e de Michel Bitbol - ORBi: Home · Université de Liège Faculté de philosophie et lettres L’a...

121
-1-

Transcript of e de Michel Bitbol - ORBi: Home · Université de Liège Faculté de philosophie et lettres L’a...

  • 1

  • 2

  • UniversitdeLigeFacultdephilosophieetlettres

    LapriorifonctionneltudedelinfluencedeWittgensteinsurlapensedeMichelBitbol

    Mmoireprsentpar

    DenisPieret

    envuedelobtentiondugradede

    licencienphilosophie

    Anneacadmique20052006

    3

  • 4

  • Je tiens remercier particulirement MadameLaurence

    Bouquiaux, promotrice de ce mmoire, pour sa

    disponibilit et ses lectures attentives et pour la libert

    quelle a accorde llaboration de la question de ce

    travail. JeremerciegalementMonsieurBrunoLeclercq

    pourletempsquilabienvouluconsacrerrpondre

    mes questions, pour ses indications bibliographiques et

    pour sa gnreuse autorisation consulter et citer ses

    ouvragesencoursdeparution.Jetiensaussiexprimer

    magratitudeenversMonsieurJeanRenaudSebapourses

    encouragementsetpourlintrt quilatmoign mes

    questionnements.

    Enfin, je dsire faire part au lecteur de ma profonde

    reconnaissance tous ceux, compagne, amis et parents,

    quiont,dunemanireouduneautre,deprsoudeloin,

    rendu possible laccomplissement jusqu leur termede

    cestudestardives.

    5

  • 6

  • Cequenousallonsdireserafacile,

    maissavoirpourquoinousledisonsseratrsdifficile.

    LudwigWittgenstein

    7

  • 8

  • INTRODUCTION

    Jesuisndansunenvironnementjenesaispasdo jesuisvenuniojevaisniquijesuis.Cestmasituation comme la vtre, chacun dentre vous. Le fait que chaquehommeatoujourstdanscettemmesituation etsytrouveratoujoursnemapprendrien.Toutceque nous pouvons observer nousmmes propos de la brlante question relative notre origine et notre destination, cest lenvironnement prsent. Cest pourquoinoussommesavidesdetrouversonsujettout cequenouspouvons.Voilenquoiconsistelascience, lesavoir, laconnaissance,voil quelleestlavritable sourcedetouteffortspiritueldelhomme.

    ErwinSchrdinger, Physiquequantiqueet reprsentationdumonde

    Laconnaissancespcialise,isoledesautresdomainesdusavoir,naaucunevaleur

    enellemme,dit Schrdinger.Seulelasynthsedetouteslessciencesenaune,cellede

    contribuerrpondrelaquestion: ;(quisommesnous?).1Lavaleurdes

    sciences ne se mesure pas pour Schrdinger aux consquences pratiques et techniques

    quelles engendrent, chacune en leur domaine, mais laction transformatrice que leurs

    dveloppements exercent surnotreconceptiondelasituationhumaine. Touteladifficult

    rsidedansle point devueadopt pour raliser cette synthsede toutes lessciences.

    Dunepart,ilsagiradvitertouteformederalismenafquiprendunpointdevuedivinsur

    lemonde,pointdevueoffertexemplairementparlaphysiqueclassique.Dautrepart,lonne

    pourrasecontenterduninstrumentalismequisesatisfait demesurerlesthoriesparleur

    efficacit.Etentrecesdeuxcueils,ilfaudraveillernepassendormirdansuneformede

    relativismequi aurait pour slogan : Un langage, un monde, et qui essaie encore et

    toujoursdedire,endpitdelemballage,quedunpointdevuedivinilnyapasdepointde

    vuedivin.2DansuneconceptionainsiinspiredePutnam,latcheduphilosophepourrait

    1 ErwinSchrdinger, Physiquequantiqueetreprsentationdumonde, trad.J.Ladrire, F.deJouvenel,A.BitbolHesprisetM.Bitbol,Seuil,1992,p.25.

    2 HilaryPutnam,LeRalismevisagehumain(1990),trad.C.Tiercelin,Seuil,1994,p.139.

    9

  • tre darticulertouteslesperspectivessurlemondeenuneseule,sanspourcelaprtendre

    adopterunpointdevuedivin,toutenreconnaissantquecetteuniqueperspectiveestinscrite

    dansunepoqueetquellenepeutprtendreformulerdessolutionstouslesproblmes.3

    La philosophie nest pas un sujet qui aboutit des solutions dfinitives, et ce qui est

    caractristiquedutravailquandilestbienfait,cestdedcouvrirquelatoutedernirethse

    quonensoitounonlauteurnedissipetoujourspaslemystre.4Unetellephilosophie

    nest pas trangre celle que pratique Michel Bitbol, lorsquil sinterroge sur les

    consquencesphilosophiquesdelaphysiquecontemporaine.

    Ona souvent dit que la physique contemporaine sonnait le glas du kantisme. La

    thorie de la relativit obligea, par exemple, reconsidrer nos conceptions proposde

    lespaceetdutemps,tandisquelamcaniquequantiqueamenarevoirlanotiondecausalit.

    Pourtant,lesdveloppementsdelaphysiqueauXXesicleoffrentMichelBitbolloccasion

    de renouveler le geste kantien. La physique quantique ne permet plus de se tenir

    confortablementdansunepositionprcritiquequiignoreraitleproblmedelaconstitution

    dobjectivit etquijugeraitquelasciencedoitidentifierleslmentsduneontologieet

    dcrirelemondetelquilest.Enmettantenquestion,parexemple,leconceptclassiquede

    corps matrielsupport de proprits, elle heurte la conception de la ralit quavait pu

    construire avec succs la physique classique, conception qui dailleurs prolongeait

    lexprience quotidienne. Cette ide dunsavoir extrieur, reprsentant uneralit fixeet

    dtermine,nestplustenable.Cestdelintrieurdelathoriephysiquequedepuislafindu

    XIXe sicle,lacontradictionsimpose,relanantainsiledbatentreempiristesetralistes.

    Cette controverse peut, selon Michel Bitbol, tre dpasse par une position de type

    transcendantal qui prendrait en compte les procdures dobjectivation dune thorie. Il

    qualifiegalementcettepositiondagnostiqueparcequellerefusededonnerunerponsela

    questiondesavoirsilesentitsemployesdanslecadredunethorieexistentousiellesne

    sontquedesoutilspermettantderendrecomptedesphnomnes.

    Laphysiquequantiqueposedunemanirenouvellelaquestiondudterminismeou

    3 Cf. Hilary Putnam, Dfinitions, pourquoi ne peuton pas naturaliser la raison (1983), traduction,prsentationetentretienparCh.Bouchindhomme,Combas,d.delclat,1992,p.53.

    4 HilaryPutnam,Reprsentationetralit(1988),trad.C.EngelTiercelin,Gallimard,1990,p.15.

    10

  • delacausalit,maisilnefautpasattendredecettethoriequellenousfournisseunerponse

    quinouspermettraitdequalifierdfinitivementlanature.Ilfaudraitpluttconsidrerquelle

    nous oblige voir ce que sont les principes rgulateurs de la recherche scientifique5.

    Cependant, linvitationdeBitbolreproduirelegestekantiennestaujourdhuiacceptable

    quesilontientcomptedecequelathoriequantiquerfutedanslesconclusionsdeKantet

    si lon renonce ainsi lide selon laquelle Kant aurait dgag une fois pour toutes les

    conditionsdepossibilitdelexpriencelesplusgnrales.MichelBitbolentendtransformer

    la philosophie transcendantale en une philosophie pragmaticotranscendantale et, afin

    dinscrirecellecidanslhistoiredelaphilosophie,ilinvoqueWittgensteinetcertainsdeses

    outils conceptuels. Il sagira pour nous dexaminer la pertinence et les limites de cette

    associationquiviseoffriruncadrephilosophiqueapplicablelamcaniquequantique.

    LeprojetdecemmoireestnlasuitedelalecturedeMichelBitbolquijustifie

    linflexiondonnelaphilosophiekantiennepardenombreusescitationsdeWittgenstein.Le

    principalapportwittgensteinienestlapriseencomptedelapratiquecollectivedanslaquelle

    sinscrittouteconnaissanceet,ende,toutlangage.CelapermetBitboldeproposer un

    renouvellement de la dmarche kantienne qui mobiliserait la priori et substituerait aux

    catgorieskantiennesunapriorifonctionnel,cestdireunensembledeprsuppositions

    fondamentales associ au mode dactivit pratiqu6, et de justifier une dduction

    transcendantaledelamcaniquequantiqueluipermettantdedgageruneconceptiondela

    sciencequichappeauralismenafsansseperdredansuninstrumentalismestrile7.Notre

    curiositfutaussiveilleparlesemploisparfoisallusifsderemarqueswittgensteiniennespar

    Bitbol. Lon sait la difficult quil y a citer Wittgenstein. Ses remarques sont parfois

    sibyllines et elles peuvent sembler secontredire. Laparticularit desoncriture et desa

    mthodephilosophique,quiprendsouventlaformedundialoguefictifquiviseexplicitement

    nepasformulerdeconclusions,renddifficilelasynthseetlinsertiondesontravaildansle

    cadredelhistoiredelaphilosophie;ellerendaussidangereuseladcontextualisationdeses

    5 Cf.MichelBitbol,EnquoiconsistelaRvolutionQuantique?,inRevueInternationaledeSystmique,11,pp.215239,1997.Consultableenlignesurhttp://perso.orange.fr/michel.bitbol/revolquant.html,p.11.

    6 Michel Bitbol, Laveuglante proximit du rel, antiralisme et quasiralisme en physique, Paris,Flammarion,1998,p.149.

    7 Pourlediretrsvite, il sagit defaire, pourlamcaniquequantique,cequeKantluimmeafait pourNewtonoucequeCassirerafaitpourlathoriedelarelativit.

    11

    http://perso.orange.fr/michel.bitbol/revolquant.html

  • propos. Une consquence vidente de cette difficult est la diversit, et parfois

    lincompatibilit,desinterprtationsquelonapuliresonsujet.Cettediversitestpourtant

    unechanceinestimable:ellenousforcesortirdelassurancequoffrelefaitdesesituer

    derrirelecommentaireorthodoxe,puisquilsembleneplusensubsisteraujourdhui.Ilfaut,

    dune certaine manire, faire son propre commentaire. On pourra stonner, en cours de

    lecture,delaprofusiondecitationsdeWittgensteinetpenserquilnyafinalementlgure

    decommentaire. MaisavecWittgenstein, ilest probablequelesimplefait derecenseret

    dorganiserdesextraitsdetextessoitdj, ensoi,uncommentaire.Ilfautparconsquent

    aussireconnatre lerisqueinhrent cetypedetravail :celuidetravestir unepenseen

    manipulantlescitations.LcrituredeWittgensteinneseprtepasaursumetsonobjectif

    philosophiquentaitcertainementpasltablissementdunedoctrine.

    Letextesorganiseraautourdelapensewittgensteinienneet,plusparticulirement,

    decequellepeutapporteruneapprochenotranscendantalecommecellequetentede

    dvelopper Michel Bitbol. Mais il faudra prendre bien des dtours. Le premier chapitre

    exposeralesproblmespossparlamcaniquequantiqueauregardduparadigmeclassiqueet

    inaugurera la question de la possibilit dune philosophie transcendantale adapte la

    physique contemporaine. Le deuxime chapitre est une propdeutique la lecture de

    Wittgenstein. Il traitera de lvolution de la notion de proposition analytique de Kant

    Carnap.Sonutilitestdesefamiliariseraveccequiestlasourcedelatraditionanalytique

    en philosophie dans laquelle les discussions de Wittgenstein sinscrivent. Le troisime

    chapitreaborderadabordleTractatuslogicophilosophicuspuismontreracommentlapense

    de Wittgenstein se transforme au cours de son questionnement. Le quatrime chapitre

    valueralapertinencequilyatenterdesrapprochementsentreKantetWittgenstein.Cest

    sansdoutelechapitrelepluspolmique:lesliensentrelesdeuxauteurssontdifficiles

    tablir avec assurance. L encore, les carts de Wittgenstein par rapport la tradition

    philosophiquesontdroutantsetlamargedinterprtationquilslaissentaucommentateurest

    beaucouppluslargequeletexte. Aupointquelonenviendrasedemandersilestbien

    raisonnabledentreprendreunteltravail.Maislhypothsedfendreestcellecietseratenue

    jusquaucinquimeet dernier chapitre : si lairde famille entre lespenseskantienneet

    wittgensteinienne est trop vague pour faire concider les chemins quils empruntent

    12

  • respectivement,lalecturedelunoffreunclairagenouveausurlautre.Lclairagemutuel

    desdeuxpenseursrendpossibleunepensepropre,richededeuxtraditionsdiffrentes,mais

    quinenestpasunplatsyncrtisme.Cestcequelontenteraalorsdemontrerenpoursuivant

    lalecturedeWittgensteinetenrevenantlaquestionposedanslepremierchapitre:cellede

    laphilosophiepragmaticotranscendantaleproposeparMichelBitbol.

    13

  • CHAPITREIUNERVOLUTIONINTERROMPUE

    Cest un lieu commun : la mcanique quantique est paradoxale. Cemlange de

    mystiqueincomprhensibleetderalitempiriqueindiscutable1apparatcommeunethorie

    fcondedont le champdapplication est tendumais dont la comprhensionreste encore

    insuffisante aux yeux de nombreux physiciens. Depuis ses dbuts avec Max Planck

    lextrmefinduXIXe siclejusqusaformulationgnralelafindesannes1930,les

    difficults conceptuelles se sont confirmes au point que toute tentative de sen rendre

    matre laide des moyens conceptuels de la physique antrieure paraissait lavance

    condamnelchec.2Parlesdoutesquelleimposaitlgarddesmodlesclassiques,la

    mcaniquequantiqueproclamaitunenouvelle rvolutionscientifique. Mais traversses

    deuxgrandsreprsentantsquesontBohretHeisenberg,lespritdeCopenhaguealaissla

    pensephysiquedansunesituationminemmentambigu.Celleduncompromissubtil,et

    jamais mis en dfaut jusque l dans ses applications pratiques, entre la critique des

    reprsentationsdelaphysiqueclassiqueetleurmaintienparfragmentsstatutsymbolique.3

    Larvolutionestinterrompue,selonMichelBitbol,parlimpossibilitdecoordonner

    son formalisme prdictif abstrait et la persistance de certains concepts de la physique

    classique. Si lon considre lhistoire de la physique, on constate quune priode

    rvolutionnaire,caractriseparlamiseencausedesmodlesanciensetparunmouvement

    de rflexivit opratoire, est habituellement suivie dune phase de reconstitution de

    modles:lesinvariantssonthypostasisetlesentitsontologiquesantrieuressontintgres

    danslenouveaumodle.Lecasdelaforcegravifiqueenestunexempleclbre.Elleest

    introduite par Newton en tant quoutil danalyse mathmatique des phnomnes, et non

    commeunehypothsequantauxpropritsdelamatire.Cesontlessuccsdelaphysique

    newtoniennequiontensuitepousslesphysicienslhypostasier;lapriodedescience

    normale,caractriseparladoptionduneattituderalistetendgnralementmettrefin

    1 WernerHeisenberg, Lapartieetletout,leMondedelaphysiqueatomique (1969),trad.P.Kessler,AlbinMichel,1972.p.57.

    2 Ibid.,p.87.3 MichelBitbol,Mcaniquequantique,uneintroductionphilosophique,Flammarion,1999,p.287.

    14

  • lapriodervolutionnaire. Lecasdelamcaniquequantiquefait cependantexceptioncar

    aucunmodleunifinefaitconsensus.Laparticularitdelarvolutionquantiqueestdene

    pouvoirrevenirlanormale.SelonMichelBitbol,lexceptionquantiquedoitnousamener

    reconsidrer compltement notre conception de la science et, plus gnralement, de la

    connaissance. Ilrestedoncunetapervolutionnairefranchir4quiserait,nonplusun

    retouruneattituderaliste,maislaccomplissementdelarvolutioncoperniciennede

    Kant:lagnralisationduretournementdelattentiondesphnomnesanticipsversles

    conditionsformellesdeleuranticipation.5

    1.Miseencausedesconceptsclassiquesparlamcaniquequantique

    Laphysiqueclassiquereposesurcinqprincipesdebase6 : (1)lesobjetsphysiques

    existentindividuellementdanslespaceetletempsdetellemanirequilssontlocalisableset

    identifiables,etleurvolutionalieudanslespaceetletemps; (2)leprincipedecausalit;

    (3)leprincipededtermination,cestdirelefaitquetouttatultrieurdunsystmeest

    dtermin demanire univoquepar sontat antrieur; (4) le principe decontinuit selon

    lequeltoutprocessuspassantduntatinitialuntatfinaldoittransiterpartouslestats

    intermdiaires;(5)leprincipedeconservationdelnergie.Envertudecesprincipes,silon

    connatlapositionetlaquantitdemouvementdusystmeainsiquelesforcesquiagissent

    surlui,onenconnattouslestatsfuturs.Lesloisdumouvementpermettentdeprdireltat

    dusystmetoutmoment.Deplus,lobservationdusystmenaffectepassoncomportement

    ultrieurou,sicestlecas,ilesttoujourspossibledintgrerlaperturbationdanslaprdiction

    deltatfuturdusystme.Silestvidentquunemesurepeutperturbercequiestmesurer,

    ilnyaaucunerestrictionthoriquecequelaperturbationsoitrenduenulle.Lobservation

    idale,indpendammentdelimpossibilitpratiquedelaraliser, doitpouvoirrvlerltat

    futur du systme, tant donnes les forces qui sy appliquent. En physique classique, la

    description du dispositif de mesure et celle du systme observ peuvent toujours tre

    4 MichelBitbol,EnquoiconsistelaRvolutionQuantique?,art.cit.,p.1.5 Ibid.,p.15.6 Cf. Jan Faye, Copenhagen Interpretation of Quantum Mechanics, The Stanford Encyclopedia of

    Philosophy(Summer2002Edition),EdwardN.Zalta(ed.).Consultableenlignesurhttp://plato.stanford.edu/archives/sum2002/entries/qmcopenhagen/,p.3.

    15

    http://plato.stanford.edu/archives/sum2002/entries/qm-copenhagen/

  • clairementdistingues.

    Lindtermination

    En mcanique quantique, la situation est fondamentalement diffrente. Ltat du

    systme(unlectron,parexemple)nestpasdonnpardesvaleursprcisesdelapositionet

    delaquantitdemouvementmaisparunvecteurdtat,quiestunobjetmathmatique.Mais

    levecteurdtatnoffrepasdesvaleursdtermines,ildonnelaprobabilitquelamesure

    dunevariabledonnetelrsultat(parexemplelaprobabilitdeprsencedellectrontel

    endroit).Enoutre,certainesvariablessontditesincompatibleslorsquellesnepeuventpas

    tredterminessimultanmentavecuneprcisionarbitraire.Lesingalits7 deHeisenberg

    expriment la limitation thorique de la prcision avec laquelle on peut dterminer

    simultanment de telles grandeurs, telles que la position et la quantit de mouvement.8

    RappelonsparexemplequelingalitdeHeisenbergconcernantlapositionetlaquantitde

    mouvementimposequeleproduitdelindterminationsurlapositionparlindtermination

    sur la quantit de mouvement (m.v) soit born infrieurement par une constante.

    Linterprtation traditionnelle, aujourdhui trs largement conteste, soutenait que

    lincertitudevenaitdunelimitedenotreconnaissance:ilfallait,pourmesurerlaposition,

    envoyerdesphotonshautefrquenceetparconsquentporteursdunenergieleve,cequi

    avait pour effet de perturber la vitesse de llectron mesur; pour mesurer la vitesse, au

    contraire,ilfallaitenrduirelaperturbation,etdoncaccepterunprcisionmoindrequantla

    position.Lesvariablespositionetquantit demouvementsontditesconjugues

    ainsiquelesvariablesnergieettemps.

    Laphysiquequantiqueestsouventprsentecommeunethorieindterministe.Ilfaut

    cependantsoulignerquecestlapplicationdelagrilledelectureclassiqueetlerleprivilgi

    7 Je reprends lexpression de JeanMarc LvyLeblond pour la neutralit quelle possde au contraire derelations dindtermination, qui laisse entendre que le monde quantique serait indtermin, et derelationsdincertitude,qui,inversement,suggreunelimitationdelacapacitdeconnaissance.Cf.JeanMarcLvyLeblond,Quantique in Dictionnairedhistoireetphilosophiedessciences,dir.DominiqueLecourt,P.U.F.,1999,p.787.

    8 Pouruneprsentationplusdtailledecettequestion,voirMichelBitbol,Mcaniquequantique,op.cit.,pp.269286.

    16

  • quecellecifaitjouercertainesgrandeurs(lapositionetlaquantit demouvemententre

    autres) qui suggre lindtermination des processus dcrits. En choisissant des concepts

    propres au nouveau paradigme (le vecteur dtat, par exemple), on peut retrouver une

    descriptiondterministe.Ceseraituneerreurdeconclure,avecleparadigmequantique,que

    lesloisdelanaturesontindterministesenbasantsonargumentationsurlimpossibilit

    demaintenir lagrille delecturedterministedelaphysiqueclassique.MaisselonMichel

    Bitbol,ilseraitaussierrondeconclurequellessontdterministesparcequelvolutiondela

    fonction estrgieparlquationdterministedeSchrdinger.Laquestiondudterminisme

    oudelindterminismedesloisdelanatureest,selonBitbol,indcidable.Maislanalysede

    cettequestionmontrequelasituationprsentedelaphysiqueninterditpasdetrouverdes

    niveauxdedescriptiondesphnomneseuxmmes(etpasseulementdesvariablescaches)

    surlesquelspuisseencoreoprerceprincipergulateurdelarecherchescientifiquequest

    celuidesuccessionsuivantunergle.Laseulechosequelonaitvraimentperdueenpassant

    duparadigmeclassiqueauparadigmequantique,cestlaconfiancedansuneuniversalitsi

    compltedeceprincipequonpuisseseconduiredanslessciencescommesilntaitpas

    seulementrgulateurpourlarecherchemaisaussiconstitutifpoursonobjet.9SelonMichel

    Bitbol,lathoriequantiquerappellelamiseengardekantienneauxphysiciensoublieuxdela

    Critique.

    Lacontinuitdeladescription

    Lincompatibilitdesvariablesconjuguesapourconsquencelamiseendfautde

    cequeBoltzmannappelaitlaloidecontinuit;cestdirelapossibilitderattacherun

    point matriel une squence continue de positions dans lespace, quon appelle sa

    trajectoire.10Enphysiqueclassique,lecomportementdunpointmatrielentredeuxbornes

    estrgidemanireunivoqueparlesloisdumouvement.Endroit,toutpointdelatrajectoire

    estreprableexprimentalement.MaislesingalitsdeHeisenbergenseignentquepluson

    chercheunedterminationrapprochedespositionsspatialessuccessives,plusleurdispersion

    9 MichelBitbol,EnquoiconsistelaRvolutionQuantique?,art.cit.,p.12.10 MichelBitbol,Mcaniquequantique,op.cit.,p.315.

    17

  • augmente. Et les lois de la mcanique quantique ne mettent pas en scne une unique

    trajectoire dont la dtermination exprimentale serait trouble par une srie derreurs

    pratiques,aucontraire,ellesmettentenjeuuneinfinitdetrajectoirespossibles.11

    Aveclamcaniquequantique,ilfautdoncabandonnerunpostulatquiaaccompagn

    les sicles glorieux de la physique classique : la postulat de la continuit de la

    description.12Ilyaentrelesobservationsdeslacunesquenousnepouvonscombler13et

    qui obligent les considrer commedes vnements discrets et regarder les particules

    commedesentitsinstantanes.Laperceptionduneparticulecommeuneentitpermanente

    estuneillusionquinarrivequedansdescirconstancesparticuliresetpendantunepriode

    detempsextrmementcourtedanschaquecasparticulier.14 Schrdingerconsidrequela

    pertedelidalclassiquedunedescriptioncontinuedanslespaceetdansletempsestplutt

    unbienfait.Lhypothseducontinuestunapportdesmathmatiques,oellesembletout

    faitvidente.Maislidedun domainecontinu esttoutfaitexorbitante,ellereprsente

    uneextrapolationconsidrabledecequinousestrellementaccessible.Prtendrequelon

    puisse rellement indiquer les valeurs exactes de nimporte quelle grandeur physique

    temprature,densit,potentiel,valeurdunchamp,ounimportequelleautrepourtousles

    pointsdundomainecontinu,parexempleentre0et1,cestluneextrapolationhardie.15Il

    nefautdslorspasstonnerquedesproblmesseprsententlorsquenouslutilisonsdansla

    perspectivedunedescriptiondumonde16.Lunedessolutionsceproblmeestofferteparla

    description ondulatoire qui permet une description sans lacune, conformeau principe de

    causalit. Elle revient ceci : nous donnons effectivement une description complte,

    continuedanslespaceetdansletemps,sansomissionnilacunes,conformmentlidal

    classique cest la description de quelque chose. Mais nous ne prtendons pas que ce

    quelque chose sidentifie aux faits observs ouobservables; et nous prtendons encore

    moinsquenousdcrivonsainsicequelanature(cestdirelamatire,lerayonnement,etc.)

    est rellement. Enfait nousutilisons cette description (la description dite ondulatoire) en

    sachantparfaitementbienquellenecorrespond aucun decestermes.17 Leformalisme

    11 Cf.ibid.,pp.315316.12 ErwinSchrdinger,Physiquequantiqueetreprsentationdumonde,op.cit.,p.46.13 Ibid.,p.47.14 Ibid.15 Ibid.,p.50.16 Cf.ibid.,p.59.17 Ibid.,p.60.

    18

  • quantiquepermetseulementdesuivrelvolutiondunvecteurdtat, instrumentprdictif

    mathmatiqueauquelnecorrespondaucundoubleexplicatifdansluniversdesformes.18

    Maisleproblmenestquedplac:leslacunes,liminesdeladescriptionondulatoire,se

    sontrfugiesdanslaconnexionquirelieladescriptionondulatoireauxfaitsobservables.19

    Individuationetidentitdesobjets

    Pour le physicien du XIXe sicle, le concept de corps matriel ne pose aucun

    problme; cest la substance permanente par excellence. Ce concept cl de la physique

    classiquepeuttredfinidansunepremireapprochecommeunobjetoccupantchaque

    instant uncertainsecteurde lespacetridimensionnel20. Il est le rsultat duneexigence

    dobjectivit,quitrouvesasourcedanslaviesocialequotidienneetilesttroitementli

    notre spatialit perceptive. Les succs de la physique classique ont renforc son statut

    darchtypedelobjetphysique.Lephysicienpouvait,jusquaudbutduXXesicle,projeter

    laformecorpsmatriel, issueduprocessusdobjectivation, sur lobjet rsultant dece

    processusetletraitercommeunfaitdelanature.Lentreprisescientifique,lafinduXIXe

    sicle,semblaitpresquarrivesontermeglorieux:percerenfinlesecretdelamatireet

    offrir une explication acheve du monde. Grce aux lois auxquelles le corps matriel se

    soumettait, on en pouvait prdire le comportement dont lvolution tait parfaitement

    dtermine par ses conditions initiales. La vieille hypothse philosophique atomiste

    rintroduite pour expliquer la constitution de la matire eut des effets heuristiques

    considrables. Mais, alors que les expriences continuaient dattester de la fcondit du

    modleatomiste,lanaturemmedesparticulesenjeudevenaitplusnigmatique.Ilpeut

    paratrepresqueironiquequecesoitprcismentpendantcesannesoucesdcenniesau

    coursdesquellesnousavonsrussi suivre latracedesparticulesetdesatomesisols,

    individuelsetcelapardesmthodesvariesquenousavonstobligsderenoncer

    lidequifaitdunetelleparticuleuneentitindividuelledontlidentitsubsisteenprincipe

    18 MichelBitbol,Mcaniquequantique,op.cit.,p.32.19 ErwinSchrdinger,Physiquequantiqueetreprsentationdumonde,op.cit.,p.61.20 MichelBitbol,LecorpsmatrieletlobjetdelaphysiquequantiqueinF.Monnoyeur(ed.),Questceque

    lamatire?,Lelivredepoche,2000ethttp://philosophiascientiae.free.fr,p.1.

    19

    http://philosophiascientiae.free.fr/

  • ternellement.Bienaucontraire,noussommesobligsdaffirmerquelesconstituantsultimes

    delamatirenontaucuneidentit.21Celanesignifiepas,insisteSchrdinger,quenous

    sommesincapables,pourdesraisonspratiques,daffirmerlidentitdesparticulesmaisbien

    que la question de lidentit, de lindividualit, na vraiment et rellement aucune

    signification.22 Cest que, pour Schrdinger, la mcanique quantique met en cause

    larmatureconceptuelledontelleestissue;lesentitsducadredepenseatomistesedfont

    devantlexprimentateuraufuretmesurequeceluicilesexplore.23Auseinmmedes

    dveloppementsdelaphysiqueauXXesicle,paralllementauxsuccsdumodleatomiste,

    lesdifficultsdinterprtationnaissentduparadigmequantiqueetpoussentlephilosophe

    rorientersonregardverslesprocduresdobjectivationpluttquesurlobjetquienrsulte24.

    LeprsentparagrapheexposerabrivementlacrisedelatomismeauXXesicle,ense

    basantsurleschapitres52et53delAveuglanteproximitdureletsurlesarticles,deM.

    Bitbolgalement,intitulsCritresdexistenceetengagementontologiqueenphysiqueet

    Le corps matriel et lobjet de la physique quantique. Rsumons les principales

    caractristiques du cadre atomiste si longtemps fcond de la physique classique: (1) les

    particulesdoiventpouvoirdcrireunetrajectoirecontinue;(2)celasupposeleconceptde

    supportlocalisetridentifiablesdeproprits;(3)lesparticulessontdnombrables.Lecadre

    atomisteprenddoncensonseindesconceptscentrauxtelsquepropritetidentit.

    Mais la thorie quantiquestandard, qui offre uncadre prdictif unifi lensembledes

    phnomnes microscopiques, sinscrit [...] enfauxcontre la possibilit dindividuer et de

    ridentifier chaque particule en toutes circonstances [...].25 Elle ne permet pas, dans la

    plupart des cas, de considrer quelle traite de proprits dobjets microscopiques mais

    dobservables relatives un contexte exprimental26. Les thories quantiques les plus

    avances,fondessurlemodleatomiste,fontclaterlepuzzledesconceptsatomistes

    pournelaisserquunesortedemosaquelacunaire27.Lapossibilitdindividuerdesobjets

    21 ErwinSchrdinger,Physiquequantiqueetreprsentationdumonde,op.cit.,pp.3637.22 Ibid.,p.37.23 MichelBitbol,Laveuglanteproximitdurel,op.cit.,p.215.24 Cf.MichelBitbol,Lecorpsmatrieletlobjetdelaphysiquequantique,art.cit.25 MichelBitbol,Laveuglanteproximitdurel,op.cit.,p.201.26 Cf.ibid.27 Cf.ibid.,p.203.

    20

  • dchelleatomiqueestlimitedessituationsexprimentalesparticuliresetdanslasituation

    gnrale,lescritresdindividuationetdidentittraversletempsnesontplussatisfaisables.

    DansCritresdexistenceetengagementontologiqueenphysique,Bitbolenvisage

    lecasdespreuvesdexistencedesparticuleslmentairesenphysiquedeshautesnergies,au

    regarddelapreuvearchtypaledexistenceenphysique,celleduncorpsmatriel.Dansquel

    mesurelecadredattenteatomisteestilremplienphysiquequantique?Lecadredattente

    correspondantauconceptdecorpsmatrielcomportecinqconditions.Lapremireestla

    possibilit dagrger les phnomnes en units discrtes. La seconde est la localisation

    spatialedesphnomnes.Latroisimeestlapossibilitdemettreenplacedesconditionsde

    reproductibilitsuffisammentsystmatiquedesphnomnespourpouvoirlestraitercomme

    manifestationsdunprdicatdescorpsmatriels [cestdiretreenmesuredeconsidrer

    quau corps identifi sont attaches des proprits intrinsques]. La quatrime est la

    possibilitdetraiterlesrgionsspatialesosontlocalisslesphnomnescommestrictement

    individuelles.Lacinquime,enfin,estladisponibilitduneprocdurederidentification,ou

    plus prcisment de gnidentification comme le dit H. Reichenbach; cestdire une

    procdure qui permet derattacher par la continuit spatiotemporelle dune trajectoire un

    phnomnequisemanifesteenunpointuninstantdonn,unautrephnomnemanifest

    enunautrepointuninstantantrieur.28

    ReprenonsmaintenantlexamenduremplissementducadredattentequefaitBitbol.Il

    est possible dagrger les phnomnes en units discrtes et cela se traduit, en thorie

    quantique des champs, par le fait que les particules lmentaires sont assimiles des

    quanta dexcitation dun oscillateur harmonique29. Mais pour autant, la thorie

    quantiquedeschampsnetraitepaslessystmesphysiquesquellergitcommedesensembles

    comprenantdesnombresbiendfinisdunitsdiscrtes.Engnral,lathoriequantiquedes

    champsattribuesessystmesdessuperpositionsdtatspropresdelobservableNombre,ce

    qui signifie que le nombre dunits discrtes pouvant tre dtectes chaque instant est

    indtermin.30

    La localisation spatiale des phnomnes est assure mais le propre des thories

    28 Michel Bitbol, Critres dexistence et engagement ontologique en physique, Actes du colloque deBarbizon,septembre1999,http://philosophiascientiae.free.fr,pp.1011.

    29 Ibid.,p.11.30 Ibid.

    21

  • quantiquesestdenepouvoirreprsentercequicepasseentredeuxphnomnescommeun

    processuslocalis.Cestleproblmedeladescriptioncontinuevoquplushaut.

    Laquestiondelareproductibilitdesphnomnesetdelapossibilitdattacherdes

    proprits aux particules peut obtenir une rponse positive dans certains cas, ceux, par

    exemple, desphnomnesrsultant dela mesuredecequil est convenudappeler les

    observablessuperslectives;parexemplelacharge,lamasse,etlemoduleduspin.31Mais

    lorsquil sagit demesurerdesvariables incompatibles, dont laprcisionest soumiseaux

    ingalitsdeHeisenberg,ilnestpluspossibledeconsidrercetypedephnomnecomme

    indpendantdesonhistoireexprimentale.Pourprendreunexempletypique,lavaleurdela

    variablepositionnestpasreproductiblesi,entredeuxoccurrencesdesamesure,onintercale

    unemesuredelaquantitdemouvement.Plusexactement,commeleprcisentlesingalits

    de Heisenberg, une valeur de la variable position nest reproductible qu unemarge de

    dispersionincompressibleprs,dontlimportancequantitativedpenddelaprcisiondela

    mesureintermdiairedelavariablequantitdemouvement.32

    Sur le quatrime critre, celui de lindividualisabilit des phnomnes, deux

    thories sont enconcurrence. Lamcanique quantiquestandard manipule unquivalent

    formelmaisnonoprantdindividualit33,sousformedelabelsindividuels.Maisparl,le

    formalismevhiculedeslmentsdescriptifsenexcs,puisqueceslmentsdoiventtre

    mislcartenboutdeparcourspouraboutirauxprdictionscorrectes.34Tandisquedansla

    thoriequantiquedeschamps,lesensemblesdeparticulessonttraitscommedesagrgats

    dequantacompltementdnusdindividualit.35Ilyalieudeprfrerlathoriequantique

    deschamps,duneparteninvoquantlerasoirdOckham,puisquellefaitlconomiedentits

    nonncessaireslaprdiction,etdautrepartparcequelleconduitfaireunplusgrand

    nombredeprdictionscorroboresquelamcaniquequantiquestandard36.

    La cinquime condition est, comme on la vu, en gnral impossible remplir,

    toujours cause des ingalits de Heisenberg : il nest pas possible dobtenir un suivi

    31 Ibid.32 Ibid.33 Ibid.,p.12.34 Ibid.35 Ibid.36 Ibid.

    22

  • exprimentalencontinudelatrajectoireduneparticule37.

    Il existe donc des arguments qui plaident en faveur de lexistence des particules,

    notamment le fait que les observables superslectives (masse, charge, module de spin)

    peuventtreconsidrescommedespropritsdeparticuleslocalises.Leproblmeestque

    cetteaffirmationnevautquedansdescontextesparticuliers.Dansdautrescas,onmontre

    quelersultatdelexpriencenepeuttreprditquconditiondadmettrequelachargeou

    la masse des entits prtendument localises est rpandue dans tout lespace de

    linterfromtre.Alorsquesontexactementcesparticuleslmentaires?Desentitslocalises

    etauxpropritsdlocalises?Maisquelsenscelaatil dedirequellessontdequelque

    manirelocalisessiaucunedespropritsquonreconnatpouvoirentreprdiquesnest

    pasellemmelocaliselaplupartdutemps?Onpeutsedemanderdanscesconditions,avec

    PaulTelleretdansunespritheisenberguien,siparticulenestpaslenomquenousdonnons

    unepotentialitcontinueetdlocalisedesurvenuedephnomnesquieux,eteuxseuls,

    sontdiscontinusetlocaliss.38Seulelancessitdenotrelangage,bassurlaconnaissance

    dobjetsmacroscopiques,semblepousserconsidrerlesparticulescommedesindividus,au

    prixdetrsprcisesprcautionsdanslesdfinitions.Maislersultatresteinsatisfaisant

    lgard du cadre dattente et lon est conduit se reprsenter lunivers macroscopique

    comme un domaine o en dfinitive seules les prgnances grammaticales de la langue

    poussent esquisser la figure de quasiindividus (les particules) aptes servir de sujets

    pluriels ces prdicats singuliers39. Il a fallu changer le cadre dattente dont le

    remplissement constitue la preuve dexistence. Le sens mmedu mot existence sen

    trouvemodifi.CesticiquesimposelanalysedeBitbol:lesprsuppositionspragmatiques

    delactionetdulangage,quijusquelnemenaientaucuneimpasse,setrouventenconflit

    avec le rsultat de lexprience et cela met en avant larrireplan transcendantal de la

    thorie40.Maislesconditionsdepossibilitdelexpriencenepeuventplustreconsidres

    commeformantunsoclesurlequelonpeutdfinitivementsereposer,niuneindicationsurla

    maniredontlaralitindpendanteguideraitnotrerecherche.

    37 Ibid.38 Ibid.,p.13.39 Ibid.,pp.1314.40 Cf.MichelBitbol,Laveuglanteproximitdurel,op.cit.,p.69.

    23

  • Reprsentationsalternativeslatomisme

    Enphysiqueclassique,loppositionentreparticuleetchampestuneantinomiecarelle

    correspond ladiffrenceentrecontinuetdiscontinu41. Lathoriequantiqueadpass le

    dualisme:elleabolit(dansledomainequantique)lesnotionsdechampetdeparticuleetles

    remplaceparuneseuleetuniquenotion42queparabusdelangage,oncontinueappeler

    particule. Daprs Franoise Balibar, lorsquon parle de champ et de particule en

    mcaniquequantique,ilnesagitplusdutoutdesmmesconceptsqueceux,antinomiques,de

    la physiqueclassique. Et lesproblmesdinterprtationviennent peuttre deceque lon

    continuedeparler,mmeavecdesguillemets,departiculesetdexistence,avecpour

    arrireplannotreusagequotidienetsculairedecesmotsetlastructuredelaproposition

    prdicative. Ainsi continueton parler dlectron comme sil sagissait dun objet

    localisable,alorsquenralit cetobjetpossdeaussiuncaractrecontinu,ondulatoire,en

    sortequecommeleditDirac,unlectronpeutinterfreravecluimme.43Cestpourtenter

    deremdierceproblmequeFranoiseBalibarrecommandedabandonnerlappellationde

    particule pour lui prfrer celui de quanton ou que J.M. LvyLeblond suggre

    dattribuer auxparticules lmentaires le modedexistence de larcenciel44. Onpeut

    toutefoissedemandersiladoptiondunvocabulaireplusadapt auformalismeetpartant,

    plusloigndunepensereprsentativeetdunmodedecomprhensionspculaire,rsout

    vritablementleproblmeousicelanefaitquelecontourner.Carlevritableproblmese

    trouvepeuttredansleconflitentredeuxrgles:cellequigouverneleformalismequantique

    etcellequigouvernenotrelangagequotidien.

    Onapuleconstater,ladifficultmajeurequapportelamcaniquequantiqueestcelle

    duneinterprtationquidunepart,respecteraitstrictementleformalismemathmatiquedela

    thorieetdautrepart,entreraitsanstropdedistorsiondansnotrejeudelangagequotidien.

    Cestcetitrequeltudeducadredattenteatomistenousintressait.Lemodleatomistefut

    trs fcond pour la physique et en mme temps, trs comprhensible et facilement

    visualisable. Constater dans quelle mesure on peut le conserver en mcanique quantique

    41 FranoiseBalibar,ChampinDictionnairedhistoireetphilosophiedessciences,op.cit.,p.165.42 Ibid.43 Ibid.44 MichelBitbol,Critresdexistenceetengagementontologiqueenphysique,art.cit.,p.14.

    24

  • permetdemesurerlampleurduconflitentrelejeudelangagequantiqueetlejeudelangage

    ordinaire.Ilsemblequecequelonattendeprioritairementdunmodlesoitunepuissancede

    reprsentation visuelle, sur le mode de lobjet macroscopique; on voudrait voir le

    comportementquantiquetraduitsanstrahisondansuneimageclassique.Contrairementce

    quelonpourraitcroire,lesprogrsactuelsenimageriemicroscopique,malgrlapuissance

    vocatrice de la description de type atomiste quelle propose, nont pas empch la

    recrudescencedelacritiquedelatomisme.Celaestddesreprsentationsnonatomistes

    issuesduformalismequantiqueluimme.45

    Les thories de la dcohrence ont ainsi pour projet de montrer comment les

    vnementsmacroscopiquesdiscontinusetmutuellementexclusifs,queloninterprtedansle

    modle atomiste comme leffet de limpact dune particule, peuvent tre conus comme

    structures mergentes sedgageant delvolution continuedunefonctiondondeglobale

    associe la totalit de la chane de mesure et de lenvironnement.46 Dans cette

    interprtation,seuleslesapparencesmacroscopiquessontdiscontinues,lultimeexplication

    tantdonneparlaloidvolutiondeSchrdinger. On sait dautre part que la thorie

    quantiquedeschampssubstituelanotiondunemultiplicit dencorpuscules,celleden

    imeniveaudexcitationdun uniquemilieuvibrant.47Lemodleatomisteetstatiqueest

    abandonnetsetrouveprivilgieuneconceptiondynamiquedanslaquellelattentionse

    focalisesurleschangementsdtats.48Labandonsembleinluctable;ilsillustredansdes

    articles dephysiciens aux titres provocateurs : Il nyapas desauts quantiques, ni de

    particules!49etLesparticulesnexistentpas50.

    2.Pouvoirprdictifetabandonduralismenaf

    Rien nempche le physicien classique, mme averti par Kant, dignorer

    45 Cf.MichelBitbol,Laveuglanteproximitdurel,op.cit.,p.216.46 Ibid.,pp.216217.47 Ibid.,p.217.48 Ibid.,p.217.49 H.D.Zeh,Therearenoquantumjumps,norarethereparticles!, Phys.lett.,A172,p.189192,1993in

    MichelBitbol,Laveuglanteproximitdurel,op.cit.,p.217.50 P.C.W.Davies, Particles donot exist, in S.M. Christensen (ed.), Quantumtheory of gravity, Adam

    Hilger,1984,inibid.,p.218.

    25

  • lenseignementdelaphilosophiecritiqueetdepenserlobjetdesoninvestigationcommesil

    taitporteurdedterminationsintrinsques.Danscetteperspective,lexpriencepermettrait

    dervlerlespropritsdecetobjetquiseconduirait,endehorsdecelleci,exactementdela

    mmemanire.Latcheduphysicienestdidentifierlesloisquirgissentlecomportement

    oulespropritsdelobjet.Lecasdelamcaniquequantiqueest,iciencore,problmatique:

    nonseulementdoitelleprendreencompteledispositifexprimental,maissurtout,ellene

    prditlasurvenuedunvnementquedanslamesureoilyaundispositifexprimental.

    Elleindiquequesiunestructurerceptive,secteurappropridelenvironnementouappareil

    de mesure, est installe la suite dune certaine prparation exprimentale, alors la

    probabilitdepouvoirindividualisertelleoccurrencesingulire,caractristiquedelastructure

    rceptiveetnonableparunepropositioncatgorique,estdonneparlargledeBorn.51

    Formellement, la mcanique quantique opre comme si aucun vnement ne survenait

    indpendammentdeconditionsexprimentalesquisontdonclafoiscellesdesadtectionet

    cellesdesasurvenue.52Ellenoffredoncpaslareprsentationclassiquedunobjetdotde

    qualitspremiresdontlobservationnousexhibelesqualitssecondes.

    Lamcaniquequantiqueimpose,selonSchrdinger,derenoncer,sitantestquune

    tellepositionfttenabledepuislaCritiquekantienne,auralismenaf.Lafonctionestun

    instrument mathmatique dont lquation dvolution, tablie par Schrdinger, rgit

    lvolution temporelle lorsque le systmenest soumis aucune mesure et dont le carr

    permetdedterminerlaprobabilitdeprsencedellectrontoutmoment.Etcenestquau

    momentdelamesurequellectronacquiertunepositiondtermine.Unevariablena,en

    gnral,pasdevaleurdtermineavantquejenelamesure;lamesurenesignifiedoncpas

    trouver la valeur quelle a.53 La mcanique ondulatoire de Schrdinger dcrit quelque

    chose:lvolutiondelinstrumentprdictif.Lereversmtaphysiquedelathorieestainsi

    vacu. Cest en cela quelle oblige retourner le regard vers les conditions de

    lobjectivation.Silyaexplicationdunrsultatoudunecorrlationexprimentalepar

    uncertainvecteurdtat, cenestaufondriendeplusquelexplicationduneprdiction

    51 MichelBitbol,Mcaniquequantique,op.cit.,p.26.LargledeBorn,oualgorithmeprobabilistedeBornestlasuivante:laprobabilit quelersultatai soitobtenu lasuitedunemesuredelavariableA si laprparationexprimentaleestcaractriseparlevecteurdtat | >,estgaleaucarr dumoduledelaprojectionde| >surlaxeparallleauvecteur|ai>.Ibid.,p.149.

    52 Ibid.,p.27.53 ErwinSchrdinger,Physiquequantiqueetreprsentationdumonde,op.cit.,p.110.

    26

  • particulire de la thorie par la structure et ladquation globale de ses mathmatiques

    prdictives.54

    3.Physiquecontemporaineetphilosophietranscendantale

    Quelquesattitudespossiblesfaceauxquestionsdelaphysiquecontemporaine

    Sileprolongementdumodedobjectivationbas surlemodledelachosede

    notre environnement quotidien sest longtemps rvl fcond en physique classique,

    limpossibilit de reproduire les phnomnes dans le domaine rgi par la mcanique

    quantiqueet lanonridentifiabilit spatiotemporelle decequeloncherchait identifier

    commecorpsmatrielenmontrelalimite.MichelBitboldresselalistedesattitudespossibles

    facecesdifficults.

    Lapremirerponseestlinstrumentalisme.Elleconsisterefuserdeparlerdobjets

    delexprienceetrevendiqueruncompletagnosticismesurlaquestiondelexistencedun

    secondniveaudobjectivation.

    Ladeuximeconsistelaissersinflchirleparadigmeclassiquesouslapressiondela

    thorie quantique, continuer de parler commesi lexprimentation donnait accs aux

    propritsdobjetsdetypevaguementcorpusculaire,maisassortircemodedexpressionde

    quantitderestrictionsetdecorrectifs.55Cetterponsenepeutprtendreuneadquation

    desesdescriptionsquedansdessecteurslimits.ElleemploiecequePutnamappelledes

    notions large spectre, linstar de objet, proprit, rfrence,

    signification,langageouraison56.Elleestcelleprfrentiellementadopteparles

    physiciensdansleurpratique.Lintrtenestdouble:ellepermetdemaintenirunsemblant

    decontinuit avecletypedediscoursobjectivantdelaphysiqueclassiqueetellevitela

    tentation, par son confortable clairobscur57, de prendre un point de vue divin sur le

    monde.Nousyreviendronsdansledernierchapitre.

    54 MichelBitbol,Mcaniquequantique,op.cit.,p.33.55 Ibid.,p.319.56 Cf.HilaryPutnam,Dfinitions,op.cit.,p.61etReprsentationetralit,op.cit.,pp.2425et197.57 MichelBitbol,Mcaniquequantique,op.cit.,p.324.

    27

  • Unetroisimesolutionseraitderecourirunelogiquenonclassiqueetmodifierla

    structurecatgorialedelalanguedemanirepouvoirrendrecomptedecedevantquoila

    logiqueclassiqueestimpuissante.

    Laquatrimeestleprojetdesthories variablescaches quisupposentunarrire

    mondedontnousnaurionsquuneperceptionpartielle.Cetteattitudesupposequelchecdes

    critresderidentificationspatiotemporelsnestquapparent.

    La cinquime est celle que Schrdinger prconise. Elle assume le caractre

    rvolutionnairedelathoriequantique:saffranchirradicalementdelarchtypeducorps

    matriel;changerdetypedobjets;concevoirdesobjetsquineportentcommedterminations

    quedesvariablescompatibles,etquisontridentifiablesparautrechosequunetrajectoire

    danslespaceordinaire.58

    Lamodificationdesformesapriorikantiennes

    Loubli du geste kantien, oubli perptr tout au long du XIXe sicle dans un

    dveloppementscientifiquequipouvaitsanstropdeconsquencessaffranchirducommesi,

    sest rvl gnrateur de confusion dans les discussions autour de linterprtation de la

    mcaniquequantique.Ilnesagitdoncpasdesedemanderdequeltypeest,ensoi,lobjet

    quantique et quelles en sont les caractristiques, mais quelles sont les conditions de

    lobjectivation. La premire tche affronter, ce nest pas de se demander si lobjet

    quantiquevolueparsautsounon,silaousilnapasdespropritsondulatoires,silobit

    ousilnobitpasdesloisdterministes;cestdesassurerquelesconditionsdepossibilit

    dundiscourssurunobjetengnralsontrempliesdanslagammedephnomnesquergit

    lamcaniquequantique.59

    Schrdinger, dans Scienceet humanisme, indiquelavoiequeBitbol entendsuivre

    pour rester fidle la philosophie transcendantale tout en prenant en compte les

    dveloppementsdelaphysiquecontemporaine:modifierlapriorikantien.Jenediraipas

    58 Ibid.,p.320.59 MichelBitbol,EnquoiconsistelaRvolutionQuantique?,art.cit.,p.13.

    28

  • quelidedeKanttaitcompltementfausse,maiselletaitcertainementtroprigideetellene

    peutplustreacceptesansmodificationdepuislemomentosontapparuesdenouvelles

    possibilits:parexemplelespacepeutfortbientre(etestprobablement)fermenluimme

    etcependantsansfrontires,etdeuxvnementspeuventseproduiredetellesortequelun

    quelconque dentre eux puisse tre regard comme prcdant lautre (ce qui reprsente

    laspectdenouveautleplustonnantdelathoriedelarelativitrestreintedEinstein).60

    Laconditionduneconnaissanceobjectiveestlapossibilitdefaireledpartentrele

    sujetquiexprimenteetlobjetexpriment. Bohr,influenc parKant,pensaitquecequi

    nousdonnaitlapossibilit deparlerdunobjetetduneralit objectivetaitlesconcepts

    ncessaires:espace,temps,causalitetcontinuit,dontlesquivalentsphysiquestaientles

    conceptsdeposition,detemps,dequantitdemouvementetdnergie.Cesconceptssont

    ainsi conus comme des affinements des prconditions de toute connaissance humaine,

    inscritesdanslesrglesdulangageordinaire.61Uneinterprtationdelamcaniquequantique

    sedoit,pourlcoledeCopenhaguequisopposeencelaSchrdinger,denepasperdrede

    vuequecesontleschosesetlesprocessusdescriptibleslaidedesconceptsclassiques,

    cestdirelerel,quisontlesfondementsdetouteinterprtationphysique.62 Danscette

    perspective, la prsupposition des traits spatiotemporels, substantiels et causaux reste

    indispensable lexpression des rsultats exprimentaux quordonnent les nouvelles

    thories scientifiques.63 Linterprtation doit donc chercher coordonner les diffrents

    aspectsdesphnomnes.

    Mais la difficult de runir dans un mmeobjet un caractre corpusculaire et un

    caractre ondulatoire et le concept ainsi form duncorpusculedungenre particulier

    poussent constamment nos esprits rclamer des informations qui nont videmment

    aucunesignification64 telles queles valeurs prcises desaposition et desaquantit de

    mouvement. Pour Schrdinger, lontologie corpusculaire est inapproprie car elle signale

    lchecdelentreprisedobjectivationdontlarussite,aucontraire,doittremontredansun

    60 ErwinSchrdinger,Physiquequantiqueetreprsentationdumonde,op.cit.,p.68.61 Cf.CopenhagenInterpretationofQuantumMechanics,art.cit.,p.4.62 WernerHeisenberg, Physiqueetphilosophie,AlbinMichel,1971,p.188, in MichelBitbol, Laveuglante

    proximitdurel,op.cit.,p.179.63 MichelBitbol,Laveuglanteproximitdurel,op.cit.,1998,p.149.64 Erwin Schrdinger, What is an elementary particle?, Endeavour, IX, 109116, in Michel Bitbol,

    Mcaniquequantique,op.cit.,p.388.

    29

  • discourscapablederetournerlesobstaclesdeprincipeauxquelsseheurtelaconnaissance

    enautantdelimitesconstitutivesdesobjets.65Lechoixdelontologie,pourSchrdinger,ne

    doit doncpastre guid parunedpendance lontologiedusenscommun, maisparsa

    capacitdintgrerlesconditionsdobjectivation.

    LerenouvellementdugestekantienqueBitbolentreprendncessitedeconsidrerles

    formesaprioridelexpriencedanslaperspectivedelapratiquedesphysiciens.Demanire

    rendre la dmarche kantienne de nouveau apte penser la physique aprs son re

    newtonienne,MichelBitbolconvoqueWittgensteinpourlapportpragmatiquequilprocure.

    Celaseralobjetdudernierchapitre.Ilfaudraauparavanttransiterparuncompterendude

    lancrage deWittgenstein dans le sillage deFregeainsi quepar ltude de la pense de

    Wittgensteinauregarddelaphilosophiekantienne.Disonsdsmaintenant,enreprenantle

    vocabulairewittgensteinien,quelesrglesquiconstituentlesprsuppositionsdelentreprise

    derecherchesontmouvantesetpeuventvarierlorsqueleurusageservleproblmatique.

    Onpourraitsereprsentercertainespropositions,empiriquesdeforme,commesolidifieset

    fonctionnanttelsdesconduitspourlespropositionsempiriquesfluides,nonsolidifies;etque

    cette relation se modifierait avec le temps, des propositions fluides se solidifiant et des

    propositionsdurciesseliqufiant.66

    65 MichelBitbol,Mcaniquequantique,op.cit.,p.390.66 LudwigWittgenstein,Delacertitude(1969),trad.J.Fauve,Gallimard,1976,96.

    30

  • CHAPITREIILAPROPOSITIONANALYTIQUEDEKANTCARNAP

    LatraditiondanslaquelleWittgensteinsinscritestissuedeladiscussionautourdes

    distinctionsaprioriaposteriorietanalytiquesynthtiqueetduconstatkantienquilyades

    jugementssynthtiques apriori.LouvragedeJolleProust, Questionsdeforme,offreune

    perspective sur lvolution de la notion de proposition analytique de Kant Carnap. Le

    rsumquenousprsentonsici,parfoisaugmentdelecturespersonnelles,visemesurerle

    dplacement queBolzano, puisFregeet enfinCarnap, impriment lanalytique qui chez

    Kant,paratavoirlapartdupauvre1.IlpermettraainsidinscrireltudedeWittgenstein

    danslalignedeFregetoutenmontrantcommentilsendistancie,etdesituerlesoutils

    conceptuelswittgensteiniensparrapportcesdistinctionscanoniques.

    1.Kantetlastrilitdelapropositionanalytique

    Critiquer,cestdaborddistinguer.Kantalegrandmritedavoirdistinguentreles

    jugementssynthtiquesetlesjugementsanalytiques.2Lejugementsynthtiqueouextensif

    peuttrededeuxtypes:aposteriori(donnparlexprience)ouapriori(necomprenantrien

    dempirique).Lejugementsynthtiqueestceluiojedoissortirduconceptdonn,pour

    considrer,danslerapportaveclui, quelquechosedetoutautrequecequitaitpensen

    lui.3 Le jugement analytique est celui o le prdicat Bappartient au sujet Acomme

    quelquechosequiestcontenu(demanirecache)dansceconceptA4.Ilnoffreaucun

    accroissementdelaconnaissancepuisquilnefaitquedcomposerleconceptdusujetpar

    analyseensesconceptspartiels,quitaientdjpenss(quoiqueconfusment)enlui5.Son

    intrtnestdoncquedenousrendreplusconscientsdudiverscontenudansleconceptdu

    1 JolleProust,Questionsdeforme,logiqueetpropositionanalytiquedeKantCarnap,Fayard,1986,p.X.2 GottlobFrege,Lesfondementsdelarithmtique,recherchelogicomathmatiquesurleconceptdenombre

    (1884),trad.C.Imbert,Seuil,1969,89,p.101.3 EmmanuelKant,Critiquedelaraisonpure,trad.DelamarreetMarty,Gallimard,1980,A154/B193.4 Ibid.,A6/B10.5 Ibid.,A7/B11.

    31

  • sujet. Sagenseest secondaire puisquavant toute analyse, il doit y avoir unesynthse :

    nousneconnaissonsapriorideschosesquecequenousymettonsnousmmes.6

    Lexplicationdelapossibilitdesjugementssynthtiquesestunetcheolalogique

    gnrale naabsolument rien faire.7 Dansla Critique de laraisonpure, Kant montre

    linsuffisance de cette logique gnrale qui fait abstraction [...] de tout contenu de la

    connaissance,[...]et[...]neconsidrequelaformelogiquedanslerapportdesconnaissances

    entreelles,cestdirelaformedelapenseengnral.8Ellenepermetdedgageraucun

    critre de vrit quant au contenu de la connaissance, prcisment parce quelle en fait

    abstraction.Ellenepeutrendrecomptedeloriginedelaconnaissanceetneconsidreles

    reprsentationsquesouslangledesloisdaprslesquelleslentendementlesemploieen

    rapportlesunesaveclesautres,quandilpense.9Lesprincipesdelalogiquegnralesont

    desjugementsanalytiques.Ainsileprincipedecontradiction:nullechoseneconvientun

    prdicatquilacontredise,[...]estuncritreuniversel,quoiquepurementngatif, detoute

    vrit10, est le principe sur lequel reposent tous les jugements analytiques11, principe

    inviolableduquelnousnepourronsjamais[...]attendreaucunclaircissement12,

    Du point de vue de la logique gnrale, le jugement est la reprsentation dun

    rapportentredeuxconcepts13;ledfautmajeurdecettedfinitiondujugementtantque

    cerapportnestpasicidtermin14.Endautrestermes,lalogiquegnralenepermetpas

    dedistinguerlunitobjectivedereprsentationsdonnesdelunitsubjective15.Ellene

    fait qutablir les rgles formelles de tout usage de lentendement16, elle nest quun

    canon,quuneconditiosinequanondelavrit.Lorsquelleseprtendorganon,ellenest

    plusquunelogiquedelapparence,unedialectique17.

    6 Ibid.,BXVIII.7 Ibid.,A154/B193.8 Ibid.,B79.9 Ibid.,A56/B80.10 Ibid.,A151/B190.11 Cf.EmmanuelKant,Prolgomnestoutemtaphysiquefuturequipourraseprsentercommescience,trad.

    L.Guillermit,Vrin,1993.Ak.IV,267.12 Critiquedelaraisonpure,op.cit.,A152/B191.CestuntelclaircissementquesattacheraFrege,silon

    suit la lecturedeJolle Proust, et cest encelaquelonpeutdire quil chercheende dupouvoirdeconnaissanceaprioritudiparKantlesystmedevritsquilefonde.(Cf.infra)

    13 Ibid.,B140.14 Ibid.,B141.15 Ibid.,B142.16 Ibid.,A133/B172.17 Cf.ibid.,A59/B84etA61/B85.

    32

  • La logique transcendantale, quant elle, isole lentendement, comme lesthtique

    transcendantaleisolaitlasensibilitpourenexposerlesformespuresetapriori.Elletudie

    les actes de la pense pure, qui ne doivent rien lintuition (pure ou empirique);

    autrementdit,cestunescienceducontenutranscendantaldelentendement,unesciencede

    lentendementpuretdelaconnaissancerationnelleparlaquellenouspensonsdesobjetstout

    fait a priori [], qui dterminerait lorigine, ltendue et la valeur objective de telles

    connaissances[]18.Seulelalogiquetranscendantale,parcequelleprendenconsidration

    le contenu des jugements, peut produire lopposition entre analytique et synthtique. La

    distinction est fondamentale pour Kant car elle conditionne la question qui loccupe :

    commentdesjugementssynthtiquesapriorisontilspossibles?19Ladistinctionentretient

    doncunrapporttroitaveclidedunfondementaprioridelaconnaissance,carcestsurles

    jugementssynthtiques apriori quereposelavisefinaleentire denotreconnaissance

    spculativeapriori20.

    Chez Leibniz, le canon du vrai est le principe dinhrence du prdicat au sujet.

    Linclusionduprdicatdanslesujetcaractrisetoutepropositionvraie,mmesi,danslecas

    des propositions de fait, la constatation de cette inclusion nest pas notre porte.

    Lexpositiondelavritestuncalculquisubstituedesdfinitionsauxdfinisenmaintenant

    uncontenuidentique.KantcritiqueLeibniz,quinusequedunepensedentendementne

    faisantquunusagediscursifdelaraison,etquimanqueainsisonusageintuitif.Rflchirsur

    unconceptdemanirediscursiveestvain,cestnemmepasfaireunseulpasaudeldela

    simpledfinition21.Lecaractredogmatiquedelamtaphysiqueleibniziennersidedansla

    ncessit, pour trouver un fondement la connaissance, de faire appel la fiction dun

    entendementdivincapablederduireanalytiquementlesvritsdefait22.Cestainsiquela

    raisonoutrepassesesdroits,enignorantsonusageintuitifetdel,seslimites.Toutesnos

    connaissancesserapportentendfinitivedesintuitionspossibles,carcestparellesseules

    quunobjetestdonn.23 Lediscursifnepeutmenerquuneclarificationdesdfinitions

    maisnapporteaucuncontenuausavoir.Sanslintuition,lejugementnestquunsymbole

    18 Ibid.,A57/B81.19 Ibid.,B19.20 Ibid.,A9/B13.21 Ibid.,A719/B747.22 Cf.JolleProust,Questionsdeforme,op.cit.23 Critiquedelaraisonpure,op.cit.,A719/B747.

    33

  • formeletvide.Analysernepermetquedeprendreplusnettementconsciencedunecontenu

    depense.Maislecontenunepeuttreapportqueparlintuition.Lalogiquegnraleest

    avecKantdsormaissoumiselalogiquetranscendantale.

    2.LemouvementprcritiquedeBolzano

    PourKant,cesttoujourssurfonddunactedejugementquelevraiservleetse

    produit.Bolzanorevientuneconceptionprcritiqueduvrai:levraiprexisteaujugement,il

    rsidedanslacorrespondanceentreunepropositionetuntat dechose.24 Laquestiondu

    fondement de la connaissance est poseavant toute opration de lentendement. Bolzano

    dplace le sige des conditions de possibilit de la connaissance du sujet transcendantal

    kantienversunpleobjet, lEnsoi.25 Cetensembleobjectif maissansexistencerelle de

    propositionsetdereprsentationsquifondelaconnaissanceconstituelesoloriginairesans

    lequel il ny aurait pas de propositions penses26. Au sens propre donc, proposition

    signifie proposition ensoi. Laproposition ensoi bolzanienne est dj trs prochedu

    Gedankefrgen:sonautonomievisvisdeceluiquipenseetquiparleassurecelledela

    logiquelgarddelapenseetdulangage.LEnsoiestparconsquentcequirendpossible

    lacommunicationhumaine.

    Lanalyticit avait conserv, dans le travail de Bolzano antrieur la

    Wissenschaftslehre (1837),lerlequeKantluiavaitdonn,celuidefairevaloirstriledu

    synthtiqueapriori.Elledevienten1837unepropritremarquabledecertainespropositions

    et unconceptinsparabledelamthodederepragedesobjets logiques, la variation. Le

    caractre le plus remarquable de cette nouvelle conception de lanalyticit est quelle est

    fonde sur la synthticit : une proposition analytique vraie est fonde sur une vrit

    synthtique, plus riche de contenu. Loutil didentification dune vrit analytique est la

    substituabilit salvaveritate :siunecomposantedunepropositionpeuttrevariesansen

    24 Cf.JolleProust,Questionsdeforme,op.cit.,p.10025 SilapprochetranscendantaleestmaintenueparBolzanoentantquilcherchelesconditionsdepossibilitde

    lascienceconstitue,illuiretirelarrireplancritique:cestlontotranscendantalismedogmatiqueparlequel Proust dsigne cette problmatique philosophique qui consiste placer dans lexistenceindpendantedessencesetdevisesdessence(sens)lesconditionsdepossibilitduneconnaissanceparunsujet.(Ibid.,p.263)

    26 Cf.Ibid.,p.82.

    34

  • modifierlavritoulafausset,lapropositionestanalytique.LecoupportparBolzanola

    conceptiondelanalyticitestdroutant;envoicideuxexemples.

    Unevrit arithmtiquetelleque7+2=9peuttretransforme7+(1+1)=(7+1)+1,2

    tantdfinicommelesuccesseurde1,9commelesuccesseurde8et8commelesuccesseur

    de7.27Cetnoncneditrien,ilestanalytiquecaronpeutremplacer, salvaveritate,7,

    1et1suivantlaloidassociativitdeladdition:a+(b+c)=(a+b)+c.Lexpressionde

    la loi dassociativit est, par contre, une proposition synthtique car plus aucun de ses

    lments ne peut tre vari. Elle est synthtique parce quelle apporte un surcrot

    dinformation:elleditquelquechosedeladdition.Unepropositionanalytiquenestjamais

    quuneinstancedunepropositionsynthtiquegnrale.

    VoiciunsecondexempledepropositionanalytiqueselonBolzano28:

    Si a2

    2=b ,alors a=2b

    Lacomposantesubstituablesalvaveritatedanscettepropositionest2,etcestlaprsencede

    cette composante substituable qui permet didentifier la proposition analytique (vraie en

    loccurrence).Lapropositionalgbriquegnralise: Si a2

    c=b ,alors a=cb o

    lonaremplaclacomposantevariable2parcnestplusunepropositionanalytique

    carellenecontientplusdecomposantesubstituable, cincluanttouteslessubstitutions

    possibles.Lapropositiongnraleestunepropositionsynthtique.Profitonsdecetexemple

    pourillustrerquunepropositionanalytiquepeuttoutautanttrefausse.Soitlaproposition:

    Sia2=b ,alors a=2b .Lasubstitutiondelacomposante2nefaitpasvarierla

    faussetdelaproposition.Cestunepropositionanalytiquefausse.

    Ainsi, pour Bolzano, Un clibataire est un homme nonmari serait une

    propositionidentiquesanscontenudeconnaissancepropre,unesimpleinstancedelavrit

    synthtique:ToutAquiab,ab.29

    27 Exemple repris de Bruno Leclercq, Les fondements phnomnologiques de la rationalit logicomathmatiques,paratre,p.6.

    28 ExemplereprisparProust,op.cit.,p.12729 Cf.JolleProust,Questionsdeforme,op.cit.,p.163.

    35

  • QuellienpeutonencoretablirentreKantetBolzano,auvudeladistorsionimpose

    parceluiciauxnotionsdanalyticitetdesynthticit?Lesvritssynthtiquesgnraleset

    fondamentales,dutypedecellesprsentescidessus,peuventellestrecomprisescomme

    despropositionssynthtiquesapriori?Laquestionneseposepas,pourBolzano,entermes

    dantrioritoudeposterioritlexprience30.Commentonenestarrivuneproposition

    importepeu,leproblmedurapportlexprienceestrenvoylapsychologie.Ilsubstitue

    la distinction entre a priori et a posteriori, une distinction portant sur les ides en soi,

    indpendantesdetoutsujetpensant.Uneideoureprsentation(ensoi)est conceptuelleou

    elle est intuitive. Si sa comprhension est simple et son extension singulire, cest une

    reprsentationintuitive;danstouslesautrescas,cestunconcept.Ainsi,Dieuetpoint

    sont des concepts, lun parce quesa comprhensionest complexe, lautre parce queson

    extension est multiple. Cette distinction entre concept et intuition (qui ne sont pas des

    reprsentationsmentales)permetdedfinirlapropositionconceptuelle(etparconsquentles

    propositions de la logique) : uneproposition est conceptuelle si elle necontient quedes

    concepts.Parcettequestion,onmesureladistancequilyaentreKantetBolzano,distance

    priseparleretourunepositiondogmatique.

    Enunsenstoutefois,BolzanopeuttrerapprochdeKant,pourquilanalyticittait

    secondairecardpourvuedecontenu.Bolzanoeneffet, toutenoctroyant laproposition

    analytiqueuncontenu,lasecondarise:ellenefaitquhriter lecontenudelaproposition

    synthtiqueplusgnralequilafonde.Lanalyticitleibniziennetaittriomphante:clde

    toute rationalit et terme de toute dmonstration. Celle de Kant tait enferme dans la

    rptition formelle de la pense dentendement. Celle de Bolzano est la modeste et

    besogneusemessagredesvritsplushautes.31

    3.Leconceptcommefonction

    FregegardedeBolzanolidedunrgnedevritsindpendantesetsinscritainsi

    30 CfBrunoLeclercq,Lesfondementsphnomnologiquesdelarationalitlogicomathmatiques, op.cit.,p.61.

    31 JolleProust,Questionsdeforme,op.cit.,p.178

    36

  • dans le mouvement prcritique dans lequel stait dj engag son prdcesseur. Les

    Fondements de larithmtique sont les lois logiques gnrales32 : la connaissance est

    reconnaissancedunordredevritsprdonnes.AvecFrege,lalogiquegnralereprendce

    que Kant avait donn la logique transcendantale : un contenu, et lanalyticit devient

    constructive. Lidographiefrgenne(lcritureconceptuelle) vise rendrecomptedece

    contenu. Ce langagerform transformeles raisonnements encalculs et lintuition enest

    bannie:cestleprojetleibnizienquiestrepris.

    LesFondementsdelarithmtique

    LanalyticitestaucurduprojetlogicistedeFregedefonderlarithmtiquesurla

    logique.Maislesdfinitionsdanalyticit,desynthticit,daprioricitetdaposterioricitse

    voientdenouveaumodifies.SiBolzanoabandonnaitladistinctionaprioriaposteriorila

    psychologie, Fregelareprend. Ladistinctionentrepropositions apriori etpropositions a

    posteriori recouvrechezFregeladistinctionentrepropositionsrductiblesetirrductibles

    desloisgnrales33.Lespropositionsaposteriorinepeuventtrecompltementrduitesdes

    loisgnrales:Pourquunevritsoitaposteriori,ilfautquelapreuvenepuisseaboutir

    sansfaireappeldespropositionsdefait,cestdiredesvritsindmontrableset sans

    gnralit, desnoncsportantsurdesobjetsdtermins.34Ladfinitiondelaprioricit

    estlacontraposedelaprcdente:Siaucontrairelontirelapreuvedeloisgnralesqui

    ellesmmesneseprtentpasunepreuveninenrequirent,lavritestapriori.35Dans

    le champ des propositions a priori, Frege introduit la distinction analytiquesynthtique

    commesuit : Silonnerencontresursoncheminquedesloislogiquesgnralesetdes

    dfinitions, onaunevrit analytiquetantentenduqueloninclutdanscecompteles

    propositionsquiassurentlebonusagedunedfinition.Enrevanche,silnestpaspossiblede

    32 LesFondementsdelarithmtique,op.cit.,Introduction,p.IV.Jesouligne.33 Jolle Proust distingueentre propositiondmontrable et indmontrable. Jai prfr employer le couple

    rductibleirrductiblepourviterlaconfusionquepeutgnrerlepremier,quandonlitletextedeFrege.Eneffet,lesvritsaposterioripeuventaussitreprouves,maisdansleurcaslapreuvenesecontentepasdesappuyersurdesloisgnralesquineseprtentpasunepreuveninenrequiert(Cf.LesFondements delarithmtique,op.cit.,3,p.4).

    34 Ibid.,3,p.4.35 Ibid.

    37

  • produireunepreuvesansutiliserdespropositionsquinesontpasdelogiquegnrale,mais

    concernentundomaineparticulier,lapropositionestsynthtique.36

    Lespropositionsanalytiquesdoiventtredrivablesdaxiomesgnrauxquisoient

    des propositions de logique gnrale et non des axiomes concernant un domaine

    particulier37, ce qui serait le cas de propositions synthtiques a priori. La distinction

    synthtiqueanalytiquereposevisiblementsurladistinctionentredeuxtypesdegnralits,

    lune sur unegnralit relative38, interne undomaine, et lautre sur unegnralit

    absolue,cesvritsvalantcommeconditionsuniversellesdelapenseengnral39.

    Lesvritsdelapremireespcesontbientranscendantalespuisquellesconditionnent,dans

    lecasdelagomtrie,lapensedunobjetdanslespace,maisellessontdterminesparceci

    quellenergissentqueledomainedecequiestobjetdintuitionspatiale40;ellesnesont

    pas des conditions de la pense en gnral. Frege admet donc avec Kant41 la nature

    synthtique apriori despropositionsgomtriques42.Enbref,lespropositionsquivalent

    pourlaralitphysiqueoupsychologique43sontempiriques,cestdireaposteriori,tandis

    quelespropositionsapriorisontsoitsynthtiques,etdanscecasellessontrductiblesdes

    axiomesdundomaineparticulier, soitanalytiques, auquelcasellessontrductibles des

    vritslogiques,quisontdonnesparlvidenceetnontpastreprouves.

    Pourprvenirtoutcontresens,ilfautprciserque,pourFrege,lappellvidence

    nestdaucunsecours:tenirpourvraieslesloisfondamentalesdelalogiquenenousassure

    en rien quelles sont vraies44. Frege ne garde que la valeur de symptme que lvidence

    36 Ibid.37 JolleProust,Questionsdeforme,op.cit.,p.24438 Ibid.,p.24539 Ibid.40 LesFondementsdelarithmtique,op.cit.,14,p.20.41 Il faut toutefois prciser, et cest vident dans les citations du 3 des Fondements cidessus, que les

    dfinitionsdanalytique, desynthtique, dapriori etdaposterioriontt modifies parFrege.IlfautladmettrecontreFregeluimmequiassuredanslemmetextenepascherchermodifierlesensdecesexpressions,etaffirmeviserprcismentcequedautresauteurs,Kantenparticulier, ontvouludireparl.(Ibid.,3,note1,p.4)

    42 Enqualifiantlesvritsgomtriquesdesynthtiquesetapriori,[Kant]advoilleurvritablenature.(Ibid.,89,pp.101102)Ilsagitbienentendudesvritsde laseulegomtrie euclidienne.Lapenseconceptuellepeutsenaffranchirdunecertainemanire,lorsquelleposeparexempleunespacequatredimensionsoucourburepositive.Detellesconsidrationsnesontnullementdpourvuesdusage,maisonaquittlesoldelintuition.(Ibid.,14,p.20)

    43 Ibid..44 cesujet,Wittgensteincritdansle Tractatus quilestremarquablequunpenseuraussirigoureuxque

    Frege ait fait appel au degr dvidence commecritre de la proposition logique. (Tractatus logicophilosophicus(1922),trad.G.G.Granger,Gallimard,1993,6.1271)Cetteremarquepremptoiredvoilede

    38

  • possde.Lejugementnepeuteneffetrendrecomptedecequifait dunepropositionun

    axiome puisque la loi est condition de possibilit du tenirpourvrai, du penser et de la

    dduction, et par consquent du jugement luimme. Frege doit donc poser les axiomes

    commeindmontrables:danslecasdesloislogiques,ilssontcequiconstituelidemmede

    dmonstration.Laparticularitdelalogiqueetdesesaxiomes,parrapportauxaxiomesdes

    sciencesparticulires,estdouble45.Premirement,lalogiqueestnormative,elleprescritcequi

    estncessairepourpouvoirpenseralorsquelesautressciencesconoiventlarglecomme

    rgularit. Les axiomes logiques sont conditions de possibilit et normes de la pense.

    Deuximement,lobjetspcifiquedelalogiqueestlevrai.Pourcequiconcernelesaxiomes

    des sciences particulires, Frege les considre comme les vrits indcomposables

    constitutivesdunobjetdesciencedtermin46.

    Unlangageformulairedelapensepure

    La rforme du langage que Frege entend mener se fonde sur le constat dun

    fourvoiement de la part des logiciens. Ils ont t tromps par lapparence tripartite de la

    proposition, dcompose traditionnellement en un sujet, une copule et un prdicat. La

    grammaire des langues naturelles masque la vritable structure logique de lnonc. Les

    logiciens traditionnels nont pas vu que les structures qui soustendent les noncs de la

    langueordinairesontlesmmesquecelles,plusvisibles,desquationsetdesexpressions

    mathmatiques:lapropositionestenralitbipartite.Larticulationlogiquefondamentalede

    toute proposition est celle dune fonction (un concept) et dun argument (un objet). Un

    conceptestunefonctionquiprendpourargumentslesobjets dumonde.Ainsisature,la

    fonctionsevoitattribueunevaleurdevritpourchaqueobjetdumonde.Lextensiondun

    concept est formede tous lesarguments pour lesquels la proposition dnote le vrai. Le

    tableau suivant, tabli par Frege47, rassemble les lments qui doivent guider la

    lapartdeWittgensteinunecertainetendancecaricaturerlespositionsdesesprdcesseurs,quandillesnomme.

    45 Cf.Proust,p.25246 Proust,p.24847 DansunelettreHusserldu24mai1891,inProust,p.196.Ilestremarquerquelestermesconceptuels

    nont pas pourdnotationuneextensionmais unconcept. Le termeconceptuel possdeunsenset une

    39

  • Begriffsschrift. Silesformulessontbiencrites, lesnomspropresetlesconceptsontune

    dnotation et les propositions ainsi construites livrent ltat duvrai : lanalyticit devient

    fconde.

    Proposition Nompropre Termeconceptuel

    Sensdelaproposition(Pense)

    Sensdunompropre Sensduconcept

    Dnotationdelaproposition(valeurdevrit)

    Dnotationdunompropre(objet)

    Dnotationduconcept(concept)

    objetquitombesousleconcept

    Lefondement de tout ldifice deFrege, condition depossibilit de toute la drivation

    smantique subsquente48 est le postulat selon lequel les noms de valeurs de vrit

    dnotentquelquechose,cestdirelevraietlefaux.49Levrainepeutdoncpastreniune

    conventionniunrsultat.Lesaxiomesdelalogiquesontnoncontradictoiresparcequilsont

    vrais.

    RsumonslesrapportsdeFregeavecsesprdcesseurs,enloccurrenceBolzanoet

    Kant. Frege cherche montrer que larithmtique est fonde sur des vrits logiques

    fondamentalesquisedveloppent.Ilnefautpascomprendrecesaxiomesdedpartcommeun

    ensemble dhypothses arbitraires mais comme un corps primitif des propositions

    absolumentvraies50.Ilslguentausystmeleurvrit,enladiffusantauxpropositionsqui

    en sont dductibles. Les axiomes sont pralables lanalyticit. Lanalyticit est donc

    secondairepourFregecommepourBolzano.AvecBolzanoetcontreKant,Fregereconnat

    uncontenulalogique(gnrale danslaterminologiekantienne).Ellenestpaspurement

    formelle:ilyadespierresdefondation,lesobjetslogiques,rsidusdesoprationsde

    substitution,tellesquelevraietlesconnecteursvrifonctionnels,quiassurentlafcondit

    retrouve de lanalytique. Pour ce faire, il opre le mme dplacement que Bolzano :

    lentendement kantien produisait les catgories, lentendement frgenest produit par les

    penses objectives. Comme Bolzano, Frege dplace les conditions de possibilit de la

    dnotationentantquinsatur.Ilnestpasncessairequedesobjetstombentsouslui.48 JolleProust,Questionsdeforme,op.cit.,p.21049 GottlobFrege,GrundgesetzederArithmetik,Begriffsschriftlichabgeleitet,I,31,48inibid.,p.21050 JolleProust,Questionsdeforme,op.cit.,p.241.

    40

  • connaissancedusujetconnaissantlobjetconnu.Cedplacementpeuttreconsidrcomme

    un mouvement dogmatique51. Le penser dpend de lexistence dun monde objectif et

    indpendantdeGedankenetdednotations.LesujetrationnelestleffetdecetordreduVrai,

    distinctdu tenirpourvrai.Laconnaissanceestunereconnaissanceduvrai. Ladiffrence

    entreBolzanoetFregersidedanslesmoyensdaccdercettereconnaissance:lepremier

    parlalangueordinaire,lesecondparlebiaisduneidographiecommeinstrumentsuprieur

    aulangage.52

    LadettedeFregeenversKantrsidedanslefaitdeposerlaquestiondusavoiren

    termesdeconditionsdepossibilit, danslarecherchedefonderlalgitimit delascience

    constitue. Fregechercheende dupouvoirdeconnaissance apriori tudi parKantle

    systmedevritsquilefonde.Fregemodifieainsilesensdeconditionsdepossibilit,quine

    peuventplustreconuescommedesformesetdesconceptspursdunsujettranscendantal:

    ilyaunescience,lalogique,quiestrigoureuseetfconde,ilfautdoncquellereposesurla

    nature indpendante du vrai qui est lorigine de lesprit humain luimme comme

    raison.53Sansledomaineorganisqueconstituentlesvritsfondamentales,ilnyaurait

    pas de pense. Ceci illustre nouveau le renversement ontotranscendantal de la

    perspectivetranscendantalekantienne,quiconsisteposerlesconditionsdepossibilitdela

    connaissancedansunrgneobjectifdevritsuniverselles,valantcommerfrentielabsolu

    et constituant unrservoir depensesdavancedtermines et soustraites audevenir.

    Lanalytiqueretrouveainsiunpouvoirdextensiondelaconnaissance. Lapriori frgen

    sest affranchi de tout rapport au sujet. Le sujet devient produit dun apriori originaire

    indpendantdetoutprocessusdeconnaissance.54 Cenestpluslafacult deconnatrequi

    tablitlobjectivitduconnu.Larationalitnestpluscelledusujetmaiscelledelachose

    51 Le dplacement provient, me sembletil, de ceci: Frege considre que les fondements ultimes de laconnaissancesontlessoubassementsdesvritsarithmtiques.PourKant,lespropositionsdelarithmtiquesont des propositions synthtiques a priori. Dans cette perspective, les fondements ultimes de la connaissancedoiventsetrouverdansunsujettranscendantalquioprelasynthse.MaisFregerefuseKantlideduneintuitionpure, laquelleil fautfaireappelpourdciderquelesloisdelarithmtiquesontsynthtiquesapriori(cf.LesFondementsdelarithmtique,op.cit.,11,p.18).RiennempcheplusalorsFregededplacer les fondements derniers de la connaissance vers unmondeobjectif. Cest l le gesteontotranscendantal de Frege au sujet duquel on est en droit de se demander en quoi il est encore transcendantal.

    52 Cf.JolleProust,Questionsdeforme,op.cit.,pp.25425553 Ibid.,p.256.54 Cf.Ibid.,p.262

    41

  • mme55.

    4.Carnap:lesommetdulogicisme

    Dans Der logische Aufbau der Welt (1928), Carnap reprend lattaque contre les

    jugements synthtiques a priori entame par Frege sur le terrain de larithmtique et

    prolongeparRussellsurceluidelagomtrie,poursenprendrelensembledessciences.

    Ilsagitdedmontrerquelesconceptsempiriquesdessciencessontdrivablesdedonnes

    dobservationpardesconstructions logiques. Lespropositionssynthtiques apriori nont

    plusaucuneutilitnisignification,puisquetoutestdrivabledeloislogiquesfondamentales

    etdedonnesempiriques.Ilsagiradedmarquerclairementcequidanslascienceestdu

    ressortdelalogiqueetcequiestduressortdelempirique.Lasyntaxedoitpouvoirrendre

    compte de tout langage, elle nest pasautre choseque la mathmatiquedes formesdu

    langage.56Lelogicismeatteintsontpointculminant.

    Tout nonc pourvu de sens est soit analytique et a priori, soit empirique et a

    posteriori.LesquestionsmtaphysiquesserduisentpourCarnapdesquestionsdelangage.

    Les questions dexistence sont soit des questions scientifiques, questions internes une

    sciencequipeuventrecevoirunerponsedanscecadre,soitdesquestionsdeconventions

    linguistiques,questionsexternesquiportentsurlecadreetlacommoditdyemployertelle

    ou telle entit. Avec le Cercle deVienne, la logique tient dsormais toutes les fonctions

    assumes auparavant par le transcendantal : la distinction analytiquesynthtique concide

    maintenant compltement avec la distinction a priori/a posteriori. La fonction

    architectoniqueetconstitutivedesformesaprioridelintuitionetdesconceptspurssetrouve

    ainsireprisedefactoparlalogique.57.Maiscenestplustoutfaitlammeconceptionde

    la logiquequecelle de Bolzanoet Frege: pour Carnap, la logiqueest sans contenu, le

    contenudunepropositionanalytiqueestnul58.Lalogiqueestcoupedetoutfondement

    55 Ibid.56 R.Carnap,Leproblmelogiquedelascience,inActualitsscientifiquesetindustrielles,vol.291,Paris,

    Hermann,1935,p.15.57 JolleProust,Questionsdeforme,op.cit.,p.274.58 RudolphCarnap,Leproblmelogiquedelascience,inActualitsscientifiquesetindustrielles,vol.291,

    Paris,Hermann,1935,p.14.

    42

  • ontologique,ellenestquinstitutionconventionnelledesignes:Lalogique(mathmatique

    comprise) ne consiste que dans des conventions qui rgissent lusage des signes et en

    tautologies sur la base de ces conventions.59 Carnap rejette du mme coup la thse

    transcendantale qui plaait dans le sujet transcendantal les conditions depossibilit de la

    connaissanceetcellequalifieparProustdontotranscendantale,celledeBolzanoetFrege

    qui les plaaient dans un rgne indpendant designifications. ChezCarnapcommechez

    Frege,lapossibilitdelaccordintersubjectifrsidedansluniversalitdesrapportsformels

    quiorganisentlescontenusdelascience,puisquelabaseempirique,lexprienceprivedela

    sensationestpardfinitionincapabledenfournirlesupport.60Cesontlesrelationsquisont

    publiquesetnonlestermes.IcialieuledplacementparrapportFrege:cestlelangage

    commun, et nonunrgneobjectif et indpendant, qui soutient luniversalit des rapports

    formels:lalogiqueestlacise61etsavritnereposequesursaforme.

    AvecCarnap,luniversalitduvrai(lesvritsensoipourBolzano,lesloislogiques

    pourFrege)estremplac parluniversalit desrglesdelasyntaxe.Lalogiqueformelle

    assure dsormais, silencieusement, la fonction transcendantale, au sens o elle fournit la

    conditiongnrale apriori quirendpossibleunlangagedelascienceengnral.62La

    syntaxe expose les conditions depossibilit des sciences. Ladmarchereste aufond, dit

    Proust,comparablecelledeKantausensoilsagitdepartirdessciencesconstitueset

    denidentifierlesconditionsdepossibilit.Ilsagitdemettreaujourlesfondementsdela

    rationalitetleslimitesdelaconnaissance.CommeBolzanoetFrege,Carnapdissociecet

    examen du pouvoir subjectif de connatre. Il y a un medium objectif que le connatre

    supposedj63,etcemedium,avecCarnap,prendsafonctionaucurdulangage.

    Pour Bolzano, on la vu, le vrai a un contenu : ce sont les vrits synthtiques

    gnrales qui fondent lesvrits analytiques, cellesci tant des instances decellesl. La

    59 RudolphCarnap,DerlogischeAufbauderWelt,107,150inJolleProust,Questionsdeforme,op.cit.,p.275.

    60 Cf.JolleProust,Questionsdeforme,op.cit.,pp.296297.61 Ibid.,p.268.62 Ibid.,p.407.63 Ibid.,p.408.

    43

  • propositionanalytiqueauncontenuquelleempruntelapropositionsynthtiquegnrale

    quiluicorrespond.PourFregeaussi,lapropositionanalytiquehritesoncontenuetsavrit

    duncorpsdobjetslogiquesfondateur.PourCarnapaucontraire,lerlefondateuresttenu

    pardesrglesstrictementformellesetdpourvuesdecontenu,rglesquisemontrentdansles

    expressionslinguistiquesetquisontlesconditionsdepossibilitdelarationalit.Lalogique

    delasciencedlimitelepensable.

    Nous avons pu constater le renversement du geste kantien, le dplacement des

    conditionsdepossibilitdelaconnaissanceverslepleobjet,dansunrgnedepropositions

    en soi pour Bolzano et Frege, au cur du langage pour Frege. De Kant Carnap, la

    proposition synthtique a priori est vince. Toute proposition pourvue de sens est

    maintenant,pourCarnap,drivabledesloislogiquesetdesdonnesempiriquesauxquelles

    elles sont appliques. La logique, dpourvue en ellemme de contenu, est telle une

    machinerie que lon couple aux donnes des sens pour former des propositions dont la

    rectitudelogiqueestainsiassure.

    44

  • CHAPITREIIILEPREMIERWITTGENSTEIN

    Ce chapitre introduira le Tractatus logicophilosophicus, ouvrage dans lequel la

    logiquetientlerlecentraletoleprojetdeFregeest, mutatismutandis, reconduit.Nous

    verrons comment, en mme temps quil sinscrit dans la suite du travail de Frege,

    Wittgensteinsendmarque(cequiinfluenceraletravaildeCarnap)maisgalementquela

    pense de Wittgenstein ne pourra tre telle quelle associe au Cercle de Vienne. Nous

    suivronsensuitesonvolutionpourtenterdtablir,danslequatrimechapitre,cequipeutle

    rapprocher de Kant. Le fil conducteur de cette tude est tiss des deux distinctions :

    analytiquesynthtiqueetaprioriaposteriori.Cependant,afindepntrerplusavantdansla

    pense de Wittgenstein, il faudra sen carter frquemment. Les louvoiements seront

    invitablesetinstructifscarWittgensteinremetsanscessesonouvragesurlemtieretpose

    sur ses affirmations antrieures unconstant questionnement qui le conduira notamment

    renoncerauprojetillusoireduTractatus.

    1.LalogiquedansleTractatus

    Dans la pensedecelui quil est convenudappeler le premier Wittgenstein, trois

    espacesontlammestructure:lemonde,lapenserationnelledumondeetlelangage,dont

    les lments simples sont respectivement les faits, la proposition (Gedanke pense

    propositionnelle)etlnoncpropositionnel.Lemondeestlensembledesfaits.Lapenseest

    limage(Bild)logiquedesfaits.Limage,dontlastructure,cestdirelinterdpendancedes

    lmentsquilacomposent,estlammequecelledumonde,estcommeunerglegradue

    applique la ralit1. Il y a entre limageet la ralit uneformecommunequiest la

    possibilitdelastructure,cequelimageaencommunaveclaralitpourlareprsenter,

    cestdiresaformedereprsentation.Maissaformedereprsentation,limagenepeutla

    reprsenter;ellelamontre.2

    1 Tractatuslogicophilosophicus,op.cit.,2.1512.2 Ibid.,2.172.

    45

  • Lapropositionestuneimagedelaralit.Laformelogiqueestcequiestcommunla

    ralit etlaproposition,etcequirendpossibletoutepropositionsurlaralit. Maisles

    propositionsncessairesquesontlespropositionsdelalogiquenepeuventriendiresurle

    mondecarcequi sexprime dansla langue, nous nepouvonsparelle lexprimer3. La

    logiquetient lieu dapriori ; soncaractre apriori tient limpossibilit derienpenser

    dillogique4.Lespropositionsdelalogiquesontdestautologies.5Lestautologiesnontpas

    deconditionsdevrit6etencesens,ellesnesontproprementparlernivraiesnifausses

    car,pourWittgenstein,lespropositionsdontonpeutdirequellessontvraiessontcelles

    proposdesquellesonpeutsimaginerlecontraire,cellesquifigurentunesituationpossible.

    Lestautologiesnentretiennentaucunerelationdefigurationaveclaralit.7 Ellesnen

    figurent que lchafaudage. Leur connexion au monde rside dans le fait quelles

    prsupposentquelesnomsontunesignification(Bedeutung)etlespropositionslmentaires

    unsens(Sinn).8 Lepointdcisifausujetdespropositionslogiquesestquequelque

    choseproposdumondedoitnoustreindiquparlacirconstancequecertainesconnexions

    desymbolesquiontparessenceuncaractredterminsoientdestautologies.9

    Uneproposition que lonne peut concevoir commefaussenest pas un jugement

    strictosensu.Lespropositionsdelalogiquenedisentdoncrien.(Cesontlespropositions

    analytiques.)10Ellessontlesseulespropositionsncessaireset apriori.Lestautologiesne

    disentriensurlemondemaisellesmontrentlesprincipesdelarationalit.Etcestencelaque

    la logiqueest unescience tout fait diffrente de toutes les autres qui, elles, parlent du

    monde. Que les propositions de la logique soient des tautologies montre les proprits

    formelleslogiquesdelalangue,dumonde.11Lecouplediremontrersarticuledansle

    Tractatusladiffrencedestatutlogiquequilyaentrelespropositionsempiriquesetles

    propositionsdelalogique12.Cellescinexprimentaucunepense,ellessontlesconditionsde

    3 Ibid.,4.121.Voiraussi4.12:Pourpouvoirfigurerlaformelogique,ilfaudraitquenouspuissions,aveclaproposition,nousplacerendehorsdelalogique,cestdireendehorsdumonde.

    4 Cf.ibid.5.4731.5 Ibid.,6.1.6 Cf.ibid.,4.461.7 Cf.ibid.,4.462.8 Ibid.,6.124.9 Ibid.,6.124.Jesouligne.10 Ibid., 6.11. Nous reviendrons sur cette caractrisation, commecelle de la proposition 6.13, au chapitre

    suivant.11 Ibid.,6.12.12 Ilserviraaussidepointdappuilextensiondelalogiquelagrammaire:Ladiffrenceentredireet

    46

  • possibilitdedirequelquechosesurlemondeetconstituentlatramesurlaquellepourront

    tredessineslesreprsentationsdumonde.Lalogiqueesttranscendantale.13cestade,

    seuleslespropositionsdelalogiquefonctionnentcommedesrgles14.

    2.AccordsetdsaccordsavecFrege

    LaphilosophiecommethrapeutiqueLasyntaxelogique

    Le Tractatuslogicophilosophicus sinscritclairementdanslalignedeFregeetde

    Russell.Ilenreprendlidequelalogiqueconstituelecadredetoutepenseetcelleselon

    laquelle ilestpossibledanalysercompltementtoutepropositionafindeluiassignerune

    valeurdevrit.cettefin,ilsagiradedbarrasserlaphilosophiedesconfusionsdontelle

    estpleineetquinaissentdunemauvaisecomprhensiondelastructuredelalangueusuelle.

    Lunedecesconfusionsest,parexemple,cellequiestgnreparlemploidumotest,

    apparaissanttanttcommecopule,tanttcommesignedgalit,tanttcommeexpressionde

    lexistence. Le problmeest ici quunmmesigne (le mot est en tant quinscription

    perceptible)appartientdessymbolesdiffrents(lesymboletantlesigneentantquilest

    projetsurlaralit)etquelemotdnotedeplusieursmanires.Ilgnreainsidessymboles

    diffrents, et la confusion vient de ce quil est employ dans la proposition de la mme

    manire.15 Lexamen de la signification du mot ist rvle la possibilit dune langue

    symboliquequi met envidencela diffrenceentre DieRodeist rot,o ist peuttre

    remplacpar,et2mal2ist4quiquivaut2mal2=4.16

    montrerestladiffrenceentrecequelelangageexprimeetcequirsidedanslagrammaire.(S