E-SANTÉ PLONGÉE DANS LE FUTUR À MONACOconnectedhealthmonaco.com/wp-content/uploads/2016/... ·...

2
14 Actualités O n a coutume de dire que l’on n’arrête pas le progrès. L’événement monégasque consacré à la santé connec- tée l’a confirmé, au point de parfois donner le vertige aux quelque 200 congressistes… Jusqu’à soulever des questions d’ordre philosophique quant aux limites à ne pas dépasser. “La e-santé est l’enjeu le plus intéres- sant dans la galaxie technologique actuelle”, a d’emblée affirmé le jour- naliste spécialisé Anthony Morel, qui animait les débats. Pour le géant des télécommunications Ericsson, le nombre d’objets connectés devrait connaître une croissance annuelle de 23 % d’ici 2021 pour atteindre les 15,7 milliards d’unités à cette date ! “Rien qu’aux États-Unis, la e-santé pèse 2,5 Mds $ par an, et ce n’est qu’un début”, précise Thierry Chignon, associé senior chez Mérieux Déve- loppement. “Difficile donc pour les industriels de passer à côté de cette révolution où il y aura de nombreux candidats, mais peu d’élus.” Si l’on trouve aujourd’hui “tout et n’importe quoi” dans ce domaine, certaines innovations apportent une réelle plus-value. C’est notamment le cas de la robotique et des nano- technologies, dont l’utilisation révo- lutionne à la fois les diagnostics et les traitements, comme l’ont affirmé, exemples à l’appui, les participants aux deux tables rondes qui leur étaient consacrées, parmi lesquels des cher- cheurs de l’université israélienne du Technion (photo). Si les robots peuvent assister, voire remplacer les professionnels de santé pour certaines tâches ennuyeuses, difficiles ou dan- gereuses, “nous ne devons cependant pas surestimer leur rôle”, estime Jean- Pierre Merlet, directeur de recherche à l’INRIA [1]. Des avantages au bénéfice du patient Intervenant à la table ronde consacrée à l’hôpital et au patient numériques, Nicolas Ayache, membre de l’Acadé- mie des Sciences, a présenté la salle d’intervention du futur, au CHU de Strasbourg, avec simulation d’inter- vention en réalité virtuelle et utilisa- tion de la réalité augmentée [2]. Pour lui, “ces outils ont pour vocation à transcender nos capacités, pas à nous remplacer”. De son côté, Carlos Jaime, chef de la division Santé et Équipe- ments médicaux chez Samsung France, affirme que “la numérisation de l’hôpital permet de dégager du temps sur certaines tâches au bénéfice de la prise en charge du patient et de son parcours de soins, mais aussi de géné- rer des économies. Mais avec 29 Mds de dettes, les CHU peuvent-ils investir dans l’innovation en santé ?” / www.kineactu.com / n°1451 / Jeudi 16 juin 2016 © Jean-Pierree Gruest/Kiné actualité Les 31 mai et 1 er juin s’est tenue la deuxième édition du Connected Health Monaco. L’occasion de découvrir les dernières innovations technologiques en matière de santé connectée, mais aussi de débattre avec des spécialistes du sujet (professionnels de santé, industriels, économistes…) sur les enjeux de la e-santé, ses atouts mais aussi ses limites. PAR JEAN-PIERRE GRUEST E-SANTÉ PLONGÉE DANS LE FUTUR À MONACO De gauche à droite : le journaliste Anthony Morel ; Jean-Pierre Merlet, directeur de recherche à l’INRIA ; Bertin Nahum, président-fondateur de Medtech ; Yoav Medan et Alon Wolf, chercheurs au Technion, Institut israélien de technologie.

Transcript of E-SANTÉ PLONGÉE DANS LE FUTUR À MONACOconnectedhealthmonaco.com/wp-content/uploads/2016/... ·...

Page 1: E-SANTÉ PLONGÉE DANS LE FUTUR À MONACOconnectedhealthmonaco.com/wp-content/uploads/2016/... · n’est pas adaptée à une médecine tournée vers la prévention !” En s’ins-pirant,

14

Actualités

On a coutume de dire que l’on n’arrête pas le progrès.L’événement monégasqueconsacré à la santé connec-

tée l’a confirmé, au point de parfoisdonner le vertige aux quelque 200congressistes… Jusqu’à soulever desquestions d’ordre philosophiquequant aux limites à ne pas dépasser.“La e-santé est l’enjeu le plus intéres-sant dans la galaxie technologique

actuelle”, a d’emblée affirmé le jour-naliste spécialisé Anthony Morel, quianimait les débats. Pour le géant destélécommunications Ericsson, lenombre d’objets connectés devraitconnaître une croissance annuelle de23 % d’ici 2021 pour atteindre les15,7 milliards d’unités à cette date !“Rien qu’aux États-Unis, la e-santépèse 2,5 Mds $ par an, et ce n’est qu’undébut”, précise Thierry Chignon,

associé senior chez Mérieux Déve-loppement. “Difficile donc pour les industriels de passer à côté de cette révolution où il y aura de nombreux candidats, mais peu d’élus.” Si l’on trouve aujourd’hui “tout etn’importe quoi” dans ce domaine,certaines innovations apportent uneréelle plus-value. C’est notamment le cas de la robotique et des nano-technologies, dont l’utilisation révo-lutionne à la fois les diagnostics et les traitements, comme l’ont affirmé,exemples à l’appui, les participantsaux deux tables rondes qui leur étaientconsacrées, parmi lesquels des cher-cheurs de l’université israélienne du Technion (photo). Si les robotspeuvent assister, voire remplacer lesprofessionnels de santé pour certainestâches ennuyeuses, difficiles ou dan-gereuses, “nous ne devons cependantpas surestimer leur rôle”, estime Jean-Pierre Merlet, directeur de rechercheà l’INRIA [1].

Des avantages au bénéfice du patientIntervenant à la table ronde consacréeà l’hôpital et au patient numériques,Nicolas Ayache, membre de l’Acadé-mie des Sciences, a présenté la salled’intervention du futur, au CHU deStrasbourg, avec simulation d’inter-vention en réalité virtuelle et utilisa-tion de la réalité augmentée [2]. Pourlui, “ces outils ont pour vocation àtranscender nos capacités, pas à nousremplacer”. De son côté, Carlos Jaime,chef de la division Santé et Équipe-ments médicaux chez SamsungFrance, affirme que “la numérisation del’hôpital permet de dégager du tempssur certaines tâches au bénéfice de laprise en charge du patient et de sonparcours de soins, mais aussi de géné-rer des économies. Mais avec 29 Mds €de dettes, les CHU peuvent-ils investirdans l’innovation en santé ?”

/ www.kineactu.com / n°1451 / Jeudi 16 juin 2016

© J

ean-

Pie

rree

Gru

est/K

iné

actu

alité

Les 31 mai et 1er juin s’est tenue la deuxième édition duConnected Health Monaco. L’occasion de découvrir lesdernières innovations technologiques en matière de santéconnectée, mais aussi de débattre avec des spécialistesdu sujet (professionnels de santé, industriels,économistes…) sur les enjeux de la e-santé, ses atoutsmais aussi ses limites. PAR JEAN-PIERRE GRUEST

E-SANTÉ

PLONGÉE DANS LE FUTURÀ MONACO

De gauche à droite : le journaliste Anthony Morel ; Jean-Pierre Merlet, directeur de recherche à l’INRIA ; Bertin Nahum, président-fondateur de Medtech ; Yoav Medan et Alon Wolf, chercheurs au Technion,Institut israélien de technologie.

Page 2: E-SANTÉ PLONGÉE DANS LE FUTUR À MONACOconnectedhealthmonaco.com/wp-content/uploads/2016/... · n’est pas adaptée à une médecine tournée vers la prévention !” En s’ins-pirant,

Actualités

Jeudi 16 juin 2016 / n°1451 / www.kineactu.com / 15

Adjoint au maire de Nice délégué à la Santé, la Prévention et l’Accompa-gnement de la perte d’autonomie, le Pr Olivier Guérin est lui aussi con-vaincu du caractère incontournablede la santé numérique, notammentpour les patients souffrant de mala-dies chroniques. “Dans ce contexte,l’hôpital numérique seul ne sert àrien. Il faut revoir le système dans satotalité et associer les professionnelsde santé libéraux, médicaux et para-médicaux, notamment pour mieuxpartager les données de ces patients etéviter les décompensations”, explique-t-il. “Cela suppose aussi de revoir lesystème de rémunération de la méde-cine de ville, car la tarification à l’acten’est pas adaptée à une médecinetournée vers la prévention !” En s’ins-pirant, pourquoi pas, de la ville de Valence, en Espagne, où chaque médecin dispose d’un budget annuelde 1 800 € par patient en ALD.

De nombreux freins subsistentPour plusieurs intervenants, la e-santéa entre autres avantages de permettreau patient “de mieux s’approprier samaladie chronique, ce qui permet dele rassurer et aussi d’améliorer l’ob-servance des traitements”, expliqueEric Sabban, président de VisiomedGroup. “Or la non observance coûte à la société 9 Mds € par an”, préciseThierry Chignon, pour qui “les éco-

nomies réalisées pourraient permettrela rémunération des professionnels desanté”. Et notamment des masseurs-kinésithérapeutes, oubliés des débats,qu’Alexia Sibony, une consœur coor-ganisatrice de l’événement, a posi-tionné “comme un maillon essentielde la chaîne de soins du patient, aumême titre que le pharmacien”. Alors comment expliquer que, en dépit des multiples atouts exposés durant ces deux jours, la e-santé peineà décoller en France ? Au-delà desquestions de la cybersécurité et de laconfidentialité des données, ainsi quedu cadre législatif, “qui est en total décalage avec la technologie”, selonl’avocat Pierre Desmarais, l’une desraisons tiendrait aussi à notre modèlesanitaire. “Si les États-Unis représen-tent le marché le plus porteur, c’estparce que les coûts de santé y sont

très chers et à la charge des patientsalors que, chez nous, tout est pris encharge ou presque, sans que celan’impacte notre budget”, expliqueCarlos Jaime. “La santé est gratuite en France, alors comment facturerquelque chose qui est gratuit ?”, s’interroge Éric Sebban, pour qui“l’enjeu de la monétisation de la santéconnectée représente un vrai sujet”. Etde conclure : “Qui sera le bon payeur :le patient, l’assurance, l’État ?” n

[1] Institut national de recherche en informatique et automatique.[2] La réalité augmentée désigne les systèmes informatiques qui rendent possible la superposition d’un modèle virtuel 3D ou 2D à la perception que nousavons naturellement de la réalité, ceci entemps réel.

Passionné de nouvelles technologies, Patrick Couny était aussi à Monaco en tantque secrétaire adjoint à l’URPS-MK des Pays-de-la-Loire, dans la perspective d’uncongrès dédié aux nouvelles technologies qui se tiendra à Angers en novembre2017. “Certaines peuvent s’avérer intéressantes dans le cadre de notre exercice,comme les objets connectés qui permettent de recueillir des données sur nos patientspour mieux les suivre, ou encore la réalité virtuelle, notamment en termes de for-mation. Le problème, c’est que la plupart de nos confrères sont bien trop occupéspour s’y intéresser et en percevoir les potentiels bénéfices”, regrette-t-il. D’où cecongrès ouvert à tous, et en particulier aux étudiants, pour tenter d’y remédier.

Un congrès à Angers en 2017 pour sensibiliser les masseurs-kinésithérapeutes