carbone est probablement supérieure aux bilans énergé-tiques affi chés par les groupes d’infl uence. Par exemple, les éléments pris en compte dans les études réalisées par l’école des Mines sur le CDU de Saint Etienne intègrent des fl ux qui ne passent pas par le CDU et ne tiennent pas compte du nombre de rotations liées au manque de charge utile des VUL électriques. En outre, en raison de notre poids important dans les CA des CDU, nous sommes soucieux des risques juridiques liés à la Loi Gayssot, portant sur la co-responsabilité de ses sous-traitants. Nous identifi ons également un risque élevé d’être associés à des pratiques anticoncurrentielles. Autres inconvénients : la sécurité et la santé de notre personnel, circulant à vélo au milieu des pots d’échappement, et la sûreté du fret. ■

PROPOS RECUEILLIS PAR BRUNO SIGUICHE